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N° 1974

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 octobre 2009.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2010 (n° 1946),

TOME VI

OUTRE-MER

PAR M. Didier QUENTIN,

Député.

Voir le numéro : 1967 (annexe 30).

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses aux questionnaires budgétaires devaient parvenir au rapporteur au plus tard le 10 octobre 2009 pour le présent projet de loi de finances.

À cette date, près de 100 % des réponses (contre environ 75 % les années précédentes) étaient parvenues à votre rapporteur qui se félicite que les prescriptions de la loi organique soient enfin pleinement respectées et remercie vivement les services du secrétariat d’État à l’outre-mer.

INTRODUCTION 5

I.– DANS UN CONTEXTE BUDGÉTAIRE PLUS CONTRAINT QUE JAMAIS, DES CRÉDITS EN NETTE AUGMENTATION AU SERVICE D’UNE AMBITION NATIONALE POUR L’OUTRE-MER 10

A.– DES CRÉDITS EN AUGMENTATION DE PLUS DE 6 % SUR UN AN 10

1. La structure du budget de l’outre-mer pour 2010 est fortement influencée par le vote de la LODEOM du 27 mai 2009 10

a) Le soutien au pouvoir d’achat 10

b) Le renforcement de la compétitivité des territoires et des entreprises 11

c) Des mesures en faveur du développement de l’offre de logement 11

d) Le soutien à la continuité territoriale 12

2. Les crédits de la mission outre-mer progressent de plus de 6 % par rapport à 2009 12

a) Les crédits du programme « emploi outre-mer » progressent de 10 % 14

b) Les crédits du programme « conditions de vie outre-mer » progressent de 1 % 16

3. Les crédits de la mission outre-mer ne représentent qu’une faible part de l’effort budgétaire global de l’État en faveur de l’outre-mer 16

B.– L’ACHÈVEMENT DE LA RÉORGANISATION DE L’ADMINISTRATION CENTRALE CHARGÉE DE L’OUTRE-MER 19

1. Une réorganisation qui répond aux critiques exprimées en 2006 par la Cour des Comptes 19

a) La création de la Délégation générale à l’outre-mer, dite « DéGéOM » 20

b) La création d’un Conseil interministériel pour l’outre-mer 21

2. Un premier bilan de cette réorganisation administrative 22

C. UNE NOUVELLE LOGIQUE DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE OUTRE-MER 23

1. Les collectivités ultramarines sont confrontées à des défis spécifiques 23

a) Des contraintes géographiques 23

b) Une dépendance économique 24

2. La logique de compensation des handicaps a fait place à une logique plus ambitieuse de développement endogène des collectivités ultramarines 25

II.– LA POURSUITE DES EFFORTS SOUTENUS ENGAGÉS EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ ET DE MAINTIEN DE L’ORDRE OUTRE-MER 26

A. LA LUTTE DÉTERMINÉE CONTRE L’IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE 27

1. Une approche quantitative de la pression migratoire outre-mer 27

2. Le renforcement et la réorganisation des moyens 28

3. Les accords de coopération internationale 30

a) Les accords de réadmission 30

b) La coopération policière et douanière 31

B. UNE LUTTE SOUTENUE CONTRE LA DÉLINQUANCE 32

1. L’évolution générale de la délinquance 32

a) L’évolution de la délinquance dans les départements d’outre-mer 33

b) L’évolution de la délinquance dans les collectivités d’outre-mer 35

2. L’organisation des forces de l’ordre 37

a) La répartition spatiale des forces de police et de gendarmerie 37

b) La montée en puissance des groupements d’interventions régionaux (GIR) 40

3. De quelques aspects particuliers de la délinquance outre-mer 41

a) La lutte contre les trafics de stupéfiants dans la zone Caraïbes 41

b) La difficile lutte contre l’orpaillage clandestin en Guyane 44

C. LA DIFFICILE ORGANISATION DE LA SÉCURITÉ CIVILE EN POLYNÉSIE FRANÇAISE 47

1. L’imbrication des compétences entre l’État, les communes et le gouvernement polynésien 48

a) La compétence d’attribution de l’État 48

b) Les compétences des communes de Polynésie Française : les centres communaux d’incendie et de secours 48

c) Les compétences du Gouvernement de Polynésie Française 49

2. La question de l’organisation du secours en mer 50

3. Le manque de moyens aériens 50

D. LA LENTE AMÉLIORATION DE LA SITUATION DES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES OUTRE-MER 51

1. La réalisation de programmes immobiliers a permis la réduction du taux moyen d’occupation des établissements, qui demeure cependant encore bien trop élevé 51

2. De nouveaux programmes sont à l’étude 53

III.– LA POURSUITE DE LA MODERNISATION DES INSTITUTIONS DES COLLECTIVITÉS : DES ÉVOLUTIONS DISTINCTES 54

A. LA POURSUITE DU PROCESSUS DE L’ACCORD DE NOUMÉA EN NOUVELLE-CALÉDONIE 56

1. La consolidation progressive d’un statut constitutionnel dérogatoire 56

2. La fixation du calendrier des transferts de compétences 58

B. L’ENGAGEMENT DE MAYOTTE DANS LA VOIE DE LA DÉPARTEMENTALISATION 58

1. La population mahoraise a plébiscité la transformation de Mayotte en DOM 59

2. Un statut déjà proche du droit commun des DOM 59

a) La rénovation du statut de Mayotte en 2007 l’a rapproché du droit commun des DOM 59

b) La préparation à la départementalisation de l’archipel est active 61

3. Des efforts restent à accomplir avant la pleine transformation de Mayotte en DOM 62

a) L’établissement d’un état civil fiable 63

b) La mise en place d’une fonction publique 64

c) L’extinction de l’activité judiciaire des cadis 65

d) La question de la maîtrise de la langue française dans l’enseignement 66

e) La question de la place de la femme dans la société mahoraise 67

C. VERS DES CHANGEMENTS INSTITUTIONNELS DANS LES DOM ? 68

1. Les DOM se sont vus reconnaître un pouvoir normatif accru en 2007 et 2008 69

a) L’octroi par la loi organique du 21 février 2007 de nouveaux pouvoirs normatifs aux départements et régions d’outre-mer 69

b) L’introduction par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de la possibilité pour le pouvoir réglementaire d’habiliter les DOM-ROM à modifier des dispositions de nature réglementaire 71

2. Une évolution institutionnelle en question 71

a) Les résultats des États généraux de l’outre-mer 71

b) Les résolutions adoptées par les congrès des élus guyanais et martiniquais 72

c) L’organisation prochaine de référendums en Guyane et en Martinique 73

EXAMEN EN COMMISSION 74

MESDAMES, MESSIEURS,

La France d’outre-mer, qui offre à notre pays une ouverture incomparable sur le monde, une richesse humaine et écologique ainsi qu’un important potentiel économique et touristique, reste encore d’une manière générale mal connue des médias métropolitains qui ne s’y intéressent trop souvent qu’en cas de catastrophe naturelle ou de crise. Ainsi en a-t-il été des mouvements sociaux ayant secoué les Antilles et à la Réunion à la fin de l’année 2008 et au début de 2009, qui ont placé l’actualité ultramarine sur le devant de la scène médiatique.

Handicapé par sa géographie, marqué par son histoire, l’outre-mer français présente un certain nombre de points communs. Mais ces territoires n’en demeurent pas moins très divers, par leurs populations, par leurs statuts comme par leurs évolutions : alors que le processus de départementalisation de Mayotte est en marche, d’autres territoires revendiquent une plus grande autonomie dans la République.

Le principal défi que doit aujourd’hui relever l’outre-mer français est de nature économique et sociale. Le développement y reste en effet fragile, malgré des financements publics importants.

La persistance des déséquilibres économiques a un effet direct sur les conditions de vie des populations des outre-mer. Le niveau de vie y demeure globalement inférieur à celui de la métropole : le produit intérieur brut par habitant des départements d’outre-mer est ainsi inférieur à 75 % de la moyenne des PIB par habitant de l’Union européenne, (56,8 % pour la Guyane, 60,6 % pour la Réunion, 67,3 % pour la Guadeloupe, 74,9 % pour la Martinique). Cependant, ce niveau de vie demeure très sensiblement supérieur à celui de leur environnement régional, ce qui n’est pas sans impact sur les flux migratoires.

Malgré une amélioration de la situation depuis plusieurs années, le niveau du chômage reste dans les DOM près de trois fois plus élevé que la moyenne nationale : 21,8 % en Guyane, 22 % en Guadeloupe, 22,4 % en Martinique et 24,5 % à la Réunion pour l’année 2008. Cette situation s’explique en partie par le décalage entre une croissance économique forte et une évolution démographique plus rapide encore.

Dans ces conditions, la dégradation du pouvoir d’achat est, pour les populations des outre-mer, un sujet particulièrement sensible : celles-ci pâtissent à la fois de revenus plus bas – le salaire moyen outre-mer est inférieur de près de 10 % pour les emplois les moins qualifiés, qui sont aussi les plus nombreux  – et de prix plus élevés qu’en métropole, parfois jusqu’à 35 %, pour des produits de première nécessité, comme les carburants. La question du pouvoir d’achat a été au cœur des revendications formulées par les différents collectifs constitués outre-mer, lors des mouvements sociaux du début 2009.

Afin de répondre aux revendications les plus urgentes, le Gouvernement, les élus locaux et les partenaires sociaux ont signé des accords de sortie de crise. Des comités de suivi ont été institués dans chaque DOM pour examiner la mise en œuvre des mesures arrêtées – au titre desquelles on peut citer, notamment, le versement d’une prime aux salariés, la mise en place d’un revenu supplémentaire temporaire d’activité, préfigurant le RSA, ou la revalorisation de l’allocation logement. La mise en œuvre des différentes mesures qui concernent l’État a été prise en compte dans la loi pour le développement économique des outre-mer (LODEOM) qui a été adoptée le 27 mai dernier (1).

Au total, l’effort budgétaire de l’État au titre du plan de relance outre-mer a représenté pour 2009 une enveloppe de 275,9 millions d’euros, pour le financement de quelque 170 nouveaux projets.

Mais au-delà des enjeux économiques, les événements récents ont aussi mis en lumière des problèmes plus profonds, de nature socio-culturelle et identitaire.

La complexité des enjeux auxquels est confronté l’outre-mer se mesure à la richesse des conclusions auxquelles ont abouti les États généraux, qui se sont tenus d’avril à septembre derniers pour promouvoir à long terme une association plus grande des citoyens à la définition du développement des collectivités. Les États généraux se sont emparés aussi bien des sujets économiques et sociaux (formation des prix et pouvoir d’achat ; conditions du développement économique endogène ; grands projets structurants ; rénovation du dialogue social ; insertion des territoires ultramarins dans leur environnement régional), mais aussi des sujets institutionnels, socio-politiques et culturels.

C’est sur la base de ces conclusions que seront élaborés un plan de modernisation de l’outre-mer et une redéfinition de ses relations avec la métropole. Leur synthèse doit être très prochainement examinée par le premier Conseil interministériel de l’outre-mer réuni sous la présidence du Président de la République.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2010, les crédits de la mission outre-mer progressent de plus de 6 % cette année malgré un contexte particulièrement contraignant pour les finances publiques, preuve supplémentaire de l’engagement du Gouvernement en faveur des collectivités ultramarines.

L’examen de ces crédits est également l’occasion pour votre rapporteur pour avis de faire le point sur le respect de l’État de droit outre-mer. Il apparaît que, après une hausse l’an dernier, la délinquance outre-mer est repartie à la baisse, avec une réduction de près de 2 % des infractions constatées en 2008 par rapport à 2007. La délinquance dite de « proximité » – cambriolages, vols d’automobiles, vols à la roulotte, destruction et dégradations de biens… –, enregistre quant à elle un recul de près de 4 %, résultat d’une action toujours renforcée des services de police et de gendarmerie. L’immigration est mieux maîtrisée, grâce à des instruments juridiques adaptés et à de nouveaux moyens de détection. Parallèlement, la lutte contre les trafics s’est intensifiée, notamment grâce à l’action des groupements d’intervention régionaux (GIR). S’agissant de la situation des établissements pénitentiaires, votre rapporteur se félicite que l’ouverture d’un nouveau centre de détention à la Réunion et la mise en œuvre des programmes d’extension des capacités d’autres établissements aient permis la réduction du taux global d’occupation des établissements outre-mer, qui reste cependant trop élevé.

Enfin, l’examen du budget de la mission « outre-mer » fournit à votre rapporteur pour avis l’occasion de dresser le bilan des évolutions institutionnelles intervenues en 2009 et d’étudier les perspectives d’évolution à moyen terme. Votre rapporteur s’est ainsi intéressé, dans le prolongement de la mission dont il avait été le rapporteur en 2005, à la prochaine transformation de Mayotte en DOM après le résultat sans appel du référendum organisé sur l’archipel en mars 2009. Il a aussi souhaité faire le point de l’évolution du statut néo-calédonien, marquée par la poursuite des accords de Nouméa. Il s’est également penché sur les perspectives d’évolution institutionnelle de certains DOM après les souhaits exprimés lors des États généraux.

I.– DANS UN CONTEXTE BUDGÉTAIRE PLUS CONTRAINT QUE JAMAIS, DES CRÉDITS EN NETTE AUGMENTATION AU SERVICE D’UNE AMBITION NATIONALE POUR L’OUTRE-MER

A.– DES CRÉDITS EN AUGMENTATION DE PLUS DE 6 % SUR UN AN

1. La structure du budget de l’outre-mer pour 2010 est fortement influencée par le vote de la LODEOM du 27 mai 2009

Répondant aux attentes exprimées lors de la crise sociale qui a affecté la Guadeloupe, la Martinique et la Réunion au début de l’année 2009, la loi pour le développement économique des outre-mer (LODEOM) (2), adoptée le 27 mai dernier apparaît comme une loi fondatrice pour l’outre-mer. Votre rapporteur, qui était également rapporteur pour avis de ce texte (3), a eu l’occasion de saluer les avancées importantes qu’il a permises.

Les principales dispositions de cette loi, qui répondait par ailleurs aux mesures décidées par le conseil de modernisation des politiques publiques du 4 avril 2008, sont organisées autour de quatre grands axes : renforcement du pouvoir d’achat, soutien à l’économie et aux entreprises, développement de l’offre de logements et promotion de la continuité territoriale. Plusieurs fonds, abondés chaque année en loi de finances, ont été instaurés par cette loi.

a) Le soutien au pouvoir d’achat

La question du niveau des prix pratiqués outre-mer a été au cœur des revendications exprimées lors des mouvements sociaux de l’hiver dernier. Prenant la mesure de cet enjeu, le législateur a complété le projet de loi initial par un titre consacré à des mesures en faveur du pouvoir d’achat outre-mer.

En vertu de l’article 1er de la loi, un décret en Conseil d’État doit être pris afin de « réglementer le prix de vente, dans toutes les collectivités territoriales d’outre-mer pour lesquelles l’État a compétence en matière de réglementation des prix, de produits ou de familles de produits de première nécessité qu’il détermine pour chaque collectivité territoriale d’outre-mer en fonction de ses particularités ».

Son article 2 prévoit que les comparaisons de prix avec ceux pratiqués en métropole, établies par les observatoires des prix et des revenus mis en place outre-mer, feront désormais l’objet d’une publication trimestrielle. Son article 3, quant à lui, prévoit qu’un accord régional ou territorial interprofessionnel peut prévoir le versement aux salariés d’un bonus exceptionnel d’un montant maximal de 1 500 euros par an dans les départements et régions d’outre-mer et dans les collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Le montant du bonus peut être modulé en fonction de la taille de l’entreprise, des secteurs d’activité, du salaire, de la qualification, du niveau de classification, de l’ancienneté ou de la durée de présence dans l’entreprise du salarié.

b) Le renforcement de la compétitivité des territoires et des entreprises

Mesure phare de la LODEOM, la création des zones franches d’activité applicables en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique et à La Réunion jusqu’en 2018, doit permettre de renforcer la compétitivité des territoires ultramarins et de favoriser la création d’emplois et l’amélioration du pouvoir d’achat, tout comme les nouvelles modalités d’exonération de charges sociales patronales, plus directement ciblées sur les petits salaires, les très petites entreprises et les entreprises des secteurs prioritaires.

Autre mesure importante contenue dans la LODEOM, la création d’un fonds exceptionnel d’investissement outre-mer dont le montant est fixé chaque année par la loi de finances, a pour objet « d’apporter une aide financière de l’État aux personnes publiques qui réalisent, dans les départements d’outre-mer, dans les collectivités d’outre-mer relevant de l’article 74 de la Constitution ou en Nouvelle-Calédonie, des investissements portant sur des équipements publics collectifs, lorsque ces investissements participent de façon déterminante au développement économique, social, environnemental et énergétique local. »

D’autres dispositions ont été prises pour renforcer la compétitivité de nos territoires ultramarins, telle la création d’une aide visant à abaisser le coût du fret pour les « intrants » et les « extrants » dans les DOM, à Saint-Pierre-et-Miquelon à Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Wallis-et-Futuna ou l’instauration d’une aide à la rénovation des hôtels situés dans les DOM, à Mayotte, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

c) Des mesures en faveur du développement de l’offre de logement

Relève de ce chapitre en premier lieu la réforme du régime de défiscalisation en matière de logement dans les DOM, à Mayotte, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna : cette réforme se traduit par des réductions d’impôt en faveur de certains investissements réalisés outre-mer dans le secteur du logement, la création d’un nouveau dispositif de défiscalisation, inspiré du mécanisme dit du « Girardin industriel » et la création d’une incitation fiscale à l’impôt sur les sociétés à la cession de logements outre-mer dans le cadre d’opérations de location-accession.

Diverses mesures de promotion du logement social ont été également adoptées, telle la possibilité pour les sociétés anonymes d’habitation à loyer modéré d’outre-mer de devenir actionnaires de sociétés immobilières. Les règles juridiques relatives à l’indivision ont en outre été assouplies dans le but de rendre davantage de logements disponibles. (4)

d) Le soutien à la continuité territoriale

La LODEOM a porté création d’un fonds de continuité territoriale en faveur des personnes ayant leur résidence habituelle en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à La Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon ou à Wallis-et-Futuna. Elle précise que les ressources affectées à ce fonds sont fixées chaque année par la loi de finances et ses modalités de fonctionnement fixées par décret. Le fonds finance des aides attribuées sous conditions de ressources, en matière de continuité territoriale (« aide à la continuité territoriale »), d’aides destinées aux étudiants de l’enseignement supérieur et aux élèves du second cycle de l’enseignement secondaire (« passeport mobilité-études »), ainsi que des aides liées aux déplacements justifiés par la formation professionnelle en mobilité (« passeport-mobilité formation professionnelle »).

Au total, selon les éléments d’information transmis à votre rapporteur pour avis par le secrétariat d’État à l’outre-mer, l’impact budgétaire de la LODEOM pour 2010 a été estimé de la façon suivante :

—  une dépense budgétaire supplémentaire de 113 millions d’euros,

—  une dépense fiscale supplémentaire de 251,9 millions d’euros,

—  et une économie de 64 millions d’euros concernant les exonérations de charges sociales patronales.

2. Les crédits de la mission outre-mer progressent de plus de 6 % par rapport à 2009

Pour 2010, la mission outre-mer est dotée de 2 088 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 1 990 millions d’euros en crédits de paiement (CP), contre respectivement 1 962 et 1 872 millions d’euros en 2009, soit une progression de plus de 6 % (cf. tableau ci-après).

CRÉDITS DE LA MISSION OUTRE-MER EN 2009 ET 2010

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Ouvertes en LFI pour 2009

PLF 2010

Ouverts en LFI pour 2009

PLF 2010

Mission Outre-mer

1 962

2 088

+ 6.4 %

1 872

1 990

+ 6.3 %

- dont Programme Emploi outre-mer

1 192

1 314

+ 10.2 %

1 192

1 302

+ 9.2 %

- dont Programme Conditions de vie outre-mer

 770

773

+ 0.4 %

680

687

+1 %

Pour effectuer la comparaison des plafonds autorisés pour 2010 avec les plafonds votés dans la loi n°2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009-2012, il est nécessaire de retraiter les chiffres pour y soustraire la contribution au compte d’affectation spéciale « pensions » : ces plafonds sont alors respectivement portés à 2 060 millions d’euros en AE et 1 962 millions d’euros en CP. Ces chiffres demeurent plus élevés que les montants de la loi de programmation pluriannuelle reproduits ci-après :

CRÉDITS DE LA MISSION OUTRE-MER : PROGRAMMATION PLURIANNUELLE

 

Loi de finances pour 2009

Loi de programmation 2010

Loi de programmation 2011

Plafond des autorisations d’engagement

1 940

1 970

1 950

Plafond des crédits de paiement

1 850

1 900

1 890

La mission outre-mer comprend, comme les années précédentes, deux programmes :

—  le programme « emploi outre-mer », qui finance divers dispositifs de soutien à l’emploi outre-mer (telles que les exonérations de cotisations patronales propres aux DOM, les aides à la formation professionnelle ou le service militaire adapté, notamment) ;

—  et le programme « conditions de vie outre-mer », qui finance le développement économique, social et culturel des collectivités ultramarines, afin de rapprocher leur situation de celle de la métropole.

a) Les crédits du programme « emploi outre-mer » progressent de 10 %

Le programme « emploi outre-mer » voit sa dotation progresser de plus de 10 % en AE. Cet effort significatif traduit la priorité donnée aux politiques de l’emploi, qui se structurent autour de deux axes : la réduction du coût du travail pour faciliter la création d’emplois par des exonérations de charges sociales patronales (5) (pour un total de 1 131 millions d’euros en AE et CP, soit 86% des crédits du programme) et des aides plus conjoncturelles destinées à faciliter l’accès au marché de l’emploi.

Par rapport aux crédits alloués en loi de finances initiale pour 2009, ce sont 92 millions d’euros supplémentaires qui sont alloués à l’action « soutien aux entreprises » du programme, qui comprend notamment les crédits alloués à l’aide au fret, prévue à l’article 24 de la LODEOM, qui compense les surcoûts supportés par les entreprises de production dans les DOM, à Saint-Martin et Saint-Barthélemy (à hauteur de 27 millions d’euros).

L’augmentation des crédits alloués à ce programme permet aussi de financer l’accroissement de la capacité d’accueil des centres de formation du service militaire adapté (SMA), conformément à l’objectif fixé par le Président de la République en février 2009 du doublement du nombre de stagiaires formés d’ici 2013, qui devrait ainsi passer de 2 900 à 6 000 chaque année.

Au total, ce sont quelque 28 millions d’euros supplémentaires en AE et 17 millions d’euros en CP qui sont demandés pour 2010, première année de la montée en charge du dispositif.

Cet objectif se traduit par ailleurs par une augmentation du plafond d’emplois de 74 emplois équivalent temps plein (ETPT) (portés à 3 789) qui correspond à des transferts en provenance d’autres programmes du ministère de l’Intérieur (dont 28 de la Gendarmerie et 44 de la Police nationales).

Le service militaire adapté (SMA)

Créé en 1961 aux Antilles-Guyane dans le cadre du plan Debré pour l’outre-mer, le SMA avait à l’origine pour vocation principale de permettre aux jeunes ultramarins français de satisfaire à leurs obligations militaires, tout en acquérant une formation professionnelle et en participant au développement de l’infrastructure de leur département. Il s’est par la suite étendu aux autres collectivités : le dispositif concerne aujourd’hui les DOM, Mayotte, la Nouvelle Calédonie, la Polynésie française et, prochainement, Wallis et Futuna et Saint-Martin.

Durant quatre décennies, plus de 120 000 appelés du contingent sont passés dans les rangs du SMA. Tout en participant au développement de l’infrastructure de leur territoire, ils ont acquis « sur l’ouvrage » une formation professionnelle et diffusé dans le tissu social l’idée très positive d’un « service militaire utile ».

En 1996, la décision de suspendre le Service national aurait normalement dû mettre un terme au SMA. Il a cependant été maintenu à la demande des élus de l’outre-mer et accueille désormais des volontaires recrutés parmi les jeunes en difficulté, avec pour mission de les rendre à la vie civile avec un emploi et un comportement citoyen. Cette formation globale, dune durée moyenne de 12 mois, est fondée sur les règles de vie et de discipline militaires. Elle est renforcée par laccompagnement permanent des volontaires et un suivi individualisé.

Les crédits alloués pour le SMA, qui relèvent du programme « emploi outre-mer » de la mission outre-mer, ont pour objectif « d’assurer la réussite du parcours de formation socio-éducative et professionnelle des volontaires » et comme indicateur stratégique le taux d’insertion des volontaires en fin de contrat. La cible fixée pour 2011 est un taux d’insertion de 80 %.

En février 2009, le Président de la République a annoncé le doublement en trois ans de la capacité de formation du SMA, « chaînon manquant » des politiques d’insertion en faveur des jeunes les plus éloignés du marché du travail. Pourront ainsi être formés chaque année 6 000 jeunes volontaires de 18 à 25 ans, contre 2 900 pour l’année 2008.

En 2009, le coût représenté par le SMA était de 113 millions d’euros pour 2 900 jeunes formés, soit une dotation par volontaire de près de 39 000 euros. Le taux d’insertion des jeunes issus du SMA dans le monde du travail ou la poursuite d’une formation qualifiante est en constante progression depuis 2004 : il est passé de 67,2 % à plus de 79 % en 2008, approchant la cible de 80 % fixée pour 2011.

Le programme « emploi outre-mer » comprend également les crédits en faveur de la formation en mobilité des jeunes ultramarins mises en œuvre par l’Agence nationale pour l’insertion et la promotion des travailleurs d’outre-mer : de nombreuses formations qualifiantes ne sont pas disponibles dans les collectivités d’origine des jeunes ultramarins qui doivent donc séjourner en métropole ou à l’étranger. Le « passeport-mobilité formation professionnelle », qui en vertu de l’article 50 de la LODEOM se substituera à partir du 1er janvier 2010 aux dispositifs existants (« projet initiatives-jeunes », PIJ, et « formation individualisée mobilité », FIM), concourra au financement des titres de transport des bénéficiaires, ainsi qu’aux frais d’installation et de formation.

Il apparaît que ce dispositif joue un rôle fondamental pour la compensation d’une situation désavantageuse pour les étudiants d’outre-mer du fait de l’absence de certaines filières tout en étant efficient économiquement, car moins coûteux que la création de ce type de filières sur place.

b) Les crédits du programme « conditions de vie outre-mer » progressent de 1 %

Le programme « conditions de vie outre-mer » réunit les dispositifs permettant d’améliorer les conditions de vie des habitants des DOM, des COM et de la Nouvelle-Calédonie, malgré les handicaps dont pâtissent ces territoires. Ces dispositifs visent notamment à répondre à leurs besoins spécifiques en matière de logement, d’équipements publics et d’infrastructures et à assurer l’application du principe de continuité territoriale.

L’action n°1 « Logement » regroupe 33 % des crédits du programme, soit 255 millions d’euros. Au titre de cette action, l’État finance des programmes de résorption de l’habitat insalubre et le développement du logement social.

Ce programme comprend en outre le fonds de continuité territoriale, créé par la LODEOM, qui rassemble les crédits de différents dispositifs existants. Au total, ce sont 54 millions d’euros qui sont alloués à l’action n° 3 « Continuité territoriale » du programme au titre de l’année 2010.

Le fonds exceptionnel d’investissement, qui avait déjà servi dans le courant de l’année 2009 de support au plan de relance outre-mer, doit permettre le développement des équipements publics de proximité. Il est doté de 40 millions d’euros en AE et 17 millions d’euros en CP. À terme, il sera recentré spécifiquement sur les équipements structurants non prévus dans le cadre des contrats de projet et de développement avec les collectivités territoriales.

Les crédits alloués à la dotation globale de développement économique (DGDE) de Polynésie Française augmentent de 15 millions d’euros en AE et 2 millions d’euros en CP, dans la perspective de la réforme de ce dispositif pour en améliorer l’effet de levier sur les investissements menés par la collectivité.

3. Les crédits de la mission outre-mer ne représentent qu’une faible part de l’effort budgétaire global de l’État en faveur de l’outre-mer

Votre rapporteur salue la progression importante des crédits alloués à la mission outre-mer, après une hausse de plus de 9 % l’an dernier ; il estime que, dans un contexte budgétaire particulièrement difficile, cette hausse est le signe tangible de la volonté gouvernementale de faire face aux enjeux auxquels sont confrontés les outre-mer.

Votre rapporteur rappelle en outre que les crédits strictement gérés par le Secrétariat d’État à l’outre-mer ne représentent qu’une petite partie – de l’ordre de 11 % – de l’effort global de l’État au profit des départements et collectivités d’outre-mer.

Il convient en effet de distinguer différents cercles concentriques de dépenses publiques à destination de l’outre-mer :

—  Le premier cercle est la mission « outre-mer » proprement dite, dont les crédits relèvent directement du Secrétariat d’État à l’outre-mer et qui est dotée de 1,990 milliard d’euros en crédits de paiement pour 2010.

—  Les crédits consacrés par l’État à la politique transversale de l’outre-mer (regroupant des crédits de 88 programmes – contre 51 l’an passé – dont fait état le document de politique transversale, annexé au projet de loi de finances) constituent le deuxième cercle ; au total, les crédits consacrés par l’État à l’outre-mer, compte tenu des prélèvements sur recettes, s’élèveront pour 2010 à 13,6 milliards d’euros en AE et 13,4 en CP (contre respectivement 13,1 et 13 milliards d’euros votés en loi de finances initiale pour 2009).

S’agissant de la répartition de ces crédits, il apparaît que les principales missions contributrices sont les missions « enseignement scolaire », « outre-mer » et « relations avec les collectivités territoriales » qui représentent respectivement 31 %, 15 % et 14 % de l’effort global de l’État outre-mer. Les missions « défense » et « sécurité » représentent 13 % de cet effort.

—  À ce deuxième cercle, il convient d’ajouter le coût des exonérations fiscales en faveur de l’outre-mer (dépenses fiscales) pour obtenir l’effort budgétaire global de l’État à destination de l’outre-mer, qui s’élèvera en 2010 à 17,2 milliards d’euros (contre à 16,7 en 2009).

Les dépenses fiscales engagées par la Nation au profit de l’outre-mer tendent globalement à augmenter. Au total, elles devraient s’élever à 3,6 milliards d’euros en 2010, soit une progression de 9 % sur un an.

Le tableau ci-après dresse la liste des dépenses fiscales rattachées à la mission outre-mer dont le coût prévisionnel pour 2010 excède 100 millions d’euros.

PRINCIPALES DÉPENSES FISCALES RATTACHÉES À LA MISSION OUTRE-MER

Dépense fiscale

Objectif poursuivi

Charge estimée pour l’État en 2010
(en millions d’euros)

Abaissement à 8,5 % du taux normal de TVA et à 2,1 % du taux réduit dans les DOM hors Guyane (6)

Compenser le fait qu’une part non négligeable des finances publiques locales est tributaire de l’octroi de mer et favoriser la consommation de produits locaux

1 180

Réduction d’impôt sur le revenu pour les investissements réalisés dans le logement social et intermédiaire (création de la LODEOM de mai 2009)

Inciter au développement de l’offre de logement social dans les DOM et les COM

110

Exclusion des DOM du champ d’application de la TIPP, remplacée par la taxe spéciale de consommation dont le taux est fixé par délibération des conseils régionaux

Donner aux collectivités locales des moyens supplémentaires pour assurer leur développement économique par une recette fiscale spécifique

130

Réduction d’impôt à raison des investissements productifs réalisés outre-mer

Compenser la faiblesse relative du rendement des investissements productifs réalisés outre-mer du fait de l’étroitesse du marché et des aléas climatiques

800

Déduction de la base imposable à l’IS des investissements productifs réalisés outre-mer et des souscriptions en capital

300

Abattement de 30 ou 40 % du montant résultant du barème pour le paiement de l’impôt sur le revenu par les personnes physiques domiciliées dans les DOM

Compenser l’éloignement et la cherté du prix des produits de première consommation dans les COM

290

Réduction d’impôt au titre de l’investissement locatif, de l’accession à la propriété et de la rénovation immobilière

Favoriser l’offre de logement outre-mer, structurellement insuffisante, en drainant de l’épargne privée dédiée

300

La répartition des autorisations d’engagement par territoire, qui fait l’objet du tableau ci-après, met en évidence des taux d’évolution variables qui sont, selon le document de politique transversale dont le tableau est issu, le fait de la combinaison d’actions récurrentes et de programmes d’investissement plus ponctuels.

RÉPARTITION DES CRÉDITS DE L’ÉTAT PAR TERRITOIRE (autorisations d’engagement

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Évolution

Territoire

2008

2009

2010

Évolution 2008/2009

Évolution 2008/2010

Guadeloupe

2 021

2 057

2 133

+1,8%

+3,7%

Guyane

1 274

1 270

1 327

-0,3%

+4,5%

Martinique

2 050

2 082

2 111

+1,6%

+1,4%

Saint-Martin

21

20

18

   

Saint-Barthélemy

 

1

1

   

Total Antilles-Guyane

5 366

5 430

5 590

+1,2%

+3,0%

La Réunion

3 719

3 781

3 931

+1,7%

+4,0%

Mayotte

522

524

561

+0,4%

+7,0%

Nouvelle-Calédonie

1 089

1 083

1 096

-0,5%

+1,1%

Polynésie française

1 223

1 224

1 279

+0,1%

+4,4%

Wallis et Futuna

103

106

100

-2,7%

+5,6%

Saint-Pierre-et-Miquelon

77

71

72

-8,5%

+2,1%

T.A.A.F.

26

30

28

+16,1%

-7,0%

Non réparti

702

819

900

+16,7%

+10,0%

Ensemble
des territoires

12 827

13 062

13 562

+1,8%

+3,8%

Source : Document de politique transversale

B.– L’ACHÈVEMENT DE LA RÉORGANISATION DE L’ADMINISTRATION CENTRALE CHARGÉE DE L’OUTRE-MER

1. Une réorganisation qui répond aux critiques exprimées en 2006 par la Cour des Comptes

Dans son rapport public annuel de février 2006, la Cour des Comptes s’était notamment interrogée sur l’organisation et le fonctionnement de l’administration centrale du ministère de l’outre-mer. Ses recommandations visaient à en faire une administration de mission et non plus une administration de gestion.

Les préconisations de la Cour des Comptes avaient alors nourri une réflexion qui, jusqu’au printemps 2007, s’orientait vers la création d’un Secrétariat Général « coiffant » les deux directions d’administration centrale existantes.

Cependant, le rattachement de l’administration centrale de l’outre-mer au périmètre du ministère de l’Intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales par le décret du 31 mai 2007 a rendu caduc le projet de réorganisation, le nouveau périmètre ministériel rendant plus faciles les rapprochements et les mises en commun des savoirs et des compétences, tout particulièrement en ce qui concerne les fonctions de gestion. La politique gouvernementale de maîtrise de la dépense publique s’est donc accompagnée d’une réorganisation des structures administratives en charge de l’outre-mer.

Votre rapporteur pour avis se félicite du choix de rattacher directement l’outre-mer au ministère chargé de l’Intérieur, qui réaffirme, sur le plan administratif, l’unité nationale et sensibilise un plus grand nombre de responsables politiques et de fonctionnaires de l’État à la prise en compte des enjeux ultramarins.

a) La création de la Délégation générale à l’outre-mer, dite « DéGéOM »

La « DéGéOM », créée par le décret n° 2008-687 du 9 juillet 2008, est entrée en activité le 1er septembre 2008 : elle constitue le nouveau service d’administration centrale chargé de l’outre-mer, se substituant ainsi aux deux directions existant depuis 1979, la « direction des affaires politiques, administratives et financières de l’outre-mer », d’une part, et la « direction des affaires économiques, sociales et culturelles de l’outre-mer », d’autre part.

La création de la Délégation générale est conforme tant aux recommandations formulées par la Cour des comptes dans son rapport public pour 2006 qu’aux orientations arrêtées par le comité de modernisation des politiques publiques le 4 avril 2008. Placée au sein du ministère de l’Intérieur, la DéGéOM n’en dispose pas moins d’une vocation de coordination interministérielle : elle est un lieu de synthèse, de conception et de coordination interministérielle, entièrement dédié aux enjeux de l’outre-mer, mais prenant appui sur les différents ministères invités à s’investir pleinement dans le développement des politiques publiques outre-mer.

Elle est également chargée de l’évaluation de la mise en œuvre des politiques publiques spécifiques à l’outre-mer, de l’analyse de leur efficience, ainsi que de la prospective : elle sera en cela un allié du Parlement dans sa fonction d’évaluation et de contrôle de l’action publique.

Dans ces domaines, la DéGéOM mobilise ses propres moyens tout en s’appuyant sur les ressources des administrations déconcentrées ou sur des concours extérieurs. Elle conserve néanmoins un rôle opérationnel en matière de sécurité publique et civile, le commandement du service militaire adapté (SMA) demeurant rattaché au Délégué général.

Les structures de l’administration centrale ont été clarifiées et simplifiées, la Délégation générale étant composée de trois services :

—  Le service des politiques publiques anime et coordonne les politiques publiques conduites outre-mer. Il participe à la conception, à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques spécifiques à l’outre-mer et propose les adaptations des politiques générales liées aux particularités de l’outre-mer. Il couvre ainsi les activités économiques, le développement des infrastructures, les programmes de développement, les politiques en matière d’emploi et de formation, le logement, la politique de la ville, et la protection sociale. Il coordonne la politique contractuelle de l’État dans les départements et régions d’outre-mer et veille à sa cohérence avec les politiques et programmations de l’Union européenne.

—  Le service des affaires juridiques et institutionnelles est chargé des questions politiques, institutionnelles, juridiques et internationales. Il traite les questions relatives à la fiscalité locale, aux concours financiers de l’État aux collectivités, à la fonction publique territoriale et à la formation des élus et des agents des collectivités (en relation avec les autres services ou ministères compétents). Il assiste les représentants de l’État outre-mer pour l’exercice du contrôle de légalité et le conseil aux collectivités. Il contribue également à définir la politique en matière de fonction publique d’État outre-mer.

—  Le service de l’évaluation, de la prospective et de la dépense de l’État conduit ou coordonne l’évaluation des politiques engagées par l’État outre-mer, les études prospectives et les réflexions et analyses stratégiques, territoriales ou thématiques. Il assure la conduite ou le suivi de la dépense de l’État outre-mer et participe à l’élaboration et à la synthèse des statistiques nationales relatives à l’outre-mer.

Le cabinet du Délégué Général assure la coordination des dossiers transversaux au sein de la délégation générale. Il suit les questions relatives à la sécurité intérieure et à la sécurité civile et est en charge de la communication interne.

b) La création d’un Conseil interministériel pour l’outre-mer

Conformément à l’engagement pris par le Président de la République a été instauré par décret du 19 février 2009 un « Conseil interministériel pour l’outre-mer », présidé à intervalles réguliers par le Président de la République, ou, par délégation, par le Premier ministre, et chargé de veiller, en liaison avec les autorités préfectorales, au bon pilotage des politiques publiques outre-mer et à la bonne gestion des crédits alloués aux collectivités ultramarines.

Le Conseil comprend, outre le Premier ministre, les ministres chargés de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales, de l’aménagement du territoire, de l’environnement, du développement durable, de la justice, des transports, de l’économie, de l’industrie, du tourisme, du commerce, de l’artisanat, de l’emploi, des affaires sociales, de la solidarité, de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur, du logement, de la ville, de l’agriculture et de la pêche, des affaires européennes, de la défense, de la santé, de la jeunesse, des sports, du budget, de la fonction publique et de la culture.

En fonction de l’ordre du jour, le Conseil interministériel peut être réuni dans une formation restreinte, sous la présidence du Président de la République ou, par délégation, du Premier ministre. Le Président de la République peut inviter d’autres membres du Gouvernement à participer aux travaux du Conseil.

Peuvent également être invités à participer à ses travaux le délégué interministériel à l’égalité des chances des Français d’outre-mer, le délégué général à l’outre-mer, ainsi que toute autre personnalité qualifiée.

Le Comité interministériel de l’outre-mer est chargé :

—  de définir les orientations politiques de nature à répondre aux besoins et à valoriser les atouts de l’outre-mer, notamment en matière de développement économique, social, culturel et environnemental ;

—  d’identifier, au vu des spécificités des collectivités ultramarines, les adaptations nécessaires aux politiques publiques conduites par le Gouvernement et d’orienter leur mise en œuvre ;

—  d’évaluer les résultats des politiques conduites par l’État outre-mer et les progrès en termes d’égalité des chances pour les populations ultramarines.

La première réunion du Comité interministériel devrait être tenue au début du mois prochain ; présidée par le Président de la République, elle devrait aboutir à la prise de décisions issues des travaux des États généraux. Selon les informations transmises à votre rapporteur, un comité de suivi du Comité interministériel sera mis en place qui s’assurera de l’effectivité des décisions prises.

2. Un premier bilan de cette réorganisation administrative

D’une manière générale, la création de la DéGéOM traduit le recentrage des missions du Secrétariat d’État à l’outre-mer sur la coordination et le pilotage des politiques publiques. Il s’agit aussi de permettre une meilleure articulation des crédits alloués par le budget de l’État avec ceux provenant des fonds européens, et, au total, de rendre l’action de l’État outre-mer plus lisible. Ces évolutions s’inscrivent donc bien dans l’esprit de la loi organique n° 2001-192 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). Elle doit aussi permettre à terme d’améliorer les conditions de l’exercice de l’action de l’État outre-mer.

Votre rapporteur pour avis a souhaité dresser un premier bilan de cette réorganisation administrative.

Il lui est apparu que si des économies substantielles ont été réalisées, il est encore trop tôt pour mesurer l’impact de cette réorganisation sur la conduite des politiques publiques outre-mer.

La mise en place de la Délégation générale a été précédée d’un transfert des activités de soutien exercées jusqu’alors rue Oudinot vers les autres directions du ministère spécialisées dans ces matières, la plupart relevant du Secrétariat général : la mutualisation des activités dites « support » (gestion des ressources humaines, gestion budgétaire, systèmes d’information, gestion immobilière, logistique, ...) au sein du ministère de l’Intérieur a permis de dégager des gains de productivité évalués entre 30 % et 50 % selon les secteurs d’activité.

Le plafond des emplois de la Délégation est fixé à 142 postes équivalents temps plein, contre 210 au sein des deux anciennes directions. Ce plafond est réparti en deux sous-plafonds, le premier de 15 emplois d’encadrement supérieur gérés par la direction de la modernisation et de l’action territoriale et le second de 127 emplois de catégorie A, B et C, gérés par la direction des ressources humaines. La répartition des emplois est marquée par une prépondérance d’emplois d’encadrement (63 % des effectifs), en lien avec les objectifs assignés à l’administration de mission.

Au total, la création de la DéGéOM s’est accompagnée d’économies substantielles, évaluées pour l’année 2009 à 36 emplois équivalent temps plein (ETPT) et 72 000 euros, selon les éléments transmis à votre rapporteur pour avis.

C. UNE NOUVELLE LOGIQUE DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE OUTRE-MER

1. Les collectivités ultramarines sont confrontées à des défis spécifiques

a) Des contraintes géographiques

L’ensemble des collectivités ultramarines se caractérise par un éloignement marqué par rapport à la métropole (cf. carte ci–après), avec laquelle elles entretiennent cependant des liens particulièrement forts. À titre d’exemple, les Antilles se trouvent à 6 800 km de Paris, la Polynésie à 16 000 km et la Nouvelle-Calédonie à 19 000 km. En outre, ces territoires peuvent aussi se trouver très éloignés des partenaires économiques importants les plus « proches » : Papeete en Polynésie est distant de 5 700 km de l’Australie, de 6 200 km des États-Unis et de 8 800 km du Japon.

L’insularité constitue également un facteur d’isolement pour l’outre-mer français, à l’exception de la Guyane. Mais si cette dernière est la seule région continentale d’outre-mer, son enclavement en Amérique du Sud, entre Amazonie et Océan Atlantique, l’isole également d’une autre manière. En outre, pour certains territoires, l’insularité se conjugue avec un grand émiettement : la Polynésie française compte ainsi plus d’une centaine d’îles, composant cinq archipels et dispersées sur 2,5 millions de kilomètres carrés.

Ces facteurs naturels d’isolement sont accentués par une faible intégration régionale. La France d’outre-mer n’entretient que très peu de relations avec les pays voisins. Héritage du système économique colonial qui attribuait un monopole commercial à la métropole, cette dernière reste le plus souvent le premier partenaire commercial, surtout dans les DOM.

Éloignement des territoires ultramarins de la métropole

Carte de l'éloignement outre-mer/métropole Source : La Documentation Française

b) Une dépendance économique

Les économies ultra-marines reposent, dans la plupart des collectivités territoriales, sur un nombre réduit de secteurs économiques :

—  l’agriculture demeure incontournable, notamment dans les DOM, et se caractérise par une grande spécialisation des productions ;

—  le tourisme représente une source déterminante d’activités dans les Antilles et il s’est largement développé à la Réunion (en dépit de la chute de la fréquentation consécutive à l’épidémie de chikungunya), en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie ;

—  enfin, le secteur du bâtiment soutient par son dynamisme la croissance des outre-mer et a profité de la mise en place de dispositifs de défiscalisation.

Il convient en outre de rappeler le poids prépondérant de secteurs économiques spécifiques comme le nickel en Nouvelle-Calédonie ou l’industrie spatiale en Guyane.

Le tableau ci-après retrace les principales données économiques de l’outre-mer.

Synthèse des principales données économiques, au 31 décembre 2008 (sauf mention contraire)

 

Nombre d’habitants

PIB par habitant

Taux de croissance du PIB

Importations

Exportations

Taux de couverture

Guadeloupe

400 073

17 439 (2007)

n d

2 545 600 000

170 500 000

6.7%

Guyane

221 500

14 100 (2007)

6% (2005)

1 051 400 000

99 900 000

9,5%

Martinique

402 000

19 588 (2007)

0.6% (2007)

2 723 300 000

367 100 000

13.5%

La Réunion

802 000

18 329

6.9%

4 525 900 000

257 900 000

5.7%

Mayotte

186 452 (2007)

3 960 (2001)

n d

374 100 000

4 600 000

1.2%

Saint Martin

35 263

14 500 (2006)

n d

n d

n d

n d

Saint Barthélemy

8 255

26 000 (2006)

n d

n d

n d

n d

Saint Pierre et Miquelon

6 125

26 073 (2004)

n d

69 700 000

6 500 000

9.3%

Polynésie Française

260 700

17 203 (2005)

2.4%

1 473 820 498

135 674 181

9.2%

Nouvelle Calédonie

249 000

24 750

0.2%

2 197 268 080

917 623 397

41.8%

Wallis et Futuna

13 484

10 148 (2005)

n d

49 650 549

55 309

0.1%

Sources : INSEE et SEOM

2. La logique de compensation des handicaps a fait place à une logique plus ambitieuse de développement endogène des collectivités ultramarines

Les handicaps géographiques ou climatiques des collectivités ultramarines induisent des coûts d’exploitation plus lourds que ceux des pays voisins et une compétitivité plus faible, y compris dans des secteurs où ces collectivités disposent de réels savoir-faire.

C’est pourquoi la stratégie économique à l’égard de ces collectivités a longtemps été fondée sur la seule compensation des handicaps liés à la distance et à l’insularité. Cette logique n’a cependant pas suffi à faire émerger des secteurs à forte valeur ajoutée dans les outre-mer.

Malgré la distance, la majorité des échanges commerciaux des collectivités territoriales d’outre-mer se fait aujourd’hui encore avec la métropole : celle-ci représente ainsi 50 % à 60 % des échanges extérieurs des DOM. La faiblesse du taux de couverture des importations par les exportations participe du déséquilibre des échanges. Le développement de la production locale constitue donc une priorité pour les pouvoirs publics. Sur le plan de la stricte rationalité économique d’ailleurs, l’éloignement de ces économies insulaires aurait dû inciter à produire sur place plutôt qu’à importer.

L’étroitesse des marchés locaux a des effets contradictoires : elle favorise les entreprises par le biais du développement d’une clientèle captive, mais dans le même temps les handicape, compte tenu du manque de débouchés.

La crise économique et les crises sociales apparues dans les DOM au début de l’année 2009 ont conforté la promotion d’un nouveau modèle de développement économique et social, fondé sur une croissance plus endogène reposant sur les atouts des territoires. Il ne s’agit à l’évidence pas de supprimer les aides de l’État, mais bien de ne plus les considérer comme des transferts passifs : elles doivent avoir pour effet de dynamiser les investissements, la production et les échanges.

II.– LA POURSUITE DES EFFORTS SOUTENUS ENGAGÉS EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ ET DE MAINTIEN DE L’ORDRE OUTRE-MER

Le respect des règles de droit s’impose, pour l’État comme pour les citoyens, sur l’ensemble du territoire de la République sans aucune distinction, en métropole comme outre-mer. Cet impératif constitue un défi particulier pour les collectivités ultramarines compte tenu des contraintes particulières qui pèsent sur elles : éloignement de la métropole, dispersion des territoires sur la surface du globe, mais aussi pression de l’immigration irrégulière en provenance d’États voisins et dynamisme du trafic de stupéfiants.

Votre rapporteur a souhaité, à l’occasion de l’examen des crédits de la mission outre-mer, faire le point sur les différentes politiques mises en œuvre par le Gouvernement, compte tenu de ces contraintes, pour faire pleinement respecter l’État de droit outre-mer.

A. LA LUTTE DÉTERMINÉE CONTRE L’IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE

L’ampleur des flux financiers venant de métropole fait de chaque entité ultramarine un véritable îlot de richesse au sein d’un environnement relativement pauvre avec lequel chacune d’entre elles entretient des relations ténues. C’est ce qui explique que les départements et collectivités d’outre-mer sont confrontés à d’importants phénomènes migratoires irréguliers, facteurs important de déstabilisation auxquels sont particulièrement exposées Mayotte, la Guyane et la Guadeloupe.

Les pouvoirs publics se sont, depuis plusieurs années, donné les moyens de relever ce défi, en renforçant la présence des forces de l’ordre, en adaptant le droit des étrangers aux spécificités ultramarines et en menant une action diplomatique volontariste avec les pays proches.

Votre rapporteur rappelle ainsi que la législation relative au droit des étrangers a été adaptée au cours des années récentes, pour tenir compte de la situation des collectivités ultramarines les plus exposées à l’immigration illégale. Ces adaptations, issues notamment des lois n°2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration et n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile, ont sans nul doute facilité les progrès enregistrés dans la maîtrise des flux migratoires outre-mer. On pourra se reporter, pour le détail des adaptations législatives, à l’avis présenté l’an dernier par votre rapporteur (7).

1. Une approche quantitative de la pression migratoire outre-mer

Si le nombre d’entrées illégales sur le territoire de chaque collectivité ne peut, par définition, être connu, les non-admissions aux frontières et les interpellations sur le territoire national permettent d’évaluer la pression migratoire irrégulière qui s’y exerce.

Il ressort des éléments transmis à votre rapporteur que :

—  le nombre d’éloignements d’étrangers en situation irrégulière outre-mer est passé de 2007 à 2008 de 26 394 à 23 568, soit une baisse de près de 10,71 %, la tendance s’inversant sur les six premiers mois de l’année 2009 puisqu’on enregistre une hausse de 9,61 % par rapport à la même période de 2008, avec 13 043 éloignements réalisés contre 11 900.

—  les trois nationalités dominantes (comorienne, brésilienne et surinamienne) représentent plus de 92% du volume des éloignements en outre-mer.

—  le nombre de refoulements aux frontières connaît une baisse importante entre 2007 et 2008 (-28,4 %), cette baisse s’accentuant encore au premier semestre de 2009 (-41,4 %). Cette tendance semble s’expliquer par l’impact des opérations dites Harpie en Guyane (cf. infra) et la baisse de la pression migratoire aux Antilles.

—  le nombre d’étrangers en situation irrégulière interpellés par la police aux frontières enregistre une baisse significative de 13,36 % en 2008, mais repart à la hausse en 2009 (+17 % sur les six premiers mois de l’année).

—  le problème de l’immigration clandestine se concentre pour l’essentiel en Guadeloupe, à Mayotte et en Guyane, qui représentent à eux seuls plus de 90 % des éloignements et infractions à la police des étrangers réalisés sur l’ensemble de l’outre-mer.

ÉLOIGNEMENTS D’ÉTRANGERS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE OUTRE-MER DE 2004 À 2007

Collectivités

Éloignements exécutés en 2005

Éloignements
exécutés en 2006

(variation 2005-2006)

Éloignements
exécutés en 2007

(variation 2006-2007)

Éloignements
exécutés en 2008

(variation 2007-2008)

Guadeloupe

1 253

1 964

(+ 56,7 %)

1 826

(- 7,3 %)

1 682

(-7,89 %)

Martinique

603

432

(- 28,4 %)

390

(- 9,72 %)

404

(+3,59 %)

Guyane

5 942

8 145

(+ 37,1 %)

10 094

(+ 10,88 %)

8 085

(-19,9 %)

Réunion

56

64

(+ 14,3 %)

53

(- 17,19 %)

52

(-1,89 %)

Total DOM

7 854

10 605

(+ 35 %)

11 300

(+ 6,6 %)

10 223

(- 9,53 %)

Mayotte

7 655

13 253

(+ 73,1 %)

13 990

(+ 5,56 %)

13 329

(-4,72 %)

Nouvelle-Calédonie

10

8

(- 20 %)

17

(+ 112,5 %)

2

(-88,24 %)

Polynésie française

13

19

(+ 46,2 %)

24

(- 36,8%)

14

(- 41,67%)

2. Le renforcement et la réorganisation des moyens

Les effectifs de la police aux frontières (PAF) affectés outre-mer ont été renforcés significativement depuis 2004. Entre 2004 et 2009, ils ont augmenté de plus de 40 %, les effectifs de Guadeloupe augmentant de 20 % et ceux de Mayotte de 290 %.

Sur la même période, la PAF a, par ailleurs, fait évoluer ses structures. Une nouvelle antenne a ainsi été créée à Saint-Georges de l’Oyapock en Guyane, en prévision de l’achèvement – attendu pour octobre 2010 – du pont frontière entre le Brésil et la France. À terme, ce sont quelque soixante agents supplémentaires qui devraient y être affectés. Par ailleurs, le contrôle de l’immigration et des frontières de Saint-Barthélemy ayant été transféré à la Gendarmerie nationale, la PAF a pu renforcer ses effectifs à Saint-Martin, où un local de rétention administrative a été ouvert.

Les moyens matériels et opérationnels ont également été renforcés.

À Mayotte, les interceptions d’embarcations clandestines, dénommées kwassas kwassas, reflètent tout particulièrement la pression migratoire qui s’exerce sur ce territoire et les moyens mis en œuvre pour lutter contre cette immigration irrégulière spécifique. Le nombre d’interceptions au cours du premier semestre 2009 a progressé de 27,7 % par rapport à la même période 2008. Les 129 embarcations interceptées ont permis les interpellations de plus de 150 passeurs et 2 900 clandestins. Sur l’ensemble de l’année 2008, 256 embarcations avaient été interceptées, contre 179 en 2007 (soit une hausse de 43,02 %) et 100 en 2006.

L’an dernier a été créée une cellule de coordination opérationnelle, placée sous l’autorité du préfet, qui permet de définir les stratégies, de mutualiser les renseignements et de coordonner les moyens nautiques de la Gendarmerie nationale, des Douanes (8), de la PAF et de la Marine nationale. Au début de cette année ont en outre été mis en place, respectivement au sein de la Gendarmerie nationale et de la PAF, un groupement d’intervention régional (GIR) et une Brigade mobile de recherche.

Les moyens de surveillance radars se développent également. En juillet 2008 avait été mis en place un troisième radar de surveillance maritime, couvrant la partie Est de l’île et complètant utilement les deux radars de détection et de surveillance maritime implantés entre Anjouan et Mayotte sur la partie nord-ouest de la Grande Terre en novembre 2005 et avril 2006. Ces trois radars constituent une aide précieuse pour les services de l’État disposant de vecteurs maritimes, d’autant qu’a été annoncée en juillet dernier par le Premier ministre la mise en place d’un quatrième radar qui permettra de couvrir la zone d’ombre qui demeure au Sud de l’île. Dans l’attente de ce quatrième radar fixe, un radar mobile, de portée cependant plus réduite, est d’ores et déjà utilisé.

La construction d’un nouveau centre de rétention administrative en remplacement de l’actuel centre sous-dimensionné a été décidée au début de l’année 2009. Il comportera 140 places et devrait entrer en fonction en 2012.

La PAF doit en outre prochainement installer dans ses locaux des stations de contrôle biométrique, afin d’accéder aux données de la base Visabio. Ce dispositif fait suite à l’ouverture d’une antenne consulaire à Anjouan destinée à instruire les demandes de visas pour Mayotte et à délivrer des visas biométriques contre l’engagement d’une présentation systématique au retour.

En Guyane, la lutte contre l’immigration clandestine se traduit, depuis le début de l’année, par la multiplication des contrôles d’identité menés par la PAF à Cayenne et dans les communes alentours. À la frontière avec le Brésil, compte tenu de la convergence existant entre l’orpaillage clandestin et l’immigration irrégulière, l’accent a été mis sur la répression des réseaux de trafiquants.

Le centre de rétention administrative de Guyane, déclassé en 2007 en local de rétention, a fait l’objet de travaux de mise aux normes qui se sont terminés au cours de l’année 2008. Géré par la police aux frontières, il a une capacité de 38 places, mais un projet d’extension de sa capacité d’accueil est à l’étude.

À Saint-Martin, un local de rétention administrative a été inauguré au mois de mai 2008. Placé sous la responsabilité de la PAF, il pourra accueillir une douzaine de personnes. Les reconduites à la frontière pourront être effectuées au départ de l’aéroport international de Juliana et non plus comme par le passé par l’intermédiaire du centre de rétention de la Guadeloupe.

3. Les accords de coopération internationale

Les actions internationales de la France en matière d’immigration illégale outre-mer s’articulent autour de deux axes : la conclusion, dès que cela est envisageable, d’accords de réadmission avec les États le justifiant et le développement des actions de coopération policière et douanière.

a) Les accords de réadmission

Alors que notre pays a longtemps tardé à mettre en place une coopération avec les pays d’où proviennent les étrangers en situation irrégulière, de nombreux accords ont été conclus au cours des dernières années avec les États voisins de nos collectivités ultramarines les plus affectées par l’immigration clandestine.

Un certain nombre d’accords de réadmission sont aujourd’hui en vigueur outre-mer avec le Brésil (depuis août 2001), Sainte-Lucie (depuis avril 2005), la Dominique (depuis mars 2007) ou l’île Maurice (depuis janvier 2008) (9). D’autres accords sont, par ailleurs, en cours de négociation. Ainsi en est-il des accords avec le Guyana, la Barbade et Trinité-et-Tobago. S’agissant enfin de Haïti et des Comores, des consultations sont en cours avec les deux États, dans le but de conclure des accords de gestion concertée des flux migratoires, prévoyant des dispositifs de co-développement et de réadmission.

b) La coopération policière et douanière

Si aucun accord de coopération en matière d’affaires intérieures n’a été signé à ce jour entre la France et les Comores (10), des actions sont menées pour favoriser la coopération entre les Comores et Mayotte. Une formation de policiers et gendarmes comoriens en matière de lutte contre la fraude documentaire a été organisée à Mayotte en octobre 2008 par un expert de la direction de la PAF. En 2009 a été menée une formation au profit de fonctionnaires comoriens sur le thème de la sûreté du transport maritime. Un poste d’officier de liaison « immigration » devrait être prochainement pourvu sur l’île d’Anjouan ; il sera chargé d’assurer l’interface avec la brigade mobile de recherches (BMR), créée en janvier dernier.

La Guyane entretient des relations de coopération avec le Suriname et le Brésil. Des patrouilles mixtes franco-surinamaises sont régulièrement mises en œuvre depuis fin 2007 sur le fleuve Maroni, à la suite de la signature en juin 2006 à Saint-Laurent du Maroni d’un accord bilatéral de coopération transfrontalier.

S’agissant des relations avec le Brésil, la cinquième commission mixte transfrontalière franco-brésilienne qui s’est tenue le 14 août dernier à Macapa, a été l’occasion de constater une volonté de renforcement de la coopération entre les forces de police et les douanes des deux États. Dans l’attente d’une coopération opérationnelle entre les services compétents des deux pays, un projet d’accord pour la mise en œuvre d’un centre de coopération policière a été établi. Il sera implanté sur le territoire français et il aura vocation à développer l’échange d’informations. La mise en œuvre d’un accord de coopération en matière de lutte contre l’orpaillage clandestin est en outre en projet.

Au total, la coopération judiciaire et policière avec les États frontaliers indispensables pour maîtriser les flux migratoires s’améliore de façon notable avec le Brésil. En juillet 2009, un officier de liaison immigration français a été nommé à Macapa, et deux officiers de liaison brésiliens ont pris leurs fonctions en Guyane : le premier à Saint-Georges de l’Oyapock et le second à Cayenne. Un dispositif miroir a été mis en place, côté Brésilien à Saut Maripa.

Concernant la coopération entre Saint-Martin et les Pays-Bas, les autorités des Antilles néerlandaises se sont engagées le 8 juillet 2009, à l’occasion de la réunion franco-néerlandaise qui s’est tenue à La Haye entre le Secrétaire d’État à l’outre-mer et les services du ministère des affaires étrangères et de l’intérieur néerlandais, à faciliter la mise en œuvre de l’accord de coopération en matière de contrôle de personnes dans les aéroports de Saint-Martin en date du 17 mai 1994. Les deux parties se sont également accordées à considérer comme urgente la conclusion d’un accord de coopération policière.

B. UNE LUTTE SOUTENUE CONTRE LA DÉLINQUANCE

La lutte contre la délinquance et la réduction de l’insécurité demeurent parmi les priorités de l’action du Gouvernement, en métropole comme outre-mer.

1. L’évolution générale de la délinquance

Après une hausse de 4 % en 2007, le nombre d’infractions constatées outre-mer est en baisse de 1,8 % en 2008. La délinquance dite de « proximité » (cambriolages, vols d’automobiles, vols à la roulotte, destruction et dégradations de biens…) poursuit quant à elle sa baisse, enregistrant un recul de 3,9 % sur un an.

Au total, le taux de criminalité outre-mer s’établit à 59,75 pour mille habitants contre 57,5 en métropole.

Sur les sept premiers mois de l’année 2009, la délinquance générale progresse de 2,99 %. Elle progresse, hors police des étrangers, de 4,66 %. Les atteintes volontaires à l’intégrité physique qui progressent de 11,18 %. Cette hausse est commune à tout l’outre-mer sauf Saint-Barthélemy, Mayotte et Saint-Pierre-et-Miquelon. Elle atteint un niveau élevé en Guyane (+18,81 %) et en Guadeloupe (+17,09 %).

La crise sociale et politique de l’hiver 2008-2009 a eu des effets sur les résultats en termes de sécurité intérieure dans les quatre départements d’outre-mer.

Le tableau ci-après retrace depuis 2005 le nombre d’infractions constatées et le taux de criminalité  – qui rapporte le nombre d’infractions constatées à la population totale – dans les différentes collectivités ultramarines.

Ces données doivent être interprétées avec précaution, notamment lorsqu’il s’agit d’opérer des comparaisons avec la métropole : les taux de criminalité les plus élevés, notamment en Guyane et à Mayotte, intègrent en effet la forte activité des services dans la lutte contre l’immigration clandestine. En outre, le taux de criminalité est calculé en fonction de la population recensée, sans tenir compte, par définition, du nombre des étrangers en situation irrégulière.

Les différents DOM et COM connaissent une évolution contrastée de leur délinquance, qui présente par ailleurs des caractéristiques très différentes d’une collectivité ultramarine à l’autre.

NOMBRE DE CRIMES ET DÉLITS COMMIS OUTRE-MER

Collectivités

2005

2006

2007

2008

Évolution
2007-2008

(pour mémoire évolution
2006-2007)

Taux de criminalité
Pour 1000 habitants en 2008

(pour mémoire 2007)

Guadeloupe

27 882

28 332

30 162

30 212

-0,16%

(+ 6,46%)

68,32

Guadeloupe (hors îles du Nord)

24 765

24 872

25 939

26 032

+0,36%

(+4,29%)

(58,24)

Martinique

22 252

21 585

21 244

22 114

+4,10

(-1,58 %)

55,42

(52,9)

Guyane

23 458

24 333

24 839

22 084

-11,09

(+2,08%)

109,3

(118,8)

Réunion

34 177

31 518

30 914

31 404

+1,59%

(-1,92%)

40,06

(38,9)

Mayotte

12 911

19 090

22 814

21 265

-6,78%

(+19,51%)

132,39

(122,37)

Nouvelle-Calédonie

12 657

13 221

12 581

12 583

+0,01%

(-4,84%)

54,52

(52,3)

Polynésie française

10 145

9 262

10 791

10 934

+1,32%

(+16,51%)

44,55

(41,5)

Saint-Martin

2 618

3 071

3 765

3 700

-1,73 %

(+22,6%)

127,24

(113,5)

Saint-Barthélemy

499

389

458

480

+4,8%

(+17,74%)

70,09

(54,2)

Saint-Pierre-et-Miquelon

82

128

111

133

+19,81

(-13,28%)

21,01

(15,8)

Wallis et Futuna

172

97

242

188

-22,31

(+149,48%)

12,67

(16,1)

Total outre-mer

143 743

147 566

153 698

150 917

-1,8 %

(+4,16%)

59,75

(59,97)

Total métropole

3 775 838

3 725 588

3 589 293

3 558 329

-0,86 

(-3,66 %)

57,5

(58,3)

a) L’évolution de la délinquance dans les départements d’outre-mer

—  La Guadeloupe (hors îles du Nord) enregistre en 2008 une très faible augmentation de 0,36 % de la délinquance générale (comparée à la hausse de 4,29 % constatée l’an passé), due en grande partie à une forte activité des services de police et de gendarmerie en matière de lutte contre les stupéfiants, qui a crû de 22,37 %. Le taux de criminalité est plus élevé qu’en métropole (58,24 ‰ contre 57,5 ‰). En revanche, la délinquance de proximité est en baisse (- 1,64 %). Phénomène préoccupant, alors que les atteintes aux biens diminuent de 3,7 %, les atteintes volontaires à l’intégrité physique croissent de 1,76 %.

Les mineurs représentent aujourd’hui 10,14 % du total des mis en cause en Guadeloupe. Cette proportion augmente légèrement, puisqu’elle était de 9,27 % en 2007. Elle est cependant inférieure à la moyenne des départements d’outre-mer (12,96 %) ainsi qu’à celle observée en métropole (17,73 %).

Sur les sept premiers mois de l’année 2009, la délinquance générale a crû de 6,03 % et même de 9,46 %, si l’on excepte les infractions à la législation sur le séjour des étrangers. La délinquance de proximité a augmenté de 13,18 % et les atteintes à l’intégrité physique de 17,09 %.

—  La Martinique enregistre une hausse de 4,10 % des infractions constatées, phénomène d’autant plus marquant qu’il fait suite à une baisse de 1,58 % l’an dernier. Le taux de criminalité reste cependant moins élevé qu’en métropole (55,42 ‰ contre 57,5 ‰). Dans ce département, la délinquance de proximité enregistre une baisse de 5,15 % par rapport à 2007, mais les atteintes à l’intégrité physique des personnes progressent de 4 %. Sujet de préoccupation également, le nombre de mineurs mis en cause dans la délinquance martiniquaise est en hausse de 5,74 % en 2008 après une hausse de plus de 17 % l’an dernier. La part qu’ils occupent parmi les mis en cause est de plus de 12 %. Elle reste inférieure à celle observée en métropole et proche de la moyenne des DOM.

Sur les sept premiers mois de l’année 2009, la délinquance générale est stable (- 0,76 % si l’on comptabilise les délits à la police des étrangers et + 0,26 % dans le cas contraire) et la délinquance de proximité est en légère hausse (+2,85 %). Les atteintes volontaires à l’intégrité physique progressent quant à elles de 11,46 %. L’activité de la chaîne pénale a connu une nette augmentation sur la même période (+13,76 % de gardés à vue et +22 % de personnes écrouées).

—  La Guyane a enregistré une baisse de 11,09 % de la délinquance en 2007. Les infractions à la police des étrangers y représentent plus de 45 % des infractions constatées, contre 21 % des faits constatés en moyenne outre-mer. Hors police des étrangers, la délinquance générale est relativement stable (+0,22 % sur un an). Le taux de criminalité, qui atteint 109,32 ‰ (contre 118,8 ‰ l’an passé), reste à un niveau bien plus élevé qu’en métropole, mais doit être analysé avec précaution, car calculé sans tenir compte de la population clandestine. La part des mineurs mis en cause est en forte augmentation (+29 %) mais reste assez faible (4,12%), étant noté que, d’une manière générale, les infractions à la législation sur les étrangers sont classiquement majoritairement le fait de majeurs.

Sur les sept premiers mois de l’année 2009, les chiffres sont peu satisfaisants : la Guyane a vu la délinquance générale croître de plus de 18 %, la délinquance de proximité de 13,58 % et les atteintes volontaires à l’intégrité physique de 18,81 %.

—  La Réunion a enregistré une hausse de 1,59 % de sa délinquance générale, ce qui établit son taux de criminalité à un niveau bien plus faible qu’en métropole (40,06 ‰). La délinquance de proximité quant à elle a enregistré une baisse de 3,36 %, moindre cependant que celle enregistrée en 2007 (-10,15 %). La part des mineurs dans le total des mis en cause diminue sensiblement passant de 19,08 % en 2007 à 16,71 % en 2008, soit pour la première fois depuis de nombreuses années sous la barre du taux enregistré en métropole.

Sur les sept premiers mois de l’année 2009, la délinquance générale reste relativement stable (+ 0,88 %) ; la délinquance de proximité est nettement orientée à la baisse : -10,53 % par rapport à la même période de 2008.

b) L’évolution de la délinquance dans les collectivités d’outre-mer

—  À Mayotte, les crimes et délits constatés par les services de police et de gendarmerie ont augmenté de 6,79 %, augmentation bien moindre que celles enregistrées en 2006 (47,86 %) et 2007 (+19,51 %). Ces chiffres qui demeurent élevés s’expliquent principalement par une activité soutenue des forces de l’ordre en matière de lutte contre l’immigration clandestine. Le taux de criminalité à Mayotte reste très élevé : 132,39 ‰.

Si la délinquance de proximité a enregistré une baisse de 5,15 % sur un an (après une spectaculaire hausse de 21,38 % l’an passé), les atteintes à l’intégrité physique des personnes progressent de plus de 18 %. Les mineurs, dont la part demeure réduite du fait de l’importance relative des infractions à la législation sur les étrangers, représentent 14,26 % du total des personnes mises en cause, soit une progression assez sensible par rapport à l’année passée (où ils ne représentaient que 12 % des mis en cause).

La tendance à la réduction de la délinquance à Mayotte se confirme pour les sept premiers mois de l’année 2009 : la délinquance générale a baissé de 10,76 % et la délinquance de proximité de 5,83 %.

—  Avec un peu plus de 12 500 crimes et délits constatés par l’ensemble des services de police et de gendarmerie, la Nouvelle-Calédonie est marquée par une stabilisation de la criminalité et de la délinquance sur un an. Le taux de criminalité de cette collectivité s’établit à 54,52 ‰, soit un niveau inférieur à celui de la métropole. La part des mineurs est en revanche la plus élevée de l’outre-mer : ils représentent 26,18 % du total des mis en cause en 2008.

Sur les sept premiers mois de l’année 2009, la délinquance générale enregistre une diminution de 1,58 % par rapport à la même période l’année dernière. Les atteintes aux biens reculent (-7,10 %) à l’inverse des atteintes volontaires à l’intégrité physique des personnes (+8,57 %).

—  La Polynésie française, qui a enregistré une faible augmentation de la délinquance en 2008 (après une hausse importante de 16,51 % l’an passé) conserve un taux de criminalité (44,55 ‰) très inférieur à celui de la métropole. La part des mineurs reste relativement stable, représentant 17,44 % du total des mis en cause en 2008, contre 16,30 % en 2006.

Sur les sept premiers mois de l’année 2009, la délinquance générale repart à la hausse (+ 7,16 %), tandis que la délinquance de proximité a légèrement diminué (-0,52 %). Les taux d’élucidation sont élevés : 62,88 % pour la délinquance générale et 53,48 % pour la délinquance de proximité.

—  S’agissant de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, les comparaisons ne peuvent remonter qu’à 2005 puisque jusqu’à cette date, les chiffres les concernant étaient compris dans les statistiques de la Guadeloupe « continentale ». La délinquance générale à Saint-Martin a diminué de 1,73 %, après une hausse 22,6 % entre 2006 et 2007. Le taux de criminalité y est particulièrement élevé (127,24 ‰) ; la délinquance de proximité est en revanche en baisse de plus de 14 % après la hausse de 27,23 % l’an passé, tandis que la part des mineurs reste faible, ceux-ci ne représentant que 7,18 % des mis en cause.

À Saint-Barthélemy, la délinquance générale a augmenté de 4,8 % entre 2007 et 2008. Le taux de criminalité a connu une nette augmentation passant de 54,2 ‰ l’an passé à 70,09 ‰ en 2008. La délinquance des mineurs reste peu importante (8,33 % des mis en cause, soit 13 mineurs).

Sur les sept premiers mois de l’année 2009, la délinquance générale a augmenté à Saint-Barthélemy de 12,81 % (317 faits contre 281 sur la même période en 2008), tout comme la délinquance de proximité qui croît de 10 %.

—  Avec un taux de criminalité de 21,06 infractions pour 1 000 habitants, Saint-Pierre-et-Miquelon enregistre un des plus faibles taux de l’outre-mer. Pourtant, ce sont 133 crimes et délits qui ont été constatés en 2008 par les services de gendarmerie, contre 111 faits en 2007, soit une augmentation de 19,82 %.

Sur les sept premiers mois de l’année 2009, la délinquance générale a progressé de manière importante : + 13,43 % (de 67 à 76 faits).

—  Sur les Îles Wallis et Futuna, 188 crimes et délits ont été enregistrés, soit une diminution de plus de 22 % par rapport à 2007 (après une très forte hausse l’an dernier). La délinquance de proximité chute de 40 % par rapport à 2007. Le taux de criminalité reste faible, s’établissant à 12,67 ‰. C’est le plus faible taux d’outre-mer.

La tendance s’inverse cependant sur les sept premiers mois de l’année 2009 : la délinquance générale est en augmentation (+7,89 %), tout comme la délinquance de proximité (+5,56 %). La hausse des atteintes volontaires à l’intégrité physique est très marquée (23 faits contre 7 en 2008 sur la même période).

2. L’organisation des forces de l’ordre

a) La répartition spatiale des forces de police et de gendarmerie

Les effectifs de la police nationale outre-mer représentaient 4 400 ETPT en 2008, dont 2 888 affectés à la sécurité publique et 966 dans les services de police aux frontières. La répartition des effectifs figure dans le tableau ci-après :

EFFECTIFS DE LA POLICE NATIONALE OUTRE-MER

Collectivités

Au 1er janvier 2006

Au 1er janvier 2007

Au 1er janvier 2008

Au 1er janvier 2009

Guadeloupe
(avec les îles du Nord)

973

930

1 022

1 049

Martinique

873

863

837

836

Guyane

588

575

663

658

Réunion

1 052

1 096

1 056

1 068

Mayotte

250

307

302

336

Nouvelle-Calédonie

568

568

556

539

Polynésie française

234

242

259

274

Saint-Pierre-et-Miquelon

9

9

9

10

Wallis et Futuna

1

1

1

1

Total outre-mer

4 548

4 633

4 705

4 771

La gendarmerie nationale dispose quant à elle outre-mer de 149 brigades territoriales et 5 communautés de brigades pour un effectif total de 3 546 personnels militaires et civils. Seize escadrons de gendarmerie mobile en provenance de métropole renforcent en permanence ce dispositif.

La répartition des effectifs figure dans le tableau ci-après.

EFFECTIFS DE LA GENDARMERIE NATIONALE OUTRE-MER
(hors gendarmerie mobile)

Collectivités

Au 1er janvier 2006

Au 1er janvier 2007

Au 1er janvier 2008

Au 1er janvier 2009

Guadeloupe

685

692

682

691

Martinique

626

626

620

621

Guyane

445

479

469

475

La Réunion

725

735

736

733

Mayotte

111

121

122

137

Nouvelle-Calédonie

409

447

467

469

Polynésie française

427

392

391

392

Saint-Pierre-et-Miquelon

31

31

28

28

Wallis et Futuna  (11)

15

15

16

16

Total outre-mer

3 474

3 538

3 531

3 562

La refonte de la répartition spatiale des forces de police et de gendarmerie est en voie d’achèvement. Elle devrait l’être définitivement à la fin de l’année 2009. À la Réunion, le transfert des zones de compétences entre la police et la gendarmerie nationales devrait être effectif au 1er novembre 2009, la commune de Saint-Pierre passant sur la responsabilité de la Police nationale et la commune de Saint-Louis sous la compétence de la Gendarmerie nationale. Ce transfert s’effectue par la dissolution de la brigade territoriale de Ravine des Cabris, au profit de la création de celle de Saint Louis.

En Polynésie française, des consultations sont en cours afin d’étudier le transfert à la police de la commune du Pirae, actuellement en zone de compétence gendarmerie, alors que la commune est voisine de celle Papeete où la police est compétente.

Au total, dans l’ensemble des collectivités, 70 % de la population résident dans une zone relevant de la compétence de la gendarmerie.

Conformément aux dispositions du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, la gendarmerie se prépare à assurer les missions de souveraineté qui lui incomberont à la suite de l’allègement du dispositif ultramarin des forces armées.

Le tableau ci-après montre la réparation des forces l’ordre outre-mer en 2008 :

RÉPARTITION DES FORCES DE L’ORDRE OUTRE-MER EN 2008

Collectivités

Répartition des forces de l’ordre
en % de la population couverte

Nombre d’habitants par policier
ou par gendarme 

Police nationale

Gendarmerie nationale

Par policier

Par gendarme
(hors Gendarmerie mobile)

Guadeloupe

30 %

70 %

257

537

Martinique

33,91 %

66,09 %

244

430

Guyane

31,11 %

68,89 %

208

311

Réunion

32,14 %

67,86 %

363

717

Mayotte

28,44 %

71,56 %

128

973

Nouvelle-Calédonie

34,93%

65,07 %

528

303

Polynésie française

10,02 %

89,98 %

167

595

Saint-Barthélemy

Pas de zone police

100 %

/

903

Saint-Martin

Pas de zone police

100 %

/

421

Saint-Pierre-et-Miquelon

Pas de zone police

100 %

/

226

Wallis et Futuna

Pas de zone police

1

/

1 012

Votre rapporteur tient à saluer le professionnalisme dont ont fait preuve les forces de maintien de l’ordre lors des mouvements sociaux du début de l’année. Au plus fort des événements en Guadeloupe, plus d’une douzaine de barrages fixes tenus par des manifestants étaient en place et de très nombreux abattis composés d’encombrants de circonstances (branches, arbres, poubelles, carcasses de voitures..) obstruaient ponts et carrefours stratégiques. Les forces de l’ordre ont essuyé de multiples caillassages et coups de feu. Le département comptera jusqu’à dix escadrons de gendarmerie mobile qui travailleront dans des conditions d’engagement délicates et de tensions particulièrement élevées.

En Martinique, l’essentiel des troubles à l’ordre public a eu lieu en zone police, dans les zones industrielles dont les magasins ont fait l’objet d’actes de pillage et de vandalisme. Le pic de la crise sociale interviendra les 24 et 25 février avec deux nuits d’émeutes dans Fort-de-France. Le département comptera jusqu’à dix escadrons de gendarmerie mobile.

À la Réunion, l’envoi d’un escadron de gendarmerie mobile supplémentaire depuis Mayotte a permis de prévenir tout débordement lors des grandes manifestations de voie publique de Saint-Denis et Saint-Pierre.

b) La montée en puissance des groupements d’interventions régionaux (GIR)

En vertu d’une circulaire de 2002, il revient aux préfets territorialement compétents de décider de la mise en œuvre de groupements d’intervention régionaux (GIR) dans les départements d’outre-mer. Le dispositif retenu initialement par la plupart des préfets, à l’exception notable de la Guyane, a été de créer des GIR dotés d’unités d’organisation et de commandement (UOC) non permanentes, activées au gré des besoins des services pour des enquêtes particulières.

Au total, ce sont désormais cinq GIR qui sont actifs outre-mer, pour un effectif total de cinquante-deux personnels de la police nationale, de la gendarmerie nationale, des services fiscaux et des douanes.

Le premier GIR qui a été constitué est celui de Guyane, où une UOC permanente de 11 personnes a été mise en place dès novembre 2006, afin notamment de lutter plus efficacement contre l’orpaillage clandestin, mais aussi contre le travail dissimulé, le trafic de produits stupéfiants, l’immigration clandestine, et les infractions relatives à l’urbanisme et aux marchés publics. Ce GIR, rattaché à la direction générale de la gendarmerie nationale, comprend désormais 12 personnes.

Depuis le début de l’année 2008, les UOC des GIR de la Guadeloupe et de La Réunion sont devenues permanentes, dans le but d’accroître leur efficacité. Le GIR de la Guadeloupe, rattaché à la direction interrégionale de Pointe-à-Pitre, a été créé par une décision conjointe du préfet de la région Guadeloupe et du procureur près la Cour d’appel de Basse-Terre en date du 18 janvier 2008. Il comprend désormais 12 personnes. Celui de la Réunion est rattaché à la direction centrale de la sécurité publique. Il est composé d’un effectif de 9 personnes. Créé par arrêté préfectoral de décembre 2002, il n’est devenu permanent que par arrêté préfectoral du 2 avril 2008.

Enfin, des GIR non permanents ont été récemment réactivés par l’autorité préfectorale à Mayotte et en Martinique. Le GIR de Mayotte, rattaché à la Direction générale de la Gendarmerie nationale, a été créé par décision conjointe du préfet de Mayotte et du procureur de la République près le tribunal supérieur d’appel de Mayotte en date du 24 novembre 2008. Il est composé d’un effectif de 9 personnes. Celui de la Martinique a été créé par un arrêté préfectoral du 19 janvier 2009, cosigné par le préfet de région, le procureur général près la Cour d’appel de Fort-de-France, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Fort-de-France et le directeur des services fiscaux. Rattaché à la D.G.G.N., il comprend 10 personnes.

Par ailleurs, le ministère de l’Intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales a agréé, le 2 juin 2009, la création d’un G.I.R. en Polynésie française, rattaché à la D.G.G.N. Une réflexion est en outre engagée sur la création d’un septième GIR en Nouvelle-Calédonie, lui aussi rattaché à la D.G.G.N.

Le bilan de l’activité de ces GIR est très satisfaisant : au 30 juin 2009, dans le cadre de la lutte contre l’économie souterraine, les cinq GIR ultramarins en fonction ont saisi 2,9 millions d’avoirs criminels, sur les 22 millions saisis par l’ensemble des GIR au plan national.

3. De quelques aspects particuliers de la délinquance outre-mer

a) La lutte contre les trafics de stupéfiants dans la zone Caraïbes

La proximité de la principale zone mondiale de production de cocaïne fait des Antilles françaises et de la Guyane un point de passage privilégié des trafiquants avant « l’approvisionnement » de la métropole, mais aussi une zone de forte consommation de cocaïne. Les interceptions de navires, les saisies de produits stupéfiants et le démantèlement des filières confirment l’importance du rôle joué par cette zone dans le trafic international de stupéfiants.

Si la France s’efforce de tenir ses collectivités des Antilles et de Guyane à l’écart de ces circuits, ces collectivités doivent faire face à deux réseaux distincts de trafiquants :

–  un trafic local et régional portant sur des stupéfiants essentiellement importés des îles voisines (herbe, résine de cannabis et crack). Les îles de la Dominique et de Sainte-Lucie sont les deux sources principales de trafics pour la Guadeloupe et la Martinique. Le Suriname et, dans une moindre mesure le Guyana et le Brésil, sont les principaux pays sources des stupéfiants importés en Guyane.

—  un trafic international qui se manifeste essentiellement par la circulation, par voies maritimes et aériennes, d’importantes quantités de cocaïne destinées aux marchés de la drogue métropolitain et européen.

Si la consommation locale a longtemps été caractérisée par l’usage du crack, dérivé de la cocaïne aux effets dévastateurs, on assiste aujourd’hui à un usage important de cannabis et de cocaïne.

Il convient cependant de distinguer les situations des deux départements antillais (Martinique et Guadeloupe) de celle de la Guyane :

—  En Guadeloupe et en Martinique, le trafic est principalement orienté vers les consommateurs locaux. La cocaïne, en provenance d’Amérique du Sud transite le plus souvent par la Dominique pour la Guadeloupe et Sainte-Lucie pour la Martinique ;

—  La Guyane, en revanche, est devenue essentiellement une plate-forme pour l’expédition de la cocaïne vers l’Europe, en provenance principalement du Suriname et du Guyana.

L’augmentation chaque année de près de 30 % des infractions constatées témoigne tout autant de l’implication des forces de l’ordre dans la lutte contre les trafics que de la pression grandissante qu’exercent les trafiquants dans la région des Caraïbes (12). La progression de cette délinquance est très forte en Martinique, qui est le DOM où le nombre d’infractions est le plus élevé, ainsi que le montre le tableau ci-après :

NOMBRE D’INFRACTIONS À LA LÉGISLATION SUR LES PRODUITS STUPÉFIANTS
DE 2003 À 2008 AUX ANTILLES ET EN GUYANE

Départements d’outre-mer

2003

2004

2005

2006

(Évolution 2005-2006)

2007

(Évolution 2006-2007)

2008

(Évolution 2007-2008)

Guadeloupe (avec les îles du Nord)

797

757

842

1 333

(+ 58,3 %)

1 553

(+16,50 %)

1 949 (13)

(+25,50%)

Martinique

1 757

1 627

982

1 128

(+ 14,9 %)

1 602

(+42,02 %)

2 313

(+44,38%)

Guyane

381

333

378

440

(+ 16,4 %)

601

(+36,59 %)

544

(-9,48 %)

Total DFA (14)

2 935

2 717

2 202

2 901

(+ 31,7 %)

3 756

(+29,47 %)

4 806

(+27,95 %)

Votre rapporteur pour avis signale toutefois que la zone Caraïbe ne détient pas le monopole en la matière. En 2008 ont été constatés 1 411 faits à la Réunion, soit une augmentation de près de 50 % depuis 2003, 1 140 faits en Polynésie Française (soit une hausse de 36 % depuis 2003) tandis que Saint-Pierre-et-Miquelon a connu un accroissement de près de 170 % sur la même période, même si les volumes sont bien plus réduits (16 faits en 2008 contre 6 en 2003).

Les moyens mis en œuvre pour lutter contre les trafics ont été accrus au cours des années récentes. Des antennes de police judiciaire ont été mises en place à Fort-de-France (Martinique), Cayenne (Guyane) et Saint-Martin.

Une antenne de l’office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants (O.C.R.T.I.S.) a été ouverte en 2004 en Martinique (15). Positionnée au plus près des trafics de cocaïne tournés vers l’Europe, l’antenne de Fort-de-France, compétente pour les trois départements français d’Amérique, est rapidement devenue un bouclier incontournable dans le dispositif de lutte contre les trafics, ce que confirment les résultats opérationnels obtenus depuis sa création : 35 organisations criminelles important de la cocaïne en France métropolitaine au départ de la Caraïbe ont été démantelées, 435 individus ont été placés en garde à vue aboutissant à la mise en examen de 327 personnes dont 293 ont été écrouées. Ce bilan s’est accompagné de la saisie de 16 tonnes de cocaïne, 15 kg de résine de cannabis, 2 tonnes d’herbe de cannabis, 1 kg de crack, ainsi que de plus de 550 000 euros et de 30 000 dollars. De nombreux moyens de transport ont également été saisis dont 2 cargos, 16 voiliers, 3 caboteurs, 2 go-fast, 17 véhicules et 2 scooters des mers.

L’action des GIR, recentrée depuis février 2008 au plan national principalement sur la lutte contre les trafics de stupéfiants, vient encore compléter du travail effectué par les unités spécialisées.

Le tableau ci-après retrace le nombre des interpellations pour infraction à la législation sur les stupéfiants depuis 2003 :

INTERPELLATIONS POUR INFRACTION À LA LÉGISLATION SUR LES STUPÉFIANTS

 

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Guadeloupe

640

622

545

688

1 034

1 429

Martinique

1 160

1 113

715

730

1 182

1 425

Guyane

323

307

247

333

549

510

TOTAL

2 123

2 042

1 507

1 751

2 765

3 364

Dans les trois départements français des Antilles, l’herbe de cannabis et la cocaïne constituent l’essentiel des saisies de stupéfiants. Les saisies d’héroïne et de drogues de synthèse sont très faibles : 2,3 kg et moins de 200 comprimés d’ecstasy ont été interceptés en 2008 dans les trois départements. Les saisies de crack restent limitées en dépit d’un usage répandu. C’est toutefois aux Antilles que sont effectuées les trois quarts des saisies de crack en France.

Les trois tableaux ci-après retracent les saisies de stupéfiants effectuées dans la zone Antilles-Guyane pour la période allant de 2003 à 2008.

saisies de cannabis (en kg)

 

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Guadeloupe

860

287

50

115

684

324

Martinique

300

897

764

859

644

720

Guyane

144

94

114

101

241

69

TOTAL

1 304

1 278

928

1 075

1 568

1 113

saisies de cocaïne (en kg)

 

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Guadeloupe

592

39

405

1 035

301

79

Martinique

1 170

161

1 792

6 295

2 290

1 770

Guyane

82

290

133

197

266

177

TOTAL

1 844

490

2 329

7 528

2 856

2 026

saisies de crack (en kg)

 

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Guadeloupe

1,4

1,5

0,8

0,9

0,5

2,2

Martinique

1,8

4,1

4,3

1,6

1,6

4,3

Guyane

3,8

6,7

1,0

1,0

1,5

2,9

TOTAL

7,0

12,3

6,1

3,5

3,6

9,4

Des actions de prévention sont également menées par les services de police et de gendarmerie qui participent aux journées d’information anti-drogue dans les établissements scolaires, aux comités de lutte contre l’alcoologie et la toxicomanie et effectuent régulièrement des contrôles aux abords des enceintes scolaires sur réquisition du procureur de la République.

b) La difficile lutte contre l’orpaillage clandestin en Guyane

L’orpaillage clandestin, consistant à extraire illégalement de l’or dans les rivières, est très largement pratiqué en Guyane, même s’il est, par définition, impossible de quantifier précisément ce phénomène. Les groupes d’orpailleurs sont constitués en véritables bandes organisées qui acheminent des pays voisins du matériel d’extraction et de production de la main-d’œuvre clandestine et la logistique nécessaire à la survie de villages entiers (vivres, armes et carburants, pour l’essentiel).

Les implications de l’orpaillage clandestin en Guyane sont importantes :

—  Un accroissement de l’immigration illégale en provenance du Suriname et surtout du Brésil

Étant donnée la situation géographique de la Guyane, notamment ses 520 kilomètres de frontières avec le Suriname et ses 580 kilomètres de frontières avec le Brésil, l’orpaillage clandestin constitue un appel d’air pour une immigration massive de travailleurs transfrontaliers illégaux en provenance de ces pays. Les sites d’orpaillage, situés en plein cœur de la forêt amazonienne, facilitent l’installation durable des clandestins et des regroupements estimés parfois à plusieurs centaines d’habitants. Le nombre total de travailleurs clandestins en Guyane serait compris selon les estimations entre 3 000 et 15 000.

—  Des conséquences très néfastes pour la santé des populations locales

Depuis une dizaine d’années, on sait que les villages indiens de Twenké et Antecume Pata du Haut Maroni sont exposés à des teneurs importantes en mercure. En 2005, la concentration mesurée dans les cheveux avait augmenté d’environ 20 % par rapport aux chiffres de 1995. En 1998, déjà, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) avait évalué à 70 % la part des enfants amérindiens du Haut Maroni qui présentent des concentrations de métal supérieures aux normes de l’Organisation mondiale de la santé. L’utilisation massive par les orpailleurs de mercure, qui permet d’amalgamer les paillettes d’or, est l’une des causes de ce phénomène préoccupant.

—  Des dégâts très lourds causés à l’environnement

Cette activité porte aussi dramatiquement atteinte à l’environnement guyanais, le mercure polluant les sols et les eaux. L’office national des forêts estime à plus de 1 300 kilomètres la longueur des cours d’eau pollués et à 12 000 hectares la surface de forêt concernée, ce chiffre ayant été multiplié par trois entre 2000 et 2006. Ce sont des pans entiers de la forêt guyanaise qui disparaissent année après année.

—  Un préjudice pour l’activité légale d’extraction aurifère en Guyane

À titre indicatif, la production d’or officielle était de 2,7 tonnes d’or en 2006, mais le chiffre effectif d’exportation de 5 tonnes. Ce décalage provient notamment de l’orpaillage clandestin, qui porte préjudice à l’activité légale d’extraction d’or.

Depuis plusieurs années, le Gouvernement français a mis en œuvre une politique de coopération interministérielle accrue dans la lutte contre l’orpaillage clandestin en Guyane.

Afin d’optimiser l’emploi des forces armées en Guyane, le protocole « Toucan », signé le 29 juin 2006 par le préfet du département et le commandant supérieur des forces armées, a renforcé le rôle des 2 000 militaires présents (hors gendarmerie) dans le cadre de missions diverses, notamment de lutte contre l’immigration et l’orpaillage clandestins. Ainsi, le nombre d’opérations de contrôle en forêt profonde pour lutter contre l’orpaillage clandestin dites « opérations anaconda » n’a cessé d’augmenter depuis 2003. Conformément à l’engagement pris par le Président de la République au début de l’année 2008, aux opérations anaconda ont succédé les opérations dites « harpie », qui ont bénéficié de renforts militaires supplémentaires et permis, en quatre mois, un résultat supérieur à celui des opérations anaconda . Ainsi, les opérations harpie menées de mars à juin 2008 avaient permis la saisie de 19 kg d’or et 211 kg de mercure. Le montant des saisies et des destructions était estimé à plus de 28 millions d’euros. Par ailleurs, 666 étrangers en situation irrégulière avaient été reconduits à la frontière à la suite de ces opérations.

Ces opérations ont été relancées à la fin du mois d’avril 2009. Les effectifs de la police et de la gendarmerie présents en Guyane ont été considérablement renforcés depuis 10 ans. Au 1er janvier 2009, ils étaient respectivement de 644 fonctionnaires de police et 475 gendarmes, auxquels il convient d’ajouter six escadrons de gendarmes mobiles, dont deux spécialement chargés de la lutte contre l’orpaillage clandestin. Le tableau ci-après dresse le bilan des opérations harpie menées en 2008 et au premier semestre 2009 :

Bilan des opérations « Harpie »

Année 2008

Premier semestre 2009

Nombre d’opérations

211

164

Or saisi (en grammes)

19 369

1 867,5

Mercure saisi (en grammes)

211 266

42 535

Barges ou pirogues saisies ou détruites

199

68

Carburant saisi (en litres)

181 063

54 025

Moto-pompes détruites

355

124

Armes saisies

179

66

Valeur des biens saisis ou détruits (en millions d’euros)

28

2,7

Pour autant, si l’adaptation de certaines dispositions juridiques a permis d’accentuer l’efficacité de ces dispositifs opérationnels déployés sur le terrain (16), il apparaît que l’arsenal répressif ne dissuadait pas assez les orpailleurs clandestins. Constitués en véritables bandes organisées qui acheminent des pays voisins du matériel d’extraction et de production de la main-d’œuvre clandestine et la logistique nécessaire à la survie de villages entiers (vivres, armes et carburants, pour l’essentiel), ces groupes n’étaient passibles que de contraventions douanières ou d’une faible peine d’emprisonnement prévue par le code des mines.

Prenant la mesure de ces difficultés, le législateur a durci la répression des orpailleurs clandestins. L’article 59 de la LODEOM d’une part, réprime plus sévèrement le délit d’extraction aurifère illégale prévu à l’article 141 du code des mines, lorsque les faits s’accompagnent d’atteintes graves à l’environnement matérialisées par la pollution des eaux (principalement par le recours au mercure), la pollution atmosphérique, la production de déchets ou la déforestation, et d’autre part, permet aux enquêteurs de recourir aux techniques d’investigations propres à lutter contre la criminalité organisée (surveillance, infiltration, régimes dérogatoires de garde à vue et de perquisition, écoutes téléphoniques...).

S’il est bien trop tôt pour évaluer l’efficacité de ces dispositions dans la lutte contre l’orpaillage clandestin en Guyane, votre rapporteur pour avis sera attentif dans les années à venir aux évolutions du phénomène.

C. LA DIFFICILE ORGANISATION DE LA SÉCURITÉ CIVILE EN POLYNÉSIE FRANÇAISE

L’organisation de la sécurité civile en Polynésie Française, qui respecte les principes nationaux en la matière, a dû être adaptée aux spécificités géographiques de la collectivité :

—  d’une part, la Polynésie Française est constituée de cinq archipels répartis sur une surface proche de celle du continent européen et occupée par 260 000 habitants, dont 200 000 occupent les îles du Vent ;

—  d’autre part, la Polynésie est soumise à des risques naturels importants (tsunamis ou séismes).

Rappelons en outre que le territoire dispose d’une autonomie d’organisation en vertu de son statut : l’assemblée territoriale et le Gouvernement gèrent le territoire de la Polynésie à l’exception des domaines confiés expressément à l’État. Les compétences en matière de sécurité civile lato sensu sont réparties entre l’État, les communes et le gouvernement de Polynésie Française (17).

1. L’imbrication des compétences entre l’État, les communes et le gouvernement polynésien

Si le maire est compétent de droit, comme en métropole, en matière d’organisation, de préparation et de mise en œuvre des moyens de secours sur le territoire de sa commune, il n’existe pas encore en Polynésie d’établissement public territorial d’incendie et de secours effectif assimilable aux SDIS métropolitains. L’État exerce donc une mission importante de coordination des moyens communaux d’incendie et de secours. Les compétences exercées par le gouvernement de Polynésie Française concernent essentiellement le domaine de la prévention des risques.

a) La compétence d’attribution de l’État

La sécurité civile est une compétence d’attribution de l’État en vertu de l’article 14 de la loi organique n°2004-192 du 27 février 2004 : il est ainsi expressément chargé de la préparation des mesures de sauvegarde, de l’élaboration et de la mise en œuvre des plans opérationnels et des moyens de secours nécessaires pour faire face aux risques majeurs et aux catastrophes, mais aussi de la coordination et de la réquisition des moyens concourant à la sécurité civile. La sécurité de la navigation maritime et la coordination des moyens de secours en mer relèvent également de ses attributions.

Sur un plan institutionnel, une direction de la défense et de la protection civile composée de trois officiers supérieurs des sapeurs-pompiers et de quatre personnels administratifs est chargée au sein du Haut Commissariat d’exercer les missions qui, en métropole, relèvent de la préfecture de département, de l’état-major de zone de défense et du service départemental d’incendie et de secours.

Les forces armées stationnées en Polynésie concourent également aux missions de sécurité civile dans la limite de leurs moyens. Elles mettent notamment à disposition leurs moyens aériens et maritimes, afin de participer à des opérations de transport sanitaire ou de secours en mer. Par convention, le régiment d’infanterie de marine du Pacifique en Polynésie conserve et entretient deux lots de matériels destinés aux équipes d’intervention, en cas de catastrophe de grande ampleur (groupes électrogènes, dessalinisateurs…).

b) Les compétences des communes de Polynésie Française : les centres communaux d’incendie et de secours

Les maires sont compétents en matière d’organisation, de préparation et de mise en œuvre des moyens de secours sur le territoire de leur commune. Le programme de développement de la couverture territoriale des secours prévoit l’implantation d’un centre de secours dans chaque commune de plus de 1 000 habitants. La Polynésie, qui compte aujourd’hui 25 unités opérationnelles, doit prochainement se doter de 10 centres supplémentaires, dont 7 dans l’archipel des Tuamotu – Gambier. Au 1er août 2009, les effectifs sont de 474 sapeurs-pompiers. (18)

Ces centres communaux sont chargés de la lutte contre les incendies, du secours routier, et du secours à victimes et de l’aide à personnes. À ces missions classiques s’ajoute, du fait de l’absence de transport ambulancier privé en Polynésie, le transport sanitaire. Ils sont également chargés de certaines missions d’assistance exercées par des services communaux en métropole : transports de personnes âgées ou sécurisation d’évènements municipaux, notamment.

Du fait de l’absence d’établissement territorial d’incendie et de secours ou de centre opérationnel territorial – malgré le fait que l’ordonnance n° 2006-173 du 15 février 2006 portant actualisation et adaptation du droit applicable en matière de sécurité civile en Polynésie française en prévoie la création – chaque centre de secours communal traite ses propres appels, sans interconnexion possible avec le SAMU-Centre 15. Ce sont les services de l’État qui assurent la coordination des forces en cas de nécessité.

c) Les compétences du Gouvernement de Polynésie Française

Le Gouvernement de Polynésie dispose de compétences en matière de prévention des risques. À ce titre, il est chargé de la prévention dans les établissements recevant du public (qui sont au nombre d’environ 2 500) et dans les installations industrielles ou présentant des risques pour l’environnement (environ 1 600). Il participe également à la prévision des risques du fait des compétences qui lui sont attribuées par la loi organique du 27 février 2004.

D’une manière générale, l’absence de règles spécifiques, le peu de moyens humains déployés et la faible culture de sécurité existant en matière de risque industriel en Polynésie perturbent la mise en œuvre d’une politique de sécurité efficace dans le domaine.

Le Gouvernement de Polynésie est en outre consulté par le haut commissaire en matière de préparation des plans opérationnels de secours, en application de l’article 97 de la loi organique du 27 février 2004 précitée.

Votre rapporteur pour avis plaide pour la mise en place rapide d’un établissement territorial d’incendie et de secours en Polynésie française qui rendra plus efficace l’organisation des moyens d’incendie et de secours communaux. La création d’un centre opérationnel territorial et d’un traitement centralisé des appels 18 doit constituer une priorité.

2. La question de l’organisation du secours en mer

Alors que l’article 13 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie Française indique que « la Polynésie française et les communes exercent leurs compétences respectives jusqu’à la limite extérieure des eaux territoriales », l’article 12 de l’ordonnance n° 2006-173 du 15 février 2006 portant actualisation et adaptation du droit applicable en matière de sécurité civile en Polynésie française précise qu’en cas « d’accident, de sinistre ou de catastrophe en mer, le haut commissaire mobilise et met en œuvre les moyens de secours publics et privés nécessaires. Il assure la direction des opérations de secours en mer ».

Sur la base de ce dernier texte, de nombreuses communes de Polynésie refusent de doter leur centre de secours de moyens d’intervention nautique. Les opérations de secours sont donc essentiellement effectuées avec des moyens d’État relevant du Commandement de la Marine, quelle que soit la distance à laquelle l’intervention doit avoir lieu. Le secours en mer est donc organisé autour du Maritime Rescue Coordination Center de Papeete. Ce centre, implanté dans la base navale, est soutenu par les moyens de la marine nationale. Il assure une permanence opérationnelle 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Il constitue l’outil opérationnel privilégié pour la chaîne interministérielle de coordination de l’action de l’État en mer, apportant notamment son concours à la mise en œuvre des plans de secours spécialisés, à l’action sanitaire locale ou internationale ou au recueil des informations urgentes d’intérêt maritime, telles celles relatives aux pollutions en mer ou à la lutte contre le terrorisme ou les trafics illicites.

Selon les informations transmises à votre rapporteur pour avis par le Secrétariat d’État à l’outre-mer, un plan d’équipement conduit par le ministère chargé des transports, avec le soutien du ministère de la Défense, prévoit la prochaine transformation du centre en « centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage » (CROSS) de plein exercice : établissement relevant du ministère en charge des transports, il restera localisé dans l’enceinte de la base navale, mais assumera en mission propre et permanente la surveillance des pêches et de la navigation maritime, ainsi que la surveillance et la répression des pollutions marines.

3. Le manque de moyens aériens

La Polynésie française ne dispose à l’heure actuelle d’aucun hélicoptère au titre de la sécurité civile, pas plus que la Gendarmerie nationale.

Après le retrait des deux superpumas devraient être mis en place deux hélicoptères de type Dauphin, mis à disposition par le ministère de la Défense.

Une enveloppe de 1,077 millions d’euros en AE et CP a été allouée au titre de la mission « sécurité civile » en vue de l’acquisition de ces deux hélicoptères.

D. LA LENTE AMÉLIORATION DE LA SITUATION DES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES OUTRE-MER

1. La réalisation de programmes immobiliers a permis la réduction du taux moyen d’occupation des établissements, qui demeure cependant encore bien trop élevé

Le taux d’occupation moyen des établissements pénitentiaires outre-mer a été sensiblement réduit en un an, passant de près de 150 % l’an dernier à 126 %, taux qui n’avait pas été atteint depuis juillet 2006. Cette amélioration globale est pour l’essentiel dû à une augmentation du nombre de places opérationnelles dans certains établissements et à l’entrée en fonction du centre pénitentiaire de Saint-Denis de la Réunion. Au total, si le nombre de détenus outre-mer est passé de 4 540 au 1er juillet 2008 à 4 581 au 1er juillet 2009 (soit une augmentation de la population carcérale inférieure à 1 %), le nombre de places opérationnelles a augmenté de près de 600 places, passant de 3 037 à 3 633 (+19,6 % en un an).

À Saint-Denis de la Réunion, l’ouverture du centre pénitentiaire de près de 600 places sur le site de Domenjod, établissement qui relève du programme de construction de 13 200 places de la loi d’orientation de 2002, a permis la fermeture de la maison d’arrêt « Juliette Dodu » à Saint-Denis, réclamée depuis fort longtemps.

Pour autant, cette bonne évolution que votre rapporteur pour avis salue ne doit pas cacher la situation préoccupante de certains établissements confrontés à des taux d’occupation inédits en métropole. Le manque de places est particulièrement marqué dans trois établissements où le taux d’occupation est supérieur à 200 % : la maison d’arrêt de Majicavo à Mayotte (dont le taux d’occupation est de 251 %), le centre pénitentiaire de Faa’a-Nuutania en Polynésie française (où le taux d’occupation atteint 232 %) et celui de Nouméa (210 %).

Votre rapporteur espère que la récente adoption par le Parlement de la loi pénitentiaire, tant attendue en métropole comme outre-mer, favorisera l’amélioration des conditions de détention et réduira la surpopulation carcérale dont pâtissent tout particulièrement les établissements ultramarins.

Le tableau ci-après présente le taux d’occupation des établissements pénitentiaires outre-mer au 1er juin 2009.

TAUX D’OCCUPATION DES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES OUTRE-MER
(au 1er juin 2009)

Collectivité

Établissement

Nombre de
places
opérationnelles

Nombre
de
détenus

Taux d’occupation

Pour mémoire, taux d’occupation au 1er juin 2008

Guadeloupe

Maison d’arrêt de Basse-Terre

130

185

142 %

180,8 %

Centre pénitentiaire de Baie-Mahault

504

624

124 %

113 %

Martinique

Centre pénitentiaire de Ducos

570

885

155 %

143,6 %

Guyane

Centre pénitentiaire de Remire Montjoly

550 (19)

694

126 %

158,8 %

Réunion

Centre pénitentiaire du Port

699 (20)

537

77 %

119,9 %

Maison d’arrêt de Saint-Pierre

121

165

136 %

121,5 %

Maison d’arrêt de Saint-Denis

123

/

/

251,2 %

Centre pénitentiaire de Saint-Denis

574

452

79 %

/

Mayotte

Maison d’arrêt de
Majicavo

90

226

251 %

235,6 %

Polynésie française

Centre pénitentiaire de Faa’a-Nuutania.

167 (21)

388

232 %

285,1 %

Maison d’arrêt de Taiohae

5

3

60 %

60 %

Maison d’arrêt d’Uturoa

20

14

70 %

80 %

Saint-Pierre-et-Miquelon

Maison d’arrêt

(22)

5

63 %

25 %

Wallis et Futuna

Maison d’arrêt de
Mata-Utu

(23)

0

0 %

/

Nouvelle-Calédonie

Centre pénitentiaire de Nouméa

192

403

210 %

188,5 %

Total
outre-mer

3 633

4 581

126,1 %

149,5 %

2. De nouveaux programmes sont à l’étude

Pour augmenter les capacités d’accueil en milieu carcéral et remédier à la vétusté de certains établissements outre-mer, des projets de construction de nouveaux établissements ou d’extension d’établissements existants sont en cours ou encore à l’étude.

En Guadeloupe, un projet de création de 320 places est à l’étude, comportant, d’une part, la démolition et la reconstruction de la maison d’arrêt de Basse-Terre dans un bâtiment agrandi pour une capacité portée de 130 à 200 places et, d’autre part, l’extension de 250 places de la capacité du centre pénitentiaire de Baie-Mahault sur une réserve foncière située à proximité. L’Agence publique pour l’immobilier de la justice est chargée d’étudier la faisabilité de ces deux projets.

Par ailleurs, il est envisagé une nouvelle extension du centre pénitentiaire de Ducos en Martinique, qui a déjà fait l’objet en 2007 d’une extension de 80 places : des études complémentaires de faisabilité sont en cours en vue d’une augmentation de la capacité d’accueil de 160 places.

En Guyane, dans le centre pénitentiaire de Remire-Montjoly, où 78 places supplémentaires ont été mises en service à la fin de l’année 2008, la création, dans une partie inoccupée du centre, de 60 nouvelles places pour hommes et 15 pour femmes est à l’étude, avec pour objectif une mise en service avant la fin de l’année 2011. Est en outre envisagée la création d’une structure supplémentaire à l’intérieur de l’enceinte actuelle pour la création de 160 nouvelles places à l’horizon 2014.

À Mayotte, la maison d’arrêt de Majicavo, dont la capacité a augmenté de 25 places en 2005, devrait être transformée en centre pénitentiaire doté de 150 places supplémentaires (centre de détention) d’ici 2014.

En Polynésie française, l’extension du centre pénitentiaire de Faa’a repose sur la mise en service en août dernier d’un centre pour peines aménagées de 32 places, provisoirement utilisé pour accueillir les femmes dont le quartier fait l’objet de travaux de restructuration. Un projet de création d’un nouvel établissement de 400 places sur la commune de Papeari est à l’étude.

En Nouvelle-Calédonie, le centre pénitentiaire de Nouméa devrait bénéficier d’ici la fin de l’année 2009 de l’ouverture du quartier des mineurs de 18 places, dont la construction a pris du retard. La réalisation d’un centre pour peines aménagées (CPA) de 80 places est à l’étude : les travaux devraient débuter en 2010 pour s’achever à la fin de l’année 2011. À ces deux projets s’ajoute celui d’une restructuration lourde du centre pénitentiaire pour aboutir à une capacité de 490 places permettant de disposer à terme de deux quartiers pour peines, d’un quartier-maison d’arrêt, d’un quartier femmes, d’un quartier mineurs-jeunes majeurs, d’un quartier arrivant et d’un centre pour peines aménagées.

Cet établissement devrait en outre être doté d’un quartier socio-éducatif, d’un plateau sportif, d’une zone parloirs, d’ateliers de production et de formation et les locaux nécessaires pour le personnel.

De gros travaux de sécurisation sont d’ores et déjà en cours, notamment au niveau du mur d’enceinte, qui intégrera les bâtiments existants, mais aussi les constructions à venir dont le centre pour peines aménagées.

Le budget de l’administration pénitentiaire a en outre été doté, dans le cadre du plan de relance, d’une somme de plus de 4,7 millions d’euros destinée à financer des travaux de mise aux normes et gros entretien nécessaires dans les établissements.

Votre rapporteur pour avis salue la politique volontariste menée depuis 2002 en matière de construction et de rénovation des établissements pénitentiaires, seule politique à même d’améliorer les conditions de détention dans notre pays.

III.– LA POURSUITE DE LA MODERNISATION DES INSTITUTIONS DES COLLECTIVITÉS : DES ÉVOLUTIONS DISTINCTES

Les années 2007 et 2008 ont été marquées par des évolutions importantes des institutions de l’outre-mer :

—  rénovation du droit électoral applicable dans les COM par les lois organique (n°2007-223) et ordinaire (n°2007-224) du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer ;

—  consolidation du statut constitutionnel dérogatoire de la Nouvelle-Calédonie par la loi constitutionnelle du 23 février 2007 ;

—  octroi par la loi organique du 21 février 2007 précitée de nouveaux pouvoirs normatifs aux départements et régions d’outre-mer (DOM-ROM) (24;

—  rénovation statutaire de quatre COM : Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy et Saint-Martin, ces deux dernières collectivités passant, à cette occasion, du statut de communes d’un DOM-ROM à celui de COM, conformément au souhait de leur population. (25)

—  consécration constitutionnelle des nouveaux statuts de Saint-Barthélemy et Saint-Martin, ainsi que de Clipperton, par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui a par ailleurs modifié les articles 73 et 74-1 de la Constitution, pour respectivement permettre au pouvoir réglementaire d’habiliter les DOM-ROM à modifier des dispositions de nature réglementaire et étendre le champ des ordonnances que peut prendre le Gouvernement pour procéder aux adaptations dans les COM et en Nouvelle-Calédonie des dispositions législatives en vigueur en métropole.

Dans le prolongement de ces évolutions, et pour respecter des engagements pris solennellement devant nos compatriotes ultramarins – qu’il s’agisse de l’accord conclu à Nouméa le 5 mai 1998 ou du résultat de la consultation organisée à Mayotte le 29 mars dernier – a été adoptée la loi organique n° 2009-969 du 3 août 2009 relative à l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et à la départementalisation de Mayotte, dont votre rapporteur pour avis était rapporteur au nom de la commission des Lois (26).

Cette loi organique préserve les singularités institutionnelles de la Nouvelle-Calédonie, telles qu’elles résultent de l’accord de Nouméa, compromis historique dont les orientations ont, depuis la révision constitutionnelle du 20 juillet 1998 (27), acquis valeur constitutionnelle en application de l’article 77 de notre Constitution. En revanche, parce que l’accord de Nouméa prévoyait qu’une autonomie croissante serait accordée à la Nouvelle-Calédonie en plusieurs phases, avant que la question d’une « accession à la pleine souveraineté » ne puisse être posée à partir de 2014, la loi organique prépare le transfert à cette collectivité des compétences dont l’octroi était prévu pendant l’« étape intermédiaire » mentionnée dans cet accord – étape qui prendra fin au terme du mandat actuel du Congrès, dont les membres ont été renouvelés le 10 mai dernier. Le texte précise le calendrier et les modalités, tant administratives que financières, du transfert des nouvelles compétences que la Nouvelle-Calédonie sera appelée à exercer en certaines matières.

La loi organique pose en outre le principe d’une transformation de Mayotte en collectivité unique régie par l’article 73 de la Constitution, changement conforme à la procédure prévue par son article 72-4, ainsi qu’au vœu des élus et de la population de Mayotte.

A. LA POURSUITE DU PROCESSUS DE L’ACCORD DE NOUMÉA EN NOUVELLE-CALÉDONIE

1. La consolidation progressive d’un statut constitutionnel dérogatoire

Les modifications apportées par la loi constitutionnelle du 23 février 2007 au droit électoral applicable en Nouvelle-Calédonie, collectivité ultramarine régie, depuis près de dix ans (28), par les dispositions spécifiques du titre XIII de la Constitution, ont conforté sa place singulière au sein de la République française.

Rappelons que la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, conformément à l’accord de Nouméa du 5 mai 1998 (29), a mis en place sur ce territoire des institutions originales, caractérisées par une autonomie inédite, dans l’attente d’une consultation sur « l’accession à la pleine souveraineté » (30) qui ne pourra intervenir qu’en 2014 au plus tôt. Depuis 1999, les institutions calédoniennes reposent ainsi principalement sur un « congrès », assemblée délibérante devant laquelle est responsable l’exécutif local dénommé « gouvernement », mais aussi un « sénat coutumier », un conseil économique et social, des provinces et des communes. Ce statut particulier a prévu qu’au principe de spécialité législative, traditionnel dans les anciens territoires d’outre-mer, s’ajoute la possibilité pour le congrès de Nouvelle-Calédonie d’adopter des « lois du pays » fixant des règles dérogeant au droit commun dans diverses matières législatives (31).

Surtout, comme le prévoyait l’article 77 de la Constitution, la loi organique du 19 mars 1999 a également fixé des règles locales spécifiques en matière de citoyenneté et de régime électoral. Son article 4 a ainsi institué une « citoyenneté de Nouvelle-Calédonie », qui coexiste avec la citoyenneté française et justifie symboliquement la définition d’un corps électoral spécial pour certains scrutins (32). En matière électorale, il convient en effet de distinguer :

—  les référendums nationaux ainsi que les élections présidentielles, législatives, européennes et municipales, consultations électorales pour lesquelles la liste des électeurs est établie dans les conditions de droit commun ;

—  l’élection du congrès et des assemblées de province de Nouvelle-Calédonie, consultations électorales pour lesquelles les articles 188 et 189 de la loi organique du 19 mars 1999 ont institué un corps électoral restreint, comprenant notamment les personnes qui réunissaient les conditions pour participer à la consultation du 8 novembre 1998 sur l’accord de Nouméa (33), ainsi que les personnes domiciliées depuis dix ans en Nouvelle-Calédonie à la date de la consultation et inscrites sur un « tableau annexe » ;

—  la consultation sur l’accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté, pour laquelle l’article 218 de la loi organique précitée a défini, de manière complexe, un corps électoral spécial comprenant essentiellement, outre les personnes originaires du territoire (34), les personnes résidant sur place depuis 1988 ou pouvant y « justifier d’une durée de vingt ans de domicile continu » (35).

Or, la définition du corps électoral spécialement établi pour l’élection du congrès et des assemblées de province de Nouvelle-Calédonie a fait l’objet d’interprétations divergentes, qui y ont réveillé des inquiétudes que les accords dits « de Matignon » du 26 juin 1988, puis de Nouméa du 5 mai 1998, avaient progressivement apaisées. En effet, le Conseil constitutionnel a considéré, dans sa décision n° 99-410 DC du 15 mars 1999 relative à la loi organique, que le corps électoral restreint pour ces élections devait comprendre les électeurs « domiciliés depuis dix ans en Nouvelle-Calédonie, quelle que soit la date de leur établissement » dans cette collectivité. Or, l’esprit des accords de Nouméa était, d’après certains de leurs signataires, de mettre en place un corps électoral « figé » et non « glissant » pour cette catégorie d’électeurs : le « tableau annexe » visé aux articles 188 et 189 de la loi organique du 19 mars 1999 devait, dès lors, demeurer dans son état du 8 novembre 1998, date de la consultation ayant approuvé les accords de Nouméa, plutôt que d’être actualisé pour intégrer les électeurs arrivés postérieurement en Nouvelle-Calédonie.

Le Président de la République s’étant alors personnellement engagé, lors d’un déplacement en Nouvelle-Calédonie en juillet 2003, à résoudre cette difficulté juridique, afin de préserver la stabilité politique rétablie grâce aux accords de Nouméa, il convenait de mettre explicitement le droit en accord avec cette interprétation. La loi constitutionnelle n° 2007-237 du 23 février 2007 a satisfait cet objectif en modifiant l’article 77 de la Constitution, qui précise désormais que le tableau annexe auquel se réfèrent l’accord de Nouméa, ainsi que les articles 188 et 189 de la loi organique du 19 mars 1999 est celui qui avait été « dressé à l’occasion du scrutin » tenu le 8 novembre 1998, en application de l’article 76 de la Constitution.

Sur le fond, les restrictions ainsi apportées à l’exercice du suffrage universel pour certaines consultations, dérogent incontestablement au droit commun de la République, mais la Constitution comme le statut calédonien prévoyaient déjà des dérogations de même nature. Après des débats politiques passionnés, cette nouvelle révision constitutionnelle très ciblée a donc opportunément mis fin à une période d’incertitude juridique, sans préjuger du destin de la Nouvelle-Calédonie à l’issue de la période dite de « souveraineté partagée » (36).

2. La fixation du calendrier des transferts de compétences

La loi organique n° 2009-969 du 3 août 2009 précitée précise le calendrier et les modalités, tant administratives que financières, du transfert des nouvelles compétences que la Nouvelle-Calédonie sera appelée à exercer en matière d’enseignement primaire et secondaire, de droit civil, de droit commercial, de sécurité civile, d’état civil, ainsi que de transport maritime et aérien : le délai dans lequel ces compétences pourront être demandées par le congrès de la Nouvelle-Calédonie a été allongé, afin de bien préparer ces échéances importantes.

Le calendrier des transferts de compétences arrêté est le suivant :

—  le transfert des compétences en matière d’enseignement du second degré, d’enseignement primaire privé et de circulation aérienne et maritime intérieure sera effectif, dès lors que le Congrès aura voté avant le 20 novembre de cette année, à la majorité des 3/5èmes, des lois du pays qui en préciseront l’échéancier et les modalités.

—  puis, avant le 31 décembre 2011, le Congrès devra suivre la même procédure pour le transfert des compétences en matière d’état civil, de droit civil et commercial et de sécurité civile.

—  après mai 2014, le Congrès devra décider, à la majorité des 3/5èmes, d’une date de consultation, qui devra intervenir au cours du même mandat – soit avant 2019 – sur l’accession à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie. Si cette loi du pays n’est pas votée en mai 2018, cette date, ainsi que les modalités de la consultation, seront fixées par décret en conseil des ministres.

B. L’ENGAGEMENT DE MAYOTTE DANS LA VOIE DE LA DÉPARTEMENTALISATION

La rénovation du statut de Mayotte a été opérée par la loi organique du 21 février 2007, en application de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 qui a rattaché l’archipel à la catégorie des COM de l’article 74 de la Constitution. Cette loi organique avait prévu que le conseil général de Mayotte pourrait demander la transformation du statut de la COM en DOM-ROM, dès la première réunion suivant son renouvellement en 2008. Elle avait en outre précisé que Mayotte ne pourrait accéder à l’indépendance sans le consentement de sa population – le Conseil constitutionnel ayant en revanche censuré comme « empiét[ant] sur les pouvoirs du constituant » la disposition, introduite par un amendement gouvernemental, qui entendait subordonner une éventuelle accession à l’indépendance à une révision préalable de la Constitution (37).

1. La population mahoraise a plébiscité la transformation de Mayotte en DOM

Le Conseil général de Mayotte a adopté, le 18 avril 2008, une résolution portant sur la transformation de Mayotte en département et région d’outre-mer. Puis, conformément à l’engagement pris par le Président de la République, les électeurs mahorais ont été consultés sur cette évolution statutaire dans les douze mois suivant l’adoption de la résolution : le 29 mars 2009, ils se sont prononcés, à 95,2 % des voix, en faveur de la transformation de Mayotte en département d’outre-mer, régi par l’article 73 de la Constitution.

Tirant les conséquences de ce vote, la loi organique du 3 août 2009 relative à l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et à la départementalisation de Mayotte, a prévu la transformation en département de la collectivité de Mayotte en mars 2011, à l’occasion du renouvellement du conseil général. L’article 63 de la loi organique a complété le code général des collectivités territoriales d’un article LO 3446-1 qui prévoit qu’« à compter de la première réunion suivant le renouvellement de son assemblée délibérante en 2011, la collectivité départementale de Mayotte est érigée en une collectivité régie par l’article 73 de la Constitution, qui prend le nom de "Département de Mayotte" et exerce les compétences dévolues aux départements d’outre-mer et aux régions d’outre-mer. »

2. Un statut déjà proche du droit commun des DOM

a) La rénovation du statut de Mayotte en 2007 l’a rapproché du droit commun des DOM

La loi organique du 21 février 2007 précitée a modernisé le statut de Mayotte en le rapprochant du droit commun de la démocratie locale, tout en en codifiant les dispositions au sein d’une nouvelle sixième partie du code général des collectivités territoriales, afin de faciliter l’accès au droit.

Elle a dressé la liste des compétences de la collectivité de Mayotte, tout en définissant les « conditions dans lesquelles les lois et règlements y sont applicables ». Le régime législatif applicable à Mayotte, à compter du 1er janvier 2008, repose non plus sur le principe de spécialité législative, assorti d’exceptions (38), mais sur le principe d’assimilation législative, également assorti d’exceptions (39). Par ailleurs, le conseil général de Mayotte bénéficie des mêmes possibilités d’adaptation des lois et règlements que les assemblées délibérantes des DOM-ROM.

Les compétences reconnues à la collectivité départementale de Mayotte sont alignées sur celles dont disposent les DOM-ROM – à l’exception de celles qui concernent les établissements scolaires, les routes nationales et la lutte contre les maladies vectorielles, seul l’État étant à même de surmonter les difficultés particulières de Mayotte dans ces domaines. Le tableau ci-après rappelle de manière synthétique la répartition des compétences entre l’État et la collectivité départementale de Mayotte :

État

Mayotte

Compétences de droit commun, auxquelles s’ajoutent les compétences exercées en métropole par les départements et les régions en matière :

- de construction et d’entretien général et technique des collèges et lycées, d’accueil, de restauration et d’hébergement dans ces établissements, de recrutement et de gestion des personnels techniciens et ouvriers de service ;

- de construction, d’aménagement, d’entretien et de gestion de la voirie classée en route nationale ;

- de lutte contre les maladies vectorielles.

Compétences dévolues aux départements et aux régions, auxquelles s’ajoutent les compétences exercées en métropole par l’État en matière :

- d’aménagement de l’assiette, de modification des taux et de conditions de recouvrement des impôts et contributions perçus au profit de la collectivité ;

- de tarifs et de taux des droits de douane et autres impositions éligibles à l’importation et à l’exportation ;

- d’organisation et de fonctionnement du service d’incendie et de secours.

Par ailleurs, les règles applicables à la collectivité départementale de Mayotte s’agissant du fonctionnement du conseil général, du contrôle de légalité ou de la procédure budgétaire sont étroitement inspirées de celles qui sont applicables aux départements et aux régions.

Enfin, la loi organique a étendu à cette COM les innovations rendues possibles par l’article 72-1 de la Constitution depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 (40), s’agissant de l’exercice de la démocratie directe au niveau local.

Ont ainsi été reconnus :

—  le droit de pétition, 5 % des électeurs inscrits pouvant adresser une pétition au président de l’organe délibérant pour demander que ce dernier examine une question entrant dans ses compétences (41;

—  la possibilité d’organiser des référendums locaux, lesquels sont décisionnels, lorsque plus de la moitié des électeurs inscrits y ont participé ;

—  ainsi que celle de procéder à des consultations des électeurs, l’organe délibérant pouvant être saisi dans ce cadre par un dixième au moins des électeurs inscrits (42).

b) La préparation à la départementalisation de l’archipel est active

Sur le plan institutionnel, une collectivité unique se substituant au département et à la région d’outre-mer sera instituée. Cette collectivité perdra les compétences spécifiques dont elle dispose, notamment en matière fiscale. En retour, elle exercera, moyennant compensation financière, l’ensemble des compétences dévolues aux départements et aux régions (construction et entretien des collèges et lycées, par exemple).

Le principe d’identité législative régira le droit applicable dans la collectivité de Mayotte, y compris pour les matières qui en étaient auparavant exclues, à savoir les impôts, droits et taxes, les finances communales, la propriété immobilière, l’urbanisme et la construction, la protection et l’action sociales, le droit du travail et l’entrée et le séjour des étrangers.

L’harmonisation du droit dans ces matières sera, en vertu du Pacte pour la départementalisation de Mayotte proposé par le Gouvernement, progressive, particulièrement pour l’urbanisme, la fiscalité et la protection sociale (dans ce dernier domaine, l’alignement sur le régime métropolitain pourrait s’échelonner sur 15 à 25 ans).

À l’heure actuelle, ni les minima sociaux de type RMI ou RSA, ni la couverture maladie universelle ne sont étendus à Mayotte. D’autres prestations sont en revanche déjà versées aux Mahorais, quoique selon des modalités parfois différentes de celles qui prévalent en métropole. L’allocation pour adultes handicapés applicable à Mayotte est d’un montant près de trois fois moindre à celui versé en métropole ; en revanche, les allocations familiales sont attribuées dès le premier enfant.

S’agissant de la lutte contre l’immigration illégale, le passage à l’article 73 ne fera pas obstacle au maintien de règles de droit spécifiques, adaptées aux contraintes de la collectivité, pour ce qui concerne le séjour des étrangers et les conditions de leur éloignement.

Au total, il apparaît que l’harmonisation du droit applicable à Mayotte impliquera l’adoption d’un grand nombre d’ordonnances dans les six matières non régies actuellement par le principe d’identité législative. Un travail de coordination interministérielle a été lancé pour recenser les textes spécifiques applicables à Mayotte, apprécier s’ils peuvent être rendus applicables dès 2011, le cas échéant avec certaines adaptations, et, dans le cas contraire, de fixer un régime dérogatoire respectant le principe d’assimilation législative.

3. Des efforts restent à accomplir avant la pleine transformation de Mayotte en DOM

La transformation de Mayotte en département et région d’outre-mer, régi par l’article 73 de la Constitution, impliquera le passage à un régime d’identité législative pour l’ensemble des lois et règlements applicables en métropole, y compris dans les matières telles, notamment, que la protection sociale, la fiscalité, ou l’immigration, ce qui suppose que des changements soient opérés dans un certain nombre de domaines.

En 2006 déjà, la mission d’information de votre commission des Lois sur la situation de l’immigration à Mayotte, présidée par M. René Dosière et dont votre rapporteur pour avis était le rapporteur, avait souligné les difficultés qui restaient à surmonter sur la voie de la départementalisation de Mayotte(43).

La mission avait constaté sur place l’adhésion unanime des élus et de la population au projet de transformer, à terme, Mayotte en DOM, le débat portant seulement sur le calendrier de ce processus. La mission avait regretté que les principaux responsables politiques de l’île ne s’efforcent pas d’expliquer davantage à la population les conséquences de cette démarche, qui impliquera notamment la soumission de principe au droit commun et non plus au droit coranique.

La très grande majorité de la population de Mayotte reste en effet encore soumise à un statut personnel de droit local, inspiré du droit coranique, qui régit l’état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, ainsi que les successions et libéralités. Rappelons que jusqu’en 2000, c’étaient encore les cadis qui tenaient les registres de l’état civil mahorais…

Le principe même de l’existence d’un tel statut personnel, pour ceux des Mahorais qui souhaiteraient le conserver, ne peut pas être contesté dans le cadre constitutionnel actuel. En effet, l’article 75 de la Constitution, qui est applicable dans un DOM comme dans une COM précise que « les citoyens de la République qui n’ont pas le statut civil de droit commun (...) conservent leur statut personnel tant qu’ils n’y ont pas renoncé ». Pour autant, ce principe ne permet nullement de justifier l’actuelle désorganisation de l’état civil mahorais, résultant de certaines pratiques cadiales ou des règles particulières appliquées aux personnes relevant du droit local.

Au cours des dernières années, le législateur a tenté de moderniser ce droit. Pour autant des progrès demeurent à accomplir dans différents domaines.

a) L’établissement d’un état civil fiable

La dualité des statuts civils de droit commun et de droit local à Mayotte entraîne un double système d’état civil. En raison de certaines coutumes d’origine africaine et du droit musulman, il n’existait pas de nom patronymique transmissible, ce qui rend très difficile l’établissement d’un état civil fiable.

Les enjeux de la modernisation de l’état civil sont considérables : il s’agit d’affirmer des droits de la personne en tant que sujet clairement individualisé et d’officialiser, dès la naissance, une identité permanente.

Pour répondre à cette difficulté, un dispositif spécifique a été mis en place depuis le début des années 2000. L’ordonnance n° 2000-218 du 8 mars 2000 a fixé les règles de détermination des nom et prénoms des personnes de statut civil de droit local et crée la commission de révision de l’état civil de Mayotte (CREC), qui peut être saisie par toute personne majeure née à Mayotte avant le 8 mars 2000, en vue de déterminer son identité et de dresser les actes de l’état civil correspondants. Mise en place le 5 avril 2001, la CREC doit achever ses travaux au plus tard en avril 2011.

La CREC a pour mission d’établir les actes de naissance, de mariage ou de décès qui auraient dû être portés sur les registres de l’état civil de droit commun ou de droit local à Mayotte et de fixer le nom et les prénoms des personnes majeures de statut civil de droit local, conformément aux règles édictées par l’ordonnance du 8 mars 2000 précitée.

Présidée par un magistrat du siège, elle est composée de quarante rapporteurs répartis entre les 17 communes de Mayotte et chargés de l’enregistrement des demandes et de la préparation des décisions individuelles.

Le dispositif ainsi mis en place ne s’est pas révélé suffisamment efficace, puisqu’à ce jour plus de 50 000 Mahorais n’ont pas encore réglé leur situation au regard de ces nouvelles règles d’état civil. La Commission souffre de divers dysfonctionnements liés à un défaut d’organisation des travaux préparatoires par les rapporteurs et un défaut de formation de ces personnels, mais aussi à une procédure complexe (les Mahorais doivent fournir un grand nombre de documents de famille, difficiles à retrouver). Au total, les délais, jugés trop longs pour obtenir une décision de la CREC, n’incitent pas les intéressés à effectuer cette démarche.

Votre rapporteur juge crucial que, dans le cadre de la préparation à la départementalisation de Mayotte, l’accent soit davantage mis sur la nécessité de fiabiliser l’état civil des Mahorais. Il se félicite qu’un secrétaire général chargé de coordonner l’activité des rapporteurs ait été nommé cette année, mais demeure inquiet des retards pris, dus notamment au fait que le magistrat qui préside la CREC ne semble pas y être affecté à temps plein.

La procédure suivie a été assouplie par l’article 57 de la LODEOM, qui a prévu :

—  la nomination d’un préfet, vice président de la commission ;

—  la possibilité pour le président de statuer seul, sauf dans les cas les plus complexes et de simplifier les conditions de la collégialité, lorsque celle-ci reste nécessaire ;

—  la limitation dans le temps de la possibilité de saisir la CREC : les Mahorais devront accomplir cette formalité avant le 31 juillet 2010, la CREC devant achever ses travaux au plus tard en avril 2011.

Toutefois, améliorer les résultats de la CREC ne doit pas occulter la nécessité de consolider le service public de l’état civil à Mayotte. Le présent projet de loi de finances pour 2010 prévoit donc la prorogation en 2009 d’une dotation exceptionnelle de 300 000 euros aux communes, destinée aux opérations de sécurisation et de mise aux normes des locaux, ainsi qu’aux besoins en matériels informatiques et fournitures.

b) La mise en place d’une fonction publique

La loi de programme pour l’outre-mer n° 2003-660 du 21 juillet 2003 a posé le principe de l’intégration, au plus tard le 31 décembre 2010, des agents publics titulaires et non titulaires de statut local à Mayotte. Afin de permettre la prise en compte des spécificités locales de l’archipel, l’article 64-1 de cette loi a prévu que cette intégration pouvait s’opérer, non seulement dans des corps ou cadres d’emplois de trois fonctions publiques, mais également dans des corps ou cadres d’emplois spécifiques, classés hors catégorie pour la fixation de leur indice de traitement.

Pour la fonction publique territoriale ont été créés par décrets de décembre 2004 deux cadres d’emplois, celui des agents territoriaux de Mayotte (44) et celui des ouvriers territoriaux de Mayotte (45), dotés d’une grille indiciaire propre.

Des revalorisations régulières des traitements et salaires des fonctionnaires et agents non titulaires relevant de la collectivité départementale de Mayotte sont intervenues, parallèlement à la revalorisation du salaire minimum mahorais. Dès lors, les grilles des corps dits « passerelles » instaurées en 2004 ayant été jugées, dans ce contexte très particulier, trop peu attractives, les intégrations prévues n’ont globalement pas pu être mises en œuvre.

Pour que les objectifs d’intégration fixés par la loi de programme du 21 juillet 2003 soient néanmoins remplis, un protocole d’accord a été signé le 8 avril dernier par le préfet de Mayotte, les employeurs principaux – conseil général, association des maires de Mayotte, centre hospitalier – et par l’ensemble des organisations syndicales, qui prévoit les conditions d’adaptation de ces statuts. Selon les informations transmises à votre rapporteur pour avis, plusieurs décrets traduisant juridiquement le protocole seront prochainement publiés.

c) L’extinction de l’activité judiciaire des cadis

À Mayotte, les citoyens de statut civil de droit local peuvent, si la partie la plus diligente le souhaite, soumettre certains de leurs litiges à la juridiction des cadis, juridiction coutumière de droit musulman.

Les cadis ont trois types d’activités :

—  une activité judiciaire, rémunérée par le conseil général, qui se réduit au fur et à mesure que l’application du droit commun progresse ;

—  une activité notariale, se traduisant notamment par la rédaction des actes de vente, de procuration, de donations, de partages, ou de liquidation des successions (46) ;

—  une activité sociale et administrative (médiation, autorité morale et religieuse) : à titre d’exemple, il appartient au Grand Cadi de fixer la date de début du Ramadan.

L’organisation judiciaire coutumière à Mayotte s’articule autours de trois juridictions :

—  Les dix-sept tribunaux de cadis, situés dans chacune des communes de Mayotte, sont compétents pour l’état des personnes et les litiges patrimoniaux n’excédant pas 300 euros.

—  La juridiction du Grand cadi statue en appel sur les décisions des tribunaux de cadis et en premier ressort pour les litiges supérieurs à 300 euros. Elle connaît également des affaires relevant de la compétence des cadis, lorsque ces derniers estiment devoir se dessaisir en raison de la complexité du litige.

—  La chambre d’annulation musulmane du tribunal supérieur d’appel, composée d’un président et de deux cadis sans voix délibérative, est compétente pour statuer en appel des décisions du Grand cadi.

Les limites de ce système expliquent son déclin constaté depuis plusieurs années : les cadis ne disposent souvent d’aucune documentation et leur connaissance aléatoire du droit musulman entraîne des divergences de jurisprudence, d’autant plus dommageables que le taux d’appel demeure très faible. De plus, l’absence de formule exécutoire rend l’exécution des décisions hypothétique. Par ailleurs, la quasi-inexistence de règles procédurales, la méconnaissance du principe du contradictoire et de la représentation par avocat font de la justice cadiale une justice aléatoire, sans garantie pour le justiciable. Ce système est en outre contesté par une partie de la population, qui rejette l’application de certains principes du droit coutumier (répudiation, polygamie, double part successorale des hommes…).

Dès lors, dans de nombreuses affaires, les Mahorais préfèrent s’adresser à la justice de droit commun, parce qu’ils savent que leurs droits y seront mieux défendus. Ainsi les femmes saisissaient-elles massivement le juge aux affaires familiales, la procédure de droit commun leur garantissant une égalité procédurale par rapport aux hommes.

Le Pacte pour la départementalisation de Mayotte prévoit l’extinction des activités judiciaires des cadis, dont le rôle sera recentré sur des fonctions de médiation sociale. Agents du conseil général, les cadis pourront ainsi développer leurs activités dans le domaine social, en jouant un rôle de référence, de relais ou de conseil auprès de ceux qui voudraient bénéficier de leur expérience

d) La question de la maîtrise de la langue française dans l’enseignement

La question de la maîtrise de la langue française est un problème majeur à Mayotte. Trois élèves sur quatre entrant en classe de sixième ne maîtrisent pas le français. Il faut dire que la pratique du français est minoritaire dans la société mahoraise et l’enseignement dans les écoles coraniques s’effectue en arabe.

Or, il va de soi qu’une plus grande maîtrise du français constitue le meilleur moyen de donner plus de chance de réussite aux jeunes Mahorais, à l’école, dans la recherche d’un emploi, mais aussi dans le cadre de la réussite universitaire. On sait qu’aujourd’hui les étudiants mahorais éprouvent les plus grandes difficultés dans la réussite de leurs études en métropole.

Le Pacte pour la départementalisation de Mayotte contient un engagement de l’État à améliorer l’apprentissage du français pour fournir aux Mahorais les mêmes chances que leurs compatriotes métropolitains.

e) La question de la place de la femme dans la société mahoraise

La loi de programme pour l’outre-mer du 21 juillet 2003 a permis d’abolir certains aspects du statut des femmes à Mayotte, qui n’étaient pas compatibles avec les principes de l’ordre public, de la Constitution et des engagements internationaux de la France. Les principales mesures adoptées sont les suivantes :

—  limitation du champ d’application du statut personnel de droit local à l’état et à la capacité des personnes, aux régimes matrimoniaux, aux successions et aux libéralités, à l’exclusion de tout autre secteur de la vie sociale ;

—  interdiction de la polygamie pour les personnes qui ont accédé à l’âge requis pour se marier (18 ans pour les hommes et 15 ans pour les femmes) au 1er janvier 2005 ;

—  prohibition de la répudiation unilatérale : pour les personnes ayant accédé à l’âge requis pour se marier à compter du 1er janvier 2005, le mariage ne pourra être dissous que par le divorce ou par la séparation judiciairement prononcée ;

—  interdiction des discriminations entre enfants devant l’héritage, fondées sur le sexe ou le caractère légitime ou naturel de la naissance, pour les enfants nés après la promulgation de la loi de programme, lorsqu’elles sont contraires à l’ordre public.

La loi n°2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce a complété cette réforme sur deux points :

—  la procédure de droit commun en matière de divorce a été rendue applicable aux cas de divorce entre personnes relevant du statut civil de droit local ;

—  l’accès au juge de droit commun a été rendu possible pour la partie la plus diligente dans le cadre de demande de divorce.

La profonde mutation du statut civil de droit local engagée par ces deux réformes législatives a incontestablement permis de faire évoluer la place des femmes dans la société mahoraise, sans remettre en cause l’existence même de ce statut, garanti par la Constitution.

Des mesures ont également été prises en matière de droit du travail dans le cadre de l’ordonnance n°2005-44 du 20 janvier 2005, destinée à prévenir toute forme de discrimination fondée sur le sexe.

Parallèlement, les actions conduites par la correspondante aux droits des femmes et à l’égalité entre 1997 et 2007 ont contribué à la promotion et à la valorisation de la femme mahoraise (l’édition d’un guide d’information destiné aux femmes sur les droits et démarches, la signature du protocole départemental de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes….).

Cependant, malgré ces avancées récentes, les femmes mahoraises pâtissent encore d’une situation d’infériorité en de nombreux domaines :

—  Un net retard d’instruction et de formation.

La scolarisation des filles n’a, sauf exception, débuté qu’en 1970. La majorité des femmes adultes est donc aujourd’hui encore analphabète ou illettrée. Leur maîtrise la langue française est encore plus faible que celle des hommes, ce qui les place parfois dans une ignorance complète de leurs droits.

—  Un taux de chômage très élevé

Les emplois proposés à Mayotte – relevant majoritairement des secteurs du bâtiment et du transport – sont le plus souvent pourvus par des hommes, si bien qu’en 2008, 45,7 % des femmes actives étaient au chômage, contre 18,9 % des hommes.

—  Un taux de natalité soutenu

Une natalité soutenue et une grande rareté d’offre de prise en charge extra-familiale de la petite enfance freinent par ailleurs le développement de l’activité professionnelle des Mahoraises.

Votre rapporteur ne peut que réitérer le souhait émis par la mission précitée qui avait en 2006 appelé de ses vœux une clarification juridique qui « pourrait, à terme, être obtenue grâce à l’extinction progressive du statut personnel de droit local, au moins en matière d’état et de capacité des personnes ». Il ne s’agit à l’évidence pas de supprimer d’un coup à Mayotte tout statut personnel de droit local, mais bien d’encourager avec vigueur les Mahorais à renoncer individuellement à celui-ci. Il semble que la mentalité des plus jeunes générations, plus instruites et plus critiques envers les règles coutumières ou religieuses, rende une telle évolution possible à terme.

C. VERS DES CHANGEMENTS INSTITUTIONNELS DANS LES DOM ?

Des États généraux qui se sont tenus aux Antilles et en Guyane est ressortie une commune attente d’évolution institutionnelle dans le sens d’une plus grande autonomie statutaire et/ou normative. Avant d’exposer les principales préconisations contenues dans les différentes synthèses qui ont été récemment publiées, votre rapporteur pour avis souhaite rappeler que le législateur a, dans les années récentes, considérablement renforcé le pouvoir normatif propre des DOM.

1. Les DOM se sont vus reconnaître un pouvoir normatif accru en 2007 et 2008

a) L’octroi par la loi organique du 21 février 2007 de nouveaux pouvoirs normatifs aux départements et régions d’outre-mer

La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 et la loi organique du 21 février 2007 rendaient d’ores et déjà possible une habilitation législative des DOM-ROM pour adapter des dispositions législatives dans certains domaines.

Depuis la fondation de la Cinquième République, l’article 73 de la Constitution permettait au législateur d’adapter les normes nationales à la « situation particulière » de chaque DOM, cette adaptation devant, conformément au principe d’assimilation législative applicable à cette catégorie de collectivités, faire l’objet d’une mention expresse – ce qui signifie que le silence de la loi entraîne l’application du droit commun (47).

Depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003 (48), ce même article autorisait le législateur national à déléguer aux DOM-ROM la responsabilité de procéder eux-mêmes à cette adaptation des lois et règlements et, plus encore, de « fixer [eux]-mêmes les règles applicables sur leur territoire » dans certaines matières législatives (49). Si le principe d’assimilation législative demeure depuis lors applicable au texte même de la loi, la possibilité de décentraliser son élaboration représente une révolution juridique et symbolique dans un État unitaire tel que la France.

Au total, la révision constitutionnelle de 2003 permet :

—  une décentralisation du pouvoir d’adaptation, dans les matières où s’exercent les compétences de la collectivité territoriale, si le législateur a habilité la collectivité (deuxième alinéa de l’article 73) ;

—  et un transfert du pouvoir normatif, par habilitation législative, dans un nombre limité de matières (troisième alinéa de l’article 73).

Toutefois, afin de préserver la souveraineté nationale et la primauté du Parlement dans l’expression de la volonté générale, mais aussi l’indivisibilité de la République et les libertés publiques, le Constituant a prévu un encadrement de ces nouveaux pouvoirs normatifs des DOM-ROM :

—  en premier lieu, toute intervention normative d’un DOM ou d’une ROM est subordonnée à l’obtention préalable d’une habilitation par la loi ;

—  en deuxième lieu, le champ de ces interventions demeure limité. Ainsi, les adaptations normatives ne sont possibles que dans les matières pour lesquelles les DOM-ROM sont compétents, tandis que la « fixation de règles » par les DOM-ROM eux-mêmes est exclue pour une série de matières législatives (essentiellement relatives à l’exercice de la souveraineté nationale, à la citoyenneté ou à la protection des libertés publiques) (50) ;

—  enfin, la finalité de ces interventions est déterminée. Le pouvoir d’adapter ou de fixer les règles ne peut être exercé que, respectivement, pour « tenir compte des spécificités » des DOM-ROM concernés ou pour respecter les « caractéristiques et contraintes particulières » de ceux-ci.

En outre, l’habilitation à légiférer comme celle à adapter doivent toutes deux résulter d’une demande de la collectivité concernée et respecter les conditions et réserves prévues par une loi organique.

L’article 73 de la Constitution renvoyant à une loi organique le soin de déterminer les conditions et réserves selon lesquelles les habilitations, demandées par les DOM-ROM, pouvaient leur être accordées par la loi (51), cette innovation constitutionnelle ne trouva pas à s’appliquer avant le vote de la loi organique du 21 février 2007.

En 2009, le conseil régional de Guadeloupe a émis deux délibérations demandant au Parlement l’habilitation prévue au troisième alinéa de l’article 73 :

—  La délibération n° 2009-270 du 27 mars 2009 demande au Parlement d’habiliter le conseil régional à fixer, en Guadeloupe, les règles permettant la création d’un établissement public régional à caractère administratif chargé d’exercer les missions de service public de formation professionnelle.

—  La délibération n° 2009-269, également émise le 27 mars 2009, demande au Parlement d’habiliter le conseil régional à fixer les règles spécifiques à la Guadeloupe en matière de maîtrise de la demande en énergie, de développement des énergies renouvelables ainsi que de réglementation thermique pour la construction de bâtiments.

Les articles 68 et 69 de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer ont accordé les deux habilitations au conseil régional de Guadeloupe dans les deux domaines demandés.

b) L’introduction par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de la possibilité pour le pouvoir réglementaire d’habiliter les DOM-ROM à modifier des dispositions de nature réglementaire

La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a étendu ce pouvoir d’habilitation pour permettre aux assemblées délibérantes des DOM-ROM d’être également habilitées par le pouvoir réglementaire à modifier des dispositions de nature réglementaire.

Cette nouvelle modification de l’article 73 de la Constitution a été introduite au Sénat (52), s’inspirant de ce qui est prévu à l’article 72 de la Constitution pour l’expérimentation ouverte aux collectivités de droit commun.

La procédure suivie est similaire à celle de l’habilitation législative et, de la même manière que l’habilitation législative pourra faire l’objet d’un contrôle par le Conseil constitutionnel, l’habilitation réglementaire pourra être contrôlée par le juge administratif. En outre, le juge administratif sera toujours le juge des dispositions adoptées sur le fondement d’une habilitation, qu’elle soit législative ou réglementaire, par l’assemblée délibérante d’un département ou d’une région d’outre-mer.

2. Une évolution institutionnelle en question

a) Les résultats des États généraux de l’outre-mer

Les États généraux menés aux Antilles et en Guyane ont montré que l’évolution institutionnelle ou statutaire suscitait une réflexion importante.

S’agissant de la Guyane, la synthèse des États généraux établie en juillet précise : « l’essoufflement de la départementalisation dans les Départements français d’Amérique et la volonté de disposer d’une plus grande autonomie de décision, comme de gestion, expliquent le déclin de la théorie de l’assimilation. Certes, des voix s’élèvent pour maintenir le régime législatif actuel de la Guyane, mais dans leur majorité les acteurs de la société civile semblent appeler de leurs vœux une évolution statutaire – évolution de l’article 73 à l’article 74) ou encore institutionnelle (évolution des institutions actuelles dans le cadre de l’article 73) ».

Parmi les objectifs affirmés, lors des États généraux guyanais, figurent ainsi notamment :

—  la création d’une collectivité territoriale unique se substituant au département et à la région : « les inconvénients de la superposition des deux collectivités sur un même territoire sont aujourd’hui évidents, avec un gâchis financier par duplication des dépenses et un enchevêtrement des compétences » ;

—  l’affirmation de l’idée selon laquelle « l’évolution statutaire dans le cadre de l’article 74 de la Constitution est compatible avec l’ordre juridique européen » ;

—  la volonté de donner « un véritable pouvoir réglementaire d’adaptation » à la Guyane.

La synthèse des États généraux de la Martinique (53) comprend elle aussi une partie relative au « renforcement de la gouvernance politique », fondée sur le constat qu’« un avenir est à construire dans le respect et le dialogue » et « les modèles d’organisation tels qu’ils ont été imaginés à partir de 1946 doivent aujourd’hui être repensés ».

Pour autant, si une convergence des vues a été obtenue sur la nécessité d’une simplification institutionnelle autour d’une collectivité unique, des divergences sont apparues sur l’ampleur de l’évolution statutaire souhaitée : maintien du cadre actuel de l’article 73 de la Constitution ou basculement vers un régime d’autonomie fondé sur l’article 74 ?

La synthèse des rapports des ateliers des États généraux de la Guadeloupe, établie en août 2009, fait également état de ce type de demandes, parmi lesquelles figurent la fusion des conseils régional et général « en vue d’une collectivité unique placée sous l’autorité d’un ministère de plein exercice ou d’une haute autorité rattachée au Premier ministre », l’émergence de « compétences nouvelles dans l’esprit des articles 73 et 74 de la Constitution » ou la « guadeloupéanisation de la fonction publique d’État ».

« La tendance générale est celle du parti pris d’une rénovation des institutions locales subordonnée premièrement à la fusion départementale et régionale reposant sur un mode d’administration du territoire régi par l’article 74 de la Constitution » (54).

b) Les résolutions adoptées par les congrès des élus guyanais et martiniquais

Les congrès des élus départementaux et régionaux de Guyane et de Martinique ont tous deux renouvelé en juin 2009 le souhait d’un passage à un régime régi par l’article 74 de la Constitution, accordant à ces territoires davantage de compétences propres et une autonomie accrue.

En Martinique, si les électeurs avaient en décembre 2003 voté « non » à 50,48 % des suffrages exprimés à la question portant sur une éventuelle évolution du statut de la Martinique vers une assemblée unique régie par l’article 73 de la Constitution, le congrès des élus de la Martinique avait déjà adopté en 2008 une résolution demandant une évolution institutionnelle de la Martinique dans le cadre « d’un régime législatif fondé sur l’article 74 de la Constitution ». Cette résolution a, par la suite, été adoptée par le conseil régional et le conseil général. Une seconde résolution a été adoptée le 18 juin 2009 qui a confirmé cette volonté et précisé le mode de fonctionnement envisagé des nouvelles institutions.

Lors de sa réunion du 19 décembre 2008, le congrès des élus régionaux et départementaux de la Guyane avait de la même manière adopté un avant-projet de document d’orientation relatif à l’évolution institutionnelle de la collectivité. Ce choix a été confirmé lors de la réunion du 13 juin 2009 du congrès des élus qui a adopté une résolution selon laquelle « le choix de l’article 74 de la Constitution française permettra d’accompagner juridiquement les transformations économiques sociales et culturelles souhaitées tout en assurant au territoire une continuité normative générale conforme à son appartenance à la France et à l’Europe, avec des compétences admises par le législateur que les élus de Guyane négocieront selon leur capacité à les assumer. »

Les élus de Guadeloupe ont quant à eux opté pour une phase de concertation préalable de dix-huit mois. Lors de sa délibération du 24 juin 2009, le congrès des élus départementaux et régionaux de Guadeloupe a mis en place des instances de concertation locale afin de « faire émerger un projet guadeloupéen de société ». Ce projet devrait être finalisé dans un délai de dix-huit mois. Les élus guadeloupéens ont demandé que pendant cette période, « l’État n’engage ni impose de modification institutionnelle ou statutaire qui ne serait pas compatible avec le projet de société élaboré par le peuple guadeloupéen dans ce délai. »

c) L’organisation prochaine de référendums en Guyane et en Martinique

Ainsi que l’a rappelé le Président de la République en juin 2009, les DOM-ROM pourront choisir leurs évolutions institutionnelles à leur rythme. Conformément aux souhaits exprimés par les élus, la tenue d’un référendum le 17 janvier 2010 en Martinique et en Guyane a été annoncée au début du mois d’octobre, à l’issue d’un entretien entre les présidents des exécutifs des deux départements d’outre-mer et le Président de la République.

Ce référendum proposera aux électeurs des deux départements d’approuver ou de rejeter le passage au régime prévu à l’article 74 de la Constitution, dont relèvent les collectivités d’outre-mer.

Si une majorité d’électeurs répondait en majorité « non » à cette première consultation, Martiniquais et Guyanais seraient appelés à se prononcer à nouveau par référendum, le 24 janvier, sur le passage à une collectivité unique regroupant les compétences de leurs actuels conseils généraux et régionaux.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du mercredi 28 octobre 2009, la Commission a procédé à l’audition, commune avec la Commission des Affaires économiques, de Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, chargée de l’outre-mer, sur les crédits de la mission « outre-mer » pour 2010.

M. le président Patrick Ollier. Nos deux commissions sont réunies en audition commune en vue de l’examen du budget de l’outre-mer. Ces auditions communes permettent de gagner du temps et d’améliorer l’information réciproque des différentes commissions. La commission des Affaires économiques s’intéresse de très près au budget de l’outre-mer, qui doit également être examiné au travers des missions que la commission a menées sur l’outre-mer : la mission sur le prix des carburants, celle sur l’habitat insalubre et indigne, celle sur le chlordécone…

Je poserai trois questions à la ministre. Tout d’abord, quelles mesures de soutien au pouvoir d’achat sont prévues dans le budget ? Ensuite, quelles sont les mesures prises pour soutenir le logement social ? Enfin, quelle évolution connaissent les crédits du Fonds exceptionnel d’investissement ?

M. le président Jean-Luc Warsmann. Comme le président Patrick Ollier, je souhaite que les auditions communes puissent se développer à l’avenir. La commission des Lois s’intéresse au budget de l’outre-mer, ainsi qu’aux sujets qui relèvent de sa compétence, notamment les questions de la sécurité outre-mer, de l’immigration clandestine et de l’évolution institutionnelle.

Par ailleurs, la commission des Lois a adopté un rapport d’information sur l’optimisation de la dépense publique, dans lequel elle demande une évolution du dispositif « Girardin » immobilier vers un système de subvention immobilière, ainsi qu’une exclusion du dispositif « Girardin » industriel des investissements réalisés dans la navigation de plaisance. Je souhaiterais connaître la position de Mme la secrétaire d’État sur cette proposition.

Mme Marie-Luce Penchard, secrétaire d’État à l’outre-mer. Je suis heureuse d’être avec vous aujourd’hui pour présenter pour la première fois ce projet de budget de la mission « outre-mer » au titre du projet de loi de finances pour 2010. J’ai eu l’occasion de rencontrer un grand nombre d’entre vous au cours des dernières semaines, en particulier les différents rapporteurs : M. Jérôme Cahuzac pour la commission des Finances, M. Alfred Almont pour la commission des Affaires économiques, M. Didier Quentin pour la commission des Lois. Avec les membres de mon cabinet ainsi que les fonctionnaires de la délégation générale à l’outre-mer, j’ai essayé de vous apporter le maximum d’informations concernant ce budget. Je crois d’ailleurs que cette année les rapporteurs ont pu avoir, dans les délais, et hormis quelques rares exceptions, la totalité des réponses à leurs questionnaires. Des efforts ont également été faits pour que le document de politique transversale soit plus exhaustif et plus lisible.

L’année 2009 fut pour l’outre-mer d’une exceptionnelle densité. Évidemment, chacun se souvient de la crise sociale qui a frappé les départements d’outre-mer en février et mars derniers, en particulier la Guadeloupe et la Martinique. Face à cette crise, le Président de la République avait, dans la foulée, lancé les États Généraux de l’outre-mer qui se sont récemment achevés par une journée de restitution nationale le 1er  octobre dernier. Le 6 novembre prochain, se tiendra le premier conseil interministériel pour l’outre-mer. Par ailleurs, la loi pour le développement économique des outre-mer, adoptée dans un climat politique consensuel, comporte de nombreuses dispositions conjoncturelles et structurelles, qui ont d’ailleurs un impact sur ce budget pour 2010.

Le budget de la mission « outre-mer » est en augmentation de 6,3 %, soit 118 millions d’euros, pour s’établir à 1,9 milliard d’euros en crédits de paiement. Je rappelle que, depuis 2008, le budget de la mission « outre-mer » a augmenté de 17 %. La mission « outre mer » comprend deux programmes, le programme 138 relatif à l’emploi et le programme 123 relatif aux conditions de vie.

L’augmentation de 118 millions d’euros en crédits de paiement bénéficie principalement au programme 138 consacré à l’emploi outre-mer. Ce dernier augmente ainsi de 111 millions d’euros. Cette augmentation significative vise, d’une part, à accompagner la réforme des dispositifs d’exonérations de cotisations sociales patronales, et, d’autre part, à commencer à mettre en œuvre le doublement en 3 ans de la capacité de formation du service militaire adapté annoncé par le Président de la République en février 2009.

Concernant le dispositif des exonérations de charges, il représente presque les deux tiers des crédits de la mission « outre-mer ». Ce dispositif contribue, via la réduction du coût du travail, à soutenir l’emploi dans nos départements d’outre-mer. Ce dispositif a connu d’importantes évolutions à la fin 2008 lors du vote de la loi de finances pour 2009 et surtout dans le cadre de l’examen de la loi pour le développement économique des outre-mer. À cette occasion, le Gouvernement avait souhaité, afin de soutenir l’emploi en outre-mer dans un contexte de crise sociale et économique grave, assouplir les dispositions adoptées fin 2008. Désormais, nous avons un dispositif toujours très incitatif, mais recentré, par le biais d’un mécanisme de dégressivité des exonérations, sur les salaires pour lesquels l’impact du dispositif est le plus fort. La loi pour le développement économique des outre-mer est venue renforcer l’effort budgétaire de l’État vers les secteurs prioritaires et les entreprises de moins de 11 salariés. Ce projet de budget traduit donc cet effort en faveur de la compétitivité des entreprises ultra-marines et par conséquent de l’emploi. C’est un effort indispensable pour ceux qui connaissent les niveaux de chômage de ces territoires.

La dette de l’État envers les organismes de sécurité sociale, en particulier l’ACOSS, atteindra à la fin de l’année 2009 environ 600 millions d’euros, soit environ 6 mois d’une année budgétaire. Mais cette année était une année exceptionnelle : dans le contexte de février-mars, qui aurait pu prendre le risque de ne pas tout faire pour soutenir ces économies ? En 2010, cette dette ne s’aggravera pas et l’État commencera à diminuer son endettement à compter de 2011.

Concernant le service militaire adapté, le Président de la République a annoncé le doublement de la capacité de formation en 3 ans. Nous allons élargir les critères d’éligibilité du SMA afin d’accueillir, outre les jeunes sans diplôme, les jeunes diplômés titulaires d’un CAP ou d’un BEP mais qui restent éloignés de l’emploi. Nous allons adapter la durée de formation à la situation économique locale et au niveau des volontaires. Le Gouvernement entend maintenir le niveau d’excellence des formations dispensées par le SMA, unanimement reconnu. D’ailleurs, le taux d’insertion des volontaires passés par les formations du SMA, tel que retranscrit dans les documents budgétaires, indique le chiffre de près de 80 % en 2009 et l’objectif est bien entendu de le maintenir aussi haut avec le doublement du nombre de volontaires. C’est une augmentation du budget de près de 31 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 20 millions d’euros en crédits de paiement.

Dans ce programme 138, figurent les crédits de l’Agence nationale pour l’insertion et la promotion des travailleurs d’outre-mer, l’ANT, seul opérateur d’État rattaché au Secrétariat d’État à l’outre-mer : le budget de fonctionnement de l’Agence est d’environ 8 millions d’euros. La loi pour le développement économique des outre-mer a créé le passeport-mobilité formation professionnelle, dispositif central qui permet aux personnes souhaitant se former professionnellement de bénéficier d’une mesure de formation qualifiante pouvant aller jusqu’à 24 mois hors de leur département ou de leur collectivité d’origine, dès lors que la même formation n’est pas dispensée sur place. Ce nouveau dispositif remplace les anciens « projets initiative jeune » et la « formation individualisée en mobilité ». Pour ce nouveau dispositif, 23,8 millions d’euros en AE et CP sont prévus en 2010 pour plus de 4 500 mesures nouvelles.

Mais le Gouvernement a aussi l’intention d’élargir les missions de l’Agence pour, au-delà de ce métier historique, en faire un opérateur de la mobilité outre-mer. C’est pourquoi l’Agence a vocation à être le porteur budgétaire du fonds de continuité territoriale, créé par la loi pour le développement économique des outre-mer et qui figure sur le programme 123.

Le programme 123, intitulé « conditions de vie outre-mer », réunit les dispositifs qui permettent d’améliorer les conditions de vie des habitants des départements et collectivités d’outre-mer ainsi que de la Nouvelle-Calédonie. J’insisterai plus particulièrement sur 5 volumes budgétaires qui totalisent 90 % des autorisations d’engagement de ce programme.

S’agissant tout d’abord de la ligne budgétaire unique en faveur du logement, l’effort de l’État est maintenu à 255 millions d’euros en autorisations d’engagement et plus de 210 millions d’euros en crédits de paiement. Le logement est une de mes priorités d’action. J’ai eu l’occasion de m’exprimer sur la manière dont je souhaitais, en lien avec les acteurs locaux et les opérateurs, mener cette politique lors du dernier congrès de l’Union Sociale de l’Habitat à Toulouse. La ligne budgétaire unique, mais aussi la défiscalisation du logement social introduite par la loi pour le développement économique des outre-mer, apportent des réponses budgétaire et fiscale, même s’il faut accorder un effort budgétaire plus important en faveur de la réhabilitation de l’habitat insalubre, sur la base des recommandations formulées par M. Serge Letchimy. Il importe maintenant de travailler ensemble à la programmation budgétaire et physique des opérations à financer. Je ne veux pas programmer des opérations qui ne se débuteront pas dans l’année même. Je ne peux pas me satisfaire d’opérations qui, pour les deux tiers, sont programmées dans le dernier trimestre. Ce n’est pas le signe d’une saine programmation budgétaire. Évidemment, je n’ignore pas qu’il reste encore quelques freins à lever, et en particulier la disponibilité foncière et la prise en charge, notamment par les communes, de la surcharge foncière. Ces freins sont identifiés et nous travaillons en ce moment même à les lever.

Ensuite, concernant la politique contractuelle, le ministère de l’outre-mer apporte sa quote-part aux contrats de projets entre l’État et les régions d’outre-mer aux côtés des autres départements ministériels au travers de cette ligne de 167 millions d’euros en autorisations d’engagement. Cette ligne est pour les collectivités d’outre-mer et la Nouvelle-Calédonie une sorte de ligne budgétaire unique pour tous les contrats de développement et conventions liant l’État à ces collectivités. En effet, depuis le 1er janvier 2009, les crédits ont été transférés depuis les autres ministères vers le ministère chargé de l’outre-mer. C’est donc un outil essentiel du partenariat local entre l’État et les collectivités territoriales et auquel, je le sais, vous êtes très attachés.

Troisièmement, le soutien à l’économie polynésienne passe évidemment par la dotation globale de développement économique et le paiement de l’ex-fonds de reconversion de l’économie polynésienne. Les négociations avec le Gouvernement polynésien ont commencé depuis plusieurs mois, à la fois au niveau central et au niveau local, sur la réforme de cette dotation. Certains points d’accord ont déjà été actés comme la mise en place d’une dotation globale d’autonomie ou le transfert d’une partie de la fiscalité de la Polynésie française vers les communes. Il reste encore deux points difficiles à négocier : la partie de la dotation qui restera consacrée à l’investissement et la forme que cette partie prendra, c’est-à-dire soit un contrat, soit une dotation d’investissement, d’une part, et l’éventuelle participation de l’État au régime de solidarité de la Polynésie française, d’autre part.

En quatrième lieu, le fonds de continuité territoriale représente près de 50 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Ce fonds a été créé par la loi pour le développement économique des outre-mer pour concentrer des ressources jusqu’alors dispersées entre des opérateurs d’État et les collectivités territoriales. Il servira à financer des aides destinées aux étudiants – ce que l’on appelle le « passeport mobilité étudiants » – mais aussi des aides destinées à financer la continuité territoriale au sens large afin de permettre à nos compatriotes ultra-marins de se déplacer depuis leur territoire d’origine vers la métropole ou alors, nouvelle possibilité offerte par la loi pour le développement économique des outre-mer, au sein même de leur territoire lorsque les distances le justifient. L’ANT a vocation à devenir une agence de la mobilité au service de nos outre-mer et, en lien avec le ministère de l’outre-mer, à suivre l’utilisation de ce fonds. Ensuite, la volonté du Gouvernement est de mettre en place, au plan local, des groupements d’intérêt public afin de gérer ces crédits en partenariat d’abord avec les collectivités territoriales mais aussi avec d’autres partenaires comme les organismes consulaires, les universités, les partenaires sociaux. De nombreux contacts ont été établis ces derniers mois pour étudier les conditions de mise en place de ces groupements, qui devront avoir été finalisés en 2010. En outre, dernier élément important, je suis attachée à la mise en œuvre d’une politique sociale au travers de ce fonds de continuité territoriale. Il est important que ce fonds bénéficie d’abord et avant tout à nos compatriotes d’outre-mer dont les ressources sont les plus faibles.

Enfin, le fonds exceptionnel d’investissement est aussi un instrument créé par la loi pour le développement économique des outre-mer. Son objectif est d’apporter une aide aux collectivités territoriales qui, dans les départements d’outre-mer et les collectivités d’outre-mer, réalisent des investissements portant sur des équipements publics collectifs. L’année 2009 fut, pour ce fonds, exceptionnelle puisque les crédits du Plan de Relance ont porté la totalité de nos engagements de 40 millions d’euros prévus dans la loi de finances initiale à 165 millions d’euros. L’année 2010 revient sur une tendance plus normale avec un total de 40 millions d’euros d’autorisations d’engagements. 88 opérations d’aménagement ont pu être réalisées grâce à ce fonds.

Aujourd’hui, je suis venue vous présenter le budget de la mission « outre-mer ». Cependant, je sais que vous vous intéressez, et c’est normal, à la totalité des crédits que l’État consacre aux outre-mer. Un effort particulier a été fait pour vous donner à lire un document de politique transversale plus synthétique, mieux présenté.

L’effort de l’État outre-mer en 2010 représentera 17,2 milliards d’euros en autorisations d’engagement, dont 3,6 milliards d’euros de dépenses fiscales. C’est une dépense en augmentation de plus de 4 %, avec un effort significatif fait sur la dépense fiscale qui augmente de plus de 200 millions d’euros.

Je sais par avance que certains souligneront que la mission « outre-mer » ne représente que 12 % de l’effort global. C’est l’évidence même. Cependant, le ministère de l’outre-mer n’a pas vocation à devenir le gestionnaire de tous les crédits budgétaires et fiscaux qui intéressent les territoires ultra-marins. Ensuite, avec près de 2 milliards d’euros, la mission « outre-mer » est la deuxième mission budgétaire de l’État en faveur de l’outre-mer avec 15,4 % des crédits budgétaires. Si l’on exclut les dépenses de personnel prévues au titre 2, elle représente même 29 % des dépenses budgétaires et est alors la première mission budgétaire hors titre 2 devant les dotations de l’État (28 %), la santé (14 %) ou l’éducation (10 %). Ce fait est d’autant plus significatif que la mission regroupe essentiellement des crédits d’intervention.

Nous sommes aujourd’hui à un tournant. Chacun doit prendre ses responsabilités. Je prends les miennes avec ma sensibilité, avec ma connaissance de l’outre-mer. Ces territoires recèlent de fortes potentialités. Ce budget est aussi le reflet du soutien du Gouvernement à ces territoires.

M. Alfred Almont, rapporteur pour avis. Il est généralement d'usage, chaque année, que le rapporteur pour avis d'un budget donne d'emblée le ton au sujet de celui-ci. Je ne manquerai d'autant moins à l'exercice que, pour de bon, le projet de budget de la mission outre-mer pour 2010, en progression pour la troisième année consécutive, prend à bras le corps les problèmes particuliers de nos territoires dans une conjoncture dont nous savons qu'elle est très difficile.

Très difficile en raison d'un contexte budgétaire tendu.

Très difficile surtout en raison de la crise économique qui a pris sur nos territoires une ampleur particulière puisqu'aux symptômes généraux de la dépression mondiale se sont greffés des facteurs endogènes à nos économies ultra-marines qui ont révélé la fragilité d'un modèle et qui justifient plus que jamais l'effort de solidarité nationale. Il faut donc se féliciter que les crédits de la mission outre mer augmentent, à périmètre constant, de 6,4% en 2010. Encadrés par la programmation budgétaires pluriannuelle, les crédits de l'outre-mer doivent cependant répondre à un double défi :

—  Mettre en œuvre sans délai la nouvelle lois de développement économique (la LODEOM) dont les décrets d'application sont annoncés pour les temps qui viennent ;

—  Tirer les conséquences de la crise du printemps dernier dont les effets sont encore difficiles à mesurer.

Sur le premier point, je constate avec satisfaction que le réaménagement du système d’incitations fiscales n’a pas eu pour effet, contrairement à ce qui fut dit ici ou là, de revoir à la baisse le soutien apporté à l’économie de l’outre-mer. Ainsi les dépenses fiscales créées ou modifiées par la LODEOM s’établissent à plus de 3 milliards et six cent millions d’euros, soit une augmentation de 6,3 % conformément à l’engagement pris par le Gouvernement lors de la discussion du projet de loi à l’Assemblée.

Toutefois, devons-nous considérer le nouveau « tableau fiscal » comme un aboutissement ? Avons-nous su tirer toutes les conséquences de la spécificité de nos régions en la matière ? Je me félicite naturellement du report à 2013 de l’application de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) en outre-mer. Mais ne faudrait-il pas mener une réflexion plus globale sur l’adaptation de notre fiscalité, en nous appuyant tout naturellement sur l’article 299-2 du traité d’Amsterdam qui incite à ces adaptations ? L’un des points d’application possible étant, par exemple, la nouvelle taxe carbone.

Sur le deuxième point, à savoir, le budget lui-même, j’observe qu’en dépassant le cadrage pluriannuel, de 4,4 % en autorisations d’engagement et de 3,1 % en crédits de paiement (pour des montants respectifs de 87 millions et de 63 millions d’euros), le projet annuel de performances intègre une partie de l’effort supplémentaire consenti pour sortir de la crise.

Mais, comme l’a remarqué notre commission des Finances, la traduction budgétaire des mesures de sortie de crise n’est pas aisée à percevoir dans sa globalité. Les estimations dont nous disposons tablent sur un total d’environ 500 millions d’euros, dont 280 pour le seul Revenu supplémentaire temporaire d’activité (RSTA). L’article 11 du projet de loi de finances, qui traduit l’engagement pris par le Gouvernement en la matière, fait cependant craindre la réduction de la Prime pour l'Emploi accordée au Foyer Fiscal. L'impact du RSTA sur la Prime pour l'Emploi suscite dès lors quelques inquiétudes et nombreux sont ceux pour qui l'occasion est bonne de solliciter la mise en application du RSA plus juste que le RSTA sur le plan social. Madame la Ministre nous souhaitons que vous puissiez nous rassurer en nous apportant sur ces points les précisions nécessaires.

Ceci étant, le projet de budget met clairement en avant trois priorités :

—  le soutien aux entreprises ;

—  l’aide à l’insertion et à la qualification professionnelle ;

—  l'amélioration de l'accès au logement.

Le soutien aux entreprises emprunte essentiellement la voie des exonérations de charges sociales afin d’abaisser le coût du travail, notamment dans des zones où celles-ci sont confrontées à la rude concurrence des pays voisins ainsi qu’aux handicaps structurels que nous connaissons. Un sujet qui, je le rappelle au passage, doit aussi se traiter dans le cadre des négociations commerciales multilatérales au niveau de l’Union européenne avec ses partenaires, les pays dit ACP en particulier.

Certes, cette politique de soutien aux entreprises a eu pour corollaire négatif le creusement de la dette de l’État envers les organismes sociaux. Il faut cependant saluer l’effort consenti, à hauteur de 93 millions d’euros, pour éviter que la dette n’enfle. Elle progresse cependant encore de 55 millions. Il est vrai qu’on a connu bien pire dans le passé. Mais nous ne ferons sans doute pas l’économie, Madame le ministre, à plus ou moins brève échéance, d’une mise à plat rationnelle de cette question afin d’éviter que, chaque année lancinante, elle vienne donner prise à des critiques contre la sincérité du budget de l’outre-mer.

S’agissant de l’aide à la formation professionnelle, votre budget traduit l’engagement du Président de la République de doubler les effectifs du Service militaire adapté, sur 3 ans (3000 en 2009, 6000 en 2012). Nous nous en réjouissons. Mais comme cet objectif s’accompagne de la diminution de la durée du service (de 12 à 8 mois), certaines critiques parlent déjà de « SMA au rabais ». Il faut nous rassurer sur ce point et prendre les dispositions nécessaires pour que la qualité des formations n’en soit pas réduite et que son « intensité » en compense la moindre durée.

Quant à la politique de soutien au logement, nous sommes, comme vous le savez, très attentifs à son évolution en raison des besoins qui s'expriment et que les retards accumulés au cours des dernières années ne manquent pas d’aggraver. Les crédits affectés au budget 2010 de l'outre-mer ne progressent dans ce domaine que de 2 % mais, comme l’a indiqué notre collègue Serge Letchimy dans son excellent rapport sur « l’habitat insalubre et indigne », nous souffrons moins d’insuffisance de financements publics que d’insuffisance de gouvernance. Nous serions donc heureux, Madame le Ministre, de savoir quels axes majeurs, au moins comme esquisses, si ce n’est pas prématuré, vous comptez donner aux propositions de notre collègue qui, je le souligne, sont largement consensuelles.

Certes, les crédits mis en place semble suffire, une politique résolue se met en place sans discontinuer ; il reste cependant à craindre que les maîtres d'ouvrage et les opérateurs concernés ne déposent les dossiers signalés sans avoir remplis toutes les conditions requises : un défaut d'instruction par la DDE (permis de construire, maîtrise foncière...). Pouvez-vous nous rassurer quant aux dispositions qui sont mises en œuvre pour assurer l'engagement intégral de la LBU appelée à financer la politique publique du logement en amont du dispositif de défiscalisation qui cible désormais le logement social ?

Le projet de budget pour 2010 ne traite pas des dispositions prévues afin de diminuer le prix des carburants outre-mer, question qui a fait l’objet d’une mission d’information de notre commission et qui a débouché sur 21 propositions, que je ne rappellerai pas ici mais sur la prise en compte desquelles nous serons bien sûr vigilants. Nous savons que vous avez déjà engagé la réforme de la SARA, qu’un décret est en cours de préparation et que vous entendez obtenir une modification progressive de la formule de fixation des prix dans un souci de transparence. Pouvez-vous nous apporter ici quelques précisions ?

De même, l’affaire de la chlordécone a beaucoup touché les populations antillaises. Le plan chlordécone, doté de 33 millions d’euros, est piloté par le ministère de la Santé, assailli aujourd’hui par d’autres préoccupations. Nous souhaiterions donc, Madame le ministre, en liaison avec le comité de suivi que nous avons mis en place dans cette commission et qu’anime notre collègue Jacques Le Guen, que votre ministère participe de façon très active au pilotage du programme et, le cas échéant, à son amélioration. Car si les mesures de précaution, telles que les récents arrêtés de suspension de la pêche de certaines espèces dans certaines zones sont évidemment indispensables, c’est surtout les moyens d’une relance économique de l’agriculture, de la pêche et de toute la filière alimentaire que nous attendons. Le récent rapport de notre collègue le Député Le Déaut et de la sénatrice Catherine Procaccia justifie un regain d'inquiétude au sein des populations.

Vous nous avez déjà répondu par avance, madame la ministre :

—  d’une part sur le fonctionnement du nouveau fonds de continuité territoriale, qui remplace l’ancienne dotation de continuité territoriale et le passeport mobilité, du rôle que doit jouer pour son pilotage l’Agence nationale pour l’insertion et la promotion des travailleurs d’outre-mer ;

—  d’autre part sur l’utilisation des crédits du nouveau fonds exceptionnel d’investissement.

Comme vous le savez, j’ai toujours plaidé pour que notre politique ultramarine tourne le dos à la vieille démarche de rattrapage et d’assistanat et choisisse résolument une stratégie de responsabilité afin de tendre vers l’égalité économique.

Il me semble que votre projet de budget va dans ce sens.

M. Didier Quentin, rapporteur pour avis au nom de la commission des Lois. Je ne reviendrai pas sur la présentation des crédits de la mission « outre-mer », qui vient d’être si bien faite tant par Madame la ministre que par notre collègue Alfred Almont, pour consacrer l’essentiel de mon temps de parole à des questions qui ont trait aux domaines de compétence de la commission des Lois.

S’agissant de l’analyse des crédits qui relèvent plus spécialement de la compétence de notre commission, je voudrais faire trois remarques :

—  Je note tout d’abord la baisse de la délinquance enregistrée cette année outre-mer : le nombre d’infractions constatées en 2008 a baissé de 2% par rapport à 2009, résultat de l’engagement important des forces de l’ordre, policiers et gendarmes, sur le terrain.

—  Nous pouvons également nous féliciter de la montée en puissance des groupements d’intervention régionaux (GIR), qui regroupent policiers, gendarmes, douaniers et agents des services fiscaux et des fraudes. Ce sont désormais cinq GIR qui sont opérationnels en Guyane, en Guadeloupe, à la Réunion, à Mayotte et en Martinique. Il est en outre envisagé d’en créer prochainement deux autres, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. Le bilan des GIR est très satisfaisant en matière de lutte contre l’économie souterraine : au 30 juin 2009, les cinq GIR en fonction ont saisi près de 3 millions d’avoirs criminels sur les 22 millions saisis par l’ensemble des GIR au plan national !

—  Je salue en outre le fait que la récente livraison – très attendue – du nouveau centre de détention de Domenjod à Saint-Denis de la Réunion, et l’extension des capacités opérationnelles d’autres établissements aient permis une réduction du taux d’occupation moyen des établissements pénitentiaires outre-mer. Celui-ci est passé de près de 150 % l’an dernier à 126 %. Ce chiffre est certes trop élevé, mais l’inversion de la tendance est néanmoins la bienvenue !

Je souhaiterais maintenant vous interroger, Madame la Ministre, sur trois sujets, dont deux ont trait aux évolutions institutionnelles en cours ou à venir :

—  S’agissant de l’organisation de la sécurité civile en Polynésie française, des questions de moyens se posent : celle des moyens aériens nécessaires pour assurer la sécurité civile sur une aire aussi étendue et celle de la création d’un établissement territorial d’incendie et de secours et d’un centre d’appel centralisé 18, qui n’est toujours pas intervenue, alors qu’elle est prévue depuis une ordonnance de 2006… Pouvez-vous nous en dire plus sur ces deux points?

—  Pour faire suite aux remarques faites par le Président de la commission des Lois, je voudrais vous interroger, Madame la Ministre, sur les dispositions qui sont prises pour accompagner le processus de départementalisation de Mayotte. Les Mahorais se sont prononcés très largement en faveur de la départementalisation qui doit intervenir en 2011. Or, les défis à relever sont très nombreux, notamment en matière d’enseignement de la langue française, mais aussi de la place des cadis dans la société et surtout en matière d’état civil  – c’est la question, désormais lancinante, de l’efficacité de la Commission de révision de l’état civil. Alors que plus de 16 000 dossiers sont en instance devant la Commission, celle-ci ne peut en traiter qu’un millier par an !

—  Enfin, Madame la Ministre, pourriez-vous revenir sur l’organisation de référendums en janvier prochain en Guyane et à la Martinique ? À la suite des travaux des États généraux qui ont rouvert le débat du statut des départements d’outre-mer aux Antilles et en Guyane, les élus guadeloupéens ont demandé l’application d’un moratoire de dix-huit mois. Les élus martiniquais et guyanais, quant à eux, se sont prononcés en faveur du passage d’un statut régi par l’article 73 de la Constitution à un statut relevant de l’article 74, c’est-à-dire celui des collectivité d’outre-mer. Cela a conduit le Président de la République à décider la tenue de référendums dans ces deux départements d’outre-mer le 17 et, éventuellement, le 24 janvier prochain.

M. le président Patrick Ollier. Je vais donner la parole aux représentants des groupes, puis aux autres orateurs inscrits.

M. René-Paul Victoria. Chargé de donner l’avis du groupe UMP sur les crédits de la mission « outre-mer », je constate la forte ambition de la ministre en faveur de l’outre-mer.

La promulgation de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (LODEOM) a suscité beaucoup d’espoirs. Nous attendons sa pleine mise en œuvre par ses décrets d’application.

Les grands secteurs d’activité doivent bénéficier d’une lisibilité dans le temps du cadre juridique dans lequel ils évoluent. Je me félicite du plan conduisant à établir l’autonomie énergétique de La Réunion. Il convient aussi de ne pas oublier les PME.

Les crédits du programme « Emploi outre-mer » progressent de 123 millions d’euros, ce qui nous donne beaucoup d’espoir pour notre jeunesse. Il faut en effet lutter contre le chômage. Étant un ancien du service militaire adapté (SMA), je sais qu’il est une bonne école. L’appel à de jeunes volontaires doit effectivement permettre de passer de 3 000 à 6 000 volontaires en 3 ans. Le taux d’intégration de 80 % de ces jeunes est particulièrement encourageant.

En matière de formation mobilité, je souhaite avoir des précisions sur le fonctionnement et l’efficacité de l’opérateur unique.

Je souligne que les crédits du programme « Conditions de vie outre-mer » sont très importants et que la question du logement est incontournable. L’adage selon lequel « quand le bâtiment va, tout va » est particulièrement vrai à La Réunion.

M. Jean-Claude Fruteau. J’accorde beaucoup d’intérêt à l’examen de ce budget qui devait traduire deux priorités : fournir des réponses durables aux préoccupations sociales exprimées en 2009 et mettre en œuvre budgétairement la LODEOM.

S’agissant de la réponse aux problèmes sociaux, notre collègue Almont a reconnu qu’il avait du mal à en discerner la traduction budgétaire. Je crois qu’on ne saurait mieux dire.

S’agissant de la LODEOM, j’observe que cette loi, pourtant votée en urgence, ne fait l’objet aujourd’hui d’aucun décret d’application, alors même que ce texte a fait l’objet d’une longue préparation.

En matière de logement, la LODEOM propose de réorienter la défiscalisation vers le logement social. Cette réorientation n’est effective qu’en théorie, faute de mesures réglementaires d’application. Effectivement, le bâtiment ne va pas : le secteur a perdu, à La Réunion, un quart de ses emplois ces derniers mois. Le secteur du logement social est en panne. Cela s’explique par des blocages liés au fait que l’on ne sait toujours pas comment va s’organiser le cumul entre la ligne budgétaire unique (LBU) et la défiscalisation. En effet, les bases sont différentes. Alors que nous avions proposé un amendement à la LODEOM clarifiant la situation, le Gouvernement avait répondu que rien n’interdisant le cumul, cette disposition était inutile. Les délais d’instruction en matière de LBU et de défiscalisation ne sont pas les mêmes, puisqu’il faut de 9 à 15 mois pour obtenir un agrément du ministère de l’Économie.

Nous aurions préféré que l’on mette l’accent sur la LBU plutôt que sur la défiscalisation. Le Gouvernement doit mettre en œuvre le dispositif qu’il a souhaité.

Je partage l’attachement de notre collègue Victoria au SMA. Alors que l’objectif est de doubler le nombre de volontaires en 3 ans, j’observe que seuls 54 nouveaux contrats sont prévus au projet de loi de finances. La durée du SMA baissant, je crains que la réforme ne se fasse à budget constant.

J’ai donc du mal à discerner la « forte ambition » évoquée.

M. Michel Vaxès. Je souhaite revenir sur le Revenu supplémentaire temporaire d’activité (RSTA). En effet, l’article 11 du projet de loi de finances prévoit qu’il vient en déduction du montant de la prime pour l’emploi (PPE). L’État va donc récupérer 108 millions d’euros jusqu’ici versés aux salariés ultramarins, dont les revenus risquent de baisser.

Par ailleurs, j’observe que le site Internet du Sénat indiquait, le 28 septembre dernier, qu’aucune mesure réglementaire d’application de la LODEOM n’était prise et je voudrais avoir des précisions à ce sujet.

Le budget de la mission « outre-mer » ne représente que 12 % des dépenses de l’État outre-mer. C’est donc sur son effort global qu’il convient de juger l’action de l’État. Dès lors que les crédits des autres ministères n’augmentent que du montant de l’inflation, soit 1,2 %, je ne comprends pas comment la ministre peut dire que l’effort en faveur de l’outre-mer progresse de 6,2 % !

En septembre 2009, l’Autorité de la concurrence a montré la réalité de la cherté de la vie outre-mer. Ces travaux montrent les mécanismes d’importation et de distribution, sur la base de relevés de prix, qui permettent de constater que les prix de la moitié des produits étaient supérieurs de plus de 55 % par rapport à la métropole. Ces travaux expliquent également que ni les coûts du fret, ni l’octroi de mer ne permettent de justifier l’ampleur de ces écarts. Quelles suites le Gouvernement entend-il donner aux travaux de l’Autorité de la concurrence ?

Enfin, le Parlement sera-t-il informé pleinement sur l’organisation des référendums du 17 janvier 2010 en Martinique et en Guyane ?

M. Philippe Gosselin. Ce budget traduit pour la troisième année consécutive un effort notable des finances publiques en faveur de l’outre-mer dans un contexte contraint. Il convient toutefois que la publication des décrets d’application de la LODEOM intervienne rapidement. L’année écoulée était particulière, marquée notamment par les mouvements sociaux du printemps et la tenue des États Généraux. Les engagements de l’État ont été respectés, notamment en matière de soutien aux entreprises, d’aide à la formation professionnelle et de soutien au logement. J’ai toutefois quelques questions. La première porte sur le passage de 12 à 8 mois du service militaire adapté, qui n’est pas sans soulever quelques inquiétudes qu’il serait souhaitable de lever. D’autres interrogations portent sur le respect de l’objectif visant à réaliser la départementalisation de Mayotte en 2011, d’une part en ce qui concerne l’accélération de la procédure et le fonctionnement de la commission de révision de l’état civil – pour lequel il conviendrait de stabiliser et de pérenniser les effectifs de magistrats – et d’autre part s’agissant des difficultés de l’enseignement. Enfin, je souhaiterais que vous nous éclairiez sur l’objet et l’organisation des consultations référendaires relatives à un éventuel changement de statut de la Martinique et la Guyane.

M. Louis-Joseph Manscour. Madame la ministre, je pense que vous êtes habitée par une sorte de dualité liée à votre origine « domiène » qui vous donne une parfaite connaissance de la réalité de ces territoires et, parce que votre approche se situe dans la continuité de l’action entreprise par vos prédécesseurs, ce que je regrette. Le budget constitue la traduction d’une réalité politique. Or, me semble-t-il, elle n’est pas clairement affichée. Je prendrai deux exemples. Tout d’abord le revenu supplémentaire temporaire d’activité (RSTA). Votre prédécesseur, M. Jégo, avait pris un engagement vis-à-vis des populations : celui de l’application du RSTA en attendant l’effectivité du RSA. Or, il semblerait aujourd’hui que non seulement le RSA ne soit pas appliqué, mais que l’articulation de la prime pour l’emploi (PPE) et du RSTA soit pénalisante pour les populations ultramarines. Samedi dernier, M. Éric Woerth a précisé qu’il convenait de respecter les engagements pris par le Gouvernement ; comment entendez vous les respecter ?

Mme Chantal Berthelot. J’ai du mal à aborder ce budget car, comme le soulignait devant la commission des Finances le rapporteur spécial M. Jérôme Cahuzac, vous êtes la troisième ministre en charge de l’outre-mer depuis le début de la législature ; le président Didier Migaud a d’ailleurs souligné que le rapporteur spécial assurait la continuité en matière budgétaire. Comment comprendre le rôle de votre secrétariat d’État du fait de la transversalité de ses compétences et de la présence d’actions en faveur de l’outre-mer dans plusieurs missions ? Soit il s’agit d’un ministère regroupant l’ensemble des moyens mis en œuvre, soit il s’agit d’un service du Premier ministre. Je partage les considérations évoquées par mes collègues sur la nécessité de publier rapidement les textes d’application de la LODEOM. S’agissant du logement social, notamment en Guyane, je rappellerai mon attachement à la ligne budgétaire unique, d’autant que le système de défiscalisation envisagé apparaît pour le moins complexe et qu’il est difficile d’imaginer comment ce système va concrètement fonctionner. Enfin, je constate qu’en ce qui concerne la Guyane, le programme 123 « condition de vie outre-mer » enregistre une baisse des crédits par rapport à l’année précédente. Comment, dans ces conditions, envisagez-vous de résorber l’habitat insalubre et de mettre fin aux conditions indignes de logement dans les territoires français d’Amérique ?

Mme Annick Girardin. Sur l’utilité de votre secrétariat d’État, je parviens aujourd’hui aux mêmes conclusions : soit on lui donne les dimensions réelles d’un ministère avec des compétences et des moyens propres, soit on s’interroge sur un autre mode de fonctionnement, correspondant à la volonté du Gouvernement de passer de l’assistanat au développement économique durable. Au regard du projet de budget de l’outre-mer pour 2010, il y a tout lieu de douter de cette volonté, tout en sachant que votre budget ne représente qu’une petite partie des crédits affectés à l’outre-mer. S’agissant de la LODEOM, il parait difficile de prétendre que les engagements sont tenus, dès lors que les décrets d’applications ne sont pas encore pris. L’insatisfaction demeure et il est urgent de prendre, au-delà des promesses, des mesures concrètes. Pour ce qui concerne la continuité territoriale, il importe d’aller au-delà de la mise en place d’un simple dispositif d’aide à l’achat des billets d’avion et de réfléchir, dans la continuité des États Généraux, à la redéfinition de cette notion, d’autant que les transports sont au centre du développement économique des outre-mer. Enfin, je fonde beaucoup d’espoirs sur les décisions qui seront prises pour rendre effectives les réflexions des États Généraux.

M. Jean-Yves Le Déaut. J’aborderai le sujet particulier du chlordécone, sur lequel, à la demande de la commission des affaires économiques, l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques a rendu un rapport qui comporte plusieurs recommandations. Un plan d’action a été élaboré par le Gouvernement. Or, je ne trouve pas dans le projet de budget de traductions précises de celui-ci. Ce plan prévoit de renforcer la connaissance du milieu, de réduire l’exposition des populations et d’améliorer les effets sur la santé, d’assurer une alimentation saine et de gérer les milieux contaminés, enfin d’informer les populations. Ce qui donne la sensation que l’on « baisse la garde ». Pourriez-vous nous préciser où en est l’exécution de ce plan, quelles en sont les traductions budgétaires et s’il est envisagé de poursuivre ce plan au-delà de 2010.

Mme Jeanny Marc. Je partage les remarques et les interrogations de mes collègues sur la mise en place du RSTA et la mise en œuvre de la LODEOM. J’aimerais que vous nous apportiez quelques précisions sur les moyens que vous envisagez afin de remédier aux dérives constatées par le LKP et l’Autorité de la concurrence. Je rappellerai que la Guadeloupe compte 700 jeunes qui attendent désespérément une orientation et à qui l’on recommande de migrer vers la métropole ou le Canada pour résoudre leur problème d’emploi. Face à cette situation, comment doit évoluer le service militaire adapté (SMA) et quelles sont les initiatives que vous entendez prendre en faveur de l’emploi des jeunes ? S’agissant de la lutte contre les effets des produits organo-chlorés, quelles sont les mesures envisagées, notamment en direction des agriculteurs engagés dans la dépollution de leurs terrains agricoles. Enfin, quels moyens sont mis en œuvre face aux risques climatiques et sismiques ?

M. Serge Poignant. Certains de mes collègues de l’opposition et des départements ultramarins ont émis des doutes sur l’utilité de votre secrétariat d’État. Je tiens pour ma part à vous renouveler mon total soutien, au-delà de l’effort budgétaire réalisé, conscient que je suis des efforts que vous accomplissez et qui se traduisent par la présence de nombreuses actions en faveur des DOM dans différentes missions du projet de loi de finances pour 2010. Ces efforts sont d’autant plus indispensables et le secrétariat d’État d’autant plus utile que s’amorcent les discussions sur le Grenelle de la mer qui concerne au premier chef les départements ultramarins.

M. Abdoulatifou Aly. Afin de permettre la départementalisation de Mayotte il a été prévu la création du fonds de développement économique et social. Or votre budget ne comporte pas les crédits y afférents.

Mme la Secrétaire d’État à l’outre-mer. Je souhaiterais répondre à l’ensemble des intervenants en commençant par les questions soulevées au sujet de la LODEOM. Certains d’entre vous se sont étonnés du fait que les décrets d’application de la loi ne soient toujours pas publiés. Cette loi, très attendue outre-mer, ne date, – je le rappelle – que du mois de mai dernier. Une longue procédure de coordination interministérielle, puis de consultations locales –d’ailleurs en procédure d’urgence –, s’est engagée, dans le respect des règles applicables en la matière. Dès mon arrivée au Secrétariat d’État à l’outre-mer, j’ai expliqué que la publication de ces décrets constituait une des premières priorités. Le décret sur la bagasse est signé et doit être très prochainement publié. Suivront ensuite une quinzaine de décrets publiés en novembre et, pour les derniers, en décembre prochains. Je rappelle en outre qu’un nombre important de décrets nécessitait la saisine de la Commission européenne. J’ai rencontré personnellement en octobre dernier la Commissaire en charge de la concurrence : elle m’a assurée que le feu vert de la Commission serait donné au plus tard au mois de novembre.

—  S’agissant du dispositif dit du « Girardin Logement », je rappelle qu’il est effectif et que des opérations sont réalisées sur son fondement. Les blocages qui ont pu être constatés ne sont pas dus au vote de la LODEOM mais au fait qu’après l’achèvement de certains grands travaux – je pense notamment à la grande route des Tamarins à la Réunion – d’autres projets tardent à être mis en œuvre. J’ai déjà indiqué être prête à engager davantage les finances de l’État pour la relance des programmes de construction des logements sociaux si des projets se concrétisent sur place.

Toujours en matière de logement, il a été dit que les bases éligibles respectivement à la LBU et aux outils de défiscalisation étaient différentes : je vous confirme en effet que la base des seconds est plus intéressante, traduisant la priorité donnée par le Gouvernement à un outil qu’il estime plus efficace. J’indique en outre que le Gouvernement a prévu qu’un agrément local puisse désormais suffire pour les opérations dont le montant est inférieur à 10 millions d’euros, ce qui devrait sensiblement réduire les délais de réalisation.

—  S’agissant du RSTA, je rappelle qu’il a été mis en œuvre dans des conditions particulièrement difficiles de crise sociale outre-mer. Il s’agit d’un RSA adapté à l’outre-mer et applicable par anticipation. Son régime social et fiscal est donc aligné sur celui du RSA. Le ministre du Budget et moi-même avons souligné à de multiples reprises que l’imputation des sommes perçues par le contribuable au titre du RSTA sur le montant de la prime pour l’emploi ne traduit aucunement une quelconque volonté du Gouvernement de remettre en cause la parole donnée. Une évaluation sera menée six mois après l’entrée en vigueur du dispositif. Si l’imputation sur la PPE se traduisait par une altération du RSTA, le Gouvernement corrigerait le dispositif afin que le RSTA s’applique conformément à l’engagement pris dans les protocoles de sortie de crise. Il n’en demeure pas moins que le RSTA s’éteindra avec la mise en place du RSA au 1er janvier 2011, ainsi que le précise le décret qui a instauré le RSTA. Nous serons très attentifs aux travaux menés par René-Paul Victoria sur la transition entre les deux dispositifs.

—  S’agissant de la question du différentiel des prix outre-mer, je rappelle que le rapport de l’Autorité de la concurrence, qui a souligné toute l’acuité de ce problème, a été établi à la demande du Gouvernement, signe de sa réelle volonté d’accroître le pouvoir d’achat de nos concitoyens ultramarins. La promotion de la concurrence est de nature à faire baisse les prix. Il faut donc corriger les dysfonctionnements qui existent pour favoriser cette concurrence. Je rappelle que la LODEOM a instauré dans ce but une aide aux intrants destinée à favoriser les productions locales et le développement endogène des territoires. Le Gouvernement reste particulièrement attentif à la question de la formation des prix outre-mer et à l’information du public sur les différentiels de prix. On a déjà pu constater la baisse de certains prix à la Réunion. C’est un signe encourageant, même si cela n’est à l’évidence pas encore suffisant.

—  S’agissant de la question, elle aussi cruciale, de l’emploi outre-mer, je rappelle que les collectivités ultramarines ont été confrontées non seulement aux effets de la crise financière mondiale mais aussi, pour certaines d’entre elles, à une crise sociale de grande ampleur. Les États généraux de l’outre-mer ont mis en évidence la nécessité d’une plus grande cohérence entre les actions des différents acteurs afin que les moyens mis en œuvre soient cohérents avec les besoins des différents territoires. C’est dans cette perspective qu’a été signé un contrat d’objectifs avec l’ANT. L’État accompagne les acteurs locaux compétents, notamment les conseils généraux.

—  Je voudrais également retenir sur la question du service militaire adapté : il n’est pas question d’instaurer un SMA au rabais comme j’ai pu l’entendre. Avec un taux d’insertion à la sortie de 80 %, le SMA est une véritable réussite. Ce constat justifie le projet d’élargissement de ses capacités. Nous tenons aussi compte des évolutions sur le terrain : certains industriels, en Nouvelle-Calédonie notamment, se sont déclarés prêts à assurer une partie de la formation. Dès lors, une réduction de la durée de prise en charge par le SMA est envisageable. Il ne faut y voir aucune volonté du Gouvernement de réduire l’efficacité du SMA. Seul un souci d’efficacité le guide en la matière pour mieux adapter le dispositif aux besoins en termes d’emplois.

—  En matière de logement, et notamment de disponibilité foncière, il est important d’adapter la réponse donnée aux caractéristiques propres de chaque territoire. Le montage des opérations exige de la souplesse. C’est ce que permettent les conventions d’action foncière, dont un nombre important a été signé à la Réunion et aux Antilles. S’agissant de la lutte contre l’habitat indigne, la législation doit être adaptée aux réalités de l’outre-mer - je songe notamment aux procédures de l’ANRU. En réponse au Président Ollier, j’indique que la défiscalisation en matière de logement est budgétisée à hauteur de 110 millions d’euros pour 2010, mais que ce montant est appelé à s’accroître dans les années à venir, après la publication des décrets d’application de la LODEOM.

—  S’agissant de la question de la formation des prix des carburants, il a été tenu compte dans le décret d’application – qui sera l’un des tout premiers publiés – à la fois des conclusions de l’Autorité de la concurrence et de neuf des préconisations formulées par la mission parlementaire. La complexité du dossier exige un traitement progressif des problèmes, s’attaquant d’abord au gel des prix, puis aux questions de distribution et d’approvisionnement. Là encore, la réponse ne sera pas unique sur l’ensemble des territoires. Si aux Antilles les normes européennes seront appliquées, la Guyane a demandé qu’il lui soit fait application de l’article 299-2 du Traité sur l’Union européenne lui permettant de déroger aux règles communautaires en matière d’acquisition des carburants. L’objectif commun à tous les territoires de baisse des prix se traduira ainsi différemment sur le terrain.

—  Le plan chlordécone, doté de 33 millions d’euros, est piloté dans un cadre interministériel ; c’est pourquoi il n’apparaît pas, en tant que tel, dans le projet annuel de performances de la mission outre-mer ; le ministère a cependant contribué, à hauteur de 300 000 euros sur ses crédits propres, au soutien aux jardins familiaux ; les arrêtés de suspension de la pêche récemment intervenus ne le sont qu’en attente du résultat des prélèvements opérés et de l’avis consécutif de l’AFSSA.

—  L’amélioration de la continuité territoriale ne dépend pas seulement des fonds qui lui sont affectés mais aussi de l’extension des dessertes aérienne et maritime, notamment à Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi que de la baisse du prix des billets.

—  La départementalisation de Mayotte se poursuit selon le calendrier prévu et, en particulier, la présentation aux populations du Pacte pour la départementalisation ; la justice cadiale sera supprimée dans l’île avant la fin 2011 ; l’amélioration du fonctionnement de la commission de révision de l’état civil bénéficiera en 2010 d’une dotation spéciale de 300 000 euros afin d’accélérer l’informatisation des services communaux.

—  Les consultations populaires devant être organisées à la Martinique et en Guyane pour l’application des articles 74 et 73 de la Constitution se tiendront les 17 et 24 janvier prochain, après qu’un débat aura eu lieu, début décembre, avec la représentation nationale.

—  En Polynésie, l’amélioration de la sécurité civile passe par la mise en place, en concertation avec les élus locaux, d’un établissement public d’incendie et de secours.

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* *

Après le départ de la ministre, la Commission examine les crédits de la mission « Outre-mer ».

La Commission, sur proposition de votre rapporteur pour avis, donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Outre-mer » pour 2010.

© Assemblée nationale

1 () Loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer.

2 () Loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer.

3 () Avis présenté par M. Didier Quentin au nom de la commission des Lois sur les articles 16, 18, 19, 22, 25, 26, 28, 28 ter, 29, 31 (II et III), 32 (3°, a) et b) du 4°, 7° et 8° du I et II) et article 33 du projet de loi, adopté par le Sénat après déclaration d’urgence, pour le développement économique des outre-mer, n°1551 du 25 mars 2009. Voir également le rapport fait par M. Gaël Yanno au nom de la commission des Finances, n° 1579 du 1er avril 2009.

4 () L’article 34 de la loi a inséré au sein du code civil un nouvel 815-7-1 qui permet à la justice d’autoriser un indivisaire diligent de faire exécuter des travaux dans un logement inoccupé dans un DOM afin qu’il soit donné à bail ou occupé à titre de résidence principale. L’article 35 de la loi a, quant à lui, autorisé la création d’un groupement d’intérêt public (composé essentiellement de l’État, des ROM et de représentants des officiers publics ministériels) chargé de rassembler tous les éléments propres à reconstituer les titres de propriété dans les DOM et à Saint-Martin pour les biens fonciers et immobiliers qui en sont dépourvus : il peut à cette fin prendre toute mesure permettant de définir ces biens et d’en identifier les propriétaires et créer ou gérer l’ensemble des équipements ou services d’intérêt commun rendus nécessaires.

5 () Conformément à l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, l’État est tenu de compenser aux organismes de sécurité sociale les sommes dont ils n’ont pu être crédités du fait de la mise en œuvre d’une politique d’exonération de charges.

6 () En Guyane, l’octroi de mer étant plus élevé, la TVA n’est provisoirement pas applicable.

7 () Avis présenté au nom de la commission des Lois, Projet de loi de finances pour 2009, Tome VI Outre-mer, n°1203 du 16 octobre 2008.

8 () Votre rapporteur souligne que les Douanes jouent un rôle particulièrement important dans la lutte contre l’immigration irrégulière à Mayotte : les services de la direction régionale de Mayotte ont intercepté, en 2008, 440 étrangers en situation irrégulière et 15 passeurs.

9 () Il est à noter qu’en revanche, l’accord conclu avec le Suriname n’est pas encore entré en vigueur en raison de l’instabilité politique que connaît cet État.

10 () Les travaux du groupe de travail à haut niveau (GTHN), constitué à l’initiative des chefs d’États français et comorien en 2008 et qui a permis la création de trois sous-groupes de travail consacrés respectivement à la circulation des personnes et des biens, à la relance de la coopération régionale et à la structuration institutionnelle de cette démarche, n’ont pas encore abouti.

11 () À Wallis et Futuna, 17 agents de la garde territoriale assurent en outre, sous l’encadrement des gendarmes, des missions de police de proximité.

12 () Rappelons que, à l’initiative de la France, un centre d’analyse et d’opérations contre le narcotrafic, opérationnel depuis avril 2007, a été créé à Lisbonne afin de renforcer la coopération entre les États membres (Espagne, Royaume-Uni, Irlande, Italie, Pays-Bas, Portugal et France) et ainsi développer l’efficacité de la lutte contre le trafic maritime de cocaïne en provenance de l’Amérique du Sud.

13 () dont 1 778 en Guadeloupe, 30 à Saint-Barthélemy et 141 à Saint-Martin.

14 () Départements français d’Amérique.

15 () Afin de renforcer encore l’efficacité du dispositif et notamment d’améliorer la coopération avec les autorités néerlandaises, un détachement de l’antenne de l’OCRTIS est en cours de création sur l’île de Saint-Martin.

16 () L’article 140 du code minier prévoit ainsi la destruction des matériels ayant servi à commettre des infractions constatées par procès-verbal et sur réquisition du procureur de la République dans le cadre de la lutte contre l’orpaillage clandestin en Guyane.

17 () En vertu de la loi organique n°2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie Française, de la loi n°2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d’autonomie de la Polynésie Française et de l’ordonnance n°2006-173 du 15 février 2006 portant actualisation et adaptation du droit applicable en matière de sécurité civile en Polynésie française, complétée par l’ordonnance n°2007-1434 du 5 octobre 2007 portant extension des première, deuxième et cinquième parties du code général des collectivités territoriales aux communes de la Polynésie française, à leurs groupements et à leurs établissements publics.

18 () Comme il n’existe pas de fonction publique communale en Polynésie, les sapeurs pompiers, comme tous les agents communaux, sont recrutés sur la base de contrats de droit privé.

19 () Contre 469 l’an passé.

20 () Contre 667 l’an passé.

21 () Contre 135 l’an passé.

22 () La maison d’arrêt de Saint-Pierre-et-Miquelon, construite en 1851, est composée d’un bâtiment de détention et d’un logement occupé par un agent de service. Elle est placée sous l’autorité du Procureur de la République en vertu de la loi 85-595 du 11 juin 1985 fixant le statut de l’archipel.

23 () Le territoire de Wallis et Futuna ne dispose pas d’établissement pénitentiaire. Les locaux de détention se situent dans un bâtiment de la brigade de la gendarmerie de Mata Utu et se composent de trois cellules individuelles pour des détentions de 4 mois maximum. Les détenus condamnés à une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure sont transférés au centre pénitentiaire de Nouméa.

24 () En vertu de l’article 1er de cette loi organique, les conseils généraux et régionaux d’outre-mer disposent désormais de la possibilité, sur habilitation accordée par le Parlement, d’adopter eux-mêmes, dans des matières législatives, des dispositions dérogeant au droit commun. Il s’agit d’une innovation juridique et politique considérable, dont l’article 73 de la Constitution a arrêté le principe en 2003 et dont le législateur organique a précisé les conditions de mise en œuvre, en veillant à la constitutionnalité, à la transparence et au caractère démocratique de la procédure.

25 () Pour une description précise de ces modifications, on pourra se reporter à la troisième partie de l’avis rendu au nom de la commission des Lois par votre rapporteur l’an dernier (n°281).

26 () Rapport sur le projet de loi organique (n° 1802), adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et de Mayotte et sur le projet de loi (n° 1803), adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie et portant ratification d’ordonnances, n°1843 et 1844, 16 juillet 2009.

27 () Loi constitutionnelle n° 98-610 du 20 juillet 1998 relative à la Nouvelle-Calédonie.

28 () Loi constitutionnelle n° 98-610 du 20 juillet 1998 relative à la Nouvelle-Calédonie.

29 () Accord politique signé à Nouméa le 5 mai 1998 par le Gouvernement français et les représentant des principales forces politiques de l’île (FLNKS et RPCR).

30 () L’article 77 de la Constitution renvoyait à la loi organique le soin de préciser les modalités de consultation des populations concernées « sur l’accession à la pleine souveraineté ».

31 () Ces matières, dont l’article 99 de la loi organique du 19 mars 1999 dresse la liste, concernent essentiellement le droit fiscal, le droit social, le droit civil et commercial, le droit domanial, le droit coutumier, ainsi que le droit économique applicable à l’exploitation de certaines ressources minérales.

32 () L’accord politique conclu à Nouméa le 5 mai 1998 note ainsi que, pendant la période de « souveraineté partagée » précédant la consultation finale sur un éventuel accès à l’indépendance, « la notion de citoyenneté fonde les restrictions apportées au corps électoral pour les élections aux institutions du pays et pour la consultation finale », et sert de « référence » pour les discriminations pouvant être instituées entre Français en matière d’accès à l’emploi.

33 () En vertu de l’article 76 de la Constitution, il s’agit des électeurs résidant en Nouvelle-Calédonie depuis le référendum du 6 novembre 1988.

34 () Français vivant en Nouvelle-Calédonie et nés sur place ou ayant un parent né sur place.

35 () La date retenue pour ce calcul étant celle de la consultation ou, au plus tard, le 31 décembre 2014, ce qui signifie qu’aucun Français arrivé en Nouvelle-Calédonie après 1994 ne pourra participer à cette consultation (sauf s’il relève de l’une des catégories précitées).

36 () Sur le plan politique, la mouvance indépendantiste ne sort toutefois pas renforcée des élections législatives organisées au mois de juin 2007, ses candidats ayant réuni en moyenne 39,1 % des suffrages exprimés, proportion stable depuis près de 30 ans.

37 () Décision du Conseil constitutionnel n° 2005-547 DC du 15 février 2007.

38 () L’article 3 de la loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte prévoyait l’application de plein droit à Mayotte non seulement des textes « qui, en raison de leur objet, sont nécessairement destinés à régir l’ensemble du territoire national », mais aussi des normes relatives au droit de la nationalité, au droit civil et au droit pénal, à la procédure administrative, au droit électoral, au droit des postes et télécommunications. Cet article étendait également, à compter du renouvellement du conseil général de Mayotte en 2007, l’assimilation législative à deux autres matières, relatives à l’organisation et à l’administration des conseils généraux, ainsi qu’aux règles applicables aux juridictions financières.

39 () Le nouvel article L.O. 6113-1 du CGCT dispose que demeurent soumises au principe de spécialité législative les matières relevant de la loi organique en vertu de l’article 74 de la Constitution (compétences et pouvoirs consultatifs de la COM, règles d’organisation et de fonctionnement de ses institutions, ou encore régime électoral de son assemblée délibérante), mais aussi le droit fiscal, le droit de l’urbanisme, de la construction et du logement, l’aménagement rural, le droit social, le droit des étrangers, ainsi que les finances communales.

40 () Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République (article 6).

41 () Ce seuil est plus démocratique que celui de 10 % retenu dans la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française.

42 () L’organe délibérant ainsi saisi n’est toutefois tenu ni d’organiser la consultation demandée, ni d’en suivre le résultat.

43 () Rapport d’information sur la situation de l’immigration à Mayotte, M. René Dosière, Président, M. Didier Quentin, rapporteur (n°2932 - déposé le 8 mars 2006).

44 () Décret n°2004-1529 du 30 décembre 2004.

45 () Décret n°2004-1527 du 30 décembre 2004.

46 () Cette activité est rémunérée de manière spécifique au moyen d’un barème propre, en fonction de la nature des actes.

47 () L’article 73 de la Constitution prévoyait ainsi que « le régime législatif et l’organisation administrative des départements d’outre-mer peuvent faire l’objet de mesures d’adaptation nécessitées par leur situation particulière ».

48 () Loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République (article 9).

49 () Cette deuxième faculté n’étant pas ouverte à La Réunion, conformément au choix exprimé à l’époque par les représentants de ce DOM au Sénat.

50 () Le quatrième alinéa de l’article 73 de la Constitution précise que « ces règles ne peuvent porter sur la nationalité, les droits civiques, la garantie des libertés publiques, l’état et la capacité des personnes, l’organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l’ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que le droit électoral ». Il est également précisé au sixième alinéa de ce même article que cette forme d’habilitation ne peut être accordée « lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti ».

51 () L’article 73 de la Constitution prévoit également que la loi organique pourra préciser et compléter la liste des matières législatives pour lesquelles les DOM-ROM ne peuvent fixer eux-mêmes de règles.

52 () Amendement présenté par M. Christian Cointat.

53 () États généraux de l’outre-mer, rapport général pour la Martinique, « Pour une Martinique performante, solidaire, responsable »

54 () Synthèse des rapports des ateliers des États généraux de la Guadeloupe, août 2009, p 51.