Accueil > Documents parlementaires > Les rapports législatifs
Version PDF

N° 2862

——

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2010.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES,

SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2011 (n° 2824)

TOME VII

DÉFENSE

ÉQUIPEMENT DES FORCES – DISSUASION

PAR M. François CORNUT-GENTILLE,

Député.

——

Voir le numéro : 2857 (annexe n° 10)

S O M M A I R E

_____

Pages

INTRODUCTION 11

PRÉAMBULE : SUIVI DES RECOMMANDATIONS PARLEMENTAIRES 15

I. —  LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR EN 2010 15

A. LA FIN DE LA SANCTUARISATION BUDGÉTAIRE 15

B. L’ÉTAT DE LA DÉFENSE EUROPÉENNE 16

C. L’IMPACT DE PLAN DE RELANCE 17

D. LES COMPÉTENCES DE MAÎTRISE D’OUVRAGE DE LA DGA 18

E. LES CENTRES D’ESSAIS DE LA DGA 19

F. L’INSTRUCTION 1514 ET LA DÉMARCHE INCRÉMENTALE 19

G. LE SUIVI POLITIQUE DES GRANDS PROGRAMMES D’ARMEMENT 19

H. L’ABANDON DE LA COTRAITANCE 20

II. —  RETOUR SUR LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR EN 2009 20

A. LA PROCÉDURE DE COMMANDE POUR URGENCE OPÉRATIONNELLE 20

B. LES PROCÉDURES DE VALIDATION OPÉRATIONNELLE 21

C. LA MODERNISATION DE LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES 21

III. —  RAPPORTS PARLEMENTAIRES TRAITANT DE L’ÉQUIPEMENT DES FORCES 24

A. RAPPORT D’INFORMATION SUR LES DRONES 24

B. RAPPORT D’INFORMATION SUR LE DÉSARMEMENT, LA NON-PROLIFÉRATION ET LA SÉCURITÉ DE LA FRANCE 25

PREMIÈRE PARTIE : LA DÉFENSE FACE À LA CRISE 29

I. —  RÉPONDRE À UNE CRISE STRUCTURELLE PAR DES CHOIX POLITIQUES 29

A. UNE CRISE STRUCTURELLE 29

1. Le cadre général 30

a) Un constat alarmant 30

b) Des mesures fortes sont nécessaires 31

2. La défense mise à contribution 32

a) Préserver la cohérence du schéma budgétaire d’ensemble 32

b) Une exécution contrôlée et responsable 34

B. L’IMPACT DE LA CRISE SUR LE SYSTÈME FRANÇAIS DE DÉFENSE 36

1. L’impact budgétaire 37

a) L’adaptation de la programmation 37

b) Les crédits du programme 146 38

c) La reproduction d’une bosse ? 41

d) L’impact sur les commandes et les livraisons 45

2. L’impact industriel : situation des principaux groupes français 46

3. Les exportations dans la crise 49

a) Les exportations françaises d’armement face à la crise 51

b) Le client roi 58

c) La concurrence accrue sur les marchés de l’export 61

d) La montée des nationalismes industriels, un frein aux exportations ? 63

II. —  LES RÉFORMES ENGAGÉES ATTÉNUENT L’IMPACT DE LA CRISE 65

A. LA RÉVISION DU FORMAT DES ARMÉES 65

1. La situation en France 65

2. La situation internationale 68

a) Les pays européens 68

b) Hors de l’Union européenne 69

B. LA RÉFORME DE LA CONDUITE DES PROGRAMMES 71

1. Une conduite des programmes critiquée 71

2. La réforme engagée par le ministère de la défense 74

3. Les instances participant aux programmes d’équipement 74

4. Une nouvelle procédure : l’instruction 1516 77

a) Le déroulement des opérations d’armement 77

b) Les apports de la nouvelle instruction 81

5. La réorganisation de la DGA 83

a) La direction des opérations 84

b) La direction technique 86

c) La direction de la stratégie 88

d) La direction du développement international 90

C. CHORUS 90

1. La défense cumule les handicaps 91

2. Des conséquences lourdes sur les entreprises 92

3. Le coût induit : les intérêts de retard 95

D. LES EXTERNALISATIONS 97

1. Quel bilan des externalisations engagées ? 97

2. L’avenir des externalisations 101

3. Jusqu’où externaliser ? 102

E. LE PLAN DE RELANCE, UN PLAN ANTI-CRISE ? 104

1. Le volet défense du plan de relance 105

2. L’impact sur les industries de défense 106

III. —  LA DÉFENSE EN PLEINE MUTATION 108

A. LA REMISE EN CAUSE DU CONTRAT OPÉRATIONNEL DE 2008 108

B. LES CARENCES DE LA POLITIQUE INDUSTRIELLE DE DÉFENSE 111

1. Les achats sur étagère 112

2. Quelle cohérence pour la politique industrielle de défense ? 114

3. Politique industrielle et politique industrielle de défense 117

a) Pour une politique industrielle globale 117

b) Arrêter la dispersion des moyens étatiques 119

C. LA COURSE À LA TECHNOLOGIE 123

1. Une fuite en avant technologique 123

2. La dépendance extérieure 124

IV. —  REPENSER L’IDÉE DE DÉFENSE AU XXISIÈCLE 128

A. PERSISTANCE ET DÉVELOPPEMENT DES MENACES 129

1. La persistance des menaces 129

a) La menace frontalière et l’accès aux ressources naturelles 130

b) Les zones polaires 135

c) La maîtrise de l’espace maritime 140

2. L’apparition de nouveaux théâtres d’opération 145

a) L’espace extra-atmosphérique 145

b) Le cyberespace 147

c) L’économie de la drogue 148

B. UN NOUVEL ENVIRONNEMENT JURIDIQUE INTERNATIONAL 149

1. Les clauses de solidarité 150

2. Coopération renforcée et coopération structurée permanente 150

3. La réglementation communautaire 153

a) Le paquet défense 153

b) La réglementation environnementale 158

C. LES QUESTIONS EN SUSPENS 163

1. La défense des intérêts vitaux de la Nation 163

2. La réforme de l’OTAN 165

3. Sortir l’Europe de la défense de l’ornière 167

a) Une faiblesse opérationnelle 167

b) La place et les missions de l’agence européenne de défense 169

4. Une nécessaire clarification budgétaire 171

a) Effort de défense et critères de Maastricht 171

b) Un contrôle communautaire du budget de la défense ? 173

D. LE CONCEPT DE DÉFENSE COLLECTIVE 174

1. Un partage accru des capacités opérationnelles 174

2. Le renforcement des coopérations industrielles 179

a) Le principe de la coopération 179

b) Des premiers résultats décevants 180

c) La difficile émergence de groupes industriels européens 182

3. Les procédures de vote et de contrôle des crédits de la défense 186

E. DE L’IMPORTANCE DE LA PROSPECTIVE 187

DEUXIÈME PARTIE : LES PROGRAMMES D’ARMEMENT 189

I. —  LA DISSUASION, UNE VARIABLE BUDGÉTAIRE ? 189

A. UN NOUVEAU CONTEXTE INTERNATIONAL ? 189

1. Les nouvelles doctrines américaines et russes 189

2. Les grands rendez-vous internationaux de 2010 191

3. La persistance des menaces 192

B. LES MOYENS DE LA DISSUASION FRANÇAISE 193

1. Les crédits de la dissuasion 194

a) Des crédits en baisse 194

b) Un financement incertain 196

2. Les matériels de la dissuasion 196

a) Les têtes nucléaires 196

b) La composante aéroportée 197

c) La composante océanique 208

d) Les transmissions 215

3. La crédibilité technique de la dissuasion française 215

a) Le calculateur TERA 219

b) AIRIX 220

c) Le LMJ 220

C. LES TENTATIONS FRANÇAISES DE CHANGEMENT DE DOCTRINE 222

1. La dissuasion, assurance-vie du dispositif français de défense 222

2. L’erreur de la suppression d’une composante 223

3. Quelle coopération pour la dissuasion ? 225

II. —  COMMANDEMENT ET MAÎTRISE DE L’INFORMATION 226

A. LES SYSTÈMES D’INFORMATION ET DE COMMANDEMENT 228

1. Les systèmes d’information de l’armée de terre 230

2. Le SIC 21 de la marine nationale 230

3. Le système de commandement et de conduite des opérations aériennes (SCCOA) 231

a) Le système de commandement et conduite des opérations 231

b) Les radars de surveillance de l’espace aérien 233

c) Les radars de surveillance de l’espace 234

4. L’AWACS 235

5. Le système d’information des armées 237

B. LE RECUEIL DE DONNÉES GÉOPHYSIQUES 239

1. La géographie numérique : DNG3D 239

2. La navigation par satellite : GALILEO 239

C. LES COMMUNICATIONS 241

1. Syracuse III 241

2. MELCHIOR 243

3. PR4G 244

4. CONTACT 244

D. LE RENSEIGNEMENT D’ORIGINE ÉLECTROMAGNÉTIQUE (ROEM) 245

1. Le ROEM spatial 245

2. Le C-160 Transall Gabriel 246

E. LE RENSEIGNEMENT RADAR TERRESTRE 247

F. LE RENSEIGNEMENT OPTIQUE AÉRIEN 247

G. LE RENSEIGNEMENT OPTIQUE SPATIAL 248

1. HÉLIOS 2 248

2. MUSIS 249

3. SPIRALE 250

H. LES DRONES 250

1. Les drones stratégiques HALE et MALE 254

2. Les drones tactiques 256

3. Les drones de combat 257

4. Les mini-drones 258

III. —  PROJECTION-MOBILITÉ-SOUTIEN 258

A. LES AÉRONEFS DE TRANSPORT 261

1. Les avions 261

a) L’A400M 261

b) Le C-160 Transall 263

c) Le C-130 Hercules 265

d) Le CASA CN-235 266

e) Le Xingu 267

2. Les hélicoptères 268

a) Le NH90 268

b) Le COUGAR 271

c) Le PUMA SA 330 272

d) L’EC 725 CARACAL 272

B. LE PORTEUR POLYVALENT TERRESTRE 273

C. LE BÂTIMENT DE PROJECTION ET DE COMMANDEMENT (BPC) 273

D. LA FLOTTE LOGISTIQUE 278

IV. —  ENGAGEMENT ET COMBAT 279

A. LES CAPACITÉS AÉRIENNES 281

1. Les aéronefs 281

a) Rafale 282

b) Mirage 2000 284

c) Les avions d’entraînement 287

2. L’armement 287

a) Le missile SCALP d’emploi général 287

b) L’armement Air/Sol modulaire (AASM) 288

c) Le missile air-air MICA 289

d) Le missile air-air METEOR 290

B. LES CAPACITÉS TERRESTRES 291

1. L’équipement du fantassin 291

a) FELIN 291

b) Les munitions 292

c) Les parachutes 293

2. Les véhicules terrestres et aéro-terrestres 294

a) Le VBCI 294

b) L’ARAVIS 295

c) Le VHM 296

d) Le VBL 296

e) SCORPION 296

f) L’hélicoptère TIGRE 303

3. L’artillerie sol-sol 308

a) Le missile Milan 308

b) Le CAESAR 312

c) Le lance-roquettes unitaire 313

d) L’interdiction des armes à sous-munitions 313

C. LES CAPACITÉS NAVALES 315

1. Les bâtiments 315

a) Les frégates FREMM 315

b) Le sous-marin nucléaire d’attaque BARRACUDA 316

c) Le porte-avions 319

2. L’armement 320

a) Le SCALP naval 320

b) Les missiles anti-navire EXOCET 321

c) Le missile anti-navire léger 322

d) La torpille anti-sous-marine MU 90 323

e) La torpille lourde ARTÉMIS 323

V. —  PROTECTION ET SAUVEGARDE 324

A. LA DÉFENSE SURFACE/AIR 327

1. Le missile Mistral 328

2. Le système sol/air Crotale NG 329

3. Le système sol/air HAWK 329

4. La famille de systèmes sol/air futurs (FASF) 330

5. Le système naval PAAMS 332

6. Les frégates anti-aériennes F70 AA 332

7. Les frégates Horizon 333

B. LES MISSIONS DE SURVEILLANCE ET DE SAUVEGARDE MARITIMES 333

1. Les capacités maritimes 333

2. Les capacités aériennes 336

a) Les ATLANTIC 2 336

b) Le Falcon 50 SURMAR 337

c) L’hélicoptère EC 225 SECMAR 338

C. DETEC BIO ET P4 339

TRAVAUX DE LA COMMISSION 343

I. —  AUDITION DE M. HERVÉ MORIN, MINISTRE DE LA DÉFENSE 343

II. —  AUDITION DE L’AMIRAL ÉDOUARD GUILLAUD, CHEF D’ÉTAT-MAJOR DES ARMÉES 367

III. —  AUDITION DE M. LAURENT COLLET-BILON, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL POUR L’ARMEMENT 387

IV. —  EXAMEN DES CRÉDITS 401

ANNEXES 405

ANNEXE N° 1 : PRINCIPALES DÉCISIONS BRITANNIQUES EN MATIÈRE DE DÉFENSE (OCTOBRE 2010) 405

ANNEXE N° 2 : EXTRAIT DU RAPPORT D’INFORMATION N° 2437 407

ANNEXE N° 3 : LES PROPOSITIONS DE LA FRANCE À LA CONFÉRENCE D’EXAMEN DU TNP DE 2010 413

ANNEXE N° 4 : ÉVOLUTION DES CAPACITÉS SATELLITAIRES FRANÇAISES 417

ANNEXE N° 5: LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES ET DES DÉPLACEMENTS 419

A. AUDITIONS 419

B. DÉPLACEMENTS 419

INTRODUCTION

Le 20 octobre 2010, le Chancelier de l’Échiquier a présenté à la Chambre des communes les orientations budgétaires britanniques pour les quatre ans à venir. Dans un contexte de crise financière et budgétaire, tous les ministères se voient contraints de réduire leurs dépenses et d’engager des efforts de rationalisation de leurs structures. Longtemps préservée de ces régulations, la défense est aujourd’hui partie prenante du processus. Pour adapter au mieux le format des armées aux capacités budgétaires, le Royaume-Uni avait engagé dès le printemps dernier une revue générale de ces programmes, à l’instar de la démarche française du Livre blanc. D’ici à 2015, le ministère de la défense va ainsi économiser quelque 4,3 milliards de livres en se concentrant sur ses capacités opérationnelles fondamentales et en réduisant les dépenses inutiles et inefficaces. Pour les forces, cela se traduit notamment par le démantèlement du porte-avions HMS Ark Royal, par le report de la construction des nouveaux sous-marins nucléaires lanceurs d’engins ou par la suppression de 25 000 emplois civils (1).

L’exemple britannique confirme l’analyse de l’amiral Édouard Guillaud, chef d’état-major des armées, qui considère que « la surprise stratégique aujourd’hui, c’est bien la surprise générée par l’ampleur de la crise financière et ses conséquences sur les économies, notamment européennes » (2). Les armées et la défense en général ne bénéficient plus d’un traitement particulier : elles doivent, comme tous les autres ministères, diminuer leurs dépenses et maximiser l’efficacité de leurs actions.

Le rapporteur a considéré que l’analyse des crédits pour l’équipement des forces et la dissuasion devait intégrer cet élément déterminant de contexte. Il a souhaité savoir si les principaux partenaires de la France font face à des difficultés similaires et quelles solutions ils ont adopté. Il a donc interrogé une cinquantaine de pays (3), leur demandant d’indiquer s’ils avaient dû revoir à la baisse leurs ambitions militaires et notamment leurs commandes ou leurs modernisations d’équipements.

Le contexte contraint impose d’opérer des choix financiers et budgétaires difficiles. Pour tous les grands pays militaires, il faut trouver un équilibre délicat entre d’une part la préservation de sa souveraineté et de son rang mondial et d’autre part la soutenabilité de son économie et de ses finances publiques. Pour cela, il est indispensable d’opérer des choix stratégiques clairs en se recentrant sur ses missions prioritaires.

La tentation est grande d’entretenir une sorte de fuite en avant en maintenant artificiellement une compétence militaire transverse. Cela ne permettrait que de dégager des économies de très court terme et ne ferait qu’aggraver la situation à long terme, fragilisant plus encore le tissu industriel et les capacités opérationnelles. Pour éviter cette dérive, les choix doivent être faits avec conscience et sérénité, la contrainte budgétaire ne devant pas devenir le seul critère d’appréciation. Il faut par exemple examiner les compétences qui peuvent être mutualisées avec nos alliés ou vérifier s’il n’est pas possible de regrouper des moyens en interne en développant plus les relations interministérielles.

Certes, la réforme indispensable initiée en 2008 et le plan de relance ont permis, notamment en 2009, d’atteindre un niveau d’investissements jamais atteint pour nos armées. Même avec l’aléa des recettes exceptionnelles, cet effort restera très significatif en 2010 et 2011. Il faut cependant rapidement se rendre à l’évidence : de nouveaux choix difficiles seront rapidement devant nous. Ce qui implique de comprendre la réforme en cours moins comme un objectif à atteindre que comme un processus qui doit encore s’approfondir.

Bien des signes nous invitent en effet à poursuivre une réflexion d’ensemble : en particulier, la hausse préoccupante des crédits de report qui pourraient atteindre 2,5 milliards d’euros à la fin de 2011 ainsi que la reconstitution vraisemblable d’une « bosse budgétaire » à l’horizon 2012-2013.

Pour éclairer ces enjeux déterminants, le rapporteur a consacré la première partie de son rapport à l’impact de la crise sur le système de défense français en mettant l’accent sur ses conséquences à moyen et à long terme. Dans un second temps, il a fait le point sur l’état des équipements français de défense en reprenant la nomenclature budgétaire.

Le rapporteur avait demandé que les réponses à son questionnaire budgétaire lui soient adressées au plus tard le 17 septembre 2010. À cette date, seules 17 réponses étaient parvenues, soit un taux de 19 %.

Au 10 octobre 2010, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, 88 réponses étaient parvenues, soit un taux de 100 %.

Comme en 2009, le rapporteur regrette très vivement que 36 réponses (soit 41 %) aient fait l’objet d’une mesure de classification, interdisant leur publication. Pour éviter cette dérive, il avait expressément demandé que chaque mesure de classification soit dûment justifiée et que les informations classifiées soient précisément identifiées. Le ministère de la défense n’a donné suite à cette demande et a maintenu le système antérieur, n’améliorant en rien l’information parlementaire. L’usage des mesures de classification doit se faire avec plus de discernement et non relever d’une politique globale sans intérêt.

PRÉAMBULE : SUIVI DES RECOMMANDATIONS PARLEMENTAIRES

En préparation des débats budgétaires qui ont lieu en octobre et novembre de chaque année, de nombreux rapports spéciaux et avis analysent les crédits inscrits dans chacun des programmes composant le budget de l’État. Ces documents de qualité demeurent encore trop confidentiels, même s’ils sont aisément accessibles sur internet. Cette confidentialité ne permet pas la prise en compte par les administrations concernées des analyses et commentaires qui y sont formulés. Pour sortir de l’exercice de style contraint et redonner à ces documents leur véritable finalité politique, le suivi des recommandations est indispensable. Par cette procédure, directement inspirée des rapports de la Cour des comptes, les ministères sont appelés à mieux expliquer leur choix.

Le rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2009 portant sur les crédits relatifs à l’équipement des forces et à la dissuasion (4)a initié cette procédure en énonçant sept recommandations. Leur suivi donne des résultats inégaux, certaines préconisations n’ayant pas débouché. Les réponses du ministère ont néanmoins le mérite d’exister, validant en cela la pertinence de la démarche. Le rapporteur a donc étendu cette logique à trois rapports d’information récents abordant sous des angles particuliers la question des équipements des armées.

I. —  LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR EN 2010

A. LA FIN DE LA SANCTUARISATION BUDGÉTAIRE

Le rapporteur avait recommandé au ministère de « prendre acte de la fin de la sanctuarisation budgétaire du ministère de la défense ».

Réponse (5) : Alors que les dépenses de l’État seront stabilisées à leur valeur de 2010 hors charges de la dette et hors dépenses de pensions, les crédits budgétaires consacrés à la mission « Défense » progresseront de 3 % sur la période 2010-2013. Cette progression sera néanmoins moins forte que prévu initialement dans la loi de programmation militaire car cette trajectoire n’était plus conciliable avec le programme de stabilité notifié par la France à l’Union européenne.

Les ressources budgétaires de la mission « Défense », hors charges de pensions, évolueront donc comme suit : 30,16 Md€ en 2011 (stabilité en valeur par rapport à la LFI 2010 +30 M€ au titre des opérations extérieures), puis 30,52 Md€ en 2012 (+360 M€ soit +1,2 %) et 31,02 Md€ en 2013 (+500 M€ soit + 1,6 %).

Par rapport à la LPM sur la période 2011-2013, la mission « Défense » verra donc ses crédits budgétaires réduits d’un montant total de 3,6 Md€, partiellement compensés par un gain de 2,4 Md€ au titre des recettes exceptionnelles, soit une perte de ressources nette de 1,3 Md€ sur trois ans.

La progression des crédits budgétaires, complétée par les recettes exceptionnelles attendues sur la période triennale, permettra toutefois de préserver les principaux équilibres de la LPM, tant en matière de modernisation des équipements des forces que d’amélioration de la condition militaire, sans réduction supplémentaire d’effectifs ou de format et sans remise en cause des grands contrats d’armement finalisés en 2009 (Rafale, FREMM, VBCI, BARRACUDA et FELIN).

Le ministère confirme donc que la défense participe à l’effort global de réduction des politiques publiques, renvoyant ainsi à la baisse les ambitions de la loi de programmation militaire (LPM). Pour autant, il souligne que la moindre augmentation des ressources est limitée grâce à l’apport des recettes exceptionnelles. Pour les trois ans à venir, le décalage par rapport à la LPM ne serait ainsi que de 1,3 milliard d’euros.

B. L’ÉTAT DE LA DÉFENSE EUROPÉENNE

Conscient de l’importance de la politique européenne de défense, mais aussi de ses limites, le rapporteur avait demandé d’établir « un diagnostic et un état des lieux des enjeux européens en matière de défense pour ensuite proposer des axes de travail à l’échelle communautaire ».

Réponse : S’agissant de l’industrie européenne, un travail de fond sur la structuration de la demande est en cours de réalisation, en particulier au travers des directives européennes qui organisent le marché européen de la défense. Ces différents mouvements vont procurer aux industriels français des opportunités de rapprochement et, à terme, une régénération du paysage européen.

Dans un contexte marqué par la relative modestie des dépenses nationales d’équipement militaire chez la plupart de nos partenaires européens, par le coût croissant des systèmes d’armes, et par une concurrence de plus en plus vive sur les marchés d’exportation, les acteurs industriels européens de tous niveaux doivent poursuivre les rapprochements nécessaires de façon à faire émerger des acteurs compétitifs de rang mondial, à même de garantir l’accès des États européens aux capacités industrielles et technologiques nécessaires, ou bien à renforcer l’assise et la compétitivité de ceux déjà constitués.

Un processus de ce type apparaît, en effet, seul à même de pouvoir mutualiser (aussi bien pour les États que pour les industriels eux-mêmes) des coûts de plus en plus lourds à supporter de maintien des compétences et de développement des nouveaux systèmes, de résorber significativement les redondances de capacités industrielles et technologiques entre les différents pays et de limiter à l’exportation les situations potentiellement dommageables de concurrence intra-européenne.

L’aboutissement d’un tel processus, devant conduire à terme à une rationalisation de l’offre industrielle de défense en Europe, est pour une large part conditionné par des négociations internationales entre gouvernements :

rationalisation de la demande de défense sur la base d’une harmonisation des besoins militaires permettant des coopérations européennes sur des programmes, à même de développer des partenariats industriels solides, structurants pour l’offre industrielle sous réserve de veiller à une bonne cohérence entre l’offre et la demande ;

rationalisation des dépenses de recherche et développement autour d’initiatives communes à l’échelle européenne ;

création d’un véritable marché des biens d’armement et, au-delà du code de conduite sur les acquisitions de défense établi en 2006 sous l’égide de l’agence européenne de défense (AED), amélioration de la circulation des biens ; la mise en application en 2011 de la nouvelle directive européenne sur les transferts intra-communautaires (TIC) des biens de défense constitue à cet égard une première étape ;

encouragement des rationalisations de l’industrie autour de pôles d’excellence européens ; ce dernier objectif suppose l’acceptation entre États de dépendances mutuelles en matière de compétences industrielles et technologiques, en assurant la juste reconnaissance des pôles d’excellence existants.

C. L’IMPACT DE PLAN DE RELANCE

Face à la crise, le Gouvernement avait mis en place un plan de relance de l’économie dont la défense a bénéficié. Le rapporteur a donc demandé que soit établi un « rapport sur les procédures et moyens humains mis en œuvre par le ministère de la défense dans le cadre [de ce plan] et leur éventuelle transposition à l’ensemble des opérations d’armement ».

Réponse : Au sein du programme 146 « équipement des forces », le plan de relance a permis d’accélérer la réalisation de 28 opérations d’équipement en 2009 et en 2010.

Un comité bimestriel de pilotage Défense – Relance, défini par la convention Relance-Défense signée par les ministres le 17/02/09, coprésidé par les directeurs de cabinet des deux ministères en présence des responsables de programme concernés, a fait régulièrement le point de l’avancement de la consommation des crédits, des prévisions et des opérations à réaliser dans le cadre du plan de relance (1).

À l’exception d’une adaptation relative à la libération des crédits par le ministre sans avis préalable de commission exécutive permanente, les opérations relance ont suivi le même cadre procédural que les autres opérations d’armement. Les commandes du plan de relance ont notamment été réalisées selon les procédures contractuelles du code des marchés publics ou du décret spécifique relatif aux acquisitions de défense habituellement employées pour les opérations d’armement.

Du point de vue des moyens humains, en dehors d’une cellule de suivi centralisé au niveau du responsable de programme 146 ayant notamment permis de rendre compte de l’avancement des opérations au niveau ministériel puis interministériel, les opérations ont été conduites au sein des budgets opérationnels de programmes concernés (programmes aéronautiques, programmes navals, programmes d’hélicoptères, programmes terre, Rafale, espace et systèmes d’information opérationnels, missiles et drones, direction générale de l’armement) par les mêmes équipes de programme intégrées que pour les programmes non concernés par le plan de relance.

Les adaptations mises en œuvre pour le plan de relance au sein du P146, tant au plan des procédures que des moyens humains employés, sont donc restées très proches du cadre général des programmes d’armement.

La priorisation des opérations relance par rapport aux autres opérations du plan d’engagement 2009 a permis de fortement réduire les délais de lancement.

La tenue à 100 % des objectifs relance en matière d’opérations d’équipement des forces a apporté la démonstration de la réactivité de l’organisation en place. Les opérations hors plan de relance n’ont néanmoins pas été abandonnées et 2009 a été une année historique en matières d’engagement.

En 2010, les objectifs de paiement à atteindre sur 2009-2010 ont contraint le programme 146 a engager dès 2009 des volumes d’AE supérieurs aux CP relance concernés. Le programme s’est engagé à couvrir le reste à payer post 2010 sur ses crédits prévus en programmation.

L’activité du programme 146 « Équipement des forces » (1 096 M€ d’AE et 1 231 M€ de CP, dont 606 M€ de paiements prévus pour l’année 2010 et 379 M€ réalisés à mi-septembre 2010) est légèrement inférieure aux prévisions de paiements, compte tenu des difficultés rencontrées lors du raccordement du ministère au système d’information budgétaro-financier Chorus. Ces difficultés conduisent à des retards de paiements. La mobilisation des acteurs se poursuit pour conduire dans les meilleures conditions les opérations relance et rattraper ces retards.

(1) Il examine également l’avancement physique des projets et les indicateurs de performance retenus (suivi des délais de réalisation par rapport au calendrier prévisionnel, taux d’exécution de la consommation des crédits).

D. LES COMPÉTENCES DE MAÎTRISE D’OUVRAGE DE LA DGA

Constatant les difficultés rencontrées par certains programmes, le rapporteur a recommandé de « renforcer les compétences de maîtrise d’ouvrage de la direction générale pour l’armement (DGA) ».

Réponse : Résultant des travaux liés à la réforme globale du ministère, la modernisation de la DGA consiste à renforcer, dans un format progressivement resserré à 10 000 personnes à l’horizon 2014, ses compétences de maîtrise d’ouvrage, c’est-à-dire ses compétences de management et d’expertise (domaines techniques, achat, finances). L’évolution des effectifs est en conséquence différenciée en fonction des métiers (augmentation pour les métiers d’expertise technique et diminution dans les métiers du soutien) pour évoluer dans le sens de la recommandation parlementaire.

E. LES CENTRES D’ESSAIS DE LA DGA

L’avis budgétaire pour 2010 mettait l’accent sur les centres d’essais de la DGA et s’interrogeait sur la pertinence de leur statut. Le rapporteur a donc demandé de « mener une étude par centre d’essai et d’expertise sur l’opportunité d’un changement de statut en établissement public industriel et commercial (EPIC) ».

Réponse : Une évolution statutaire des centres d’expertise et d’essais vers un établissement public industriel et commercial ou encore un service à compétence nationale a été examinée dans le cadre des réflexions sur la de la réforme du ministère de la défense mais, pour maintenir une parfaite maîtrise de l’activité des centres par le ministère et tenant compte de l’impossibilité d’assurer la rentabilité économique d’ensemble de ceux-ci, cette perspective d’évolution n’a pas été retenue.

F. L’INSTRUCTION 1514 ET LA DÉMARCHE INCRÉMENTALE

L’avis sur le budget pour 2010 analysait dans le détail la démarche incrémentale mise en place par la DGA. Aussi le rapporteur a-t-il demandé au ministère de « procéder en 2011 à un bilan public de l’instruction générale 1514 (dans sa version de 2010) pour ce qui concerne la mise en œuvre de la démarche incrémentale ».

Réponse : Dans le cadre de la mise en œuvre des orientations fixées par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, les textes relatifs à la conduite des programmes ont fait l’objet d’une refonte au travers d’une nouvelle instruction générale numéro 1516. Les dispositions de cette instruction sur le déroulement et la conduite programmes prennent en compte les opérations d’armement à démarche incrémentale, de façon à donner une première réponse à un besoin opérationnel sans attendre de disposer de toutes les technologies nécessaires ou d’avoir défini précisément la capacité opérationnelle finale. Cette nouvelle instruction a été publiée en avril 2010 et est donc maintenant pleinement applicable

G. LE SUIVI POLITIQUE DES GRANDS PROGRAMMES D’ARMEMENT

L’analyse du programme A400M a montré en 2009 l’importance du suivi des principaux contrats d’armement, aussi bien sur le plan technique que financier ou politique. Le rapporteur a donc invité le ministère à « renforcer la validation et le suivi politique des principaux programmes d’armement ».

Réponse : Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale a mis en évidence la nécessité d’améliorer la conduite des programmes d’armement. Suivant les orientations définies par celui-ci, la gouvernance des investissements a été revue en renforçant le rôle du ministre de la défense dans la prise de décision et en instituant un suivi interministériel au travers du comité financier impliquant le ministère chargé du budget et permettant ainsi une meilleure information sur les besoins financiers des programmes.

H. L’ABANDON DE LA COTRAITANCE

Pour moderniser et rationaliser la conduite des programmes d’armement, le rapporteur a préconisé « d’abandonner définitivement le recours à la cotraitance et [de] désigner un seul maître d’œuvre industriel par programme ».

Réponse : Le montage industriel des programmes est un facteur de réussite majeur, où la maîtrise d’œuvre industrielle donne de grandes garanties, mais l’abandon définitif du recours à la cotraitance ne peut pas être envisagé pour des raisons financières. Le programme Rafale a permis par exemple d’évaluer que le financement d’une maîtrise d’œuvre industrielle aurait conduit à un surcoût estimé à une fourchette de 20 à 30 % du montant du programme, non compatible avec les ressources disponibles.

II. —  RETOUR SUR LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR EN 2009

Plusieurs recommandations de l’avis budgétaire pour 2009 n’avaient pas obtenu de réponses lors de la préparation de l’avis budgétaire pour 2010. Considérant ce silence comme provisoire, le rapporteur a réitéré ses demandes de suivi.

A. LA PROCÉDURE DE COMMANDE POUR URGENCE OPÉRATIONNELLE

En 2008, le rapporteur a recommandé de « renforcer le contrôle du Parlement dans le recours à la procédure dérogatoire d’acquisition pour urgence opérationnelle, notamment dans le cadre d’une évaluation de l’adéquation des programmes engagés aux réalités du terrain ».

En 2009, le ministère de la défense n’a pas communiqué de réponse à la demande de suivi de cette recommandation.

Le rapporteur a donc de nouveau demandé au ministère de détailler les mesures qu’il entend prendre à ce sujet en 2011.

Réponse : Compte tenu du faible niveau des crédits affectés à la procédure d’acquisition en urgence opérationnelle (de 1 à 1,5 % des crédits de l’agrégat LPM du programme 146) et de l’urgence, ces procédures sont soumises à un contrôle a posteriori du Parlement. Le processus de recueil et de validation des besoins émis sous couvert de l’urgence opérations a fait l’objet d’une directive d’application de l’EMA (directive n° 146/DEF/EMA/PLANS/COCA/NP du 14 avril 2010) destinée aux états-majors d’armée. Les modalités de conduite quant à elles sont précisées dans l’instruction DGA R-COA 003 édition 2 du 12 mars 2010. La décision du recours à cette procédure est prise par le CEMA sur la base de l’évaluation de l’adéquation des programmes engagés aux réalités du terrain.

B. LES PROCÉDURES DE VALIDATION OPÉRATIONNELLE

En 2009, le ministère de la défense n’a pas communiqué de réponse à la demande de suivi de la recommandation consistant à « moderniser les procédures de validation opérationnelle pour garantir à la fois la rigueur de leur évaluation mais aussi leur plus grande réactivité lorsque le besoin de l’équipement se fait pressant dans le cadre d’opérations majeures ».

Dans le cadre de la préparation du budget 2011, le rapporteur a donc renouvelé sa demande.

Réponse : Après plusieurs mois de travail en commun avec l’ensemble des acteurs intéressés par le processus des urgences opérations (état-major des armées, états-majors d’armée et direction générale pour l’armement), l’EMA a rédigé et diffusé aux états-majors d’armée une directive d’application (directive n° 146/DEF/EMA/PLANS/COCA/NP du 14 avril 2010) visant à :

- répartir les rôles et responsabilités de chacun des acteurs ;

- uniformiser entre les armées les modalités de recueil, d’analyse (critères d’éligibilité) et d’expression d’un besoin urgent (UO) ;

- formaliser un processus d’analyse interarmées de validation et d’arbitrage, reposant sur une organisation de travail dédiée à cette problématique et regroupant les expertises opérationnelles, financières et capacitaires.

Conformément à ce qui leur avait été demandé, les armées ont décliné à leur niveau cette directive pour formaliser leur propre processus afin de tenir compte de leur organisation et des spécificités liées à leur milieu d’emploi.

Enfin, en parallèle, l’EMA a formalisé ses échanges avec la DGA en créant un lien direct entre la division de l’EMA en charge de coordonner ces travaux et le bureau de la DGA responsable du processus de la conduite des opérations d’armement. Cette disposition permet à la DGA de commencer à instruire les demandes d’UO avec un temps d’avance, sans attendre la demande formelle exprimée par le CEMA auprès du DGA.

C. LA MODERNISATION DE LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

En 2009, le ministère de la défense n’a pas communiqué de réponse à la demande de suivi de la recommandation portant sur la modernisation de « la gestion des ressources humaines dans l’ensemble du ministère, notamment en ce qui concerne le maintien en condition opérationnelle (MCO) pour ne pas perdre en termes de compétences ». Le rapporteur avait alors estimé que ce silence ne pouvait susciter qu’une vive inquiétude voire du découragement parmi les personnels travaillant dans les différents services liés au MCO ; il a de nouveau interrogé le ministère en 2010.

Réponse : Dans le contexte actuel de profonde transformation du ministère de la défense, l’identification et la fidélisation des compétences critiques ou sensibles constituent un enjeu stratégique de gestion des ressources humaines.

1°) L’émergence des notions de « compétences critiques » ou « sensibles ».

De façon générale, la problématique des compétences critiques ou sensibles relève d’une approche de gestion prévisionnelle des ressources humaines (GPRH) de niveau ministériel. On peut en effet qualifier une compétence de « critique » lorsqu’elle est indispensable à la réalisation d’une mission essentielle du ministère de la défense (dissuasion nucléaire, capacité à la projection…). Une compétence est dite « sensible », lorsqu’elle nécessite une adaptation forte de la politique RH d’attractivité et de fidélisation, imposant une politique RH de niveau ministériel.

2°) Les principaux axes des politiques RH d’attractivité et de fidélisation des compétences au ministère de la défense.

Dans les deux cas, la mise en œuvre d’une politique d’identification et de fidélisation des compétences critiques ou sensibles impose l’implication de l’ensemble des acteurs RH du ministère en appui aux autorités d’emploi et aux responsables fonctionnels.

Dans cette perspective, la direction des ressources humaines du ministère de la défense (DRH-MD) s’est ainsi progressivement dotée d’un outil évolutif de description des emplois de niveau ministériel, le référentiel des emplois de la défense (REDEF), ainsi que d’un réseau d’acteurs, les conseillers-coordonnateurs ministériels de famille professionnelle (CCMFP). La mission des CCMFP est de fournir aux autorités d’emploi et responsables de programme, en liaison avec la DRH-MD, les moyens d’un pilotage unifié des politiques RH spécifiques à chaque famille professionnelle (administration, RH, soutien opérationnel, systèmes d’armes/ systèmes de force, opérations en milieu terrestre) dans chaque domaine sectoriel (nucléaire, SIC, formation, maintien en condition opérationnelle…).

3°) Les actions mises en œuvre au sein du programme 146 en terme de maintien des compétences sensibles ou critiques dans le domaine de la maintenance aéronautique.

Concernant le programme 146, et plus particulièrement le maintien en condition opérationnelle, la fidélisation du personnel mécanicien aéronautique a fait l’objet d’un plan ministériel d’actions, lié à l’unification du domaine sous l’égide du Service Industriel de l’Aéronautique (SIAé), dont le délégué général pour l’armement copréside avec le chef d’état-major des armées le comité directeur.

Les principales actions engagées dans ce domaine sont les suivantes :

- définition par l’état-major des armées de l’équilibre entre les sujétions propres au métier militaire et le cœur de métier du maintenancier aéronautique. L’objectif recherché consiste à transformer certains emplois militaires en emplois civils, afin de stabiliser certaines compétences critiques sur la base d’une analyse qualitative fine des postes pouvant être ouverts à des mécaniciens civils ;

- adaptation de la formation aux besoins. La décision de regrouper sur le site de Rochefort l’ensemble des formations des mécaniciens aéromobiles, sur aéronefs et hélicoptères sera effective en 2012 ;

- maîtrise des flux de départ. L’objectif de la DRH-MD et des employeurs de mécaniciens aéronautiques est d’ouvrir au personnel des perspectives de débouchés pour une seconde carrière en entreprise, tout en maîtrisant les départs volontaires. Dans ce but, la DRH-MD a conclu récemment des conventions de partenariat avec la plupart des compagnies aériennes, sur le modèle de la convention passée avec Air-France pour les pilotes d’aéronefs. Des conventions lient d’ores et déjà le ministère de la défense avec Air-France, le Gifas, Eurocopter et des rapprochements ont été engagés en 2009 et 2010 avec EADS et la société 3 Alpha ;

- fidélisation des compétences et valorisation des responsabilités. Le ministère de la défense a demandé la création d’une prime réversible des compétences à fidéliser (PRCF) en remplacement de l’actuelle prime réversible des spécialités critiques (PRSC). Le décret n° 2010-79 du 20 janvier 2010 créant une prime réversible des compétences à fidéliser en faveur de certains militaires non officiers à solde mensuelle fait droit à cette demande et confère aux services gestionnaires de ressources humaines un levier indispensable pour la fidélisation de certaines compétences sensibles, dont celles liées à la maintenance aéronautique.

c) Les mesures de renforcement de la fonction financière au sein du ministère de la défense sont conduites dans le cadre d’un projet intitulé ARAMIS. Ce projet global est structuré en 27 chantiers regroupés en 6 thématiques en octobre 2009 :

1. Principes et gouvernance

2. Cycle de programmation et de gestion

3. Contrôle interne

4. Expertise financière

5. Organisation financière

6. Système d’information financière.

Les calendriers spécifiques à chaque sous-projet sont validés en comité de pilotage présidé par le secrétaire général pour l’administration. Il en valide les avancées et les rééchelonnements.

Synthèse de l’avancement des projets à date

• Gouvernance de la fonction financière ministérielle

Les travaux sur les principes de gouvernance de la fonction financière (autorité fonctionnelle, échelon de synthèse unique, soutenabilité, subsidiarité) ont permis de faire signer au ministre au début de l’été le fascicule « Principes de gouvernance », chapeau de la charte financière et définissant les principes ci-dessus évoqués.

Le principe de soutenabilité se décline en modes opératoires, dans un guide méthodologique en cours d’élaboration. Les travaux sur l’articulation des instances de gouvernance financière vont également faire l’objet d’un fascicule décrivant les compétences de chaque instance et insistant sur la cohérence et la plus-value de chacune de leurs interventions.

Les parutions des fascicules « Soutenabilité » et « Articulation des instances de gouvernance financière » sont prévues respectivement, pour novembre de cette année et le début de l’année prochaine.

• Cycles de programmation et de gestion

Le fascicule « Gestion » définissant et caractérisant les conditions de la gestion et le dialogue de gestion ministériel a été diffusé au sein du ministère en mars 2010. Il prend en compte l’arrivée de CHORUS comme nouveau support de gestion des données financières.

Le fascicule sur le cycle de programmation et de budgétisation est actuellement en cours d’élaboration et viendra compléter la charte financière à la fin de cette année. Ce fascicule s’appuiera sur les premiers travaux de rationalisation du processus de programmation pluriannuelle et de budgétisation qui ont été menés de novembre 2009 à janvier 2010 et qui ont été validées dans une note signée des représentants des trois grands subordonnés du ministre.

• Maîtrise des risques et contrôle interne

L’instruction générale relative au contrôle interne ministériel de la cohérence physico-financière des activités budgétaires d’investissement a été diffusée au mois de septembre.

Dans le même temps, le référentiel ministériel de contrôle interne budgétaire a également fait l’objet de la signature du Ministre et d’une diffusion aux futurs responsables du contrôle interne budgétaire.

Les travaux relatifs au contrôle interne budgétaire se poursuivent depuis la rentrée pour préparer la mise en œuvre des actions de contrôle interne budgétaire. Ce chantier est capital car il doit permettre de sécuriser les données financières tant au plan qualitatif que du point de vue de la soutenabilité des prévisions effectuées.

En dernier lieu, le projet ARAMIS anime les travaux de caractérisation des méthodes et outils d’analyse des risques portant sur les investissements relevant du Comité ministériel des investissements (CMI).

• Expertise financière

Les ateliers relatifs aux sous-projets thématiques « Analyse des coûts » (Cohérence et alignement des projets de comptabilité analytique, Coût global de possession des équipements, Pilotage des effectifs et de la masse salariale et Suivi des économies liées aux réformes) se poursuivent.

Leurs travaux permettront d’aboutir dans les mois à venir à la conception du « schéma d’orientations stratégiques de la comptabilité analytique ministérielle » (objectifs, principes, concepts, méthodes de valorisation et méthode de déploiement) ainsi qu’à la parution de deux fascicules sur la charte financière :

1. le coût global de possession des projets d’investissement ;

2. la gestion financière des projets d’investissement, correspondant à l’exploitation de l’axe Projet de Chorus, outillé par le module PS.

La rénovation du portail Intradef « métier Finances » doit être achevée pour le début de l’année prochaine afin de mettre à disposition de l’ensemble de la fonction financière du ministère des bases documentaires immédiatement accessibles et à jour.

• Organisation de la fonction financière

Après la formalisation des processus internes à la direction des affaires financières, la réflexion relative aux modes d’organisation de la DAF se poursuit actuellement afin de construire le scénario d’évolution de celle-ci. La réorganisation de la direction des affaires financières sera effective en 2011.

• Système urbanisé d’information financière

Afin d’obtenir un système d’information financière urbanisé autour de CHORUS, en visant en particulier à le compléter par la mise en place d’outils décisionnels, des travaux de définition :

o des principes et d’une cible macro maille du système urbanisé d’information financière ;

o des besoins en matière d’information décisionnelle financière et d’outil de construction budgétaire sont menés depuis 2009.

III. —  RAPPORTS PARLEMENTAIRES TRAITANT DE L’ÉQUIPEMENT DES FORCES

Dans son questionnaire, le rapporteur a interrogé le ministère sur la portée des recommandations des autres rapports parlementaires portant sur l’équipement des forces ou sur la dissuasion. Il souhaite en effet savoir dans quelle mesure les recommandations parlementaires sont prises en compte par le ministère pour infléchir leurs programmes d’armement.

A. RAPPORT D’INFORMATION SUR LES DRONES

Déposé le 1er décembre 2009, le rapport d’information sur les drones des députés Yves Vandewalle et Jean-Claude Viollet (6) a suscité une forte attente tant des parlementaires que des forces armées. Le rapporteur a demandé au ministère de lui indiquer le suivi qu’il a réservé à leurs recommandations.

Réponse :

Commentaire : le rapport de MM. Yves Vandewalle et Jean Claude Viollet sur les drones contient les recommandations suivantes :

- la demande d’engager des moyens supplémentaires, tant pour les domaines tactiques que MALE, pour éviter la rupture capacitaire attendue autour de l’année 2013 (p. 61 notamment) ;

- la recommandation d’accorder davantage de financements aux drones, en particulier pour préparer le renouvellement de la flotte de MALE pour mettre en œuvre les orientations du Livre blanc car « il en va du rang militaire et industriel de la France » (p. 50) ;

- de poursuivre le projet Neuron car il dessine l’avenir de l’aviation de combat européenne (p. 69) ;

- dans le chapitre « pour une stratégie en matière de drone » (p. 78 et 79)

o de « mieux structurer le besoin public » en reprécisant le besoin militaire, et en prenant en compte les besoins interministériels ;

o de fonder la stratégie industrielle sur le développement de nos domaines d’excellence et en favorisant les rapprochements, en soutenant l’innovation sur les PME, en proposant à nos partenaires une proposition industrielle cohérente pour les entraîner dans des projets ambitieux.

La priorité de l’action du ministère de la défense est au maintien des capacités drones MALE et tactique actuelles. Des ressources financières sont inclues en LPM pour pouvoir garantir le maintien de la capacité tactique. À cet effet, 9 drones SDTI ont été acquis en 2009 (3 drones de nouvelle génération au titre du plan de relances et 6 drones via la reprise des matériels canadiens) pour compenser l’attrition prévisionnelle en projection extérieure. Des acquisitions complémentaires sont en cours d’étude. Malgré un budget très contraint, des ressources ont été provisionnées dans les travaux de VAR pour le maintien de la capacité MALE. Les solutions étudiées pour le court terme sont le prolongement du système Harfang, l’acquisition d’un système sur étagère ou la location de service.

Le CMI du 10 mai 2010 a acté les décisions suivantes :

- analyser les possibilités d’une acquisition sur étagère en ce qui concerne les drones MALE ;

- maintenir la capacité actuelle de drones tactiques par l’achat de huit véhicules aériens supplémentaires et le reconditionnement du parc existant.

Le ministère de la défense poursuit parallèlement son analyse des options envisageables pour le renouvellement de ces systèmes avec une solution pérenne, en prenant en compte les enjeux opérationnels, industriels et budgétaires. Des discussions ont été initiées avec le ministère de la défense britannique qui avait exprimé le désir d’un partenariat avec la France à l’occasion du déplacement de MM. Yves Vandewalle et Jean Claude Viollet à Londres les 16-17 juillet 2009. Dans le contexte actuel marqué par la réduction en Europe des budgets militaires, le développement d’une solution en coopération est à envisager sur le long terme. Des actions sont conduites pour permettre de maintenir et de développer les compétences industrielles dans ce domaine clé.

Enfin la structuration du besoin public est en cours ; une analyse des besoins du secteur civil est actuellement menée par les services du Premier ministre.

B. RAPPORT D’INFORMATION SUR LE DÉSARMEMENT, LA NON-PROLIFÉRATION ET LA SÉCURITÉ DE LA FRANCE

Dans son rapport d’information sur le désarmement, la non-prolifération nucléaire et la sécurité de la France (7), le sénateur Jean-Pierre Chevènement formule les six préconisations suivantes :

- maintien de la dissuasion nucléaire française calibrée à une posture de « stricte suffisance » ;

- exclusion de la dissuasion nucléaire française dans toute négociation multilatérale liée au processus de désarmement nucléaire, « la France ne pouvant pas descendre en dessous du niveau actuel sans compromettre la crédibilité de sa dissuasion nucléaire indépendante » ;

- maintien de la posture de dissuasion indépendante, notamment en demeurant en dehors du groupe des plans nucléaires de l’OTAN

- sensibilisation des alliés de la France à l’intérêt de maintenir un principe de dissuasion en Europe tant que ses voisins n’ont pas renoncé à leurs armements nucléaires et de ne pas réclamer « une Europe sans armes nucléaires » ;

- maintien sans ambiguïté de la posture nucléaire française

- poser la question de la place de la dissuasion française au sein de l’Union européenne.

Le rapporteur a demandé au ministère les suites qu’il a réservées à ces propositions.

Réponse :

Le rapport d’information de M. Jean Pierre Chevènement sur le désarmement, la non-prolifération nucléaire et la sécurité de la France (qui a été mis en ligne sur le site Internet officiel www.francetnp2010.fr) n’a pas conduit à la prise de mesures spécifiques après sa publication, car la position de la France, qui avait été élaborée en amont de la publication du rapport de M. Chevènement - notamment pour la Conférence d’examen du TNP en 2010, s’est révélée en ligne avec les recommandations.

1. Réunir les conditions d’une "zone de basse pression nucléaire" dans la perspective du désarmement prévu par l’article VI du TNP.

La France défend l’idée que le désarmement nucléaire ne peut se concevoir indépendamment du contexte stratégique. Le lien établi entre désarmement nucléaire et désarmement général et complet dans l’article VI du TNP est le fondement de la position française à cet égard. La France travaille à l’amélioration du contexte international par l’universalisation des conventions d’interdiction des armes chimiques et biologiques ainsi que du code de conduite international de La Haye sur la prolifération balistique. Elle travaille également à l’élaboration d’un traité d’interdiction des missiles sol-sol de portée courte à intermédiaire. En dépit de son action pendant la Conférence d’examen (interventions en séances, lors de consultation de ses partenaires, etc.), la France n’a pas réussi à en faire un engagement du plan d’action de désarmement. [§ 2 et 20] (1).

La France a marqué auprès de ses partenaires son opposition – à ce stade – à entrer dans un processus multilatéral de réductions des arsenaux nucléaires. La position exprimée par le Président de la République lors d’un entretien avec son homologue russe en mars dernier a été également rapportée à d’autres partenaires : la France n’acceptera pas d’entrer dans de telles négociations tant que le niveau des arsenaux américains et russes sera aussi élevé et disproportionné par rapport au sien [§3, 4 et 29].

En matière de transparence, l’exemple de la France a été partiellement suivi par les États-Unis puis le Royaume-Uni, qui ont annoncé durant la Conférence d’examen le chiffre de leur arsenal total [§5].

La France a coprésidé avec le Maroc la conférence dite « de l’article XIV » sur la promotion du TICE organisée à New York en septembre 2009 et a poursuivi depuis ses actions dans ce sens à l’occasion de divers événements multilatéraux, comme dans ses relations bilatérales [§7].

Dans plusieurs enceintes internationales (conférence du désarmement de Genève, conférence d’examen du TNP), la France promeut activement le démarrage de négociations d’un traité interdisant la production de matières fissiles pour les armes nucléaires. Elle recommande également l’adoption immédiate d’un moratoire par les États concernés, ce qui représenterait un gain de sécurité et un signe de leur engagement pour le désarmement nucléaire. [§8]

2. Relancer la promotion des usages pacifiques de l’énergie nucléaire, qui fonde la légitimité du TNP

La promotion de l’énergie nucléaire civile a souvent été le pilier négligé au sein du processus d’examen du TNP. La France, qui a pleinement conscience des opportunités mais également des risques liés à la « renaissance du nucléaire », a travaillé à la promotion du « développement responsable » de l’énergie nucléaire afin de garantir des conditions de sécurité, sûreté, non-prolifération, etc. En mars 2010, la France a organisé à Paris, avec l’OCDE et l’AEN et en concertation avec l’AIEA, une conférence internationale sur l’accès au nucléaire civil au cours de laquelle le Président de la République et le Premier ministre sont venus exprimer ce message en présence notamment du Secrétaire général de l’AIEA, du Président de la Commission Européenne et du Secrétaire général de l’OCDE. Ces éléments ont été réaffirmés lors de la conférence d’examen du TNP [§9 et 10].

La France participe pleinement aux activités de recherche et de coopération internationale pour définir les réacteurs nucléaires de prochaine génération et s’associe aux efforts de l’AIEA dans le domaine de la sécurité en approvisionnement en uranium, notamment au travers de ses projets de « banque du combustible ». [§11 et 12]

La France est un membre actif du groupe de 46 États fournisseurs du nucléaire (NSG –Nuclear Supplier Group) qui définit les règles s’appliquant en matière d’exportation de technologies sensibles du cycle du combustible nucléaire, notamment dans le domaine de l’enrichissement et du retraitement. Elle défend notamment la prise en compte de critères au vu desquels de tels transferts peuvent être autorisés. [§13]

3. Inscrire le maintien de l’ordre nucléaire mondial dans la perspective d’une réduction des tensions et d’un traitement des problèmes politiques pendants.

En ce qui concerne la non-prolifération, il était surtout attendu de la Conférence d’examen des engagements permettant le renforcement des garanties de l’AIEA (adoption du modèle de protocole additionnel comme nouveau standard de vérification) et la précision des conditions de retrait du Traité pour en prévenir les abus (cas nord-coréen). Un encouragement à l’adhésion au protocole additionnel a pu être inscrit dans le plan d’action de non-prolifération. En revanche, le thème du droit de retrait n’y apparaît pas. Enfin, en dépit des efforts de la France et de quelques-uns de ses partenaires, aucune recommandation n’a été prise concernant les crises de prolifération et les cas de non-respect des obligations de non-prolifération. [§16 et 17]

La France soutient pleinement les efforts de la communauté internationale visant à l’entrée en vigueur rapide du TICE, à un moratoire immédiat sur la production des matières fissiles à des fins d’armes dans la perspective de la négociation d’un tel traité, et à l’universalisation du protocole additionnel, en particulier pour les trois États qui n’ont jamais adhéré au TNP. [§18]

L’adoption de la résolution 1540 du Conseil de sécurité a représenté un jalon dans la lutte contre la prolifération car elle engage les États à prendre des mesures spécifiques. Cette résolution prévoit également un mécanisme d’assistance pour faciliter la mise en œuvre des dispositions de la résolution. La France préside le groupe de travail sur l’assistance du comité 1540 du Conseil de sécurité. [§ 19]

La création d’une zone exempte d’armes de destruction massive aux Moyen-Orient concentrait les attentes d’un certain nombre d’États parties lors de la Conférence d’examen du TNP de 2010. Celle-ci a adopté un texte qui prévoit une conférence en 2012 pour la mise en place de cette zone. Cependant, la singularisation d’Israël dans le texte pouvait laisser présager le rejet de l’initiative exprimé par ce pays dès la fin de la conférence d’examen. Nous espérons que la conférence rassemblera toutes les parties concernées. Il est également nécessaire qu’elles soient associées à la préparation. Nous devons garantir que la conférence traite de tous les aspects du sujet : sécurité régionale, lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, réponse aux cas de non-respect des obligations de non-prolifération, ce qui inclut évidemment la crise de prolifération iranienne. [§23]

Les développements récents de la crise iranienne font l’objet de toute l’attention de la France, qui a participé activement à la définition de la résolution 1929, adoptée à une large majorité par le Conseil de sécurité des nations unies, infligeant à l’Iran un nouveau train de sanctions. Ce dernier vise à persuader Téhéran de suspendre enfin ses activités nucléaires sensibles et de respecter ses obligations internationales en se conformant notamment aux précédentes résolutions du CSNU. La France et en plein accord avec le renforcement des sanctions décidé par la suite au niveau européen et a œuvré pour cette consolidation. [§24]

4. Garantir la sécurité de la France et le maintien d’un équilibre pacifique sur le continent européen.

Ayant démantelé ses sites d’essais nucléaires et ses usines de production de matières fissiles militaires, réduit de moitié le nombre de ses armes nucléaires et annoncé de manière transparente le niveau actuel de ses forces nucléaires, la France a réalisé un effort sans équivalent parmi les cinq États dotés d’armes nucléaires pour remplir les obligations qui lui incombent en vertu de l’article VI du TNP. La France saisit toute occasion pour le rappeler à ses partenaires dans ses interventions dans les enceintes internationales appropriées. Pour la Conférence d’examen du TNP de 2010, la France a réalisé des plaquettes de communication pour expliquer son action en ce qui concerne chacun des trois piliers du TNP. Elle a également organisé, suite à l’invitation faite par le Président de la République dans son discours de Cherbourg (21 mars 2008), des visites de nos anciennes installations de production de Pierrelatte et de Marcoule. Cette invitation adressée à des "experts internationaux" a été organisée au profit des représentants permanents de la Conférence du désarmement, ainsi que des experts de think tanks. Des journalistes ont ensuite été invités à leur tour.

Comme mentionné dans les "conclusions et préconisations" du rapport, la France a adopté une approche pragmatique et constructive consistant à promouvoir l’adoption de mesures concrètes pour chacun des trois piliers du TNP : non-prolifération, désarmement, usages pacifiques de l’énergie nucléaires. Ces mesures, soutenues également par nos partenaires européens, ont fait l’objet d’un document de travail soumis au Comité préparatoire de 2009 (cf. document en annexe) [§27]

En ce qui concerne le désarmement, les mesures préconisées ont été tirées du plan d’actions que le Président de la République avait proposé en mars 2008 à Cherbourg Ainsi, la France a cherché à se rendre maître de l’agenda du désarmement nucléaire, jusqu’à présent largement dominé par les propositions des tenants de l’abolition nucléaire dans le cadre du processus d’examen du TNP. Parmi ces mesures figuraient notamment la poursuite du désarmement bilatéral, l’entrée en vigueur du TICE, le démarrage de négociations sur un traité interdisant la production de matières fissiles pour les armes nucléaires. [§28 et 29] (2).

Offensive par ses propositions, la France s’est également retrouvée dans une position défensive face à des États demandant un traité portant sur les garanties négatives de sécurité ou bien le non-emploi en premier de l’arme nucléaire, ce qui est incompatible avec notre doctrine de dissuasion. [§31]

Au sein de l’OTAN, la France (qui ne participe pas au groupe des plans nucléaires) s’efforce de convaincre ses partenaires que la défense antimissile ne peut remplacer la dissuasion nucléaire, mais constitue une option supplémentaire en cas de crise. [§30 et 32]

(1) Les numéros renvoient au paragraphe correspondant des conclusions du rapport de M. Chevènement

(2) Pour le § 29 voir également, plus haut, le commentaire sur le § 4.

PREMIÈRE PARTIE : LA DÉFENSE FACE À LA CRISE

Depuis le mois d’août 2008, les économies occidentales affrontent une crise exceptionnelle. L’ampleur des défis économiques, budgétaires et sociaux montre qu’il ne s’agit pas d’un simple événement conjoncturel mais bien d’une mutation structurelle. Ce contexte impose aux États de fixer des priorités et de définir les moyens qu’ils allouent à leurs politiques publiques. Il ne sera pas possible de tout maintenir : ils devront choisir de réduire, d’abandonner, de renforcer ou de réformer certaines de leurs politiques.

I. —  RÉPONDRE À UNE CRISE STRUCTURELLE PAR DES CHOIX POLITIQUES

Dans plusieurs pays européens, les choix se sont manifestés à l’occasion d’élections, que ce soit en Belgique ou en Grèce. Dans les deux cas, les élus ont fait face à l’inquiétude des populations, voire à la remise en cause du pacte social. La France est confrontée à des problèmes tout aussi conséquents comme en atteste la dégradation de ses finances publiques. L’examen du projet de loi de finances pour 2011, combiné à l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011-2013, offre une opportunité démocratique. Dans ce cadre, il convient d’anticiper la France de demain, et notamment de définir l’action de l’État au regard des nouvelles contraintes économiques et financières.

Le rapporteur a souhaité réaliser un examen global de la crise afin d’en mesurer l’impact sur les crédits d’équipement de la défense avant d’analyser l’efficacité des mesures qui ont été prises pour en limiter les conséquences. Au-delà des failles constatées dans le système français de défense, il apparaît indispensable de repenser l’idée même de défense en l’orientant vers le concept de défense collective.

A. UNE CRISE STRUCTURELLE

Un travail de fond est d’autant plus nécessaire que, comme le relevait le Président de la République en 2008, « la crise que nous traversons n’est pas une crise passagère. Ce n’est pas une simple crise conjoncturelle dont les traces seraient appelées à être vite effacées. Cette crise […] est aussi structurelle. Elle va transformer pour longtemps l’économie, la société, la politique. Le monde qui sortira demain de cette crise sera profondément différent de celui d’hier. La demande de régulation, de protection, de justice sera plus forte. Un nouvel équilibre s’établira entre l’État et le marché, entre la logique financière et la logique de la production, la logique industrielle, entre le capital et le travail, entre le court terme et le long terme. Les matières premières seront plus chères parce qu’elles seront plus rares. Les grands pays émergents n’accepteront plus d’être exclus de la gouvernance mondiale. Les plus pauvres réclameront avec plus de force le partage des gains de la croissance. La crise va changer les équilibres du monde. Elle va changer les comportements, les idées, les valeurs » (8).

1. Le cadre général

a) Un constat alarmant

Le rapport au Président de la République de Paul Champsaur, président de l’autorité de la statistique publique, et de Jean-Philippe Cotis, directeur général de l’institut de la statistique et des études économiques (Insee), établit un diagnostic très précis de la situation, permettant de mesurer l’importance des efforts à accomplir dans les prochaines années sur le plan budgétaire. Pour les deux experts, « il ne faut pas attendre du seul retour de la croissance la restauration de nos finances publiques. La période qui s’ouvre appelle donc une réorientation, en profondeur, de la stratégie de la France, en matière de finances publiques »  (9).

Le taux de croissance de la France est resté à un niveau supérieur à la moyenne européenne, mais il ne suffit pas à surmonter la crise compte tenu des handicaps lourds de nos finances publiques. En effet en 2009, le déficit public français atteint 7,5 % du PIB et la dette, au sens des critères de Maastricht, 77,6 %. Le rapport rappelle que la dette « qui est passée de 21,1 % du PIB en 1978 à 67,4 % en 2008, a été essentiellement portée par l’État. S’y est ajoutée, depuis le début des années 1990, la dette sociale ». Toute volonté de rétablir à court terme la situation budgétaire est donc illusoire car « les dépenses aujourd’hui les plus dynamiques (ou potentiellement les plus dynamiques) comme les charges d’intérêts ou de pensions et les prélèvements au profit de l’Union européenne sont celles sur lesquelles les pouvoirs publics ont le moins de prise à court terme ». Concernant la dette, compte tenu de son ampleur, ni un regain d’inflation, ni une baisse des taux d’intérêt ne peuvent servir de politique efficace, d’autant plus que la puissance publique ne maîtrise aucun de ces facteurs.

Et les rapporteurs de conclure que « le risque est, en effet, élevé que la crise économique ait des effets persistants sur nos finances publiques ; par ailleurs, les pressions haussières qu’exerce le vieillissement démographique sur nos dépenses publiques restent entières. […] Si les incertitudes en la matière sont aujourd’hui particulièrement importantes, le risque est grand que la crise fasse sentir ses effets sur les finances publiques bien au-delà des années 2009 et 2010 » (10).

Les effets de la crise seront durables, entraînant une modification structurelle de nos économies. En France, la perte d’activité économique a été la plus forte depuis les années 1930 et « pourrait être difficile à recouvrer dans un contexte où notre marché du travail, très dualiste, favorise la persistance des chocs économiques. Un scénario compatible avec l’expérience historique consiste donc à considérer que la perte de croissance cumulée sur les deux années 2008 et 2009 pourrait être pérenne. Dans la mesure où les recettes sont à long terme proportionnelles au PIB, il en résulterait une perte durable de recettes, tandis que les dépenses (hors dépenses d’indemnisation du chômage), plus rigides, ne seraient quasiment pas affectées par la crise : le poids des déficits dans le PIB en serait donc accru ». Les conséquences du vieillissement de la population seront particulièrement fortes : « le conseil d’orientation des retraites a, par exemple, calculé, […] que, sans réforme, la dette accumulée par le système de retraites pourrait atteindre 21 % à 23 % du PIB à l’horizon de 2020 et 37 % à 49 % du PIB à l’horizon de 2030 ».

b) Des mesures fortes sont nécessaires

Face à ce constat, Paul Champsaur et Jean-Philippe Cotis recommandent, sans les détailler pour autant, des mesures fortes pour rétablir les finances publiques. Ils soulignent que, « dans le cas où la croissance française serait durablement affaiblie, l’absence d’ajustement conduirait évidemment à une dérive très forte de la dette publique à plus de 140 points de PIB en 2020. Dans une telle hypothèse d’ailleurs, il paraît peu probable que les taux d’intérêt ne subissent pas de hausse marquée de la prime de risque, conduisant à amplifier la hausse du déficit et de la dette. Mais même dans un scenario où l’économie française rattraperait progressivement l’intégralité du terrain perdu pendant la crise, la hausse de la dette publique resterait substantielle en l’absence d’ajustement : elle atteindrait alors près de 110 points de PIB. Enfin, le scénario raisonnablement prudent, où la croissance potentielle ne serait pas entamée, mais où le terrain perdu ne serait pas rattrapé, conduirait la dette publique au-dessus de 120 points de PIB, un niveau très risqué qui serait vraisemblablement sanctionné par une hausse des taux d’intérêt bien supérieure à celle retenue dans ces scenarii ».

Ils estiment que pour simplement maintenir la dette publique à 90 % du PIB, ce qui est déjà un niveau exceptionnel, l’effort à fournir serait considérable dans le cas où la croissance serait durablement faible. Il représenterait 1 point de PIB d’économie de dépenses ou de recettes supplémentaires chaque année entre 2011 et 2020, soit 19 milliards d’euros. Dans le cas favorable où l’intégralité du terrain perdu pendant la crise serait rattrapée, l’effort se monte à 0,3 point de PIB par an, soit 6,5 milliards d’euros. Enfin, dans le cas raisonnablement prudent où la croissance serait de 2 % en moyenne à partir de 2011, l’effort serait de 0,7 point de PIB, soit 14 milliards d’euros.

Or, « sur les dix dernières années, l’effort moyen de réduction de la dépense publique n’a pas dépassé 2 milliards d’euros par an tous sous-secteurs confondus ». Ils ajoutent que « les économies dégagées par la RGPP sur le champ de l’État ont été estimées en mai 2008 à 7 milliards d’euros à horizon 2011, dont une partie doit être rétrocédée aux administrations en contrepartie des efforts faits dans le cadre du non remplacement d’un départ en retraite sur deux » et que « l’application de la règle “ zéro volume ” au périmètre de la “ norme élargie ” de l’État représente un effort annuel d’environ 7 milliards d’euros ».

Le rapport conclut sobrement en remarquant que « la lente dégradation de nos finances publiques depuis trente ans s’est brusquement accélérée avec la crise. Pour ramener les finances publiques sur une trajectoire soutenable, il serait illusoire de compter sur un surcroît d’inflation, et tout aussi risqué de s’en remettre à la seule croissance. Un ajustement important de nos finances publiques est donc nécessaire ».

La Cour des comptes aboutit à une conclusion similaire dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, considérant que « même si le vieillissement n’entraînait pas de hausse des dépenses publiques, il faudrait immédiatement augmenter les prélèvements, ou réduire les dépenses, de 4,3 points de PIB en France pour assurer la soutenabilité à l’horizon de 2060. Cela traduit l’importance du déficit structurel et de l’endettement déjà enregistrés en 2010 » (11).

Par son ampleur, l’ajustement des finances publiques recommandé dans le rapport Champsaur-Cotis implique une révision non seulement du fonctionnement des pouvoirs publics mais aussi et surtout de leurs missions. La défense, avec un budget annuel dépassant les 35 milliards d’euros, ne peut s’exempter de participer à cet exercice.

2. La défense mise à contribution

a) Préserver la cohérence du schéma budgétaire d’ensemble

● Dans ce contexte, la défense doit engager un travail lourd pour redéfinir ses priorités et rationaliser ses dépenses. L’enjeu dépasse les seules armées puisque les crédits de titre 5 (Investissement) de la mission « Défense » représentent plus de 76 % des dépenses d’investissement de l’État. Par ailleurs, sans ce travail d’introspection financière, la défense risque de subir des mesures de régulation qui pourraient déstabiliser son organisation et son fonctionnement.

Les crédits du ministère sont en effet encore trop perçus comme des variables d’ajustement du budget de l’État comme le montre le non-respect permanent des programmations budgétaires. Depuis plusieurs décennies, aucune loi à caractère financier, qu’il s’agisse des lois de finances ou des lois de programmation, n’a été scrupuleusement respectée. Les correctifs apportés en cours d’exécution (gel, annulation et report de crédits, diminution des commandes publiques, report calendaire, variation annuelle du référentiel…) sont légions et ont, au fur et à mesure des exercices budgétaires, construit un modèle manquant sensiblement de cohérence opérationnelle et de rationalité budgétaire. Ces modifications sont d’autant plus déplaisantes qu’elles modifient l’autorisation parlementaire initiale et que le Parlement est seulement amené à les ratifier a posteriori avec la loi de finances rectificative et la loi de règlement.

Même si depuis 2007 des moyens très significatifs ont été dégagés pour renforcer l’investissement, avec l’étalement prévisible de l’effort, on voit poindre à nouveau le risque d’un retour aux traditionnelles mesures de régulation.

● La situation française n’est cependant pas originale comme le montrent les exemples canadien et britannique.

Au printemps 2010, la marine canadienne a fait face à des tensions résultant de restrictions budgétaires. Dans un ordre adressé à ses unités le 23 avril 2010, le vice-amiral Dean Mc Fadden, chef d’état-major de la force maritime canadienne, annonce que les contraintes budgétaires de l’année fiscale 2010-2011 combinées à des besoins croissants liés à de futurs programmes, imposent de diminuer drastiquement le format de la flotte. Il indique avoir « dû faire de difficiles choix qui impacteront directement les capacités et potentiels de la flotte, cette année et probablement à moyen terme. Ces choix affecteront les rôles et missions que les navires dédiés seront en mesure d’assurer et peuvent nous causer une baisse des engagements de notre flotte » (12). Sont notamment annoncés le passage de 12 à 6 navires garde-côtes, l’arrêt ou le report de la modernisation de plusieurs classes de navires dont des frégates. Immédiatement connu, cet ordre déclenche de vives polémiques. Le 14 mai, le général Wlater Natynczyk, chef d’état-major de la défense canadienne, annonce le report de l’ordre du chef d’état-major de la force maritime, arguant du fait que « la protection de la souveraineté du Canada est une priorité. Les patrouilles maritimes vont se poursuivre » (13). Une réallocation des ressources budgétaires est annoncée dans le même temps. Ce désaveu officiel est-il en réalité le succès d’une stratégie pro-domo de la marine canadienne ? Le 3 juin, Peter Mac Kay, ministre de la défense canadienne, présente la nouvelle stratégie nationale de construction navale intégrant la construction de 28 grands navires et de 116 petits bâtiments pour un montant dépassant les 30 milliards de dollars américains.

Au Royaume-Uni, le nouveau gouvernement libéral-conservateur, issu des élections du printemps 2010, a immédiatement engagé la Strategic Defence and Security Review afin de réduire de près de 20 % les dépenses militaires. Cette décision a suscité une féroce lutte d’influence entre les différentes forces, chacune dénonçant le format excessif et l’inutilité des équipements alloués aux deux autres afin de préserver ses propres matériels. Ces querelles soulignent l’importance de la définition préalable du contrat opérationnel fixé aux forces par l’exécutif avant toute mesure d’économie budgétaire ; il importe en effet d’éviter que les influences internes ne déstructurent la cohérence d’ensemble de l’appareil militaire.

● La réforme organique de 2001 a échoué à renforcer les outils budgétaires de l’État, les parlementaires ne s’étant sans doute pas suffisamment appropriés leurs nouveaux pouvoirs et l’exécutif peinant à se prêter à un examen plus approfondi et plus régulier. Il est par exemple caricatural de constater que l’examen des projets de loi de finances monopolise annuellement deux mois de l’ordre du jour de l’Assemblée nationale alors que l’examen des projets de lois de règlement devant valider l’exécution réelle des budgets est conclu en quelques heures. Un tel déséquilibre est source d’irresponsabilité : le Parlement vote des crédits sans se soucier de leur réel usage et de leur impact.

Quelles portées juridiques ont aujourd’hui les lois de finances initiales ? Un exemple suffit pour démontrer leur faible importance. Le programme MELCHIOR, présenté plus en détail en seconde partie de ce rapport, équipe les forces terrestres de stations radio de haute technologie. Les errements technologiques et industriels autour du programme SIC TERRE ont contraint la DGA à décaler en 2009 la commande de stations. Ceci a eu un impact conséquent sur l’exécution des autorisations d’engagement et crédits de paiement liés à ce programme : fin 2009, 24,3 millions d’euros d’AE, au lieu des 73,1 millions d’euros prévus en lois de finances, ont été consommés. Dans le même temps, 21,4 millions d’euros de CP ont été consacrés à ce programme en 2009. Or, la loi de finances initiale de 2009 prévoyait seulement 8,1 millions d’euros de CP, escomptant sur les recettes exceptionnelles tirées de la vente des fréquences. Ces recettes n’étant pas au rendez-vous, une rallonge de 13,3 millions d’euros a été nécessaire. Entre la loi de finances initiales et les chiffres publiés dans le rapport annuel de performance pour 2009, les écarts sont conséquents : près de 50 millions d’euros en diminution pour les AE et 13,3 millions d’euros d’augmentation pour les CP ! Et ceci dans l’indifférence la plus totale.

b) Une exécution contrôlée et responsable

Le décalage entre les engagements financiers annuels et la réalité a depuis longtemps démontré que la sanctuarisation budgétaire des crédits de la défense est extrêmement fragile. Chaque année, les crédits alloués à la défense faisaient l’objet de correction budgétaire : les gels, reports ou annulations de crédits, notamment sur les crédits d’équipement, ont altéré la cohérence de l’ensemble de l’appareil militaire. En 2010, la Cour des comptes estime que ces correctifs ont « conduit à un besoin non financé cumulé de près de 11 milliards d’euros soit l’équivalent d’une année entière de programmation pour l’acquisition des équipements » (14).

Extrait du rapport annuel public 2010 de la Cour des Comptes

L’analyse des conditions d’exécution de la LPM 2003-2008 conduite par la Cour a confirmé, après celle de la LPM 1997-2002, que trois facteurs distincts, et d’importance inégale, ont affecté sa correcte réalisation.

Les deux premiers sont venus réduire le montant des crédits affectés au financement des programmes.

Ainsi, malgré des dotations budgétaires en loi de finances initiale et en loi de finances rectificative peu différentes de celles prévues dans la LPM, la gestion restrictive de ces crédits (gels, normes de paiements, ouverture tardive, etc.) a amputé les ressources effectivement disponibles d’un montant proche de 1 Md€.

De même, diverses charges étrangères à la LPM ont été imputées sur les crédits d’équipement : contribution au budget civil de recherche et de développement technologique, au titre des crédits de recherche « duale » (d’intérêt civil et militaire) pour environ 1 Md€ sur la période, aides financières aux restructurations des industries d’armement (DCN et GIAT), pour un total de l’ordre de 700 M€, surcoûts nets liés aux OPEX à hauteur de 900 M€ essentiellement imputés sur les crédits d’équipement 31, ainsi que diverses imputations plus marginales (compensation de TVA liée au changement de statut de la direction des constructions navales, etc.), aboutissant à un total de l’ordre de 3 Md€.

Enfin, et surtout, des dépenses d’équipement, entrant certes dans le champ d’application de la LPM mais non prévues par le ministère de la défense lors de l’élaboration et de l’adoption de celles-ci, ont dû être prises en compte à hauteur de 7 milliards d’euros, du fait de la sous-estimation du coût de certains programmes lancés ou en gestation, de l’accroissement des dépenses d’infrastructure, de munitions et d’entretien des matériels, de la sous-estimation des hausses économiques retenues lors du lancement des programmes d’armement, ou encore de la nécessité de faire face à des besoins opérationnels nouveaux.

Au total, l’impact de ces différents facteurs a conduit à un besoin non financé cumulé de près de 11 Md€, soit l’équivalent d’une année entière de programmation pour l’acquisition des équipements.

Si certaines de ces causes ne peuvent, à l’évidence, être imputées au ministère de la défense, d’autres, en revanche, relèvent de sa seule responsabilité. Elles résultent, d’une façon générale, de la sous-estimation constante de certains postes de dépenses : coût réel des programmes lancés ou en gestation supérieur aux données retenues lors de leur lancement, dépenses d’infrastructure, de munitions et d’entretien des matériels plus onéreux qu’envisagés.

Telles sont les raisons fondamentales à l’origine des décalages temporels, des dérives financières et des diminutions du nombre des équipements prévus aboutissant à retarder et détériorer les dotations des armées en matériels nouveaux.

L’impérieuse nécessité d’assainir les finances publiques offre une opportunité sans précédent de mettre un terme à ces ambiguïtés. Elle impose d’adopter un discours de vérité sur les choix politiques qui doivent être faits en faveur de notre outil de défense.

En juin 2010, rompant avec la tradition, l’amiral Édouard Guillaud, chef d’état-major des armées, a amorcé ce virage vers plus de réalisme budgétaire en considérant que la situation actuelle est délicate « parce que, sous l’effet combiné de plusieurs facteurs […], la crise financière puis économique, la crise de l’euro, l’état de nos finances publiques imposent des choix budgétaires. Ces choix, nous devons les faire dans un temps court, ce temps qui justement nous est tellement indispensable pour la construction de notre outil de défense. Ces choix seront structurants. Une application stricte du gel des annuités du budget triennal constituerait pour nous une rupture. Il s’agit donc d’obtenir que le curseur finalement choisi évite une telle rupture. L’effort sera très important, je le sais, mais personne ne comprendrait que nous ne le fassions pas. Mes marges de manœuvres sont limitées dans une [loi de programmation militaire (LPM)] qui était déjà contrainte, comme d’ailleurs toutes les LPM. Trois leviers sont accessibles : les programmes d’armement, le fonctionnement et les ressources humaines.

Agir sur les programmes d’armement, c’est procéder à des révisions capacitaires à plus ou moins brève échéance. Il nous faudra déterminer lesquelles : ce sont des choix stratégiques et sécuritaires lourds avec des conséquences sur le tissu industriel, notamment sur les PME ; la défense est le premier investisseur de l’État.

Agir sur le fonctionnement, c’est éventuellement réduire l’activité des armées, c’est pénaliser la préparation opérationnelle qui contribue à la sécurité de nos soldats en opérations.

Agir sur les ressources humaines ce serait une révision du format à la baisse, la fermeture potentielle de nouveaux sites, et la redéfinition des contrats opérationnels. Nous n’en sommes pas encore là, mais il sera prudent d’y réfléchir.

En fonction de la pression appliquée sur chacun de ces trois leviers, les effets seront plus ou moins importants. » (15).

L’examen des crédits dévolus à l’équipement des forces et à la dissuasion, permet d’engager pareille analyse. En effet, comme le souligne Robert Gates, secrétaire américain à la défense, « les prévisions budgétaires de la défense sont intrinsèquement liées à la santé fiscale et financière de la Nation. Ainsi, nous devons accepter de dures réalités. » (16).

B. L’IMPACT DE LA CRISE SUR LE SYSTÈME FRANÇAIS DE DÉFENSE

La spécificité du domaine militaire exige d’analyser les impacts de la crise sur le long terme. Mais les décisions financières peuvent avoir une répercussion immédiate sur la disponibilité et le contrat opérationnel des forces. Comme le souligne le chef d’état-major des armées, « il ne faudrait pas que des logiques comptables prennent le pas sur la cohérence opérationnelle ». Il convient en effet de rappeler qu’il faut « du temps pour recruter, former, et entraîner [le] personnel [militaire] : entre 5 et 10 ans. Il faut un peu plus de temps pour acquérir, développer, maîtriser et entretenir des savoir-faire complexes : entre 10 et 15 ans. Il faut beaucoup de temps pour concevoir et mettre en œuvre un système d’armes : entre 15 et 20 ans. Il faut enfin encore plus de temps pour apprendre à combiner, coordonner, synchroniser les outils, les hommes qui les servent, les chefs qui les commandent : plus d’une génération. Un outil de défense complet, tel que nous le connaissons aujourd’hui, réclame du temps » (17).

Outre les conséquences des choix budgétaires sur notre outil de défense, le rapporteur a voulu examiner les impacts sur l’industrie de défense et, partant, sur la balance commerciale de la France au travers de ses exportations d’armement.

1. L’impact budgétaire

La modification de la planification budgétaire entretient un climat d’incertitude préjudiciable à la cohérence globale du modèle. De façon immédiate, les annonces de réductions des crédits amènent les industriels à défendre leurs propres contrats, sans souci du schéma global. De même, chaque armée tente de préserver ses moyens, ce qui impose au chef d’état-major, voire au ministre, d’arbitrer entre les différents services. Le rapporteur a donc examiné les crédits alloués aux équipements en 2011 afin de vérifier que le schéma d’ensemble prévu par la LPM et le Livre blanc n’est pas remis en cause.

a) L’adaptation de la programmation

● La réduction globale des dépenses de l’État impacte directement le ministère de la défense même s’il bénéficie d’un traitement plus favorable que la plupart des autres ministères. Comme le montre le tableau ci-après, le schéma financier prévu par la loi de programmation militaire ne pourra pas être respecté en l’état.

évolution du budget de la défense (en crédits de paiement)

(en milliards d’euros)

 

2011

2012

2013

total 2011-2013

LPM

Crédits budgétaires

30,66

31,86

32,81

95,33

Recettes exceptionnelles

0,57

0,21

0,11

0,89

Total

31,23

32,07

32,92

96,22

PLF et PLPFP

Crédits budgétaires

30,16

30,52

31,02

91,7

Recettes exceptionnelles actualisées

1,02

1,17

1,07

3,26

Total

31,18

31,69

32,09

94,96

Écart

Crédits budgétaires

- 0,5

- 1,34

- 1,79

- 3,63

Recettes exceptionnelles actualisées

+ 0,45

+ 0,96

+ 0,96

+ 2,37

Total

- 0,05

- 0,38

- 0,83

- 1,26

Source : dossier de presse du ministère de la défense.

● D’ici à 2013, la défense recevra près de 1,3 milliard d’euros de moins que ce que prévoyait la LPM, soit un écart de 1,3 %. L’actualisation des montants attendus des recettes exceptionnelles permet de maintenir cet effort à un niveau très raisonnable. Le produit total des cessions est ainsi passé de 3,67 milliards dans la LPM à près de 5,2 milliards dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2011.

Pour ces recettes exceptionnelles, le ministère estime disposer de près de 1,5 milliard d’euros de plus que la prévision initiale. Il convient toutefois de souligner que cette hausse ne se fait pas à périmètre constant puisque la cession de l’usufruit des satellites Syracuse est désormais incluse dans le périmètre.

Les recettes exceptionnelles sont tirées de la vente soit d’emprises soit de fréquences hertziennes. Pour l’immobilier, le ministère avait envisagé de confier l’opération à une société de portage qui aurait avancé le produit de la vente, charge à elle de vendre ensuite les biens. Ce mécanisme n’a toutefois pas été validé et il faut désormais que le ministère procède lui-même aux opérations de vente, ce qui entraîne nécessairement un retard important. Pour les fréquences, la défense doit obtenir l’accord préalable de l’autorité de régulation des télécommunications et des postes (ARCEP). Comme l’a souligné le ministre, cette autorisation n’a été délivrée que récemment et les premiers versements n’interviendraient qu’à l’été 2010. Le tableau suivant détaille les flux financiers associés à ces ventes d’emprises et de fréquences.

évolution des recettes exceptionnelles

en milliards d’euros

 

2009

2010

2011

2012

2013

Total

LPM

1,61

1,22

0,54

0,20

0,10

3,67

Actualisation

0,59

1,32

1,02

1,17

1,07

5,17

Écart

- 1,02

+ 0,10

+ 0,48

+ 0,97

+ 0,97

+ 1,50

Source : ministère de la défense.

Ce nouveau cadre pluriannuel reste toutefois fragile dans la mesure où les recettes exceptionnelles n’ont pas, jusqu’à présent, respecté le calendrier prévu et qu’il a fallu prendre des mesures de compensation pour ne pas mettre en péril le budget du ministère.

b) Les crédits du programme 146

i. L’évolution générale

Comme le montre le tableau ci-après, les crédits du programme 146 semblent a priori préservés de l’effort budgétaire puisqu’ils augmentent de 11,6 % en autorisations d’engagement et de 5,8 % en crédits de paiement.

évolution des crédits du programme 146

(en millions d’euros)

 

LFI 2010

PLF 2011

Écart

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Titre 2 : dépenses de personnel

1 842,4

1 842,4

1 869,7

1 869,7

+ 1,5 %

+ 1,5 %

Titre 3 : dépenses de fonctionnement

1 397,8

851,5

2 364,8

1 019,1

+ 40,9 %

+ 16,4 %

Titre 5 : dépenses d’investissement

8 397,3

8 648,1

8 930,4

7 794,5

+ 6,0 %

- 11,0 %

Titre 6 : dépenses d’intervention

1,8

1,8

1,7

1,7

- 4,7 %

- 4,7 %

Total

11 639,4

10 685,1

13 167,7

11 344,8

+ 11,6 %

+ 5,8 %

Source : PAP 2011.

ii. Les crédits de fonctionnement

La situation des titres varie cependant assez fortement : la hausse des crédits du programme est en effet liée à une augmentation de près de 70 % en AE et de près de 20 % en CP des crédits de fonctionnement. Le tableau suivant détaille la répartition des crédits de titre 2 du programme 146.

évolution des crédits de titre 3 « fonctionnement » du programme 146

(en millions d’euros)

 

2010

2011

Écart

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Dissuasion

817

542

1 070

571

+ 23,6%

+ 5,1%

Commandement et maîtrise de l’information

203

99

790

57

+ 74,4%

- 75,2 %

Projection - mobilité - soutien

142

27

128

57

- 11,2 %

+ 51,7%

Engagement et combat

117

36

235

188

+ 50,2%

+ 80,7%

Protection et sauvegarde

0

14

11

13

+ 100,0%

- 6,6 %

Préparation et conduite des opérations d’armement

119

132

131

133

+ 9,0%

+ 0,5%

Total

1 398

852

2 365

1 019

+ 40,9%

+ 16,4%

Source : PAP 2011.

L’écart constaté est principalement le fait des dépenses de maintien en condition opérationnelle (MCO) des nouveaux équipements. Pour les AE, le ministère doit en effet mettre en place de nouvelles chaînes logistiques, que ce soit pour les missiles M 51, les missiles ASMP-A ou pour l’ensemble du système Syracuse.

La hausse des crédits de paiement est plus difficile à appréhender, la nature de certaines dépenses ayant changé entre 2010 et 2011. L’externalisation conduit par exemple à ce que des crédits d’investissement deviennent l’année suivante des crédits de fonctionnement. Au-delà de ces changements de périmètre, la hausse des dépenses de fonctionnement se concentre principalement sur trois actions :

- l’action 8-43 « Projet les forces – autres opérations » couvrant le MCO de la flotte logistique (navires polyvalents, rénovation des avions école Alphajet et paiement du contrat de partenariat pour la formation des pilotes d’hélicoptères à Dax) ;

- l’action 9-61 « Frapper à distance – autres opérations » couvrant le lance-roquettes unitaire et le maintien des capacités du porte-avions à l’occasion de son arrêt technique majeur n° 2 ;

- l’action 9-75 « Opérer en milieu hostile – autres opérations et conduire des opérations spéciales » destinée à maintenir la capacité des forces à opérer en milieu hostile, c’est-à-dire couvrant des besoins d’équipement des centres d’entraînement, l’amélioration des capacités d’auto-défense des bâtiments de la marine ou les missions de patrouille maritime et de lutte anti-sous-marine.

iii. Les crédits d’équipement

Les crédits de fonctionnement étant en forte hausse, l’essentiel de l’effort pèse sur les crédits d’équipement. Le phénomène s’explique notamment par le fait que le ministère ne peut que difficilement dégager de nouvelles économies sur les dépenses de personnel et de fonctionnement qui ont déjà été fortement réduites en raison de la réforme des structures engagée depuis 2008.

Pour le programme 146, les crédits de titre 5 augmentent certes de 6 % en AE mais baissent de 11 % en CP. Cette tendance se confirme pour l’ensemble de la mission « Défense » comme le montre le tableau suivant.

Crédits de titre 5 « Investissement » de la mission « Défense »

(en millions d’euros)

 

2010

2011

Écart

Programme

AE

CP

AE

CP

AE

CP

144

130

181

142

158

+ 8,6%

- 14,9 %

178

489

455

450

418

- 8,5 %

- 9,1 %

212

1 356

789

2 456

1 063

+ 44,8%

+ 25,7%

146

8 397

8 648

8 930

7 795

+ 6,0%

- 11,0 %

Total

10 372

10 073

11 979

9 432

+ 13,4%

- 6,8 %

Source : PAP 2011.

Pour la mission, les crédits d’investissement sont en nette baisse pour les CP alors qu’ils continuent d’augmenter pour les AE. Il convient toutefois de souligner que la hausse pour les AE est quasi exclusivement le fait des engagements en matière d’infrastructure relevant du programme 212 qui passent de 670 millions d’euros en 2010 à près de 1,9 milliard d’euros en 2011.

c) La reproduction d’une bosse ?

Le décalage existant entre les AE et les CP, c’est-à-dire entre la signature du contrat et la date effective de paiement est normal ; en revanche il convient de s’assurer que le ministère ne signe pas plus de contrats qu’il ne peut effectivement en payer sauf à entretenir un phénomène de cavalerie budgétaire et à reproduire le phénomène de « bosse » de la précédente programmation.

Évolution des crédits de titre 5 de la mission « Défense »

(en milliards d’euros)

Source : rapports annuels de performance 2006 et 2007, loi de finances initiale pour 2008 et projet de loi de finances pour 2011.

À l’exception de l’année 2008, les AE sont toujours supérieures aux CP. La somme des écarts cumulés pour le titre 5, c’est-à-dire pour l’essentiel des opérations pluriannuelles d’armement, représente près de 31 milliards d’euros en 2011. En d’autres termes, si la défense devait honorer l’intégralité de ses engagements en matière d’investissement, elle devrait y consacrer la totalité de son budget annuel, à l’exclusion de toute autre dépense.

Cette situation devient très préoccupante car la défense n’est plus dans la phase de lancement de la nouvelle LPM. Si l’écart peut exister la première voire la deuxième année de la programmation, il doit mécaniquement se réduire pour atteindre l’équilibre en fin de programmation. Or le graphique montre que la tendance, loin de s’inverser, s’aggrave. Il convient de noter que la programmation 2009-2014 hérite d’une masse conséquente d’engagements non soldés, ce qui pèse sur son équilibre global. Pour autant, en isolant ces engagements antérieurs, le décalage reste de l’ordre de 13 milliards d’euros.

Le projet annuel de performances propose un schéma pluriannuel de résorption des engagements non couverts : au 31 décembre 2011, il resterait à honorer quelque 38,7 milliards d’euros. Les crédits de paiement de 2012 et de 2013 permettront d’absorber une partie de cette masse, mais il resterait à payer 22,7 milliards d’euros au 31 décembre 2011, sans compter les engagements qui seront passés en 2012 et 2013. Ces données sont conformes à l’analyse du ministre de la défense qui reconnaît que « l’année 2013 sera […] celle d’un rendez-vous crucial : la majorité du moment devra choisir entre rester sur la tendance actuelle ou, la situation économique s’étant améliorée, renouer avec la trajectoire de ressources fixée par le Livre blanc » (18).

Le ministère recrée donc bien une « bosse » budgétaire, laissant croire qu’il pourra honorer tous les contrats signés alors que ses crédits de paiement sont insuffisants. À moins de renoncer à commander le moindre équipement en 2012 et 2013, il ne sera pas possible de rattraper le retard ; il faudra donc soit reporter sur les exercices suivants l’effort financier, soit renoncer à certains contrats. Dans les deux cas le ministère devra payer des pénalités, soit pour étalement excessif, soit pour rupture de contrat.

La pratique actuelle se contente de reporter la décision et d’entretenir l’illusion budgétaire. Outre les interrogations que cela suscite en termes de sincérité budgétaire et de transparence des engagements, il existe un important risque opérationnel : la défense risque de payer au prix fort un modèle d’armée qu’elle n’atteindra jamais ! Alors que la défense s’est engagée dans une réforme sans précédent, il est indispensable que toutes les hypothèques soient levées pour gagner la confiance des personnels et pour assurer l’efficacité du dispositif. Pour ce faire, il faut arrêter immédiatement de laisser croire que la France peut indéfiniment commander des matériels sans avoir à les payer ; sur le plan budgétaire il faut impérativement que les CP commencent à rejoindre les AE.

Le ministère de la défense a confirmé ces données ; il considère toutefois qu’elles ne posent pas de difficultés, faisant valoir que la relation des AE et des CP est spécifique au ministère de la défense. Les engagements sont en effet sur un terme parfois très long et il n’est pas possible d’équilibrer les deux items sur une ou sur deux programmations. Le projet de regroupement des administrations centrales à Balard le montre bien : le contrat qui doit être signé en 2011 court sur 20 ans. Les AE figurant dans le PLF pour 2011 seront donc amorties jusqu’en 2031.

Pour pallier cette difficulté, la défense, en association avec le ministère du budget, a développé un outil mesurant le montant des dépenses obligatoires générées chaque année par les engagements antérieurs. L’objectif est de suivre l’évolution du ratio entre dépenses disponibles et dépenses obligatoires afin de s’assurer que la défense n’engage pas plus qu’elle ne pourra payer. Les tableaux suivants présentent l’évolution de ce ratio.

Dépenses obligatoires de 2008 à 2010

(en millions d’euros)

 

2008

2009

2010

Programmes

CP sur RàP (1) 2006 + CP sur engagements 2007

CP sur RàP 2007 + CP sur engagements 2008

CP sur RàP 2008 + CP sur engagements 2009

144

660

668

754

146

7 615

8 836

8 441

178

3 376

3 334

3 550

212

747

843

470

Total dépenses obligatoires (DO)

12 397

13 681

13 214

Ressources budgétaires hors titre 2 (LFI)

18 475

18 671

18 461

Proportion des DO par rapport aux ressources budgétaires

67,1 %

73,3 %

71,6 %

Ressources totales (budgétaires et exceptionnelles) hors titre 2 (LFI)

18 475

20 308

19 776

Proportion des DO par rapport aux ressources totales

67,10 %

67,37 %

66,82 %

(1) RàP : reste à payer.

Source : ministère de la défense.

 

Dépenses obligatoires sur 2011-2012
et écoulement sur 2013 du reste à payer prévisionnel à fin 2011

(en millions d’euros)

 

2011

2012

2013

Nature de la dépense

CP sur RàP (1) 2009 + CP sur engagements 2010

CP sur RàP 2009 + CP sur engagements
2010 et 2011

CP sur RàP 2009 + CP sur engagements
2010 et 2011

Équipement

12 143

14 369

9 253

Hors équipement

713

766

232

Total dépenses obligatoires (DO)
(sauf 2013)

12 856

15 135

9 485

Ressources budgétaires hors titre 2 (programmation budgétaire triennale)

18 770

19 359

20 092

Proportion des DO (sauf 2013) par rapport aux ressources budgétaires

68,49 %

78,18 %

47,21 %

Ressources totales (budgétaires et exceptionnelles) hors titre 2 (programmation budgétaire triennale)

19 728

20 393

21 014

Proportion des DO (sauf 2013) par rapport aux ressources totales

65,17 %

74,22 %

45,14 %

(1) RàP : reste à payer.

Source : ministère de la défense.

Le ministère précise que comme les paiements sur les engagements de 2012 ne sont pas encore connus, les dépenses obligatoires sur 2013 ne sont pas exhaustives et ne peuvent donc être comparées de manière pertinente aux dépenses obligatoires des années précédentes. Par ailleurs, sur 2011 et 2012, la part des dépenses obligatoires dans les ressources hors titre 2 s’élève en moyenne à 69,8 % (73,4 % sur les ressources budgétaires) contre 67,1 % en moyenne sur 2008-2010 (70,7 % sur les ressources budgétaires uniquement).

Ces données montrent que le ministère a pris la mesure de cette question ; elles font toutefois état d’une évolution peu satisfaisante du ratio : même en intégrant les recettes exceptionnelles, le ratio augmente à partir de 2011. Seule l’intégration des recettes exceptionnelles, dont on connaît la fragilité, permet de limiter cette hausse.

d) L’impact sur les commandes et les livraisons

Le maintien du niveau de commandes entretient également un faux espoir sur les matériels : au vu des éléments communiqués par le ministère, on pourrait légitimement penser que les besoins sont couverts. Or, il ne s’agit généralement que de l’annonce de commandes, l’arrivée des matériels dans les forces étant beaucoup plus tardive.

Le rapporteur a donc demandé au ministère de lui fournir une fiche de synthèse pour chaque programme lancé en 2011 ; l’essentiel des éléments de réponse faisant l’objet de mesures de classification, le rapporteur ne peut que faire état de la liste des programmes concernés.

Question : Fournir une fiche de synthèse pour chaque programme majeur devant faire l’objet d’un engagement ou d’une commande en 2011.

Réponse :

Les principales commandes prévues en 2011 relatives à un programme majeur sont les suivantes :

§ Dissuasion

- Commande d’une tranche du maintien en condition opérationnelle du système de missile balistique M51 ;

- Commande de la rénovation phase 3 des avions ravitailleurs C 135 ;

§ Commandement et maîtrise de l’information

- 1 station de communication par satellite SYRACUSE III ;

- 66 stations de communication radio tactiques MELCHIOR ;

- complément de la commande de la réalisation de deux satellites pour l’observation spatiale optique (MUSIS) ;

- 160 segments sol COMCEPT ;

- 16 réseaux de communication rénovés pour la marine RIFAN étape 2 ;

§ Engagement combat

- 1 sous marin nucléaire d’attaque BARRACUDA ;

- Projection mobilité soutien

- 1 500 ensembles de parachutage du combattant (EPC) ;

- 7 hélicoptères COUGAR rénovés (6 FAR et 1 GAM) ;

- 200 petits véhicules protégés (PVP) ;

§ Protection sauvegarde

- 900 missiles MISTRAL rénovés ;

- Adaptation de 2 aéronefs Falcon 50 à la surveillance maritime (AVSIMAR) ;

- 3 ensembles d’équipements pour la détection et l’identification d’agents biologiques (DETECBIO).

Les informations relatives à ces programmes figurent dans les fiches de synthèse fournies en réponse aux questions n° 055 et 038 (pour C 135) du rapporteur ou dans les fiches JPE (AVSIMAR (1) et MUSIS (2)).

[Note du rapporteur : les informations susmentionnées font l’objet de mesures de classification interdisant leur publication.]

(1) AVSIMAR n’est pas encore érigé en programme d’armement et ne fait donc pas l’objet d’une fiche de synthèse

(2) MUSIS, dont le DLR n’est pas encore approuvé, ne fait pas l’objet d’une fiche de synthèse

2. L’impact industriel : situation des principaux groupes français

Avec 330 000 emplois directs et indirects et un chiffre d’affaires de 15 milliards d’euros, les industries de défense constituent un secteur clé de l’économie française dont le poids réel dépasse le seul chiffre d’affaires de défense : la plupart des sociétés ayant une activité de défense ont également des produits destinés aux secteurs civils.

Question écrite n° 64673 publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 24 novembre 2009

M. Bernard Carayon attire l’attention de M. le ministre de la défense sur l’industrie d’armement en France. Il lui demande de lui préciser l’effet d’entraînement sur la croissance et l’emploi des programmes industriels d’armement en France.

Réponse du ministre de la défense publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 23 mars 2010

Le poids économique de l’industrie de défense en France est considérable, par la diversité du tissu industriel concerné, par les emplois générés et par l’importance de l’activité en matière de recherche et d’innovation dans les hautes technologies. À partir de la fin des années 1950, la France a mis en œuvre une politique industrielle de défense orientée vers la recherche de l’autonomie stratégique et technologique, structurée autour de grands programmes d’armement exploitant les technologies de rupture (nucléaire, aéronautique, missiles…). Grâce à ces investissements, la France dispose aujourd’hui d’une industrie de défense performante, au deuxième rang en Europe, juste derrière le Royaume-Uni. Elle représente 165 000 emplois directs et au moins autant d’emplois indirects, pour un chiffre d’affaires d’environ 15 milliards d’euros (soit de l’ordre de 0,75 à 0,80 % du produit intérieur brut français). Un tiers environ de ce chiffre d’affaires est généré par les exportations, la France se plaçant au quatrième rang mondial des exportateurs d’armement. L’impact des programmes industriels d’armement sur la croissance de l’économie et sur l’emploi dépend directement du volume des commandes et donc des crédits d’équipement votés annuellement par le Parlement et s’inscrivant dans le cadre fixé par la loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014. À cet égard, la contribution des programmes d’armement et de la recherche de défense au plan de relance de l’économie se traduit en 2009 et 2010 par un effet accélérateur. En 2009, les commandes passées à l’industrie et aux organismes de recherche par la direction générale de l’armement (le premier investisseur public de l’État) ont atteint un volume record (depuis le début des années 1990) de 20,9 milliards d’euros, dont 1,3 milliard au titre du plan de relance. Les prises de commandes à l’export ont également fortement augmenté en 2009 (+ 20 %), avec un montant estimé à près de 8 milliards d’euros. Le secteur de l’industrie d’armement a eu un impact très positif sur l’économie et en particulier l’industrie dans un contexte difficile de crise économique et financière. Par ailleurs, l’industrie française de défense regroupe une très grande variété d’acteurs de tailles diverses, allant des maîtres d’œuvre intégrateurs aux petites et moyennes entreprises (PME), détentrices de savoir-faire spécifiques et souvent de hautes technologies et sources d’innovations. Ce sont ainsi environ 4 000 PME qui participent en France à l’effort de défense. L’activité de défense est présente sur de nombreuses parties du territoire national, notamment en Ile-de-France, dans le Sud-Ouest (aéronautique, espace et missiles), le Grand Ouest (naval, électronique), la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (aéronautique, naval), le Centre et le Massif Central (terrestre, missiles, maintenance aéronautique). Enfin, la recherche et le développement (R&D) dans le secteur de la défense, qui requiert un haut degré d’investissement pour développer les équipements des forces de demain, représente entre 10 et 20 % du chiffre d’affaires des dix plus grands groupes de défense, lesquels emploient dans leurs bureaux d’études sur le territoire national de l’ordre de 20 000 personnes. Cet effort, très supérieur à la moyenne des entreprises, joue un rôle moteur pour le développement de nouvelles technologies, dont beaucoup trouvent des applications à double usage, militaire et civil. Ces hautes technologies ont ainsi des retombées positives sur la compétitivité et l’activité d’autres secteurs de l’économie française.

Le tableau ci-après détaille la situation des principaux groupes français de défense en 2009.

commandes, chiffre d’affaires et résultats
des plus importantes entreprises de défense

(données en millions d’euros, sauf précision contraire)

ENTREPRISE

Prises de commandes

Carnet de commandes

Chiffre d’affaires

Part à l’export.

Résultat net (1)

Résultat courant

EADS

45,8 G€

389 G€

42 800

N.C.

- 0,76

-320

(- 54 %)

(- 3 %)

(- 1 %)

(56 %) (2)

(1,572)

(2,83)

dont

Airbus (3)

23,9 G€

339,7 G€

28 060

   

- 1 371

(- 72 %)

(- 5 %)

(- 3 %)

   

(1 831)

Eurocopter

5,8 G€

15 G€

4 570

 

 

263

(+ 20 %)

(+8,9 %)

(+2 %)

 

 

(293)

Astrium

8,2 G€

14,6 G€

4 790

 

 

261

(+152 %)

(+33 %)

(+12%)

 

 

(234)

défense & sécurité

7,9 G€

18,8 G€

5 360

   

449

(+51  %)

(+10 %)

(- 5 %)

   

(408)

autres (ATR, Socata,Sogerma…)

9,7 G€

1,9 G€

1 090

   

21

(- 43 %)

(- 38 %)

(- 18 %)

   

(43)

DCNS

4 065

9 945

2 406

29,1 %

129

152

(+ 71,9 %)

(+ 21 %)

(- 4,6 %)

(25,5 %)

(131)

(152)

Dassault Aviation

- 1,32 G€

12,32 G€

3 421

74 %

257

393

(- 123 %)

(- 28 %)

(- 8,7 %)

(66 %)

(384)

(446)

dont

militaire

2,28 G€

38 %

29 %

9 %

   

(militaire 2008)

(1,22 G€)

(18 %)

(38 %)

(11 %)

   

SNPE

621,6

544

609,1

53,5 %

32,2

- 4,3

549

676

(- 4,8 %)

(54 %)

(21)

(-18)

NEXTER

1 300

2 500

887

18 %

141

71

(+130 %)

(+32 %)

(+35 %)

(17 %)

(99)

(71)

THALÈS

13 927

24 731

12 881

77 %

-201,6

151

(- 2,6 %)

(+7,8 %)

(+1,7%)

(75 %)

(650)

(877)

dont

défense

6,1 G€

 

5,8 G€

     

aéronautique & espace

4,3 G€

 

4,1 G€

     

sécurité

3,4 G€

 

3 G€

     

SAFRAN

11 916

27 726

10 448

76 %

376

698

(- 7 %)

(+27 %)

(+1 %)

(71 %)

(256)

(652)

dont

propulsion aéro et spatiale

6 570

14 429

5 673

 

 

657

(- 12 %)

(- 8 %)

(- 2 %)

   

(584)

équipements aéronautiques

2 711

10 797 (4)

2 767

 

 

2

(- 20 %)

(+149 %)

(- 3 %)

   

(60)

défense sécurité

2 635

2 500

1 965

   

64

(+36 %)

(+38 %)

(+19 %)

 

 

(72)

Les éléments entre parenthèses renvoient à l’évolution par rapport à 2008 ou à la situation en 2008.

(1) Part du groupe.

(2) Hors transferts intra-européens.

(3) Dont l’activité « avions de transport militaire ».

(4) Le montant a fortement évolué en raison du nouveau mode de comptabilisation.

Source : ministère de la défense.

Ces données montrent une diminution très conséquente du niveau de commandes dans le domaine de l’aéronautique : Airbus enregistre 72 % de commandes en moins qu’en 2008. Le groupe Dassault subit la même évolution avec une baisse globale de 123 % de ses commandes ; la branche militaire du groupe en revanche enregistre de bons résultats pour ses commandes avec 1,06 milliard d’euros supplémentaires. Ces deux entreprises subissent en effet très directement le ralentissement économique dans la mesure où la majorité de leur activité se fait à l’export.

À l’inverse, les entreprises qui réalisent l’essentiel de leur chiffre d’affaires en France, comme Nexter ou DCNS, enregistrent des résultats très positifs en 2009 avec une progression respective de leurs chiffres d’affaires de 21 % et 32 %.

La crise touche donc directement les industriels français de la défense, sauf à ce qu’ils interviennent sur des secteurs protégés car dépendant de la commande publique française. En revanche, les groupes les plus internationalisés voient leurs résultats baisser, montrant bien l’importance stratégique et la difficulté en période de crise de la politique de soutien aux exportations.

3. Les exportations dans la crise

Le Livre blanc rappelle que les « exportations constituent un volet essentiel de la stratégie industrielle du pays. Elles permettent d’allonger les séries et de réduire, ou à tout le moins de limiter, le coût unitaire des matériels commandés par l’État. Elles rendent les entreprises moins dépendantes du marché national, tout en contribuant au maintien de leurs compétences » (19). Il est acquis que les commandes de la France ne suffisent pas à employer l’ensemble des industries nationales de défense ; la DGA estime d’ailleurs que 50 000 des 165 000 emplois de l’industrie de défense sont directement concernés par les exportations (20).

Pour préserver et développer leurs chiffres d’affaires, les industries françaises de défense se sont tournées vers le marché mondial. Ainsi, Panhard ambitionne de porter ses ventes en 2014 à hauteur de 140 à 150 millions d’euros, contre 70 à 80 millions d’euros actuellement, « essentiellement grâce à la croissance de [ses] exportations » (21).

Le dynamisme du marché mondial de l’armement a un effet stimulant pour les industries nationales trop dépendantes des commandes de leurs États respectifs. Ainsi, le général Vladimir Chamanov, commandant des troupes aéroportées russes, estime-t-il que « lorsque nos industries d’armement ont appris cette dernière année que des alternatives à leurs produits seraient recherchées à l’étranger, elles se sont mises à bouger » (22), ce qui a eu un impact immédiat sur le montant des exportations russes qui ont progressé de plus de 10 % entre 2008 et 2009 pour s’établir à 7,4 milliards de dollars.

La France a connu des évolutions similaires : la plupart de ses arsenaux ont été transformés en sociétés de façon à leur ouvrir les marchés étrangers. Ces changements de statut ont imposé une révolution des organisations et surtout des pratiques commerciales.

Toutefois, le soutien aux exportations ne doit pas être un substitut du désengagement des commandes nationales. Tout comme elle ne doit pas se reposer sur les uniques commandes nationales, l’industrie de défense ne peut pas tout miser sur l’exportation pour maintenir son activité. Sans programme national, ses perspectives ne peuvent qu’être sombres. Le suédois SAAB Bofors Dynamics, spécialisé dans les lance-missiles, conduit par exemple un plan de réduction d’un quart de son personnel (370 personnes sur 1 300) sur deux ans, cette diminution étant la conséquence de l’absence de programmes suédois.

De par leur nature, les exportations d’armement restent un objet indissociable de la puissance publique. L’organisation mondiale du commerce, qui lutte contre toutes les formes de protectionnisme, est d’ailleurs incompétente pour les équipements de défense. Sa décision de déclarer illégales les aides européennes versées à Airbus, considérant qu’elles faussent la concurrence avec Boeing, n’a pas de portée globale. Les critères retenus ne peuvent par exemple pas s’appliquer pour le contrat des ravitailleurs américains car il s’agit d’équipements militaires.

L’échec de la vente du Rafale au Maroc en 2007 a mis en évidence la faiblesse du dispositif français de soutien étatique aux exportations d’armement. Un vaste plan de réorganisation du soutien a été lancé autour du plan national stratégique pour les exportations de défense pour améliorer la coordination des acteurs étatiques et industriels dans le cadre de la commission interministérielle d’appui aux contrats internationaux. Les plus hautes autorités de l’État, en premier lieu la présidence de la République, s’impliquent désormais intensément dans les négociations. Cette réorganisation a immédiatement porté ses fruits, les commandes passées auprès des industriels français augmentant significativement.

D’autres États ont engagé des efforts de ce type à l’instar de la Suède qui a installé, le 1er août 2010, l’autorité des exportations de défense. Certains États privilégient une évolution du cadre juridique : le 30 août, le président américain a exprimé le souhait d’alléger le contrôle d’un tiers des équipements inscrits sur la Munition List, afin de faciliter les exportations américaines.

Ces efforts publics doivent désormais faire la preuve de leur résistance, surtout dans le contexte de crise économique et financière mondiale.

a) Les exportations françaises d’armement face à la crise

Avec la crise, nombre de pays ont revu à la baisse leurs carnets de commandes avec des conséquences directes pour les industriels français. Les exemples suisses et grecs illustrent bien ce changement de tendance.

i. Les exemples suisses et grecs

En août 2010, la Suisse annonce l’ajournement jusqu’en 2015 de l’acquisition de nouveaux appareils pour son armée de l’air en raison de ses difficultés budgétaires. L’aviation suisse prolonge ses 54 avions de combat Tiger F-5 pourtant qualifiés d’ « obsolètes » par le département fédéral de la défense. Ce dernier explique que « les trois candidats en lice, l’Eurofighter [du groupe EADS réunissant l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie et l’Espagne], le Gripen [du groupe suédois Saab] et le Rafale [du groupe français Dassault] ont fait l’objet d’une évaluation complète en 2008. Au cours de celle-ci, il s’est avéré que l’enveloppe financière ne serait pas suffisante. Le Conseil fédéral a pris cette décision pour les raisons suivantes : il n’est pas possible de compter sur des crédits supplémentaires en raison de la situation financière de la Confédération; d’autre part, les ressources disponibles doivent servir à combler les autres lacunes de l’armée » (23). Pour le Rafale, cette annonce réduit un peu plus son potentiel immédiat à l’export.

La situation de la Grèce est plus préoccupante pour les entreprises françaises dans la mesure où ce pays a été le troisième client de la France entre 1991 et 2008. Sur cette période, le gouvernement grec a acquis pour près de 4 milliards d’euros de matériels français et a passé commande pour près de 5 milliards d’euros (24). En 2007 et 2008, les commandes grecques avaient déjà chuté de façon très importante. La diminution était relativement inaperçue grâce à d’importantes commandes au Moyen-Orient. Mais la crainte que la tendance perdure est réelle.

Question écrite n° 72538 publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 2 mars 2010

M. François Cornut-Gentille interroge M. le ministre de la défense sur la crise budgétaire grecque. Confrontée à des difficultés budgétaires sans précédent, la Grèce est astreinte désormais à réduire considérablement ses dépenses. Le budget de la défense grec n’est pas épargné par les exigences d’économies, notamment en matière d’équipements. Or, depuis plusieurs années, la France est en discussion avec les gouvernements grecs successifs en vue de la conclusion de plusieurs contrats. La perspective d’exporter vers la Grèce renforçait la rentabilité financière de plusieurs programmes nationaux. Aussi, il lui demande d’indiquer l’impact de la crise budgétaire grecque sur les exportations françaises d’équipements de défense.

Réponse du ministre de la défense, publiée au Journal officiel Assemblée Nationale du 25 mai 2010

Dans le cadre de son programme d’assainissement des finances publiques, le gouvernement grec prévoit une réduction du budget de la défense de 6,6 % en 2010. Cette diminution porte essentiellement, selon les propos du ministre de la défense grec, sur les dépenses de fonctionnement. Aucune des mesures de restriction budgétaire supplémentaires décidées au mois de mars 2010, à la suite des interventions de l’Union européenne, ne devrait affecter, cette année, le budget d’acquisition du ministère de la défense grec. Pour les années suivantes, il convient d’attendre la publication du futur plan d’équipement des forces armées helléniques pour la période 2011-2016, prévue d’ici à quelques mois, afin de connaître les conséquences de la crise actuelle sur le budget d’acquisition d’équipements militaires et sur les priorités associées. En tout état de cause, les restructurations attendues au sein du ministère de la défense grec, à la suite des restrictions budgétaires de fonctionnement, laissent présager un possible glissement des calendriers des futurs contrats. À ce jour, les autorités grecques ont confirmé leur intention de poursuivre les discussions engagées avec la France par le gouvernement précédent dans le cadre de contrats d’État à État. Les démarches d’acquisition des frégates de type FREMM (frégates multimissions) et des hélicoptères SAR (search and rescue) restent en conséquence d’actualité.

L’importance du marché grec de la défense pour les économies françaises mais aussi allemandes a valu ce commentaire ironique de Egemen Bagis, ministre turc chargé des négociations d’adhésion à l’Union Européenne. À l’occasion du plan européen d’aide budgétaire, il notait que « les États qui essaient d’aider la Grèce dans ces temps de difficultés proposent de lui vendre de nouveaux équipements militaires » (25).

ii. La structuration géographique des exportations françaises

L’étude de la structure des clients des entreprises françaises d’armement permet de déterminer si la France est dépendante d’une zone géographique et partant si une crise économique régionale peut avoir des conséquences directes sur son niveau d’exportations.

Comme le montre le graphique ci-après, entre 2004 et 2008, le carnet de commandes de la zone Europe est relativement stable, oscillant entre 1 et 1,2 milliard d’euros, soit 20 % du total annuel des exportations. Il convient néanmoins de relever que les commandes britanniques en aéronautique ont permis de sauver l’année 2008 puisqu’elles correspondent à 50 % des commandes totales. L’effort britannique a permis de compenser des réductions importantes, notamment en Grèce.

Le niveau de commandes issues des autres zones géographiques du globe apparaît beaucoup plus instable et soumis à la signature ponctuelle de très importants contrats. En 2008, le Brésil, l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes ont par exemple signé des commandes en matière aéronautique pour un montant approchant les 2,2 milliards d’euros. En 2009, le niveau global des commandes a augmenté de près de 24 %, grâce notamment au Brésil qui a commandé quatre sous-marins Scorpène et l’assistance au développement d’un sous-marin nucléaire ; ce contrat représente 47,3 % du total des commandes françaises pour 2009.

Prise de commandes à l’étranger par les industries françaises d’armement

Données source : rapport au Parlement sur les exportations d’armement de la France en 2009.

En neutralisant ces commandes exceptionnelles, même si elles représentent 40 % du total des exportations, le profil géographique des acheteurs se rééquilibre. Le marché européen ne représentant que 20 % de ses débouchés en 2008, l’industrie d’armement française semble relativement protégée par les mesures européennes de restrictions budgétaires. La part européenne est en baisse importante en 2009, ne représentant plus que 11 % des commandes totales.

Si la structuration de ses clients protège l’industrie française des fluctuations budgétaires, son ouverture internationale l’expose en revanche à d’autres types de risques et notamment à celui de la variation des taux de change. Les équipements sont en effet produits dans la zone euro mais majoritairement vendus en dollars.

Comme le montre le graphique suivant, le taux de change entre le dollar et l’euro a connu une évolution chaotique avec une récente tendance baissière qui devrait provoquer des effets bénéfiques pour l’industrie d’armement européenne.

Évolution du taux de change entre le dollar et l’euro

Données source : banque centrale européenne.

Pour autant, comme le souligne Louis Gallois, président d’EADS, les délais de contractualisation sont tels que les effets bénéfiques ne se font sentir que quelques années plus tard. Il estime que le niveau actuel de l’euro ne peut aider les industries européennes qu’à « partir de l’année 2013 » (26).

iii. La structuration de l’offre industrielle française

● Les exportations françaises sont nettement soutenues par le secteur aéronautique, les commandes d’équipements terrestres et navals représentant des montants plus modestes. La différence de prix unitaire explique certainement cette situation.

La prépondérance de l’aéronautique s’explique également par le fait que la France vend essentiellement des équipements à haute valeur technologique. La qualité de notre industrie, portée par plusieurs générations d’ingénieurs formés dans de grandes écoles, est assurément un atout mais elle risque également de placer la France dans une course à l’innovation parfois éloignée de la réalité des besoins opérationnels.

Il convient en effet de se demander sir les équipements français, voire européens, ne sont pas excessivement complexes, limitant d’autant leurs capacités d’exportations. Face à des produits sophistiqués, les produits plus rustiques rencontrent un écho certain : ils permettent non seulement d’équiper des forces armées à un niveau technique et financier acceptable mais aussi de se libérer d’une tutelle étrangère parfois embarrassante. L’exemple de l’A400M est parlant : il s’agit d’un avion technologiquement très en pointe mais à un coût exorbitant alors qu’existent sur le marché des avions moins ambitieux et moins coûteux. L’Afrique du Sud a d’ailleurs renoncé à acquérir l’avion européen face aux difficultés techniques et aux dépassements tarifaires.

Face à ces interrogations, le ministère de la défense souligne que « la performance technologique n’est pas nécessairement à l’origine d’une perte de compétitivité à l’exportation, la haute technologie pouvant être au contraire un critère favorable comme on le voit dans les discussions avec les États clients, relatives à des produits de performance comme le Rafale » (27). Assurément, les pays disposant des ressources budgétaires et/ou affichant des ambitions fortes chercheront à s’équiper avec des matériels de pointe. Le Rafale répond à cette catégorie d’acheteurs ce qui explique l’intérêt manifesté par le Brésil ou les coûteuses exigences de renforcement des capacités exigées par les Émirats Arabes Unis.

● La grande majorité des États n’entre cependant pas dans ces cas de figure. Dans les trois milieux (terrestre, marin, aérien), nombre de clients souhaitent soit moderniser des équipements existants, soit acheter des matériels d’occasion. Quatre exemples montrent bien cette tendance.

- Le 23 mars 2010, la Roumanie annonce l’acquisition pour 1,3 milliard d’euros de 24 F 16 d’occasion, accompagnés d’une option sur 24 autres F 16 neufs puis de 24 F35 JSF en remplacement des premiers avions acquis dont la durée de vie est estimée entre 10 et 15 ans. Expliquant ce choix pour remplacer les MIG 21 de son armée de l’air, le conseil suprême de défense a indiqué que « la Roumanie ne dispose pas des ressources suffisantes pour acquérir des avions multirôles neufs ». Cette décision se fait au détriment des autres appareils, tous européens, qu’il s’agisse du Gripen, du Mirage 2000, du Rafale ou de l’Eurofighter. Pour sauver le constructeur SAAB, le 15 avril 2010, l’autorité suédoise d’exportation de matériel de défense propose, sans succès, aux autorités roumaines de lui céder 24 Gripen neufs au prix des F16 d’occasion.

- En avril 2010, les États-Unis cèdent au Pakistan une frégate de type Oliver Hazzard Perry, équipée de missiles anti-navire Harpoon, de torpilles et de missiles DCA. Le bâtiment est par ailleurs modernisé avec un système de lutte anti-sous-marine. Compte tenu des performances de ces équipements, le Pakistan souhaite doter sa marine de sept autres frégates de ce type dans les prochaines années, privilégiant l’occasion à des matériels neufs.

- L’armée de l’air argentine dispose de Mirage 3 et de Nesher. La modernisation des avions de combat argentins est indispensable mais, pour des raisons budgétaires, le gouvernement argentin privilégie l’acquisition d’avions d’occasion.

- En 2008, la Croatie acquiert auprès du finlandais PATRIA deux frégates lance-missiles d’occasion pour 9 millions d’euros.

● Les opérations de remise à niveau des équipements (retrofit) sont financièrement sans commune mesure avec l’achat de matériels plus complexes. Les constructeurs français y trouvent d’ailleurs un intérêt mesuré contrairement aux équipementiers. Pour autant, sans l’accord du constructeur, aucune opération de ce type ne peut s’effectuer.

À l’heure où la politique d’acquisition française met l’accent sur les coûts de possession, il semble paradoxal que certains industriels se concentrent sur la vente de leur dernier équipement sans se préoccuper suffisamment de la modernisation des précédents. Ces clients de deuxième rang offrent pourtant des perspectives intéressantes à moyen terme. Faute de continuité dans l’offre, la France ne parvient pas à fidéliser ses clients. Comme le montre le tableau ci-après, le nombre de clients diminue de façon constante depuis 1961.

Pays utilisateurs d’avions de chasse français

Appareil

Date de mise en service dans les forces françaises

Nombre de pays utilisateurs

Pays utilisateurs

Mirage F3

1961

11

France, Afrique du Sud, Argentine, Australie, Brésil, Espagne, Israël, Liban, Pakistan, Suisse, Venezuela

Mirage 5

1970

13

France, Argentine, Belgique, Chili, Colombie, Égypte, EAU, Gabon, Libye, Pakistan, Pérou, Venezuela, Zaïre

Mirage F1

1973

12

France, Afrique du Sud, Équateur, Espagne, Gabon, Grèce, Irak, Jordanie, Koweït, Libye, Maroc, Qatar

Mirage 2000

1984

9

France, Brésil, Égypte, EAU, Grèce, Inde, Pérou, Qatar, Taïwan

Rafale

2006

1

France

Source : Stockholm international peace research institute (SIPRI).

Une telle stratégie n’est pas probante et a de lourdes conséquences non seulement pour le constructeur mais aussi pour tous les équipementiers participant au programme. Ainsi, le missilier MBDA dépend fortement de la vente des plateformes pour signer des contrats à l’exportation. Antoine Bouvier, P-DG de MBDA, s’est d’ailleurs déclaré « inquiet du retard pris par les négociations de certains grands contrats de plates-formes » (28).

L’ensemble de ces éléments laisse penser que la politique d’exportation d’armement française n’a pas pleinement intégré le contexte actuel de crise qui place l’État acheteur dans une position dominante.

b) Le client roi

Sachant que les industries de la défense sont fortement dépendantes des commandes étatiques, les États clients peuvent être tentés d’imposer des exigences technologiques, financières et industrielles très lourdes, voire à faire porter tout ou partie de la charge sur l’État exportateur. Les négociations engagées pour vendre le Rafale au Brésil et aux Émirats arabes unis illustrent de façon éloquente cette situation.

i. Le transfert de technologies

L’exportation du Rafale est en effet une condition de la réussite du programme et de son équilibre financier. La signature d’un premier contrat d’exportation aurait un effet d’entraînement indéniable et assurerait le succès de l’avion. Les éventuels acheteurs jouent de cette situation : les Émirats Arabes Unis exigent des spécifications techniques supérieures à celles du Rafale en service au sein de l’armée de l’air française, ce qui représente un coût estimé entre 4 et 5 milliards d’euros à la charge de la France. Le Brésil conditionne quant à lui l’acquisition de 36 avions de combat multi-rôles à un conséquent transfert de technologies.

L’Australie met également en avant le transfert de technologies, le ministre des sciences et des matériels de défense soulignant par exemple que le « programme JSF offre d’immenses opportunités pour l’industrie australienne, créant potentiellement plusieurs milliers d’emploi à temps plein, soit au travers le développement de nouveaux marchés, soit par l’entrée dans des chaînes de support mondiales » (29).

Tous les grands contrats d’exportation sont désormais assortis de clauses de transferts de technologies au profit des industries du pays acheteurs. Selon Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement, « les transferts de technologies dans le cadre des contrats d’exportation […] semblent aujourd’hui inévitables. Nous mettons à disposition de pays amis des technologies de premier plan mais sur lesquelles nous travaillons depuis les années 1980. Je pense que nos partenaires ne s’approprieront pas immédiatement tout cet ensemble. Par ailleurs, les travaux de recherche et technologie conduits dans le domaine sont suffisants pour nous conserver un temps d’avance. Toutefois nous aurons nécessairement à faire face à de nouveaux concurrents et nous ne pourrons lutter que grâce à notre avance technologique et à nos capacités d’innovation » (30).

La priorité donnée au transfert de technologies peut amener l’État acheteur à acquérir non pas le produit le plus performant et le plus économique mais celui qui ouvre le plus de perspectives de transferts. La Commission européenne estime que « le danger existe que […] les pays acheteurs ne recherchent pas forcément le produit le plus compétitif, mais celui qui leur apportera les commandes de compensation les plus intéressantes » (31).

Créer une industrie de défense autonomie nécessite non seulement un soutien public financier majeur en matière de recherche et développement mais aussi du temps pour former et mobiliser les personnels. Pour aller plus vite, les États peuvent recourir à différentes stratégies : l’espionnage économique et industriel ou le transfert de technologie dans le cadre de programmes menés en coopération ou d’acquisition de matériels étrangers.

Transfert de technologies n’équivaut nécessairement pas à transfert de savoir-faire. Mais lorsque les transferts se font parallèlement à l’envoi d’étudiants dans les meilleures universités scientifiques du monde, on peut légitimement estimer que le savoir-faire suivra avec un décalage de quelques années. Un tel phénomène n’est pas récent. En 1976, la Chine fait l’acquisition d’hélicoptères Super Frelon et à la fin des années 1980, elle dévoile ses propres hélicoptères Z8-F, copies de l’hélicoptère français. Depuis, l’industrie hélicoptériste chinoise présente régulièrement de nouveaux modèles issus de ce transfert de technologies à l’instar du AC313 dont le premier vol a eu lieu le 18 mars 2010.

Dans ce contexte, un équilibre doit être trouvé entre la volonté de conclure des contrats d’exportation et la préservation de technologies dites de souveraineté. La recherche de cet équilibre impose le maintien des dispositifs de contrôle préalable des exportations de matériels sensibles à caractère civil ou militaire.

ii. Le contrôle des exportations

En France, le contrôle des exportations de matériels de guerre obéit à une procédure stricte dont le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) est le maître d’œuvre.

Le schéma suivant présente les trois phases de la procédure et les missions confiées aux différents services. La commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG) constitue la clé de voûte du dispositif.

Procédures de contrôle des exportations des matériels de guerre

Schéma d'exportation des matériels de guerre

Source : secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale.

En dépit de la robustesse et de la pertinence de ce dispositif, les clients peuvent tenter d’exercer des pressions diplomatiques pour contourner ou alléger la procédure. La vente des avions de chasse au Brésil le montre bien : au printemps 2010, ce pays a mené une véritable offensive diplomatique sur le dossier nucléaire iranien pour faire reconnaître son rang de puissance mondiale. À l’approche du choix définitif du fournisseur de l’armée de l’air brésilienne, le Brésil scelle un accord avec l’Iran et la Turquie sur le nucléaire civil et exige des grandes puissances le droit de participer aux discussions menées par le groupe dit du 5+1. Les grandes puissances, dont la France, sont alors placées en porte à faux : faut-il dénoncer cette initiative qui pourrait légitimer les ambitions nucléaires iraniennes au risque de perdre un marché important pour l’industrie aéronautique en période de crise ? À l’inverse, faut-il se taire pour préserver les débouchés industriels français ?

Cet exemple donne le sentiment qu’en période de crise les clients sont dans une telle position de force qu’ils peuvent se permettre d’adopter des attitudes très offensives allant jusqu’à remettre en cause des équilibres internationaux anciens.

c) La concurrence accrue sur les marchés de l’export

Outre les difficultés liées à la structuration de ses clients et de son offre, l’industrie de défense française doit faire face à de nouveaux concurrents sur la scène internationale. L’industrie de défense américaine demeure certes la plus puissante du monde mais les nouveaux acteurs ne cessent de croître. Le fait que le britannique BAE occupe la première place du classement opéré par le Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI) en 2008 montre bien que l’hégémonie américaine n’est pas intangible.

De nombreux États se prévalent d’excellents résultats sur le marché mondial de l’armement. L’exemple de la Suède est éclairant : entre 2008 et 2009, ses exportations ont progressé de 7 % pour atteindre 1,42 milliard d’euros selon l’inspektionen for strategiska produkter, l’agence suédoise de contrôle des exportations (32). Cette hausse est notamment liée à la vente du Gripen à l’Afrique du Sud et du véhicule de combat d’infanterie CV90 aux Pays-Bas et au Danemark.

La Russie réinvestit également le marché mondial : en 2009, ses exportations d’armement se sont élevées à 5,2 milliards d’euros et devraient approcher les 7,5 milliards d’euros en 2010, selon l’agence russe d’exportation d’armement Rosoboronexport. Ces chiffres sont cependant à comparer aux 9,7 milliards d’euros que l’Irak compte dépenser en équipements militaires américains, montrant bien que les industries américaines restent maîtres du marché.

Par ailleurs, comme le relève le Livre blanc, « le marché international est actuellement particulièrement difficile du fait de l’émergence de nouveaux pays exportateurs » (33). Symboles de la mondialisation des industries d’armement, les salons internationaux consacrés à l’armement se multiplient : en France, l’année 2010 a été marquée par le salon d’Eurosatory dédié à la défense terrestre. En 2008, ce salon accueillait 52 pays exposant dont 8 novices (Brunei, Colombie, Irlande, Islande, Lituanie, Mexique, Monténégro, Qatar). L’édition 2010 a de nouveau ouvert ses portes à huit nouveaux États dont la Chine, l’Arabie Saoudite, l’Australie et l’Indonésie. De nouveaux exportateurs européens sont également apparus au cours de ce salon : l’Estonie, la Hongrie, la Lettonie et le Portugal.

La liste des États présents offre un panorama significatif de la concurrence effrénée à laquelle sont confrontés les industriels français et européens sur le marché de l’armement terrestre. Désormais, les industries de défense doivent affronter des produits venus notamment d’Afrique du Sud, du Brésil, de Corée du Sud, d’Inde, de Jordanie, de Malaisie, de Singapour, de Taïwan, de Turquie et de l’ensemble des États européens, sans que cela diminue la concurrence traditionnelle venue des États-Unis, de Russie, d’Israël et du Canada.

Les schémas habituels du marché de l’armement sont en pleine mutation. Le plus gros contrat à l’export de la Turquie est par exemple en phase de négociation avec la Malaisie et porte sur 250 véhicules blindés de transport de troupe Pars, pour un montant de plus de 375 millions d’euros ; une lettre d’intention a été signée à la mi-avril 2010 entre l’industriel turc FNSS et le gouvernement malaisien.

La Chine apparaît également comme un important fournisseur d’armement pour les pays du Sud, notamment en Amérique Latine et en Afrique. Selon le SPIRI, en 2009, la Chine a notamment conclu des contrats d’armement avec la Bolivie, la Colombie, l’Équateur, le Pérou, le Venezuela mais aussi avec l’Égypte, le Ghana, le Niger ou le Nigeria.

Quant à la Russie, après avoir rétabli les liens avec les anciens partenaires de l’ex-URSS, elle élargit son panel avec de nouveaux clients : le 31 août 2010, elle a par exemple signé un contrat avec l’Argentine pour livrer deux hélicoptères Mi-17.

Cette concurrence nouvelle encourage le développement des commissions et autres actions de corruption des autorités acheteuses. Le Portugal a ainsi été secoué par plusieurs enquêtes pour corruption entourant l’achat de deux sous-marins au consortium allemand German Submarine Consortium pour 770 millions d’euros. En Italie, Finmeccanica, huitième groupe mondial en 2008 selon le SIPRI (34), est au cœur d’une enquête ouverte en mai 2010 et portant sur des soupçons de corruption. En Finlande, le groupe PATRIA, détenu à 73 % par l’État finlandais et à 27 % par EADS, est visé par plusieurs enquêtes de corruption dans le cadre de vente d’armes à l’Égypte, à la Slovénie et à la Croatie.

Ces événements témoignent du durcissement du marché et de la difficulté pour les industriels traditionnels de répondre efficacement aux nouvelles concurrences.

d) La montée des nationalismes industriels, un frein aux exportations ?

La crise économique risque de conduire à des réflexes de nationalisme économique. Comme le souligne Pascal Lamy, directeur général de l’organisation mondiale du commerce, « tant que le chômage se maintiendra à des niveaux intolérablement élevés, nous devrons faire preuve d’une vigilance permanente à l’égard du protectionnisme » (35). Ce risque est d’autant plus marqué que les industries de défense concernent au premier chef la souveraineté des États. Si le phénomène de crise perdure, les entreprises françaises d’armement ne pourront plus pénétrer de nouveaux marchés et devront revoir leurs plans de développement. Le remplacement des avions ravitailleurs américains KC 135 illustre bien cette possible dérive.

Le responsable américain de la lutte contre les engins explosifs improvisés en Afghanistan souligne bien qu’il faut « lever les barrières qui empêchent la libre circulation de technologies et d’informations [entre les] partenaires de la coalition » (36). Il vise non seulement la classification des informations mais aussi le cadre réglementaire et notamment les normes ITAR (37).L’impératif d’adapter dans l’urgence les équipements aux menaces toujours plus mouvantes s’accommode difficilement des réglementations tatillonnes. La coalition engagée en Afghanistan arrivera-t-elle à remettre en cause la réglementation protectionniste américaine, au nom de l’intérêt opérationnel ?

L’existence d’un système strict de contrôle des exportations d’armement est certes indispensable pour se prémunir contre la volonté d’adversaires potentiels d’acheter et utiliser des technologies ou équipements, mais il peut être contre-productif. Le 20 avril 2010, Robert Gates, secrétaire à la défense des États-Unis, a rappelé la nécessité de réformer les procédures et réglementations relatives aux exportations d’armement et d’équipements et technologies à usage dual, considérant que la rigueur du contrôle ne garantit pas son efficacité. Il dénonce notamment la bureaucratie interministérielle excessive alors que 95 % des dossiers sont approuvés qu’il s’agisse d’un composant simple ou d’un système de systèmes complexe. Robert Gates cite notamment l’exemple d’un individu « qui fut pris exportant volontairement un composant réglementé sans licence mais qui échappa à des poursuites en présentant des avis contradictoires de deux agences gouvernementales. Le composant en question était un matériel en composite de carbone utilisé dans les coiffes des missiles nucléaires » (38).

Il estime en effet que la liste des équipements soumis à licence d’exportation est trop rigide alors que le caractère stratégique de ces équipements peut disparaître dans le temps. Ce cadre a pour conséquence de décourager les industriels à exporter leur production, voire de les inciter à délocaliser pour contourner la réglementation.

Le secrétaire à la défense fait également valoir le mauvais impact d’une réglementation trop rigide sur les alliés équipés en matériels américains. La nécessité d’obtenir des pièces de rechange peut devenir un véritable calvaire, voire se transformer en incident diplomatique. Un C17 britannique a par exemple été immobilisé en Australie pendant plusieurs jours, l’Australie devant obtenir de l’administration américaine l’autorisation de recevoir la pièce de rechange nécessaire. Ce cas a provoqué la colère de Robert Gates car il s’agit de « deux de nos plus proches alliés » (39).

II. —  LES RÉFORMES ENGAGÉES ATTÉNUENT L’IMPACT DE LA CRISE

Le système de défense français, s’il ne diffère pas sur le plan économique de celui de ses principaux partenaires, semble relativement préservé dans la mesure où de nombreuses réformes ont été engagées avant l’apparition de la crise. Ces efforts avaient permis d’une part de consolider et de rationaliser les structures et d’autre part de dégager des économies relativement substantielles. Par ailleurs, la réflexion de long terme engagée par le Livre blanc de 2008 a permis de redéfinir le contrat opérationnel et surtout de l’adapter aux menaces contemporaines. Ces inflexions stratégiques ont amené le ministère à revoir son organisation, ses implantations géographiques, le format de ses armées mais aussi à réformer la conduite des programmes d’armement.

Lorsque la crise a frappé la France, la plupart de ces actions étaient déjà largement engagées. Les pays européens qui n’avaient pas fait des efforts similaires ont été contraints d’adopter dans l’urgence des mesures drastiques.

Le système de défense doit normalement garantir la souveraineté d’un État, c’est-à-dire sa capacité à décider en toute autonomie. La crise a montré qu’il ne peut cependant pas se soustraire à l’environnement international, sauf à anticiper les évolutions de contexte et à essayer de s’adapter en permanence aux nouvelles menaces.

Quatre exercices principaux ont permis à la France de faire face à la crise avec plus de sérénité que ses partenaires : la révision du format des armées, la réforme de la conduite des programmes, le déploiement d’un progiciel comptable et financier ainsi qu’une meilleure utilisation des externalisations. Enfin, le Gouvernement a lancé un important plan de relance de l’économie qui a nettement profité au secteur de la défense.

A. LA RÉVISION DU FORMAT DES ARMÉES

1. La situation en France

Dès 2008, avec la mise en œuvre du Livre Blanc et de la revue générale des politiques publiques, un nouveau format des armées a été défini. Le tableau suivant en présente l’économie générale s’agissant des équipements.

Nouveau format des armées

 

Armée de terre

Marine nationale

Armée de l’air

Effectif

131 000 personnes

44 000 personnes

50 000 personnes

Équipements lourds

250 chars Leclerc

650 VBCI

80 hélicoptères Tigre

130 NH 90

25 000 équipements Félin

4 SNLE

6 SNA

18 frégates

4 BPC

1 porte-avions

300 Rafale et
Mirage 2000 D

4 Awacs

14 MRTT

70 avions de transport

Source : Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

Ce nouveau format s’accompagne d’une profonde restructuration du ministère de la défense. « La restructuration devra porter en priorité sur les structures de soutien et d’administration, souvent redondantes, dispersées, cloisonnées et inadaptées aux engagements des forces. Les capacités opérationnelles de celles-ci devront être au maximum préservées et modernisées. L’accent sur les missions opérationnelles et sur les sujétions qui en résultent devra guider, avant toute autre considération, l’adaptation des structures et des moyens de notre défense sur tout le territoire et à l’étranger. […] Les restructurations et la réforme du ministère de la défense iront de pair avec l’effort financier consenti par la nation. Elles permettront d’aboutir à des capacités et à un format à la fois soutenables au vu des ressources et cohérentes pour que la part des investissements et de l’entretien du matériel puisse augmenter dans le budget. […] Les économies engendrées par les restructurations seront intégralement réutilisées pour la défense, ce qui est justifié à la fois par l’enjeu pour la sécurité de la nation et par l’ampleur de l’effort de restructuration entrepris. La dépense de défense sera, dès lors, rééquilibrée au profit des crédits d’investissement » (40).

D’ici 2014, les effectifs civils et militaires du ministère doivent diminuer de 54 000 postes soit une baisse de 17 %. Cette réduction s’accompagne d’une rationalisation de l’administration centrale, de la création de bases de défense et de la refonte de la carte militaire. Les économies issues de cette refonte sont destinées à moderniser les équipements des forces et à améliorer la condition militaire.

La commission de la défense nationale de l’Assemblée nationale a créé une mission d’information chargée du suivi de cette réforme. Dans son deuxième rapport publié au printemps 2010, les rapporteurs relevaient que « le cadre général de la réforme prévoit que la réduction de 54 000 postes va permettre de réduire la masse salariale du ministère et de générer en conséquence des économies de fonctionnement. Combinée à des efforts de rationalisation, notamment dans le soutien, cette déflation doit permettre de dégager de nouvelles marges de manœuvre pour financer les principaux matériels militaires, faisant ainsi des armées françaises des forces mieux équipées, mieux entraînées et plus réactives. Ces modifications nécessitent toutefois de réaliser des investissements initiaux conséquents, que ce soit pour moderniser les infrastructures ou pour accompagner les personnels qui quittent le ministère ou changent de poste » (41).

Comme le montrent les graphiques ci-après, les premiers résultats présentés par le ministère « sont conformes dans leur immense majorité aux données initiales, avec même des prévisions d’économies finales plus importantes qu’au départ » (42):

Évolution des économies générées par la réforme entre 2008 et 2011

(en millions d’euros)

Source : ministère de la défense.

Évolution des économies générées par la réforme sur toute la période

(en millions d’euros)

Source : ministère de la défense.

2. La situation internationale

L’effort français n’est cependant pas une exception : la plupart des pays occidentaux ont récemment engagé un effort de rationalisation et de réduction du format de leurs forces tout aussi significatif.

a) Les pays européens

Pour réduire son déficit atteignant 3,3 % de son PIB et sa dette à hauteur de 73,2 % de son PIB en 2009, l’Allemagne envisage une diminution budgétaire annuelle d’un milliard d’euros pour sa défense accompagnée d’une réduction des effectifs qui passeront de 250 000 à 165 000 personnels. Par ailleurs la durée du service militaire obligatoire a d’ores et déjà été réduite de 9 à 6 mois et son éventuelle suppression est actuellement débattue. La fermeture des régiments à faible effectif est également envisagée.

Afin de résorber son déficit budgétaire atteignant 5,3 % de son PIB et sa dette dépassant 115 % de son PIB en 2009, l’Italie a annoncé en mai dernier une diminution de 10 % du budget de sa défense se montant en 2010 à 14,28 milliards d’euros. Le soutien et l’entraînement sont les premiers visés dans ce plan d’économie. La diminution des forces italiennes projetées à l’extérieur est également envisagée.

La Grèce est pour sa part contrainte à une véritable mutation de sa politique de défense. Elle ne peut en effet raisonnablement maintenir son effort de défense qui était jusqu’alors plus élevé que celui de ses principaux alliés. En 2010, il représente en effet 6 milliards d’euros c’est-à-dire 2,8 % de son PIB alors que la moyenne de l’OTAN est de 1,7 %. Selon Panos Beglitis, ministre adjoint de la défense grecque, « les dépenses militaires ne sont pas incluses dans le plan d’austérité signé avec le FMI. Mais face à l’énorme déficit public, [la Grèce est obligée] de les diminuer » (43). Les premières décisions visent la réduction des effectifs et moyens engagés à l’étranger (Kosovo, Golfe d’Aden), la charge budgétaire des OPEX grecques s’élevant en 2008 à 113 millions d’euros.

Le Portugal s’est fixé un objectif équivalent avec une baisse de 6,5 % de ses effectifs d’ici le 1er janvier 2013. La Roumanie a pour sa part renoncé à l’achat d’avions de chasse neufs et reporté l’acquisition de 800 véhicules blindés. La Slovénie a décidé de faire de même avec une réduction de son effort de défense qui passe de 1,63 % à 1,47 % de son PIB grâce au gel ou à l’annulation de plusieurs contrats d’équipement. La Bulgarie a indiqué vouloir renégocier à la baisse le volume de contrats en cours de livraison concernant des hélicoptères et des avions de transports. L’unique sous-marin bulgare et plusieurs bâtiments vont en outre être démantelés. Le 1er septembre dernier, le ministre bulgare de la défense a annoncé la réduction du format des armées passant de 34 000 à 28 000 hommes d’ici 2015. Cette réduction intervient trois ans après la suppression du service national.

La Suède, pourtant traditionnellement vertueuse sur le plan budgétaire, a mis fin le 1er juillet 2010 à son service militaire, considérant que cette période de 11 mois était trop coûteuse.

Même les pays qui accordent habituellement une place de choix à leur défense dans leur budget, comme le Royaume-Uni, sont forcés de procéder à des coupes financières. Le 22 juin 2010, le nouveau chancelier de l’Échiquier, George Osborne, a ainsi annoncé à la Chambre des communes un vaste programme d’assainissement des finances publiques britanniques visant à réduire le déficit budgétaire de 10,1 % du PIB en 2010-2011 à 1,1 % en 2015-2016. Pour atteindre cet objectif ambitieux, les budgets ministériels, dont celui de la défense, seront en moyenne amputés d’un quart de leurs crédits durant les quatre années à venir.

b) Hors de l’Union européenne

L’exemple russe montre que le phénomène a une dimension globale, dépassant la seule zone européenne. Pour adapter ses forces aux nouveaux enjeux et retrouver la crédibilité militaire d’une grande puissance, la Russie a décidé de réduire drastiquement ses forces pour dégager des économies lui permettant de moderniser et de renouveler ses équipements. Le schéma suivant présente les principales mesures de ce changement de format.

Réforme des forces armées russes

Source : Ria Novotsi.

B. LA RÉFORME DE LA CONDUITE DES PROGRAMMES

1. Une conduite des programmes critiquée

Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale porte un regard extrêmement sévère sur la conduite des programmes d’armement, estimant que « l’analyse du déroulement des programmes d’armement fait apparaître, dans plusieurs cas, des insuffisances graves, qui se sont traduites par des dérives de coûts, de délais et parfois de performances ». Il considère que leur « conduite [doit être] entièrement réorganisée. La rigueur du processus de lancement et de planification financière des opérations d’investissement doit être considérablement accrue » (44). La priorité est donnée à une clarification des responsabilités et à une meilleure réactivité du processus d’acquisition.

Le rapport public de la Cour des comptes pour l’année 2010 reprend l’essentiel du constat du Livre blanc. Les magistrats relèvent que « dans tous les États, le processus aboutissant à la mise en service opérationnel d’un nouveau matériel militaire se révèle long, onéreux et semé d’embûches. La France n’échappe pas à ces difficultés ». Leur étude portant sur les principaux programmes d’armement (avions de chasse Rafale, avions de transport A 400M, sous-marins SNLE et SNA, missile M51, hélicoptères NH 90 et Tigre) constate que « par rapport aux objectifs initialement retenus, les programmes d’armement considérés ont tous été affectés dans leur réalisation par des dérapages temporels et des dérives financières conduisant, in fine, à doter les forces armées plus tardivement de matériels moins nombreux et, parfois, aux capacités réduites par rapport aux spécifications retenues » (45).

Cette situation n’est toutefois pas propre à la France. La Cour indique par exemple que le Government Accountability Office (GAO), organe de contrôle américain, note lui aussi que les procédures d’acquisition demeurent sous la menace de dérapages financiers et calendaires même si elles s’améliorent (46). Ces dérapages sont dus à des modifications de spécifications, à des difficultés de développement des logiciels… Le GAO constate également que si peu de programmes débutent avec une haute maturité technologique, rares sont ceux qui ont établi des « incréments » permettant d’évaluer l’adéquation entre spécifications et réalité du développement. La plupart des programmes sont évalués trop tardivement et voient donc leurs spécifications modifiées de façon significative dans la phase de développement.

La Cour des comptes a identifié cinq insuffisances communes à tous les programmes :

- la faiblesse des travaux préalables à la décision de lancement, indiquant que « l’insuffisance de ces travaux préparatoires est source de difficultés de tous ordres et de dérives financières pour beaucoup de programmes lancés dans les années 1990. Le cas le plus emblématique est celui de l’avion militaire de transport A 400M, pour lequel une phase préliminaire d’un coût de 84 millions d’euros, demandée par l’industrie, fut refusée par les États clients. Elle aurait pourtant permis aux industriels de mieux prendre la mesure des performances demandées et de faire disparaître ou, du moins, d’atténuer les difficultés ensuite constatées au cours de l’exécution du contrat » (47) ;

- la recherche de performances technologiques ambitieuses (cf. infra) ;

- le coût de la préférence nationale ou européenne ;

- des montages contractuels parfois mal adaptés avec « un périmètre financier des programmes mal défini ». Les magistrats rappellent que « souvent constatée, cette absence de prise en compte programmée ab initio de coûts pourtant inéluctables, car correspondants à des réalisations ou à des acquisitions indispensables, empêche les responsables politiques d’avoir une appréhension complète du coût réel du programme d’armement qu’ils envisagent de lancer. Cela, en effet, fausse les tentatives d’évaluation du coût de possession et conduit à sous-estimer les besoins budgétaires réels, ce qui entraîne des besoins de ressources non prévues en LPM, complique la correcte articulation de l’avancement coordonné des différentes réalisations nécessaires à la mise en oeuvre de l’équipement considéré et handicape le contrôle des dépenses engagées » (48;

- la dérive des coûts.

Le ministère de la défense conteste partiellement ces conclusions, considérant que les réformes engagées répondent à l’essentiel des difficultés.

Question écrite n° 71490 publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 16 février 2010

M. Marc Le Fur attire l’attention de M. le ministre de la défense sur les conclusions du rapport annuel de la Cour des comptes relatives aux programmes d’armement. Les programmes analysés par la Cour ont tous connu des retards et des alourdissements du coût unitaire des matériels, qui peuvent aller de +2 % pour le sous-marin Barracuda à +78 % pour l’hélicoptère Tigre. Selon la juridiction financière, les évolutions des besoins et de la technologie comme la contrainte budgétaire expliquent pour partie ces dérives. Avec 12 milliards d’euros en 2009, les programmes d’armement représentent près des trois quarts du budget d’équipement du ministère de la défense, qui est de loin le premier de l’État. La Cour a relevé plusieurs insuffisances communes à ces programmes. Elle note que le ministère de la défense a cherché à remédier, dans son organisation, à cette situation. En effet depuis 2005, trois novations majeures dont les effets restent à consolider sont en effet intervenues : le chef d’état-major des armées a autorité sur les programmes et peut ainsi imposer ses arbitrages ; un comité ministériel d’investissement, présidé par le ministre, assure le suivi des programmes et autorise leur poursuite ; enfin, un comité financier, dont la direction du budget est membre, vérifie la programmation financière. La loi de programmation actuelle, qui porte sur la période 2009-2014, recouvre pour la première fois, l’ensemble de la mission défense, et non les seuls crédits d’équipement, ce qui présente l’avantage de permettre des arbitrages globaux. La Cour souligne toutefois que cette formule introduite aussi le risque que les crédits d’équipement servent de variable d’ajustement pour faire face à des dépenses plus immédiates. Elle préconise ainsi le complet aboutissement des réformes entamées dans la conduite des programmes d’armement, afin que ne se perpétuent pas à l’avenir les dysfonctionnements aujourd’hui constatés. Il lui demande de lui préciser les suites que le Gouvernement entend donner aux observations de la Cour.

Extrait de la réponse du ministre de la défense, publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 24 août 2010

Dans son rapport public annuel présenté en février 2010, la Cour des comptes estime que les programmes d’armement connaissent un processus de conduite et un mode de gestion qui souffrent de deux déficiences principales : la première concerne leur insertion dans la programmation financière et capacitaire du ministère de la défense, la seconde concerne les dérives de coûts et de délais. Si l’analyse de la cour n’est globalement pas contestable, elle ne reflète cependant pas suffisamment la réalité de la loi de programmation militaire et du processus de conduite des programmes d’armement, qui ne relèvent pas uniquement d’une logique financière mais recouvrent également d’autres aspects. Certains points méritent donc d’être précisés, en particulier sur les réductions de cibles et sur la polyvalence des matériels. Ainsi, les réductions de cibles de certains programmes, contribuant mécaniquement aux dérives de coût unitaire, sont en réalité davantage la conséquence de la réduction du format des armées et de l’évolution du contexte stratégique que dues, comme l’estime la Cour des comptes, à des nécessités techniques ou à des insuffisances budgétaires. L’exemple du Tigre est illustratif à cet égard : le prix unitaire de production est en effet passé de 33,5 MEUR (pour une première cible, en période de guerre froide en 1987, de 215 hélicoptères), à 50,8 MEUR (pour une cible actuelle de 80 hélicoptères). La polyvalence des matériels, dont la Cour des comptes critique le coût, permet au contraire de réduire nettement le coût global d’une force en disposant des mêmes capacités militaires avec un nombre réduit de plates-formes. Elle diminue l’empreinte logistique des forces déployées. C’est un choix fondamental et irréversible sur le plan structurel pour les forces dont la réduction de format est imposée. C’est aussi un choix essentiel pour l’industrie, qui s’organise autour de grands programmes phares polyvalents et qui peut ainsi disposer des meilleurs matériels pour rester compétitive sur le marché mondial. Pour autant, la cour reconnaît que, à l’avenir, la conduite des programmes d’armement devrait s’améliorer grâce aux réformes engagées récemment. En effet, d’importantes décisions ont été prises afin de faire progresser les performances du ministère, notamment dans ce domaine, selon trois axes : la construction de la loi de programmation militaire, la réforme de la gouvernance et l’amélioration de la conduite des programmes d’armement. La loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014 a été conçue comme un ensemble cohérent et global, constitué de l’ensemble de la mission de politique publique « défense », hors pensions. Elle programme ainsi les crédits d’équipement, les effectifs et la masse salariale associée, les crédits de fonctionnement et l’activité des forces, les investissements et le fonctionnement des autres organismes du ministère, ainsi qu’une provision pour le fonctionnement des opérations extérieures. Elle prend en compte, dès le début de son exécution, les économies sur le fonctionnement et les dépenses de personnel issues de la réforme du ministère pour maintenir un niveau élevé d’investissement tout au long de la période. Ce processus de redéploiement, effectif et déjà réalisé dès 2009, se poursuivra dans les années à venir. […]

2. La réforme engagée par le ministère de la défense

Dès 2008, la défense a entamé une modernisation de ses procédures avec une réorganisation de ses structures, une clarification des compétences et l’établissement de nouvelles normes internes.

Extrait de la réponse du ministre de la défense, publiée au journal officiel Assemblée nationale du 24 août 2010 (1)

[…] S’agissant de la réforme de la gouvernance, trois mesures sont destinées à remédier aux dysfonctionnements constatés par la Cour des comptes : la création du comité ministériel d’investissement, dont l’objectif est de rationaliser les processus décisionnels relevant de l’investissement (programmes d’armement et d’infrastructure, soutien en service, études) et de garantir la maîtrise et l’optimisation des investissements, en cohérence avec les budgets disponibles et prévisionnels, tout en tenant compte d’impératifs capacitaires, industriels ou technologiques ; la mise en place du comité financier interministériel, au sein duquel le directeur du budget participe à un examen contradictoire de la « soutenabilité » de la programmation ; le renforcement de la clarté et de la cohérence des choix à exercer avec les nouvelles prérogatives du chef d’état-major des armées, arbitre des besoins capacitaires. Enfin, le ministère de la défense met actuellement en œuvre plusieurs actions destinées à améliorer encore la conduite des programmes d’armement tout au long du cycle de vie, en instaurant des équipes de programme intégrées, responsables de la conduite des programmes jusqu’à leur démantèlement, ainsi qu’un suivi du coût global de possession. C’est ainsi qu’un nouveau découpage en six stades du cycle de vie des opérations d’armement (stades d’initialisation, d’orientation, d’élaboration, de réalisation, d’utilisation et de retrait de service) a été mis en place afin de favoriser la coordination des différents acteurs. Le coût global de possession est désormais pris en compte dès le début et sera présenté et actualisé régulièrement dans les documents de programme, au-delà de la seule part d’acquisition. Le complet aboutissement de ces réformes, déjà engagées, doit permettre d’améliorer les processus de conduite des opérations d’armement, conformément aux recommandations faites par la Cour des comptes.

(1) réponse à la question écrite n° 71490 de M. Marc Le Fur (cf. supra).

3. Les instances participant aux programmes d’équipement

Pour mettre en œuvre les préconisations du Livre blanc en matière de gouvernance des investissements, plusieurs instances ont été profondément réformées et d’autres ont été créées. La structure est désormais clairement pyramidale avec le Président de la République à son sommet. L’instruction générale du 26 mars 2010 précise en effet que « la gouvernance des opérations d’investissement s’inscrit dans le cadre de la politique déterminée par le Président de la République en Conseil de défense et de sécurité nationale » (49).

● Au sommet de la pyramide se trouve le conseil de défense et de sécurité nationale (CDSN). Le décret du 24 décembre 2009 en définit le rôle et la composition et modifie en conséquence le code de la défense. Concernant les équipements, le CDSN définit les orientations de la programmation militaire et de la dissuasion. Présidé par le Président de la République, il regroupe le Premier ministre, les ministres de la défense, de l’intérieur, de l’économie, du budget et des affaires étrangères ; il peut entendre d’autres autorités. En son sein, une formation spécialisée, le conseil des armements nucléaires, est en charge de la dissuasion. Y participent le Président de la République, le Premier ministre, le ministre de la défense, le chef d’état-major des armées, le délégué général pour l’armement et le directeur des applications militaires du commissariat à l’énergie atomique (CEA).

Le secrétariat du CDSN est assuré par le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). Service du Premier ministre, il « anime et coordonne les travaux interministériels relatifs à la politique de défense et de sécurité nationale et aux politiques publiques qui y concourent » (50). Il a notamment en charge la sécurité des systèmes d’informations, la mise en cohérence de la politique de recherche et des projets technologiques intéressant la défense, ainsi que le contrôle des exportations d’armement et de matériels ou technologies stratégiques.

● Se substituant à l’ancien conseil des systèmes de force, le comité ministériel d’investissement (CMI) est « l’instance du ministère de la défense dédiée à la maîtrise des projets d’investissements du ministère » (51). Il est compétent notamment pour les opérations d’armement et le maintien en condition opérationnelle. Le CMI assiste le ministre en matière de décisions d’investissement, notamment en s’assurant de leur conformité avec la politique de défense, leur maîtrise et optimisation capacitaire, industrielle, technologique et financière, leur cohérence globale. Le comité financier interministériel émet dans le même temps un avis sur la soutenabilité financière de la programmation militaire.

Seules les opérations majeures d’investissement sont soumises au CMI : il s’agit d’opérations dépassant un seuil financier ou liées à un enjeu stratégique, capacitaire, industriel ou de coopération. Les dossiers de franchissement de stade des opérations majeures et les grandes décisions structurantes sont systématiquement inscrits à l’ordre du jour du CMI.

Le ministre de la défense préside chaque mois le CMI qui rassemble le chef d’état-major des armées, le délégué général pour l’armement et le secrétaire général pour l’administration. Dans cette configuration et en cas de désaccord entre les trois grands subordonnés du ministre, le CMI devient une instance d’arbitrage. Assistent également aux réunions le chef du contrôle général des armées et le directeur des affaires financières, secrétaire du comité. Il convient ici de noter l’absence des chefs d’état-major d’armée qui toutefois peuvent être conviés à certaines réunions en fonction de leur ordre du jour.

● Deux instances sont subordonnées au CMI : la commission exécutive permanente et le comité des capacités. La première examine la « cohérence physico-financière du contenu de l’opération d’investissement » (52). Elle procède à une évaluation de la faisabilité financière de l’opération au regard du budget et de la programmation budgétaire et élabore par ailleurs chaque année la liste des opérations majeures d’investissement.

Reprenant les attributions du comité exécutif des systèmes de forces et du comité d’architecture des systèmes de forces, le comité des capacités « a pour mission générale d’émettre des avis relatifs aux capacités et à l’intégralité du cycle de vie des opérations d’investissement » (53). Ses avis portent notamment sur les expressions de besoin opérationnel, sur les décisions de lancement du stade d’initialisation, sur les différentes fiches de caractéristiques militaires, sur l’adéquation entre les contrats opérationnels et les moyens affectés au soutien… Présidé par le sous-chef Plans de l’état-major des armées, le comité des capacités rassemble le directeur de la stratégie de la DGA et le directeur des affaires financières. Y sont également associés les sous-chefs d’état-major plans-programmes des trois armées.

● Ces instances créées ou réformées à la suite du Livre blanc remplacent de précédentes dont les dysfonctionnements ont été régulièrement dénoncés, notamment par la Cour des Comptes. Mais la création de nouvelles instances, aussi nombreuses soient-elles, ne protège pas des dérives précédemment observées.

L’annexe 3 de l’instruction relative au fonctionnement du comité des capacités souligne en effet que « la mise en arbitrage, au niveau du CMI, des sujets traités est fondée sur le partage de l’information entre les acteurs ». Le partage de l’information est une préoccupation majeure car « les travaux du CMI s’appuient sur une information fiable, traçable et partagée au sein du ministère, notamment pour l’information financière » (54). Il convient donc de garantir en pratique la circulation des données : il n’est possible de moderniser les processus que si les différentes structures travaillent ensemble et échangent les informations.

C’est en ce sens que la Cour des Comptes, tout en reconnaissant que « les principes ayant guidé ces réformes successives vont assurément dans le bon sens », considère qu’il « faut cependant consolider celles-ci. » Les juges financiers précisent ainsi que :

« - le comité ministériel d’investissement, déjà réuni huit fois à la mi-septembre 2009, est un élément essentiel du nouveau dispositif : son bon fonctionnement requiert la présence effective du ministre et, compte tenu du rythme des réunions, cela suppose de sa part une grande disponibilité ;

- les rôles respectifs de l’EMA et des états-majors d’armée doivent être précisés à tous les niveaux et l’organisation de ces différents états-majors, revue en conséquence afin de mettre fin aux doubles emplois ;

- il faudra évaluer l’efficacité du nouveau découpage du processus de réalisation des programmes d’armement, qui suppose que des mêmes équipes soient successivement placées sous la responsabilité d’autorités différentes (CEMA et DGA) ;

- si le bien-fondé de la mise en place de la procédure d’actualisation financière trimestrielle des programmes est indiscutable, sa mise au point, non encore achevée, est particulièrement lourde. Elle apparaît cependant comme une condition nécessaire au dialogue entre le ministère de la défense et celui chargé du budget ;

- les résultats obtenus en pratique par le comité financier, comité dont les finalités et les modalités de fonctionnement ne sont pas encore complètement clarifiées, devront être soigneusement analysés : il conviendra, en particulier, de vérifier que la transparence accrue qui devrait en résulter sur le plan budgétaire à l’égard de la direction du budget, revendication ancienne et justifiée dans son principe, n’entraîne pas dans les faits un recours trop fréquent à l’arbitrage des autorités politiques. En outre, compte tenu du poids du budget du ministère de la défense, la réussite du comité financier apparaît aujourd’hui comme une condition nécessaire à l’allègement envisagé du contrôle budgétaire et comptable ministériel » (55).

Il est encore trop tôt pour tirer un premier bilan de ce nouveau cadre institutionnel d’autant plus qu’une nouvelle procédure d’acquisition est mise en place depuis le printemps 2010.

4. Une nouvelle procédure : l’instruction 1516

a) Le déroulement des opérations d’armement

— Très attendue, la nouvelle instruction relative au déroulement et à la conduite des opérations d’armement a été signée le 26 mars 2010 par le chef d’état-major des armées. « Elle fixe les principes généraux qui régissent une opération d’armement sur son cycle de vie, depuis le stade d’initialisation jusqu’à celui de retrait du service, ainsi que les attributions et les relations entre chaque acteur impliqué : l’état-major des armées (EMA), la direction générale de l’armement (DGA), le secrétariat général pour l’administration (SGA), les états majors d’armées lorsqu’ils ont délégation, et les structures de soutien ».

Une opération d’armement est une opération d’investissement destinée à satisfaire un besoin opérationnel. Seules les opérations majeures sont soumises à la procédure de l’instruction 1516, exigeant notamment l’intervention du chef d’état-major des armées voire du comité ministériel d’investissement. La liste des opérations majeures est transmise en début d’année au CMI pour validation et signature par le ministre ; « à cette occasion, le CMI identifie les opérations susceptibles d’être examinées en son sein dans l’année (par exemple, opération dont le coût d’acquisition est supérieur à 500 millions d’euros) ; les autres opérations étant traitées par subsidiarité par les grands subordonnés responsables des stades concernés. Cette identification structure l’ordre du jour annuel du CMI ».

Cette distinction entre les opérations, impliquant des procédures plus ou moins lourdes, n’est pas une invention bureaucratique française, d’autres États y ayant recours. Le ministre indien des finances a par exemple proposé en juin 2010 de relever les seuils financiers qui régissent les procédures d’acquisition : tout contrat inférieur à 108,6 millions de dollars (contre 21,7 millions de dollars actuellement) sera dispensé de l’approbation du ministère des finances ; tout contrat inférieur à 217,3 millions de dollars échappera, quant à lui, à l’examen par le conseil gouvernemental de sécurité. Plusieurs opérations d’armement peuvent être rassemblées dans un programme d’ensemble, afin de répondre à un besoin opérationnel complexe, à l’exemple du programme SCORPION de l’armée de terre.

— Les opérations d’armement se décomposent en six stades, bornés par des jalons dont le franchissement fait l’objet d’un dossier de changement de stade.

schéma du déroulement d’une opération d’armement

Source : instruction générale n° 125/DEF/EMA PLANS/COCA – n° 1516/DEF/DGA/DP/SDM du 26 mars 2010.

● Sous la responsabilité du chef d’état-major des armées, le stade d’initialisation « est destiné à encadrer le processus d’expression du besoin et à identifier les options possibles ». Validant l’opportunité d’un besoin exprimé par un état-major, la décision du lancement d’initialisation prise par le chef d’état-major des armées est le jalon officiel marquant le début du stade. Il est clos par l’approbation d’un dossier d’orientation rédigé par un architecte de système de forces (ASF) issu de la direction de la stratégie de la DGA et un officier de cohérence opérationnelle (OCO) issu des forces.

L’OCO rédige notamment l’objectif d’état-major, analyse les besoins convergents à l’étranger, identifie les études technico-opérationnelles à mener et les nouvelles doctrines d’emploi. L’ASF recense les études amont nécessaires. Le dossier d’orientation, terme de ce stade, est approuvé soit par le chef d’état-major des armées, soit par le ministre dans le cadre du CMI.

● Également sous la responsabilité du chef d’état-major des armées, le stade d’orientation stabilise le besoin opérationnel et évalue les options pour y répondre sous les angles industriels, financiers, calendaires…

Conjointement au couple ASF/OCO, est mis en place le couple formé par l’officier de programme (OP) et le directeur de programme (DP), respectivement désignés par le chef d’état-major des armées et le délégué général pour l’armement. Le directeur de programme dépend d’une des dix unités de management dépendantes de la direction des opérations de la DGA (cf. infra). Si le programme est mené en coopération, l’OP et le DP ont pour mission de contrôler le maître d’ouvrage délégué à cette fin qu’il s’agisse de l’OCCAr, de l’OTAN ou de tout autre organisme. Sous la direction conjointe de l’OP et du DP, une équipe de programme intégrée (EDPI) est alors constituée, réunissant toutes les compétences « permettant l’optimisation et la maîtrise de l’opération d’armement en termes de coûts, de délais et de performances sur l’ensemble du cycle de vie ». Sa composition est donc évolutive. À ce stade est également mis en place un comité de pilotage (COPIL), supervisant la conduite de l’opération d’armement. En fonction des stades, le COPIL est présidé par le sous-chef de l’état-major des armées en charge des programmes ou le directeur des opérations de la DGA.

Le besoin est alors précisé dans une fiche de caractéristiques militaires stabilisées (FCMs). Un premier calendrier de livraison prévisionnel est établi, au regard notamment d’études de faisabilité, d’analyses des risques techniques et financiers. De même sont réalisées des estimations financières pour chacune des options de l’opération. La fiche privilégie les objectifs opérationnels, notamment les effets recherchés, pour éviter de se référer à des solutions technologiques préétablies ou ambitionnées.

Au terme de ce stade, un dossier de choix, sous la responsabilité de la DGA, est alors rédigé et soumis à l’approbation du ministre dans le cadre du CMI ou du délégué général pour l’armement.

● Sous la responsabilité du DGA, le stade d’élaboration voit l’entrée en action de l’industrie pour spécifier la ou les solutions retenues à l’issue de l’examen du dossier de choix. Ce stade « repose sur l’élaboration d’une définition du système suffisamment complète et précise, sur la préparation des contrats principaux d’acquisition incluant le choix de l’organisation industrielle, sur la levée des risques des points critiques, sur l’évaluation de l’impact des risques résiduels et sur les modalités de maintien en condition opérationnelle et de retrait du service ».

Au cours de ce stade, le besoin opérationnel est finalisé dans la fiche de caractéristiques militaires de référence (FCMr). De même sont précisés la stratégie d’acquisition, les spécifications techniques, les conditions de faisabilité, les délais de réalisation et les modalités de qualification. Les marchés avec l’industrie sont négociés et conclus au cours de ce stade. Il est clos par l’approbation par le ministre ou le DGA du dossier de lancement de réalisation.

● Également sous la responsabilité du DGA, le stade de réalisation vise à livrer le système d’armes aux armées, MCO compris. Sont soumis à évaluation la bonne exécution du contrat sous tous ses aspects ainsi que les premiers retours d’expérience d’utilisation par les forces de l’équipement. Des adaptations peuvent être menées. La clôture de ce stade intervient à la livraison non pas du premier exemplaire mais du dernier. Il peut donc se chevaucher avec le stade d’utilisation.

● Le stade d’utilisation, sous responsabilité du chef d’état-major des armées, débute avec l’approbation du dossier de lancement d’utilisation : la mise en service opérationnel est alors prononcée après la qualification de l’équipement, la validation de la doctrine d’emploi et la mise en place des organisations, équipements, infrastructures, services de soutien et moyens de formations nécessaires à son emploi.

● Le dernier stade, retrait du service, débute par l’approbation du dossier de retrait du service qui en fixe les modalités : cession, démantèlement, stockage… Ce stade peut être lancé alors que la majorité des équipements concernés sont toujours au stade d’utilisation.

— L’instruction autorise à déroger à ce schéma dans le cadre d’une démarche dite incrémentale. Elle indique que, « eu égard à la complexité, aux coûts et à la durée moyenne de réalisation et d’utilisation des équipements, il peut être décidé de donner une première réponse à un besoin opérationnel sans attendre de disposer de toutes les technologies nécessaires ou avoir défini précisément la capacité opérationnelle finale ». Ceci suppose au préalable de bien définir ce qui doit demeurer permanent tout au long de la vie du système de ce qui est susceptible d’évoluer. Cette approche demande une organisation spécifique pour ne pas perdre la cohérence d’ensemble au fur et à mesure des évolutions et un cadre juridique adapté, donnant aux industriels des garanties suffisantes sur la durée du contrat.

Les urgences opérationnelles s’extraient également du cadre ordinaire. Décidée par le chef d’état-major des armées, cette procédure exceptionnelle est déterminée en fonction du besoin exprimé par les armées et du degré d’urgence de la réponse. Pour respecter le calendrier contraint, plusieurs dérogations à l’instruction peuvent être accordées.

Dans le cadre du plan de relance et des acquisitions pour urgence opérationnelle (AUO), la DGA, les états-majors et les industriels ont démontré leur capacité collective à agir de façon rapide, efficace et économe. Ainsi, le plan de relance a permis de diviser par deux les délais de contractualisation. Mais, comme s’évertue à le souligner la DGA, le plan de relance et les AUO demeurent des exceptions. Compte tenu de la dynamique positive engendrée par les procédures exceptionnelles, il serait pertinent de généraliser ces pratiques, surtout dans un environnement budgétaire contraint.

b) Les apports de la nouvelle instruction

L’instruction 1516 comporte des éléments particulièrement positifs : la décomposition des opérations en stades et jalons permet de contrôler la pertinence et l’efficience de l’opération d’armements. Elle doit permettre d’éviter les dérapages techniques et financiers observés auparavant sur bon nombre de programmes. Toutefois, il n’est pas certain que cette approche soit transposable à des programmes menés en coopération : la difficulté à définir précisément le besoin opérationnel commun et à trouver la réponse technologique idoine dans une enveloppe budgétaire partagée, laisse peu de place à des remises à plat ponctuelles.

Les concepts de coût global, c’est-à-dire la somme des dépenses sur l’ensemble de la vie du produit pour un usage donné, et de soutien logistique intégré, qui consiste à intégrer à la conception du produit les éléments nécessaires au maintien de sa disponibilité, sont théoriquement des garanties contre les difficultés apparaissant après la livraison de l’équipement aux forces. Les polémiques sur le coût de l’heure de vol d’un aéronef n’auraient par exemple plus lieu d’être si ce montant était estimé plus en amont ; seul importerait le différentiel entre le coût global établi lors des premiers stades et le coût constaté. Une trop grande différence serait de nature à engager la responsabilité financière non seulement de l’industriel mais aussi des services du ministère (EMA et DGA).

L’instruction généralise également le RETEX (retour d’expérience) à toutes les opérations et ce, dès les premières utilisations. Cette avancée est de nature à rapprocher les forces de la DGA et à contraindre les personnels chargés de la conduite des opérations à se rendre plus souvent sur le terrain pour évaluer au plus près l’adéquation entre le système conçu et le besoin exprimé. Au-delà de la problématique liée à chacun des équipements, le RETEX doit permettre d’affiner les procédures d’expression du besoin des forces et leur traduction en termes de systèmes.

La satisfaction des utilisateurs, évaluée par la DGA sur la base d’enquêtes, est désormais prise en compte. Les utilisateurs sont les personnels en charge de mettre en œuvre les matériels mais aussi ceux en charge de leur maintenance. L’instruction 1516 prévoit que tout au long d’une opération d’armement, « des réunions spécifiques ou “ forums ” (entre : industriels, utilisateurs de terrain actuels ou futurs, structures de soutien et EM) peuvent être organisées par l’équipe de programme intégrée (EDPI), garante de la satisfaction du besoin militaire. Ces forums s’appuient en principe sur des enquêtes de satisfaction préalables. Ils peuvent être prévus contractuellement et s’étendre jusqu’au retrait du service ». Les documents budgétaires, notamment le rapport annuel de performances, s’enrichiraient grandement de la définition d’un indicateur de satisfaction par équipement, traduction de ces enquêtes internes.

Alors que le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale en souligne l’importance pour atténuer la charge financière, l’exportabilité des équipements ne fait pas l’objet de développements spécifiques dans la nouvelle instruction. Même s’iil est précisé que l’exportation peut être « un paramètre stratégique structurant » pour le choix du système, l’intervention de la direction du développement international de la DGA, en charge du développement des exportations d’armement, n’est pas spécifiquement mentionnée. On peut s’en étonner compte tenu notamment de la large place laissée dans l’instruction à d’autres préoccupations comme l’éco-conception.

L’instruction 1516 fait intervenir les industriels au stade de l’élaboration, conformément aux pratiques antérieures. Au Royaume-Uni, la procédure dite du team complex weapons associe nettement plus en amont les industriels à la procédure d’acquisition. Elle implique une profonde mutation de la conduite des programmes vers plus de dialogue, de coopération et de confiance mutuelle. Elle exige des modifications législatives conséquentes et des engagements budgétaires pérennes. Sa transposition en France est aujourd’hui purement théorique mais le développement envisagé de programmes franco-britanniques verra s’affronter deux logiques de conduite de programme difficilement compatibles : le pragmatisme britannique face à la tradition française. Il est dès lors imaginable que l’instruction succédant à l’actuelle 1516 puisse intégrer des éléments de l’expérience du team complex weapons britannique.

5. La réorganisation de la DGA

Au cours de l’hiver et du printemps 2010, un grand nombre d’instructions reconfigurant l’organisation interne de la DGA, les compétences et responsabilités des différents services et unités ont été publiées. Avec ces textes et l’instruction générale 1516, la refonte complète de la conduite des opérations d’armement souhaitée par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale est entrée dans une phase opérationnelle.

Six directions composent la DGA : opérations, stratégie, développement international, technique, plans-programmes-budget et ressources humaines. Elles ont elles-mêmes autorité sur plusieurs organismes extérieurs tels que des centres d’essais ou des unités de management.

Question écrite n° 74979 publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 30 mars 2010

M. François Cornut-Gentille interroge M. le ministre de la défense sur la réorganisation de la direction générale de l’armement. Par plusieurs instructions en date des 16 et 22 février, sont définies les missions et l’organisation de plusieurs « organismes extérieurs sous la direction de la direction technique » de la direction générale de l’armement : DGA Essais de missiles, DGA Essais propulseurs, DGA techniques navales, DGA maîtrise NRBC… Afin de bien saisir la portée de la réforme en cours et donc de ces instructions, il lui demande de préciser le statut juridique de ces organismes extérieurs et de leurs personnels, ainsi que leur traduction budgétaire et comptable dans la mission budgétaire « défense ».

Réponse du ministre de la défense, publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 29 juin 2010

L’organisation de l’administration centrale du ministère de la défense est fixée par le décret n° 2009-1178 du 5 octobre 2009 (décret n° 2009-1178 du 5 octobre 2009 portant organisation de l’administration centrale du ministère de la défense). Le ministère de la défense n’est pas soumis aux principes de déconcentration déterminés par le décret n° 92-604 du 1er juillet 1992 portant charte de la déconcentration. En effet, le champ d’application des textes organisant l’administration territoriale de la République est limité aux services déconcentrés des administrations civiles de l’État. Parmi les services placés sous l’autorité du ministre de la défense, seuls les services déconcentrés chargés des anciens combattants constituent des administrations civiles de l’État placées sous l’autorité des préfets, conformément à l’article 15 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 (décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation et à l’action des services de l’État dans les régions et départements). Dès lors, l’organisation du ministère de la défense s’articule autour, d’une part, de services d’administration centrale, d’autre part, de services extérieurs à l’administration centrale, et non de services déconcentrés. « DGA techniques navales », « DGA maîtrise NRBC », « DGA essais propulseurs » ou encore « DGA essais de missiles », qui relèvent de la direction technique de la direction générale de l’armement (DGA), font partie de ces organismes extérieurs à l’administration centrale du ministère de la défense. Cette qualification a pour conséquence de rendre inapplicables aux organismes concernés les dispositifs juridiques propres aux administrations centrales, tels que celui des délégations automatiques de signature dont le dispositif est prévu par le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 (décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement) ou ceux organisant le régime indemnitaire du personnel servant en administration centrale. Les agents des organismes extérieurs de la DGA appartiennent, pour le personnel militaire, aux corps de l’armement et sont, s’agissant du personnel civil, soit fonctionnaires de l’État, soit ouvriers de l’État, soit contractuels de droit public. La nouvelle organisation de la DGA, fixée par le décret n° 2009-1180 du 5 octobre 2009 (décret n° 2009-1180 du 5 octobre 2009 fixant les attributions et l’organisation de la direction générale de l’armement) et l’arrêté du 2 décembre 2009 (arrêté du 2 décembre 2009 relatif à l’organisation de la direction générale de l’armement) n’a entraîné aucun changement sur le plan budgétaire et comptable de ses organismes extérieurs. Comme avant la réorganisation de la DGA, ils disposent d’un budget de fonctionnement pour leur permettre de mener à bien leurs missions. Ces budgets de fonctionnement sont principalement imputés sur le budget opérationnel de programme de la direction générale de l’armement (BOP DGA) du programme 146 (« Équipement des forces ») de la mission budgétaire « Défense ». Le budget des organismes extérieurs est suivi et contrôlé par leur direction de rattachement qui effectue les arbitrages nécessaires dans le respect de son enveloppe globale.

Compte tenu de leur rôle dans la conduite des programmes d’armement, le rapporteur a souhaité examiner plus précisément l’organisation et le fonctionnement de quatre directions de la DGA.

a) La direction des opérations

Elle supervise les dix unités de management (UM) qui conduisent les opérations d’armement inscrites au programme 146. Le découpage retenu n’a pas évolué depuis la dernière instruction, étant l’expression du découpage budgétaire en budget opérationnel de programme (BOP). Compte tenu de la durée des programmes, une instabilité organique serait particulièrement handicapante ; pour autant la structure actuelle appelle plusieurs observations.

Ces unités de management peuvent le cas échéant apporter leur concours à d’autres services ou organismes dépendant d’autres ministères (douanes, sécurité civile, forces de l’ordre, DGAC, CEA…). Ainsi, l’UM opérations d’armement hélicoptères (UM HELI) a en charge les hélicoptères équipant les forces armées mais aussi les opérations qui lui sont confiées par la gendarmerie nationale, par la sécurité civile et par les douanes. De même, l’UM opérations d’armement aéronautiques (UM AERO) organisée autour de quatre segments de management (A400M, avions de combat et armement, avion de transport et mission, aviation civile et études amont) peut également intervenir en faveur de la direction générale de l’aviation civile, de la sécurité civile (bombardiers d’eau) et des douanes. Cette ouverture vers l’extérieur devrait être systématiquement étendue à toutes les unités de management (hors dissuasion) pour renforcer les synergies entre les différents ministères. Ceci est particulièrement valable pour les drones, les navires de surface et les véhicules blindés.

La dissuasion nucléaire est scindée en deux unités correspondant aux deux composantes : l’UM Coelacanthe (UM COE) en charge de la composante océanique de la dissuasion (systèmes d’arme et installations) et l’UM Horus (UM HOR) en charge des composantes nucléaires aéroportées (air et marine), de la composante transmissions nucléaires et des transports spéciaux. À ces deux unités, il convient d’ajouter l’UM nucléaire, biologique et chimique (UM NUC) aux missions élargies aux opérations d’armement et de dépollution NRBC (nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique). Cette dernière unité assure pour la DGA l’orientation et le suivi des activités confiées au commissariat à l’énergie atomique dans les applications militaires de l’énergie nucléaire. Elle contribue également à la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et étudie la vulnérabilité des systèmes et des infrastructures aux effets des armes nucléaires.

Les équipements aéronautiques sont dispersés en plusieurs unités : l’UM AERO compte quatre segments de management (A400M, avions de combat et armement, avion de transport et mission, aviation civile et études amont) ; l’UM Rafale englobe non seulement l’avion multirôles mais aussi ses armements spécifiques, les différents équipements embarqués et l’ensemble de l’environnement Rafale (simulateur, systèmes de préparation de mission…). Enfin, l’UM missiles et drones (UM MID) agit au profit des composantes missiles et drones des trois armées. La pertinence de ce découpage n’apparaît pas spontanément.

La conduite des programmes terrestres et navals est plus concentrée : l’UM opérations d’armement navales (UM NAV) est responsable des systèmes et matériels navals, des bâtiments de surface et sous-marins, des systèmes tactiques de conduite des opérations navales et d’environnement correspondant ; l’UM opérations d’armement terrestre (UM TER) conduit les programmes de véhicules de combat, de transport logistique et de moyens d’aérolargage ainsi que les programmes d’équipement du génie, d’aide au déploiement des forces terrestres, d’équipement des fantassins, de systèmes d’artillerie et de systèmes d’information concourant à la numérisation du champ de bataille.

L’UM espace et systèmes d’information opérationnels (UM ESIO) compte six segments de management : réseaux métropole, intranets et sécurité ; réseaux tactiques et opératifs ; systèmes d’information opérationnels et de communication air et mer ; systèmes d’information opérationnels et de communication terre et interarmées ; systèmes de renseignement ; études amont. À ces segments s’ajoute la direction d’opération d’ensemble « liaisons de données tactiques ».

b) La direction technique

Issue de la fusion entre l’ancienne direction de l’expertise et l’ancienne direction des essais, la direction technique supervise les neuf centres d’expertises d’essais et d’évaluations techniques de la DGA. Tous les équipements des forces y sont vérifiés et expérimentés. C’est le cœur de métier technique de la DGA qui regroupera, à l’horizon 2014, 6 500 personnes.

DGA techniques navales à Toulon exerce sa mission dans tous les domaines relatifs aux systèmes de lutte navale, de guerre des mines, de télécommunication et d’aide au commandement navals. Il œuvre également dans le cadre de l’intégration des armes aux plates-formes navigantes. La robotique navale entre également dans son champ de compétence. Le groupe d’études sous-marines de l’Atlantique (GESMA), implanté à Brest, intervient sur la guerre des mines, la détection et la discrétion électromagnétique, les communications acoustiques sous-marines et effectue des expérimentations en robotique et guerre des mines. Il effectue également des mesures et analyses de signatures acoustiques et électromagnétiques de bâtiments de surface et sous-marins. Le GESMA est appelé à fermer en 2011, dans le cadre de la RGPP.

DGA techniques terrestres, installé à Bourges, apporte son expertise sur les systèmes terrestres, les munitions, la pyrotechnie, la robotique et les mini drones. L’établissement technique d’Angers (ETAS), implanté à Montreuil-Juigné (Maine et Loire), intervient plus spécifiquement sur les systèmes et véhicules de combat à chenilles et à roues, les véhicules tactiques et logistiques, le matériel du génie, les systèmes terrestres télé-opérés ou robotisés, les équipements du combattant et les systèmes d’information et d’observation du champ de bataille. Dans le cadre de la RGPP, l’ETAS est appelé à être transféré à Bourges en 2012, même si les moyens d’essais lourds continueront à être entretenus.

DGA techniques aéronautiques de Balma (Haute-Garonne) exerce sa mission dans le domaine des plates-formes aéronautiques. Ce centre intervient notamment sur les structures et systèmes de roulage et d’atterrissage, le conditionnement de l’air, les systèmes de puissance, l’avionique, les équipements sécurité-sauvetage, les agressions électromagnétiques, les signatures optiques… Il simule et réalise des essais d’aérotransport et aérolargage de charges lourdes, de largage de personnels. Il qualifie les parachutes destinés aux armées. Il peut être missionné en tant qu’expert dans le cadre d’investigations à la suite d’accidents.

DGA essais en vol réalise les expertises et essais des aéronefs à usage militaire, des propulseurs, équipements aéronautiques et armements aéroportés mais aussi de matériels aériens à usage civil. Il assure la réception en vol des aéronefs de l’État. Il fournit également des prestations d’expertise nécessaires à l’exploitation des incidents ou accidents aériens. Ce centre dispose de deux sites, sur les bases de Cazaux et d’Istres. Dans le cadre de la RGPP, les antennes de l’ancien centre d’essais en vol (CEV) à Brétigny-sur-Orge et à Toulouse ferment.

DGA essais de missiles a un panel d’activités particulièrement large : réalisation des essais de systèmes d’armes (missiles, torpilles, drones et autres munitions) en tout milieu (terrestre, aérien, marin, sous-marin) ; organisation des entraînements comprenant des tirs pour le compte des forces françaises ou étrangères ; réalisation d’activités de simulation de guerre électronique… Le centre d’achèvement et d’essais des propulseurs et engins (CAEPE), implanté à Saint-Médard, réalise l’expertise et les essais au sol des systèmes propulsifs de missiles et lanceurs. Il procède également à l’élimination ou à la valorisation des missiles stratégiques en retour de dotation. À Biscarosse (Landes), site de l’ancien centre d’essais de lancement de missiles (CELM), sont exécutés les essais en vol des missiles, notamment de la dissuasion avec le renfort du bâtiment d’essais et de mesures Monge. Le champ de tir s’étend sur 15 000 hectares et le champ de tir marin peut être étendu jusqu’au large des côtes américaines ou de la Guyane. Au large de Toulon, la base de l’île du Levant (ancien centre d’essais de la Méditerranée ou CEM) a en charge les essais en milieu sous-marin et des activités de simulation de guerre électronique. Sur l’île, le champ de tir est de 930 hectares, le champ de tir marin étant profond de 200 km avec instrumentation de trois polygones sous-marins pouvant aller jusqu’à 2 500 m. Le troisième site historique, le centre d’essais de Plouhinec (Morbihan), ancien GERBAM, est fermé dans le cadre de la RGPP.

DGA maîtrise NRBC, ancien centre d’études du Bouchet (CEB), est implanté à Vert le Petit dans l’Essonne. Il intervient sur les risques biologiques et chimiques, le durcissement des équipements des armées vis-à-vis des agressions chimiques et biologiques, la dépollution et destruction des armes chimiques et la lutte contre la prolifération. Éloigné seulement d’une dizaine de kilomètres de l’institut de recherche biomédicale des armées (IRBA) du service de santé des armées (SSA), ce centre rechigne à développer des synergies d’équipement, notamment en matière de laboratoire P4 (56).

DGA essais propulseurs, ancien CEPr, conçoit et réalise des essais en condition de vol simulés de moteurs aérobies aéronautiques, de leurs composants et des équipements associés. Le centre installé à Saclay dans l’Essonne intervient en tant qu’expert dans le cadre d’enquêtes suite à des accidents aériens.

DGA techniques hydrodynamiques utilise le bassin d’essais des carènes du Val de Reuil dans l’Eure pour ses travaux en hydrodynamique, hydroacoustique et couplage fluide-structure. Ces expertises sont exploitées pour évaluer la performance des plates-formes, le bruit des propulseurs, la sécurité des bâtiments. Plusieurs équipements sont sur ce site : un grand tunnel hydrodynamique pour l’évaluation des hélices, une cuve à houle, un bassin de traction de 545 mètres avec une profondeur de 7 mètres et un bassin de giration.

DGA maîtrise de l’information, anciennement CELAR, est implanté à Bruz dans l’Ille-et-Vilaine. Sa mission englobe l’architecture des systèmes de systèmes, l’ingénierie des systèmes, l’évaluation de l’utilisation du spectre des fréquences, les réseaux de télécommunication et systèmes de transmission, l’interopérabilité de systèmes de commandement et communication, les systèmes de renseignement (capteurs spatiaux, drones), la sécurité des systèmes d’information, la performance de systèmes d’armes de guerre électronique et optronique, l’évaluation des systèmes de missiles tactiques et stratégiques et l’expertise de composants électroniques spécifiques défense. Dans le cadre de la RGPP, à partir de 2011, ce centre sera renforcé par les équipes du Laboratoire de recherches balistiques et aérodynamiques (LRBA) de Vernon. Ce transfert a fait l’objet de développements spécifiques dans le deuxième rapport de la mission d’information de la commission sur la mise en œuvre et le suivi de la réorganisation du ministère de la défense (57).

Mention doit enfin être faite du centre d’études de Gramat, situé dans le Lot, transféré depuis le 1er janvier 2010 à la direction des applications militaires du commissariat à l’énergie atomique. Ce centre étant la référence nationale pour l’évaluation des vulnérabilités des systèmes d’armes aux agressions des armes nucléaires et conventionnelles, son rattachement au CEA répond à une logique de rationalisation compréhensible.

c) La direction de la stratégie

Ancienne direction des systèmes de forces et des stratégies industrielles, technologique et de coopération, elle a en charge les phases initiales de lancement des opérations d’armement. Elle assure la cohérence des systèmes de forces et la préparation du futur, pilote les études amont et assure le suivi de la base industrielle et technologique de défense (BITD). Elle se compose des entités suivantes.

Le service des recherches et technologies de défense et de sécurité (SRTS) concourt au pilotage des politiques sectorielles, industrielles et technologiques de la DGA, à la préparation de la définition de la politique de recherche du ministère de la défense, à l’animation des activités liées aux technologies de souveraineté. Les études amont sont de son domaine de compétence. Ce service exerce également la tutelle sur l’office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA), sur l’institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis et sur le centre national d’études spatiales (CNES).

La mission pour la recherche et l’innovation scientifique (MRIS) est l’interlocuteur de la communauté scientifique nationale et internationale. Elle pilote les actions de recherche et d’innovation intéressant la défense. Elle exerce la tutelle de plusieurs écoles d’ingénieurs : l’école polytechnique, l’école nationale supérieure des ingénieurs des études techniques d’armement (ENSIETA), l’école nationale supérieure de techniques avancées (ENSTA) et l’institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace (ISAE).

Le service d’architecture des systèmes de forces (SASF) effectue des travaux prospectifs, se traduisant notamment par le plan prospectif à 30 ans (PP30), établit les orientations en matière d’études amont et définit les besoins en études à caractère opérationnel et technico-opérationnels (EOTO). Ce service est en étroite relation avec les forces. Les ingénieurs ASF travaillent avec les officiers de cohérence opérationnelle (OCO) et les officiers de cohérence d’armée (OCA). Cette collaboration indispensable est cependant culturellement délicate à optimiser et repose, pour beaucoup, sur les personnels plus que sur les procédures.

En matière d’EOTO, le SASF s’appuie sur le centre d’analyse technico-opérationnelle de défense (CATOD). Ces études viennent en complément des études amont et des études à caractère politico-militaire, économique et social. Elles visent à apporter aux différents organismes du ministère de la défense une aide à la décision en matière d’acquisition et d’emploi des équipements. On distingue les études de prospective opérationnelle (PTO) pour faciliter l’expression des besoins militaires futurs, les études technico-opérationnelles (ETO), devant optimiser les caractéristiques opérationnelles, les spécifications techniques et les coûts des systèmes futurs ainsi que les études à caractère opérationnel (EO), concentrées sur l’emploi des équipements. Les EOTO interviennent aux différents stades des opérations d’armement, de l’expression du besoin à l’emploi. Elles sont un outil de rationalisation et de cohérence.

Le service des affaires industrielles et de l’intelligence économique (S2IE) a en charge le développement et l’accompagnement de la BITD. À ce titre, il supervise les représentants du ministère de la défense dans les conseils d’administration des entreprises liées à la défense. Une sous-direction est dédiée à l’accompagnement et au développement des PME. Deux sous-directions ont des compétences sectorielles : aéronautique-missiles-espace et électronique-mécanique-naval. Pour les politiques de coopération, la S2IE peut s’appuyer notamment sur quatre bureaux chargés des relations bilatérales (Royaume-Uni et Italie ; Allemagne et Suède ; Espagne et Benelux ; États-Unis et Canada), sur le bureau des affaires européennes et le bureau OTAN.

d) La direction du développement international

Cette direction conduit les négociations liées aux exportations d’armement et mène des actions pour les développer. Lui incombe le management des contrats export et la gestion administrative des procédures de contrôle des exportations de défense, notamment au sein de la commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériel de guerre (CIEMG).

Elle pilote la composante armement de la relation internationale de défense avec l’ensemble des pays, à l’exception de ceux gérés par la direction de la stratégie au travers de ses bureaux chargés des relations bilatérales. Elle dispose de représentants dans les ambassades. Avec la suppression de la fonction d’attaché d’armement, il peut s’agir d’attachés de défense, d’attachés de défense adjoints ou de conseillers auprès de l’ambassadeur.

On peut s’interroger sur les motifs qui expliquent que la direction du développement international n’ait pas sous sa responsabilité l’intégralité des relations bilatérales : le partage géographique opéré avec la direction de la stratégie est une source inutile de dispersion. Le cœur de métier de cette direction réside dans les études amont, non dans des négociations commerciales internationales.

*

S’il est trop tôt pour dresser un premier bilan de la réforme engagée par la DGA, il convient d’ores et déjà de souligner l’importance du travail accompli. La comparaison internationale montre en effet que la France a pris de l’avance sur ce dossier. La Suède n’a par exemple que récemment identifié les limites et les failles de sa procédure. En août dernier, Jan Pie, secrétaire général du Swedish Security and Defense Industry, indiquait ainsi qu’il « est important de clarifier les rôles et responsabilités entre les forces armées, les organisations de soutien et logistique de la défense, tel que le FMV (Försvarets Materielverk) et les agences de recherche. Il y a eu des incertitudes depuis des années sur les rôles de ces acteurs, ce qui a réduit l’efficacité de l’ensemble de la procédure » (58).

C. CHORUS

En application de l’article 27 de la loi organique relative aux lois de finances (59), l’État tient « une comptabilité générale de l’ensemble de ses opérations » et met en œuvre une « une comptabilité destinée à analyser les coûts des différentes actions engagées dans le cadre des programmes ». Pour atteindre cet objectif, l’État s’est doté d’un progiciel comptable et financier appelé CHORUS. Malgré l’importance de ce système, sa mise en œuvre se heurte à des difficultés récurrentes mises en exergue par la Cour des comptes et par la commission des finances de l’Assemblée nationale à de nombreuses reprises. Comme le note Christian Babusiaux, président de la première chambre de la Cour des Comptes, « la concomitance de la mise en œuvre de la [révision générale des politiques publiques] (RGPP), avec ses incertitudes et les reconfigurations extrêmement complexes qu’elle entraîne, a pu compliquer le déploiement de Chorus » (60).

1. La défense cumule les handicaps

Ce constat général s’est vérifié avec le déploiement de CHORUS au sein du ministère de la défense à compter du 1er janvier 2010. Dès le lancement du projet, il est apparu surprenant que la première expérimentation à grande échelle se fasse au ministère de la défense : il s’agit en effet du ministère qui doit gérer le plus d’opérations comptables lourdes. La défense concentre en effet 75 % des crédits d’investissement de l’État, c’est-à-dire ceux qui font l’objet d’un traitement comptable le plus complet avec de multiples exceptions (avances, acomptes…). N’aurait-il pas été plus pertinent de vérifier la robustesse du système avec des opérations comptables plus simples ?

Cette mise en place est d’autant plus délicate que le ministère a engagé dans le même temps une restructuration très conséquente de ses structures. Les rapporteurs de la mission d’information sur le suivi de la réforme du ministère notent que « le ministère ne dispose […] pas d’une compétence financière suffisante » ; cette dernière reste « dispersée entre plusieurs structures travaillant en parallèle et sans coordination technique d’ensemble » (61). Le ministère n’était manifestement pas en mesure de piloter deux réformes aussi complexes dans le même temps même si les services du ministère des finances ont pu l’appuyer dans ces processus.

Jacques Marzin, directeur de l’agence pour l’informatique financière de l’État, souligne d’ailleurs que « le ministère de la défense a dû bâtir une organisation intermédiaire à cause de la mise en œuvre de son Livre blanc et de la généralisation de ses bases de défense. ». Il précise que « le ministère qui cumule les difficultés est celui de la défense, puisqu’il se réorganise massivement, qu’il a 4 500 utilisateurs et 80 000 marchés sur les 95 000 de l’État, et parmi les plus complexes. […] Pour surmonter les difficultés, un plan d’action a été bâti afin d’aider les services qui avaient accumulé le plus de retard. Une équipe de traitement des urgences a été montée à la direction générale des finances publiques, pour répondre aux demandes des entreprises. Nous les aidons à rechercher dans les dossiers les éléments susceptibles de justifier un traitement d’urgence. […] Nous sommes en train de discuter de mesures d’exception pour fluidifier le circuit des paiements, notamment au ministère de la Défense, afin d’achever le rattrapage » (62).

2. Des conséquences lourdes sur les entreprises

Dès le début de l’année 2010, nombre d’entreprises ont été confrontées à des retards de paiement du ministère de la défense. Le conseil des industries de défense françaises estimait que le montant des factures à terme échu non réglées atteignait 1,8 milliard d’euros au 1er mai 2010. À l’occasion de la présentation du rapport de la mission d’information sur le contrôle de l’exécution des crédits de la défense pour les exercices 2007 à 2009, le président Guy Teissier relevait que la mise en œuvre de Chorus a « conduit à de très forts retards de paiement. Le ministère nous a assuré qu’il veille à en limiter l’impact, notamment pour les PME, mais nous devons nous attendre à une hausse des intérêts moratoires en 2010. Je reçois des courriers d’entreprises qui sont littéralement étranglées par ces retards de paiement. Il ne s’agit d’ailleurs plus simplement des PME ; les grands groupes commencent à en souffrir également. Cette situation n’est pas acceptable, d’autant que des solutions d’urgence existent » (63).

Plusieurs membres de la commission de la défense ont d’ailleurs interrogé le ministre sur cette situation et demandé que les mesures palliatives soient prises dans les meilleurs délais.

Question écrite n° 84482 publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 20 juillet 2010

M. Gilbert Le Bris attire l’attention de M. le ministre chargé de l’industrie sur les lourds retards de paiement du ministère de la défense, suite à une évolution du système informatique Chorus. En effet les reports de règlement des factures, qui atteignaient 1 800 millions d’euros en mai 2010, mettent gravement en cause l’existence même de sociétés du secteur, surtout certaines PME, dont les réserves de trésorerie sont faibles et entraînent aussi, de fait, des délais de paiement de leurs sous-traitants. C’est ainsi que toute la chaîne de fournisseurs de la défense est pénalisée par cette grave situation alors même que les crédits de paiement existent. Il lui demande, en conséquence, quelles mesures urgentes de soutien, y compris si nécessaire par avance sur les factures échues et non payées, il envisage pour pallier cette carence, que l’on peut espérer provisoire, du système d’information Chorus et redonner à l’État sa fiabilité de paiement dans ce domaine.

Réponse du ministre de la défense publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 24 août 2010

Le démarrage de la gestion 2010 du ministère de la défense a été perturbé, comme dans les autres départements ministériels, par le déploiement du nouveau système d’information budgétaire et comptable de l’État, Chorus, qui a nécessité d’importants efforts tant en termes de formation et d’appropriation de ce nouvel outil par le personnel, que de reprise des données issues des anciennes applications de gestion. Après un démarrage au ralenti en raison de difficultés techniques initiales, le rythme de consommation des crédits de paiement sur la mission budgétaire « Défense » s’est considérablement accru sur tous ses programmes. Si l’activité au cours des mois d’avril, mai et juin représente un rythme mensuel proche de la normale, il reste néanmoins un important retard à rattraper et les dépenses n’ont pas encore atteint un niveau comparable à celui de l’exercice 2009 à une période comparable, ce retard représentant de 1 à 2 mois d’activité selon les services. Pour rattraper ce retard, des mesures importantes ont été mises en place depuis plusieurs semaines afin de renforcer les services pour les aider à traiter les difficultés qu’ils peuvent rencontrer par le maintien d’une expertise de haut niveau en support. Des procédures de paiement en urgence ont également été mises en place afin de traiter dans les meilleurs délais le cas des entreprises pouvant se trouver en situation critique. Malgré l’exceptionnelle mobilisation des opérateurs du ministère de la défense et des comptables publics et les mesures décidées en interne avec le soutien de l’Agence pour l’informatique financière de l’État (AIFE) pour accélérer le rythme de paiement, de nombreuses difficultés subsistent, essentiellement liées aux corrections à effectuer sur les engagements juridiques issus du processus de reprise des données. Afin d’accélérer le rattrapage de ces retards de paiement, la mise en œuvre d’un nouveau plan d’actions a été actée par le ministère de la défense et le ministère du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État. Ce plan comportera des mesures exceptionnelles de simplification des procédures d’exécution de la dépense, tant pour les ordonnateurs que pour les comptables, ainsi que la mise en place d’un pilotage conjoint, entre les services ordonnateurs et les comptables, du suivi de l’exécution et des priorités de paiement. En parallèle, l’AIFE poursuivra ses actions visant à résoudre les dernières difficultés techniques. Ces nouvelles mesures seront immédiatement mises en œuvre dès leur notification aux services et aux comptables.

Question écrite n° 81079 publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 15 juin 2010

M. Patrice Calméjane attire l’attention de M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État sur le nouveau système d’information financière de l’État, le progiciel Chorus, et ses conséquences notamment quant à la survie de plusieurs dizaines de PME titulaires de marchés publics. En effet, la mise en place difficile du nouveau progiciel Chorus engendre des retards dans le règlement des factures de parfois plus de six mois. Ce progiciel se montre défaillant sur de nombreux points et bloquerait le règlement de factures dont les fonds sont pourtant disponibles. En cette conjoncture de crise, ce problème interne de gestion financière de l’État entraîne d’importants et sérieux problèmes de trésorerie pour les entreprises concernées par un marché public. Il lui demande ainsi si des mesures transitoires sont prévues afin de pallier ces délais de paiement devenus inadmissibles, ce non seulement pour l’économie française, mais aussi quant à la réputation de notre État, qui se fait par là même mauvais payeur, et qui par conséquent va être dans l’obligation de payer des intérêts moratoires importants.

Réponse du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État, publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 17 août 2010

Le règlement rapide des fournisseurs de l’État est une priorité du Gouvernement. Dès 2008, le délai de paiement des marchés publics de l’État a ainsi été réduit de quinze jours dans le cadre des actions engagées du plan de relance de l’économie. Les factures des fournisseurs de l’État doivent dorénavant être payées en deçà de trente jours dès réception des factures et après contrôles effectués par les services comptables de l’administration. Tout jour de retard donne droit au paiement d’intérêts moratoires. L’État a par ailleurs engagé une modernisation en profondeur de la gestion de la chaîne de la dépense avec pour objectif de professionnaliser la fonction financière et comptable de l’État. À terme, le déploiement du programme Chorus doit permettre d’optimiser les procédures et de réduire les délais de paiement de l’État. Le déploiement du nouveau système d’information comptable et financier de l’État revêt une ampleur importante du fait de la nécessité de gérer en cohérence le remplacement des anciens systèmes d’information et la mise en œuvre opérationnelle des réformes organisationnelles liées à la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et à la révision générale des politiques publiques (RGPP). Ainsi, comme prévu, la quasi-totalité des opérations du ministère de la défense a été reprise dans Chorus en 2010 concomitamment à une réorganisation des services gestionnaires de grande ampleur (constitution de bases de défense mutualisées). L’outil Chorus fonctionne aujourd’hui en gestion courante et plus de 5 000 utilisateurs différents s’y connectent quotidiennement. Début juin, il avait déjà permis de payer plus de 20 milliards de dépenses (hors dépenses de personnel). Toutefois, la reprise en début d’année des opérations spécifiques au ministère de la défense (marchés complexes) issues des anciens systèmes d’information et la mise en place des nouvelles organisations ont généré, dans certains cas, des retards de paiement. Ces difficultés sont transitoires et en cours de règlement. Cependant, un dispositif de paiement urgent, conçu avant la bascule de la gestion de la dépense dans Chorus, a été mis en place dès le mois de janvier 2010. Afin d’accélérer le paiement des petites et moyennes entreprises (PME) titulaires de marchés publics, une cellule spécifique d’urgence a par ailleurs été mise en œuvre au sein du ministère. Cette cellule, saisie directement par les fournisseurs, a pour objectif de prioriser les paiements des PME. On peut également d’ores et déjà constater une montée en charge régulière des paiements effectués avec Chorus du fait notamment de l’appropriation de l’outil par ses utilisateurs. Des mesures spécifiques, permettant de fluidifier les circuits de paiement et les actions de soutien ponctuel à la montée en compétences des agents, devraient permettre le rattrapage des retards constatés d’ici la fin de l’été. S’agissant de l’évaluation du patrimoine de l’État, les observations de la Cour des comptes étaient liées pour l’essentiel à la qualité des données reprises des anciens systèmes. Les travaux de mise en cohérence de ces données entrepris depuis lors, l’intégration des différentes fonctionnalités comptables de Chorus, ainsi que la refonte en cours des processus de gestion de l’immobilier de l’État, permettront justement de remédier à la situation antérieure. S’agissant du coût du projet, faisant suite aux derniers déploiements effectués du 1er janvier 2010 (ministères de la défense, de la justice, de l’éducation nationale, de la recherche et de l’enseignement supérieur, de l’intérieur), le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État a demandé que l’estimation qui en avait été faite en 2006 par l’Inspection générale des finances (IGF), avant le lancement de Chorus, soit actualisée. Les résultats de cette actualisation seront communiqués en toute transparence à l’occasion du prochain projet de loi de finances.

Le ministère de la défense a renforcé les équipes en charge du traitement comptable et mis en place un service spécifique pour les PME/PMI. Au mois de juillet dernier, le ministre de la défense indiquait qu’il avait « demandé au secrétaire général de l’administration d’embaucher 50 personnes pour traiter les dossiers en souffrance. [Par ailleurs] la mission PME a été dotée de personnels supplémentaires. Chaque fois qu’une entreprise demande à être payée, son dossier est traité en urgence ». Le ministre espérait « avoir résorbé l’ensemble du retard au mois de septembre » (64).

Ces difficultés comptables sont toutefois particulièrement pénibles dans le contexte actuel de crise et de concurrence. Outre l’impact sur la réputation de sérieux et de fiabilité de la défense, elles peuvent avoir des conséquences lourdes sur la vie des petites entreprises qui ne disposent plus de trésorerie et sont contraintes de se tourner vers des institutions financières. Ces retards vont donc générer d’inévitables surcoûts au titre des intérêts moratoire alors même que le Gouvernement s’est engagé dans un effort sans précédent pour réduire les dépenses de l’État.

3. Le coût induit : les intérêts de retard

À ce jour, il n’est pas possible d’estimer précisément le coût induit par ces retards de paiement même s’il faut s’attendre à une augmentation conséquente du montant des intérêts moratoires. Le rapporteur a demandé au ministère de présenter l’évolution des intérêts de retard depuis 2002 en expliquant les évolutions constatées.

Réponse :

Les intérêts moratoires du programme 146 « Équipement des forces »

L’évolution des intérêts moratoires (IM) payés depuis la gestion 2005 est la suivante :

Années

Montant versé par le P.146 (en M€)

2005

15,30

2006

15,00

2007

16,78

2008

9,88

2009

8,76

2010*

2,86

* Situation arrêtée au 1er juillet 2010.

Le montant précisé dans le tableau concernant les IM du 1er semestre 2010 correspond aux intérêts moratoires effectivement payés entraînant consommation de CP.

Le regroupement de l’ensemble des missions d’OS, initialement réparti dans différents services de programmes, en un seul service (le SEREBC), en 2007, a permis des gains substantiels (harmonisation des méthodes de travail, mise sous contrôle de gestion des délais de paiements…) avec un impact bénéfique sur le montant des IM en 2008 et 2009.

Le montant des IM payés à fin juin 2010, soit 2,86 M€, est nettement inférieur à celui payé à la même période en 2009 (6,51 M€). Pour autant, cette baisse significative est consécutive aux difficultés rencontrées lors de la bascule sous Chorus qui entraînent des retards de paiements conséquents. La résorption des retards entraînera une augmentation importante des IM qui devrait, néanmoins, rester conjoncturelle.

Les intérêts moratoires pour l’ensemble du ministère se montent quant à eux à 18,67 millions d’euros en 2009, c’est-à-dire à un niveau équivalent à celui de 2008, où ils atteignaient 18,47 millions d’euros. La diminution constatée des intérêts moratoires du programme 146 intervenue en 2009 n’a donc pas permis de réduire leur volume à l’échelle du ministère.

Le montant des intérêts moratoires pour 2010 n’est pas encore stabilisé, le ministère faisant valoir qu’il ne sera possible de mesurer dans le détail les retards de paiement que dans le « cadre des restitutions offertes par l’outil CHORUS lorsque toutes les régularisations liées aux modes dérogatoires de paiement seront réalisées ». Le point « le plus pénalisant » reste à ce jour la « reprise des données issues des années de gestion antérieures à 2010 (analyse et correction des données de reprise injectées dans l’outil CHORUS) ».

Lors de son audition, le délégué général a indiqué que « le nombre de factures encore en stock est encore d’environ 2 000 pour les études amont du programme 144 pour un montant de 150 millions d’euros et de l’ordre de 10 000 pour le programme 146 pour un montant de près de 1,2 milliard d’euros. Dans l’état actuel des choses, la situation ne reviendra pas à la normale avant la fin de l’année. Ces difficultés se traduiront par une augmentation des intérêts moratoires qui pourraient s’élever à plus de 30 millions d’euros au titre de la gestion 2010 ».

Cette augmentation spectaculaire trahit l’incapacité du ministère à engager ses crédits dans le temps qui lui est imparti. Cette difficulté est amplifiée par des reports de charge : le délégué général a ainsi indiqué que l’absence des recettes exceptionnelles « se traduira par un report de charges d’environ un milliard d’euros fin 2010 pour le programme 146 [, notant…], en ce domaine, une dégradation par rapport à la situation constatée fin 2009 ».

La mise en place de Chorus explique une grande partie de ces retards ; il est compréhensible que la mise en œuvre d’un pareil système occasionne des difficultés. Il aurait été néanmoins plus pertinent de mobiliser que le Gouvernement mobilise en amont des équipes techniques d’accompagnement plutôt que d’obliger la défense à trouver dans l’urgence des solutions palliatives. En revanche, les difficultés constatées en 2010 ne sauraient perdurer en 2011, sauf à faire la preuve que le progiciel n’est pas opérationnel. À l’instar du délégué général pour l’armement, le rapporteur considère qu’il est urgent de « vérifier si, une fois le fonctionnement normal atteint, les gains de productivité promis par Chorus seront effectivement au rendez-vous » (65). Dans tous les cas, ce pallier doit être atteint avant le mois de juin prochain, moment où un bilan détaillé de la mise en œuvre du progiciel devra être élaboré.

D. LES EXTERNALISATIONS

Afin de rationaliser les structures du ministère et d’alléger la dépense publique, le secteur privé peut être appelé à prendre en charge certaines fonctions ou missions traditionnellement dévolues à l’État. Au cours de la révision générale des politiques publiques (RGPP), l’équipe en charge du ministère de la défense a ainsi identifié plusieurs fonctions qui pourraient utilement être confiées à des prestataires extérieurs, soit parce qu’ils disposent d’une compétence plus affirmée que l’État, soit parce qu’ils sont en mesure de générer des économies grâce notamment à des effets d’échelle.

Dès 2002, la défense avait procédé à des externalisations, mais ce n’est qu’à compter de 2007 que le phénomène a pris de l’ampleur, concernant des activités plus sensibles comme le maintien en condition opérationnelle (MCO) ou les opérations extérieures (OPEX). Entre par exemple dans ces nouvelles dépenses le détachement de personnels d’Eurocopter en Afghanistan pour assister les militaires dans le MCO des hélicoptères Tigre.

1. Quel bilan des externalisations engagées ?

La mission d’information sur le suivi de la réforme du ministère de la défense a consacré une large part de son dernier rapport à cette politique. Les rapporteurs voulaient en effet s’assurer d’une part de l’intérêt économique des externalisations et d’autre part de leur éventuel impact sur les capacités opérationnelles des armées.

Le graphique suivant présente l’évolution des dépenses d’externalisation depuis 2008.

Évolution des dépenses d’externalisation entre 2004 et 2008

(en millions d’euros)

Source : ministère de la défense.

Il fait apparaître une hausse importante en 2007 : trois contrats d’externalisation conséquents ont en effet été signés dans le courant de l’année 2006 pour entrer totalement en vigueur l’année suivante. Le tableau ci-après récapitule les caractéristiques des quatre principaux contrats d’externalisation.

Présentation des quatre principaux projets d’externalisation engagés depuis 2003

Projet

Calendrier

Montant du contrat

Durée du contrat

Évolution depuis la signature

Lancement étude

Étapes

Marché
notifié le

Externalisation
de la maintenance
des avions Epsilon
de la base-école de Cognac

en 2004
pour une durée
d’un an

lancement de la procédure en septembre 2004

dialogue compétitif de mars à octobre 2005

19 avril 2006

144 millions d’euros
(euros 2009) sur la période 2006-2015

tranche ferme de 5 ans
5 tranches optionnelles d’un an

pas d’évolution

Externalisation
de la restauration
de l’îlot Saint Germain

début 2005
pour une durée d’un an

procédure adaptée lancée en janvier 2005

lancement de la procédure en octobre 2005

27 mars 2006

3,5 millions d’euros par an (euros 2006)

5 ans avec tranche ferme de 7 mois,
4 tranches optionnelles de 12 mois
et une tranche optionnelle de 5 mois

pas d’évolution

Location d’une flotte
de véhicules de service et prestation d’entretien liées

en 2003
pour une durée
d’un an et demi

dialogue compétitif de janvier à décembre 2005

lancement de la procédure en avril 2006

11 décembre 2006

60 millions d’euros par an pour la part forfaitaire
5,2 millions d’euros par an pour la part hors forfait
(euros 2006)

7 ans et 7 mois

réduction du parc de 22 120 à 19 505 véhicules

Location de deux avions A340 sans équipage et maintenance associée (TLRA)

en 2003
pour une durée
d’un an

lancement de la procédure en février 2004

négociation d’octobre 2004 à mai 2005

22 juillet 2005

200 millions d’euros pour 2005-2014 hors option d’achat des deux avions

tranche ferme de 5 ans

pas d’évolution

Source : ministère de la défense.

Partant de ces éléments, les rapporteurs de la mission ont considéré que « pour les avions TLRA, l’externalisation est sans effet sur les effectifs puisque le contrat ne porte que sur la mise à disposition d’appareils et sur leur entretien. La disponibilité des appareils est supérieure à 92 %. Aucune dérive de prix n’a été constatée ».

Concernant les avions de Cognac, « l’externalisation a concerné 219 militaires : 28 d’entre eux ont rejoint l’entreprise titulaire du marché, 26 la société Socata du groupe EADS, 143 ont été mutés sur une autre base aérienne, 11 ont été mutés sur un autre poste au sein de la base de Cognac, 7 sous-officiers ont demandé leur mise en retraite et 4 militaires du rang n’ont pas renouvelé leur contrat. Sur le plan financier, un gain de l’ordre de 8 millions d’euros par an apparaît, soit environ 30 % de moins qu’en régie. La qualité du service est tout à fait positive, avec une disponibilité technique de la flotte en progrès pour les Epsilon et conforme aux attentes pour les Grob. En revanche, les départs des personnels vers le prestataire ont été moins nombreux que prévus et n’ont pas permis de réduire la masse salariale autant que le prévoyaient les travaux préparatoires ».

Pour l’îlot Saint-Germain, « la restauration est désormais assurée par 51 personnels quand le cercle employait 90 agents dont 52 civils. Le temps d’attente a été réduit et l’acoustique de la salle améliorée. Enfin le rapport qualité-prix semble apprécié avec un taux de satisfaction de 68 % pour le restaurant et de 58 % pour la cafétéria ».

L’externalisation des véhicules de la gamme commerciale est sans doute le projet le plus proche de ceux qui sont envisagés par la RGPP compte tenu du nombre de personnels concernés. Les rapporteurs relèvent qu’il a été estimé « qu’en régie 3 280 agents, représentant 1 181 ETPT, étaient affectés au parc. Le ministère s’était engagé à reclasser 400 agents civils sur des emplois d’interface avec le prestataire et devait proposer à 100 personnes au plus l’application du dispositif d’accompagnement des restructurations. Fin 2009, 438 agents sont affectés à cette interface et 96 agents ont bénéficié d’une mesure de mobilité géographique ou d’une aide au départ ».

Selon leur analyse, « les dépenses [constatées] sont conformes aux prévisions. Le cabinet d’expertise avait estimé le coût en régie à 91,7 millions d’euros annuels, ramené à 84,72 millions d’euros grâce à une actualisation des hypothèses sous-jacentes. Le gain réel doit être toutefois analysé avec prudence : la taille de la flotte a été significativement réduite depuis la signature du contrat, sans pour autant que le montant des dépenses soit modifié. En cinq ans, la flotte est en effet passée de 21 269 à 19 511 véhicules, soit une baisse de 9 %. Le ministère envisage par ailleurs de réduire encore la flotte d’un millier de véhicules en 2010, mais n’apporte aucune indication sur l’évolution des sommes versées au prestataire. Il se contente d’indiquer qu’une “ clause incitative du marché prévoit […] une contribution [du] partenaire à la réduction continue des dépenses ”. Le marché semble avoir été mal dimensionné et a fait apparaître les difficultés du ministère à assurer le suivi de son exécution. Le secrétaire général pour l’administration a d’ailleurs indiqué qu’il avait été nécessaire de constituer une structure suffisamment robuste pour prendre en charge ce marché ; en l’espèce il s’agit de la sous-direction du soutien des administrations parisiennes ».

Toutefois, ils soulignent que « si les taux de disponibilité et de satisfaction sont très bons, ils ne doivent pas masquer les difficultés réelles de pilotage de ce contrat. Alors qu’il s’agit d’un projet relativement simple dans son principe, les rapporteurs s’interrogent sur la capacité du ministère à suivre et à faire évoluer des projets complexes. Ils notent que cela demande une évolution conséquente des structures du ministère et une professionnalisation des agents avec l’émergence d’un pôle de contrôle de gestion. Cet enjeu du suivi est primordial, l’exemple britannique montrant que c’est généralement l’incapacité de l’administration à piloter l’exécution des contrats qui conduit à des dérapages financiers conséquents. Le National Audit Office (NAO) pointe ainsi du doigt l’absence de bases de données adéquates pour les partenariats publics-privés britanniques. Il note ainsi que « l’insuffisance des systèmes d’information risque d’empêcher le ministère d’obtenir le service dont il a besoin ou conduire les prestataires à augmenter leurs tarifs ». Il insiste également sur l’absolue nécessité de piloter les modifications durant la vie du contrat pour s’assurer que le gain financier ne diminue pas » (66).

2. L’avenir des externalisations

Le mouvement engagé se poursuit, le ministère ayant identifié une quinzaine de projets susceptibles d’être confiés à des entreprises privées.

La réflexion est avancée sur la formation initiale des personnels à la suite des premiers résultats probants de l’école de formation initiale interarmées de l’ALAT à Dax (Landes). Pour la formation des futurs pilotes, la défense loue des heures de vol sur hélicoptère EC120/NHE (Colibri) à la société Hélidax dont le capital est détenu à parts égales par le français DCI et la filiale française du groupe espagnol Inaer Helicopter. Ce partenariat public-privé (PPP) de 22 ans prévoit une mise à disposition maximale de 32 appareils pour 24 000 heures de vols annuelles au maximum. Les hélicoptères restants peuvent être librement utilisés par la société.

Même s’il est encore trop tôt pour établir un bilan de ce projet, le ministère de la défense estime que le contrat de partenariat « devrait permettre de réaliser une économie relative de 8 % en valeur actualisée nette par rapport à une approche d’acquisition classique ». D’autres formations pourraient s’inspirer de ce PPP, notamment l’école de l’aviation de transport d’Avord dans le Cher.

Question écrite n° 82977 publiée au Journal officiel Assemblée Nationale du 6 juillet 2010

M. François Cornut-Gentille interroge M. le ministre de la défense sur l’externalisation des avions de transport utilisés dans le cadre de certaines formations militaires. Que ce soit pour l’école de l’aviation de transport ou pour l’école de troupes aéroportées, les avions utilisés (Xingu, Transall) enregistrent des disponibilités faibles et des coûts de maintenance élevés en raison de l’ancienneté des parcs. Le recours à des sociétés privées mettant à disposition des avions de transport dans le cadre de cycles de formation est une alternative déjà utilisée notamment pour la formation des pilotes d’hélicoptère. Aussi, il lui demande de préciser les intentions du Gouvernement concernant l’externalisation des avions de transport utilisés dans le cadre de formations militaires.

Réponse du ministre de la défense publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 7 septembre 2010

La formation des pilotes de transport est réalisée à partir d’une flotte de 30 Xingu. Ces appareils font actuellement l’objet d’un chantier de rénovation de leur avionique afin, d’une part de mettre ces aéronefs à hauteur des exigences de navigation dans les espaces aériens, d’autre part de permettre aux futurs élèves pilotes de transport de se familiariser aux cockpits modernes de type A400M ou multi rôle transport et tanker (MRTT). Dans la mesure où le potentiel de ces appareils permet d’estimer leur durée d’utilisation jusqu’à l’horizon 2020, il n’est pas prévu d’abandonner, à court terme, le Xingu au profit de moyens externalisés. Toutefois, un processus d’externalisation de l’ensemble de la maintenance de la flotte Xingu a été engagé pour aboutir à l’été 2011. Le transfert de responsabilité de l’armée de l’air vers l’industriel devra être effectif avant l’été 2012. Une externalisation totale des moyens aériens et du soutien de la flotte de transport école est envisagée à l’horizon 2018-2020, période estimée de transition entre le Xingu et son successeur. S’agissant des formations dispensées par l’école de troupes aéroportées, elles utilisent d’ores et déjà pour partie des moyens aériens externalisés. Ceux-ci soutiennent les activités spécifiques relatives aux sauts « à ouverture commandée » réalisés par des personnels très expérimentés et peu nombreux. Pour la formation au saut « à ouverture automatique », qui constitue le socle des compétences et de l’activité des parachutistes, les appareils militaires utilisés permettent de réaliser simultanément l’instruction des parachutistes et celle des équipages de transport de la flotte tactique de l’armée de l’air. Ce besoin d’entraînement conjoint ne permet donc pas d’externaliser les moyens déployés.

Une nouvelle étape a été franchie en termes d’externalisation avec le satellite de communication Syracuse III (cf. infra).

3. Jusqu’où externaliser ?

Si le recours à des prestataires privés n’est pas critiquable, il convient de préciser les limites d’une telle solution. L’exemple américain montre en effet que la frontière entre externalisation et mercenariat est ténue. Il ne faudrait pas que les difficultés budgétaires aboutissent à ce que des fonctions ou des missions soient confiées à des sociétés privées de sécurité, avec le risque d’aboutir aux excès et dérives constatés notamment en Irak et en Afghanistan.

L’arsenal juridique français a cherché à limiter cette possibilité avec la loi du 15 avril 2003 (67) qui institue le délit de participation à une activité de mercenaire.

Code pénal (extraits)

Article 436-1

Est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende le fait :

1° Par toute personne, spécialement recrutée pour combattre dans un conflit armé et qui n’est ni ressortissante d’un État partie audit conflit armé, ni membre des forces armées de cet État, ni n’a été envoyée en mission par un État autre que l’un de ceux parties au conflit en tant que membre des forces armées dudit État, de prendre ou tenter de prendre une part directe aux hostilités en vue d’obtenir un avantage personnel ou une rémunération nettement supérieure à celle qui est payée ou promise à des combattants ayant un rang et des fonctions analogues dans les forces armées de la partie pour laquelle elle doit combattre ;

2° Par toute personne, spécialement recrutée pour prendre part à un acte concerté de violence visant à renverser les institutions ou porter atteinte à l’intégrité territoriale d’un État et qui n’est ni ressortissante de l’État contre lequel cet acte est dirigé, ni membre des forces armées dudit État, ni n’a été envoyée en mission par un État, de prendre ou tenter de prendre part à un tel acte en vue d’obtenir un avantage personnel ou une rémunération importants.

Article 436-2

Le fait de diriger ou d’organiser un groupement ayant pour objet le recrutement, l’emploi, la rémunération, l’équipement ou l’instruction militaire d’une personne définie à l’article 436-1 est puni de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende.

Article 436-3

Lorsque les faits mentionnés au présent chapitre sont commis à l’étranger par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable par dérogation au deuxième alinéa de l’article 113-6 et les dispositions de la seconde phrase de l’article 113-8 ne sont pas applicables.

Ces dispositions n’ont cependant pas empêché la création de sociétés de sécurité françaises. Au cours des derniers mois, profitant de la volonté du ministère de la défense de mener une politique d’externalisation massive notamment par le biais de PPP, ces sociétés ont fait des offres de service susceptibles d’être détournées. Le chef d’état-major de l’armée de terre a toutefois souligné en octobre 2009 que « passé l’engouement initial, l’externalisation étant alors comprise comme la solution à tous nos problèmes, la situation s’est quelque peu rationalisée » (68).

Tout comme il opère un contrôle strict des exportations d’armements, l’État doit mettre en place un dispositif étroit de surveillance des sociétés bénéficiaires de contrats d’externalisation, l’expertise juridique, technique et financière qui encadre ces contrats spécifiques devant être renforcée. Comme le relève le chef d’état-major de l’armée de l’air, la prudence doit être de mise. Il considère qu’en « ce qui concerne la maintenance, nous retenons l’externalisation quand il s’agit d’appareils dont nous n’avons pas un besoin permanent. Pour les appareils en première ligne, nous préférons que nos services industriels l’assurent, car ils maintiennent ainsi leurs compétences. L’externalisation n’est toutefois pas à exclure complètement, après avoir mis en rapport son coût et son efficacité » (69).

En juillet dernier, le centre de doctrine d’emploi des forces (CDEF) a consacré un rapport à l’emploi des sociétés militaires privées (SMP) en Afghanistan et en Irak. Il fait valoir que « l’emploi des sociétés militaires est un outil incontournable des théâtres actuels d’opération […] mais dont l’utilisation n’est pas approuvée par tous ». Certains militaires peuvent en effet avoir « le sentiment d’être dépossédés de leurs tâches habituelles, mais pour finalement se concentrer sur leur premier objectif : se battre ». Le rapport souligne également les limites juridiques de ce système, les juristes y voyant « un emploi de la violence exacerbée et incontrôlée ». De l’analyse, le centre retient plusieurs enseignements. Il note notamment que « la frontière entre le service de conseil militaire et opérationnel est floue. Il est alors facile et tentant pour les SMP de la franchir ». Partant de ce constant, il estime que « l’emploi des SMP est un enjeu complexe. Il est essentiel de s’adapter à leur présence et d’adopter des mesures de contrôles efficaces » ajoutant qu’il faut pour cela que les SMP soient « bien encadrées pour devenir des acteurs non étatiques de la défense légitimes » (70).

L’ensemble de ces éléments montre qu’un bilan complet des externalisations et plus particulièrement des PPP doit être réalisé avant d’étendre ce schéma à d’autres domaines d’activité. Faute de cette analyse, les externalisations pourraient constituer au mieux un élément de complexité du système, au pire un facteur d’aggravation de la crise. Dans les deux cas, elles n’aideront pas le ministère et les armées à faire face à la crise et à mieux répondre aux besoins opérationnels.

E. LE PLAN DE RELANCE, UN PLAN ANTI-CRISE ?

Le 4 décembre 2008, le Président de la République annonçait la mobilisation de 26 milliards d’euros dans le cadre d’un plan de relance de l’économie, destiné à contrer les effets de la crise économique. Il soulignait que « l’effort que nous allons consentir est à la mesure du défi auquel nous sommes confrontés. 26 milliards, c’est 1,3 point de notre produit intérieur brut. L’impact budgétaire proprement dit, au sens de Maastricht, se monte à 15,5 milliards d’euros en 2009. À ceux qui s’inquiéteraient de l’importance de ce surcroît de dépense pour une part financé par un surcroît d’endettement, je voudrais dire tout d’abord que nous n’avons pas le choix : ne rien faire nous coûterait bien plus cher, comme nous aurait coûté beaucoup plus cher la décision de ne pas venir au secours de nos banques quand elles étaient en danger. Si l’on n’avait rien fait pour sauver nos banques, les Français auraient perdu presque toutes leurs économies parce que le système bancaire tout entier se serait retrouvé en faillite. Si nous ne faisions rien pour soutenir l’activité et aider nos entreprises, ce sont leurs emplois que les Français perdraient parce que les faillites et les licenciements se multiplieraient. Et nos finances publiques s’en trouveraient ruinées par l’effondrement des recettes fiscales et l’explosion des dépenses induites par la montée rapide du chômage » (71).

1. Le volet défense du plan de relance

Le ministère de la défense bénéficie d’une enveloppe totale de l’ordre de 1,4 milliard d’euros, essentiellement consacrée aux équipements. Cet abondement permet d’avancer des opérations, d’augmenter le nombre de commandes, ou de renoncer à des ralentissements de cadence de production. En outre, les crédits déjà accordés à la recherche ont été augmentés pour financer des secteurs clés pour l’exportation, comme l’aéronautique ou l’électronique. Par ailleurs, plus de 200 millions d’euros sont consacrés à la remise en état des infrastructures de la défense, avant de procéder à l’externalisation de leur entretien.

Pour les équipements, l’effort représente près d’1,1 milliard d’euros en AE et plus d’un 1,2 milliard d’euros en CP. Au-delà de 2010, il n’y a pas de crédits au titre du plan de relance ; la poursuite des paiements sur les opérations commencées se fera donc sur crédits de la mission « Défense ». Le tableau ci-après présente les 28 opérations financées par le plan de relance et détaille l’état des paiements réalisés en 2009 et rappelle les crédits alloués pour 2010.

Opérations financées par le plan de relance

(en millions d’euros)

Opération

AE engagées

CP payés en 2009

CP alloués en 2010

Total des CP

Achat d’un 3e BPC

439,2

191,4

123,8

315,2

Report de la baisse de cadence de production du Rafale

0

77,7

118,1

195,8

Non réduction de la cadence de production des VBCI

0

91,6

79,0

170,6

Achat de 5 hélicoptères Caracal

227,5

64,8

83,5

148,3

Achat de 4 engins de débarquement amphibie

58,2

24,1

20,5

44,6

Achat de stations sol et marine Syracuse

3,0 (1)

19,3

21,7

41,0

Achat de munitions d’artillerie

44,5

16,0

16,2

32,2

Achat de 200 PVP

36,6

12,7

14,9

27,6

Transformation de 2 FALCON en avions de surveillance maritime

18,8 (1)

11,6

14,7

26,3

Achat de munitions pour blindés

43,1

6,0

18,5

24,5

Achat de Pod Damocles

37,9

20,0

4,3

24,3

Intégration de nouvelles fonctionnalités sur le Rafale

24,3

6,3

18,0

24,3

Auto-défense des hélicoptères de manœuvre

4,8 (1)

3,7

11,8

15,5

Achat de 15 ARAVIS

15,0

10,1

4,9

15,0

Achat d’optronique pour les fantassins

11,0 (1)

5,9

8,8

14,7

Mise à hauteur de deux centres de simulation Rafale

(2)

12,1

1,6

13,7

Mise à niveau des moyens d’essais de la DGA

12,2

10,0

2,2

12,2

Achat de leurres pour hélicoptères

13,5

8,7

3,4

12,1

Achat de petits bâtiments pour la marine

12,5

3,5

7,4

10,9

Achat de données géographiques numériques

14,0

5,3

4,7

10,0

Prédéveloppement de MUSIS

10,0

5,0

5,0

10,0

Achat de groupes électrogènes

9,4

2,1

7,3

9,4

Achat de roquettes pour le Tigre

7,8

2,9

4,9

7,8

Évolution du système de préparation de mission du Rafale

25,0

1,0

5,1

6,1

Améliorations d’hélicoptères

8,7

4,9

0,4

5,3

Achat de 3 SDTI

5,2

3,4

1,5

4,9

Anticipation de la fusion Martha-SCCOA

9,3

4,1

0,7

4,8

Achat de nouvelles capacités d’emport pour le Rafale

4,5

0,8

3,1

3,9

Total

1 096,0

625,0

606,0

1 231,0

(1) Les engagements complémentaires nécessaires sont réalisés sur les crédits du programme 146.

(2) L’engagement est pris en charge par les crédits du programme 146.

Source : ministère de la défense.

Ces données montrent que les quatre opérations principales mobilisent près de 65 % de l’ensemble des crédits. Il apparaît également que 73,6 millions d’euros d’autorisations d’engagement ne sont pas pris en charge par le plan de relance mais prélevés sur les crédits du programme 146 de la mission « Défense ». Enfin, le rapporteur note que cinq opérations sont directement liées au Rafale pour un montant de 243,8 millions d’euros, soit 20 % du total.

2. L’impact sur les industries de défense

Le rapporteur a demandé au ministère de la défense de fournir une évaluation de l’impact économique du plan de relance.

Réponse :

Évaluation de l’impact économique

Les 28 opérations conduites dans le cadre du plan de relance de l’économie en matière d’équipement des forces sont d’ampleur variée tant en durée (la livraison des tapis de poser pour hélicoptères s’est achevée en septembre 2009, alors que la livraison du dernier engin de débarquement rapide est prévue au dernier trimestre 2012), qu’en montant (l’acquisition des nouvelles capacités d’emport pour le Rafale dans le cadre du plan de relance représente moins de 4 M€ de « CP relance » sur 2009-2010, alors que l’opération relative au BPC représente 315 M€ de paiements sur ces deux années). Certaines de ces 28 opérations se décomposent par ailleurs en plusieurs commandes à des industriels différents.

Au regard de la taille et de la complexité des différentes opérations, la plupart des titulaires sont de grands maîtres d’œuvre industriels. Des PME sont néanmoins titulaires de la commande de tapis de poser pour hélicoptères et de la moitié des commandes de petits bâtiments de formation et de servitude pour la marine. C’est également le cas pour plusieurs contrats relatifs aux investissements dans les centres DGA. Les maîtres d’œuvre des autres opérations sont amenés à sous-traiter pour partie les travaux. Le groupement des industries françaises de défense terrestre (GICAT) a déclaré estimer à 30 % la part revenant à des PME pour les opérations du plan de relance concernant ses adhérents.

Compte tenu de la complexité de l’ensemble de la chaîne de sous-traitance, une évaluation détaillée et exhaustive n’est pas réalisable. Seule une estimation globale de l’impact en termes d’emploi et de répartition régionale peut être effectuée.

En terme de localisation, les meilleures estimations qui ont été réalisées conduisent à identifier les régions Pays-de-Loire et Provence-Alpes-Côte-d’Azur comme étant les deux premières bénéficiaires des opérations relance en matière d’équipement des forces (part estimée à plus de 20 % des investissements chacune). Les régions Ile-de-France, Rhône-Alpes, Centre, Aquitaine et Midi-Pyrénées ont chacune des parts d’investissement qui peuvent être estimées entre 5 et 20 %.

Une décomposition estimative pour quelques opérations phare est présentée ci après :

Les investissements relatifs à l’acquisition du troisième BPC irriguent 16 régions au premier rang desquelles les Pays de Loire (plus de 100 M€), puis Provence-Alpes-Côte d’Azur et la Haute-Normandie (plus de 10 M€ chacune).

Les investissements relatifs à l’acquisition des 5 Caracal se répartissent sur 17 régions au premier rang desquelles Provence-Alpes-Côte d’Azur (plus de 100 M€) puis les régions Aquitaine et Ile-de-France (plus de 10 M€ chacune).

Les investissements relatifs à l’opération VBCI concernent 14 régions au premier rang desquelles la région Ile-de-France (entre 30 et 60 M€), puis Rhône-Alpes (entre 20 et 40 M€), Midi-Pyrénées, Auvergne et Limousin (entre 10 et 20 M€ chacune).

Les investissements relatifs aux engins de débarquement rapides concernent la Bretagne (entre 25 et 35 M€) et Provence Alpes-Côtes d’Azur (entre 20 et 30 M€).

Les investissements relatifs aux Pods Damocles concernent 6 régions avec en premier lieu la région Ile-de-France (plus de 10 M€) puis Midi-Pyrénées (entre 1 et 10 M€).

Les investissements relatifs à la transformation de 2 FALCON gouvernementaux en avion de surveillance maritime concernent essentiellement les régions Ile-de-France et Aquitaine (plus de 10 M€ chacune) et la région Centre (entre 1 et 10 M€).

Les investissements relatifs à l’acquisition de stations Syracuse concernent 5 régions avec au premier rang les régions Midi-Pyrénées, Pays de Loire et Ile-de-France (plus de 10 M€ chacune).

La première région concernée par les investissements relatifs aux nouvelles fonctionnalités Rafale est Provence Alpes-Côte d’Azur (plus de 10 M€).

La première région concernée par les investissements relatifs aux évolutions du système de préparation de mission du Rafale et de ses missiles aéroportés est Provence-Alpes-Côte d’Azur (plus de 20 M€).

Les principaux investissements relatifs aux centres de simulation Rafale se situent en Ile-de-France (plus de 35 M€) et en Bretagne (plus de 10 M€).

La principale région concernée par l’opération PVP est Rhône-Alpes (plus de 20 M€).

Concernant le report de la baisse de cadence de la production du Rafale, les sites du titulaire sont en Aquitaine et en Ile-de-France.

La consolidation des estimations permet d’évaluer globalement l’impact des 28 opérations relance conduites en matière d’équipement des forces à 68 300 hommes-mois (sur la base de l’indicateur de la mission Relance).

L’ensemble des industriels de la défense reconnaissent l’impact bénéfique du plan de relance : le niveau de commandes a été historiquement élevé en 2009, permettant à nombre d’entreprises de faire face aux premiers effets de la crise. Pour autant, la persistance des turbulences économiques risque de poser de nouvelles difficultés : le plan de relance n’a majoritairement fait qu’anticiper des commandes futures, espérant un retour de la croissance.

Les industriels se trouvent en conséquence désormais confrontés à un double choc : une forte diminution des commandes publiques, conséquence logique de l’anticipation et une poursuite du ralentissement des exportations et des commandes sur le marché civil. La commande du troisième BPC aux chantiers navals STX ne peut par exemple compenser la faiblesse des commandes de bâtiments civils. Or, la marine nationale n’a ni les dotations, ni le besoin de commander un quatrième bâtiment pour entretenir l’activité du chantier au-delà de mai 2011. L’espoir réside exclusivement sur la signature du contrat d’exportation avec la Russie, trahissant la fragilité de l’entreprise.

Le plan de relance ne constitue donc en rien un remède miracle à la crise. Même si l’État s’est engagé dans un effort conséquent, combiné à une réduction drastique de ses dépenses, il a demandé dans le même temps aux entreprises d’améliorer leur compétitivité, de revoir leur organisation et leurs produits afin de s’adapter au nouvel environnement économique. Le plan de relance leur permettait d’effectuer cette réévaluation dans des conditions financières et sociales favorables. Avec un carnet de commandes rempli au-delà des prévisions, elles ont été confrontées à un dilemme : ne rien changer pour honorer les marchés publics ou se réformer au risque de ne pas être en mesure de répondre aux commandes en temps et en heure.

Les effets contra-cycliques du plan n’ont pas permis aux industries de défense d’apprécier correctement l’ampleur de la crise et d’en tirer toutes les conséquences. Dans ce contexte, 2011 risque d’être une année décisive au cours de laquelle les décisions qui avaient été jusque-là reportées devront être prises, et ce, sous la contrainte.

III. —  LA DÉFENSE EN PLEINE MUTATION

Pour la défense, la crise a eu pour première conséquence de remettre en cause le contrat opérationnel défini en 2008. Elle a par ailleurs mis l’accent sur les carences de la politique industrielle de défense. Elle a enfin apporté un éclairage critique sur des priorités encore estimées inattaquables, à l’instar de la course aux technologies.

A. LA REMISE EN CAUSE DU CONTRAT OPÉRATIONNEL DE 2008

Lors des universités d’été de la défense de 2009, Hervé Morin, ministre de la défense, se félicitait que la France soit « une des seules nations qui [ait] su préserver une capacité militaire globale et autonome qui lui permet, comme le Royaume-Uni, de faire partie des trois puissances dans le monde capables de couvrir la globalité de l’action du spectre militaire » (72). Cette posture est réaffirmée dans le concept d’emploi des forces de l’état-major des armées de janvier 2010 qui réaffirme « la volonté de la France de pouvoir s’engager, en tous lieux et en tout temps, sur l’ensemble du spectre des opérations, et d’appuyer sa diplomatie sur des capacités militaires crédibles. Elle doit rester pour cela une puissance militaire complète » (73).

Les restrictions budgétaires en matière d’équipements permettent-elles de tenir ces engagements ? Peut-on considérer que la France a encore les moyens d’être une puissance militaire globale ? Le contrat opérationnel a été défini par le Livre blanc de 2008.

Livre Blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008

Pour les quinze ans à venir, les armées devront remplir les objectifs opérationnels suivants :

– assurer la connaissance des risques et des menaces, des ruptures potentielles de tous types et anticiper les crises ;

– assurer la posture de dissuasion avec le niveau de permanence, de réactivité et de sûreté fixé par le Président de la République ;

– contribuer à bref délai, si besoin dans la durée, à la protection de la population sur le territoire national et à la résilience de la nation, face aux risques et menaces de toute nature :

• en renforçant la sécurité des installations d’importance vitale, la sécurisation des mouvements sur le territoire et l’accès à celui-ci (jusqu’à 10 000 hommes des forces terrestres) ;

• en renforçant en métropole le dispositif de défense aérienne (jusqu’à 6 patrouilles opérationnelles) et de sauvegarde maritime (une frégate et un avion de patrouille maritime sur chacune des trois façades maritimes) ;

• en soutenant le dispositif de sécurité intérieure et de sécurité civile, notamment avec des capacités spécifiques (transport, santé, aide au déploiement, NRBC…) ;

– contribuer à la stabilité et à la paix dans le monde :

• en participant à des opérations de stabilisation ou de maintien de la paix avec les moyens terrestres et une présence navale et aérienne appropriés ;

• tout en renforçant selon le besoin les postures de prévention, de protection et de sauvegarde sur le territoire national.

– faire face à un conflit majeur à l’extérieur du territoire, dans un cadre multinational, et être capable de projeter :

• en six mois, une force terrestre pouvant aller jusqu’à 30 000 hommes pour une durée d’un an, suivie d’une action de stabilisation ;

• une force aérienne de combat de 70 avions ;

• une force navale ou aéronavale de combat ;

• tout en renforçant les postures de dissuasion, de protection et de sauvegarde sur le territoire national;

– tenir prête une capacité d’action et de réaction autonome, pouvant être placée en délai d’alerte réduit (un à quelques jours), et être engagée dans un cadre national ou multinational, et constituée :

• d’éléments d’action terrestre (5 000 hommes), aérienne et maritime et des forces de présence et de souveraineté ;

• de moyens de projection aérienne ou navale et d’activation des points d’appui.

Ce contrat opérationnel marque une rupture avec les précédents : il ne définit pas des objectifs inatteignables avec les moyens dont dispose la France. Il apparaît conforme aux moyens humains, matériels et financiers alloués aux forces armées sur la période 2009-2014. Cet effort de rigueur a permis de chiffrer précisément les efforts nécessaires pour l’accomplissement des missions et de les traduire budgétairement dans la loi de programmation militaire.

Cette précision budgétaire associée à un contrat opérationnel réaliste interdit en principe tout ajustement budgétaire sans ajustement opérationnel. Or la crise ne permet pas de maintenir les flux budgétaires initiaux : les armées ne disposeront donc pas dans les temps prévus des matériels nécessaires pour respecter leurs objectifs. Il en va ainsi du report de la rénovation des 77 Mirage 2000D au profit de la commande supplémentaire de 11 Rafale. En effet, retarder cette rénovation, c’est compromettre, de façon insidieuse, mais quasi certaine, le maintien en service des Mirage 2000D à l’horizon 2020. L’armée de l’air n’aura alors que 130 Rafale, ce qui rendra difficile la projection de 70 avions de combat dans le cadre d’une coalition internationale, les avions étant prioritairement affectés à la dissuasion ou à la protection de l’espace aérien. Avec moins de 200 avions de chasse, la France perdrait son rang de grande puissance aérienne, l’empêchant d’être nation-cadre d’opérations multinationales.

Il faut donc admettre que le contrat opérationnel de 2008 doit être rapidement réexaminé. Cette question n’est pas spécifique à la France : nombre de pays occidentaux doivent faire un choix similaire. Le ministère allemand de la défense indiquait par exemple au printemps qu’avec « les structures et procédures actuelles, nous ne serons pas capables de garantir les capacités de [la] Bundeswehr dans le long terme » (74).

Pour combler ses déficits capacitaires, la France pourrait faire temporairement appel à des concours extérieurs pour combler ses déficits capacitaires Cette option est déjà utilisée par les armées notamment en matière de transport stratégique de fret sur les théâtres d’opérations. Cette solution peut être pertinente à condition d’une part qu’elle ne dure que peu de temps et d’autre part qu’elle ne conduise pas à la disparition de la compétence au sein des armées. Ce choix est en effet coûteux et surtout risque d’introduire une rupture dans les compétences des armées. Si tout le fret stratégique est assuré par des prestataires extérieurs, les armées risquent de se trouver en situation de dépendance et incapables de reconstituer des moyens propres sauf à réaliser d’importants investissements.

À l’inverse, pour préserver les capacités les plus centrales, la France pourrait renoncer, volontairement, consciemment et définitivement, à certaines capacités. Cette option, peu correcte politiquement, est théoriquement possible grâce aux clauses de solidarité dont bénéficie la France en tant que membre de l’OTAN et de l’Union européenne. Ce choix suppose toutefois une totale confiance dans le dispositif de solidarité. Le Danemark a déjà pris cette direction : afin de financer de nouvelles capacités des forces armées danoises, le Danish Defence Agreement, signé par les principaux partis politiques danois (75) le 24 juin 2009, a décidé de réduire voire de supprimer des capacités, afin de maîtriser les finances du ministère de la défense. Cela s’est notamment traduit par des réductions drastiques d’équipement : la capacité opérationnelle de l’armée de l’air a été réduite de 48 à 30 avions de combat, amenant la ministre de la défense danoise, Gitte Lillelund Bec, à repousser de quelques années le remplacement des F16 danois.

Cette orientation relève d’un véritable virage politique de forme et de fond. Elle suppose que les questions de défense fassent l’objet d’un débat structurel important, sans tabou et en pleine connaissance de cause de l’impact humain, technologique, industriel et financier des décisions. Opérer un tel choix pourrait être séduisant mais il ne faut pas oublier qu’un retour en arrière est impossible. Le chef d’état-major rappelle en effet qu’un « outil de défense complet, tel que nous le connaissons aujourd’hui, réclame du temps ». Il faut en effet « du temps pour recruter, former, et entraîner notre personnel : entre 5 et 10 ans. Il faut un peu plus de temps pour acquérir, développer, maîtriser et entretenir des savoir-faire complexes : entre 10 et 15 ans. Il faut beaucoup de temps pour concevoir et mettre en œuvre un système d’armes : entre 15 et 20 ans. Il faut enfin encore plus de temps pour apprendre à combiner, coordonner, synchroniser les outils, les hommes qui les servent, les chefs qui les commandent : plus d’une génération » (76).

Dès lors, il appartient à l’ensemble des instances politiques et militaires de se saisir de cette question et d’opérer les modifications adéquates. Il ne s’agit pas de renoncer à ce que la France compte comme puissance militaire, mais bien au contraire, de préserver sa capacité d’influence et d’intervention en hiérarchisant ses priorités et les moyens qui leur sont alloués.

B. LES CARENCES DE LA POLITIQUE INDUSTRIELLE DE DÉFENSE

Le Livre blanc indique clairement que la France doit conserver « la maîtrise nationale des technologies et des capacités de concevoir, fabriquer et soutenir les équipements nécessaires aux domaines de souveraineté pour lesquels elle estime ne pas pouvoir envisager un partage ou une mutualisation compte tenu de ses choix politiques » (77). Cinq secteurs sont concernés :

- la conception, le développement et la fabrication des armes nucléaires et la capacité à en garantir la sûreté ;

- les compétences en matière de missiles balistiques, notamment celles qui concernent le guidage inertiel à haute performance et la propulsion solide ;

- la conception et la réalisation de sous-marins à propulsion nucléaire ;

- la capacité de conduite technique d’un programme d’avion de combat et d’adaptation du système à la mission nucléaire ;

- la conception et la réalisation de produits de sécurité et de cryptologie des systèmes d’information.

1. Les achats sur étagère

En dehors de ces domaines, le Livre blanc a confirmé clairement que la France n’a ni le besoin ni les moyens de maintenir une base industrielle. Notre pays a déjà renoncé à certaines capacités, privilégiant l’achat sur étagère. C’est notamment le cas des munitions de petit calibre. Les forces françaises utilisent chaque année plus de 35 millions de cartouches de 5,56 mm, 30 % d’entre elles étant alloués aux régiments d’infanterie. Depuis 1999, la France achète à l’étranger ses stocks à hauteur de 50 millions de cartouches par an. L’Allemagne, les États-Unis, la Suisse et Israël sont ses principaux fournisseurs. Le munitionnaire français, Nexter munitions, s’est pour sa part concentré sur les munitions de moyen et gros calibres.

Cette politique d’acquisition peut poser des problèmes opérationnels, notamment pour les troupes déployées en Afghanistan. En cas de rupture de stock, les armées sont totalement dépendantes de leurs fournisseurs, faute de pouvoir produire en interne des munitions. Par ailleurs, des problèmes sont apparus avec les munitions de certains fournisseurs, montrant bien l’importance du contrôle et du suivi des contrats. Si la France peut raisonnablement renoncer à la production des munitions de petit calibre, elle doit en revanche être en mesure de vérifier la qualité de ses achats pour éviter tout incident ou accident.

Des équipements plus lourds sont également acquis à l’étranger : les avions de surveillance AWACS sont des Boeing 707. La rénovation à mi-vie de ces appareils sera menée par l’armée de l’air américaine via la procédure Foreign Military Sale avec Boeing pour architecte industriel. Il est d’ailleurs à noter que les armées françaises bénéficient pour ce programme d’une coopération excellente avec les Américains.

Le développement des acquisitions pour urgence opérationnelle laisse penser que d’autres équipements peuvent être achetés sur étagère. Compte tenu des délais très réduits, les armées sont amenées à privilégier les matériels existant à l’étranger plutôt que de défendre le développement d’un programme national. Pour protéger les forces déployées en Afghanistan des engins explosifs improvisés, les armées ont ainsi acquis cinq engins d’intervention et de protection Buffalo de fabrication américaine.

Pour autant, le recours à ces achats reste culturellement difficile à mettre en œuvre. L’exemple le plus parlant est sans doute celui des drones. Ces matériels sont considérés comme indispensables sur la plupart des théâtres d’opérations, et notamment en Afghanistan, pour assurer des missions de soutien et de renseignement. Les atermoiements étatiques et industriels pour développer des programmes français ne permettent cependant pas aujourd’hui de répondre de façon satisfaisante aux besoins des forces. Aussi le ministre de la défense n’hésite-t-il pas à évoquer la possibilité d’acheter des drones américains Predator. En juillet 2010, le ministre rappelait que « la problématique du drone MALE est simple : selon la DGA la première proposition française a un coût de 1,5 milliard d’euros alors que le drone Predator américain, dont chacun s’accorde à reconnaître l’exceptionnelle efficacité en Afghanistan, coûterait autour de 700 millions d’euros. Il me semble qu’il y a une contradiction pour un industriel à demander à l’État de l’aider à exporter ses matériels et, dans le même temps de lui proposer d’acheter un produit qui coûte 800 millions d’euros de plus qu’un produit étranger concurrent » (78). Ce choix semble difficile puisque aucune décision n’est encore intervenue alors que le besoin se fait de plus en plus pressant.

L’achat sur étagère pourrait également s’avérer pertinent pour des programmes plus conséquents. La Cour des comptes estimait par exemple que cette solution aurait pu être retenue pour le nouvel avion de transport. Constatant les retards du programme A400M, les magistrats relevaient en effet que « le recours à l’achat d’avions de transport produits par des pays tiers pour l’équipement de l’armée de l’air aurait permis de doter plus rapidement les forces françaises des moyens de projection qui leur font défaut et n’aurait sans doute pas été plus onéreux ». Plus globalement ils notent que « dans le cas de matériels complexes, à acquérir en un nombre limité d’exemplaires, le choix effectué en faveur de matériels d’origine étrangère déjà disponibles “sur étagère” (avions embarqués Hawkeye, avions de guet aérien AWACS, avions de transport C 130 et drones Hunter) s’est parfois révélé la meilleure solution ».

Dans de nombreux cas, le développement d’un programme national obéit à des considérations plus larges que les enjeux industriels. La Cour des comptes relève d’ailleurs que « le souci d’éviter des difficultés économiques et sociales à l’industrie nationale, ou de maintenir une compétence industrielle dans un domaine stratégique, peut justifier la décision de développer un matériel nouveau. Ainsi, par exemple, pour le VBCI, l’armée de terre aurait sans doute pu trouver parmi les nombreux véhicules existant sur le marché un matériel correspondant convenablement à ses besoins ; mais, dans cette hypothèse, et après l’arrêt de la production du char Leclerc, l’avenir de GIAT Industries aurait été problématique, alors même que le sauvetage de cette société avait nécessité d’y investir plus de 5 milliards d’euros d’argent public » (79).

2. Quelle cohérence pour la politique industrielle de défense ?

— Afin de conserver une compétence dans les secteurs clés, il faut que la France se dote d’une véritable politique industrielle allant de la recherche à la commande publique, en passant par la formation des personnels et le soutien à l’exportation. Selon, Robert Stevens, P-DG du groupe américain Lockheed Martin, il n’est pas possible de « maintenir une base industrielle si cette base industrielle ne dispose pas d’une stabilité des programmes, des budgets et des besoins. […] Cela est valable pour tous les secteurs. Si vous voulez conserver du dynamisme, attirer et retenir les meilleurs cadres, être capable d’investir dans les meilleurs outils et équipements, vous devez disposer de fondations stratégiques qui décrivent ce que [vous voulez] faire et ce que [vous voulez] mettre comme ressources face à ce plan » (80).

Le Livre blanc sur la défense confirme cette analyse en soulignant que « les compétences scientifiques, technologiques et industrielles de la France conditionnent sa capacité à satisfaire les besoins des armées [… et] doivent [lui] permettre de conserver son autonomie stratégique » (81). Ce constat ne permet cependant pas de dessiner à lui seul les contours d’une politique industrielle cohérente.

Question écrite n° 75805 publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 6 avril 2010

M. André Wojciechowski attire l’attention de M. le ministre de la défense sur la diminution des commandes militaires, les armées ayant besoin de moins de matériels ; les besoins de la France ne permettront pas à eux seuls à l’industrie de survivre, celle-ci a donc besoin du soutien du pays. Il lui demande de lui indiquer comment il entend conserver le capital industriel de nos entreprises en l’absence de grands programmes, de quelle façon maintenir leur compétitivité-prix sachant qu’il n’y a plus que quelques pays dans lesquels l’influence politique de la France peut encore jouer.

Réponse du ministre de la défense publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 29 juin 2010

Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale a défini une nouvelle stratégie de sécurité nationale, adaptée à l’ère de la mondialisation, qui repose sur un équilibre entre cinq grandes fonctions stratégiques : « connaissance et anticipation », « prévention », « dissuasion », « protection » et « intervention ». La loi n° 2009-928 du 29 juillet 2009 relative à la programmation militaire (LPM) pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense couvre la première étape de la mise en œuvre de la nouvelle stratégie de défense et de sécurité nationale adoptée par le Président de la République dans le Livre blanc et les décisions prises dans le cadre de la réforme de l’État. La LPM 2009-2014 traduit la volonté politique réaffirmée du Président de la République et du Premier ministre de doter la France d’une défense à la hauteur de ses intérêts de sécurité et de ses ambitions internationales. Parmi les orientations définies dans cette perspective, figure un rééquilibrage progressif des crédits de la mission budgétaire « Défense » au profit des investissements, et notamment des équipements de défense. Ainsi, dans un contexte économique contraint, ce sont près de 102 M qui seront consacrés aux investissements de défense au cours de la période 2009-2014, soit environ 55 % du budget total programmé. Les dépenses d’investissement ont été portées à 17 M dans la loi de finances pour 2009, soit un accroissement de l’ordre de 11 % par rapport à 2008 (hors effet du plan de relance de l’économie française) et devraient connaître un accroissement supplémentaire en volume d’environ 4 % en 2013 et 8,5 % en 2014. En plus de ces crédits, une partie de l’enveloppe « Défense » du plan de relance de l’économie française est consacrée aux programmes d’armement (1,231 M engagés en 2009) et à l’effort de recherche et technologie (110 M). Ainsi, l’année 2009, premier exercice budgétaire de la nouvelle LPM, a été marquée par un niveau d’engagement exceptionnel de crédits en faveur des investissements, en raison principalement de commandes globales significatives conjuguées à l’effet accélérateur du plan de relance. L’industrie française de défense bénéficie ainsi de ces décisions budgétaires qui lui assurent, sur la période couverte par la LPM, une hausse de son activité au travers d’opérations conduites dans un cadre national, ou en coopération au niveau européen, conformément aux orientations définies dans le Livre blanc en matière de politique industrielle et technologique. Elle dispose ainsi d’une visibilité sur le long terme. La charge des bureaux d’études, qui conditionne le maintien des compétences technologiques, bénéficie, dans les secteurs clés définis par le Livre blanc ainsi que dans celui de l’aéronautique de combat, d’un apport de crédits d’études amont, répartis de manière optimale en fonction des fins de développement des programmes actuels et des lancements de programmes futurs. La viabilité économique et industrielle de l’outil de production est pour sa part renforcée par la production à destination de l’exportation. Aussi, le Gouvernement, qui a entrepris depuis 2008 de dynamiser les exportations de défense (les commandes enregistrées à l’exportation se sont élevées à près de 6,6 Md en 2008, soit une augmentation de plus de 13 % par rapport à 2007, et à près de 8 MdEUR en 2009), de continuera-t-il à promouvoir, tant sur le plan technique que politique, la présence et offre des entreprises françaises de défense sur les marchés extérieurs. S’agissant par exemple du programme des frégates multimissions (FREMM), le Maroc a confirmé la commande d’une de ces unités pour sa marine et de réelles perspectives existent encore avec d’autres pays amis de la France. Il en va de même pour les avions Rafale, qui font l’objet de négociations avancées avec plusieurs clients potentiels. Ainsi, l’industrie de défense française dispose dans son ensemble d’une très bonne visibilité sur son activité grâce aux commandes qui lui ont été adressées à ce jour, tant par le ministère de la défense que par les pays clients à l’exportation. Néanmoins, dans un contexte de difficultés économiques générales, le ministère de la défense porte la plus grande attention à la base industrielle et technologique de défense (BITD), dont une partie peut être fragilisée. Il veille également aux retombées positives que la BITD peut escompter de l’action de l’Agence européenne de défense. Les progrès accomplis dans les tâches d’harmonisation des besoins capacitaires offrent en effet de nouvelles perspectives, susceptibles de déboucher prochainement sur de nouveaux programmes qui bénéficieraient à l’ensemble de la BITD européenne, notamment à l’industrie de défense française.

Des efforts ont été engagés sur ce thème : en mai 2010, le délégué général pour l’armement déclarait par exemple avoir « une image précise au plan industriel de ce qu’il faut pour satisfaire les besoins des armées » (82). Pour autant, est-ce que la politique industrielle peut se construire uniquement à partir des besoins des armées ? En d’autres termes, faut-il que le client principal détermine l’organisation de la filière ? Les rapports tendus entre le monde agricole et la grande distribution montrent que ce choix peut être néfaste au final.

La DGA semble toutefois vouloir redessiner le paysage industriel français jugé trop fragmenté. Pour arriver à cette fin, elle use pour du « levier le plus efficace de la stratégie industrielle », c’est-à-dire « la commande publique et la politique d’acquisition, qui s’exercent dans toutes les phases des programmes, de l’amont au retrait de service » (83). En gelant les commandes et crédits de recherche, l’État dispose d’armes financières destinées à faire plier les résistances des actionnaires privés et imposer ses vues. Cette implication dans les stratégies d’entreprises privées est-elle la résurgence d’une nostalgie administrative des arsenaux ?

— Force est de constater que même si la plupart des entreprises françaises de défense ont désormais un statut privé et que certaines font partie de groupes internationaux, elles conservent des liens très forts avec l’État, qu’il soit leur premier client ou leur premier actionnaire. La gouvernance d’EADS, groupe franco-hispano-allemand, reste par exemple très marquée par les positions respectives de ces trois pays.

L’interventionnisme de l’État s’est également manifesté à deux occasions en 2010.

● Safran et Thalès se sont attirés les foudres de la DGA en raison de leurs réticences à recomposer leurs actifs militaires, la DGA souhaitant que le département optronique de Safran soit transféré à Thalès qui céderait en retour son activité avionique.

À l’origine, le rapprochement était pourtant bien engagé. Lors de son arrivée dans le capital de Thalès, Dassault Aviation a signé avec l’État un pacte d’actionnaires visant à rationaliser les activités de la société avec celles de Safran dont l’État est également actionnaire. Ce pacte prévoyait la redistribution des actifs liés à l’optronique, aux drones et aux centrales inertielles, sans toutefois préciser ce qui reviendrait à chacune des sociétés. On pouvait en effet se demander s’il est cohérent pour la France d’avoir deux sociétés concurrentes sur les centrales inertielles, technologies qui guident les Rafale, les missiles et les bâtiments de la marine nationale.

Invitée à dialoguer avec Thalès, la société Safran a alors revendiqué les actifs de Thalès liés aux calculateurs centraux d’avions. Cette technologie, non prévue par le pacte d’actionnaires, est hautement stratégique sur les plans industriels et commerciaux. Les calculateurs prennent une place de plus en plus importante dans le développement des appareils : celui qui maîtrise les calculateurs, maîtrise indirectement l’ensemble des systèmes embarqués. Avec ce schéma, Thalès serait devenu un sous-traitant de Safran. L’État, actionnaire des deux sociétés, accède alors à la demande de Safran, imposant de fait à Thalès d’abandonner son cœur de métier. Cette dernière a refusé de poursuivre ce dialogue car elle avait déjà réalisé les investissements lourds en termes de recherche. Par ailleurs, cela aurait conduit à ce qu’elle perde des clients tels que Boeing, Airbus et Dassault.

La situation est arrivée à un point de blocage, provoquant la colère l’État pourtant responsable de ne pas avoir respecté ab initio les termes du pacte d’actionnaires. C’est bien l’absence de cohérence de la politique industrielle de l’État qui est ici à critiquer et non la réaction des deux sociétés.

● Nexter et Renault Trucks Défense sont aussi fortement encouragés à s’inspirer du rapprochement effectué en Allemagne entre Rheinmetall et Man. Ce choix apparaît pourtant étonnant compte tenu des problèmes constatés outre-Rhin. Rheinmetall ne peut désormais plus faire jouer la concurrence entre constructeurs de véhicules lourds, perdant non seulement une capacité de négociation financière mais aussi des capacités d’innovation technologiques. Quant au groupe Man, il a concentré ses bureaux d’études sur les marchés civils, laissant à Rheinmetall la charge de la recherche et du développement de défense.

L’alliance éventuelle entre Nexter et Renault Trucks Défense a d’ores et déjà enregistré un échec en Suède, ne parvenant pas à décrocher le contrat de 113 véhicules blindés obtenu par le concurrent finlandais Patria. Cet échec commercial est d’autant plus dommageable que Renault Trucks Défense est la propriété du groupe suédois Volvo.

3. Politique industrielle et politique industrielle de défense

Pour soutenir les industriels de défense, l’État doit-il mener d’abord une politique globale en matière industrielle ou définir une politique sectorielle limitée au secteur de la défense ?

a) Pour une politique industrielle globale

Cette interrogation a émergé avec force lors du débat sur l’utilisation des crédits du grand emprunt national. La défense est a priori exclue de son champ. Pourtant une convention a été signée le 29 juillet 2010 par le Premier ministre, le ministre de l’écologie, du développement durable et de la mer, le ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, le ministre de la défense et l’office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA) pour gérer les fonds destinés à la recherche dans le domaine de l’aéronautique. 900 millions d’euros sont ainsi dédiés aux démonstrateurs technologiques aéronautiques et 600 millions d’euros aux aéronefs du futur.

Investissements d’avenir, convention « opérateur ONERA »

Action : « recherche dans le domaine aéronautique »

Journal officiel 31 juillet 2010 (extrait)

Pour aller au-delà des technologies utilisées aujourd’hui dans l’industrie aéronautique et qui ont été développées dans certains cas il y a plus de quarante ans, il est indispensable de soutenir le développement des nouvelles générations d’aéronefs, en prenant en compte notamment les opportunités du développement durable et la diminution de l’empreinte environnementale du système de transport. La chaîne de création de nouvelles technologies, qui va de la recherche à la phase d’industrialisation, présente un besoin au niveau de la démonstration technologique. Les investissements nécessaires à ce niveau sont risqués, présentent des taux de retour longs et produisent des externalités scientifiques et techniques, ce qui justifie l’intervention de financements publics. L’intervention du programme d’investissements d’avenir s’appuiera donc sur un programme de démonstration technologique et de développements d’aéronefs futurs afin d’accélérer l’intégration de l’innovation dans les futurs programmes aéronautiques européens. L’État confie à l’ONERA la gestion des fonds pour les investissements d’avenir relevant de cette action.

Or l’ONERA est un établissement public à caractère industriel et commercial régi par le code de la défense et placé sous l’autorité de la direction générale pour l’armement. Il est difficile de faire abstraction du lien très fort qui unit l’aéronautique civil à l’aéronautique militaire et donc d’exclure par principe la recherche-développement (R&D) destinée à la défense de la R&D destinée au secteur civil. Ce sont d’ailleurs des personnels de la DGA qui pilotent l’essentiel des opérations, notamment au niveau du comité de pilotage, de l’équipe programme chargée de l’évaluation des projets et du comité de suivi.

Ce choix montre bien qu’il est difficile, voire impossible, d’opérer un partage strict entre la défense et l’industrie, sauf à ce que l’action de l’État perde en cohérence et en efficacité. Dans le contexte de crise, la politique industrielle de défense doit devenir une composante de la politique industrielle française et ne pas être traitée à part. Dans d’autres États, comme au Canada, en Espagne ou en Italie, les industries de défense, voire les acquisitions d’équipements militaires, sont supervisées par le ministère de l’industrie et non par le ministère de la défense.

La Commission européenne note que la séparation entre politique industrielle de défense et politique industrielle au sens large n’est pas pertinente, notamment parce que les leviers sont extrêmement proches. Dans sa communication faite au Parlement et au Conseil sur la stratégie pour une industrie européenne de la défense plus forte et plus compétitive, elle relève que « la défense est un secteur de très haute technologie et [que] les travaux de recherche et développement d’avant-garde qui y sont menés ont des retombées dans bien d’autres domaines. Elle est étroitement liée à l’électronique, aux technologies de l’information et de la communication, aux transports, à la biotechnologie et aux nanotechnologies. Ensemble, ces branches d’activité sont sources de possibilités nouvelles, d’innovation et de savoir-faire, qui suscitent développement et croissance dans tous les pans de l’économie. De nombreuses technologies nouvelles mises au point à des fins militaires se sont également révélées des leviers de croissance dans les secteurs civils, par exemple les systèmes de positionnement global, l’Internet et l’observation de la Terre. Mais ce processus fonctionne de plus en plus dans les deux sens, car les secteurs civils apportent eux aussi leur contribution à celui de la défense (par exemple dans le domaine de la conception de logiciels). Cet enrichissement mutuel croissant revêt une grande importance au regard de la stratégie de Lisbonne en faveur de la croissance et de l’emploi. En outre, le secteur de la défense est de plus en plus difficile à délimiter, la démarcation entre les technologies propres à la défense, à la sécurité et au domaine civil (l’électronique et les télécommunications, par exemple) devenant moins nette » (84).

b) Arrêter la dispersion des moyens étatiques

La privatisation des arsenaux a conduit l’État à revoir les relations qu’il entretenait avec ses fournisseurs. Il ne s’agit plus de traiter avec des directions d’administrations centrales, mais avec des entreprises soumises aux impératifs du marché. Pour organiser les échanges et représenter les intérêts de l’État, a été créée l’agence des participations de l’État (APE), rattachée à la direction générale du Trésor du ministère de l’économie et des finances. Elle « constitue la force de référence, d’analyse et de proposition au ministre chargé de l’économie s’agissant de la position de l’État actionnaire. Cette mission porte sur les actes majeurs de la vie des entreprises : leur stratégie, leurs principaux programmes d’investissement et de financement, leurs projets d’acquisition et de cession mais aussi leurs évolutions capitalistiques. L’Agence participe directement aux organes sociaux des entreprises et assure à ce titre la cohérence des positions des représentants de l’État qui en sont membres ; elle représente l’État aux assemblées d’actionnaires. Elle propose l’utilisation de moyens financiers qu’elle met en œuvre dans le cadre des instructions du ministre. Elle dispose de moyens de contrôle des entreprises, en liaison avec les services de l’inspection générale des finances et du contrôle général économique et financier » (85). Les entreprises de défense que sont DCI, DCNS, Nexter, SNPE, Sogeade, Sogepa, TSA, Thalès, EADS et Safran relèvent de son champ de compétences. Pourtant le ministère de la défense n’hésite pas à intervenir directement auprès de ces groupes, risquant de créer au mieux des incompréhensions, au pire des distorsions dans l’action publique.

Par ailleurs, pourquoi ne pas regrouper l’ensemble des moyens consacrés à la formation, à la R&D, à l’investissement public ou au soutien à l’exportation plutôt que d’entretenir une multitude de structures ? Cela permettrait de rationaliser les actions et de limiter les coûts usuels de fonctionnement. C’est particulièrement visible en matière de recherche. Pour les domaines les plus stratégiques, la France doit conserver une avance si elle veut rester crédible. Pour ne pas avoir fait cet effort, la Russie a, selon l’ancien responsable des armements, perdu plus de 300 technologies dans les domaines aéronautiques et anti-balistiques (86). Avec un budget avoisinant les 700 millions d’euros, le budget consacré aux études amont de la DGA permet-il de soutenir à lui seul une politique de recherche à la hauteur des ambitions affichées par le Livre blanc ? Ne faudrait-il pas regrouper ces crédits avec ceux du soutien à la recherche ?

Le plan stratégique de recherche de la DGA de 2009 ouvrait des pistes de réflexion mais il ne semble avoir été suivi en pratique.

Plan stratégique de recherche & technologie de défense et de sécurité, Direction générale pour l’armement, octobre 2009

Pour satisfaire les capacités stratégiques de défense et de sécurité définies par le Livre blanc, certaines technologies permettant de réaliser des fonctions déterminantes sont rares, difficiles à acquérir ou à mettre en œuvre. Afin de garantir l’autonomie nationale des systèmes concernés, l’accès à ces technologies dites de souveraineté (TSV) doit être sécurisé, notamment via des actions de R&T. Cela implique :

• soit leur maîtrise par l’industrie française ;

• soit un accès garanti à des capacités industrielles présentes sur le territoire national ;

• soit de disposer d’un accès garanti par des accords inter-gouvernementaux lorsqu’elles ne sont pas disponibles sur le territoire national.

Les technologies de souveraineté les plus évidentes sont liées aux enjeux tels que de la dissuasion (conception de missiles stratégiques). Dans d’autres cas, elles sont duales avec de très forts enjeux économiques : avions, lanceurs, satellites, énergie nucléaire, lasers de puissance, simulateurs, navigation…

D’autres TSV plus masquées peuvent être utilisées aux différents niveaux de la sous-traitance sans qu’une concertation suffisante n’existe quant à leur maîtrise par le client ou au niveau plus élevé d’intégration industrielle. Elles nécessitent cependant d’être identifiées, anticipées et soutenues en lien avec le tissu scientifique et industriel afin d’orienter les investissements pour maintenir et développer les compétences et les capacités étatiques et industrielles dans ces domaines. À terme, les projets de licences de composants intergouvernementaux ou la mise en place d’un espace européen de libre circulation figurent parmi les réponses envisageables pour les équipements les moins sensibles.

La sécurisation des TSV ne peut se traiter uniquement au niveau français. Elle est abordée, avec toutes les précautions nécessaires, avec nos alliés qui ont des préoccupations similaires.

Le montant et la répartition des crédits consacrés à la recherche de défense font également l’objet d’interrogations.

Question écrite n° 77343 publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 27 avril 2010

Mme Françoise Olivier-Coupeau interroge M. le ministre de la défense sur l’emploi des crédits consacrés par la direction générale de l’armement à la recherche et au développement. Plus précisément, elle souhaite connaître la répartition de ces crédits par milieu (terre, air, mer) et par fonction opérationnelle.

Réponse du ministre de la défense publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 3 août 2010

Les crédits de recherche et de développement (R&D) sont gérés au niveau interarmées, en étroite collaboration entre l’état-major des armées (EMA) et la direction générale de l’armement (DGA). L’effort en matière d’innovations scientifiques et technologiques est conduit dans l’objectif de la plus grande synergie possible entre les fonctions opérationnelles. Une grande part de ces crédits ne peut être affectée en particulier à un milieu (terre, air, mer) ou à une fonction opérationnelle. Les crédits de recherche et technologie (R&T) bénéficient en grande majorité à l’ensemble des domaines. Le portefeuille des études de R&T est articulé en trois domaines suivant la maturité croissante des innovations : celui de l’identification, au sein des nouvelles technologies, d’applications militaires potentiellement intéressantes, selon une approche ouverte aux démarches spontanées et au monde académique, qui représente près de 15 % des crédits prévus en loi de programmation militaire (LPM) pour les années 2009 à 2014 (dont par exemple la recherche d’applications militaires aux nanomatériaux) ; celui de la maturation des technologies pour les mener du laboratoire jusqu’à des environnements représentatifs des systèmes d’armes, qui représente près de 50 % des crédits prévus en LPM 2009-2014 (dont par exemple la préparation de nouveaux programmes dans la douzaine d’années à venir) ; celui des démonstrateurs pour lever les risques sur les systèmes les plus complexes, susciter et structurer au plus tôt les coopérations, qui représente près de 35 % des crédits prévus en LPM 2009-2014 (dont par exemple la coopération européenne sur le concept de drone de combat Neuron). Lors de l’évaluation du potentiel des technologies émergentes, au niveau des laboratoires, les domaines d’application militaire sont encore très incertains. Le domaine d’application des études se précise progressivement en phase de maturation. Toutefois de nombreuses technologies ont de multiples applications, notamment en matière de matériaux, composants, sous-systèmes ou outils d’évaluation (communication, guidage, navigation, autoprotection, guerre électronique, simulations informatiques…). Seuls les démonstrateurs sont clairement orientés vers une fonction opérationnelle ou un milieu (par exemple, le démonstrateur de futur système de lutte contre les mines sous-marines : Espadon). Par ailleurs, depuis le printemps 2009, un nouveau dispositif d’appui aux projets à fort potentiel technologique des petites et moyennes entreprises (PME) innovantes présentant une dualité civile et militaire a été mis en place. Dénommé « RAPID » (régime d’appui aux PME pour l’innovation duale), ce dispositif, qui a rencontré un vif succès auprès des PME, est financé par le budget R&T à hauteur de 30 MEUR en 2010. Il fonctionne sur la base des propositions spontanées des PME et ses retombées ne peuvent être affectées par avance entre les milieux ou les fonctions opérationnelles. Actuellement, près d’un quart des financements de R&T est transverse aux fonctions opérationnelles. L’affectation des trois quarts restants est proposée par la DGA en étroite collaboration avec l’EMA selon les besoins des cinq systèmes de forces définis dans le plan prospectif à trente ans : « dissuasion », « engagement et combat », « commandement et maîtrise de l’information », « protection et sauvegarde », « projection, mobilité et soutien ». La répartition dépend des besoins de préparation des futurs programmes, ainsi que du développement de la base industrielle et technologique de défense (BITD), notamment en termes d’opportunités, d’enjeux et de risques à maîtriser. La ventilation des crédits de R&T dépend également du caractère critique de certains domaines en termes de souveraineté ou de restrictions à l’importation et à l’exportation. Ainsi, sur la LPM 2009-2014, il est prévu d’orienter près de 50 % des crédits sur les besoins des deux systèmes de forces les plus critiques en termes de souveraineté, à savoir les systèmes « dissuasion » et « engagement et combat ». Une répartition entre milieux est donc peu pertinente et difficile à élaborer car de nombreuses technologies communes sont partagées et plusieurs domaines relèvent du niveau interarmées (forces nucléaires, espace, renseignement, communication et commandement…). Plus de la moitié des études amont n’apparaît pas affectable à un milieu ou un autre. Les autres études amont se répartissent dans un ordre décroissant entre les trois milieux : l’aérien, qui représente un peu plus d’un tiers de ces études ; l’aéromaritime, proche d’un tiers ; puis l’aéroterrestre. Pour ce qui concerne les développements réalisés dans le cadre des programmes d’armement (programme 146 « Équipement des forces » de la mission budgétaire « Défense »), le budget inscrit en loi de finances pour 2010 s’élève à 1,95 MdEUR (MdEUR) (dont 0,67 MdEUR attaché aux programmes nucléaires). Ce montant, en retrait par rapport à ce qui a été réalisé en 2009, reflète le passage en phase de production d’un plus grand nombre de programmes d’armement, quoique la part relative au développement dans les programmes d’armement présente une relative stabilité (2,13 MdEUR en loi de finances pour 2008 et 2,2 MdEUR en loi de finances pour 2009). La répartition des crédits de développement entre les cinq grandes fonctions stratégiques définies par le livre blanc sur la défense et la sécurité nationale se caractérise par une part dépassant légèrement 30 % pour la « dissuasion » et par un équilibre, à hauteur d’environ 17 %, entre les quatre autres fonctions : « connaissance et anticipation », « prévention », « protection » et « intervention ».

Question écrite n° 7585 publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 6 avril 2010

M. André Wojciechowski attire l’attention de M. le ministre de la défense sur le budget ridiculement petit, 800 millions d’euros, consacré à la recherche militaire dont dépend l’avenir de notre défense. Ce budget ne nous permet même pas de soutenir notre politique en matière de drones. Il lui demande s’il n’entend pas doter la France d’un budget de recherche militaire décent par rapport à tous nos pays amis, mais néanmoins concurrents.

Réponse du ministre de la défense publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 17 août 2010

La loi n° 2009-928 du 29 juillet 2009 relative à la programmation militaire (LPM) pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense a prévu un rééquilibrage progressif des crédits de la mission budgétaire « défense » au profit des investissements. La LPM pour la période 2009-2014 se traduit ainsi par un accroissement substantiel des ressources destinées à l’équipement des forces, qui ont été portées à 17 MdEUR dans la loi de finances pour 2010, soit une hausse de l’ordre de 11 % par rapport à 2008 (hors effet du plan de relance de l’économie française). Pour ce qui concerne les développements réalisés dans le cadre des programmes d’armement (programme 146 « équipement des forces » de la mission « défense »), le budget inscrit dans la loi de finances pour 2010 s’élève à 1,95 MdEUR (dont 0,67 milliard attaché aux programmes nucléaires), ce qui, combiné avec les crédits affectés aux études de défense (incluant notamment les études amont, les subventions aux organismes de recherche publics, les transferts de crédits au commissariat à l’énergie atomique, les crédits pour la recherche duale, les études technico-opérationnelles), porte le montant total du budget de recherche et développement de la défense à 3,58 MdEUR. Ce montant, en léger retrait par rapport à ce qui a été réalisé en 2009, reflète le passage en production de plusieurs programmes d’armement. Du fait de la fin de plusieurs grands développements (avion de combat Rafale, hélicoptère de combat Tigre, équipement du fantassin Félin, véhicule blindé de combat d’infanterie VBCI…), les bureaux d’études sont confrontés à une diminution de leur charge. Le ministère de la défense porte donc la plus grande attention à ce que les moyens consacrés à la préparation de l’avenir, qui conditionnent la capacité à satisfaire sur le long terme les objectifs définis en matière de défense et de sécurité nationale, soient conformes à la LPM. C’est notamment le cas pour les études amont dans les domaines de souveraineté (dissuasion et sécurité des systèmes d’information). Ces études, qui sont également nécessaires pour faire face à l’exigence des nouvelles menaces et risques stratégiques, concourent au développement de nos capacités de renseignement, à l’amélioration de la protection des personnels, ainsi qu’à la maîtrise de l’information dans un cadre interalliés. Suite à l’accélération des études technologiques, permise l’an dernier par le plan de relance de l’économie française, la part contractualisée en études amont au sein de l’agrégat « études de défense » retrouvera en 2010 le niveau de l’année 2008, avec un montant prévu d’engagements d’environ 630 MEUR. Sur les prochaines années, le montant annuel des engagements devrait approcher les 700 MEUR. Le ministère de la défense considère l’investissement dans la recherche de défense comme primordial, dans la mesure où il a vocation à garantir l’adaptation des équipements de nos armées à la réalité des conflits actuels et futurs, en particulier pour préparer les solutions nouvelles destinées à assurer la supériorité de nos moyens d’action, pour développer les compétences industrielles avec le degré d’autonomie requis et pour détenir la compétence scientifique et technique nécessaire en vue d’éclairer les grandes décisions. L’activité générée représente une part importante de l’effort global de notre pays, dans la mesure où les crédits afférents sont majoritairement investis sur notre territoire, car relevant de la sécurité nationale, et contribuent à la compétitivité de l’industrie française. L’effort de recherche de défense s’exerce en forte synergie avec le monde de la recherche universitaire, contribuant à la formation de nos scientifiques et ingénieurs, ainsi qu’au développement des pôles de compétitivité et des centres d’expertises, notamment dans les domaines des systèmes complexes de l’aéronautique et de l’espace. Par ailleurs, le ministre de la défense a tout particulièrement souhaité que l’effort de recherche et développement bénéficie aux petites et moyennes entreprises (PME) innovantes. Un plan d’actions spécifique a ainsi été lancé à la fin de l’année 2007 pour faciliter leur accès aux marchés de défense. Les PME sont désormais mieux informées sur les priorités technologiques de la défense, de façon à leur permettre d’anticiper l’effort d’innovation nécessaire, et sont davantage accompagnées et conseillées. Ces mesures se sont notamment traduites par une augmentation très significative, en 2009, du montant des commandes d’études amont qui leur ont été passées par la direction générale de l’armement. En complément, le ministre a décidé la mise en place, au printemps 2009, en coopération avec le ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, d’un nouveau dispositif d’appui aux projets des PME innovantes à fort potentiel technologique présentant une dualité civile et militaire. Ce dispositif, dénommé « RAPID » (régime d’appui aux PME pour l’innovation duale), a rencontré un vif succès auprès des PME en 2009. Son budget est triplé pour s’élever à 30 MEUR en 2010. Enfin, les efforts mis en œuvre s’inscrivent dans une démarche globale de recherche de coopération avec nos partenaires européens pour préparer les développements communs futurs et augmenter la taille des marchés accessibles. Plus du quart des investissements français en recherche et technologie de défense sont désormais le résultat de coopérations. La France constitue un acteur essentiel dans ce domaine en Europe, avec le Royaume-Uni. Ensemble, ces deux nations représentent les deux tiers des investissements européens dans la recherche et technologie de défense. S’agissant plus particulièrement des drones, le budget de recherche et technologie pour 2010 doit permettre la poursuite des travaux engagés. Pour les drones de surveillance et de reconnaissance, les briques technologiques critiques sont d’ores et déjà développées (insertion des drones dans la circulation aérienne générale, liaisons de données, appontage automatique…), la France ayant suscité de multiples coopérations sur ces thèmes. Concernant les drones de combat, plusieurs projets sont menés en coopération européenne, le plus important d’entre eux étant le démonstrateur technologique Neuron. D’autres coopérations ambitieuses sont en cours de négociation.

C. LA COURSE À LA TECHNOLOGIE

1. Une fuite en avant technologique

Le secrétaire d’État américain à la défense constate que les défis stratégiques auxquels doivent faire face les États-Unis imposent de modifier la nature et les modalités des acquisitions de défense. Sur la nature même des équipements, il veut modérer les ardeurs dépensières des forces rappelant que « les nouvelles missions exigent de nouveaux modes d’approche du catalogue d’armes que nous achetons. […] Comme nous l’avons appris l’année dernière, vous n’avez pas nécessairement besoin d’un destroyer équipé de missiles guidés d’un milliard de dollars pour poursuivre et neutraliser une bande de pirates adolescents équipés d’AK 47 et de RPG » (87). Les adversaires des États-Unis ont des ressources limitées, ce qui les obligea à utiliser des armes innovantes et non conventionnelles. Au final, il note que « le principal fossé que nous risquons de créer est celui entre les capacités que nous recherchons et celles qui seront effectivement nécessaires dans le vrai monde de demain ».

Au Royaume-Uni, dès son entrée en fonction, le nouveau ministre de la défense, confronté à l’obligation de réduire de 20 % son budget, a dénoncé l’obsession technologique de la Royal Navy, l’estimant « trop focalisée sur des spécifications [technologiques] élevées alors qu’elle ne dispose pas du nombre de bâtiments nécessaire dans un monde qui requiert de la présence » (88).

La Cour des comptes critique également cette fuite technologique, relevant que « dans certains cas, le niveau de performance des matériels se révèle sans rapport avec les besoins militaires réels » (89).

Face à cette critique, les armées mettent en avant la durée de vie des équipements qui peut atteindre plusieurs décennies, ce qui imposerait de les doter dès l’origine des dernières novations technologiques pour éviter les modifications permanentes. De même, la priorité donnée à la technologie permet de limiter la possibilité de voir la surprise stratégique amplifiée par une surprise technologique.

Indépendamment des considérations financières, il convient de dépasser la fascination créée par les nouvelles technologies. Comme le souligne le centre de doctrine d’emploi des forces (CDEF), « si la technologie constitue un moyen modifiant les conditions du combat, elle ne change pas la nature de la guerre qui demeure un phénomène profondément humain » (90).

2. La dépendance extérieure

La course aux technologies expose également la France à une plus forte dépendance extérieure. Les nouvelles technologies font notamment appel à de nouveaux minerais dont les réserves mondiales sont concentrées dans certaines régions du globe. Les équilibres mondiaux s’en trouvent affectés, comme ils le furent au lendemain de la seconde guerre mondiale avec l’exploitation pétrolière. La Commission européenne s’est émue de la dépendance de l’industrie européenne à l’égard des matières premières dites critiques en raison de leur importance économique pour des secteurs clés, des risques d’approvisionnement élevés et du manque de produits de substitution. Le 17 juin 2010, après avoir examiné 41 minéraux, un groupe d’experts en a considéré 14 comme critiques. Ils figurent dans le tableau suivant.

Liste des minéraux critiques

Minéral critique

Usages

Pays d’approvisionnement

Antimoine

Microcondensateurs

Chine (87 %), Bolivie (3 %)

Béryllium

 

Chine, États-Unis

Cobalt

Batteries, carburants de synthèse

République Démocratique. du Congo (36 %), Canada (11 %), Australie (11 %)

Spath fluor

 

Chine (51 %), Mexique (17 %), Europe (7 %)

Gallium

Cellules photovoltaïques, circuits intégrés, diodes électroluminescentes, énergies alternatives

Chine (83 %), Japon (17 %)

Germanium

Câbles à fibres optiques, technologies optiques infrarouges

Chine (79 %), États-Unis (14 %), Russie (7 %)

Graphite

 

Chine (60 %), Inde (16 %), Brésil (10 %)

Indium

Écrans d’affichage, cellules photovoltaïques

Chine (60 %), Japon (9 %), Corée (9 %)

Magnésium

 

Chine (32 %), Turquie (22 %)

Niobium

Microcondensateurs, ferro-alliages

Brésil (90 %), Canada (9 %)

Platines

Piles à combustible, catalyseurs

Afrique du Sud (77 %), Russie

Terres rares (1)

Aimants permanents, technologie laser, téléphonie mobile, disques durs informatiques, écrans plats

Chine (95 %)

Tantale

Microcondensateurs, technologie médicale

Australie (60 %), Brésil (18 %), Mozambique (5 %)

Tungstène

 

Chine (84 %)

(1) Dysprosium, néodyme, praséodyme, samarium, terbium, europium, yttrium, lanthane, cérium, erbium.

Source : document de travail accompagnant la communication de la commission européenne au parlement européen et au conseil relative à l’initiative sur les matières rares.

L’accès à ces ressources est crucial pour les équipements militaires à haute valeur technologique. Les radars à balayage électronique actif des avions Rafale, réalisés par Thalès, s’appuient sur des technologies de pointe avec des semi-conducteurs comprenant de l’arséniure de gallium, du nitrure de gallium et du silicium-germanium. Les deux derniers composants apportent une puissance supérieure tout en utilisant un espace plus restreint. Or 83 % des ressources de gallium et 79 % de celles de germanium sont en Chine.

Les États producteurs jusqu’alors dépourvus de richesses stratégiques ont rapidement saisi la puissance de leurs richesses minières, fondée non seulement sur les revenus tirés de l’exploitation de leur sous-sol mais aussi sur la dépendance des puissances industrielles. Les autorités chinoises ont ainsi annoncé vouloir renforcer leur maîtrise sur l’exploitation et l’exportation des terres rares, c’est-à-dire 17 éléments non ferreux stratégiques, dont les besoins mondiaux vont doubler dans les cinq ans à venir pour s’établir à 180 000 tonnes en 2015.

Plusieurs gouvernements ont pris conscience des conséquences de cette nouvelle dépendance susceptible de porter atteinte à la sécurité nationale. Aux États-Unis, le département de la défense a commandé une étude sur le recours aux terres rares dans 24 armements, permettant d’évaluer l’impact du monopole chinois sur la sécurité nationale, et prépare, en liaison avec le département de l’énergie, une stratégie nationale concernant les terres rares. Ils envisagent de relancer l’exploitation du gisement de Molycorp dans le Nevada pour limiter leur dépendance. En Australie, la société Lynas s’apprête à exploiter le gisement en terres rares de Mount Welt dont le potentiel est de nature à atténuer la suprématie chinoise. Le gouvernement australien a d’ailleurs immédiatement opposé son veto aux ambitions chinoises de prendre le contrôle de Lynas via la China Nonferrous Metal Mining Group à l’automne 2009.

Question n° 077 : V. Recherche-développement - Approvisionnements stratégiques

a) Fournir une note détaillant la stratégie française d’approvisionnement en insistant sur la politique engagée pour les matières premières critiques (dont les terres rares).

b) Présenter la politique de l’Union européenne et de l’OTAN en la matière en insistant sur la coordination existant entre ces différents axes d’effort.

Réponse :

a) Le ministère de la défense veille à entretenir la sécurité des approvisionnements des industriels de la Défense, notamment eu égard aux composants, matériaux et matières premières critiques nécessaires pour assurer la crédibilité de la posture de défense nationale. Dans cette optique, il peut être amené à suivre de près certains dossiers d’investissement étranger dans des entreprises revêtant un caractère stratégique pour la Défense.

Par ailleurs, le ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer (MEEDDM) a présenté une communication en conseil des ministres le 27 avril dernier relative aux métaux stratégiques, et suscité récemment la mise en place d’un comité pour les métaux stratégiques (COMES) auprès de son ministre, qui le présidera.

Au-delà des tensions sur les prix des matières premières, métaux et terres rares en particulier, observées ces dernières années, aucune menace grave sur les approvisionnements n’a conduit jusqu’à présent à prendre des mesures particulières, hormis les pratiques habituelles de diversification et de surveillance des filières d’approvisionnement. Pour autant, le ministère de la défense accentue sa veille et entretient le dialogue avec les acteurs institutionnels ou industriels concernés.

b) La Commission européenne, à la suite de sa communication dite « Initiative du 4 novembre 2008 », a mis en place dans le domaine des approvisionnements stratégiques deux groupes d’experts dont les conclusions, soumises à consultation publique, permettront de guider l’élaboration de propositions formelles qui devraient être soumises aux États-membres avant la fin de l’année.

La dépendance extérieure sur les matières premières s’accompagne également d’une dépendance accrue sur les composants technologiques, l’industrie technologique française ne produisant pas tous les composants technologiques des systèmes d’arme nationaux. Le recours à des sous-traitants étrangers risque de fragiliser la souveraineté industrielle de la France et il faut s’assurer au plus vite de la sécurité des approvisionnements technologiques.

Cette dépendance extérieure peut également constituer un frein à l’exportation des systèmes d’armes : un État pourrait s’opposer à la vente à un tiers d’un équipement français comprenant des composants fabriqués sur son territoire. La réglementation américaine ITAR obéit à cette logique de maîtrise de la diffusion de la technologie nationale : elle contraint tous les utilisateurs de technologies américaines à assurer une véritable traçabilité de chacun des composants. La dépendance à l’égard des technologies américaines est telle qu’elle fait oublier les dépendances internes à l’Europe. Le développement des programmes en coopération n’est pas synonyme de diminution des vetos à l’exportation émis entre États partenaires. Les divergences franco-italiennes autour des frégates FREMM et les oppositions franco-allemandes sur la vente de l’hélicoptère Tigre hors de l’Europe le montrent bien.

Sur ces questions, la direction générale pour l’armement a engagé une réflexion stratégique afin d’en analyser les conséquences et de définir des pistes pour l’alléger. Le plan prospectif à 30 ans y consacre de longs développements.

Plan prospectif à 30 ans du ministère de la défense, DGA, 2009

Matières premières et Défense

Matériaux et constituants, vers une plus grande criticité

Plus que les matières premières dans leur ensemble (minerai, pétrole…), ce sont aujourd’hui les matériaux et constituants ainsi que les procédés d’élaboration, qui s’avèrent critiques pour le développement et l’utilisation des capacités militaires.

Les analyses menées au sein de la défense mettent en évidence une augmentation du nombre de cas de matériaux ou de constituants critiques. Typiquement, plusieurs cas peuvent se présenter allant d’une monosource en France à l’absence de source, y compris en Europe. On peut citer par exemple les composites (fibre de carbone…) et les cristaux (saphir…) ainsi que certains matériaux pour les composants hyperfréquences.

Ce phénomène est lié à la concentration mondiale des fournisseurs de certaines technologies de plus en plus exigeantes en capitaux pour leurs évolutions. Dans un contexte où la défense n’a plus vocation à détenir et entretenir seule un panel large de technologies spécifiques, elle s’appuie sur des filières le plus souvent largement duales. Cette évolution s’additionne à une forme de désindustrialisation en France et en Europe.

La dépendance en constituants de base sera probablement croissante. Le problème essentiel est la tendance des États comme des groupes industriels à limiter leur offre à des produits manufacturés plutôt que de l’étendre aux constituants de base (Ex : les fibres de carbone pour composites avancés où la tendance de certains fournisseurs est de fournir des pré-imprégnés plutôt que des bobines de fils non tissé.)

Il faut également noter que la criticité de matériaux et constituants est souvent accrue par les évolutions de la réglementation d’hygiène et de sécurité du travail, ou en matière d’environnement. Les délais pour trouver des solutions de remplacement à des produits interdits nécessitent un suivi de la réglementation afin d’anticiper ses évolutions. La réglementation REACH pourrait de plus induire à terme une forme d’exclusivité et donc une dépendance supplémentaire au pays ou au groupe qui aura anticipé et développé un produit conforme.

D’autres facteurs peuvent intervenir. Par exemple, pour des raisons éthiques (du moins officiellement), certains fournisseurs en situation de quasi-monopole peuvent refuser de fournir la défense créant ainsi des risques d’approvisionnement.

Il semble donc utile de traiter la criticité des composants et matériaux en disposant d’une cartographie des risques et des dépendances induites.

Problématique des dépendances

La dépendance aux matières premières et aux matériaux ou constituants intermédiaires pose des questions qui sont au croisement des stratégies capacitaires, industrielles et économiques.

La première question à résoudre est celle de la coordination de ces approches, qui dépasse les problèmes de défense et s’inscrit dans un cadre interministériel. La seconde est le déphasage entre le niveau de coopération de défense largement contrôlé par les États sur les grands systèmes et la mondialisation des marchés de matières premières et constituants.

La constitution de stocks stratégiques ou l’entretien d’un savoir-faire national pour tous les constituants critiques n’est pas réalisable. L’approche nationale ne peut être que limitée aux matériaux et constituants très ciblés ainsi qu’aux technologies d’élaboration assurant une indépendance nationale. Dans ce contexte, une logique de partage de l’effort entre les principaux prescripteurs nationaux (pour certains constituants stratégiques) ou sous forme de coopération internationale (dépendance croisée…) semble nécessaire pour s’affranchir des restrictions d’emploi de type ITAR.

Au plan national, le niveau d’autonomie stratégique à atteindre doit être géré « en temps réel » dans des secteurs d’activité très sensibles et impliquant de grands groupes désormais souvent transnationaux.

Une approche multinationale, par exemple dans un cadre d’interdépendance au niveau européen, serait le plus souvent nécessaire sous forme de club d’acteurs étatiques et industriels partageant au cas par cas des problématiques spécifiques de dépendance stratégique et de sécurisation des approvisionnements.

Une réponse à la dépendance sur certains matériaux pourrait impliquer le recyclage. Des filières pourraient s’envisager au cas par cas dans la logique globale décrite précédemment, et sous réserve d’une crédibilité économique (cas du titane par exemple).

Recommandations

Dans la mesure où certains matériaux et constituants deviennent de plus en plus critiques, il convient d’envisager une approche globale afin de répondre à l’enjeu. Il apparaît nécessaire d’accentuer le suivi les filières technologies critiques de manière plus formelle.

Sur ces quelques filières, une approche interministérielle devrait être développée, au plan national (grands groupes industriels impactés, PME détenant un savoir-faire spécifique). Au niveau international, des clubs d’intérêts pourraient se constituer afin de mettre en place les partenariats requis pour assurer l’accès aux matériaux et constituants. Ce processus pourrait conduire à développer des structures industrielles spécifiques nationale ou transnationale, par exemple en s’appuyant sur une logique d’interdépendance, renforcée au niveau européen, et souhaitée par certains partenaires.

Pour la Défense, cette approche plus globale pourrait conduire à modifier ses priorités en matière de R&T et de BITD, du fait de l’identification de matériaux et constituants nécessitant des efforts financiers nouveaux, éventuellement susceptibles d’être partagés avec ses partenaires européens et civils. Cela suppose aussi un renforcement du dialogue entre la DGA et les armées en s’appuyant sur le retour d’expérience des problématiques de criticité affectant les programmes et matériels sur la totalité de leur cycle de vie.

IV. —  REPENSER L’IDÉE DE DÉFENSE AU XXISIÈCLE

Dans son discours prononcé à Cherbourg en mars 2008, le Président de la République a souligné que « le modèle d’armée 2015 a été reconnu comme obsolète par la commission du Livre blanc. Chacun sait qu’au surplus, ce modèle était irréaliste ». Le chef des armées se refusait donc de « partir de ce modèle d’armée […] pour simplement constater des renoncements. Il est vain de poursuivre indéfiniment des modèles hors d’atteinte. Comme il est vain de prétendre construire un modèle pertinent en se contentant de la dégradation de modèles périmés ». Au final, il se demandait s’il peut « exister un modèle d’armée immuable pour la défense de notre pays ». « Quand les menaces changent, quand notre stratégie évolue, n’est-il pas normal que notre effort militaire se renouvelle également ? » (91).

La crise économique et les mutations qu’elle induit ont montré que cet effort d’adaptation est plus que jamais nécessaire. Alors que les systèmes de défense étaient jusqu’alors essentiellement nationaux et militaires, ils doivent aujourd’hui se situer dans un cadre coopératif international et prendre en compte des menaces qui impliquent tous les services de l’État et non plus seulement les armées.

Le concept budgétaire impose aujourd’hui d’effectuer des choix stratégiques majeurs. Pour autant, si la révision du modèle de défense français repose uniquement sur des impératifs financiers, elle est vouée à l’échec. Il appartient à notre pays de s’inscrire dans une démarche dynamique, s’appuyant sur ses derniers engagements internationaux pour transformer son modèle de défense nationale en modèle de défense collective.

A. PERSISTANCE ET DÉVELOPPEMENT DES MENACES

La réduction des crédits européens consacrés à la défense est d’autant plus surprenante que les menaces demeurent vives. Les risques traditionnels perdurent, et parfois gagnent en intensité, tandis que surgissent de nouveaux dangers.

1. La persistance des menaces

Les menaces auxquelles sont confrontés les États contemporains ont changé de nature et d’origine : elles sont souvent diffuses et il est difficile d’y opposer une réponse militaire traditionnelle. Pourtant, ces risques sont importants et peuvent, même à des milliers de kilomètres de la métropole, porter atteinte aux intérêts vitaux de la France. Pour y mettre un terme, il n’est pas toujours possible d’agir à distance ; il faut parfois envisager une intervention militaire lourde engageant des hommes et des matériels.

La défense nationale a longtemps consisté à protéger les frontières hexagonales de toute invasion. Aujourd’hui ce risque est moins net, le Livre blanc constatant que « des opérations strictement militaires sur le territoire national sont exclues à l’horizon prévisible, En dehors de l’appui à des opérations de gestion de crise consécutives, par exemple, à des attaques terroristes, ou à une catastrophe naturelle ou technologique. C’est donc à distance du territoire national que les forces armées continueront à mener des opérations en défense de nos intérêts de sécurité et en soutien de l’action politique et diplomatique de la nation » (92).

L’absence de menaces terrestres d’envergure fait dire au chef d’état-major des armées que « la sécurité de notre pays ne se joue plus à nos frontières » (93), estimant que « la préservation de la prospérité, du bien-vivre en métropole commence dans les montagnes et les vallées afghanes et pakistanaises » (94).

L’éloignement des conflits conduit la majorité des Français à méconnaître les risques qui pèsent sur notre pays. Cette prise de distance explique certainement le choc que provoquent des événements dramatiques comme par exemple la mort de soldats engagés en opérations extérieures. La prise de conscience qui intervient alors reste toutefois fugace, faute d’explication et de pédagogie sur le long terme. Il est difficile, dans cet environnement, de justifier l’effort budgétaire consacré à notre défense.

a) La menace frontalière et l’accès aux ressources naturelles

i. En Europe

La réduction du nombre de conflits armés dans le monde ne signifie pas pour autant l’émergence d’un monde sans guerres ni armes. Sur tous les continents sans exception, des contentieux frontaliers, politiques, économiques, religieux et culturels laissent planer une sourde menace et incitent les États à augmenter leurs dépenses militaires. Le nouveau concept d’emploi des forces, publié en 2010, souligne ainsi que « si le nombre de conflits armés n’augmente pas significativement, la probabilité d’engagements militaires s’accroît » (95).

L’Europe semble être préservée de ce risque grâce à l’élargissement de l’Union européenne aux anciens pays de l’Est. Il convient toutefois de rester attentif, l’intégration dans l’Union de nouveaux États ne suffisant pas à régler des conflits anciens. Les relations restent par exemple tendues entre la Grèce et la Turquie. Le ministre turc chargé des négociations d’adhésion à l’Union européenne, Egemen Bagis, déclare par exemple qu’« il est temps de réduire les dépenses militaires dans le monde, mais spécialement entre la Turquie et la Grèce. Ni la Grèce, ni la Turquie n’ont besoins de sous-marins français ou allemands » (96), tandis que le Premier ministre grec, Georges Papandréou, considère que « plus l’Europe sera intégrée, solidaire, et moins nous aurons besoin d’immenses dépenses militaires. Et plus notre voisin, la Turquie, s’inscrira dans un contexte européen, plus nous pourrons travailler ensemble à réduire les budgets de défense » (97). Pour ces deux pays, il est donc inenvisageable de réduire les moyens consacrés à sa défense si le voisin ne fait pas de même, montrant bien la permanence de la menace frontalière traditionnelle.

Les tensions internes à l’ex-Yougoslavie, au Kosovo ou en Macédoine, et l’ambiguïté des relations entre la Russie et les anciennes républiques soviétiques démontrent la fragilité de la paix sur le continent européen. Toute dégradation de la situation expose la France à un engagement militaire dans le cadre des clauses de solidarité qui la lient à ses partenaires de l’OTAN et de l’Union européenne. Comme le conflit géorgien l’a démontré en août 2008, des tensions très localisées peuvent avoir des répercussions internationales très fortes. Or la Russie va implanter des bases militaires permanentes en Ossétie du Sud et en Abkhazie dont les indépendances n’ont pas été internationalement reconnues. Le retour de la Russie au premier plan de la scène internationale pose plus de questions qu’il n’apporte de réponse. La modernisation des forces armées russes et des industries d’armement est d’ailleurs une priorité du Kremlin qui envisage de mobiliser 350 milliards d’euros dans le programme national d’armement 2011-2020.

Malgré les apparences, l’Europe n’est pas à l’abri d’une nouvelle guerre, ce qui invite les plus hauts responsables politiques et militaires européens à tenir éveillée la vigilance des populations. Pour le chef d’état-major des armées françaises, « en période de crise économique, la tendance naturelle de nos démocraties européennes est de faire peser sur la défense des efforts importants. Or c’est justement dans ces périodes de crises et d’incertitudes que les risques augmentent, que les tensions sont les plus fortes, que le monde est plus dangereux. Les leçons de l’histoire sont têtues. Le reste du monde ne s’y trompe pas ; il augmente ses budgets militaires de plus de 6 % en moyenne sur l’année 2009 ! L’Europe est la seule à réduire ! Les années à venir sont lourdes de défis, d’incertitudes, d’inquiétudes. Le Président de la République le rappelait dernièrement lors de sa visite sur le Charles-de-Gaulle. Nous sommes bien conscients que la défense ne peut s’exonérer de l’effort collectif. Mais, nous devons rester vigilants : la défense de demain, c’est aujourd’hui que nous la construisons ! » (98).

En outre, la France est placée dans une position originale avec ses territoires et collectivités d’outre-mer et ses frontières maritimes. Département français de quelque 91 000 km2 bordé par le Surinam et le Brésil, la Guyane est par exemple confrontée à une immigration clandestine forte et à une exploitation sauvage de ses ressources naturelles. La présence de la base spatiale de Kourou renforce le caractère stratégique de ce territoire. Des moyens militaires importants sont mobilisés pour le défendre qu’il s’agisse d’escadrons de gendarmerie mobile ou d’unités de la légion étrangère.

ii. Dans le monde

● Cette instabilité chronique semble mieux prise en compte hors de l’Europe et notamment au Moyen-Orient. Cette région se caractérise en effet par une permanence des tensions et un état d’alerte permanent. La seconde guerre du Golfe n’a pas apporté plus de stabilité que la première et l’Iran continue à défier le monde par ses programmes nucléaires et ses déclarations bellicistes malgré les nombreuses résolutions des Nations Unies. Cette zone est en outre traversée par les actions du réseau islamiste Al Qaida.

Les conflits anciens restent également un sujet de préoccupation comme le montre bien l’exemple indo-pakistanais. Profondément marquée par les attentats de Bombay de l’automne 2008, l’Inde se sent toujours menacée à ses frontières. Son budget de la défense 2009-2010 est d’ailleurs en hausse de 24 % par rapport à l’exercice précédent pour s’établir à 21,3 milliards d’euros. Le processus de paix qui a permis de rouvrir des postes frontières au Cachemire notamment reste fragile comme en témoignent les exercices militaires interarmées de grande envergure menés concomitamment par l’Inde et le Pakistan en avril et en mai 2010. Côté pakistanais, plus de 50 000 hommes ont été engagés dans l’exercice Azm-e-Nau 3, le plus important mené depuis 1989. Côté indien, l’exercice Yodha Shakti a mobilisé, entre autres équipements, des avions de chasse Sukhoï 30MKI et des chars T72 et T90. L’Inde manifeste également de vives préoccupations concernant ses frontières maritimes orientales face à l’expansionnisme chinois qui prend appui sur la Birmanie. La quête de ressources énergétiques et minières accroît les tensions et encourage le renforcement des défenses navales du sous-continent.

En Asie du Sud-Est, la Thaïlande, la Malaisie et l’Indonésie renforcent rapidement leurs forces armées pour faire face à la présence de groupes terroristes sur leur territoire mais aussi pour montrer leurs ambitions à protéger une des voies de navigation commerciale les plus stratégiques au monde. Face à ces trois puissances régionales ambitieuses et pour conserver son indépendance, le micro-État de Singapour consacre 8,2 millions de dollars à ses forces armées, fortes de 350 000 hommes pour une population totale de 4,6 millions d’habitants. Pour Teo Chee Hean, ministre de la défense de la république singapourienne, il faut aborder « les dépenses de défense comme des investissements à long terme. C’est comme acheter une police d’assurance, dans les temps positifs et dans les temps difficiles. [Singapour investit] chaque année un montant important sur la défense. Actuellement, c’est environ 4,5 % du PIB » (99).

Plus à l’Est, le Vietnam et la Chine se disputent les archipels Spartleys et Paracels, zone riche en ressources naturelles et énergétiques. Pour défendre ses prétentions territoriales, le gouvernement vietnamien a engagé un ambitieux plan de 8,5 milliards de dollars pour le développement économique de ces territoires insulaires et renforce parallèlement sa marine : en décembre 2009, pour 3,2 milliards de dollars, il a acheté à la Russie six sous-marins diesel-électriques 636M, chacun emportant un équipage de 57 hommes et doté de missiles et torpilles.

L’accalmie qui avait pu naître entre les deux Corées semble remise en question. Le 26 mars 2010, une corvette sud-coréenne, le Cheonan, a coulé à la suite d’une explosion, causant la mort de 46 marins. Immédiatement les soupçons ont pesé sur la Corée du Nord, sans pour autant qu’elle soit officiellement accusée car des éléments de torpilles ont été découverts dans les débris du navire. Cet événement n’a pas donné lieu à de nouveaux affrontements, mais il entretient un climat de défiance alors même que des améliorations étaient apparues ces dernières années.

● Zone réputée pour sa stabilité en opposition à l’Amérique centrale, le continent sud-américain et aujourd’hui le théâtre de fortes tensions diplomatiques et d’une véritable course aux armements. Au cœur de l’été 2010, la Colombie et le Venezuela rompent leurs relations diplomatiques et mettent en alerte leurs forces respectives le long de leur frontière commune. Ce nouvel épisode de la querelle entre Bogota et Caracas vient s’ajouter à de nombreux autres qui poussent les deux parties à investir plusieurs centaines de millions de dollars dans leurs forces. Entre 2005 et 2007, 12 contrats d’armement ont ainsi été signés entre le Venezuela et la Russie pour un montant total de 4,4 milliards de dollars, portant notamment sur la livraison d’avions de chasse, d’hélicoptères de transport et de fusils d’assaut. Depuis, de nouveaux contrats, à hauteur de deux milliards de dollars ont été conclus pour des blindés et des systèmes antiaériens. En 2010, les commandes vénézuéliennes auprès des industries d’armement russes pourraient atteindre 5 milliards de dollars, ce qui suscite l’inquiétude de ses voisins et des grandes puissances. Le président colombien Álvaro Uribe a ainsi déclaré le 6 avril 2010 que son pays doit « remplir [ses] obligations dans le combat contre le terrorisme » même s’il croit « également qu’une course aux armements est extrêmement dommageable » (100).

Quant au Brésil, il se positionne comme la puissance régionale et revendique à ce titre une place parmi les grandes puissances mondiales. Sa politique diplomatique et de défense est centrée sur cet objectif, servi par une croissance économique forte lui donnant les moyens budgétaires adéquats. La stratégie brésilienne vise à s’affranchir de la tutelle américaine : en matière diplomatique, cela se traduit par l’initiative brésilienne de discuter directement avec l’Iran du dossier nucléaire. À l’occasion de la conclusion d’un accord avec Téhéran et Ankara, le président Lula s’est en effet demandé : « qui dit que cette affaire ne regarde que les États-Unis ? » (101). Sur le plan militaire, le Brésil modernise rapidement ses forces militaires, tout en diminuant sa dépendance extérieure grâce à l’essor d’une industrie nationale de défense forte : Embraer ambitionne de produire un avion de transport, le KC-390, concurrent du C-130J Hercules et du futur A400M. En avril 2009, le gouvernement fédéral brésilien a signé un contrat de 1,3 milliard de dollars avec Embraer pour le développement et les premiers prototypes de ce nouveau symbole des ambitions industrielles et militaires brésiliennes. Le vol inaugural est envisagé pour mai 2014.

● Selon le rapport du groupe d’experts consacrés au futur concept stratégique de l’OTAN, « l’Afrique a accompli des progrès économiques importants ces dernières années, qui se sont accompagnés d’avancées considérables face aux fléaux chroniques que sont les troubles civils, les épidémies et la malgouvernance. Il subsiste cependant un certain nombre de sérieux points chauds, au premier rang desquels figurent la République démocratique du Congo, la Somalie et le Soudan » (102). L’optimisme de cette étude tranche avec la réalité africaine : la pauvreté et l’instabilité politique en font le continent le plus fragile du monde. Aux zones de tensions évoquées par les experts, il conviendrait d’ajouter la bande sahélienne, nouveau refuge terroriste ; le golfe de Guinée et le Nigeria sous la menace de l’anarchie ; les tensions religieuses à l’origine de conflits civils au Soudan, au Tchad, au Nigeria, en Côte d’Ivoire ; l’exploitation inconsidérée des richesses minières, sources de revenus, de corruption et de violences.

iii. L’enjeu des ressources naturelles

Cette persistance des tensions, amplifiées par l’extrême pauvreté d’une partie de la planète, incite les populations victimes à quitter leur pays pour des régions apaisées et plus riches. La pression démographique devient dès lors un problème politique et géostratégique. Ancien candidat à la présidence des États-Unis et sénateur de l’Arizona, John Mc Cain a déposé et fait adopter par la commission de la défense du Sénat un amendement renforçant la présence militaire à la frontière mexicaine afin de la sécuriser, montrant que les flux migratoires sont devenus un enjeu militaire et stratégique. La lutte contre les migrations clandestines sur terre comme sur mer fait d’ailleurs appel de plus en plus à des moyens militaires qu’il s’agisse de drones, de frégates ou d’avions de patrouille maritime. Le phénomène est particulièrement visible en Méditerranée occidentale, dans les Caraïbes ou à l’Est de l’Europe. Dans ces zones, les États occidentaux n’hésitent pas à déployer des moyens militaires conséquents pour lutter, surveiller mais aussi secourir ces populations.

Aux pressions démographiques viennent s’ajouter des tensions autour de l’accès aux ressources énergétiques, minières et aquatiques. Depuis quelques années, l’épuisement des énergies fossiles, le réchauffement climatique mais aussi la course aux nouvelles technologiques ont ravivé ce type de contentieux.

Ainsi, la Chine et l’Inde font-elles d’importants efforts pour établir de nouveaux liens stratégiques avec des États africains disposant de réserves minières abondantes, allant au-delà de simples actions de co-développement. Le sommet Chine-Afrique de l’automne 2009 en est d’ailleurs la traduction. Dans l’Atlantique Sud, le conflit oublié des Malouines entre le Royaume-Uni et l’Argentine est revenu dans l’actualité à l’occasion de forage exploratoire dans la zone contestée. Au cœur du Sahel, les mines d’uranium font l’objet de revendications par les mouvements touaregs et de menaces par les groupuscules affiliés à Al Qaida.

L’accès à l’eau est également devenu une question cruciale. Pour des raisons de survie ou de développement économique, les grands fleuves irriguant plusieurs États sont redevenus des enjeux si ce n’est de conquête, du moins de maîtrise du territoire. La construction de barrages conduit parfois à des affrontements armés à l’image des conflits entre l’Égypte et le Soudan outre entre les États situés en amont du Nil. De même, le Pakistan accuse régulièrement l’Inde de vouloir réguler le cours de l’Indus qui trouve sa source dans le Cachemire indien et irrigue les campagnes et villes pakistanaises. Le Jourdain, le Niger, le Mékong, le Congo, le Parana ou le Danube peuvent aussi être considérés comme des enjeux stratégiques. Dans certaines régions, comme au Proche et Moyen-Orient ou dans le Sahel, l’accès à l’eau constitue même la préoccupation majeure des États.

Le contrôle des ressources naturelles a toujours été un élément stratégique majeur ; en revanche les secteurs dans lesquels les luttes d’influence s’opèrent aujourd’hui sont nouveaux. Les 18 et 19 novembre 2009, deux bombardiers stratégiques russes, des Tupolev Tu-95MS, ont effectué une mission au-dessus des eaux neutres de l’Arctique. Deux F 16 américains, basés en Alaska, les ont rejoints afin de les empêcher de s’approprier le territoire, craignant qu’ils ne rééditent l’exploit du 2 août 2007 lorsque l’équipage d’un sous-marin avait réussi à placer un emblème russe sur le pôle Nord à 4 200 mètres de fond.

b) Les zones polaires

Avec le réchauffement climatique, les zones polaires ne sont plus considérées comme des zones réservées aux scientifiques : l’Arctique contiendrait 30 % des réserves mondiales non découvertes de gaz, 13 % de celles de pétroles ainsi que de nombreuses matières premières (or, cuivre, plomb, zinc, argent, titane, manganèse…) ; le sous-sol de l’Antarctique (103)est également supposé riche en matières premières (fer, manganèse, or, platinoïdes, nickel, cuivre, cobalt, plomb, zinc, uranium…), en ressources énergétiques (charbon, pétrole, gaz). Le continent blanc est également la plus grande réserve d’eau douce du monde.

La France a saisi l’intérêt de ces deux espaces, l’espace maritime français dépendant des terres australes et antarctiques françaises (TAAF) faisant l’objet d’une surveillance accrue. Les TAAF regroupent plusieurs archipels et îles du Sud de l’Océan Indien (Crozet, Kerguelen, Saint Paul, Amsterdam), ainsi que la Terre Adélie sur le continent antarctique et les îles éparses dans le canal du Mozambique. Au total, les TAAF constituent une zone économique exclusive de plus de 2,5 millions km2.

Question écrite n° 78874 publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 18 mai 2010

M. François Cornut-Gentille interroge M. le ministre de la défense sur les terres australes et antarctiques françaises (TAAF). Constituant une zone économique exclusive de plus de 2,5 millions de kilomètres carrés, les TAAF constituent un réservoir important de ressources naturelles. La protection de ses ressources et de l’équilibre environnemental de ces territoires particulièrement fragiles impose la mobilisation de moyens spécifiques permanents. En conséquence, il lui demande de préciser les moyens militaires en hommes et en équipement mobilisés pour défendre la souveraineté et les intérêts français sur les terres australes et antarctiques françaises.

Réponse du ministre de la défense publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 3 août 2010

Les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) sont, depuis la loi n° 55-1052 du 6 août 1955, un territoire d’outre-mer doté de l’autonomie administrative et financière. Les TAAF, dont le siège est installé depuis 2000 à Saint-Pierre de la Réunion, sont formées par cinq districts : l’archipel de Crozet, l’archipel des Kerguelen, les îles Saint-Paul et Amsterdam, la terre Adélie, ainsi que les îles Éparses, constituées de cinq îlots répartis autour de Madagascar (les Glorieuses, Juan de Nova, Europa, Bassas da India et Tromelin). L’ensemble de ces terres procure à la France une zone économique exclusive (ZEE) de plus de 2,5 Mkm², riches en ressources marines. Au total, au 1er juin 2010, 89 militaires sont affectés dans les TAAF, dont 45 dans les îles Éparses et 44 répartis dans les quatre autres districts. S’agissant des îles Éparses, les forces armées de la zone Sud de l’océan Indien (FAZSOI) entretiennent depuis 1973 des détachements permanents sur ces îles, relevés en moyenne tous les quarante-cinq jours par avion militaire. Les 45 militaires affectés dans les îles Éparses se répartissent en trois sections de 15 hommes chacune, dont un gendarme, déployées sur trois des îlots du Canal du Mozambique (les Glorieuses, Juan de Nova et Europa). Il n’y a en revanche pas de présence militaire sur Bassas da India, l’atoll étant recouvert à marée haute. Pour ce qui concerne Tromelin, la souveraineté sur cet îlot est assurée par le chef de mission de la station permanente de Météo France, qui y maintient une équipe de cinq personnes (un protocole lie Météo France et les FAZSOI, qui assurent par avion militaire, à titre gratuit, une rotation mensuelle de relève et deux rotations annuelles de livraison de carburant). Les 44 militaires affectés dans les quatre autres districts se répartissent pour leur part de la façon suivante : 11 sur l’archipel de Crozet, 20 sur l’archipel des Kerguelen, dix sur les îles Saint-Paul et Amsterdam et trois en terre Adélie. Outre ces effectifs, dix militaires sont affectés à l’administration centrale des TAAF à Saint-Pierre de la Réunion et un à son antenne parisienne. Enfin, l’affirmation de la souveraineté française, la surveillance et la police des pêches et de la navigation sont assurées par les moyens de la marine nationale (patrouilleur P400 dans le canal du Mozambique, frégates de surveillance, patrouilleur austral Albatros) qui exécutent des missions de surveillance dans toutes les ZEE. Ce sont ainsi environ 200 jours de mer qui sont effectués chaque année dans les ZEE des îles australes.

Les situations de l’Arctique et de l’Antarctique sont toutefois assez différentes d’un point de vue juridique : l’Antarctique est encore préservé grâce aux accords internationaux qui encadrent l’activité humaine sur le continent blanc. Le traité sur l’Antarctique, conclu le 1er décembre 1959 à Washington (104), autorise les seules activités pacifiques et prohibe « toutes mesures de caractère militaire telles que l’établissement de bases, la construction de fortifications, les manœuvres, ainsi que les essais d’armes de toutes sortes. » Depuis, le protocole de Madrid du 4 octobre 1991 a déclaré ce territoire « réserve naturelle consacrée à la paix et à la science », ce qui interdit toute exploitation minière, mais uniquement jusqu’en 2048. Cet accord n’interdit pas les tensions : sept États revendiquent des territoires sur le continent blanc (105). D’autres s’en réservent le droit comme les États-Unis, la Russie, l’Afrique du Sud, le Brésil, le Pérou ou l’Espagne.

À l’opposé, l’Arctique est soumis au droit commun international, notamment le droit de la mer. Avec le réchauffement climatique, de nouvelles voies navigables se sont ouvertes dans l’extrême Nord, réduisant les temps de transport entre l’Asie et l’Europe (106)et évitant les zones à risque de l’Océan Indien. Les frontières terrestres et maritimes actuelles sont par ailleurs contestées : le Canada est en litige avec les États-Unis à l’Ouest et le Danemark à l’Est ; la Russie et la Norvège se contestent des îlots inhabités. Le 17 mars 2010, le président russe Dimitri Medvedev a dénoncé « les tentatives de limiter l’accès de la Russie au développement des gisements arctiques », montrant l’importance stratégique de cette zone. Le 27 avril 2010, Russie et Norvège signent un compromis sur leur contentieux en mer de Barents. Deux jours plus tard, Vladimir Poutine, premier ministre de la Russie, réagit en rappelant que « la sécurité et les intérêts géopolitiques de la Russie sont liés à l’Arctique. […] Des bases navales russes se trouvent en Arctique, des itinéraires de notre aviation à long rayon d’action y passent. N’oublions pas les intérêts économiques dont la production de minéraux utiles » (107). Si la Russie juge utile de rappeler son attachement à l’Arctique, c’est que d’autres pays manifestent leur intérêt pour cet espace. La stratégie de défense « Canada d’abord » de 2008 souligne en effet que « les forces canadiennes doivent aussi pouvoir exercer la souveraineté du Canada en Arctique et en assurer la défense. De nouvelles possibilités s’offrent partout dans cette région, mais elles s’accompagnent de problèmes nouveaux. Étant donné que le rythme des activités dans les terres et dans les eaux du Nord s’intensifie, les militaires joueront un rôle vital pour démontrer une présence canadienne visible dans cette région potentiellement riche en ressources ainsi que pour aider d’autres organismes gouvernementaux tels que la Garde côtière canadienne à réagir aux menaces qui peuvent s’y manifester » (108). Le 28 juillet 2010, deux avions de chasse canadiens ont d’ailleurs intercepté deux bombardiers stratégiques russes TU-95 à 250 miles nautiques de Goose Bay (Terre neuve), au-dessus d’une zone revendiquée par le Canada.

En Arctique, un nouvel acteur pourrait compliquer la donne actuelle : les revendications indépendantistes du Groenland sont en effet de plus en plus fortes. Si ce territoire accède à l’indépendance, acceptera-t-il le maintien de la base américaine de Thulé, élément clé du dispositif de surveillance radar et du bouclier antimissile des États-Unis ?

L’avenir de l’Arctique préoccupe bien évidemment les États riverains mais aussi des États moins directement concernés comme la Chine. S’intéressant à la nouvelle donne issue du réchauffement climatique, la Chine a lancé des programmes de recherches sur les pôles les plus importants au monde : depuis 1984, 26 expéditions chinoises ont été menées en Antarctique établissant trois stations scientifiques (109) ; en juillet 2004, la station Huanghe a été installée sur l’archipel norvégien du Spitzberg. Ce pays dispose en outre du plus grand brise-glace non nucléaire du monde et a décidé de construire un deuxième navire de moindre taille en octobre 2009. Si l’accès à la voie maritime du Nord canadien devait être interdit ou limitée pour ses navires marchands, nul doute que la Chine ne resterait pas spectatrice. À l’instar de la Chine, l’Inde, la Corée du Sud et le Japon disposent également de personnels scientifiques au Spitzberg, démontrant leur intérêt pour une zone pourtant éloignée de leur territoire.

Parmi les États européens, l’Italie a manifesté son intérêt pour la zone en faisant acte de candidature, tout comme la Chine, la Corée du Sud et l’Union européenne, au statut d’observateur permanent du Conseil de l’Arctique. Le 29 avril 2009, les huit pays membres (110) ont cependant émis une fin de non-recevoir, montrant que l’Arctique demeure une affaire de voisinage.

La France ne peut pas ignorer l’importance stratégique des pôles. Outre la défense de ses espaces maritimes et terrestres, avec la revendication de la Terre Adélie, elle peut être tenue d’intervenir militairement dans la zone si les intérêts vitaux d’un de ses alliés étaient attaqués, qu’il s’agisse d’un membre de l’OTAN ou d’un État de l’Union européenne. Le Livre blanc est pourtant particulièrement silencieux sur cette problématique, constatant simplement que le réchauffement climatique exercera d’ici 2025 « des effets encore difficiles à mesurer sur l’équilibre des zones polaires ».

Question écrite n° 77341 publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 27 avril 2010

M. François Cornut-Gentille interroge M. le ministre de la défense sur les capacités militaires françaises en zone arctique et antarctique. Le réchauffement climatique a donné aux zones polaires un intérêt croissant exacerbant les rivalités et prétentions territoriales. Celles-ci vont croître, y compris en Antarctique où le moratoire sur l’exploitation minière s’achèvera en 2048. La perspective d’exploitation des sous-sols riches en ressources minières et énergétiques, l’ouverture de nouvelles voies maritimes se sont accompagnés d’un renforcement des capacités militaires des pays riverains mais aussi de pays non riverains des pôles. Ainsi, la république populaire de Chine a lancé de nouveaux programmes pour s’équiper en brise-glace. La France, présente en Antarctique sur la terre Adélie et liée par le traité de l’Atlantique nord et le traité de l’Union européenne avec des États riverains des pôles, ne peut ignorer cette militarisation. Or les conditions climatiques extrêmes exigent l’acquisition d’équipements spécifiques ou l’adaptation d’équipements existants. Elles imposent un aguerrissement des hommes, différent de celui exigé pour combattre en altitude. Aussi, il lui demande de préciser les moyens militaires matériels et humains dont dispose la France dans l’hypothèse d’une intervention urgente en milieu polaire.

Réponse du ministre de la défense publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 22 juin 2010

Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale a réaffirmé la vocation de la France à entretenir en permanence sa capacité d’action extérieure nécessaire pour assurer la défense de ses intérêts et assumer ses responsabilités. Ce document définit la stratégie d’intervention de notre pays, fondée sur un arc de crise sur lequel les moyens de la France doivent être concentrés pour prendre en compte les risques et les menaces futures jugés les plus probables au cours des prochaines années. Cet arc de crise, qui s’étend de l’Atlantique à l’Asie centrale, n’intègre pas explicitement les régions arctiques et antarctiques. Pour autant, les armées disposent, au titre de leur contrat opérationnel, de savoir-faire et de capacités militaires répondant aux exigences de fonctionnement dans les milieux climatiques extrêmes, permettant ainsi, en cas de nécessité, une intervention en zone polaire, y compris en urgence. L’armée de terre détient une expertise « grand froid » avec les 6 000 militaires de la 27e brigade d’infanterie de montagne (27e BIM), entraînés à évoluer dans un relief escarpé ou montagneux et dans des conditions climatiques extrêmes. Cette brigade mène régulièrement un entraînement spécifique dans les régions proches du pôle Nord, notamment en Norvège. Elle participe tous les deux ans à l’exercice norvégien Cold Response, dont l’objectif est d’entraîner au combat en zone arctique un état-major tactique et un groupement tactique interarmes de 400 hommes opérant avec des matériels spécifiques. La mise en service, à partir de 2012, des nouveaux véhicules blindés haute mobilité au sein d’un des bataillons de la 27e BIM donnera lieu à des expérimentations « grand froid » en zone polaire. Par ailleurs, l’école militaire de haute montagne de Chamonix dispose d’une équipe spécialisée effectuant des expéditions en zone polaire pour expérimenter les matériels nouveaux et les procédures spécifiques en milieu extrême. La marine nationale effectue pour sa part chaque année un déploiement opérationnel d’une unité de surface et sous-marine en zone grand Nord à des fins d’entraînement et de vérification des performances des équipements et des senseurs. En outre, toute nouvelle unité effectue un déploiement en zone froide avant d’être admise au service actif, comme c’est le cas actuellement de la frégate de défense aérienne Chevalier Paul. Enfin, s’agissant de l’armée de l’air, 3 Mirage 2000 ont participé en 2009 à un exercice Red Flag en Alaska. Par ailleurs, l’armée de l’air vient de déployer un dispositif de défense aérienne en Lituanie pendant les quatre mois d’hiver durant lesquels les températures ont avoisiné les - 30 °C. De plus, chaque année, des pilotes effectuent des stages de survie en conditions polaires en Suède, en Finlande et en Norvège. La France dispose ainsi d’ores et déjà de capacités militaires lui permettant d’intervenir dans les conditions extrêmes des zones polaires si l’évolution de la situation stratégique venait à l’exiger.

c) La maîtrise de l’espace maritime

Comme le montre le tableau suivant, le nombre de sous-marins en service dans les armées a fortement décru avec la fin de la guerre froide. Depuis une dizaine d’années, cette tendance est en train de s’inverser.

Sous-marins en service dans le monde

Année

Nombre

1986

915

2002

495

2008

515

Source : Défense et Sécurité international, hors série n° 11, avril-mai 2010.

Pour l’Amiral François de Lastic, commandant le centre d’enseignement supérieur de la marine, cette hausse indique « une reprise d’une compétition pour la maîtrise des espaces maritimes » (111). Au-delà des revendications territoriales, avec la mondialisation et l’essor exponentiel des échanges, la sécurité du transport maritime de marchandises est devenu un facteur stratégique, 80 % du volume transitant par la voie maritime. Entre 1970 et 2008, le volume de marchandises est passé de 2,5 milliards à 8,17 milliards de tonnes, soit une hausse de 226 % en moins de trois décennies (112). L’importance stratégique de cet espace n’a pas échappé au chef d’état-major de la force maritime canadienne, notant qu’au « XXIe siècle, les océans vont, à l’échelle mondiale, prendre une importance qu’ils n’ont pas eue jusqu’ici ».

Le nouvel enjeu maritime

Extrait de l’audition du Vice-amiral Dean Mc Fadden, chef d’état-major de la Force maritime canadienne, par le Comité permanent de la sécurité nationale et de la défense du Sénat du Canada, le 31 mai 2010

« La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer reconnaît aux états côtiers une zone économique exclusive, et les compétences s’y rattachant s’étendent à des zones de plus en plus grandes au large des côtes. Les espaces maritimes relevant des compétences des états côtiers sont de plus en plus vastes et revêtent pour l’humanité une importance croissante. La majeure partie de la population de la terre tire ses protéines des ressources halieutiques. Outre la valeur monétaire de ces ressources, il ne faut pas perdre de vue que de plus en plus de monde se déplace des régions intérieures vers les côtes et qu’en raison de ces mouvements de population et du nombre croissant de personnes qui dépendent des régions littorales, celles-ci sont soumises à des pressions de plus en plus fortes. Les populations entendent avoir accès à ces ressources, et aussi à des ressources énergétiques. Ces dernières ne sont peut-être pas tout à fait aussi vitales que les ressources alimentaires, mais elles revêtent tout de même, pour le développement national, une importance fondamentale. Les divers états souhaitent donc étendre à une bonne partie de ces ressources leurs compétences nationales. Dans certains cas, les efforts en vue de soumettre ces zones à une réglementation nationale, entraîneront des différends entre pays voisins.

[…] L’océan fait déjà l’objet de diverses réglementations. Le problème provient du fait, que l’on risque de voir s’installer dans de nombreuses régions le désordre et l’inégalité. J’entends par cela tant la piraterie que le trafic des êtres humains. Cela se produit de plus en plus. Il est difficile de savoir ce qui se passe sur les mers. À une certaine époque, tout le monde comprenait qu’il était dans l’intérêt de chacun de voir l’ordre régner sur les espaces maritimes. Or, cette idée est actuellement mise à mal. […] Un océan libre de toute réglementation n’est dans l’intérêt de personne. Ainsi, par exemple, la piraterie affecte le prix des marchandises vendues à Toronto, même si les effets en cela ne sont pas encore très importants. Existe-t-il des zones où nous accepterions de voir s’installer l’anarchie au point où nous ne pourrions plus nous-mêmes y circuler? Une telle décision serait à déconseiller sur le plan stratégique et de nombreux autres pays commencent à s’en rendre compte. Pour faire respecter une réglementation, il faut pouvoir intervenir sur place. »

La crise économique, le ralentissement de la demande énergétique et une chute globale de la consommation ont réduit les échanges maritimes mais n’en ont pas enlevé le caractère stratégique, leur croissance restant importante malgré tout avec une hausse de 4,5 % en 2007 et de 3,6 % en 2008 (113). Trois voies concentrent l’essentiel du trafic : Asie-Europe ; transpacifique et transatlantique. D’immenses ports à conteneur se sont développés, essentiellement en Asie, à Singapour, Shanghaï, Hong-Kong, Shenzen, Busan ou Dubaï. L’Europe ne compte désormais que quatre ports parmi les 20 premiers mondiaux (Rotterdam, Anvers, Brême et Hambourg).

L’essentiel des marchandises transitant par la mer, la sécurité de la navigation est devenue un enjeu économique décisif. La liberté des voies de navigation sur les océans et dans les détroits qui en autorisent l’accès devient cruciale. Le pétrole moyen-oriental et les containers venus de Chine, de Corée, du Japon et de l’Inde à destination de l’Europe transitent par l’océan indien. Pour y accéder, les navires doivent franchir des zones à hauts risques : détroit de Malacca, détroit d’Ormuz, détroit de Palk, détroit de Bab el Mandab, canal de Suez, canal du Mozambique, Golfe persique ou mer rouge. Ces passages obligés sont le théâtre de rivalités régionales et d’actes de piraterie. Dans le détroit de Malacca, dans le Golfe d’Aden ou dans le golfe de Guinée, de nombreux navires ont été arraisonnés pour faire l’objet le plus souvent d’une demande de rançon auprès de leurs affréteurs ou armateurs. Les pirates interviennent également, mais dans une moindre mesure en mer des Caraïbes, en mer de Chine et dans le canal du Mozambique. La résurgence de la piraterie a une traduction immédiate sur les polices d’assurance : pour les navires empruntant le golfe d’Aden et le canal de Suez, les polices d’assurance ont ainsi quadruplé entre 2007 et 2008, ce qui révèle l’ampleur du phénomène.

Sur le plan juridique, la convention des Nations Unies sur le droit de la mer, signée à Montego Bay le 10 décembre 1982 prévoit des mesures pour lutter contre la piraterie.

CONVENTION DES NATIONS UNIES SUR LE DROIT DE LA MER (extraits)

Article 100 : Obligation de coopérer à la répression de la piraterie

Tous les États coopèrent dans toute la mesure du possible à la répression de la piraterie en haute mer ou en tout autre lieu ne relevant de la juridiction d’aucun État.

Article 101 : Définition de la piraterie

On entend par piraterie l’un quelconque des actes suivants :

a) tout acte illicite de violence ou de détention ou toute déprédation commise par l’équipage ou des passagers d’un navire ou d’un aéronef privé, agissant à des fins privées, et dirigé :

i) contre un autre navire ou aéronef, ou contre des personnes ou des biens à leur bord, en haute mer;

ii) contre un navire ou aéronef, des personnes ou des biens, dans un lieu ne relevant de la juridiction d’aucun État;

b) tout acte de participation volontaire à l’utilisation d’un navire ou d’un aéronef, lorsque son auteur a connaissance de faits dont il découle que ce navire ou aéronef est un navire ou aéronef pirate;

c) tout acte ayant pour but d’inciter à commettre les actes définis aux lettres a) ou b), ou commis dans l’intention de les faciliter.

Article 102 : Piraterie du fait d’un navire de guerre, d’un navire d’État ou d’un aéronef d’État dont l’équipage s’est mutiné

Les actes de piraterie, tels qu’ils sont définis à l’article 101, perpétrés par un navire de guerre, un navire d’État ou un aéronef d’État dont l’équipage mutiné s’est rendu maître sont assimilés à des actes commis par un navire ou un aéronef privé.

Article 103 : Définition d’un navire ou d’un aéronef pirate

Sont considérés comme navires ou aéronefs pirates les navires ou aéronefs dont les personnes qui les contrôlent effectivement entendent se servir pour commettre l’un des actes visés à l’article 101. Il en est de même des navires ou aéronefs qui ont servi à commettre de tels actes tant qu’ils demeurent sous le contrôle des personnes qui s’en sont rendues coupables.

Article 105 : Saisie d’un navire ou d’un aéronef pirate

Tout État peut, en haute mer ou en tout autre lieu ne relevant de la juridiction d’aucun État, saisir un navire ou un aéronef pirate, ou un navire ou un aéronef capturé à la suite d’un acte de piraterie et aux mains de pirates, et appréhender les personnes et saisir les biens se trouvant à bord. Les tribunaux de l’État qui a opéré la saisie peuvent se prononcer sur les peines à infliger, ainsi que sur les mesures à prendre en ce qui concerne le navire, l’aéronef ou les biens, réserve faite des tiers de bonne foi.

Article 107 : Navires et aéronefs habilités à effectuer une saisie pour raison de piraterie

Seuls les navires de guerre ou aéronefs militaires, ou les autres navires ou aéronefs qui portent des marques extérieures indiquant clairement qu’ils sont affectés à un service public et qui sont autorisés à cet effet, peuvent effectuer une saisie pour cause de piraterie.

L’article 100 fait de la coopération entre États la règle de base ; la mise en œuvre d’opérations multinationales pour assurer la sécurité des navires marchands est donc conforme au droit international. L’article 107 affirme pour sa part le monopole des navires de guerre ou de service public dans la lutte contre la piraterie.

Dans ce cadre, toutes les grandes flottes militaires mondiales participent ou viennent en soutien de l’opération Atalante au large de la Somalie. La France s’est résolument engagée dans ce dispositif en déployant en permanence un bâtiment et un avion de patrouille maritime au sein du déploiement européen qui compte au total six bâtiments et sept aéronefs. Pour le chef d’état-major des armées, Atalante est « un vrai succès de l’Union européenne qui d’une part défend ses propres intérêts - en l’occurrence, les voies d’approvisionnements stratégiques entre l’Europe et l’Asie - et qui d’autre part, s’impose comme un acteur global crédible. Atalanta, c’est en effet l’opération autour de laquelle s’organise la lutte contre la piraterie en Océan indien. L’Union européenne est leader, parce que l’Union européenne est la seule capable de proposer cette approche globale ; approche qui va de l’action militaire directe contre les pirates, à l’action judiciaire, en passant par la formation des soldats somaliens, jusqu’à la diffusion des bonnes pratiques vers les armateurs du monde entier. Les autres opérations, y compris celle de l’OTAN, se définissent elles-mêmes comme un soutien à Atalanta » (114)

Pour protéger les quelque 188 navires sous pavillon français, d’aucuns ont également envisagé que des militaires soient placés à bord des bâtiments. Le chef d’état-major de la marine considère que cette solution ne peut constituer une réponse globale et systématique. Il estime qu’elle ne peut intervenir « que ponctuellement et de façon ciblée, pour des bateaux à haute valeur économique, patrimoniale ou humaine » (115).

Le phénomène prenant de l’ampleur, les industriels ont développé de nouveaux outils : DCNS a par exemple proposé de mettre à la disposition de la marine un patrouilleur de haute mer de nouvelle génération. Les contours juridiques et opérationnels de ce nouveau navire étant demeurés incertains, la marine nationale n’a pas donné suite.

Question écrite n° 73699, publiée au Journal officiel Assemblée Nationale du 9 mars 2010

M. Gilbert Le Bris interroge M. le ministre de la défense sur la proposition de prêt d’un bateau militaire destiné, entre autres, à la problématique contemporaine de la lutte contre la piraterie en mer faite par la DCNS à la marine nationale. Les navires de pêche au thon français opérant dans l’océan Indien sont exposés à la piraterie au large des côtes somaliennes, et plusieurs pays, dont la France, se mobilisent contre la piraterie maritime dans l’océan Indien, de façon à assurer la protection de leurs ressortissants. De nouveaux moyens existent pour faire face à la piraterie et, à ce titre, la DCNS a conçu une corvette antipirate, prototype utilisant les dernières innovations technologiques et souhaite la mettre gracieusement à la disposition de la marine nationale. Aussi, il lui demande la position du Gouvernement face à cette proposition qui vise à développer les moyens de lutte contre la piraterie maritime.

Réponse du ministre de la défense publiée au Journal officiel Assemblée Nationale du 4 mai 2010

La proposition de prêt d’un navire, évoquée par l’honorable parlementaire, a été faite par l’entreprise DCNS à la marine nationale dans le cadre du soutien à l’exportation sur le créneau des patrouilleurs hauturiers. Des discussions sont en cours entre le ministère de la défense et DCNS pour étudier cette proposition. Outre le soutien à l’exportation au profit d’industriels de défense, ce démonstrateur de concepts et de technologies pourrait contribuer à préciser le contour du programme des futurs patrouilleurs de haute mer « Batsimar », dont les livraisons devraient commencer à partir de 2017. Pour autant, le ministère de la défense n’est pas favorable à l’emploi de ce bâtiment dans une zone où un risque potentiel est avéré. Le statut administratif du navire, la composition de l’équipage, les capacités opérationnelles définies entièrement par l’industriel (armement et capacité d’accueil d’hélicoptères, en particulier), le soutien logistique, les contraintes d’assurance et les modalités de restitution sont autant d’inconnues qui incitent à la prudence. Quoi qu’il en soit, un bâtiment unique ne saurait remplacer les capacités opérationnelles de plusieurs frégates, ni, en tout état de cause, apporter une réponse décisive au problème de la piraterie maritime.

2. L’apparition de nouveaux théâtres d’opération

Après s’être déroulées sur terre et sur mer, les guerres se sont étendues à la troisième dimension au début du XXe siècle. Au XXIe siècle, il convient d’ajouter l’espace, prolongement naturel de la troisième dimension, mais aussi et surtout le cyberespace. Pour chacun de ces nouveaux territoires apparaissent de nouvelles menaces et donc de nouveaux systèmes de défense et d’attaque.

a) L’espace extra-atmosphérique

Le 27 janvier 1967 est signé, sous l’égide des Nations Unies, le traité sur les principes régissant les activités des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes. Reprenant les termes de la résolution 1184 du 17 octobre 1963, son article 4 engage les États « à ne mettre sur orbite autour de la Terre aucun objet porteur d’armes nucléaires ou de tout autre type d’armes de destruction massive, à ne pas installer de telles armes sur des corps célestes et à ne pas placer de telles armes, de toute autre manière, dans l’espace extra-atmosphérique »  (116). Cet engagement de principe ne prémunit cependant pas contre un usage militaire de l’espace.

L’illusion de la non-militarisation de l’espace a disparu le 11 janvier 2007 lorsque la Chine a testé avec succès une arme antisatellite, en l’espèce un missile de portée intermédiaire qui a détruit en le percutant un satellite météorologique en orbite basse. Cette audacieuse initiative chinoise ne fait que rappeler que l’espace a toujours été un enjeu et un terrain militaires. La conquête spatiale, âpre compétition de la guerre froide, a été l’œuvre avant tout de militaires. Les grands groupes industriels ayant une activité spatiale ont tous un important département défense à l’instar d’Astrium, filiale d’EADS, ou de Thalès Alenia Space, filiale de Thalès et de Finmeccanica.

Les forces armées ont très vite perçu l’intérêt de l’espace non seulement pour l’observation et la détection mais aussi pour renforcer leurs capacités offensives : les missiles balistiques nucléaires de longue portée effectuent 80 % de leur vol dans l’espace extra-atmosphérique. De même le recours à des satellites espions est continuel. Ainsi le 22 juin 2010, Israël a lancé en orbite basse un satellite espion OFEQ-9, venant renforcer la constellation satellitaire OFEQ-5 (lancée en 2002) et OFEQ-7 (lancée en 2007). Dans les cinq premiers mois de 2010, la Russie a pour sa part lancé trois satellites militaires.

De nombreux États affichent leurs ambitions spatiales, à des fins civiles et militaires, certains visant même l’autonomie en développant en parallèle une industrie spatiale. Il en va ainsi d’Israël avec les sociétés Israël Aerospace industries qui produisent les lanceurs Shavit et les satellites espions OFEQ tandis que les technologies d’imagerie sont fournies par Elbit Systems. Tous les pays ne peuvent cependant pas s’engager dans cette voie compte tenu des difficultés techniques que cela suppose. Les premiers essais de la fusée Ariane ont ainsi montré la complexité d’une telle opération ; ce n’est qu’après plusieurs années d’ajustements et grâce à une longue expérience que le lanceur européen a pu s’affirmer comme un acteur spatial particulièrement fiable.

L’Inde n’a pas encore atteint ce niveau comme le montre l’échec, le 15 avril dernier, du tir de la première fusée indienne à moteur cryogénique susceptible de lui donner la capacité de placer des satellites sur l’orbite géostationnaire (36 000 km). Ce revers a été cependant atténué par le lancement réussi en juillet 2010 de cinq satellites depuis le site de Sriharikota.

D’autres États, plus modestes ou moins fortunés, choisissent de s’équiper à l’étranger : avec l’appui industriel du groupe américain Lockheed-Martin, le Vietnam dispose d’un satellite de télécommunication depuis 2008 et a signé, en mai 2010, un contrat de 215 millions de dollars pour la réalisation d’un second orbiteur. De son côté, EADS Astrium a fabriqué le satellite thaïlandais d’observation terrestre THEOS.

Au-delà de l’usage traditionnel de l’espace, de nouveaux usages militaires de l’espace, plus agressifs, sont désormais envisagés appelant des contre-mesures tout aussi offensives. « Qui domine l’espace, domine le monde » affirme le général russe Anatoli Sitnov, regrettant que son pays ait abandonné les recherches sur les lasers spatiaux de combat, contrairement aux États-Unis (117). Commandant d’une brigade de la défense anti-aérienne russe, le colonel Edouard Sigalov a précisé à l’agence officielle russe que la Russie était en train « de développer de nouvelles armes capables de détruire des cibles dans l’espace » et qu’il appartenait aux forces armées de « protéger le ciel de Moscou contre les attaques spatiales » (118). La Russie dispose désormais de « troupes spatiales » et d’un « conseil militaire des troupes spatiales ». Les États-Unis ne sont pas en reste : leur programme militaire X37B, petite navette spatiale, laisse particulièrement perplexes les observateurs quant à ses objectifs et à la nature du fret qu’elle est appelée à transporter…

b) Le cyberespace

Comme le note Stephen Trilling, vice-président senior du département Security Technology and Response de Symantec à l’occasion de la sortie de l’édition 2010 du Symantec Internet Security Threat Report, « les pirates informatiques sont passés des simples escroqueries à des campagnes d’espionnage extrêmement sophistiquées visant quelques-unes des plus grandes entreprises mondiales et entités gouvernementales. […] La portée de ces attaques et le fait qu’elles viennent des quatre coins du monde donnent une dimension internationale à ce problème, qui demande la coopération à la fois du secteur privé et des gouvernements mondiaux » (119). Avant d’envisager une coopération mondiale contre la cybercriminalité, les États cherchent à se doter d’outils de défense nationaux.

Pour ce faire, la cybercriminalité figure désormais dans les ouvrages de doctrine de la guerre, aussi bien dans un sens défensif qu’offensif comme le montrent les actions menées par les services russes contre les systèmes géorgiens en août 2008.

Les attaques informatiques sont désormais fréquentes, soit pour perturber le fonctionnement d’un réseau, soit pour pirater un système et collecter des informations sensibles. En avril 2010, un rapport de l’Université de Toronto dénonce par exemple un réseau de cyberespionnage implanté en Chine et ayant pour cibles les Tibétains en exil, l’Inde et les Nations Unies (120). En mars 2010, les ordinateurs d’opposants vietnamiens à un projet d’exploitation minière par la Chine ont été la cible de cyber-attaques, afin d’espionner leurs propriétaires et de paralyser leur blogs. Plus récemment, l’Iran, et vraisemblablement la Chine, ont été attaqués par un virus informatique très puissant appelé Stuxnet, les experts le qualifiant de « première superarme cybernétique ».

Il est particulièrement difficile de lutter contre cette nouvelle menace qui n’a aucune frontière. Même si certains gouvernements ambitionnent de contrôler les flux de données informatiques transitant par leur territoire, un blocus totalement hermétique est impossible. Ce mode de fonctionnement est particulièrement favorable au développement d’organisations terroristes. Les réseaux d’Al Qaida sont d’ailleurs souvent qualifiés de « toile », c’est-à-dire que ses composants obéissent à un mode opératoire très souple, faiblement coordonné mais fortement solidaire. La lutte contre les réseaux terroristes a dû s’adapter à cette nouvelle organisation mondialisée.

Premières rencontres européennes sur la menace terroriste et la lutte contre le terrorisme,

Fondation pour la recherche stratégique, 11-12 février 2010

Compte rendu (extrait)

Source : http://www.frstrategie.org/barreFRS/publications/colloques/20100211.pdf

L’état de la menace : Tous les experts se sont accordés pour certes considérer la centralité de la menace d’Al Qaida mais aussi pour en modérer l’importance. La première raison tient à l’affaiblissement notable du réseau, la seconde à l’existence ou à la progression d’autres menaces terroristes qui ne peuvent être sous-estimées : (…) le terrorisme régional de type indépendantiste demeure fortement présent. Cependant il faut envisager la montée d’autres formes de contestation violente comme les mouvements anti-mondialisation (Black Front) ; les groupes catégoriels (anti-vivissection, de défense d’une cause comme le Front antiradar, etc.) et la progression de mouvements sectaires apocalyptiques.

L’avenir de la menace : Pour demain les experts imaginent des petits (voire micro) groupes ; des acteurs solitaires (plus rares) ; des motifs multiples ; des actions solitaires ou solidaires (autoproclamation) ; la recherche d’un grand impact voire d’un grand nombre de victimes ; mais la tendance serait plus dans la désorganisation de masse en agissant sur les systèmes publics. L’attentat suicide, en raison de son efficacité, demeurera une constante tactique sur le long terme. Les actions terroristes continueront d’être conduites par l’usage de moyens classiques (bombe, armes de tous modèles) mais la pente technologique (toujours suivie par les plus audacieux) n’exclurait pas progressivement une ‘référence’ aux armes dites de destruction de masse (bombe radiologique, chimiques industriels, poisons) ; le cyberterrorisme semblant, pour l’instant hors d’atteinte des terroristes à la fois pour des raisons techniques et de coût/efficacité.

c) L’économie de la drogue

La mondialisation est également le modèle de développement de l’économie de la drogue. Les sommes en jeu sont colossales : pour la seule cocaïne, les États-Unis représentent un marché de 37 milliards de dollars, et l’Europe un marché de 34 milliards de dollars (121). Il est particulièrement difficile de lutter contre le phénomène quand cette activité est la principale source de richesse d’un pays. Selon l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, l’Afghanistan est le premier producteur d’opium (6 900 tonnes soit 90 % de la production mondiale) et de haschich (de 1 500 à 3 500 tonnes par an). La Colombie et le triangle d’or birman demeurent les autres principaux foyers de la drogue. S’y ajoutent l’Afrique du Nord, le Liban, la Turquie ainsi que l’Albanie qui produit annuellement entre 100 et 150 tonnes de cannabis diffusées par bateau et par route dans toute l’Europe. D’autres États, notamment en Afrique occidentale, deviennent de lucratives zones de transit : selon le bureau des Nations Unies sur les drogues et le crime, la Guinée Bissau, la Guinée, le Bénin et le Nigeria constituent des points particulièrement fragiles. Les trafiquants profitent de l’instabilité ou de la faiblesse institutionnelles pour y installer de solides bases entre l’Amérique Latine et l’Europe, avec l’appui dans certains cas des forces armées locales.

Les trafiquants de drogue combinent les modes de transport maritimes, routiers et aériens. Les moyens matériels mis en œuvre deviennent de plus en plus audacieux : aux côtés des traditionnelles voitures puissantes, poids lourds, avions de tourisme, voiliers ou vedettes rapides, apparaissent désormais dans l’arsenal employé par les trafiquants des équipements plus lourds. En novembre 2009, un Boeing 727 transportant une cargaison de cocaïne en provenance du Venezuela s’est écrasé dans le désert malien ; en juillet 2010, en liaison avec les autorités américaines de lutte anti-drogue, la police équatorienne a saisi un sous-marin à propulsion électrique et diesel de 25 mètres, capable de rester en immersion pendant une dizaine de jours et destiné à transporter jusqu’à 12 tonnes de cocaïne le long de la côte pacifique.

L’importance du trafic mais aussi des équipements utilisés pour transporter les drogues impose de mobiliser des moyens militaires importants. Seules les armées sont en mesure de détecter, de surveiller voire d’intercepter un sous-marin ou un aéronef de grande taille.

B. UN NOUVEL ENVIRONNEMENT JURIDIQUE INTERNATIONAL

Depuis la publication du Livre blanc en 2008, la France a pris de nouveaux engagements internationaux susceptibles de modifier en profondeur sa politique de défense avec notamment l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne et la réintégration dans le commandement intégré de l’OTAN.

Dès mars 2008, le Président de la République insistait sur les conséquences de ces nouveaux engagements, faisant valoir que « la France est et restera fidèle à ses engagements au titre de l’article 5 du traité de l’Atlantique nord. S’agissant de l’Europe, c’est un fait, les forces nucléaires françaises, par leur seule existence, sont un élément clef de sa sécurité. Un agresseur qui songerait à mettre en cause l’Europe doit en être conscient ». Afin d’en tirer tous les conséquences, il a proposé « d’engager avec ceux de nos partenaires européens qui le souhaiteraient un dialogue ouvert sur le rôle de la dissuasion et sa contribution à notre sécurité commune. Notre engagement pour la sécurité de nos partenaires européens est l’expression naturelle de notre union toujours plus étroite. Le traité de Lisbonne marque, à cet égard, une avancée historique » (122).

1. Les clauses de solidarité

L’article 5 du Traité de l’Atlantique Nord prévoit que « qu’une attaque armée contre [un ou plusieurs signataires] survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties, et en conséquence [les États signataires] conviennent que, si une telle attaque se produit, [chacun d’eux], dans l’exercice du droit de légitime défense, individuelle ou collective, reconnu par l’article 51 de la Charte des Nations Unies, assistera la partie ou les parties ainsi attaquées en prenant aussitôt, individuellement et d’accord avec les autres parties, telle action [qu’il] jugera nécessaire, y compris l’emploi de la force armée, pour rétablir et assurer la sécurité dans la région de l’Atlantique Nord ». L’article précise en outre que « toute attaque armée de cette nature et toute mesure prise en conséquence seront immédiatement portées à la connaissance du Conseil de Sécurité. Ces mesures prendront fin quand le Conseil de Sécurité aura pris les mesures nécessaires pour rétablir et maintenir la paix et la sécurité internationales » (123). Le retour de la France dans le commandement intégré de l’Alliance redonne tout son sens à cette clause de solidarité.

L’article 42 du traité sur l’Union européenne, dans la rédaction issue du traité de Lisbonne, stipule pour sa part qu’au « cas où un État membre serait l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à l’article 51 de la charte des Nations unies. Cela n’affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres. Les engagements et la coopération dans ce domaine demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, qui reste, pour les États qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l’instance de sa mise en œuvre » (124).

Ces deux systèmes de solidarité permettent à la France de bénéficier du soutien de ses partenaires en cas d’agression. Ils l’engagent également à intervenir à leur profit. La défense n’est plus nationale ; elle est effectivement et juridiquement devenue collective, plusieurs États intervenant dans sa mise en œuvre.

2. Coopération renforcée et coopération structurée permanente

Le Traité de Lisbonne crée de nouveaux outils juridiques propices au développement de coopérations industrielles et capacitaires. Cette innovation part du principe que les prochaines grandes avancées européennes touchant au cœur des souverainetés nationales ne pourront pas être initiées par l’ensemble des États membres. En revanche, un noyau d’États peut être le précurseur de compétences partagées et montrer ainsi la voie aux autres. Cette logique a conduit à l’inscription dans le Traité du mécanisme des coopérations renforcées.

Article 20 du Traité sur l’Union Européenne

« 1. Les États membres qui souhaitent instaurer entre eux une coopération renforcée dans le cadre des compétences non exclusives de l’Union peuvent recourir aux institutions de celle-ci et exercer ces compétences en appliquant les dispositions appropriées des traités, dans les limites et selon les modalités prévues au présent article, ainsi qu’aux articles 280 A à 280 I du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Les coopérations renforcées visent à favoriser la réalisation des objectifs de l’Union, à préserver ses intérêts et à renforcer son processus d’intégration. Elles sont ouvertes à tout moment à tous les États membres, conformément à l’article 280 C du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

2. La décision autorisant une coopération renforcée est adoptée par le Conseil en dernier ressort, lorsqu’il établit que les objectifs recherchés par cette coopération ne peuvent être atteints dans un délai raisonnable par l’Union dans son ensemble, et à condition qu’au moins neuf États membres y participent. Le Conseil statue conformément à la procédure prévue à l’article 280 D du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

3. Tous les membres du Conseil peuvent participer à ses délibérations, mais seuls les membres du Conseil représentant les États membres participant à une coopération renforcée prennent part au vote. Les modalités de vote sont prévues à l’article 280 E du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

4. Les actes adoptés dans le cadre d’une coopération renforcée ne lient que les États membres participants. Ils ne sont pas considérés comme un acquis devant être accepté par les États candidats à l’adhésion à l’Union. »

Au-delà de cette possibilité, les États membres peuvent prendre part à la coopération structurée permanente propre aux enjeux de défense.

PROTOCOLE SUR LA COOPÉRATION STRUCTURÉE PERMANENTE ÉTABLIE PAR L’ARTICLE 28 A DU TRAITÉ SUR L’UNION EUROPÉENNE

LES HAUTES PARTIES CONTRACTANTES,

VU l’article 28 A, paragraphe 6, et l’article 28 E du traité sur l’Union européenne,

RAPPELANT que l’Union conduit une politique étrangère et de sécurité commune fondée sur la réalisation d’un degré toujours croissant de convergence des actions des États membres;

RAPPELANT que la politique de sécurité et de défense commune fait partie intégrante de la politique étrangère et de sécurité commune; qu’elle assure à l’Union une capacité opérationnelle s’appuyant sur des moyens civils et militaires; que l’Union peut y avoir recours pour des missions visées à l’article 28 B du traité sur l’Union européenne en dehors de l’Union afin d’assurer le maintien de la paix, la prévention des conflits et le renforcement de la sécurité internationale conformément aux principes de la charte des Nations unies; que l’exécution de ces tâches repose sur les capacités militaires fournies par les États membres, conformément au principe du « réservoir unique de forces » ;

RAPPELANT que la politique de sécurité et de défense commune de l’Union n’affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres;

RAPPELANT que la politique de sécurité et de défense commune de l’Union respecte les obligations découlant du traité de l’Atlantique Nord pour les États membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, qui reste le fondement de la défense collective de ses membres, et qu’elle est compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée dans ce cadre;

CONVAINCUES qu’un rôle plus affirmé de l’Union en matière de sécurité et de défense contribuera à la vitalité d’une alliance atlantique rénovée, en accord avec les arrangements dits de « Berlin plus » ;

DÉTERMINÉES à ce que l’Union soit capable d’assumer pleinement les responsabilités qui lui incombent au sein de la communauté internationale;

RECONNAISSANT que l’Organisation des Nations unies peut demander l’assistance de l’Union pour mettre en œuvre d’urgence des missions entreprises au titre des chapitres VI et VII de la charte des Nations unies;

RECONNAISSANT que le renforcement de la politique de sécurité et de défense demandera aux États membres des efforts dans le domaine des capacités;

CONSCIENTES que le franchissement d’une nouvelle étape dans le développement de la politique européenne de sécurité et de défense suppose des efforts résolus des États membres qui y sont disposés;

RAPPELANT l’importance de ce que le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité soit pleinement associé aux travaux de la coopération structurée permanente,

SONT CONVENUES des dispositions ci-après, qui sont annexées au traité sur l’Union européenne et au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne :

Article premier

La coopération structurée permanente visée à l’article 28 A, paragraphe 6, du traité sur l’Union européenne est ouverte à tout État membre qui s’engage, dès la date d’entrée en vigueur du traité de Lisbonne :

a) à procéder plus intensivement au développement de ses capacités de défense, par le développement de ses contributions nationales et la participation, le cas échéant, à des forces multinationales, aux principaux programmes européens d’équipement et à l’activité de l’Agence dans le domaine du développement des capacités de défense, de la recherche, de l’acquisition et de l’armement (l’Agence européenne de défense), et

b) à avoir la capacité de fournir, au plus tard en 2010, soit à titre national, soit comme composante de groupes multinationaux de forces, des unités de combat ciblées pour les missions envisagées, configurées sur le plan tactique comme un groupement tactique, avec les éléments de soutien, y compris le transport et la logistique, capables d’entreprendre, dans un délai de 5 à 30 jours, des missions visées à l’article 28 B, du traité sur l’Union européenne en particulier pour répondre à des demandes de l’Organisation des Nations unies, et soutenables pour une période initiale de 30 jours, prorogeable jusqu’au moins 120 jours.

Article 2

Les États membres qui participent à la coopération structurée permanente s’engagent, pour atteindre les objectifs visés à l’article 1er :

a) à coopérer, dès l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, en vue d’atteindre des objectifs agréés concernant le niveau des dépenses d’investissement en matière d’équipements de défense, et à réexaminer régulièrement ces objectifs à la lumière de l’environnement de sécurité et des responsabilités internationales de l’Union;

b) à rapprocher, dans la mesure du possible, leurs outils de défense, notamment en harmonisant l’identification des besoins militaires, en mettant en commun et, le cas échéant, en spécialisant leurs moyens et capacités de défense, ainsi qu’en encourageant la coopération dans les domaines de la formation et de la logistique;

c) à prendre des mesures concrètes pour renforcer la disponibilité, l’interoperabilité, la flexibilité et la capacité de déploiement de leurs forces, notamment en identifiant des objectifs communs en matière de projection de forces, y compris en réexaminant, éventuellement, leurs procédures de décision nationales;

d) à coopérer afin de s’assurer qu’ils prennent les mesures nécessaires pour combler, y compris par des approches multinationales et sans préjudice des engagements les concernant au sein de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, les lacunes constatées dans le cadre du « Mécanisme de développement des capacités » ;

e) à participer, le cas échéant, au développement de programmes communs ou européens d’équipements majeurs dans le cadre de l’Agence européenne de défense.

Article 3

L’Agence européenne de défense contribue à l’évaluation régulière des contributions des États membres participants en matière de capacités, en particulier des contributions fournies suivant les critères qui seront établis, entre autres, sur la base de l’article 2, et en fait rapport au moins une fois par an. L’évaluation peut servir de base aux recommandations et aux décisions du Conseil adoptées conformément à l’article 28 E du traité sur l’Union européenne.

3. La réglementation communautaire

a) Le paquet défense

Lancé à l’initiative de la Commission européenne en 2007, le paquet défense a pour but de réduire les obstacles à la circulation des produits liés à la défense (munitions, véhicules, matériel électronique…) sur le territoire de l’Union européenne. Il s’est enrichi d’une une communication au Parlement européen et au Conseil présentée le 5 décembre 2007 proposant une « stratégie pour une industrie européenne de la DÉFENSE plus forte et plus compétitive ».

Stratégie pour une industrie européenne de la DÉFENSE plus forte et plus compétitive (extraits)

« L’Europe dispose de plusieurs entreprises de défense qui sont compétitives au niveau tant européen que mondial et sont à la pointe dans de nombreux segments du marché. L’industrie européenne de la défense est également potentiellement apte à produire l’ensemble des capacités requises pour relever les défis survenant à l’échelle mondiale et à fournir aux forces déployées dans le monde pour l’Union les équipements et les systèmes très performants nécessaires à l’accomplissement de leur mission. Il est fondamental à cet égard de déterminer clairement les capacités dont les forces armées européennes ont besoin pour relever ces défis; c’est la raison pour laquelle l’Agence européenne de défense (AED) élabore, en collaboration avec le comité militaire de l’UE, un plan de développement des capacités destiné à fixer les priorités en matière de besoins et de développement de capacités.

[…] Il apparaît clairement que l’industrie européenne de la défense est entravée dans son développement par un cadre politique et juridique inadéquat. Dans une publication récente, le Parlement européen met en évidence le coût élevé qu’entraîne l’absence d’harmonisation européenne, par la coexistence de réglementations nationales différentes, les procédures en matière de licences, les listes de contrôle à l’exportation, le manque de partage d’informations, etc., qui entraînent inévitablement des tracasseries administratives, des activités faisant double emploi, une innovation freinée et des prix plus élevés et qui affectent la compétitivité.

[…] Par ailleurs, l’article 296 autorise les États membres à déroger aux règles régissant le marché intérieur pour des raisons liées aux intérêts de leur sécurité nationale. En particulier, les États membres ne sont pas tenus de fournir des renseignements dont ils estimeraient la divulgation contraire aux intérêts essentiels de leur sécurité; ils peuvent en outre prendre les mesures se rapportant à « la production ou au commerce d’armes, de munitions et de matériel de guerre » nécessaires à la protection de leurs intérêts essentiels de sécurité. Ces mesures ne peuvent cependant pas « altérer les conditions de la concurrence dans le marché commun en ce qui concerne les produits non destinés à des fins spécifiquement militaires ».

i. Les deux directives relatives aux marchés de la défense

Le 16 décembre 2008, le Parlement a adopté une première directive (2009/43/CE) simplifiant les conditions des transferts de produits liés à la défense dans la Communauté. Une deuxième étape a été franchie le 13 juillet 2009 avec l’adoption par le Parlement d’une nouvelle directive (2009/81/CE) visant à améliorer l’ouverture et la compétitivité des marchés de défense et de sécurité. De nouvelles règles de coordination des passations des marchés publics voient ainsi le jour afin de réglementer de manière adaptée ces deux secteurs particulièrement sensibles.

Comme le souligne l’eurodéputé allemand Alexander Graf Lambsdorff dans son rapport sur la directive de 2009, le marché européen de la défense est « trop fragmenté » et la « concurrence [y] est trop faible ». Pour améliorer cette situation, la directive harmonise les règles relatives aux achats d’armements, de munitions et de matériel de guerre ainsi qu’à certains équipements de sécurité non militaires. Désormais les opérateurs pourront contracter des marchés dans les États de l’Union, le but étant que chaque État puisse « acheter le meilleur produit disponible sur le marché, peu importe qu’il soit fabriqué par l’une de ses propres entreprises ou par une entreprise située dans un autre État-membre ». La transparence sera ainsi renforcée, ce qui devrait profiter directement aux PME sous-traitantes.

La directive 2009/43/CE soulignait que l’harmonisation européenne ne remet nullement en question la compétence propre de chaque État en matière de sécurité nationale. Elle relevait par exemple que ses stipulations ne limiteraient en rien la liberté de décision des États « en ce qui concerne leur politique d’exportation des produits liés à la défense » (125).

L’article 346 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (126) précise en effet que chaque État « peut prendre les mesures qu’il estime nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité et qui se rapportent à la production ou au commerce d’armes, de munitions et de matériel de guerre », ces mesures ne devant toutefois pas « altérer les conditions de la concurrence dans le marché intérieur en ce qui concerne les produits non destinés à des fins spécifiquement militaires ».

Or dans la pratique, les instances communautaires ont constaté que ces stipulations sont souvent évoquées pour échapper aux règles communautaires. De ce fait, la plupart des marchés d’équipement sont attribués selon les procédures nationales. Ces pratiques ont été dénoncées à la fois par la Cour de justice et par la Commission qui refusent que les exceptions prévues par le Traité deviennent la règle.

La directive 2009/81 du 13 juillet 2009 (127) rappelle en effet que « l’établissement progressif d’un marché européen des équipements de défense est indispensable au renforcement de la Base industrielle et technologique de défense européenne et au développement des capacités militaires nécessaires à la mise en oeuvre de la politique européenne de sécurité et de défense » (128) tout en soulignant que « les marchés d’armes, munitions et matériel de guerre qui sont passés par des pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices opérant dans le domaine de la défense sont exclus du champ d’application de l’accord sur les marchés publics (AMP) conclu dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce » (129).

Elle souligne que le régime dérogatoire propre aux équipements de défense ne peut s’appliquer que si « les dispositions spécifiques [qu’elle prévoit] n’étaient pas suffisantes pour sauvegarder des intérêts essentiels de sécurité des États membres ». Le texte demande d’ailleurs explicitement aux États de ne pas aller « au-delà de ce qui est strictement nécessaire » (130).

La directive précise enfin que, « dans le contexte spécifique des marchés de la défense et de la sécurité, les États membres conservent le pouvoir de décider si oui ou non leurs pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices peuvent autoriser des agents économiques de pays tiers à participer aux procédures de passation des marchés », mais elle ajoute que cette décision devrait se fonder « sur des considérations de bon rapport qualité-prix », tout en reconnaissant « l’importance de marchés ouverts et équitables et l’obtention d’avantages mutuels ». Elle invite enfin les partenaires à « faire preuve d’ouverture », afin d’entretenir une « concurrence ouverte et loyale » (131).

ii. Une application difficile et complexe

La directive n’est pas encore transposée en droit français mais son application apparaît d’ores et déjà extrêmement délicate ne serait-ce qu’en raison de la volonté de chaque État de maintenir et de développer sa propre base technologique et industrielle.

Sur le plan de la conduite des programmes d’armement, les exemples de coopération montrent qu’il est difficile voire impossible de concilier les demandes des différents États. Outre la définition des besoins, les programmes en coopération pâtissent généralement de la faiblesse des structures de pilotage : l’industriel a besoin d’un accès direct et permanent à un interlocuteur capable de prendre des décisions et d’infléchir éventuellement le programme ou de modifier les spécifications. À ce jour, aucune structure n’est en mesure d’opérer la synthèse ; il faut dès lors réunir tous les clients et trouver un consensus pour tout changement.

Pourtant la volonté de défense des intérêts nationaux, pour louable qu’elle soit, apparaît de plus en plus incompatible avec la compétition internationale en matière de défense, les industriels nationaux n’étant pas en mesure de faire face à leurs concurrents en dehors de l’Union européenne. Faut-il faire émerger un concept de préférence européenne pour les préserver de la compétition internationale ? Les instances communautaires doivent-elles s’impliquer directement pour soutenir les industriels à l’étranger ?

Pour répondre à leurs concurrents, les industriels européens doivent gagner en robustesse et en taille. Cette évolution se heurte à la volonté, voire à la nécessité pour certains domaines intimement liés à la souveraineté des États, de maintenir des bases technologiques et industrielles strictement nationales. Comment les recompositions industrielles à venir pourront-elles trouver un compromis entre le besoin stratégique de long terme et la préservation des équilibres actuels ?

Ces deux directives doivent être transposées en droit national respectivement avant le 30 juin 2011 pour la directive 2009/43/CE, conformément à son article 18 et avant le 20 août 2011 pour la directive 2009/81/CE, conformément à son article 72.

Le Gouvernement prévoit de transposer ces deux textes en une seule fois pour répondre « au double objectif de lisibilité du droit et de limitation de l’inflation législative ».

Question : Fournir une note détaillée sur les modalités de transposition en droit interne de :

- la directive 2009/43/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009 simplifiant les conditions des transferts de produits liés à la défense dans la communauté ;

- la directive 2009/81/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 relative à la coordination des procédures de passation de certains marchés de travaux, de fournitures et de services par des pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices dans les domaines de la défense et de la sécurité et modifiant les directives 2004/17/CE et 2004/18/CE.

Détailler les conséquences de ces directives sur la politique d’équipement des forces.

Réponse :

Le projet de loi sera finalisé en septembre par le Gouvernement. Une étude d’impact approfondie permet, bien entendu, de mesurer la portée des dispositions qu’il contient.

S’agissant des transferts intracommunautaires des biens liés à la défense, le projet de loi vise non seulement à transposer en droit interne la directive 2009/43/CE du 6 mai 2009, qui facilite les échanges sur le territoire de l’Union européenne, mais à rénover le dispositif de contrôle des importations et exportations qui repose sur des principes datant de 1939. Ainsi, sera créée, au sein du code de la défense, au côté d’une section entièrement rénovée intitulée « Importations et exportations hors de l’Union européenne », une section nouvelle consacrée aux « Transferts au sein de l’Union européenne ».

La règle de base, s’agissant des transferts intracommunautaires, sera celle d’une liberté encadrée du commerce et de l’industrie. Le cadre juridique, harmonisé, reposera toujours sur un dispositif de contrôle. Celui-ci sera désormais fondé sur trois types de licences de transfert : générale, globale ou individuelle. Il n’y aura donc plus d’autorisations d’importation et de transit en intracommunautaire. Un mécanisme de certification pour les entreprises fiables qui le souhaiteront et l’instauration d’un contrôle a posteriori, que rendra possible l’harmonisation des procédures de transferts intracommunautaires, seront institués.

Un dispositif de contrôle a posteriori sera développé. Parallèlement, un haut niveau de sécurité sera maintenu, car toute autorisation pourra être suspendue, modifiée, abrogée ou retirée, notamment dans le cas d’un brusque changement du contexte international. Des sanctions pénales s’appliqueront aux manquements aux obligations instituées par la loi.

L’étude d’impact de cette transposition a été réalisée et diverses consultations effectuées. La part correspondante du projet de loi est en cours de préparation. Il convient de signaler qu’il a été tenu le plus grand compte des propositions du rapport de Monsieur le député Yves Fromion du 30 juin 2010 sur les moyens de développer et de structurer une industrie européenne de défense.

S’agissant des marchés de défense et de sécurité, jusqu’à présent, de tels marchés sont passés soit dans le cadre du marché intérieur, dans le champ d’application des directives 2004/17/CE et 2004/18/CE relatives à la passation des marchés publics, soit hors du cadre du marché intérieur, par application des dispositions de l’article 346 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qui permet de se dispenser du respect des règles communautaires lorsque sont en jeu les intérêts essentiels de sécurité de l’État. Les directives 2004/17/CE et 2004/18/CE ne sont pas adaptées aux spécificités des marchés publics de défense ou de sécurité.

En l’état actuel du droit positif :

une partie des marchés de défense ou de sécurité est passée en application du code des marchés publics et de l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 transposant les directives communautaires ;

une partie importante des marchés, portant sur les armes, munitions et matériels de guerre, passés en application de l’article 346 TFUE, est encadrée par le décret n° 2004-16 du 7 janvier 2004 (dit « décret défense ») pris en application de l’article 4 du code des marchés publics et concernant certains marchés publics passés pour les besoins de la défense ;

les marchés secrets ou exigeant des mesures particulières de sécurité ou mettant en jeu les intérêts essentiels de sécurité de l’État, autres que ceux portant sur les armes, munitions et matériels de guerre, et les marchés passés en application du a) de l’article 346 TFUE ne sont encadrés par aucun texte.

La directive 2009/81/CE soumet aujourd’hui les marchés passés dans les domaines de la défense ou de la sécurité aux règles issues du marché intérieur.

Les mesures législatives ont pour objet non seulement de transposer les dispositions de la directive 2009/81/CE, mais également d’utiliser toutes les marges de manœuvre qu’offre la directive, dans le but de conserver voire d’accroître l’efficience des marchés passés dans les domaines de la défense avec le « décret défense » et d’améliorer l’efficacité des marchés de sécurité.

En modifiant l’ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005, la transposition s’attache, en premier lieu, aux dispositions précises et inconditionnelles de la directive : définitions spécifiques, élargissement de la notion de sous-traitance et nouvelles possibilité de rejet de certains sous-traitants, référé contractuel, nouvelles interdictions de soumissionner, nouvelles exclusions). En second lieu, la transposition recherche l’exploitation des marges de manœuvre offertes par la directive : délit d’atteinte à la moralité professionnelle, condamnation pour violation des obligations de l’attributaire en matière de sécurité de l’information ou de sécurité de l’approvisionnement, interdiction liée au fait que le candidat ne possède pas la fiabilité nécessaire pour éviter des atteintes à la sécurité de l’État…

Le code de justice administrative est modifié en ce qui concerne, d’une part, le référé précontractuel et, d’autre part, le référé contractuel.

L’impact économique essentiel de cette transposition réside dans une plus large ouverture à la concurrence alors que certaines procédures de marchés pouvaient rester jusqu’à présent relativement fermées afin de protéger des informations sensibles en matière de sécurité.

La loi de transposition impactera notamment les achats du ministère de l’intérieur dans le domaine des systèmes d’informations concourant à la lutte contre le terrorisme, la criminalité organisée ou le contrôle des flux migratoires. Ces marchés destinés à la sécurité, font en effet intervenir, nécessitent ou comportent des informations classifiées ou protégées. En effet, le code des marchés publics ne permet pas, à l’heure actuelle, aux services de la police nationale ou de la gendarmerie (de nombreuses procédures de marchés sont mutualisées via des accords-cadres) de tirer pleinement partie de la concurrence dans ce secteur.

La grande majorité des marchés de défense est actuellement passée conformément aux dispositions du décret n° 2004-16 du 7 janvier 2004 pris en application de l’article 4 du code des marchés publics et concernant certains marchés publics passés pour les besoins de la défense. Les dispositions de ce texte ont pour effet de limiter la concurrence dans les marchés de l’armement lorsque les intérêts essentiels de sécurité de l’État sont en jeu en offrant la possibilité au pouvoir adjudicateur de s’abstenir de toute mesure de publicité, notamment lorsque le marché est couvert par le secret. À court terme, on peut ainsi estimer qu’entre la moitié et les deux tiers des marchés d’armement pourraient être soumis au futur texte. Cela représente un volume de marchés de l’ordre de 8 milliards d’euros par an.

Par ailleurs, et indépendamment des autres exceptions du champ matériel de la directive et des marchés de sécurité, certains marchés passés pour les besoins de la défense dans des domaines connexes à l’armement (marchés de soutien, de moyens d’essais…), aujourd’hui passés sous l’empire du code des marchés publics, entreront dans le champ du futur texte. Ces marchés ont un volume proportionnellement faible, inférieur à un milliard d’euros.

Toutefois, il est indispensable du point de vue du ministère de la défense qu’une disposition de nature à maîtriser efficacement l’ouverture des marchés de défense aux opérateurs économiques des États tiers à l’UE soit bien inscrite dans le projet de loi. Sous cette réserve, l’impact de la transposition de cette directive devrait être faible sur les programmes d’armement et légèrement favorable à notre industrie de défense.

Enfin et en termes de calendrier, l’objectif est de soumettre le projet de loi au Conseil d’État à la rentrée, pour une adoption en conseil des ministres à l’automne 2010, préalablement à son dépôt sur le bureau de l’une des deux assemblées. Sa promulgation devrait intervenir au plus tôt, avant la fin du printemps 2011, afin que les décrets d’application puissent, ensuite, être adoptés pour respecter les échéances respectives de transposition des deux directives.

b) La réglementation environnementale

La difficulté d’établir ce qui est inclus ou non dans le champ communautaire est particulièrement visible en matière environnementale avec l’entrée en vigueur le 1er juin 2007 du règlement relatif à l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation de produits chimiques dite REACH (Registration, Evaluation and Authorisation of Chemicals) (132). L’ambition affichée de REACH est d’assurer davantage de protection en matière de santé, d’environnement tout en préservant et même en améliorant la compétitivité et l’innovation européenne. Est ainsi mis en place un contrôle via notamment une procédure d’enregistrement obligatoire sur les substances chimiques produites ou importées en Europe à raison de plus d’une tonne par an, ce qui représente environ 30 000 substances chimiques, mises en circulation depuis 1981, année depuis laquelle des demandes formelles d’autorisations sont exigées. Sont soumises à enregistrement les substances produites ou importées en l’état ou dans une préparation, mais aussi celles présentes dans des articles (objets ou produits d’équipement). Si la procédure d’enregistrement n’a pas eu lieu, c’est le principe « no data, no market » qui s’applique, c’est-à-dire que les entreprises perdent leur droit à produire ou utiliser le produit litigieux. Les utilisateurs des produits en aval ne sont en revanche pas tenus de procéder à l’enregistrement, mais doivent fournir des informations sur leurs utilisations. Cette réglementation apparaît extrêmement complexe pour le monde de la défense, d’autant que la définition d’un article (133) ne permet pas d’identifier précisément ce qui doit faire, ou non, l’objet d’une autorisation.

Question : Fournir une note détaillée sur l’impact de la réglementation REACh (réglementation européenne relative aux substances chimiques) sur la politique d’équipement des forces.

Réponse :

Les matériels « liés à la protection des intérêts essentiels des États membres » entrent dans le champ d’application du règlement REACh. Des exemptions au règlement restent possibles lorsque cela « s’avère nécessaire aux intérêts de la défense ».

À ce titre, la France s’appuie sur un décret de février 2010 et un arrêté qui devrait être publié avant la fin de l’année. Dans le cas général, la décision d’exemption sera une codécision du ministère de la défense et du ministère en charge de l’environnement. Par ailleurs, l’Agence européenne de défense (AED) s’investit depuis le début de l’année 2010 pour harmoniser les procédures d’exemption de différents États membres afin de limiter les distorsions de concurrence et les éventuels problèmes dans les programmes en coopération.

De manière générale, le secteur de la défense (ministère inclus) doit appliquer les dispositions du règlement REACh. Les difficultés identifiées, comme dans le secteur civil, sont liées à la complexité du règlement et des procédures associées, à des difficultés d’interprétation ou bien encore à des listes de substances très évolutives :

l’utilisation des substances particulièrement dangereuses sera limitée par les procédures de restriction et d’autorisation. Les listes de référence sont évolutives ;

des substances seront retirées du marché car le producteur ou l’importateur ne fera pas le dossier d’enregistrement. Il y a aujourd’hui une vraie inquiétude car la première échéance d’enregistrement est le 1er décembre 2010 et plusieurs centaines de substances pourraient ne pas être enregistrées et donc ne plus être commercialisées en application du principe « pas de données, pas de marché » ;

la mise en œuvre de REACh est également une opportunité pour certains fabricants de rationaliser leur catalogue de produits ou de modifier la formulation de produits existants. Les clients ne sont pas informés ou alors avec un court préavis.

Le caractère instable de ce marché ne pourra être que subi (1) par le secteur de la défense, « petit client » de l’industrie chimique. De plus, les procédures de qualification de nouvelles technologies sont généralement longues et coûteuses, ce qui ne permet pas de se tourner rapidement vers des solutions alternatives lorsqu’une substance est retirée du marché.

Conscient du défi que représente REACh, le ministère de la défense a intégré ce sujet dans son plan d’action Environnement publié en décembre 2007 et réactualisé fin 2009.

Les efforts portent sur :

- la veille et l’analyse des évolutions du règlement REACh, en liaison avec le MEEDDM) ;

- la définition et la mise en œuvre du processus d’exemption défense ;

- le dialogue avec les représentants de l’industrie de défense pour les sources d’approvisionnement ;

- le financement de programmes de recherche – recherche de substituts (dispositifs pyrotechniques, aéronautique, chimie et procédés pour le développement durable de l’Agence nationale de la recherche) ;

- la mise en œuvre de clauses REACh dans les contrats d’acquisition de matériels de défense ;

- l’implication dans les travaux de l’Agence européenne de défense (AED).

(1) Aujourd’hui, des difficultés ont été rencontrées sur des domaines aussi variés que les lubrifiants pour aéronefs, les matériaux énergétiques (propulsion et masquage) ainsi que la fabrication de certaines résines. Le traitement de surface des métaux sera sans doute le domaine le plus affecté par les mesures d’autorisation avec des conséquences préoccupantes pour le maintien en condition opérationnelle des aéronefs les plus anciens.

De même, la directive RoHS (Restriction of Hazardous Substances) (134) limite l’utilisation de certaines substances dangereuses dans les équipements électriques et électroniques. Adoptée le 27 janvier 2003 et entrée en vigueur en juillet 2006, cette directive renforce les dispositions de la directive européenne relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) du 27 janvier 2003 (135). Animée par la volonté de prévenir les problèmes de santé liés aux substances intéressées, et de limiter l’impact sur l’environnement du recyclage en fin de vie des équipements, elle limite l’emploi de métaux lourds (plomb, mercure, cadmium, chrome exavalent) et de retardateurs de flamme bromés (polybromobiphényles, polybromodiphényléthers) dans les équipements électriques et électroniques listés par la directive DEEE (136).

Question : Fournir une note détaillée sur l’impact de la réglementation RoHS (limitation des substances dangereuses dans les équipements électroniques) sur la politique d’équipement des forces.

Réponse :

[…La] directive précise que sont exclus de son périmètre d’application « les équipements électriques et électroniques liés à la protection des intérêts essentiels de sécurité de l’État, les armes, les munitions et autres matériels de guerre, s’ils sont liés à des fins exclusivement militaires ».

Cette disposition a été maintenue lors de la transposition de la directive en droit national (décret n° 2005-829 du 21 juillet 2005).

Le secteur de la défense est toutefois concerné par cette directive car elle a induit une mutation des technologies utilisées dans le secteur de l’électronique, secteur dans lequel s’approvisionnent les équipementiers militaires. En particulier, l’électronique « sans plomb » s’impose comme une norme, car les fabricants de composants ne peuvent généralement pas maintenir une ligne de production civile (sans plomb) et une ligne de production spécifique pour la défense. Ils privilégient alors un catalogue conforme à la norme RoHS, le secteur civil constituant l’essentiel de leur chiffre d’affaire.

L’usage de la technologie sans plomb pour les applications militaires pose des problèmes techniques liés, en particulier, à la longue durée de vie des équipements de défense, aux conditions d’environnement spécifiques et au niveau de fiabilité recherché.

Dès 2004, un groupe de travail ad hoc a été constitué au sein du ministère de la défense pour définir un plan d’action visant à limiter l’impact de RoHS sur ses activités, notamment :

- en 2005, l’organisation d’un séminaire dédié avec les partenaires industriels et l’envoi d’un courrier à tous les fournisseurs de la DGA pour les sensibiliser aux enjeux de RoHS pour le secteur de la défense ;

- à partir de 2006, la définition et la mise en œuvre systématique de clauses « RoHS » dans les contrats d’acquisition et de maintenance de matériel de défense ; ces clauses ont entre autres pour objectif de connaître les technologies employées pour la fabrication des équipements ou la réalisation des opérations de maintenance ;

- en 2009, notification par la DGA du programme de recherche « CATS » (1) destiné à évaluer la fiabilité des solutions sans plomb pour les applications militaires.

Par ailleurs, le ministère de la défense reste attentif aux évolutions de la directive RoHS. En particulier, la direction des affaires juridiques (DAJ) s’est impliquée au cours de l’année 2010 dans les travaux de refonte de ce texte. La directive dite « RoHS 2 » devrait être publiée au cours de l’automne 2010. Elle sera étendue à des catégories d’équipements supplémentaires et à un nombre plus important de substances mais conservera le dispositif d’exemption Défense de la directive actuelle.

(1) Cartes assemblées avec des technologies sans plomb.

Or les matériaux visés sont fréquemment utilisés dans des équipements informatiques et de télécommunication. Leur interdiction revient à imposer à l’industrie européenne une équation complexe, l’obligeant à trouver des matériaux de substitution aux qualités similaires pour produire des technologies de pointe. Il en va ainsi des systèmes de soudure, pour lesquels une certaine quantité de plomb est nécessaire. Dès lors que les proportions de plomb se trouvent limitées, il faut trouver d’autres moyens pour réaliser des soudures. La température plus élevée nécessaire pour faire fondre l’alliage nouvellement utilisé, impose également de créer des composants résistants à ces nouvelles contraintes. Le risque de rupture capacitaire, notamment en matière militaire, apparaît immédiatement. Aussi, le décret du 20 juillet 2005 (137) exclut du champ d’application de ce texte « les équipements électriques et électroniques liés à la protection des intérêts essentiels de sécurité de l’État, les armes, les munitions et autres matériels de guerre, s’ils sont liés à des fins exclusivement militaires ». On pourrait se satisfaire de cette précision mais elle ne résout pas le problème pour les équipements duaux qui constituent l’essentiel des matériels électroniques.

C. LES QUESTIONS EN SUSPENS

Les nouveaux engagements internationaux de la France ont soulevé des questions importantes pour l’avenir de sa défense ; il importe que des orientations politiques claires soient données pour clarifier la logique d’ensemble et maintenir la cohérence du système.

1. La défense des intérêts vitaux de la Nation

Aujourd’hui, le concept d’emploi des forces prévoit que les armées peuvent assurer des missions de protection contre des menaces immédiates, de prévention des crises et doivent pouvoir faire face à une aggravation brutale de la situation internationale.

Concept d’emploi des forces

État-major des armées - PIA 00.100 N°004 DEF/CICDE/NP du 11 JANVIER 2010 (extrait)

Mettant en œuvre une stratégie de sécurité nationale pensée de façon globale, les forces armées participent directement à la politique de défense et contribuent à la politique de sécurité intérieure, à la politique étrangère et à la politique économique. Elles sont ainsi engagées au titre de trois missions majeures :

§ Assurer la protection des concitoyens et des intérêts nationaux contre les menaces et les risques effectifs et immédiats.

Dans un environnement marqué par la difficulté d’établir une séparation claire entre les missions de défense et de sécurité, qu’elles soient menées à l’intérieur et en dehors des frontières, la protection de la population, du territoire et des espaces sous responsabilité française est l’un des domaines d’intégration de l’action des armées dans un cadre interministériel.

§ Contribuer à la stabilité internationale en agissant sur les foyers de crise et en prévenant leur embrasement.

Il s’agit d’identifier et de limiter les risques de conflits et de crises en agissant au plus tôt sur leur cause et en limitant leur expansion et leur dissémination. Cette ambition de prévention requiert des capacités de renseignement performantes et des forces militaires crédibles prêtes à une intervention rapide.

§ Faire face à une aggravation brutale de la situation internationale.

La France doit pouvoir faire face à une aggravation brutale de la situation en conservant la possibilité d’intervenir hors de ses frontières, dans le cadre d’un conflit de grande ampleur qui mettrait en jeu la sécurité du pays, de l’Europe ou des alliés. Ce type d’engagement présente la plus grande exigence en termes de cohérence opérationnelle et de capacités, sans être exclusif d’autres mesures de protection, de prévention ou d’intervention. Un engagement d’une telle envergure devrait s’opérer en coalition, notamment dans le cadre de l’Alliance atlantique.

La crise pourrait remettre en cause ce concept opérationnel, les armées ne disposant pas des moyens suffisants pour assurer l’ensemble de ces missions. Dans ce contexte, il importe de définir avec précision la notion « d’intérêts vitaux » de façon à pouvoir concentrer les moyens militaires sur leur défense et leur préservation.

Il apparaît pourtant qu’aucun texte relatif à la défense ne définit cette notion. Seul l’article 410-1 du code pénal précise que « les intérêts fondamentaux de la Nation s’entendent au sens du présent titre de son indépendance, de l’intégrité de son territoire, de sa sécurité, de la forme républicaine de ses institutions, des moyens de sa défense et de sa diplomatie, de la sauvegarde de sa population en France et à l’étranger, de l’équilibre de son milieu naturel et de son environnement et des éléments essentiels de son potentiel scientifique et économique et de son patrimoine culturel ». Le Livre blanc pour sa part estime que « l’adhésion de la nation procédera de la conviction que tout est mis en œuvre par les pouvoirs publics pour que ceux-ci assument la tâche centrale de protection de l’indépendance et de la liberté du pays » (138). C’est en effet l’identification partagée des intérêts fondamentaux de la Nation qui permet de définir les menaces et les besoins capacitaires nécessaires pour les défendre.

Le concept d’emploi des forces souligne d’ailleurs qu’en « autorisant le recours à la force et, par conséquent, en acceptant les risques de pertes humaines, le pouvoir politique change la nature de sa réponse à une situation de crise. En cela réside la spécificité de l’action militaire. Sa finalité est le combat pour défendre les intérêts fondamentaux de la nation, qu’ils soient vitaux, stratégiques ou de puissance, et qui s’expriment aujourd’hui dans une communauté de destin avec les alliés. Cela implique, puisque la violence demeure et que la perspective d’un affrontement majeur ne peut être exclue, de conserver la capacité de contraindre par l’emploi de la force, entraînant la destruction voire la mort. L’emploi effectif - ou la menace d’emploi - de la force doit infléchir la volonté des adversaires et, en cela, modifier le cours des événements. Le soldat est le dépositaire de la force armée étatique. Son rôle, dans ce domaine, est de nature différente de celui des autres acteurs de la sécurité : il combat pour protéger et défendre par les armes ce à quoi, en tant que Nation, la France ne veut pas renoncer » (139).

Le conflit afghan montre qu’il est difficile d’expliquer à l’opinion publique la nature et les motivations de notre engagement.  La plupart des États engagés en Afghanistan sont confrontés à cette épineuse question : l’engagement des forces néerlandaises en Afghanistan est par exemple à l’origine des élections législatives anticipées du 9 juin dernier. En effet, le 20 février 2010, le parti travailliste a quitté la coalition de centre-gauche du Premier ministre Jan-Peter Balkenende, pour manifester son opposition à la prolongation de la participation des Pays-Bas aux opérations de l’OTAN. Depuis l’été 2006, quelque 1 950 soldats néerlandais sont déployés dans la province afghane d’Oruzgan où plus d’une vingtaine ont perdu la vie. En Allemagne, une polémique forte s’est déclenchée à la suite des propos du Président fédéral qui, après avoir rendu visite à des soldats de la Bundeswehr en Afghanistan, estimait que, « la société dans son ensemble, est en train d’accepter progressivement […] que, dans le doute et en cas de nécessité, un engagement militaire peut être nécessaire pour protéger nos intérêts dans des régions entières qui aurait des effets négatifs sur nos échanges, nos emplois et nos revenus » (140). La violence des réactions a poussé le président à démissionner de ses fonctions le 31 mai 2010.

Ce lien distendu entre la défense et l’opinion publique et cette incompréhension sur la nécessité de la défense se traduisent notamment par une judiciarisation des opérations militaires. Lors de son audition devant la commission, le chef d’état-major des armées a d’ailleurs indiqué que les forces « sont sous l’emprise d’une judiciarisation qui suit les évolutions de nos sociétés occidentales, et ce phénomène n’est pas uniquement français. La mort d’un soldat dans la vallée d’Afganya est traitée comme un accident de la circulation sur l’A6 ».

Après l’embuscade de la vallée d’Ouzbine qui a causé la mort de dix soldats français en août 2008, des actions en justice ont été introduites sur le fondement de la mise en danger de la vie d’autrui. Ces demandes ont certes été classées sans suite en février dernier par le Parquet du Tribunal aux armées de Paris, mais elles révèlent une modification profonde de l’appréhension du fait militaire. L’Amiral Guillaud note d’ailleurs qu’un « soldat qui meurt au service de son pays est considéré comme une victime et non pas comme un héros ! » (141).

L’incompréhension grandissante du métier des armes est préoccupante : elle fragilise en effet nos soldats en opérations qui ont besoin du soutien de la Nation dans son intégralité. Il convient donc de remédier à cette distanciation croissante sur le plan politique, le lien entre la Nation et son armée structurant notre système de défense et constituant le socle de notre doctrine.

2. La réforme de l’OTAN

Le prochain sommet de Lisbonne doit permettre de définir les axes forts de réforme de l’Alliance atlantique. Le général Stéphane Abrial, en charge de la transformation de l’OTAN, a souligné que jamais le contexte n’avait été aussi favorable à des évolutions de la doctrine de l’OTAN. Dans le cadre de son commandement, il s’est fixé trois lignes-force : « être toujours au service des nations ; construire autant que possible sur l’existant afin de garantir en ces temps de crise un emploi optimal des ressources ; contribuer à inscrire l’OTAN dans un cadre international fait d’une diversité croissante de partenaires ». Les évolutions qu’il propose sont conséquentes et devraient se traduire par un infléchissement des politiques nationales de défense.

Les conséquences du changement de doctrine de l’Alliance se ressentiront d’autant plus fortement en Europe que, comme l’a rappelé le général Stéphane Abrial, le secrétaire général de l’OTAN « a déjà mis en cause à plusieurs reprises l’anomalie que représente [le] faible niveau de coordination actuel [entre l’Alliance et l’Union européenne]. Cette faiblesse est source d’inefficacité : pour les 21 pays qui sont membres des deux organisations, les réflexions capacitaires, par exemple, menées par les deux organisations portent en réalité sur les mêmes forces ».

Enfin, la place accordée à des partenaires non-étatiques doit être examinée très précisément. « L’expérience opérationnelle récente et actuelle montre que les outils militaires ne peuvent, à eux seuls, régler une crise, mais qu’ils sont indispensables à la gestion de toute crise majeure ».

Ces interrogations sont fortes et appellent des clarifications et des choix. Il importe de préciser à la fois l’identité des acteurs et la liste de leurs missions. Dans un contexte de crise et de rationalisation des structures pour limiter les dépenses, « personne ne comprendrait […] que nous dupliquions des capacités existant ailleurs ».

Au-delà de la clarification des compétences, des choix stratégiques devront être faits à Lisbonne. L’exemple le plus significatif est sans doute la défense antimissile. Comme l’indiquait le général Stéphane Abrial, « le rapport du groupe d’experts recommande qu’elle devienne une mission de l’Alliance, et non plus une simple capacité. La question ne peut en effet être éludée : pourquoi protégerait-on les militaires et non les citoyens ? La défense du territoire est donc une question politique fondamentale. Elle comporte des problèmes techniques et financiers qui ne sont pas résolus, sachant que de nouveaux coûts entraîneront nécessairement des effets d’éviction. Elle inclut également un troisième aspect, celui du commandement et du contrôle. Or, le processus de décision de l’OTAN, à 28, par comités, ne peut être efficace dans ce domaine, qui exige une réponse rapide » (142). En d’autres termes, la défense antimissile pose la question de la souveraineté nationale de tous les États membres de l’Alliance.

La réforme de l’OTAN pose enfin des questions de contrôle et de défense de l’espace européen au sens large comme le prouvent les demandes d’adhésion de la Géorgie et de l’Ukraine. Le ministre de la défense a rappelé que la France s’y était opposée, souhaitant conserver une cohérence géographique à l’Alliance. Pour autant, la question de l’élargissement n’est pas définitivement close et peut se poser pour les Balkans par exemple.

Au final, il est primordial de déterminer si l’OTAN est une organisation américaine, régionale ou mondiale. Il faut également savoir si elle a vocation à intervenir de manière globale ou si elle privilégie une approche militaire des enjeux. Le sommet de Lisbonne doit traiter ces questions et surtout établir une ligne politique claire qui permettra à la France d’ajuster en conséquence ses moyens nationaux.

3. Sortir l’Europe de la défense de l’ornière

Alors que le traité de Lisbonne met l’accent sur la politique européenne de défense et de sécurité, force est de constater que l’Union peine à mettre en œuvre cette politique. Le ministre de la défense a en effet indiqué rencontrer « les pires difficultés à mettre en place la génération de forces » (143) au niveau européen.

a) Une faiblesse opérationnelle

Le tableau suivant présente l’ensemble des opérations européennes actuellement en cours.

Opérations en cours dans le cadre de la politique de défense et de sécurité commune

Type d’opération

Nom de l’opération

Zone concernée

Date de début

Total des effectifs européens engagés (1)

Effectifs français (2)

Militaire

EUFOR ALTHEA

Bosnie-Herzégovine

2004

1 928

4

EUNAVFOR ATALANTA

Golfe d’Aden

2008

2 155

350

EUTH

Somalie

2010

127

nr

Civile

EUPM

Bosnie-Herzégovine

2003

288

7

EULEX

Kosovo

2008

1 633

192

EUPOL COPPS

territoires palestiniens

2006

86

2

EUBAM RAFAH

territoires palestiniens

2005

23

nr

EU SSR

Guinée-Bissau

2008

15

nr

EUSEC RD

Congo

2005

46

16

EUPOL RD

Congo

2007

52

10

EUJUST LEX

Irak

2005

43

 

EUMM

Géorgie

2008

415

33

Total

6 811

614

(1) Hors participation des forces locales.

(2) Ces données sont des ordres de grandeur; le nombre d’effectifs engagé évoluant presque quotidiennement.

Source : www.consilium.europa.eu.

L’engagement européen total atteint donc près de 7 000 hommes pour 12 opérations, étant noté que trois opérations concentrent plus de 80 % des effectifs. La participation française représente à elle seule presque 10 % du total ; il convient par ailleurs de souligner que la France met à la disposition de l’Union d’importants moyens matériels.

Au final, l’Europe de la défense ressemble d’abord à une déclaration d’intention sans concrétisation. Pourtant, malgré ces difficultés, la France continue à défendre cette orientation, et partant, accepte d’assumer une part conséquente de l’effort communautaire.

Question écrite n° 77501 publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 27 avril 2010

M. André Wojciechowski attire l’attention de M. le ministre de la défense sur la légitimité de parler aujourd’hui d’Europe de la défense alors qu’elle a une forme si virtuelle et trop embryonnaire, compte tenu des problèmes budgétaires de chacun des pays. On note cependant un regain d’intérêt de la Pologne pour l’Europe de la défense en raison d’une dévotion récente par rapport aux Américains qui, pour leur part, ne font plus de l’Europe de la défense leur priorité. Il lui demande ce qu’il entend faire afin de redonner une nouvelle ambition à l’Europe de la défense.

Réponse du ministre de la Défense publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 10 août 2010

L’Europe de la défense est devenue, en moins de dix ans, une réalité politique et opérationnelle incontestable. Depuis 2003, l’Union européenne (UE) a ainsi lancé 23 opérations militaires et missions civiles auxquelles participent de plus en plus d’États membres comme la Pologne, l’Irlande, la Slovaquie, la Slovénie, la Suède, la Roumanie, l’Autriche ou la Finlande. Par ailleurs, 24 pays non membres de l’UE ont été associés jusqu’à présent à 16 de ces opérations. La France participe à l’ensemble des opérations militaires et des missions civiles de l’UE avec près de 300 civils et 600 militaires déployés. À chaque nouvel engagement opérationnel, l’UE gagne en visibilité politique et en crédibilité. C’est tout particulièrement le cas pour ce qui concerne l’opération navale européenne ATALANTE, mise en œuvre sur une proposition de la France et de l’Espagne pour lutter contre la piraterie maritime au large de la corne de l’Afrique. ATALANTE est non seulement un succès opérationnel, cette opération ayant permis de faire baisser de façon significative le taux de succès des attaques de pirates (de 1 sur 3 en 2009 à 1 sur 5 aujourd’hui), mais également un succès politique sans précédent qui a définitivement assis la crédibilité militaire de l’UE et a eu un effet d’entraînement sur un nombre important de partenaires de l’Union (Organisation du traité de l’Atlantique Nord, Inde, Chine, Russie, États-Unis…) avec lesquels l’opération coopère ou se coordonne efficacement. La France assumera le commandement tactique de l’opération ATALANTE au second semestre de 2010. Avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne en décembre 2009, une nouvelle étape dans la politique européenne de sécurité et de défense commune (PSDC) est aujourd’hui franchie. Alors que la présidence française de l’UE au second semestre de 2008 avait déjà permis de donner un nouvel élan à la défense européenne, notamment dans le domaine capacitaire avec le lancement de 12 nouveaux projets structurants, le traité établit en effet un nouveau cadre institutionnel qui permet de renforcer les moyens et la cohérence de l’action extérieure de l’Union : mise en place d’un service unique pour l’action extérieure de l’UE, rôle accru du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, également vice-président de la Commission européenne. Le traité de Lisbonne élargit le champ de la PSDC à de nouvelles missions, notamment en matière de désarmement et de lutte contre le terrorisme. La cohésion entre les États membres est également renforcée, avec l’institution du devoir d’aide et d’assistance mutuelle, dans le cas où un État de l’UE ferait l’objet d’une agression armée, ainsi que de la clause de solidarité entre pays membres en cas d’attaque terroriste ou de catastrophe naturelle. Le traité de Lisbonne ouvre en outre la possibilité, pour les États de l’UE « qui remplissent des critères plus élevés de capacités militaires et qui ont souscrit des engagements plus contraignants en la matière en vue des missions les plus exigeantes » de la PSDC, de mettre en place une coopération structurée permanente dans le cadre de l’Union. Cette perspective fait l’objet de discussions approfondies entre les États membres. La mise en œuvre du traité de Lisbonne crée ainsi une dynamique politique que les États membres doivent entretenir. Si la haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité nommée à la fin de l’année 2009 dispose désormais d’un pouvoir d’initiative, la PSDC demeure avant tout une politique intergouvernementale qui doit pouvoir compter sur une implication forte des États de l’UE. Le contexte budgétaire actuel doit par ailleurs inciter les États membres à davantage de coopération, non seulement dans le domaine opérationnel, mais également dans les domaines capacitaires et de l’armement, pour permettre à l’UE de répondre à des demandes d’engagements toujours plus exigeantes. C’est tout le sens de notre soutien à l’Agence européenne de défense, qui favorise les opportunités de coopération. Cette ambition toujours réaffirmée pour l’Europe de la défense est aujourd’hui partagée par nos partenaires européens. À cet égard, la Pologne est devenue un partenaire clé. La défense sera l’une des grandes priorités de sa présidence de l’UE au second semestre de 2011. La France soutient pleinement la Pologne dans sa préparation. Ainsi, dans le cadre du triangle du Weimar (Le triangle de Weimar, lancé en 1991, constitue une coopération trilatérale entre la France, l’Allemagne et la Pologne. Depuis l’entrée de la Pologne dans l’UE en 2004, le triangle de Weimar est devenu un cadre privilégié de concertation qui se traduit notamment par des rencontres ministérielles [affaires étrangères, défense…] et des réunions des chefs d’État et de gouvernement), la France défend avec la Pologne et l’Allemagne toutes les initiatives qui permettent d’œuvrer au renforcement de l’Europe de la défense. En particulier, le renforcement des capacités de planification et de conduite des opérations militaires et des missions civiles de l’Union européenne, soutenu par la haute représentante, demeure un objectif prioritaire.

La nature des missions de l’Union doit également être précisée dans la mesure où l’essentiel des opérations relève plus d’une action civile que d’une action militaire. L’exemple du Kosovo est parlant : même si un détachement militaire est maintenu dans la zone, la mission est principalement de nature policière et judiciaire. Il revient donc plus à la gendarmerie ou à la police de fournir des effectifs qu’aux armées. Une précision d’importance doit d’ailleurs être apportée nationalement à ce sujet : les gendarmes déployés en opérations relèvent-ils du ministère de la défense ou de celui de l’intérieur ? Cette question ne soulève pas de difficultés en termes organiques mais mérite d’être précisée sur le plan budgétaire.

b) La place et les missions de l’agence européenne de défense

La réduction des crédits de défense dans la plupart des pays européens risque d’aggraver encore le déséquilibre et d’augmenter la charge qui pèse sur la France. Sur le plan des programmes, le ministre de la défense a par exemple indiqué que l’Union n’était pas, à ce jour, en mesure de trouver un financement commun de l’ordre de 100 millions d’euros.

Il est particulièrement significatif que l’agence européenne de défense (AED) ne parvienne pas à s’imposer comme un acteur majeur des programmes d’armement communautaire.

Question n° 087 : Quels sont les programmes actuellement ou prochainement confiés à cette agence ? Quels programmes la France a-t-elle confié ou compte-t-elle confier à l’agence ?

Réponse :

1) Projets et programmes lancés dans le cadre de l’Agence européenne de défense

L’Agence européenne de défense (AED) est un outil de préparation de l’avenir et non une entité de gestion de programmes en coopération comme l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement (OCCAr).

Les projets qu’elle mène sont principalement des projets de Recherche et Technologie et, depuis l’automne 2008, des phases de préparation de futurs programmes d’armement en coopération européenne. Actuellement, les stades de préparation de cinq programmes d’armement sont conduits sous l’égide de l’AED. À l’issue de ce processus, la gestion de ces programmes pourrait être confiée à l’OCCAr. À cet égard, un arrangement administratif devrait être signé entre l’AED et l’OCCAr afin de faciliter la réalisation des programmes établis au sein de l’AED.

1.1) Projets R&T

Plusieurs projets de R&T ont été engagés sous l’égide de l’AED, parmi lesquels :

- les programmes d’investissement communs « Force protection » (55 M€, 20 pays participants) et « Innovative Concepts & Emergent Technologies » (16 M€, 11 pays participants) ;

- le projet de radio logicielle ESSOR (environ 130 M€, 6 pays participants) ;

- le projet lié aux études de radar compact pour drones « Studies for Integrated Multifonction Compact Ligtweight Airborne Radars and System » (21 M€, 3 pays participants) ;

- un programme de démonstrateur sur la protection des camps : « Future Interoperability of Camp Protection Systems » (8 M€, 2 pays participants) ;

- un programme MID-air Collision Avoidance System concernant la technologie permettant d’assurer la fonction de détection et d’évitement pour l’insertion de drones dans le trafic aérien (61 M€, 5 pays participants).

L’AED cherche à renforcer la coordination et les synergies avec la Commission européenne, notamment dans le cadre du projet « European Framework Cooperation » dont le premier volet portera sur le domaine NRBC.

1.2) Phases de préparation de futurs programmes en coopération européenne

Les phases de préparation lancées sous l’égide de l’Agence concernent :

- la lutte contre les mines navales, dans la perspective de renouveler les capacités existantes de déminage d’ici la fin de la décennie (MMCM - maritime mine counter measures) ;

- les drones de surveillance (FUAS - future unmanned aerial systems) ;

- les hélicoptères de transport lourd (FTH - future transporter helicopter) ;

- la formation des pilotes de chasse européens (AEJPT - advanced European jet pilot training system) ;

- la protection contre les attaques bactériologiques (BIO (DIM) EDEP - biological [detection identification monitoring] equipment development & enhancement programme).

1.3) Autres projets

Dans le cadre du programme de futur système d’observation satellitaire MUSIS (Multinational Space-Based Imaging System for surveillance, reconnaissance and observation), certains travaux ont été confiés à l’AED, notamment la recherche de nouveaux partenaires. Ainsi la Suède et la Pologne pourraient rejoindre le programme.

En outre, à partir d’une initiative franco-britannique, des travaux visant à augmenter à court terme les capacités en hélicoptères de manœuvre pour les opérations de la PSDC sont conduits sous l’égide de l’AED. Ces travaux portent sur la formation, l’entraînement, la rénovation et la mise aux standards OTAN d’appareils existant en Europe.

Dans le domaine de la surveillance maritime (1), 15 États membres travaillent au sein de l’AED à la mise en place d’un réseau d’échange d’information maritime. Une première expérimentation est prévue entre les systèmes de surveillance maritime nationaux de 6 pays (SPATIONAV pour la France) pour la fin de l’année 2010.

Enfin, en matière de lutte contre les engins explosifs improvisés, l’AED va acquérir en 2010 un laboratoire d’analyse (coût d’environ 1 M€) qui sera déployé par la France en Afghanistan.

2) Projets que la France compte confier à l’AED

La France participe pleinement aux stades de préparation de programmes d’armement cités au §1.2 et qui pourraient déboucher sur des programmes en coopération européenne.

(1) Pour la France, la surveillance maritime est une des priorités du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

4. Une nécessaire clarification budgétaire

a) Effort de défense et critères de Maastricht

Malgré le différentiel des efforts de défense et la clause de solidarité qui unit les États membres de l’Union européenne depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, les dépenses de défense, de fonctionnement et d’investissement sont toujours prises en compte dans l’examen des situations budgétaires des États au regard des critères dits de Maastricht (144). Le pays qui fait un effort conséquent en matière de défense, et qui en fait bénéficier tous les États membres au titre de la clause de solidarité, est aujourd’hui pénalisé. Ceci incite les États membres à peu investir dans la défense pour bénéficier des efforts de leurs voisins sans avoir à en supporter la charge.

Les efforts de défense dans l’Union européenne et aux États-Unis

2008

All

Autr.

Belg.

Bulg

DK3

Esp.

Est.

Fin.

Fra.

Grè.

Hong.

Irl.

Italie

Lett.

Lit.

Lux

PB

Pol.

Port

Rou.

RU

Slova

Slovè

Suè.

R.Tch

Total UE

USA4

Budget de défense (Md€)

31,7

2,6

4,2

0,8

3,3

12,8

0,3

2,5

45,4

6,2

1,3

1,1

22,6

0,4

0,4

0,2

8,5

6,0

2,5

2,1

42,0

1,0

0,6

4,0

2,1

200,2

466,0

% du PIB

1,3 %

0,9 %

1,2 %

2,3 %

1,3 %

1,2 %

1,9 %

1,3 %

2,3 %

2,6 %

1,2 %

0,6 %

1,4 %

1,6 %

1,1 %

0,4 %

1,4 %

1,7 %

1,5 %

1,2 %

2,3 %

1,5 %

1,5 %

1,2 %

1,4 %

1,6 %

4,7 %

Effort de défense / hab (€)

386

307

400

103

593

280

219

464

710

551

128

243

378

163

108

322

516

157

228

96

688

184

278

437

205

406

1 532

Personnel militaire
(milliers)

251,6

27,3

37,1

33,9

30,0

137,8

3,0

35,0

347,2

133,8

21,0

10,4

187,0

5,4

8,6

0,8

46,1

130,4

37,3

74,7

194,3

15,4

6,5

16,8

24,5

1 800,7

1 401,8

Personnel civil
(milliers)

36,3

9,6

2,1

10,7

nr

35,0

1,1

7,6

79,2

11,9

3,6

0,8

32,5

1,1

2,4

0,1

14,8

48,7

8,0

15,1

85,7

8,5

1,4

6,1

10,6

433,8

707,7

Dépense d’investissement / soldat (€)1

26,0

12,9

9,7

5,0

nr

20,4

21,9

20,0

27,3

16,0

9,2

9,1

18,1

10,2

7,6

74,0

30,6

6,9

9,2

4,7

56,2

9,5

9,1

67,5

7,3

23,3

127,3

Dépense de personnel (Md€)

17,1

1,6

3,1

0,4

nr

6,8

0,1

0,8

25,5

2,7

0,5

0,8

16,0

0,2

0,2

0,1

4,1

3,8

1,8

1,4

17,1

0,5

0,3

1,3

1,1

106,2

92,6

Emploi (M€)

Opérations & Maintenance

nr2

573,0

754,0

231,0

nr

2,2

64,0

483,0

8,6

1,2

434,0

124

2,1

84,0

80,0

15,0

2,3

840,0

258,0

262,0

13,1

304,0

127,0

1,8

527,0

43,3

173,4

OPEX

nr

60,0

132,0

31,0

nr

666,0

18,0

93,0

852,0

113,0

56,0

3,0

1,0

14,0

20,0

5,0

328,0

198,0

89,0

88,0

4,6

25,0

23,0

175,0

99,0

9,7

 

Investissement (Md€)

Investissement

6,5

0,3

0,4

0,2

nr

2,9

0,1

0,7

9,5

2,1

0,2

0,1

3,3

0,1

0,1

0,1

1,4

0,9

0,3

0,4

10,9

0,1

0,1

1,1

0,2

41,9

166,2

Équipements

5,3

0,3

0,3

0,2

0,5

2,5

0,1

0,7

6,3

2,1

0,2

0,1

3,1

0,1

0,1

0,1

1,4

0,8

0,3

0,4

7,7

0,1

0,1

0,9

0,1

33,3

 

R&D

1,2

0,0

0,1

0,0

nr

0,4

0,0

0,0

3,3

0,0

0,0

nr

0,2

0,0

nr

nr

nr

0,1

0,0

0,0

3,2

0,0

0,0

0,2

0,1

8,6

54,1

Coopération

Contribution programmes Équipement (Md€)

0,8

nr

0,1

nr

nr

0,9

nr

0,3

1,8

nr

nr

nr

2,5

nr

2,0

5,0

nr

nr

9,0

nr

1,9

nr

nr

41,0

nr

8,1

nr

Contribution programmes R&T(M€)

108,0

nr

5,0

nr

nr

80,0

0,0

4,0

153,0

8,0

0,0

nr

nr

nr

nr

nr

25,0

18,0

0,0

0,0

5,9

1,0

0,0

27,0

1,0

449,0

nr

Projection

Effectifs projetés

nr

1 300

nr

771

nr

5 177

250

700

12 008

1 785

1 054

250

8 562

nr

309

44

3 422

4 450

594

2 934

18 557

517

456

750

1 317

80 177

209 700

% des effectifs totaux

nr

4,8 %

nr

2,3 %

nr

3,8 %

8,3 %

2,0 %

3,5 %

1,3 %

5,0 %

8,3 %

4,6 %

nr

3,6 %

5,2 %

7,4 %

3,4 %

1,6 %

3,9 %

9,5 %

3,4 %

7,0 %

4,5 %

5,4 %

4,4 %

15,0 %

Source : agence européenne de défense /1 : équipements + R&D / 2 : nr = non renseigné / 3 : source SIPRI / 4 : base de conversion 1 $ = 1,47 €

Tant que l’effort de défense ne sera pas sorti du périmètre des critères de Maastricht, la clause de solidarité issue du traité de Lisbonne sera pénalisante pour les puissances militaires et ne permettra pas une harmonisation des efforts de chacun des pays, ni l’émergence d’une véritable Europe de la défense.

b) Un contrôle communautaire du budget de la défense ?

Face à l’ampleur des déficits budgétaires nationaux et afin de maintenir le pacte de stabilité, la Commission européenne et la banque centrale européenne souhaitent émettre un avis sur les projets de budget des États membres avant leur adoption définitive par les parlements nationaux. Olli Rehn, commissaire européen chargé des affaires économiques et monétaires, affirme vouloir « renforcer la surveillance budgétaire a priori, pour empêcher de nouvelles crises budgétaires » (145). Jean-Claude Trichet, gouverneur de la BCE, estime ce contrôle indispensable car « nous sommes interdépendants : la mauvaise gestion d’un seul provoque des problèmes pour tous les autres » (146). La Commission souhaite donc la création d’un « système permettant de vérifier les grandes lignes des projets de budget avant que les gouvernements ne le soumettent à leur parlement. C’est […] une mesure absolument nécessaire si l’on veut renforcer l’Union économique et monétaire » (147).

Les parlements nationaux ont réagi négativement à cette proposition, suivis par de nombreux gouvernements, considérant que la primauté budgétaire appartient aux seuls parlements nationaux. Le secrétaire d’État britannique aux finances, Mark Hoban, a résumé cette analyse en rappelant qu’en la matière, « Parliament first » (148). Les gouvernements n’appartenant pas à la zone euro s’étonnent en outre d’être soumis aux mêmes contraintes que ceux partageant la monnaie commune.

Cette intrusion européenne dans les procédures budgétaires nationales doit cependant encourager les autorités en charge de la défense à mieux expliquer voire justifier leurs besoins. La première puissance militaire mondiale, les États-Unis, n’échappe pas à cette contrainte démocratique. Le secrétaire américain à la marine, Ray Mabus, reconnaît que « rien ne peut être considéré comme garanti […] Nous devons continuellement nous assurer que nous disposons de la bonne plateforme pour remplir les missions. Et nous devons avoir la capacité d’expliquer, défendre et dire au peuple américain pourquoi nous avons besoins de ce que nous leur demandons de payer » (149).

Il serait difficilement compréhensible que les différents gouvernements européens n’adoptent pas une posture similaire vis-à-vis de leurs ressortissants, au risque de laisser des entités bureaucratiques procéder à des ajustements injustifiés. Pour autant, si les États doivent améliorer la transparence et faire un effort de pédagogie, il est exclu que les instances communautaires puissent les sanctionner en raison de leurs choix en matière de défense compte tenu de la diversité des efforts en la matière. L’automaticité des sanctions serait ici particulièrement mal venue et contre-productive.

D. LE CONCEPT DE DÉFENSE COLLECTIVE

Selon le chef d’état-major des armées, « pour coopérer, il faut la convergence de trois volontés : celle des armées, et elles y sont prêtes ; celle des gouvernements, qui est également réelle ; enfin, celles de ce que j’appellerai les canaux historiques, c’est-à-dire les structures étatiques et industrielles internes à qui il n’est pas toujours facile de faire admettre que l’on peut travailler différemment. Le Royaume-Uni est sur cette ligne et nous espérons également pouvoir travailler avec l’Allemagne. La tentation des réflexes de repli national existe partout en Europe. Bien entendu, il y a des concertations entre les chefs d’état-major des armées des différents pays européens, mais tous n’ont pas le même niveau de responsabilité en matière de programmation » (150). La mise en place de cet effort collectif passe principalement par un meilleur partage des capacités opérationnelles et par un renforcement des coopérations industrielles. Il suppose aussi que les procédures de vote et de contrôle des crédits de la défense soient harmonisées pour éviter tout blocage institutionnel.

1. Un partage accru des capacités opérationnelles

L’engagement britannique en Afghanistan représente une lourde charge budgétaire, amenant le ministre de la défense, Liam Fox, à souhaiter un meilleur partage de l’engagement au sein de l’OTAN car il estime qu’il « n’est pas raisonnable de s’attendre à ce que la Grande-Bretagne porte un fardeau aussi lourd au sein de l’OTAN. Nous devons trouver de meilleures façons de partager le fardeau » (151).

● Le partage d’une capacité apparaît envisageable pour des fonctions de soutien ou des missions non directement opérationnelles. En revanche, pour les missions opérationnelles engageant potentiellement la vie des soldats, les États sont plus réticents à partager la responsabilité, notamment devant leurs opinions publiques respectives. La seule exception durable à cette difficulté est la brigade franco-allemande créée le 13 novembre 1987. Ses 5 400 militaires participent en effet à des missions multinationales dans l’ex-Yougoslavie et en Afghanistan. De cet exemple, il ressort qu’il vaut mieux commencer par mutualiser les efforts et les capacités en matière de logistique ou de renseignement stratégique avant d’envisager un partage de l’opérationnel.

En matière d’équipements, la mutualisation apparaît particulièrement nécessaire. En janvier 2010, le gouvernement suédois a envisagé le déploiement en Afghanistan d’hélicoptères, notamment des Super Puma en attendant des NH90, pour soutenir les forces sur le terrain. Mais l’état-major de l’armée de l’air suédoise s’y est opposé, arguant du fait que les hélicoptères en service en Suède n’étaient pas été adaptés au théâtre afghan. Le général de brigade Micael Byden, chef de l’unité d’entraînement et d’équipement de l’armée de l’air, s’est montré ferme en déclarant que ses forces ne quitteront « pas la Suède avant d’avoir le bon équipement. Nous estimons être prêts par avant avril 2011. Actuellement, nous n’avons tout simplement pas un hélicoptère adapté » (152). Faute d’équipements suffisants en nombre et adaptés aux missions dévolues, la Suède a réduit ses ambitions opérationnelles en Afghanistan faisant porter l’effort de l’engagement sur les États ayant le potentiel humain et matériel. Si la mutualisation était en œuvre en Europe, la Suède aurait pu faire appel à des équipements similaires d’autres États (dont la France) pour y installer provisoirement ses équipages.

Des avancées existent toutefois avec notamment l’inauguration le 1er décembre dernier à Eindhoven du Commandement européen du transport aérien (European Air Transport Command ou EATC) ; il vise une plus grande coordination et mutualisation des moyens militaires aériens en Europe. Au terme d’une décennie de réflexions et de rapprochements, la France, l’Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas se sont regroupés pour assurer en commun le contrôle opérationnel de leurs appareils militaires de transport aérien et pour harmoniser leurs procédures. La France met théoriquement à disposition de l’EATC une soixantaine d’appareils (Transall, Casa, Hercules…) et peut faire appel aux appareils étrangers en cas de besoin. L’arrivée de l’A400M devrait accroître l’uniformisation de la flotte. Pour le général Alain Rouceau, commandant en second et chef d’état-major de l’EATC, cette structure « est un premier jalon dans la construction de l’Europe de la Défense. C’est la première fois que la France va transférer des moyens de façon permanente à un commandement multinational, c’est-à-dire opérer un véritable transfert de souveraineté » (153).

D’autres moyens militaires pourraient s’inscrire dans cette logique : pour la marine, les bâtiments de projection et de commandement (BPC) et l’ensemble de la flotte de soutien (pétroliers, ravitailleurs) ; pour l’armée de terre, les véhicules lourds de transport et du génie…

● Au-delà des initiatives collectives, des avancées bilatérales existent, notamment avec les Britanniques. Le sommet franco-britannique de Saint-Malo des 3 et 4 décembre 1998 a ouvert des pistes importantes, notamment pour des coopérations pour les ravitailleurs ou les porte-avions, mais elles peinent à se concrétiser. Plusieurs difficultés doivent en effet être surmontées qu’il s’agisse de l’existence de groupes industriels concurrents dans les deux pays ou de la proximité américaine du gouvernement britannique.

La dégradation financière pourrait cependant faciliter les rapprochements. Le ministre de la défense n’hésite d’ailleurs plus à indiquer que « pour faire face à des réductions capacitaires, [la France est prête à] envisager une coopération opérationnelle renforcée avec certains de [ses] partenaires européens, notamment le Royaume-Uni qui est confronté au même dilemme que [la France] ». Il ne manque pas de faire valoir qu’il a décidé avec son « homologue britannique de lancer une opération très ambitieuse. Le nouveau gouvernement britannique souhaite que [les deux pays analysent] de façon très poussée quels sont les compétences et les moyens que chacun des deux pays doit conserver en totale souveraineté, ceux qui peuvent être mutualisés, et ceux pour lesquels il pourra y avoir interdépendance. Côté français, le travail devrait être terminé fin juillet. Les Britanniques effectuent actuellement la revue des programmes que la France a réalisée en 2007. [Les deux États] confronterons nos copies en novembre ». Il précise enfin que « les Britanniques sont prêts à envisager des coopérations même sur des sujets très confidentiels » (154).

Début septembre, le quotidien britannique The Times affirme que des discussions sont engagées entre les représentants français et anglais autour d’un partage des missions dévolues aux trois porte-avions existants : le Charles-de-Gaulle, l’HMS Ark Royal et l’HMS Illustrious. Le 3 septembre, les ministres de la défense français et britanniques qualifient cette perspective « d’irréaliste ». Cependant, une telle option permettrait d’assurer une permanence en mer d’un groupe aéronaval, permanence que la France est incapable d’assurer avec un seul porte-avions. Le partage de capacités navales est envisagé, le chef d’état-major des armées françaises estimant possible la création « d’une force navale de lutte contre les mines communes à la marine et à la Royal Navy » (155). Que les Britanniques, profondément attachés à leur marine royale (156), acceptent le principe d’un partage capacitaire pour le naval, illustre l’ampleur de la mutation en cours des appareils militaires sous la pression budgétaire et économique. Le chemin parcouru par la marine britannique est considérable et encore insuffisamment reconnu en France. Comme il y a 70 ans, les conservatismes demeurent pour s’opposer au rapprochement franco-britannique des forces.

Pour les forces aériennes, des partages existent également, notamment pour ce qui concerne la formation avec les écoles communes de Cazaux pour les pilotes de chasse et d’Avord pour les pilotes de transport. La mise en place de l’European Air Transport Command donne une nouvelle impulsion. Pour le général Jean-Paul Palomeros, chef d’état-major de l’armée de l’air, « la coopération avec le Royaume-Uni et les autres forces aériennes européennes doit s’enrichir et permettre à nos pays de constituer une dynamique de puissance au plan aérien, palliant ainsi la taille modeste de nos Nation qui pourront de moins en moins atteindre seules le seuil de puissance des plus grands pays » (157).

La livraison de l’A400M sera également l’occasion d’avancer sur ce dossier. Comme l’a rappelé le ministre de la défense, la France travaille avec l’Allemagne et le Royaume-Uni pour ce qui concerne la chaîne logistique de cet appareil : il n’apparaît pas en effet souhaitable de multiplier les plates-formes et les stocks alors qu’ils peuvent être partagés par les différents États. Cette mise en commun serait particulièrement utile pour les opérations de maintenance plus lourdes, l’entretien quotidien restant bien évidemment dans les unités.

Au final, il ressort que les pistes d’amélioration sont nombreuses et peuvent utilement s’appuyer sur l’expérience scandinave en la matière.

L’exemple scandinave, la voie d’avenir ?

La Scandinavie (Danemark, Finlande, Islande, Norvège et Suède) est un espace régional cohérent mais institutionnellement désorganisé : le Danemark, l’Islande et la Norvège sont membres de l’OTAN, à la différence des deux autres grands états neutres ; le Danemark, la Suède et la Finlande ont rejoint, à des dates différentes, l’Union Européenne à laquelle aspire aujourd’hui une Islande économiquement exsangue, la Norvège restant à l’écart.

Spectateurs depuis plusieurs décennies des rivalités entre les géants du Nord que sont la Russie, le Canada et les États-Unis, les pays scandinaves ont pris conscience de leur faiblesse militaire, politique et technologique dans la zone polaire. Aussi, en juin 2008, le Danemark, la Finlande, l’Islande, la Norvège et la Suède décident d’approfondir leur coopération de défense et de sécurité dans le grand nord et missionnèrent à cette fin le ministre norvégien de la défense, Thorvald Stoltenberg. Son rapport de février 2009 (1), « Nordic Cooperation on Foreign and Security Policy », encourage le rapprochement de ces États en matière de défense, dépassant la diversité des engagements internationaux de chaque État par rapport notamment à l’Union européenne et à l’OTAN.

Le rapport prône la création d’un système de surveillance commun et d’une force maritime d’intervention sur les zones maritimes nordiques. Ceci suppose de développer une capacité opérationnelle de Brise-glaces : « les états scandinaves devraient unir leurs forces pour développer une capacité de brise-glace pour les eaux arctiques. Le Canada, la Russie et les États-Unis ont déjà une telle capacité contrairement aux États nordiques. La Finlande et la Suède ont une capacité de brise-glace dans la mer Baltique. » Le rapport Stoltenberg souligne également la faiblesse de la couverture satellitaire de la zone polaire, exigeant le lancement de satellites dédiés à la zone. En effet, les satellites de communication, en orbite géostationnaire à hauteur de l’équateur, fournissent une couverture imparfaite au-delà du 71ème parallèle. De telles défaillances peuvent rapidement s’avérer dramatiques en cas d’intensification de l’activité humaine dans cette zone.

En matière de défense au sens strict, le rapport Stoltenberg part du constat qu’isolées, les petites et moyennes nations perdent inexorablement les moyens de se doter d’une défense crédible. Il estime qu’aucun État scandinave n’aura la capacité de conserver son niveau de défense actuel dans les prochaines années, sans un renforcement de la coopération. D’où sa proposition de partager les capacités de transport et de projection, de développer des unités de santé militaire commune et de renforcer les acquisitions et l’entretien d’équipements communs sous le NORDAC, Nordic Armaments Cooperation. Ce rapport demeure d’actualité, comme l’atteste la réunion des ministres des affaires étrangères des pays scandinaves, le 11 mars 2010, à Copenhague.

La coopération militaire telle que présentée par le rapport Stoltenberg représente également un potentiel industriel. Selon Jan Pie, secrétaire général du Swedish Security and Defense Industry, « si vous cumulez les quatre marchés scandinaves, vous obtenez le 4e marché de défense au sein de l’Union européenne. Il serait intéressant d’aborder cette région comme un seul marché où les nations scandinaves pourraient agir de concert » (2). Le chemin à accomplir demeure long comme l’atteste l’acquisition par la Norvège de l’avion de chasse américain F 35 au détriment du suédois Gripen.

(1) « Nordic cooperation on foreign and security policy », proposals presented to the extraordinary meeting of Nordic foreign ministers in Oslo on 9 February 2009, Thorvald Stoltenberg.

(2) Entretien, Défense News, 23 août 2010.

2. Le renforcement des coopérations industrielles

a) Le principe de la coopération

Sur le plan industriel, ainsi que le souligne le délégué général pour l’armement, comme les Britanniques « s’inquiètent du processus de désindustrialisation et qu’ils veulent éviter toute vassalisation, ils ne souhaitent pas nécessairement approfondir leur coopération avec les États-Unis. Ils se tournent donc volontiers vers l’Europe et plus précisément vers la France. Une fois ce constat fait, il […] faut travailler pour identifier les thèmes de convergence et les possibilités de coopération. [Il] pense notamment à l’aéronautique dans la droite ligne des lettres d’intention signées avec le Royaume-Uni l’été dernier à Évian. Pour les autres pays, la situation est plus contrastée au gré des difficultés rencontrées par ces pays. L’Espagne dispose d’un budget de la défense plus faible mais a prouvé à maintes reprises qu’elle était un partenaire fiable. Son soutien a été très précieux sur le programme A400M. L’Italie est notre principal partenaire dans le spatial et le naval, notamment sur le programme FREMM. La relation avec l’Allemagne occupe une place à part dans ce panorama avec un certain nombre d’interrogations. Au-delà des programmes déjà en cours, emblématiques de cette relation, peu de nouvelles coopérations voient le jour malgré de nombreuses pistes ouvertes notamment dans le domaine des drones. [… La Pologne] devient un partenaire très fiable malgré des ressources très faibles. Nous coopérons d’ores et déjà sur des projets tels la radiologicielle. Je crois que la Pologne aura la même position que l’Espagne, c’est-à-dire qu’elle limitera sa coopération à des niches mais en s’engageant dans la durée et avec beaucoup de fermeté. Nous avons déjà de très bonnes relations et elles progresseront encore » (158). Cette analyse montre bien tout l’intérêt mais aussi toute la complexité d’une coopération industrielle en Europe.

À défaut de rationaliser les instruments publics de politique industrielle, les programmes en coopération permettent de préserver les industries de défense en leur garantissant un plan de charge que chaque État partenaire n’est plus en mesure d’assumer financièrement seul. Le Livre blanc estime cette option prioritaire « pour la majorité des acquisitions de défense et de sécurité, [car la] stratégie ira dans le sens d’une interdépendance européenne » (159).

L’instruction générale 1516 relative au déroulement et à la conduite des opérations d’armement reprend à son compte cette recommandation en indiquant que « la coopération constitue le cadre à privilégier pour les opérations d’armement, sauf cas spécifiques concernant les domaines de souveraineté ou des petites opérations pour lesquelles elle peut s’avérer inadaptée. Elle est envisagée et mise en œuvre dans une logique d’optimisation des avantages qu’elle apporte aux capacités militaires, notamment en raison des conditions économiques et industrielles qu’elle comporterait pour l’acquisition et l’utilisation des systèmes concernés. Les raisons qui, le cas échéant, conduisent à renoncer à une coopération potentielle doivent être tracées. Les choix structurants d’une coopération doivent également être explicités » (160). Cet effort d’explication est particulièrement louable et mériterait d’être effectué rétrospectivement sur l’ensemble des programmes en cours.

Les rédacteurs de l’instruction ont fait preuve d’un grand réalisme en indiquant que « la coopération conduit par ailleurs à devoir réaliser à un niveau encore plus complexe des arbitrages entre des objectifs capacitaires, techniques, industriels, financiers et politiques, et à accepter des risques particuliers. Il importe donc que les paramètres de succès soient identifiés le plus en amont possible, et que, dans tous les cas, les risques acceptés et les moyens de les maîtriser soient clairement recensés au lancement de l’élaboration » (161).

Destinée aux personnels du ministère de la défense en charge de la conduite des opérations d’armement, cette instruction mérite d’être diffusée plus largement car elle renvoie à des considérations qui ont trait aux orientations générales de la politique de défense déterminées par les autorités politiques.

b) Des premiers résultats décevants

Le 6 juillet 1998, l’Allemagne, l’Espagne, la France, l’Italie, le Royaume-Uni et la Suède signaient la lettre d’intention (letter of intent ou LoI). Complété par l’accord-cadre du 27 juillet 2000, ce document cherche à renforcer la concertation entre les États et les industriels pour faciliter les convergences, harmoniser les procédures et faciliter les restructurations et le fonctionnement de l’industrie européenne en matière d’armement. Cet accord s’est traduit par la création le 28 janvier 2001 de l’organisation conjointe de coopération en matière d’armement (OCCAr), réunissant la France, l’Allemagne, l’Italie et le Royaume-Uni, rejoints ensuite par la Belgique et l’Espagne.

Malgré cette avancée, les coopérations industrielles de défense et les actuels programmes en coopération se révèlent assez décevants. Dans son rapport annuel public de 2010, la Cour des comptes recense un certain nombre d’écueils liés aux programmes en coopération et notamment l’inflation des spécifications techniques ; la règle du juste retour industriel ainsi que celle du retour global propre à l’OCCAr, qui constitue un « obstacle à une répartition industrielle judicieuse des tâches » ; la pesanteur des procédures imposée par la règle de l’unanimité dans les prises de décision. Pour les juges financiers, « ces problèmes spécifiques aux programmes réalisés en coopération tiennent à ce que les différents partenaires étatiques ou industriels privilégient trop souvent la prise en compte de leurs propres intérêts » (162).

La construction européenne n’a pas permis de lever les réticences nationales à mener des coopérations industrielles approfondies car « les gouvernements européens privilégient nettement leurs industries nationales de défense, non seulement pour préserver l’emploi et stimuler l’investissement, mais aussi pour garantir la sécurité des approvisionnements et des informations échangées. Les États membres se montrent réticents à accepter la dépendance mutuelle » (163).

Dans sa communication de décembre 2007 sur la stratégie pour une industrie européenne de défense, la Commission européenne regrette que « les États membres [ne] coopèrent ou se coordonnent trop peu souvent, ou seulement pour des actions ponctuelles, en ce qui concerne la définition des besoins, la R&D ou la mise en place de programmes de production communs » (164). Elle pointe par ailleurs du doigt l’utilisation trop abusive des dérogations propres aux marchés de défense (cf. supra).

Elle se montre particulièrement critique sur la question, considérant que le faible engagement des États affaiblit le secteur. Elle note que, « exception faite de quelques fusions transnationales couronnées de succès dans l’Union, la plupart des efforts européens de coopération ont généralement pris la forme d’entreprises ou de programmes conjoints, sans grande influence sur la compétitivité. Cela a ralenti la consolidation, la spécialisation, la modernisation et la restructuration de l’industrie européenne de la défense et a limité la libération de capitaux susceptibles d’être mis à profit de manière plus efficace dans d’autres secteurs de l’économie. Si l’industrie continue à s’adapter au rythme des rares nouveaux programmes de défense et sur la base de dépenses relativement faibles dans la recherche et l’investissement, il deviendra de plus en plus onéreux de maintenir les capacités de production et, ce qui est plus important au plan stratégique, les installations de R&D en Europe. Les capitaux ont déjà commencé à migrer vers les États-Unis et d’autres régions du monde, à la recherche de rendements plus alléchants. Une telle approche n’est plus tenable si l’Europe veut conserver une BITD substantielle et dynamique. Sans réorientation des politiques, l’industrie européenne risque de devenir un acteur et un fournisseur de niche pour des maîtres d’œuvre principalement non européens, compromettant ainsi l’aptitude de l’outil industriel à développer en toute autonomie les capacités dont la PESD a besoin » (165).

Ce réquisitoire est cependant partiellement injuste car les instances communes sont également responsables de cette situation : l’AED et l’OCCAr n’ont jamais su s’imposer pour créer les conditions politiques et industrielles d’un renforcement des actions communes. Leur bilan peut même être considéré comme contre-productif ; pour l’A400M, ces structures ont été totalement absentes et passives. Leur silence assourdissant sur l’impasse technique et financière qui apparaissait n’est pas de nature à établir une confiance pleine et entière dans les mécanismes à l’œuvre.

Cette absence d’harmonisation est particulièrement dommageable car elle incite à privilégier de petits projets, peu engageants mais rapidement contractualisables, à des projets plus ambitieux. Pour les industriels européens, ces disparités intra-européennes sont une source de faiblesse face à leurs concurrents extérieurs. Le missilier MBDA, société européenne véritablement intégrée, ne manque pas de souligner la faiblesse institutionnelle de l’Europe comme le montre le graphique suivant.

Le déséquilibre structurel entre l’Europe et les États-Unis

Source : MBDA.

c) La difficile émergence de groupes industriels européens

Le partage volontaire de capacités industrielles au sein de l’Europe est un préalable à l’émergence de véritables groupes européens de défense. A contrario, la constitution d’entités juridiques européennes sans avoir au préalable développé des programmes en coopération ne mène qu’à l’échec. Le droit ne peut anticiper les évolutions culturelles et industrielles.

Les nombreux appels à la création d’un « EADS naval » sont illusoires. Le bilan très mitigé d’EADS devrait freiner les volontarismes, parfois autoritaires, qui souhaitent généraliser à tous les secteurs de défense ce modèle industriel. Le succès de l’intégration de MBDA ne doit pas masquer les tensions nationales très fortes existant au sein des filiales Airbus et Eurocopter.

MBDA est assurément la société européenne de défense la plus intégrée, ayant réussi non à nier mais à dépasser les nationalités de ses actionnaires qui sont les trois plus importants groupes de défense européens (EADS, BAE et Finmeccanica). Le graphique suivant montre le caractère très intégré de l’organisation de MBDA.

Structure de MBDA

Source : MBDA.

La création d’une société européenne pleinement intégrée reste le fruit d’un long processus de rapprochements et de fusions organisé autour de programmes ambitieux. Le développement concomitant de missiles similaires (SCALP et Storm Shadow) au cours des années 1990 a été l’événement fondateur du rapprochement entre le français Matra Défense et le britannique BAE Dynamics comme le rappelle le schéma suivant.

Construction du groupe MBDA

Source : MBDA.

Cet exemple positif est néanmoins impossible à reproduire sauf à dépasser les ambitions ou replis nationaux. Dans son rapport annuel public 2010, la Cour des comptes recommande d’éviter les coopérations multilatérales au profit de coopérations bi ou trilatérales, tout en permettant à des États tiers de se joindre au programme sans qu’ils puissent pour autant en influencer le contenu et le développement. Cette approche apparaît pragmatique et de bon sens et rejoint d’ailleurs le constat des chefs d’État et de gouvernements à l’occasion des travaux préparatoires du traité de Lisbonne.

La France pourrait utilement s’engager dans cette voie en nouant des relations étroites avec certains pays sur des projets donnés. Des projets sont déjà en cours avec l’Allemagne, partenaire historique de notre pays. Dès les années 1960, la France et l’Allemagne ont mené en commun des programmes militaires dont notamment l’emblématique avion de transport Transall. Cette coopération s’est étendue à l’Espagne avec la fusion de l’allemand DASA, du français Aerospatiale-Matra et de l’espagnol Casa dans le groupe (European Aeronautic Defence and Space Company). Pour autant, ces progrès restent timides alors même que la construction de l’Europe de la défense est présentée comme une priorité par certaines présidences de l’Union.

Question écrite n° 77254 publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 20 avril 2010

M. Philippe Briand attire l’attention de M. le ministre de la défense sur les priorités de la présidence espagnole de l’Union européenne pour la défense européenne. En effet, il rappelle que l’Espagne a fait de la mise en œuvre du traité de Lisbonne dans le domaine de la défense l’un des axes prioritaires de sa présidence. Or ce traité prévoit notamment le renforcement de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), à travers un mécanisme de coopération structurée permanente, mécanisme qui permettrait aux États qui le souhaitent de s’organiser pour mener des opérations en commun, comme par exemple des missions de maintien de la paix, ou encore des missions humanitaires. C’est pourquoi il lui demande de bien vouloir lui indiquer si un calendrier a déjà été élaboré concernant la mise en œuvre de ce dispositif et si celui-ci répond à la fois aux enjeux européens et à l’intérêt de la France.

Réponse du ministre de la défense publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 6 juillet 2010

Le traité de Lisbonne ouvre la possibilité, pour les États membres de l’Union européenne « qui remplissent des critères plus élevés de capacités militaires et qui ont souscrit des engagements plus contraignants en la matière en vue des missions les plus exigeantes » de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), de mettre en place une coopération structurée permanente (CSP) dans le cadre de l’Union. Issue d’une proposition franco-allemande et négociée en 2003 lors de l’élaboration du projet de constitution européenne, la CSP a été conçue comme un instrument novateur qui permettrait aux pays européens les plus désireux de coopérer entre eux dans le domaine de la défense de s’engager sur des projets de défense communs, sans attendre le ralliement des autres pays membres. Depuis 2003, la politique européenne de sécurité et de défense a considérablement progressé : l’Union européenne a ainsi lancé vingt-quatre opérations militaires et missions civiles. L’implication de tous les États membres dans l’ensemble des volets de la PSDC, notamment capacitaire, est aujourd’hui indéniable. Certains objectifs de la CSP, comme la participation aux groupements tactiques de 1 500 hommes, ont ainsi déjà été atteints. Dans ce contexte favorable, la mise en œuvre de la CSP constitue l’une des possibilités ouvertes par le traité de Lisbonne. Sous l’impulsion de l’Espagne, qui a souhaité faire de la mise en œuvre de la CSP l’un des axes d’efforts de sa présidence de l’Union européenne dans le domaine de la PSDC, des réflexions ont été amorcées entre les États membres. Tout l’enjeu consiste à définir une CSP suffisamment ouverte pour ne pas affecter la cohésion et la solidarité européenne et suffisamment ambitieuse pour permettre des avancées significatives pour la défense européenne. Les réflexions vont désormais se poursuivre sous la responsabilité de Catherine Ashton, haute représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. La France maintiendra ses efforts pour que la CSP permette de donner un nouvel élan à l’Europe de la défense.

La difficile construction de relations bilatérales en matière de défense tient peut-être aux structures internes en charge de ces dossiers. L’organisation de la DGA apparaît en effet perfectible : la sous-direction de la coopération et du développement européen, rattachée à la direction de la stratégie, dispose de quatre bureaux à compétence géographique chargés des relations bilatérales :

- Royaume-Uni et Italie,

- Allemagne et Suède,

- Espagne, Belgique, Luxembourg et Pays-Bas ;

- États-Unis,

- Canada.

On peut s’étonner du nombre restreint de pays ciblés qui se limitent aux deux États nord-américains et aux États signataires de la lettre d’intention de 1998. Les relations bilatérales avec tous les autres États sont de la responsabilité de la direction du développement international via les sous-directions géographiques rattachées au service de soutien des exportations de défense.

3. Les procédures de vote et de contrôle des crédits de la défense

Les difficultés des coopérations interétatiques s’expliquent également par l’absence d’harmonisation des compétences institutionnelles et des calendriers budgétaires. Lorsque les représentants des États partenaires se réunissent, ils ne disposent pas tous de la même capacité de négociation. L’examen et le vote des budgets annuels s’opèrent à l’automne dans la majorité des États européens, et au printemps au Royaume-Uni, l’année budgétaire s’y déroulant du 6 avril au 5 avril de l’année suivante. Dans ce pays, la procédure budgétaire est d’ailleurs organisée autour d’un système de « dates butoirs ».

Ce décalage temporel complique significativement les négociations. Une discussion engagée en février entre la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni serait délicate : le représentant français disposerait d’un mandat étatique clair et d’une enveloppe financière récemment votée ; le négociateur allemand disposerait des informations financières nécessaires mais ne pourrait pas s’engager sur tous les aspects industriels car cette compétence est partagée avec les Länder ; le représentant britannique n’aurait pas de problème de mandat mais il ne pourrait pas s’engager financièrement, le budget n’étant pas encore voté.

Ces différences de procédures, résumées dans le schéma suivant, expliquent que les négociations prennent beaucoup de temps et s’étalent sur plusieurs années. En Amérique du Nord, l’exercice budgétaire se déroule du 1er avril au 31 mars pour le Canada, et du 1er octobre au 30 septembre pour les États-Unis. Les durées d’élaboration sont quant à elles très différentes de ce qui se pratique en Europe.

Calendrier de l’examen des crédits de la défense

(1) « Consolidated Fund Act » n° 1 : acte pris par la chambre des communes qui a examiné les crédits provisoires (fonctionnement des services publics, dépassements de crédits, « estimates » supplémentaires de printemps et demandes de crédits pour la défense).

(2) « Appropriation Act » (ou Consolidated Fund Bill n° 2) : correspond à la loi de finance. L’acte entérine les dépenses faites depuis février et autorise les nouvelles comme les « estimates » supplémentaires d’été.

(3) « Consolidated Fund Act » n° 3 : permet de donner une approbation parlementaire aux « estimates » supplémentaires d’hiver et permet l’octroi de crédits supplémentaires pour l’année à venir.

E. DE L’IMPORTANCE DE LA PROSPECTIVE

La révision imposée par la crise doit s’inscrire dans une réflexion plus large sur les besoins opérationnels à moyen et long terme dont découleront les besoins industriels. À défaut de cet exercice, les décisions d’aujourd’hui sont susceptibles de sacrifier des capacités dont les forces armées auront besoin dans un contexte conflictuel différent de celui d’aujourd’hui et d’hier. La politique de défense de la France est assise sur le principe de stricte suffisance, c’est-à-dire un format d’armée et des équipements définis selon les besoins nécessaires à la défense des intérêts fondamentaux. Il ne faudrait pas que cette stricte suffisance opérationnelle se transforme en stricte capacité budgétaire : un format d’armée et des équipements définis selon les moyens budgétaires alloués au ministère.

La prospective opérationnelle conduite notamment par le centre interarmées de concepts, de doctrines et d’expérimentations (CICDE) est donc cruciale au même titre que la prospective géostratégique de la délégation des affaires stratégiques (DAS) via des études telles que la prospective géostratégique pour les 30 ans à venir et la prospective technologique menée par la DGA dans le cadre du plan prospectif à 30 ans (PP30). Le schéma suivant présente l’articulation de ces différents travaux de réflexion.

Organisation des travaux prospectifs du ministère de la défense

Source : centre interarmées de concepts, de doctrines et d’expérimentations.

Ces travaux doivent être ensuite pris en compte à la fois par la communauté de défense mais aussi, et surtout, pas les responsables politiques qui fixent les orientations de la politique de défense et qui en déterminent les moyens.

La tentation serait grande de privilégier des solutions à court terme pour répondre aux défis budgétaires actuels tout en définissant des plans d’action à plusieurs décennies de perspective. Il faut écarter ces solutions : une prospective utile à l’ensemble des responsables militaires et politiques doit viser le moyen terme c’est-à-dire un horizon de 10 à 15 ans sans prétendre à la précision scientifique pour laisser aux acteurs la marge de manœuvre nécessaire à l’adaptation conjoncturelle. À ce titre, le Livre blanc se montre parfois trop détaillé, risquant de pénaliser l’analyse globale en interdisant toute évolution du modèle.

Compte tenu des engagements internationaux de la France, cette réflexion sur les années futures ne peut se faire dans le seul cadre national. Le concept stratégique de l’OTAN apporte un certain nombre d’éclairages qu’il faut intégrer. On peut par ailleurs déplorer l’inertie de l’Union européenne en la matière. Il n’est pas possible de mettre en œuvre des coopérations bilatérales ou multilatérales pérennes sur le continent européen sans un véritable travail collectif de prospective afin de faire convergence les analyses géopolitiques et les doctrines de défense.

DEUXIÈME PARTIE : LES PROGRAMMES D’ARMEMENT

Il n’existe aucun document public qui recense l’ensemble des programmes d’armement de la défense, à l’exception du projet annuel de performances qui se concentre néanmoins sur les seuls aspects financiers. Le rapporteur a décidé de consacrer la deuxième partie de son rapport à l’analyse des grandes opérations d’armement, programme par programme. Sans prétendre à l’exhaustivité, il reprend la trame générale du PAP, c’est-à-dire qu’il suit les sept actions du programme 146.

I. —  LA DISSUASION, UNE VARIABLE BUDGÉTAIRE ?

Le Livre blanc souligne que la crédibilité de la dissuasion repose sur la « possibilité pour le chef de l’État de disposer, de façon indépendante, de moyens adaptés à une grande diversité de situations » (166). Pour ce faire, il faudra consentir « des efforts considérables pour la préparation des hommes, la qualité des équipements et la sûreté de leur fonctionnement » (167). Les forces seront quant à elles articulées « en deux composantes nettement différenciées et complémentaires, disposant de l’environnement nécessaire à leur mise en œuvre autonome et en sûreté » (168). En 2010, le contexte international de la dissuasion a fortement évolué, notamment avec la conférence d’examen du traité de non-prolifération (TNP).

A. UN NOUVEAU CONTEXTE INTERNATIONAL ?

1. Les nouvelles doctrines américaines et russes

● Lors de son discours de Prague du 5 avril 2009 le président Barak Obama a déclaré que « l’existence de milliers d’armées nucléaires est l’héritage le plus dangereux de la Guerre froide » (169; il a alors appelé de ses vœux l’émergence d’un monde sans aucune arme nucléaire, marquant ainsi une relative inflexion dans la position officielle américaine.

Les déclarations du président américain sur un objectif de désarmement total ne marquent en effet pas une rupture aussi nette que ce que la presse a pu présenter dans la mesure où il a, dans le même temps, indiqué que les États-Unis conserveraient une dissuasion crédible tant que tous les États n’auraient pas procédé à un désarmement total. Il s’agit donc bien d’un objectif de long terme et non d’un engagement concret et immédiat.

● En mai 2009, la Russie a adopté la « stratégie de sécurité nationale 2020 » qui place la dissuasion en tête des priorités. Elle consacre l’existence des trois composantes :

- pour la composante terrestre, traditionnellement importante en Russie, la modernisation est engagée ;

- pour la composante aérienne, la modernisation des Tu-95 et des Tu-160 est prévue. En revanche, il n’est pas envisagé de recourir à des bombardiers stratégiques ;

- la composante navale est sans doute l’élément le plus sensible : le missile Bulava semble difficile à mettre en œuvre. La Russie a toutefois indiqué que le dernier essai avait été concluant et levait la plupart des inquiétudes. Pour autant, il faut rappeler qu’il a fallu 13 essais pour atteindre ce résultat, dont 9 échecs. L’échec de ce missile serait dramatique pour les forces russes dans la mesure où leurs sous-marins Borey sont conçus pour ce seul missile et ne peuvent pas être adaptés à une autre arme.

● Les deux pays ont signé le 8 avril 2010 le traité dit post-START de réduction des armes stratégiques. C’est un signal politique fort marquant une volonté de coopération nette ; s’il comporte une dimension déclaratoire marquée il est en revanche d’une portée pratique limitée. Même si les deux États s’engagent à limiter drastiquement leurs arsenaux, ils resteront à un niveau extrêmement conséquent, très loin des capacités françaises. La même grille de lecture ne peut donc pas servir pour comparer l’arsenal nucléaire de la France avec ceux des États-Unis ou de la Russie.

● La nouvelle doctrine nucléaire américaine (NPR) présenté le 5 avril 2010 s’inscrit dans cette tendance en mettant avant tout l’accent sur l’effort américain en faveur de la stabilité et du dialogue en matière nucléaire. Elle réaffirme en outre l’engagement des États-Unis en faveur du TNP. Elle précise toutefois qu’ils n’abandonneront pas l’arme nucléaire, sauf en cas de désarmement total et généralisé. La principale inflexion réside dans le fait que les États-Unis annoncent formellement qu’ils n’utiliseront plus l’arme nucléaire qu’en matière défensive et uniquement contre un État lui-même doté d’armes nucléaires.

La NPR confirme la réduction de l’arsenal prévu par le traité post-START mais précise également que les États-Unis maintiendront les investissements nécessaires pour assurer leur supériorité militaire et technologique. Ils s’engagent toutefois à ne plus procéder à des essais nucléaires et à ratifier le traité d’interdiction desdits essais. Elle marque en cela un rapprochement avec la doctrine française, les convergences primant désormais les divergences. La question de la défense anti-missiles balistiques reste toutefois une différence des deux approches.

2. Les grands rendez-vous internationaux de 2010

Deux sommets internationaux ont rassemblé l’ensemble des États autour de la question nucléaire en 2010 : le sommet sur la sécurité nucléaire d’avril est apparu plus lié à la position américaine ; la conférence d’examen du TNP de mai s’inscrivait quant à elle dans un processus plus itératif.

Le sommet sur la sécurité nucléaire est très directement lié au fait que les États-Unis considèrent le risque de terrorisme nucléaire comme un enjeu majeur. Si la probabilité d’un attentat nucléaire au sens strict peut sembler faible, le risque d’explosion d’un engin nucléaire demeure, notamment pour une « bombe sale ».

Deux résultats significatifs ont été enregistrés : le Canada, le Chili, le Mexique et l’Ukraine ont accepté d’évacuer leurs stocks d’uranium enrichi. Par ailleurs, un consensus général s’est dessiné sur la mise en œuvre, dans un délai de quatre ans, de mesures de sécurisation des matières fissiles. La position de la France a été confortée à cette occasion, notamment grâce à sa proposition de création d’un tribunal international ad hoc pour juger les responsables d’un État convaincu d’aide au terrorisme nucléaire.

La conférence d’examen du TNP qui s’est déroulée du 3 au 28 mai 2010 à New York concentrait beaucoup d’attentes, surtout que lors de la précédente conférence de 2005, aucun document final n’avait pu être adopté. La France a formulé des propositions précises (cf. annexe n° 2), en association avec ses partenaires européens, pour chacun des trois piliers que sont la non-prolifération nucléaire, le désarmement et l’usage pacifique de l’énergie nucléaire.

Au final, cette conférence a été considérée comme un succès en raison de l’adoption par consensus d’un document final comportant un plan d’action pour chaque pilier ainsi qu’un texte sur le Moyen-Orient. Néanmoins, la lutte contre la prolifération reste insuffisamment développée, l’ensemble des clauses du traité ne s’appliquant toujours pas à tous les États ; la participation de l’Iran à la conférence explique certainement qu’il ait été difficile d’avancer dans ce domaine. Le texte souffre aussi de la volonté de nombreux États, et notamment de l’Égypte, du Brésil et de l’Indonésie, de faire du TNP un traité d’élimination des armes nucléaires. La conférence a par ailleurs fait une priorité de l’entrée en vigueur du traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) et de l’ouverture de négociations sur un traité interdisant la production des matières fissiles à des fins militaires.

Concernant le Moyen-Orient, la conférence de 1995 avait validé le principe de la création d’une zone exempte de toute arme de destruction massive, en renvoyant les modalités d’application à 2012. Contrairement à ce que nombre d’observateurs attendaient, cette question n’a pas été un élément de blocage définitif. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’un dossier très sensible et il sera extrêmement difficile de lui donner une dimension concrète.

3. La persistance des menaces

Les avancées internationales restent donc mesurées, sans doute en raison de la persistance de menaces qu’il s’agisse du risque de prolifération ou plus généralement d’un phénomène de réarmement mondial. Alors que les engagements de désarmement sont forts, on constate que les arsenaux nucléaires se développent et se perfectionnent.

● Fin mars 2010, l’Inde a réussi le tir d’essai de deux missiles de courte portée (350 km) à capacité nucléaire, Dhanush et Prithvi II. Le 17 mai 2010, elle a annoncé le succès du test d’utilisateur du missile Agni II à partir d’un dispositif de tir mobile, ce missile pouvant emporter une charge nucléaire dans un rayon de 2 500 km. L’Inde dispose également de missiles Agni III d’une portée de 3 500 km et développe une version plus puissante avec 5 000 km de portée.

Le 8 mai 2010, deux missiles pakistanais susceptibles d’emporter des charges nucléaires ont été testés avec succès : il s’agit du missile Ghaznavi d’une portée de 290 km et du missile Shahenn I, d’une portée de 650 km.

La Chine a quant à elle fait la preuve de ses capacités nucléaires. Outre le fait qu’elle détient des missiles d’une portée de 13 000 kilomètres, elle a montré qu’elle était au niveau technologique et technique avec notamment le tir d’interception de janvier 2010. Sa composante océanique est également en plein essor avec un objectif de 5 à 6 SNLE à terme ; les missiles équipant ses sous-marins ne sont toutefois pas encore opérationnels. Malgré ces avancées, seule sa composante terrestre est réellement crédible à ce jour.

Même les États-Unis participent à ce mouvement en développant de nouvelles armes. Le 27 mai 2010, ils ont ainsi réussi le tir d’essai du missile de croisière X-51A Wave Rider. Capable de voler à la vitesse de Mach 6, soit plus de 7 000 km/h, ce missile est tiré depuis un bombardier stratégique Stratofortress à l’altitude de 50 000 pieds. Sa vitesse lui permet de frapper n’importe où sur le globe en une heure maximum, ce qui représente un avantage stratégique déterminant. Le 20 août 1998, après deux heures de vol à 880 km/h, des missiles Tomahawk, tirés de la mer d’Arabie, avait atteint un site en Afghanistan censé abriter Oussama Ben Laden. Le leader terroriste avait eu le temps de se réfugier en lieu sûr. Avec le nouveau missile, la cible aurait été touchée en 20 minutes.

● La poursuite des programmes nucléaires iranien et nord-coréen constitue par ailleurs un sujet majeur de préoccupation. Pour la Corée du Nord, la communauté internationale se heurte à la faiblesse des informations ; il est difficile d’estimer avec précision les capacités dont dispose ce pays et surtout de mesurer leur maîtrise technologique.

Pour l’Iran, la situation est différente. Même si le pays a les moyens d’enrichissement des matières et devrait être capable de fabriquer une tête nucléaire, il n’est pas encore en mesure de concevoir et de réaliser un missile. L’assemblage de la tête nucléaire et du vecteur est en effet un exercice particulièrement difficile techniquement. Par ailleurs, le nucléaire civil iranien reste sous le contrôle de l’agence internationale de l’énergie atomique ; malgré la fragilité du contrôle, ce lien constitue une assurance pour la communauté internationale.

B. LES MOYENS DE LA DISSUASION FRANÇAISE

Dans un contexte international très incertain, il importe que la France maintienne sa dissuasion à un haut niveau en priorité pour garantir sa sécurité mais aussi pour être crédible et peser dans les négociations internationales.

Question écrite n° 80490 publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 8 juin 2010

M. André Wojciechowski attire l’attention de M. le ministre de la défense sur l’attitude de l’Iran face à la stratégie nucléaire mondiale. Il rappelle que l’Iran refuse la main tendue de la commission internationale depuis 1995 et que la France a proposé d’enrichir et de retraiter son uranium afin de permettre aux centrales nucléaires de garder une vocation civile. Dans le cadre de l’obligation de contrôle et de transparence, il lui demande ce que compte faire le Gouvernement afin de sauvegarder et de maintenir une dissuasion crédible avec moins d’armes nucléaires.

Réponse du ministre de la défense publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 3 août 2010

Membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies et État doté d’armes nucléaires au sens du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), la France a toujours refusé de participer à la course aux armements, quel que soit le contexte stratégique. Elle est en outre activement engagée dans la lutte contre la prolifération nucléaire. La France, qui a été le premier État, avec le Royaume-Uni, à avoir ratifié le traité d’interdiction complète des essais nucléaires en 1998, ne procède plus à aucun tir nucléaire. Elle est par ailleurs à l’origine de l’initiative qui a conduit à l’instauration du code de conduite de La Haye sur les tirs de missiles balistiques et elle participe au régime de contrôle des technologies de missiles. En outre, notre pays présente aujourd’hui un bilan exemplaire et unique au monde en matière de désarmement nucléaire. Depuis ces dernières années, les forces et les moyens de la dissuasion française n’ont cessé d’être ramenés au niveau de stricte suffisance. La France a en effet retiré et éliminé toutes ses armes nucléaires sol-sol (destruction des missiles balistiques du plateau d’Albion et des missiles Hadès), diminué d’un tiers le nombre de ses sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, démantelé le centre d’expérimentation du Pacifique ainsi que les installations de production de matières fissibles pour les armes nucléaires de Pierrelatte et Marcoule. Le Président de la République a par ailleurs annoncé, en 2008, une mesure supplémentaire de désarmement, avec la réduction d’un tiers, pour la composante aéroportée, du nombre d’armes nucléaires, de missiles et d’avions. Après cette réduction, l’arsenal français comprendra moins de 300 têtes nucléaires, soit la moitié du nombre maximal de têtes que la France a eu pendant la guerre froide. Pour que la dissuasion soit crédible, le chef de l’État doit disposer d’une large gamme d’options face aux menaces. Les forces nucléaires françaises ont donc été adaptées en conséquence et continueront de l’être. La dissuasion nucléaire française repose sur deux composantes : une composante océanique et une composante aéroportée. Leurs caractéristiques respectives, notamment en termes de portée et de précision, les rendent complémentaires. La modernisation de ces deux composantes, engagée depuis plus de dix ans, vise à maintenir sur une longue durée la capacité des forces nucléaires à remplir leurs missions. S’agissant de la composante océanique, cette modernisation se concrétise par l’entrée en service, cette année, du missile balistique intercontinental M51, dont seront dotés les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de nouvelle génération (SNLE-NG). À cet égard, le quatrième et dernier SNLE-NG, Le Terrible, emportera le M51 dès l’admission au service actif, en 2010, de ce bâtiment. Le M51 donnera à la composante océanique une allonge très supérieure et une flexibilité accrue. Il disposera d’un potentiel d’évolution et emportera en 2015 les nouvelles têtes nucléaires océaniques (TNO). Pour ce qui concerne la composante aéroportée, la mise en service opérationnelle du missile aérobie ASMPA sous Mirage 2000N au standard K3 a été prononcée à la fin de l’année 2009, précédant l’arrivée cette année, dans l’armée de l’air et la marine nationale, de la composante définitive à base d’avions Rafale au standard F3. Le missile ASMPA a des performances améliorées au regard de son prédécesseur pour tenir compte, notamment, de l’évolution des défenses aériennes. Il est équipé de la nouvelle tête nucléaire aéroportée (TNA). Cette dernière, comme la TNO, renouvellera, à l’échéance de leur durée de vie, les têtes actuelles (TN81 et TN75), dont la refabrication à l’identique ne pouvait être garantie sans être testée par l’expérimentation nucléaire. Afin de pallier cette absence de validation nucléaire expérimentale, la conception de ces nouvelles têtes repose sur un concept de charge robuste, validé lors de l’ultime campagne d’essais de 1995. Le maintien de la crédibilité de notre dissuasion repose largement sur les moyens scientifiques et techniques nécessaires à la préservation dans le temps de nos capacités nucléaires. Notre aptitude à assurer sur le long terme, de façon indépendante, la fabrication d’armes fiables et sûres doit être garantie. En l’absence d’essais nucléaires et d’installation de production de matières fissiles à des fins explosives, le programme de simulation est donc un élément clé de la dissuasion. Il n’est pas destiné à la mise au point de nouvelles filières d’armes nucléaires, mais à préserver leur adaptation en fonction des phénomènes de vieillissement des armes, des évolutions des défenses et des mutations scientifiques et techniques. À partir des résultats de l’ultime campagne d’essais, ce programme a pour objectif d’assurer la garantie de fonctionnement des têtes nucléaires en l’absence d’essais nucléaires. Le programme de simulation repose sur les principes suivants : la mise au point de modèles physiques prédictifs pour chaque étape de fonctionnement de l’arme ; l’exploitation de ces modèles par l’intermédiaire de codes de calculs mis en œuvre par des ordinateurs très puissants tels que TERA100 qui sera mis en service au second semestre de cette année ; la validation expérimentale, notamment grâce au laser mégajoule (LMJ), qui permettra d’effectuer les premières expériences à partir de 2014. Comme le souligne le livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, la France continuera à maintenir ses forces nucléaires à un niveau de stricte suffisance. Elle les ajustera en permanence au degré le plus bas possible compatible avec sa sécurité. Le niveau des forces nucléaires françaises ne dépend pas de celui des autres acteurs dotés de l’arme nucléaire, mais seulement de la perception des risques et de l’analyse de l’efficacité de la dissuasion pour la protection de nos intérêts vitaux. Le degré de suffisance continuera donc à faire l’objet d’une appréciation nationale à la fois quantitative, s’agissant du nombre de porteurs, de missiles, d’armes, et qualitative, avec la prise en compte des défenses susceptibles d’être opposées à nos forces. Cette estimation est régulièrement présentée au Président de la République et actualisée dans le cadre du conseil de défense restreint sur les armements nucléaires.

1. Les crédits de la dissuasion

a) Des crédits en baisse

Comme en 2010, et conformément aux préconisations du Livre blanc, les crédits de la dissuasion se maintiennent à un niveau élevé même s’ils enregistrent une baisse de 13,3 % pour les AE et de 3,5 % pour les CP. Le tableau ci-après détaille la répartition des crédits de l’agrégat pour 2010 et 2011.

L’organisation et le poids budgétaire de la dissuasion en 2010 et 2011

(en millions d’euros)

Programme

Action

Sous-action

Libellé

AE

CP

Évolution

2010

2011

2010

2011

AE

CP

144

2

Prospective des systèmes de forces

2,90

2,90

2,90

2,90

0,0 %

0,0 %

4

41 (1)

Études amont

165,50

186,00

154,10

144,40

12,4 %

-6,3 %

Total programme 144 - Environnement et prospective de la politique de défense

168,40

188,90

157,00

147,30

12,2 %

- 6,2 %

146

6

13

SNLE- NG

33,20

12,30

117,30

35,80

- 63,0 %

- 69,5 %

14

M51

409,80

177,40

685,50

619,80

- 56,7 %

- 9,6 %

15

Adaptation des SNLE- NG au M51

231,50

0,00

164,10

186,70

- 100,0 %

13,8 %

16

Mirage 2000N K3

25,10

16,80

47,20

31,60

- 33,1 %

- 33,1 %

17

ASMP- A

44,10

27,20

210,70

109,90

- 38,3 %

- 47,8 %

18

Simulation

636,10

609,20

585,50

626,60

- 4,2 %

7,0 %

19

Autres opérations

484,80

545,80

524,60

413,20

12,6 %

- 21,2 %

22

Soutien et mise en œuvre des forces toutes opérations

1 025,40

1 049,50

542,30

581,50

2,4 %

7,2 %

23

Crédibilité technique de la posture toutes opérations

207,40

165,50

197,10

206,80

-20,2 %

4,9 %

7

28

Commander et conduire -  autres opérations

0,00

0,00

0,90

0,00

nc

nc

9

59

Frapper à distance -  Rafale

0,00

0,00

0,00

0,00

nc

nc

Total programme 146 - Équipement des forces

3 097,40

2 603,70

3 075,20

2 811,90

- 15,9 %

- 8,6 %

178

1

12

Posture de dissuasion nucléaire

4,30

3,15

4,30

3,15

- 26,7 %

-26,7 %

3

49

Soutien de la force sous- marine

338,30

334,10

170,00

317,70

- 1,2 %

86,9 %

4

62

Activité des forces aériennes stratégiques

120,80

104,60

98,10

100,00

- 13,4 %

1,9 %

Total programme 178 - Préparation et emploi des forces

463,40

441,85

272,40

420,85

- 4,6 %

54,5 %

212

1

10

Direction et pilotage

3,80

3,90

3,80

3,90

2,6 %

2,6 %

4

2

Infrastructure

65,30

56,60

65,30

63,50

- 13,3 %

- 2,8 %

Total programme 212 - Soutien de la politique de défense

69,10

60,50

69,10

67,40

- 12,4 %

- 2,5 %

TOTAL DISSUASION NUCLÉAIRE

3 794,50

3 291,05

3 569,90

3 443,55

- 13,3 %

- 3,5 %

(1) À partir du PLF 2011, les sous-actions 42 et 43 du programme 144 sont fusionnées dans la sous-action 41 « Études amont ».

Source : PAP 2011 et ministère de la défense.

La baisse globale des crédits s’explique par le fait que la modernisation des composantes de la dissuasion est en voie d’achèvement : l’ASMP-A est entré en service en juillet dernier, les AE qui lui sont attachées baissent donc de 38 % ; le missile M 51 a été qualifié pour le service actif en septembre, ses AE diminuent donc de 56,7 %. En revanche, les dépenses liées au soutien et au MCO de ces nouveaux équipements augmentent, notamment pour les sous-marins. Les crédits de fonctionnement de la sous-action 49 « soutien de la force sous-marine » de l’action 3 « Préparation des forces navales » du programme 178 passent ainsi, entre 2010 et 2011, de 308 à 410 millions d’euros pour les CP.

b) Un financement incertain

L’essentiel des crédits de la dissuasion relève de l’action 6 du programme 146 avec 2,6 milliards d’euros en AE et près de 2,7 milliards d’euros en CP. Ces ressources ne sont cependant pas certaines puisque le PAP précise que « le financement des besoins présentés […] repose notamment sur une partie des 750 millions d’euros de ressources attendues de cessions de fréquences en cours de gestion 2011 pour le programme 146 » (170). En d’autres termes, l’agrégat pourrait perdre jusqu’à 27 % de ses ressources en cours de gestion.

Cette précision est extrêmement préoccupante car elle révèle que le ministère a choisi de faire porter le risque lié à la vente des fréquences sur le cœur du système de défense. N’aurait-il pas mieux valu que cet aléa soit supporté par un autre programme moins déterminant pour notre position militaire et notre rang international ?

La souplesse de gestion autorisée par la loi organique relative aux lois de finances permettra certes en cours de gestion de faire face aux besoins, mais il convient que le ministère s’engage dès maintenant à lever cette hypothèque sur la dissuasion.

2. Les matériels de la dissuasion

La dissuasion française repose principalement sur notre capacité à produire et à utiliser les têtes nucléaires. Pour autant, il faut que ces têtes soient associées à des vecteurs lesquels doivent pouvoir être utilisés en tout temps et en tout lieu. L’exigence de permanence a conduit la France à développer deux composantes strictement complémentaires et à mettre l’accent sur ses transmissions.

a) Les têtes nucléaires

Les têtes nucléaires sont fabriquées par le centre de Valduc du commissariat à l’énergie atomique (CEA) en Côte-d’Or et sont assemblées aux missiles sur les bases militaires dédiées. Il s’agit, pour la composante aéroportée, des TN 81 progressivement remplacées par les têtes nucléaires aéroportées (TNA) et, pour la composante océanique, des TN 75 auxquelles succéderont les têtes nucléaires océaniques (TNO) à partir de 2015. Les TNA sont les premières têtes nucléaires ayant bénéficié pour leur validation des outils de simulation développés par le CEA. Toutefois, un essai en vol dans le cadre du programme ASMP-A/TNA a eu lieu avec succès en mars 2009. Depuis octobre 2009, les TNA sont opérationnelles sur les ASMP-A des Mirage 2000 N et des Rafale.

Le centre de Valduc assure également le maintien en condition opérationnelle et le démantèlement de ces composants nucléaires des armes de la force de dissuasion. Il doit également gérer les matériaux nucléaires utilisés qu’il s’agisse de l’uranium, du plutonium, ou du tritium.

b) La composante aéroportée

À l’occasion de son déplacement à Cherbourg en mars 2008, le Président de la République a annoncé la réduction d’un tiers de la composante aéroportée de la dissuasion, ce qui équivaut à la dissolution d’un escadron d’avions de combat. L’armée de l’air a donc rationalisé son dispositif qui s’organise désormais autour de six bases comme le montre le schéma ci-après.

Implantation géographique
des forces aériennes stratégiques

Source : www.cfas.air.defense.gouv.fr.

Le décret du 14 janvier 1964 relatif aux forces aériennes stratégiques (FAS) (171) confie au conseil de défense le soin de fixer « la mission, l’organisation et les conditions d’engagement des forces aériennes stratégiques ». En application de l’article 4 du décret, le commandant des forces aériennes stratégiques :

- « participe aux études relatives à la définition et à l’emploi des forces aériennes stratégiques,

- prépare le plan d’opérations ; il établit à cet effet le bilan des moyens nécessaires à sa réalisation,

- prépare les forces à leur mission,

- participe à l’établissement des programmes d’essais et d’expérimentation du matériel ».

Actuellement les FAS s’appuient sur deux aéronefs désormais armés du missile ASMP-A (air-sol moyenne portée amélioré) : les Mirage 2000 N et les Rafale. À ces avions, il convient d’ajouter les ravitailleurs en vol qui permettent d’assurer l’autonomie et la permanence du dispositif ainsi que les appareils d’observation et de détection.

« Les [forces aériennes stratégiques], ce sont 2 000 personnes soit environ 3 % des effectifs de l’armée de l’air. Pour les moyens aériens, 50 Mirage 2000 N armés du missile ASMP ou ASMP-A ; 14 ravitailleurs de type C-135 et un certain nombre de Rafale F 3 biplaces armés de l’ASMP-A. […] Notre contrat […] nous impose d’être capables de tirer dans les mêmes délais que les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins. Les atouts de la composante aéroportée sont sa souplesse, sa précision, sa réactivité, un mode de pénétration des défenses atypique et sa visibilité qui permet de renforcer par des mesures démonstratives le discours du Président » (172).

Le tableau suivant présente l’évolution des crédits des FAS entre 2010 et 2011.

Évolution des crédits des forces aériennes stratégiques

(en millions d’euros)

     

AE

CP

Programme

Action

Sous-action

2010

2011

Écart

2010

2011

Écart

146

6

16 - Mirage 2000N

25,1

16,9

- 32,7 %

47,2

31,6

- 33,1 %

17 - ASMP-A

44,3

27,2

- 38,6 %

211,0

109,9

- 47,9 %

19 - crédibilité technique

55,6

106,2

91,0 %

55,8

39,8

- 28,7 %

22 - crédibilité opérationnelle

71,8

80,4

12,0 %

54,4

70,8

30,1 %

23 - crédibilité de la posture

4,5

13,5

200,0 %

0,0

0,0

nc

178

4

62 - activité des FAS

120,8

104,6

- 13,4 %

98,1

100,0

1,9 %

Total

322,1

348,8

8,3 %

466,5

352,1

- 24,5 %

Source : PAP et ministère de la défense.

Les AE restent globalement au même niveau, avec une légère hausse de 26,7 millions d’euros. Les CP sont en revanche en nette baisse en raison de la livraison effective des nouveaux matériels. Seuls les crédits de la crédibilité technique continue à augmenter car ils prennent en charge les travaux d’infrastructures dédiées à la composante aéroportée, le démantèlement du missile ASMP ainsi que la rénovation de l’avionique des ravitailleurs C 135 (cf. infra).

i. Les avions de chasse

● Successeur du Mirage IV, le Mirage 2000 N est en service opérationnel depuis 1998. Avion biplace, il est équipé d’un système de navigation sécurisé et d’un radar Antilope de suivi de terrain, lui offrant une capacité de vol à très basse altitude et à grande vitesse en pilotage automatique et en conditions de vol sans visibilité. Pesant au décollage 16,5 tonnes, cet appareil dispose d’un réacteur M53-P2 lui donnant une poussée de 6,5 tonnes et de 9,7 tonnes avec la postcombustion.

L’intégration du missile ASMP-A et l’amélioration des contre-mesures ont imposé le développement du standard K 3, capable de pénétrer tout espace en très basse altitude et en tout temps. Cette adaptation est assurée par Dassault aviation en partenariat industriel avec Thalès optronique et MBDA. La première mise en service opérationnelle de cette nouvelle configuration est intervenue en octobre 2009 au sein de l’escadron 3/4 Limousin d’Istres installé dans les Bouches-du-Rhône.

Le 29 juin 2010, l’escadron 1/4 Dauphiné de Luxeuil, dans la Haute-Saône, doté de Mirage 2000 N K 2 et d’ASMP, est dissous. L’escadron 2/4 Lafayette, également basé à Luxeuil, sera quant à lui dissous à l’été 2011. Ces deux événements s’inscrivent dans la réduction du format de la composante aéroportée de la dissuasion telle qu’annoncée en 2008 par le chef de l’État.

● Le Rafale en tant qu’avion de la dissuasion s’intègre dans le programme général de renouvellement de l’avion de chasse de l’armée de l’air. Pour les FAS, il s’agit d’un appareil biplace au standard F 3, équipé du missile ASP-A, de réservoirs supplémentaires, de 1 250 ou de 2 000 litres, et de missiles MICA d’auto-défense.

Conformément à la LPM 2009-2014, la première permanence nucléaire assurée par des Rafales a été inaugurée le 1er juillet 2010 par l’escadron 1/91 Gascogne de la base aérienne 113 de Saint-Dizier dans la Haute-Marne. À cette occasion, le général Paul Fouilland, commandant des forces aériennes stratégiques, a estimé qu’avec « le couple Rafale / ASMP-A, nous crédibilisons notre flotte nucléaire pour les 20 à 25 ans à venir » (173).Un second escadron de Rafale armés d’ASMP-A pourrait être opérationnel en 2017 ou en 2018 afin de prendre le relais de l’escadron Limousin.

Il convient par ailleurs de souligner que dans leur version marine, les Rafale embarqués à bord du porte-avions sont également en mesure d’utiliser l’ASMP-A. Cette polyvalence de l’appareil est un atout décisif pour l’autorité politique qui peut déployer ses FAS sur l’ensemble du globe sans nécessairement dépendre des capacités d’accueil au sol. Il faut néanmoins que le porte-avions soit pour cela opérationnel.

ii. Le missile ASMP-A

Successeur de l’ASMP, le missile ASMP-A est équipé de la TNA. Sa propulsion est assurée dans un premier temps par un accélérateur intégré à poudre, puis par un statoréacteur à combustible liquide. Ce second mode de propulsion réduit significativement l’encombrement et la masse du missile par rapport à un mode classique de propulsion de fusée et offre une portée plus grande à des vitesses très largement supersoniques. Pour le général Paul Fouilland, commandant des forces aériennes stratégiques, « le missile AMSP-A affiche une portée significativement accrue par rapport à celle de son prédécesseur, avec une précision nettement améliorée. Il offre aussi une plus grande diversité de trajectoires à hautes ou basses altitudes et une capacité de programmation de manœuvres pour se soustraire aux menaces sol-air évoluées » (174).

Fabriqué par MBDA avec pour sous-traitants Roxel, Thalès, In Snec, Asb et Daher Lhotelier, le programme a été lancé en octobre 2000 et a été commandé en deux lots en mai 2006 et en décembre 2007. Un troisième lot initialement envisagé a été annulé suite à la décision de réduction de la composante. Les livraisons ont débuté en 2009 pour une première mise en service à l’automne de la même année.

En 2009, 117,6 millions d’euros d’AE et 282,6 millions d’euros en CP ont été consacrés au programme. Ces sommes sont respectivement passées à 44,2 millions d’euros et 210,9 millions d’euros en 2010. En 2011, les crédits sont en baisse pour s’établir à 27 millions d’euros en AE et près de 110 millions d’euros en CP de façon à couvrir les dépenses générées par la livraison de la deuxième partie du deuxième lot. La baisse des dépenses d’acquisition est contrebalancée par la hausse des dépenses de MCO qui passent de 54 à 71 millions d’euros en CP (175).

La succession de l’ASMP-A est d’ores et déjà engagée, des études dédiées faisant l’objet de financement par le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense ».

iii. Les ravitailleurs

— Pour pouvoir intervenir dans n’importe quel endroit, les avions de combat doivent disposer de moyens de projection. Le porte-avions et les bases permanentes à l’étranger ou dans les territoires ultramarins sont des atouts précieux mais ils ne permettent pas un usage très souple contrairement aux ravitailleurs. Le chef d’état-major de l’armée de l’air relève en effet que « toutes les crises auxquelles nous avons participé depuis plus de trente ans ont clairement démontré que les moyens de ravitaillement en vol sont tout à fait dimensionnant et rapidement limitant, que ce soit pour des opérations menées dans un cadre national ou interalliés » (176).

Au sein de l’OTAN, seuls les États-Unis, le Royaume-Uni et la France possèdent cette capacité de ravitaillement en vol. La flotte française se compose de 11 C 135 FR acquis neufs en 1964 et de 3 KC 135 R acquis d’occasion en 1977 et 1998. La moyenne d’âge de ces appareils est de 47 ans, ce qui implique :

- une remise à niveau régulière de l’avionique pour respecter les exigences de circulation aérienne civile ;

- un risque croissant de problème technique majeur sur des appareils sans lesquels les avions ne peuvent pas voler ou avec d’importantes restrictions d’emploi ;

- un coût très élevé de l’heure de vol, jusqu’à trois fois supérieur à celui d’un appareil moderne.

Question écrite n° 75584 publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 6 avril 2010

M. André Wojciechowski attire l’attention de M. le ministre de la défense sur le problème des ruptures capacitaires de nos ravitailleurs, éléments essentiels pour le maintien de notre stratégie de dissuasion. Il lui demande s’il n’y a pas là une urgence stratégique et opérationnelle dont il faut s’occuper au plus vite.

Réponse du ministre de la défense publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 25 mai 2010

Le parc français d’avions de ravitaillement en vol est actuellement composé de 11 C-135 (acquis neufs en 1964) et de 3 KC-135 (acquis d’occasion en 1997 et 1998). Ces appareils, associés aux Mirage 2000N, constituent un des piliers de la dissuasion nucléaire française. Ils sont par ailleurs impliqués dans des missions de ravitaillement en vol des appareils de combat conventionnels, en opérations extérieures, en entraînement ou encore en convoyage vers les théâtres d’engagement des forces. Ces aéronefs sont soumis à des chantiers de rénovation indispensables pour leur permettre de s’intégrer dans les espaces aériens civils et de répondre aux exigences opérationnelles, dans l’attente de leur remplacement par les 14 futurs avions « multirôle de ravitaillement en vol et de transport » (MRTT), dont les livraisons devraient commencer à la fin de l’année 2015 et se terminer en 2022. Ainsi, dans le cadre du premier marché de rénovation des C-135 et des KC-135, notifié à Sogerma Services en janvier 2007, les derniers appareils modifiés ont été livrés en 2009. La seconde tranche de rénovation, notifiée à Air France Industries en janvier 2009, concerne les 11 C-135 dont les derniers appareils modifiés seront livrés en 2014. Enfin, compte tenu du calendrier de livraison des futurs avions MRTT, une troisième tranche de rénovation des C-35 est programmée à l’horizon 2011. Ce programme de rénovation ne lève pas complètement le risque de limitation capacitaire lié au vieillissement de ces appareils. Les résultats définitifs d’une étude de vieillissement réalisée sur chacun des aéronefs sont attendus pour l’été 2010. Pour autant, sur la base des inspections déjà réalisées, la possibilité de maintenir les avions en service jusqu’à l’horizon 2022 n’est actuellement pas, à ce stade, remise en cause. La planification actuelle des livraisons du programme MRTT assure le tuilage avec un retrait progressif et cohérent de la flotte des C-135 et des KC-135 afin d’éviter une rupture capacitaire dans ce domaine. Enfin, des études capacitaires ont été menées pour prendre en compte toutes les synergies possibles entre les futures flottes des 14 MRTT et des 50 A400M (pouvant tous être équipés d’un kit de ravitaillement en vol).

Le remplacement des ravitailleurs apparaît donc prioritaire, le chef d’état-major de l’armée de l’air soulignant que « l’acquisition de MRTT (177), prévus dans la loi de programmation militaire, permettra de remplacer une flotte de Boeing C135FR cinquantenaire » (178).

La LPM prévoit en effet l’acquisition de 14 A330-MRTT, sans en préciser le calendrier de livraison. Anticipant de possibles retards, elle précise que « les ravitailleurs en vol en service seront rénovés dans l’attente de l’entrée en service du MRTT ».

— Les ravitailleurs C 135 assurent principalement des missions de ravitaillement mais peuvent aussi être configurés pour d’autres missions et notamment pour des missions d’évacuation sanitaire stratégique avec la mise en place du kit Morphée (module de réanimation pour patient à haute élongation d’évacuation). Le module lourd pour soins intensifs assure la prise en charge d’un blessé grave placé sous assistance respiratoire et perfusé. Le module léger permet le transport de deux blessés moins graves, perfusés. Quatre médecins, cinq infirmiers, deux convoyeurs de l’air, éventuellement accompagnés d’un psychiatre, d’un spécialiste des brûlés ou d’un chirurgien, constituent l’équipe Morphée dont la formation spécifique est organisée par l’école du Val-de-Grâce.

Ces appareils apparaissent donc indispensables aux forces et leur modernisation ne pouvait être reportée. Le premier marché de rénovation des C 135 FR a été notifié en janvier 2007 à Sogema Services. Il concernait les instruments de bord, notamment le système d’alerte de trafic et d’évitement de collision, ainsi que les outils de détection et la surveillance vidéo. La seconde tranche de rénovation a été notifiée à Air France Industries le 14 janvier 2009 pour près de 37 millions d’euros avec des livraisons s’étalant jusqu’en 2014. Ce programme ne permet cependant pas de faire face à toutes les obsolescences et il faudra vraisemblablement engager une nouvelle tranche de modernisation.

Cet effort ne concerne hélas que les 11 C 135, les trois KC 135 ayant été retirés du programme de rénovation.

L’état du parc de ravitailleurs met clairement en évidence la nécessité et l’urgence du programme MRTT dont le ministre de la défense a pourtant annoncé le report en juillet dernier.

— Le MRTT est appelé à succéder aux avions de ravitaillement en vol ainsi qu’aux avions de transport stratégique de personnels et de fret de faible encombrement, c’est-à-dire aux trois A310 et à l’ A340-TLRA. Il pourra ravitailler les avions de combat et les avions plus lourds tels que l’AWACS ou l’A400M. Il peut transporter jusqu’à 111 tonnes de carburant, transférées à la vitesse de 4 600 litres par minute.

Ce programme doit faire face aux atermoiements français car à la différence de l’A400M, il est techniquement opérationnel. En France, malgré l’urgence, aucune décision n’est encore prise.

À l’export, l’A330-200 MRTT a d’ores et déjà convaincu l’Arabie Saoudite (6 avions), l’Australie (5 avions) et les Émirats arabes unis (3 avions).

Aux États-Unis, il est en compétition avec le KC-767 de Boeing pour le remplacement des 500 ravitailleurs de l’US Air Force. Traditionnellement fermé aux importations de défense, le marché américain s’est ouvert à l’extérieur en 2008 en raison des difficultés de son industrie avant de replonger dans les tentations nationalistes dans un contexte économique bouleversé. Le 23 mai 2003, Boeing avait obtenu un contrat en vue du renouvellement de 100 avions ravitailleurs, pour un montant total de 20 milliards de dollars. Un an plus tard, le contrat a été annulé par la justice américaine en raison d’un grave conflit d’intérêt. En 2007, un nouvel appel d’offres est lancé mais pour 179 avions ravitailleurs et un montant évalué à 35 milliards de dollars. Le 29 février 2008, le marché est attribué à Northrop Grumman associé à EADS. C’est un événement considérable pour l’économie américaine : Boeing qui s’appuie traditionnellement sur les programmes militaires américains pour développer ses offres civiles, est devancé par un concurrent européen associé à un partenaire américain.

La crise économique et la campagne présidentielle viennent remettre en cause cet engagement : en septembre 2008, l’appel d’offres est de nouveau annulé en se fondant sur un vice de forme, ce qui suscitée l’indignation des Européens. L’appel d’offres devient une affaire essentiellement politique. Boeing et Northrop Grumman mènent alors de virulentes campagnes auprès des membres du Congrès. Les élus de l’État de Washington, toutes tendances confondues, se mobilisent fortement et publiquement en faveur de Boeing ; ceux de l’Alabama, en faveur de Northrop Grumman et d’EADS. L’élection en septembre 2009 du représentant républicain de l’État de Washington, Norm Dicks, à la présidence de la sous-commission en charge des acquisitions de défense de la chambre des représentants est venue compliquer la donne politique.

Un nouvel appel d’offres est lancé en septembre 2009. Mais le 8 mars 2010, EADS et Northrop Grumman annoncent leur retrait, considérant que la mise en concurrence faussée. Le 20 avril 2010, après avoir reconsidéré sa position, EADS annonce qu’il présentera une offre avec des sous-traitants américains dont General Electric. La lutte d’influence recommence avec des échanges politiques forts. La sénatrice démocrate de Washington, Patty Murray, déclare par exemple que « prolonger cette compétition pour autoriser une compagnie étrangère illégalement subventionnée à soumissionner est mauvais pour les travailleurs américains, nos hommes et femmes en uniforme, les contribuables et notre économie ». Le sénateur républicain de l’Alabama, Jeff Sessions, souligne pour sa part que « la décision d’EADS de soumissionner seul sauve la compétition et devrait être une douce musique aux oreilles des contribuables et des hommes et femmes en uniforme qui dépendront de cet avion pendant les décennies à venir » (179).

L’enjeu central est assurément l’emploi généré par le contrat et non les qualités propres des avions. Confronté à des difficultés majeures sur ses nouveaux modèles civils, Boeing a impérativement besoin du nouvel avion militaire pour préserver l’activité de ses salariés de Seattle. Conscient de son retard technologique et de la nécessité de rallier à lui des élus de l’ensemble du territoire américain, le constructeur aéronautique décide de développer ses activités sur la côte Est.

Question : Fournir une note détaillant l’état d’avancement du programme américain de ravitailleurs.

Réponse :

Le 24 février 2010, le Pentagone a émis un nouvel appel d’offres relatif à l’acquisition de 179 avions-ravitailleurs (« tankers ») pour l’U.S. Air Force, dans le cadre du programme « KC-X ». L’enjeu financier correspondant est évalué à 35 milliards de dollars (26,6 milliards d’euros) et le contrat correspondant devrait s’étaler sur 17 ans (fin 2010 - 2027). Au-delà, il s’agira de poursuivre le renouvellement de la flotte américaine d’avions-ravitailleurs qui compte aujourd’hui 474 appareils (1).

Le Pentagone a d’abord voulu tirer les leçons de la compétition précédente (janvier 2007 - février 2008) qui se termina, au printemps 2008, par la résiliation du contrat attribué à l’équipe « Northrop Grumman/EADS » (au détriment de la société Boeing) pour le développement du KC-45 (désignation américaine de l’A330-200 « MRTT »). Il a également souhaité faire de ce dossier un nouveau modèle d’acquisition d’armement consistant à fournir aux forces armées américaines un produit répondant entièrement au besoin exprimé par l’utilisateur (mais pas davantage) dans les conditions de prix les plus favorables pour le contribuable (recours à la formule des prix fermes, chaque fois que possible) et dans les meilleurs délais.

Le nouvel appel d’offres  fixe les « critères techniques obligatoires » à satisfaire (372 critères contre seulement 37 dans l’appel d’offres précédent), lesquels correspondent globalement aux spécifications (performances et capacités) du Boeing KC-135 que le futur avion-ravitailleur doit remplacer. Il limite de façon drastique les « critères techniques annexes » : 93 contre plus de 770.

Le compétiteur qui respectera les 372 « critères obligatoires » et qui sera financièrement le moins-disant remportera le contrat. Le volet « critères annexes » ne sera considéré que si l’écart de prix entre les deux offres n’est que de 1 %.

Par ailleurs, l’appel d’offres demande aux industriels des prix fermes à la fois pour la phase de développement (durée : 4 ans) et pour la phase de production qui doit se terminer en 2027. Le Pentagone a toutefois très légèrement assoupli sa position initiale sur ce point en acceptant de prendre en charge certains surcoûts que ne peut raisonnablement pas assumer l’industrie sur une période de 17 ans. Ce dogme du « prix ferme » vient sans doute en réaction au dérapage des coûts constaté sur bon nombre de programmes d’armement américains (le plus emblématique étant celui de l’avion de combat Lockheed Martin F-35 « Lightning II »/JSF).

Il est d’ores et déjà certain que le Boeing KC-767, plus petit et moins performant que l’Airbus Military A330-200 « MRTT » (alias « KC-45 » pour les États-Unis), répondra néanmoins entièrement aux spécifications (« critères obligatoires »), la discrimination entre les deux avions (prise en compte des plus grandes capacités du KC-45) ne pouvant se faire que si le volet « critères annexes » est abordé, c’est-à-dire si les offres financières ne peuvent pas être départagées du premier coup (écart de seulement 1 %).

Autrement dit, la sélection se fera essentiellement sur le prix total des offres et la compétition apparaît donc largement favorable à la société Boeing.

Le positionnement de Boeing

Le 4 mars 2010, la société Boeing a fait savoir qu’elle répondra à l’appel d’offres « KC-X » avec le KC-767 qualifié de « NewGen Tanker » (2).

Cet avion reste à développer spécifiquement pour l’U.S. Air Force car il s’éloigne beaucoup de la définition des Boeing KC-767 déjà vendus à l’exportation (3).

Sans évoquer évidemment les risques techniques (et donc les risques de surcoût et de retard) associés à ce travail de développement, la société Boeing porte délibérément le débat sur le terrain politique (avec un avion « 100 % américain ») et politico-économique (critique virulente, dans le cadre de l’OMC, des subventions européennes accordées à la société Airbus).

Le positionnement du consortium Northrop Grumman/EADS

Le 8 mars 2010, la société Northrop Grumman a officiellement fait savoir au Pentagone qu’elle ne répondrait pas au nouvel appel d’offres « KC-X ».

Cette défection a clairement embarrassé le Pentagone pour qui une compétition est nécessaire à la fois au plan économique (le « gré à gré » avec Boeing serait nécessairement plus coûteux) et au plan politique (vis-à-vis du Congrès et des pays européens concernés).

Le 18 mars 2010, le Pentagone a donc fait savoir qu’il accueillerait favorablement une offre « KC-X » portée par la seule société EADS North America reconnue alors comme maître d’œuvre industriel (à la place de la société Northrop Grumman).

Le 20 avril 2010, après mûre réflexion,  la société EADS North America a annoncé son intention de répondre à l’appel d’offres avec le KC-45 qui est très proche du KC-30 déjà développé (et donc mature) pour l’armée de l’air australienne (les deux premiers KC-30 devraient être livrés dans les prochains mois (4)).

Calendrier

Les offres industrielles « KC-X » ont été remises au Pentagone le 8 juillet (EADS North America) et le 9 juillet (Boeing) 2010.

La phase d’exploitation des offres est en cours. Elle pourrait aboutir à l’annonce de la sélection du vainqueur à partir du 12 novembre 2010 et, en tout état cause, après les élections législatives de « mi-mandat » (présidentiel) aux États-Unis (2 novembre 2010).

(1) Soit 415 Boeing KC-135R/T « Stratotanker » (moyenne d’âge : 46 ans) et 59 McDonnell Douglas (dorénavant Boeing) KC-10A « Extender » (moyenne d’âge : 26 ans).

(2) Pendant un temps, la société Boeing avait songé à proposer une version « Tanker » de son « gros » Boeing 777 (alias « KC-777 ») mais les spécifications de l’appel d’offres font que le « petit » KC-767 est finalement suffisant.

(3) Le Boeing KC-767 a été exporté au Japon (4 KC-767J livrés entre février 2008 et fin 2009) et en Italie (le client de lancement ; les 4 KC-767A commandés par Rome en décembre 2002 n’ont toujours pas pu être livrés, en raison de problèmes techniques).

(4) L’Australie a été le client de lancement de l’A330-200 « MRTT » (5 KC-30 achetés en décembre 2004). Trois autres pays ont ensuite commandé cet avion-ravitailleur, au détriment du Boeing KC-767. Il s’agit de l’Arabie Saoudite (6 avions), des Émirats Arabes Unis (3 avions ; option pour 3 autres appareils) et du Royaume-Uni (programme « FSTA » : Future Strategic Tanker Aircraft ; 14 avions acquis selon le processus « PPP/PFI »). Au total, le carnet de commandes de l’A330-200 « MRTT » s’établit aujourd’hui à 28 avions (contre 8 pour le Boeing KC-767).

Le résultat de cet appel d’offre est extrêmement important pour l’industrie française de défense mais aussi pour les forces qui pourraient bénéficier, si EADS remportait la compétition, d’un effet de série.

Question écrite n°76235 publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 13 avril 2010

M. André Wojciechowski attire l’attention de M. le ministre de la défense sur l’abandon par le groupe EADS de sa candidature au remplacement des avions ravitailleurs de l’US air force, associé à Locked Martin, au délai d’une application très nette d’un protectionnisme à peine dissimulé, lui semble-t-il un problème à terme à notre armée de l’air. En effet les ravitailleurs en vol de l’armée de l’air française KC135 sont de la même génération que ceux utilisés par l’US Air Force. On peut donc penser que leur renouvellement doit se faire à peu près à la même période que les appareils US. Si EADS-Locked avaient été retenus, on peut penser que nous aurions été en position favorable pour nous aussi engager un renouvellement de nos appareils. La situation nouvelle, si elle se confirme nous place dans une situation plus précaire, la question est donc la suivante : a-t-on envisagé de remplacer nos ravitailleurs en vol et si oui vers quelle époque, dans la négative quelles sont les raisons qui justifieraient de renoncer à un renouvellement, par contre dans l’affirmative devra-t-on acheter des appareils conçus et réalisés uniquement par les Américains, c’est-à-dire sur étagère. Il lui demande si l’on peut encore à l’heure actuelle espérer au moins avoir par compensation une tranche des appareils à réaliser.

Réponse du ministre de la défense publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 25 mai 2010

Le ministère de la défense a prévu de remplacer les composantes actuelles de ravitaillement en vol (onze C-135 et trois KC-135) et de transport stratégique de personnel et de fret de faible encombrement de l’armée de l’air (avions de la flotte Airbus) par un seul et unique type de gros-porteur polyvalent : l’avion « multirôle de ravitaillement en vol et de transport » (MRTT). Conformément aux orientations définies par le livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et par la loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014, les forces aériennes françaises comprendront à terme 14 MRTT, dont les livraisons devraient commencer à la fin de l’année 2015 et se terminer en 2022. Dans le cadre des travaux de conception de ce programme, les options étudiées portent, entre autres, sur le choix de la plate-forme (Airbus A330 MRTT ou Boeing KC-767) et sur le mode d’acquisition (acquisition patrimoniale ou contrat de partenariat d’État). Quelle que soit l’option retenue, le futur MRTT devra répondre aux besoins spécifiques de l’armée de l’air française, notamment ceux relatifs à la dissuasion (communications, sécurité de l’information…). Cette exigence exclut l’acquisition d’un avion de conception entièrement américaine proposé totalement sur étagère. S’agissant du programme américain KC-X visant le remplacement des avions ravitailleurs en vol de l’US Air Force, l’A330 MRTT (ou KC-45A) proposé par Northrop Grumman et EADS avait remporté la compétition face au Boeing KC-767 avant que les autorités militaires américaines décident d’annuler les résultats de l’appel d’offres au vu d’une recommandation en ce sens émise par le Government Accountability Office (équivalent américain de la Cour des comptes). En tout état de cause et nonobstant le retrait de son partenaire américain initial (Northrop Grumman), le groupe EADS a annoncé le 20 avril 2010 son intention de ne pas abandonner sa candidature et de répondre au nouvel appel d’offres de l’US Air Force. L’industriel européen reste donc officiellement toujours présent dans la compétition pour le renouvellement des avions ravitailleurs en vol de l’armée de l’air américaine.

Au Royaume-Uni, la question des ravitailleurs est également un sujet de préoccupation. Le programme FTSA se heurte en effet à plusieurs difficultés.

Le Future Strategic Tanker Aircraft (FSTA)

En 1997, le ministère de la défense britannique décide de renouveler sa flotte de 24 ravitailleurs / transporteurs en service, composée de Lockheed L-1011 Tristar et de vieux VC10 C1K. Décision est prise de recourir à un PPP / PFI (partenariat public privé / private finance initiative) pour ce programme. Un rapport du National Audit Office de mars 2010 (1) se montre particulièrement sévère quant aux conditions du recours au PFI. La NAO estime que les autres alternatives ont été insuffisamment étudiées et que plusieurs zones d’ombres demeurent, notamment en ce qui concerne l’évaluation financière du transfert de risques sur l’opérateur privé, la réalité et donc la légitimité de la marge réalisée par l’opérateur sur le programme. La complexité du programme et de la procédure, sous-estimée au départ, explique que la conclusion ait pris le double temps qu’initialement prévu soit près de 10 ans. L’abandon du programme fut envisagé en mai 2004. 48 millions de livres furent dépensées au cours de cette phase pré-contractuelle.

Le 27 mars 2008, le ministère de la défense (MoD) signe définitivement avec le consortium AirTanker (2) un contrat de 27 ans portant livraison de 14 avions ravitailleurs stratégiques (Des Airbus A 330 – 200) pour une mise en service du premier appareil en octobre 2011. En 2016, la Royal Air Force (RAF) disposera de 9 appareils et pourra recourir en cas de nécessité à 5 avions supplémentaires laissés à la disposition de AirTanker pour des vols commerciaux. Le contrat englobe, au-delà de la fourniture des avions, l’aménagement des infrastructures nécessaires, les services de formation, de maintenance, de gestion des vols et de la flotte.

Selon les clauses du contrat PFI, le ministère paiera non pas la propriété mais l’usage des avions avec un minimum annuel garanti de 9 000 heures de vol. Le coût total de l’exécution du contrat est estimé entre 10,5 et 12,3 milliards de livres, montants susceptibles de varier en fonction des besoins de la RAF. Chaque année, la « redevance » liée au contrat se montera à 390 millions de livres (hors frais de personnel, de carburant notamment (3)), étant entendu qu’elle ne sera due qu’une fois la mise en service des appareils.

Depuis 1997, sont apparues de nouvelles exigences techniques liées à un renforcement des protections de l’appareil appelé à intervenir sur des théâtres d’opération à haute intensité. Ces modifications dont le coût est estimé à plusieurs centaines de millions de livres. Décision est prise d’intégrer progressivement ces modifications technologiques aux appareils tout en prolongeant la durée de service des Tristar, afin de ne pas dégrader le calendrier initial de livraison.

(1) « Delivering multi-role tanker aircraft capability », National Audit Office, HC 433 session 2009-2010, 30 mars 2010

(2) Composition du capital d’AirTanker : EADS (40 %), Rolls-Royce (20 %), Thalès (13 %), VT Group (13 %), Cobham plc (13 %)

(3) Ces charges additionnelles sont estimées annuellement à 60 millions de livres.

Il convient enfin de noter que le groupe israélien Israel Aerospace Industries (IAI) via sa société BEDEK développe actuellement son propre ravitailleur en vol à partir d’un Boeing 767. Le 767 MMTT (multi mission tanker transport) effectue à ce stade des essais en vol dans le cadre d’un contrat conclu avec la Colombie. Il est susceptible de concurrencer les produits européens et américains sur un marché relativement étroit.

c) La composante océanique

Les programmes de la composante océanique sont conduits par l’unité Coelacanthe de la DGA. Elle est en charge des systèmes d’armes, de l’adaptation et de la maintenance des missiles ainsi que des infrastructures liées. Le tableau suivant récapitule les crédits alloués à la force océanique stratégique (FOST) en 2010 et 2011.

évolution des crédits (hors titre 2) de la force océanique stratégique

(en millions d’euros)

     

AE

CP

Programme

Action

Sous- action

2010

2011

Écart

2010

2011

Écart

146

6

13 - SNLE NG

33,2

12,3

- 63,0 %

117,3

35,8

- 69,5 %

14 -  M51

409,8

177,4

- 56,7 %

685,5

916,8

33,7 %

15 -  SNLE adaptation M51

231,5

0

- 100,0 %

164,1

186,7

13,8 %

19 - crédibilité technique

45,1

94,4

109,3 %

54,4

49,2

- 9,6 %

23 - crédibilité de la posture

953,6

969,1

1,6 %

487,9

510,7

4,7 %

178

3

49 - soutien de la force
sous-marine

338,3

334,1

- 1,2 %

170,0

317,7

86,9 %

212

4

02 - infrastructures

65,3

56,6

- 13,3 %

65,3

63,5

- 2,8 %

Total

2 076,8

1 643,9

- 20,8 %

1 744,5

2 080,4

19,3 %

Source : PAP et ministère de la défense.

Les crédits de la FOST baissent en AE mais augmentent en CP : les nouveaux matériels commencent en effet à être livrés et la nouvelle génération d’équipements n’est pas encore commandée. Par ailleurs, les dépenses de soutien progressent significativement car il s’agit de mettre en place la nouvelle chaîne logistique, notamment pour le M 51.

i. Le missile M 51

Missiles de nouvelle génération devant progressivement armer les SNLE, les M 51 sont des missiles mer-sol balistiques à têtes multiples et à capacité intercontinentale. Par rapport au missile M45, le M 51 a une capacité d’emport plus élevée, une plus grande portée et sa version 2, programmée pour 2015, aura une furtivité et des aides à la pénétration renforcées.

Pour ce programme, la défense a engagé, au 31 décembre 2010, près de 2,5 milliards d’euros, les paiements correspondant s’échelonnant essentiellement avant 2013 où le reste à payer sera de 481 millions d’euros.

Le programme M51 est exemplaire en terme de maîtrise budgétaire et calendaire, comme le montre le tableau suivant.

Calendrier du programme M 51

Événement

Date initiale

Date effective

Définition du vecteur / réorientation du programme et définition du vecteur M 51

 

1992 / 1996

1er essai en vol

Novembre 2006

Novembre 2006

2e essai en vol

Juin 2007

Juin 2007

3e essai en vol

Second semestre 2008

Novembre 2008

Tir de synthèse

Fin 2009

Janvier 2010

Tir d’acceptation

2010

Juillet 2010

Embarquement de la 1e dotation de missiles

2010

2010

Lancement des travaux de développement du M 51.2

2010

Juillet 2010

Source : RAP 2009 et PAP 2011.

EADS-Astrium est en charge de la conception, du développement, de la production et du maintien en condition opérationnelle des missiles embarqués à bord des SNLE, exception faite des têtes nucléaires qui restent de la responsabilité exclusive du CEA. De pareilles compétences scientifiques et industrielles sont peu nombreuses dans le monde : EADS Astrium se partage la domination du marché mondial avec l’américain Northrop Grumman.

Comme la plupart des grands programmes, il convient d’analyser le coût du M 51 non seulement en fonction de son développement et de sa production mais aussi en fonction des dépenses induites par sa fin de vie, c’est-à-dire son démantèlement. Son entrée en service suppose en effet le retrait des M 45 et leur traitement.

Certains pays, comme la Russie, ont choisi d’utiliser leurs anciens vecteurs balistiques pour des usages civils et notamment pour transporter des satellites dans l’espace. Les missiles balistiques intercontinentaux SS 18 Satan (RS 20 B Voevoda), qui devaient être détruits en application du traité START-1, ont été adaptés pour transporter une charge utile en lieu et place des ogives nucléaires. C’est ainsi qu’en juin 2010 un SS 18, désormais dénommé Dniepr, a mis en orbite un satellite radar allemand TanDEM-X de 1,3 tonne, fabriqué par EADS Astrium. Les lancements s’opèrent à partir d’un silo souterrain sur la base de Baïkonour.

La France a examiné la possibilité d’utiliser les vecteurs des M 45 pour une utilisation similaire. Cette option a toutefois été rapidement écartée pour trois raisons principales :

- le vecteur ne dispose pas d’une capacité d’emport compatible avec les besoins civils ;

- les satellites civils ne résisteraient pas aux très fortes capacités propulsives du vecteur et il faudrait donc construire un satellite spécifique pour ce vecteur ;

- les matériels ne disposent, en fin de vie, que d’un potentiel réduit qui ne permet pas de les recycler pour un autre usage.

ii. Les sous-marins nucléaires

● Si les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) constituent la partie la plus visible de la FOST, il importe de prendre en considération l’ensemble de la flotte sous-marine, ne serait-ce que pour des raisons de compétences humaines. Les personnels armant les SNLE, et notamment les commandants de bord, doivent avoir été formés sur un sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) avant de pouvoir commander un SNLE. Outre cette nécessaire expérience, l’autorité militaire doit disposer d’un vivier de sous-mariniers de haut niveau suffisamment large pour sélectionner ses commandants de SNLE et éviter tout déficit capacitaire. La continuité entre les SNA et les SNLE est donc déterminante : tout retard sur les SNA ne pourrait que fragiliser, à moyen ou long terme, la composante océanique en déstabilisant les équipages des SNLE.

La France compte 2 200 sous-mariniers avec un besoin annuel de recrutement de 325 personnels. Les métiers exercés par ces sous-mariniers sont très spécifiques et les conditions d’exercice peu attractives, notamment en raison du confinement durant une longue durée. Pour le vice-amiral d’escadre Jean-François Baud, commandant la force océanique stratégique, « les volontaires pour devenir sous-mariniers deviennent de plus en plus rares. Deux raisons sont souvent avancées. Accepter de rester coupé du monde pendant de longues semaines est évidemment en profond décalage avec une société où l’addiction pour les moyens de communication est de plus en plus prégnante. Par ailleurs, les absences longues et répétées semblent de plus en plus difficilement bien acceptées sur le plan familial ». Il souligne toutefois que « ces raisons [n’expliquent pas] tout car il existe de nombreux métiers où les contraintes sont certainement aussi fortes. En fait, […] le sous-marin fait un peu peur car il est très mal connu » (180).

Il convient par ailleurs de rappeler que les sous-marins nucléaires d’attaques, les frégates anti-sous-marines et les avions de patrouille maritime concourent directement à la sécurisation des SNLE, notamment dans leur approche de leur base de l’Île Longue.

● Le SNLE déplace 14 200 tonnes en plongée, avec des exigences élevées de discrétion et de détection sous-marine. La permanence en mer de la composante océanique de la dissuasion exige la mise en œuvre de quatre bâtiments, progressivement armés à partir de 2010 de missiles M 51. Le quatrième SNLE de nouvelle génération (NG), le Terrible, a été livré en 2010, achevant un programme initié en mars 1986. Le premier exemplaire, le Triomphant, a été mis au service actif en mars 1997. Il est à noter que le calendrier initial du programme SNLE a été respecté scrupuleusement, malgré les défis technologiques qu’un tel équipement pose. Le maître d’œuvre industriel est DCNS ; sont également intervenus Thalès, pour les systèmes d’exploitation tactique, et AREVA TA, pour la propulsion nucléaire.

Comme le souligne le ministre de la défense, « la France a la capacité technologique de pouvoir embarquer à bord d’un même bateau, qui supporte de grandes contraintes physiques, à la fois une centrale nucléaire assurant la propulsion, des missiles balistiques et des instruments de navigation très sophistiqués, le tout étant servi par des hommes aux qualifications aussi fines que rares, issus de filières de recrutement extrêmement étroites. C’est d’ailleurs un enjeu permanent pour la marine de ne pas perdre ces savoir-faire et ces compétences très recherchés dans le monde civil [… ;] la mise en œuvre de cet ensemble repose sur une seule entreprise : DCNS ; cela force l’admiration » (181).

Cet étalement dans le temps des livraisons n’est pas à remettre en cause . Les Britanniques ont choisi de concentrer leurs livraisons sur un temps très court : De ce fait, ils n’ont pas réussi à entretenir dans le temps une compétence technique et technologique. Lorsqu’ils ont souhaité lancer un nouveau programme, ils se sont trouvés face à d’immenses difficultés et ont été obligés de faire appel à des ingénieurs américains. En étalant dans le temps la réalisation des SNLE, la France maintient son outil industriel et surtout organise la transmission des savoirs : elle est ainsi en mesure de développer et de produire ses sous-marins en totale indépendance.

Le programme SNLE au sens strict a mobilisé en 2009, 97 millions d’euros en AE et 265 millions d’euros en CP. En 2010, 32,3 millions d’euros d’AE et 117,2 millions d’euros de CP sont inscrits en loi de finances initiales.

Les SNLE entrés en service avant 2010 sont actuellement équipés de missiles M 45 qui vont être progressivement remplacés par des missiles M 51, plus volumineux. Ce changement nécessitera de moderniser les bâtiments : le ministère a donc lancé un programme « adaptation M 51 ». À ce titre, plus de 950 millions d’euros ont déjà été engagés. Les SNLE seront ainsi progressivement adaptés à l’occasion d’une grande indisponibilité périodique pour entretien et réparation (IPER). Pour assurer la permanence à la mer, ces changements seront étalés dans le temps et ne pèseront pas sur les capacités opérationnelles de la FOST.

Ce programme d’adaptation a fait l’objet d’une étude spécifique du comité des prix de revient des fabrications d’armement publiée dans le cadre de son 32e rapport d’ensemble en juin 2010. Le comité souligne notamment qu’ « une maîtrise d’ouvrage forte et bien structurée, à travers l’unité de management Coelacanthe, a permis de conduire le programme “Adaptation” dans de bonnes conditions sur une longue période, à la fois pour les performances et les délais de réalisation. Ces objectifs ont été atteints en dépit du fait que le programme était fortement dépendant des programmes de réalisation des SNLE/NG et du missile M51 ». En matière de coût, les rapporteurs notent « une augmentation des coûts de l’ordre de 16 %, dont une partie importante résulte du changement de statut de DCN ; le reste résultant de la réalisation de moyens d’essais supplémentaires et du doublement du coût des infrastructures devant respecter l’évolution des normes de sécurité et d’environnement et les amener au niveau de celles en vigueur pour le nucléaire civil » (182).

● Initialement, la France devait se doter de six bâtiments ; ce nombre a été ramené à quatre. Compte tenu du nouveau contexte budgétaire, est-il envisageable de diminuer encore le nombre de SNLE en service opérationnel ?

En septembre 2009, Gordon Brown, alors Premier ministre du Royaume-Uni, a ouvert la porte à une révision de la capacité océanique de son pays en suggérant le retrait d’un des quatre sous-marins en service. Le changement de majorité parlementaire au printemps 2010 n’a pas mis un terme au débat : le maintien de la posture de permanence en mer de la dissuasion nucléaire britannique est désormais analysé comme une éventuelle variable budgétaire. Cette solution a été rapidement écartée en France : pour assurer la permanence à la mer, il faut disposer de trois bâtiments opérationnels, c’est-à-dire qu’il faut qu’aucun d’entre eux ne soit immobilisé pour entretien.

Question écrite n° 59330 publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 29 septembre 2009

M. Élie Aboud attire l’attention de M. le ministre de la défense sur la proposition du premier ministre britannique de réduire de quatre à trois le nombre de sous-marins nucléaires de nouvelle génération d’ici à 2024 dans le cadre de la renégociation du traité de non-prolifération. Les raisons d’une telle prise de position sont évidentes au plan économique, elles n’en demeurent pas moins au niveau stratégique sujette à interrogation. Quoi qu’il en soit, il lui demande de bien vouloir le tenir informé de la position française en la matière.

Réponse du ministre de la défense publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 8 décembre 2009

Lors du sommet du Conseil de sécurité des Nations unies du 24 septembre 2009 consacré à la non-prolifération et au désarmement nucléaire, le Premier ministre britannique a déclaré vouloir étudier la possibilité de réduire de quatre à trois le nombre des nouveaux sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) dont la marine britannique avait prévu de s’équiper d’ici à 2024. Cette déclaration, assortie de précautions, s’inscrit dans la perspective de la prochaine réunion d’examen du traité de non-prolifération (TNP), mais sa concrétisation demeure à ce stade totalement hypothétique. Cette hypothèse ne remet pas en question le dispositif opérationnel français de dissuasion nucléaire qui repose sur une composante aéroportée et une composante océanique, cette dernière étant fondée sur l’impératif absolu du maintien en permanence d’un SNLE à la mer, ultime garantie permettant de disposer d’une capacité de frappe en second. La permanence à la mer repose sur la nécessaire prise en compte, à la fois des besoins liés au recouvrement des patrouilles, à l’entraînement des équipages et à la capacité d’adaptation aux aléas. Cette triple exigence nécessite de disposer de trois SNLE dans le cycle opérationnel, (hors période de grands travaux). Ce besoin est conforté par le retour d’expérience de quarante ans de mise en œuvre de la force océanique stratégique avec plusieurs centaines de patrouilles réalisées. Ainsi, la cible de quatre SNLE (trois dans le cycle opérationnel et un en grands travaux ou en essais) est aujourd’hui le meilleur compromis pour assurer la permanence à la mer, maintenir la compétence et la rentabilité d’un chantier industriel avec une chaîne d’entretien continue et disposer d’un rythme de patrouilles et d’un nombre d’équipages raisonnables pour garantir le flux et la qualité de la ressource humaine. À cet égard, le programme de sous-marin lanceur d’engins de nouvelle génération (SNLE-NG), lancé en 1986 et destiné à remplacer les SNLE de type Le Redoutable, comprend la construction de quatre bâtiments. Le Triomphant a été le premier SNLE-NG admis au service actif en mars 1997, suivi du Téméraire en décembre 1999, puis du Vigilant en novembre 2004. La construction du quatrième et dernier SNLE-NG, Le Terrible, qui succédera à L’Inflexible, dernier SNLE de type Le Redoutable, a été lancée en octobre 2000. Il sera livré en 2010. L’objectif de disposer de quatre SNLE, format stratégique minimum pour garantir la sécurité de la nation et la protection de tous les Français, a été d’ailleurs réaffirmé dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, qui définit la nouvelle stratégie française de sécurité nationale.

● Le centre d’analyse et de prévention des risques internationaux a établi que 33 sous-marins nucléaires lanceurs d’engin étaient en service dans le monde en 2008 : 12 bâtiments américains (auxquels il fait ajouter quatre sous-marins nucléaires lanceurs de missiles de croisière), 12 bâtiments russes (plus neuf sous-marins nucléaires lanceurs de missiles de croisière de classe Oscar), quatre bâtiments britanniques de la classe Vanguard, quatre bâtiments français et un chinois dont la capacité opérationnelle est toutefois sujette à caution. Sont en projet une nouvelle classe de SNLE américains devant succéder aux actuels Ohio à l’horizon de 2030. De même, la Russie construit quatre SNLE Borei et la Chine a engagé la construction de son quatrième SNLE.

Le principal enjeu pour les SNLE est celui de la non-détection. La Russie a annoncé au printemps 2010 le développement d’un programme de recherche, Konopus ST, visant à se doter d’un satellite susceptible de détecter les sous-marins en plongée pour une mise en orbite en 2011. La mise au point d’un tel système obligerait à repenser le concept d’emploi de la composante océanique de la dissuasion.

d) Les transmissions

Le Livre blanc souligne que « la crédibilité de la dissuasion repose […] sur la garantie donnée au Président de la République qu’il peut, à tout moment, donner des ordres aux forces nucléaires. Les moyens de transmission utilisés pour acheminer ces ordres doivent donc répondre à des exigences très élevées de sûreté, de disponibilité permanente et de résistance à toute forme d’agression. Cette capacité repose sur des réseaux fixes d’infrastructure, des stations d’émission vers chacune des composantes et un système de dernier recours » (183). Ces réseaux doivent pouvoir résister à des agressions mécaniques et électromagnétiques tout en garantissant une confidentialité absolue.

La France dispose de plusieurs réseaux pour remplir cette mission. Les réseaux Ramses III et IV sont des réseaux maillés durcis dont Thalès Communications est le maître d’œuvre. Mis en service en 2005 et 2006, Syderec (système en dernier recours) est un réseau d’acheminement des communications essentielles vers les forces nucléaires notamment océaniques, en cas de neutralisation des autres moyens. L’escadron Syderec des forces aériennes stratégiques opère à partir d’aérostats captifs. Le maintien en condition opérationnel est assuré par Thalès Communications. Transoum est un programme de pérennisation des centres de transmission principalement dédiés à la composante océanique mais pouvant également être utilisés pour la composante aéroportée et pour les sous-marins nucléaires d’attaque.

Les crédits des transmissions apparaissent dans la sous-action 23 « assurer la crédibilité technique de la posture – toutes opérations » de l’action 6 « Dissuasion » du programme 146. En 2009, ces programmes ont représenté une dépense de 236,4 millions d’euros en AE et de 122,5 millions d’euros en CP. Le PLF 2011 prévoit plus de 165 millions d’euros en AE et près de 85 millions d’euros en CP. Les études amont liées à ces systèmes sont prises en charge par le programme 144.

3. La crédibilité technique de la dissuasion française

L’instruction 1516 relative au déroulement et à la conduite des opérations d’armement rappelle que « les opérations d’armement relatives aux systèmes nucléaires militaires ainsi qu’aux installations et moyens de soutien et de transport associés font l’objet de dispositions spécifiques régies par le Premier ministre. Celles-ci tiennent compte en particulier des attributions respectives du commissariat à l’énergie atomique précisé par le décret n° 70-878 du 29 septembre 1970 modifié relatif au commissariat à l’énergie atomique, du délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la défense (DSND) et de l’inspecteur des armements nucléaires (IAN). La définition, l’acquisition et le maintien des niveaux de sécurité nucléaire exigés pour les systèmes nucléaires font l’objet d’instructions spécifiques qui définissent le déroulement, la méthodologie et les procédures applicables aux opérations d’armement correspondantes. Une décision périodique du Premier ministre (“œuvre commune”) définit les responsabilités respectives du ministère de la défense et du CEA pour la conduite des opérations concernant les armes et les chaufferies nucléaires de propulsion navale. […] Des procédures et des structures de suivi particulières pour ces opérations sont mises en place » (184).

Fiche de synthèse du système de forces « Dissuasion »

Plan prospectif à 30 ans du ministère de la défense, DGA, 2009

Fonctions à remplir

Le système de forces « Dissuasion » est au cœur des moyens qui assurent l’autonomie stratégique française. Il englobe tous les moyens nécessaires à la mise en œuvre de la dissuasion : porteurs (sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, avions dédiés), vecteurs (missiles aérobies ou balistiques), armes et simulation, ainsi que les moyens nécessaires de commandement, de transmissions, de transport, de soutien et de protection.

Le concept français de dissuasion a été réaffirmé par le discours du Président de la République à Cherbourg le 21 mars 2008. Les principes qui sous-tendent la doctrine française de dissuasion n’ont pas changé, mais celle-ci s’adapte aux évolutions stratégiques du contexte du XXIe siècle en prenant en compte l’évolution des menaces.

La dissuasion nucléaire demeure un fondement essentiel de la stratégie de défense nationale et a pour objet de préserver la France de toute agression d’origine étatique contre ses intérêts vitaux, d’où qu’elle vienne et quelle qu’en soit la forme. Garantie ultime de sa sécurité, elle permet également de préserver l’indépendance et l’autonomie stratégique de la France. Strictement défensive, la dissuasion doit permettre également, le moment venu, face à un adversaire qui se méprendrait sur la délimitation de nos intérêts vitaux, de procéder à un avertissement nucléaire qui marquerait notre détermination à les sauvegarder. Il serait destiné à rétablir la dissuasion.

La crédibilité de la dissuasion repose sur un triptyque : une volonté nationale (crédibilité politique), des capacités (crédibilité technique et opérationnelle) et la prise de conscience par un adversaire potentiel de ces deux données.

Les moyens dédiés à la dissuasion nucléaire sont définis, dans leur volume et leurs caractéristiques, à un niveau de stricte suffisance qui est régulièrement réexaminé pour l’adapter aux contextes politique et stratégique. La capacité nucléaire repose sur des moyens aux caractéristiques techniques différentes et complémentaires : des missiles balistiques équipant la composante océanique, emportés par des sous-marins nucléaires, et des missiles à trajectoire aérobie pour la composante aéroportée. Elle repose aussi sur d’autres moyens indispensables dont les transmissions stratégiques qui constituent le lien fondamental entre l’autorité politique, le commandement opérationnel et les forces nucléaires.

Problématiques et ambitions

Les nécessaires adaptations de nos moyens face à l’évolution du contexte stratégique du XXIe siècle et à l’évolution des menaces doivent permettre de répondre aux besoins politiques en conservant l’invulnérabilité de nos porteurs, la capacité à pénétrer les défenses adverses (dont les défenses anti-missiles) et la capacité à transmettre de manière permanente et fiable les ordres aux forces nucléaires.

La satisfaction des besoins du système de forces « dissuasion » nécessite de pouvoir concevoir et réaliser, en toute autonomie nationale l’essentiel des systèmes d’armes nécessaires à l’exercice d’une dissuasion crédible pour un agresseur potentiel. La possession et le maintien à niveau permanents des capacités associées, scientifiques et techniques, industrielles et étatiques, de haut niveau contribuent aux besoins capacitaires liés à la crédibilité technique des systèmes d’armes nucléaires et à la crédibilité opérationnelle des forces.

La dissuasion, avec ses exigences spécifiques (indépendance nationale, confidentialité) évolue dans un environnement industriel, réglementaire et économique marqué par des contraintes croissantes. Elle s’appuie avec profit, sur des effets de dualité civilo-militaire dans plusieurs domaines, au bénéfice en premier lieu de la réduction des coûts. Elle veille à la pérennisation des sources d’approvisionnement (ex : double source) des matières, matériaux, composants, équipements… Le maintien des compétences et du savoir-faire constituent une priorité.

Capacités prioritaires à développer

Les capacités sur lesquelles repose la dissuasion sont en cours de modernisation avec notamment la mise en service du nouveau missile ASMPA / TNA et l’admission au service actif en 2010 du « Terrible » équipé du nouveau vecteur à portée accrue M51. En 2015 le M51 sera équipé de la nouvelle tête nucléaire TNO. Les rénovations à mi-vie des deux vecteurs devraient se dérouler vers 2020/2025, pour les adapter aux évolutions du contexte géostratégique et optimiser leur efficacité. Les travaux préparatoires du renouvellement à l’horizon 2030/40 des deux composantes ont également commencé pour pouvoir initialiser dans les délais impartis les programmes futurs.

Les transmissions stratégiques, véritable troisième composante, seront également adaptées et modernisées aussi bien pour le réseau métropolitain que pour les stations d’élongation.

Par ailleurs, dans le contexte d’interdiction des essais nucléaires, il est indispensable de poursuivre le programme de simulation qui regroupe les travaux de physique théorique, de modélisation et de simulation numérique et expérimentale dont les éléments les plus emblématiques sont le développement des capacités de calcul intensif (TERA) et le développement du LMJ (Laser Méga Joule).

Études engagées et à lancer

Augmentation de la portée, de la précision, des capacités de pénétration, de la manœuvrabilité et des caractéristiques de furtivité et de durcissement des matériels restent les maîtres mots pour les rénovations mi-vie et les nouvelles conceptions de systèmes face à l’évolution des menaces. Elles concernent aussi bien les missiles actuels M51 et ASMPA que les futures composantes océanique et aéroportée.

De même, pour le commandement et la conduite des opérations nucléaires, il est nécessaire de conserver un système d’information et de communication spécifique qui permette de garantir la transmission intègre et sûre des ordres et des informations jusqu’aux porteurs d’armes nucléaires.

Par ailleurs, les efforts d’investigations technologiques doivent également porter sur la maîtrise de l’efficacité des systèmes d’armes et sur les capacités d’identification de tout État agresseur de nos intérêts vitaux, en garantissant la sûreté de fonctionnement et la sûreté nucléaire des systèmes.

Les idées innovantes, ferments d’axes de recherche importants à long terme, sont : un missile balistique à très longue portée, un système d’émission électromagnétique portable à basse ou très basse fréquence, une composante océanique et une composante aéroportée de nouvelle génération.

Pour produire pleinement ses effets sur des adversaires potentiels, la dissuasion nucléaire française doit donc être triplement crédible :

- sur le plan technique, ce qui suppose un effort important en matière de simulation ;

- sur le plan opérationnel, ce qui suppose le maintien de ses deux composantes océaniques et aéroportées ;

- sur le plan politique en donnant au chef de l’État l’assurance de pouvoir transmettre ses ordres d’engagement.

Si un seul élément manque, c’est l’ensemble de la dissuasion qui perd sa pertinence.

La France a suspendu ses essais nucléaires en application du traité d’interdiction des essais nucléaires civils et militaires (TICE) conclu en septembre 1996 et ratifié par notre pays le 6 avril 1998 (185). Avec la fin des essais, le maintien de la crédibilité de la dissuasion nécessite des outils de simulation et des équipes de chercheurs de pointe en mesure de qualifier les futures armes.

C’est une des missions essentielles du CEA, au travers de sa direction des applications militaires. Il lui revient de mettre en œuvre les outils de la simulation et notamment les trois supports principaux que sont le supercalculateur TERA, AIRIX et le laser mégajoule (LMJ). Il lui incombe également de fabriquer, de maintenir en condition opérationnelle et de démanteler les têtes nucléaires dédiées aux deux composantes de la dissuasion.

La sous-action 18 « assurer la crédibilité technique de la dissuasion simulation » regroupe les crédits consacrés à ces programmes. En 2009, ils ont représenté 529 millions d’euros en AE et 528,9 millions d’euros en CP. Ils sont respectivement passés à 636,1 millions d’euros et à 585,4 millions d’euros en 2010. Le PLF 2011 prévoit quant à lui 609 millions d’euros en AE et 626,6 millions d’euros en CP.

a) Le calculateur TERA

Réalisé par la société BULL et le CEA, le supercalculateur TERA 100 a été mis en service le 27 mai 2010 au centre du CEA de Bruyères-le-Châtel.

Avec sa puissance de 1,25 petaflops, désignant la capacité de réaliser 1,25 million de milliards d’opérations par seconde, il figure parmi les plus puissants supercalculateurs du monde. Le CEA souligne que « Tera 100 offre une capacité de calcul exceptionnelle. Pour comparaison, la machine peut réaliser plus d’opérations en une seconde que ce que la population mondiale ferait en 48 heures, à raison d’une opération par seconde par personne. C’est aussi une capacité de transfert d’information équivalente à un million de personnes regardant en même temps des films HD ; et enfin une capacité de stockage équivalente à plus de 25 milliards de livres » (186).

TERA 100 est appelé à prendre le relais des précédents calculateurs : TERA-1, mis en place fin 2001 avec une capacité de 5 000 milliards d’opérations à la seconde, et TERA 10 qui, depuis 2005, effectue 60 000 milliards d’opérations à la seconde. Avec TERA 100, la France dispose d’un calculateur 20 fois plus puissant que le précédent.

Grâce à sa capacité de calcul se déclinant désormais en petaflops, TERA 100 est éligible pour intégrer le projet européen PRACE (PaRtnership for Advanced Computing in Europe). Projet du programme cadre de recherche et développement de l’Union européenne, coordonné par le centre de recherche allemand ForschungsZentrum Jülich, PRACE vise à réaliser un réseau de supercalculateurs de haute performance afin de créer une capacité européenne dans le calcul de haute performance.

TERA 100 permet donc à la France de manifester sa capacité et sa crédibilité technologique et technique. Outre son importance pour la dissuasion, ce système est un élément déterminant pour le rayonnement scientifique et intellectuel de la France.

b) AIRIX

Installé dans le polygone d’expérimentation de Moronvilliers (PEM), dans la Marne, l’accélérateur à induction de radiographie pour l’imagerie X (AIRIX) radiographie l’explosion initiale des armes nucléaires, leur amorce ou la phase pyrotechnique. Il produit un faisceau d’électrons de 20 millions d’électronvolts qui est projeté sur une cible en tantale. Les électrons génèrent des rayons X qui traversent alors l’objet à analyser. Les expériences menées dans le PEM mettent en œuvre des explosifs chimiques et des matériaux inertes qui se substituent à ceux utilisés dans une arme réelle. Cette technologie exige une maîtrise forte de la sécurité et une haute protection de l’environnement.

Dans le cadre de la revue générale des politiques publiques, le CEA souhaite constituer un pôle d’excellence en détonique et électromagnétisme et a décidé de regrouper plusieurs centres sur un seul site : le PEM, le centre du Ripault et le centre d’études de Gramat, qui a quitté la DGA pour rejoindre le CEA à compter du 1er janvier 2010. Ces trois centres travaillent effectivement dans des domaines complémentaires : Gramat est centre d’expertise pour l’évaluation des vulnérabilités des systèmes d’armes aux agressions des armes nucléaires et conventionnelles et celui du Ripault met au point de nouveaux matériaux.

Le transfert d’AIRIX au centre de Valduc s’accompagnera d’actions de gestion des obsolescences et de modernisation de l’installation ainsi que de travaux préparatoires à la réalisation de la seconde phase, c’est-à-dire l’obtention d’une capacité multiaxes et multiflashs.

c) Le LMJ

Construit dans l’enceinte du centre d’études scientifiques et techniques d’Aquitaine (CESTA) du CEA, le laser mégajoule (LMJ) permet l’étude en laboratoire du fonctionnement thermonucléaire des armes. Cet outil unique servira à « valider les modèles fondamentaux et de vérifier qu’ils prennent bien en compte la totalité des phénomènes mis en jeu et à mettre en œuvre des expériences couplant les différents processus physiques. Les expériences les plus emblématiques concerneront la combustion d’un mélange de deuterium et de tritium » (187).

Il s’agit d’une succession de miroirs, d’optiques, de lentilles amplifiant et transportant l’énergie sous forme de lumière, pour la concentrer sur une microcible sphérique de deux millimètres de diamètre, comme le montre le schéma ci-après.

Principe de fonctionnement du LMJ

Le Laser Mégajoule (LMJ). Crédit CEA

Source : www.cea.fr.

Décidé en 1995 et engagé en 2003, le chantier de construction du LMJ a débuté par son bâtiment d’accueil achevé en 2008 : long de 300 mètres, large de 100 m et haut de 50 m, cet ouvrage a exigé plus de béton et d’armatures que le viaduc de Millau. Les exigences de stabilité et de propreté des lieux conditionnent la fiabilité des expériences qui y seront menées.

La construction du LMJ, qu’il s’agisse du bâtiment ou du laser proprement dit, est estimée à 3 milliards d’euros sur 15 ans. De nombreuses entreprises participent à ce projet, comme le montre le graphique suivant.

Sous-ensembles industriels du LMJ

 Crédit CEA

Source : www.cea.fr.

Bien que le LMJ constitue l’élément central du programme de simulation, il a été décidé d’en retarder l’entrée en service « jusqu’en 2014 » (188), les arbitrages budgétaires donnant la priorité à l’équipement opérationnel des forces. Cette décision est préoccupante car elle montre que la dissuasion n’est plus un système à part de la défense française mais subit elle aussi les aléas budgétaires.

C. LES TENTATIONS FRANÇAISES DE CHANGEMENT DE DOCTRINE

1. La dissuasion, assurance-vie du dispositif français de défense

S’inscrivant dans la continuité du Livre blanc, le concept d’emploi des forces de 2010 souligne que « la dissuasion nucléaire demeure la garantie ultime de la sécurité de la France et s’appuie sur deux composantes crédibles et complémentaires. Elle traduit la volonté et la capacité permanente de faire redouter à un État des dommages inacceptables et hors de proportion avec l’enjeu d’un conflit, s’il s’en prenait aux intérêts vitaux de la France, de quelque façon que ce soit » (189).

Comme le souligne justement Francis Gutman, « l’arme nucléaire est bien l’ultime sauvegarde » dont les États européens ne doivent pas se départir. Il met clairement en garde contre les conséquences d’un renoncement nucléaire, considérant qu’il « faudra bien que les Européens finissent par se départir de l’illusion commode, mais dangereuse, que les Américains seront toujours là pour les défendre ». Les conditions d’emploi et le contexte international ont certes changé et « l’arme atomique n’est plus l’arme absolue qu’elle a paru être dans le passé […]. Mais il serait absurde d’en tirer argument pour y renoncer. Elle reste en effet l’arme suprême pour la grande majorité des situations, celles où un agresseur sera dissuadé d’attaquer la France, car il ne voudra pas s’exposer au risque d’être totalement ou partiellement détruit » (190).

Si l’existence de la dissuasion ne semble pas possible à remettre en cause, sauf à renoncer à tout exercice autonome de notre souveraineté, les modalités de sa mise en œuvre sont régulièrement critiquées. Il lui est en effet souvent reproché d’absorber un volume trop conséquent de crédits et de priver ainsi la défense et l’État de marges de manœuvre. Dans ce contexte, certains proposent de réduire le schéma d’emploi et de supprimer une des deux composantes de la dissuasion.

2. L’erreur de la suppression d’une composante

Arguant de possibles économies sur le budget de la défense, il est parfois proposé de supprimer une des deux composantes de la dissuasion. La France consacre en effet chaque année près de 3,5 milliards d’euros et d’aucuns seraient tentés de minorer ces dépenses. Ces montants sont difficiles à retracer car ils relèvent de plusieurs budgets et font intervenir de très nombreux acteurs.

La France a d’ores et déjà réduit de manière conséquente sa dissuasion en abandonnant la composante terrestre, en renonçant aux essais nucléaires, en arrêtant la production de matières fissiles et en démantelant les installations de production desdites matières. Par ailleurs, le Président de la République a décidé que notre arsenal serait désormais limité ; la LPM a repris cet engagement en indiquant que « le nombre d’armes nucléaires, de missiles et d’avions de la composante aéroportée sera réduit d’un tiers. Après cette réduction, l’arsenal de la France comprendra moins de 300 têtes nucléaires ». Cette réduction du format a conduit à la suppression d’un des trois escadrons de chasse des FAS.

Ce choix place la France en relative position de supériorité vis-à-vis du Royaume-Uni, le nouveau gouvernement britannique ayant annoncé le 26 mai 2010 que le nombre de ses têtes nucléaires ne dépassera pas 225.

Le 27 avril 2010, le ministre de la défense s’est inscrit dans la continuité du Livre blanc  en rappelant que « la question de la double composante de notre force de dissuasion a été traitée dans le Livre blanc et examinée lors d’un conseil de défense. Le président de la République a choisi de la maintenir car, sans elle, notre défense perdrait un élément de souplesse. L’avertissement nucléaire en présence d’une menace contre nos intérêts vitaux est en effet rendu possible par la composante aérienne, davantage que par les missiles M 51. Il y va donc de la crédibilité de notre dissuasion nucléaire. En outre, l’essentiel de l’effort budgétaire correspondant a déjà été réalisé ». Il a également précisé qu’il est impossible de réduire encore le format, et de générer des économies, « sauf à accepter le risque de ne pas assurer la permanence à la mer 365 jours par an ; mais dès lors la dissuasion perd une partie de son sens. C’est à peu près la même chose pour la composante aéroportée » (191).

Outre l’impact opérationnel, la suppression ou l’altération d’une des deux composantes aurait des conséquences industrielles et technologiques fortes. Comme le rappelle le plan prospectif à 30 ans du ministère, « l’efficacité des systèmes de la dissuasion ne peut souffrir de rupture sans que la crédibilité du système de forces n’en soit durablement affectée. La complexité technologique, ainsi que le niveau élevé d’intégration qui caractérisent ces systèmes, conduisent à des délais pour toute adaptation très conséquents » (192). Il convient en effet de rappeler que l’effort militaire en termes de dissuasion contribue à tirer vers le haut la recherche fondamentale française. Le CEA est par exemple aujourd’hui reconnu comme un des centres de recherche les plus avancés en matière de « connaissance du vivant » grâce aux travaux sur la radiobiologie engagés dès les années 1960 avec les premiers essais nucléaires français.

La doctrine du Gouvernement a reçu le soutien de parlementaires de toutes les formations politiques à l’instar de Jean-Claude Viollet, député PS de Haute-Vienne qui s’est étonné du fait que, «  en dépit de l’existence du Livre Blanc, on continue de discuter de sujets qui ont déjà fait l’objet d’arbitrages. Si nous diminuons encore notre force nucléaire, nous descendrons en dessous du niveau de suffisance et perdrons notre crédibilité. Dès lors, on doit s’en tenir aux deux composantes actuelles de notre dissuasion, soit quatre SNLE et deux escadrons aéroportés, qui sont indispensables et complémentaires. La force aérienne représente un outil d’appui politique majeur en raison de son caractère démonstratif, de sa réversibilité et de sa capacité de frappes ciblées ». Il a ajouté, comme le ministre l’avait fait que « les investissements ont déjà été réalisés. Pourquoi donc réduire encore notre armement nucléaire ? » (193).

Toutefois, plusieurs députés de la majorité, à l’exemple d’Axel Poniatowski, président de la commission des affaires étrangères, soulignent que « les parlementaires ont toute liberté de rouvrir une discussion sur quelque sujet qu’il soit ». Yves Fromion fait quant à lui valoir que « le Livre blanc [n’] interdit pas de réfléchir sur la nature [des composantes de la force de dissuasion]. Ainsi, la question des avions ravitailleurs se pose pour la crédibilité de la composante aéroportée. Des évolutions restent à imaginer en matière de vecteurs. La dissuasion nucléaire n’est pas quelque chose de figé, cela ne doit pas être une nouvelle ligne Maginot ; toutefois, elle peut le devenir si les choix stratégiques et technologiques restent inchangés » (194).

Ce débat intervient moins d’un an après le vote de la LPM 2009-2014 qui confirme l’existence de deux composantes à savoir la composante océanique avec les SNLE armés de missiles M51 et la composante aéroportée avec les Rafale et les Mirage 2000 N K3 armés des missiles ASMP-A. La loi prévoit également la rénovation des ravitailleurs dans l’attente de l’entrée en service des MRTT. Aucun élément stratégique majeur est intervenu depuis l’été 2009 de nature à remettre en question la double composante de la dissuasion nucléaire.

Sur le plan financier, la suppression d’une composante ne dégagerait que des économies mesurées. Sur les vingt ans à venir, le gain serait ainsi de l’ordre de deux milliards d’euros, hors coûts induits qu’il s’agisse des dépenses de démantèlement ou du reclassement des personnels. Par ailleurs, une telle décision constituerait un signal négatif très fort à l’encontre des militaires mais aussi de l’ensemble de la communauté scientifique.

3. Quelle coopération pour la dissuasion ?

Pour éviter de renoncer à notre dissuasion, il est parfois proposé de mutualiser cet instrument avec nos partenaires européens. Il convient de rappeler qu’à l’exclusion du Royaume-Uni, aucun membre de l’Union ne dispose de l’arme nucléaire. Dans ce cadre, la coopération se résumerait à ce que la France accepte de mettre à la disposition de ses alliés l’outil qu’elle a financé sur ses fonds propres.

Une coopération bilatérale avec le Royaume-Uni serait quant à elle extrêmement difficile à mettre en œuvre et ne dégagerait pas d’économies réelles, sauf à ce que les Britanniques acceptent, contre rémunération, de confier à la France par exemple la maintenance de leurs têtes nucléaires. Cette option apparaît peu envisageable car il faudrait qu’ils renoncent à leur autonomie. Un tel choix serait par ailleurs en contradiction formelle avec les efforts engagés pour remettre à niveau leurs centres de recherche ces dernières années.

Enfin, l’argument le plus fort s’opposant à une éventuelle coopération nucléaire est celui de son emploi. « Aujourd’hui comme hier, on ne peut pas être plusieurs à “appuyer sur le bouton”, ne serait-ce que parce que toute concertation préalable serait incompatible avec la crédibilité d’une riposte immédiate. Il s’y ajoute le fait que la dissuasion nucléaire ne doit jouer qu’en cas de menaces sur les intérêts vitaux et que tous les pays européens n’auraient pas toujours la même vision de ces intérêts » (195).

II. —  COMMANDEMENT ET MAÎTRISE DE L’INFORMATION

La connaissance et l’anticipation ont toujours été des clés de la supériorité stratégique. La collecte et l’analyse de l’information donnent aux autorités politiques et militaires une autonomie de décision et d’action. Le Livre blanc a érigé en fonction stratégique à part entière la fonction « Connaissance et anticipation », soulignant en cela la priorité donnée au développement des technologies nécessaires pour collecter et analyser les renseignements. Le développement d’équipements hautement sophistiqués ne doit cependant pas reléguer au second rang le renseignement d’origine humaine. Il est impératif de conserver cette capacité tant au niveau stratégique, notamment par les personnels de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), qu’au niveau tactique grâce aux unités spécialisées des armées.

Venant naturellement prolonger les missions autour du renseignement, les fonctions de commandement et de communication doivent assurer aux décideurs politiques et militaires une fiabilité et une disponibilité maximales permettant un lien permanent entre les plus hautes autorités et les unités engagées sur des théâtres d’opération.

Fiche de synthèse du système de forces « commandement et maîtrise de l’information »

Plan prospectif à 30 ans du ministère de la défense, DGA, 2009

Fonctions à remplir

Le système de forces « commandement et maîtrise de l’information » est, par construction, le principal contributeur à la fonction stratégique « connaissance et anticipation ». Il participe également notablement à la fonction stratégique « intervention » au travers de moyens de commandement et de communication. Sa contribution à la fonction « protection » intègre des moyens de détection et de conduite des opérations de sûreté.

Problématiques et ambitions

Le système de forces « commandement et maîtrise de l’information » construit les capacités de la fonction « connaissance et anticipation » en mettant l’accent sur le renseignement de veille stratégique au travers de capacités spatiales à renouveler périodiquement mais aussi en élargissant la gamme de capteurs notamment dans les domaines tactique et opératif avec un recours plus large aux drones.

Le système de forces « commandement et maîtrise de l’information » développe en parallèle les capacités de transmission en phase avec les besoins de collecte des données capteurs pour irriguer les centres d’analyse ainsi que les centres de décisions pour la veille et les engagements.

Enfin, le système de forces « commandement et maîtrise de l’information » construit une infrastructure de commandement qui irrigue tous les niveaux de stratégique à tactique. Cette infrastructure s’insère, grâce aux réseaux de communications mobiles tactiques, dans les capacités des autres systèmes de forces comme le reste de l’offre de services offerte par CMI pour la maîtrise des données géophysiques, du positionnement et de la navigation.

Capacités prioritaires à développer

Les priorités du système de forces « commandement et maîtrise de l’information » se structurent au sein des capacités maîtresses du système de forces :

- Pour les capacités des « systèmes de surveillance, d’acquisition, de reconnaissance et de renseignement », il s’agit de gérer le renouvellement des capteurs (projets spatiaux cycliques) de développer les capacités d’orientation et d’exploitation du renseignement et la montée en puissance de nouveaux vecteurs de théâtre (drones) ;

- Pour la capacité « commander et conduire », il s’agit de construire une capacité interarmées pour structurer l’exploitation de l’information et rationaliser les infrastructures de commandement en pilotant l’ouverture à l’OTAN. Il s’agit aussi de développer l’apport des services géophysiques et d’environnement aux capacités des autres systèmes de forces ;

- Pour la capacité de « communications » la priorité est à la rénovation des moyens d’infrastructure et à l’introduction d’un socle communiquant offrant le haut débit mobile sur le champ de bataille au profit des opérations en réseaux ;

- Transverse : il s’agit de développer une logique de service au profit des autres systèmes de forces en termes de systèmes tant de communications, que de positionnement et de navigation, ainsi que d’accès aux données d’environnement géophysique mais aussi d’acquisition de services (depuis les télécommunications jusqu’à la mise en œuvre de drones) auprès d’opérateurs.

Études prioritaires à lancer

Les études à lancer de manière prioritaire sont associées aux objectifs suivants :

- Maintenir l’efficacité de protection des informations ;

- Assurer le déploiement dans le cyberespace ;

- Assurer la continuité territoriale ;

- Accéder au haut débit de théâtre ;

- Optimiser les moyens de recueil d’origine électromagnétique ;

- Optimiser l’emploi des vecteurs de type drone ;

- Disposer des moyens pour assurer le rôle de nation cadre ;

- Disposer d’outils d’orientation des capteurs.

Plus de 3 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et 607 millions d’euros de crédits de paiement sont inscrits dans le PLF 2011 au titre de l’action « Commandement et maîtrise de l’information ». Le PAP précise que « le financement des besoins présentés repose notamment sur une partie des 750 millions d’euros de ressources attendues de cessions de fréquences en cours de gestion 2011 pour le programme 146 ». Le document ne précise nullement la solution alternative en cas d’absence de ces recettes exceptionnelles, ce qui laisse craindre d’éventuels reports massifs de crédits, faute de financement.

A. LES SYSTÈMES D’INFORMATION ET DE COMMANDEMENT

« Dans un cadre par essence national et multinational, civil et militaire, et dans des conditions de sécurité appropriées, les systèmes d’information opérationnels et de communication (SIOC) des forces armées doivent garantir la disponibilité, la continuité, la pertinence et la protection de l’information nécessaire à l’exercice des quatre fonctions stratégiques de prévention, protection, projection et dissuasion. Ils doivent permettre d’interconnecter les fonctions opérationnelles par leurs capacités de collecte, de traitement et d’échange des informations relatives aux adversaires, aux menaces et à l’environnement » (196).

Les SIOC relient l’ensemble de la chaîne de commandement et d’exécution, du chef de l’État au combattant engagé sur un théâtre d’opération. Ils sont le cœur de l’action militaire : sans transmission de l’information et des ordres, le système de défense le plus sophistiqué est inerte face à une menace.

Une anecdote, mentionnée par le rapport final de la commission nationale sur les attaques terroristes contre les États-Unis du 11 septembre 2001, permet de bien comprendre la nécessité de disposer d’un système d’information et de commandement unifié et opérationnel. Dès 9 heures 30, alors que deux avions civils se sont déjà écrasés sur les tours jumelles du World Trade Center (respectivement à 8 heures 46 et à 9 heures 03), le centre de commandement militaire du Pentagone organise une conférence au sommet entre les plus hautes autorités militaires, la Maison blanche et le président en déplacement en Floride. Il est alors précisé par les rapporteurs que « les standardistes vont faire leur possible pour que [l’administration de l’aviation civile] puisse participer à la conférence mais des problèmes d’équipement ajoutés à la difficulté de trouver les numéros de téléphone protégés vont les retarder » (197). Deux autres avions civils s’écrasent à 9 heures 38 sur le Pentagone et à 10 heures 03 en Pennsylvanie.

En France, les systèmes mis en œuvre au sein du ministère de la défense font l’objet, depuis plusieurs années, de vives critiques, y compris en interne. « Jusqu’à présent, les systèmes d’information opérationnels et de communication ont été pensés et construits par “milieu” : ils répondaient à des besoins spécifiques, dans une logique de composante. Les besoins d’interopérabilité étaient perçus de façon variable par les armées et les services, selon leurs besoins propres. […] La logique programmatique, la difficulté de préciser le besoin opérationnel, la volonté industrielle de pérenniser certains grands programmes, une communication parfois peu claire sur les objectifs à atteindre et une utilisation réduite des organismes de pilotage expliquent le foisonnement de systèmes et les difficultés d’interopérabilité. […] Une telle situation ne peut perdurer. Non-satisfaisante au plan fonctionnel, elle le serait encore moins en matière opérationnelle. En tout état de cause, les financements nécessaires à la poursuite d’une telle politique ne pourront plus être trouvés, car sa logique est indéfendable » (198).

Face à la multiplication et à la dispersion des systèmes, solutions coûteuses budgétairement et peu opérationnelles, la décision a été prise de les faire converger vers un système d’information unique d’ici à 2020. Cette convergence impose de cerner précisément les besoins des différentes composantes du ministère de la défense, de les harmoniser autant que faire se peut et de développer ou d’acquérir les technologies idoines. Chacune de ces étapes s’avère aujourd’hui particulièrement délicate. Dans un premier temps, chaque force développe son propre système de convergence (SI Terre, SIC 21 pour la marine, SCCOA pour l’armée de l’air). Ces systèmes devront à terme s’intégrer dans le SIA, système d’information des armées.

Outils technologiques relativement nouveaux, les systèmes d’information et de commandement obéissent à des logiques techniques et industrielles très éloignées de celles mises en œuvre pour les autres équipements militaires. La défense et notamment la DGA, ainsi que les industriels de l’armement l’ont appris à leurs dépens avec le programme SIC Terre auquel l’avis budgétaire sur les crédits d’équipement des forces pour 2010 (199), consacre de longs développements.

Afin de rassembler les programmes et opérations des 14 systèmes d’information opérationnels et de commandement (SIOC) de l’armée de terre, la DGA a notifié en janvier 2005 un contrat de maîtrise d’œuvre industrielle à Thalès (pour 70 %) et EADS-défense et Sécurité (30 %). L’opération d’ensemble des systèmes d’information et de commandement de l’armée de terre (OE SIC Terre) était alors évaluée à 230 millions d’euros sur 7 ans. La maîtrise d’ouvrage a été assurée par la DGA sans assistance à maîtrise d’ouvrage alors que des compétences extérieures (CAP GEMINI en l’occurrence) avaient été sollicitées pour définir préalablement les contours du programme.

Après quatre années de développement, ni les performances techniques, ni le calendrier ne sont respectés. En mars 2009, la DGA et l’armée de terre résilient le contrat aux torts exclusifs des industriels. Cette résiliation est présentée dans le rapport annuel de performance de 2009 comme une « réorientation » des différentes composantes du programme vers le programme SCORPION et le nouveau programme SI Terre. Aucune explication n’est officiellement avancée. Mais 102,7 millions d’euros de crédits de paiements ont été consommés sur cette ligne en 2009 (sur 159,4 millions d’euros programmés en loi de finances initiale).

Cet échec patent, associé à un gaspillage budgétaire, impose un changement d’approche complet de la conduite de tels programmes : on ne bâtit pas un système d’information comme on construit un bâtiment de la marine nationale. Une vigilance particulière doit être portée sur le suivi de ces programmes afin d’éviter la répétition des dérives observées autour de SIC Terre.

L’absence de responsable unique des systèmes d’information et de commandement au sein du ministère est une première source d’inquiétude. Entre l’état-major des armées, l’unité de management « Espace et systèmes d’information opérationnels » de la DGA, la direction générale des systèmes d’information et de communication (DGSIC) et la direction interarmées des réseaux d’infrastructures et des systèmes d’information de la défense (DIRISI), le partage des tâches, et donc des responsabilités, est pour le moins opaque, ce qui n’est pas un gage d’efficacité. Certes, l’instruction générale 1516 relative au déroulement et à la conduite des opérations d’armement affirme la prééminence de l’objectif directeur des SIOC validé en comité des capacités. Elle crée également un comité de convergence des SIOC, chargé de conduire la rationalisation des systèmes, qui émet un avis pour chaque opération afin de garantir la cohérence d’ensemble. La complexité du dossier ne justifie cependant pas la multiplication des organismes et des organigrammes.

1. Les systèmes d’information de l’armée de terre

La réorientation du programme SIC Terre répartit plusieurs composantes du programme dans d’autres opérations (SI Terre, SIA, SCORPION). Une telle démarche va à l’encontre de l’intention initiale de regroupement des SIOC et soulève des interrogations quant à la cohérence d’ensemble.

Il est aujourd’hui très difficile de synthétiser l’ensemble des moyens budgétaires mobilisés sur les systèmes d’information et de commandement de l’armée de terre. Le contrôle parlementaire sur ces crédits s’en trouve limité. Le rapporteur le regrette vivement compte tenu de l’expérience antérieure de SIC Terre.

2. Le SIC 21 de la marine nationale

Ce programme englobe le développement et la réalisation d’un système d’aide au commandement et à la conduite des opérations pour la marine nationale. Il doit s’inscrire dans une logique interarmées et être interopérable avec des systèmes étrangers afin de permettre à la France d’assumer un rôle de nation cadre dans des opérations menées en coalition.

99 sites (à terre et embarqués) doivent être ainsi équipés. Les ultimes commandes sont programmées pour 2010. La maîtrise d’œuvre industrielle a été confiée à Thalès, DCNS, Cap Gemini et Orpheus intervenant en tant que sous-traitants.

En 2010, ont été inscrits en loi de finances initiale 17,4 millions d’euros d’AE et 27,3 millions de CP. Pour 2011, le PLF prévoit 2,8 millions d’euros d’AE et 19,2 millions de CP. Vingt systèmes doivent être livrés en 2010 et 13 systèmes en 2011.

3. Le système de commandement et de conduite des opérations aériennes (SCCOA)

Le SCCOA est un système de systèmes qui confère aux forces une capacité de gestion globale des opérations aérospatiales à partir d’un commandement unique. « La surveillance du ciel et des approches du territoire repose sur un ensemble de radars, de centres de conduite et un centre de commandement développé et entretenu par le programme SCCOA. Ce système concourt aussi à l’entraînement et à l’engagement des forces aériennes, à la sécurité des usagers civils et militaires de l’espace aérien et au service public. Le programme SCCOA amènera les centres français de détection et de contrôle au standard OTAN d’ici 2014 et engagera le renouvellement des radars, prioritairement des radars de haute et moyenne altitude » (200).

a) Le système de commandement et conduite des opérations

Pour le général Jean-Paul Paloméros, chef d’état-major de l’armée de l’air, « un système de commandement et de contrôle efficace relève, entre autre, d’une maîtrise de nos réseaux d’information. Garantir à la France une puissance aérienne de premier rang, c’est garantir que celle-ci s’appuie sur des réseaux de portée mondiale, à haute performance, sécurisés et interopérables avec les autres armées, les autres ministères et nos alliés » (201).Tel est l’enjeu du programme incrémental SCCOA.

L’analyse des attentats du 11 septembre permet, une fois encore, de comprendre les enjeux d’un tel système. Selon la commission nationale sur les attaques terroristes contre les États-Unis, « le matin du 11 septembre, le président et le vice-président restent en contact téléphonique non pas de manière continue, mais par toute une série d’appels. Le président nous confiera sa frustration due à la mauvaise qualité des communications ce matin-là. Il y eut un long moment où il n’arrivait pas à joindre les hauts responsables, y compris le Secrétaire Rumsfeld. La ligne avec la salle de conférence souterraine de la Maison Blanche – et avec le vice-président – était régulièrement coupée » (202).

Dans le cadre de SCCOA 3, la maîtrise d’œuvre du système de commandement et de conduite des opérations aériennes a été confiée à la société Moss SAS, société commune créée par EADS et Thalès.

En unifiant le commandement et la conduite des opérations et en centralisant les informations recueillies par plusieurs types de capteur, la France se donne une capacité de réactivité forte. L’objectif est de réduire « la boucle temporelle » entre l’observation, l’orientation, la décision et finalement l’action. Sur un plan organique, le SCCOA est mis en œuvre par le commandement de défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA).

En 2009, 198,3 millions d’euros d’AE et 171,1 millions d’euros de CP ont été consommés sur ce programme La loi de finances initiale pour 2010 a prévu 291,8 millions d’euros d’AE et 48,6 millions d’euros de CP. Lors de sa réunion du 12 octobre 2009, le comité ministériel d’investissement a décidé le lancement du stage de conception du SCCOA 4. Le PLF pour 2011 prévoit quant à lui 123,2 millions d’euros d’AE et 69,7 millions d’euros de CP.

Dans le même temps, l’OTAN développe le système de commandement et de contrôle aérien de capacité 1 (ACCS), qui vise à harmoniser les matériels et logiciels en Europe pour faciliter le partage de données, SCCOA 4 devant s’y intégrer. Une mise en place trop rapide du SCCOA 4 par rapport au ACCS pourrait être source de dysfonctionnement et nécessiter des ajustements technologiques ultérieurs particulièrement coûteux. Cette interrogation montre la difficulté de coordonner un programme national et son interopérabilité avec des systèmes étrangers ou otanien également en cours de développement.

La France souhaite conserver la totale maîtrise du flux des données nationales vers l’organisation internationale. Pour les exercices de la force aérienne stratégique, le contrôle des données concourt en effet à préserver la souveraineté nationale sur la dissuasion. L’interopérabilité avec nos alliés ne doit pas amener à renoncer à toutes les parcelles de souveraineté.

Dans le cadre de la révision budgétaire de l’été 2010, SCCOA 4 a été décalé dans le temps. Ce report pourrait trouver sa justification dans les retards pris par l’OTAN pour mettre en place l’ACCS.

Ce report pose toutefois le problème du traitement des obsolescences de certains radars nationaux. Aujourd’hui, une panne technique peut rendre « aveugle » les autorités militaires sur certaines zones géographiques. Compte tenu du niveau élevé de risque auquel la France est aujourd’hui exposée, un tel déficit capacitaire est-il supportable ?

Aborder le programme SCCOA 4 dans sa seule globalité afin de lui donner une visibilité budgétaire d’ensemble trouve ici sa limite. À la moindre difficulté, c’est l’ensemble des systèmes qui est impacté sans discernement.

b) Les radars de surveillance de l’espace aérien

Chaque jour, la France est survolée par 10 000 à 15 000 aéronefs allant des avions commerciaux aux ULM. À certaines heures de pointe, près de 800 aéronefs sont au-dessus de l’espace aérien français. Pour repérer d’éventuelles menaces, la surveillance radar de l’espace aérien est primordiale. L’analyse des données recueillies, en liaison notamment avec la direction de l’aviation civile, les aéroports et aérodromes ou avec les compagnies aériennes, permet si nécessaire d’engager des forces d’interception (avions ou hélicoptères). Ces moyens doivent pouvoir procéder à une interception en 15 minutes en tout point du territoire. Au cours du premier semestre 2010, il a été procédé à 59 interventions.

Cette posture permanente de sûreté exige, outre les moyens d’intervention décrits ultérieurement, des moyens de surveillance, c’est-à-dire des radars. Les pannes techniques sur ces appareils tendent à se multiplier, rappelant l’urgence du renouvellement du parc. Les radars de haute et moyenne altitude couvrant la vallée du Rhône et le Sud-est de la France sont particulièrement fragiles : leur mise hors service fragiliserait considérablement la protection aérienne française sur deux zones stratégiques.

Les radars de haute altitude sont le TRS 22XX, radar tridimensionnel à longue portée et à balayage électronique, équipé d’une antenne tournant à six tours minute pour une portée d’environ 450 kilomètres, le TRAC 2400 qui est un radar bidimensionnel à longue portée et à balayage électronique avec une antenne tournant également à six tours minute, et les radars ARES et PALMIER.

Les radars de basse altitude et d’approche sont de trois types :

- les radars PAR-NG qui sont des radars d’approche de précision équipant les escadrons des services de la circulation aérienne (ESCA) des bases de l’armée de l’air ;

- le radar Aladin nouvelle génération durci (NGD) qui est un radar tactique et aérotransportable d’une portée d’une centaine de kilomètres ;

- le radar Centaure qui est un radar panoramique primaire et secondaire (avec une longueur d’ondes de 23 cm et antenne tournant à 12 tours par minute), à longue portée (environ 180 km) piloté à distance.

À ces moyens militaires viennent s’ajouter les radars de l’aviation civile qui partagent leurs données avec le ministère de la défense, seul habilité à procéder à des interceptions.

En 2010, deux radars PAR NG doivent être livrés dans le cadre du programme SCCOA, trois autres devant suivre en 2011.

c) Les radars de surveillance de l’espace

Le 10 février 2009, les satellites Iridium 33 et Kosmos 2251 se sont percutés à 800 kilomètres d’altitude. Plusieurs fois par semaine, des avertissements pour « risque de collision » sont émis. En moyenne, trois à quatre manœuvres de satellites sont nécessaires chaque année pour éviter un tel incident. Mais manœuvrer un satellite signifie consommer prématurément son carburant et altérer provisoirement son positionnement dans l’espace. Ces manœuvres vont pourtant être à l’avenir de plus en plus fréquentes en raison de l’encombrement spatial. Maîtriser la surveillance de l’espace est donc crucial.

À l’issue de leur réunion informelle à Kourou les 21 et 22 juillet 2008, les ministres de l’Union européenne chargés des questions spatiales ont émis le souhait de mettre en place au niveau de l’Union européenne un système de surveillance de l’espace. La LPM, adoptée un an plus tard, affirme que la France doit disposer d’une « capacité opérationnelle nationale » tout précisant que « compte tenu de son intérêt stratégique pour l’Europe, une coopération européenne est recherchée sur le programme de détection et d’alerte avancée », c’est-à-dire un programme s’appuyant sur des capacités radars communes à la surveillance de l’espace. Difficile de discerner la cohérence de l’ensemble, preuve si l’en est que la réflexion était insuffisamment mature.

Cette cohérence pourrait être rétablie en faisant de l’agence spatiale européenne le titulaire de la capacité de surveillance spatiale. Certes, si un État dépend d’un autre pour la surveillance de ses satellites, il peut craindre d’être manipulé par de fausses alertes le contraignant à manœuvrer un de ses satellites d’observation ou de télécommunication, ce qui rendrait ce dernier temporairement inopérant. La dévolution de cette capacité à l’ESA pose en outre un problème statutaire, l’agence étant juridiquement dédiée aux seuls usages civils de l’espace. Une révision de ces statuts s’imposerait donc ; elle obligerait à dépasser les conservatismes des différentes agences spatiales nationales, notamment les agences allemande, française et britannique, soucieuses de défendre leur pré carré militaire.

En attendant l’émergence d’une capacité européenne, la LPM a considéré que la France devait se doter d’une capacité de surveillance de l’espace. Pour ce faire, une division de surveillance de l’espace mettant en œuvre plusieurs radars a été créée au sein du commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes. Elle s’appuie sur quatre types de radars.

Le radar GRAVES (grand réseau adapté à la veille spatiale) est composé d’éléments d’émission situés à Broyes-les-Pesmes, en Côte-d’Or, et d’éléments de réception implantés sur le plateau d’Albion. Ce système mis au point par l’office national des études et recherches aérospatiales (ONERA) cartographie les objets, satellites et débris en orbite basse autour de la Terre. La superposition des cartes permet de repérer avec une précision kilométrique les positions satellitaires et leur évolution. Mais pour affiner les données et donc les risques de collision, le radar GRAVES doit être associé à des radars dits de « tracking » pour déterminer plus précisément les trajectoires des objets spatiaux.

Les radars Satam affinent les données recueillies par le radar GRAVES en définissant la trajectoire des satellites en orbite basse avec une précision accrue. La France dispose de trois radars Satam.

L’identification des objets en orbite autour de la Terre est également nécessaire et fait appel à des technologies différentes de celles utilisées pour la cartographie et la trajectographie.

En Allemagne, le système TIRA (Tracking and Imaging Radar) offre cette capacité. La LPM envisage donc une coopération avec l’Allemagne. En février 2010, le radar TIRA est entré dans une phase de révision le rendant indisponible, ne permettant plus de distinguer les satellites de communication des satellites espions des autres puissances spatiales. Toute action des forces conventionnelles ou nucléaires exigeant un niveau élevé de discrétion se trouve dès lors exposée aux regards des satellites.

Sur un strict plan technologique, la France dispose pourtant d’un radar similaire au TIRA mais embarqué à bord du bâtiment d’essais et de mesures de la DGA, le Monge. Ce navire équipé de technologies de pointe participe aux essais des missiles M 51. Les capacités de trajectographie du Monge pourraient être mobilisées temporairement et sous d’étroites conditions de confidentialité, pour suppléer le TIRA lors de ses indisponibilités. La décision française autorisant une telle mise à disposition serait un geste majeur pour la construction européenne. Elle serait conforme à l’orientation donnée par la LPM d’inscrire le radar GRAVES dans un cadre européen, notamment en l’associant au programme Space Situational Awareness (SSA) de l’agence spatiale européenne. Les radars « tracking » participent également à la capacité de détection et d’alerte avancée, face aux menaces balistiques, capacité pour laquelle la LPM recommande également une coopération européenne.

4. L’AWACS

L’E-3F SDCA (système de détection et de commandement aéroporté) est un Boeing 707 de type AWACS. Les quatre exemplaires en possession de l’armée de l’air sont installés sur la base aérienne 702 d’Avord, dans le Cher, au sein du 36e escadron de détection et contrôle aéroportés (EDCA).

Les missions accomplies par les AWACS sont nombreuses : ils participent à la défense aérienne du territoire national en ayant notamment un aéronef en alerte permanente ; ils assurent la surveillance d’événements particuliers (sommets politiques, tirs d’Ariane à Kourou…) ; ils peuvent être engagés dans des conflits de haute intensité pour accompagner des raids nucléaires ou conventionnels.

Les AWACS sont également une composante de l’outil de la dissuasion française. Ces avions mènent par ailleurs des missions de recherche et sauvetage : le 36e EDCA a par exemple été mobilisé pour participer aux recherches de débris du vol Air France 447 Rio-Paris, disparu dans l’océan Atlantique le 31 mai 2009.

De par leur capacité d’observation et d’analyse, les AWACS complètent la couverture des radars fixes limités par l’horizon et le relief. Leur apport dans la lutte contre les trafics illégaux et contre la piraterie est majeur. La large couverture radar en mode maritime depuis l’AWACS permet par exemple de surveiller, de détecter et d’identifier l’ensemble des navires évoluant dans le Golfe d’Aden et le bassin somalien. De même, en Méditerranée, les vedettes rapides convoyant des stupéfiants sur un axe Sud-Nord sont susceptibles d’être repérées par les spécialistes embarqués dans l’AWACS.

L’AWACS est un équipement mis en œuvre au profit de l’armée de l’air, des autres armées voire d’autres administrations. Le schéma suivant présente le rôle de l’AWACS dans la lutte contre le trafic de stupéfiants.

Le rôle de l’AWACS dans la lutte contre le narco-trafic

Source : ministère de la défense.

Long de 47 mètres, cet avion est aisément reconnaissable à son rotodome de neuf tonnes lui conférant une capacité d’identification vers le sol, complémentaire des radars terrestres contraints par les reliefs. Muni de capteurs perfectionnés et de moyens de liaisons de données, l’équipage embarqué peut repérer tous les aéronefs en mouvement dans un rayon de 400 km.

En 2008, la rénovation des communications a été commandée pour traiter les obsolescences (adaptation du système d’enregistrement audio, mise à jour du simulateur) et pour augmenter les moyens de transmission (satellite, chiffreur). À terme chaque appareil comptera deux postes de liaison par satellite, 14 postes radio de bord modernisés, une liaison type HF e-mail et un poste PR4G. Le système de mission est également rénové notamment pour assurer son interopérabilité dans un cadre otanien. La rénovation à mi-vie est réalisée via l’armée de l’air américaine selon la procédure FMS (foreign military sale). Sur un plan industriel, l’américain Boeing est l’architecte industriel de la rénovation avec Air France Industries comme sous-traitant.

Sur le plan financier, en 2009, 272,6 millions d’euros d’AE et 73,3 millions d’euros de CP ont été dépensés. La LFI pour 2010 prévoit quant à elle 2,3 millions d’euros en AE et 38,1 millions d’euros en CP. Le PLF pour 2011 inscrit 6,4 millions d’euros en AE et aucun crédit de paiement. Les livraisons du système de détection et de commandement aéroporté doivent intervenir en 2012.

5. Le système d’information des armées

Le programme SIA a été lancé pour mettre plus de cohérence dans l’ensemble des systèmes en œuvre au sein des armées. Programme interarmées par excellence, il vise à fournir un système d’information et de commandement opérationnel à l’ensemble des armées. Il doit fédérer les nombreux systèmes existants dans les forces et mettre en réseau des utilisateurs, des décideurs, des capteurs et des systèmes d’armes. Il doit à terme se substituer aux programmes SIC 21 et SCCOA.

Comme le montrent les deux schémas suivants, le projet SIA vise à passer d’une logique propre à chaque armée et à chaque milieu à une approche transversale par métier et en interarmées.

Les systèmes d’information opérationnels et de commandement

Source : Capgemini.

Le système d’information des armées en 2015

Source : Capgemini.

Lors de sa réunion du 11 janvier 2010, le comité ministériel d’investissement a décidé le lancement du stade d’élaboration du SIA avec pour objectif de livrer un premier niveau de capacité en 2015. Le projet de loi de finances pour 2011 prévoit 40,1 millions d’euros en engagements et 12,3 millions d’euros en CP.

B. LE RECUEIL DE DONNÉES GÉOPHYSIQUES

1. La géographie numérique : DNG3D

Pour la mise en œuvre des systèmes d’armes, la collecte de données géographiques numériques et de modèles de cibles en trois dimensions est devenue stratégique. Sans ces données, la planification et la conduite des opérations sur le terrain sont compromises. Par le passé, les forces armées étaient parfois dépourvues de toutes données cartographiques avant de s’engager dans l’urgence sur des théâtres extérieurs. De telles défaillances sont aujourd’hui rédhibitoires : les missiles mais aussi les avions de chasse utilisent en permanence ces données pour évoluer et reconnaître leurs cibles. Dépendre d’un État tiers pour en disposer porte atteinte à la souveraineté de la France et fragilise sa capacité à mener de façon autonome et sûre des opérations.

Le programme DNG3D (données numériques géographiques et 3D) assure la collecte des données brutes, essentiellement par satellite, et les rend exploitables pour les systèmes d’armes et les systèmes d’information opérationnels. Les produits proposés sont à l’échelle 1 : 50 000.

Ce programme est complété par l’opération « chaîne géographique projetable » : les forces en OPEX sont équipées de terminaux informatiques leur permettant d’élaborer de façon réactive les données géographiques et les modèles de cibles.

Le programme DNG3D a été confié à un consortium formé par EADS et Thalès qui s’appuie sur les PME suivantes : Pixelius, Sirs, Info Terra, Spot Image, Geo212, CS SI, Magellium et Euro Shelter.

Pour 2010, 35,4 millions d’euros en AE et 37,2 millions d’euros en CP sont inscrits en loi de finances initiale. Le PLF pour 2011 prévoit 40,9 millions d’euros d’AE et 41,5 millions d’euros de CP. 30 postes DNG3D doivent être livrés en 2010 ; 15 autres sont attendus en 2011.

2. La navigation par satellite : GALILEO

Actuellement, un seul système de navigation par satellite est opérationnel : le GPS américain. Cette dépendance technologique et donc stratégique perdure. Cela signifie que les personnels et les systèmes d’armes qui ont recours au GPS se reposent totalement sur la fiabilité d’un système américain pour la réussite de leurs missions. La confiance n’excluant pas le contrôle, le commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes de l’armée de l’air vérifie continuellement la précision des signaux GPS pour lever tout risque « d’égarement », provoqué ou subi.

Pour garantir l’indépendance européenne en la matière, le programme GALILEO a été lancé en 1999. Il compte d’ores et déjà cinq ans de retard, en raison de nombreux soubresauts financiers, politiques, techniques et industriels.

Présenté comme le concurrent commercial du GPS, GALILEO a récemment donné lieu à un imbroglio industriel européen. Alors que Thalès Alenia Space et EADS Astrium étaient en charge de la phase de conception du programme, la réalisation et le lancement des 14 premiers satellites (sur un total de 32) ont été confiés par la Commission européenne à la société allemande OHB en janvier 2010. Ce contrat de 566 millions d’euros a été attribué en respectant scrupuleusement les règles de la concurrence, à l’étonnement des sociétés ayant participé à la première phase sous l’égide de l’agence spatiale européenne. Selon François Auque, P-DG d’EADS Astrium, « s’agissant de Galileo, Astrium et Thalès Alenia Space (TAS) sont responsables de la première phase de déploiement consistant en la mise en orbite de quatre satellites. C’est l’agence spatiale européenne qui était responsable de cette phase, avec on le sait l’application de ses principes, à savoir “ préférence européenne ” et l’application, la plus intelligente possible, du principe du “ juste retour ”. TAS et Astrium, qui ont été choisies pour cette première phase, sont sans doute les entreprises les plus qualifiées d’Europe. Pour que Galileo fonctionne, il faut trente-deux satellites. Or, les autres financements sont venus de l’Union européenne et l’Union n’applique pas du tout le principe de préférence européenne, mais celui de concurrence pure et parfaite. L’application de ce principe a conduit à choisir une autre équipe, en l’occurrence avec du contenu américain, complètement différente de la première pour déployer les autres satellites. On est donc reparti de zéro et on fait un nouveau développement. La conséquence de cette décision c’est que le budget sur lequel ils ont remporté l’appel d’offres ne sera pas tenu et que les délais sont irréalistes » (203).

Cet imbroglio institutionnel, industriel et juridique jette le doute sur la conduite du programme et sur le respect de son calendrier : le premier satellite doit être fourni à l’été 2012, le quatorzième et dernier au printemps 2014. Il est fort probable que le système GALILEO connaîtra dans les prochains mois de nouveaux écueils.

Le retard pris par l’Europe pour disposer de son propre système de navigation par satellite est particulièrement alarmant au regard des progrès accomplis par d’autres puissances. La Russie développe sa propre constellation satellitaire, GLONASS : actuellement, une vingtaine de satellites en orbite sont dédiés à ce système. En 2010, elle ambitionne d’en lancer sept supplémentaires avec pour objectif de couvrir l’intégralité du globe. La Chine, avec BEIDOU, dispose déjà de cinq satellites couvrant le territoire chinois et qui doivent être complétés par 25 autres. Un contentieux autour des fréquences entre la Chine et l’Europe n’est toujours pas réglé ; il est de nature à retarder un peu plus GALILEO.

L’impuissance européenne à donner un essor décisif à GALILEO a des conséquences lourdes en termes politiques et stratégiques, plaçant les États européens sous des dépendances étrangères. Elle symbolise peut-être le déclin et la marginalisation de l’Europe sur la scène mondiale.

Alors que le GPS a des applications civiles et militaires, l’Europe refuse toujours de reconnaître la dimension militaire de GALILEO. Comme le souligne Bernard Deflesselles, « le système Galileo est potentiellement dual, comme la plupart des programmes spatiaux, à commencer par la fusée Ariane qui envoie sur orbite des satellites militaires aussi bien que civils. […] Le temps des pudeurs est révolu, l’affirmation de l’existence d’une dimension militaire du programme Galileo est une nécessité politique » (204).

C. LES COMMUNICATIONS

1. Syracuse III

Système de télécommunications satellitaires, Syracuse III vise à satisfaire les opérationnels des armées pour les communications longue distance sécurisées et résistantes à la menace de guerre électronique. Le programme est constitué de deux satellites (Syracuse 3 A et 3 B), de stations au sol fixes, de terminaux déployables (terrestres et navals) ainsi que de modems assurant la protection contre le brouillage. Ce système s’est enrichi d’un troisième satellite, SICRAL 2, réalisé en coopération avec l’Italie. Le concept d’emploi des stations au niveau régimentaire et l’évaluation du besoin associé avaient conduit à augmenter le nombre de stations prévues lors du lancement ; en 2004, le nombre de stations est ainsi passé de 390 à 587. En 2007, les forces ont cependant réduit l’objectif à 489 stations ; la réduction du format des armées et les travaux de programmation ont encore diminué le nombre de stations qui est désormais fixé à 368 appareils, soit 45 stations navales et 323 stations terrestres…

La maîtrise d’œuvre est assurée par Thalès Alenia Space France. Le programme s’inscrit dans un cadre coopératif avancé puisque les satellites Syracuse permettent à la France de continuer à remplir un rôle majeur au profit de l’OTAN en tant que fournisseur de capacités de télécommunications par satellites. Le programme national a pour cela été complété par des coopérations avec le Royaume-Uni, la Belgique, l’Espagne et l’Allemagne concernant la location de capacités, l’extension de couverture ou des opérations de secours mutuel en cas d’indisponibilité d’un satellite.

À ce jour, trois satellites et 361 stations ont été commandés. Deux satellites ont été livrés, l’un en décembre 2005, l’autre en octobre 2006. Le troisième ne sera lancé qu’après 2011. À la fin de l’année 2010, quelque 289 stations-sol auront été livrées. En 2011, 60 nouvelles stations équiperont les forces.

Le PLF pour 2011 prévoit 554 millions d’euros en AE dont 522,7 millions d’euros pour le titre 3 : elles correspondent au contrat de MCO du système que la défense doit signer cette année.

L’avenir du programme est toutefois compromis car le ministère a décidé de céder l’usufruit de ces satellites. Devant les rapporteurs de la mission d’évaluation et de contrôle, le général André Helly, adjoint du directeur de la direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information de la défense (DIRISI), a souligné que les trois satellites Télécom 2D, Syracuse 3A et Syracuse 3B permettent « de répondre aux besoins des opérations. L’état-major des armées a défini que le besoin opérationnel représentait 90 % de la capacité de Syracuse, et a donc décidé que 10 % de cette capacité pouvaient être mis à la disposition d’autres opérateurs, la défense pouvant, en cas de besoin, racheter au prix du marché les 10 % manquants » (205).

Cette évolution apparaît envisageable et son principe pertinent. Il faut toutefois veiller aux modalités de sa mise en œuvre, les armées devant pouvoir retrouver rapidement et sans surcoût les capacités cédées au privé.

Il convient par ailleurs de rappeler que l’essentiel des investissements est déjà fait : à moins que le ministère n’obtienne un prix couvrant l’ensemble des dépenses déjà engagées, il perdrait donc une partie de son investissement. Sur le plan financier, cette opération pourrait aboutir en 2011, mais sans que le rapporteur ne dispose d’un calendrier ni d’une estimation de cette recette potentielle.

Le général André Helly reconnaît de surcroît qu’avec cette opération, « il y aura bien perte de compétence au profit des opérateurs privés. Ainsi, la compétence des “maîtres satellites”, militaires possédant une compétence très spécialisée pour diriger la charge utile, s’éteindra en 2012 et les formations en la matière viennent de prendre fin. La question de la réversibilité se pose, car il faudrait plusieurs années pour retrouver cette compétence. Il existe, du reste, de nombreux métiers pour lesquels est prévue une mise à disposition par les industriels et dont [les armées ont] abandonné la compétence. Les trente postes supprimés à Maisons-Laffitte sont des postes militaires » (206).

Dans ce contexte, il convient également de s’interroger sur la pertinence de la coopération engagée avec l’Italie pour le troisième satellite : comment s’inscrira-t-il dans un schéma sur lequel le ministère n’aura plus la main ?

Interrogé sur ce point par les rapporteurs de la MEC, le général André Helly a précisé que « Sicral est destiné à prendre le relais de Syracuse 3 et à assurer la continuité du service, car la durée de vie prévue de ce satellite est de l’ordre de douze ans. Ce relais est prévu à l’horizon 2017, selon deux volets : la mise à disposition de liens, comme le faisait Syracuse, et l’augmentation des débits au moyen du système Athéna. Plusieurs choix étaient possibles : une mise à disposition totale, du type de ce qui prévaut avec le système Paradigm britannique, dans lequel l’industriel prend le risque, un système de tout-patrimonial, avec le lancement d’un troisième satellite Syracuse, et une coopération avec d’autres partenaires. C’est ce dernier choix qui a été fait, et qui donne lieu à une collaboration avec l’Italie, au titre de laquelle seront envoyées une charge utile française et une italienne » (207).

La robustesse et la pertinence opérationnelle de ce schéma n’apparaissent pas d’emblée. On a plutôt le sentiment que le ministère profite d’opportunités de vente pour dégager des marges en trésorerie ; si tel était le cas ce serait prendre le risque d’obérer l’avenir et de perdre définitivement une compétence pourtant déterminante.

2. MELCHIOR

Le programme MELCHIOR (moyen d’élongation pour les communications en hautes fréquences interarmées et OTAN en réseau), succédant au système CARTHAGE, vise à équiper les forces et notamment les forces spéciales de 1 100 stations radio HF portatives à dos d’homme ou installées dans des véhicules.

Les performances de ces stations permettront des communications jusqu’à 5 000 km de distance. La transmission de fichiers (écrit, image…), l’accès maîtrisé aux satellites militaires et civils ainsi qu’à de nombreux réseaux (IP, HF, VHF, GSM, RTC…) et l’interopérabilité OTAN optimisent son emploi.

Fabriquées par Thalès Communication SA, 675 stations doivent être livrées d’ici fin 2010 et 425 autres dans une version renforcée d’ici fin 2012. Les difficultés et retards de réalisation des systèmes d’information opérationnels et de communication de l’armée de terre (cf. supra) ont eu pour conséquence de décaler la commande des stations renforcées.

Ce report se traduit par une faible consommation des crédits disponibles en 2009 : pour les AE, seuls 24,3 millions d’euros ont été engagés au lieu des 73,1 millions d’euros prévus. Les CP ont été quant à eux consommés à hauteur de 21,4 millions d’euros. En 2010, 15 millions d’euros d’AE et 34 millions d’euros de CP sont inscrits en LFI. Le PLF 2011 mobilise 11,7 millions d’euros d’AE et aucun CP. Le faible niveau des AE révèle la poursuite du décalage.

Selon les éléments fournis au rapporteur et le PAP pour 2011, 295 stations MELCHIOR devraient finalement être livrées en 2011, aucune n’étant attendue en 2010. Mais l’absence de crédits de paiement en 2011 sur ce programme préfigure un retard ou un report.

3. PR4G

Le programme PR4G est un système complet de communications tactiques incluant des postes véhiculés et portables, des logiciels et le soutien adapté. La version 4-IP offre des capacités accrues de transmission de données, notamment en terme de débit qui est quadruplé ainsi qu’en termes de couplage entre la phonie et les données.

Le besoin initial de 5 051 postes PR4G VS4-IP a été augmenté de 2 000 unités pour prendre en compte la numérisation du champ de bataille. Les premières stations ont été livrées en 2005, avec un an de retard ; les dernières l’ont été en septembre 2010.

Thalès Communication SA est le maître d’œuvre industriel de ce programme.

En 2009, 27,3 millions d’euros en AE et 50,1 millions d’euros en CP ont été consommés alors que la LFI ne prévoyait que 12,5 millions d’euros en CP. Le rapport annuel de performances explique cet écart « par l’hypothèse faite en LFI du recours à des ressources exceptionnelles (CAS « Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien » et par le report de livraisons en 2010 »). On peut s’étonner de cette affirmation qui justifie plus une insuffisante consommation qu’une surconsommation.

En 2010, la LFI marque la fin du programme qui ne dispose plus que de 0,879 million d’euros de CP ; l’absence de crédits dans le PLF 2011 confirme l’achèvement du programme.

4. CONTACT

Dans le cadre de la numérisation de l’espace de bataille, le programme CONTACT (communications numérisées tactiques et de théâtre) vise à doter les forces d’un réseau de radiocommunications tactiques haut débit, sécurisé et interopérable avec l’OTAN. Il doit remplacer à terme les systèmes PR4G, SATURN, CARTHAGE et MIDS.

En janvier 2010, le stade d’élaboration a été lancé, le stade de réalisation devant débuter en 2013. La LFI 2010 lui attribue 27,6 millions d’euros en AE 149 115 euros en CP. Le PLF pour 2011 prévoit quant à lui 32,8 millions d’euros en AE et aucun crédit de paiement.

D. LE RENSEIGNEMENT D’ORIGINE ÉLECTROMAGNÉTIQUE (ROEM)

Le rapport sur la LPM 2009-2014 a souligné que « les ressources allouées à l’espace [devraient] progressivement [doubler] en moyenne annuelle d’ici à 2020. Cet objectif est extrêmement positif, mais les crédits consacrés à l’espace n’étant retracés dans aucun agrégat, il sera impossible de vérifier que cet engagement est bien respecté » (208). Il soulignait également que nombre de capacités étaient fragiles soit parce que la continuité opérationnelle n’était pas garantie, soit parce qu’elles reposent sur des démonstrateurs et non sur des systèmes robustes. Le schéma (cf. annexe n° 4) qui avait été alors élaboré mettait bien en évidence les risques notamment pour le renseignement électromagnétique et le renseignement d’origine image (ROIM).

1. Le ROEM spatial

L’expérimentation d’un système de suivi et d’acquisition de l’information par microsatellites (ESSAIM) est un démonstrateur spatial pour le renseignement électromagnétique. Il est composé de quatre microsatellites lancés en décembre 2004, d’un segment terrestre de contrôle satellitaire installé à Toulouse et d’un segment de recueil et d’analyse des données implanté au centre « maîtrise de l’information » de la DGA, anciennement CELAR, à Bruz en Ille-et-Vilaine.

Les microsatellites sont basés sur la famille des microsatellites polyvalents Myriade développés par ASTRIUM et le CNES depuis 1998. ASTRIUM et Thalès Systèmes Aéroportés ont réalisé ce démonstrateur.

Lancés le 18 décembre 2004, les microsatellites volent « en formation » à 700 km d’altitude environ et font quotidiennement 15 fois le tour de la Terre. Les crédits affectés au programme ESSAIM sont intégrés aux études amont, du programme 144.

Le démonstrateur ELISA, dont le segment spatial est également composé de quatre micro-satellites, doit prendre le relais du démonstrateur ESSAIM. ASTRIUM est maître d’œuvre du satellite et du système ; Thalès Systèmes Aéroportés est responsable de la charge utile et du segment sol utilisateur. Le lancement du système en 2010 a été officiellement décalé en raison de l’indisponibilité du lanceur SOYOUZ, démontrant la fragilité des programmes nationaux spatiaux, malgré ARIANE.

ESSAIM et ELISA préparent l’arrivée du système CERES (capacité de renseignement électromagnétique spatiale) qui vise à intercepter et à localiser depuis l’espace des émissions électromagnétiques (radar, télécommunications…). ASTRIUM, Thalès Systèmes Aéroportés et Thalès Alenia Space ont créé un consortium chargé des études d’architecture de ce programme.

Selon la LPM, le système opérationnel CERES doit être mis en service en 2016. En 2009, aucune AE et aucun CP n’ont toutefois été consommés. Pour 2010, seulement 92 463 euros de CP étaient inscrits sur ce programme. Le PLF pour 2011 relance les AE à hauteur de 28 millions d’euros et prévoit 673 304 euros de CP.

2. Le C-160 Transall Gabriel

Cet avion de transport est dédié au renseignement d’origine électromagnétique : ses équipements embarqués permettent l’interception, l’analyse, le décodage, l’enregistrement et le dépouillement des telles données.

Depuis 1989, l’armée de l’air possède deux exemplaires de C-160 G dont la disponibilité technique opérationnelle est légèrement inférieure à celle des C-160, pourtant plus anciens. Le tableau ci-après détaille l’évolution de la disponibilité opérationnelle des C-160 G.

disponibilité du C-160 G

 

Heures de vol prévues

Heures de vol réalisées

En ligne (1)

Disponibilité technique opérationnelle

2007

710

636

0,9

69 %

2008

800

658

1,0

66 %

2009

700

725

1,3

89 %

(1) Sont déclarés « en ligne » les aéronefs disponibles ou en maintenance au niveau du soutien opérationnel ; cela exclut les appareils en maintenance au niveau du soutien industriel.

Source : ministère de la défense.

La rénovation des C-160 G vise à améliorer l’écoute et la localisation d’émetteurs radio modernes, à étendre les capacités de détection et d’analyse technique aux radars modernes. Elle fournit des paramètres de programmation de systèmes d’autoprotection et traite des obsolescences de l’informatique embarquée.

Le premier appareil intégralement rénové a été livré en décembre 2009 ; le second est attendu en février 2011. Des problèmes sur le moteur en sortie de chantier retardent les essais en vol et expliquent le retard des livraisons ; ils révèlent bien les obsolescences des aéronefs.

Sur le plan industriel, la rénovation du système d’interception de signaux (ELINT) est confiée à Thalès Systèmes Aéroportés ; la rénovation avionique revenant au SIAé.

En 2009, les AE se sont élevées à seulement 6 000 euros et les CP à 15,8 millions d’euros. En 2010, la loi de finances initiale n’a prévu aucune AE et 10,7 millions d’euros de CP. Aucun crédit n’est inscrit en AE et en CP dans le projet de loi de finances pour 2011, montrant bien que le programme est terminé ou en voie de l’être.

E. LE RENSEIGNEMENT RADAR TERRESTRE

À la différence du renseignement optique, le renseignement radar offre une capacité par tout temps et permet une analyse fine des distances et des trajectoires. C’est un des rares systèmes disponibles en permanence.

Les capacités françaises de renseignement radar sont aujourd’hui presque totalement perdues : les radars Cobra sont associés à l’artillerie pour identifier et définir les cibles mais ne participent pas à la surveillance terrestre pour détecter des déplacements. Cette perte capacitaire résulte notamment de la fin du programme HORIZON qui équipait quatre Cougar de l’armée de terre. Entre 1998 et 2008, ce système de surveillance du sol héliporté détectait, localisait, classifiait et caractérisait les hélicoptères à basse altitude, les véhicules terrestres et les bateaux.

Le système Cobra (Counter Battery Radar) est un radar de contrebatterie localisant l’artillerie ennemie (canon, mortier, lance-roquettes) à partir de la trajectographie des obus ; il participe au réglage des moyens d’artillerie amis. Programme mené en coopération par la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni depuis 1998, il est produit par le groupement d’intérêt économique Euro-Art Advanced Radar Technology GmbH, regroupant Thalès France, Thalès UK, EADS Deutschland et Lockheed-Martin.

La France dispose à ce jour de 10 systèmes Cobra.

F. LE RENSEIGNEMENT OPTIQUE AÉRIEN

Les nacelles de reconnaissance nouvelle génération RECO NG sont embarquées sous les Rafale de l’armée de l’air et de la marine. Elles permettent le recueil du renseignement optronique sous forme d’images dans les domaines visibles et infrarouges. Ce recueil peut s’effectuer de jour comme de nuit, à distance de sécurité ou lors d’un survol de proximité à grande vitesse et à faible altitude.

Le marché de développement, d’industrialisation et de série a été notifié en décembre 2000 mais le premier système n’a été livré qu’en octobre 2009. En 2010, quatre nacelles doivent être livrées, et six le seront en 2011. Au total, ce sont vingt systèmes qui ont été commandés à Thalès, ainsi que les stations sol associées et le suivi en service pour prendre en compte le retour d’expérience. La mise en service opérationnelle du pod RECO NG est prévue le 1er novembre 2010.

En 2009, ce programme a consommé 10,9 millions d’euros en AE et 60,5 millions d’euros en CP. La LFI pour 2010 a prévu 4,4 millions d’euros en AE et 37,2 millions d’euros en CP. Le PLF pour 2011 prévoit quant à lui deux millions d’euros en AE et 30 millions d’euros en CP, montrant bien que le programme est entré dans sa phase de production.

G. LE RENSEIGNEMENT OPTIQUE SPATIAL

En sus de l’observation humaine terrestre, maritime ou aérienne, directe ou par l’entremise de drones, les satellites procurent des capacités complémentaires d’observation des théâtres d’opération actuels et futurs. « Les satellites sont mieux adaptés que d’autres moyens au recueil d’informations dans la profondeur du théâtre. La station de théâtre de réception des images et les stations d’exploitation décentralisées et déployables permettent d’obtenir des informations avec un degré de renouvellement compatible de l’action » (209).

1. HÉLIOS 2

Succédant à HÉLIOS 1, HÉLIOS 2 est un système d’observation spatiale à capteurs optiques de la bande visible et infrarouge. Ce programme a été lancé en avril 1994. La maîtrise d’ouvrage d’ensemble du programme et de la composante sol est dévolue à la DGA ; la maîtrise d’ouvrage pour le satellite revenant au centre national d’études spatiales (CNES). EADS Astrium est en charge de la maîtrise d’œuvre du satellite, de l’instrument de moyenne résolution et du segment sol utilisateur. Thalès Alenia Space est le maître d’œuvre de l’instrument de haute résolution.

Le segment spatial d’HÉLIOS 2 s’appuie sur deux satellites : HÉLIOS 2A mis en orbite en décembre 2004 et opérationnel depuis mai 2005, et HÉLIOS 2B, lancé en décembre 2009 et opérationnel depuis le printemps 2010. Le système antérieur s’appuyait également sur deux satellites, HÉLIOS 1A, toujours opérationnel, et HÉLIOS 1B, hors service depuis l’automne 2004.

Les satellites HÉLIOS évoluent à 700 kilomètres d’altitude en orbite basse, ce qui permet un compromis entre la nécessité d’être bas pour disposer d’une bonne résolution et celle d’être haut pour avoir un champ de prise de vue suffisamment large. Cette altitude évite aux satellites de subir les altérations engendrées par les couches hautes de l’atmosphère.

Le centre principal HÉLIOS français (CPHF) est situé sur la base aérienne de Creil dans l’Oise. Les trois autres pays initiaux partenaires, c’est-à-dire la Belgique, l’Espagne et l’Italie, disposent également de segments sol. D’autres pays disposent de centres, comme le centre allemand à Gelsdorf inauguré en janvier 2010 ou le centre grec ouvert à l’été 2010. Le CPHF recueille les demandes d’image des différents États partenaires et élabore la programmation journalière des satellites. Chaque pays programme confidentiellement ses prises de vue et reçoit des images cryptées avec des clés de chiffrement qui lui sont propres.

Chaque satellite reçoit son plan de travail via les stations de télécommande de Toulouse, Kourou et des îles Kerguelen. Les systèmes HÉLIOS 1 et 2 sont opérationnels en permanence tout au long de l’année, sans interruption.

Le coût de réalisation du programme HÉLIOS 2 s’élève à 1,8 milliard d’euros, hors segments sol italien, espagnol et allemand. En 2009, la France a dépensé 5,7 millions d’euros d’AE et 23,2 millions d’euros de CP sur cette ligne. La LFI pour 2010 prévoit pour sa part 276 000 euros d’AE et 20,8 millions d’euros de CP qui sont respectivement portés à 7,1 millions d’euros et 4,3 millions d’euros dans le PLF pour 2011.

Selon François Auque, président exécutif d’EADS Astrium, « l’objectif est de signer d’ici la fin de l’année le contrat de future génération d’HÉLIOS […]. Le projet est estimé entre 900 millions et 1 milliard d’euros, répartis à parité avec Thalès Alenia Space. Les négociations sont très avancées. Si on décale la signature alors il y aura un problème de continuité opérationnelle. Il n’y a plus aucune marge de calendrier » (210).

2. MUSIS

Avec des performances accrues en imagerie optique visible, optique infrarouge, et radar, MUSIS (multinational space-based imaging system for surveillance, reconnaissance and observation) est appelé à prendre la relève des systèmes Hélios 2, SAR-Lupe, Cosmo-SkyMed et Pléiades dont les fins de vie sont programmées entre 2014 et 2017. C’est un programme mené en coopération avec l’ensemble des partenaires au programme HÉLIOS, c’est-à-dire l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, la France, la Grèce et l’Italie.

Comme le souligne le Livre blanc, « afin d’éviter un risque de discontinuité correspondant à la fin de vie d’HÉLIOS 2B la réalisation de la composante optique du programme MUSIS sera entreprise par la France dès 2008 ». Deux ans plus tard, les industriels, en l’occurrence EADS Astrium, s’inquiètent de l’absence de fermeté de l’engagement étatique sur ce programme, faisant porter d’importantes interrogations quant au respect du calendrier initial. François Auque a indiqué avoir « fait une proposition, acceptée par le ministère de la défense, avec Astrium comme maître d’œuvre et TAS pour la fourniture des satellites (CSO Composante Spatiale Optique). Or, il faut absolument signer le contrat avant la fin de l’année [2010] pour que le satellite soit en vol avant 2016. HÉLIOS a une durée de vie contractuelle jusqu’en 2015. Mais ce n’est qu’une durée de vie contractuelle. Il peut très bien heurter un débris, subir une panne… Il existe un risque évident de faire reposer la capacité française de renseignement satellitaire sur l’hypothèse que la durée de vie réelle du seul satellite dont elle dispose sera égale à la durée de vie contractuelle, c’est quand même prendre un vrai risque » (211). L’expérience d’HÉLIOS 1 appelle à la prudence : certes HÉLIOS 1B a rapidement été mis hors service, mais HÉLIOS 1A est toujours opérationnel, 15 ans après son lancement.

Si, sur le segment spatial, l’architecture industrielle est relativement établie autour d’Astrium et de Thalès Alenia Space, elle reste à définir sur le segment sol autour d’un consortium d’industriels issus des pays partenaires.

En 2009, ce programme a bénéficié du plan de relance à hauteur de 10 millions d’euros d’AE et de 5 millions d’euros de CP. La LFI 2010 a prévu 47,1 millions d’euros d’AE et 22 millions d’euros de CP. Le PLF pour 2011 marque un tournant avec 1,1 milliard d’euros en AE et 115,2 millions d’euros en CP.

3. SPIRALE

Le système préparatoire infrarouge pour l’alerte (SPIRALE) est un démonstrateur de satellite en vue de la conception d’un système d’alerte spatiale permettant de détecter le tir d’un missile balistique. Les crédits dédiés à ce démonstrateur sont rattachés au programme 144.

Dans le cadre de ce programme, deux microsatellites équipés de caméras multispectrales infrarouges embarquées ont été lancés en février 2009 avec pour mission de collecter pendant une année des images infrarouges de la Terre. L’imagerie infrarouge permet de corriger les failles de l’imagerie spatiale optique altérée notamment par la couverture nuageuse des zones sous surveillance.

EADS Astrium est le maître d’œuvre du démonstrateur ; Thalès Alenia Space est responsable du développement des microsatellites et des caméras infrarouges.

Pour François Auque, « repousser le programme SPIRALE au-delà de 2019 entraînerait des économies de l’ordre de 100 millions d’euros par an sur la période, mais conduirait vraisemblablement à perdre les compétences que nous avons aujourd’hui » (212).

H. LES DRONES

Les drones, véhicules sans pilote embarqué, sont certes des inventions récentes mais ils occupent une place cruciale dans l’emploi des forces. Disposer de drones confère un avantage opérationnel certain en termes de renseignements, de surveillance, de désignation de cibles voire d’attaque. « Les drones permettent d’ores et déjà de visualiser des activités humaines imperceptibles pour l’œil humain, de détecter des intentions (par exemple, la pose d’explosifs sur une route) ou d’infiltrer l’adversaire au plus près » (213).

● L’arrivée de cette nouvelle famille d’équipement n’est pas sans poser de nombreux problèmes juridiques et éthiques. Comment partager l’espace aérien entre aéronefs avec pilote et les drones ? Pour l’heure, la prééminence des aéronefs avec pilote entrave un usage optimal des drones aussi bien dans leurs missions sur des théâtres d’opération que dans le cadre d’opération de sécurité et de surveillance du territoire.

La dissociation géographique de l’opérateur et de son aéronef est également une problématique nouvelle non résolue au regard de l’environnement juridique international. Kenneth Anderson, professeur de droit au collège Washington et à l’American University, souligne la faiblesse de la base légale des actions menées à partir de drones. Il estime que « ces opérations aux contours flous, notamment lorsqu’elles sont menées par les services secrets dans le cadre d’actions préventives, sont susceptibles de violer le droit international. Ainsi, le recours à des drones pour neutraliser des insurgés afghans réfugiés dans la zone tribale pakistanaise soulève de fortes interrogations quant à sa légalité. Les drones américains décollent d’un territoire en guerre, l’Afghanistan, sont contrôlés depuis le Nevada, parfois par des civils, et interviennent dans un pays tiers. Selon le droit international et onusien, sommes-nous dans une situation de guerre, de légitime défense ou de violation de la souveraineté d’un État ? » (214).

Au-delà de la problématique juridique, la dimension éthique doit être soulevée. La distance créée par le recours aux drones entre l’action militaire et l’effet de cette action militaire crée de la virtualité voire un certain détachement moral. L’opérateur américain pilotant des drones en Afghanistan depuis le Nevada, la déconnection est totale. Or, l’humain ne peut être retiré de la guerre : l’engagement du feu doit demeurer maîtrisé et conscient. La France a partiellement résolu le problème en rapprochant au plus près les opérateurs des opérations, en les installant à Bagram. Ces interrogations préfigurent les débats futurs autour du recours à des robots armés.

Pour preuve de l’engouement stratégique et tactique en faveur des drones, de nombreux experts, dont le secrétaire américain à la défense, prédisent que les actuels avions de chasse constitueront la dernière génération d’appareils avec des équipages embarqués.

Tous les États ont compris l’apport des drones et cherchent à en équiper leurs forces. Les États-Unis et Israël sont les deux fabricants majeurs de drones dans le monde. Le SIPRI a établi que 27 pays (215) se sont équipés de drones israéliens depuis 1996. L’Inde a pour sa part indiquer vouloir disposer de 300 drones, dont des drones d’attaque.

● Dans ce mouvement mondial, la France apparaît en décalage. Son industrie peine à proposer des produits performants et la sous-dotation des forces est patente. Le ministre de la défense reconnaît que « dans le domaine des drones, la France a pris du retard, manquant cette évolution technologique. [La France estimait] probablement qu’entre l’aviation de combat, les avions de reconnaissance et les satellites, [elle était] suffisamment paré[e]. L’armée de l’air a peut-être été également circonspecte sur la perspective d’avions sans pilote » (216).

La circonspection de l’armée de l’air soulignée par le ministre ne se retrouve pas dans les propos tenus en juillet 2010 par le chef d’état-major de l’armée de l’air qui considérait que l’armée de l’air doit « sans plus tarder [se] doter d’une véritable composante de drones endurants, sous peine de décrochage capacitaire, non seulement vis-à-vis des États-Unis, dont la nouvelle Quadrienal Defence Review dévoile des objectifs très ambitieux, mais également de la Grande-Bretagne, de l’Italie ou encore de l’Allemagne qui y consacrent des sommes importantes. C’est clairement le prix à payer pour rester une puissance aérienne de premier rang » (217). Devant la commission en octobre 2010, il a réitéré son attachement à disposer de drones pérennes, soulignant que « malgré l’arrivée d’un quatrième appareil [Harfang] à Cognac, il faut être conscient des limites du système intérimaire, dont les obsolescences, d’ores et déjà visibles, doivent […] conduire à prendre des décisions cette année, si [la France veut] pérenniser cette capacité précieuse, incontournable aujourd’hui en termes de renseignement et d’anticipation. De [son] point de vue, il serait coupable de ne pas disposer de cette capacité à l’avenir » (218).

Malgré cette prise de conscience, la stratégie industrielle française concernant les drones semble aujourd’hui confuse.

Question écrite n° 75581 publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 6 avril 2010

M. André Wojciechowski attire l’attention de M. le ministre de la défense sur la politique française en matière de drones. Il lui demande quelle est exactement la politique française en matière de drones, avions sans pilote, sachant que les Israéliens sont leaders dans ce domaine mais que nous ne pourrons jamais exporter ce type de drones avec notre technologie embarquée vers les pays arabes. Il souhaiterait savoir si le Gouvernement a bien l’intention de soutenir notre industrie nationale en matière de drones. Il serait dommageable que nous perdions là un savoir-faire créateur d’emplois pour notre pays.

Extrait de la réponse du ministre de la défense, publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 10 août 2010

S’agissant des drones de surveillance et de reconnaissance, utilisés pour les missions de renseignement, la France a fait le choix d’investir dans trois segments : les drones de théâtre de moyenne altitude et longue endurance (MALE), qui sont employés prioritairement au niveau du commandement des opérations ; les drones tactiques, employés en appui direct des opérations aéroterrestres ou aéromaritimes pour des missions de reconnaissance et d’acquisition ; les minidrones, employés au profit des forces engagées au contact, qui sont capables de déceler et localiser en temps réel une présence ennemie ou une attitude hostile sur un axe ou des points précis. Les ressources destinées à assurer la satisfaction de nos besoins en drones tactiques et de type MALE ont été prévues dans la loi n° 2009-928 du 29 juillet 2009 relative à la programmation militaire (LPM) pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense. Les forces armées françaises sont actuellement équipées du système intérimaire de drone MALE (SIDM-Harfang), élaboré par EADS défense et sécurité (EADS DS), du système de drone tactique intérimaire (SDTI), fourni par l’entreprise Sagem Défense Sécurité, du drone tactique CL 289, ainsi que du minidrone DRAC (système « drone de reconnaissance au contact »), acquis également auprès d’EADS DS (avec en sous-traitance la PME française Survey Copter). Les systèmes SIDM-Harfang et SDTI ont été acquis, à l’origine, dans une logique transitoire, afin d’offrir une première capacité aux armées et de disposer ainsi d’une première expérience pour permettre de mieux spécifier les systèmes plus pérennes qui leur succéderont. Le ministère de la défense n’a pas arrêté à ce jour les modalités d’acquisition des futures capacités pérennes, tant pour ce qui concerne les drones MALE (projet SDM) que les drones tactiques (projets SDT/SDAM). Tout en privilégiant pour la capacité MALE une solution française ou européenne, le ministère de la défense n’écarte pas a priori de recourir de façon intermédiaire à des drones immédiatement disponibles. C’est le sens des démarches en cours auprès du gouvernement américain pour examiner les transferts de technologie que les Américains seraient prêts à effectuer. Le budget de recherche et technologie (R&T) pour 2010 permet de poursuivre les travaux engagés. Pour les drones de surveillance et de reconnaissance, les briques technologiques critiques sont d’ores et déjà développées (insertion des drones dans la circulation aérienne générale, liaisons de données, appontage automatique…). La France a suscité de multiples coopérations sur ces thèmes. Concernant les drones de combat, plusieurs projets sont menés en coopération européenne, le plus important d’entre eux étant le démonstrateur technologique Neuron. D’autres coopérations ambitieuses sont en cours de négociation. Les priorités de R&T définies dans l’enveloppe de la LPM visent à la fois à construire des coopérations européennes fructueuses et à soutenir les compétences nationales en aéronautique de combat et dans les domaines sensibles comme celui des systèmes de mission.

A-t-on tiré toutes les conséquences du retard pris ? Est-il toujours réaliste de vouloir créer une filière industrielle française pour les drones MALE, au vu de l’avance américaine sur ce créneau ? En revanche, mise-t-on suffisamment sur les PME pour développer des drones tactiques et des mini-drones ?

Les équipes de la DGA en charge des drones agissent au sein du segment de management UAS (Unmanned Air System) de l’unité de management « missiles et drones » de la direction des opérations. Est-ce le meilleur positionnement organique pour affronter les difficultés actuelles ? Toutes ces interrogations obligent les responsables politiques à sortir des schémas et des acteurs industriels traditionnels. Les réponses sont toujours en attente.

L’incapacité de la France et au-delà de l’Europe à définir une stratégie industrielle cohérente et constante en matière de drones, fondée sur une expression commune du besoin des différentes forces armées, désespère les industriels européens. Cette situation explique notamment le quasi-ultimatum lancé en mars 2010 par EADS à la France, à l’Espagne et l’Allemagne à propos de la poursuite du programme de drone de surveillance TALARION que l’entreprise a développé sur ses fonds propres. Porteurs du projet concurrent SDM, Dassault et Thalès sont dans l’expectative. Éric Trappier, directeur général international de Dassault, insiste sur le fait que les industriels ont « besoin d’une décision ». Il précise qu’il « existe des contraintes budgétaires mais [Dassault a] besoin de ces budgets pour préparer l’avenir et maintenir des bureaux d’études » (219).

Le 1er juillet 2010, la Commission européenne et l’agence européenne de défense ont initié une conférence sur les drones pour encourager les coopérations et synergies industrielles communautaires. Mais l’absence de véritable institution pilote et de projets fédérateurs fait craindre une persistance des difficultés à développer une véritable filière drone en Europe. Des coopérations bilatérales sont apparues. Ainsi, depuis le printemps 2010, des discussions franco-britanniques sont en cours pour développer un drone MALE.

Certaines entreprises semblent avoir d’ores et déjà abandonné cet espoir : en septembre 2010, Safran a annoncé la création d’une société commune avec l’Israélien Elbit pour le marché des systèmes de drones tactiques. Cette décision n’est pas sans étonner : il est difficile de croire que la société israélienne procédera à des transferts de technologies clés au profit d’un partenaire étranger. La cohérence industrielle, voire politique, d’une telle alliance laisse sceptique. Ce choix révèle toutefois le désarroi général autour des drones.

1. Les drones stratégiques HALE et MALE

La France a renoncé à posséder des drones stratégiques HALE (haute altitude, longue endurance) qui remplissent des missions de renseignement. La société américaine Northrop Grumman a développé le GLOBAL HAWK qui peut évoluer à 65 000 pieds, sachant qu’un avion de ligne évolue à 30 000 pieds ; il succède ainsi aux célèbres avions espions U2.

Les drones MALE (moyenne altitude, longue endurance) apportent des capacités décisives de reconnaissance et de surveillance au commandement d’un théâtre d’opérations donné. Le Livre blanc est catégorique et affirme qu’un « système de drone MALE devrait être opérationnel au milieu de la prochaine décennie ». Le ministre de la défense a rappelé qu’il « y a 600 millions d’euros prévus pour l’achat d’un système de drone MALE dans la loi de programmation militaire. Les militaires en sont très demandeurs. Le problème, c’est que les forces françaises n’ont qu’un système intérimaire amélioré. Il nous faut un successeur et celui-ci existe sur étagères aux États-Unis. Les industriels français me proposent bien des projets, mais ils explosent l’enveloppe » (220).

Déjà en service au sein de l’armée de l’air, l’Harfang (toujours dénommé dans les documents budgétaires système intérimaire de drone MALE SIDM) mène des missions de reconnaissance et de surveillance. Le chef d’état-major de l’armée de l’air a dressé un bilan positif de l’emploi des drones, indiquant que « depuis un peu plus de 18 mois, [les] trois appareils moyenne altitude longue endurance (MALE) ont effectué près de 3 000 heures de vol, au profit des troupes au sol, françaises et alliées. Avec ces avions pilotés à distance, [les] équipages sont désormais capables de veiller pendant 24 heures d’affilée au-dessus du théâtre. Cette durée symbolique montre, s’il en était besoin, combien ces appareils sont parfaitement adaptés à des missions de surveillance de vastes étendues, sur les théâtres d’opérations mais aussi, au niveau interministériel, de recherche de personnes disparues, de protection de l’environnement, de prévention, pour peu que [la France en possède] suffisamment » (221).

La mise en œuvre de l’Harfang se fait à partir d’une base aéroportuaire. Pouvant évoluer jusqu’à 50 000 pieds, il a une autonomie de vol pouvant atteindre 30 heures. Son rayon d’action lui permet d’effectuer des missions à 1 000 kilomètres de son point de décollage, à condition que les liaisons soient possibles avec sa base (notamment via satellite). L’armée de l’air dispose de quatre exemplaires fabriqués par EADS en partenariat avec la société israélienne IAI. Le coût d’acquisition d’un système (trois vecteurs et une station sol) est évalué à 41 millions d’euros.

Comme le précise sa dénomination budgétaire, l’Harfang est un système intérimaire en attente d’un système MALE futur dont la livraison hypothétique est programmée pour 2016. Plusieurs projets français de drones MALE sont en attente d’un véritable engagement du ministère de la défense qu’il s’agisse par exemple du projet Talarion d’EADS ou du projet SDM de Dassault-Thalès. Cette concurrence ne facilite pas l’émergence d’une solution budgétairement soutenable et explique, partiellement, l’inertie actuelle.

Selon le ministre de la défense, « le projet SDM, conçu par Dassault et Thalès, n’obtient qu’une note moyenne pour la souveraineté, sa plateforme étant israélienne. Son coût est moins élevé, quoique très supérieur à l’enveloppe LPM, avec une coopération envisageable. Le risque industriel est moyen et le délai de réalisation est de 4 à 5 ans » (222).

En août 2010, le ministère de l’intérieur a expérimenté un drone Patroller de classe MALE pour mener des missions en faveur de la sécurité civile (surveillance incendie, recherche de personnes, secours aux populations…). Développé par Sagem Défense Sécurité du groupe Safran, le Patroller peut être utilisé par les forces de l’ordre, les douanes, la sécurité civile mais aussi les forces armées. Les dispositifs garantissant la sécurité de l’avionique embarquée ont été développés afin de permettre au drone de survoler des zones habitées (jusqu’à 60 habitants/km2).

Sur le plan budgétaire, pour les programmes MALE, le projet de loi de finances pour 2011 inscrit 72,6 millions d’euros en AE et 19,4 millions d’euros de CP. La LFI pour 2010 a prévu 10,5 millions d’euros d’AE et 68,9 millions d’euros de CP quand 66,5 millions d’euros d’AE et 37,5 millions d’euros de CP ont été consommés en 2009.

2. Les drones tactiques

Le SDTi (système de drone tactique intérimaire), fabriqué par SAGEM, évolue sous un plafond de 20 000 pieds avec un rayon d’action maximum de 200 kilomètres. Lancé à partir d’une catapulte, il peut voler pendant 15 heures. L’armée de terre dispose de deux systèmes de neuf drones chacun. En mars 2010, la DGA a livré au 61e régiment d’artillerie de Chaumont, dans la Haute-Marne, le dernier des trois SDTi-NG (nouvelle génération) de l’armée de terre. Au Kosovo puis en Afghanistan, ce drone remplit des missions de renseignement, d’acquisition d’objectifs et de protection des forces.

À l’été 2010, la DGA a achevé les essais du Camcopter S-100, un drone hélicoptère de surveillance terrestre et maritime. Ce drone, fabriqué par la société autrichienne Schiebel, peut décoller et apponter sur des bâtiments en pleine mer, pour une capacité de vol de près de 10 heures. Associé à Thalès Aerospace, Thalès Optronique et DCNS, Schiebel espère équiper les frégates de classe Lafayette à partir de 2011.

D’autres capacités des drones tactiques méritent d’être analysées notamment en ce qui concerne le transport de fret : Lockheed Martin a conçu un drone hélicoptères, Kaman K-MAX, en mesure de transporter une charge de 1,3 tonne dans des zones difficilement accessibles en raison de la configuration géographique ou de l’intensité des engagements. Une mise en service opérationnel de cet appareil en Afghanistan est envisagée pour 2011 au sein des forces américaines.

Pour les drones tactiques, aucune autorisation d’engagement et aucun crédit de paiement n’ont été consommés en 2009 alors que le projet de loi de finances allouait 10 millions d’euros sur ces deux items. En 2010, 45 millions d’euros d’AE et aucun crédit de paiement sont inscrits en LFI. Le PLF pour 2011 prévoit quant à lui 92 millions d’euros en AE et 9,8 millions d’euros pour les CP.

3. Les drones de combat

Les drones UCAV (unmanned combat air vehicule) remplissent des missions air-sol grâce à leur armement embarqué. Les États-Unis disposent du Predator armé de missiles Hellfire et de bombes GBU pouvant évoluer à 7 600 mètres d’altitude avec un rayon d’action supérieur à 700 kilomètres. Le Royaume-Uni dispose également de quelques unités.

La France ne possède pas pour l’instant de tels aéronefs, les forces ayant quelques réticences à engager des drones dans des opérations de combat. Les nombreux dommages collatéraux provoqués par les drones américains notamment en territoire pakistanais tendent à leur donner raison. Mais l’amélioration des systèmes de guidage et de désignation de cible peut limiter ces dommages et donc faciliter l’emploi des drones de combat. La plupart des pays n’ont pas ces états d’âme : les autorités iraniennes envisagent de disposer en mars 2011 de drones d’attaque furtif de production locale.

Tout retard pris en terme de concept d’emploi mais aussi de dotation en drones de combat pénalisera rapidement la France. Les projets nationaux sont cependant encore à l’état de démonstrateur ou de prototype. Le 9 février 2006, la DGA a notifié à Dassault Aviation le contrat de maîtrise d’œuvre et de réalisation pour le développement du Neuron.

Un achat de drones Predator par la France soulève de nombreuses interrogations rappelées par le ministre de la défense : « le Predator pose des problèmes de souveraineté ; son délai de réalisation est de trois ans pour un coût proche de l’enveloppe prévue par la loi de programmation. Aucune coopération n’est envisageable. Le risque industriel est limité voire nul mais aucun retour industriel n’est possible ». Il a toutefois précisé qu’il n’a « pas encore choisi d’acheter des Predator. Le délégué général pour l’armement a réalisé un premier audit sur ce programme. Pour avancer dans les discussions, il […] faudra envoyer un courrier officiel aux Américains car l’achat de drones par un pays étranger est soumis à l’autorisation du Congrès. [La France a] enfin toute une série de questions à résoudre, notamment sur la souveraineté et l’acquisition des images » (223).

4. Les mini-drones

Par leur maniabilité et leur rapidité de mise en œuvre, les mini-drones constituent des atouts tactiques indéniables, notamment pour les opérations des forces spéciales. Leur faible emport ne permet pas d’offrir des capacités technologiques très développées. Actuellement, les forces françaises emploient trois types de mini-drones :

- le drone de reconnaissance au contact (DRAC) a une autonomie moyenne de vol allant de 60 à 90 minutes pour un rayon d’action de 10 à 20 kilomètres. Lancé manuellement, il peut être mis en œuvre en quelques minutes. « Le DRAC est un petit drone tactique mis en œuvre au niveau de l’unité pour aller chercher du renseignement à une dizaine de kilomètres. Une section par brigade en est dotée. Il a présenté deux difficultés majeures de mise au point, mais la première, due à l’interférence entre l’optique et le système de géo-référencement, a été réglée par l’industriel, et la seconde, liée à des problèmes de motorisation, est en cours de règlement. Les vols devraient être relancés assez rapidement » (224). Ce système est fabriqué par EADS et Survey Copter ;

- fabriqué par la société israélienne Elbit, le Skylark 1 est un mini-drone de surveillance et reconnaissance. D’un poids de 2 kg, il est lancé à la main. Son autonomie est de 3 heures. Il dispose d’un parachute pour la phase d’atterrissage ;

- le mini-drone WASP, de la société américaine AeroVironment, pèse 500 grammes. Lancé avec une catapulte à main, il a une autonomie de vol d’une heure.

III. —  PROJECTION-MOBILITÉ-SOUTIEN

« La projection est au cœur des fonctions stratégiques et de l’engagement des forces armées en opérations. Elle permet de mettre en œuvre toute une gamme de modes d’action, de la diplomatie préventive aux actions offensives, dans des opérations militaires majeures comme dans des opérations de stabilisation, sur le territoire national comme à l’étranger » (225). Si ce constat a été écrit par les responsables des forces aériennes françaises, il demeure valable pour la marine et l’armée de terre. Être en mesure de projeter des hommes et du matériel à une distance donnée dans un temps limité est une capacité militaire et politique déterminante.

Fiche de synthèse du système de forces « Projection – Mobilité – Soutien »

Plan prospectif à 30 ans du ministère de la défense, DGA, 2009-2010

Fonctions à remplir

Capacités maîtresses

Le référentiel capacitaire du système de forces est construit autour de trois capacités maîtresses :

- La projection qui se définit dans le temps par la mise en place initiale des forces, par l’entretien des acheminements dans la durée et enfin par le retrait des forces du théâtre d’opération ;

- la mobilité, qui s’inscrit dans le prolongement de la projection, au sein d’un théâtre d’opération ;

- Le maintien du potentiel ami et autres, qui vise à maintenir le potentiel de nos forces et le cas échéant de celles de nos alliés mais peut aussi s’appliquer à d’autres acteurs tels que les populations locales ou les organisations internationales.

Contribution du système de forces aux grandes fonctions stratégiques du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale

Le système de forces PMS contribue aux cinq fonctions stratégiques du Livre Blanc sur la défense et la sécurité nationale de manière différenciée. Il est essentiellement dimensionné pour contribuer à la fonction « intervention » et, de manière corollaire, à la fonction « dissuasion » notamment par l’apport de ses ravitailleurs en vol à la composante aéroportée, mais les capacités découlant de sa contribution principale à la fonction « intervention » peuvent aussi bénéficier aux trois autres fonctions stratégiques.

Contrat opérationnel

Projection : Sur la base des éléments du LBDSN, le système de forces PMS doit être capable de projeter en cinq jours l’échelon d’urgence (1 500 hommes équipés) d’une force de 5 000 hommes, avec son autonomie, à 7 000 voire 8 000 kilomètres.

Mobilité – soutien : Avec un préavis de 6 mois, le système de forces PMS doit être capable de soutenir et de s’intégrer dans des forces de 30 000 h et 5 000 h pour des opérations d’un an, en maintenant une force de 10 000 h sur le territoire national ; ce qui se traduit dans le domaine naval par soutenir 2 à 3 théâtres où opéreraient des groupes d’action navale pour une durée de 6 à 12 mois et dans le domaine aérien par soutenir 20 aéronefs de défense aérienne sur le territoire national et 70 aéronefs projetés en opérations.

Problématiques et ambitions

Le système de forces est en situation de renouveler la plupart de ses moyens à l’horizon de 2020 dans un contexte de déficit capacitaire actuellement préoccupant à la fois pour les capacités de projection et de mobilité et de contraintes budgétaires fortes pour le ministère.

Principales ambitions du système de forces en terme de cible à atteindre à l’horizon de la LPM et au-delà

Le LBDSN a réaffirmé la nécessité de renforcer les capacités de projection à 8 000 km, dans un contexte de simultanéité de plusieurs opérations. Cette ambition se traduit principalement :

- pour la composante aérienne, par le renouvellement du parc aérien de transport stratégique et tactique (70 avions de transport), ainsi que de ravitaillement en vol (14 MRTT) ;

- pour la composante navale, par le renforcement des capacités de commandement et de projection, autour du groupe aéronaval et d’un ou deux groupes amphibies ou de protection du trafic maritime, avec les moyens de soutien pétrolier associés (flotte logistique) ;

- pour les forces terrestres, par le renforcement de l’aéromobilité (hélicoptères de manœuvre) et la protection des forces.

Principales problématiques, difficultés actuelles ou pressenties associées à ces ambitions

Les capacités de projection et de soutien du système de forces PMS réalisent des missions de transport qui sont proches de celles réalisées par le secteur civil et utilisent essentiellement des vecteurs développés à partir de matériels civils. Cette particularité pose la question de la détermination du juste équilibre entre l’acquisition de capacités propres ou le recours à l’externalisation et leurs conséquences en termes capacitaire et opérationnel.

Cette dualité se traduira également par l’influence croissante des réglementations civiles de circulation, d’environnement et de sécurité toujours plus exigeantes, que le système de forces devra prendre en compte, avec la difficulté pour les matériels militaires, d’avoir des cycles de vie plus longs.

La composante mobilité et soutien de théâtre, avec des missions essentiellement proches du contact, se prête moins facilement à l’externalisation que les autres composantes du système de forces, même si ses vecteurs sont développés à partir de matériels civils et si de nouvelles initiatives permettent d’envisager de recourir à des capacités industrielles au plus près des théâtres pour le soutien des matériels en opérations.

La déclinaison des contrats opérationnels du LBDSN en objectifs ou scénarios utilisables pour le dimensionnement des parcs n’est pas suffisante au stade actuel, notamment dans les domaines de l’aéromobilité, de la mobilité tactique (aérienne et terrestre), du franchissement et du maintien en condition opérationnelle.

La réduction du dispositif de forces prépositionnées en particulier dans les DOM-COM pourra également avoir un impact significatif sur le dimensionnement de nos capacités de projection. L’aide ou l’assistance aux populations des DOM-COM ou des pays étrangers pourrait cependant être requise par les autres ministères dont le ministère de l’intérieur. Une organisation et des procédures interministérielles seront, le cas échéant, à prévoir pour la prise en compte opérationnelle de ces missions ainsi que leur financement.

Les capacités du système de forces se prêtent à l’échange, à la mutualisation ou au partage de capacités, voire à la mise en place de capacités communes à l’échelle européenne. Les bénéfices potentiels de cette mutualisation sont cependant insuffisamment exploités à l’heure actuelle, et doivent constituer un axe de progrès pour réduire les déficits capacitaires actuels.

Capacités prioritaires à développer

Après avoir engagé le renouvellement des moyens de transport aérien tels que l’A400M et le NH90 et de projection maritime (BPC), le système de forces doit accompagner la mise en service de ces systèmes.

Il doit également engager les actions nécessaires au lancement des programmes de ravitaillement pétrolier (MRTT, flotte logistique), le renouvellement des moyens de mobilité terrestre en prenant en compte les impératifs de protection (PPT, VLTP, porteur 4-6 tonnes), ainsi que d’extension de capacité dans le domaine des hélicoptères de manœuvre (programme d’hélicoptère de transport lourd HTL).

Le besoin croissant de protection des vecteurs du système de forces, engagés sur de grandes distances, souvent lourds, lents, pas ou peu armés, impose des mesures opérationnelles globales (routes à risque minimum, protection des convois…) mais nécessite également le développement de moyens d’autoprotection appropriés (kits de blindage, équipements des aéronefs en systèmes de détection et leurrage contre les menaces proliférantes telles que les systèmes de missiles sol-air à très courte portée…).

Le système de forces a en outre la nécessité de structurer le renouvellement de ses moyens de soutien et de logistique, au profit de ses propres capacités de projection et de mobilité, ainsi que de celles des autres systèmes de forces.

Études prioritaires à lancer

Les vecteurs du système de forces étant développés dans la plupart des cas sur une base civile, les études porteront uniquement sur la militarisation nécessaire pour les différentes plates-formes, notamment en terme de protection (passive ou active à base de systèmes d’autodéfense), de gestion de l’information à bord ainsi que d’interfaces avec les équipements des autres systèmes de forces, nécessitant une intégration plus poussée des différentes fonctions que sur les plates-formes civiles.

Dans le domaine du transport, les études concerneront essentiellement la préparation des futurs programmes d’hélicoptères, ou l’amélioration des performances des plates-formes existantes pour prendre en compte le retour d’expérience des opérations récentes (vol tout temps, conditions extrêmes en altitude et température, amélioration de la survivabilité…). Un effort particulier sera apporté à l’amélioration des capacités d’autoprotection des vecteurs (capacités de leurrage et de brouillage face à la prolifération des nouvelles menaces).

La réduction des besoins en flux logistiques et en énergie des forces en opérations constituera également une priorité car elles bénéficient à la fois aux capacités d’intervention (par amélioration des caractéristiques de projection et de mobilité), et de protection (par réduction de l’empreinte au sol).

Dans le domaine des flux logistiques, le développement de technologies spécifiques sera nécessaire pour les systèmes d’emballage et de conditionnement aéroterrestre, de ravitaillement, de manutention, de protection des moyens logistiques, afin d’accélérer les manœuvres logistiques et les rendre plus performantes. La capacité à produire localement des services de soutien (traitement d’eau et des déchets, ateliers de maintenance) constituera également un axe d’effort.

Dans le domaine de l’énergie, la dépendance au pétrole de nos vecteurs impose un effort de maîtrise de nos besoins énergétiques, qui doit être réalisé au profit de l’ensemble des systèmes de forces. Enfin, la sensibilité des chaînes logistiques en opération à une agression conduit à chercher la maîtrise des besoins énergétiques à la source afin de réduire l’empreinte au sol, source essentielle de fragilité en opérations.

A. LES AÉRONEFS DE TRANSPORT

Plusieurs modes d’action sont mis en œuvre par les différents aéronefs de transport : l’aérotransport, l’aérolargage et l’aéroportage.

1. Les avions

Selon le Livre blanc, « les moyens aériens doivent être capables de projeter une force de 1 500 hommes à 7 000 ou 8 000 kilomètres en quelques jours avec les moyens de commandement, de conduite, de détection et de contrôle aérien, ainsi que les bases aériennes nécessaires ». Cette force est complétée par la projection d’une force aérienne de 70 avions de combat et leurs avions de soutien opérationnel associés. Cet objectif vise dans un second temps à « projeter en six mois une force terrestre pouvant aller jusqu’à 30 000 hommes pour une durée d’un an ».

Pour remplir ce contrat opérationnel, le Livre blanc affecte à l’armée de l’air 70 avions de transport. La capacité de l’armée de l’air à respecter ce contrat repose sur la disponibilité des appareils existants et sur l’arrivée de l’A400M. Dans les deux cas, la situation s’est dégradée en 2010.

a) L’A400M

● L’A400M a une capacité d’emport de 36,6 tonnes pour le fret ou de 116 parachutistes pour le transport de passagers. Il peut également remplir des fonctions d’avion ravitailleur en transportant 41 tonnes de carburant transférables avec 1 heure d’attente à 450 kilomètres. Son rayon d’action optimal est de 3 295 km à pleine charge et sa vitesse de croisière de 760 kilomètres/heure. Le coût unitaire de l’A400M est estimé, avant renégociation contractuelle, à 145 millions d’euros.

Dans son avis budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2010, le rapporteur avait analysé la situation du programme A400M. Il considérait que « malgré des éléments très positifs, les États et les industriels doivent désormais trouver un terrain d’entente sur le plan financier, le contrat actuel ne pouvant pas être poursuivi en l’état » (226). Les négociations ont été engagées entre les six pays partenaires et un accord a été obtenu en mars 2010. Pour autant, il s’est fait au prix de réductions de cibles des clients. Le ministre a indiqué en attendre la confirmation formelle. Il est toutefois vraisemblable que l’Allemagne réduira sa commande, passant de 60 à 53 60 appareils puisqu’elle s’est engagée dans un plan de rigueur budgétaire très fort pour sa défense et que ses Transall sont encore opérationnels. Le Royaume-Uni devrait également commander trois appareils de moins que prévu.

Il convient par ailleurs de résoudre des difficultés techniques persistantes, notamment en ce qui concerne le système de suivi de terrain (flight management system).

Pour éviter de prendre encore du retard sur le programme, les clients ont accepté de recevoir cinq versions différentes de l’appareil. En contrepartie, il faut que l’industriel s’engage à résoudre les difficultés restantes dans les délais. Comme l’a souligné le ministre, il faut prendre « toutes les garanties nécessaires vis-à-vis de l’industriel car nous avons absolument besoin de cet avion : il faut éviter de nous retrouver, en 2013 ou en 2014, en face d’un constructeur qui n’aurait pas pu tenir ses engagements » (227).

La première livraison devrait avoir lieu en 2013 et la France devrait disposer de huit appareils à la fin de l’année 2014, les livraisons françaises s’achevant en 2024.

Sur le plan financier, il n’est pas possible de déterminer le montant exact des surcoûts tant que l’avenant au contrat n’a pas été signé par les clients et par l’industriel. Comme l’a indiqué le délégué général pour l’armement, il est prévu une hausse de 10 % du prix du contrat, soit deux milliards d’euros hors taxes. En complément, « et en dehors du cadre du contrat, les États vont apporter 1,5 milliard d’euros d’investissements avec, en contrepartie, une rémunération perçue sur les ventes de l’A400M à l’exportation » (228), la part française représentant 400 millions d’euros.

En 2011, la France dépensera près de 233 millions d’euros en AE et 331,5 millions d’euros en CP pour l’A400M ; elle a déjà engagé près de 5,5 milliards d’euros sur ce programme.

● Les concurrents de l’A400M sont nombreux mais n’ont pas la polyvalence de l’appareil européen. Ils privilégient une capacité qu’il s’agisse de la capacité d’emport, du rayon d’action ou du coût unitaire.

Le Boeing C-17 peut transporter à 800 km/h sur 4 500 kilomètres 186 passagers ou 102 parachutistes, ou, pour le fret, une charge utile allant jusqu’à 74,7 tonnes. Le prix unitaire de cet avion hors normes s’élève à 240 millions de dollars.

L’Antonov 70 est un gros-porteur russo-ukrainien dont le développement a été perturbé par les relations tendues entre Moscou et Kiev et par de premiers essais techniques catastrophiques. Relancé récemment, ce projet vise à profiter des déboires de l’A400M. Pouvant transporter 30 tonnes de fret ou 96 parachutistes, il peut voler à 750 km/h avec un rayon d’action de 3 000 km. Il aura une capacité de transport inférieure à celle du géant Antonov-124 avec sa capacité d’emport de 130 tonnes sur plus de 3 000 km.

Le gros-porteur russe Iliouchine 76 emporte 47 tonnes, 140 passagers ou 125 parachutistes jusqu’à plus de 7 000 kilomètres.

Le quadrimoteur C-130-J Super-Hercules de l’américain Lockheed Martin peut transporter à 615 km/h, sur 3 150 kilomètres, 21 tonnes de charges utiles. Son prix unitaire est de 80 millions de dollars.

Le KC-390 est un programme de la société brésilienne Embraer estimé à 1,3 milliard de dollars pour un prix unitaire évalué à 60 millions de dollars. Ce biréacteur a une capacité d’emport de 19 tonnes, de 80 passagers ou de 64 parachutistes. Les premiers essais en vol sont programmés pour 2014 avec une mise en service opérationnel au sein des forces aériennes brésiliennes en 2016.

L’Inde et la Russie se sont accordées sur un projet commun d’avion de transport multirôles (MTA). En septembre 2010, la société indienne Hindustan Aeronautics Limited s’est associée avec les Russes United Aircarft corporation et Rosoboronexport pour mener à bien ce projet au sein d’une société ad hoc. L’objectif est de disposer d’un avion avec une capacité d’emport de 15 à 20 tonnes pour un rayon d’action de plus de 2 500 km à une vitesse de croisière avoisinant les 800 km/h. Le coût global de ce programme est estimé à 600 millions de dollars.

b) Le C-160 Transall

Le C-160 Transall a une capacité d’emport de 16 tonnes ou de 91 passagers dans une configuration de mission logistique. Son rayon d’action est de 5 500 km, hors ravitaillement en vol. Sa vitesse maximale est de 515 km/h. L’armée de l’air dispose de 51 exemplaires de cet appareil.

Le tableau suivant présente la disponibilité opérationnelle de ces avions.

disponibilité du C-160

 

Heures de vol prévues

Heures de vol réalisées

En ligne (1)

Disponibilité technique opérationnelle

2007

23 090

22 381

47,0

51 %

2008

23 740

22 184

45,9

55 %

2009

24 500

18 518

45,3

79 %

(1) Sont déclarés « en ligne » les aéronefs disponibles ou en maintenance au niveau du soutien opérationnel ; cela exclut les appareils en maintenance au niveau du soutien industriel.

Source : ministère de la défense.

Le retard pris par l’A400M impose une prolongation en service des Transall pourtant à bout de souffle : l’appareil le plus récent a déjà 26 ans ! Le chef d’état-major de l’armée de l’air confirme d’ailleurs que « les C-160 restent, aujourd’hui, le cœur de notre flotte de transport. Mais malgré les efforts considérables que nous accomplissons, en particulier le service industriel de l’aéronautique, c’est une flotte qui est effectivement à bout de souffle. Notre souci est qu’elle puisse voler dans les meilleures conditions. Nous étudions toutes les pistes car il est important de soulager nos troupes de ce poids » (229).

Plus de 140 millions d’euros sont ainsi nécessaires en 2011 pour assurer la maintenance de ces appareils. Cette somme doit être ajoutée au coût du programme A400M, dans la mesure où la prolongation de la durée de vie des Transall est une mesure de substitution imposée par la défaillance du programme européen.

Question : Présenter le taux de disponibilité opérationnelle et le coût de MCO du Transall.

Extrait de la réponse :

La flotte C-160 est en phase de déflation depuis 2005. Actuellement stable à 51 appareils de transport (C-160R) et 2 appareils spécialisés dans la guerre électronique (C-160G), la déflation de la flotte sera reprise à partir de 2011 jusqu’à son retrait définitif en 2018. Le rythme de déflation sera d’environ 8 appareils par an.

Les problèmes de disponibilité rencontrés sur la flotte C-160, sont essentiellement dus :

- à l’âge des appareils, notamment les avions de première série, construits à la fin des années soixante ;

- aux conditions sévères d’utilisation de cette flotte (opérations en Afrique) ;

- aux difficultés d’approvisionnement en pièces détachées, caractéristiques des flottes vieillissantes utilisant des éléments de technologie ancienne ;

- aux nécessaires chantiers de remise à niveau indispensables pour assurer le respect des nouvelles normes de navigation et le traitement des obsolescences.

C160

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Activité réalisée ou prévisionnelle

23 017

22 842

19 243

20 900

20 750

18 150

15 400

14 200

11 600

9 700

Besoin en CP (M€ courants)

135,2

138,5

116,4

108,3

143,3

124,5

96,5

82,6

67,6

52,6

L’augmentation des coûts en 2011 est justifiée par la prolongation de la vie de l’avion jusqu’en 2018 (à titre de mesure palliative au retard de livraison de l’A400M), ce qui inclut le financement de grandes visites supplémentaires (5 grandes visites en 2011), et le renouvellement d’un important contrat pour les moteurs et hélices.

c) Le C-130 Hercules

À l’instar de nombreux États, la France dispose de C-130 Hercules, l’avion de transport tactique fabriqué en série par l’américain Lockheed Martin. Cet appareil peut transporter 10 tonnes de matériels ou 120 passagers à 5 500 kilomètres. Le parc de 14 appareils s’avère extrêmement tendu car sursollicité par les forces pour compenser la disponibilité déclinante des C-160 Transall et l’absence des A400M. Ce problème se traduit par une augmentation des coûts de maintien en condition opérationnelle.

Pour succéder au C-130, la France envisage l’acquisition d’une dizaine de KC 390 d’Embraer pour un montant estimé à 500 millions d’euros. « Le choix d’acheter des KC 390 est une mesure complémentaire à l’entrée en service de l’A400M dans notre parc aérien. Le Président de la République a signé avec son homologue brésilien un accord de partenariat stratégique, qui porte notamment sur la coopération dans le domaine aéronautique et spatial. L’achat d’avions brésiliens s’inscrit précisément dans cette démarche. Le KC 390 est un complément de l’A400M, car ce dernier ne pourra pas satisfaire tous nos besoins, en tout cas pas dans les meilleures conditions économiques. Les moyens de transport des armées sont utilisés, à l’heure actuelle, en Afrique, dans les territoires d’outre-mer… L’A400M sera-t-il utile sur tous ces théâtres ? Selon certaines estimations, un seul KC 390 peut remplacer plusieurs Transall pour certaines missions. Nous devons simplement faire en sorte que l’acquisition, l’entretien et le fonctionnement des futurs avions brésiliens se fassent dans les meilleures conditions financières possibles » (230). Il convient cependant de demeurer prudent quant aux capacités futures de l’avion encore à l’état de projet ; le délégué général pour l’armement n’envisageant pas l’entrée en service du KC 390 « avant 2017, c’est-à-dire au moment où nous devrons remplacer nos C-130. Nous devrions alors réussir à opérer la transition sans multiplier les flottes. Toutefois, il faut rester prudent, l’appareil n’en est encore qu’à l’état de la conception et toutes ses spécifications ne nous sont pas encore connues » (231).

d) Le CASA CN-235

Avion de transport biturbopropulseur avec une charge utile maximale de près de 6 tonnes, le CN-235 peut transporter jusqu’à 51 soldats, 36 parachutistes ou 18 brancards avec quatre infirmiers. Il a un rayon d’action maximal de 5 000 kilomètres et peut opérer sur des pistes courtes sommaires.

Le 25 mars 2010, la DGA a notifié à EADS une commande de huit CN-235 pour 225 millions d’euros, pour livraison entre fin 2011 et mi-2013. Le PLF pour 2011 prévoit 60 millions d’euros de CP pour ce programme.

Selon le porte-parole du ministère, ce contrat est « une des mesures transitoires décidées pour maintenir la capacité de transport aérien en attendant l’arrivée de l’A 400M » (232). La France dispose déjà actuellement de 19 appareils.

Le tableau suivant présente l’évolution de la disponibilité des CASA CN 235.

disponibilité des CASA CN 235

 

Heures de vol prévues

Heures de vol réalisées

En ligne (1)

Disponibilité technique opérationnelle

2007

8 715

8 740

15,9

73 %

2008

9 860

9 390

16,0

75 %

2009

10 500

9 727

17,3

108 %

(1) Sont déclarés « en ligne » les aéronefs disponibles ou en maintenance au niveau du soutien opérationnel ; cela exclut les appareils en maintenance au niveau du soutien industriel.

Source : ministère de la défense.

Question : Détailler le coût d’acquisition des CASA 235. Indiquer le taux de disponibilité de ces appareils ainsi que le coût prévisionnel de leur MCO.

Extrait de la réponse :

Le coût d’acquisition des 8 CASA CN235, qui s’élève à 253 M€ (CF 01/2009), comprend l’acquisition des avions, des rechanges, de l’outillage, de la documentation, de la formation et du soutien initial associé.

La disponibilité de la flotte CASA CN235-200 a permis dans l’ensemble de satisfaire les contrats opérationnels et l’entraînement des équipages dans de bonnes conditions.

CN 235

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Activité réalisée ou prévisionnelle CN235 (flotte actuelle)

8 740

9 390

9 727

9 700

9 700

9 700

9 700

9 700

9 700

9 700

Activité CN 235

(acquisition)

3 900

4 500

4 500

4 500

TOTAL CASA

8 740

9 390

9 727

9 700

9 700

9 700

13 600

14 200

14 200

14 200

Besoin CN235

(flotte actuelle)

24,3

24,6

23,8

24,3

23,7

24,3

24,2

26,0

26,5

26,1

Besoin CN235

(acquisition)

0,53

4,86

7,41

7,63

TOTAL CP

M€ Courants

24,3

24,6

23,8

24,3

23,7

24,3

24,73

30,86

33,91

33,73

250 avions de ce type ont été vendus dans 25 pays. Outre la France et l’Espagne, le Chili, la Malaisie, le Maroc, le Pakistan, l’Arabie Saoudite, l’Afrique du Sud et la Turquie figurent parmi les pays utilisateurs.

L’espagnol CASA exporte également d’autres modèles, déclinaisons du CN-235 : en avril 2009, la république Tchèque a commandé pour 130 millions d’euros quatre avions de transport CASA C-295M, pour remplacer ses Antonov An 26.

Le principal concurrent du CASA CN-235 est le C-27J Spartan développé par Alenia, filiale du groupe italien Finmeccanica.

e) Le Xingu

Pour leur formation, les équipages de l’aviation de transport française ont un cycle d’apprentissage sur des Embraer E 121 Xingu stationnés à l’école de l’aviation de transport (EAT), sur la base aérienne 702 d’Avord.

Cet avion brésilien, conçu dans les années 1970, fait l’objet d’une rénovation afin d’augmenter son potentiel de vingt ans. Officiellement l’EAR est dotée de 30 appareils dont 24 en ligne, ce qui constitue le plus important parc dans le monde ; toutefois en janvier 2010 seuls 11 avions étaient opérationnels pour former 46 élèves. Ce chiffre s’est légèrement accru depuis cette date pour atteindre le seuil minimal de disponibilité fixé à 14 appareils. Le recours à des simulateurs permet de réduire la charge d’emploi des avions mais le faible taux de disponibilité demeure très problématique. La Marine nationale a quant à elle réduit de moitié le potentiel d’heures de vol de ses cinq Xingu.

Question : Détailler l’état du parc de Xingu et les possibilités de rénovation (coût, calendrier…).

Réponse :

L’Embraer 121 XINGU est mis en œuvre par l’armée de l’air et la marine nationale.

Dans l’armée de l’air (30 aéronefs), il est utilisé au sein de l’École de l’Aviation de Transport, stationnée sur la base aérienne 702 d’Avord. Il permet de former les élèves pilotes en vue de l’obtention du brevet de pilote de transport. L’armée de l’air effectue environ 10 000 heures de vol/an.

Dans la marine nationale (11 aéronefs), cinq d’entre eux sont utilisés pour réaliser des missions de soutien logistique au profit de l’ensemble de ses composantes. Depuis la fermeture de la base aéronavale de Nîmes-Garons (Flottille 28 F), les bases d’exploitation du XINGU sont Lann-Bihoué et Hyères. Cette année, la marine a réduit le potentiel de 4000 à 2000 heures de vol/an.

La disponibilité des XINGU est bonne. Les immobilisations sont dues aux maintenances de niveau industriel et aux chantiers de modifications effectués par l’Atelier Industriel Aéronautique (AIA) de Clermont Ferrand.

Un programme de rénovation de l’avionique est en cours afin de mettre le parc de XINGU en conformité avec les nouvelles exigences de la réglementation aérienne OACI et pour traiter certaines obsolescences.

Le marché de fourniture des kits de modification pour les aéronefs a fait l’objet d’une notification à EADS/SOCATA en janvier 2007. Les chantiers de modification des aéronefs ont débuté à l’AIA de Clermont-Ferrand en janvier 2010 et devraient se terminer en 2013.

Le coût de cette rénovation est de 23.5 M€ (CF 01/2009).

La réponse précédente soulignant que « la disponibilité des XINGU est bonne » doit être relativisée. Il est à noter d’ailleurs qu’aucun chiffre précis n’est donné par le ministère pour expliquer la différence de la disponibilité entre les Transall et les Casa CN-235. De même, dans la réponse faite à la question écrite n° 85 486 posée par Pierre Morel-A-L’Huissier, député de la Lozère, sur l’inventaire des aéronefs de l’armée de l’air, les Xingu ont été omis. Ce désintérêt ne manque pas de surprendre et de laisser interrogatif.

2. Les hélicoptères

a) Le NH90

Hélicoptère biturbines de la classe des 9-10 tonnes, le NH90 est un programme en coopération mené dans le cadre de l’OTAN et dont le maître d’œuvre industriel est NH industries, consortium regroupant les sociétés Eurocopter, Eurocopter Deutschland, Agusta Westland et Stork Fokker.

Les retards du programme peuvent s’expliquer par :

- la complexité de l’organisation industrielle et l’inertie de l’agence de l’OTAN en charge du programme. Selon Lutz Bertling, président d’Eurocopter, « le programme se caractérise par sa dimension internationale et, de ce point de vue, sa conception est loin d’être optimale. Du côté industriel, le système fonctionne au travers d’un consortium, au sein duquel même un partenaire très minoritaire comme le néerlandais Fokker a la possibilité de bloquer n’importe quelle décision. Du côté gouvernemental, la gestion du programme a été confiée à la NATO Helicopter Management Agency (NAHEMA), agence de l’OTAN à la volonté réelle mais au pouvoir limité. Nous sommes obligés de passer par elle, tout en travaillant aussi avec les nations, ce qui rallonge d’autant les discussions. Nous avons réglé les problèmes du côté industriel, mais il sera difficile de changer quoi que ce soit du côté de la NAHEMA, malgré nos demandes. Le processus décisionnel est extrêmement lent. Par exemple, si vous voulez livrer un hélicoptère, il faut fournir un manuel de vol : en Allemagne, le pilote est censé connaître par cœur ce qui est imprimé en caractère gras ; en Italie, la totalité du texte doit être en gras, afin qu’il puisse être lu facilement à toute heure de la journée. Il a fallu quatre mois pour que les différents pays parviennent à un accord sur ce seul sujet ! Nous avons totalement sous-estimé ce problème, du côté industriel comme du côté gouvernemental. Il ne faudra pas reproduire cette erreur » (233) ;

- la multiplication des prescriptions nationales annihilant l’effet de série recherché par la coopération internationale. Que ce soit dans les versions terres ou marines, chaque État a exigé des caractéristiques techniques et opérationnelles particulières, contraignant l’industriel à fabriquer non pas une mais une multitude de versions du NH90, renchérissant les coûts de développement et augmentant les risques technologiques.

Le NH90 est développé en deux versions, terre et marine, destinées à renouveler des flottes vieillissantes. La version terre (TTH) succédera aux Puma en service au sein de l’aviation légère de l’armée de terre (ALAT). La LPM prévoit 133 exemplaires du NH90. Toutefois, contrairement à ce qu’indique le ministère dans la réponse adressée au rapporteur, ces 133 TTH ne sont pas en totalité commandés : seulement 34 l’ont été fermement avec une option pour 34 autres ! Nul ne sait le devenir du reliquat… En 2011, un seul appareil devrait être livré.

La version marine (NFH), dont le premier exemplaire a été réceptionné par la DGA le 23 avril 2010, a été commandée à hauteur de 27 exemplaires pour remplacer les hélicoptères Lynx et Super Frelon. Le NFH peut remplir des missions de secours en mer, de lutte anti-sous-marine et antinavire. Il peut être embarqué à bord de frégates. Trois NFH doivent être livrés en 2010 et quatre en 2011. La mise en service opérationnelle est attendue pour l’automne 2011. Afin de ne pas subir de retards supplémentaires, les premiers hélicoptères livrés le seront selon un standard 1 ne réunissant pas l’intégralité des capacités technologiques de l’appareil en cours d’adaptation. Le standard 2 permettra aux unités de remplir l’ensemble des missions dévolues au NH90 marine. Les appareils seront basés à Hyères dans le Var et à Lanvéoc-Poulmic dans le Finistère.

Question : Fournir une note détaillée pour le NH90 (version terrestre et version marine). Préciser les programmes similaires étrangers

Réponse :

Le développement du programme NH90 a été lancé en 1992. La production a été lancée en 2000.

Coût global estimé du programme

Le coût global estimé du programme est de 7 792,2 M€ (CF 01/2009), soit 964,5 M€ pour la part développement et 6 827,7 M€ pour la part production, pour une cible totale de 27 NFH (1) et 133 TTH (2) pour la France.

Coopération et export

Les perspectives d’exportation sont au moins égales aux commandes prévues par les États participant au programme (France, Allemagne, Italie, Pays-Bas, Portugal, Belgique), soit au total plus de 600 machines commandées.

Commandes des pays participants :

- France : 27 NFH et 133 TTH ;

- Allemagne : 122 TTH et un appel d’offres en cours pour appareils en version navalisée ;

- Italie : 71 TTH + 46 NFH ;

- Pays-Bas : 20 NFH ;

- Portugal : 10 TTH ;

- Belgique : 4 TTH + 4 NFH ;

Exportations :

- Suède : 13 TTH + 5 NFH ;

- Norvège : 14 NFH ;

- Finlande : 20 TTH ;

- Grèce : 28 TTH ;

- Sultanat d’Oman : 20 TTH ;

- Australie : 46 MRH90 et une mise en concurrence en cours pour une vingtaine de NFH ;

- Nouvelle-Zélande : 9 TTH ;

- Espagne : 45 TTH.

D’autres pays ont montré un intérêt pour cet hélicoptère, notamment le Japon et le Danemark.

Actualité du programme

Les principaux faits marquants sur les 12 derniers mois sont :

- qualification du NFH français, en version initiale dite IOC, en novembre 2009

- jonctionnement du fuselage du premier TTH français en janvier 2010. Le premier vol de cet appareil est prévu en fin 2010 ;

- livraison à la marine nationale du 1er NFH français le 5 mai 2010 ;

- notification le 5 mai 2010 du contrat de soutien initial par le constructeur pour la marine nationale.

Programmes étrangers similaires

Les principaux concurrents du NH90 sont le Black-Hawk H-60 et sa version navale SH-60R, de Sikorsky (USA) et l’EH-101 d’Agusta-Westland. Il s’agit de programmes anciens. Le seul programme comparable au NH90 est le Cyclone de Sikorsky développé pour répondre au besoin naval du Canada (sous l’appellation CH-148) à partir d’une base S-92 civile.

(1) NFH (NATO frigate helicopter) : version navalisée du NH90

(2)TTH (tactical transport helicopter) : version terrestre du NH90

Le NH90 a donc rapidement rencontré un accueil favorable sur le marché international avec des commandes de l’Australie, de la Finlande, de la Nouvelle Zélande ou de la Suède, mais parfois avec partage de licence. La commande grecque reste toutefois théorique : sur les 28 exemplaires mentionnés, seulement 20 ont été réellement commandés mais aucun n’a été jusqu’à présent livré.

Sur le marché mondial, la version marine du NH 90 se heurte la concurrence du Sea Hawk fabriqué par la firme américaine Sikorsky.

Pour ce programme, 365,2 millions d’euros d’AE et 26 millions d’euros de CP ont été consommés en 2009. En 2010, la LFI porte la dotation à 136,8 millions d’euros pour les AE et à 295,4 millions d’euros pour les CP. Le PLF 2011 prévoit quant à lui 180,5 millions d’euros d’AE et 362,6 millions d’euros de CP.

b) Le COUGAR

Hélicoptère biturbines de manœuvre pesant jusqu’à 9 tonnes au décollage, le COUGAR assure le transport tactique (jusqu’à 24 hommes) et le transport de matériels. Sa vitesse de croisière est de 250 km/h pour une autonomie supérieure à 900 km, à une altitude de 5 100 mètres. Son armement consiste en deux mitrailleuses MAG 58 de 7,62 mm fabriquées par la société belge Fn Herstal. Son système d’autoprotection se compose d’un détecteur d’alerte radar (Thalès), d’un détecteur de départ missile (EADS) et d’un lance-leurres (MBDA).

Au sein des forces françaises depuis 1987, le COUGAR se décline en une version terre (COUGAR FAR à hauteur de 23 exemplaires) et en une version air (COUGAR GAM en trois exemplaires). En janvier 2008, un marché de rénovation a été notifié à Eurocopter afin de réduire la vulnérabilité des appareils face à des menaces sol/air, d’autoriser le vol de nuit et de gérer les différentes obsolescences. Cette rénovation assure une durée de vie supplémentaire de 20 ans. La livraison du premier appareil rénové doit intervenir en 2012.

Pour des raisons budgétaires, cette rénovation a été privilégiée à l’acquisition de matériels neufs car elle présente une économie de l’ordre de 70 %. En 2009, 29,5 millions d’euros d’AE et 16,6 millions d’euros de CP ont été consacrés à la rénovation des COUGAR FAR ; 17,5 millions d’euros d’AE et 0,987 million d’euros de CP à la rénovation des COUGAR GAM. Cette dernière opération a été néanmoins retardée d’un an en 2009. En 2010, ont été inscrits en loi de finances initiale 32,8 millions d’euros d’AE et 31,7 millions d’euros de CP. Le PLF pour 2011 prévoit quant à lui 48 millions d’euros d’AE et 37,2 millions d’euros de CP.

Comme le montre le tableau suivant, depuis son lancement, le COUGAR est un réel succès sur le marché international.

Pays acquéreurs du COUGAR

Europe

Albanie, Bulgarie, Espagne, Grèce, Pays-Bas, Slovénie, Suède, Suisse, Turquie

Amérique Latine

Argentine, Brésil, Chili, Équateur, Venezuela

Asie

Arabie Saoudite, Indonésie, Jordanie, Koweït, Malaisie, Singapour

Afrique

Nigeria

Source : SIPRI.

En avril 2010, la Malaisie a signé un contrat de 500 millions de dollars pour l’acquisition de 12 COUGAR afin de remplacer une partie de la flotte d’hélicoptères américains S-61 NURI. La signature de ce contrat a été longtemps reportée, notamment sous la pression de l’industriel américain Sikorsky qui voyait un de ses clients lui échapper.

La rénovation du COUGAR offre également d’autres opportunités de contrats internationaux. La clientèle constituée sur cet appareil peut également être une base commerciale pour l’exportation du NH90.

c) Le PUMA SA 330

Hélicoptère bimoteur de transport tactique, le PUMA SA 330 peut être décliné en trois versions selon les missions dévolues : PC tactique, Evasan (évacuation sanitaire avec cinq civières) ou transport (de 12 à 15 hommes). Volant à 240 km/h, il a une autonomie de deux heures.

d) L’EC 725 CARACAL

Hélicoptère de 11 tonnes, l’EC 725 CARACAL est employé par les forces spéciales. Il peut transporter jusqu’à 28 hommes à 275 km/h avec des pointes à 320 km/h sur des distances pouvant aller jusqu’à plus de 1 399 km hors ravitaillement en vol. Ses systèmes de navigation et d’autodéfense (détecteurs d’alerte radar, d’approche missiles et d’alerte Laser) lui confèrent une grande capacité de pénétration en territoire ennemi. Depuis 2005, 14 exemplaires (6 pour l’armée de l’air et 8 pour l’armée de terre) sont en service. Les appareils de l’armée de l’air renforcent également les capacités de sauvegarde maritime.

Le 20 avril 2009, dans le cadre du plan de relance, cinq nouveaux exemplaires ont été commandés à Eurocopter avec une livraison des deux premiers exemplaires en 2011. La destination finale de ses cinq appareils n’est pas encore définitivement arrêtée : trois ont d’ores et déjà été affectés à la DGSE ; les deux autres sont au cœur de « réflexions » à l’état-major des armées pour en décider de l’affectation.

Eurocopter (groupe EADS) assure la maîtrise d’œuvre de ce programme avec pour équipementiers notamment TURBOMECA pour le moteur et Thalès pour l’avionique. Le contrat s’élève à 227,52 millions d’euros.

Le CARACAL constitue un des meilleurs produits à l’exportation d’Eurocopter. Le contrat brésilien signé en décembre 2008 portant sur 52 exemplaires constitue le plus important signé à ce jour. D’autres partenaires traditionnels de la France, à l’instar de la Malaisie, envisagent également l’acquisition d’EC 725.

Question : Fournir une note détaillée pour le CARACAL. Préciser les programmes similaires étrangers.

Réponse :

L’acquisition de 5 CARACAL a été lancée en avril 2009 dans le cadre du plan de relance de l’économie et de celui de la mise à niveau de la flotte des 14 hélicoptères CARACAL déjà livrés.

Coût global estimé du programme

Le coût global du programme est de 233,2 M€ (CF 01/2010), soit 168,0M€ pour la part complément de développement et production de 5 CARACAL et 65,2 M€ pour la mise à hauteur des 14 CARACAL acquis antérieurement et des prestations de soutien.

Coopération et export

La CARACAL (EC725) est la version militaire de l’hélicoptère civil EC225.

Eurocopter a reçu plus de 160 commandes d’EC225 et d’EC725 à l’export, la plus importante pour la version militaire étant celle du Brésil pour 52 hélicoptères.

Les clients étrangers sont : l’Algérie, le Brésil, le Canada, la Chine, la Corée, l’Espagne, les États-Unis, le Japon, le Kazakhstan, la Malaisie, le Maroc, le Mexique, la Norvège, Oman, le Royaume-Uni, le Vietnam.

Les perspectives d’exportation sont importantes dans le monde entier, en particulier pour la version civile EC225.

Actualité du programme

Les compléments de développement et la fabrication des 5 CARACAL sont en cours.

L’avancement est conforme aux prévisions.

Programmes étrangers similaires

Les principaux concurrents de l’EC725-EC225 sont l’EH-101 d’Agusta-Westland et le Sikorsky S92.

En 2009, 227,5 millions d’euros d’AE et 64,7 millions d’euros de CP ont été consommés. La LFI pour 2010 n’a prévu aucun crédit ; le PLF inscrit quant à lui 21,9 millions d’euros de CP.

B. LE PORTEUR POLYVALENT TERRESTRE

Ces véhicules sont destinés à assurer le ravitaillement logistique des forces, le transport de personnels et de systèmes d’armes et l’évacuation de véhicules de type véhicule blindé de combat d’infanterie (VBCI) immobilisés. À l’origine, 2 400 PPT étaient envisagés ; la LPM a ramené la cible à 1 800 véhicules avec un premier lot de 500 véhicules livrables avant 2014. La LPM prévoit que la totalité du programme sera mise à la disposition des forces en 2019.

En 2009, aucun crédit n’a été consacré à ce programme, ni en AE ni en CP, la première commande de 200 exemplaires ayant été reportée en 2010. La loi de finances initiales pour 2010 a prévu en conséquence 194 millions d’euros d’AE et 17,8 millions d’euros de CP. Le PLF pour 2011 inscrit quant à lui 768,1 millions d’euros d’AE et 12,2 millions d’euros de CP.

C. LE BÂTIMENT DE PROJECTION ET DE COMMANDEMENT (BPC)

● La LPM prévoit que les forces soient dotées de quatre bâtiments de projection et de commandement (BPC) d’ici à 2020. Réalisé par les chantiers navals STX de Saint-Nazaire, ce bâtiment déplace 21 600 tonnes à une vitesse maximale de 19 nœuds. Il peut mettre en œuvre une multitude de moyens : des engins de débarquement amphibie, des hélicoptères NH90 ou des véhicules terrestres. Il peut également accueillir des éléments d’un groupe interarmées et un état-major de niveau opératif. Il peut aussi intervenir dans le cadre de missions sanitaires et humanitaires.

Initialement programmée pour 2016, la commande du troisième bâtiment de projection et de commandement Dixmude a été réalisée en 2009 dans le cadre du plan de relance. En 2009, 437,4 millions d’euros d’AE et 191,3 millions d’euros de CP ont été consommés.

Question : Actualiser la note sur le troisième bâtiment de projection et de commandement. Préciser le dispositif industriel retenu.

Réponse :

1) Introduction

Le bâtiment de projection et de commandement (BPC) est un navire qui combine, sur une plate-forme unique, les fonctions de porte-hélicoptères, de navire de commandement, de transport de troupes et de moyen d’assaut amphibie, et enfin de navire-hôpital. Deux exemplaires ont été réceptionnés par la marine en 2006 et 2007, le « Mistral » et le « Tonnerre ». Un troisième BPC a été commandé dans le cadre du plan de relance de l’économie en avril 2009.

Ce bâtiment, qui sera baptisé « Dixmude », est identique aux deux premiers, à l’exception de certains équipements remplacés pour raison d’obsolescence et de quelques évolutions techniques apportées après prise en compte du retour d’expérience en service des deux premiers.

2) Coût total du programme

Le coût total prévisionnel du programme est de 428 M€ CF 2010. Il comprend le BPC entièrement équipé et sa logistique initiale.

3) Calendrier du programme

Notification du contrat de réalisation

16 avril 2009

Essais de bon fonctionnement

à partir de mai 2011

Réception

mars 2012

Admission au service actif

courant 2012

4) Dispositif industriel retenu

La réalisation du bâtiment armé a été confiée au titre d’un marché en cotraitance à STX France (ex-Chantiers de l’Atlantique), mandataire, et DCNS. STX France réalise la plateforme propulsée et installe le système de combat réalisé par DCNS. En ce qui concerne ce dernier, le principal sous-traitant est Thalès, qui fournit à DCNS le système de communications intégré et le radar de veille 3D.

En ce qui concerne la plateforme propulsée les principaux sous-traitants et fournisseurs sont :

• Converteam pour la propulsion ;

• AREVA pour la distribution d’énergie ;

• Jeumont pour la production d’énergie ;

• AXIMA pour la climatisation et le conditionnement d’air ;

• SNEF pour le câblage électrique ;

• Chantier Beaudet pour les emménagements.

Le bâtiment est entièrement réalisé et équipé à St Nazaire. Les essais de la plateforme propulsée seront effectués à St Nazaire et le système de combat sera mis en route et testé par DCNS à Toulon avant livraison du bâtiment.

5) Missions, performances et caractéristiques des BPC

Missions

À l’instar des deux premiers bâtiments de même type, le troisième BPC est conçu pour remplir les missions suivantes :

• projeter des forces par voie aérienne ou maritime ;

• conduire des opérations de projection de forces par voie aéroportée et/ou maritime depuis un poste de commandement de niveau opératif embarqué (PC NOE) ;

• soutenir les forces déployées : soutien santé, transport de fret et soutien aux populations civiles.

Caractéristiques techniques

• longueur : 199 mètres ;

• largeur : 32 mètres ;

• déplacement : 21 500 tonnes ;

• propulsion électrique par 2 propulseurs orientables (POD) de 7 MW ;

• équipage : 174 personnes ;

• pont d’envol : 6 spots (5 200 m²) dont 1 pour hélicoptère super-lourd ;

• capacité du hangar hélicoptère : jusqu’à 16 hélicoptères TIGRE ou NH90 ;

• capacité radier : 4 CTM (1) ou 2 EDA-R (2) ;

• accueil pour de longues périodes (jusqu’à 6 mois) de 450 combattants (jusqu’à 700 combattants pour de courtes périodes), de 60 véhicules blindés ou un escadron de 13 chars Leclerc de l’armée de terre et leurs munitions associées et un PC NOE ;

• capacité pour évacuation : 700 personnes ;

• hôpital de 750 m² : 69 lits (extension possible), 2 salles d’opération, une salle de radiologie ;

• poste de commandement sur 850 m² : état-major jusqu’à 150 personnes.

Performances

• vitesse maximale : supérieure à 18 nœuds ;

• distance franchissable : plus de 10.000 Nq ;

• autonomie en vivres : 30 jours ;

• capacité d’autodéfense pour neutraliser une menace.

Capacités de commandement et de transmission

La priorité a été accordée aux moyens de transmissions et aux systèmes d’information et de commandement (TSIC) pour les besoins d’un poste de commandement situé dans une zone modulable, permettant d’accueillir un PC CATF (3) ou CLF (4) et un PC NOE (5) et un PC MCC (6). Tous les réseaux sont pré-câblés et permettent l’accueil de tous les systèmes de commandement propres à chaque PC.

Ces moyens TSIC sont adaptés, en nombre de liaisons simultanées et en débit, aux capacités nécessaires au commandement de théâtre et au commandement des opérations amphibies. Le système de télécommunications intègre un ensemble de moyens performants dont les liaisons de données tactiques (L11 et L16).

Système de combat

Le système de combat du BPC est constitué de son système de veille et d’aide au commandement dérivé du SENIT 8 du porte-avions « Charles de Gaulle », et dispose d’un module de gestion de la batellerie. Il compte par ailleurs une autodéfense rapprochée décentralisée du système de veille, regroupée autour de 2 affûts SIMBAD, de 4 mitrailleuses de 12,7 mm et 2 affûts de 20 mm F2. Des mesures conservatoires sont prises pour permettre ultérieurement l’acquisition d’une artillerie d’autodéfense de 30 mm.

6) Possibilités d’exportation

Les BPC détiennent un potentiel à l’exportation compte tenu de l’importance croissante des opérations amphibies et des missions de transport stratégique. L’Afrique du Sud, la Malaisie, la Turquie et la Suède ont manifesté leur intérêt pour ce type de bâtiments. De son côté, la Russie a lancé un appel d’offre international pour lequel la société DCNS, associée à la société STX France, proposera le BPC.

(1) CTM : Chaland de Transport de Matériels

(2) EDA-R : Engin de débarquement Amphibie – Rapide

(3) CATF : commander amphibious task force (commandement de force amphibie).

(4) CLF : commander landing force (commandement de la force à terre).

(5) PC NOE : poste de commandement de niveau opératif embarqué.

(6) MCC : maritime component commander (commandement de la composante maritime).

Il est à noter une contradiction entre le montant des autorisations d’engagement mobilisées pour ce programme dans le plan de relance, soit 437,4 millions d’euros et son coût total tel que présenté dans la réponse budgétaire précitée soit 428 millions d’euros.

L’écart de 10 millions d’euros, soit 2,3 % du montant total, n’est pas alarmant par son volume mais trahit des approches budgétaires et comptables divergentes entre les différents documents transmis à la représentation nationale. Ceci ne peut qu’altérer la qualité du contrôle parlementaire et susciter des critiques légitimes à l’encontre du ministère de la défense.

En 2009, outre les autorisations d’engagement précédemment évoquées, 191,3 millions d’euros de CP ont été mobilisés. Aucun crédit n’a été programmé pour 2010 ; le projet de loi de finances pour 2011 inscrit quant à lui 84,9 millions d’euros de CP sur ce programme.

● De par ses caractéristiques opérationnelles, le BPC répond aux nouvelles missions de défense et sécurité. Ses potentialités à l’exportation sont réelles.

Le dossier russe est à ce jour le plus avancé et porte sur l’acquisition de quatre exemplaires.

Question écrite n° 71997 publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 23 février 2010

M. Élie Aboud attire l’attention de M. le ministre de la défense sur les possibilités de vente d’un ou plusieurs bâtiments de projection et de commandement (BPC) à la Russie. Celle-ci étant une des premières puissances militaires dans le monde, il lui demande de bien vouloir lui préciser les raisons pour lesquelles elle ne dispose pas dans son arsenal d’un modèle équivalent.

Extrait de la réponse du ministre de la défense publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 25 mai 2010

[…] La marine russe n’a jamais disposé d’un navire similaire au BPC de type Mistral. Depuis la fin de la guerre froide, l’ensemble des programmes d’armement a connu des restrictions en Russie, hormis la capacité de dissuasion. Dans ce contexte, les programmes de sous-marins lanceurs d’engins et de missiles balistiques ont été privilégiés au détriment des navires de surface. Ainsi, depuis 2000, un seul nouveau bâtiment de surface a été admis au service actif au sein de la marine russe. La marine russe, qui souhaite disposer rapidement d’une capacité de projection et de commandement, étudie actuellement l’opportunité de répondre à ce besoin par le biais d’une acquisition à l’étranger, de préférence à une solution purement nationale qui ne semble toutefois pas être écartée à ce jour. S’agissant des solutions envisageables à l’étranger, les autorités russes examinent, outre le BPC de type Mistral, le LPD de type Johan de Witt (Pays-Bas) et le BPE de type Juan Carlos 1er (Espagne). Lors de la conférence de presse conjointe du Président de la République et du Président de la Fédération de Russie, qui s’est tenue à Paris le 1er mars 2010, le chef de l’État a annoncé que les discussions entre la France et la Russie, en vue de l’acquisition de 4 BPC, étaient désormais exclusives. Des négociations vont donc débuter afin d’achever la définition du BPC adapté aux spécificités de la marine russe et de définir l’environnement du contrat (soutien logistique, programme de formation, coopération industrielle…). Pour autant, ces négociations exclusives ne préjugent pas de la suite qui sera donnée par les autorités russes aux propositions techniques et commerciales qui seront faites par les cotraitants DCNS et STX France.

Les négociations franco-russes portent sur le nombre de bâtiments construits en France, le degré d’armement des navires et sur le niveau de transfert de technologies. Le chef d’état-major général russe, Nikolaï Makarov, a déclaré à ce sujet le 25 mars 2010, que la Russie achèterait « un navire entièrement doté de ses systèmes de direction, de navigation et d’armements […] à l’exception des hélicoptères qui seraient russes » (234). Or, la France souhaite vendre le BPC sans armement. Le 24 juillet 2010, le commandant en chef de la marine russe, l’amiral Vladimir Vissotski, précise que « ce qui est important […], c’est que [la Russie obtienne] la possibilité d’un transfert de technologies clés, fondamentales […]. Si cela ne se produit pas, alors il n’y a aucune raison d’aller de l’avant » (235).

Conséquence des négociations délicates sur le niveau d’armement et le transfert de technologies mais aussi de l’intense lobbying des chantiers navals russes, le 24 mai 2010, le ministre de la défense russe, Anatoly Serdyukov, a déclaré que la Russie est « en négociation précontractuelle avec trois pays, la France, l’Espagne et les Pays-Bas » (236). Le 20 août 2010, la Russie lance un appel d’offres international pour deux bâtiments de classe Mistral, officialisant ainsi la réouverture de la compétition. Le coût unitaire est estimé à 500 millions d’euros.

L’exportation du BPC vers la Russie serait une innovation pour l’industrie française et surtout pour l’OTAN. Or la perspective d’une telle vente inquiète les anciennes républiques soviétiques devenues indépendantes et notamment les pays baltes, membres de l’OTAN, et la Géorgie. La guerre russo-géorgienne de l’été 2008 a renforcé les craintes des anciennes républiques soviétiques à l’égard de leur puissant voisin au point que le secrétaire d’État adjoint américain, James Steinberg, a souhaité que les États-Unis puissent examiner avec la France les termes et les conséquences éventuelles de la vente d’un BPC à la Russie.

D. LA FLOTTE LOGISTIQUE

Selon la LPM, « la flotte logistique doit pouvoir soutenir simultanément un groupe aéronaval et un groupe amphibie ou une force d’action navale sur deux théâtres d’opérations distincts. Un parc de quatre pétroliers ravitailleurs demeure nécessaire pour le soutien en carburants, vivres, munitions de ces groupes et pour le ravitaillement d’une opération aéroterrestre ».

Actuellement, la marine nationale dispose de plusieurs navires de soutien logistique fournissant du carburant, des munitions, des vivres, de l’eau douce et des pièces de rechanges. Ces bâtiments prennent également en charge les déchets et équipements usagés. Ils peuvent assurer des missions sanitaires et de maintenance.

Le renouvellement de cette flotte s’avère urgent, notamment pour les pétroliers. La marine nationale dispose de quatre pétroliers ravitailleurs mis en service entre 1980 et 1990. Ils sont indispensables pour assurer la permanence à la mer du groupe aéronaval et des différents moyens maritimes opérant notamment au large de la Somalie dans le cadre de la lutte contre la piraterie.

Bâtiments monocoques, les pétroliers-ravitailleurs de la marine nationale ne sont plus conformes aux dispositions réglementaires renforçant les protections des navires civils et militaires transportant des hydrocarbures ; le renouvellement de la flotte est donc indispensable. Longtemps repoussé, il pourrait être décidé dans l’urgence si un des bâtiments de la marine venait à s’échouer et provoquait une marée noire. La responsabilité du ministère de la défense serait alors immanquablement engagée et les argumentaires budgétaires n’auraient que peu de poids face à l’émoi de l’opinion publique.

La LPM prévoit le renouvellement de la flotte logistique, pétrolier compris, pour 2017-2021, à la condition que les différentes phases de conception et de réalisation ne subissent pas des retards ou reports inopinés. Sans cette flotte, les investissements très lourds opérés au profit de la marine nationale en matière notamment de frégate s’avéreraient inutiles : les bâtiments perdraient une grande partie de leurs capacités d’évolution.

En l’absence des crédits budgétaires nécessaires, le ministère de la défense peut envisager d’externaliser sa flotte de bâtiments ravitailleurs à l’horizon de 2020. Une telle option mérite un examen approfondi, notamment en termes de disponibilité, de maintien des compétences et d’économies financières effectives.

IV. —  ENGAGEMENT ET COMBAT

Selon le concept d’emploi des forces de janvier 2010, « les opérations de combat reflètent la spécificité de l’action militaire. Les forces armées sont dimensionnées, organisées et entraînées pour les conduire. Le combat est en effet inhérent à l’intervention militaire. Il est permanent dans les opérations de guerre contre des ennemis conventionnels éventuellement en présence d’adversaires irréguliers qu’il faut neutraliser pour atteindre l’objectif politique fixé. Le combat peut également éclater de façon plus discontinue mais non moins intense lorsque les forces armées sont engagées pour prévenir l’instabilité, maintenir ou renforcer la paix. L’emploi de la force sur un mode plutôt défensif lorsque la violence est sporadique ou plus offensif, lorsqu’il s’agit de prendre l’ascendant sur l’adversaire, doit permettre l’établissement d’un environnement stable et propice au règlement dans la durée de la crise par des moyens non militaires » (237).

L’équipement des forces reflète cette nécessité de couvrir les différentes situations dans lesquelles les forces armées peuvent être engagées : intervention multinationale dans un conflit régional majeur, engagement limité, éventuellement en national, imposition et maintien de la paix ou protection des ressortissants hors du territoire national.

Fiche de synthèse du système de forces « Engagement et Combat »

Plan prospectif à 30 ans du ministère de la défense, DGA, 2009

Fonctions à remplir

Le système de forces « Engagement et Combat » doit permettre aux forces armées d’intervenir dans le cadre de leur contrat opérationnel. L’intervention couvre la totalité du spectre des engagements, qu’ils soient symétriques, dissymétriques ou asymétriques, dans les trois milieux (aéroterrestre, aéromaritime, aérospatial). Elle s’inscrit le plus souvent dans la durée en particulier pour ce qui concerne la maîtrise et le contrôle du milieu. Enfin, quand elle est spécifique, l’intervention peut recouvrir le domaine des opérations spéciales.

Le système de forces « Engagement et Combat » regroupe l’ensemble des capacités permettant aux forces d’intervenir en milieu hostile, d’altérer le potentiel adverse, de contrôler et de maîtriser le milieu. Ce système de forces ne concerne que des capacités militaires.

Les capacités du système de forces contribuent à produire un effet militaire soit directement par un engagement de forces sur le théâtre (capacités de combat) soit à distance (frappe à distance, frappe dans la profondeur). Cet effet peut s’exercer sur les capacités militaires adverses mais aussi dans d’autres champs (physiques, fonctionnels, politique, économique, administratif…) afin de maîtriser la violence des combats au plus juste niveau.

La maîtrise et le contrôle du milieu visent à assurer la liberté d’action des forces militaires qui s’y déploient. Le système de forces « Engagement et Combat » n’intègre que partiellement les capacités de maîtrise et de contrôle du milieu aérospatial, l’essentiel de ces capacités étant traité par le système de forces « protection et sauvegarde ».

Le système de force « Engagement et combat » contribue à l’ensemble des fonctions stratégiques décrites dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale :

Connaissance – anticipation : La plupart des plates-formes déployées disposent de capteurs variés qui permettent le recueil et le traitement d’informations nécessaires soit pour le commandement des opérations, soit pour les autorités politiques.

Prévention : Les capacités de combat déployées dans des opérations de prévention ou de stabilisation des crises permettent d’assurer un rôle dissuasif ou de conférer une forte crédibilité aux actions militaires de coopération régionale.

Protection : Les moyens du système de forces « Engagement combat » participent à la posture permanente de sûreté, contribuent en renfort des moyens spécialisés à la sauvegarde générale et fournissent l’essentiel des forces de souveraineté.

Dissuasion : Les Mirage 2000 N, les Super Etendard Modernisés et bientôt les Rafale constituent les moyens du système de forces « Engagement combat » qui déterminent la composante aéroportée. Les unités navales du système de forces apportent leur soutien à la mission de dissuasion en assurant la maîtrise des espaces maritimes concernés par les mouvements de SNLE et la sûreté des déploiements.

Intervention : Le système de forces « Engagement et combat » fournit le cœur des capacités nécessaires à cette fonction stratégique.

Problématiques et ambitions

L’analyse capacitaire du système de forces « Engagement et Combat » s’inscrit dans le nouveau contexte stratégico-militaire caractérisé par :

- le souci de contenir les conflits au plus faible niveau de violence possible ; des engagements gradués et mesurés qui accroissent le besoin de précision des effets militaires et des frappes pour produire les justes effets sur l’adversaire ;

- un accroissement et une diversification des menaces qui s’exercent sur des forces engagées durablement dans des conflits dont on constate un indéniable durcissement ;

- un adversaire de plus en plus difficile à identifier et qui alterne méthodes classiques de combat et actions irrégulières ;

- le développement de stratégies de contournement de la « supériorité conventionnelle » dont les forces disposent bien souvent ;

- des modes d’engagement nouveaux : absence de front (menace omnidirectionnelle), engagements lacunaires, dispositifs dilués et imbrication croissante des forces en présence et des acteurs civils ;

- un souci permanent de réversibilité dans l’action nécessitant de disposer d’un large panel de capacités (de la létalité réduite à l’action de vive force) ;

- l’accélération du tempo des opérations qui exige anticipation, réactivité et rapidité d’exécution ;

- un cadre d’emploi (contraintes juridiques, médiatiques, diplomatiques et politiques) de plus en plus contraignant ;

- un dimensionnement au plus juste des moyens engagés ;

- une interconnexion croissante des acteurs civils (institutionnels ou non) et militaires.

Capacités prioritaires à développer

Il est nécessaire de renouveler une grande partie de nos systèmes majeurs qui arrivent en bout de potentiel et qui ne sont qu’imparfaitement adaptés au nouveau contexte stratégico-militaire. L’arrivée des frégates multirôles, le renouvellement des SNA de la classe Rubis par les Barracuda, la mise en service du Rafale au standard F3, le renouvellement des moyens de combat de l’armée de terre dans le cadre du programme Scorpion sont les principaux éléments de cette modernisation. Ces moyens seront dotés d’une grande palette d’armements permettant d’adapter l’effet militaire au strict nécessaire. En particulier des efforts significatifs sont effectués sur l’action de précision à distance (obus guidés, roquettes guidées, tir de missile au-delà de la vue directe, missile de croisière naval, rénovation du Scalp). L’arrivée prochaine du haut débit numérique sur les zones de combat doit être anticipée tant au niveau des équipements que de la doctrine d’emploi.

Des améliorations significatives sont attendues sur la protection du combattant. L’autoprotection des aéronefs et en particulier des hélicoptères, la protection des véhicules contre les roquettes, les mines et les IED, la protection du fantassin doivent être améliorées sans nuire exagérément à la mobilité et sans conduire à une augmentation non supportable des coûts.

Études prioritaires à lancer

La plupart des principaux systèmes de combat étant en cours de renouvellement, les priorités en termes d’études se porteront sur les armements (missiles, munitions de précision) et sur la préparation des évolutions de ces plates-formes. L’évolution des systèmes de détection (sonar, radars, optique), d’identification et d’autoprotection sera ainsi l’objet de nombreux thèmes d’études. Des études plus appliquées porteront sur la préparation du programme d’armement Scorpion (véhicules, armement, répartition des fonctions au sein du groupement tactique interarmes, protection, vétronique) et sur la préparation du futur système de guerre des mines.

Un volet significatif des études doit être maintenu pour préparer le renouvellement à plus long terme des plates-formes en cours de déploiement. Ces études porteront principalement sur les drones aériens de combat et les technologies associées, technologies dont les applications iront nettement au-delà du domaine des drones.

A. LES CAPACITÉS AÉRIENNES

1. Les aéronefs

Selon le livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, « les avions de combat de l’armée de l’air et de l’aéronautique navale seront regroupés […] en un parc unique qui ne comprendra à terme que des Rafale et des Mirage 2000D modernisés dont la gestion sera assurée par l’armée de l’air ».

a) Rafale

i. L’état d’avancement du programme

● Avion polyvalent, le Rafale est susceptible d’effectuer des missions de dissuasion nucléaire, de pénétration et d’attaque au sol par tous les temps, d’attaque à la mer, de défense et de supériorité aérienne, d’intervention à long rayon d’action avec ravitaillement en vol ainsi que des missions de reconnaissance tactique et stratégique. Le programme prévoit que la marine dispose à terme de 58 appareils et l’armée de l’air de 228 appareils.

Le premier vol de la série « air » a eu lieu en novembre 1998 et celui de la série « marine » en octobre 1999. L’avion a été livré en plusieurs standards, le standard F 1 ayant été qualifié en décembre 2001. Le standard F 2 a été qualifié en juin 2006 et le standard F 3 en juillet 2008. Les livraisons se font désormais toutes au standard F 3 mais la défense a signé un contrat de remise à niveau pour les 10 Rafale marine livrés au standard F 1 avant 2003, le premier appareil rénové devant être livré en 2014.

À ce jour, 180 Rafale ont été commandés, 90 ont été livrés (38 biplaces et 22 monoplaces pour l’armée de l’air et 30 monoplaces pour la marine), 3 ont été détruits. Avant la fin de l’année 2010, deux monoplaces « air » et un monoplace « marine » supplémentaires seront livrés.

Depuis sa mise en service opérationnelle le 27 juin 2006 à Saint-Dizier au sein de l’escadron de chasse 01/007 « Provence », le Rafale a démontré ses excellentes capacités opérationnelles au cours de trois campagnes de quatre mois en Afghanistan, et à plusieurs reprises durant des exercices internationaux de grande ampleur. Le standard F3 intègre des compléments d’attaque au sol et de fonctions air-air. Il introduit notamment la capacité de tir de l’arme nucléaire, une capacité de reconnaissance et une conduite de tir air-mer.

L’escadron de chasse 01/091 « Gascogne », deuxième escadron Rafale de l’armée de l’air, a été déclaré opérationnel le 1er juillet 2010 dans le cadre de la mission de dissuasion, c’est-à-dire apte à remplir une mission de pénétration et d’attaque nucléaire en tout temps avec le missile nucléaire ASMP-A.

● La LPM a prévu que deux contrats à l’export seraient conclus et a donc planifié l’étalement des livraisons françaises de la troisième tranche de production jusqu’en 2015. Le contrat comprend cependant une mesure de sauvegarde : en l’absence de commandes étrangères, la France s’engage à préserver la capacité industrielle, c’est-à-dire à avancer ses livraisons.

Aucun contrat n’ayant été conclu, la France a été contrainte d’avancer ses livraisons et de maintenir un rythme annuel de 11 appareils jusqu’en 2014. Les années 2015 et 2016 pourraient être ensuite entièrement consacrées aux clients étrangers.

De ce fait, la mission « Défense » doit dégager plus d’un milliard d’euros de CP en 2011 pour payer les livraisons ; il ne s’agit certes que d’un avancement de la cadence initiale mais cela pèse très lourdement sur le budget de la mission. L’enveloppe globale étant très contrainte, le ministère a dû annuler ou reporter d’autres programmes pour dégager ces crédits.

Le PLF 2011 prévoit au total 1,27 milliard d’euros de CP et 665 millions d’euros d’AE pour l’avion et son environnement.

● À partir de 2010, le missile METEOR sera intégré au Rafale ; il s’agit d’un missile air-air destiné à détruire ou neutraliser les cibles aériennes à longue distance. Il est complémentaire des missiles de type MICA utilisés à des portées inférieures pour le combat ou l’autodéfense. Mené en coopération avec l’Allemagne, l’Italie, la Suède, l’Espagne et le Royaume-Uni, il équipera les avions Gripen, Eurofighter et Rafale. La France participe à hauteur de 12,4 % aux frais de développement. La maîtrise d’œuvre du programme est assurée par MBDA-UK, en liaison avec MBDA France, MBDA Italie, INMIZE et SAAB.

La LPM prévoit l’acquisition de 200 missiles pour l’armée de l’air et la marine, les livraisons s’étalant entre 2018 et 2020. La cible initiale de 300 missiles a été réduite ; il ne semble pas possible de diminuer encore ce volume sauf à renoncer à la capacité à entrer en premier sur un théâtre d’opérations.

ii. Les perspectives à l’export

Des négociations sont actuellement en cours pour la vente du Rafale aux Émirats arabes unis, au Koweït, à la Libye et au Brésil. Dans ces différentes compétitions, le Rafale fait face au Gripen suédois, aux F18 américains de Boeing et au JSF-F35 de Lockheed Martin. Il convient de noter que le JSF-F35 connaît de très importantes difficultés technologiques et financières. Pour autant, alors même que l’avion n’est pas encore opérationnel, sa domination sur le marché mondial semble établi grâce au soutien actif des États-Unis. Neuf pays sont partenaires à différents niveaux en vertu d’accords bilatéraux, créant ainsi d’ores et déjà une « clientèle captive ». Il s’agit de l’Australie, du Canada, du Danemark, d’Israël, de l’Italie, de la Norvège, des Pays-Bas, du Royaume-Uni, de Singapour et de la Turquie.

À ces concurrents, il convient d’ajouter l’Eurofighter, fruit de la coopération entre l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et le Royaume-Uni. De très graves incidents, et notamment le crash d’un appareil, ont amené les différents états-majors à immobiliser leurs avions pour procéder à des inspections et à des améliorations. Des défaillances majeures du siège éjectable ont été notamment détectées ainsi que des ruptures totales du système de commande.

Le marché mondial est également marqué par le retour des avions russes Sukhoï et MiG. Mikhaïl Pogossiann, président des deux sociétés, ambitionne la vente de 300 appareils d’ici 2015, dont 120 à l’export. Un chasseur russe de 5génération est en cours de développement avec le constructeur aéronautique indien HAL afin de concurrencer les modèles occidentaux. C’est le premier appareil conçu depuis 1991. Son vol inaugural a eu lieu le 29 janvier 2010 ; sa mise en service est prévue pour 2015 pour remplacer les Sukhoï 27 et les MiG-29.

En avril 2010, la Chine a quant à elle dévoilé le Jiang-10, avion de chasse multirôles, affichant ainsi ses ambitions militaires mais aussi commerciales. Cet avion bénéficie de technologies russes et israéliennes.

Ces éléments font ressortir la dispersion européenne en matière d’aviation de chasse : l’Union européenne compte trois appareils de même génération (Rafale, Gripen, Eurofighter) sans compter les États membres participant au programme américain du F-35.

L’armement des appareils constitue également un facteur clé pour l’exportation. Le missile METEOR est un atout important car il peut équiper les trois avions de combat les plus récents. Les principaux prospects exports sont : les Émirats arabes unis avec le Rafale, l’Arabie Saoudite avec l’Eurofighter et l’Inde pour les trois appareils. Le missile METEOR constitue donc, de fait, un élément incontournable de la crédibilité du Rafale à l’exportation.

b) Mirage 2000

L’armée de l’air comptabilise actuellement 34 Mirage 2000-5F et 80 Mirage 2000D. La rénovation à mi-vie de 77 Mirage 2000D consiste à doter ces avions d’une capacité multirôles a minima par l’ajout d’une capacité air-air et par l’intégration du pod ASTAC conférant une capacité d’écoute électromagnétique actuellement en place sur le Mirage F1 CR.

Pour le chef d’état-major de l’armée de l’air, « la rénovation des Mirage 2000D est un élément central de notre stratégie de modernisation de l’aviation de combat. Elle n’est pas d’une ampleur financière considérable, mais les effets technologiques et humains attendus ne peuvent être négligés. Toutes les autres grandes flottes aériennes ont engagé ce genre de mesures, comme l’ont montré les rénovations successives des F15, Tornado ou F16. L’accélération de cette modernisation est souhaitable, si l’on se réfère à l’usage intensif des Mirage 2000 sur le théâtre afghan » (238). En octobre 2009, le délégué général pour l’armement estimait le coût de cette rénovation à 700 millions d’euros.

Or, en 2009, contrairement aux termes de la loi de finances initiale, aucune autorisation d’engagement, ni aucun crédit de paiement n’ont été mobilisés sur la rénovation. En juillet 2010, dans le cadre des mesures d’économies budgétaires, le ministre de la défense a annoncé le report de ces opérations inscrites dans la LPM.

Il est à noter que le report de cette rénovation permet de dégager les ressources nécessaires au paiement de 11 Rafale, c’est-à-dire de couvrir l’essentiel du besoin né de l’absence de contrats d’exportation pour le Rafale (cf. supra).

Pour le ministre de la défense, « si la rénovation des Mirage 2000 D est décalée, c’est parce qu’elle n’est pas encore signée. Par ailleurs, les contraintes industrielles de Dassault Aviation imposent la construction, donc la commande, d’au moins 11 Rafale par an. Réduire la commande de Rafale pendant un an ou deux ne réduirait certainement pas la sécurité du pays car nous disposons de Mirage et nous ne percevons aucune menace immédiate à nos frontières. Cela poserait en revanche des difficultés conséquentes à l’industriel. […] La France a fait le choix du tout Rafale. Le maintien de la chaîne industrielle de Dassault Aviation est donc vital. Or, ce maintien impose la construction de 11 Rafale par an au moins. Nous ne pouvons donc budgétairement pas à la fois soutenir le programme Rafale et rénover les Mirage 2000D. Certes, le Mirage 2000D ne dispose pas de la polyvalence que l’armée de l’air voudrait lui donner, mais la France est-elle dans une situation de menace et d’insécurité telle que tous ses avions de combat doivent être dotés des équipements les plus perfectionnés ? Enfin, pour des raisons de clarté et de transparence, je précise que l’équilibre de la loi de programmation militaire intègre l’exportation du Rafale et donc l’absence de commandes française pendant deux ans. J’espère que cet objectif sera rempli car il sera extrêmement difficile de trouver des mesures palliatives » (239).

Plusieurs parlementaires dont Guy Teissier, président de la commission de la défense nationale, ont alors fait valoir que la rénovation des Mirage 2000D « avait été présentée comme un facteur d’économies par rapport au programme Rafale » (240) et que, dans le contexte actuel, son abandon était peu compréhensible.

Dans son avis budgétaire consacré à l’armée de l’air, Jean-Claude Viollet notait en 2009 que « dans le cas où, devant le succès du Rafale à l’export – ce que chacun ne peut que souhaiter – l’exécutif envisagerait de décaler en conséquence le calendrier initialement prévu pour la livraison des commandes françaises ». Il considérait alors « qu’il conviendrait, à tout le moins, d’accélérer la rénovation à mi-vie des Mirage 2000-D. Cela permettrait de sortir au plus vite du service les flottes les plus anciennes, notamment de Mirage F1 CT/CR et, ultérieurement, de Mirage 2000C, B ainsi que 5F et réaliser par là une économie sur le moyen terme » (241).

Loin de l’ambition d’assurer le contrat opérationnel, la décision de reporter la rénovation des Mirage 2000D est donc conditionnée par la signature de contrat à l’exportation du Rafale. Le ministre a bien précisé que « le risque principal concerne l’absence de vente de Rafale à l’étranger. Si nous devons commander 11 Rafale pendant les deux années qui devaient être couvertes par l’export, il faudra trouver un milliard d’euros de plus. Si nous avons auparavant engagé la rénovation des Mirage 2000D, il sera impossible de trouver cette somme. [Il] renonce donc à la rénovation pour préserver un équilibre, certes précaire, mais surtout pour ne pas obérer l’avenir » (242).

Ce choix semble oublier que le contrat opérationnel ne doit pas être soumis à un quelconque contrat industriel et que 11 Rafale ne peuvent assurer les capacités de 77 Mirage 2000D rénovés.

Le chef d’état-major de l’armée de l’air a souligné cette difficulté en précisant qu’il « est bien certain que ce n’est pas en reportant chaque année les décisions qu’on améliore les choses ! [Il a rappelé] que la rénovation à mi-vie des Mirage 2000D ne résulte pas d’une décision de l’armée de l’air mais a été débattue dans le cadre du Livre blanc et dans divers forums. Elle serait d’ailleurs conforme aux orientations adoptées par nos partenaires britanniques ou italiens par exemple. En partant d’une logique d’optimisation des flottes, l’aviation de combat devrait reposer sur deux pieds : une flotte ancienne modernisée et une flotte moderne en pleine croissance. C’est une “ assurance-vie ” d’un coût modéré permettant le maintien de compétences dans notre industrie. Nous aurons une période délicate à gérer si les compétences ne sont pas prises en compte avec la rénovation des Mirage 2000D. Concrètement, nous disposons de deux escadrons de Rafale contre sept prévus initialement, et nous allons nous séparer des flottes de Mirage les plus anciennes. L’horizon du Rafale est contrasté : nous espérons que la commande d’une cinquième tranche sur 2016-2017 interviendra, mais cela n’est pas acquis » (243) 

Pour les Mirage 2000, le risque est grand que le report de la rénovation aboutisse in fine à une annulation. Entre la notification à l’industriel et la livraison de l’appareil rénové, un délai de quatre ans est nécessaire, sous réserve qu’aucun aléa technologique ne vienne perturber le processus. Repousser le lancement de la rénovation de 2010 à 2013 revient donc à doter l’armée de l’air des premiers Mirage 2000 D rénovés au mieux en 2017 et du 77e appareil en 2023 et ce, à condition que les contrats à l’exportation du Rafale permettent de garantir la cadence industrielle annuelle de 11 appareils et à condition qu’une rénovation en 2017 d’appareil en fin de vie présente encore un intérêt technique.

Avant la livraison du 77e Mirage rénové, les Mirage F1 et certains Mirage 2000D, victimes d’obsolescences définitives à partir de 2020, auront été retirés du service. Dans ce contexte, l’armée de l’air ne disposera en 2020 que de 110 avions de chasse. Cela déclasserait non seulement l’armée de l’air, mais aussi et surtout les armées françaises en général.

Sur le plan industriel, cette décision est également lourde de conséquence. Le report de la rénovation annule la charge de travail pluriannuelle de plusieurs bureaux d’études au profit d’une ligne de production. Ceci signifie que les compétences industrielles pour développer de nouveaux systèmes et, à terme, un nouvel aéronef disparaîtront rapidement chez le constructeur et les équipementiers.

Alors que la France se targue d’avoir aujourd’hui une industrie aéronautique de niveau mondial, le simple report de la rénovation du Mirage 2000D peut définitivement porter atteinte à l’une des dernières filières industrielles françaises. Aussi importe-t-il de clarifier rapidement la situation, peut-être en bâtissant une nouvelle alternative.

c) Les avions d’entraînement

L’alpha-jet, biréacteur biplace franco-allemand, est utilisé en France dans sa version école alors que l’Allemagne l’a également utilisé dans sa version attaque. Il est l’avion emblématique de la patrouille de France. Actuellement 84 appareils sont à la disposition de l’armée de l’air. En 2020, il aura rempli définitivement et brillamment sa mission et devra être remplacé.

La LPM indique que « le projet AEJPT (Advanced European Jet Pilot Training) qui regroupe une dizaine de pays européens fournira une capacité de formation pour les pilotes de combat et les navigateurs officiers système d’arme à l’horizon 2015 ».

Le projet AEJPT a été lancé en février 2009 par l’agence européenne de défense. Outre l’aéronef, ce programme englobe les infrastructures et l’ensemble de la formation. Le constructeur italien, Alenia Aermacchi (Finmeccanica), est en lice pour ce programme avec son avion M 346. BAE Systems présente quant à lui le Hawk 28 Advanced Jet Trainer.

En l’absence de décision prochaine, l’externalisation pourrait apparaître comme une solution incontournable. Si cette possibilité ne doit pas être écartée a priori, elle doit toutefois répondre à un choix politique et opérationnel et non résulter des seules contraintes budgétaires.

2. L’armement

a) Le missile SCALP d’emploi général

Le système de croisière à longue portée d’emploi général (SCALP EG) est le programme à l’origine du rapprochement industriel franco-britannique puis italien qui a donné naissance à la société européenne MBDA.

Ce missile est destiné à des objectifs de grande valeur situés dans la profondeur d’un territoire adverse comme des sites de commandement ou des infrastructures. Le chef d’état-major de l’armée de l’air considère que « la capacité de cibler et frapper avec précision, dans des délais brefs, très loin de chez nous, des objectifs d’importance stratégique, par des moyens conventionnels, est incontestablement un outil politique de premier plan. C’est la capacité qu’offre aujourd’hui l’ensemble avion ravitailleur, Rafale et missile SCALP. Il faut d’ailleurs constater qu’une telle capacité de frappe conventionnelle à grande distance constitue une des priorités affichée de la Quadrienal Defence Review américaine avec le développement du concept “ prompt global stike ” » (244).

b) L’armement Air/Sol modulaire (AASM)

Cet armement vise à opérer des frappes à courte et moyenne portée à deux niveaux :

- au niveau stratégique, ces frappes ont pour but d’atteindre les points décisifs et les centres de gravité de niveau stratégique. Ces actions visent à obtenir un effet politique direct sur un adversaire ;

- au niveau opératif, elles visent la neutralisation ou la destruction de la cohérence du dispositif adverse, qu’il soit aérien ou terrestre, le cloisonnement du terrain, l’isolement des unités, ainsi que l’affaiblissement des points décisifs et du centre de gravité.

Ce système se décompose en deux kits, un pour le guidage, l’autre pour la propulsion. Ces kits sont adaptables sur plusieurs types de corps de bombes. Plusieurs combinaisons sont donc possibles selon les missions et les effets recherchés.

Les kits de guidage se déclinent en trois versions :

- INS/GPS de précision décamétrique ;

- GPS avec autodirecteur à imageur infrarouge, de précision métrique ;

- GPS avec récepteur laser.

D’une portée maximale de 50 km, l’AASM peut être tiré de tout temps, de jour comme de nuit. Il vient en complément des missiles de la famille SCALP EG et APACHE. Depuis 2007, il est mis en œuvre sur le Rafale. Opérationnelle depuis avril 2008, la version GPS enregistre de bonnes performances en Afghanistan mais avec un spectre d’emploi relativement réduit. La version GPS à imageur infrarouge devrait être opérationnelle fin 2010.

L’intégration de l’AASM sur les Mirage 2000D a donné lieu à de premiers travaux restés à ce jour inachevés, faute d’engagements de la part de la DGA. Mais les quelque 20 millions d’euros économisés du fait de cet abandon enlèvent au Mirage 2000D des capacités opérationnelles significatives. Pourtant, cette intégration pourrait compenser, très partiellement, sur un plan opérationnel le report sine die de la rénovation des Mirage (cf. supra).

Safran, via Sagem Défense Sécurité, est le maître d’œuvre industriel de ce programme avec Roxel pour principal sous-traitant, en charge du propulseur.

En 2009, la cible de dotation en AASM est passée de 3 000 à 2 348 unités dont 1 200 avec le kit laser. La première commande ferme de 744 AASM a été prononcée en 2000, permettant d’engager le développement du missile.

La livraison de la première tranche s’étale jusqu’à la fin de l’année 2011 avec 252 exemplaires en 2010 et 176 en 2011. Fin décembre 2009, une nouvelle tranche de 680 unités a été notifiée à l’industriel comprenant 300 missiles en version inertiel GPS et 380 en version laser.

Dans son 32e rapport d’ensemble de juin 2010, le comité des prix de revient des fabrications d’armement estime à 5 % le surcoût enregistré sur ce programme estimé aujourd’hui à 846 millions d’euros. Il convient de relativiser cet écart : la commande publique n’a eu de cesse d’évoluer à la baisse avec l’abandon de l’intégration sur le Mirage 2000 ou la réduction de la cible.

En 2009, 134,6 millions d’euros d’AE et 13,9 millions d’euros de CP ont été consommés. En 2010, 35,5 millions d’euros d’AE et 30,9 millions d’euros de CP ont été inscrits en LFI. Le PLF pour 2011 prévoit quant à lui 100 000 euros d’AE et 16,2 millions d’euros de CP.

Il convient de rappeler que l’armée de l’air et l’aéronavale utilisent toujours des bombes à guidage laser équipées de kit de guidage de type Paveway.

c) Le missile air-air MICA

Missile air-air d’interception, de combat et d’autodéfense, le MICA est l’armement principal du Mirage 2000-5 et du Rafale pour la mission de supériorité aérienne ainsi que pour son auto-défense. Pesant 112 kg pour une longueur de 3,1 m et diamètre de 160 mm, il dispose d’un propulseur à poudre, d’une référence inertielle, d’une fusée de proximité et d’une charge militaire. Ses caractéristiques technologiques, notamment ses systèmes autodirecteurs électromagnétiques réalisés par Thalès et ses systèmes infrarouges passifs fabriqués par Sagem DS, offrent une capacité multicibles « tire et oublie », l’avion porteur pouvant effectuer dès le lancement du missile des manœuvres lui permettant de se soustraire à la menace adverse.

Deux versions sont fabriquées par MBDA et équipent d’ores et déjà l’armée de l’air à hauteur de 540 MICA électromagnétiques (EM) et 340 MICA infrarouges (IR). Ce missile enregistre d’excellentes performances pour intercepter des avions de chasse mais se révèle moins adapté pour des cibles atypiques comme des avions de tourisme, des ULM, des missiles de croisière, des drones ou des avions gros porteurs.

Pour 2010, 110 MICA IR doivent être livrés selon le PAP ; les éléments transmis au rapporteur font quant à eux état de 130 livraisons. Le reste de la commande, soit 120 unités, doit être remis à l’armée de l’air d’ici 2012. Selon les informations dont dispose le rapporteur, 70 missiles devraient être livrés en 2011.

En 2009, 51,9 millions d’euros d’AE et 70,1 millions d’euros de CP ont été consacrés à ce programme. Pour 2010, ces montants ont été respectivement de 24 millions d’euros et de 65,2 millions d’eyros. Le PLF pour 2011 prévoit 400 000 euros d’AE et 68,1 millions d’euros de CP.

Malgré l’absence de contrats à l’export du Rafale qui constitueraient un levier promotionnel, le missile MICA a déjà été exporté vers plusieurs pays dont Taïwan, le Qatar, les Émirats arabes unis, la Grèce, le Maroc et Oman.

La question du successeur au MICA se pose dès aujourd’hui car son obsolescence sera définitive entre 2020 et 2025, selon les versions considérées. Un tel programme exige environ dix ans de développement avant d’être intégré sur les plateformes des forces aériennes. La LPM n’a pourtant pas envisagé le lancement d’études en ce sens. Les industriels ne peuvent s’engager sur leurs seuls fonds propres sur un tel programme sans intention ferme du ministère. Des décisions devront cependant être rapidement prises, sous peine de devoir acheter sur étagère américaine le prochain missile air-air en 2020.

d) Le missile air-air METEOR

Le missile METEOR vise à détruire des cibles aériennes à longue distance, c’est-à-dire plus de 100 km, complétant en cela les capacités du MICA. Programme mené en coopération, il a pour maître d’œuvre MBDA-UK (cf. supra).

Le Royaume-Uni a commandé ses missiles au titre du contrat de développement signé en 2002, et l’Espagne a commandé les siens à l’été 2010, suivie en septembre par la Suède qui a également commandé l’intégration du METEOR sur les Gripen de son armée de l’air pour près de 33 millions d’euros.

Pour la France, la commande série des missiles est prévue pour fin 2010. Les travaux d’intégration au Rafale ont débuté, tant pour assurer une livraison à un client étranger dès 2014, que pour permettre à l’armée de l’air de déclarer ce missile opérationnel à l’horizon 2018.

Sur le plan financier, l’intégration du missile METEOR au RAFALE constitue une ligne budgétaire conséquente, surtout à partir de 2010. En 2009, seuls 7,3 millions d’eyros de CP ont été dépensés pour ce programme. En 2010, la LFI a prévu 358,7 millions d’euros d’AE et 14,3 millions d’euros de CP. Le PLF pour 2011 consacre à l’opération MIDE, visant à l’intégration du missile METEOR au RAFALE, 5 millions d’euros d’AE et 18,7 millions d’euros de CP.

B. LES CAPACITÉS TERRESTRES

1. L’équipement du fantassin

a) FELIN

Programme initié en 2001 et estimé à un milliard d’euros, FELIN (fantassin à équipements et liaisons intégrés) est appelé à équiper l’infanterie d’éléments de protection et de communication de haute technologie. Plusieurs forces terrestres étrangères développent des systèmes similaires : IdZ-ES est développé par Rheinmetall pour les forces allemandes ; le combatiente futuro (COMFUT) espagnol par EADS CASA ; le soldato futuro italien de Finmeccanica ; le future integrated soldier technology (FIST) britannique développé par Thalès UK. Les États-Unis ont quant à eux abandonné leur programme.

FELIN est un système complexe regroupant plusieurs équipements :

- une tenue de combat atténuant la signature thermique et visuelle du fantassin et bénéficiant de protections balistiques. La tenue initiale a fait l’objet de plusieurs modifications pour améliorer le confort du fantassin ;

- l’armement demeure le fusil d’assaut FAMAS mais équipé désormais d’une télécommande opérant la radio, la lunette de tir et les saisies d’image ;

- la lunette de visée peut soit intensifier la lumière pour la visibilité nocturne, soit recourir aux infrarouges pour détecter les sources de chaleur. Le fantassin porte également un oculaire de visée déportée permettant de visualiser une cible sans s’exposer (tir en angle). Il dispose également de jumelle de vision nocturne, transmettant ses images à sa hiérarchie et aux autres combattants ;

- un système de communication, cœur de FELIN, assurant l’interface entre tous les systèmes et les transmissions audio et vidéo. Ce boîtier est relié à un petit écran. Le fantassin porte également un bandeau ostéophonique transmettant les sons par vibrations osseuses. Enfin, la radio GPS permet de communiquer avec la hiérarchie ou avec les autres éléments du groupe de combat, tout en signalant la position du fantassin à son autorité ;

- le chef de section dispose d’un système d’information terminale du combattant débarqué, tablette tactile permettant de visualiser la position des éléments de la section ainsi que les images transmises par chaque fantassin.

À ces équipements s’ajoutent la gourde souple, les grenades et les chargeurs du FAMAS. Des protections NRBC peuvent y être ajoutées.

Le camouflage de la tenue FELIN est défini par la norme NORMDEF 0001 « qui précise pour les peintures et équipements, les propriétés optiques en termes de brillant spéculaire, de caractéristiques colorimétriques et de facteur spectral de réflexion diffuse, et ce dans des domaines spectraux étendus » (245).

Très rapidement, un débat sur le poids de l’équipement a été lancé, l’engagement des forces françaises dans les montagnes de haute altitude d’Afghanistan amplifiant le handicap d’un équipement trop lourd.

Sagem-Safran est le maître d’œuvre de ce programme. En novembre 2009, la DGA a commandé 16 454 exemplaires portant le total de la commande à 22 588 unités, atteignant en cela l’objectif inscrit dans la loi de programmation militaire.

Les 90 premiers exemplaires ont été remis à l’armée de terre en mai 2010. C’est au cours du second semestre 2010 que le 1er régiment d’infanterie de Sarrebourg sera intégralement doté de l’équipement FELIN. L’ensemble des forces devrait l’être en 2015, en application de la LPM. Selon les éléments transmis au rapporteur, 1 740 équipements FELIN doivent être livrés en 2010 et 4 036 autres en 2011.

En 2009, 430,5 millions d’euros d’AE et 100,1 millions d’euros de CP ont été consommés. La LFI pour 2010 a prévu 83 millions d’euros d’AE et 173,7 millions d’euros de CP, respectivement portés 25,8 millions d’euros et 157,6 millions d’euros dans le PLF pour 2011.

b) Les munitions

Depuis 1999, la France ne dispose plus de filière industrielle produisant ses munitions de petit calibre (5,56 mm) employées notamment par le fusil d’assaut FAMAS. Les stocks français proviennent des États-Unis, de Suisse, d’Allemagne et d’Israël. Chaque année, 35 millions de munitions sont ainsi commandées, 30 % étant consommés par les régiments d’infanterie.

Cette perte de capacité n’émeut que modérément les responsables militaires et politiques. La multiplication d’incidents de tir, liés à la défaillance de la munition, a cependant mis en exergue les conséquences particulièrement néfastes de cette dépendance extérieure.

Pour les munitions de calibre supérieur, la capacité industrielle française subit les aléas des commandes étatiques qui ne sont pas compensés par les exportations.

Question écrite n° 54897 publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 14 juillet 2009

M. Jean Glavany attire l’attention de M. le ministre de la défense sur la vive inquiétude des salariés de l’entreprise Nexter-munitions. Récemment, lors d’un conseil d’administration, le P-DG de Nexter-munitions menaçait de mettre la clef sous la porte en 2011 si les commandes de l’État n’étaient pas au rendez-vous. Aussi il souhaiterait connaître la position et les intentions du Gouvernement sur ce dossier.

Réponse du ministre de la défense publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 8 décembre 2009

La restructuration du groupe Giat industries (devenu Nexter en 2006), engagée en 2004 dans le cadre du plan GIAT 2006, a notamment permis la modernisation de l’outil de production munitionnaire, placé dans la filiale du groupe, Nexter-munitions. Le ministère de la défense a largement contribué à la réussite de cette transformation, notamment à travers les commandes de munitions attribuées au titre du contrat d’entreprise dont les engagements ont été totalement honorés. Il a passé notamment une commande globale de munitions de gros calibre et une commande pluriannuelle de munitions de moyen calibre d’un montant de 85 millions d’euros. Par ailleurs, Nexter-munitions exporte des munitions de moyen et de gros calibres, notamment en accompagnement des succès remportés par le groupe Nexter auprès de plusieurs pays clients avec le système d’artillerie Caesar. Nexter-munitions est à ce jour le seul industriel qualifié pour la production des munitions de moyen et de gros calibres tirées par les systèmes d’armes à canon en dotation dans les armées françaises. Soucieux de garantir la sécurité d’approvisionnement à long terme de nos forces armées, le ministère de la défense entend veiller, au cours de la période couverte par la loi n° 2009-928 du 29 juillet 2009 relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense, à la pérennité de l’outil industriel que constituent Nexter-munitions et ses sous-traitants. Ainsi, Nexter-munitions a récemment bénéficié d’un premier marché d’un montant de 16,7 millions d’euros au titre du plan de relance de l’économie. D’autres marchés en préparation dans ce cadre viendront, en sus des commandes programmées en 2009, conforter son plan de charge jusqu’à l’horizon 2012. Parallèlement, des réflexions ont été lancées en vue d’apporter une plus grande visibilité à cette entreprise et à ses sous-traitants, par la poursuite de la démarche de commandes pluriannuelles initiée dans le cadre du plan GIAT 2006. Ces réflexions portent, dans un premier temps, sur les munitions de moyen calibre. Un marché couvrant les besoins des armées jusqu’en 2014 est actuellement à l’étude au sein du ministère de la défense. Nexter-munitions devrait ainsi bénéficier à terme des conditions lui permettant de poursuivre l’optimisation de son outil de production et de procéder aux éventuels ajustements qui pourraient s’avérer nécessaires pour la satisfaction du besoin opérationnel.

c) Les parachutes

Le programme « Ensembles de parachutage du combattant » est destiné à remplacer les actuels « Ensembles de parachutage individuels » devenus obsolètes. Ces nouveaux équipements doivent permettre un largage de parachutistes équipés (pour un poids total de 160 kg) à une hauteur minimale de 80 mètres. Les 13 500 équipements seront répartis entre l’armée de terre et l’armée de l’air avec une commande de 1 500 en 2011.

En 2009, année de la première commande, 12,3 millions d’euros d’AE ont été consommés. En 2010, 14,5 millions d’euros d’AE et 9,8 millions d’euros de CP sont prévus ; ces sommes sont respectivement portées à 6 millions d’euros et 9,3 millions d’euros.

Cet équipement est fabriqué par la société britannique Airborne Systems LTD, ce qui a donné lieu à une protestation parlementaire au nom de la défense des intérêts économiques nationaux.

Question écrite n° 77741 publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 4 mai 2010

M. Bernard Carayon attire l’attention de M. le ministre de la défense sur les conditions d’attribution du marché des nouveaux parachutes (EPC : ensemble de parachutage du combattant) de l’armée française. L’attribution du marché de 69 millions d’euros au Britannique Airborne systems ltd, au détriment du français Aerazur, partenaire de longue date de la DGA, est en contradiction avec le plan de relance, puisque cette décision aboutira à des pertes d’emploi en France. Il lui demande de bien vouloir lui apporter des précisions sur les critères et les conditions d’attribution du marché des EPC de l’armée française.

Réponse du ministre de la défense publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 3 août 2010

Dans le cadre de la procédure d’attribution du marché EPC (ensemble de parachutage du combattant), trois sociétés ont présenté une offre en août 2009 : Aérazur (candidat français), ESG-Spelco (candidat allemand) et Airborne Systems Ltd (candidat anglais). Au titre du règlement de la consultation, les candidats devaient fournir les éléments suivants : un échantillon strictement conforme au dossier de définition qualifié ; des pièces de matériaux transmises à un laboratoire indépendant pour réaliser des mesures afin de s’assurer de leur conformité au dossier de définition qualifié (pièces de tissu de voilure, segment de sangle principale du harnais, segment de drisse de suspente) ; un dossier technique justificatif. Le règlement de la consultation mentionnait que l’offre serait jugée irrégulière et éliminée si : le dossier technique justificatif était fourni mais incomplet ; les caractéristiques techniques mesurées par le laboratoire indépendant mandaté par la direction générale de l’armement n’étaient pas au moins égales voire supérieures à celles spécifiées dans le dossier de définition. La mesure de ces caractéristiques techniques réalisée par le laboratoire indépendant a mis en évidence que des pièces de matériaux transmises par les sociétés Aérazur et ESG-Spelco n’étaient pas conformes au dossier de définition qualifié. Les offres de ces deux candidats ont donc été jugées irrégulières et éliminées conformément au règlement de la consultation.

2. Les véhicules terrestres et aéro-terrestres

a) Le VBCI

Véhicule blindé à huit roues motrices, le véhicule blindé de combat d’infanterie (VBCI) est un programme qui a connu de nombreuses vicissitudes depuis son lancement en décembre 2000. Avec deux ans de retard par rapport au calendrier initial, sa mise en service en juillet 2008 et surtout sa projection en Afghanistan au printemps 2010 répondent à une importante attente des forces.

La programmation militaire 2009-2014 marque la montée en puissance des livraisons de VBCI. Sur les 650 envisagés par le Livre blanc, 553 devraient être mis à la disposition des forces au cours de cette période, les ultimes livraisons devant intervenir en 2015.

Selon les éléments transmis au rapporteur, 90 exemplaires doivent être livrés en 2010 et 100 en 2011. Selon l’industriel, le volume de 2010 sera de 108, conformément au contrat signé. L’écart de 20 % est difficilement compréhensible et ne peut se justifier par un quelconque décalage entre la livraison de l’équipement par l’industriel à la DGA puis sa mise à disposition par la DGA à l’armée de terre, les flux de livraison étant désormais réguliers.

Le véhicule fabriqué par Nexter Systems et Renault Trucks Defense est décliné en deux versions :

- le véhicule de combat de l’infanterie (VCI) assure le transport, la protection et le soutien feu d’un groupe de combat (neuf hommes). 110 exemplaires ont déjà été livrés aux forces et 77 doivent l’être pour 2010. 333 véhicules restent à produire ;

- le véhicule poste de commandement (VPC) assure l’accueil, le transport et la protection des moyens de commandement des unités au combat. Fin 2009, l’armée de terre disposait de 27 exemplaires et en attendait 22 supplémentaires en 2010 sur un total programmé de 110.

Affichant une masse maximale en ordre de combat de 28 tonnes, le VBCI peut se déplacer sur route jusqu’à 10 km/h grâce à son moteur diesel de 550 ch, pour une autonomie de 750 km.

Sur le marché de l’export, le VBCI est un échec patent malgré plusieurs contacts en cours avec l’Australie, le Canada, la Suède et l’Espagne.

En 2009, 937 millions d’euros d’AE et 396,5 millions d’euros de CP ont été consommés. La LFI pour 2010 a prévu 180 millions d’euros en AE et 329 millions d’euros en CP ; ces sommes sont respectivement portées 157,8 millions d’euros et 343,7 millions d’euros dans le PLF pour 2011.

b) L’ARAVIS

Présenté par Nexter pour la première fois lors du salon Eurosatory 2008, ce véhicule multimissions blindé de 12 tonnes affiche des performances élevées de protection avec un niveau 4 en protection balistique, et un système de protection contre les mines et contre les explosions d’artillerie. Il est également conçu pour résister aux engins explosifs improvisés. Ces qualités font de l’ARAVIS un véhicule particulièrement adapté au théâtre afghan. Il peut transporter six fantassins et dispose d’un tourelleau téléopéré doté d’une mitrailleuse 12,7 mm.

En avril 2009, dans le cadre du plan de relance, la défense en a commandé 15 exemplaires pour 20 millions d’euros. Outre la France, le Canada s’est montré intéressé pour acquérir des exemplaires.

c) Le VHM

Mis à la disposition d’un groupement tactique interarmes, le véhicule à haute mobilité (VHM) est composé de deux modules chenillés pouvant évoluer sur des terrains difficiles, notamment en Afghanistan. 129 véhicules seront à terme commandés, les premières livraisons devant intervenir en 2011 et les dernières en 2014.

Également appelé BvS10 Viking, ce véhicule de 12 tonnes peut atteindre la vitesse de 65 km/h ; il est fabriqué par le suédois Hagglunds, filiale du Britannique BAE, avec pour sous-traitant français l’entreprise Panhard.

En 2009, 98,8 millions d’euros d’AE ont été mobilisés sur ce programme. La LFI pour 2010 a prévu 3,9 millions d’euros d’AE et 18,6 millions d’euros CP, respectivement portés à 17 millions d’euros et 32,4 millions d’euros dans le PLF pour 2011.

d) Le VBL

Fabriqué par Panhard, le véhicule blindé léger (VBL) peut mener des missions de reconnaissance, de soutien et de commandement. Véhicule de 4 tonnes pouvant atteindre une vitesse maximale de 95 km/h, il bénéficie d’une protection balistique et NBC (nucléaire, biologique et chimique). Il compte un équipage de 3 à 4 hommes et peut être doté de systèmes anti-aériens, de renseignements et de transmission selon la mission recherchée.

Le VBL est en service au sein de l’armée de terre depuis décembre 2003 et est fortement utilisé notamment en OPEX (Afrique, Liban, Kosovo, Afghanistan). Fin 2011, au terme du contrat, 500 VBL devront avoir été remis à l’armée de terre.

En 2009, 6,8 millions d’euros d’AE et 21,3 millions d’euros de CP ont été consommés sur ce programme. En 2010, 4,8 millions d’euros d’AE et 14,3 millions de CP sont disponibles ; le PLF pour 2011 prévoit quant à lui 5,2 millions d’euros d’AE et 8,6 millions d’euros de CP.

e) SCORPION

Le programme SCORPION (synergie du contact renforcée par la polyvalence et l’infovalorisation) vise à remettre à niveau les moyens terrestres par la modernisation de groupements tactiques interarmes (GTIA). Les GTIA sont formés à partir des régiments d’infanterie, de cavalerie, du génie et d’artillerie. Unités tactiques de combat des forces terrestres, ils comptent jusqu’à 1 500 hommes susceptibles d’être projetés en opérations extérieures.

Lors de sa réunion du 22 février 2010, le conseil ministériel d’investissement a décidé le lancement du stade d’élaboration du programme Scorpion. Cette phase doit définir l’architecture détaillée du programme, les choix techniques des différents constituants, les choix industriels et les différents contrats. Contrairement à ce qui est présenté dans le projet annuel de performance pour 2011, le calendrier initial prévoit le lancement de la phase de réalisation en 2012 pour s’achever en 2020.

Question : Fournir une note détaillée sur le programme SCORPION, notamment en définissant avec précision le concept et les moyens financiers et humains qui y sont accordés. Préciser les programmes similaires menés par nos principaux alliés.

Extrait de la réponse :

Concept

Le programme SCORPION a pour objectif d’assurer le renouvellement des moyens des unités du combat de contact, cœur de l’engagement au sol et des opérations actuelles. Ces unités sont constituées en groupements tactiques interarmes (GTIA), formés à partir des régiments d’infanterie, de cavalerie, du génie et d’artillerie. Les GTIA structurent fortement les forces terrestres, leur format, la tenue des contrats opérationnels et la place française dans des coalitions. Leur capacité opérationnelle est déterminée par leurs moyens principaux de combat (combattants, plateformes armées, équipements individuels et collectifs) et leur aptitude à les combiner (systèmes d’information et de combat).

Le programme SCORPION permettra de livrer les futurs matériels majeurs des forces de contacts (chars, véhicules blindés, systèmes d’information opérationnels tactiques) en renforçant l’efficacité des GTIA par :

- le remplacement ou la modernisation des systèmes et plateformes armées ;

- l’amélioration de la survivabilité des matériels (furtivité, protection individuelle ou collective, brouillage/leurrage des menaces adverses) ;

- le développement de capacités nouvelles (combat en zone urbaine, tir au-delà de la vue directe, observation déportée…) ;

- la mise en réseau des systèmes d’information et des systèmes de combat afin d’accroître les synergies entre les différentes composantes.

Ainsi, marquant une rupture technologique et opérationnelle, les moyens de combat et d’information seront d’emblée conçus conjointement. Couvrant l’ensemble du spectre des opérations militaires, en prenant en compte tant les engagements lourds que les missions de gestion de crise, ce programme s’applique à toutes les composantes des forces terrestres futures agissant au contact :

- les forces de décision, puissantes et plus protégées ;

- les forces multi rôles majoritaires ;

- les forces d’urgence détenant des aptitudes spécialisées.

Pour la première étape du programme SCORPION, trois niveaux seraient visés :

- 2014 : homogénéisation des systèmes d’information tactique ;

- 2017 : déploiement du VBMR (véhicule blindé multirôle, successeur du VAB), traitement des obsolescences et adaptation au combat en zone urbaine du char Leclerc, mise en réseau des informations ;

- 2020 : livraison d’une capacité de combat complète avec l’EBRC (engin blindé de reconnaissance et de combat).

Cette première étape SCORPION pourrait être achevée en 2020, date à laquelle 977 VBMR, 72 EBRC et 254 chars Leclerc rénovés au standard S1 pourraient être livrés, avec le système d’information tactique partagé. Ce qui permettrait d’équiper, ou transformer, 18 des 31 régiments de mêlée.

Le périmètre à terminaison du programme SCORPION comprend les moyens suivants :

- 2 326 VBMR ;

- 254 chars Leclerc rénovés ;

- 292 EBRC ;

- un système d’information de combat fédérant les unités de combat ;

- des moyens d’appuis au contact (génie, dépannage, observation déportée…) ;

- des évolutions des systèmes FELIN et VBCI.

En termes d’équipements d’ici 2020, l’armée de terre doit recevoir, dans le cadre de ce programme, près d’un millier de véhicules blindés multirôles (VBMR) en remplacement des véhicules de l’avant blindé (VAB), ainsi que 70 engins blindés de reconnaissance et de combat (EBRC), successeurs des AMX 10 RC. Sur la même période, les 254 chars Leclerc doivent être rénovés et le système d’information et de combat (SICS) mis en œuvre. Le tableau suivant récapitule le rythme de livraisons des principaux équipements en fonction des capacités qui leur sont associées.

Livraison des équipements du programme SCORPION

Capacité

Équipement

Format livre blanc

Livraisons 2009-2014

Livraisons 2015-2020

Livraisons post 2020

Total

Combat embarqué

Rénovation du Char Leclerc

250

*

254

0

254

Combat embarqué

EBRC

Non défini

*

72

220

292

Combat débarqué

VBMR

Non défini

*

977

1 349

2 326

Source : ministère de la défense.

Ces moyens viennent s’ajouter aux VBCI et aux équipements FELIN, faisant l’objet de programmes distincts, mais équipant également les GTIA.

La cohérence d’ensemble de ces équipements lourds est assurée par le système d’information et de combat SCORPION (SICS), véritable colonne vertébrale du programme devant fédérer la multitude de systèmes en service actuellement. Initialement rattaché au programme SIC Terre désormais abandonné, le SICS a été réintégré dans le programme SCORPION. Couvrant les SIC allant de la brigade au fantassin, il vient compléter l’architecture des SIA qui couvrent les niveaux hiérarchiques supérieurs. Cette séparation peut présenter des risques d’incohérence et de divergence, annihilant les bénéfices recherchés. Au sein de la DGA, la coordination entre les programmes SCORPION et SIA s’avère cruciale pour éviter qu’une évolution de l’un ne vienne compromettre la logique de l’autre. L’organisation matricielle des unités de management en charge de la conduite des programmes facilite les échanges entre les unités concernées.

Environ 5 milliards d’euros sont programmés sur SCORPION d’ici 2020. Il est à noter que la loi de programmation militaire n’a pas défini une enveloppe globale pour le programme mais distingue chacun des équipements. Les éléments fournis au rapporteur précisent que l’estimation financière de la réalisation oscille entre 3,7 et 4,9 milliards d’euros.

Question : Fournir une note détaillée sur le programme SCORPION, notamment en définissant avec précision le concept et les moyens financiers et humains qui y sont accordés. Préciser les programmes similaires menés par nos principaux alliés.

Extrait de la réponse :

Éléments financiers

Le coût du stade d’élaboration est estimé à 70 M€ CF01/09.

Pour le stade de réalisation, l’estimation est comprise entre 3 695 et 4 857 M€ CF01/09.

Moyens humains

Les moyens humains étatiques sont constitués par l’équipe de programme intégrée (DGA-EMA-Armée de terre), d’une vingtaine de personnes à ce stade. Cette équipe encadrera notamment les travaux conduits par les équipes de l’architecte industriel.

Le ministère aurait tout intérêt à mieux justifier l’écart de 1,2 milliard d’euros existant entre l’estimation haute et l’estimation basse. Au stade d’élaboration du programme, il est difficile de préciser l’impact budgétaire précis du programme car de nombreuses variables jouant à la baisse ou à la hausse interviennent : l’impact de la mise en concurrence pour la réalisation des équipements ; l’optimisation financière issue notamment des préconisations du contrat d’architecture ; le volume des flux de production, dépendant principalement de la constance budgétaire étatique…

Le succès du programme SCORPION repose sur l’émergence de synergie entre les différents équipements. En mai 2010, un consortium réunissant Thalès, Safran et Nexter a été sélectionné pour l’assistance à maître d’ouvrage du programme, marché estimé à 20 millions d’euros.

Il importe que l’assistance à maître d’ouvrage ne déséquilibre pas la compétition qui aura lieu lors de l’attribution des futurs marchés. Le risque de conflits d’intérêts apparaît évident, même si la prééminence de la DGA et les règles qui régissent l’attribution des marchés d’équipement de la défense permettent théoriquement de s’en prémunir.

Question écrite n° 79488 publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 1er  juin 2010

M. François Cornut-Gentille interroge M. le ministre de la défense sur le programme Scorpion. La Direction générale pour l’armement a sélectionné un consortium composé de Thalès, Safran et Nexter pour l’assistance à maître d’ouvrage du programme Scorpion. Cette assistance doit permettre à la DGA de définir notamment l’architecture du programme et les choix techniques. De nombreux industriels craignent que cette assistance ne vienne déséquilibrer la prochaine compétition pour l’obtention des marchés en raison de la présence au sein de ce consortium d’entreprises particulièrement intéressées par la phase de réalisation. Le risque de conflits d’intérêt est réel. Aussi, il lui demande d’indiquer les mesures prises par la DGA pour se prémunir de tout conflit d’intérêt de nature à altérer la bonne réalisation du programme Scorpion.

Réponse du ministre de la défense publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 5 octobre 2010 (extrait)

La phase d’élaboration de ce programme, lancée lors du comité ministériel d’investissement du 22 février 2010, durera jusqu’en 2012. Les prestations du marché d’architecte du stade d’élaboration du programme SCORPION recouvrent des travaux d’architecture des GTIA, avec une démarche d’ingénierie système, de définition de standards à appliquer aux différents constituants du GTIA, de définition d’un laboratoire d’intégration et d’architecture de vétronique. Elles conduisent à élaborer : des projets d’architecture des GTIA dans un certain niveau de détail, pour rechercher des optimisations et garantir la cohérence d’ensemble ; des propositions d’éléments de spécification à appliquer aux composantes des GTIA, pour satisfaire ces données et contraintes d’architecture ; des propositions de définition d’un laboratoire d’intégration, moyen de validation in fine des architectures, de la bonne intégration des constituants et de la cohérence d’ensemble ; des propositions d’architecture de vétronique (interface entre les véhicules et le système d’information et de combat SCORPION). La direction générale de l’armement (DGA) a pris un ensemble de mesures afin de garantir l’équité des mises en compétition à venir (réalisation du véhicule blindé multirôles [le VBMR, successeur du véhicule de l’avant blindé], de l’engin blindé de reconnaissance et de combat [l’EBRC, successeur de l’AMX 10 RC], du système d’information et de combat SCORPION [SICS] et des prestations pour un architecte-intégrateur du stade de réalisation) pour les marchés de réalisation des composantes de SCORPION : 1. Les spécifications techniques de besoin des composantes de SCORPION pour les marchés de réalisation seront élaborées par la DGA, en concertation avec l’armée de terre. Elles intégreront certaines propositions issues des prestations du marché d’architecte, éventuellement amendées, mais uniquement après une analyse critique de la DGA veillant en particulier à maintenir l’équité pour les compétitions à venir. 2. Les standards et outils utilisés pour les travaux d’architecture sont issus de la communauté internationale du domaine de l’ingénierie système, et non pas exclusifs des titulaires du marché d’architecte. 3. Les clauses de propriété intellectuelle du marché d’architecte confèrent à l’État l’ensemble des droits de reproduction et d’utilisation. Au final, la DGA, en concertation avec l’armée de terre, reste maître du choix de l’architecture retenue sur la base des travaux industriels et rédactrice des spécifications pour l’ensemble des marchés à venir. L’examen des candidatures pour les marchés du stade de réalisation de SCORPION sera conduit, le moment venu, dans le respect de la réglementation. Ainsi, les dispositions prises par la DGA permettent de se prémunir de tout risque de déséquilibre dans les compétitions futures du programme SCORPION.

À la veille de l’inauguration du salon d’armement terrestre Eurosatory, le ministre de la défense a procédé à deux annonces décisives pour le programme : il a refusé de procéder à la notification du contrat d’assistance à maître d’ouvrage et il a annoncé le report d’un an de la phase de réalisation de 2012 à 2013.

Question : Fournir une note détaillée sur le programme SCORPION, notamment en définissant avec précision le concept et les moyens financiers et humains qui y sont accordés. Préciser les programmes similaires menés par nos principaux alliés.

Extrait de la réponse :

Le ministre de la défense a approuvé le lancement du stade d’élaboration du programme SCORPION le 22 février 2010.

Afin de dégager les économies rendues nécessaires par le nouveau cadre budgétaire, le stade de réalisation du programme pourrait être décalé d’une année, c’est-à-dire repoussé en 2013, et la priorité serait donnée au développement du VBMR.

Ces mesures seront examinées lors d’un conseil de défense qui se tiendra à l’automne.

La première décision apparaît surprenante car le contrat, attribué et crédité, doit renforcer l’optimisation financière, industrielle et technologique du programme. Tout retard dans la notification limite d’autant l’intérêt du contrat alors que son coût demeure stable. La DGA en tant que maître d’ouvrage se trouve temporairement sans renfort extérieur mais doit pour autant payer le même prix. En reportant la notification, le ministère de la défense gaspille ses crédits en ne donnant pas aux prestataires le temps nécessaire pour remplir leur mission. Toutefois, l’impact de la non-notification est atténué par le report d’un an de la phase de réalisation. Mais, début octobre 2010, la situation n’avait pas évolué, suscitant l’incompréhension.

Le report de la phase de réalisation s’inscrit quant à lui dans les arbitrages imposés par l’effort d’assainissement des finances publiques. Le décalage d’un an ne semble toutefois pas préjudiciable à la mise en service opérationnel des équipements, le calendrier initial anticipant déjà une telle décision. Cela ne signifie pas pour autant que le programme puisse supporter un nouveau report en 2013. Sur le plan opérationnel, cela poserait des difficultés majeures, notamment pour la disponibilité des VAB à partir de 2017. La LPM précise en effet que « l’opération d’ensemble SCORPION vise à renouveler l’ensemble des moyens du combat de contact terrestre comme un tout cohérent et évolutif, capable de s’adapter aux changements du contexte stratégique. L’objectif est d’équiper environ 3 brigades pour 2014 et d’engager la modernisation de 5 autres brigades ».

Si, en raison des nombreux engagements reportés à 2013, la situation exigeait de rééchelonner le calendrier, des ajustements de fond seront indispensables. En précisant que la priorité sera donnée au développement du VBMR, le ministère de la défense apporte un premier élément de réponse : la rénovation du char Leclerc apparaît désormais comme secondaire et pourrait être une variable d’ajustement opportune.

Le PLF pour 2011 prévoit 35,3 millions d’euros d’AE et 29 millions d’euros de CP pour ce programme.

À l’étranger, le programme d’ensemble SCORPION trouve peu d’équivalent. Sa construction originale répond surtout aux procédures françaises de conduite des programmes et ne peut être transposée à l’identique dans d’autres États.

Question : Fournir une note détaillée sur le programme SCORPION, notamment en définissant avec précision le concept et les moyens financiers et humains qui y sont accordés. Préciser les programmes similaires menés par nos principaux alliés.

Extrait de la réponse :

Opérations équivalentes à l’étranger

Les pays s’étant lancés dans une approche intégrée de type « SCORPION » sont :

- Les États-Unis avec le programme FCS (Future Combat System), modifié depuis avec une refonte en profondeur de son périmètre et de son approche méthodologique. Il visait à délivrer de nouvelles « brigades multirôles » clés en main avec un maître d’œuvre d’ensemble unique. Les critiques ont porté sur la nécessité de pouvoir déployer les technologies FCS aux autres brigades existantes (lourdes, infanterie et parachutiste) et sur le coût du maître d’œuvre d’ensemble (Boeing – SAIC). Les orientations actuellement prises visent à étendre les travaux d’infovalorisation conduits dans le cadre de FCS à l’ensemble des brigades de l’armée de terre et à retarder le développement des nouveaux véhicules.

- Le Royaume-Uni avec le programme BOWMAN pour la partie radio et système d’information et le programme FRES (Future Rapid Effect System) pour une famille de plateformes. La séparation des aspects systèmes d’information et plateforme limitant fortement l’intérêt de la démarche FRES, ce dernier programme a été fortement remis en question lors des derniers arbitrages financiers, pour être finalement scindé en deux programmes (véhicules à roues, issus de FRES Utility et véhicules chenillés issus de FRES Specialist Vehicules).

- L’Italie avec son projet Forza NEC pour une première brigade multirôle. La démarche Forza NEC est organisée de manière incrémentale tous les 3 / 4 ans avec une structure industrielle de type architecte intégrateur. Elle est dans son concept assez proche de l’approche « SCORPION ». En dépit de systèmes existants différents (chars, blindés, systèmes d’information), des discussions sont en cours avec la France pour identifier d’éventuelles synergies.

- L’Allemagne, pays important dans le domaine terrestre, n’a pas manifesté d’intérêt à ce jour pour une démarche intégrée de type « SCORPION ».

f) L’hélicoptère TIGRE

● « L’hélicoptère est un système de combat terrestre dont la finalité est la manœuvre tridimensionnelle terrestre » (246). L’arrivée de l’hélicoptère dans les forces terrestres leur a apporté de nouvelles capacités de mobilité, de projection et de soutien feux. Révélées en Algérie puis au Vietnam, ces capacités sont désormais pleinement intégrées dans les stratégies militaires.

Le TIGRE est un hélicoptère d’attaque fabriqué par Eurocopter dans le cadre d’un programme européen mené au sein de l’OCCAR. Lancé en 1988 par la France et l’Allemagne, il a fait l’objet d’un contrat global pour 160 appareils (80 pour la France et 80 pour l’Allemagne). La coopération franco-allemande n’est pas uniquement industrielle : la formation initiale des équipages, effectuée à l’école du Luc, est également commune.

Plusieurs versions de l’hélicoptère ont été développées : la version HAC (anti-char), la version ARH (reconnaissance), la version HAP (appui et protection) et la version HAD (appui et destruction). Cette multiplication des versions, même si elles présentent 85 % de caractéristiques communes, atténue les synergies industrielles et donc les économies financières envisagées. C’est une des raisons qui explique que seule la version HAD, également plus polyvalente, sera proposée aux prochains contrats à l’exportation.

Question : Fournir une note détaillée pour le programme TIGRE, NH90. Préciser les programmes similaires étrangers.

Extrait de la réponse :

Le développement du programme Tigre a été lancé en 1988. La production a été lancée en 1997.

Coopération

Le 21 février 2003, l’Allemagne a annoncé la limitation du nombre de ses appareils à 80 exemplaires en version UHT (Unterstützung Hubschrauber Tiger). L’Allemagne a confirmé, lors du comité directeur trilatéral le 5 octobre 2004, qu’elle ne commanderait pas d’UHT au-delà des 80 déjà commandés.

Le 5 septembre 2003, l’Espagne a annoncé son intention d’acquérir 24 hélicoptères (6 HAP et 18 HAD, les 6 HAP devant être ultérieurement modifiés en HAD).

L’Allemagne et la France ont signé le 21 décembre 2006 un accord relatif au soutien en service de l’hélicoptère Tigre. Cet accord, d’une durée de 7 ans, a permis de confier à l’OCCAR un rôle central pour l’acquisition de rechanges, la révision et la réparation de l’hélicoptère.

L’Espagne a rejoint le 20 juillet 2009 la France et l’Allemagne au sein de cet accord, permettant ainsi à la division Tigre de l’OCCAR d’assurer ses responsabilités d’agence contractante pour le développement, la production en série, la mise en place du soutien initial et le soutien en service sur la totalité du périmètre technique qui lui a été confié par les nations, renforçant ainsi fortement son autorité et son efficacité.

[…]

Avancement du programme

Les 12 derniers mois ont été marqués par les événements suivants :

- le premier déploiement opérationnel en Afghanistan.

- 3 Tigre HAP ont été projetés en Afghanistan le 27 juillet 2009. Déclarés opérationnels le 10 août, ils ont effectué les premiers tirs en opération le 20 août. Le taux de disponibilité est excellent (90 %) et l’efficacité unanimement reconnue. Les Tigre effectuent en moyenne 30 heures de vol par mois par machine et sont employés principalement pour l’appui des troupes au sol et l’escorte des hélicoptères de manœuvre de type Caracal ou l’appui des convois routiers ;

- la poursuite de l’adaptation réactive du système d’arme aux contraintes particulières du théâtre d’opérations avec le développement et la qualification d’un kit de blindage additionnel pour protéger l’équipage, le lancement des activités de développement d’un outil amovible de grossissement pour le viseur principal ;

- la poursuite des livraisons du Tigre HAP : 25 hélicoptères livrés à la France au 1er juillet 2010, 14 affectés au 5ème régiment d’hélicoptères de combat de Pau dont 9 en version Standard1 (parmi lesquels 3 sont en permanence en Afghanistan), un affecté au 4ème RHFS (Régiment d’Hélicoptères des Forces Spéciales), 9 à l’école franco-allemande du Luc et 1 au GAM/STAT;

- la poursuite de la mise en place du soutien ;

- la poursuite du développement du Tigre HAD (premier tir de missile Hellfire le 29/10/2009) ;

- la poursuite du développement du moteur à puissance augmentée MTR 390 –E et du calculateur associé (premier vol le 30/06/2009, campagne intensive d’essais en vol jusqu’en septembre 2010) ;

- la signature du MOU trilatéral (France, Allemagne, Espagne) sur le soutien en service le 20/07/2009 ;

- la signature des contrats de soutien principaux avec Eurocopter et le motoriste MTR, le 30/10/2009 ;

- la mise en service des derniers moyens de simulation à l’EFA et l’installation des moyens de simulation au 5ème RHC de Pau (réception en cours, livraison prévue à l’été 2010).

En France, la LPM prévoit qu’à l’horizon de 2020, les 80 exemplaires destinés à la France (40 HAP et 40 HAD) seront livrés selon le rythme suivant : 20 hélicoptères en 2008, 33 entre 2009 et 2014 et 27 entre 2015 et 2020. En 2010, 7 appareils sont attendus et 6 en 2011.

En termes d’armement, les HAP seront équipés de quatre missiles MISTRAL, d’un canon de 30 mm et de roquettes non guidées. Les HAD auront quatre missiles MISTRAL, des missiles HELLFIRE 2 de destruction au sol, un canon de 30 mm et des roquettes non guidées.

Les anciennes Gazelle seront remplacées par des appareils aux caractéristiques opérationnelles sans commune mesure. Alimentée indirectement par la concurrence, une polémique s’est développée autour du différentiel du coût de l’heure de vol entre les deux hélicoptères. Cette analyse n’est pas pertinente car elle revient à comparer des équipements aux technologies et apports capacitaires incomparables.

En 2009, 366,7 millions d’euros d’AE et 226,6 millions d’euros de CP ont été consommés. La LFI pour 2010 a prévu 188,6 millions d’euros d’AE et 174,3 millions d’euros de CP, respectivement portés à 269,4 millions d’euros et 216,9 millions d’euros dans le PLF pour 2011.

Question : Fournir une note détaillée pour le programme TIGRE, NH90. Préciser les programmes similaires étrangers.

Extrait de la réponse :

Coût global du programme

Le coût global estimé du programme est de 5 954,9 M€ (CF 01/2010), soit 1 892,1 M€ pour la part développement et 4 062,8 M€ pour la part production, pour une cible totale de 80 machines pour la France (40 exemplaires en version appui-protection - HAP et 40 en version appui-destruction - HAD).

Le 15 mai 2009, l’appareil dans sa version HAP a obtenu sa capacité opérationnelle initiale, permettant sa mise en service opérationnel au sein du 5régiment d’hélicoptères de combat (RHC) de Pau. Sa projection sur le théâtre afghan a été particulièrement rapide, les premiers appareils étant engagés dès le 20 août 2009. Les équipages et les forces sur le terrain ont très vite perçu les qualités d’engagement de l’appareil. Les trois TIGRE engagés ont franchi au cours de l’été 2010 la barre symbolique des 1 000 heures de vol en Afghanistan et affiche un taux de disponibilité de 90 %. Pour le général Patrick Tanguy, commandant de l’aviation légère de l’armée de terre, « le Tigre permet d’appuyer des troupes au sol sur un court préavis avec une extrême précision, notamment lorsque celles-ci sont en situation d’imbrication avec l’adversaire. Le théâtre afghan en apporte chaque jour la preuve » (247).

● En mai 2010, l’Allemagne a décidé de suspendre les livraisons de TIGRE dont elle a déjà reçu 11 des 80 exemplaires commandés. L’explication officielle impute le report à des difficultés techniques de câblage susceptibles d’attenter à la sécurité des vols. Or, les hélicoptères actuellement déployés par la France en Afghanistan et ceux acquis par l’Australie se heurtent au même diagnostic technique sans que la fiabilité de l’appareil ait été contestée.

Ces problèmes techniques ont été découverts en mars 2009. La projection des Tigre français en Afghanistan est intervenue en août de la même année, c’est-à-dire après la mise en œuvre de solutions provisoires dans l’attente d’une correction plus poussée du système et sans que cela dégrade la disponibilité opérationnelle de l’appareil. Des versions rectifiées du TIGRE ont été livrées à l’Allemagne à l’été 2010 pour validation.

L’explication du report allemand réside sans doute sur l’inadaptation de la version allemande du Tigre qui, à la différence des autres versions commercialisées, dont la française, n’a pas été adaptée aux nouvelles conditions d’engagement opérationnel. Le Tigre allemand est demeuré un hélicoptère antichar de la Guerre froide, non un hélicoptère d’appui pour des unités intervenant sur des terrains difficiles. Sa vulnérabilité est réelle, mais elle est due à des choix politiques opérés il y a plusieurs décennies et non à des dégradations techniques.

Si les réticences des forces allemandes à utiliser l’appareil en opérations sont compréhensibles, la tactique française visant à reporter la responsabilité sur l’industriel est en l’espèce un peu légère.

● Plusieurs contrats à l’exportation ont d’ores et déjà été signés, notamment avec l’Australie et l’Espagne. Lors des compétitions, Eurocopter est en concurrence avec l’américain Boeing et son hélicoptère Apache ainsi qu’avec l’anglo-italien AgustaWestland avec l’A 129. Pour sa part, la Russie a développé ses propres hélicoptères de combat (Mi-28N et Ka-52) qu’elle est susceptible de proposer à l’export. De nouvelles offres sont également en préparation dans les pays émergents : le 29 mars 2010, l’Inde a par exemple procédé au premier vol du LCH (light combat helicopter) produit par Hindustan Aeronautics Ltd.

Selon Dominique Maudet, directeur d’Eurocopter chargé des programmes gouvernementaux, à propos du succès de son entreprise pour le contrat australien en 2011, « c’était la première fois que, pour un appareil de cette nature, un modèle européen l’emportait sur un modèle américain. Selon [lui], ce succès est dû à des performances objectivement supérieures et au caractère européen du programme : il est plus facile de remporter un marché australien avec un projet franco-allemand qu’avec un projet seulement français ; cela est encore plus vrai aux États-Unis » (248).

Question : Fournir une note détaillée pour le programme TIGRE, NH90. Préciser les programmes similaires étrangers.

Extrait de la réponse :

Export

L’Australie a décidé de s’équiper en août 2001 de Tigre. Le contrat d’acquisition pour 22 appareils a été signé le 21 décembre 2001. Les principaux prospects en cours concernent 8 HAD pour le Qatar et 12 HAD pour la Jordanie (+12 options). D’autres prospects concernent le Malaisie, l’Inde, le Mexique, le Brésil, le Pakistan voire la Libye.

Programmes étrangers similaires

Le principal appareil comparable au TIGRE est l’Apache AH 64D américain (connu en Grande-Bretagne sous le nom d’Agusta-Westland Apache) construit par Boeing. La version la plus récente de cet appareil est entrée en service dans l’armée américaine en 1995. Cet appareil a été produit à plus 1 170 exemplaires dont plus de 350 ont été vendus à l’export (Arabie Saoudite, Égypte, Émirats Arabes Unis, Grande-Bretagne, Grèce, Israël, Pays-Bas, Japon et Turquie).

La société Italienne Agusta a développé un appareil similaire, l’Agusta A.129 Mangusta. Sa production s’élève à 45 appareils et s’est arrêtée en 1992. Depuis 1999 la société Agusta développe une version adaptée aux opérations de maintien de l’ordre et de lutte anti-guérilla. L’Italie a commandé, en 2002, 15 appareils de cette version et la mise à hauteur de ses 41 A.129 Mangusta.

3. L’artillerie sol-sol

L’artillerie sol-sol demeure une arme indispensable dans les opérations, participant à la conquête de la supériorité du feu. Elle apporte également des capacités selon la portée :

- « au combat de contact dans la tranche de profondeur 0-4 km au profit des forces de mêlée en intervenant en dehors de la zone battue par les armes à tir tendu ou, si nécessaire, à l’intérieur de cette zone, afin d’y créer ou d’y rétablir un rapport de forces localement favorable,

- à l’action dans la profondeur en attaquant l’adversaire dans la tranche 4-30 km et dans les intervalles, par des actions de feux liées à l’engagement des forces de mêlée, ou éventuellement dissociées des actions au contact » (249).

Les forces terrestres doivent disposer de systèmes d’artillerie offrant des capacités de portée et de frappe les plus étendues.

a) Le missile Milan

● D’une portée allant de 25 à 2 000 mètres, le missile anti-char Milan filoguidé atteint la vitesse de 200 mètres/seconde. D’un poids total de 28 kg (missile et lanceur), il est servi par deux fantassins. Développé depuis près de trois décennies, son apport opérationnel est encore reconnu aujourd’hui. La LPM prévoit d’ailleurs que « la capacité en missiles à moyenne portée MILAN sera maintenue au-delà de 2011 par un appoint en postes de tir et, en tant que besoin, en missiles. Le renouvellement sera achevé en 2018 ».

Les capacités opérationnelles de ce système lui permettent d’avoir un bilan extrêmement positif sur le marché international. Depuis son lancement en 1974, le missile MILAN est exporté sur tous les continents, comme le montre le tableau ci-après.

Exportation du missile Milan

Europe

Belgique, Chypre, Espagne, Grèce, Irlande, Italie, Macédoine, Portugal, Royaume-Uni

Asie

Arabie Saoudite, Émirats arabes unis, Inde, Liban, Qatar, Singapour

Afrique

Angola, Cameroun, Égypte, Gabon, Kenya, Libye, Mauritanie, Maroc, Tchad, Tunisie

Amérique centrale et Latine

Brésil, Mexique, Uruguay

Océanie

Australie

Source : SIPRI.

Le ministre s’est pourtant montré critique sur ce programme, le considérant comme non-stratégique. Il a estimé qu’il « n’est pas envisageable de privilégier un missile sous prétexte qu’il est fabriqué en France s’il ne correspond pas aux exigences techniques et de sécurité. Qui accepterait de mettre la vie de nos soldats en danger pour préserver une filière industrielle ? ». Afin de donner du temps à MBDA « de développer sur ses propres crédits un nouveau missile fonctionnel et de rattraper son retard » (250), le ministère de la défense a décidé d’acheter des missiles sur étagères. Ce choix insuffisamment justifié a entraîné de vives protestations.

Question écrite n° 73934 publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 16 mars 2010

M. Bernard Carayon attire l’attention de M. le ministre de la défense sur l’acquisition en 2009 par la France de 380 missiles américains Javelin et de 76 postes de tir correspondants. Dans un contexte de crise économique mondiale, de tensions budgétaires et de fragilité industrielle européenne, il est difficilement compréhensible que le ministère de la défense puisse recourir directement à des fournisseurs extra-européens, alors que MBDA, opérateur européen, finalise la nouvelle génération de Milan ER, offrant une meilleure précision que son concurrent américain. A-t-on mesuré les conséquences économiques et stratégiques à long terme de ce choix pour les missiles de future génération européens ? En effet, le remplacement des missiles Milan actuellement utilisés par des missiles Javelin revient à adopter une nouvelle doctrine militaire, alors que ces armes seront immédiatement utilisées sur le terrain, en Afghanistan. En effet, les missiles Milan actuellement utilisés ont la particularité d’être guidés par fil depuis leur lancement jusqu’à l’impact. Toute erreur de tir pouvant avoir des conséquences désastreuses, en particulier sur les populations civiles, les missiles utilisés doivent répondre à des objectifs de précision draconiens. Contrairement à ses concurrents américains et israéliens, le missile Milan répond à ces objectifs de précision. Par ailleurs, les plans de MBDA pour le Milan ER pour la période 2010-2015 représentent 320 emplois directs, dont une grande partie en région Centre, et 30 emplois induits chez un sous-traitant des Hauts-de-Seine. Au-delà de ce cas, la prochaine génération de missiles sol-sol comblera des besoins en termes de portée et de précision qui ne sont actuellement satisfaits par aucune solution malgré les nombreuses initiatives en cours. Le financement de cette nouvelle génération de missiles dépend en grande partie des revenus générés par la commercialisation du Milan ER. L’acquisition d’un missile d’origine étrangère priverait ainsi la France de sa capacité d’investissement, mais aussi à rendre la France et l’Europe dépendantes de solutions étrangères pour les vingt prochaines années. Enfin, le prix du Milan ER est de 50 % inférieur à celui de ses concurrents, ce qui représenterait une économie pour l’État français de 250 à 340 millions d’euros sur les 10 premières années pour 5 000 missiles. La souveraineté européenne dans le domaine de la défense pourrait donc être remise en cause par le choix de se tourner vers des fournisseurs extra-européens. À terme, l’Europe et son industrie pourraient disparaître du marché du combat de surface. Il demande comment peut-on choisir directement nos concurrents, alors que ces derniers bénéficient d’une préférence nationale sur leur territoire comme on a pu le vérifier dans l’affaire des avions ravitailleurs.

Réponse du ministre de la défense publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 24 août 2010

Il n’existe actuellement pas de Solution nationale disponible sur étagère répondant aux besoins exprimés par les forces, notamment pour ce qui concerne la protection du tireur et la capacité de tir à partir d’un milieu confiné, pour remplacer le système d’armes (SA) Milan. Dans l’attente de l’arrivée du futur missile antichar de moyenne portée (MMP), prévue à la fin de l’année 2014, et afin de faire face aux problèmes d’obsolescence du SA Milan, la direction générale de l’armement et l’état-major des armées procèdent actuellement, sur la base des orientations fixées par le comité ministériel d’investissement, à la mise en œuvre d’un plan en trois volets : prolongement de la durée de vie du SA Milan jusqu’à la fin de l’année 2014, par la notification d’un contrat à la société MBDA pour le traitement des obsolescences identifiées sur les postes de tir ; dès 2010, acquisition, limitée en montant au strict besoin, d’un système d’armes sur étagère pour les besoins d’un déploiement en opération extérieure ; analyse des solutions envisageables sur étagère à l’échéance de 2014 et susceptibles de répondre au besoin attendu du futur MMP tout en tirant le meilleur parti des compétences industrielles nationales dans le respect des financements prévus en loi de programmation militaire. Une consultation est envisagée au second semestre de l’année 2010 auprès de maîtres d’œuvre industriels sur la base des résultats de cette analyse.

Les tensions entre le ministère de la défense et le missilier MBDA trouvent leur origine dans le décalage entre les nouveaux besoins exprimés par les forces et l’obstination de MBDA à proposer le missile Milan sans y apporter les modifications souhaitées à savoir une capacité de tir à partir d’un espace confiné et une capacité « tire et oublie ». Dès l’automne 2009, le chef d’état-major de l’armée de terre avait souligné que « le missile Milan vieillit mal, mais il donne toujours satisfaction. C’est pourquoi nous essayons de le maintenir pour le prolonger jusqu’en 2015 voire 2017 afin de laisser aux industriels le temps nécessaire pour proposer l’arme que nous appelons de nos vœux et qui existe dans d’autres pays. D’ici là, j’ai obligation de donner à mes soldats l’engin qui leur permette de remplir leurs missions dans les meilleures conditions, c’est-à-dire un matériel qui autorise de tirer en espace clos, semi-clos ou contraint et, surtout, de quitter la position de tir une fois le missile parti. En effet, le missile filoguidé dont nous sommes dotés implique de rester vingt secondes derrière un poste de tir non abrité. Ce missile, qui est maintenant ancien, répondait à d’autres conditions d’engagement remontant au pacte de Varsovie » (251).

Dans l’attente d’une capacité principale disponible, le ministère de la défense a donc défini une capacité intérimaire de 76 postes de tir et de 260 munitions notamment pour renforcer les unités engagées en Afghanistan. Deux systèmes étrangers ont été étudiés : l’Israélien SPIKE fabriqué par Rafael et l’américain Javelin de Raytheon et Lockheed Martin. L’un et l’autre équipent de nombreuses forces terrestres comme le montre le tableau ci-après.

Situation des principaux concurrents du Milan

 

Pays acquéreurs depuis 2006

SPIKE

Allemagne, Chili, Espagne, Finlande, Italie, Pérou, Portugal, Slovénie

JAVELIN

Bahreïn, Canada, EAU, Royaume-Uni, Taïwan

Source : SIPRI.

Pour des raisons techniques et politiques, le choix s’est finalement porté sur le Javelin avec 10 millions d’euros de CP dans le PLF pour 2011.

Les effets de cette décision sur l’exportation ont été immédiats : le 26 juillet 2010, l’Inde qui dispose de missiles Milan, a annoncé l’acquisition de Javelin pour moderniser ses capacités, s’alignant technologiquement sur le choix opéré par le Pakistan au début de l’été. Le développement d’un missile moderne, successeur du Milan, s’avère urgent pour éviter des pertes de marché importantes et définitives. Le choix d’un système américain ou israélien pour remplacer définitivement et non temporairement le système Milan porterait un coup d’arrêt à la crédibilité de l’industrie européenne missilière.

Tant du côté de l’industriel que du ministère, une prise de conscience de l’enjeu économique et opérationnelle a eu lieu. Une véritable concertation et un travail en commun laissent raisonnablement penser que le missile Milan pourrait avoir un successeur européen.

● Sur les théâtres d’opérations, les forces terrestres peinent à disposer des matériels leur permettant de se défendre contre les attaques RAM (Roquette, Artillerie, Mortier). « Les attaques de type RAM sont appelées à se développer sur les théâtres, en raison de leurs nombreux avantages “ opérationnels ” (matériels peu coûteux et très simples d’utilisation, offrant une grande souplesse d’emploi) ; cette menace restreint la liberté d’action d’une force en lui imposant des contraintes permanentes de sûreté et affecte le moral des personnels en les menaçant lors des phases de “ repos ” en cantonnement ; enfin, elle présente un excellent rapport coût/intérêt médiatique et politique » (252).

Des canons sol-air et des missiles ont été mis au point par des armées étrangères pour détruire la munition durant sa trajectoire avant impact. Exposé quotidiennement aux tirs de roquette venant du Sud-Liban et de la bande de Gaza, Israël a annoncé le déploiement à l’automne 2010 des deux premières batteries de missiles Iron Dome. Développé par l’industriel israélien Rafael grâce notamment à des fonds américains à hauteur de 205 millions de dollars, ce système mobile est opérationnel de jour comme de nuit, dans n’importe quelle condition météorologique. Un radar définit la trajectoire de la cible menaçante qui sera interceptée par un missile sur une zone dite neutre pour éviter les dommages collatéraux.

b) Le CAESAR

L’automoteur à roues CAESAR de 155 mm fournit des feux d’appui directs et indirects au contact ou dans la profondeur avec une portée de 40 km. Il peut être mis en batterie en moins d’une minute. Sa capacité de feux est de 6 coups par minute, pour une capacité d’emport de 18 obus.

La LPM prévoit la livraison de 69 automoteurs CAESAR avant 2014 et de 64 véhicules au cours de la programmation suivante. Cet objectif a été ramené à 77 unités pour une fin de livraison en 2011, 34 exemplaires devant être livrés en 2010. Selon les éléments transmis au rapporteur, le nombre de livraison est aujourd’hui de nouveau réduit avec 25 CAESAR en 2010 et seulement 4 en 2011.

Ce système est fabriqué par NEXTER avec Renault Trucks comme sous-traitant pour le châssis.

Le CAESAR a été vendu à la garde nationale saoudienne et aux forces thaïlandaises en dépit d’une concurrence très forte avec notamment le Panzerhaubitze PzH-2000 de la firme allemande Krauss Maffei Wegmann et les ultimes versions du M-109 de BAE. D’autres alternatives sont également proposées par des industriels suédois, serbes ou coréens. Avec le SH 1, la Chine propose un clone du CAESAR à un prix nettement inférieur, rendant particulièrement difficile le dialogue avec les pays acheteurs.

En 2009, 20,7 millions d’euros d’AE et 70,4 millions d’euros de CP ont été consommés. La LFI pour 2010 a prévu 39 millions d’euros d’AE et 59,2 millions d’euros de CP, respectivement devenus 1,97 million d’euros et 26,6 millions d’euros dans le PLF pour 2011.

c) Le lance-roquettes unitaire

Le lance-roquettes unitaire (LRU) est issu de la transformation du lance-roquettes multiples, avec une portée allant jusqu’à 70 kilomètres. Pour le chef d’état-major de l’armée de terre, « ce système d’armes permettra à l’armée de terre de conserver une capacité de frappe tous temps, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ce que ne peut pas faire la chasse aérienne. Les Américains et les Britanniques sont déjà dotés de cet équipement qui présente une valeur dissuasive très forte sur un théâtre d’engagement puisqu’il permet d’emporter une charge de 70 kilos à soixante-dix kilomètres avec un écart décamétrique » (253).

Ce système combine un lanceur M270, fabriqué par la firme allemande Krauss Maffei Wegmann, et des roquettes GMLRS de l’américain Lockheed Martin. La société française Roxel est en charge du propulseur. Les roquettes sont guidées par GPS ce qui permet de réaliser des tirs de précision. 26 lanceurs et 516 roquettes sont inscrits sur ce programme. Le 1er régiment d’artillerie de Belfort sera doté de ce système livré par tranches de sept et de huit lanceurs d’ici à 2014. L’objectif est de disposer d’une première capacité opérationnelle dès 2011.

En 2009, 29,2 millions d’euros d’AE et 5,2 millions d’euros de CP ont été consommés. En 2010, sont inscrits en LFI 69,3 millions d’euros d’AE et 25 millions d’euros de CP. Le PLF pour 2011 ne prévoit que 7,8 millions d’euros de CP.

d) L’interdiction des armes à sous-munitions

Les armes à sous-munitions dispersent sur une zone donnée une grande quantité de projectiles explosifs afin de la saturer et de garantir l’effet destructif. Les dommages collatéraux de ces armes particulièrement dévastatrices dans les populations civiles, au cours et après les conflits, ont amené la communauté internationale à en interdire l’usage au travers de la convention d’Oslo, du 3 décembre 2008 (254). Plus d’une centaine d’États sont signataires de ce texte, entré en vigueur au 1er août 2010 ; ne l’ont pas signé les États-Unis, la Russie, la Chine, l’Inde, le Pakistan ou encore Israël.

Signataire de la convention dès le 3 décembre 2008, la France a procédé à sa ratification le 21 septembre 2009. Au préalable, elle avait retiré du service 22 000 roquettes M 26 en mai 2008 et 13 000 obus à grenades en novembre 2008. Depuis 2002, elle a cessé de produire et exporter de telles armes.

La loi n° 2010-819 du 20 juillet 2010 tendant à l’élimination des armes à sous-munitions a introduit dans le code de la défense les dispositions de la convention d’Oslo.

Code de la défense

Art. L. 2344-2 : La mise au point, la fabrication, la production, l’acquisition, le stockage, la conservation, l’offre, la cession, l’importation, l’exportation, le commerce, le courtage, le transfert et l’emploi des armes à sous-munitions sont interdits. Est également interdit le fait d’assister, d’encourager ou d’inciter quiconque à s’engager dans une des activités interdites susmentionnées. Ces interdictions s’appliquent également aux petites bombes explosives qui sont spécifiquement conçues pour être dispersées ou libérées d’un disperseur fixé à un aéronef. […]

Art. L. 2344-7 : Le fait de méconnaître les interdictions mentionnées à l’article L. 2344-2 […] est puni de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende. La tentative des délits mentionnés à l’alinéa précédent est punie des mêmes peines. […]

La destruction du stock d’armes à sous-munitions détenues par la France est encore à engager, mais elle est confrontée à d’importantes difficultés sur les plans technique et industriel. Le secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants a précisé que « cette destruction sera entièrement financée par le ministère de la défense sur le programme 178 (Préparation et emploi des forces) de la mission “ Défense ”, pour un coût estimé entre 30 et 35 millions d’euros. Elle devrait être achevée d’ici à 2016. Sont concernés les 22 000 roquettes et les 13 000 OGR retirés du service en 2008. La destruction des OGR, estimée à 900 000 euros hors taxes, ne posera pas de problème car l’armée saura la réaliser. En revanche, la destruction des M 26 est plus complexe, car il faut traiter les explosifs – 644 sous-munitions – et les propulseurs. Cette opération sera en outre soumise, à partir de 2012, à de nouvelles contraintes environnementales liées à la réglementation européenne. L’objectif reste bien d’achever le processus de destruction en 2016, soit avec deux ans d’avance, mais il nous faudra vaincre des difficultés industrielles, les installations existant en Italie et en Allemagne n’ayant pas la capacité de détruire l’ensemble du stock des États européens signataires de la convention d’Oslo, qui représente 120 000 roquettes. Il nous paraît donc indispensable de créer une filière nationale. L’état-major des armées a été chargé de conduire une étude en ce sens. Les premières évaluations font apparaître qu’il faudrait un effort d’investissement de l’ordre de 30 à 35 millions d’euros hors taxes, dont 6 millions d’euros pour l’acquisition d’un incinérateur adapté aux futures normes environnementales. De tels investissements pourraient être amortis si nos partenaires de l’Union européenne ou de l’OTAN faisaient appel à ces capacités futures » (255).

C. LES CAPACITÉS NAVALES

1. Les bâtiments

a) Les frégates FREMM

Initié en avril 2002, le programme FREMM est mené en coopération par la France et l’Italie dans le cadre de l’OCCAr. DCNS et Fincantieri en constituent l’armature industrielle ; Thalès et MBDA participent également à ce programme.

Navire de 5 750 tonnes évoluant à 27 nœuds avec un équipage d’une centaine d’hommes (contre 230 pour les précédentes frégates), les FREMM rempliront des missions de lutte anti-navire, anti-sous-marine et anti-aérienne. Des missions de protection des déploiements des SNLE ou du porte-avions entrent également dans son champ capacitaire. Ces frégates peuvent accueillir un hélicoptère NH90 ; elles sont armées de 16 missiles SCALP, voire de missiles ASTER 15 et 30 pour la lutte antimissile balistique.

La LPM prévoit que deux FREMM seront livrées avant 2014, six avant 2020 et trois ensuite. La première FREMM Aquitaine a été lancée par le Président de la République à Lorient le 4 mai 2010. Sa livraison à la marine nationale doit intervenir en 2012. Elle sera suivie par la FREMM Normandie.

Lors du lancement du programme, la France envisageait de commander 17 bâtiments et l’Italie 10. Le Livre blanc a réduit la commande française à 11 unités dont deux qui seront converties en frégates de défense aérienne (FREDA). Un avenant a donc été conclu en 2009 pour tenir compte de cette nouvelle donne et du nouvel échéancier. Toutefois, l’incertitude sur le volume de la commande italienne demeure compte tenu des révisions budgétaires en cours ; il est possible qu’elle passe de 10 à 6 unités, la différence étant prise en charge par des contrats d’exportation.

Au fur et à mesure des réductions des commandes franco-italiennes, le volet export des FREMM apparaît de plus en plus crucial pour maintenir le coût unitaire des frégates et éviter tout dérapage financier rendant le programme budgétairement insupportable. À ce jour, seul le Maroc a acquis un exemplaire livrable en 2013. Six exemplaires sont en négociation avec l’Algérie ; l’Arabie saoudite et le Brésil sont également intéressés. Concernant la vente de 6 FREMM à la Grèce, à ce jour les difficultés budgétaires du gouvernement grec ne semblent cependant pas remettre en cause les discussions en cours.

Le programme FREMM est estimé à 7,8 milliards d’euros avec un surcoût officiellement estimé par la DGA de 20 à 22 %. En 2009, 2,156 milliards d’euros d’AE et 966,4 millions d’euros de CP ont été consommés. La LFI pour 2010 prévoit 149 millions d’euros d’AE et 387,4 millions d’euros qui deviennent respectivement 133,6 millions d’euros et 337,1 millions d’euros dans le PLF pour 2011.

b) Le sous-marin nucléaire d’attaque BARRACUDA

● Les sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) de la marine française participent à la maîtrise des espaces maritimes. Soutenant la force océanique stratégique, les équipages des SNA sont également mis à contribution pour des opérations de projection de forces (forces spéciales), de frappe dans la profondeur (missiles de croisière) et de missions de renseignement. Selon l’amiral François de Lastic, commandant le centre d’enseignement supérieur de la marine (CESM), on peut distinguer deux concepts d’emploi des sous-marins d’attaque ; ce sont :

- des outils d’interdiction opérant à courte distance de leur base afin d’empêcher un adversaire de s’approcher des côtés ou de menacer les navires de commerce ;

- des outils multirôles agissant loin des bases, à l’instar de la France et de tous les États possédant des SNA.

L’engagement de sous-marins dans des opérations interarmées tend à s’accroître. Pour le commandant du CESM, « la plupart des interventions militaires auxquelles nous participons ont lieu loin de la France. Elles imposent un train logistique conséquent et essentiellement maritime car la mer est la seule façon de transporter les volumes nécessaires. Sans accès maritime, pas d’intervention d’une certaine importance. Il n’est donc pas impossible qu’à moyen terme les interventions débutent par une phase d’acquisition de la maîtrise maritime comportant une part importante de lutte contre les sous-marins » (256).

Le livre blanc fixe à six le nombre de sous-marins nucléaires d’attaque Barracuda, mobilisant 10 équipages de 60 hommes. Pour l’amiral François de Lastic, « il est vrai que la dernière évolution du format des armées n’a pas touché le parc des sous-marins d’attaque. Mais ce parc avait été tellement réduit lors des réformes précédentes qu’il est aujourd’hui à la limite de la taille critique, tant en termes de besoin opérationnel qu’en ce qui concerne l’aptitude à mettre en œuvre une force sous-marine indépendante » (257). À titre de comparaison, le vice-amiral Oleg Bourtsev, chef-adjoint de l’état-major de la marine russe, estime que « le nombre de sous-marins nucléaires à la disposition de la marine russe ne doit pas être inférieur à 40-50 unités » (258).

La nécessité de maintenir en situation opérationnelle six SNA se traduit par un allongement de la durée de vie des bâtiments en service dans l’attente de la livraison des Barracuda, sans pour autant en garantir l’effectivité. Selon le chef d’état-major de la marine, « le Rubis, qui aurait dû être désarmé [en 2009], va devoir être maintenu en service entre huit et neuf années supplémentaires, ce qui n’est pas négligeable pour un sous-marin nucléaire. Nous essayons d’exploiter toutes les marges de manœuvre possibles, dans les limites du raisonnable, mais l’on ne peut pas exclure des réductions temporaires de capacités dans les dix ou douze prochaines années. De façon transitoire, nous pourrions disposer de cinq SNA au lieu des six dont nous avons absolument besoin » (259).

Pouvant mener des missions de 70 jours, les Barracuda emportent des torpilles lourdes Artemis F21, le missile anti-navire SM39 et le missile de croisière naval SCALP. Long de 99 mètres (contre 73,6 mètres pour les précédents) pour une masse de 4 680 tonnes en surface et 5 200 tonnes en plongée, ils peuvent atteindre la vitesse de 25 nœuds en immersion (pouvant atteindre 350 mètres).

DCNS et AREVA-TA sont les maîtres d’œuvre de ce programme. Les équipements de télécommunication, d’optroniques et autres électroniques de bord sont fournis notamment par THALÈS et SAGEM.

La livraison de ces SNA devrait intervenir après 2015 avec deux bâtiments entre 2015 et 2020 et quatre ensuite afin de remplacer les six SNA de la classe Rubis actuellement en service. La première mise en service est programmée pour 2017 (le Suffren) et la dernière en 2027 (le de Grasse), soit une livraison tous les deux ans. Selon le chef d’état-major de la marine, « la jonction entre les sous-marins Rubis et Barracuda suppose que nous réussissions à prolonger les premiers autant qu’il sera possible. Conçus pour servir pendant vingt-cinq ans, ils vont largement dépasser cet âge et nous devons les faire durer au moins trente-cinq ans, peut-être quarante. Nous n’avons pas beaucoup d’inquiétudes, compte tenu des normes retenues à l’époque de leur construction, notamment en matière nucléaire. Nous devons cependant rester vigilants car nous ne sommes pas à l’abri d’une mauvaise surprise. Le pari est raisonnable, mais nous n’avons pas toutes garanties qu’il sera gagné ».

À cette problématique technique vient s’ajouter une dimension humaine tout aussi sensible : il n’est pas possible « de garantir au Président de la République la permanence de la dissuasion à la mer si [la marine] ne dispose pas, en permanence, de dix équipages de sous-marins nucléaires d’attaque opérationnels. [Le chef d’état-major de la marine en a] fait l’expérience concrète : pour une question de ressources humaines, [la marine avait dû se] résoudre il y a quelques années à en dissoudre un, ce qui a entraîné pendant sept ans des conséquences graves » (260).

En 2009, 1,3 milliard d’euros d’AE et 398 millions d’euros de CP ont été consommés sur ce programme, le montant élevé des AE 2009 s’expliquant par la commande du deuxième exemplaire de Barracuda. Pour 2010 sont prévus en loi de finances initiales 95,6 millions d’euros d’AE et 463,8 millions d’euros de CP. En 2011 le troisième exemplaire de SNA doit être commandé, ce qui explique que les AE atteignent 1,387 milliard d’euros et que les CP restent à 438,6 millions d’euros.

Étant à usage exclusif de la France, les SNA ne sont pas exportables au profit de marines étrangères.

● La flotte mondiale de sous-marins est importante : en 2008, le centre d’analyse et de prévention des risques internationaux recense plus de 90 sous-marins nucléaires d’attaque et plus de 200 sous-marins conventionnels lance-missiles anti-navire. Ces chiffres sont en augmentation.

Plusieurs contrats ont en effet été récemment signés. Le Brésil ambitionne ainsi de disposer au début des années 2020 d’un sous-marin nucléaire. Afin d’être autosuffisant en matière de combustible, il a construit une usine d’hexafluorure d’uranium destinée à produire l’uranium enrichi indispensable pour le réacteur du sous-marin qui sera une version modifiée du Scorpène vendu par la France. De son côté, au cours de l’automne 2010, l’Inde disposera, selon un contrat de location conclu pour 10 ans avec la Russie, d’un sous-marin nucléaire Nerpa venant renforcer sa flottille de six sous-marins Scorpène dont la production connaît des retards et des surenchérissements. Israël dispose pour sa part de trois sous-marins de type Dauphin susceptibles d’emporter des missiles nucléaires et est en attente de la livraison de deux autres exemplaires.

Pour défendre sa souveraineté maritime, le Vietnam a acquis à la Russie six sous-marins diesel-électriques 636 M en décembre 2009 pour 3,2 milliards de dollars. En septembre 2009, la Malaisie a réceptionné le premier de ses deux sous-marins Scorpène, le Tunkul Abdul Rahman. En avril 2010, est annoncée la modernisation des sous-marins diesels algériens par les chantiers navals russes.

La liste des pays possédant une flotte sous-marine dépasse le cadre traditionnel des grandes puissances militaires. Pour la seule Amérique latine, on peut mentionner l’Argentine, le Brésil, le Chili, la Colombie, l’Équateur, le Pérou et le Venezuela. Seuls l’Uruguay et le Surinam, États sud-américains ayant une façade maritime, ne disposent pas d’un tel équipement.

● Peu de pays fabriquent et exportent des sous-marins. L’Allemagne demeure le premier exportateur mondial. Les chantiers navals Howaldtswerke-Deutsche Werft (HDW) compte notamment pour clients Israël, l’Italie et l’Afrique du Sud. La vente sous licence de sous-marins allemands à la Grèce se heurte aux hésitations budgétaires du gouvernement grec et à des difficultés d’ordre industriel concernant le chantier naval grec devant bâtir ces deux bâtiments. La Russie est devenue le deuxième exportateur mondial, notamment par son contrat de six Type-636E/Kilo cédés au Vietnam et la vente du SNA Akula à l’Inde.

La France (DNCS), parfois en association avec l’Espagne (Navantia), exporte des sous-marins de la classe Scorpène, directement comme en Malaisie ou au Chili, ou sous licence comme au Brésil ou en Inde.

c) Le porte-avions

Le groupe aéronaval est le système conventionnel de puissance par excellence. Les États-Unis ont pour objectif de disposer de 11 groupes aéronavals jusqu’en 2040. Selon Robert Gates, « le besoin de projeter de la puissance à travers les océans, ne disparaîtra jamais » ; pour autant il ne manque de se demander si les États-Unis ont « réellement besoin de 11 groupes aéronavals pendant 30 ans quand aucun autre pays en a plus d’un » (261).

Avec son unique porte-avions, le Charles-de-Gaulle, la France ne peut assurer une permanence en mer. Immobilisé 35 % du temps, hors panne imprévue, il ne peut garantir la capacité de la France à se projeter sur des théâtres d’opérations lointains et imprévus. Le prochain arrêt technique majeur est programmé pour 2016 avec une immobilisation d’une année. Mais, en octobre 2010, à la veille de partir pour l’Océan indien, le porte-avions a dû retourner à sa base de Toulon : des problèmes électriques sont en effet apparus et ont conduit à une nouvelle immobilisation du bâtiment.

Disposer d’un second groupe aéronaval apporterait une disponibilité totale à la France. La décision définitive concernant le second porte-avions a été repoussée à la veille de l’élection présidentielle de 2007 par Jacques Chirac : en raison des implications budgétaires d’une telle décision, le Président de la République sortant souhaitait donner à son successeur une pleine et entière autonomie de décision. Le Livre blanc a de nouveau repoussé la décision définitive à 2011 ou 2012, arguant du « déséquilibre qu’induirait aujourd’hui un tel choix par rapport à l’articulation générale des priorités retenues pour la stratégie de sécurité nationale ; la construction d’un second porte-avions risque d’obérer les investissements considérés comme essentiels, notamment pour la protection des forces au combat, le renseignement et la préparation de l’avenir ».

Compte tenu de son caractère structurant en termes tant capacitaires que budgétaires, il est étonnant qu’une telle incertitude perdure. La construction d’un deuxième porte-avions a des conséquences pluriannuelles majeures pour les industriels et pour les forces, en termes de recrutement, de format et de capacité d’engagement. L’anticipation du troisième bâtiment de projection et de commandement (BPC) dans le cadre du plan de relance a par exemple « perturbé » la marine qui n’avait pas anticipé une capacité supplémentaire aussi prématurément. De même, l’acquisition d’avions de transport KC 390 auprès du Brésil modifie les équilibres et la planification établis par l’armée de l’air. On imagine aisément le bouleversement que constituerait le doublement de la capacité aéronavale française.

Prévoir que la décision concernant le second porte-avions sera prise au milieu de l’exécution d’une loi de programmation sans anticiper la charge budgétaire induite va à contresens du souci de planification et de précision qui prévaut dans les états-majors et au ministère du budget. Ce choix est d’autant plus surprenant que la crise économique et l’effort d’assainissement budgétaire imposé notamment à la défense ne laissent raisonnablement que peu de place à un second groupe aéronaval…

Dans le cadre de la revue stratégique menée au cours de l’été 2010, le gouvernement britannique s’interroge sur le devenir de sa capacité aéronavale. Le Royaume-Uni projette la construction de deux nouveaux porte-avions, le HMS Queen Elizabeth et le HMS Prince of Wales, pour une livraison en 2016 et 2018. Les difficultés budgétaires auxquelles doit faire face la coalition libérale-conservatrice jettent le doute sur la nécessité d’engager 5 milliards de livres pour ces deux programmes. Néanmoins, le 19 octobre, le Premier ministre a indiqué vouloir les maintenir car leur annulation serait trop coûteuse du fait des frais de dédit.

2. L’armement

a) Le SCALP naval

Le missile de croisière naval (MdCN) est développé par MBDA depuis février 2002 et a donné lieu à un premier tir d’essai le 28 mai 2010 au centre d’essai de missiles de la DGA. Ce missile de la classe des 1 000 km doit équiper les FREMM et les SNA à partir de 2013 pour disposer d’une capacité de frappe dans la profondeur dans le cadre d’opérations vers la terre.

Le SCALP naval est une arme d’emploi. Le retour d’expérience des crises récentes a mis en évidence le besoin de disposer de missile de croisière, en particulier à partir de plateformes navales de surface ou sous-marines. C’est sur la base de l’analyse des conflits récents, pendant lesquels des centaines de missiles de croisière ont été tirés par des frégates et des sous-marins et des crises potentielles que ce programme a été dimensionné.

La cible initiale de 250 composites (missiles et propulseurs) a été réduite de 20 % à 200 exemplaires (150 pour les FREMM et 50 pour les SNA). Le MdCN est un atout majeur pour les opérations futures menées en coalition. À ce jour, seuls les États-Unis et le Royaume-Uni disposent de cette capacité de frappe à partir d’une plateforme navale. La France disposera à terme de la chaîne complète de mise en œuvre de ce système d’armement (acquisition du renseignement, élaboration du ciblage et mise en œuvre autonome).

Toutefois, le volume retenu apparaît peu cohérent. Si, tout comme pour le SCALP EG, ce missile constitue l’ultime avertissement conventionnel avant une frappe nucléaire, son emploi est particulièrement mesuré et réfléchi. La dotation apparaît alors exagérée. En revanche, si l’emploi est tactique en visant la destruction d’objectifs militaires ou industriels éloignés, à l’instar des missiles Tomahawk employés par la marine américaine contre les installations irakiennes, la dotation peut apparaître très limitée. Chaque FREMM ne disposera en effet que de 16 SCALP navals. Est-ce suffisant pour détruire plusieurs installations dispersées, enterrées et très protégées ?

Il importe donc que le concept d’emploi du SCALP naval soit précisé afin de justifier le volume de la dotation. En réduisant la cible, le ministère de la défense a tendu le format ; ce choix génère plus d’interrogations qu’il n’apporte de réponses.

La LPM prévoit que les 60 premiers exemplaires seront livrés d’ici à 2014. La totalité des missiles a été commandée (50 en 2006 et 150 en 2009). Cette commande explique que les AE se soient élevées à 363 millions d’euros en 2009 avec 95,8 millions d’euros de CP consommés. La LFI pour 2010 a prévu 25,9 millions d’euros d’AE et 107,4 millions d’euros de CP. Le PLF pour 2011 ne prévoit que 66,5 millions d’euros de CP.

Partenaires du SCALP aéroporté, l’Italie et le Royaume-Uni sont susceptibles d’équiper leur force avec le SCALP naval. Son succès à l’export dépend essentiellement de l’exportation des frégates FREMM.

b) Les missiles anti-navire EXOCET

● « La famille EXOCET restera à moyen terme l’armement missile anti-navire, les missiles bénéficiant d’une rénovation ». Ainsi consacré par la LPM, le missile EXOCET est une pièce majeure de la capacité de la marine nationale à se défendre face à une menace venant d’un autre bâtiment de surface de la vedette à la frégate de premier rang. Ce programme a été développé dans les années 1970 par la société Aérospatiale.

Véritable innovation technologique par sa capacité « tire et oublie », les premiers EXOCET n’existaient qu’en version mer-mer. La deuxième génération développée dans les années 1980 ajoute les versions air-mer et sub-mer. Ces différentes versions ont été encore améliorées dans les années 1990 avec la 3génération dite Block 2 : les missiles affichent alors des performances accrues en ce qui concerne la pénétration des défenses des navires, la sélection et la discrimination des cibles et la capacité de résistance aux brouillages.

La rénovation Block 3 vise à traiter les obsolescences touchant le calculateur et les senseurs inertiels des missiles mer-mer 40, air-mer 39 et sous-marin 39, et à les intégrer sur de nouvelles plateformes au fur et à mesure de leur entrée en service qu’il s’agisse du Rafale, des FREMM ou des SNA de la classe Barracuda. L’ajout d’un récepteur de navigation satellitaire GPS et l’installation d’un moteur à turbojet pour la version mer-mer sont également inscrits dans cette rénovation. En volume, ce programme porte sur 80 mer-mer 40, 40 air-mer 39 et 40 sous-marins 39.

MBDA est le maître d’œuvre industriel de ce programme avec un rôle important dévolu également à Thalès, Sagem, Roxel et DCNS.

En 2009, 57,5 millions d’euros d’AE et 22,4 millions d’euros de CP ont été consommés. Dans la LFI pour 2010, aucune AE et 31 millions d’euros de CP étaient inscrits. Le PLF pour 2011 prévoit 3,5 millions d’euros d’AE et 36,5 millions d’euros de CP.

● Le missile EXOCET est une réussite sur le marché international comme l’atteste la liste des pays acquéreurs dans ses différentes versions figurant dans le tableau suivant.

Vente à l’export du missile EXOCET

Version

Pays acheteurs

MM

Afrique du Sud, Arabie Saoudite, Argentine, Bahrein, Brésil, Cameroun, Chili, Chypre, Colombie, Corée du Sud, EAU, Équateur, Grèce, Indonésie, Koweït, Malaisie, Maroc, Nigeria, Oman, Pérou, Qatar, Royaume-Uni, Thaïlande, Tunisie, Turquie…

AM

Argentine, Brésil, Chili, EAU, Egypte, Irak, Koweït, Libye, Pakistan, Pérou, Qatar, Venezuela…

SM

Chili, Inde, Malaisie, Pakistan…

Source : SIPRI.

Depuis son entrée en service en 1972, l’EXOCET a été vendu à 3 500 exemplaires, dans toutes les configurations, à 35 pays au total. Cette large diffusion constitue pour la France un support non négligeable pour établir des relations de défense, mais cela ne compense que partiellement la perte d’influence résultant de la mévente d’autres équipements.

c) Le missile anti-navire léger

Le 28 juin 2010, les ministères français et britannique de la défense ont lancé officiellement les études d’évaluation d’un nouveau missile anti-navire léger (ANL/future anti-surface guided weapon FASGW).

Cette phase d’évaluation a été confiée à MBDA dans le cadre d’un contrat de 50 millions d’euros sur deux ans. La mise en service opérationnel sur les hélicoptères de la marine nationale et de la Royal Navy est envisagée pour 2015-2016.

Cet armement est destiné à lutter contre les navires de petit tonnage (inférieur à 500 tonnes) et contre les vedettes rapides pour lesquelles le recours aux missiles EXOCET est disproportionné aujourd’hui.

d) La torpille anti-sous-marine MU 90

Mises en œuvre à partir de frégates, de sous-marins, d’avions ou d’hélicoptères, les torpilles MU 90 participent à la mission de lutte anti-sous-marine. Torpilles légères (304 kg pour près de trois mètres de longueur) à autodirecteur acoustique actif-passif offrant une fonction « tire et oublie », à propulsion électrique, elles peuvent atteindre 50 nœuds de vitesse et une profondeur d’immersion de 1 000 mètres.

Ce programme franco-italien lancé en 1991 a pour maître d’œuvre industriel un groupement européen d’intérêt économique EUROTORP constitué en 1993 et composé de trois sociétés : Withehead Alenia Sistemi Subacquei (WASS), filiale du groupe italien Finmeccanica, DCNS et Thalès Underwater systems.

300 torpilles ont été commandées par la France alors que la cible initiale du programme, au début des années 1990, était du double. Les 50 premières ont été livrées en décembre 2007 et immédiatement opérationnelles. Le deuxième lot de 75 torpilles prévu pour 2008 n’a été livré que partiellement (50 unités) en septembre 2009, décalant d’autant le volume et le calendrier initial. Selon les documents budgétaires, 175 torpilles auraient été livrées à la fin de l’année 2009. Les éléments transmis au rapporteur précisent que ce sont 50 exemplaires qui doivent être livrés en 2010 et 25 en 2011. Le reliquat est attendu au plus tard en 2014 (contre 2011 initialement). Face aux reports et décalages calendaires, on peut douter à ce jour du respect de la cible de 300. Les 50 torpilles devant être livrées entre 2011 et 2014 peuvent souffrir d’ajustements budgétaires.

En 2009, 3,4 millions d’euros d’AE et 18,8 millions d’euros de CP ont été consommés. La LFI pour 2010 prévoit quant à elle 7,2 millions d’euros d’AE et 25,9 millions de CP. Le PLF pour 2011 ne dote le programme que de 9,6 millions d’euros de CP.

En termes d’exportation, l’Allemagne (250 unités), l’Australie (110 torpilles), le Danemark (20 torpilles) et la Pologne ont acquis des torpilles MU 90, faisant d’EUROTORP une réussite de la coopération industrielle européenne.

e) La torpille lourde ARTÉMIS

Devant succéder à partir de 2015 à la torpille F17, la torpille ARTÉMIS équipe les SNLE et SNA. Ses caractéristiques technologiques augmentent son allonge et son autonomie (supérieure à 50 km) tout en réduisant son empreinte sonore et en améliorant les capacités de l’autodirecteur. Elle peut ainsi atteindre une vitesse supérieure à 50 nœuds avec une immersion supérieure à 600 mètres.

Un total de 93 torpilles est envisagé. Interviennent sur ce programme Thalès, DCNS et la filiale WASS du groupe italien Finmeccanica.

En 2009, 7 millions d’euros d’AE et 32,9 millions d’euros de CP ont été mobilisés sur ce programme. Pour 2010, la LFI a prévu 7,6 millions d’euros d’AE et 38,1 millions d’euros de CP ; ces montants ont été portés respectivement à 159,5 millions d’euros et 28,4 millions d’euros dans le PLF pour 2011.

V. —  PROTECTION ET SAUVEGARDE

« Les forces armées contribuent à la protection, soit au travers de missions permanentes comme la posture permanente de sûreté, soit sous forme de missions circonstancielles, dans un cadre national comme européen. Elles participent à : la sécurité intérieure, qui recouvre la défense et la sécurité du territoire et de ses approches ; l’action de l’État en mer et dans les airs aux côtés d’autres administrations pour marquer la souveraineté française sur ses espaces maritime et aérien ; la sécurité civile en soutien, en appui ou en complément des autres services de l’État » (262).

Le système de forces « protection et sauvegarde » trouve son application sur les théâtres d’opération mais aussi sur le territoire national. Les équipements mis en œuvre doivent présenter des capacités utiles aux deux champs d’action, ce qui impose la recherche permanente d’un compromis et donc la définition du niveau de sécurité voulu par les autorités.

Fiche de synthèse du système de forces « Protection et Sauvegarde »

Plan prospectif à 30 ans du ministère de la défense, DGA, 2009-2010

Fonctions à remplir

Le système de forces « Protection-Sauvegarde » (PS) est au cœur des problématiques liées aux conflits asymétriques actuels. Il est également au cœur de l’évolution, observée depuis la fin de la Guerre froide sur la globalisation croissante des notions de sécurité et de défense, mise en exergue dans le Livre Blanc sur la Défense et la Sécurité Nationale. Cela se traduit en particulier par la généralisation des concepts de sauvegarde et l’accent mis sur la contribution des armées à la gestion des crises majeures sur le territoire national.

Il recouvre ainsi deux ensembles de capacités complémentaires relatives à :

- la protection des forces en déplacement, en stationnement ou engagées en opérations extérieures. Cette mission relève essentiellement de la fonction stratégique « Intervention » ;

- les missions des armées, dites de sauvegarde, liées aux fonctions stratégiques « Protection » et « Prévention », ainsi que leur participation aux missions de sécurité générale et de renfort des services publics, dans un cadre interministériel.

Pour la protection des forces, il s’agit de protéger l’accomplissement des missions des forces, en stationnement comme en manœuvre, c’est-à-dire de réduire les vulnérabilités, mais également de s’opposer aux modes opératoires de la menace. Cette notion intègre pleinement la protection des troupes alliées, des populations locales, des ONG ainsi que des sociétés privées œuvrant en support des forces amies. Très sollicitées par les opérations dans les conflits actuels, les forces armées sont confrontées à un fort besoin de réactivité et une grande capacité d’adaptation face à des menaces avérées comme non prévues.

Le domaine de la sauvegarde couvre quant à lui l’ensemble des actions pouvant être menées par les armées pour concevoir, apprécier et réaliser, dans un cadre interarmées, interministériel et multinational, leurs activités intéressant l’État en matière de sécurité et de service public. Les armées sont ainsi amenées à participer aux missions de sécurité au sens large, en renfort des forces de sécurité (gendarmerie, police, douane, sécurité civile, pompiers…) dont c’est la mission première. Cette participation est régie par un cadre réglementaire approprié et intervient dans les cas où les moyens spécialisés civils sont inexistants, insuffisants, inadaptés à la situation ou indisponibles ; c’est notamment le cas dans sa participation aux grands plans gouvernementaux (biotox, piratome…).

Exploitant les dualités des missions civiles et militaires (police de l’air, défense NRBC, santé, surveillance maritime, surveillance de l’espace…) et s’inscrivant bien dans la synergie défense -- sécurité, la constitution des capacités afférentes n’a toutefois pas vocation à répondre spécifiquement aux besoins civils bien que pouvant y satisfaire directement.

Le spectre capacitaire à couvrir s’en trouve particulièrement étendu, allant de la protection individuelle à la protection des grands ensembles complexes et internationaux (matériels et équipements, zones, sites, territoires, infrastructures, populations, forces armées, etc.) et intégrant non seulement des mesures réactives mais également des mesures actives et préventives. Il s’appuie à ce titre sur les quatre capacités maîtresses que sont la protection de l’homme, des forces armées, des approches et espaces nationaux ainsi que la sécurité en environnement civil.

Problématiques et ambitions :

Les nécessaires adaptations de nos moyens doivent intégrer de nombreux facteurs de diversités et d’évolutions : contexte géopolitique mouvant, très large spectre de menaces, grande diversité d’hostiles, conflits de tous types, espaces géographiques d’opérations variés, organisations interarmées, interministérielles, multinationales évolutives, échelles de temps d’intervention des forces armées très variables.

Une des problématiques fondamentales du système de forces consiste donc à trouver le meilleur compromis sous contrainte de coût entre un niveau de protection adapté aux menaces et aux vulnérabilités et la capacité à mener à bien la mission (mobilité, image perçue par la population dont découle son adhésion…). Son approche nécessite, outre la pleine exploitation des technologies duales et de systèmes de défense adaptés au juste besoin, le décloisonnement des organisations ainsi que la capacité des forces armées à être formées/entraînées et à s’adapter à de nombreux contextes opérationnels.

Le périmètre capacitaire doit en conséquence non seulement faire l’objet de la recherche permanente d’un compromis protection / mission / coût mais également être en constante évolution afin de garder voire de reprendre l’avantage sur un adversaire asymétrique dont les capacités d’action évoluent très rapidement. Il doit en outre intégrer les dimensions juridiques des modalités d’intervention comme les facilités offertes par les médias.

Ces plans d’actions déjà conduits dans un contexte européen comme otanien (protection NRBC, protection des forces à terre, défense antimissile, surveillance maritime…) sont appelés à se renforcer, bien que l’hétérogénéité des approches, des programmes capacitaires et des organisations constituent encore, à des degrés divers, de sérieux obstacles.

Capacités prioritaires à développer :

La protection des forces, qui englobe la protection des camps et postes avancés, comme la protection des convois et des forces en mouvement, nécessite une adaptation continue et la plus réactive possible à l’évolution permanente de la menace. Le domaine est particulièrement impacté par les besoins nouveaux à satisfaire en urgence (UOR) au titre des opérations extérieures ; c’est en particulier le cas pour les systèmes de protection des sites et réseaux matériels (contrôle d’accès, protection contre les attaques kamikazes) et les systèmes d’alerte vis-à-vis des attaques de type RAM. La protection de la manœuvre au sol, confrontée à des interdictions (mines antipersonnel), reste un sujet particulièrement sensible, pour lequel le contre-minage et la lutte contre des EEI restent une priorité.

La protection de l’homme vis-à-vis des agressions rencontrées en opérations et portant sur la prévention et la médicalisation vise actuellement à mettre en place et à améliorer une capacité de détection biologique ainsi qu’à développer un système intégré de défense NRBC, incorporant de façon cohérente l’ensemble des moyens nouveaux et existants. Sur le plan de la santé, le développement incrémental de la numérisation dans toutes les pratiques médicales en opération, reste un objectif majeur.

Plus globalement, le développement des systèmes concourant à la protection des approches et des espaces nationaux (défense aérienne élargie, surveillance maritime et de l’espace…) vise à prévenir les menaces, les trafics et autres activités illicites susceptibles de survenir aussi bien sur les théâtres d’opération extérieure que sur le territoire national. La neutralisation, l’interception, ou la destruction des mobiles aériens et maritimes non coopératifs sont prévues d’être assurées par un large dispositif de moyens d’actions (rénovation de la flotte Mirage 2000 D, dotation des 3 armées en hélicoptères classe 4 tonnes, défense antimissile de théâtre, rénovation ou renouvellement des capacités surface-air très courte, courte et moyenne portées, frégates anti-aérienne, patrouilleurs). La mise en œuvre renforcée de dispositifs de surveillance et d’alerte (alerte avancée) participant à la fonction renseignement, doit permettre de détecter et de contribuer à l’identification les agresseurs potentiels. Les performances des senseurs terrestres seront renforcées par la contribution des systèmes satellitaires offrant une perception étendue (couverture mondiale) des menaces en quasi-temps réel.

Études prioritaires à lancer :

La sûreté des approches aériennes, spatiales comme maritimes nécessitera de centraliser et d’intégrer plus en avant les fonctions de commandement et de gestion des informations devant permettre d’augmenter les préavis d’alerte et d’améliorer les capacités de réaction. À ce titre, les capacités futures de détection devront avoir une précision suffisante afin de permettre de détecter et de trajectographier de petites cibles maritimes et spatiales (surveillance maritime et surveillance de l’espace), des cibles aériennes furtives ou à très basse altitude (cibles masquées, de trajectoires en suivi de terrain) et des menaces balistiques de portées et trajectoires variées (alerte avancée). La protection des sites et des camps, des bâtiments en zone littorale ou portuaire contre des menaces asymétriques, encore insuffisante, gagnera à être mieux assurée.

La protection de l’homme et des forces devra encore mettre l’accent sur le soutien médical en opération (système de télémédecine et de suivi médical continu des blessés) et la protection NRBC (protection des zones étendues, notamment urbaines). Les capacités destinées à réduire les vulnérabilités et permettant également de s’opposer aux modes opératoires de la menace devront être étudiées (lutte contre les EEI, interception de missiles à soutenir a minima, par des études amont, aux fins d’éventuelles décisions ultérieures et de maintien des compétences industrielles).

Plus fondamentalement, un effort considérable reste à assurer pour partager les méthodes, les plans d’acquisition, et renforcer la coordination interarmées, interministérielle et internationale, en riposte à des menaces de plus en plus diversifiées. Une palette plus pertinente d’outils devrait en particulier être élaborée permettant de généraliser les analyses fonctionnelles et de la valeur, les modélisations capacitaires et les analyses technico-opérationnelles.

À terme, la résilience des troupes comme des populations devrait s’en trouver accrue en s’appuyant sur les possibilités offertes par les systèmes d’information ainsi que sur les capacités à entraîner/exercer.

A. LA DÉFENSE SURFACE/AIR

La Seconde guerre mondiale l’a démontré à chacune de ses batailles : la maîtrise du ciel est indispensable pour la réussite des opérations militaires qu’elles soient terrestres, navales ou aériennes. Cette vérité stratégique demeure d’actualité. La défense surface/air est également essentielle pour la protection du territoire contre des menaces militaires, terroristes ou militantes.

Les attentats du 11 septembre 2001 ont rappelé à l’opinion publique mondiale que le danger peut toujours venir du ciel, y compris sous des formes imprévues. Parce qu’il est matériellement impossible de protéger l’intégralité du territoire, des sites ou réseaux sont recensés comme particulièrement sensibles à ce genre de menaces ; il s’agit notamment des aéroports, des ports, des bases aériennes, des centrales nucléaires… Des événements particuliers (diplomatiques, sportifs, culturels) peuvent également nécessiter le déploiement de moyens de protection aérienne temporaire. La défense de ces sites est dévolue à l’armée de l’air. Mais la défense surface/air est également indispensable sur des théâtres d’opérations extérieures, de l’engagement des forces à la stabilisation des opérations.

Selon le concept interarmées de défense surface/air, l’efficacité d’une défense surface-air résulte de :

- « l’appréciation de la menace, qui repose sur l’élaboration, dès le temps de paix, de banques de données “ renseignements ” ;

- l’élaboration et la diffusion en temps quasi réel de la situation aérienne et de l’alerte ;

- une bonne maîtrise de la chaîne de commandement au service d’une autorité unique ;

- la complémentarité des systèmes d’armes à longue, moyenne, courte et très courte portée au niveau des volumes d’action ;

- la complémentarité des systèmes en matière de mobilité stratégique, opérative et tactique ;

- l’engagement coordonné des systèmes d’armes (allocation des cibles, contrôle direct des feux) ;

- la capacité à reconfigurer fréquemment le dispositif pour s’affranchir de la menace constituée par les armements programmés ;

- la capacité d’évaluation du résultat des tirs ;

- la complémentarité des technologies utilisées par les différentes composantes des systèmes d’armes (détection, poursuite, guidage, types de munitions…) ;

- la modularité des équipements, pour pouvoir s’adapter à des situations évolutives ou aux changements de phases de l’opération, et se reconfigurer en conséquence ;

- la gestion en temps réel des émetteurs pour réduire l’efficacité des brouilleurs et armes antiradiation » (263).

À l’exception des frégates Horizon, du système PAAMS et de la rénovation des missiles Mistral, le suivi budgétaire des systèmes et missiles surface/air du système de force « Protection et sauvegarde » est difficile : les documents budgétaires transmis au Parlement ne distinguent pas les systèmes des missiles en regroupant par exemple SAMP/T, SAAM et missiles ASTER 15 et 30 sous un seul programme appelé « famille de systèmes sol-air futurs » pour lequel ont été inscrits en loi de finances initiale pour 2010 319,6 millions d’euros d’AE et 160,8 millions d’euros de CP. Des difficultés techniques ont pourtant impacté la livraison et le coût des missiles ASTER 30, sans que cela soit clairement distingué des autres équipements.

Fin 2006, le ministère de la défense a décidé de transférer à l’armée de l’air les systèmes de défense sol/air de courte et moyenne portée (CROTALE et SAMP/T), l’armée de terre ne conservant que la mission de défense sol/air de très courte portée (missile Mistral). Il est à noter que les systèmes Hawk actuellement en service restent dans l’armée de terre jusqu’à leur date de retrait de service qui correspond au moment où l’armée de l’air aura la pleine capacité opérationnelle sur les systèmes SAMP/T.

1. Le missile Mistral

La nécessité pour les forces terrestres de disposer d’une artillerie sol/air de très courte portée est indispensable, en complément des actions menées par les forces aériennes : « compte tenu des contraintes d’environnement, la couverture moyenne portée restera en effet toujours perméable aux infiltrations à très basse altitude menées en particulier par les hélicoptères et les drones » (264)

L’opération de rénovation à mi-vie du missile Mistral prépare la succession de l’actuel Mistral 2 en renforçant ses capacités dans son rôle de protection antiaérienne et antimissile à très courte portée. Il devra faire face à la menace d’avions rapides attaquant à basse altitude, d’hélicoptères et de drones, l’ensemble de ces appareils utilisant des contre-mesures. Les performances opérationnelles principales du missile Mistral rénové donneront aux forces une efficacité accrue face aux cibles équipées de contre-mesure infrarouge et aux cibles de petite taille et faiblement rayonnantes.

Les premières livraisons des 1 500 missiles rénovés ne doivent intervenir qu’après 2010 d’autant plus que les commandes auprès de l’industriel MBDA débutent à un rythme lent.

Le bilan à l’exportation du missile MISTRAL est particulièrement positif. Ont acquis le système l’Arabie Saoudite, Brunei, Chypre, la Corée du Sud, l’Espagne, l’Estonie, la Finlande, la Hongrie, l’Inde, l’Indonésie, Oman, la Thaïlande et le Venezuela.

En 2009, 27,2 millions d’euros d’AE et 76,5 millions d’euros de CP ont été consacrés à ce programme. La loi de finances initiale pour 2010 a mobilisé 84,2 millions d’euros d’AE et 35,4 millions d’euros de CP ; ces sommes sont respectivement portées à 143,8 millions d’euros et 65,3 millions d’euros dans le PLF pour 2011.

2. Le système sol/air Crotale NG

Le Crotale NG (nouvelle génération) est un système d’arme de courte portée, doté du missile VT 1 pouvant intercepter dans un rayon de 15 kilomètres des cibles rapides tel qu’un avion de chasse.

Souple d’emploi et mobile, il est utilisé pour assurer la protection aérienne de zones temporaires liées à des sommets internationaux, des événements sportifs…

Fabriqué par Thalès, le système Crotale est en service en France, mais aussi en Finlande, en Grèce, en Chine, en Corée du Sud et à Oman.

3. Le système sol/air HAWK

Fabriqué par l’américain Raytheon, le système sol/air de moyenne portée HAWK peut atteindre une cible mobile, tel un avion supersonique, dans un rayon de 40 kilomètres, à une altitude maximale de 18 000 mètres. Il a longtemps constitué le seul dispositif de défense aérienne moyenne opéré par l’armée de terre. Obsolescent, il est aujourd’hui appelé à être remplacé par les systèmes SAMP/T transférés à l’armée de l’air.

4. La famille de systèmes sol/air futurs (FASF)

Sous ce terme quelque peu généraliste se cachent les systèmes SAMP/T et SAAM ainsi que les missiles ASTER 15 et 30 appelés à renouveler les systèmes actuels de défense surface/air. Programme mené en coopération dans le cadre de l’OCCAr, il regroupe la France et l’Italie auxquelles vient s’adjoindre le Royaume-Uni pour les munitions.

Sur le plan budgétaire, le programme FASF est conséquent avec une consommation en 2009 de 82 millions d’euros d’AE et 306,2 millions d’euros de CP. En 2010, la loi de finances initiales a prévu 319,6 millions d’euros d’AE et 160,8 millions d’euros de CP, respectivement devenus 323,8 millions d’euros et 130 millions d’euros dans le PLF pour 2011.

On peut regretter que les documents budgétaires mis à disposition du Parlement ne discriminent pas les différents équipements composant le FASF afin d’avoir une lecture plus fine des coûts liés à chacun des systèmes et aux munitions.

● Servi par 14 hommes, le système d’armes sol-air moyenne portée terrestre (SAMP/T) se compose d’un camion porteur du module radar Arabel multifonctions à balayage électronique, d’un camion qui transporte le système de génération d’énergie du radar, d’un camion porteur du module d’engagement (consoles des deux opérateurs de tir) et de 4 à 6 camions porteurs des modules lanceurs verticaux. Chaque module lanceur a une capacité de 8 missiles ASTER 30 Block 1. Le système SAMP/T avec ASTER Block 1 donnera à la France sa première capacité antimissile balistique.

Les études de réorganisation de la défense sol-air menées en 2006 ont conduit à réduire la quantité globale de systèmes, qui sont passés de 12 à 10, et de munitions, passées de 575 à 375. Partenaire du programme, l’Italie a, pour sa part, opté pour cinq systèmes opérés par son armée de terre.

Le premier site doté de ce système est la base aérienne 116 de Luxeuil dans la Haute-Saône. Le 20 septembre 2010, une cérémonie a marqué la réception du système sur la base. Les bases d’Avord, d’Istres, de Saint-Dizier et de Mont-de-Marsan en seront également équipées. En 2010 et 2011, l’armée de l’air doit réceptionner au total quatre systèmes.

La formation des personnels à ce nouveau système s’effectue sur la base d’Avord, au centre de formation de la défense sol-air (CFDSA).

Programme franco-italien, le programme SAMP/T se déroule dans le cadre d’un GIE Eurosam constitué de MBDA (66 %) et de Thalès (33 %).

● Le système naval SAAM d’autodéfense du porte-avions Charles-de-Gaulle vise pour sa part à contrer les attaques saturantes de missiles manœuvrants, les avions de chasse et les avions lents de patrouille maritime. Il est armé de missiles ASTER 15

Ce missile biétage ASTER est décliné en trois versions : ASTER 30 Block 1 pour les systèmes SAMP/T (375 exemplaires commandés), ASTER 15 et ASTER 30 pour les frégates Horizon et le porte-avions (200 exemplaires commandés). L’ASTER 15 a une portée de 45 km, l’ASTER 30 de 80 km. L’ASTER 30 Block 1 apportera la première capacité à détruire des missiles balistiques de courte portée.

Développé par MBDA, le programme ASTER 30 Block 1 a connu d’importants problèmes techniques, exigeant un report de deux ans des livraisons. Les capacités radar et d’interception de cette version sont accrues par rapport à la version initiale.

Les forces doivent à terme disposer de 200 ASTER 15 (140 pour les FREMM et 60 pour le porte-avions) et de 375 ASTER 30. Il est à noter que seule la cible de missiles ASTER 30 a été réduite (de 200 unités) alors que le nombre final de FREMM dont disposera la marine nationale demeure incertain.

Les 32 premiers missiles ASTER 30 devraient être livrés en 2010 et 100 en 2011 (dont 20 pour les systèmes PAAMS). La production du reliquat nécessite la signature d’un contrat spécifique estimé à 450 millions d’euros, provisionné en loi de programmation militaire. Mais cette signature a été reportée de 2010 à 2012, décalant en conséquence les livraisons de 2014 à 2016. Ce décalage est de nature à affaiblir les capacités de défense anti-aérienne et suscite quelques inquiétudes quant à la volonté de l’État de respecter la cible déjà réduite de 375 missiles.

D’ores et déjà est envisagé le développement d’un programme ASTER Block 2 avec notamment des capacités d’interception endo-atmosphériques des missiles balistiques de portée inférieure à 3 000 km. Ces systèmes seront susceptibles d’intégrer le dispositif global de bouclier anti-missiles porté par les États-Unis et l’OTAN. Ceci exigerait un investissement estimé entre 2,5 et 3 milliards d’euros pour une mise en service à l’horizon 2020.

● Les différentes versions du missile ASTER ont de réelles potentialités à l’exportation : le 17 juillet 2010, MBDA a annoncé un protocole d’accord avec l’industriel polonais Bumar pour moderniser les défenses aériennes polonaises avec notamment des missiles ASTER 30 et MICA. Auparavant, l’Arabie saoudite et Singapour avaient acquis des missiles ASTER 15 pour leurs frégates équipées du système SAAM.

Sur le marché mondial des systèmes de défense sol-air, la Russie emporte toutefois de nombreux contrats grâce à son système antimissiles S-300, vendu notamment à la Chine, au Vietnam, à la Slovaquie ou à Chypre. La vente à l’Iran de tels équipements demeure à ce jour en instance, compte tenu de l’embargo décidé par le Conseil de sécurité des Nations Unies.

5. Le système naval PAAMS

Programme mené en coopération, le principal anti air missile system (PAAMS), système de défense aérienne de zone, est destiné aux frégates françaises et italiennes Horizon et aux destroyers britanniques T45.

Selon le comité des prix de revient des fabrications d’armement, « le maintien du Royaume-Uni dans le programme PAAMS, alors qu’il quittait le programme Horizon, n’aurait dû être accepté qu’à la condition que soit développé un système unique, identique à celui installé sur les frégates Horizon, et avec une rétribution plus juste de l’accès aux technologies développées pour le programme FSAF. Un véritable partage des coûts de développement aurait ainsi pu être obtenu, seule justification d’une conduite du programme entre plusieurs pays. L’incapacité à imposer ces conditions laisse finalement penser que la coopération a constitué un principe à sauvegarder à tout prix, fût-ce au prix de concessions dommageables, s’ajoutant à l’impossibilité d’instaurer une véritable concurrence qui oblige à passer des marchés de gré à gré. De ce fait, le critère décisif réside dans la capacité industrielle de chacun des pays coopérants à réaliser une partie du programme selon le principe du juste retour » (265).

Ce système de lancement vertical armé de missiles ASTER 15 et 30 offre des capacités d’autodéfense et de défense locale contre des salves de missiles anti-navire et une capacité de défense à moyenne portée contre des avions et des missiles anti-navire rasants et plongeants.

Deux systèmes PAAMS, 20 ASTER 15 (sur 40 commandés) et 40 ASTER 30 (sur 80 commandés) ont été livrés. La livraison des missiles a été suspendue en 2009 suite à certains problèmes techniques. En 2010 aucune autorisation d’engagement n’a été inscrite en loi de finances initiale alors que 47,9 millions d’euros de CP étaient programmés. En 2009, 21,4 millions d’euros d’AE et 67 millions d’euros de CP avaient été consommés. Le projet de loi de finances pour 2011 prévoit 1,9 million d’euros d’AE et 18,9 millions d’euros de CP.

Dans son rapport de 2010, le comité des prix de revient des fabrications d’armement estime que le coût du programme a dépassé de 7 % le devis initial. Toutefois, il souligne l’incertitude pesant sur le chiffrage du coût de possession, évalué jusqu’à présent à 567 millions d’euros.

6. Les frégates anti-aériennes F70 AA

Les frégates anti-aériennes Cassard et Jean-Bart admises au service actif respectivement en 1988 et 1991 sont appelées à être remplacées par la mise en service opérationnel des frégates Horizon. Leur retrait du service prévu en 2010 et 2012 a été repoussé compte tenu du retard pris par le programme franco-italien.

Avec 250 hommes à leur bord, ces bâtiments déplacent 5 000 tonnes à pleine charge et peuvent atteindre une vitesse maximale de 30 nœuds. Ils peuvent emporter un hélicoptère de type Panther. Ils sont équipés de missiles Mistral et EXOCET.

7. Les frégates Horizon

Les frégates anti-aériennes Horizon ont pour mission principale la défense anti-aérienne et l’escorte du groupe aéronaval ou d’un groupe de bâtiments. Elles peuvent également agir de manière isolée. Bâtiment déplaçant 7 000 tonnes, servi par un équipage de 193 personnes, la frégate Horizon peut atteindre la vitesse de 29 nœuds et parcourir jusqu’à 7 000 miles nautiques. Elle est armée de missiles ASTER 15 ou 30, de torpilles MU 90 et de missiles EXOCET MM40. Elle peut embarquer un hélicoptère NH90.

Ce programme est développé dans le cadre d’une coopération franco-italienne regroupant DCNS, Fincantieri et Finmeccanica. L’Italie a commandé deux frégates. Pour la France, la cible initiale de quatre frégates a été ramenée à deux bâtiments : la frégate Forbin, livrée en 2008, et la frégate Chevalier Paul, livrée en 2009. Le différentiel est compensé par la transformation de deux FREMM en frégates de défense anti-aérienne.

En 2009, 16,4 millions d’euros d’AE et 115 millions de CP ont été consommés. En 2010, la LFI a inscrit 11,7 millions d’euros d’AE et 128,2 millions d’euros de CP. À l’instar des précédents exercices budgétaires, les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2011 s’inscrivent dans une répartition caractéristique des programmes en phase terminale, soit un faible niveau d’AE, à hauteur de 2,1 millions d’euros, et un important volant de CP, à hauteur de 60,7 millions d’euros.

B. LES MISSIONS DE SURVEILLANCE ET DE SAUVEGARDE MARITIMES

« La plupart des moyens de surveillance et d’intervention maritime [doivent] être retirés du service dans les années à venir ». En établissant ce constat, la LPM souligne l’absence d’anticipation dans le renouvellement des capacités maritimes et aériennes dédiées à la surveillance des espaces maritimes français qui sont pourtant loin d’être négligeables avec plus de 11 millions de km2.

1. Les capacités maritimes

Comme le souligne le chef d’état-major de la marine, « en Europe, trois marines assurent à la fois la fonction militaire en mer et la fonction de garde-côtes : la marine portugaise, la marine danoise et la marine française. Cela tient à la géographie : pour la première, c’est en raison des Açores ; pour la deuxième, en raison du Groenland ; pour la marine française, en raison du golfe de Gascogne – où lorsqu’il fait mauvais, il est impossible d’intervenir avec des petits bateaux. Seule la marine possède des grands bâtiments susceptibles d’y intervenir efficacement. Il n’est pas envisageable d’en acheter pour une administration civile. […] La création de la fonction de garde-côtes, qui est récente puisqu’elle est issue du Grenelle de la mer, concrétise le fait que, alors que nous nous étions jusque-là limités à la coordination dans l’action, le secrétariat général de la mer a reçu mandat d’assurer une coordination en amont, en exerçant un pouvoir de régulation sur la répartition géographique des moyens des administrations. Notre système est particulièrement performant ; il serait dommage de l’abandonner, au moment même où beaucoup de pays nous disent leur envie de s’en rapprocher » (266).

Actuellement, la marine nationale déploie plusieurs bâtiments pour les missions de surveillance et la sauvegarde maritime : six frégates de surveillance de type Germinal, neuf Avisos A 69, des patrouilleurs P400, des OPV 54 et six patrouilleurs de service public. La flotte de patrouilleurs en haute mer est vieillissante avec une moyenne d’âge de 22 ans.

Au cours du printemps et de l’été 2010, la flotte de P 400 a été significativement réduite : l’Audacieuse a été retirée du service actif le 7 juin et la Boudeuse a rallié Brest le 31 août pour y être désarmée. Prenant acte du risque de déficit capacitaire créé par le démantèlement des patrouilleurs, la LPM prévoit que « la capacité sera maintenue grâce à la conversion en patrouilleurs hauturiers des 9 avisos A69 à partir de 2009 ».

Question écrite n° 75182 publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 30 mars 2010

M. René-Paul Victoria attire l’attention de M. le ministre de la défense sur la diminution inquiétante, en métropole mais surtout outre-mer, de la flotte de patrouilleurs de la marine française. Après le désarmement de La Fougueuse en 2009, remplacée aux Antilles par La Gracieuse, d’autres P400 devraient cesser leur activité opérationnelle en 2010. Ainsi, il serait envisagé de désarmer L’Audacieuse en Guyane, à l’été, ainsi que La Boudeuse à La Réunion et La Glorieuse en Nouvelle-Calédonie, en fin d’année. Pour succéder à La Boudeuse en océan Indien, la marine envisage de dépêcher, depuis Toulon, le Malin. Cet ancien palangrier hondurien, pris en flagrant délit de pêche illicite au large des Kerguelen, en 2004, avait été saisi par la justice française et remis à la marine. Arrivé à Toulon en mars 2006, il devait initialement remplacer le Poséidon comme bâtiment de soutien au commando Hubert. Mais, en raison d’un problème de pièces détachées, il n’a que très peu navigué depuis qu’il est armé par les militaires. Par ailleurs, si les P400 ne sont pas les navires les plus vieux de la flotte, ils constituent l’essentiel des forces navales françaises déployées outre-mer et leur exploitation dans les zones tropicales fait qu’ils s’usent plus vite, d’autant qu’ils ne bénéficient pas des mêmes facilités de maintenance qu’en métropole. À force de rationaliser ses moyens depuis 20 ans, la flotte tourne aujourd’hui à flux tendus et n’a quasiment plus de marge de manœuvre. Le jeu des chaises musicales entre les navires basés en métropole et outre-mer est inquiétant. Car les « réserves » semblent être en passe d’être épuisées. Aussi, il lui demande quelle est la position exacte du Gouvernement dans ce domaine.

Réponse du ministre de la défense publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 22 juin 2010

La marine nationale se situe au cœur du dispositif de sauvegarde maritime. Pour remplir ses missions, elle dispose de moyens répartis en métropole et dans les départements et collectivités d’outre-mer (DOM-COM), notamment de patrouilleurs chargés d’assurer des missions de protection (actions de souveraineté, patrouilles…), ainsi que des missions relatives à l’action de l’État en mer (sauvegarde des personnes, lutte contre les trafics, protection de l’environnement marin et des ressources maritimes…). Les actuels patrouilleurs P400 ont vocation à être remplacés par les futurs patrouilleurs de haute mer BATSIMAR, dont les livraisons devraient commencer à partir de 2017. Pendant la période de transition couvrant les années 2011 à 2021, la flotte des patrouilleurs devrait connaître une réduction temporaire de capacité dans les DOM-COM, de deux à cinq ans selon les sites ; l’effet en sera toutefois atténué par une répartition optimale des bâtiments maintenus en service, grâce notamment à des patrouilleurs venant de métropole.

Le BATSIMAR est un bâtiment de surveillance et d’intervention en haute mer, déplaçant 1 000 tonnes, doté d’un système d’armes réduit à un canon de petit calibre et d’un système de détection simplifié. Ce navire pourra accueillir un hélicoptère, un drone et des commandos. Il a pour équivalent notamment le BAM espagnol (Buque de accion maritima) de 1 800 tonnes et le SIV danois de 1 000 tonnes. La situation est cependant très tendue, car « si le programme BATSIMAR de patrouilleurs hauturiers n’est pas avancé, [la France ne disposera] plus que de 10 patrouilleurs en 2022 pour une cible à 18 unités, pour la métropole et l’outre-mer » (267).

Par ailleurs, la LPM prévoit que « huit bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers (BSAH) remplaceront à partir de 2014 la flotte actuelle », à savoir les bâtiments de soutien de région (BSR), les remorqueurs de haute mer (RHM), les remorqueurs ravitailleurs (RR) et les bâtiments de soutien, d’assistance et de dépollution (BSAD). Il est envisagé de scinder la future flotte de BSAH en deux composantes égales : l’une utilisée en permanence par la marine et armée par des équipages militaires et l’autre dont l’usage serait partagé avec un tiers et avec équipage civil.

Le renouvellement de la flotte destinée à intervenir en outre-mer fait face à deux options : un bateau unique ou plusieurs bâtiments. La première solution permet d’obtenir des gains financiers importants à l’acquisition mais elle ne reçoit pas les faveurs du chef d’état-major de la marine qui relève que « le cartésianisme français pousse à vouloir le “ bateau générique ” de l’outre-mer. Nous avons outre-mer des P 400, des frégates de surveillance et des Batral ; ce sont exactement les mêmes bateaux qui travaillent au milieu du Pacifique ou dans les zones de petits fonds de Guyane. Cette approche ne [lui] paraît plus pertinente, car il faut envoyer à chaque endroit le bateau qui convient. En outre, [il souhaiterait] que nos bateaux dans le Pacifique fonctionnent avec les mêmes moteurs que les bateaux de pêche du Pacifique, et que nos bateaux opérant au large de la Guyane aient les mêmes moteurs que les bateaux de plaisance que l’on peut voir dans la zone. Cela permettrait de bénéficier des capacités locales de maintenance, sans avoir besoin de faire venir des pièces de métropole » (268).

2. Les capacités aériennes

« Le renouvellement des capacités aériennes de surveillance et d’intervention maritime est prévu à partir de 2018. […] 22 avions de patrouille maritime Atlantique 2 seront rénovés. 4 avions verront leur utilisation limitée aux missions de surveillance ». La LPM prend ainsi acte de la nécessité de moderniser la flotte aérienne de patrouille maritime. Le trou capacitaire est compensé par « la conversion en avions de surveillance maritime de 4 Atlantique 2 et des 4 Falcon 50 retirés de la flotte à usage gouvernemental ».

a) Les ATLANTIC 2

Fabriqué par la société européenne de construction des avions Bréguet Atlantic (SECBAT), l’avion de patrouille maritime ATLANTIC 2 a succédé à l’ATLANTIC 1 ou Bréguet ATLANTIC en 1990.

La marine nationale dispose de 27 exemplaires pour des missions de renseignement, de surveillance et de lutte contre des bâtiments de surface et sous-marins. Selon le chef d’état-major de la marine, « le format des avions de patrouille maritime Atlantic 2 est convenable, mais leur taux de disponibilité l’est moins, d’autant que s’y ajoute l’obsolescence de certains de leurs équipements. Leur rétrofit va donc devenir urgent. Les trois appareils que nous avons déployés en Afrique, à l’occasion des événements récents au Mali, représentaient 40 % du parc disponible ; nous remplissons les missions qui nous sont confiées, mais difficilement » (269).

On peut s’interroger sur la pertinence de cet appareil dans de telles opérations. Si ses capacités ne sont pas à remettre en cause, le fait que les armées ne soient pas en mesure de déployer d’autres systèmes, et notamment des drones, montre d’une part la tension existant sur nos moyens et, d’autre part, interroge quant à la doctrine d’emploi opérationnel des ATLANTIC 2. Cette doctrine doit être nécessairement précisée car elle dimensionne le volume et le contenu de la rénovation à venir.

Servi par un équipage de 12 hommes, l’ATLANTIC 2 a une grande autonomie, ce qui est un de ses principaux atouts : il peut voler plus de 18 heures, l’autorisant à mener des patrouilles de 8 heures à 600 miles nautiques de sa base ou de 5 heures à 1 000 miles nautiques de sa base.

Ses capacités de détection s’appuient sur plusieurs systèmes : un système de traitement acoustique traitant des bouées acoustiques larguées depuis l’avion pour détecter, localiser, identifier et pister les sous-marins ; un radar à compression d’impulsion capable de détecter des cibles de très faible dimension tel un périscope, même par mer forte ; un système de détection d’émission radar à très large bande capable de détecter des émissions très brèves ; un détecteur magnétique permettant de classifier et de localiser, avec précision, les sous-marins en plongée ; un détecteur infrarouge permettant d’identifier à grande distance, de jour comme de nuit, toutes les cibles de surface. Son armement embarqué (huit torpilles anti-sous-marines Mk 46, six torpilles MU-90, deux missiles EXOCET AM-39 et 12 grenades de luttes anti-sous-marines) lui confère une capacité d’attaque anti-navire et anti-sous-marine.

La rénovation des ATLANTIC 2 doit se faire en deux phases. La première vise au maintien capacitaire en traitant les obsolescences techniques. Elle doit se concrétiser par la livraison d’un premier appareil en 2015. Initialement, cette livraison devait intervenir en 2011. La seconde phase vise à un élargissement capacitaire mais ne concernera que 18 appareils sur 22. Elle doit intervenir au mieux dans le cadre de la prochaine loi de programmation militaire.

Sur le plan industriel, ces opérations de rénovation sont assurées par le SIAé, Dassault Aviation et Thalès.

L’ampleur de la rénovation a nécessité une phase de conception retardant de 24 mois la réalisation du programme. Ceci explique qu’en 2009 aucun crédit n’ait été engagé. En 2010, la loi de finances initiale a prévu 2 millions d’euros d’AE et 1,9 million d’euros de crédits de paiement. Le projet de loi de finances pour 2011 n’inscrit que 15,6 millions d’euros de CP et aucune AE.

b) Le Falcon 50 SURMAR

La transformation des Falcon 50 de l’escadron de transport, d’entraînement et de calibration (ETEC) en avions de surveillance maritime (SURMAR) implique l’intégration d’un radar de surveillance OCEAN MASTER, l’intégration d’un FLIR et de moyens de communication VHF ainsi que la rénovation avionique. La livraison du premier Falcon 50 transformé est programmée pour 2012.

Dassault Aviation et Thalès co-traitent cette opération qui a bénéficié en 2009 du plan de relance pour deux exemplaires, soit 18,7 millions d’euros d’AE et 11,6 millions d’euros de CP. Pour 2010, aucune AE et 3,1 millions d’euros de CP ont été inscrits en loi de finances initiale. Le projet de loi de finances pour 2011 prévoit 18,6 millions d’euros d’AE et 13,1 millions d’euros de CP.

c) L’hélicoptère EC 225 SECMAR

La flotte d’hélicoptères menant des missions de secours maritime traverse une période incertaine quant à sa disponibilité. Les retards du programme NH90 et le retrait définitif des Super Frelon au printemps 2010 contraignent la marine nationale à trouver des solutions de substitution provisoires.

C’est ainsi qu’un contrat de location conclu avec la société belge Noordzee helikopters vlaanderen (NHV) a permis le positionnement de deux hélicoptères Dauphin sur la base aéronavale de Hyères.

En décembre 2009, deux hélicoptères EC 225 ont été commandés à Eurocopter. Cette commande a fait l’objet de longs débats en interne au ministère de la défense : l’acquisition de matériel civil pour remplir des missions militaires heurte les traditions bien établies de la DGA.

Livrés en avril 2010, ces appareils, équivalents civils du Super Puma, présentent des caractéristiques similaires à celles des EC 725 Caracal. La capacité d’évacuation sanitaire de l’EC 225 est soit de six civières et de deux blessés assis, soit de quinze blessés assis. Pour les sauvetages en mer, il peut récupérer des naufragés par hélitreuillage à 250 miles nautiques de sa base de décollage.

Pour le chef d’état-major de la marine, cette opération n’est pas des plus rentables. Des inquiétudes existaient « concernant le relais entre le Super Frelon et le NH90 et malheureusement, la jonction entre ces deux programmes n’a pas été possible. [Il a] pris la décision, contre certains avis, d’arrêter le Super Frelon avant qu’il n’accomplisse le vol de trop. Pour assurer la jonction, [la France a] acheté deux hélicoptères EC 225, primitivement destinés à une compagnie pétrolière qui avait annulé sa commande en raison de la crise – ce qui nous a permis de les mettre très rapidement en service mais, s’agissant d’invendus, [il] trouve que nous les avons payés bien cher » (270). Peut-on reprocher à l’industriel sa promptitude à proposer une solution à une commande urgente de la marine nationale ou doit-on s’inquiéter de voir la marine nationale remplacer dans la précipitation des équipements dont l’usure était prévisible ? De plus le prix payé pour deux appareils remplaçant six autres garantissant une capacité et une disponibilité égale est-il si injustifié ?

C. DETEC BIO ET P4

Face aux risques nucléaires, radiologiques, bactériologiques et chimiques (NRBC), la doctrine interarmées de la défense NRBC de 2004 fait du service de santé des armées (SSA) le service expert du ministère. « Le SSA dispose d’une grande expertise dans la gestion des risques naturels et accidentels en temps de paix : nucléaires et radiologiques (industriels et technologiques), des risques biologiques naturels dans un contexte d’émergence épidémique, et chimiques (toxicologie, risques professionnels, etc..). Ces savoirs et savoir-faire sont directement transposables à la gestion d’une crise comportant une agression intentionnelle par un agent / une arme NRBC. […]

Les actions techniques et médicales développées par le SSA face aux risques NRBC, qu’ils soient naturels, accidentels ou intentionnels se déclinent en six points :

- le réseau d’alerte et de détection ;

- le réseau de laboratoires et biosécurité (collecte, acheminement d’échantillons) ;

- les contre-mesures médicales ;

- la capacité d’hospitalisation ;

- la formation du personnel et la communication ;

- la recherche et le développement » (271).

La DGA n’est pas absente dans les programmes liés au NRBC. Son expertise est utile notamment dans la protection des équipements face aux agressions NRBC, mais cet apport ne lui donne pas pour autant un rôle moteur. Pourtant, avec le développement du programme DETECBIO, se développe une sourde rivalité entre le SSA et la DGA.

Le programme DETECBIO vise à fournir aux armées des systèmes de détection et d’identification d’agents biologiques dans l’environnement. L’alerte émise par ces détecteurs permettra de sauvegarder les hommes et de préserver les capacités opérationnelles malgré l’agression biologique. Depuis janvier 2009, EADS Defense & Security, en association avec l’Institut Pasteur et le CEA, est le partenaire industriel de la DGA pour la fourniture des trois premiers exemplaires de systèmes projetables composés de balises d’alerte biologique, de balises de collecte d’échantillons en continu, d’un module d’identification automatique et d’un module d’alerte et de supervision. Interviennent également sur ce programme NBC-Sys (Nexter) et Bertin Technologies.

En 2009, 6 500 euros d’AE et 7,3 millions d’euros de CP ont été consommés sur ce programme. Pour 2010, 530 000 euros d’AE et 9,7 millions d’euros ont été inscrits en loi de finances initiale. Le PLF pour 2011 prévoit 26,6 millions d’euros d’AE et 11,7 millions d’euros de CP.

Pour la validation de ces systèmes, le centre d’essais « DGA maîtrise NRBC », anciennement centre d’études du Bouchet, demande instamment la construction d’un laboratoire de classe P 4, agréé pour étudier les virus et bactéries les plus dangereux, à l’horizon de 2017. Les agents pathogènes de classe 4 ont un très fort pouvoir pathogène associé à un très fort taux de mortalité et de transmission interhumaine. Parmi ces agents viraux, on cite communément le virus Ebola, la variole, Lassa… Un laboratoire P 4 obéit en conséquence à des règles techniques et de sécurité très stricte : il est constitué d’une zone laboratoire encadrée par deux zones techniques assurant le traitement de l’air, des effluents aqueux et de l’eau.

Ce nouvel équipement devrait être basé à Vert le Petit dans l’Essonne. Actuellement, en France, il existe un seul laboratoire P 4 dépendant de l’Institut Mérieux, installé à Lyon. Le besoin d’un tel équipement pour tester les détecteurs est avéré. L’incommodité d’un seul laboratoire à Lyon, également.

En revanche, la décision de construire un laboratoire P 4 à Vert le Petit obéit à une logique incompréhensible. En effet, à 13 kilomètres de distance, sur le site de la base aérienne de Brétigny-sur-Orge, est implanté le nouvel institut de recherche biomédicale des armées (IRBA) du SSA qui regroupe en un seul lieu l’ensemble des centres de recherche du SSA dont le centre de recherche du SSA de Grenoble qui travaille notamment sur les virus et bactéries en disposant ponctuellement du laboratoire P 4 de Mérieux. Pour la poursuite de ces recherches, l’IRBA doit disposer d’un laboratoire P 4 en région parisienne pour 2013. Afin de tenir les délais très court, des études et consultations ont d’ores et déjà été engagées pour sa construction dans l’enceinte de la base aérienne. Le laboratoire est une installation priorité défense bénéficiant de dispositifs de sécurité renforcés tels que des gendarmes dédiés.

Si le projet de laboratoire P 4 de la DGA venait à aboutir, le ministère de la défense disposerait en 2017 de deux laboratoires de haute sécurité dans l’Essonne alors que, jusqu’à présent, il s’appuyait sur un unique laboratoire financé par le secteur privé à Lyon.

Alors que dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, le service de santé des armées regroupe ses centres de recherche pour éviter les redondances et rationaliser ses investissements, l’obstination de la DGA réduit à néant ces efforts et la cohérence d’ensemble de la réforme. Or, la DGA et le SSA sont des services du ministère de la défense, non des entités autonomes libres de leurs investissements.

Le partage d’une seule infrastructure par l’IRBA et la DGA est techniquement plus réaliste et budgétairement plus économe. Les seuls tests des détecteurs du programme DETECBIO et autres équipements de protection ne permettent pas d’assurer un plan de charge suffisant pour un seul laboratoire. Le coût de possession de cet équipement serait à terme insupportable.

L’IRBA est en mesure de prendre en compte, via son laboratoire P 4, les besoins techniques spécifiques de la DGA. L’inverse n’est pas vrai : la recherche biomédicale impose des compétences et une logistique propres. « DGA maîtrise NRBC » exerce ses missions dans des domaines liés aux seuls équipements et non à l’homme, c’est-à-dire qu’elle traite des risques biologiques et chimiques, des technologies, équipements et systèmes de détection, d’identification, de protection, de décontamination et de gestion des événements NRBC, du durcissement des équipements vis-à-vis des agressions chimiques et biologiques, de la lutte contre la prolifération et de la dépollution et la destruction des armes chimiques.

Un partage capacitaire ne serait pas une novation dans les relations entre le SSA et la DGA. Depuis plusieurs années, l’IRBA et les centres qui l’ont précédé, la DGA, les forces et l’industrie utilisent pour leurs différentes missions la centrifugeuse CHARMES de l’IRBA à Brétigny. Cet équipement unique en France permet de réaliser des accélérations pouvant atteindre 30 G. Elle permet de réaliser des tests multiples sur l’homme (pour le compte du SSA et des forces) et les équipements (pour le compte de la DGA et des industriels). Sans que cela ne soulève de débats doctrinaux, cette centrifugeuse a relevé de plusieurs services du ministère de la défense. Lors de sa mise en service en 1999, elle a été rattachée au laboratoire de médecine aérospatiale (LaMAS) du centre d’essai en vol (CEV) de la DGA. Elle a été ensuite transférée à l’institut de médecine aérospatiale du service de santé des armées (IMASSA) qui est désormais intégré à l’IRBA sur la base de Brétigny.

Fort de l’expérience satisfaisante de la centrifugeuse, le ministère de la défense doit imposer à l’ensemble de ses services l’obligation de partager les infrastructures uniques et cesser de privilégier la propriété des équipements, par amour-propre, sur la rationalité de l’usage, respectueuse des nouveaux impératifs budgétaires.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. —  AUDITION DE M. HERVÉ MORIN, MINISTRE DE LA DÉFENSE

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu M. Hervé Morin, ministre de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2011 (n° 2824) au cours de sa réunion du mardi 5 octobre 2010.

M. le président Guy Teissier. Nous recevons cet après-midi le ministre de la défense, M. Hervé Morin, qui va nous détailler les principales lignes du projet de loi de finances.

Vous vous êtes déjà exprimé à l’occasion des universités d’été de la défense à Marseille, en nous présentant les chantiers qui attendent la défense au cours des prochaines années et vous avez souligné que de nombreuses équations sont encore à résoudre. Nous sommes, comme vous, conscients que votre ministère ne peut s’exonérer des efforts visant à rétablir l’équilibre des finances publiques. Cependant, il est également vrai que nos militaires ont déjà, au cours des dernières années, « beaucoup donné ». Peu de corps de l’État auraient accepté ce que les militaires ont supporté jusqu’à aujourd’hui ; nous sommes sans doute arrivés à l’extrême limite des possibilités.

La réduction des crédits budgétaires prévue pour les années 2010 à 2013 est partiellement compensée par une hausse des recettes exceptionnelles de la défense ; je vous demanderai d’être précis sur ce point particulier que nous avons déjà longuement évoqué. Nos collègues Françoise Olivier-Coupeau et Louis Giscard d’Estaing ont d’ailleurs remis un rapport sur ce sujet dans le cadre de la mission d’évaluation et de contrôle (MEC).

S’agissant des dépenses, tout ce qui a été engagé pour la marine semble plutôt bien parti, je ne vois pas ses grands programmes être arrêtés ou allégés. Je suis, en revanche, particulièrement inquiet pour l’armée de l’air. Notre commission, par ses auditions, ses débats et ses rapports d’information, a notamment souligné l’importance des avions ravitailleurs, des drones et l’espace. Aurions-nous perdu le sens de la troisième dimension ? Les événements actuels nous y renvoient pourtant cruellement.

Ce qui se passe dans le Sahel montre qu’il ne faut peut-être pas quitter trop vite nos bases en Afrique ; nous pourrions le regretter amèrement. L’arc des crises décrit dans le Livre blanc s’est concrétisé et nous rappelle à nos impératifs de défense et notamment à l’exigence de bien équiper et de bien entraîner nos soldats. Ce n’est pas avec des troupes ne bénéficiant que de quelques jours d’expérience du terrain que nous pourrons exfiltrer des otages comme ceux enlevés au Niger.

M. Hervé Morin, ministre de la défense. Avant de vous présenter les grandes lignes du budget, je voudrais vous rassurer en ce qui concerne les inquiétudes dont votre président s’est fait l’écho. La semaine dernière, j’ai réuni, comme assez régulièrement depuis trois ans, l’ensemble des cadres supérieurs du ministère de la défense qu’il s’agisse des chefs de corps, de régiment, d’unité, de service ou des responsables des états-majors, c’est-à-dire les 600 civils et militaires d’encadrement. Sans m’en informer, la direction de la communication du ministère leur avait adressé un questionnaire anonyme. En découvrant les réponses, j’ai eu quelques difficultés à croire les résultats.

À la question « pensez-vous que la démarche de modernisation entreprise par le ministère de la défense est indispensable ? », trois ans après son lancement, les réponses ont été « oui tout à fait », à 54 % ; « oui plutôt » à 37 % ; le « non » ne recueillant que 3 %. S’agissant des réformes engagées, « la mise en commun des moyens des unités, des moyens administratifs et du soutien du ministère », c’est-à-dire l’ensemble de la mutualisation, a recueilli 74 % d’appréciation positive et 13 % d’appréciation négative. La création des bases de défense a recueilli 62 % d’opinions favorables et 22 % de défavorables. « La nouvelle répartition des unités géographiques », c’est-à-dire la concentration des unités, a été approuvée par 55 % des personnes interrogées, 30 % estimant ne pas être en mesure de l’apprécier. Enfin « la réorganisation des chaînes de métiers » a reçu 53 % d’avis positifs contre 29 % d’avis négatifs.

Ce questionnaire de 60 pages montre que les personnels, qui vivent depuis deux ans une profonde réforme de leur ministère, portent sur celle-ci une appréciation très positive.

J’en viens maintenant au projet de loi de finances pour 2011.

En 2011, le montant des crédits sera très proche de ce qu’a prévu la loi de programmation militaire (LPM).

Comme vous le savez, les annuités prévues par la LPM pour la période 2011-2013 étaient devenues incompatibles avec le cadrage imposé pour redresser nos finances publiques. La défense a donc contribué à la maîtrise des dépenses en réduisant ses dotations budgétaires de 3,6 milliards d’euros sur la période 2011-2013, soit 3,7 % des 95 milliards d’euros prévus par la LPM.

La défense demeure néanmoins une priorité de l’État car, hors recettes exceptionnelles, son budget passera de 30,16 milliards d’euros en 2011 à 30,5 milliards en 2012 et à 31 milliards en 2013, soit une croissance de ses dotations de 3 % en valeur alors que tous les budgets civils, à l’exception de ceux de l’enseignement supérieur, de la recherche et de la justice, sont stables en valeur, voire en diminution.

À ces crédits s’ajoutent des recettes exceptionnelles, pour un montant de 3,3 milliards d’euros pour les années 2011-2013, donc supérieur de l’ordre de 2,3 milliards au montant initialement prévu.

La perte de recettes nette cumulée pour ces trois années n’est donc que de 1,3 milliard d’euros sur un total programmé de 96 milliards, soit une encoche de 1 %.

Pour la seule année 2011, nous bénéficierons de 30,16 milliards d’euros de crédits budgétaires auxquels s’ajoutera un milliard de recettes exceptionnelles, soit un total de 31,19 milliards d’euros, alors que la LPM prévoyait 31,23 milliards. L’écart est extrêmement faible, la différence s’élevant à seulement 40 millions d’euros.

Les recettes exceptionnelles pour 2011 se décomposent en deux flux principaux. Il s’agit d’abord de 150 millions d’euros de produits de cessions immobilières. Je ne peux rendre publique la liste exhaustive des recettes espérées, car les ventes font l’objet de négociations, mais je tiens à la disposition des rapporteurs la liste précise des emprises qui seront cédées en 2011 ainsi que l’évaluation qui en a été faite par le service des domaines. Nous bénéficierons aussi en 2011 du fruit de la vente antérieure du site d’Issy-les-Moulineaux.

Il s’agit ensuite de 850 millions d’euros au titre des cessions de fréquences hertziennes, qui englobent le produit de la cession d’usufruit des satellites de télécommunications ainsi que le premier versement de la cession des bandes RUBIS et FELIN dont l’autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) a fixé le calendrier garantissant une conclusion en juillet 2011.

L’équation financière pour 2011 est donc relativement simple avec seulement 40 millions d’euros d’écart par rapport à la LPM.

La priorité donnée aux équipements est confirmée avec un objectif de 17 milliards d’euros par an en moyenne sur la durée de la LPM, contre 15 milliards par an pour la précédente LPM. Je vous rappelle qu’en 2009 nous avons consommé 18 milliards d’euros et que notre objectif pour 2010 est de 17 milliards. Nous aurons cependant beaucoup de mal à les consommer en raison de la mise en place du progiciel financier CHORUS qui a généré d’importants dysfonctionnements durant cinq mois et nous a parfois obligés, pour rattraper le retard, à reprendre les choses manuellement avec l’aide d’intérimaires.

Pour les années qui viennent, nos objectifs pour les équipements sont de 16 milliards d’euros pour 2011 ; de 16,8 milliards pour 2012 et de 17,4 milliards pour 2013.

Je voudrais par ailleurs souligner les progrès considérables que nous avons réalisés depuis 2008 dans le financement des opérations extérieures (OPEX), lequel ne repose plus sur des ponctions sur les crédits d’équipement comme nous en avons connu au cours des précédentes LPM. Pour la période 1998-2007, en moyenne 280 millions d’euros par an ont été prélevés sur le budget d’équipement des forces armées pour financer les opérations extérieures, soit un total de 2,8 milliards d’euros. Nous avons mis fin à cette pratique. En 2011, nous continuerons à augmenter la provision pour les OPEX qui s’élèvera à 630 millions d’euros contre 570 millions en 2010. Si les surcoûts étaient stabilisés en 2011 à leur niveau de 2010, soit 870 millions d’euros, ce serait environ 70 % de la dépense qui seraient financés en loi de finances initiale ; le solde étant pris, comme en 2009 et en 2010, sur la réserve interministérielle de précaution.

Sur le terrain, un certain nombre d’équipements nouveaux sont arrivés : je pense aux deux magnifiques frégates antiaériennes réalisées par DCNS et aux 93 Rafale en service en 2010, qui seront complétés grâce au « recadencement » de 11 livraisons par an pour 2011, 2012 et 2013. Nous avions en effet prévu des livraisons moins importantes pour ces années, mais dans l’attente de la finalisation des contrats à l’exportation, nous prenons en charge le différentiel tout en espérant que cette avance pourra être compensée dans les années suivantes. Je pense également au nouveau système de défense sol-air à moyenne portée (SAMPT) qui sera livré à Luxeuil, au 200e véhicule blindé de combat d’infanterie (VBCI) livré en mai dernier et au rythme de livraison qui passera de 90 en 2010 à 100 véhicules en 2011. Je pense enfin aux 4 000 premiers systèmes FELIN et à la mise en service, dans quelques jours, du nouveau sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) équipé du missile M51.

Nous adaptons d’ailleurs en permanence les matériels aux besoins des forces déployées sur le théâtre : cette année, grâce aux 103 millions d’euros consacrés à la procédure d’acquisition en urgence opérationnelle, l’armée de terre a pu se doter d’un système de veille optronique, du radar de surveillance du sol, de l’alerteur terrestre contre les tirs indirects ou encore du système ROVER. Nous en assurons aussi le maintien en condition opérationnelle, dans des contextes souvent difficiles, grâce à nos réformes de structures, à la politique d’emploi et de gestion des parcs et au maintien des flux de financement importants de l’ordre de 2,7 milliards d’euros par an.

Nous assumons aussi la préparation de l’avenir à moyen terme comme le montre le maintien des flux d’études amont à un volume de 700 millions d’euros par an, complétés par des crédits du grand emprunt au titre de la recherche duale pour un montant de 2 milliards d’euros portant sur les lanceurs, l’avion et l’hélicoptère du futur. Nous investissons aussi avec le lancement la semaine dernière de la réalisation du programme MUSIS, sans attendre l’accord des autres pays qui sont en train de revoir leurs doctrines stratégiques et leurs options budgétaires. Cela se traduit par la commande de deux satellites optiques afin d’éviter toute rupture de capacité à la fin d’activité des satellites HELIOS. Enfin, il me faut souligner que nous commanderons en 2011 un troisième sous-marin nucléaire d’attaque (SNA).

Cet effort d’équipement sans précédent ne peut se faire que grâce aux économies effectuées sur les autres types de dépenses et à la bonne exécution de la réforme du ministère.

L’année 2011 sera une année importante avec la généralisation des bases de défense, la mise en place de la chaîne interarmées du soutien et des centres de services partagés au niveau régional. Cette réorganisation est indispensable. Comme je l’ai indiqué aux cadres de la défense, il n’y a pas d’autre solution ; de la réussite de la réforme dépend notre capacité d’investir dans la modernisation des armées.

Nous faisons le maximum pour l’accompagnement social : le plan d’accompagnement des restructurations (PAR) sera doté de 238 millions d’euros dont 58 millions de mesures nouvelles. Nous avons dépensé à ce titre un peu plus que prévu en raison des nombreuses demandes de départ volontaire et parce que le coût de la mobilité a été supérieur à l’évaluation qui en avait été initialement faite.

Sur le plan catégoriel, nous achèverons la réforme statutaire et indiciaire des militaires engagée en 2008 en lui consacrant 31 millions d’euros. Nous aurons donc, en trois ans, réalisé la totalité des conclusions du rapport du haut comité d’évaluation de la condition militaire que Mme Michèle Alliot-Marie avait commandé et qui avait été remis début 2007.

Aujourd’hui même, j’ai saisi le Premier ministre du problème soulevé par le plan de revalorisation indiciaire et catégorielle de la police nationale : ce plan devant s’appliquer dans les mêmes conditions aux gendarmes, qui sont des militaires, il conviendrait de se préoccuper de la situation des militaires sous-officiers des armées afin d’éviter un nouveau décrochage entre les gendarmes et eux.

En 2011, un contrat de partenariat sera signé pour le regroupement des états-majors et de l’administration centrale à Balard. Ce projet nous permettra de gagner environ 2 000 postes au titre des rationalisations fonctionnelles et de l’externalisation du soutien et de pouvoir bénéficier du produit des cessions des emprises actuelles. Le financement du loyer semble pouvoir être réuni à partir du redéploiement de nos dépenses actuelles, alors même qu’il intègre l’amortissement d’un effort d’investissement très substantiel, ce qui est une véritable performance économique.

À l’occasion de cette réorganisation, j’ai souhaité déconcentrer au maximum l’administration centrale, déplaçant hors de Paris tous les services qui peuvent l’être. Compte tenu du coût de la vie dans la capitale, cette mesure redonnera du pouvoir d’achat aux personnels tout en leur garantissant la même qualité de services et les mêmes prestations, notamment scolaires.

En conclusion, je tiens à souligner que malgré la situation budgétaire difficile, les arbitrages du Président de la République nous ont permis de maintenir un effort de défense compatible avec nos ambitions. Rien ne vaut mieux que d’observer ce qui se passe dans les pays étrangers, notamment européens, où les réductions budgétaires engagées font douter de la volonté de l’Europe de peser encore sur les affaires du monde. L’effort militaire communautaire n’est plus supporté que par la France et le Royaume-Uni ; ce dernier devant réduire son budget de 15 à 20 %. Avec la réduction du budget britannique, le volume des économies budgétaires en Allemagne et le fait qu’aucun autre pays n’investit plus dans sa défense, l’Europe prend le risque de devenir un protectorat américain. Le contexte est donc très préoccupant. Si l’on croit que l’Europe a encore la capacité de porter un message politique qui lui soit propre, la France se doit de continuer à faire un effort significatif pour sa défense.

M. le président Guy Teissier. Vous nous avez communiqué les résultats d’un sondage très intéressant. Je me félicite de l’adhésion à la réforme des personnels des corps d’encadrement du ministère mais je me demande si les personnels non-officiers auraient répondu de la même manière. N’ont-ils pas un peu de vague à l’âme en constatant que les gendarmes, qui restent sous statut militaire, bénéficient d’un meilleur plan de carrière qu’eux qui exposent pourtant leur vie de façon presque continuelle en opérations ? Il y a là quelque chose de très choquant pour nos sous-officiers dont on connaît les qualités et le rôle dans le fonctionnement de l’institution militaire. Si l’on ne veut pas déprimer nos soldats, il nous faut résoudre ce problème, bien qu’il soit complexe.

M. Philippe Vitel. Vous avez évoqué l’effort de votre ministère en 2011 pour améliorer le statut des personnels et votre volonté de mettre en œuvre la réforme des grilles indiciaires en application de l’accord salarial du 21 février 2008. Cet accord concerne aussi des personnels civils et en particulier le corps des techniciens supérieurs d’étude et de fabrication (TSEF), classé en catégorie B, dont la plupart occupent pourtant des emplois de catégorie A. Il a donc été envisagé de créer une passerelle entre ce corps et celui des ingénieurs d’études et de fabrication (IEF) qui dépend de la catégorie A. Le projet a été présenté le 12 novembre 2009 au comité technique paritaire compétent puis transmis à la direction générale de l’administration et de la fonction publique qui s’y est opposée. Par la suite, des discussions entre les services n’ont pu aboutir à une solution. Je sais, monsieur le ministre, que vous êtes attaché à cette réforme et que vous avez demandé récemment l’arbitrage du Premier ministre dans le cadre du projet de loi de finances que vous nous présentez aujourd’hui. Pouvez-vous nous informer du sort éventuel de votre demande ?

M. Bernard Cazeneuve. La possibilité de maintenir les objectifs de la loi de programmation militaire doit être examinée au vu de la régulation budgétaire qui ampute les crédits de la défense de 3,5 milliards d’euros.

Lors des précédents exercices budgétaires, lorsque nous vous interrogions sur les difficultés à réaliser les recettes exceptionnelles, vous nous expliquiez qu’elles ne faisaient pas partie du modèle. Vous nous expliquez cette année qu’elles y sont réintégrées et que, grâce à elles, nous atteindrons des objectifs que n’auraient pas autorisés les arbitrages budgétaires récents. Votre doctrine a donc changé, ce qui est un signe de pragmatisme que nous devons saluer.

Toutefois, la réalité de la réforme est différente. Les résultats du sondage que vous avez mentionnés sont tellement positifs que l’on se demande si vous n’auriez pas dû supprimer encore plus d’emplois pour accroître ces taux ! Le modèle prévoit un volume d’économies nettes de 2,7 milliards sur la totalité de la LPM, c’est-à-dire 4 milliards d’économies provenant de la diminution des effectifs auxquels il faut retirer les dépenses liées aux infrastructures et les mesures sociales d’accompagnement. Le ministère doit contribuer à la rigueur budgétaire à hauteur de 3,5 milliards d’euros, soit un milliard de plus que les économies engendrées par votre réforme pourtant rigoureuse. Vous nous expliquez aujourd’hui que tout cela n’est pas très grave en raison des recettes exceptionnelles venant en compensation et dégageant même un bonus d’un milliard d’euros.

Néanmoins, votre marge de manœuvre apparaît singulièrement étroite : les recettes exceptionnelles ne sont pas certaines et, par ailleurs, certaines décisions relatives aux investissements, notamment la mobilisation de 800 millions d’euros pour se substituer à des commandes à l’export non réalisées par Dassault, ajoutent des charges qui n’étaient pas prévues.

Dans ces conditions, que devient la soutenabilité de la loi de programmation militaire ? Dès lors que vous devez mobiliser 800 millions pour Dassault et dans la mesure où il y a toujours un décalage entre les coûts d’objectifs et les coûts de réalisation, à quels programmes allez-vous renoncer ? À quels étalements devrez-vous procéder ? Quelles cibles vous faudra-t-il modifier ?

M. le ministre. Monsieur Vitel, soyez mon avocat auprès des TSEF : ils savent que je défends leur demande, laquelle n’a pu malheureusement aboutir lors des discussions entre les ministères concernés. J’ai donc saisi le Premier ministre de cette affaire, et j’attends son arbitrage. Il s’agit d’un engagement que j’ai pris auprès des syndicats, comme j’en ai pris un concernant les emplois précaires dits emplois Berkani qui ont été intégrés au sein du ministère pour ceux d’entre eux qui le souhaitaient. Dans tous les cas, je poursuis mon action et demeure vigilant.

M. Cazeneuve, il est vrai que j’ai souvent évoqué les recettes exceptionnelles mais il n’a pas manqué un seul centime au budget de la défense : chaque fois qu’une recette de ce genre a fait défaut, un arbitrage du Premier ministre l’a compensée. Les engagements pour 2011 n’ont rien de fictif : l’ARCEP a fixé son calendrier et nous garantit un premier paiement en juillet prochain. Les produits tirés des opérations immobilières s’établissent à près d’un milliard d’euros pour la période 2011-2013 et je suis prêt à vous communiquer la liste exhaustive des emprises concernées.

Nous avons, il est vrai, dû procéder à quelques modifications de la programmation afin d’intégrer certains surcoûts, comme celui des solutions palliatives au retard de l’A400M, pour lequel j’espère la signature d’un nouveau contrat avant la fin de l’année. Par ailleurs, il nous faut préserver les capacités de production du Rafale en compensant les retards à l’exportation. Pour préserver la chaîne de production et les compétences, il faut en effet fabriquer au moins un appareil par mois, ce qui explique la commande de 11 appareils en 2011.

Au titre des économies, nous avons procédé soit à des décalages calendaires, soit à des réductions de cibles. Les décalages concernent la rénovation du Mirage 2000D, les avions multirôles de ravitaillement en vol et de transport (MRTT), ce besoin faisant l’objet de négociations avec les Britanniques. Nous avons également reporté le programme Scorpion de 2012 à 2013 et retardé de deux ans la rénovation des Breguet Atlantique 2 (ATL 2). Pour ce qui est des réductions de cibles, nous diminuerons le nombre des radars SCCOA 4, le nombre de postes de systèmes d’information des armées (SIA) et nous réfléchissons à la possibilité de ne pas commander les deux derniers Falcon 2000.

M. le président Guy Teissier. Pourriez-vous, à cette occasion, clore la polémique sur les Falcon 2000, qui servent à effectuer des évacuations sanitaires, mission très importante pour nos soldats lorsqu’ils sont grièvement blessés ? Existe-t-il une autre possibilité en la matière ?

M. le ministre. L’évacuation sanitaire de nos soldats blessés restera une mission prioritaire. Le programme de renouvellement des avions gouvernementaux nous permet d’augmenter les capacités d’évacuation sanitaire par l’achat de nouveaux kits.

M. Yves Fromion. Dans le contexte actuel, il nous faut saluer l’effort consenti en faveur de la défense. Quand on observe la débandade des autres pays européens en ce domaine, on peut dire que la France a du mérite en maintenant sa posture de défense, en dépit de quelques impasses sur lesquelles nous avons tous des regrets à formuler. Mais l’essentiel est préservé. Lors d’une récente visite d’un site d’assemblage de nos têtes nucléaires, je me suis rendu compte qu’on ne pouvait que ressentir une immense fierté à voir ce que la France réalise. Les critiques sont certes naturelles mais il faut savoir les ajuster aux réalités.

J’ai relevé, monsieur le ministre, vos propos sur l’avenir de l’Europe de la défense. Laisser entendre que la situation a peu de chances de s’améliorer n’est pas une bonne chose. Certaines dispositions du traité de Lisbonne, si on essayait de les mettre en œuvre, auraient pour effet d’obliger les pays européens à s’impliquer et à prendre quelques engagements. Prétendre aujourd’hui que ses clauses en matière de défense ne présentent pas d’intérêt revient à nier la démocratie au sein de l’Union et n’est mobilisateur pour personne. Si on pousse les États européennes à accomplir des efforts, aussi faibles soient-ils, pour enrayer leur déclin militaire, on aura déjà obtenu quelque chose. Je ne peux m’associer à votre pessimisme en la matière ; il faut au contraire adopter un discours mobilisateur pour enrayer la tendance actuelle.

M. Damien Meslot. Tout comme M. Fromion, je me félicite des arbitrages que vous avez obtenus. Dans le contexte actuel, le projet de budget de la défense est un bon projet et limite les difficultés.

Au départ, il devait y avoir une centaine de bases de défense, puis ce chiffre a été ramené à 70 ; au final, il n’y en aura que 51. Or, certains évoquent parfois la possibilité de réduire encore cet objectif grâce à une nouvelle compression des implantations Pouvez-vous nous confirmer, monsieur le ministre, qu’on s’en tiendra au nombre prévu de 51 bases ?

M. le ministre. L’expérimentation a montré qu’il faut que la base de défense soit d’une taille suffisante pour dégager des effets d’échelle. C’est pour atteindre cet objectif que nous avons réduit la cible initiale. Le schéma actuel, articulé autour de 51 bases métropolitaines, ne devrait plus évoluer.

La foi en l’Europe constitue l’essentiel de mon engagement en politique ; je suis même convaincu que l’Union est une fédération en devenir. Il n’y a donc aucun renoncement dans ma position monsieur Fromion. Il n’en reste pas moins que les réunions des ministres de la défense européens illustrent l’absence d’ambition : il y a une semaine, à Gand, j’entendais mettre en avant toute une série d’arguments liés à la crise économique pour justifier la réduction des efforts de défense. Je me suis opposé à cette démonstration : ce n’est pas une question de possibilité, mais bien de volonté ! Avant que la crise ne bouleverse nos économies, peu nombreux étaient nos partenaires faisant des efforts en faveur de la défense.

Les pays européens consacrent en moyenne 1 % de leur PIB à la défense, à l’exception de la France, du Royaume-Uni ainsi que de l’Allemagne qui y consacre 1,2 % de son PIB. Mais, je crains que cette dernière donnée ne soit revue à la baisse avec une diminution des crédits de 8 milliards d’euros en quatre ans.

Dans nos discussions avec nos partenaires, nous ne progressons sur aucun sujet alors que la France fait en permanence des propositions. On voudrait par exemple donner un programme de travail à l’agence européenne de défense (AED) et on éprouve le plus grand mal à lui affecter 100 millions d’euros ! Je ne crois pas aux coopérations structurelles et permanentes : les stipulations du traité sont viciées par le fait qu’on veut un système inclusif, c’est-à-dire permettant la participation de tous les États qui le souhaitent, au lieu de constituer une avant-garde de pays déterminés à mutualiser des moyens et à accepter des complémentarités et des interdépendances au service d’une ambition commune.

L’Europe de la défense avance grâce aux opérations extérieures ; si elles s’arrêtent, l’Europe de la défense tombe. L’opération Atalante fonctionne mais on éprouve les pires difficultés à mettre en place la génération de forces ; chaque année, c’est la France qui doit compléter. Il faudrait évaluer le dispositif et réfléchir à ce que nous pourrions faire en plus de l’opération militaire, comme par exemple la formation de garde-côtes.

L’Europe constitue pourtant un outil extraordinaire : nous disposons de la gamme complète d’outils permettant de mettre sur pied des opérations comportant à la fois des aspects militaires et des aspects civils : nous avons les services juridiques et nous représentons la moitié de l’aide au développement dans le monde.

Le Sahel est un autre exemple de la faiblesse de l’Europe de la défense. Cet espace est fortement lié à notre histoire et à notre géographie ; l’Europe devrait y exercer une responsabilité particulière, en formant des forces africaines à bâtir une architecture de sécurité ou à lutter contre Al Qaida au Maghreb. Jamais l’OTAN n’y parviendra, les pays de la région ne l’accepteraient pas.

M. Michel Voisin. Parmi les opérations extérieures accomplies sous le mandat de l’ONU, certaines sont très anciennes ayant parfois débuté il y a 30 ou 40 ans, comme au Sahara occidental ou au Sinaï. Certes, très peu de militaires y sont engagés mais cela représente tout de même un coût important. Comment peut-on sortir de ces mandats ?

S’agissant des réservistes, j’observe que la ligne budgétaire est la même que celle de 2010. Cela dit, je voudrais savoir quels sont les réservistes issus du monde civil, en dehors des anciens militaires d’active.

M. Michel Grall. La France doit, bien sûr, investir dans sa défense afin de maintenir son statut et son rôle sur la scène internationale. Est-il prévu, afin de desserrer la contrainte budgétaire, de multiplier les contrats de partenariat du type de celui qui est en cours à Dax pour la formation de pilotes d’hélicoptères ?

M. le ministre. Monsieur Voisin, nous avons considérablement réduit le nombre de nos hommes participant à des opérations sous mandat de l’ONU. Nous avons ainsi réduit de 2 000 le nombre de nos troupes déployées en OPEX. Les opérations que vous évoquez ne représentent qu’un effort limité de l’ordre de 35 militaires, dont 3 au Sahara occidental. Il est toutefois difficile de s’en désengager, le ministère des affaires étrangères tenant à ce que la France continue de manifester sa présence pour le règlement de certains conflits internationaux.

En ce qui concerne les réservistes, je vous fournirai des chiffres plus précis ultérieurement. Le Parlement a voté une loi sur les réserves très ambitieuse, montrant bien l’intérêt et l’utilité des réservistes. Ils ne doivent pas être considérés comme des supplétifs : pour les motiver et les fidéliser, il faut les affecter à des tâches correspondant à leurs compétences.

Monsieur Grall, j’ai signé le premier contrat d’externalisation pour onze restaurants. J’espère que nous procéderons à l’externalisation intégrale de la fonction d’habillement. Nous travaillons à d’autres projets du même ordre en collaboration avec les Britanniques et les Allemands, notamment en ce qui concerne le futur A400M.

L’externalisation multiservices de la base de Creil s’inscrit également dans cette démarche.

Les onze premiers contrats d’externalisation signés pour les restaurants ont montré que le recours à des sociétés privées permet de réduire les coûts d’environ 20 % à long terme. Par ailleurs, j’ai proposé aux syndicats que nous examinions l’organisation des services d’alimentation dans quatre unités afin, éventuellement, de conserver la fonction en interne : je ne désespère pas de voir l’État faire aussi bien que le secteur privé. Les syndicats ont validé ce principe et le processus est actuellement en cours.

Mme Marguerite Lamour. Je suis avec attention le dossier de la requalification des TSEF en catégorie A et constate, avec satisfaction, que le ministère de la défense le suit de la même façon.

Je vous avais déjà interrogé en juillet dernier, monsieur le ministre, à propos de CHORUS et vous envisagiez alors un épilogue heureux. Or vous venez de nous indiquer que vous ne consommeriez pas tous vos crédits en raison de son mauvais fonctionnement. J’en connais les difficultés sur le terrain et j’en mesure les conséquences fâcheuses sur les entreprises locales ainsi fragilisées. Quand verra-t-on le bout du tunnel ?

Je note enfin que le dossier de presse évoque la fin de vie des navires et son processus désormais institutionnalisé. Comment cela se traduit-il concrètement ?

M. Jean Michel. Je regrette que l’analyse que vous faites de l’Europe de la défense n’ait été rendue publique il y a quelques mois lors du débat sur le retour de la France dans le commandement militaire intégré de l’OTAN. Cette réintégration était en effet justifiée tout autant par le fait qu’il allait faciliter le développement d’une défense européenne que par le fait qu’il permettrait de peser sur la stratégie militaire de l’Alliance atlantique, notamment pour l’intervention en Afghanistan. Sur ces deux points, c’est le contraire qui se passe ; il nous faut désormais regarder la situation en face !

On peut se gargariser de l’effort de la France en matière de défense, mais il faut le relativiser : par rapport au reste de l’Europe, qui consacre à la défense moins de 1 % de son PIB, le taux français de 1,7 % peut paraître satisfaisant, mais par le passé nous y avons consacré jusqu’à 5,2 %. Au début des années 1990, même après la chute du mur de Berlin, nous lui consacrions encore 3,3 %.

L’Europe donne aujourd’hui l’impression d’abandonner sa propre défense et de faire confiance au protectorat américain. Devrions-nous regretter de ne pas avoir accepté les propositions américaines de l’après-guerre ? Devons-nous renoncer à la politique d’indépendance et à tous les choix stratégiques que nous avons faits depuis le général de Gaulle ? Je crois que nous ne devons désespérer ni de l’Allemagne, ni du Royaume-Uni : ces deux pays reviendront un jour, et fortement, dans le secteur de la défense.

Au-delà de l’ensemble des critiques que l’on peut formuler à l’encontre de votre projet de budget, l’une porte plus particulièrement sur le redéploiement du programme Rafale, qui obère 800 millions d’euros sur trois ans et condamne à différer d’autres actions concernant les Mirage 2000D, le système Scorpion ou les ravitailleurs MRTT. Qu’en est-il pour les drones MALE : allons-nous procéder à des acquisitions de matériel américain sur étagère ?

En ce qui concerne les recettes exceptionnelles, vous soulignez que tous les retards ont été intégralement compensés. Ce n’est que partiellement le cas : l’année dernière les mesures compensatrices n’ont couvert que 877 millions d’euros quand nous attendions un milliard d’euros. Il y a donc bien un manque et ce sera probablement la même chose en 2011.

Votre prédécesseur avait critiqué la politique budgétaire de défense menée de 1997 à 2002 qui avait fait l’impasse sur une année complète de la LPM. Mme Alliot-Marie avait promis de rompre avec cette pratique et de respecter toutes les prévisions de la LPM 2003-2008. Or le rapport de nos collègues Patricia Adam, Patrick Beaudouin et Yves Fromion a montré qu’il y avait loin des propos aux réalités. J’espère que ce ne sera pas de nouveau le cas.

M. le ministre. Madame Lamour, désormais nous intégrons systématiquement dans les opérations d’investissement et dans le développement des programmes les coûts de démantèlement, c’est-à-dire les dépenses liées au retrait du service, aux cessions, au développement des filières industrielles de démantèlement.

Le fonctionnement de CHORUS ne devrait plus maintenant causer de soucis aux fournisseurs de la défense et notamment pas aux PME. Nous n’hésitons pas à utiliser une procédure simplifiée de paiements urgents. Si des difficultés persistent, n’hésitez pas à me le signaler pour que nous puissions intervenir au plus vite.

Monsieur Michel, ce n’est pas parce qu’il y a un manque de volonté pour construire l’Europe de la défense qu’il faut jeter l’opprobre sur tout ce pan communautaire. Il faut aussi reconnaître que la construction européenne s’est faite sur la renonciation aux instruments traditionnels de la puissance : jusqu’au milieu des années 1990, on ne parlait pas d’Europe de la défense. Depuis, des progrès très sensibles ont été réalisés : 23 ou 24 opérations ont été menées et des instruments ont été mis en place. La construction européenne se réalise par paliers successifs comprenant des périodes pendant lesquelles les choses progressent grâce au moteur franco-allemand.

Cette lente avancée est sans rapport avec l’OTAN. Néanmoins quand la France parle maintenant d’Europe de la défense, on ne la suspecte plus de vouloir miner l’Alliance atlantique, ce qui nous donne un peu plus de force. Depuis la crise économique, la volonté des Européens d’assurer leur sécurité par eux-mêmes a reculé mais cela résulte de choix nationaux.

Pour les drones, nous avons scrupuleusement respecté l’enveloppe que la LPM leur consacre ; aucune mesure n’est venue réduire ces crédits.

M. Daniel Boisserie. En complément de l’excellente intervention de M. Michel, je me demande, monsieur le ministre, si vous n’attendez pas l’arrivée en Europe de gouvernements plus progressistes pour faire avancer l’Europe de la défense.

Où en sommes-nous de l’évolution des frégates multi-missions (FREMM) ? Disposez-vous de données chiffrées sur ce programme ?

M. Christophe Guilloteau. La France achèterait en ce moment quatre drones aux États-Unis, provoquant ainsi l’émoi des constructeurs français. Interrogé à ce sujet par un de nos collègues, qui n’est pas membre de notre commission, le Premier ministre a indiqué que cet achat répondait à un besoin d’urgence : nos drones étant actuellement déployés en Afghanistan, ceux que nous achèterions serviraient à la surveillance et à la recherche de nos otages en Afrique. Confirmez-vous ces propos ? Nos industriels sont-ils dans l’incapacité de fournir rapidement les équipements voulus ?

M. le ministre. J’observe que, sur le dossier de l’A400M, le gouvernement conservateur britannique est nettement plus allant que ne l’était le précédent gouvernement travailliste, monsieur Boisserie. Nous allons sauver ce programme en dépit des difficultés rencontrées.

La livraison de la première FREMM aura lieu en 2012, pour des annuités moyennes de 400 millions d’euros, avec 369 millions d’euros en 2011 et 466 millions d’euros en 2012. Aucun retard n’est à déplorer.

Dans le domaine des drones, la France a pris du retard, manquant cette évolution technologique. Nous estimions probablement qu’entre l’aviation de combat, les avions de reconnaissance et les satellites, nous étions suffisamment parés. L’armée de l’air a peut-être été également circonspecte sur la perspective d’avions sans pilote. Nous avons néanmoins développé un système de drones intérimaires, avec des réussites variées ; je rappelle que, cet été, nous avons été sur le point de renvoyer la totalité des DRAC car ils ne fonctionnaient pas.

Le SDTI fonctionne tout comme le drone MALE intérimaire, le SIDM Harfang, qui est aujourd’hui déployé en Afghanistan. Nous avons encore du retard par rapport aux drones existants, que ce soit par rapport aux drones américains comme le Predator ou aux drones israéliens, qui constituent la base du SIDM. Nous rencontrons d’ailleurs quelques problèmes de réparation sur ce matériel, les Israéliens n’étant pas toujours très coopératifs en la matière. J’ajoute que le SIDM ne résout pas durablement notre problème puisqu’il est prévu qu’il s’arrête en 2014. Nous avons pourtant besoin de ces appareils : dans l’affaire des otages, ils auraient été précieux.

Je souhaite, bien évidemment, faire travailler l’industrie française. Pour autant, je m’étonne qu’un éventuel achat sur étagère suscite autant de réactions ; nous avons déjà acquis du matériel américain, y compris pour des matériels stratégiques comme les avions AWACS et HAWKEYE ainsi que pour des ravitailleurs contribuant à la dissuasion.

Sur la base des analyses de la direction générale de l’armement et de l’état-major des armées, un comité ministériel d’investissement a examiné les différentes propositions des industriels. Je vous en résume les principales conclusions. Le projet Advanced-UAV obtient un bon résultat pour la souveraineté, avec un délai de réalisation de 8 à 10 ans, un coût très élevé estimé pour la France avec un risque industriel fort.

Le projet SDM, conçu par Dassault et Thalès, n’obtient qu’une note moyenne pour la souveraineté, sa plateforme étant israélienne. Son coût est moins élevé, quoique très supérieur à l’enveloppe LPM, avec une coopération envisageable. Le risque industriel est moyen et le délai de réalisation est de 4 à 5 ans.

Le Predator pose des problèmes de souveraineté ; son délai de réalisation est de 3 ans pour un coût proche de l’enveloppe prévue par la loi de programmation. Aucune coopération n’est envisageable. Le risque industriel est limité voire nul mais aucun retour industriel n’est possible.

Le projet Heron TP a un délai de réalisation de 4 ans pour un coût très supérieur à l’enveloppe LPM. Le retour industriel est nul, sans possibilité de coopération. Le risque industriel est moyen.

Enfin, le projet Mantis de BAE Systems et Dassault a de bons résultats pour la souveraineté avec un délai de réalisation d’au moins 7 ans pour un coût qui reste à expertiser. Il permettrait une coopération entre la France et le Royaume-Uni mais avec un risque industriel fort.

Au vu de ces éléments et sachant que les soldats déployés en OPEX ont un besoin indispensable de drones pour l’observation, il m’est impossible de choisir un système qui ne sera pas opérationnel en temps voulu, pour lequel la coopération n’est pas garantie et pour lequel existe un risque industriel. Il me semble préférable de retenir un système intermédiaire avec en effet un achat sur étagère, tout en cherchant une solution européenne pérenne à moyen terme, permettant à la France et au Royaume-Uni de se situer au meilleur niveau.

Je ne veux pas être celui qui, guidé par un seul souci industriel, aura privé, dans la décennie à venir, les forces françaises des capacités d’observation leur permettant de soutenir les troupes au sol. Dans une telle hypothèse, on oubliera les aspects industriels et on se retournera contre ceux qui auront décidé de ne pas équiper nos forces du matériel nécessaire dans des théâtres difficiles. Je rappelle le précédent des missiles devant succéder au Milan. On nous a reproché d’acheter américain. Mais que fallait-il faire ? Le système proposé par MBDA ne protégeait pas le tireur qui demeurait exposé durant tout le tir et ne pouvait, de surcroît, tirer en espace confiné. Pouvait-on accepter que nos soldats soient ainsi exposés aux tirs ennemis ? Comment expliquer à une famille qui aurait perdu un des siens, que l’aspect industriel et financier a primé sur la sécurité ? Nous avons choisi d’acheter sur étagère, laissant ainsi le temps à MBDA de développer un système abouti.

Pour les drones, la question se pose dans des termes similaires. Si un industriel français ou européen me propose un appareil répondant à nos besoins pour un coût acceptable, je le retiendrai bien évidemment.

M. Jean-Claude Viollet. Je me réjouis de voir que les questions d’air et d’espace suscitent autant d’intérêt ; j’espère qu’elles seront prises en compte et permettront d’infléchir les choix à venir.

Il faut essayer de s’adapter au mieux à la contrainte, y compris pour la gestion du programme Rafale. L’inflexion que vous proposez doit être relevée car elle montre que nous pilotons ce programme de façon dynamique, ce qui n’est pas si fréquent. Pour les raisons industrielles que vous avez exposées, on consent une avance de phase sur livraisons, maintenant ainsi l’outil industriel sans lequel il faudrait mettre fin au programme.

Pour autant, cela nous amène à revoir un certain nombre de programmes, tels que la rénovation des Mirage 2000D, pour laquelle une étude est en cours.

J’ai le sentiment que le rééquilibrage que vous opérez se fait essentiellement au détriment de l’armée de l’air. Je tiens donc à m’assurer que les mesures prises respectent le schéma d’ensemble sur le plan opérationnel et budgétaire, mais aussi industriel et technologique. Est-ce que ces changements modifient le contrat opérationnel des armées et, partant, affectent notre base industrielle et technologique ?

De la même façon, nous devons examiner plus précisément l’effet de la réforme des retraites sur les armées, les militaires étant également concernés par le projet de loi. Le texte aura des conséquences sur les situations individuelles, sur le volume et la structure des effectifs ainsi que sur les rémunérations. Quelles en seront les répercussions sur l’évolution des ressources humaines ?

Vous avez évoqué les différentes solutions pour les drones mais n’avez pas mentionné la proposition de dernière minute de la part de l’industriel qui a produit l’Harfang. Il nous disait ne pas pouvoir continuer à fournir du matériel sur cette ligne, mais, en raison de l’annonce d’autres prospects, il semble avoir trouvé une solution et on ne peut que s’en réjouir. Il s’agirait de compléter le parc Harfang avec des coûts limités : quelques vecteurs supplémentaires au coût unitaire d’une vingtaine de millions d’euros. Cette proposition mérite d’être examinée avec attention car elle permettrait de garder un parc homogène ; la multiplication des petits parcs ne me semble pas de bonne gestion car nous avons des chaînes logistiques à tenir. Je note par ailleurs que notre station au sol actuelle est très ergonomique, contrairement à celle du Predator, comme j’ai pu le constater sur les différents théâtres. Enfin, nous maîtrisons parfaitement le système Harfang grâce à des équipes bien formées, y compris sur le plan industriel et en projection pour assurer le soutien.

Au final, le système fonctionne aussi bien en opérations, comme nous l’avons vu à Bagram, que sur le territoire national.

Le budget prévu pour l’ensemble des drones tactiques et des drones MALE au titre de la LPM est très modeste avec 280 millions d’euros. Pour les seuls drones MALE, l’enveloppe n’est que de 139 millions d’ici à 2014, montrant bien qu’aucune solution nouvelle n’est envisageable pour ces seuls équipements.

En l’absence des ressources suffisantes, il faut donc trouver des solutions intelligentes et essayer de regrouper les besoins. Un complément du parc Harfang, au prix indiqué, permettrait de faire évoluer le système qu’il s’agisse de l’optique, du radar ou de l’accroche laser. Il permettrait aussi de vérifier les besoins militaires et de rassembler les meilleurs industriels, notamment au niveau européen afin de préserver une capacité aéronautique de défense en Europe. Les Britanniques pourraient d’ailleurs nous rejoindre. À partir des bases mises en place en commun, peut-être pourrons-nous demain travailler ensemble à la mise en œuvre du projet Neuron, l’avion de combat du futur.

Nous avons donc des solutions européennes ; nous n’aurions rien à gagner à procéder à des achats sur étagère, quelle que soit la solution retenue : dans tous les cas, cela poserait un problème majeur d’indépendance stratégique.

Mme Françoise Hostalier. Les résultats du sondage dont vous avez fait état prouvent la confiance des militaires dans leur institution et en vous-même, ainsi que leur sens du devoir. Ce qui ne les empêche pas d’avoir des doutes et des inquiétudes devant l’importance des efforts qui leur sont demandés. Il a été fait état des gendarmes ; je tiens à rappeler que ces militaires engagent quotidiennement leur vie au service de notre sécurité. Un jeune gendarme est d’ailleurs mort en service il y a quelques jours dans ma circonscription.

J’aimerais revenir sur les conséquences des mesures d’économie. Quel sera l’impact des contrats d’équipement qui ne seront pas honorés sur nos industries de défense ?

Un bilan des onze premières bases de défense devait être établi, avant de procéder à la généralisation du modèle. La représentation parlementaire pourrait-elle en disposer ? L’externalisation peut être une bonne chose mais il faut aussi garantir l’accès aux marchés pour les entreprises françaises.

Nous allons connaître un redimensionnement très important des effectifs dans les années qui viennent. Nous disposons certes d’une panoplie complète mais serons-nous encore en mesure de respecter nos engagements vis-à-vis de l’OTAN et de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) avec des moyens réduits ?

M. le ministre. Concernant les drones, nous attendons les analyses et les estimations relatives au Harfang, sachant que la DGA nous a déjà alertés sur certaines obsolescences du système. Je ne serai pas le ministre de la défense à l’origine d’une rupture capacitaire, ni celui qui signera des chèques que nous ne pourrons ensuite payer.

Dans cette affaire, il ne faut pas exagérer les problèmes de stratégie et de souveraineté. Les SIDM comportent bien une plateforme israélienne. Les AWACS et les HAWKEYE ne sont pas davantage fabriqués par des entreprises françaises, alors qu’ils constituent l’élément central du contrôle de notre espace aérien puisque toute la stratégie de l’armée de l’air repose sur la complémentarité des moyens de combat avec un système de surveillance aérienne assuré par les AWACS. En outre, dans les discussions que nous menons avec les Américains, la souveraineté est prise en compte comme clé du dispositif. Je n’ai donc aucun souci là-dessus et rien à cacher : je suis prêt à vous montrer le dossier. Mais on ne peut pas dire qu’il existe des solutions françaises au même prix que l’achat sur étagère.

Sur le plan budgétaire, on ne peut mener tous les programmes à la fois ; il nous faut établir des priorités. C’est ainsi que la rénovation des Mirage 2000D se trouve retardée par l’accélération de la livraison des Rafale. Vaudrait-il mieux ponctionner les crédits des matériels terrestres ? On retarde certaines composantes de Scorpion, mais nous avons absolument besoin du reste : il faut bien remplacer les véhicules de l’avant blindés (VAB) et les VBCI commencent seulement à arriver dans les forces.

À partir de 2015 ou de 2016, sauf effort budgétaire particulier, nous souffrirons d’une impasse capacitaire de trois ou quatre ans affectant la marine de présence et de souveraineté dans les départements et les collectivités d’outre mer (DOM-COM) car les nouveaux bâtiments ne seront pas encore prêts.

J’ai donc fait le choix de faire porter l’effort sur la rénovation des Mirage 2000D car j’ai estimé que l’augmentation des livraisons de Rafale nous permettait de le faire sans nuire à nos capacités opérationnelles.

L’équation budgétaire résulte d’un arbitrage permanent et insatisfaisant entre les préoccupations opérationnelles des armées et les préoccupations industrielles, entre le besoin des forces et la protection de notre industrie nationale : c’est la quadrature du cercle pour tous les ministres de la défense.

S’agissant des bases de défense, je suis favorable à ce que le général Cambournac, maître d’œuvre de la transformation du ministère, et le général Rouzaud, commandant interarmées du soutien (COMIAS), viennent devant votre commission pour vous présenter une analyse précise de l’ensemble des réformes et vous indiquer quel bilan ils tirent des premières réalisations. Ils pourront vous dire quelles sont leurs difficultés et vous expliquer ce qui reste à réaliser.

Les externalisations ne présentent pas de risque pour les entreprises françaises dans le domaine de l’alimentation. En ce qui concerne l’habillement, le processus est engagé ; mais l’habillement de base n’est déjà plus réalisé en France. En revanche, une partie de la production reste nationale pour les fibres technologiques, mais elle est marginale. Je veille surtout à éviter les situations oligopolistiques : j’ai demandé que les appels d’offres soient rédigés de telle sorte que les PME puissent y répondre afin d’irriguer l’ensemble du tissu économique et pas seulement les deux ou trois grands groupes qui rafleraient la totalité du marché.

Nos contrats opérationnels n’ont pas été modifiés, même si nous ne les remplissons pas à 100 %. Toutefois, nous sommes en mesure de respecter nos engagements à l’égard de l’OTAN. Dans le cadre de sa réorganisation, l’Alliance va réduire ses effectifs de 2 000 à 3 000 personnes, ce qui nous permettra également de réduire les nôtres.

M. Jean-Jacques Candelier. Je voudrais, pour ma part, exprimer quelques inquiétudes. Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), la saignée continuera en 2011 avec la suppression de 8 415 postes s’inscrivant dans l’objectif global de 54 000 suppressions en six ans. Ces chiffres sont d’autant plus préoccupants que la reconversion des soldats semble assez difficile.

Les recettes exceptionnelles annoncées me paraissent également incertaines. Où en est-on exactement ?

En ce qui concerne l’A400M, comment s’établit l’équilibre financier ? Les délais de livraison seront-ils respectés ?

Enfin, je considère que nous nous enlisons en Afghanistan. Le coût de notre présence est faramineux avec déjà 49 soldats tués. Parviendrons-nous à en sortir ?

M. Christian Ménard. Quels sont, monsieur le ministre, vos projets concernant Djibouti ? Les effectifs des forces qui y sont ont été considérablement réduits. Cette évolution va-t-elle se poursuivre alors que l’endroit est particulièrement stratégique et que la piraterie maritime et le terrorisme s’y développent ? Les Américains, les Japonais et d’autres puissances ne s’y trompent pas et y installent des forces.

Quelle réponse la France et l’Europe apportent-elles au code de conduite de Djibouti ?

Enfin, quel est l’avenir de l’hôpital Bouffard, emblème de la France sur place et très utile à la population comme à nos personnels ?

M. le ministre. En dépit de la crise, la reconversion des militaires, particulièrement pour les officiers et les sous-officiers, enregistre des taux exceptionnels ; la situation est plus difficile pour les hommes du rang. Auparavant, chaque armée disposait de son propre mécanisme de reconversion. Désormais, l’agence nationale de reconversion, qui regroupe et restructure la totalité du système, poursuit un objectif de 80 %, aidée en cela par la mise en place d’un système une gestion prévisionnelle des ressources humaines. À cette fin, j’ai signé une vingtaine de conventions avec de grands groupes français, notamment dans la banque et les assurances.

Pour ce qui est de l’entrée en service de l’A400M, chaque pays concerné a indiqué ses éventuelles réductions de cibles. Nous attendons maintenant des engagements très précis de l’industriel, notamment sur le calendrier car jusqu’à cinq versions de l’appareil se succéderont. Pour connaître les délais de livraison, un certain nombre d’hypothèques techniques, s’ajoutant à celles déjà connues, doivent être préalablement levées : cette responsabilité relève pour l’essentiel de Thalès. Nous prenons toutes les garanties nécessaires vis-à-vis de l’industriel car nous avons absolument besoin de cet avion : il faut éviter de nous retrouver, en 2013 ou en 2014, en face d’un constructeur qui n’aurait pas pu tenir ses engagements.

M. le président Guy Teissier. Avez-vous retenu une date pour la conclusion définitive du contrat ?

M. le ministre. Nous prévoyons de signer le contrat avant la fin de l’année ; la première livraison se faisant en 2013 mais sans que le premier appareil ne dispose de toutes ses capacités ; les systèmes de suivi de terrain (flight management system), qui dépendent de Thalès, donneront lieu à des livraisons incrémentables.

Je ne connais pas le code de bonne conduite que monsieur Ménard évoque pour Djibouti. En quoi consiste-t-il ?

M. Christian Ménard. Il s’agit d’une demande faite en janvier 2009 par neuf États de la région pour être aidés dans la formation de corps de garde-côtes, pour la création de centres de renseignements, à Sanaa, à Dar es Salam et à Djibouti, et pour obtenir le soutien de patrouilleurs et d’autres navires.

M. le ministre. Je n’ai pas d’élément de réponse à vous fournir immédiatement à ce sujet.

Pour ce qui est des forces prépositionnées à Djibouti, nous allons progressivement réduire d’environ 1 000 hommes notre dispositif.

M. Christian Ménard. Tandis que les Japonais et les Américains développent leur présence dans le secteur.

M. le ministre. La nôtre demeure forte avec encore 2 000 hommes. De plus, nous avons créé une base aux Émirats arabes unis. Nous maintenons notre coopération, à laquelle le Président Guelleh est très attaché, notamment en matière de santé, ainsi que le centre d’entraînement au désert. Enfin, s’agissant de l’hôpital, nous maintiendrons un certain nombre d’éléments, ne serait-ce que pour assurer des soins de qualité à nos ressortissants sur place.

M. Philippe Nauche. Quelles sont les conséquences financières et politiques de notre retour dans le commandement intégré de l’OTAN ? Aura-t-il une incidence sur la définition de la stratégie de l’Alliance ? Des améliorations ont-elles été apportées aux disparités très importantes de statut existant entre les militaires français et ceux des autres pays ?

Vous n’avez pas répondu à la question posée sur le problème des retraites des militaires. Le secrétaire d’État à la fonction publique nous a expliqué que, par définition, le ministère de la défense était solidaire du projet du Gouvernement. Mais l’étude d’impact sur les retraites ne porte pas la marque de ce ministère, notamment pour ce qui est de l’allongement de la durée de cotisations de 15 à 17 ans et pour un certain nombre de mesures d’âge qui semblent en contradiction avec les dispositions que nous avons votées au mois de juillet dernier.

En matière d’externalisation, tant le général Georgelin, hier, que l’amiral Guillaud, aujourd’hui, distinguent le soutien opérationnel de celui qui ne l’est pas et l’on peut comprendre les décisions prises sur la restauration et l’habillement. Toutefois, comme Mme Martine Lignières-Cassou qui est préoccupée par cette question, on peut s’interroger sur le choix d’une telle option pour l’entraînement des parachutistes à Pau.

Une partie de la consommation budgétaire semble liée au remboursement des avances auxquelles procède le ministère de la défense pour les OPEX. Si le budget général n’effectue le remboursement qu’au 30 décembre, vous rencontrerez nécessairement un problème de réalisation des dépenses qui ne peuvent toutes se faire au cours du dernier jour de l’année.

M. Francis Hillmeyer. Dans le contexte actuel de menace terroriste, comment s’effectue le renforcement du dispositif Vigipirate ? Quelles incidences a-t-il sur d’autres actions militaires ? Quel en est l’impact financier ?

Dans le dossier de presse, le paragraphe sur la coopération européenne est particulièrement succinct et vague. On cite des pourcentages mais non les montants bruts. Peut-on obtenir plus de précisions à ce sujet ?

M. le ministre. Les effectifs affectés à Vigipirate ont été accrus d’une centaine de personnes il y a trois semaines. Nous fournissons un volume de personnels militaires affectés à l’opération, sur lequel le ministère de l’intérieur exerce un droit de tirage. Je sais qu’il a déjà mobilisé par exemple une soixantaine d’hommes sur l’Île-de-France.

Monsieur Nauche, plusieurs programmes de coopération européenne sont en cours, notamment dans le cadre de l’agence européenne de défense. Nous avons comme perspective la réalisation de l’hélicoptère lourd mais je n’y crois plus beaucoup en raison de la réduction du budget allemand. Notre collaboration avec les Britanniques est plus avancée. La lutte contre les engins explosifs improvisés comporte toute une série d’actions. Il faut également mentionner les recherches sur l’insertion des drones dans l’aviation civile et sur la furtivité. Au total, nous devons investir 100 millions d’euros au titre de la coopération européenne, comprenant à la fois la coopération multilatérale et bilatérale.

Avec les Britanniques, nous devrions engager après 2020 un important programme de collaboration pour le drone du futur devant succéder à ceux aujourd’hui existants.

Concernant le remboursement OPEX en collectif de fin d’année, les crédits qui ne seront pas consommés seront reportés. On ne perd donc jamais rien.

L’impact budgétaire de la réforme des retraites est certain mais je ne dispose pas ici du montant des économies prévisibles. Nous devrons, dans le cadre de la réforme, résoudre le problème des carrières courtes et celui du minimum garanti.

Nous sommes aujourd’hui totalement insérés dans l’ensemble des dispositifs de l’OTAN. La France peut y exercer toute son influence et elle y joue tout son rôle : elle est écoutée, encore plus que par le passé, n’étant plus dans une position intermédiaire où elle était membre de l’Alliance mais sans participer au commandement intégré. Notre pays a soutenu la réforme de l’Alliance atlantique, particulièrement de sa bureaucratie : 3 000 postes seront ainsi supprimés grâce au combat que j’ai mené avec mes collègues britanniques successifs et auxquels les Américains ont fini par se joindre. En décembre à Lisbonne, on opérera une vraie réorganisation des états-majors et des structures. En 2011 seront supprimées des structures de l’Alliance atlantique qui n’avaient plus aucun sens. Ce combat, nous l’avons gagné notamment parce que nous sommes désormais un partenaire à part entière. Cela ne nous empêche nullement d’exprimer par ailleurs nos réserves sur la défense antimissile balistique, ni d’affirmer nos positions sur la stratégie de défense globale, ni d’indiquer que l’Alliance atlantique ne saurait s’étendre à l’infini, contrairement à ce que pensent parfois les Américains. Nous avons ainsi, avec l’Allemagne, bloqué les entrées de l’Ukraine et de la Géorgie, position qui s’est révélée judicieuse par la suite.

Les externalisations ne doivent pas s’appliquer aux activités opérationnelles directes mais la formation n’en fait pas partie puisque des entreprises interviennent déjà à Cognac ou à Dax pour la formation. Acheter des heures de vol pour permettre aux parachutistes d’apprendre à sauter ne modifie en rien la problématique opérationnelle. Nous devons aussi tenir compte de la totale obsolescence de notre flotte d’avions de transport tactique avec une disponibilité extrêmement faible. Nous allons acheter huit avions CASA pour maintenir nos capacités, mais il me paraît préférable de les affecter à des opérations plutôt qu’à de la formation.

M. Patrick Beaudouin. Quels moyens sont mis en œuvre pour renforcer la lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane où la violence paraît augmenter ?

M. Philippe Folliot. Ce budget n’a pas dû être facile à établir en raison des contraintes financières, d’un contexte international difficile et des mauvaises surprises que réservent parfois certains matériels nouveaux, notamment en matière de maintien en condition opérationnelle (MCO). De cette quadrature du cercle, la défense sort plutôt dans de bonnes conditions.

Pourquoi les actions civilo-miltaires (ACM) ne font-elles l’objet que de courts développements dans le dossier de presse alors qu’il s’agit d’un sujet d’importance ?

Quand et dans quelles conditions, pourrons-nous sortir de l’opération menée au Kosovo ? Nous y avons conduit des actions difficiles, notamment dans le Nord, où la présence de nos militaires est plébiscitée par les populations. À l’avenir, comment tirer un profit politique de ce qu’a été notre engagement militaire ?

M. le ministre. Monsieur Beaudouin, 450 personnels sont affectés en permanence à la lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane. L’excellente collaboration des armées avec les forces de gendarmerie permet de mener des actions de police judiciaire. Je ne peux que me féliciter du travail fourni par nos armées, dans des conditions pourtant très difficiles. La violence s’accroît, notamment avec l’augmentation du nombre de Brésiliens traversant la frontière. Nous avons eu récemment à déplorer un mort lors d’un affrontement entre pirogues.

Les actions civilo-militaires en Afghanistan bénéficient de crédits européens mais la France ne leur consacre que peu de moyens, de l’ordre de quelques centaines de milliers d’euros chaque année, qu’elle complète sur place par des montages ingénieux, permettant de créer des écoles, de construire des ponts ou de développer des actions dans les domaines de l’agro-alimentaire, de l’irrigation, de l’électrification et de la santé. Il faut y ajouter les actions du service de santé des armées (SSA).

Au Kosovo, nous engageons 750 personnels. Il faut désormais changer de registre et passer à une action civilo-militaire afin de former la police et la justice locales. Pour manifester sa solidarité, la France est restée aussi longtemps que la communauté internationale n’a pas décidé de passer d’une phase à une autre. Mais la présence de forces armées ne se justifie plus aujourd’hui compte tenu de la stabilité acquise. Cela dit, compte tenu des difficultés que nous éprouvons à mettre en place la génération de forces, il est probable que nous maintiendrons nos troupes un peu plus longtemps que nous ne l’avions prévu et tant que la relève ne sera pas assurée.

M. Gérard Charasse. Monsieur le ministre, nous vous avons accueilli il y a quelques mois, sur le site du détachement Air 277 à Varennes-sur-Allier. À cette occasion, nous vous avions interrogé sur l’avenir du site, compte tenu notamment de son poids économique dans la zone et dans le département. Or nous venons d’être informés par l’autorité militaire qu’il serait désormais rattaché à la base de défense de Clermont-Ferrand. Pouvez-vous nous apporter quelques précisions sur les conséquences militaires et civiles de ce transfert ? Les personnels, militaires et civils, éprouvent en effet une certaine inquiétude.

M. Yves Vandewalle. Monsieur le ministre, je partage largement ce qu’a dit Jean-Claude Viollet à propos des drones. Vous nous avez indiqué, à juste titre, que l’acquisition de matériel militaire devait d’abord satisfaire les besoins des armées avant de satisfaire ceux des industriels. On ne peut également que partager votre souci de disposer du meilleur équipement possible au meilleur coût. Les prix que vous nous avez annoncés sont-ils des prix d’acquisition ou bien des coûts de possession ? S’agissant en particulier des drones Predator, allez-vous en acheter une version améliorée, comprenant le décollage et l’atterrissage automatiques et une nouvelle station à ergonomie améliorée, ou bien envisagez-vous d’acheter le système actuel qui présente de graves défauts notamment une forte attrition ?

La fiabilité des matériels est par ailleurs fondamentale. Nous disposons sur le Harfang d’une liaison par satellite d’excellente qualité, alors que les Américains eux-mêmes avouent rencontrer des problèmes fréquents de rupture de liaison satellite avec le Predator, sans oublier le fait que leurs liaisons sont plus coûteuses.

M. le ministre. Je propose d’organiser, pour les membres de la commission qui le souhaitent, une réunion de travail consacrée aux drones et au cours de laquelle je vous ouvrirai les dossiers.

J’ai déjà indiqué aux industriels que l’essentiel était de procurer aux armées les capacités dont elles ont besoin. Je souhaite aussi que ce soit au meilleur coût et compatible avec nos moyens budgétaires. Je n’ai pas encore choisi d’acheter des Predator. Le délégué général pour l’armement a réalisé un premier audit sur ce programme. Pour avancer dans les discussions, il nous faudra envoyer un courrier officiel aux Américains car l’achat de drones par un pays étranger est soumis à l’autorisation du Congrès. Nous avons enfin toute une série de questions à résoudre, notamment sur la souveraineté et l’acquisition des images.

Je suis prêt à vous communiquer tous les éléments de ce dossier, car il faut aussi que vous sachiez ce que disent les industriels français sur leurs concurrents, étrangers ou compatriotes.

M. le président Guy Teissier. Ne pourrait-on imaginer un marché consistant à acheter des Predator contre la vente d’Airbus A330 ?

M. le ministre. Monsieur Charasse, j’ai écrit aux parlementaires concernés pour les informer de la décision prise concernant le détachement Air 277 de Varennes-sur-Allier. La logique imposait de fermer cette base. Je me suis rendu sur place et, à la lecture du tableau des effectifs année par année, j’ai constaté une déflation importante de ceux-ci compte tenu de la pyramide des âges. Sur les 110 ou 120 personnels civils employés à la base, 60 partiront dans les cinq années qui viennent. On peut donc organiser les choses sans drame social et programmer une fermeture progressive de Varennes-sur-Allier, en coordination avec les bases de Moulins et de Clermont-Ferrand à laquelle le site sera rattaché. La dimension sociale et humaine du dossier m’a préoccupé avant tout.

II. —  AUDITION DE L’AMIRAL ÉDOUARD GUILLAUD, CHEF D’ÉTAT-MAJOR DES ARMÉES

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu l’amiral Édouard Guillaud, chef d’état-major des armées, sur le projet de loi de finances pour 2011 (n° 2824) au cours de sa réunion du mercredi 6 octobre 2010.

M. le président Guy Teissier. Nous recevons ce matin le chef d’état-major des armées, l’amiral Édouard Guillaud, à qui je souhaite la bienvenue en votre nom à tous.

Nous avons hier entendu le ministre de la défense nous présenter les grandes lignes du budget, vous allez nous détailler leur impact sur nos armées.

Par ailleurs, je souhaiterais que vous nous fassiez aussi le point sur les opérations extérieures. Leur coût pour 2010 semble stabilisé à 867 millions d’euros. Comment seront-elles financées à la fin de l’année ? Quelles sont les perspectives pour 2011 ? Je crois savoir que cette année encore la provision inscrite au budget est en augmentation, ce qui est une bonne chose. La situation au Sahel conduit en effet à être prévoyant.

Je souhaite que vous évoquiez bien évidemment les opérations en Afghanistan. Vous étiez récemment, avec le général Irastorza, en inspection au centre de préparation des forces de Mailly pour rencontrer les militaires qui s’apprêtent à partir. Par ailleurs, l’offensive autour de Kandahar a été engagée ; vous nous donnerez ses objectifs et peut-être d’ores et déjà une estimation du résultat. De même, si j’en crois les déclarations du général David Petraeus, des talibans auraient approché le gouvernement afghan et les forces de l’OTAN, et sont prêts à commencer des discussions.

Amiral Édouard Guillaud, chef d’état–major des armées. En préambule, je tiens à remercier les élus pour le soutien qu’ils apportent à nos unités, à nos bases, à tous nos organismes.

Votre présence et votre action sont déterminantes : elles sont attendues et appréciées par les hommes et les femmes de la Défense, militaires et civils, personnel d’active ou de réserve.

Ils méritent de se sentir soutenus et reconnus dans l’accomplissement des missions que leur confie la représentation nationale, au service de la défense et de la sécurité des Français.

Pour introduire mon propos liminaire sur le projet de loi de finances (PLF), je citerai le Président de la République : « La défense est le fer de lance de notre diplomatie, de notre sécurité, de notre rang ».

Et ce fer de lance, ce sont plus de 11 000 hommes des armées engagés, au quotidien, sur des théâtres d’opérations extérieures et sur le territoire national, au service de la sécurité de notre pays et de nos concitoyens.

Parallèlement, nous conduisons la réforme la plus importante depuis celle de Pierre Mesmer après la fin de la guerre d’Algérie.

La plus importante, mais pas la plus visible, parce que nous serons probablement les seuls à aller au bout de l’exercice en serrant les dents !

Ce n’est pas pour autant un chemin semé de pétales de roses ! L’exercice est très difficile, d’autant plus difficile que l’irruption de la crise économique et financière vient singulièrement compliquer la donne. J’y reviendrai.

Mais d’abord, je souhaite aller à l’essentiel de ce que nous sommes : des militaires, et de ce que nous faisons : des opérations.

Ces opérations sont plus complexes, et ce pour plusieurs raisons.

Elles sont d’abord lointaines et multinationales pour la majeure partie d’entre elles ; l’adhésion de la nation n’en est que plus difficile.

Elles sont ensuite inscrites dans la durée : le temps du verbe n’est pas celui de la résolution des crises sur le terrain, qui sont toujours de nature politique et jamais exclusivement militaire. La bataille décisive de Clausewitz n’a plus cours aujourd’hui : nous sommes au sein de l’ONUST depuis 1948 (surveillance de la trêve en Palestine), au Liban depuis vingt-huit ans, au Kosovo depuis plus de dix ans, en République de Côte d’Ivoire (RCI) depuis huit ans.

Elles sont complexes aussi parce que le prix du sang est plus lourd qu’il y a dix ans et de moins en moins supportable par nos opinions publiques : 19 tués depuis le début de l’année et 104 blessés.

Elles engagent des moyens à la fois plus comptés quand les besoins vont croissant.

Enfin, elles sont sous l’emprise d’une judiciarisation qui suit les évolutions de nos sociétés occidentales, et ce phénomène n’est pas uniquement français. La mort d’un soldat dans la vallée d’Afganya est traitée comme un accident de la circulation sur l’A6.

Un soldat qui meurt au service de son pays est considéré comme une victime et non pas comme un héros ! Voilà qui déstabilise !

Je commencerai par vous parler de l’engagement des armées sur le territoire national. Pourquoi ?

Parce que, on l’oublie, c’est notre deuxième théâtre d’engagement, avec environ 2000 soldats qui chaque jour participent à la défense de notre souveraineté, à la protection de notre territoire et à la sécurité de nos concitoyens.

Notre participation à la défense de notre souveraineté s’effectue au travers de deux opérations principales. En premier lieu, HARPIE et la lutte contre l’orpaillage clandestin en Guyane : les FAG (Forces armées en Guyane) engagent en moyenne 330 militaires par jour dans cette opération. Deuxièmement, la lutte contre l’immigration clandestine à Mayotte.

Notre participation à la protection du territoire national passe par le dispositif VIGIPIRATE (734 hommes par jour en moyenne), mais aussi par la sécurité et la sûreté aériennes (posture permanente de sûreté (PPS) Air avec 217 hommes par jour), ainsi que par l’action de l’État en mer et la sauvegarde maritime (PPS mer avec 200 hommes par jour). Elle passe également par l’opération HEPHAISTOS l’été, pour les feux de forêts. 170 militaires ont ainsi été engagés du 29 juin au 19 septembre derniers.

La protection de nos concitoyens consiste aussi à faire face quand les autres administrations sont débordées par l’étendue de la crise. Nous sommes les spécialistes de l’extrême et du chaos. Nous sommes alors présents pour compléter les capacités qui leur manquent ou leur donner le temps de s’organiser. Nous sommes là et nous serons toujours là.

Cette année, ce fut le cas à l’occasion de Xinthia (avec 155 évacuations par hélicoptères militaires, sept kilomètres de rétablissement d’itinéraires, six kilomètres de reconstruction de digues ; 150 hommes mobilisés pendant un mois).

Ce fut aussi le cas pour les inondations du Var le 15 juin dernier (avec 300 hélitreuillages et 600 militaires engagés pendant plus d’un mois, soit le volume moyen d’un régiment).

Il ne s’agit pas de rentrer dans une logique de chiffres mais simplement de vous montrer que les armées s’engagent avec leurs capacités disponibles quand notre pays est menacé dans ses frontières, quand nos concitoyens sont démunis et dans l’épreuve.

J’en viens maintenant à nos théâtres d’opérations extérieures, où s’exerce aussi la défense de la France et de ses intérêts.

Je commencerai par le Kosovo, parce que c’est un théâtre proche, un théâtre européen. Le désengagement est progressif et maîtrisé, en concertation avec nos alliés ; notre présence a été divisée par deux depuis un an. Au printemps 2011, après le passage en « Gate 2 », nous devrions encore réduire de plus de 50 % notre contribution. Nous garderons sur place le volume d’une grosse compagnie française, sur les ressources de la brigade franco allemande, au sein d’un bataillon multinational.

Deuxième théâtre : la République de Côte d’Ivoire. Depuis l’été, la RCI semble enfin s’être engagée dans un cycle vertueux qui pourrait enfin se conclure par des élections présidentielles avant la fin de l’année 2010 (le premier tour est prévu le 31 octobre). Je suis optimiste, même si tout n’est pas encore réglé (logistique électorale, désarmement, démobilisation, réinsertion (DDR)) : nous pouvons espérer une poursuite du processus électoral dans des conditions viables.

Sur place, nous disposons d’un bataillon de 900 hommes, dont un escadron de gendarmerie, ce qui constitue un volume suffisant pour protéger les sites nécessaires à l’organisation d’une éventuelle évacuation de nos ressortissants, en cas de crise sécuritaire grave. J’ai le sentiment que la question n’est plus celle des élections mais du jour d’après. Les négociations entre les différentes parties autorisent un certain optimisme.

Quelle est la nature des relations, y compris militaires, que la Côte d’Ivoire et la France souhaiteront développer, une fois un Président élu ? Ceci déterminera notre posture future.

Troisième théâtre : le Liban et la FINUL. La situation reste sensible, vous le savez. S’agissant de la FINUL, elle a fait ce qu’elle devait faire : elle a permis l’arrêt des hostilités malgré de petites explosions de violence, et bon an mal an, elle a offert quatre ans de non-belligérance.

Je pense qu’elle est arrivée au bout de ce qu’elle pouvait faire militairement. La routine étant le plus grand poison des opérations des Nations Unies - qui n’en ont pas besoin -, nous devons réfléchir à son avenir. On ne peut pas continuer à entretenir la FINUL juste pour faire flotter la bannière des Nations Unies au Liban.

Le département des opérations de maintien de la paix (DOMP) en est conscient, qui travaille sur une réorganisation du dispositif militaire.

Je souhaite rappeler certains chiffres : La FINUL compte 11 000 hommes « à terre » déployés sur une zone de 1 200 kilomètres carrés, soit neuf hommes par kilomètre carré.

Si l’on ajoute à ce ratio les effectifs des Forces armées libanaises (FAL) déployés au sud du Litani (4 000 hommes… au lieu des 15 000 hommes auxquels le Gouvernement libanais s’était engagé), on arrive à douze hommes par kilomètre carré ; ce qui est à comparer aux 50 000 hommes déployés au Kosovo au plus fort de la crise (cinq hommes par kilomètre carré).

Par ailleurs, le déploiement de la FINUL coûte 392 millions d’euros par an à l’ONU ; nous en payons une quote-part de 7,56 %.

Nous adaptons notre dispositif pour prendre en compte les évolutions du théâtre. Progressivement, nous remplaçons nos engins chenillés AMX 10P par des VBCI et bientôt nos canons AUF1 par des CAESAR. Les chars Leclerc seront rapatriés après avoir joué leur rôle dissuasif.

Quatrième théâtre : ATALANTE, opération de l’Union européenne. Cette opération est un succès militaire, qui se traduit par une baisse de 20 % du nombre de navires piratés cette année. Mais c’est un succès relatif car 90 % des pirates interceptés sont relâchés. Le traitement juridique des pirates est dans l’impasse ; les accords régionaux, notamment avec le Kenya et Maurice, s’essoufflent et l’Union européenne peine à trouver des solutions.

La piraterie n’a pas de solution militaire. Nous sommes là pour faire baisser la pression. La solution est à terre. Elle est globale et avant tout politique, dans la sous région.

Autre théâtre, nouveau : le Sahel. Vous le savez, l’actualité des otages éclaire cette région, qui appartient à l’arc de crise parfaitement identifié dans les travaux du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

En quarante-huit heures, nous avons déployé un dispositif de surveillance et de renseignement aérien basé pour l’essentiel au Niger, complété par un plot de soutien logistique basé au Sénégal.

La montée en puissance d’AQMI (Al–Qaida au Maghreb islamique) est une vraie menace dans une zone grande comme l’Europe, à cheval sur plusieurs pays dont la situation politique est difficile. Et ce, à la fois pour nos ressortissants, nos intérêts stratégiques et la stabilité de cette région du monde. Nous voulons éviter que cette menace ne s’étende géographiquement.

Au-delà des otages, il convient de bien réfléchir aux stratégies que nous souhaiterions mettre en œuvre dans cette zone à hauts risques. Nous devons prendre garde de ne pas fournir à AQMI l’ennemi dont il a besoin pour exister et prospérer. Là encore, il n’y a pas de solution uniquement militaire. Mais nos bases en Afrique, notamment au Tchad, au sein du dispositif Épervier, nous permettent aujourd’hui d’être présents au-dessus du Sahel.

Dernier théâtre : l’Afghanistan. Il constitue aujourd’hui le cœur de notre engagement opérationnel : il requiert au quotidien toute mon attention. 4 000 hommes y sont déployés.

Après six mois d’une intense préparation opérationnelle sans équivalent, ceux-ci sont engagés six mois dans des opérations de guerre. Il s’agit d’une guerre de contre–insurrection, lente et longue, où nos soldats payent le prix du sang leur engagement au service de la France.

Vous le savez, la perception et l’évolution de cette guerre sont soumises à la pression des incidents quotidiens. Or, l’évaluation objective de la situation demande du temps et du recul.

Neuf mois après le début des grandes opérations de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) (opérations Mostharak en Helmand et Hamkari à Kandahar), il est effectivement trop tôt pour tirer un bilan définitif, même si l’agenda politico-militaire impose un objectif de court terme.

Mais, n’en déplaise aux Cassandres ou autres défaitistes, nous remportons des succès en Afghanistan. Je ne dis pas que nous avons gagné, je dis simplement que la stratégie adoptée et mise en œuvre avec nos alliés commence localement à porter des fruits. J’en donnerai trois exemples. Lors d’un séjour en Afghanistan en juillet dernier, j’ai survolé Kaboul et j’ai pu constater que les nombreux embouteillages n’étaient plus dus aux camions militaires mais plutôt aux camions civils, notamment ceux du bâtiment. Deuxième exemple, les cheminées de briqueterie se multiplient, on en construit partout. Enfin, je rappellerai qu’en Europe, pour 100 000 habitants, on compte un mort violent par an. Ce chiffre est de cinq aux États-Unis, de vingt-cinq en Amérique latine et de cent à Caracas. À Kaboul, en tenant compte des attentats, ce chiffre est de quatre et s’élève à huit pour l’ensemble de l’Afghanistan.

Il reste vrai que toute solution uniquement militaire est vouée à l’échec.

Nous avons commencé à créer les conditions d’une « afghanisation » crédible pour une transition possible selon un calendrier que nous construisons en concertation avec nos alliés.

Après deux ans en Kapisa Surobi, nous enregistrons des signaux positifs.

Même si l’insurrection reste active dans ses sanctuaires, les forces afghanes et françaises ont étendu leur emprise, notamment sur les vallées de Tagab, la plus difficile, et d’Uzbeen, tristement célèbre. Et l’État afghan rétablit progressivement son autorité. Par exemple, le gouverneur de la province de Kapisa nous posait des difficultés et en insistant auprès du président Karzaï, ce gouverneur a été relevé.

Tout récemment, les élections parlementaires ont pu se dérouler dans des conditions satisfaisantes : l’insurrection n’est pas parvenue à perturber sérieusement la journée électorale. En Kapisa Surobi, seuls quatre bureaux de vote sur une centaine n’ont pas ouvert !

Un autre indice est significatif : depuis le 1er août, moins d’engins explosifs improvisés (EEI) sont posés ; et plus de 50 % de ceux que nous avons relevés ont été dénoncés par la population : il y a un an, ce taux était de moins de 10 %. Cela est vrai aussi pour les caches d’armes ou de drogue.

La population qui n’a pas très envie des talibans nous indique aussi des caches d’armes.

La stratégie de contre-insurrection est une stratégie au long cours, qui réclame de la patience, de la constance, de la persévérance et une vraie solidarité entre alliés. Nous sommes sur cette ligne. La conférence de Lisbonne, le mois prochain, sera l’occasion de faire un point avec nos alliés.

Ces opérations, nous les conduisons en même temps que cette réforme de fond qui ébranle nos structures, bouscule nos organisations et remet en cause nos méthodes de travail. C’est un vrai défi ; un défi d’autant plus complexe qu’il est contraint par les compressions budgétaires que vous connaissez.

Le deuxième bilan dont je souhaitais vous faire part concerne justement la transformation et la mise en œuvre des restructurations. Le Livre blanc et la révision générale des politiques publiques (RGPP) sont deux exercices structurants pour notre ministère et les armées.

Je vous en rappelle les principales lignes de force. L’effort financier à consentir par la nation pour son outil de défense était fixé à 377 milliards d’euros sur la période 2009-2020, hors prise en compte de la crise. Les grands équilibres des deux lois de programmation reposent sur la réduction programmée de 54 000 hommes du ministère avant 2015, c’est-à-dire une baisse de 17 % en sept ans, ce qui est considérable. Je précise que ces chiffres ne prennent pas en compte l’effet d’éventuelles externalisations.

Cette restructuration mobilise 37 groupes de travail pour la RGPP et plus de 80 dossiers de réforme sont en cours. C’est une somme de travail qui s’ajoute aux opérations et à la préparation des forces. J’insiste sur ce point car nous entrons dans les années les plus décisives pour la réforme. Si nous avons commencé la manœuvre dès 2008, c’est bien entre 2010 et 2012 que l’essentiel se joue.

Le bilan des restructurations est significatif. La participation pleine et entière de la France aux structures militaires de l’OTAN se poursuit selon le calendrier prévu, notre montée en puissance devant s’achever d’ici 2012. Nous souhaitons peser dans la réforme de l’OTAN, pour en faire une structure plus compacte, plus souple, plus réactive. Nous avons déjà des premiers résultats en ce sens et j’espère que le prochain sommet de Lisbonne les confirmera.

Le schéma directeur de l’outre-mer est établi. Nous mobilisons actuellement environ 10 000 hommes pour ses missions. Le nouveau schéma va engendrer une réduction de 23 % des effectifs des forces de souveraineté à l’échéance 2020, à condition que tous les engagements interministériels soient respectés, notamment en ce qui concerne les hélicoptères.

Les structures de commandement opérationnel et de soutien ont été rationalisées, soit à un niveau ministériel pour le soutien général, soit à un niveau interarmées pour les fonctions opérationnelles pures et les soutiens spécialisés.

L’organisation ancienne a donc laissé la place à une organisation fusionnée avec des structures désormais interarmées, resserrées et donc moins nombreuses. Je pense notamment au commandement interarmées de l’espace (CIE), implanté à Balard et qui m’est directement rattaché, l’espace constituant en effet un théâtre à part entière. Nous avons également mis en place le commandement interarmées des hélicoptères (CIH), mettant un terme à la multiplication des procédures, le commandement interarmées du soutien (COMIAS) et le service du commissariat des armées (SCA) qui regroupe tous les anciens commissariats d’armée.

Pour le maintien en condition opérationnelle, nous avons généralisé les organismes spécifiques sur le modèle du service de soutien de la flotte (SSF) ou de la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques (SIMMAD). Sont ainsi nés la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (SIMMT), le service de la maintenance industrielle terrestre (SMITer), le service interarmées des munitions (SIMU) ou la direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information de la défense (DIRISI).

Nous avons également installé la direction de la sécurité aérienne, en charge de la sécurité aéronautique des aéronefs d’État. Le fait que tout le monde n’utilise pas les mêmes procédures était en effet une perte de temps et de moyens et entretenait une certaine insécurité.

Naturellement, la réforme du soutien est articulée sur les principes de soutien de proximité et de mutualisation sur un périmètre ministériel. C’est la réforme emblématique des bases de défense (BdD) avec 27 fermetures ou transferts réalisés en 2009 et plus de 100 unités concernées cette année par des restructurations. Elles seront près de 120 en 2011.

Je suis avec la plus grande attention ce dossier sensible qui affecte considérablement les hommes et les femmes, civils et militaires, de la défense, en me rendant régulièrement sur le terrain. Les principes généraux de fonctionnement et d’organisation sont arrêtés. Ils sont encourageants avec des mises en œuvre souples et pragmatiques qui tiennent compte des réalités locales et sociales, qu’elles soient géographiques ou économiques.

En 2011, 60 BdD seront opérationnelles, 51 en métropole, et 9 outre-mer et à l’étranger. En toute transparence, je voudrais vous détailler les difficultés qui restent à résoudre sur ce dossier. L’infrastructure est un point particulier de vigilance qui conditionne le respect du tempo de la réforme. Les ressources exceptionnelles, qui n’ont pas été au rendez-vous, ont contraint à des choix lourds sur l’entretien de certaines infrastructures, notamment opérationnelles.

L’infléchissement du moral des armées est aussi une réalité. Le cumul des réformes, qui ne sont d’ailleurs remises en cause ni dans l’idée ni dans la nécessité, et leur rythme, associés aux effets boomerang de la crise financière, sont un facteur d’inquiétude supplémentaire.

Mon objectif principal est la préservation de la capacité opérationnelle de nos forces tout en poursuivant les réformes engagées. Cette transformation ne peut pas se faire au détriment des forces. J’y veille d’autant plus que la crise économique et financière et les restrictions annoncées sur la planification budgétaire triennale (PBT) fragilisent un peu plus un édifice en transition, c’est-à-dire par définition instable.

Avant d’aborder le PLF 2011, je voudrais revenir sur le contexte de l’exercice 2009-2010 et celui de la PBT 2011-2013.

L’exécution budgétaire 2009-2010 est globalement conforme à la LPM. À ce jour, le bilan physico-financier est correct. L’effort sur la fonction « connaissance et anticipation » s’est concrétisé avec la création du coordonnateur national du renseignement (CNR), l’académie du renseignement et l’augmentation des effectifs et des moyens affectés à cette fonction. C’est aussi le renforcement de la fonction « espace » avec le lancement d’HELIOS, celui de Spirale, les nouvelles stations sol SYRACUSE et la création du commandement interarmées de l’espace que j’ai déjà évoqué.

L’effort sur les équipements se poursuit : depuis 2009, des équipements majeurs ont été livrés, qu’il s’agisse des véhicules blindés de combat d’infanterie (VBCI), des canons CAESAR, des hélicoptères Tigre – qui impressionnent beaucoup nos partenaires en Afghanistan –, des véhicules blindés légers (VBL), des 25 Rafale, d’une frégate anti–aérienne ou des quatre systèmes anti-aériens SAMP/T.

Dans le même temps, le plan de relance a donné une certaine impulsion à la LPM en permettant d’anticiper l’acquisition de certains équipements comme les petits véhicules protégés (PVP) Aravis, les hélicoptères CARACAL ou le troisième bâtiment de projection et de commandement (BPC). Pour autant, vous le savez, ce plan a consisté pour l’essentiel en une avance de crédits pour 2009-2010 qu’il conviendra de rembourser. D’ailleurs, ce remboursement a été intégré en programmation entre 2011 et 2020.

En revanche, deux facteurs conjoncturels ont aujourd’hui des conséquences structurelles qui pèsent sur l’exécution budgétaire 2009-2010 et, par conséquent, sur le PLF 2011.

Il s’agit tout d’abord des recettes exceptionnelles qui n’ont pas été au rendez-vous. Elles ont dû être compensées par la mise à disposition de reports de crédits arrivés en quasi-extinction début 2010 et par une réelle compression sur les opérations d’infrastructure à hauteur de 350 millions d’euros. Cette situation explique les inquiétudes dont je faisais part concernant les infrastructures.

Le deuxième facteur de préoccupation vient du fait que des surcoûts ou des besoins non programmés lors de la construction de la LPM sont venus alourdir la facture. Ce sont par exemple les dépenses associées à notre implantation aux Émirats arabes unis (EAU), aux frais de démantèlement des équipements, à l’exportation des Rafale, aux mises aux normes environnementales ainsi qu’à la prise en compte sous enveloppe des achats en urgence opérationnelle. Concernant le Rafale, je n’ai aucune inquiétude sur la réalisation de contrats à l’export ; il ne s’agit que d’un décalage qu’il faut temporairement compenser.

J’en viens aux dispositions du PLF pour 2011 et à la PBT 2011-2013. La maîtrise des déficits publics est une priorité nationale, car, comme le soulignait le ministre de la défense, « elle touche à l’essentiel, c’est-à-dire à la souveraineté de notre pays ». La défense contribue donc, et c’est normal, à l’effort de redressement de nos finances publiques.

En juin dernier, notre participation s’est traduite dans la PBT par une baisse des ressources budgétaires, par rapport au niveau défini en LPM, de l’ordre de 3,6 milliards d’euros entre 2011 et 2013. Cette réduction devrait être – j’aimerais pouvoir être plus affirmatif – partiellement compensée par le décalage et la réévaluation de recettes exceptionnelles et ramènerait la réduction globale des crédits à 1,3 milliard d’euros.

Il faut noter, par ailleurs, la nécessité de redoter d’environ 1 milliard d’euros le titre 2 sous plafond de ressources, excluant de facto le recours à la clause de sauvegarde pourtant inscrite en LPM. Quand on additionne à cela les besoins non programmés en LPM que j’ai précédemment évoqués, la PBT impose, sur la période 2011-2013, une forte pression hors titre 2.

Cette pression se manifeste par une contrainte importante sur la fonction support au titre de la mesure interministérielle de baisse de 10 % des dépenses de fonctionnement courant. Le périmètre de cette fonction support préserve cependant les moyens nécessaires au support des opérations. Cette pression conduit également à une baisse progressive et annoncée de l’activité de préparation opérationnelle. Il faut faire attention à ne pas atteindre un niveau qui nous mettrait en danger faute d’un entraînement suffisant. Enfin, cette contrainte impose le décalage de nombreux programmes d’armement, sans toutefois remettre en cause, au moins pour le court terme, les principaux programmes en réalisation.

Le PLF 2011 ne traduit donc pas encore de manière sensible les problématiques concernant la PBT 2011-2013 ; il les annonce !

Le montant des crédits accordés à la mission « Défense » hors pension est de 31,2 milliards d’euros, en conformité globale avec la LPM, dont 30,2 milliards d’euros de crédits budgétaires et 1 milliard d’euros de ressources exceptionnelles. Le gel des crédits budgétaires entre 2010 et 2011 étant compensé par des recettes exceptionnelles réévaluées, il faut qu’elles soient au rendez-vous ! Or les exercices 2009 et 2010 nous ont montré les difficultés que cela pouvait engendrer. Cela conditionne pourtant le maintien de l’effort en matière d’équipements de nos forces.

Quatre tendances se dégagent de ce projet de loi de finances.

La première illustre l’effort globalement maintenu sur les équipements. S’inscrivant dans la logique de « recapitalisation » de notre outil de défense, les ressources totales consacrées aux équipements s’élèvent à 16 milliards d’euros, soit un niveau toujours supérieur à la moyenne de la LPM 2003-2008, qui était de 15 milliards d’euros.

Bien qu’en retrait par rapport à la programmation, ces crédits permettent de poursuivre la politique d’investissement au profit de la fonction « connaissance et anticipation » – au travers de l’achat d’équipements et du recrutement de quelque 700 spécialistes – et de la protection du combattant.

Ces crédits permettront de réaliser ou d’engager des commandes avec, notamment, la poursuite du renouvellement des deux composantes de la dissuasion, qu’il s’agisse des missiles ASMP-A, mis en service le 1er juillet dernier, ou des missiles M51, qui viennent d’être admis au service actif. Nous améliorons aussi les moyens du renseignement grâce à la rénovation d’un C160 Gabriel pour l’écoute électronique, à la rénovation de nos AWACS, à des stations sol de satellite type SYRACUSE ou aux satellites MUSIS qui succèdent à HELIOS et nous donneront des capacités bien plus importantes. Je tiens à préciser que tous nos partenaires ne font pas des efforts aussi substantiels.

Nous faisons également un effort au profit des moyens de protection et de combat pour nos forces engagées avec les véhicules de haute mobilité (VHM), les VBCI, les VBL, les PVP ou le système FELIN. Pour les systèmes d’armes, il s’agit en particulier des sous-marins Barracuda, des avions Rafale, des hélicoptères Tigre, des premières livraisons d’hélicoptères NH90, des canons CAESAR et des torpilles Mu 90.

La deuxième tendance qui se dégage met en lumière la poursuite des réformes. Les réductions d’effectifs atteindront 8 415 postes au ministère de la défense, dont 7 742 pour la mission « Défense ». Corrélativement, le resserrement des dispositifs sera accentué en atteignant, avec deux ans d’avance, l’organisation cible à 60 BdD que j’ai évoquée tout à l’heure.

En revanche, les mesures d’économie sur le fonctionnement font peser des risques de nature à dégrader la qualité des services et le moral de nos armées. Il ne faut pas ignorer ce genre de risque. Les objectifs d’économie sur les dépenses de fonctionnement concerneront principalement le budget des bases de défense, avec une réduction forfaitaire d’environ 130 millions d’euros sur trois ans de leurs crédits de fonctionnement. Comme nous considérons qu’il faut responsabiliser les acteurs locaux, nous ne donnons aux responsables de base de défense que des objectifs globaux, charge à eux de les mettre en œuvre au vu de la situation locale. Il est hors de question de dire à chaque base comment atteindre ses objectifs.

Pour les armées, les deux enjeux de rationalisation des soutiens et de continuité du service restent majeurs, alors que le soutien aux opérations avec le même niveau de qualité est un impératif. L’équation est donc particulièrement difficile, mais nous saurons relever le défi.

Troisième tendance : nous sommes contraints à la stricte suffisance en matière d’activité. Le PLF 2011 permet de satisfaire au plus juste l’activité opérationnelle dictée par les engagements en cours. Toutefois, entre 2011 et 2013, la pression budgétaire se traduira par la baisse des potentiels disponibles en raison de la dégradation des contrats de maintenance et de la réduction de certains stocks, déjà en dessous du niveau souhaitable.

Une telle tendance sur le long terme conduirait à une différenciation de plus en plus importante de la préparation opérationnelle des unités déployées et de celles qui ne le sont pas. C’est un pis-aller ! Il est hors de question d’avoir une armée à deux vitesses.

Cela interdirait aussi la préservation de savoir-faire individuels et collectifs essentiels pour nos opérations : c’est, par exemple pour nos pilotes, le vol sous jumelles de vision nocturne (JVN) ou le ravitaillement en vol. Ce sont encore nos capacités de manœuvre aéro-terrestres ou même nos capacités de sauvegarde maritime, honorées en Méditerranée à hauteur de seulement 20 % depuis le déclenchement de la crise au Sahel, qui mobilise nos avions de surveillance maritime.

Cette baisse d’activité se reflète déjà dans la plupart des indicateurs définis dans le plan annuel de performance.

Enfin, le PLF pour 2011 maintient le provisionnement pour les opérations extérieures (OPEX), qui atteint 70 % des surcoûts constatés ces deux dernières années, la provision passant de 570 à 630 millions d’euros.

Le durcissement de nos opérations et la nécessité d’engager nos meilleurs équipements ont un impact fort sur les budgets malgré nos déflations régulières d’effectifs sur les théâtres en cours de stabilisation comme au Kosovo ou en Côte d’Ivoire.

Ainsi, le surcoût moyen total annuel d’un homme déployé en Afghanistan est de 103 200 euros alors qu’il est de 61 700 euros pour un soldat de l’opération Licorne en Côte d’Ivoire. La comparaison avec les coûts de nos principaux partenaires montre que, à périmètre égal, les armées françaises sont plutôt « bon marché ».

Au-delà de cette provision, il sera cette année encore nécessaire d’avoir recours à un décret d’avance ; dans un premier temps, gagé sur les crédits du ministère de la défense, dans un deuxième temps, remboursé en loi de finances rectificative (LFR), comme le prévoit la loi de programmation. Cela doit permettre de couvrir le financement des OPEX, in fine, avec la réserve interministérielle. Il ne faut cependant pas que la LFR arrive trop tardivement si nous voulons éviter de reporter trop de crédits, faute de temps pour les dépenser avant la fin de l’année.

Il me semble qu’il faut bien identifier le véritable enjeu. La PBT introduit mécaniquement une divergence avec la trajectoire des crédits budgétaires inscrits en LPM : il s’agit des 3,6 milliards d’euros dont je parlais.

Il est de ma responsabilité de planifier et d’anticiper les conséquences de cette nouvelle trajectoire sur le long terme, c’est-à-dire après 2013. Le pays fait le choix d’un outil de défense complet et polyvalent. La diversité et la complémentarité de nos moyens nous accordent encore aujourd’hui une véritable liberté d’action, à la mesure de nos ambitions et de notre place sur la scène internationale.

Demain, c’est notre modèle de force et donc nos ambitions qui seront en jeu, c’est-à-dire nos choix d’un outil de défense complet garant de notre autonomie d’appréciation, de décision et d’action. C’est une question française, mais qui concerne aussi tous les pays européens. Elle est éminemment politique.

L’Europe désarme alors que le monde réarme avec une augmentation moyenne de 6 % des crédits de défense. L’Europe baisse la garde dans un contexte de crise économique et financière, où les équilibres sont fragilisés, où les risques cumulés sont sources de tensions régionales et internationales. Les choix que nous faisons aujourd’hui engagent notre responsabilité pour l’avenir de nos enfants.

En conclusion, je voudrais rendre hommage à tous nos soldats engagés en opérations.

Je rends hommage aux dix-neuf soldats qui, cette année, ont payé de leur vie leur engagement au service de la France ; je rends hommage aux soldats qui ont été blessés, dont certains très grièvement. Je rends hommage à leurs camarades de combat, à leurs familles, à leurs amis et à toutes les associations qui les soutiennent dans l’épreuve.

Je salue aussi l’action des armées, des directions et des services qui se sont engagées sans état d’âme dans cette réforme de fond alors même qu’elle a un impact parfois important sur la situation personnelle de nombreux militaires ou de civils de la défense ! Cette abnégation n’est pas si fréquente aujourd’hui : elle mérite d’être soulignée !

M. le président Guy Teissier. Nous espérons bien évidemment que les recettes exceptionnelles viendront amoindrir le difficile effort de 3,6 milliards d’euros qui est demandé à la défense, pour le ramener à 1,3 milliard d’euros. Mais il faut également envisager l’hypothèse où ces recettes ne seraient pas au rendez-vous. Dans ce cas, quels équipements seraient touchés ?

Amiral Édouard Guillaud. Je l’ignore. Deux options se présenteront à nous : retarder certains programmes d’équipements, ce qui n’est pas souhaitable, ou bien créer une nouvelle bosse. Mais il s’agit là d’une décision de nature politique. Dans tous les cas, nous disposons de peu de marges de manœuvre.

Les projets de cessions immobilières nous ont réservé des surprises. Celles-ci ont été mauvaises jusqu’à présent, y compris dans leurs évaluations, revues à la baisse. On escompte en revanche le phénomène inverse en ce qui concerne les fréquences. L’ARCEP estime que le marché est porteur et leur cession compenserait les moins-values immobilières. Cela dit, nous demeurons pour le moment dans une situation d’attente, sous forte contrainte. Ainsi, par exemple, le programme de renouvellement de la flotte des ravitailleurs a été repoussé. Aussi discutons-nous avec nos partenaires allemands et britanniques sur les possibilités de mutualiser nos moyens, mais aussi nos opérations et nos concepts. Cette recherche implique que chacun remette en cause toutes ses certitudes et nous sentons que les Britanniques y sont disposés.

M. Philippe Vitel. Amiral, je tiens à vous témoigner de la grande satisfaction de la population du Var et de ses élus à la suite de l’intervention de l’armée pour sauver les sinistrés. Nous avons déploré vingt-sept morts, mais sans votre intervention, nous en aurions compté plusieurs centaines.

Le retour de la France dans les structures du commandement intégré de l’OTAN nous a permis d’obtenir les commandements de Norfolk et Lisbonne. Mais nous devions également obtenir d’autres postes, correspondant à un certain nombre d’étoiles, dans les différents états-majors. Par ailleurs, la contribution de la France est passée de 160 à 230 millions d’euros. Or, nous avions demandé qu’un plan d’économie soit mis en œuvre. Pourriez-vous faire le point sur l’avancement de ces deux questions ?

M. Bernard Cazeneuve. L’amiral a répondu à mon interrogation.

M. Damien Meslot. Vous avez décrit les différents théâtres sur lesquels nos soldats sont déployés, qui donnent une impression d’éparpillement, tout en rappelant la baisse de format de nos armées actuellement à l’œuvre. Dans ce contexte, pourrions-nous encore faire face à une crise majeure ?

Amiral Édouard Guillaud. Outre les commandements de Lisbonne et Norfolk, ce sont 26 « étoiles OTAN » qui devaient être attribuées à la France. Ces officiers doivent être mis en place progressivement, jusqu’en 2013.

La bonne nouvelle est que la réforme de l’Alliance progresse. C’est notamment le cas s’agissant de ses structures de commandement, dont les effectifs devraient en théorie passer de 12 000 à 8 500 personnels à l’horizon 2010-2013. Cette diminution devrait être confirmée au prochain sommet de Lisbonne. En ce qui concerne les effectifs envoyés par la France, je dois dire que, comme d’autres nations, telles que le Royaume-Uni, nous nous sommes limités à un déploiement d’environ 85 % de notre effectif théorique, fixé à 1 100 militaires, soit environ 900 personnels. Compte tenu de la réduction annoncée du format des structures de commandement, nous pouvons considérer que nous atteignons déjà ce plafond. En outre, avec les États-Unis, l’Allemagne et le Royaume-Uni, nous nous efforçons de diminuer le poids des agences de l’OTAN. La France attend des économies précises en personnel. Enfin, le chantier plus difficile de la diminution du secrétariat international du secrétaire général doit être abordé. Là encore, la pression exercée par le Royaume-Uni, les États-Unis et la France semble porter ses fruits.

En ce qui concerne notre contribution au fonctionnement de l’OTAN, je rappellerai que la clé de répartition n’a pas changé, notre part demeurant à 11,62 %. Pour 2011, cela représentera 220 millions d’euros, dont les trois quarts financent le budget de l’Alliance et un quart les rémunérations et charges sociales.

L’OTAN accuse actuellement un déficit d’un peu plus d’un milliard d’euros, et des engagements sont annoncés pour l’équivalent de dix années de budget. De plus, la mutualisation de certains coûts peut conduire à une déresponsabilisation. Certains projets peuvent, dans leur état actuel, paraître extrêmement ambitieux, comme la défense antimissile balistique (DAMB). On essaie de faire en sorte qu’ils soient raisonnables, c’est-à-dire accessibles sur le plan technologique et budgétaire et acceptables diplomatiquement.

S’agissant de l’éparpillement de nos forces, il faut tenir compte du fait que certains déploiements ne comportent que quelques personnels. Pour autant, le désengagement est un processus difficile : il nous a fallu deux ans pour quitter le Sinaï, où nous mobilisions un CASA.

Aujourd’hui, nous ne sommes pas en surchauffe. Nous pourrions accroître encore nettement nos engagements.

Si demain notre pays était confronté à la nécessité d’un engagement majeur – tel celui de 30 000 hommes sur six mois évoqué par le Livre blanc –, il y ferait face bien évidemment, mais en procédant à des choix. Cela nous invite à continuer la réflexion engagée voici maintenant deux ans sur le nombre et la durée de nos engagements extérieurs. Mais j’ai bien conscience que ces décisions dépassent le seul cadre militaire : il existe des raisons diplomatiques évidentes nous poussant à maintenir une présence, comme en Palestine ou au Sahara occidental.

M. Jean-Claude Viollet. Amiral, vous avez dit qu’il n’y aurait pas, à court terme, de remise en cause de nos grands programmes d’équipement. N’est-il pas pourtant l’heure de revoir a minima la loi de programmation militaire et le Livre blanc, qui est un document vivant et doit tenir compte des évolutions stratégiques mais aussi structurelles et financières ?

Je prends pour exemples le MRTT, qui est reporté depuis plusieurs années, SCCOA, repoussé également, le Mirage 2000-D, dont la rénovation à mi-vie est aussi reportée et qui devait devenir un avion multi-rôle et non seulement de défense anti-aérienne : c’est donc la cible même de notre aviation de combat qui va être durablement impactée. Ces révisions de dernière minute, qui pourraient influer sur notre capacité à demeurer une puissance aérienne de premier rang, ne devraient-elles pas nécessiter une révision de notre Livre blanc ?

M. Michel Voisin. Bientôt aura lieu le sommet de Lisbonne, au cours duquel sera discuté le concept stratégique de dissuasion nucléaire de l’OTAN. La France dispose de son propre concept : celui-ci doit-il évoluer ?

Amiral Édouard Guillaud. Nous avons reçu récemment la version du nouveau concept stratégique de l’OTAN qui sera proposée aux chefs d’État et de gouvernement à Lisbonne. Celui-ci respecte nos deux lignes rouges : l’OTAN est une alliance militaire, qui ne va pas se transformer en ONU bis ; elle est également une alliance nucléaire tant qu’il restera des armes nucléaires et, à l’intérieur de cette composante, l’apport de la dissuasion française, de même que la britannique, est souligné. Cela ne change donc rien à notre posture. C’était d’ailleurs une des conditions de notre retour au sein du commandement intégré.

S’agissant du Livre blanc, il y est écrit qu’un rythme quinquennal est judicieux : donc, j’attends ! Le Livre blanc comprend deux parties : une première sur l’état du monde, qui n’a pas beaucoup changé, mais doit intégrer le phénomène nouveau du cyberespace ; une deuxième sur nos ambitions et leur déclinaison. Même si l’on peut se poser certaines questions, compte tenu de la crise économique, le Livre blanc doit rester pour nous une référence.

Je voudrais ainsi dire deux choses sur les MRTT et le ravitaillement en vol. Nous en avons besoin, pour partie sous une forme patrimoniale, au titre de la composante aéroportée, pour partie en partenariat public–privé, y compris en collaboration avec le Royaume-Uni, qui a fait le choix de tout traiter par le biais de ce type de partenariat.

S’agissant de la rénovation du Mirage 2000-D, la faute est qu’il y a quinze ans on avait conçu un avion pour faire la guerre à l’URSS et pas pour répondre aux temps de crise. Qu’en adviendra-t-il ? On sera peut-être appelé à faire des choix déchirants. Le retard à l’exportation des Rafale permettra au moins de monter en puissance plus vite, ce qui, sans compenser, atténuera la douleur.

Ensuite, tout dépendra de la révision du Livre blanc et de l’ambition politique en 2012.

M. Christophe Guilloteau. J’aimerais savoir si on a une idée de ce que coûte la recherche de nos otages. Le Premier ministre nous a informés que la France avait été obligée d’acheter des drones aux Américains pour effectuer nos recherches. J’aimerais également que vous nous parliez de la DAMB.

M. Étienne Mourrut. Amiral, selon la presse, la situation en Afghanistan n’est pas brillante. Pouvez-vous nous apporter des éléments concrets sur l’une des missions de l’OTAN qui consiste à former l’armée afghane ?

Amiral Édouard Guillaud. Monsieur Guilloteau, il faut bien distinguer les choses : sur la problématique des drones en général, un grand groupe multinational européen nous propose des drones à un prix qui dépasse largement les crédits budgétés dans la LPM : nous allons donc voir ailleurs, y compris aux États-Unis.

Ensuite, au sujet de la recherche des otages, il y a des endroits où les drones peuvent voler, comme en Afghanistan, et d’autres où leur utilisation est restreinte. Cela est le cas au Sahel, où il y a peu de satellites de télécommunication qui survolent cette région. Cela entraîne donc des difficultés de manœuvre des drones.

Sur la défense anti-missiles, il y a plusieurs aspects. En 2002, la France a accepté d’examiner la défense anti-missiles de théâtre, c’est-à-dire la protection des forces. Nous avons ainsi un programme avec une composante spatiale, pour la détection des départs, et une composante terrestre, pour la trajectoire des missiles.

La deuxième chose, c’est le système de commandement et de contrôle (C2). La chaîne de commandement doit être évidemment très courte : c’est ce à quoi l’OTAN travaille, mais ce n’est pas facile.

Le troisième aspect, enfin, est : avec quoi tire-t-on ? Je suis assez dubitatif car seuls les missiles balistiques sont concernés. Or, nous ne sommes pas le seul pays disposant de l’arme nucléaire sur des missiles de croisière. Cela veut dire que théoriquement ce bouclier ne peut être totalement étanche.

Sur la formation de l’armée nationale afghane, la presse dit effectivement que ça va mal. C’est pourquoi je vous ai cité trois exemples tout à l’heure. Ce que je vous ai dit est partagé par l’ensemble des chefs militaires de la coalition. Nous sommes prudents mais la courbe commence à s’arrondir. L’âge moyen des combattants talibans baisse. Un groupe de 195 d’entre eux s’est ainsi rallié la semaine dernière.

M. François Cornut-Gentille. Est-ce que les désertions au sein de l’armée nationale afghane baissent ?

Amiral Édouard Guillaud. Oui, les désertions reculent, l’écart entre les rémunérations des talibans et au sein de l’armée s’est réduit. Militairement, les talibans savent qu’ils ne peuvent plus gagner. Ils n’ont pas réussi à empêcher l’organisation des élections législatives. Kaboul est aujourd’hui beaucoup plus sûre que Bagdad, ou que New York. La coalition a mis en place un planning « d’afghanisation » de l’armée. Nous avons maintenant trois mois d’avance sur ce planning, au sein de l’armée comme des forces de police. La France participe à cet effort, à hauteur de 600 formateurs au travers des OMLT (Operational Mentoring and Liaison Team) et des POLMT (Police Operational Liaison and Mentoring Team) composés de gendarmes ; et ce, pas seulement en Afghanistan, mais aussi bientôt aux Émirats arabes unis. Ce dispositif monte bien en puissance.

Il en est de même des aspects relatifs au développement, grâce à une cellule « stabilisation ». Cette cellule est civile, dirigée par un diplomate, Pierre Seillan, et composée d’une dizaine de personnes, avec des spécialistes du micro-crédit ou de l’agriculture, par exemple. Cela fonctionne dans beaucoup de zones, pas seulement dans la zone française.

Reste évidemment la question de la gouvernance, sur laquelle je n’ai pas la main…

M. Patrick Beaudouin. Je voudrais revenir, en ma qualité de rapporteur pour avis de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », sur la restructuration de nos armées au regard de l’organisation de la Journée défense et citoyenneté (JDC). Chaque année, la direction du service national a besoin de 40 000 jours militaires pour l’encadrement et les témoignages de nos soldats vis-à-vis des jeunes de France. Il y a, vous l’avez évoqué, une interarmisation en cours avec la création des bases de soutien. Comment l’équilibre entre les trois armées et la gendarmerie va-t-il être trouvé pour l’organisation de cette journée ? À qui la direction du service national va-t-elle s’adresser pour que les quatre forces puissent y participer ?

M. Guillaume Garot. Dans le cadre du redéploiement territorial de nos armées, certaines villes, dont la mienne, perdent des régiments. Ainsi, Laval perd 1 000 emplois. Nous sommes invités à signer avec l’État des contrats de restructuration des sites de défense (CRSD) et l’État alloue à ce titre des concours aux collectivités. D’un CRSD à l’autre, ces concours sont extrêmement différents : quels critères ont présidé aux arbitrages de l’État en la matière ?

Amiral Édouard Guillaud. Ce sujet est en dehors de mon champ de compétence et même, malheureusement, de connaissance : il relève du secrétaire général pour l’administration (SGA), qui vous fournira toutes les précisions souhaitées. En ce qui concerne les critères, ce ne sont évidemment pas les armées qui les ont définis, encore moins l’état-major des armées. À ma connaissance, ils ont été déterminés en 2008 et tenaient compte des spécificités locales. Il m’est impossible d’être plus précis.

S’agissant de la JDC, qui succède à la Journée d’appel de préparation à la défense (JAPD), la création des bases de défense a changé le type de contrat mais elle ne change pas le but final : un certain nombre de réunions ont eu lieu avec le directeur du service national et un protocole a été signé entre celui-ci et les armées. Je ne m’engage à ce sujet que pour les trois armées, non pour la gendarmerie. Les bases de défense accordent un soutien à l’ensemble de la structure, y compris en fournissant l’eau, le gaz et l’électricité, et les interventions continueront à être assurées armée par armée dans les conditions actuelles. Évidemment, beaucoup tenteront de profiter du changement de structure : nous garderons sur ce point un œil vigilant, ne serait-ce que pour la diffusion de l’esprit de défense. La DSN s’adressera d’abord à l’état-major des armées pour les trois armées et à la direction générale de la gendarmerie nationale pour la gendarmerie. Des groupes de travail se réunissent toutes les semaines en ce moment sur cette question. Je n’ai pas d’inquiétude à ce sujet.

M. André Wojciechowski. Vous avez dit que les armées arriveront au bout en serrant les dents : j’espère qu’elles ne vont pas les perdre ! Vous êtes optimiste et rationnel, mais pas magicien. Les personnels civils et militaires pensent tous que le budget de la défense comportera des coupes importantes, qui auront des répercussions sur les capacités opérationnelles. Le grand écart pourra-t-il tenir longtemps sans atteindre un point de non-retour ?

Mme Martine Lignières-Cassou. Vous avez rappelé que nos armées intervenaient dans la formation des armées amies. La fonction de formation est donc stratégique. Je suis par conséquent étonnée qu’on puisse externaliser cette fonction auprès d’acteurs privés. Je n’ai rien contre les partenariats public-privé quand il s’agit de la fourniture d’essence ou de denrées alimentaires par exemple. Mais pour la formation, cela me paraît extrêmement grave. C’est le cas notamment pour l’école des troupes aéroportées (ETAP), où la formation des parachutistes pourrait être externalisée auprès d’une société privée. On touche là au cœur des missions de l’armée : je ne comprends pas cette approche.

M. François Cornut-Gentille. Vous disiez, au sujet du Livre blanc, qu’allait se poser la question de sa révision. Comment la commission peut-elle anticiper cette future révision ?

S’agissant des mutualisations, vous avez évoqué à la fois des perspectives et des difficultés avec la Grande-Bretagne. Mais vous n’avez pas parlé de l’Allemagne : que peut-on envisager en la matière avec ce pays ? Les discussions pourraient-elles être plus dures qu’avec la Grande-Bretagne ?

M. Francis Hillmeyer. Le ministre de la défense a évoqué hier devant la commission un sondage effectué auprès des principaux cadres de l’armée sur les réformes en cours : qu’en pensez-vous ?

Amiral Édouard Guillaud. Sur votre question du grand écart, monsieur Wojciechowski, je suis en effet optimiste tout en cherchant à être lucide. Les réductions budgétaires nous conduisent à nous poser des questions : c’est à la représentation nationale et au Gouvernement qu’il appartiendra de faire les choix essentiels. Trois critères principaux devront être pris en compte : la réversibilité des décisions prises, leur aspect plus ou moins douloureux, la sensibilité à l’occurrence d’une crise. J’observe que depuis trente-sept ans que je suis au sein des armées, j’ai toujours entendu dire que nous étions au creux de la vague… Sachez en tout cas que je suis conscient et préoccupé des effets des réductions budgétaires sur le moral des armées. Mais je ne peux me permettre de faire des promesses : je dois être crédible envers nos soldats. C’est pourquoi, dans mes interventions, y compris dans les unités, je préfère parler d’un chemin semé de larmes plutôt que de pétales de roses.

Sur l’externalisation de la formation, je suis beaucoup moins inquiet que sur celle touchant certaines fonctions régaliennes. J’en veux pour preuve l’exemple de la formation au tir des cibles supersoniques : pendant des années on a eu recours à des Rafale ; or, on peut pour ce faire utiliser de simples vecteurs, qui sont aussi efficaces et moins onéreux. L’externalisation de la formation, lorsqu’elle coûte moins cher, ne me choque pas. En revanche, je suis gêné lorsqu’elle porte sur des fonctions de combat. Ainsi, alors que la France a fait le choix de fournir des équipes de protection embarquées de thoniers dans l’océan indien, l’Espagne a demandé à ses armateurs de faire appel à des sociétés militaires privées. Concernant l’ETAP, aucune décision n’a été prise. Il s’agit d’une offre dite non sollicitée. Je ne sais pas ce qu’il en adviendra : je rappelle toutefois qu’elle ne concerne pas une formation au combat, mais à la technique parachutiste. On recourt bien à des simulateurs : pourquoi pas aussi à des entreprises privées ? La formation initiale des pilotes d’hélicoptères a d’ailleurs déjà fait l’objet d’une externalisation.

M. le président Guy Teissier. Le problème tient au fait que le processus de formation tend à devenir civil, et non plus militaire. Il est important pour un jeune parachutiste – j’en ai fait l’expérience dans le passé – d’avoir un moniteur qu’il respecte et admire et qui, par ses faits d’armes, constitue pour lui une sorte de mythe, de modèle à suivre. Cela fait partie intégrante de la formation. En externalisant trop la formation, on risque de perdre cela.

Amiral Édouard Guillaud. Je rappelle que nous devons être formés et entraînés pour faire des opérations. On ne formera pas les parachutistes dans des clubs civils, mais selon des normes militaires pour un métier bien précis. Cela n’empêche pas d’acheter des simulateurs de vol à des entreprises privées. Je n’ai pas d’inquiétude à ce sujet : la partie proprement militaire de la formation restera évidemment militaire.

S’agissant de la révision du Livre blanc, elle commencera avec une lettre de mission du Président de la République en 2012.

En matière de mutualisation, une cinquantaine de dossiers sont en cours avec le Royaume-Uni, qui s’attelle parallèlement à l’élaboration de sa doctrine stratégique. Quant à l’Allemagne, elle subit de fortes réductions d’effectifs, qui atteignent 45 % de ses forces, 35 % dans l’armée de terre, 45 % dans la marine et 55 % dans l’armée de l’air. Ses objectifs restent à préciser.

Le sondage que vous évoquez, monsieur Hillmeyer, est un sondage de Français. Il ne m’étonne pas. Tout le monde a des inquiétudes : c’est normal. Mais quasiment personne ne met en cause la pertinence des réformes. On n’a pas fait des bases de défense pour faire une réforme, mais parce que c’était le seul moyen de générer des économies qu’on pouvait utiliser ailleurs.

III. —  AUDITION DE M. LAURENT COLLET-BILON, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL POUR L’ARMEMENT

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement, sur le projet de loi de finances pour 2011 (n° 2824) au cours de sa réunion du mercredi 20 octobre 2010.

M. Philippe Vitel, président. Mes chers collègues, je souhaite en votre nom la bienvenue à M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement. Je vous prie d’excuser l’absence du président Guy Teissier, retenu dans sa circonscription. Vous allez nous détailler les programmes budgétaires dont vous avez la charge et de nous dire quelles sont les ambitions de la DGA pour les mois à venir. Avant que les rapporteurs Yves Fromion pour le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » et François Cornut-Gentille pour le programme 146 « Équipement des forces », ne vous interrogent, je souhaiterais que vous nous parliez des drones, dont nous avons débattu tout récemment avec le ministre de la défense. Nos collègues Yves Vandewalle et Jean-Claude Viollet, qui ont travaillé la question, nous ont en effet parlé des possibilités offertes par un complément au parc des Harfang alors qu’un achat de Predator semblait envisagé ; quel est votre sentiment ?

Nous souhaitons également vous entendre évoquer nos résultats à l’exportation. Nous connaissons des retards pour le Rafale et nous en payons d’ailleurs les conséquences dans le projet de loi de finances, même s’il faut se féliciter d’une arrivée plus rapide que prévu de l’appareil dans nos armées ; quelles sont les perspectives exactes ?

Enfin, vous avez eu l’occasion d’évoquer devant nous le programme A400M en mars dernier ; il nous intéressera de vous entendre faire le point sur l’état des négociations entre les États et l’industriel.

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement. Je vous remercie de m’avoir invité à exposer l’action de la direction générale de l’armement (DGA) dans le cadre de l’examen par votre commission du projet du budget de la défense pour l’année 2011.

Après une année 2009 exceptionnelle tant par l’emploi des crédits, dont le niveau a été accru dans le cadre du plan de relance, que par le niveau des commandes pluriannuelles passées, l’année 2010 aura été une année de transition. C’est vrai sur le plan financier, à la fois parce que le basculement du ministère vers le progiciel de gestion financière Chorus s’est révélé plus délicat que prévu et parce que l’effort de maîtrise de l’endettement de l’État ne sera pas sans conséquences sur le projet de budget triennal 2011-2013. C’est vrai aussi sur le plan de la modernisation du ministère de la défense, avec la mise en place effective du comité ministériel d’investissement, présidé par le ministre, et la finalisation des textes instaurant la nouvelle gouvernance. La DGA a par ailleurs poursuivi dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) les évolutions qui doivent lui permettre de conduire sa mission dans un format resserré et pour un coût d’intervention réduit : ses effectifs s’établiront à 11 300 personnes à la fin de l’année, au lieu de 14 500 en 2007, avec une cible à 9 800 personnes en 2014.

L’année 2010 est également celle du changement de gouvernement au Royaume-Uni et de la relance de la coopération entre nos deux pays, sur fond de fortes contraintes budgétaires. Le prochain sommet franco-britannique du 2 novembre ouvrira probablement une page supplémentaire des relations bilatérales.

En 2010, la DGA a participé à la modernisation de l’outil de défense avec la réception le 20 septembre du sous-marin nucléaire lanceur d’engins de nouvelle génération (SNLE NG) Le Terrible, avec la mise en service opérationnel le 21 septembre du missile M 51, et avec celle de l’ASMP-A sous le Rafale en juillet à Saint-Dizier et à Istres. Les échéances qui nous avaient été fixées en matière de dissuasion nucléaire par les plus hautes autorités de l’État ont donc été respectées jusqu’à présent. La prochaine étape est le chargement du SNLE Le Terrible avec sa dotation de missiles M51 et son départ en patrouille.

J’aimerais vous détailler en quelques mots les conditions de l’exécution budgétaire en 2010. Hors plan de relance, les engagements pour le programme 146 se monteront à près de 9 milliards d’euros en fin d’année et les paiements à 11 milliards environ ; ces chiffres sont donnés hors impact de la norme de dépense, qui n’est pas encore fixée par Bercy, et en supposant que les sommes prélevées au titre du décret d’avance sur les opérations extérieures seront effectivement remboursées. Les ressources attendues en 2010 sur le compte d’affectation spéciale (CAS) fréquences, soit 600 millions d’euros, ne seront pas disponibles ; cela se traduira par un report de charges d’environ un milliard d’euros fin 2010 pour le programme 146. Nous constatons, en ce domaine, une dégradation par rapport à la situation constatée fin 2009. S’agissant de la part de la DGA dans le programme 144, nos prévisions d’engagements et de paiements s’établissent respectivement à 620 et 720 millions d’euros environ pour les études amont contractualisées avec l’industrie.

Je reviens brièvement sur le progiciel Chorus. Les spécificités du ministère de la défense, et en particulier celles de la DGA, notamment la complexité des marchés d’armement, ayant été largement sous-estimées par l’agence pour l’informatique financière de l’État, le basculement vers le progiciel Chorus a très fortement perturbé notre gestion en 2010. De graves difficultés en ont résulté. Notre objectif premier a été d’éviter les défaillances des fournisseurs, singulièrement les PME. À ce jour, les difficultés majeures ont été évitées. Mais le nombre de factures encore en stock est encore d’environ 2 000 pour les études amont du programme 144 pour un montant de 150 millions d’euros et de l’ordre de 10 000  pour le programme 146 pour un montant de près de 1,2 milliard d’euros. Dans l’état actuel des choses, la situation ne reviendra pas à la normale avant la fin de l’année. Ces difficultés se traduiront par une augmentation des intérêts moratoires qui pourraient s’élever à plus de 30 millions d’euros au titre de la gestion 2010. Il reste de plus à vérifier si, une fois le fonctionnement normal atteint, les gains de productivité promis par Chorus seront effectivement au rendez-vous.

Beaucoup de commandes pluriannuelles ayant été passées en 2009, peu de commandes emblématiques étaient prévues en 2010. Nous avons commandé la réalisation de la composante spatiale optique de MUSIS et des travaux de la première indisponibilité périodique pour entretien et réparation (IPER) du premier SNLE NG au cours de laquelle sera réalisée l’adaptation au nouveau missile balistique M 51. La négociation de l’avenant au contrat A400M, destiné à mettre en œuvre l’accord dont je vous ai présenté les grandes lignes en mars dernier, se poursuit entre les États participants et Airbus Military Sociedad Limitada, l’objectif étant une notification avant la fin de l’année.

J’ai mentionné les livraisons intervenues en 2010 dans le domaine de la dissuasion. Pour les armements conventionnels, je signale la livraison, attendue depuis bien longtemps, des premiers hélicoptères NH 90 NFH pour la marine, dont l’évaluation opérationnelle se déroule de façon satisfaisante, tout comme celle des premiers systèmes FELIN.

Pour ce qui est de la tenue des coûts, la DGA a maintenu sa performance de gestion à un niveau satisfaisant : en 2010, la hausse moyenne des devis, pour l’ensemble des opérations d’armement du programme 146, sera largement inférieure à 1 %, en incluant l’impact de la renégociation du contrat A400M, qui représentait à la fin du mois d’août 0,6 % de la hausse à lui seul. C’est en matière de maîtrise des délais des programmes que l’effort doit manifestement être poursuivi, tant par la DGA que par les industriels : fin août, nous en étions à 1,7 mois de retard pour un objectif de 2,25 mois. Toutefois, la situation de cet indicateur tient pour une grande part à l’A400M, ainsi qu’à un arbitrage en faveur de l’exportation d’un hélicoptère Caracal qui a été prélevé à cette fin sur la chaîne de production parmi les appareils initialement prévus pour équiper nos forces.

Les commandes pour les urgences opérationnelles devraient représenter 160 millions d’euros en 2010, la moitié portant sur des dispositifs de protection du combattant. Le délai moyen entre la réception de la demande de l’état-major des armées et la commande au fournisseur est de quatre mois, ce que l’on peut juger très satisfaisant, d’autant que dans certains cas nous avons l’obligation de mener une mise en compétition des fournisseurs.

Sur le plan européen, la relation franco-allemande au plan de l’armement est relativement atone. Un groupe d’impulsion a été créé en septembre sur décision des deux ministres de la défense pour tenter de relancer la coopération bilatérale ; les perspectives ouvertes avec l’Allemagne restent malheureusement assez minces à ce stade. Nous attendons la présentation du nouveau programme au Bundestag par le ministère de la défense allemand en novembre prochain pour mieux apprécier les opportunités à venir. Une semblable relance de la coopération a été engagée avec l’Italie qui est le pays avec lequel nous avons le plus grand nombre de projets en cours. Enfin, un rapprochement a été engagé avec le Royaume-Uni à l’occasion de sa revue stratégique de défense et de sécurité. Ceci devrait se concrétiser lors du sommet franco-britannique du 2 novembre prochain en particulier dans le domaine des programmes et de la R&T et dans le domaine industriel.

Pour ce qui concerne l’OTAN, je soulignerai la nomination de Patrick Auroy, précédemment directeur général adjoint de la DGA, au poste de secrétaire général adjoint de l’Alliance pour les investissements de défense. C’est la première fois que ce poste n’est pas occupé par un Américain. Au sommet de l’OTAN qui se tiendra à Lisbonne le 20 novembre prochain seront abordés notamment la défense anti-missiles balistiques et la cyber-défense, pour lesquelles des décisions structurantes pour les années à venir pourraient être prises.

J’ai dit que l’effectif de la DGA s’établira à 11 300 personnes à la fin 2010. Le resserrement des effectifs se fait conformément aux prévisions. Les fermetures de sites et notamment celles du laboratoire de recherches balistiques et aérodynamiques et de l’établissement d’Angers, où sera tout de même maintenue une antenne avec les pistes d’essais, sont des opérations lourdes qui demandent du temps, en particulier pour traiter l’avenir des personnels avec toute la considération requise. Nous nous efforçons de ne laisser personne au bord du chemin et pour le moment nous sommes parvenus à trouver un emploi pour chacun.

S’agissant des exportations, les perspectives de commandes 2010 sont d’environ 5 milliards d’euros, hors commande Rafale, et les prises de commande s’établissent à ce jour à quelque 3 milliards ; la régression sera assez nette au regard des 8 milliards de commandes enregistrées en 2009. Les résultats constatés sont inférieurs aux prévisions dont nous vous avions fait part lors de l’examen du PLF 2010. Outre que l’absence de contrats étrangers pour le Rafale pénalise les prises de commandes de nos exportations, elle a des conséquences sur notre programmation car des dispositions contractuelles nous obligent à maintenir une production de onze avions par an, ces appareils étant affectés à nos forces faute de client export.

Le dispositif d’accompagnement des exportations créé pour donner suite au rapport de M. Yves Fromion porte néanmoins ses fruits. La coordination entre les services est infiniment meilleure, grâce, notamment, à l’animation très efficace conduite par M. Jean-Paul Faugère, directeur de cabinet du Premier ministre.

J’en viens au projet de loi de finances pour 2011. Il marque une inflexion par rapport à la trajectoire de ressources prévues au titre de la loi de programmation militaire (LPM) en raison de l’exigence de réduction des déficits publics. Des ajustements ont été opérés pour respecter les arbitrages d’élaboration du budget triennal 2011-2013, ce qui conduit à soustraire aux programmes d’armement dont j’ai la charge un peu plus de 2 milliards d’euros par rapport à ce que prévoyait la LPM. L’objectif d’engagement qui en résultera est de l’ordre de 10 milliards pour le programme 146, et de 700 millions d’euros pour les études amont au titre du programme 144.

Les ressources allouées aux paiements s’établiront à 9,7 milliards pour le programme 146, dont 750 millions d’euros provenant de recettes extrabudgétaires. Ce niveau contraint de ressources aggravera le solde de gestion du programme 146 d’environ 500 millions d’euros supplémentaires. Le montant des crédits alloués aux études amont au sein du programme 144 sera préservé avec un niveau d’environ 700 millions d’euros.

Les ajustements opérés dans le cadre de la construction du budget triennal consistent principalement à reporter le lancement de plusieurs programmes nouveaux. Je rappelle qu’en 2009 nous avions concrétisé beaucoup des commandes pluriannuelles avec notamment les Rafale, les frégates FREMM, les sous-marins Barracuda, les véhicules blindés de combat d’infanterie (VBCI), le système FELIN tout en révisant à la baisse les cadences de fabrication. Ces programmes en production sont des facteurs de rigidité certains. Les ajustements réalisables sur ces programmes en cours de réalisation sont en effet maintenant extrêmement limités. Nos marges de flexibilité sont, de ce fait, modestes et portent presque uniquement sur le lancement des programmes nouveaux : c’est ce qui explique en particulier le décalage de la rénovation des Mirage 2000D et du programme MRTT.

Qu’en est-il des principales commandes et livraisons en 2011 ? Le renouvellement des composantes océaniques et aériennes de la dissuasion se poursuivra, notamment par la commande de travaux d’adaptation au missile M 51 des trois premiers SNLE NG lors de leurs IPER respectives, prévues pour s’étaler jusqu’en 2018. Le renforcement de nos capacités de frappe trouvera un prolongement dans la commande d’un troisième sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) Barracuda et de 900 missiles Mistral rénovés, dans la livraison de 11 avions Rafale et de six hélicoptères d’appui et de protection Tigre qui ont fait la démonstration de leur efficacité en Afghanistan. Des armements air-sol modulaires, des missiles MICA et d’autres équipements sont également prévus.

Le soutien et la mobilité des troupes au sol seront modernisés par la poursuite des livraisons des VBCI, de petits véhicules protégés (PVP), de véhicules blindés légers (VBL), des premiers véhicules articulés chenillés à haute mobilité (VHM) et du premier NH 90 pour l’armée de terre, ainsi que par la poursuite des livraisons de NH 90 pour la marine. Quant à la fonction « Connaissance et anticipation », les livraisons principales porteront sur six POD de reconnaissance de nouvelle génération et deux AWACS rénovés.

Pour ce qui concerne la filière industrielle de la propulsion solide, onze ans après avoir été lancé, le projet Héraklès va pouvoir aboutir avec le rapprochement de SNPE Matériaux énergétiques (SME) et de Safran. L’ensemble constituera un pôle très solide qui permettra d’envisager d’autres opérations ultérieures, notamment au plan européen. La recherche de rationalisation dans les secteurs naval et terrestre sera par ailleurs poursuivie. Enfin, dans les domaines de l’électronique embarquée et de l’optronique, la France ne peut plus se permettre d’entretenir deux filières ; cela nous a conduits à chercher à rectifier les périmètres d’activité de Thales et de Safran.

Sur le plan européen, l’axe principal pour 2011 sera la mise en œuvre avec les Britanniques des décisions qui devraient être prises lors du prochain sommet franco-britannique.

Concernant les institutions internationales, le processus de remplacement du directeur actuel de l’agence européenne de défense devrait aboutir d’ici à la fin de l’année ; le nouveau directeur devra impulser une nouvelle dynamique.

Au-delà de 2011, nous commencerons à élaborer notre contribution aux travaux préparatoires à la révision du Livre blanc et à la prochaine LPM. Nous poursuivrons aussi, je l’espère, le rapprochement franco-britannique, et nous finaliserons la mise en œuvre de la modernisation de la DGA.

S’agissant de l’état d’avancement des négociations relatives à l’A400M, je peux vous indiquer qu’elles progressent normalement. Il y a un point technique délicat qui concerne le flight management system (FMS) réalisé par Thales. Airbus et Thales nous proposent une solution conduisant à augmenter le nombre de standards de l’avion, proposition que nous étudions avec circonspection. Des dispositions financières contractuelles, prenant la forme de rétentions de paiement, sont en cours de négociation afin de garantir la mise à hauteur par l’industriel de tous les aéronefs aux standards successifs. Les discussions sur le projet d’avenant ont progressé récemment. L’objectif est de les avoir conclues pour le 5 novembre prochain. Cela permettrait la signature du document avant la fin de l’année 2010. Dans le même temps, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France mettent en place avec Airbus le dispositif d’aide financière à l’exportation, dit export levy facility. Les nouvelles bases du programme sont donc à présent établies. L’attention se portera donc à présent sur la suite des travaux de développement de l’appareil. L’avion est actuellement en phase d’essai en vol et se comporte excellemment, mais nous apporterons une grande vigilance à la bonne exécution des travaux par l’industrie. La première livraison d’un A400M à l’armée de l’air française est prévue en 2013 dans un premier standard opérationnel. Les standards s’échelonneront ensuite jusqu’en 2018 ; les derniers standards portent sur des fonctionnalités plus particulièrement requises par la Luftwaffe.

M. Yves Fromion, rapporteur pour avis. Ma première question portera sur les crédits alloués en matière de recherche et de développement (R&D). En effet, les documents budgétaires qui nous ont été transmis montrent une évolution qui, même si la diminution de crédits n’est pas d’une gravité exceptionnelle, n’est pas favorable. L’effort global de R&D passerait de 3,568 milliards d’euros en 2010 à 3,3 milliards en 2011, soit une baisse de 7,5 % dont on ne peut se satisfaire. Sur quoi portera-t-elle ? M. Yannick d’Escatha, président du CNES, a évoqué une forte dégradation des crédits alloués à la recherche spatiale ; qu’en sera-t-il et quel sera l’impact précis de cette évolution malvenue ?

Vous avez rappelé que SME va rejoindre Safran, ce dont je me réjouis, mais qu’en sera-t-il des autres composantes de SNPE ? Des regroupements européens sont-ils prévus ? La question demeure en suspens depuis longtemps sans que l’on sache vers quoi l’on tend. Nos seuls partenaires pourraient être au Royaume-Uni ou en Allemagne, nous sommes en concurrence directe avec eux…

L’excellent rapport de nos collègues Yves Vandewalle et Jean-Claude Viollet nous a fait toucher du doigt le retard pris dans la fabrication des drones à voilure fixe, mais il n’en va pas de même pour les drones à voilure tournante et, si nous savons concentrer nos efforts, nous parviendrons à conserver notre position d’excellence. Affectera-t-on à la recherche sur ces drones les crédits nécessaires pour aller de l’avant ?

Pour le programme d’imagerie spatiale MUSIS, les accords ont été signés pour le segment satellitaire, mais où en est-on pour le segment sol ?

Comment la DGA est-elle représentée au sein de l’agence nationale de la recherche, où elle doit avoir la place qui lui revient ? J’ai posé la question à vos services sans avoir de réponse.

J’en viens à une question de portée générale. Le président de la commission des finances et le rapporteur général de notre assemblée ont déposé des amendements pour modifier le mode de calcul du crédit impôt recherche et le consolider au niveau d’un groupe. Je pense que cette modification d’un dispositif dont on connaît le succès aura un impact négatif déraisonnable en matière de recherche de défense. Les crédits de recherche de défense étant par ailleurs réduits, il ne faut pas rendre plus difficile la situation de nos entreprises. Votre avis sur ce point nous serait précieux, et nous le relaierions auprès de la commission des finances.

M. Laurent Collet-Billon. Les autorisations d’engagement pour les études amont contractualisées vont augmenter de 5 %, passant de 672 millions d’euros à 708 millions. En revanche, les crédits de paiement, qui se sont établis à 722 millions en 2010, y compris les crédits du plan de relance, s’élèveront à 696 millions en 2011, dont 50 millions provenant du CAS fréquences. Nous serons donc amenés à faire des ajustements. Ma préoccupation provient de ce que les études amont constituent un remarquable outil de politique industrielle et de soutien à l’industrie en période difficile ; et la période est difficile. En effet la loi de programmation militaire étant une loi de production, les développements sont limités tant en nombre qu’en montant. Seules les études amont permettent de maintenir les bureaux d’étude industriels dans l’attente des futurs programmes. Je ne souhaite pas, bien sûr, que cela se fasse au détriment de l’équipement des armées, mais je considère qu’il est vital de maintenir les études amont au niveau le plus élevé possible.

Par ailleurs la longueur des délais de réalisation nous amène à entreprendre dès maintenant les études préliminaires pour les programmes nucléaires prévus à l’horizon de 2030. Ces études étant particulièrement lourdes sur le plan financier, elles mobilisent une large part des crédits, au détriment des autres études. Le fait que les crédits globaux de R&D baissent pour s’établir à 3,326 milliards d’euros est une raison supplémentaire pour maintenir les crédits destinés aux études amont à un niveau élevé. Pour toutes ces raisons, je souhaite, comme vous, que l’enveloppe globale des crédits alloués aux études amont augmente.

Grâce à la présence auprès de moi d’un professeur chargé de mission, nous avons désormais des relations étroites avec le monde de la recherche civile. Par ailleurs, la DGA entretient d’excellentes relations avec l’agence nationale de la recherche, mais il s’agit de relations contractuelles : nous lui fournissons des crédits afin qu’elle mène des recherches pour notre compte. En revanche, la DGA ne joue aucun rôle dans les instances de gouvernance ou de pilotage de l’agence ; peut-être une évolution en ce sens serait-elle à rechercher. Notre lien avec la recherche civile se fait également par le biais de contrats directs passés avec les universités. Nous soutenons par ailleurs quelque 450 thèses.

S’agissant de la recherche dans le domaine spatial, les études amont relevant du programme 144 baissent car plusieurs programmes sont désormais lancés ou en cours de lancement : MUSIS, mais aussi le satellite d’alerte avancée qui s’appuiera sur les résultats du démonstrateur SPIRALE et ultérieurement CERES pour le renseignement électromagnétique.

Dans le cadre du programme 191 « Recherche duale », des actions sont dévolues au CNES, à hauteur de 150 à 160 millions d’euros, qui intéressent au premier chef le ministère de la défense. Nous entretenons des relations très étroites avec l’établissement et nous siégeons à son conseil d’administration. Il existe par ailleurs une « équipe CNES/défense » qui nous permet d’orienter les actions menées par le CNES avec ce budget selon nos besoins et de vérifier la bonne utilisation de ces crédits.

Nous lançons la composante spatiale optique de MUSIS car nous devons assurer la succession du satellite HÉLIOS 2 à l’horizon de la fin 2016. Nous lançons en même temps le segment sol associé à cette composante, en lien avec l’Italie, afin d’assurer sa disponibilité lors de la mise en orbite du premier satellite pour permettre l’exploitation de ce dernier, quels que soient les aléas de la coopération avec nos partenaires européens.

Le crédit impôt recherche est un dispositif utile pour la recherche de défense et qui donne satisfaction. Un point semble toutefois devoir être amélioré, ce sont les pratiques de répartition de ce crédit entre les maîtres d’œuvre et leurs sous-traitants. Il conviendrait d’imposer comme règle que les PME sous-traitantes puissent capitaliser ce crédit.

Concernant l’évolution de SNPE, il est prévu que SME soit fusionné en bloc avec Safran.

Nous attachons la plus grande attention au développement de drones à voilure tournante, qui seraient des outils remarquables pour étendre le rayon d’action de notre marine, par exemple pour surveiller les eaux au large de la Somalie. Nous veillons par ailleurs au maintien du tissu industriel français dans ce domaine. 

M. François Cornut-Gentille, rapporteur pour avis. Jamais nous n’avions dépensé autant pour la défense que ces dernières années, ce qui est satisfaisant, mais une nouvelle époque commence, qui se caractérise par de très fortes contraintes budgétaires. Il en résulte qu’une nouvelle bosse se forme, ce que les différentes administrations impliquées vont commencer par nier. Mais vous et nous savons pourtant bien que des choix capacitaires et stratégiques décisifs devront être faits ; ils ne peuvent être uniquement dictés par des contraintes budgétaires. Ne doivent-ils pas être décidés dans la clarté, et sans repousser davantage la décision, pour éviter que ne se remette en marche une mécanique infernale trop bien connue ? Dans ces circonstances, le rôle de la DGA est considérable ; il outrepasse largement son expertise technique : il vous revient d’éclairer les autres administrations, le Gouvernement et la représentation nationale sur les choix capacitaires, industriels et d’indépendance nationale auxquels notre pays doit faire face. Si vous vous taisez, je crains vivement que ce que je redoute ne se reproduise. Je serais donc favorable à ce qu’au cours d’une audition ultérieure vous nous exposiez les choix qui nous attendent au cours des années à venir, engageant ainsi le débat de fond.

J’ai retenu de vos propos que de grandes différences d’approche persistent entre la France et l’Allemagne. Comment peut-on l’expliquer ?

M. Laurent Collet-Billon. Votre première question est la question centrale, celle qui conditionnera notre action pendant la fin de la décennie. On connaît le contexte : une programmation budgétaire triennale contrainte et une échéance électorale majeure en 2012. Pour la DGA, il est essentiel qu’une fois cette échéance passée, des choix déterminés et clairs soient faits. C’est ce à quoi nous allons travailler en 2011. Le niveau de ressources dont nous serons dotés fin 2012 et les années suivantes est capital. Nous commençons à y réfléchir avec l’état-major des armées. Il nous faut passer en revue les capacités opérationnelles, définir lesquelles doivent être mutualisées, partagées et conservées et en tirer les conséquences sur les programmes d’armement, et donc les technologies et l’industrie. C’est un travail considérable auquel nous nous attelons. Fin 2012, un premier projet devrait être prêt, qui permettra d’élaborer la loi de programmation militaire 2013-2018.

S’agissant des économies demandées, l’état-major des armées et la DGA ont tout fait pour ne pas gager excessivement l’avenir ; les choix fondamentaux devront avoir lieu en 2012.

Il va de soi que je ne vois aucun inconvénient à revenir devant votre commission sur ces questions.

En Allemagne, le débat devrait être tranché début novembre par le Bundestag sur les questions clefs que sont l’ampleur des réductions de personnel, la suspension du service national et la baisse du budget de défense. Sur ce dernier sujet, on entend parler d’une réduction de 8 à 9 milliards d’euros d’ici à 2014 pour les équipements ; s’il en est ainsi, les marges de coopération franco-allemandes dans ce domaine, déjà ténues, ne sont probablement pas appelées à s’améliorer.

M. Philippe Vitel, président. Pourriez-vous nous donner des explications sur la panne électrique qui affecte notre unique porte-avions nucléaire ? Par ailleurs, les études sur la fabrication d’un deuxième porte-avions nucléaire se poursuivent, mais elles sont le fait des industriels ; la DGA y est-elle associée ?

M. Laurent Collet-Billon. L’entretien de notre porte-avions nucléaire, et donc la réparation de l’avarie, relève du programme 178 qui est de la responsabilité du chef d’état-major des armées et, sous ses ordres, du chef d’état-major de la marine. L’avarie a révélé la possibilité de microfuites sur une soupape d’alimentation du circuit primaire. Il a été décidé de changer la soupape défectueuse. Cette opération sera menée sous la responsabilité du service de soutien de la flotte qui est charge du maintien en condition opérationnelle des bâtiments de la marine.

Nous travaillons activement avec nos homologues britanniques sur le projet de 2e porte-avions. Dans le même temps, les travaux relatifs à une solution nationale continuent, avec un niveau de dépense modeste mais réel. Nous étudions toutes les options, sans a priori.

M. Gilbert Le Bris. La période n’est pas faste pour les porte-avions, dont les Britanniques semblent envisager la mise sous cocon alors qu’ils entrent tout juste en service… Par ailleurs, au terme de leur récent entretien, le Président Nicolas Sarkozy et M. Anders Fogh Rasmussen, le secrétaire général de l’OTAN, ont affirmé leur volonté commune de s’engager dans la défense anti-missiles balistiques. Or, rien ne figure à ce sujet dans la LPM sinon une mention de l’alerte avancée. Peut-on envisager des programmes d’études amont dans ce domaine qui permettraient que la France tienne son rang ?

M. Damien Meslot. Lors de votre précédente audition, vous nous aviez donné des indications sur le surcoût prévisible de l’A400M. Où en est-on maintenant ?

M. Laurent Collet-Billon. On entend en effet parler à la fois de mise sous cocon pour les futurs porte-avions et de réforme des porte-avions britanniques actuels.

S’agissant de la défense anti-missiles balistiques, il s’agira, lors du sommet de Lisbonne, de passer d’une politique de défense de théâtre à une défense de territoire. La première et seule étape qui devrait être décidée à Lisbonne serait la mise en place d’un outil de commandement et de contrôle (C2) pour cette nouvelle défense, avec possibilité d’adjoindre à ce C2 des systèmes d’armes nationaux. Nous proposerons le système SAMP/T avec des missiles Aster 30. La dépense induite par la mise en place du C2 sera de l’ordre de 800 millions d’euros au total. La France y participera à proportion de sa contribution au programme d’investissement de l’OTAN pour la sécurité (NSIP), c’est-à-dire environ 130 millions d’euros. Sur ce point, rien d’autre ne devrait être décidé à Lisbonne.

S’agissant des programmes d’études amont, il est possible de consacrer raisonnablement 10 à 15 millions d’euros de crédits étude amont par an sur ce sujet. En revanche, un démonstrateur d’intercepteur, endo- ou exo-atmosphérique, comme le souhaiterait l’industrie, supposerait de passer à un montant d’études amont supérieur à 50 millions d’euros par an, puis à des dépenses de développement qui ne sont pas prévues à ce jour.

La part de la France dans la prise en charge du surcoût de l’A400M sera de 550 millions d’euros (HT). À cela s’ajoutera, hors du budget de la défense, un investissement compris entre 450 et 500 millions dans le cadre des aides à l’exportation, sous la forme de prêts avec garantie de remboursement. La question a été traitée en collaboration avec les autres États parties au programme et nous nous sommes trouvés d’accord pour estimer à plusieurs centaines d’appareils les perspectives d’exportation de cet aéronef. L’A400M sera le premier appareil sur son segment, ce qui lui confère de bonnes chances.

M. Jean-Claude Viollet. Le chef d’état-major de l’armée de terre nous a entretenus du programme Scorpion. Il a souligné que son abandon constituerait une régression conceptuelle et entraînerait des surcoûts. Or le lancement de ce programme est gelé. A-t-on l’assurance de son maintien dans le cadre de la présente loi de programmation militaire ?

M. Laurent Collet-Billon. Ce programme est gelé, il n’est pas annulé. La notification du contrat d’architecture pourrait intervenir avant la fin 2010, ce qui permettrait de mener les travaux nécessaires à la préparation du programme pendant deux ans. Les orientations pour ce programme au-delà de 2012 restent à trancher. Le programme Scorpion constitue une pièce majeure de la modernisation dont l’armée de terre a besoin. L’armée de terre a en particulier un besoin pressant de remplacement du véhicule de l’avant blindé (VAB) par le véhicule blindé multirôles (VBMR). Ce remplacement ne peut être différé étant donné l’état du parc de VAB.

M. Alain Rousset. On voit que les difficultés financières amènent à envisager des coopérations européennes, par exemple avec le Royaume-Uni pour les drones Watchkeeper. Par ailleurs, le grand emprunt peut, j’en suis certain, offrir des pistes pour les démonstrateurs. On doit aussi accélérer la dualité de la recherche et les transferts, par exemple pour employer les drones dans des applications civiles : la surveillance des feux de forêt ou des pollutions marines offre un champ d’action extraordinaire. J’approuve votre recherche de coopération avec les PME pour détecter des pépites industrielles à double utilisation, militaire et civile.

Mais l’hypothèse d’une coopération européenne renforcée doit conduire à un débat de fond pour déterminer quelles technologies la France souhaite conserver. S’agit-il des matériaux, de l’électronique, d’un autre secteur ? Je crois que nous ne devons pas reproduire les difficultés que nous rencontrons avec le FMS, développé en coopération.

Pour ma part, je souhaite que le savoir-faire acquis dans la conception et la fabrication des drones ne soit pas perdu.

Comme les autres administrations, la DGA subit les effets de la RGPP. Nous devons pourtant garder la maîtrise des choix et des évaluations industrielles, ce qui suppose des compétences dont la DGA est dépositaire. La réduction des effectifs de la DGA ne va-t-elle pas perturber le pilotage de la seule politique industrielle de l’État que la France a conservée ?

En période de restriction budgétaire, la tendance est à l’externalisation, par exemple pour la maintenance aéronautique, alors que le personnel des ateliers industriels de l’aéronautique (AIA) a fait des miracles. Il faut être particulièrement vigilant à ce sujet.

D’une manière générale, la réduction des effectifs de la DGA lui permettra-t-elle de maintenir ses capacités ?

M. Jean Michel. Ma question a le même objet. L’effectif de la DGA va donc passer de 14 500 personnes en 2007 à moins de 10 000 en 2014. L’application uniforme des conclusions de la RGPP est source de grande inquiétude. Le rôle de la DGA, chargée d’éclairer les choix des gouvernants, est irremplaçable. Parviendrez-vous, dans les conditions qui vous sont faites, à maintenir vos compétences ?

M. Laurent Collet-Billon. Nous avons une idée précise des compétences que nous voulons conserver en matière de drones, et elles diffèrent selon les types de drones. Ainsi, pour les drones à voilure tournante, c’est l’aspect aéronautique qui nous intéresse. Dans les autres secteurs, nous devons conserver deux compétences : notre capacité à valider la certification aéronautique de ces objets, y compris en la réalisant en interne dans nos centres d’essais. La deuxième compétence à conserver est celle qui traite des capteurs, lesquels déterminent les principales performances du système.

Je partage l’idée qu’il ne faut pas tout externaliser. Nos jeunes ingénieurs doivent pouvoir acquérir des compétences pratiques dans les ateliers industriels de l’aéronautique, à Bordeaux, à Clermont-Ferrand, à Cuers, à Ambérieu ou à Landivisiau, et dans les services de soutien de la flotte de Toulon ou de Brest. Je suis partisan de conserver ces services dans une périphérie proche de l’État.

Avec la RGPP notre effectif sera de 9 800 personnes en 2014. Notre plan stratégique de ressources humaines est fondé sur l’analyse de nos programmes et de nos missions. Nous avons recensé 56 métiers et nous essayons de maintenir des compétences réelles, avec des équipes suffisamment nombreuses, qu’irriguent des personnes venues de l’extérieur. En même temps que nous réduisons nos effectifs, nous renforçons notre expertise technique par une hausse de 4 % des effectifs dans les métiers de l’expertise technique pendant la durée de la LPM 2009-2014 alors que notre effectif global se réduit. Cela signifie que nous abandonnons certaines tâches en externalisant les quelques fonctions support qui ne l’avaient pas encore été. Nous tenons aussi compte de la création des bases de défense et du service d’infrastructures de la défense pour réduire le personnel correspondant dans nos services. Mais nous tenons par-dessus tout à conserver nos compétences techniques.

Je signale enfin que la DGA, en raison de la technicité des projets qu’elle pilote et de par les contacts qu’ils supposent avec les industriels, attire de plus en plus de jeunes ingénieurs, notamment de nombreux polytechniciens.

M. Yves Vandewalle. Le Gouvernement semble avoir décidé l’acquisition de Predator. Quelle urgence a motivé cette décision ? Que devient le parc des Harfang ? Y a-t-il des contreparties américaines ? Pour justifier un achat américain, le ministre évoque souvent le cas des AWACS et des HAWKEYE ; mais il s’agissait d’un marché de niche, c’est-à-dire d’un outil spécifique acheté sur étagère pour des questions de coût. Il en va tout autrement pour les drones qui représentent un marché d’avenir extrêmement porteur. Dans ce dossier, il y a certes une dimension militaire, mais il y aussi une dimension industrielle qui ne peut être ignorée. Qu’est-il envisagé à moyen terme, sachant que l’acquisition de Predator risque d’enfermer nos entreprises dans un tunnel pour le long terme ?

M. Laurent Collet-Billon. Il y a deux volets à votre question : celle de notre capacité à long terme et la manière de l’atteindre. L’option principale qui s’offre à nous est une coopération européenne. Mais elle ne permet pas de disposer d’un système avant 2018 ou 2020. Il nous faut donc étudier d’autres solutions pour assurer le maintien d’une capacité jusqu’à cet horizon.

Deux possibilités s’offrent principalement à nous : acheter des Predator ou prolonger le système Harfang. Nous étudions ce dossier sans parti pris. Je rappelle que la LPM prévoit une amélioration des capacités opérationnelles en matière de drones MALE à partir de l’horizon 2015, avec un achat sur étagère. L’analyse est en cours, elle sera soumise au ministre avant la fin du mois d’octobre et vous en serez tenus informés.

Le sujet est très difficile, et il est certain que la France et l’Europe ont, en ce domaine, tardé à prendre la mesure de l’intérêt des drones. Aux États-Unis, l’utilisation de ces appareils s’est généralisée pour s’étendre aux missions de sécurité civile comme la surveillance des feux de forêts et celle des frontières mais aussi pour la sécurité intérieure et la surveillance des grands événements politiques.

M. Christophe Guilloteau. Les blindés Aravis ne peuvent-ils remplacer les VAB ? Le plan de relance a permis d’acheter des Aravis qui sont en cours de livraison. Une nouvelle commande a-t-elle été passée ? Qu’en est-il également pour le VBMR ?

M. Laurent Collet-Billon. Les Aravis que nous avions commandés sont en cours de projection vers l’Afghanistan. Mais ces véhicules, conçus pour des missions d’ouverture de convoi et fortement protégés pour résister aux engins explosifs improvisés, ne transportent que très peu de soldats. Nous ne prévoyons pas de nouvelles commandes de ce type de véhicules.

Le VBCI est un véhicule lourd puisqu’il pèse 28 tonnes, voire 30 tonnes quand il est équipé de protections additionnelles, et donc relativement cher. Il n’est pas adapté pour répondre au besoin de remplacement des VAB qui doit être assuré par le programme VBMR. Pour ce dernier, la solution visée est un véhicule beaucoup plus léger, de l’ordre de 20 tonnes, pouvant emprunter tous les chemins et d’un coût unitaire maximal inférieur à 1 million d’euros pour la version de base.

Notre parc actuel de véhicules blindés est d’environ 3000 engins. Il en faudra au moins autant dans le futur, ce qui explique l’objectif de prix unitaire.

M. Christophe Guilloteau. Le VBMR sera-t-il produit par un ou par deux entreprises ?

M. Laurent Collet-Billon. Il m’est impossible de prévoir à ce jour l’évolution de l’organisation industrielle dans ce domaine.

M. Philippe Vitel, président. Monsieur le délégué général, je vous remercie pour ces précisions.

IV. —  EXAMEN DES CRÉDITS

La commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. François Cornut-Gentille, les crédits de la Mission « Défense » : « Équipement des forces – Dissuasion » pour 2011, au cours de sa réunion du mercredi 27 octobre 2010.

Un débat a suivi l’exposé du rapporteur.

M. Bernard Cazeneuve. Le ministre de la défense nous a présenté il y a quelques années la situation budgétaire catastrophique laissée par son prédécesseur et a dressé l’inventaire des programmes engagés sans financement. Souhaitant rompre avec cette pratique, il avait fixé pour objectif à la loi de programmation militaire (LPM) de tendre vers une armée plus svelte, projetable, mieux équipée tout en réduisant la bosse. Le déficit de financement était de huit milliards d’euros en 2009 et il s’élève à 31 milliards d’euros aujourd’hui. Quels sont les programmes lancés ces derniers mois qui ne bénéficient pas de financements ? Quelle est la soutenabilité de la LPM compte tenu de l’intégration dans le budget des recettes exceptionnelles, de la régulation budgétaire à hauteur de 3,5 milliards d’euros et de la bosse constatée ?

M. Christophe Guilloteau. Quelles économies peut-on escompter de notre désengagement de certains théâtres d’OPEX ?

M. François Cornut-Gentille. Il ne faut pas exagérer l’effet de la bosse : la somme de 31 milliards d’euros va être étalée dans le temps. Pour que l’analyse soit plus pertinente, le ministère de la défense propose d’autres indicateurs comme le pourcentage de dépenses obligatoires par rapport aux ressources disponibles. Il est de 67 % aujourd’hui et s’élèvera à environ 75 % en 2012. Pour déterminer la nature et le volume de la bosse, il faudrait dresser un bilan programme par programme. Je ne dispose cependant pas des éléments pour réaliser ce travail.

M. Bernard Cazeneuve. Par définition, la bosse consiste à reporter dans le futur le poids des engagements actuels. En quoi le montant des dépenses obligatoires peut-il nous rassurer ?

M. François Cornut-Gentille. Cet indicateur nous renseigne sur les échéances de paiement ; il permet de savoir quand la tension devient insupportable.

Pour ce qui est des économies résultant d’un désengagement en OPEX, il n’y a pas de réels gains à attendre, le dispositif semblant globalement stabilisé. Je relève par ailleurs que les OPEX sont désormais budgétées en loi de finances initiale à hauteur de 60 % à 70 % des besoins.

*

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission de la défense a donné un avis favorable à l’adoption des crédits « Équipement des forces – Dissuasion ».

*

* *

La commission est ensuite passée à l’examen des amendements.

Elle a d’abord été saisie de l’amendement II-DF 1 de MM. Guy Teissier et Philippe Vitel.

M. Philippe Vitel. Il s’agit de modifier les autorisations d’engagement (AE) et les crédits de paiement (CP) pour mettre un terme définitif à la différence de traitement entre les sapeurs-pompiers professionnels civils et les marins-pompiers de Marseille. En effet, ces derniers ne bénéficient pas des dispositions de la loi du 28 novembre 1990 relative à la fonction publique territoriale qui intègre l’indemnité de feu dans le calcul des pensions des sapeurs pompiers civils.

M. François Cornut-Gentille. Je suis favorable à cet amendement, mais il me semble que nous avons déjà abordé cette question l’année dernière.

M. Philippe Vitel. Cet amendement avait effectivement été adopté l’année dernière par l’Assemblée nationale et le Sénat, mais ce changement ne s’est pas traduit dans les textes réglementaires.

M. Yves Fromion. Je ne conteste pas l’intérêt de cette proposition mais il me semble qu’il serait également utile de comparer le statut des marins-pompiers de Marseille avec celui des sapeurs-pompiers de Paris.

M. Philippe Vitel. Ce n’est pas l’objet de cet amendement, mais la question devra bien évidemment être étudiée.

M. Jean-Pierre Soisson. Si je comprends bien, notre vote de l’année dernière n’a abouti à rien. Tout cela donne l’impression que nous nous exprimons dans le vide.

La commission a adopté l’amendement n°II-DF1.

*

La commission a ensuite examiné l’amendement II-DF 2 de MM. François Cornut-Gentille et Jean-Claude Viollet.

M. François Cornut-Gentille. Jean-Claude Viollet et moi considérons que la France est parvenue à un seuil critique dans le domaine du transport tactique et des ravitailleurs. Cela pose le problème de l’étiolement des compétences de l’armée de l’air et menace la crédibilité de notre dissuasion.

Cet amendement propose donc d’acquérir en leasing une première capacité d’avions mutlirôles (MRT) de type A 330. Notre objectif est de pousser le Gouvernement à faire un choix pour engager le renouvellement de notre flotte de ravitailleurs.

Nous proposons de financer cette mesure en mobilisant 20 millions d’euros sur les crédits du programme 178 « Préparation et emploi des forces » qui est doté de près de 22 milliards d’euros de crédits de paiement.

Je précise que le recours à ces appareils permettra de réaliser des économies de MCO, puisque celui des premiers MRT s’élèvera à 5 000 euros par heure de vol, alors que le coût du seul MCO des C-135 atteint actuellement plus de 13 000 euros.

M. Yves Vandewalle. Je soutiens ce projet mais m’interroge simplement sur sa compatibilité avec les décisions de mutualisation des moyens qui pourraient être prises avec les Britanniques.

M. François Cornut-Gentille. Les deux projets ne s’opposent pas. Si la coopération franco-britannique permettrait d’affréter des heures de vol complémentaires, les données dont nous disposons indiquent que cette option devrait être très coûteuse.

La commission a adopté l’amendement II-DF 2.

*

Puis la commission a examiné l’amendement II-DF 3 de M. Jean-Claude Viollet.

M. Jean-Claude Viollet. La rénovation des Mirage 2000D devait leur permettre d’intégrer une capacité de renseignement image mais également de renseignement électronique que possèdent aujourd’hui les Mirage F1CR avec leur pod ASTAC. Ces appareils leur permettent à la fois d’identifier les dispositifs de l’adversaire et de programmer nos systèmes de contre-mesure électronique.

La procédure de retrait accéléré du Mirage F1CR qui doit s’achever en 2014 et le report de la rénovation du Mirage 2000D renvoyée à l’après 2013 risquent de nous faire perdre, pendant cinq ans au moins, cette capacité indispensable pour entrer en premier sur un théâtre. C’est également une capacité indispensable au travail de la direction du renseignement militaire qui doit alimenter en continu ses bases de données.

Cet amendement vise donc à engager une rénovation a minima pour éviter toute rupture capacitaire, en laissant au ministère de la défense le temps de réfléchir plus largement à l’avenir de cette flotte. Une somme de 10 millions d’euros devrait suffire à intégrer les pod de renseignement électronique ASTAC sur l’ensemble des avions.

La commission a adopté l’amendement II-DF 3.

*

* *

M. Jean-Jacques Candelier. L’examen de ce budget donne le sentiment de naviguer à vue. Je déplore qu’il sacrifie l’homme au profit de l’équipement. L’arme nucléaire occupe une bonne place et coûte entre 10 et 11 millions d’euros par jour. Je m’interroge aussi sur l’utilité de la défense anti-missiles balistiques. L’intégration au commandement militaire de l’OTAN me semble une mauvaise décision. Enfin, nous nous enlisons en Afghanistan. Pour toutes ces raisons je voterai contre ce projet de budget.

*

* *

La commission a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Défense » ainsi modifiés.

*

* *

ANNEXES

ANNEXE N° 1 : PRINCIPALES DÉCISIONS BRITANNIQUES EN MATIÈRE DE DÉFENSE (OCTOBRE 2010)

Principales décisions prises par le Gouvernement britannique dans le cadre de la Strategic defence and security review d’octobre 2010

Marine

- Diminution des effectifs de 5 000 hommes (14 % du total) pour atteindre l’effectif de 30 000 personnels en 2015 ;

- démantèlement du porte-avions HMS Ark Royal ;

- démantèlement d’un porte-hélicoptères ;

- démantèlement de quatre frégates et d’un navire de soutien amphibie ;

- rationalisation des implantations de la marine.

À l’avenir, la Royal Navy disposera d’un porte-avions (au lieu de deux initialement), de 19 frégates ou detroyers (23 bâtiments initialement) et sept sous-marins nucléaires d’attaque

Armée de terre

- Diminution des effectifs de 7 000 hommes (6,8 % du total) pour atteindre un effectif de 95 000 personnels en 2015 ;

- diminution du nombre de brigades projetables ;

- diminution de 40 % du nombre de chars et de 35 % de l’artillerie lourde ;

- rationalisation des implantations territoriales et de l’état-major.

Armée de l’air

- Diminution des effectifs de 5 000 hommes (13 % du total) pour atteindre l’objectif de 33 000 personnels en 2015 ;

- retrait anticipé des C-130 Hercules remplacés par les A400M ;

- maintien en service des Tornado et retrait du service des Harrier, remplacés par le JSF ;

- non-mise en service de l’avion patrouilleur maritime NIMROD MRA4 ;

- retrait des VC 10 et TriStar remplacés par de nouveaux ravitailleurs A 330 ;

- rationalisation des implantations territoriales de la Royal Air Force.

Dissuasion

- Report de la construction des nouveaux SNLE en allongeant la durée de vie des sous-marins actuels ;

- réduction de nombre de tubes des nouveaux SNLE de 12 à 10 tubes ;

- réduction de nombre de têtes nucléaires embarquées dans chaque bâtiment de 48 à 40 têtes ;

- réduction du stock de têtes nucléaires de 160 à moins de 120 têtes.

Autres décisions

- Diminution des effectifs civils du ministère de la défense de 25 000 personnes ;

- Retrait des forces britanniques stationnées en Allemagne au plus tard en 2020.

ANNEXE N° 2 : EXTRAIT DU RAPPORT D’INFORMATION N° 2437

Source : Rapport d’information n° 2437 de MM. Bernard Cazeneuve et François Cornut-Gentille, « La réforme du ministère de la défense : le temps de la vigilance », avril 2010.

2. L’exemple du site de Vernon

À la demande des organisations syndicales et des élus, les rapporteurs se sont rendus le 28 octobre 2009 sur le site du laboratoire de recherches balistiques et aérodynamiques (LRBA) de Vernon qui doit être transféré sur le site du centre d’électronique de l’armement (CELAR) installé à Bruz près de Rennes. Les rapporteurs ont organisé cette visite en lien avec M. Franck Gilard, député de l’Eure, qui a attiré l’attention du ministère sur la situation du LRBA dès l’annonce des décisions de fermeture. Les rapporteurs ont d’ailleurs constaté que les observations qu’il avait été amené à faire dès le départ sont confirmées par la mise en œuvre de la restructuration. À l’issue de leur visite et de l’analyse des documents qui leur ont été transmis, ils ont adressé un courrier au délégué général pour l’armement afin qu’il précise un certain nombre d’éléments (documents en annexe).

a) Les missions et les personnels du LRBA

Le LRBA est un centre d’essais de la direction générale pour l’armement (DGA) qui rassemble l’ensemble des compétences et des moyens techniques associés pour fournir une expertise couvrant l’ensemble des domaines missiles et navigation. Il a pour principale mission l’expertise des systèmes de missiles et des systèmes de navigation, depuis la phase de faisabilité jusqu’à leur utilisation en service opérationnel voire jusqu’au retrait de service. Il participe à la spécification et à la validation des performances des futurs systèmes de missiles tactiques et stratégiques et contribue aux travaux relatifs à la performance en navigation des systèmes d’armes. Il est notamment impliqué dans les programmes Mistral, M51 (nouveau missile nucléaire pour la composante océanique) ou ASMP-A (nouveau missile nucléaire pour la composante aéroportée).

Lors de leur visite du site, les rapporteurs ont pu apprécier la qualité des installations, la plupart des équipements étant très récents et à la pointe de la technologie. Leur transfert fait donc peser un risque incompressible et impose par ailleurs de réaliser des travaux conséquents sur le site d’arrivée. La plupart des appareils doivent par exemple être particulièrement stables ; pour cela, il faut qu’ils soient installés sur des blocs de béton de plusieurs dizaines de mètres cube. Si ce travail ne demande aucune compétence technique particulière, il doit être réalisé suffisamment en amont pour que les appareils puissent être ensuite installés. Cela impose également des travaux de démolition sur le site de départ, sauf à limiter l’emploi des bâtiments.

b) Les justifications du transfert

La fermeture du site de Vernon devrait, selon le ministère, renforcer le pôle « électronique d’armement » en réunissant les centres de la DGA chargés des capteurs, du guidage, de la navigation et de la guerre de l’information. L’objectif est de créer un pôle de recherche et d’expertise sur le site de Bruz, où est actuellement implanté le CELAR.

— En examinant ce seul objectif de concentration et de regroupement des compétences, les rapporteurs s’étonnent du choix de Bruz : le CELAR ne suit aucun des programmes étudiés au LRBA. En revanche, des programmes structurants comme le M51 ou l’ASMP-A sont communs au LRBA et au centre d’essais de lancement de missiles (CELM) (272). Ce choix est d’autant plus surprenant que le CELAR est implanté dans une zone relativement dense et à proximité d’une agglomération importante, ce qui peut poser des difficultés pour certaines simulations exigeant un faible niveau de perturbation lumineuse. À l’inverse, le site de Biscarosse dispose d’une réserve d’espace qui aurait pu permettre l’installation du LRBA.

Le choix du CELAR aurait pu se justifier par l’existence de locaux disponibles ou facilement aménageables. Au contraire, les documents présentés aux rapporteurs indiquent clairement qu’il faudra procéder à la construction ex nihilo de nouvelles installations sur le site de Bruz et que le calendrier du transfert est justement établi en fonction de l’état d’avancement de ces travaux. À l’occasion de la visite, les rapporteurs ont pu mesurer les contraintes spécifiques de construction, certains appareils de tests nécessitant d’avoir une assise particulièrement solide, occupant un volume conséquent ou ayant un poids tel qu’ils ne peuvent pas être installés n’importe où.

La construction des bâtiments neufs représenterait un investissement de l’ordre de 21,3 millions d’euros auxquels s’ajoutent plus de 4 millions d’euros de réhabilitation de bâtiments.

Le délégué général rappelle que le choix de Bruz n’a été fait qu’après avoir comparé la solution alternative d’un déménagement à Biscarosse. Dans ce cas, il aurait alors fallu organiser le « transfert des équipes guidage/navigation vers DGA Maîtrise de l’information, afin de constituer une expertise commune dans les domaine des capteurs, impossible à réaliser sur le site de Biscarosse ». Il relève que le choix de Bruz exploite les « synergies entre les expertises [des équipes des deux centres] pour l’élargir aux autres métiers d’architecture système et aux activités d’expertise sur les capteurs, notamment en matière d’autodirecteurs et de contre-mesures ». Il observe enfin que le choix de Bruz permet de « ne pas séparer les équipes du LRBA » et de conserver une « bonne desserte avec Bagneux » (273).

— Indépendamment des infrastructures, le transfert implique de démonter et de remonter tous les équipements de Vernon à Bruz. Même si ces opérations sont faisables, elles restent extrêmement délicates. Les appareils devront par ailleurs être intégralement ré-étalonnés une fois qu’ils auront été remontés et il faudra procéder à de nombreux tests pour vérifier leur bon fonctionnement. Cela occasionnera donc une carence technique incompréhensible d’au moins six mois mais plus vraisemblablement d’une année. Dans l’intervalle, la DGA ainsi que les industriels qui utilisent les installations de Vernon ne disposeront d’aucune alternative, certains des équipements de Vernon n’existant nulle part ailleurs. Sur le plan financier, le coût du déménagement est actuellement estimé à 1,9 million d’euros, ce qui paraît clairement sous-estimé compte tenu des contraintes précédemment évoquées.

Au total, le coût en matière d’infrastructures est actuellement fixé à près de 30 millions d’euros. Toutefois, ce montant doit être analysé avec la plus extrême prudence : les prévisions concernant le site semblent en effet reposer sur des bases fragiles puisque les chiffres communiqués ne cessent d’évoluer au fur et à mesure de l’avancement du projet. Depuis le lancement du transfert, les coûts d’infrastructures ont été multipliés par six et devraient encore augmenter, toutes les difficultés techniques n’ayant pas trouvé de solution définitive. Le délégué général considère toutefois cette évaluation stabilisée.

— Ces besoins d’investissement sont d’autant plus problématiques que les estimations d’économies restent très peu étayées et s’appuient sur des postulats théoriques plus que sur des démonstrations économiques réelles. Le tableau ci-après présente les économies que la DGA espère tirer de la fermeture du site.

économies générées par le transfert du LRBA à Bruz

en millions d’euros par an

 

Gain

Coût

Suppression du budget de fonctionnement du site de Vernon

- 4,1

 

Réduction du budget d’investissement d’infrastructure et technique du LRBA

- 1

 

Augmentation du coût du soutien sur le site de Bruz liée à l’arrivée des activités techniques du LRBA

 

0,9

Augmentation du coût des missions lié à l’éloignement de Bruz par rapport à la région parisienne

 

0,5

Gain de rémunération des postes non transférés de Vernon à Bruz

- 6

 

Solde

- 9,7

Source : direction générale pour l’armement.

Si le coût de transfert est effectivement de 30 millions d’euros, il devrait être amorti en trois ou quatre ans si les économies sont effectivement de près de 10 millions d’euros par an. Pourtant, ce schéma se heurte à plusieurs obstacles conséquents.

● Le gain de rémunération des postes non transférés pourrait être fictif à l’échelle du ministère puisque les emplois concernés ne sont pas supprimés mais transférés vers d’autres structures. Le LRBA emploie en effet actuellement 417 personnes et seuls 201 postes sont ouverts à Bruz. Le tableau ci-après présente la situation des différents types de postes du LRBA.

Avenir des emplois du LRBA de Vernon

Type de postes

Destination

Date

Effectifs

Experts techniques

Bruz (201 postes)

2010-2012

212

Personnels de soutien

Reclassement dans des postes vacants dans et hors du ministère de la défense, IDV et départs en retraite

2010-2012

122

Service de liquidation des factures et comptabilité des matériels pour les unités de management de la DGA

Transfert à Val-de-Reuil

2010-2011

42

Service qualité (assurance qualité dans les entreprises de défense de la région)

Transfert à Val-de-Reuil

2010-2011

16

Centre de service ressources humaines (solde et administration des personnels militaires de la DGA)

Transfert à Paris

fin 2009

25

Source : direction générale de l’armement.

L’économie réelle ne repose donc que sur les indemnités de départ volontaire (IDV), les départs en retraite ne faisant que reporter la charge sur le compte d’affectation spéciale pensions. À ce jour, 59 personnes ont par exemple été reclassées dans d’autres structures du ministère de la défense, 4 dans un autre ministère et une personne dans une collectivité territoriale. S’y ajoutent 10 départs en retraite, 5 départs avec versement de l’IDV, une disponibilité et un congé pour convenances personnelles. Ces premiers résultats montrent que les économies réelles à l’échelle du ministère sont donc très limitées.

Le délégué généra l pour l’armement souligne que cette mesure permettra bien de réduire la masse salariale de la DGA car si le LRBA avait été maintenu « les départs à la retraite auraient dû être compensés pour assurer le maintien des activités, et les postes des autres entités, qui vont être gréés par du personnel LRBA dans le cadre de la fermeture de ce centre, auraient également nécessité un recrutement, car ils correspondent à un besoin confirmé » (274).

● Il convient également de s’interroger sur la valorisation des coûts de fonctionnement. Le LRBA disparaissant, son budget de fonctionnement est réduit à zéro et la charge des missions de soutien transférée au site de Bruz. Pourtant, les rapporteurs s’étonnent du décalage très significatif entre les économies prévues et le surcoût pour le soutien à Bruz. De même, le tableau fait apparaître un gain en matière d’investissement ; or il ne s’agit pas d’une économie mais, au mieux, d’une moindre dépense. Le délégué général considère quant à lui que « la diminution des infrastructures techniques (- 20 %), couplée à la suppression des surfaces tertiaires et à la rationalisation des moyens techniques permettent d’envisager un gain minimal de un million d’euros par an à compter de 2013 » (275).

Les rapporteurs restent prudents sur cette valorisation, estimant que l’amortissement du transfert à Bruz, indépendamment de toute considération sur l’opportunité ou sur l’impact social et technique, risque plutôt d’être amorti en dix ou quinze ans (et non en six ou sept ans comme le prévoit la DGA), et ce seulement lorsque toutes les opérations de transfert auront été achevées.

c) Une perte d’expertise réelle

Au-delà des aspects purement financiers, les rapporteurs ont été frappés par les risques que ce transfert fait peser sur la capacité d’expertise de la DGA. La DGA reconnaît elle-même que « la capacité d’expertise subit une encoche temporaire, mais retrouve son niveau initial en 6-7 ans » (276). Elle estime qu’environ 35 % des experts actuellement employés au LRBA suivront le transfert à Bruz, c’est-à-dire qu’il faudra compléter les ressources à hauteur d’environ 130 personnes. Or le recrutement ne suffit pas pour maintenir l’expertise, les métiers du LRBA exigeant une formation sur place relativement longue. Par ailleurs, les nouveaux experts ne pourront pas être formés par leurs prédécesseurs puisque ces derniers ne seront plus en poste.

Selon les projections faites par la DGA, le niveau d’expertise va chuter très fortement en 2010, atteignant un niveau proche ou inférieur à 50 % du niveau actuel. Si tous les efforts de recrutement et de formation sont effectivement faits, le LRBA ne retrouvera son niveau initial qu’en 2017. La DGA est consciente de cette difficulté mais rappelle que durant la période allant de 2010 à 2014, le « besoin en expertise » est moindre grâce à une « hiérarchisation […] des priorités d’intervention des experts, de manière à ce que toutes les activités primordiales continuent d’être menées durant la période transitoire » (277).

Les rapporteurs ont le sentiment que la prise de risque de ce transfert a été sous-estimée : même si toutes les prévisions sont confirmées, la défense devra faire face à un déficit d’expertise conséquent et durable. Cette décision semble éloignée de la loi de programmation militaire et de la réforme qui vise au contraire à renforcer les moyens de la défense et ses équipements en faisant un effort significatif sur les capacités de recherche et d’innovation. Par ailleurs, il apparaît qu’à chaque fois qu’une capacité technique est fragilisée, il est difficile, voire impossible de retrouver le niveau de départ sans un effort très important. La défense considère-t-elle que les spécialités du LRBA ne sont pas suffisamment stratégiques pour prendre le risque de ne plus les retrouver intégralement ? Le délégué général assure cependant avoir pris les mesures nécessaires pour que « la baisse transitoire des capacités d’expertise ne pénalise en rien les opérations majeures conduites au profit des forces et pour préserver un noyau de compétences techniques à même de permettre une reconstitution rapide des compétences » (278).

ANNEXE N° 3 : LES PROPOSITIONS DE LA FRANCE À LA CONFÉRENCE D’EXAMEN DU TNP DE 2010

Non-Prolifération

- Réponse résolue aux crises de prolifération, en particulier en Iran et Corée du Nord.

- Détermination des conséquences pour un État du non-respect de ses obligations et du retrait du Traité, comprenant notamment une suspension de la coopération nucléaire et des transferts.

- Promotion de l’universalisation du TNP.

- Universalisation et renforcement du système de garanties de l’AIEA, avec en particulier l’adoption universelle du protocole additionnel.

- Renforcement de la sécurité nucléaire et de la protection physique des matières nucléaires, et minimisation, quand elle est techniquement et économiquement faisable, de l’usage d’uranium hautement enrichi dans les activités nucléaires pacifiques, afin d’empêcher le trafic illicite et le terrorisme nucléaire.

- Renforcement des contrôles aux exportations, en particulier des matières et technologies nucléaires sensibles, et développement dans ce but de la coopération technique, des activités d’assistance, et du partage d’information.

- Coopération pour développer davantage les mécanismes multilatéraux de fourniture de combustible nucléaire, comme alternatives viables et crédibles au développement de capacités nationales d’enrichissement et de retraitement.

- Adoption de sanctions pénales contre les actes de prolifération et développement de l’assistance aux pays et aux acteurs, privés comme publics, dans le but de les sensibiliser à cet enjeu.

- Efforts internationaux et nationaux résolus pour combattre le financement de la prolifération.

- Adoption de mesures pour empêcher les transferts intangibles de connaissances et de savoir-faire, incluant des mécanismes de coopération en termes de vigilance consulaire.

- Développement de technologies résistantes à la prolifération.

Désarmement

De façon constante et concrète, la France œuvre en faveur du désarmement au niveau international. Nous ne pouvons en effet continuer à avancer sur la voie du désarmement que si la volonté de progresser est unanimement partagée. La transparence, la confiance et la réciprocité sont la base de la sécurité collective et du désarmement. À l’occasion de sa présidence de l’Union européenne en 2008, la France s’est engagée résolument afin que l’Europe formule, pour la première fois, des initiatives ambitieuses en la matière.

Sur la base des propositions formulées par le chef de l’État à Cherbourg, la France a, conjointement avec ses partenaires européens, présenté un plan d’action en matière de désarmement dans la perspective de la Conférence d’examen du TNP de 2010, qui a été endossé par les 27 chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne en décembre 2008 :

- La ratification universelle du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires et l’achèvement de son régime de vérification, ainsi que le démantèlement, dès que possible, de toutes les installations d’essais nucléaires, de manière transparente et ouverte à la communauté internationale.

- L’ouverture sans délai et sans pré-conditions de la négociation d’un traité d’interdiction de la production de matières fissiles pour les armes nucléaires, ainsi que la mise en place d’un moratoire immédiat sur la production de ces matières et le démantèlement des installations dédiées à leur production.

- La mise au point par les puissances nucléaires de mesures de confiance et de transparence.

- La mise en œuvre du nouvel accord Start signé par les États-Unis et la Russie, ainsi qu’une réduction globale du stock mondial d’armes nucléaires conformément à l’article VI du TNP, en particulier par les États qui possèdent les plus larges arsenaux.

- La prise en compte des armes nucléaires tactiques, par les États qui en possèdent, dans les processus globaux de maîtrise des armements et de désarmement, en vue de leur réduction et de leur élimination.

- L’ouverture de consultations sur un traité multilatéral interdisant les missiles sol-sol de portée courte et intermédiaire.

- L’adhésion et la mise en œuvre par tous du Code de conduite de La Haye.

- Au-delà, une mobilisation dans tous les autres domaines du désarmement.

Usages pacifiques de l’énergie nucléaire

- Aider les pays à prévoir et à évaluer leurs divers besoins énergétiques.

- Assurer un développement responsable des usages pacifiques de l’énergie nucléaire, dans les meilleures conditions de sûreté, de sécurité et de non-prolifération.

- Soutenir activement les efforts pour développer davantage les mécanismes multilatéraux dans le domaine du cycle du combustible.

- Promouvoir les standards les plus élevés en matière de non-prolifération, de sûreté et de sécurité nucléaires, ainsi que les pratiques les plus rigoureuses, en assistant les partenaires désireux de mettre en place les environnements réglementaire, administratif et humain appropriés.

- Encourager les pays qui ne l’ont pas encore fait à adhérer à toutes les principales conventions nucléaires pertinentes, en particulier dans les domaines de la sûreté nucléaire, de la protection physique et de la responsabilité nucléaire civile.

- Promouvoir une gestion responsable du combustible usé et des déchets nucléaires, et aider les pays à élaborer des solutions à la gestion des déchets, y compris à l’échelle régionale.

- Aider les pays à établir ou renforcer des systèmes fiables de contrôle des exportations.

- Soutenir les programmes d’assistance de l’AIEA et appuyer le fonds pour la sécurité nucléaire de l’AIEA, financièrement et par une expertise technique.

- Soutenir les efforts nationaux, bilatéraux et internationaux pour former la main-d’œuvre qualifiée nécessaire.

- Chercher à garantir une transparence appropriée et un accès à l’information dans le développement des programmes électronucléaires.

- Promouvoir les applications nucléaires sanitaires et agricoles, en particulier dans la lutte contre le cancer dans les pays en développement, les applications hydrologiques et l’aide aux pays en développement pour l’amélioration de la radio-protection.

Source : www.francetnp2010.fr

ANNEXE N° 4 : ÉVOLUTION DES CAPACITÉS SATELLITAIRES FRANÇAISES

Évolution des capacités satellitaires françaises

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ROIM (1)

Capacités jour et infrarouge

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


?

Post Hélios (Musis)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Hélios 2A

?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Hélios 2B

?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                     

 

Capacités jour

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Hélios 1A (au plus jusque 2010)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pléiades

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                     

 

Radar

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


SAR-Lupe + Cosmo-skymed

 

 

 

                                 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

     

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ROEM (2)

 

Essaim

 

 

 

 

 

 

 

CERES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ELISA

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                         
   

 

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

après 2017

 

 

(1) Renseignement d’origine image.

(2) Renseignement d’origine électro-magnétique.

Source : ministère de la défense.

Source : rapport n° 1615 de MM. Patrick Beaudouin et Yves Fromion sur le projet de loi (n° 1216) relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense, 8 avril 2009.

ANNEXE N° 5: LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
ET DES DÉPLACEMENTS

A. AUDITIONS

§ M. l’amiral Pierre-François Forissier, chef d’état-major de la marine nationale accompagné du capitaine de vaisseau Alain Giraud-Claude Lafontaine ;

§ M. le général Elrick Irastorza, chef d’état-major de l’armée de terre, accompagné du commissaire colonel Jean-Philippe Laporte ;

§ M. le général Frédéric Castay, chef de la division forces nucléaires de l’état-major des armées, accompagné de l’ingénieur en chef de l’armement Jérôme Avrin, adjoint programmes-finances ;

§ M. Bernard Bigot, administrateur général du commissariat à l’énergie atomique, accompagné de M. Jean-Pierre Vigouroux, chef du service des affaires publiques , chargé des relations avec le Parlement ;

§ M. Antoine Bouvier, PDG de MBDA, accompagné de M. Pierre Muller, directeur du commerce France et de Mme Patricia Chollet, chargée des relations avec le Parlement ;

§ M Jean-Louis Rotrubin, PDG de DCI accompagné de M. Henry Rouby.

B. DÉPLACEMENTS

§ Commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (septembre 2010)

o M. le général Gilles Desclaux, commandant de la défense aérienne et des opérations aériennes ;

o M. le colonel Pierre Vaysse, assistant militaire.

§ Base aérienne d’Avord (septembre 2010)

o M. le colonel Laurent Rataud, commandant la base de défense et la base aérienne n° 702 ;

o M. le lieutenant-colonel Vincent Dabadie, commandant l’escadron de détection et de contrôle aéroportés.

© Assemblée nationale

1 () Cf. annexe n° 1.

2 () Audition du chef d’état-major des armées par la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat le 29 juin 2010.

3 () Membres de l’Union européenne : Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Chypre, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie, Slovénie, Suède

Hors Union européenne : Afrique du Sud, Algérie, Argentine, Australie, Bolivie, Brésil, Canada, Chili, Chine, Colombie, Corée du Sud, Égypte, États-Unis, Inde, Indonésie, Iran, Israël, Japon, Libye, Malaisie, Maroc, Norvège, Nouvelle-Zélande, Pakistan, Pérou, Russie, Singapour, Suisse, Tunisie, Turquie, Ukraine, Venezuela, Viêt-nam

4 () Avis n° 1972 tome VII sur le projet de loi de finances pour 2010 de François Cornut-Gentille sur les crédits « Équipement des forces – dissuasion », 14 octobre 2009.

5 () Les éléments figurant dans ce type d’encadré reprennent exactement les réponses transmises au rapporteur par le ministère, y compris en matière de mise en forme.

6 () Rapport d’information n° 2127 de MM. Yves Vandewalle et Jean-Claude Viollet sur les drones, 1er décembre2009.

7 () Rapport d’information n° 332 (2009-2010) de Jean-Pierre Chevènement sur le désarmement, la non-prolifération nucléaire etla sécurité de la France, 24 février 2010.

8 () Discours du Président de la République à Douai le 4 décembre 2008.

9 () Rapport au Président de la République sur la situation des finances publiques de Paul Champsaur et Jean-Philippe Cotis, avril 2010.

10 () Ibid.

11 () Rapport public annuel de la Cour des comptes de 2010.

12 () Ordre adressé le vice-amiral Dean Mc Fadden, chef d’état-major de la force maritime, à ses unités le 23 avril 2010.

13 () Déclaration du général Walter Natynczyk, chef d’état-major de la défense, le 14 mai 2010

14 () Extrait du rapport public annuel de 2010 de la Cour des comptes.

15 () Audition du chef d’état-major des armées par la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat le 29 juin 2010.

16 () Discours de Robert Gates prononcé lors de la Navy League Sea-Air-Space Exposition, 3 mai 2010, National Harbor.

17 () Audition du chef d’état-major des armées par la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat le 29 juin 2010.

18 () Audition du ministre par la commission le 7 juillet 2010.

19 () Livre Blanc de la défense et de la sécurité nationale, juin 2008.

20 () Rapport au Parlement sur les exportations d’armement de la France en 2008.

21 () Entretien de Christian Mons, PDG de Panhard, Defense news, 21 juin 2010.

22 () Cité par l’agence officielle de presse Ria Novosti, « Défense : l’achat d’armes étrangères dope les usines russes », le 26 mai 2010.

23 () Communiqué du département fédéral de la défense du 25 août 2010

24 () Le fardeau militaire de la Grèce, Jean-Paul Hébert, CIRPES, 28 juin 2010.

25 () “ Turkey faults France and Germany on Arms Sales to Greece ”, New-York Times, 29 mars 2010.

26 () Entretien avec le quotidien Handelsblatt, 31 mai 2010.

27 () Observations complémentaires du ministère de la défense sur le rapport public annuel de la Cour des Comptes de janvier 2010.

28 () « Le missilier MBDA en panne de contrats à l’export », La Tribune, 23 juillet 2010.

29 () Discours d’ouverture de la 4conférence australienne JSF Innovation et Technologie, Melbourne, le 3 mai 2010.

30 () Audition de Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement par la commission le 20 octobre 2009.

31 () « Stratégie pour une industrie européenne de la défense plus forte et plus compétitive », communication faite par la commission européenne au Parlement européen, au Conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions, 5 décembre 2007, COM (2007) 764 final.

32 () « Den svenska exporten av försvarsmateriel ökade » 2009, ISP, 3 mars 2010.

33 () Livre blanc…, op. cit.

34 () The SIPRI top 100 arms-producing companies 2008, avril 2010

35 () Discours prononcé devant les dirigeants du G20, Toronto, 26 juin 2010.

36 () « Anti-IED needs fewer restrictions », DefenseNews, 11 mai 2010.

37 () La norme ITAR (international traffic in arms regulations) désigne les normes américaines relatives à la circulation internationale des armes.

38 () Discours de Robert Gates prononcé devant l’association Business Executives for National Security le 20 avril 2010.

39 () Ibid.

40 () Livre blanc… , op. cit., p. 237 et suivantes.

41 () Rapport d’information n° 2437 de MM. Bernard Cazeneuve et François Cornut-Gentille, La réforme du ministère de la défense : le temps de la vigilance, avril 2010.

42 () Ibid.

43 () Entretien au journal Le Monde du 15 mai 2010.

44 () Livre blanc… , op. cit.

45 () Rapport annuel public de Cour des Comptes de janvier 2010.

46 () Huitième rapport annuel du GAO sur l’évaluation de certains programmes d’armement, cité par le rapport de la Cour des comptes de 2010.

47 () Ibid.

48 () Ibid.

49 () Instruction générale n° 22912/DEF/SGA/DAJ/D2P du 26 mars 2010 relative à la gouvernance des investissements du ministère de la défense.

50 () Article R. 1132-3 du code de la défense.

51 () Arrêté du ministre de la défense du 17 février 2010 fixant les attributions, la composition et le fonctionnement du comité ministériel d’investissement.

52 () Instruction générale n° 22912/DEF/SGA/DAJ/D2P du 26 mars 2010 relative à la gouvernance des investissements du ministère de la défense.

53 () Instruction n° 29/DEF/EMA/PLANS/CP-CSF du 26 mars 2010 relative au fonctionnement du comité des capacités.

54 () Ibid.

55 () Rapport public annuel de 2010, op. cit

56 () Cf. infra.

57 () Cf . annexe n° 3.

58 () Entretien, Defense News du 23 août 2010.

59 () Loi organique n° 2001-692 du 1er  août 2001 relative aux lois de finances.

60 () Audition de la commission des finances de l’Assemblée nationale sur le système d’information financière Chorus du 22 juin 2010.

61 () Rapport d’information n° 2437 de MM. Bernard Cazeneuve et François Cornut-Gentille, op. cit.

62 () Audition de la commission des finances de l’Assemblée nationale sur le système d’information financière Chorus du 22 juin 2010.

63 () Présentation du rapport d’information n° 2565 sur le contrôle de l’exécution des crédits de la défense pour les exercices 2007 à 2009 devant la commission le 1er juin 2010.

64 () Audition du ministre de la défense par la commission sur les orientations budgétaires du ministère de la défense pour les années 2011-2013 le 7 juillet 2010.

65 () Audition du délégué général pour l’armement par la commission le 20 octobre 2010.

66 () Rapport d’information n° 2437, op. cit.

67 () Loi n° 2003-340 du 14 avril 2003 relative à la répression de l’activité de mercenaire.

68 () Audition du général Elrick Irastorza, chef d’état-major de l’armée de terre par la commission le 14 octobre 2009.

69 () Audition du général Jean-Paul Palomeros, chef d’état-major de l’armée de l’air par la commission le 7 octobre 2009

70 () « L’emploi des sociétés militaires privées en Afghanistan et en Irak », in Cahier de la recherche doctrinale, Centre de doctrine d’emploi des forces, juillet 2010.

71 () Discours du Président de la République à Douai le 4 décembre 2008.

72 () Discours du ministre de la défense, université d’été de la défense le 10 septembre 2009.

73 () Concept d’emploi des forces, PIA 00-100, état-major des armées, CICDE, 11 janvier 2010.

74 () Intervention de M. Karl-Theodor zu Guttenberg à l’académie militaire allemande le 26 mai 2010.

75 () Liberal Party, Social Democratic Party, Danish People’s Party, Socialist People’s Party, Conservative Party, Radical Liberal Party, Liberal Alliance Party.

76 () Audition du chef d’état-major des armées par la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat le 29 juin 2010.

77 () Livre blanc…, op. cit., p. 264.

78 () Audition du ministre de la défense par la commission le 7 juillet 2010, op. cit.

79 () Rapport public annuel de la Cour des comptes de janvier 2010.

80 () Entretien, DefenseNews du 28 juin 2010.

81 () Livre blanc…, op. cit., p. 260.

82 () Entretien au journal Les Échos du 20 mai 2010.

83 () Livre blanc …, op. cit. p. 272.

84 () « Stratégie pour une industrie européenne de la défense plus forte et plus compétitive », communication faite par la commission européenne au Parlement européen, au Conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions, 5 décembre 2007, COM (2007) 764 final.

85 () www.ape.minefi.gouv.fr

86 () « La Russie a perdu plus de 300 technologies dans la sphère militaire », Ria Novosti, 13 mai 2010.

87 () Discours de Robert Gates prononcé lors de la Navy League Sea-Air-Space Exposition du 3 mai 2010, National Harbor.

88 () Daily Telegraph du 22 juillet 2010.

89 () Rapport annuel public 2010, op. cit.

90 () « Tactique générale », CDEF, juillet 2008.

91 () Discours du Président de la République à Cherbourg le 21 mars 2008

92 () Livre blanc …, op. cit. p. 129.

93 () Entretien avec le Journal du Parlement, n° 50, printemps 2010.

94 () Audition par la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat, op. cit.

95 () Concept d’emploi des forces, PIA 00-100, État-major des armées, CICDE, 11 janvier 2010.

96 () “Turkey faults France and Germany on Arms Sales to Greece”, New-York Times, 29 mars 2010.

97 () « La Grèce va engager des changements profonds », entretien, La Croix, 3 juin 2010.

98 () Audition par la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat, op. cit.

99 () Entretien, DefenseNews, 5 avril 2010.

100 () Déclaration à la presse du 6 avril 2010.

101 () Cité par l’AFP, 20 mai 2010.

102 () « OTAN 2020 : une sécurité assurée, un engagement dynamique », groupe d’experts pour un nouveau concept stratégique de l’OTAN, 17 mai 2010.

103 () Sur ce point, on se reportera utilement à « Les problèmes posés par le développement des activités liées à l’extraction des ressources minérales de l’Antarctique », Jean-Yves Le Déaut, Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques, 9 novembre 1992.

104 () États signataires en 1959 : Afrique du Sud, Argentine, Australie, Belgique, Chili, France, Japon, Nouvelle-Zélande, Norvège, Royaume- Uni, URSS et Etats-Unis.

105 () Argentine, Australie, Chili, France, Nouvelle-Zélande, Norvège, Royaume-Uni.

106 () La route maritime du Nord canadien réduit de plus de 6 000 kilomètres le trajet entre la Chine et l’Europe.

107 () Cité par Ria Novosti, « Géopolitique : les intérêts de la Russie sont lies à l’Arctique », 29 avril 2010.

108 () Stratégie de défense, « le Canada d’abord », 2008.

109 () “China prepares for an ice-free arctic”, SIPRI, n° 2010/2, mars 2010.

110 () Canada, Danemark, États-Unis, Finlande, Islande, Norvège, Russie et Suède.

111 () Défense et sécurité internationale, Hors série n° 11, avril-mai 2010.

112 () Source : Atlas Géopolitique des espaces maritimes, coordination, Didier Ortolland, Éditions Technip, 2010.

113 () Review of maritime transport, 2009.

114 () Audition par la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat, op. cit.

115 () Audition de l’amiral Pierre-François Forissier, chef d’état-major de la marine, par la commission le 14 octobre 2009.

116 () Traité sur les principes régissant les activités des États en matière d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique y compris la lune et les autres corps célestes du 27 janvier 1967 entré en vigueur en France à compter du 5 août 1970.

117 () « La Russie a perdue plus de 300 technologies dans la sphère militaire », Ria Novosti, 13 mai 2010.

118 () « La Russie crée des armes capables de parer une attaque spatiale », Ria Novosti, 15 mai 2010.

119 () http://www.symantec.com/fr/fr/about/news/release/article.jsp?prid=20100420_02

120 () “Shadows in the cloud : investigating cyber espionage 2.0”, Information warfare monitor / Shadow server monitor, 6 avril 2010.

121 () Rapport mondial sur les drogues 2010, UNODC, juin 2010.

122 () Discours du Président de la République à Cherbourg le 21 mars 2008.

123 () Article 5 du Traité de l’Atlantique Nord du 4 avril 1949.

124 () Alinéa 7 de l’article 42 du Traité sur l’Union européenne, rédaction issue du Traité de Lisbonne.

125 () Alinéa 7 de la directive 2009/43/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009 simplifiant les conditions des transferts de produits liés à la défense dans la communauté.

126 () Ancien article 296 TCE.

127 () Directive 2009/81/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 relative à la coordination des procédures de passation de certains marchés de travaux, de fournitures et de services par des pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices dans les domaines de la défense et de la sécurité, et modifiant les directives 2004/17/CE et 2004/18/CE.

128 () Considérant 2.

129 () Considérant 18.

130 () Alinéa 17 de la directive 2009/81/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 relative à la coordination des procédures de passation de certains marchés de travaux, de fournitures et de services par des pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices dans les domaines de la défense et de la sécurité, et modifiant les directives 2004/17/CE et 2004/18/CE.

131 () Ibid.

132 () Règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimique.

133 () Un article est désigné comme « un objet auquel sont donnés, au cours du processus de fabrication, une forme, une surface ou un dessin particuliers qui sont plus déterminants pour sa fonction que sa composition chimique ».

134 () Directive n° 2002/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 janvier 2003 relative à la limitation de l’utilisation de certaines substances dangereuses dans les équipements électriques et électroniques.

135 () Directive n° 2002/96/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 janvier 2003 relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE).

136 () Il s’agit des outils électriques et électroniques, des gros et petits appareils ménagers, d’équipements informatiques et de télécommunications, de jouets,d’équipements de loisirs et de sport, de matériel d’éclairage, de distributeurs automatiques et de matériel grand public.

137 () Décret n°2005-829 du 20 juillet 2005 relatif à la composition des équipements électriques et électroniques et à l’élimination des déchets issus de ces équipements.

138 () Livre blanc …, op. cit., p  299.

139 () Concept d’emploi des forces, PIA 00-100, état-major des armées, CICDE, 11 janvier 2010.

140 () Cité par l’AFP, « Le président allemand Horst Köhler démissionne », 31 mai 2010.

141 () Audition de l’amiral Édouard Guillaud, chef d’état-major des armées, par la commission le 6 octobre 2010.

142 () Audition du général Stéphane Abrial, commandant suprême allié Transformation (SACT) à l’OTAN par la commission le 26 mai 2010.

143 () Audition du 5 octobre 2010, op. cit.

144 () Ces critères interdisent aux États d’avoir un déficit supérieur à 3 % de leur PIB et un endettement supérieur à 60 % de leur PIB.

145 () « L’Europe doit s’attaquer aux déficits publics », Olli Rehn, Le Monde, 8 juin 2010.

146 () Entretien au Monde, 1er juin 2010.

147 () Entretien avec Olli Rehn, Les Échos, 11 mai 2010.

148 () Communiqué à l’issue du conseil européen des finances à Luxembourg le 8 juin 2010.

149 () Intervention de Ray Mabus devant la Navy League Sea-Air-Space Exposition le 5 mai 2010.

150 () Audition par la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat, op. cit.

151 () Entretien, The Sun, 22 mai 2010.

152 () “Swedish military won’t deploy unfit air unit”, Defensenews, 3 février 2010.

153 () « Un nouveau pas vers l’Europe de la défense », in Air Actualités, n° 634, septembre 2010.

154 () Audition du ministre de la défense par la commission le 7 juillet 2010, op. cit.

155 () Audition par la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat, op. cit.

156 () Cet attachement est principalement lié à l’insularité du territoire à défendre : les îles britanniques dépendent quasi-exclusivement des mers et océans pour leur survie, comme l’a démontré l’enjeu crucial de la bataille de l’Atlantique lors de la seconde guerre mondiale.

157 () Entretien avec le général Jean-Paul Paloméros, chef d’état-major de l’armée de l’air, revue Défense, juillet-août 2010.

158 () Audition du délégué général pour l’armement par la commission le 20 octobre 2009.

159 () Livre blanc …, op. cit., p. 264.

160 () Instruction générale n°125/DEF/EMA PLANS/COCA – n°1516/DEF/DGA/DP/SDM du 26 mars 2010.

161 () Ibid.

162 () Rapport public 2010, op. cit.

163 () « Stratégie pour une industrie européenne de la défense plus forte et plus compétitive », communication faite par la commission européenne au Parlement européen, au Conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions, 5 décembre 2007, COM (2007) 764 final.

164 () Ibid.

165 () Ibid.

166 () Livre blanc…, op. cit., p. 169.

167 () Ibid, p. 128.

168 () Ibid, p. 169.

169 () “The existence of thousands of nuclear weapons is the most dangerous legacy of the Cold War”; source : www.whitehouse.gov.

170 () PAP 2011, p. 444.

171 () Décret n° 64-46 du 14 janvier 1964 relatif aux forces aériennes stratégiques.

172 () Entretien avec le général Paul Fouillaud, commandant des FAS, Air et Cosmos n° 2 226 du 9 juillet 2010.

173 () Air Actualités n° 633 juillet-août 2010.

174 () Entretien avec le général Paul Fouilland, commandant des FAS, Air et Cosmos, 9 juillet 2010.

175 () Ces montants correspondent aux dépenses liées à la fin du MCO de l’ASMP et au MCO de l’ASMP-A. Elles apparaissent dans la sous-action 22 de l’action 6 du programme 146.

176 () Entretien avec le général Jean-Paul Paloméros, chef d’état-major de l’armée de l’air, revue Défense, juillet-août 2010.

177 () L’acronyme MRTT désigne les avions multirôles de ravitaillement en vol et de transport.

178 () Entretien avec le général Jean-Paul Paloméros, chef d’état-major de l’armée de l’air, revue Défense, juillet-août 2010.

179 () Extraits des communiqués de presse diffusés en ligne sur le site des deux sénateurs.

180 () Défense et sécurité internationale, Hors série n°11, avril-mai 2010. Le 3 septembre 2010, le vice-amiral d’escadre Jean-François Baud a été remplacé par le vice-amiral Henri-Georges Mouton comme commandant des forces sous-marins et de la force océanique stratégique.

181 () Audition conjointe de la commission de la défense et de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, de M. Hervé Morin, ministre de la défense, sur les questions liées aux armes nucléaires, le 27 avril 2010.

182 () 32e rapport d’ensemble du comité des prix de revient des fabrications d’armement, publié au Journal Officiel du 22 juin 2010.

183 () Livre blanc…, op. cit.

184 () Instruction générale n°125/DEF/EMA, op. cit.

185 () Aujourd’hui signé par 182 États, ce traité n’est toujours pas entré en vigueur, seuls 35 pays, sur les 44 nécessaires, l’ayant ratifié. Parmi les États non signataires ou n’ayant pas ratifié le texte figurent les États-Unis, l’Inde, le Pakistan, l’Iran, Israël, la Chine, l’Égypte et la Corée du Nord.

186 () source : site du CEA : www.cea.fr.

187 () Source : site du CEA – www.cea.fr.

188 () Audition conjointe de la commission de la défense et de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, …, du 27 avril 2010, op. cit.

189 () Concept d’emploi des forces, PIA 00-100, état-major des armées, CICDE, 11 janvier 2010.

190 () Francis Gutman, « Pour la bombe », in Revue Défense nationale, juin 2010, n° 371, pp. 17 à 22.

191 () Audition conjointe de la commission de la défense et de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale,…, du 27 avril 2010, op. cit.

192 () Plan prospectif à 30 ans du ministère de la défense, DGA, 2009.

193 () Audition conjointe de la commission de la défense et de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale,…, du 27 avril 2010, op. cit.

194 () Ibid.

195 () Francis Gutman, « Pour la bombe… », op. cit.

196 () Objectif directeur des systèmes d’information opérationnels et de communication, PIA 06-320, EMA, 24 juillet 2007.

197 () 11 septembre, rapport de la commission d’enquête, éditions des Équateurs, septembre 2004.

198 () Objectif directeur des systèmes d’information opérationnels et de communication, PIA 06-320, EMA, 24 juillet 2007.

199 () Avis n° 1972, op. cit.

200 () Loi de programmation militaire 2009-2014.

201 () Entretien avec le général Jean-Paul Paloméros, chef d’état-major de l’armée de l’air, revue Défense, juillet-août 2010.

202 () 11 septembre, rapport de la commission d’enquête, op. cit.

203 () Audition de François Auque par la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat le 29 juin 2010.

204 () Rrapport d’information n° 2142 de Bernard Deflesselles sur l’état du programme Galileo, commission des affaires européennes, Assemblée Nationale, 8 décembre 2009.

205 () Audition du général André Helly par la mission d’évaluation et de contrôle de la commission des finances le 25 mars 2010 - http://www.assemblee-nationale.fr/13/cr-mec/09-10/c0910020.asp.

206 () Ibid.

207 () Ibid.

208 () Rapport n° 1615 de MM. Patrick Beaudouin et Yves Fromion sur le projet de loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014, 8 avril 2009.

209 () Doctrine interarmées d’emploi des forces en opération, septembre 2002.

210 () Entretien au journal Les Échos, 6 septembre 2010.

211 () Audition de François Auque du 29 juin 2010, op. cit.

212 () Ibid.

213 () Entretien avec le général Jean-Paul Paloméros, chef d’état-major de l’armée de l’air, revue Défense, juillet-août 2010.

214 () Témoignage écrit transmis le 18 mars 2010 par Kenneth Anderson en vue de son audition par la sous-commission sur la sécurité nationale et les affaires étrangères de la chambre des représentants des États-Unis le 23 mars 2010.

215 () Allemagne, Australie, Azerbaïdjan, Belgique, Canada, Côte-d’Ivoire, Chypre, Équateur, Espagne, États-Unis, Finlande, France, Géorgie, Inde, Indonésie, Mexique, Nigeria, Pays-Bas, Philippines, Pologne, Royaume-Uni, Russie, Singapour, Sri Lanka, Suisse, Thaïlande et Turquie.

216 () Audition par la commission le 5 octobre 2010, op. cit.

217 () Entretien avec le général Jean-Paul Paloméros, chef d’état-major de l’armée de l’air, revue Défense, juillet-août 2010.

218 () Audition du général Jean-Paul Paloméros, chef d’état-major de l’armée de l’air, par la commission le 13 octobre 2010.

219 () Cité dans « Drones tactiques : l’État appelé à une décision rapide », in Le Figaro, 10 juin 2010.

220 () Entretien, Libération, 22 juillet 2010.

221 () Audition du chef d’état-major de l’armée de l’air par la commission le 13 octobre 2010, op. cit.

222 () Audition du ministre de la défense par la commission le 5 octobre 2010, op. cit.

223 () Ibid.

224 () Audition du général Elrick Irastorza, chef d’état-major de l’armée de terre par la commission le 14 octobre 2009.

225 () Général Jean-Pierre Martin et général Thierry Caspar-Fille-Lambie, « La projection par les airs, une mission au cœur des combats », in Défense nationale, n° 720, juin 2009.

226 () Avis sur le projet de loi de finances pour 2010 n° 1972 de François Cornut-Gentille sur les crédits « Équipement des forces – dissuasion », p. 41.

227 () Audition du ministre de la défense par la commission le 5 octobre 2010.

228 () Audition du délégué général pour l’armement par la commission le 24 mars 2010.

229 () Audition du chef d’état-major de l’armée de l’air par la commission le 13 octobre 2010, op. cit.

230 () Audition du général Jean-Paul Paloméros, chef d’état-major de l’armée de l’air, par la commission le 7 octobre 2009.

231 () Audition de Laurent Collet-Billon, délégué générale pour l’armement, par la commission le 20 octobre 2009.

232 () Point presse du 1er avril 2010.

233 () Audition du président d’Eurocopter par la commission le 1er décembre 2009.

234 () Cité par l’agence Ria Novosti.

235 () Cité par l’AFP.

236 () Cité par Défensenews, “Russia : we’re looking at alternatives to Mistra”, 25 mai 2010.

237 () Concept d’emploi des forces, PIA 00.100, EMA-CICDE, 11 janvier 2010.

238 () Audition du général Jean-Paul Paloméros, chef d’état-major de l’armée de l’air, par la commission le 7 octobre 2009.

239 () Audition du ministre de la défense le 7 juillet 2010, op. cit.

240 () Ibid.

241 () Avis n° 1972 tome VI de Jean-Claude Viollet du 14 octobre 2009.

242 () Audition du ministre de la défense le 7 juillet 2010, op. cit.

243 () Audition du chef d’état-major de l’armée de l’air par la commission le 13 octobre 2010, op. cit.

244 () Entretien avec le général Jean-Paul Paloméros, revue Défense, juillet-août 2010, op. cit.

245 () Réponse du ministre de la défense à la question écrite n° 10 976 publiée au Journal officiel Sénat du 18 mars 2010.

246 () « L’aérocombat », Doctrine, numéro spécial, mai 2008.

247 () Entretien, Air et Cosmos, n° 2 222, 11 juin 2010.

248 () Audition du président d’Eurocopter le 1er décembre 2009, op. cit

249 () Colonel Dubois, « L’emploi de l’artillerie sol/sol : évolution, perspectives et réflexions », in Objectif doctrine, décembre 2000.

250 () Audition du ministre de la défense du 5 octobre 2010, op. cit.

251 () Audition du général Elrick Irastorza, chef d’état-major de l’armée de terre, par la commission le14 octobre 2009.

252 () Chef d’escadron Durieux, « La protection contre la menace aérienne », in Doctrine, n° 15, septembre 2008.

253 () Audition du général Elrick Irastorza le 14 octobre 2009, op. cit.

254 () Convention sur les armes à sous-munitions signée à Oslo le 3 décembre 2008.

255 () Examen du projet de loi (n° 2501) tendant à l’élimination des armes à sous–munitions par la commission le 22 juin 2010.

256 () Défense et sécurité internationale, Hors série n° 11, avril-mai 2010.

257 () Ibid.

258 () « Défense : la marine russe a besoin de 50 sous-marins nucléaires », Agence Ria Novosti, 20 mars 2010.

259 () Audition de l’amiral Pierre-François Forissier le 14 octobre 2009, op. cit.

260 () Ibid.

261 () Discours de Robert Gates prononcé lors de la Navy League Sea-Air-Space Exposition le 3 mai 2010, National Harbor.

262 () Concept d’emploi des forces, PIA 00-100, état-major des armées, CICDE, 11 janvier 2010.

263 () Concept interarmées de défense surface/air, PIA 03.122, 18 avril 2000.

264 () Chef d’escadron Durieux, « La protection… », op. cit.

265 () 32rapport du CPRFA, op. cit.

266 () Audition de l’amiral Pierre-François Forissier, chef d’état-major de la marine, par la commission le 12 octobre 2010.

267 () Audition de l’amiral Pierre-François Forissier, chef d’état-major de la marine, par la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat le 28 janvier 2009.

268 () Audition de l’amiral Pierre-François Forissier le 12 octobre 2010, op. cit.

269 () Ibid.

270 () Ibid.

271 () Doctrine interarmées de la défense NRBC de 2004.

272 () Le CELM est né, en février 2005, de la fusion de trois centres d’essais français : le CEL, le CEM et le Gerbam. Basé sur trois sites (Landes, Méditerranée et Gâvres), il est chargé d’exécuter, dans des espaces sécurisés et sauvegardés, des essais en vol de missiles de toute catégorie et dans tous les milieux.

273 () Extraits du courrier du délégué général pour l’armement du 31 mars 2010.

274 () Ibid.

275 () Ibid.

276 () Extrait des documents transmis aux rapporteurs par la direction du LRBA.

277 () Ibid.

278 () Ibid.