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N° 2863

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 octobre 2010.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2011 (n° 2824),

TOME III

IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION

PAR M. Éric DIARD,

Député.

Voir le numéro : 2857 (annexe 27).

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2010 pour le présent projet de loi de finances.

À cette date, le ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire avait transmis 75 réponses, soit 83 % des 90 questions posées. Ce pourcentage avait été porté à 92 % avant l’examen des crédits en Commission.

INTRODUCTION 7

I. – LA PARTICIPATION DE LA MISSION « IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION » À L’EFFORT DE RÉDUCTION DES DÉPENSES DE L’ÉTAT 9

A. UN CONTEXTE DIFFICILE : LA NÉCESSITÉ DE REDRESSER LES COMPTES PUBLICS 9

B. LES CONSÉQUENCES SUR LES CRÉDITS DESTINÉS À L’IMMIGRATION, L’ASILE ET L’INTÉGRATION 10

1. Une enveloppe contenue sur la période 2011-2013 10

a) Les perspectives triennales de la mission « Immigration, asile et intégration » 10

b) Les dotations inscrites au projet de loi de finances pour 2011 11

2. Des dépenses qui offrent peu de marges de manœuvre 13

II. – LA MAÎTRISE DE L’IMMIGRATION, DIMENSION PLUS QUE JAMAIS ESSENTIELLE DE LA POLITIQUE MENÉE EN FRANCE 14

A. LA LUTTE CONTRE L’IMMIGRATION CLANDESTINE, OBJECTIF PRIORITAIRE 14

1. L’existence de phénomènes migratoires irréguliers organisés 15

a) Un défi évolutif 15

b) Les principales zones d’origine des flux d’immigration irrégulière 16

2. Les moyens affectés aux contrôles aux frontières 17

3. Des résultats tangibles 19

a) Des chiffres qui parlent d’eux-mêmes en matière d’interpellations, de refoulements et d’éloignements des immigrants irréguliers 19

b) La lutte contre les filières d’exploitation de l’immigration illégale et la fraude documentaire 22

4. Un dispositif de rétention administrative en phase de modernisation 24

a) La poursuite de la rénovation du parc de centres de rétention 24

b) L’assistance sociale et sanitaire aux personnes retenues 27

c) Un recours encore limité aux audiences délocalisées et à la visioconférence 28

5. La mise en place d’instruments de contrôle et de suivi des flux migratoires plus performants 29

B. UNE IMMIGRATION CONCERTÉE QUI SE CONCRÉTISE, EN DÉPIT D’UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE PLUS DIFFICILE 31

1. Un rééquilibrage des flux migratoires en faveur de l’immigration professionnelle provisoirement contrarié par la crise 31

a) Une dynamique réelle et significative 31

b) L’impact conjoncturel de la dégradation de l’environnement économique 33

2. La stabilisation de l’immigration familiale 34

3. La forte attractivité de la France à l’égard des étudiants étrangers, un important motif de satisfaction 35

III. – LA GARANTIE DU DROIT D’ASILE : UN ENJEU BUDGÉTAIRE AUTANT QU’UN DEVOIR MORAL ET JURIDIQUE 36

A. LES CONTRAINTES EXOGÈNES DE LA DEMANDE D’ASILE 36

1. Des prévisions difficiles à établir 36

2. Une tendance haussière désormais bien installée 37

B. UNE PRISE EN CHARGE COÛTEUSE 39

1. Le réseau des centres d’accueil, premier poste de dépense 39

a) Des capacités maintenues à un niveau important 39

b) Une durée d’hébergement difficile à réduire 40

2. Une légère revalorisation des dotations consacrées à l’allocation temporaire d’attente 42

3. Une réévaluation sensible, mais probablement insuffisante, des financements destinés à l’hébergement d’urgence 43

C. DES EFFORTS NOTABLES EN VUE D’UNE MEILLEURE MAÎTRISE DES BESOINS 44

1. La régionalisation du premier accueil 44

2. L’optimisation de la durée de traitement des dossiers 45

a) Les efforts de l’office français de protection des réfugiés et apatrides 46

b) L’action engagée au niveau de la Cour nationale du droit d’asile 47

IV. – L’INTÉGRATION ET L’ACCÈS À LA NATIONALITÉ, DÉBOUCHÉS INDISPENSABLES ET NATURELS POUR L’IMMIGRATION RÉGULIÈRE 49

A. UN DISPOSITIF D’INTÉGRATION RATIONALISÉ ET EN VOIE DE PERFECTIONNEMENT 50

1. L’accueil des primo-arrivants 50

a) Un opérateur unique : l’office français de l’immigration et de l’intégration 50

b) Un cadre contractuel pertinent : le contrat d’accueil et d’intégration 52

2. L’intégration des étrangers en situation régulière et des réfugiés 55

a) Des efforts significatifs en faveur de l’insertion sociale et professionnelle des étrangers en situation régulière 55

b) L’accompagnement des demandeurs d’asile ayant obtenu le statut de réfugié 57

3. Le problème des mineurs étrangers isolés 58

a) Un défi de plus en plus prégnant 58

b) Un régime juridique en voie d’amélioration 59

B. L’ACCÈS À LA NATIONALITÉ, ABOUTISSEMENT ULTIME DU PARCOURS D’INTÉGRATION 60

1. Une départementalisation du traitement des dossiers de naturalisation entrée en régime de croisière 60

2. Une nouvelle réforme du droit de la nationalité en perspective 62

EXAMEN EN COMMISSION 65

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS 79

SIGLES ET ABRÉVIATIONS 81

MESDAMES, MESSIEURS,

La France est une terre d’accueil et d’immigration : l’an passé, quelque 193 401 titres de séjour ont été délivrés à des ressortissants de pays tiers à l’Union européenne et l’Espace économique européen, tandis que 47 686 demandeurs d’asile se sont présentés dans notre pays. La Nation elle-même est le creuset de plusieurs vagues de populations d’origine étrangère, attirées par la valeur accordée au respect des droits de l’homme et l’essor économique français ; 14 millions de Français sont ainsi d’origine étrangère et, en 2009, il a été procédé à 108 303 naturalisations nouvelles.

Ces constats soulignent le caractère stratégique de la politique relative à l’immigration, l’accueil des demandeurs d’asile et l’intégration. Non seulement celle-ci conditionne, pour une large part, la solidité du pacte républicain et l’expansion économique de notre pays, mais elle mobilise des financements considérables.

Depuis 2007, l’État s’est opportunément doté d’instruments destinés à rationaliser le pilotage de son action en la matière.

Un ministère spécifique à ces questions a tout d’abord été mis en place dès l’élection du Président de la République, au printemps 2007. Composé d’une administration de mission légère, ce département ministériel suit de près l’évolution des flux migratoires réguliers, les avancées de la lutte contre les formes d’immigration illégale et le traitement des demandes d’asile. De même, il initie les actions de l’État en faveur de l’intégration des migrants. Indéniablement, il représente un atout face à des phénomènes migratoires qui évoluent sans cesse et relèvent de problématiques globales.

Corrélativement, une mission budgétaire a été créée afin de rassembler les crédits dédiés à la maîtrise de l’immigration, à l’exercice du droit d’asile et aux politiques d’intégration. Elle donne lieu, annuellement, à un examen par le Parlement, lors des débats afférents à chaque projet de loi de finances initiale. Cette mission ne reflète toutefois qu’une partie de l’effort financier des pouvoirs publics au sujet de l’immigration et de l’intégration des étrangers en France, le document de politique transversale sur la question révélant que l’ensemble des crédits affectés à cette politique sont répartis dans seize programmes budgétaires différents, pour un montant total avoisinant 4,2 milliards d’euros.

Cette redéfinition des outils de la politique d’immigration et d’intégration de la France s’est accompagnée d’une action volontariste des autorités nationales auprès des institutions communautaires, afin de parvenir à des progrès substantiels à l’échelle de l’Union européenne. Il en a résulté l’adoption, par le Conseil européen des 15 et 16 octobre 2008, du pacte européen sur l’immigration et l’asile, qui jette les bases d’une convergence des politiques menées par les États membres, dans un évident souci d’efficacité accrue.

Dans le prolongement de cette impulsion décisive, plusieurs directives importantes ont été adoptées : la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en situation irrégulière (directive « retour »), la directive n° 2009/50/CE du Conseil du 25 mai 2009 établissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d’un emploi hautement qualifié (directive « carte bleue européenne ») et, enfin, la directive n° 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009 prévoyant des normes minimales concernant les sanctions et les mesures à l’encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (directive « sanctions »). Ces différents textes sont en cours de transposition par le Parlement français, l’Assemblée nationale ayant adopté à cet effet en première lecture, le 12 octobre dernier, le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.

De fait, beaucoup a été entrepris par l’exécutif et sa majorité parlementaire depuis le début de la XIIIème législature afin de concilier l’ouverture de la France, dans le respect des principes qui ont toujours guidé sa tradition d’accueil, avec le rééquilibrage des flux migratoires en faveur d’une immigration professionnelle et une lutte déterminée contre les entrées irrégulières sur le territoire ainsi que les filières d’exploitation des étrangers clandestins. Ces efforts ne doivent pas pour autant être relâchés.

Il reste que le contexte économique et financier mondial actuel impose à l’État de contenir ses dépenses. Le projet de loi de finances pour 2011 traduit d’ailleurs cette préoccupation gestionnaire.

L’enveloppe dévolue à la mission budgétaire « Immigration, asile et intégration » ne sera que marginalement affectée par les contraintes de maîtrise des dépenses. La raison tient au fait qu’elle concerne le financement d’actions qui offrent peu de marges de rationalisation, notamment pour ce qui concerne la prise en charge des demandeurs d’asile dont le nombre est par définition non maîtrisable. Cela ne signifie pas, néanmoins, que des économies ne peuvent pas être réalisées, à efficacité constante de la politique suivie.

Plus que jamais, le débat budgétaire qui s’ouvre est donc fondamental. Il doit être l’occasion pour le Parlement de vérifier que les orientations comptables retenues garantissent l’efficacité des orientations politiques en matière d’immigration et d’intégration.

I. – LA PARTICIPATION DE LA MISSION « IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION » À L’EFFORT DE RÉDUCTION DES DÉPENSES DE L’ÉTAT

Le 11 mai 2010, le Premier ministre a fixé à l’ensemble des membres du Gouvernement un objectif précis de rationalisation des dépenses de l’État. Le ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire (MIIINDS) ne s’en trouve pas exonéré, même si l’effort qui s’applique à son cas est adapté à la spécificité de sa dimension administrative et de ses missions.

A. UN CONTEXTE DIFFICILE : LA NÉCESSITÉ DE REDRESSER LES COMPTES PUBLICS

La dépense publique française – notion qui inclut les dépenses de l’État, celles des collectivités locales et de la Sécurité sociale – est la plus élevée de l’Union européenne : elle a atteint 55 % du produit intérieur brut (PIB) en 2009 et se concentre sur les dépenses courantes (dépenses de personnel, de fonctionnement, d’interventions, de transferts aux ménages, de santé, ou de retraites) au détriment de l’investissement qui a reculé d’un point (en baissant à 3 %). Pour la seule année 2010, les déficits publics devraient avoisiner 7,7 % du PIB, niveau qui dépasse largement les prescriptions du pacte européen de stabilité et de croissance.

L’écart croissant entre les recettes et les dépenses est à l’origine de ce déficit chronique, alors même que les prélèvements obligatoires dans notre pays sont parmi les plus élevés des pays industriels. L’endettement s’est accru en conséquence au fil des années : la dette globale s’est élevée, fin 2009, à 1 489 milliards d’euros, soit 77,6 % du PIB.

La crise économique et financière qui a résulté de l’éclatement de la bulle immobilière aux États-Unis a une part de responsabilité majeure dans cette situation préoccupante des comptes publics. La sortie de crise impose désormais des efforts de redressement budgétaire, sous peine d’exposer l’État, les collectivités locales et les organismes de Sécurité sociale à un renchérissement substantiel de leurs emprunts, ainsi que l’a démontré la crise de la dette souveraine de pays comme la Grèce ou le Portugal.

Le budget pluriannuel de l’État pour la période 2011-2013, dont le projet de loi de finances pour 2011 constitue le premier volet, s’y emploie résolument et courageusement. Le gel en valeur des dépenses de l’État hors dette et pensions conduira à une diminution, en volume, de son budget de l’ordre de 0,2 % – niveau estimé de l’inflation – l’an prochain ; c’est un impératif pour ramener les déficits publics à 6 % du PIB. Il s’agit là d’un infléchissement fort par rapport aux budgets votés depuis 2006, construits sur un gel en volume seulement, c’est-à-dire sur la base d’une augmentation équivalente à l’inflation.

De fait, ce nouvel objectif de gel des dépenses requiert des économies importantes pour contrebalancer les dépenses dont la croissance ne peut pas être jugulée (prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne, prestations soumises à une indexation automatique sur les prix etc.). Sur les trois années à venir, ces économies s’articuleront essentiellement autour :

– du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux et de la diminution de 1,5 %, chaque année, des emplois des opérateurs de l’État ;

– de la diminution de 5 % en 2011 des dépenses de fonctionnement de l’État et de ses opérateurs, portée à 10 % en 2012 et 2013 ;

– d’une diminution d’environ 10 %, à moyen terme – c’est-à-dire d’ici 2013 – des dépenses d’intervention.

Ces normes transversales d’économies ne s’appliqueront toutefois pas de manière uniforme, de manière à ce que les priorités politiques du Gouvernement et de sa majorité parlementaire puissent obtenir les financements nécessaires. C’est là l’illustration du caractère responsable et équilibré des efforts entrepris.

B. LES CONSÉQUENCES SUR LES CRÉDITS DESTINÉS À L’IMMIGRATION, L’ASILE ET L’INTÉGRATION

La mission « Immigration, asile et intégration » a bénéficié en 2010 d’une revalorisation de 52 millions d’euros en autorisations d’engagement (+ 9,2 %) et de 42,9 millions d’euros en crédits de paiements (+ 8,4 %) par rapport aux prévisions de la programmation pluriannuelle 2009-2011. En 2011, dans un contexte budgétaire difficile, ses dotations se verront maintenues à un niveau très proche de celui de l’exercice en cours, ce qui illustre déjà en soi un effort de rationalisation des dépenses prévisibles pour faire face aux aléas inhérents à une demande d’asile en forte expansion.

1. Une enveloppe contenue sur la période 2011-2013

Le projet de loi de finances pour 2011 s’inscrit dans le cadre d’une nouvelle programmation triennale. Il devrait en représenter le point haut, puisque le plafond de la mission budgétaire devrait progressivement être abaissé à 545 millions d’euros en crédits de paiement.

a) Les perspectives triennales de la mission « Immigration, asile et intégration »

La programmation 2011-2013 des dotations de la mission « Immigration, asile et intégration » indique concrètement que le MIIINDS participera à la diminution des dépenses de fonctionnement de l’État au cours des années à venir. Les autorisations d’engagement et les crédits de paiement devraient ainsi diminuer respectivement de 3,6 % et 2,8 % sur la période.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION
« IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION » DE 2011 À 2013

(en millions d’euros)

Les hypothèses qui fondent cette programmation s’articulent autour :

– d’un non-remplacement d’un départ sur deux à la retraite aussi bien dans les effectifs administratifs du MIIINDS que dans celui des opérateurs relevant de sa tutelle ;

– d’une stabilisation des dépenses d’éloignement et de fonctionnement des centres de rétention administrative (CRA), de manière à garantir un niveau élevé de reconduites à la frontière ;

– d’une diminution des crédits immobiliers relatifs aux CRA, induite mécaniquement par la stabilisation de leurs capacités après 2011 ;

– d’une meilleure gestion du parc des centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA).

En tout état de cause, ces paramètres semblent raisonnables, de sorte que les plafonds inscrits sur la période triennale qui s’ouvre apparaissent crédibles.

b) Les dotations inscrites au projet de loi de finances pour 2011

Les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » inscrits au projet de loi de finances pour 2011 s’élèvent à près de 564,7 millions d’euros en autorisations d’engagement (- 0,2 % par rapport à 2010) et 561,5 millions d’euros en crédits de paiement (+ 0,7 % par rapport à l’exercice en cours). Les deux programmes de la mission connaîtront une évolution contrastée de leurs dotations, celui relatif à l’immigration et à l’asile (n° 303) voyant ses crédits augmenter (+ 2,2 % s’agissant des crédits de paiement) tandis que celui relatif à l’intégration et à la nationalité française (n° 104) accusera une baisse sensible de ses abondements (- 8,2 %).

Cet effet de ciseau s’explique assez aisément, dans la mesure où les crédits d’intervention qui figurent au programme n° 303 sont majoritairement destinés à la politique de garantie du droit d’asile, qui répond à des exigences internationales fortes et dépend de paramètres sur lesquels il est difficile pour l’État d’avoir prise. La demande d’asile, qui a connu – s’agissant des premières demandes – une augmentation de 13,7 % en 2008, 22,8 % en 2009 et 12 % sur le premier semestre 2010, est par nature peu prévisible. De ce fait, compte tenu de son dynamisme actuel, il n’aurait pas été raisonnable d’appliquer une baisse de 5 % aux crédits consacrés à l’accueil des demandeurs d’asile pour l’an prochain. En revanche, les crédits du programme n° 104 comportent la subvention pour charge de service public à l’office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), opérateur de l’État à qui un effort de maîtrise de ses dépenses de fonctionnement s’appliquera.

VENTILATION ET ÉVOLUTION DES CRÉDITS POUR 2011
DE LA MISSION « IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION »

Programmes

Autorisations d’engagement (1)

Variation hors FDC et ADP (en %)

Crédits de paiement (1)

Variation hors FDC et ADP
(en %)

LFI 2010

PLF 2011

FDC et ADP 2011

LFI 2010

PLF 2011

FDC et ADP 2011

Immigration et asile

485,7

490,9

12,2

+ 1,1 %

478,0

488,6

12,2

+ 2,2 %

Circulation des étrangers et politique des visas

2,6

2,55

- 2,0 %

2,6

2,55

- 2,0 %

Garantie de l’exercice du droit d’asile

315,8

327,75

4,9

+ 3,8 %

316,3

327,75

4,9

+ 3,6 %

Lutte contre l’immigration régulière

103,7

92,7

2,7

- 10,6 %

93,7

90,5

2,7

- 3,0 %

Soutien

63,6

67,9

5,6

+ 6,7 %

65,4

67,9

5,6

+ 3,8 %

Intégration et accès à la nationalité française

79,3

72,9

10,3

- 8,1 %

79,4

72,9

10,3

- 8,2 %

Actions nationales d’accueil des étrangers primo-arrivants et de formation linguistique

15,0

14,4

3,9

- 4,0 %

15,0

14,4

3,9

- 4,0 %

Actions d’intégration des étrangers en situation régulière et des réfugiés

60,8

41,9

6,4

- 31,1 %

60,9

41,9

6,4

- 31,1 %

Aide au retour et à la réinsertion (ancien)

1,5

1,5

Naturalisation et accès à la nationalité

2,0

1,9

- 5,0 %

2,0

1,9

- 5,0 %

Action d’intégration des réfugiés (nouveau)

14,7

 

14,7

TOTAL

564,9

563,7

22,5

- 0,2 %

557,4

561,5

22,5

+ 0,7%

(1) En millions d’euros. NB : LFI : loi de finances initiale ; PLF : projet de loi de finances ; FDC : fonds de concours ; ADP : attributions de produits.

En 2011, le MIIINDS disposera d’un effectif plafonné à 612 équivalents temps plein travaillés (ETPT), contre 615 actuellement. Cette évolution résulte de l’application de la règle de non-renouvellement d’un départ à la retraite sur deux, soit une suppression de 18 ETPT, et de l’intégration de 15 ETPT jusqu’alors mis à la disposition par d’autres ministères, puisque imputés sur les programmes n°s 176 (pour 11 d’entre eux), 155 (2 autres), ainsi que 124 et 217 (pour les derniers).

Les crédits dévolus au fonctionnement du MIIINDS, regroupés sous l’action « Soutien » du programme n° 303 se répartiront comme suit : 39,9 millions d’euros pour la rémunération des ETPT, 11,6 millions d’euros pour le fonctionnement des services et 16,4 millions d’euros dévolus aux systèmes d’information. Du fait des loyers budgétaires, qui représentent 40 % du total et sont indexés de 2,7 % en 2011, l’enveloppe consacrée à ce type de dépenses n’a pas pu faire l’objet de mesures d’économies à court terme.

2. Des dépenses qui offrent peu de marges de manœuvre

Les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » correspondent à des dépenses pour la plupart impératives, sur lesquelles l’État a peu d’emprise. À titre d’illustration, les dotations consacrées à la garantie du droit d’asile, qui dépendent étroitement du nombre de personnes sollicitant la reconnaissance du statut de réfugié dans notre pays, représenteront en 2011 près de 58,1 % du total des autorisations d’engagement et 58,4 % du montant global des crédits de paiement budgétés.

De fait, tout écart entre le nombre de demandeurs estimé et le nombre de demandeurs qui formulent effectivement leur requête auprès de l’office français des réfugiés et apatrides (OFPRA) puis, le cas échéant, auprès de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) a des incidences financières potentiellement considérables.

L’exécution budgétaire illustre parfaitement cette analyse. Au titre de l’article 51 de la loi organique n° 2001-692 relative aux lois de finances du 1er août 2001 (LOLF), une réserve de 21,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 22,3 millions d’euros en crédits de paiement avait été décidée pour l’exercice budgétaire en cours. Or, à la fin du premier semestre, le dégel de cette réserve était déjà presque intégral : si 350 000 euros ont servi au financement du débat sur l’identité nationale, 19 millions d’euros ont été débloqués pour répondre aux besoins liés aux dispositifs d’accueil des demandeurs d’asile.

Ce constat de la prééminence des dépenses concernant l’accueil des demandeurs d’asile est conforté par le suivi de la consommation des crédits de la mission. Au 16 août 2010, le taux d’exécution des programmes n°s 303 et 104 laissait en effet apparaître une consommation beaucoup plus rapide des crédits liés à l’immigration et à l’asile (à hauteur de 61 % pour les autorisations d’engagement et 50 % pour les crédits de paiement) que celle des crédits relatifs à l’intégration et à la nationalité (50 % en autorisations d’engagement et 36 % en crédits de paiement).

CONSOMMATION DES CRÉDITS DE LA MISSION « IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION » AU 16 AOÛT 2010

 

Crédits disponibles

Dépenses engagées

Taux de consommation

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Mission

580 259 445 €

574 492 082 €

345 838 099 €

274 889 007 €

60 %

48 %

Programme n° 104

84 348 225 €

84 622 665€

42 595 254 €

30 082 320 €

50 %

36 %

Programme n° 303

495 911 220 €

489 869 417 €

303 242 845 €

244 806 687 €

61 %

50 %

Cette inertie des dépenses de la mission « Immigration, asile et intégration » explique qu’il soit difficile de leur appliquer une norme générale et absolue de réduction. Elle n’empêche pas, néanmoins, des économies. Le Gouvernement s’y emploie d’ailleurs avec détermination depuis 2007. Ainsi, en 2011, la suppression de la double instruction des demandes de naturalisation par les préfectures et l’administration centrale jusqu’alors dévolue à cette mission se traduira par une économie de 11 nouveaux ETPT (après 9 en 2010). D’autres mesures, issues de la revue générale des politiques publiques (RGPP), ont également été engagées, s’agissant de la gestion des CRA et des CADA notamment, mais leur bénéfice financier se mesurera moins immédiatement.

II. – LA MAÎTRISE DE L’IMMIGRATION, DIMENSION PLUS QUE JAMAIS ESSENTIELLE DE LA POLITIQUE MENÉE EN FRANCE

La maîtrise de l’immigration est le corollaire de son acceptation par la société, tout spécialement en période de crise. Depuis 2002, le pouvoir exécutif et sa majorité parlementaire s’évertuent, avec de réels succès, à rééquilibrer les flux de migrants en faveur de l’immigration pour motifs professionnels et à combattre, inlassablement, les filières d’exploitation des étrangers.

Les moyens de cette politique ne se résument pas aux dotations inscrites dans la mission « Immigration, asile et intégration », puisque le document de politique transversale annexé au projet de loi de finances précise qu’en 2011, ce sont un peu plus de 4,2 milliards d’euros, répartis entre seize programmes budgétaires, qui y seront consacrés.

A. LA LUTTE CONTRE L’IMMIGRATION CLANDESTINE, OBJECTIF PRIORITAIRE

La lutte contre l’immigration irrégulière est une contrepartie nécessaire de toute politique de maîtrise des flux migratoires et d’intégration. Elle constitue un signal important, aux yeux des migrants désireux de venir s’installer durablement en France, de la crédibilité et de l’effectivité des règles adoptées par notre pays. Il n’est donc pas étonnant que les dotations relatives à la lutte contre l’immigration irrégulière pour 2011 figurent au deuxième rang, en volume, des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », avec 92,7 millions d’euros en autorisations d’engagement et 90,4 millions d’euros en crédits de paiement.

1. L’existence de phénomènes migratoires irréguliers organisés

Les filières et les flux d’immigration irrégulière ne sont pas immuables. Depuis près de dix ans, notre pays est passé du statut de pays de destination à celui de zone de destination et de transit.

a) Un défi évolutif

Par le passé, les immigrants dans l’illégalité tentaient d’entrer avec un visa et de rester sur le sol national une fois leur titre périmé. Les filières, quant à elles, privilégiaient les arrivées avec de la fausse documentation, notamment par la voie aérienne, et les arrivées sans document, notamment dans les « routings » maritimes et terrestres. Dans la très grande majorité des cas, la France représentait une zone de destination ou de transit suivant un double axe traditionnel Est-Ouest et Sud-Nord. Lorsque notre pays constituait l’objectif définitif à atteindre, les migrants en situation irrégulière essayaient de rester totalement dans la clandestinité ou tentaient d’obtenir une apparence de légalité en ayant recours à de faux titres de séjour ou à des mariages blancs.

La situation est en train de changer radicalement. Les réseaux de trafiquants de migrants et les clandestins ont définitivement intégré les conséquences de l’évolution de l’espace Schengen en véritable zone globale de circulation.

Dorénavant, les filières – notamment indopakistanaises, vietnamiennes, chinoises et africaines – ont recours à l’obtention de visas de n’importe quel État de l’espace Schengen pour avoir un point d’entrée légal en Europe et pour pouvoir y évoluer sans crainte pendant un certain laps de temps. Dès lors, les migrants, même en situation précaire, prennent l’habitude de se mouvoir en Europe au gré des opportunités de travail et des rumeurs de régularisation. Ce constat est le même pour les ressortissants des pays d’émigration qui n’ont pas besoin de visa pour se rendre en Europe – c’est le cas notamment des ressortissants de plusieurs pays d’Amérique latine.

Ces nouvelles pratiques rendent les flux bien plus invisibles que par le passé, en termes de franchissement de frontières notamment. Elles multiplient également les axes de mobilité sur le continent européen, faisant de notre pays un carrefour de flux croisés vers nos voisins limitrophes, en plus des transits désormais pérennes vers le Royaume-Uni et les pays scandinaves.

Par ailleurs, les réseaux d’aide à l’immigration irrégulière, suivant le même principe, ont de plus en plus recours à l’obtention indue de documents administratifs de séjour et de voyage valides. Les réseaux fournissent ainsi des dossiers constitués de fausses attestations (certificat de naissance, de mariage, de travail, de ressources ou de domicile) pour obtenir dans les consulats européens à l’étranger de véritables visas et, une fois sur le sol européen, des titres de séjour ou de nationalité authentiques. Un tel mode opératoire complexifie la tâche des services de l’État, qui se doivent de mener désormais des actions concertées.

b) Les principales zones d’origine des flux d’immigration irrégulière

L’immigration irrégulière provient actuellement de cinq zones géographiques : l’Afrique, le Moyen-Orient, le sous-continent indien, l’Extrême-Orient et l’Amérique du Sud.

En ce qui concerne l’Afrique, les pays d’origine des migrants en situation irrégulière sont principalement le Maroc et l’Algérie, pour le Maghreb, ainsi que la Mauritanie – qui joue un rôle central dans un contexte de net ralentissement de migrations par voie maritime vers les Canaries – et le Niger
– lieu de passage obligé pour les mouvements par voie terrestre vers l’Algérie ou la Libye. Il convient de souligner également le nombre préoccupant d’interpellations d’individus en provenance d’États de la Corne d’Afrique (5 329 s’agissant de ressortissants érythréens, en 2009) et l’afflux inhabituel de migrants irréguliers soudanais (2 218 au premier semestre 2010, contre 697 sur la même période en 2009).

Le Moyen-Orient, lui, continue d’alimenter les flux de migrants irréguliers désireux de parvenir dans les îles britanniques et les pays scandinaves. La Turquie joue à cet égard un rôle de plaque tournante pour les transits de ressortissants irakiens, iraniens et afghans vers l’espace Schengen. Le mode opératoire consiste le plus souvent à franchir la frontière turco-grecque ou turco-bulgare avant d’emprunter, à l’aide de documents frauduleux ou falsifiés, des liaisons aériennes depuis les grands aéroports du territoire hellène.

Dans le sous-continent indien, les flux d’émigration irrégulière concernent majoritairement des ressortissants pakistanais, indiens et sri lankais. Leur destination est principalement le Royaume-Uni mais d’autres pays de l’espace Schengen, tels la France, l’Espagne et l’Italie, représentent désormais des alternatives de plus en plus privilégiées. Les réseaux criminels qui prospèrent grâce à cette situation utilisent différents modes de convoyage – depuis l’Europe de l’Est et du Nord, via la Russie, ou depuis la Turquie vers les côtes siciliennes à bord de bateaux épaves – et ils recourent à des visas valides – obtenus soit légalement dans les petits consulats de l’espace Schengen (Lituanie, Malte, par exemple), soit par corruption ou fraude –, à l’expiration desquels leurs bénéficiaires se maintiennent indûment dans les pays européens.

L’Extrême-Orient est également une source importante d’immigration irrégulière. La France, qui accueille sur son territoire la plus forte communauté chinoise en Europe, connaît depuis plusieurs années une forte pression migratoire irrégulière en provenance de Chine, soit du fait d’une arrivée légale suivie d’un maintien illégal au-delà de la période de validité des visas, soit à la suite d’une arrivée irrégulière sous couvert de documents falsifiés ou contrefaits. Par ailleurs, les réseaux de passeurs vietnamiens se sont considérablement renforcés entre 2008 et 2009, devenant extrêmement actifs pour tenter de faire entrer clandestinement des migrants au Royaume-Uni avec le concours de certaines agences de voyage implantées au Vietnam et en Hongrie.

Enfin, par sa position géographique, la France reste soumise aux mouvements croisés des ressortissants d’Amérique du Sud, notamment Brésiliens, qui évoluent en Europe dans les sens Sud-Nord et Nord-Sud. Le territoire métropolitain fait également figure de zone de transit entre l’Espagne et l’Italie pour des ressortissants péruviens et dominicains.

Afin de lutter efficacement contre tous ces phénomènes, les services de l’État entretiennent des coopérations suivies avec leurs homologues étrangers. Plusieurs actions de démantèlement ont ainsi pu être menées à bien dans ce cadre, ces dernières années.

2. Les moyens affectés aux contrôles aux frontières

Les dotations inscrites sur le programme n° 303 ne financent pas les moyens humains, ni même une grande partie des moyens matériels mis en œuvre pour les contrôles aux frontières. Elles contribuent indirectement, cependant, à leur action.

Sur les 157 points de passage frontaliers recensés en France, 46 relèvent de la responsabilité de la police aux frontières (PAF) et 109 de celle des douanes.

Au 1er juillet 2010, la PAF comportait 9 521 agents, répartis entre une direction centrale (892 agents, soit 9,4 % du total), des services territoriaux se décomposant en 7 directions zonales, 2 directions implantées dans les aérodromes de Roissy et Orly, et 38 directions départementales (8 323 agents au total, soit 88,4 % des effectifs), ainsi que 4 directions à Mayotte, à Saint-Pierre et Miquelon, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française (306 agents, soit 3,2 %).

Au plan opérationnel, toutes ces structures s’organisent en 64 services de la PAF (50 en métropole et 14 outre-mer), ainsi que 15 unités territoriales. En métropole, la PAF est présente dans tous les départements frontaliers à l’exception des Ardennes et de la Meuse (frontière belge), du Jura et du Territoire-de-Belfort (frontière suisse), des Alpes-de-Haute-Provence (frontière italienne) et de l’Ariège (frontières espagnoles et andorrane). Outre-mer, la PAF s’est retirée de l’île de Saint-Barthélemy pour s’implanter de façon plus importante, en 2008, sur l’île de Saint Martin.

Les douanes, quant à elles, peuvent être amenées à exercer, par l’intermédiaire de 80 de leurs 272 brigades de surveillance terrestre et aéromaritime, des contrôles sur des personnes dans leurs points de passage frontaliers. Par ailleurs, dans le cadre de leur mission de surveillance générale, la totalité de ces brigades de surveillance effectue des contrôles pouvant aboutir à des constatations liées aux problématiques migratoires.

Pour faciliter le travail de contrôle de ces services, le MIIINDS cofinance des équipements importants. C’est notamment le cas des bornes de lecture du traitement informatisé des données personnelles biométriques des demandeurs de visa (VISABIO), destinées à permettre une consultation des visas délivrés par l’ensemble des États de l’espace Schengen. Parallèlement à l’implantation du dispositif dans les postes consulaires, 30 points de passage aux frontières sous responsabilité de la PAF ont été dotés des éléments de lecture nécessaires, de sorte que 400 000 personnes sont déjà contrôlées par ce biais chaque semaine. Les 16 autres points de passage aux frontières de la PAF doivent l’être d’ici le printemps 2011. Quant aux douanes, elles vont faire de même au cours du quatrième trimestre 2010 dans 41 points de passage aux frontières de leur ressort, 134 lecteurs de titres sécurisés, 158 capteurs d’empreintes et des équipements informatiques devant être acquis à cet effet.

LA PARTICIPATION DU MIIINDS AU FINANCEMENT DE VISABIO

 

2006

2007

2008

2009

2010

TOTAL

Participation du MIIINDS

2 514 000 €

3 010 000 €

5 524 000 €

Coût total

4 429 000 €

1 687 000 €

3 268 000 €

5 659 000 €

8 877 000 €

23 920 000 €

Le projet de loi de finances pour 2011 prévoit une contribution du programme n° 303 au financement de VISABIO à hauteur de 2,75 millions d’euros.

Autre dispositif déployé grâce aux crédits du MIIINDS afin de faciliter les contrôles aux frontières, le système de passage automatisé rapide aux frontières extérieures Schengen (PARAFES) permet à des ressortissants de pays de l’Union européenne ou à des étrangers membres de la famille de ces mêmes ressortissants de passer les frontières françaises après identification de leurs empreintes dans des sas dédiés. La mise en exploitation de ce système, qui repose sur une démarche volontaire d’inscription des intéressés, est intervenue le 16 novembre 2009 à Roissy. Fin 2009, 15 sas étaient en service dans les deux principaux aéroports parisiens ; 10 nouveaux sas sont actuellement en cours de déploiement. Au 6 juin 2010, plus de 20 000 bénéficiaires étaient recensés, pour un nombre total de 46 000 passages.

Fort de ce succès, le Gouvernement entend étendre ce dispositif aux ports et gares métropolitains, ainsi qu’aux départements d’outre-mer. L’an prochain, la dotation de 1,45 million d’euros inscrite dans le projet de loi de finances permettra de conforter le développement du système central, l’installation de la biométrie dans 3 sas supplémentaires à Paris et le début d’une implantation dans les principaux aéroports de province.

3. Des résultats tangibles

Les candidats à l’immigration qui ne se conforment pas aux règles instituées par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile n’ont pas vocation à demeurer en France. Le refoulement ou l’éloignement des étrangers en situation irrégulière est donc on ne peut plus légitime.

Cependant, pour être efficace, cette démarche doit s’accompagner d’une lutte sans faiblesse contre tous ceux qui profitent de la précarité des candidats à l’immigration en les incitant au séjour irrégulier. Cette politique est celle conduite par l’exécutif et sa majorité parlementaire depuis plusieurs années déjà.

a) Des chiffres qui parlent d’eux-mêmes en matière d’interpellations, de refoulements et d’éloignements des immigrants irréguliers

L’efficacité des services de l’État en matière de contrôle des flux migratoires aux frontières peut être appréciée à travers trois catégories d’indicateurs :

– le nombre d’interpellations d’étrangers en situation irrégulière sur le territoire national, c’est-à-dire dépourvus de documents leur permettant de séjourner en France ;

– le nombre de refus d’admission sur le territoire français, retraçant les notifications d’interdiction d’accès au sol national adressées soit au moment de la présentation des intéressés à la frontière, soit à l’issue de leur placement en zone d’attente ;

– enfin, les mesures administratives ou judiciaires d’éloignement effectivement exécutées.

En ce qui concerne le premier de ces indicateurs, les données chiffrées soulignent que l’activité des services de police a connu une intensité croissante depuis 2004, avant de se stabiliser en 2009. L’essentiel des interpellations s’opérant dans les départements du Nord et de l’Est de la France, l’explication de cette stabilisation est à rechercher dans les conséquences du démantèlement de la « jungle » à Calais. La pression migratoire dans cette région a diminué de moitié dans les mois qui ont suivi, sans que l’on observe un report quelconque dans les collectivités limitrophes ou vers la couronne parisienne.

ÉVOLUTION DU NOMBRE D’INTERPELLATIONS D’ÉTRANGERS
EN SITUATION IRRÉGULIÈRE DEPUIS 2004

2004

2005

2006

2007

2008

2009

1er semestre 2010

44 545

63 681

67 130

69 879

82 557

77 413

29 870

Le deuxième indicateur a connu une évolution contrastée ces dernières années. Depuis 2009, il est dans une phase de diminution, y compris s’agissant des réadmissions simplifiées, qui concernent les renvois simples effectués sans délai par les services de police, par délégation de l’autorité préfectorale sans qu’aucune formalité particulière ne soit mise en œuvre.

ÉVOLUTION DES REFUS D’ADMISSION DEPUIS 2001

 

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

1er semestre 2010

Nombre de refus d’admission

26 787

20 278

20 893

23 542

21 235

16 374

17 628

15 819

4 913

Nombre de réadmissions simplifiées

16 156

11 945

12 339

12 379

12 892

10 219

11 844

11 178

4 691

Total

42 943

32 223

33 232

35 921

34 127

26 593

29 472

26 997

9 604

L’indicateur relatif aux mesures d’éloignement effectivement exécutées, quant à lui, a connu une progression plus constante sur la même période puisqu’il est passé de 9 227 éloignements réalisés, en 2001, à 29 288, en 2009 (soit une croissance de 217 % en neuf ans).

ÉVOLUTION DU NOMBRE D’ÉLOIGNEMENTS D’ÉTRANGERS DEPUIS 2003

Abstraction faite des retours volontaires (8 268 en 2009, soit 28,2 % des cas), l’amélioration du taux d’application des décisions des autorités compétentes a atteint 127,8 %. Pour l’exercice en cours, les objectifs fixés par le projet annuel de performances – 28 000 mesures exécutées – seront vraisemblablement tenus puisque 14 434 éloignements avaient effectivement été mis en œuvre par les services de l’État fin juin.

Néanmoins, un trop grand nombre de mesures d’éloignement forcé demeurent inexécutées. Les causes de cette situation sont récurrentes et bien connues.

En premier lieu, le taux de délivrance des laissez-passer consulaires, indispensables pour une réadmission des intéressés dans leur pays d’origine, reste faible (33,8 % des causes d’échec des éloignements en 2009). Ce taux se situait à 33,2 % au premier semestre 2010, bien en deçà des 45,7 % enregistrés en 2005.

Pour remédier à cette situation, l’exécutif met l’accent sur la négociation avec les pays signataires d’accords de gestion concertée des flux migratoires. De même, il a été prévu d’allonger à 45 jours la durée de rétention administrative, conformément à la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, dite « directive retour », de manière à rendre opérants les nouveaux accords européens de réadmission en négociation (avec la Turquie et le Vietnam, notamment). Votre rapporteur pour avis constate pour sa part que la spécialisation des services en charge des procédures produit également des résultats tangibles, comme l’illustre notamment l’unité centrale d’identification de la PAF qui, s’agissant des 38 pays à représentation consulaire unique, obtient un taux de délivrance des laissez-passer consulaires avoisinant 40 %.

En second lieu, les refus par le juge de la détention et des libertés de demandes de prolongation de rétention (27,2 % des causes d’échec des éloignements) et les annulations par le juge administratif de mesures ou décisions fixant le pays de renvoi (6,5 % des échecs) demeurent encore conséquents.

En réponse à ces difficultés, un dispositif expérimental de pôles interservices éloignement (PIE) a été mis en place au 1er janvier 2009 au sein des CRA de Cornebarrieu, Lille, Lyon-Saint-Exupéry et Saint-Jacques-de-la-Lande, de manière à garantir une représentation de l’État devant les juridictions et à mieux suivre les personnes retenues susceptibles de faire l’objet d’un éloignement. Étendu depuis aux CRA de Metz et Marseille, avant de l’être à ceux du Mesnil-Amelot, ce dispositif a permis de relever notablement le taux des retenus reconduits à la frontière dans les centres où il intervenait : en 2009, ce taux s’y élevait en effet à 47 % alors que la moyenne nationale se situait à 40,1 %. Il reste que l’extension de ce procédé n’est budgétairement pas envisageable, le coût marginal d’une telle éventualité apparaissant trop lourd pour les crédits de contentieux de la direction des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l’intérieur, ainsi que pour les frais de personnel de la PAF.

b) La lutte contre les filières d’exploitation de l’immigration illégale et la fraude documentaire

Les filières d’immigration clandestine constituent une forme spécifique de la criminalité organisée, la plupart des réseaux œuvrant souvent quasi-exclusivement à cette activité. Les officines qui opèrent sont très structurées et proposent aux candidats à l’émigration tout type d’acheminement, du voyage « clés en main » (recrutement dans le pays source et aide à l’entrée dans le pays de destination) au périple fragmenté (succession de prises en charges par des structures indépendantes les unes des autres). Ce type d’immigration clandestine, par le biais du remboursement du prix du voyage, génère de fait une économie souterraine, grâce notamment au travail dissimulé.

Conformément aux priorités qui leur ont été assignées par le Gouvernement, les services compétents de l’État se sont attachés à entraver les nuisances de ces filières en agissant tout à la fois sur leurs réseaux, leurs débouchés (travail illégal) et leurs moyens (documents falsifiés).

Depuis 2007, le nombre de filières démantelées a considérablement augmenté. Au début de l’actuelle législature, en effet, l’office central pour la répression de l’immigration irrégulière et l’emploi d’étrangers sans titres (OCRIEST) a recensé 99 réseaux illégaux démantelés en France. Ce résultat s’est amélioré en 2008, avec 101 structures annihilées et en 2009, avec 145 filières mises hors d’état de nuire. Cette tendance s’est amplifiée au premier semestre 2010, puisque 115 filières avaient déjà été démantelées par les services de l’État (97 par les services territoriaux de la PAF, 13 par la gendarmerie nationale, 3 par la préfecture de police de Paris et 2 par la police judiciaire), soit 57,5 % de l’objectif annuel qui leur avait été assigné.

Cette intensification de l’activité répressive à l’égard des filières criminelles s’est naturellement répercutée sur le nombre d’arrestations de trafiquants. Entre 2007 et 2009, elles ont augmenté de 34,9 %. Avec 3 281 interpellations de trafiquants de migrants sur le premier semestre de 2010
– dont 1 136 passeurs, 234 organisateurs de filières, 633 fournisseurs de logements pour ces filières –, l’objectif de 5 000 arrestations cette année semble à portée.

ARRESTATIONS DE TRAFIQUANTS DE MIGRANTS
EN MÉTROPOLE PAR LA DCPAF

 

2006

2007

2008

2009

1er semestre 2010

Trafiquants de migrants interpellés

2 920

3 456

4 314

4 663

3 281

- dont organisateurs

154

173

282

328

234

- dont passeurs

1 258

1 341

1 562

1 741

1 136

- dont logeurs

597

694

861

930

633

La circulaire du 5 février 2009 a ouvert la possibilité à des étrangers victimes de traite d’êtres humains de bénéficier d’une régularisation de leur séjour en contrepartie d’une coopération avec les services compétents dans la lutte contre les filières qui les ont exploités. Cette procédure, mise en œuvre en application de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006, relative à l’immigration et à l’intégration, et du décret n° 2007-1352 du 13 septembre 2007, a bénéficié à 22 victimes de traite d’êtres humains au second semestre 2008 ; en 2009, 56 cartes de séjour ont été délivrées et 48 renouvelées sur ce fondement.

Corrélativement, les services de police et de gendarmerie ont accru leurs résultats en matière de lutte contre le travail d’immigrés en situation irrégulière. L’an passé, quelque 1 367 opérations conjointes avec les services de l’inspection du travail, les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF), les services fiscaux et ceux de la répression des fraudes ont été menées, soit une augmentation de 64,5 % par rapport à 2007. Ces actions ont permis d’interpeller 1 116 personnes en situation irrégulière et de dresser des procès-verbaux à l’encontre de 649 employeurs d’étrangers sans titre.

Le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité contient des dispositions de nature à conforter ces interventions, grâce à la transposition de la directive 2009/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 juin 2009, dite « directive sanctions ». Cet effort apparaît d’autant plus nécessaire que l’infraction d’emploi d’étrangers sans titre de travail tend à prendre une part grandissante parmi celles relatives au travail illégal : alors qu’elle en représentait 9,2 % en 2005, elle a atteint les taux de 22,6 % en 2008 et 24,2 % au premier semestre 2009. Il convient donc de ne pas relâcher l’effort, de manière à priver les filières d’immigration clandestine de l’une de leurs principales justifications aux yeux des candidats à l’émigration.

RÉPARTITION PAR SECTEUR D’ACTIVITÉ DES INFRACTIONS
RELATIVES À L’EMPLOI D’ÉTRANGER SANS TITRE EN 2009

Secteurs d’activité

Pourcentage du nombre d’infractions relevées

Bâtiment, travaux publics

43 %

Hôtels, cafés, restaurants

24 %

Commerce

11 %

Agriculture

4 %

Industrie

4 %

Service aux entreprises

4 %

Dernier aspect important, la lutte contre la fraude à l’identité a pris une place nouvelle depuis l’adoption du plan national du comité interministériel de contrôle de l’immigration sur le sujet, le 5 décembre 2006, et l’affirmation de la priorité politique de la lutte contre toutes les formes de fraudes, en 2008. En la matière, la fraude à l’identité ne se limite pas à la seule fraude documentaire, qui se traduit par la modification matérielle de documents de moins en moins facilement falsifiables (du fait de la biométrie, notamment), mais elle se manifeste aussi par des usurpations d’identités de tiers ou l’utilisation d’identités fictives. Depuis près de deux ans, les résultats obtenus soulignent la mobilisation accrue des services de l’État compétents à l’encontre de ce fléau.

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE PERSONNES MISES EN CAUSE
POUR FAUX DOCUMENTS D’IDENTITÉ DEPUIS 2005

 

2005

2006

2007

2008

1er semestre 2009

Total des personnes mises en cause

8 288

7 617

7 759

8 260

4 366

Étrangers mis en cause

4 870

4 424

4 454

4 791

2 585

Part des étrangers, en %

58,8 %

58,1 %

57,4 %

58 %

59,2 %

4. Un dispositif de rétention administrative en phase de modernisation

En amont des éloignements, les centres et les locaux de rétention administrative (CRA et LRA) jouent un rôle essentiel en empêchant les étrangers soupçonnés d’être en situation irrégulière de se placer dans la clandestinité avant que les mesures nécessaires à leur départ aient été organisées. Depuis 2005, l’État s’est engagé dans une extension et une réhabilitation des capacités de rétention administrative, de manière à accompagner l’intensification de l’engagement des services chargés des contrôles sur le terrain. Cette démarche est appelée à se poursuivre en 2011, à travers la reconstruction du CRA de Mayotte, la rénovation de celui de Coquelles et l’extension du secteur judiciaire de Roissy.

a) La poursuite de la rénovation du parc de centres de rétention

La rétention administrative s’effectue principalement dans des centres respectant un certain nombre de normes et dont la liste est fixée par arrêté ministériel. Quand le nombre de places est insuffisant ou les circonstances géographiques l’exigent, il peut être recouru aux LRA, dont les conditions d’ouverture et de fonctionnement sont beaucoup plus souples que pour les CRA.

Ce sont les articles R. 553-5 et R. 553-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile qui définissent les conditions de création des LRA et en précisent les équipements. Un recensement de ces structures a été mené à la fin de l’année 2008 : au nombre de 22 en métropole (soit 162 places) et de 4 outre–mer (soit 31 places), les LRA ont été utilisés pour héberger 5 013 étrangers l’an passé et 2 009 autres au premier semestre 2010. Alors que la durée de rétention en LRA ne peut excéder 48 heures, elle a avoisiné, en 2009, 33 heures dans les structures permanentes et 19 heures dans les structures temporaires.

S’agissant des CRA, le MIIINDS est, depuis le 1er janvier 2010, seul responsable des crédits de fonctionnement hôteliers et des projets immobiliers y afférant. Le projet de loi de finances pour 2011 prévoit à cet égard :

– une dotation de 15,9 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 13,65 millions d’euros en crédits de paiement pour financer la réhabilitation de certains centres existants et la création de places nouvelles ;

– une enveloppe de 31,3 millions d’euros destinée à couvrir le coût journalier moyen de chaque place de CRA, sur la base d’une durée moyenne de rétention de dix jours.

Le nombre de places en CRA est passé de 1 071 en juin 2005 à 1 748 au 31 juillet 2010. Cette évolution a surtout concerné les capacités d’hébergement en métropole, alors que celles des départements et territoires d’outre-mer n’ont augmenté que de 127 à 144 places. Au cours de cette période, de nouveaux établissements ont été mis en service à Plaisir (32 places), Marseille – Le Canet (136 places), Cornebarrieu (126 places), Lille Lesquin II (96 places), Paris II (140 places), Nîmes (128 places), Rennes (70 places), Perpignan (48 places), Hendaye (30 places) et Metz (95 places). Outre-mer, seule la capacité du centre de Morne Vergain, en Guadeloupe, a été revalorisée de 20 à 40 places.

Cette extension du parc immobilier des CRA s’est dernièrement heurtée à des incidents qui ont frappé trois centres : le 22 juin 2008, tout d’abord, avec l’incendie des CRA de Paris I et II à Vincennes et la destruction de 280 places
– partiellement compensée toutefois par la reconstruction de Paris I et son extension provisoire par bâtiments modulaires à compter de septembre 2009 – ; le 19 janvier 2009, ensuite, du fait de l’incendie du centre de Bordeaux, d’une capacité de 20 places. Des fermetures ont également dû intervenir en raison de la vétusté de certaines installations : le CRA de Nantes (20 places) a ainsi fermé en janvier 2009 ; de même, celui de Toulouse (39 places) a été déclassé en février 2009.

Il reste que, grâce aux efforts consentis par la puissance publique ces dernières années, les CRA ne se trouvent plus en situation de saturation. En moyenne, leur taux d’occupation a atteint 69 % en 2009 et 65 % au premier semestre 2010.

L’an prochain, le parc immobilier des CRA devrait atteindre un total de 2 036 places, avec d’une part, la réouverture du centre de Bordeaux, ainsi que, d’autre part, la mise en service des centres du Mesnil Amelot II et III (de 120 places chacun) et des deux centres de Vincennes (Paris II et III, de 58 places chacun). Dans le même temps, l’extension provisoire de Paris I se verra fermée et le centre de Coquelles, pourtant récent, bénéficiera d’aménagements liés à une remise aux normes. De manière plus générale, le Parlement ne peut que se réjouir que plusieurs recommandations formulées en 2009 par la mission d’information sur les centres de rétention administrative et les zones d’attente, présidée par M. Thierry Mariani (1), aient été suivies par le Gouvernement. À cet égard, il convient de souligner plus particulièrement :

– en premier lieu, que le transfert de la quasi-totalité de la gestion des CRA à la direction centrale de la PAF doit s’achever en 2011, seuls 4 CRA relevant encore de la compétence de la gendarmerie nationale. Il s’en suivra une plus grande professionnalisation des personnels concernés, ainsi qu’une optimisation des coûts, la Cour des comptes ayant démontré dans une communication adressée en juin 2009 à la commission des Finances du Sénat en application de l’article 58 de la LOLF que les centres gérés par la PAF sont ceux dont le coût de revient est le moindre. Seuls les centres de Paris demeureront gérés par la préfecture de police ;

– en second lieu, que la configuration des nouveaux CRA s’attache à favoriser l’existence de modules à taille humaine (de 60 à 80 places), comme en atteste la reconstruction des centres de Paris I et II, de 140 places chacun avant l’incendie de 2008, en centres autonomes de 60 places ;

– en dernier lieu, que l’île de Mayotte sera prochainement dotée d’un CRA lui permettant d’accueillir dignement les étrangers en instance d’éloignement. Le budget d’investissement correspondant à la construction d’un centre de 120 places, soit 10 millions d’euros, a été programmé. La livraison de cet établissement est envisagée pour le début de 2012.

ÉTAT DES CAPACITÉS DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE AU 15 JUILLET 2007

Centre de
rétention

Service
gestionnaire

Capacité

Théorique

Taux d'occupation théorique

Année 2009

1er semestre 2010

MÉTROPOLE

Bobigny

Police aux frontières

55

87 %

83 %

Coquelles

Police aux frontières

79

66 %

44 %

Geispolsheim

Gendarmerie

36

75 %

78 %

Hendaye

Police aux frontières

30

46 %

49 %

Le Mesnil Amelot

Gendarmerie

140

85 %

88 %

Lille Lesquin I (1)

Police aux frontières

39

Lille Lesquin II

Police aux frontières

96

37 %

31 %

Lyon Saint-Exupéry

Police aux frontières

120

69 %

72 %

Marseille Canet

Police aux frontières

136

64 %

63 %

Metz

Gendarmerie

95

51 %

46 %

Nice Auvare

Police aux frontières

43

82 %

81 %

Nîmes

Police aux frontières

128

25 %

17 %

Palaiseau

Police aux frontières

40

55 %

60 %

Paris I (2)

préfecture de police

119

79 %

73 %

Paris II (2)

préfecture de police

140

Paris – Palais de Justice

préfecture de police

40

62 %

36 %

Perpignan

Gendarmerie

48

65 %

63 %

Plaisir

Police aux frontières

32

58 %

54 %

Saint Jacques de la Lande

Gendarmerie

70

47 %

42 %

Rouen Oissel

Police aux frontières

72

56 %

60 %

Sète

Police aux frontières

30

52 %

55 %

Toulouse Cornebarrieu

Police aux frontières

126

51 %

58 %

OUTRE-MER

Mayotte

Police aux frontières

60

111 %

108 %

Guadeloupe

Police aux frontières

40

8 %

2 %

La Réunion

Police aux frontières

6

12 %

16 %

Guyane

Police aux frontières

38

75 %

71 %

   

1 748

69 %

65 %

(1) Ouverture ponctuelle. (2) Fermés le 22 juin 2008, pour cause d’incendie criminel.

Sur l’insistance du Parlement, un tableau de bord de performance des CRA a été élaboré afin d’identifier un coût complet global de rétention administrative. En 2009, ce tableau de bord a mis en exergue un coût moyen de 2 924 euros par personne retenue. Cette estimation est toutefois inférieure aux 3 850 euros évoqués – pour 2008 – par la Cour des comptes dans sa communication précédemment évoquée (2) et aux 3 380 euros – pour 2008 également – évalués par les inspections générales de l’administration et de la police nationale, dans leur rapport sur le coût de la reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière remis au Gouvernement en septembre 2009 (3).

Ramenés au nombre d’éloignements forcés, ces coûts oscilleraient même entre 11 152 euros, selon les inspections générales de l’administration et de la police nationale, et 13 220 euros, selon la Cour des comptes, par retenu effectivement reconduit avec escorte. Ces dépenses peuvent paraître conséquentes mais elles sont le prix à payer pour montrer la détermination de notre pays à ne pas laisser pénétrer et vivre sur le territoire de la République des populations d’origine étrangère qui ne se conforment pas aux règles édictées par le législateur.

b) L’assistance sociale et sanitaire aux personnes retenues

Les personnes en rétention administrative et en zones d’attente doivent bénéficier de prestations d’information, de soutien et d’aide pour préparer les conditions matérielles de leur départ. Elles peuvent également obtenir une assistance juridique destinée à leur permettre d’exercer leurs droits ainsi qu’une prise en charge sanitaire, sur le fondement de conventions passées avec les hôpitaux situés à proximité.

Dans le projet de loi de finances pour 2011, 6,8 millions d’euros sont inscrits pour couvrir les frais d’hospitalisation des personnes retenues et mettre aux normes les services de santé des CRA. En ce qui concerne l’accompagnement juridique des personnes retenues, le projet de budget prévoit une dotation globale de 6,5 millions d’euros, qui permettra de financer :

– d’une part, l’application du marché d’aide aux droits des étrangers retenus, alloti à l’association service social familial migrants (ASSFAM), au comité intermouvements auprès des évacués (CIMADE), à France terre d’asile, au Forum des réfugiés et à l’ordre de Malte. Entré en vigueur le 1er janvier 2010, après que le tribunal administratif de Paris en a validé l’essentiel dans un arrêt rendu le 22 décembre 2009, et d’une durée ne pouvant excéder 36 mois, ce marché nécessite la provision de 4,8 millions d’euros pour financer les prestations de ces organismes en 2011 ;

– d’autre part, les coûts d’intervention de la Croix Rouge sur la zone d’attente pour personnes en instance (ZAPI) de Roissy, soit 1,45 million d’euros. Depuis 2006, l’association fournit aux étrangers placés dans cette zone d’attente une aide de première nécessité (délivrance de produits d’hygiène, de produits alimentaires ou de puériculture), ainsi qu’un encadrement plus spécifique pour les mineurs étrangers isolés.

c) Un recours encore limité aux audiences délocalisées et à la visioconférence

La présentation des étrangers retenus devant le juge ou l’office français de protection des réfugiés et apatrides suppose des transferts, assortis d’escortes policières coûteuses. La charge de ces transferts est évaluée par la PAF à environ 1,3 million d’euros annuels, dont plus de 850 000 euros pour les seules escortes jusqu’aux juridictions administratives ou judiciaires.

Pour diminuer les contraintes financières, matérielles et humaines de ces obligations, le législateur a autorisé la tenue d’audiences dans des salles à proximité immédiate des centres de rétention (article L. 552-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) ainsi que le recours à la visioconférence, sous réserve que les locaux utilisés soient spécialement aménagés à cet effet. Par une jurisprudence assez restrictive, la Cour de cassation a par ailleurs fixé la limite d’édification des salles d’audience ou de visioconférence au-delà de la barrière périphérique des centres (4).

Seul le site de Coquelles répondait, en 2008, aux exigences combinées du législateur et de la Cour de cassation. Il a été rejoint, le 1er mars 2009, par le site du Canet, dans les Bouches-du-Rhône. Ainsi, l’an passé, 2 043 audiences délocalisées se sont tenues dans la salle d’audience attenante au CRA du Canet et 1 597 dans celle à proximité du CRA de Coquelles. Sur le premier semestre 2010, le nombre de ces audiences délocalisées a été respectivement de 1 263 et de 612.

Compte tenu des avantages évidents de la généralisation des salles d’audiences délocalisées (économie de moyens, pas de recours à la contention du fait de la brièveté des trajets, durées d’attente réduites, désengorgement des sites des tribunaux), l’État a saisi l’opportunité de travaux de réhabilitation ou de modernisation en cours dans d’importants CRA pour les conformer aux attentes de l’institution judiciaire. C’est ainsi que, sur le site du Mesnil-Amelot, l’abandon du projet d’implantation d’un cantonnement de gendarmerie sur un terrain mitoyen des futurs CRA a permis d’engager les travaux d’aménagement de deux salles d’audiences délocalisées, qui devraient être livrées en 2011.

Au regard du nombre d’audiences d’étrangers retenus auquel il est procédé chaque année dans les tribunaux, ces délocalisations demeurent malgré tout bien limitées. Au demeurant, les économies à en attendre restent pour l’instant assez imprécises. En janvier 2009, une étude a conclu à un gain d’environ 459 000 euros par an sur le site du Mesnil-Amelot, pour les seules charges de fonctionnement directes de la PAF (masse salariale et charges de véhicules) ; or, cette estimation ne tient pas compte des coûts d’investissement et de fonctionnement des salles d’audience.

Le cas de la zone d’attente pour les personnes en instance de Roissy est encore plus singulier. En vertu de l’article L. 222-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le juge des libertés et de la détention peut y statuer mais elle n’a jamais été utilisée depuis sa création en 2001, alors même qu’elle a profondément été modernisée. Ceci est regrettable car, tenant le plus grand compte des observations des juges du tribunal de grande instance de Bobigny appelés à y siéger, l’État avait procédé à des travaux significatifs pour un montant excédant 2 millions d’euros. Il semblerait qu’un nouveau projet d’aménagement, prévoyant une extension de 195 mètres carrés de la salle d’audience actuelle et une organisation en blocs fonctionnels favorisant la circulation des juges, des avocats, des étrangers placés dans la zone d’attente et du public, ait été élaboré ; toutefois, aucune décision quant à son lancement n’a encore été formellement prise, de sorte que la mise en service éventuelle de cette salle d’audience délocalisée ne pourra intervenir, dans le meilleur cas, avant 2012.

En ce qui concerne la visioconférence, seuls les CRA de Lyon-Saint-Exupéry, Plaisir, Lille Lesquin II et Cornebarrieu sont équipés d’un système permettant l’enregistrement des audiences. Pour autant, au regard des restrictions apportées par la jurisprudence de la Cour de cassation, ces moyens matériels n’ont été utilisés que pour la tenue d’entretiens avec des agents de l’OFPRA, dans le cadre de l’instruction de demandes d’asile.

Selon les estimations de la direction centrale de la PAF, la généralisation de la visioconférence nécessiterait un investissement initial de 576 000 euros (soit 216 000 euros pour l’acquisition du matériel et 360 000 euros pour les installations dans les centres), auquel il conviendrait d’ajouter 84 000 euros annuels au titre du fonctionnement courant (du fait des frais de maintenance d’abonnement et de communication). Au regard des crédits mobilisés par les escortes pour la seule PAF (de l’ordre du double), un tel investissement serait justifié pour autant que les magistrats consentent à l’utiliser.

Compte tenu de la configuration de leurs salles d’audiences, les CRA de Bordeaux et du Mesnil-Amelot offriront bientôt la possibilité d’expérimenter le procédé en toute sécurité juridique.

5. La mise en place d’instruments de contrôle et de suivi des flux migratoires plus performants

Le MIIINDS s’est doté d’un schéma directeur informatique destiné à améliorer l’exploitation, l’interopérabilité et la maintenance des applications interministérielles existantes. Le projet de loi de finances pour 2011 prévoit 16,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement pour les seuls investissements nécessaires à la modernisation des moyens techniques de contrôle et de suivi des flux migratoires sur notre territoire.

L’essentiel des dépenses (6,8 millions d’euros de crédits de paiement) concernera la refonte de l’application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (AGDREF), créée par décret le 29 mars 1993 et recensant actuellement près de 5 millions de dossiers individuels. Ce projet, anciennement dénommé GREGOIRE et désormais intitulé AGDREF 2, vise à élargir le nombre de services pouvant avoir accès aux données (en y incluant les consulats, les organismes sociaux, Pôle emploi) et à adapter le système à l’exploitation de données biométriques, à des fins de lutte contre la fraude. Une expérimentation dans deux préfectures et un CRA pilotes devrait avoir lieu au premier semestre 2011.

La généralisation du déploiement d’AGDREF 2 conduira à la délivrance de titres de séjour électroniques biométriques, produits par l’agence nationale des titres sécurisés avec qui une convention a été signée en mai 2009. Elle favorisera par la même occasion l’appréciation statistique de l’évolution des flux migratoires.

L’enveloppe inscrite au programme n° 303 permettra également de poursuivre la mise en place du système de comparaison des empreintes digitales aux fins de l’application du règlement (CE) 343/2003 du Conseil du 18 février 2003, dit « Dublin II » (5). Le règlement (CE) 725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 portant création de ce système dénommé EURODAC a prévu que chaque État membre soit en mesure de collecter et transmettre à un fichier central situé au Luxembourg les empreintes digitales des demandeurs d’asile (catégorie 1), des ressortissants d’États tiers appréhendés à l’occasion du franchissement irrégulier d’une frontière extérieure (catégorie 2) et des étrangers interpellés en situation irrégulière sur son territoire (catégorie 3), afin de vérifier si les intéressés ne relèvent pas d’une demande d’asile dans un autre État de l’Union.

En France, le système EURODAC est opérationnel en préfectures depuis le 15 janvier 2003 pour les demandeurs d’asile (39 bornes installées). En 2009, 35 675 relevés d’empreintes ont ainsi été effectués et 5 992 personnes ont été reconnues par la base de données. S’agissant des ressortissants d’États tiers appréhendés à l’occasion du franchissement irrégulier d’une frontière extérieure mais admis à pénétrer sur le territoire national, le système est mis en œuvre à Roissy depuis l’automne 2008 ; il sera étendu à Orly d’ici la fin de cette année (le nombre de bornes passant ainsi à 2). Enfin, pour ce qui concerne l’extension aux étrangers interpellés en situation irrégulière sur le territoire, le dispositif poursuit une phase d’expérimentation à Coquelles, Paris, Lyon et Cherbourg (4 bornes). Les quelque 7 534 saisies d’empreintes effectuées à ce titre en 2009 ont donné lieu à 1 206 identifications de demandeurs d’asile relevant du règlement Dublin II, soit un pourcentage moyen de 15,9 %.

B. UNE IMMIGRATION CONCERTÉE QUI SE CONCRÉTISE, EN DÉPIT D’UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE PLUS DIFFICILE

Depuis son élection en 2007, le Chef de l’État a assigné à l’exécutif l’objectif de rééquilibrer les flux migratoires à destination de la France en faisant une plus large place à l’immigration pour motifs professionnels et aux étudiants étrangers. Cette volonté a donné des résultats très encourageants, qui en ont validé la pertinence. Depuis plusieurs mois, toutefois, la dynamique enclenchée se heurte aux conséquences de la crise économique mondiale qui s’est déclarée avec l’éclatement de la bulle des prêts hypothécaires américains.

1. Un rééquilibrage des flux migratoires en faveur de l’immigration professionnelle provisoirement contrarié par la crise

En 2006, seulement 7 % des quelque 191 475 titres de séjour avaient été délivrés pour des motifs économiques ; en 2009, cette proportion a quasiment doublé, à 12,2 %, malgré une conjoncture défavorable.

a) Une dynamique réelle et significative

Depuis 2006, plusieurs dispositifs ont été mis en place pour rendre l’immigration professionnelle plus facile. Symbole de cette préoccupation, les cartes de séjour triennales renouvelables créées par la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration ont incontestablement permis de fluidifier les mouvements migratoires à vocation économique en évitant à leurs titulaires de se soumettre à une procédure administrative annuelle pour se rendre dans notre pays.

Parmi elles, la carte « salariés en mission » vise à renforcer l’attractivité du territoire national pour les groupes internationaux en facilitant la mobilité de leurs salariés dans leurs établissements situés en France. En 2009, 2 414 ressortissants étrangers en ont bénéficié (6), soit une progression de 30,3 % par rapport à 2008. De même, la carte « compétences et talents », attribuée à des personnes dont le projet peut contribuer au développement économique de la France ou à son rayonnement, a concerné 686 étrangers en 2009 (7), soit une hausse de 45 %. Enfin, la carte « travailleur saisonnier » évite désormais aux étrangers résidant hors de France et exerçant des travaux saisonniers n’excédant pas un semestre par an de solliciter un visa avant chaque saison : 2 595 (8) ont été délivrées en 2009, le dispositif accusant ainsi une baisse de 44 %, ce qui s’explique par le fait que les employeurs recrutent habituellement les mêmes saisonniers ainsi que par la levée des mesures transitoires à l’égard des travailleurs de nationalité polonaise, au second semestre 2008.

Plus récemment, à l’occasion de l’adoption de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, le législateur a complété cette panoplie de titres de séjour pour motifs professionnels par la carte de résident délivrée pour une contribution économique exceptionnelle, créée en faveur des entrepreneurs et des investisseurs étrangers désireux de localiser des capitaux productifs en France. Offrant une durée de résidence de dix ans, elle a surtout vocation à accroître l’attractivité de notre territoire à l’égard des investissements. À ce jour, aucune carte de ce type n’a été délivrée, même si les mesures règlementaires d’application, qui figurent aux articles R. 314-5 et R. 314-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, sont désormais effectives.

Parallèlement, les procédures d’introduction de la main-d’œuvre étrangère sur le marché du travail ont été assouplies dans les secteurs en tension, la situation de l’emploi ne se trouvant plus, jusqu’au 1er janvier 2012, opposable aux ressortissants des seules Bulgarie et Roumanie ainsi qu’aux ressortissants de pays tiers pour respectivement 150 et 30 métiers rencontrant des difficultés de recrutement, conformément aux deux listes distinctes publiées dans une circulaire du 20 décembre 2007 et un arrêté ministériel du 18 janvier 2008. Dans le même ordre d’idées, la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile a ouvert la possibilité de régulariser, à titre dérogatoire et exceptionnel, des étrangers en situation irrégulière se prévalant d’une embauche dans un secteur en tension.

Jusqu’au brutal renversement de la conjoncture internationale, cette politique a fait la preuve de son efficacité. Ainsi, alors que l’immigration professionnelle équivalait à 16 % de l’immigration familiale en 2003, elle en représentait le tiers en 2008. En 2009, cette proportion a légèrement diminué, en passant à 29 %.

L’ÉVOLUTION DE L’IMMIGRATION PROFESSIONNELLE DEPUIS 2003 (1)

MOTIFS

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

Professionnel

15 533

14 128

14 479

14 470

18 119

28 089

24 456

Compétences et talents

5 (2)

183 (2)

364 (2)

Actif non salarié

475

488

681

804

1 100

980

620

Scientifique

1 376

1 274

1 318

1 404

1 594

1 956

2 251

Artiste

420

328

340

241

285

294

201

Salarié

8 014

7 121

7 567

7 479

11 210

16 678

16 791

Saisonnier ou temporaire

5 248

4 917

4 573

4 542

3 925

7 998

4 229

Familial

95 844

96 608

94 690

98 344

87 719

83 436

84 227

Études et stages

57 730

52 964

48 892

47 192

47 866

52 908

58 821

Divers

16 278

15 442

14 369

14 339

12 305

11 764

14 340

Humanitaire

17 127

21 236

22 499

16 795

15 467

17 262

18 198

(1) Ressortissants des dix nouveaux États membres de l’Union européenne soumis à dispositions transitoires inclus.

(2) Premiers titres uniquement (hors renouvellements).

b) L’impact conjoncturel de la dégradation de l’environnement économique

De manière assez prévisible, la crise économique sévère qui a touché l’ensemble des pays développés depuis l’automne 2008 a sensiblement infléchi les flux migratoires pour motifs professionnels vis-à-vis de ces destinations. La France n’échappe pas à ce constat.

En 2009 sur les sept titres de séjour délivrés pour motifs professionnels (hors commerçants et professions libérales ainsi qu’étudiants), quatre ont enregistré des baisses notables : ceux relatifs aux travailleurs temporaires (- 64 %), aux travailleurs saisonniers (- 45 %), aux artistes (- 40 %) et aux salariés (- 16 %). Début 2010, cette tendance s’est confirmée sur l’ensemble des titres d’immigration pour motifs professionnels, avec une baisse globale en mai 2010 de 19 % par rapport à mai 2009 (soit 2 067 titres délivrés contre 2 555 titres un an plus tôt).

S’agissant plus particulièrement des cartes triennales à vocation professionnelle, le premier semestre 2010 révèle un tassement assez net du nombre de délivrances. À cette date, seulement 266 cartes « compétences et talents », 963 cartes « salariés en mission » et 437 cartes « travailleurs saisonniers » avaient en effet été émises. Les causes de cette tendance ne sont pas à chercher uniquement dans le retournement de conjoncture. Elles résident également dans les caractéristiques de ces titres de séjour, dont l’effet d’appel à l’égard du public cible est immédiat et non étale dans le temps. Cela est particulièrement patent pour les cartes « travailleurs saisonniers », qui profitent à des salariés recrutés auparavant d’une année sur l’autre et qui n’ont pas eu besoin de solliciter un renouvellement de titre de séjour ces deux dernières années.

Quant à la baisse significative du nombre de titres de séjour délivrés à des ressortissants des nouveaux États membres de l’Union européenne (4 584 en 2009 contre 6 040 en 2008), elle s’explique par la décision, devenue effective le 1er juillet 2008, d’anticiper la fin de la période transitoire applicable en matière de circulation aux ressortissants de la Pologne, des trois États baltes, de la République tchèque, de la Slovaquie, de la Hongrie et de la Slovénie. Ceux-ci sont désormais dispensés d’autorisation de travail et de titre de séjour, à l’instar des autres ressortissants d’États membres de l’Union, et ils ne se trouvent plus, par conséquent, comptabilisés dans les statistiques de l’immigration professionnelle.

Autrement dit, si la crise a incontestablement ralenti le rééquilibrage des flux migratoires à destination de la France en faveur de l’immigration pour motifs professionnels, ses effets sur la dynamique enclenchée en 2006 restent mesurés et provisoires. L’immigration professionnelle se justifie par les besoins durables de main-d’œuvre dans certains secteurs de l’économie nationale ; à l’avenir, l’accent devrait davantage être porté sur les étrangers hautement qualifiés, en faveur desquels un nouveau titre spécifique entrera en vigueur à l’issue de la transposition, par le projet de loi adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 12 octobre dernier, de la directive 2009/50/CE du Conseil du 25 mai 2009, dite directive « carte bleue européenne ».

2. La stabilisation de l’immigration familiale

Grâce à divers dispositifs adoptés par le législateur depuis 2003, les flux d’immigration familiale ont décru de 12,1 %. En 2009, l’immigration familiale a représenté 84 227 premiers titres de séjour délivrés, soit 42,1 % de la totalité des premiers titres délivrés en métropole. Elle a ainsi connu une relative stabilisation par rapport à 2008.

Sur ce volume, les membres de familles de Français (conjoints de Français, parents d’enfants français, ascendants étrangers et enfants étrangers de Français) constituent la proportion la plus importante. L’an passé, ils étaient 53 142 ; les conjoints de Français en ont représenté les trois-quarts.

Viennent ensuite les flux issus du regroupement familial. En 2009, la procédure a concerné 16 284 personnes au total. Dans la grande majorité des dossiers qui leur étaient soumis (72 %), les préfets ont rendu des décisions favorables.

En dernier lieu, figurent les étrangers admis au titre de leurs liens personnels et familiaux en France, à l’égard desquels un refus de séjour porterait une atteinte disproportionnée à leur droit à mener leur vie privée et familiale. Ils ont représenté 14 801 étrangers l’année dernière.

ÉVOLUTION DES FLUX DE L’IMMIGRATION FAMILIALE ENTRE 2003 ET 2008,
CONSTATÉE SUR LA BASE DU NOMBRE DE TITRES DE SÉJOUR DÉLIVRÉS

Composantes de l’immigration familiale

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

Évolution 2006/2009

Familles de Français

60 747

59 140

56 646

55 656

50 552

49 327

53 142

- 4,5 %

Regroupement familial

23 808

23 744

23 502

19 929

19 704

18 569

16 284

- 18,3 %

Liens personnels et familiaux

11 289

13 724

14 542

22 759

17 463

15 540

14 801

- 34,9 %

TOTAL

95 844

96 608

94 690

98 344

87 719

83 436

84 227

- 14,3 %

Tous les aspects de l’immigration familiale ont accusé une diminution très sensible depuis 2006. La baisse est la plus accentuée s’agissant des entrées en raison de liens personnels et familiaux (- 34,5 %), mais elle affecte aussi le regroupement familial (- 18,3 %) et, dans une moindre mesure, l’immigration de familles de Français (- 4,5 %). L’an passé a été marqué par une reprise des entrées de membres de familles de Français, sans que la tendance à la diminution des regroupements familiaux et des admissions au titre des liens personnels et familiaux ne se trouve pour autant infléchie.

3. La forte attractivité de la France à l’égard des étudiants étrangers, un important motif de satisfaction

Dans sa lettre de mission du 31 mars 2009 au ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire, le Président de la République a insisté sur la valorisation de l’attractivité du territoire national à l’égard des étudiants étrangers et fixait comme objectif d’en accueillir au moins 50 000 chaque année. Les chiffres montrent que cette ambition est atteinte.

En effet, en 2008, 67 525 visas de long séjour et 52 163 titres de séjour pour études ont été délivrés à des ressortissants étrangers ; en 2009, ces nombres ont été portés à 69 081 pour les visas de long séjour et à 58 262 pour les titres de séjour. Pour conforter cette dynamique, plusieurs initiatives importantes ont été prises par les pouvoirs publics français ces dernières années.

Il convient de souligner, en premier lieu, que le décret n° 2009-477 du 27 avril 2009 relatif à certaines catégories de visas pour un séjour en France d’une durée supérieure à trois mois dispense désormais les étudiants titulaires d’un visa de long séjour de solliciter un titre de séjour pendant la durée de validité de leur visa dans la limite d’une année. Entre le 1er juin 2009 et le 31 mai 2010, cette simplification des démarches a bénéficié à 64 621 étudiants étrangers.

En deuxième lieu, la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État a doté Campus France du statut d’établissement public. Cette transformation s’est accompagnée d’une rationalisation du réseau à l’étranger des centres pour les études en France et des bureaux d’EduFrance. Au 1er mai 2010, 141 espaces ou antennes Campus France répartis dans 89 pays permettaient ainsi de renseigner et d’orienter les candidats étrangers à des études dans notre pays.

Enfin, en troisième lieu, il importe de rappeler que la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration a ouvert la possibilité pour les étudiants étrangers d’exercer, à titre accessoire, une activité professionnelle salariée dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle ; elle a également permis la délivrance d’une autorisation provisoire de séjour de six mois pour les étrangers ayant obtenu en France un diplôme de niveau Master. Les résultats de ce dernier dispositif, destiné à offrir une première expérience professionnelle dans la perspective d’un retour dans le pays d’origine, apparaissent encourageants puisque 1 166 autorisations provisoires de séjour ont été délivrées dans ce cadre en 2009, contre 721 en 2008.

III. – LA GARANTIE DU DROIT D’ASILE : UN ENJEU BUDGÉTAIRE AUTANT QU’UN DEVOIR MORAL ET JURIDIQUE

Le droit d’asile est un principe à valeur constitutionnelle énoncé par le quatrième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et rappelé par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 93-325 DC du 13 août 1993 sur la loi relative à la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étrangers en France. Il s’exerce dans le respect de la directive 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales d’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres et celui de la directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié (9).

Faire face à un tel impératif juridique a des conséquences budgétaires importantes. Plus de la moitié des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » est ainsi consacrée à l’hébergement, à l’aide financière et au traitement des dossiers des demandeurs d’asile dans notre pays.

A. LES CONTRAINTES EXOGÈNES DE LA DEMANDE D’ASILE

Par définition, la France n’est pas en mesure de maîtriser le volume des demandes d’asile formulées auprès de l’OFPRA. Or, elle ne peut s’exonérer de ses obligations matérielles à l’égard de ces étrangers qui sollicitent une protection internationale.

1. Des prévisions difficiles à établir

Depuis le début des années 2000, l’évolution du nombre de demandeurs d’asile est marquée par des variations très fortes et contradictoires, qui rendent toute prévision budgétaire annuelle aléatoire. Jusqu’en 2007, tant le nombre total de demandes que celui des premières demandes ont notablement diminué. Depuis, ils progressent de nouveau sensiblement, sans pour autant avoir encore atteint leurs niveaux de la première moitié de la décennie.

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE DEMANDES D’ASILE ET
DES BÉNÉFICIAIRES DU STATUT DE RÉFUGIÉ ENTRE 2004 ET 2009

Ce caractère aléatoire se trouve conforté par les distorsions observées dans la répartition mondiale des demandes d’asile. Pour illustration, depuis 2008, le volume des demandes d’asile est resté globalement stable à l’échelle internationale et celui des demandes adressées à l’ensemble des États de l’Union européenne n’a progressé que de 3 % alors que la France a enregistré une augmentation de près de 40 % des premières demandes. Certes, notre pays n’est pas le seul à connaître une telle recrudescence : la Belgique (+ 40,3 % du nombre de demandes en 2009) ainsi que, dans une moindre mesure, l’Autriche (+ 23,6 %) et l’Allemagne (+ 17,9 %) sont elles aussi confrontées à ce phénomène. Le mouvement n’est cependant pas général, comme en atteste la baisse constatée au Royaume-Uni (- 4,7 %), en Suède (- 2,7 %), en Grèce (- 20,4 %) ou en Suisse (- 3,6 %).

Par voie de conséquence, il n’est pas étonnant que, sur les dernières annuités budgétaires, les abondements du programme n° 303 de la mission « Immigration, asile et intégration », n’aient pas toujours suffi à couvrir l’ensemble des besoins financiers induits par la nécessité de garantir l’exercice du droit d’asile dans notre pays. Toutefois, pour 2011, le Gouvernement a élaboré des prévisions à la fois prudentes et réalistes, qui l’ont conduit à revaloriser toutes les dotations consacrées à l’accueil et au traitement des dossiers des demandeurs d’asile. Ce choix apparaît raisonnable à court terme et n’exclut pas d’engager des réflexions sur les moyens de rationaliser, à moyen terme, ces postes de dépense.

2. Une tendance haussière désormais bien installée

L’augmentation de la demande d’asile, constatée depuis deux ans, ne semble pas appelée à s’infléchir. La hausse a été de l’ordre de 19,9 % en 2008 et de 11,9 % en 2009 ; au cours des huit premiers mois de 2010, elle s’est située aux alentours de 8,3 %. Depuis près de deux ans, l’accroissement constaté est surtout imputable aux premières demandes, le nombre de réexamens diminuant tandis que celui des demandes émanant des mineurs accompagnants demeure stable.

Avec 47 686 demandes en 2009, la France reste le premier pays en Europe pour l’accueil des demandeurs d’asile, devant l’Allemagne (33 033 demandes) et le Royaume-Uni (29 845). Au niveau mondial, elle se situe au second rang, derrière les États-Unis. L’an passé, quelque 10 373 étrangers se sont vus reconnaître le statut de réfugié ou la protection subsidiaire, soit 21,7 % des demandeurs.

ÉVOLUTION DE LA DEMANDE D’ASILE DANS LES PRINCIPAUX
PAYS EUROPÉENS ENTRE 2008 ET 2009

Les zones de provenance des demandeurs ont peu évolué ces dernières années : la Turquie, la Serbie, le Kosovo, la Tchétchénie, la République démocratique du Congo et le Sri Lanka figurent en effet toujours au palmarès. Il reste que, depuis 2008, les demandeurs d’origine chinoise et haïtienne ont été singulièrement plus nombreux.

PRINCIPALES ZONES DE PROVENANCE DES DEMANDEURS D’ASILE

Pays de provenance

2008

2009

Évolution 2008/2009

1er semestre 2010

Kosovo + Serbie(1)

2 070

3 454

+ 66,9 %

1 543

Sri Lanka

1 962

2 617

+ 33,4 %

1 128

Arménie

1 532

2 297

+ 49,9 %

590

République démocratique du Congo

1 912

2 113

+ 10,5 %

1 280

Russie

2 102

1 961

- 6,7 %

1 323

Turquie

1 985

1 826

- 8,0 %

575

Chine

804

1 542

+ 91,8 %

743

Guinée

1 050

1 455

+ 38,6 %

955

Bangladesh

1 187

1 375

+ 15,8 %

1 368

Haïti

830

1 234

+ 48,7 %

779

Autres pays

11 629

13 361

+ 14,9 %

7 898

Total

27 063

33 235

+ 22,8 %

18 182

(1) Bien qu’indépendant depuis le 17 février 2008, le Kosovo est comptabilisé avec la Serbie afin de favoriser les comparaisons par années civiles. En 2009, 3 048 demandes kossovares et 406 demandes serbes ont été enregistrées.

La croissance de la demande d’asile devrait perdurer en 2011. Le 13 juillet dernier, lors de son audition par la commission des Lois préalablement à sa reconduction à la direction générale de l’OFPRA, M. Jean-François Cordet a évalué à environ 55 000 le nombre de demandes susceptibles d’être reçues par la France l’an prochain, soit une croissance de 5,8 % par rapport aux 52 000 demandes escomptées fin 2010.

B. UNE PRISE EN CHARGE COÛTEUSE

Le projet de loi de finances pour 2011 consacre 327,7 millions d’euros à la garantie du droit d’asile, soit une progression des crédits de paiement de 3,6 % par rapport aux dotations de 2010. Sur les deux dernières annuités, l’augmentation atteint ainsi 13,4 % et atteste de l’importance accordée par la France au respect de ses obligations en la matière.

1. Le réseau des centres d’accueil, premier poste de dépense

Le financement du dispositif de droit commun pour l’hébergement et l’accompagnement social des demandeurs d’asile constitue la principale source de dépense du programme n° 303, puisqu’elle mobilise 60,7 % des crédits de paiement qui y sont inscrits.

a) Des capacités maintenues à un niveau important

Au titre de l’aide sociale des demandeurs d’asile, l’État finance un dispositif national (DNA) de 21 410 places, un millier de places ayant été créées au 1er juillet dernier. Quelque 199 millions d’euros sont provisionnés pour en assurer le fonctionnement dans le projet de loi de finances pour 2011, soit 35,5 % de l’ensemble des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ». À titre de comparaison, seules 5 282 places d’hébergement et d’accompagnement social étaient financées au 1er janvier 2001.

Au sein de ce dispositif, 272 centres d’accueil pour demandeurs d’asile assurent l’hébergement ainsi que l’accompagnement social et administratif des demandeurs d’asile en cours de procédure devant l’OFPRA ou la CNDA (10). Deux centres de transit, totalisant 246 places, accueillent également des étrangers sollicitant l’asile en France, durant la période nécessaire à l’établissement de leur situation administrative (personnes relevant du règlement Dublin II, situation particulière, etc.). Enfin, un centre d’accueil et d’orientation pour mineurs isolés demandeurs d’asile (CAOMIDA), d’une capacité d’accueil de 33 places, a été créé en 1999 pour répondre au problème de la prise en charge de cette population spécifique.

ÉVOLUTION DU DNA DEPUIS 2001

 

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

CADA

Capacités

5 282

10 317

12 480

15 460

17 470

19 410

20 410

20 410

20 410

21 410

Nombre

83

151

181

222

245

268

274

271

271

272

Centres de transit

Capacités

126

126

146

186

186

246

246

246

246

246

Nombre

2

2

2

2

2

2

2

2

2

2

CAOMIDA

Capacités

33

33

33

33

33

33

33

33

33

33

Nombre

1

1

1

1

1

1

1

1

1

1

TOTAL

5 441

10 476

12 659

15 679

17 689

19 689

20 689

20 689

20 689

21 689

L’ensemble des départements métropolitains, à l’exception de ceux de la Corse, dispose de capacités d’accueil en CADA. Cet effort répond notamment au souci de désengorger les moyens d’accueil en Île-de-France mais également ceux des régions frontalières telles que Rhône-Alpes ou l’Alsace, qui reçoivent des flux importants de demandeurs d’asile. Il s’agit également d’assurer une répartition équilibrée de l’accueil des demandeurs d’asile sur l’ensemble du territoire.

Structures par définition hétérogènes, les CADA présentent des coûts de fonctionnement variables selon leur configuration (structures de 12 ou de 210 places par exemple) et selon les publics qui y résident (personnes isolées, couples avec enfants etc.). Actuellement, la dotation globale allouée par l’État résulte d’une extrapolation des constats dressés, en termes de besoins, sur un échantillon représentatif de la variété des centres. Cette situation devrait changer dès 2011, grâce à la mise en place d’un système d’information pour le contrôle de gestion des CADA ; corrélativement, le MIIINDS devrait connaître les résultats d’une enquête confiée à l’inspection générale des affaires sociales sur le coût de ces centres d’hébergement.

b) Une durée d’hébergement difficile à réduire

L’optimisation des dotations inscrites pour le DNA dépend de la durée d’hébergement des demandeurs d’asile en CADA. Dès 2006, l’amélioration de la fluidité du dispositif, dont le taux d’occupation atteint 98,7 %, a constitué une priorité. Cependant, les mesures de pilotage et de suivi adoptées afin de prendre en charge une part plus importante des demandeurs d’asile connaissent aujourd’hui leurs limites, du fait de l’augmentation du flux de la demande d’asile et de l’allongement progressif de la durée des procédures, notamment devant la CNDA. Ainsi, le pourcentage d’hébergement en CADA des demandeurs d’asile en cours de procédure est actuellement en régression, puisqu’il se situait à 33 % au 30 juin 2010 contre 46 % en 2006.

S’agissant des personnes effectivement hébergées en CADA, la durée moyenne de prise en charge est nettement supérieure à un an. Si le nombre de sorties – 12 018 en 2009 contre 11 817 en 2008 – a augmenté de 1,7 % l’an passé, la durée moyenne des séjours – 572 jours contre 557 – s’est elle aussi accrue de 2,6 %. Se trouvent en cause, d’une part, l’absence d’amélioration des délais de traitement des dossiers devant l’OFPRA et la CNDA ainsi que, d’autre part, les difficultés à trouver des solutions de sortie pour les personnes n’ayant plus leur place dans ces centres : 3 % des places étaient encore occupées de manière indue par des réfugiés statuaires au 30 juin 2010 et 5,1 % par des déboutés.

ÉVOLUTION DES ADMISSIONS ET DES DÉLAIS DE SORTIE
DES DEMANDEURS D’ASILE EN CADA

 

Nombre d’admissions

Délai de sortie moyen des réfugiés et bénéficiaires de la protection subsidiaire

Délai de sortie moyen des déboutés

2007

11 509

205 jours (soit 6,8 mois)

208 jours (soit 6,9 mois)

2008

12 402

181 jours (soit 6,0 mois)

143 jours (soit 4,7 mois)

2009

12 326

168 jours (soit 5,6 mois)

110 jours (soit 3,6 mois)

Au 30 juin 2010

5 891

Non établi

Non établi

Afin de favoriser la sortie des réfugiés occupant indûment des places en CADA, l’État encourage le développement de partenariats permettant l’accès au logement et à l’emploi de ces publics. Sur la base d’un appel à projets lancé en 2009, treize initiatives locales innovantes en la matière ont été retenues par le MIIINDS. Par ailleurs, des projets associatifs d’ampleur nationale, tels que les projets RELOREF (« rechercher un logement pour les réfugiés ») ou Clefs de France, conduits par l’association France terre d’asile, sont subventionnés et reçoivent des cofinancements du Fonds européen pour les réfugiés. De même, pour développer et prolonger la mission d’accompagnement prévue par l’OFII, il a été décidé de généraliser la méthode du projet Accelair, porté par l’association Forum réfugiés depuis 2002 dans le département du Rhône et dont les résultats sont particulièrement encourageants, à la région Rhône-Alpes ainsi qu’aux départements des Bouches-du-Rhône, des Alpes maritimes, de la Loire-Atlantique, du Doubs, de la Sarthe, de l’Hérault, de la Vienne et des Pyrénées Atlantiques.

En ce qui concerne les déboutés, la solution passe par une diligence plus grande des préfectures dans la mise à disposition d’un hébergement du dispositif de droit commun en cas de régularisation et par une plus grande mobilisation des possibilités offertes par l’aide au retour volontaire (3 500 euros pour un couple, 2 000 euros pour un adulte, 1 000 euros pour un enfant mineur jusqu’au troisième enfant et 500 euros par enfant supplémentaire) en cas de reconduite à la frontière. En 2009, l’aide au retour volontaire a bénéficié à 324 demandeurs d’asile hébergés en CADA (soit 11,4 % de l’ensemble des récipiendaires de cette aide), contre 92 personnes seulement en 2008 (4,1 %). Il n’est d’ailleurs pas anodin que 64,5 % de ces bénéficiaires aient opté pour l’aide au retour volontaire sans attendre la décision définitive de la CNDA.

2. Une légère revalorisation des dotations consacrées à l’allocation temporaire d’attente

Conformément à la directive 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003, les demandeurs d’asile qui ne peuvent pas être hébergés en CADA alors même qu’ils ont accepté l’offre de prise en charge qui leur était faite se voient verser une allocation tout au long de l’instruction de leur demande, y compris en cas de recours devant la CNDA. Au 30 juin 2010, 27 700 étrangers en bénéficiaient, soit 27 463 demandeurs d’asile (99,2 % du total des allocataires), 203 étrangers sous protection subsidiaire (0,7 %), 19 apatrides et 16 étrangers disposant d’une autorisation provisoire de séjour en application de l’article L. 316-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

La gestion de l’allocation temporaire d’attente (ATA) est confiée, y compris pour ce qui concerne son attribution ou la notification de son rejet, à Pôle Emploi qui, pour ce faire, s’appuie toutefois sur les informations détenues par les services du MIIINDS, l’OFII, l’OFPRA, les préfectures et les gestionnaires de CADA.

Conséquence de la diminution de la demande d’asile entre 2004 et 2007 et de l’accroissement, en parallèle, des capacités d’hébergement des CADA, le coût budgétaire de cette allocation a très nettement diminué jusqu’en 2008. Avec le regain de dynamisme des demandes adressées à l’OFPRA, cette tendance s’est logiquement inversée depuis.

ÉVOLUTION DU COÛT DE L’ALLOCATION TEMPORAIRE D’ATTENTE DEPUIS 2004

(en millions d’euros)

 

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Provisions en lois de finances

161,7

117,6

79,0

38,0

28,0

30,0

53,0

Exécution budgétaire

187,6

153,9

108,3

53,9 (1)

64,5 (2)

56,0(2)

79,0(2)

(1) Total des montants inscrits aux programmes n° 102 et 104, au titre de l’allocation d’insertion et de l’ATA.

(2) Total des montants inscrits aux programmes n° 102 et 303 au titre de l’ATA.

Le projet de loi de finances pour 2011 anticipe à bon escient la poursuite de la tendance actuelle. Portées à 54 millions d’euros, les dotations seront légèrement réévaluées (+ 1,9 %) par rapport à leur niveau de 2010, qui était déjà en augmentation de 77 % par rapport à 2009. Ce financement est censé permettre de couvrir le versement de l’allocation à 13 405 bénéficiaires sur une durée moyenne de douze mois.

Comme l’an passé, il est toutefois permis de s’interroger sur l’adéquation du montant inscrit dans le projet de loi de finances pour 2011 avec les besoins prévisibles. Tout d’abord, l’exécution budgétaire des financements de l’ATA pour 2010 laisse entrevoir un déficit de 26 millions d’euros (soit 50 % de l’enveloppe initiale). Ensuite, même si la demande d’asile finissait par se stabiliser, il faudrait attendre un semestre avant de bénéficier à plein de l’ouverture de places nouvelles en CADA ; dans l’intervalle, les dotations consacrées à l’ATA seront nécessairement sollicitées.

3. Une réévaluation sensible, mais probablement insuffisante, des financements destinés à l’hébergement d’urgence

Le dispositif d’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile vise à accueillir, à titre transitoire, ceux qui ne peuvent bénéficier d’une place en CADA ainsi que, si nécessaire et pour une durée limitée, les personnes sortant de ces centres sans autre solution d’hébergement. Il permet en outre d’accueillir des demandeurs d’asile ne pouvant être hébergés en CADA ni se voir verser l’ATA, notamment ceux qui se trouvent placés en procédure prioritaire.

D’une capacité variable en fonction des besoins, il est difficile d’en connaître de façon précise les conditions d’occupation. En 2010, les crédits inscrits en loi de finances initiale ont permis d’ouvrir 5 478 places au niveau local (en hôtel ou en structures collectives, le plus souvent), en plus des 1 500 places d’urgence du dispositif national gérées par Adoma.

L’enveloppe consacrée à ce dispositif par le projet de loi de finances pour 2011 a été substantiellement revalorisée, puisqu’elle s’élève à 40 millions d’euros (en hausse de 25 %). Le nombre total de places sera ainsi porté à 7 365, soit 387 places supplémentaires à l’année. Cet effort est louable et nécessaire au regard du contexte actuel d’accroissement du nombre de demandeurs d’asile. Il n’est pas sûr, pour autant, qu’il soit suffisant si l’on en juge par l’exécution budgétaire des dotations inscrites lors des exercices budgétaires antérieurs.

ÉCARTS CONSTATÉS ENTRE PRÉVISION ET EXÉCUTION BUDGÉTAIRES RELATIVES AU FINANCEMENT DE L’HÉBERGEMENT D’URGENCE DES DEMANDEURS D’ASILE

(en millions d’euros)

Années

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

Premier semestre 2010

Dotations en loi de finances

19,03

27,99

27,99

44,50

40,37

35,30

30,00

30,00

Exécution

124, 32

143,77

140,89

103,72

57,16

53,09

72,42

42,59

Depuis 2003, les enveloppes budgétaires dévolues à l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile ont fait l’objet d’une sous dotation chronique, quelque peu jugulée à compter de 2007. Avec la recrudescence de la demande d’asile depuis 2008, l’écart tend à s’accentuer de nouveau. Or, comme aucune stabilisation ne semble envisageable en 2011, il y a fort à parier que l’inscription de 10 millions d’euros supplémentaires ne permette pas de satisfaire l’intégralité des besoins.

Certes, une réflexion a été engagée sur les modalités permettant de conduire à une contractualisation des prestations d’hébergement d’urgence, avec pour objectif d’en réduire les coûts. Cette démarche ne devrait pas, néanmoins, dégager des économies équivalentes à plusieurs dizaines de millions d’euros par an. En outre, dans ses réponses à votre rapporteur pour avis, le MIIINDS indique avoir reçu l’assurance que des moyens supplémentaires lui seront alloués en gestion dans l’éventualité où les hypothèses retenues pour les besoins d’hébergement d’urgence se révéleraient dépassées ; il s’agit là d’un aveu implicite que de nouveaux redéploiements internes ou décrets d’avances seront nécessaires en gestion pour permettre au dispositif d’honorer tous les besoins.

C. DES EFFORTS NOTABLES EN VUE D’UNE MEILLEURE MAÎTRISE DES BESOINS

Si les dépenses liées à l’exercice du droit d’asile correspondent à des charges dont l’État ne peut se départir, rien n’interdit aux pouvoirs publics et aux opérateurs plus particulièrement concernés d’optimiser les procédures dans un souci de rationalisation des coûts, dès lors que les droits des demandeurs ne s’en trouvent pas remis en cause. Or, depuis 2007, le MIIINDS, l’OFPRA et la CNDA s’y emploient.

1. La régionalisation du premier accueil

Engagée par la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006, la démarche de régionalisation de l’admission au séjour des demandeurs d’asile est désormais effective dans la grande majorité des départements français, seuls les départements de l’Île de France, de l’Alsace et de la Corse conservant chacun une compétence en la matière. Cette réforme vise à conférer aux préfets de région la compétence exclusive pour délivrer ou refuser l’autorisation provisoire de séjour aux demandeurs d’asile, après prise d’empreintes sur les bornes EURODAC, mais aussi pour engager éventuellement une procédure de remise à un autre État membre en application du règlement (CE) 343/2003 Dublin II, ou pour faire une offre en hébergement en CADA. Les compétences des préfets de département, quant à elles, restent résiduelles. L’objectif est de favoriser une plus grande spécialisation des agents des services des étrangers des préfectures dans l’application du règlement Dublin II et d’engendrer des économies de déploiement des bornes EURODAC.

En cohérence avec ces évolutions de compétences, il a été procédé à une réforme des modalités de premier accueil et d’accompagnement des demandeurs d’asile. Un schéma a été défini à cet effet, avec pour objectifs, d’une part, de supprimer le financement de plates-formes d’accueil – guichets uniques orientant les demandeurs d’asile dans leurs démarches administratives, sociales et médicales – à l’activité trop réduite et, d’autre part, de conférer une dimension plus centrale à l’OFII.

Cette réforme a été mise en œuvre au début de l’année 2008 : elle s’est notamment traduite par la fermeture de 32 plates-formes d’accueil (23 en 2008 et 9 en 2009) localisées dans des départements recevant moins de 10 demandeurs d’asile chaque mois. Le nombre de plates-formes d’accueil associatives est ainsi passé à 24. Corrélativement, l’OFII s’est vu reconnaître une responsabilité plus importante dans le pilotage du dispositif, soit par l’intervention directe de ses directions territoriales (qui supervisent 11 plates-formes), soit par une participation à la gestion de certaines plates-formes associatives (au nombre de 8) ou par la fixation d’un cahier des charges (16 plates-formes).

La disparition de la ligne consacrée aux dépenses des plates-formes de premier accueil du projet de loi de finances est la traduction budgétaire logique de cette réforme. Dès lors que l’OFII se voit confier la responsabilité de financer cette mission, la charge financière s’en trouve diluée dans les actions couvertes par cet opérateur. Il s’agit néanmoins d’une attribution qui justifie la pérennisation d’une subvention de l’État pour charges de service public.

En 2010, les moyens financiers alloués aux plates-formes associatives de premier accueil représentent 12,2 millions d’euros. La contribution de l’OFII s’établit à 7 millions d’euros, soit 57,2% et les crédits issus du Fonds européen aux réfugiés, de l’ordre de 3,6 millions d’euros, représentent 29,7 % du financement de ces structures. Les collectivités locales, quant à elles, accordent une aide financière marginale – à hauteur de 5,4 %, en moyenne –, à l’exception des départements du Maine-et-Loire et de la Loire-Atlantique qui contribuent respectivement à 51,6 % et 23,5 % aux budgets des plates-formes maintenues en activité dans la région Pays de Loire.

À terme, cette réforme devrait renforcer l’égalité de traitement entre demandeurs d’asile, limiter les mouvements secondaires entre territoires et faire converger les coûts de fonctionnement des plates-formes d’accueil. Ceux-ci sont actuellement marqués par une très grande hétérogénéité, selon que l’OFII joue un rôle complémentaire de celui des associations – le coût d’accueil et d’accompagnement de chaque demandeur d’asile s’échelonnant alors entre 104 et 426 euros – ou que les associations interviennent seules – le coût unitaire d’accueil et d’accompagnement des demandeurs d’asile variant dans ce cas de 100 à 781 euros. Par ailleurs, un audit externe, diligenté par l’OFII, devrait prochainement identifier des axes d’amélioration en vue d’une uniformisation plus grande du dispositif.

2. L’optimisation de la durée de traitement des dossiers

Le coût global de la prise en charge par l’État de la demande d’asile formulée sur notre sol dépend pour une grande part de la diligence avec laquelle les dossiers peuvent être instruits et traités par les organismes en charge de cet examen (OFPRA en premier ressort et, en cas de recours, CNDA). Jusqu’à présent, les résultats obtenus en la matière ont été satisfaisants s’agissant de l’office, mais perfectibles pour la cour. L’avenir s’annonce malheureusement plus difficile, en dépit d’efforts significatifs pour améliorer l’efficacité de cet opérateur public et de cette juridiction.

a) Les efforts de l’office français de protection des réfugiés et apatrides

Le contrat d’objectifs et de moyens signé entre l’État et l’OFPRA le 9 décembre 2008 pour la période 2009-2011 fixe des perspectives financières pluriannuelles à l’établissement en contrepartie d’exigences d’efficacité quant à son fonctionnement. Avec près de deux ans de recul, force est de constater que le contenu de ce document a été défini sur la base d’hypothèses d’activité optimistes au regard de la tendance actuelle de l’évolution de la demande d’asile et qu’il s’est révélé, à certains égards, parfois insuffisamment flexible.

HYPOTHÈSES RETENUES PAR LE CONTRAT D’OBJECTIFS ET DE MOYENS 2009-2011
EN MATIÈRE D’ÉVOLUTION DE L’ACTIVITÉ DE L’OFPRA

2009

2010

2011

Prévisions : + 7 % de la demande, soit :

- 43 000 demandes (dont 27 000 premières demandes) ;

- 45 000 décisions (dont 2 000 en réduction de stock) ;

– 5 000 avis à la frontière.

Réalisations : hausse de 12 % des demandes et de 11 % des décisions rendues.

Prévisions : + 5 % de la demande, soit :

- 45 000 demandes (dont 28 500 premières demandes) ;

- 46 500 décisions (dont 1 000 en réduction de stock).

Réalisations : hausse de 8,5 % des demandes et de 10 % des décisions rendues au 1er semestre.

Prévisions : stabilisation de la demande, soit :

- 45 000 demandes (dont 28 500 premières demandes) ;

- 46 500 décisions (dont 1 000 en réduction de stock).

Pour contrebalancer la hausse tendancielle de la demande d’asile, des progrès ont certes été enregistrés sur le plan de la productivité de l’office. En 2008, et à effectifs constants, l’établissement a non seulement su faire face à une augmentation de 20 % de la demande, mais il est également parvenu à ramener son délai moyen de traitement de 105 à 100 jours. Pour autant, en 2009, l’OFPRA n’a pu absorber que la moitié de l’augmentation des premières demandes, soit environ 3 000 dossiers sur 6 000, et le délai moyen de traitement des cas s’est allongé à 118 jours. En définitive, comme l’a souligné son directeur général, M. Jean-François Cordet, devant la commission des Lois le 13 juillet 2010, « son dimensionnement ne lui permet pas de traiter en temps réel les demandes d’asile actuellement présentées dans notre pays. (…) Bref, le nombre total de demandes excède de 10 000 celui que le format permet de traiter. » (11).

S’il honore les engagements financiers pris par l’État, le projet de loi de finances pour 2011 tient également compte du contexte actuel. Ainsi, outre une subvention pour charge de service public de 33,6 millions d’euros, l’OFPRA bénéficiera d’un complément de 1,8 million d’euros pour permettre un renfort ponctuel d’effectifs destiné à traiter le stock de dossiers en instance, qui devrait s’élever à la fin de l’année aux alentours de 10 000.

ÉVOLUTION DES STOCKS DE DOSSIERS
PENDANTS DEVANT L’OFPRA

Années
(au 31 décembre)

Nombre
de dossiers
en stock

Évolution,
en %

1999

18 000

2000

28 000

+ 55,5 %

2001

34 550

+ 23,4 %

2002

34 590

+ 1,1 %

2003

22 900

- 33,8 %

2004

11 630

- 49,2 %

2005

11 755

+ 1,1 %

2006

8 411

- 28,4 %

2007

8 248

- 1,9 %

2008

10 991

+ 33,2 %

2009

14 800

+ 34,6 %

2010 (1)

18 000

+ 21,6 %

(1) Stock estimé.

L’office a donc obtenu non seulement la reconduction d’un plafond d’emplois de 412 ETPT (324 titulaires et 88 contractuels), auquel s’ajoutent 20 ETPT correspondant à des agents de catégorie C mis à disposition par le ministère des affaires étrangères et européennes, mais également la possibilité de recruter 30 officiers de protection contractuels pour une période de dix-huit mois. Ce renfort provisoire en personnel apparaît de nature à restaurer la capacité de l’OFPRA à traiter, conformément aux objectifs de performance fixés, les demandes qui lui sont formulées.

Dans le détail, les dépenses de personnel représentent 69 % des charges de l’office, devant les charges locatives (15 %), les frais d’interprétariat (6 %), les dépenses postales (1 %) et les investissements informatiques (1 %).

LES DOTATIONS DE L’OFPRA EN DÉTAIL, EN 2010 ET POUR 2011

(en millions d’euros)

 

Budget 2010

Prévisions 2011

Projet de loi de finances initiale

Compléments

Total

Personnel

22,15

22,95

1,13

24,08

Fonctionnement

10,03

11,26

0,62

11,88

Investissement

0,42

0,42

0,09

0,51

TOTAL

32,60

34,63

1,84

36,47

b) L’action engagée au niveau de la Cour nationale du droit d’asile

L’ancienne commission de recours des réfugiés, devenue CNDA aux termes de la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007, jouit désormais d’une autonomie statutaire et budgétaire totale par rapport à l’OFPRA, en application de la loi de finances n° 2008-1425 pour 2009 et du décret n° 2008-1481. Rattachée au programme n° 165 de la mission « Conseil et contrôle de l’État » (sur lequel 20,5 millions d’euros sont budgétés à cet effet), elle a engagé un processus de rapprochement de son fonctionnement avec les autres juridictions administratives spécialisées.

Depuis le 1er septembre 2009, la cour comporte 10 magistrats à temps plein exerçant les fonctions de président de section : 3 relèvent de l’ordre judiciaire et 7 de l’ordre administratif. Cette professionnalisation n’a pas inversé, à ce stade, la tendance à l’allongement des délais moyens de jugement.

ÉVOLUTION, ENTRE 2002 ET 2008, DE LA DURÉE MOYENNE
DE TRAITEMENT DES DOSSIERS PAR LA CNDA

 

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011 (1)

 

1er
semestre

Année(1)

Recours

52 172

40 345

30 505

22 680

21 636

25 039

13 709

28 796

33 115

Délai de jugement

9 mois et 22 jours

9 mois et 12 jours

10 mois et 23 jours

11 mois et 24 jours

13 mois et 16 jours

1 an et 18 jours

13 mois et 3 jours

13 mois et 29 jours

13 mois

(1) Prévisions.

La confirmation du dynamisme de la reprise du contentieux de l’asile au début de l’année 2010 a conduit le Conseil d’État à adopter au printemps dernier un plan de recrutement très vigoureux afin de permettre à la cour d’accroître très significativement sa capacité de jugement. Ce plan de redressement consiste à amener le nombre de rapporteurs à 95 avant la fin de l’année. Il devrait permettre de stabiliser les délais de jugement.

Dans l’hypothèse d’un maintien des effectifs au niveau de la fin 2010 et d’une croissance continue à un rythme de 15 % des requêtes adressées à la CNDA, la situation des délais de traitement des contentieux se dégraderait à nouveau. Le Gouvernement a donc décidé la création, en 2011, de 10 nouveaux emplois de rapporteurs et de 10 emplois de magistrats permanents ; ces renforts en effectifs s’accompagneront de la création de 20 emplois nouveaux de rapporteurs en 2012 et de 10 autres en 2013. Au total, le nombre des rapporteurs de la CNDA devrait quasiment doubler en quatre ans, en passant de 70 en 2009 à 135 en 2013. Ce faisant, la cour devrait accroître très sensiblement sa capacité de jugement : 35 000 décisions devraient être rendues en 2011, 40 000 en 2012, 45 000 en 2013, contre une moyenne de 20 000 à 25 000 sur la période 2007-2010.

La cour pourrait ainsi, malgré une croissance soutenue du contentieux de l’asile retrouver un délai prévisible moyen de jugement de dix mois en 2011 et atteindre en 2013 l’objectif initialement prévu pour 2011 d’un délai de six mois. Il convient de relever que cet accroissement des capacités de la CNDA à répondre à la croissance du contentieux aura, sur le plan budgétaire, des conséquences indirectes importantes, telle la nécessité de trouver des locaux supplémentaires pour accueillir les nouveaux rapporteurs.

D’autre part, il importe de souligner que l’élargissement de l’aide juridictionnelle liée à l’application, à compter du 1er décembre 2008, de l’article 93 de la loi n°2006-911 du 24 juillet 2006 supprimant la condition d’entrée régulière en France pour l’octroi de l’aide juridictionnelle, a entraîné une très forte augmentation des demandes, qui ont été multipliées par trois : 9 927 ont ainsi été enregistrées en 2009 contre 3 468 en 2008 ; 6 185 d’entre elles ont été admises l’an passé contre 1 202 l’année précédente.

ÉVOLUTION DES COÛTS DE L’AIDE JURIDICTIONNELLE
DEVANT LA CNDA DEPUIS 2008

 

2008

2009

2010

Nombre d’admissions

1 202

6 185

8 100

Coût annuel

219 629 €

1 130 123 €

1 480 032 €

Un encadrement plus rigoureux du délai dans lequel le requérant peut solliciter l’aide juridictionnelle est apparu nécessaire pour limiter le nombre de renvois décidés le jour de l’audience – lorsqu’une telle demande est formée à l’audience – et, par voie de conséquence, pour accélérer les délais de jugement, facteur de gains budgétaires pour l’État. Fort de ce constat, votre rapporteur pour avis a soumis une disposition en ce sens à l’Assemblée nationale, lors de la première lecture du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, adopté le 12 octobre dernier. Il serait heureux que le Sénat vote conforme une telle mesure.

IV. – L’INTÉGRATION ET L’ACCÈS À LA NATIONALITÉ, DÉBOUCHÉS INDISPENSABLES ET NATURELS POUR L’IMMIGRATION RÉGULIÈRE

L’intégration et l’accès à la nationalité française représentent un volet budgétaire significatif de la mission « Immigration, asile et intégration ». Le projet de loi de finances pour 2011 alloue en effet au programme n° 104 quelque 72,9 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, destinés à l’accueil des primo-arrivants (14,4 millions d’euros), à l’intégration des étrangers en situation régulière (41,9 millions d’euros), à l’intégration des réfugiés (14,7 millions d’euros) et au fonctionnement du service chargé des naturalisations (1,9 million d’euros).

A. UN DISPOSITIF D’INTÉGRATION RATIONALISÉ ET EN VOIE DE PERFECTIONNEMENT

Si la France se doit d’être intraitable à l’égard de l’immigration irrégulière, il lui incombe, en retour, de créer les conditions de l’intégration économique et sociale des étrangers entrés et séjournant légalement sur son territoire. Aussi difficile soit-il à satisfaire, l’enjeu est capital. Depuis 2006, le Gouvernement a néanmoins posé les bases d’une politique ambitieuse à cet égard. Les résultats commencent d’ailleurs à se faire réellement sentir.

1. L’accueil des primo-arrivants

La réussite de l’installation des étrangers qui entrent de manière régulière sur le territoire national pour y résider durablement est une condition primordiale de bonne intégration. L’État met donc en œuvre un accompagnement de ces personnes à un stade où elles se trouvent bien souvent en recherche de repères linguistiques, civiques, institutionnels ou juridiques et sociaux.

a) Un opérateur unique : l’office français de l’immigration et de l’intégration

Le comité de modernisation des politiques publiques a décidé, le 4 avril 2008, de créer un nouvel opérateur public compétent en matière d’immigration et d’intégration, afin de rationaliser les interventions respectives de l’ancienne agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) et de l’agence pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSE). Ce nouvel opérateur a été créé en plusieurs phases successives.

Dans un premier temps, la loi n° 2008-1425 de finances initiale pour 2009 a réformé le système des ressources propres de l’ANAEM pour remplacer les redevances qu’elle percevait par des taxes et supprimer les exonérations devenues obsolètes. Dans un second temps, l’article 67 de la loi n° 2009-313 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion a défini les compétences du nouvel opérateur en adjoignant aux missions de l’ANAEM les compétences de l’ACSE en matière d’intégration des migrants primo-arrivants et de formation des étrangers à la langue française.

L’OFII a tenu son premier conseil d’administration le 22 avril 2009. L’ensemble des marchés de formation linguistique en faveur des étrangers est passé sous la compétence de l’office au 1er juillet 2009. De même, le décret n° 2009-331 du 25 mars 2009 a substitué dans tous les textes législatifs et réglementaires la nouvelle dénomination de l’opérateur à son ancien intitulé. Le 16 juillet 2010, un contrat d’objectifs et de performances a été signé entre l’OFII et le MIIINDS, assignant à l’établissement public six objectifs stratégiques et trois objectifs de gestion.

LE CONTRAT D’OBJECTIFS ET DE PERFORMANCES DE L’OFII

Objectifs stratégiques

Objectifs de gestion

– Renforcer l’efficacité des dispositifs d’intégration, en particulier du contrat d’accueil et d’intégration (CAI), en prenant mieux en compte les parcours individuels ;

– Promouvoir les nouvelles formes d’immigration professionnelle et améliorer l’intégration professionnelle des migrants ;

– Organiser l’immigration le plus en amont possible, y compris dans les pays d’origine, et contribuer à la simplification des démarches ;

– Placer l’établissement au cœur des politiques publiques d’accueil des demandeurs d’asile ;

– Contribuer à la mise en œuvre et au renforcement de l’efficacité du dispositif d’aides au retour ;

– Contribuer à l’amélioration de la connaissance statistique de l’immigration afin d’améliorer l’efficacité des politiques publiques en faveur des migrants.

– Adapter les moyens de l’établissement aux compétences transférées ou supprimées ;

– Améliorer les dispositifs de maîtrise de la qualité comptable et financière de l’OFII ;

– Moderniser les méthodes de gestion de l’établissement.

Cette évolution des structures s’accompagne aujourd’hui encore d’une réorganisation des ressources humaines à travers la réduction du plafond d’emplois : de 890 ETPT en 2009, il doit passer à 870 ETPT en 2010 – en y incluant 30 ETPT de l’ACSE – puis à 850 ETPT en 2011. Dans ce contexte, des tensions sur les effectifs sont apparues corrélativement à la mise en œuvre du visa de long séjour dispensant de titre de séjour (VLS-TS), dont 100 000 ont été délivrés entre le 1er juin 2009 et le 1er juin 2010, à la prise en charge par l’office du premier accueil des demandeurs d’asile et au renforcement de la présence de l’opérateur dans les CRA.

Parallèlement, les moyens financiers de l’établissement se trouvent davantage mobilisés. Les prévisions de dépenses sur l’exercice en cours s’établissent, hors investissements, à 150,3 millions d’euros répartis pour 52,9 % en dépenses d’intervention (83,5 millions d’euros), 30,1 % en dépenses de personnel (47,4 millions d’euros) et 9,8 % en dépenses de fonctionnement (15,6 millions d’euros). Entre 2009 et 2010, les engagements de l’OFII devraient augmenter de 15,2 % du fait de ses nouvelles prérogatives, cette augmentation se trouvant cantonnée à une hausse de 3,6 % à périmètre constant.

Les ajustements des taxes affectées à l’opérateur en 2009, dont le rendement a connu des résultats différenciés – avec une hausse de 23,3 % des recettes liées aux travailleurs permanents, à 27,5 millions d’euros, et une baisse de 6,6 % des droits de timbre, à 71 millions d’euros –, ne permettront pas de couvrir l’intégralité des dépenses nouvelles. De fait, il apparaît d’ores et déjà un besoin de financement de 20,8 millions d’euros pour 2010, dont le montant sera couvert par un prélèvement sur le fonds de roulement en plus de la revalorisation, depuis le 1er août dernier, des taxes sur la délivrance du premier titre de séjour, sur le renouvellement de titre de séjour et sur les demandes de duplicata, pour un produit additionnel attendu de 9 millions d’euros.

Compte tenu des règles édictées à l’égard des dépenses de fonctionnement des opérateurs de l’État, le projet de loi de finances pour 2011 prévoit une diminution de 4 % de la subvention pour charges de service public inscrite en faveur de l’OFII, dont le montant s’élèvera à 14,4 millions d’euros. Pour autant, le niveau du fonds de roulement a atteint un plancher en deçà duquel il convient de ne pas descendre. C’est la raison pour laquelle une nouvelle réévaluation des taxes affectées à l’établissement public, assortie de modulations pertinentes dans le cas des renouvellements de titres valables un an, est également soumise au vote du Parlement à travers l’article 74 du projet de loi de finances, rattaché à la mission « Immigration, asile et intégration ». Les différentes modifications proposées devraient engendrer un surcroît net de recettes annuelles de 10,5 millions d’euros pour l’office.

DÉTAIL DES MODIFICATIONS DE RECETTES PRÉVUES POUR L’OFII

Modifications prévues

Coût / rendement

Suppression de l’exonération de la taxe de renouvellement de 140 euros pour les réfugiés

+ 1,4 million d’euros

Augmentation à 140 euros de la taxe de renouvellement des cartes valables dix ans

+ 6,4 millions d’euros

Diminution à 85 euros de la taxe de renouvellement des cartes valables un an

- 6,44 millions d’euros

Création d’un droit de visa de régularisation de 220 euros

+ 11,0 millions d’euros

Diminution de 15 euros de la taxe de demande d’attestation d’accueil

- 4,14 millions d’euros

Augmentation à 45 euros de la taxe sur les documents de circulation pour étranger mineur

+ 1,74 million d’euros

Création d’un droit de timbre pour les demandes de naturalisation

+ 5,5 millions d’euros

Diminution de la taxe employeur de 60 à 50 % du salaire mensuel

- 4,66 millions d’euros

Diminution de la taxe employeur pour les jeunes professionnels

- 0,29 million d’euros

TOTAL

+ 10,5 millions d’euros

b) Un cadre contractuel pertinent : le contrat d’accueil et d’intégration

Le contrat d’accueil et d’intégration (CAI) constitue la première étape du parcours d’intégration des étrangers obtenant pour la première fois un titre de séjour les autorisant à s’installer durablement en France, c’est-à-dire exclusion faite des étudiants, des salariés en mission au sein d’un groupe ou d’une entreprise et des travailleurs saisonniers.

C’est la loi n° 2005-35 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale qui a fixé ses bases juridiques et décidé sa généralisation à l’ensemble du territoire national, effective depuis septembre 2006. La loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration a rendu obligatoire sa signature pour tout étranger primo-arrivant en France âgé d’au moins 16 ans. Enfin, aux termes de la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile, les parents d’enfants bénéficiaires du regroupement familial sont également tenus de s’engager contractuellement auprès de l’État et de suivre une formation sur leurs droits et leurs devoirs en France.

Entre le 1er juillet 2003 et le 30 juin 2010, quelque 561 541 CAI ont été signés. Le profil des signataires reste assez constant dans la durée : les femmes sont majoritaires (52 %) et les motifs avancés pour la venue en France sont essentiellement familiaux (72 %). Selon les indications fournies par le projet annuel de performances, la majorité des signataires de CAI possède un niveau de formation équivalent au secondaire (52 %), voire à l’enseignement supérieur (18 %). Toutefois, une moyenne de 6 % présente des caractéristiques d’analphabétisme.

Au titre de leurs obligations, les migrants ont dû suivre une formation civique, durant laquelle ont été présentés les principes de la République française en fonction d’un programme défini par le Haut conseil à l’intégration, ainsi qu’une session d’information sur la vie en France – séances de présentation pratique et concrète des démarches utiles en matière de logement, de santé, d’emploi et de scolarité – et, éventuellement, au terme de l’évaluation préalable, une formation linguistique ouvrant la voie à la délivrance d’un diplôme attestant d’un niveau de connaissance de la langue française (diplôme d’initiation ou, désormais, de niveau supérieur). Agissant pour le compte de l’État, l’OFII a délivré ces formations et prestations gratuitement.

Depuis le 1er décembre 2008, le CAI s’est enrichi de volets destinés à mieux accompagner les primo-arrivants, à travers :

– une préparation du parcours d’intégration dans le pays de résidence, comprenant une évaluation du degré de connaissance de la langue française et des valeurs de la République, et si besoin une formation. La mise en œuvre de ce dispositif a été effective dès le 1er décembre 2008, au Maroc, en Tunisie et en Turquie puis, en janvier 2009, au Sénégal et au Canada ; depuis, des conventions ont été signées entre l’OFII et des organismes délégataires dans 41 pays. Au 31 décembre 2009, 21 814 dossiers étaient enregistrés et 10 513 autres l’ont été sur les six premiers mois de cette année ;

– le CAI famille, créé pour les bénéficiaires du regroupement familial et les conjoints de Français dès lors qu'ils ont des enfants. Dans ce cadre, les signataires s’engagent à suivre une formation sur les droits et les devoirs des parents en France et à respecter l’obligation de scolarisation de leurs enfants. L’an passé, 298 CAI famille ont été signés et, sur le premier semestre 2010, leur nombre est passé à 1 023 ;

– un bilan de compétences professionnelles, rendu obligatoire au 1er février 2009 et visant à valoriser les expériences et compétences professionnelles ou savoir-faire dans le cadre de la recherche d’emploi. Du 1er février au 31 décembre 2009, 55 618 bilans de ce type ont été prescrits ; 41 389 supplémentaires sont intervenus sur les huit premiers mois de l’année en cours.

Pour la seule année 2009, les séances d’accueil organisées sur les plates-formes de l’OFII ont concerné 99 402 personnes, dont 98,3 % (soit 97 736) ont signé un CAI. Une formation linguistique, sanctionnée par un diplôme initial de langue française (DILF) reconnu par le ministère chargé de l’éducation nationale, a été prescrite à 22,3 % de ces signataires, soit à 21 970 immigrants. Au cours de l’année passée, 15 101 DILF ont été délivrés, attestant d’un taux de réussite de 55 %, en nette hausse par rapport à l’an passé.

BILAN DU CONTRAT D’ACCUEIL ET D’INTÉGRATION ET DES PRESTATIONS LIÉES

 

2003 (1)

2004 (2)

2005 (3)

2006 (4)

2007 (5)

2008 (5)

2009 (5)

Nombre de personnes auditées

9 252

41 721

71 914

99 703

101 770

104 336

99 402

Nombre de signataires de CAI

8 029

37 633

66 450

95 693

101 217

103 952

97 736

Taux de signature du CAI

86,8 %

90,2 %

92,4 %

96,0 %

99,5 %

99,6 %

98,3 %

Nombre de personnes inscrites en formation civique

8 010

37 264

65 292

94 534

99 705

102 441

95 720

Nombre de formations linguistiques prescrites

2 299

11 600

17 826

25 346

26 121

22 338

21 750

Taux de prestations linguistiques prescrites

28,6 %

30,8 %

26,8 %

26,5 %

25,8 %

21,5 %

22,3 %

Nombre d’inscriptions aux journées d’information « Vivre en France »

1 426

8 119

12 467

21 537

38 858

37 660

35 184

Taux de bénéficiaires de la journée d’information « Vivre en France »

17,8 %

21,6 %

18,8 %

22,5 %

38,39 %

38,2 %

36,0 %

Nombre de bénéficiaires du suivi social

498

2 971

5 361

10 304

6 900

4 558

3 216

Taux de signataires à qui a été prescrit un suivi social

6,2 %

7,9 %

8,1 %

10,8 %

6,82 %

4,4 %

3,2 %

(1) Sur le second semestre, dans 12 départements. (2) Dans 26 départements. (3) Dans 61 départements. (4) Dans 95 départements (seuls la Haute Corse et les DOM étant exclus) ; (5) Dans tous les départements français. Source : OFII.

S’ils proviennent de plus de 150 pays, les signataires sont plus particulièrement originaires du Maghreb (37,2 %), d’Afrique subsaharienne (17,9 %), de Turquie (5,6 %), de Chine (2,8 %) et de Russie (2,5 %). La proportion des membres de familles de Français atteint 48,8 % du total, tandis que celle des signataires relevant du regroupement familial avoisine 8,5 %.

L’an passé, le coût global des actions de formation linguistique dans le cadre du CAI s’est élevé à 24,5 millions d’euros. S’y est ajoutée la dépense liée aux bilans de prescription linguistique et à l’organisation des sessions d’examen, pour un montant de presque 2,5 millions d’euros. Les formations civiques et les sessions d’information sur la vie en France, quant à elles, ont représenté une charge de 5,9 millions d’euros, tandis que la réalisation des bilans de compétences a mobilisé 4,5 millions d’euros. En ce qui concerne les formations délivrées dans le cadre d’un CAI famille (18 141 euros mandatés, seulement), le dispositif n’est pas encore monté en charge puisqu’il n’a été concrètement mis en œuvre qu’à partir de septembre 2009.

VENTILATION DU COÛT TOTAL DU CAI EN 2009

Formation civique / Session « Vivre en France »

5 866 413 euros

Prestataires DILF

2 475 123 euros

Formations linguistiques CAI

24 544 027 euros

Bilans de compétences

4 490 231 euros

Pré - CAI à l’étranger

1 366 923 euros

Conventions liées au CAI

665 890 euros

Au total, les dépenses relatives au CAI ont représenté près de 40 millions d’euros l’année dernière. À son budget 2010, l’OFII a inscrit des provisions à hauteur de 40,5 millions d’euros. À moyen terme, l’opérateur table sur une augmentation des financements nécessaires à 44 millions d’euros en 2011, 46 millions d’euros en 2012 et 48 millions d’euros en 2013, en raison notamment de l’augmentation du nombre de bilans de compétences, qui devrait passer de 32 000 en 2010 à 55 000 en 2013, de la progression attendue du nombre de bénéficiaires de la formation linguistique et de la poursuite du déploiement des dispositifs de formation à l’étranger.

2. L’intégration des étrangers en situation régulière et des réfugiés

L’accompagnement des étrangers qui résident sur le territoire national depuis un certain temps et qui rencontrent certaines difficultés d’adaptation ou d’insertion revêt lui aussi une dimension essentielle dans la mise en œuvre de la politique d’intégration des populations étrangères. L’État y consacre des moyens budgétaires substantiels, même s’il faut bien reconnaître que les résultats obtenus ne sont pas toujours à la hauteur. Il est heureux, à cet égard, qu’une mission d’évaluation de l’efficacité des politiques d’intégration depuis vingt ans ait été confiée au Haut conseil à l’intégration par le Premier ministre le 27 octobre 2009 ; ses conclusions sont attendues d’ici la fin de l’année 2010 et ne manqueront pas d’éclairer le Parlement lors des futures discussions budgétaires.

a) Des efforts significatifs en faveur de l’insertion sociale et professionnelle des étrangers en situation régulière

La création du MIIINDS a posé les bases d’un meilleur pilotage national des actions menées par les pouvoirs publics en faveur de l’intégration des étrangers en situation régulière. La direction de l’accueil, de l’intégration et de la citoyenneté exerce en effet la tutelle des opérateurs plus particulièrement chargés de décliner les politiques d’intégration (OFII et ACSE) et elle met en œuvre les projets initiés par le ministère, en partenariat avec les acteurs économiques, plusieurs accords d’insertion professionnelle ayant notamment été signés depuis 2007 avec des représentants des branches professionnelles et des organismes paritaires collecteurs agréés, Pôle Emploi, des grands réseaux comme la Fondation « Agir contre l’exclusion » ou des groupes industriels tels que Vinci, Manpower, Casino ou Coca-Cola. Le relais de ces actions, au niveau déconcentré, est pris par les programmes régionaux d’intégration des personnes immigrées (PRIPI), institués par la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale et élaborés sous l’égide des préfets de région.

Le support budgétaire de toutes les initiatives engagées dans ce cadre est le programme n° 104 de la mission « Immigration, asile et intégration ». Les 41,9 millions d’euros prévus en autorisations d’engagement et en crédits de paiement pour l’intégration des étrangers en situation régulière, en 2011, recouvrent plusieurs axes d’intervention.

Tout d’abord, une subvention pour charge de service public d’un montant de 2,85 millions d’euros est inscrite en faveur de la cité nationale de l’histoire de l’immigration (CNHI), établissement public chargé de rassembler, sauvegarder, mettre en valeur et rendre accessible dans un but pédagogique et culturel les éléments relatifs à l’histoire de l’immigration. Une telle mission n’est pas anodine, puisqu’il s’agit rien moins que de valoriser le rôle de l’immigration régulière dans la société française. La CNHI a fortement développé et diversifié sa programmation depuis sa création (exposition permanente « Repères », Auditorium de la galerie des dons, médiathèque Abdelmalek Sayad), ce qui s’est traduit par une fréquentation de 104 000 visiteurs en 2009 et plus de 444 000 visites sur son site Web.

Une enveloppe de 10 millions d’euros est également destinée à financer les initiatives prises directement par le MIIINDS en faveur de l’intégration, pour lesquelles un appel à projets a suscité quelque 150 réponses des milieux associatifs. Deux dispositifs particulièrement prometteurs seront plus particulièrement confortés et amplifiés :

– d’une part, les parcours de réussite professionnelle (PARP), permettant de soutenir, en complément des bourses de mérite, les étudiants étrangers qui s’engagent dans un parcours professionnel qualifiant ;

– d’autre part, le dispositif ouvrir l’école aux parents, mis en place dans 12 départements relevant de 10 académies en 2008, soit une dépense de 321 335 euros pour un total de 771 parents bénéficiaires d’une meilleure familiarisation avec la langue française et le milieu éducatif national. Étendu à 31 départements en 2009 (1,3 million d’euros pour 3 151 parents), il s’applique à 41 d’entre eux depuis la dernière rentrée scolaire (1,7 million d’euros inscrits à cet effet).

Au niveau déconcentré, la nouvelle génération de PRIPI, qui doit être mise en œuvre début 2011, bénéficiera de 17 millions d’euros. Dans ce cadre, le nombre d’agents de développement local d’intégration (ADLI) devrait connaître une réévaluation et leur répartition territoriale être revue en fonction des besoins. En juillet 2010, on en recensait 23 répartis dans 13 régions, 14 postes étant directement financés par le programme n° 104 et 9 par le Fonds européen pour l’intégration.

Enfin, 12 millions d’euros sont provisionnés en vue d’une participation au plan de traitement des foyers de travailleurs migrants (PTFTM) qui a d’ores et déjà permis, entre 1997 et 2009, la rénovation de 212 structures et la création de 241 résidences sociales pour un coût global de 1 milliard d’euros, subventionné à hauteur de 28 % par l’État. Cette enveloppe permettra également de cofinancer
– le MIIINDS n’étant en l’espèce qu’un intervenant parmi d’autres, avec l’agence nationale pour la rénovation urbaine, les collectivités locales et les propriétaires et gestionnaires de foyers – un accompagnement social des travailleurs migrants, notamment ceux qui sont insolvables ou âgés. Malgré tout, en la matière, beaucoup reste encore à accomplir.

b) L’accompagnement des demandeurs d’asile ayant obtenu le statut de réfugié

À la différence des annuités budgétaires antérieures, le programme n° 104 identifie par une action spécifique les moyens consacrés par l’État à l’intégration des personnes placées sous protection internationale. De par leur passé, ces migrants – 152 442 personnes placées sous protection de l’OFPRA, dont 6 092 sous protection subsidiaire au 31 décembre 2009, originaires à 39,8 % d’Asie, à 29,1 % d’Europe et à 27,5 % d’Afrique – rencontrent bien souvent des difficultés d’insertion sociale et professionnelle auxquelles les pouvoirs publics doivent essayer de pallier.

L’enveloppe globale prévue en la matière s’élève, dans le projet de loi de finances pour 2011, à 14,7 millions d’euros. Ce montant sera toutefois complété par un abondement du Fonds européen pour les réfugiés, à hauteur de près de 2,8 millions d’euros.

L’essentiel des dotations – 12,5 millions d’euros – est destiné à couvrir le financement de places en centres provisoires d’hébergement des réfugiés (CPH). Au nombre 28, ces centres offrent une capacité de 1 083 places qui permettent tout à la fois de donner un toit aux réfugiés admis en France et de les accompagner dans leurs démarches en vue d’une ouverture de leurs droits sociaux ou d’un accès à l’emploi et à un logement.

Ces structures présentent une grande hétérogénéité de fonctionnement et d’organisation (capacités variant entre 16 et 75 places, modes d’hébergement collectif ou individuel, conventions collectives diverses pour leurs salariés etc.), qui se répercute sur leurs coûts. Une réforme visant à la redéfinition du rôle et des missions des CPH et à une meilleure corrélation avec le dispositif national d’accueil de l’OFII est actuellement en cours d’étude.

Pour favoriser l’intégration des demandeurs d’asile, l’État accorde également des subventions au secteur associatif. Grâce à l’enveloppe de 2,2 millions d’euros budgétée pour 2011, les associations pourront distribuer des aides financières aux réfugiés statutaires (sous la forme de bourses universitaires, notamment) ou des aides en faveur de l’insertion sociale et professionnelle (aides au logement ou à l’emploi). Cette enveloppe servira également au versement d’allocations forfaitaires régulières à des réfugiés et leurs veuves issus du Maghreb ou d’anciens protectorats français qui ont choisi de se réfugier en France au moment de l’indépendance de leur pays ; 225 000 euros sont inscrits à cet effet.

3. Le problème des mineurs étrangers isolés

Selon le groupe de travail installé par le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire, sur la situation des mineurs étrangers isolés, le mineur étranger isolé est l’étranger de moins de 18 ans entré en France ou qui cherche à y entrer alors qu’il ne satisfait pas aux conditions légales d’admission, et qui n’est pas accompagné d’un représentant légal, même si en pratique, il est accompagné d’un ou de plusieurs adultes. Ce public spécifique soulève d’importantes difficultés de prise en charge, et donc d’intégration.

a) Un défi de plus en plus prégnant

Il n’est pas aisé de quantifier les mineurs étrangers isolés qui entrent sur le territoire national, notamment en raison de la difficulté d’établir leur âge réel en l’absence de documents d’identité ou de titres de voyage véridiques.

La protection judiciaire de la jeunesse estime chaque année à environ 2 500 le nombre de mineurs étrangers isolés qui ont un contact avec l’autorité judiciaire, 1 500 se trouvant ensuite pris en charge. Selon la PAF, sur le seul aéroport de Roissy, 680 ont été recensés en 2007, dont 455 de plus de 13 ans et 225 – soit près d’un tiers – d’un âge inférieur ; sur ce total, 424 ont été effectivement admis, à des titres divers, sur le territoire français. En 2008, le phénomène s’est accentué puisque 1 068 arrivées de mineurs étrangers isolés (sur un total métropolitain de 1 116) ont été recensées.

Selon les sources, ainsi que l’a souligné dernièrement le rapport de la sénatrice Isabelle Debré à l’occasion de sa mission sur le sujet auprès du Garde des Sceaux, ministre de la justice, le nombre total de mineurs étrangers isolés présents sur le territoire national varierait entre 4 000 (nombre de bénéficiaires au titre d’une prise en charge par l’aide sociale à l’enfance) et 8 000 (estimation des associations). Les pays d’origine sont principalement le Mali, l’Afghanistan, l’Inde, la Chine, les territoires palestiniens, le Congo, la République démocratique du Congo, l’Angola, le Pakistan et le Maroc.

La France n’est pas le seul pays concerné par l’afflux de mineurs étrangers isolés. En Espagne, le service de protection des mineurs accueille annuellement plus de 5 000 enfants relevant de cette catégorie, pour les trois-quarts d’entre eux aux îles Canaries, en Andalousie, à Ceuta et Melilla ainsi qu’à Madrid et en Catalogne. De même, en Grande-Bretagne, l’United Kingdom Border Agency a recensé, en 2008, 3 970 mineurs étrangers isolés, 1 390 cas ayant fait l’objet de contestations sur l’âge des intéressés.

La situation des mineurs étrangers isolés est devenue, ces derniers mois, une préoccupation partagée au niveau européen. Un plan d’action à l’échelle communautaire pourrait voir le jour pour mieux prendre en compte un phénomène qui pose de singuliers défis.

b) Un régime juridique en voie d’amélioration

Les mineurs étrangers isolés qui se présentent à la frontière peuvent faire l’objet d’une décision de non admission – ils bénéficient dans ce cas d’un délai d’un jour franc avant leur éventuel réacheminement vers leur pays d’origine – et être placés en zone d’attente, séparément des adultes. À l’issue de ce placement en zone d’attente, ils sont soit réacheminés vers leur pays d’origine, soit admis sur le territoire français si le juge des libertés refuse la prolongation du maintien en zone d’attente ou si aucun réacheminement n’apparaît possible. Dans ce dernier cas, ils sont alors confiés par le juge à l’aide sociale à l’enfance ou, en placement direct, à un établissement du secteur associatif habilité par la protection judiciaire de la jeunesse.

Que ce soit lors de leur arrivée à la frontière ou ultérieurement, les mineurs étrangers isolés peuvent aussi formuler une demande d’asile : 1 221 ont été formulées en 2004, 735 en 2005, 571 en 2006 et 410 en 2008. Lorsqu’ils demandent l’asile, ils sont dirigés vers des structures d’accueil temporaire ou d’urgence spécifiques : le lieu d’accueil et d’orientation (LAO) de Taverny, ouvert en 2002 par la Croix rouge et d’une capacité de 30 places, et le centre d’accueil et d’orientation pour mineurs isolés demandeurs d’asile, géré par l’association France Terre d’asile et d’une capacité de 38 places, notamment.

L’intégration des mineurs étrangers isolés admis sur le territoire est plus ou moins aisée et dépend de règles différentes selon l’âge de leur entrée en France.

L’article 21-12 du code civil, tout d’abord, permet à ceux qui sont confiés depuis au moins trois années à un service d’aide sociale à l’enfance de réclamer la nationalité française. L’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ensuite, autorise l’octroi d’une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » à ceux qui ont été confiés à l’aide sociale à l’enfance avant leur seizième anniversaire, sous réserve notamment du suivi d’une formation et de l’avis des structures d’accueil sur leur insertion. La situation apparaît plus délicate pour les mineurs étrangers isolés confiés à l’aide sociale à l’enfance après leurs 16 ans, pour lesquels l’attribution d’un titre de séjour n’est actuellement pas prévue et qui sont très nombreux.

Cette dernière situation appelle incontestablement une réponse du législateur. Le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, récemment adopté par l’Assemblée nationale, y apporte justement une solution qui s’inspire du régime applicable aux mineurs pris en charge avant leurs 16 ans et qui insiste plus particulièrement sur l’insertion sociale et professionnelle des intéressés. Il s’agit là, incontestablement, d’une avancée.

B. L’ACCÈS À LA NATIONALITÉ, ABOUTISSEMENT ULTIME DU PARCOURS D’INTÉGRATION

Tous les étrangers en situation régulière n’ont pas vocation à devenir des ressortissants français, ne serait-ce qu’en raison de la volonté de la plupart de retourner, à un moment ou un autre, dans leur pays d’origine. Il reste que la France constitue une terre d’accueil, par définition ouverte à la perspective d’une entrée des étrangers les mieux intégrés – le code civil employant à dessein le terme d’« assimilation » – dans la communauté nationale.

ÉVOLUTION DE L’ACCÈS À LA NATIONALITÉ, DE 1999 À 2009

 

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

Acquisitions enregistrées

136 435

141 456

121 631

122 839

139 939

165 140

151 677

145 315

129 426

135 117

133 337

Par décret (y compris effets collectifs)

67 569

77 478

64 595

64 086

77 111

99 387

101 601

87 878

70 095

91 918

91 948

Naturalisations

59 836

68 750

57 627

58 374

69 281

89 739

91 446

79 740

64 046

84 323

84 730

Réintégrations

7 733

8 728

6 968

5 712

7 830

9 648

10 155

8 138

6 049

7 595

7 218

Par déclaration

68 638

63 978

57 036

58 753

62 828

65 753

50 076

57 437

59 331

43 199

41 531

Mariage

24 091

26 057

23 994

26 351

30 922

34 440

21 527

29 276

30 989

16 213

16 355

Déclarations anticipées

42 433

35 883

31 071

30 282

29 419

29 872

27 258

26 881

26 945

25 639

23 771

Autres déclarations

2 342

2 038

1 971

2 120

2 487

1 441

1 291

1 280

1 397

1 347

1 405

Acquisitions sans formalité

4 000

8 570

5 917

5 258

4 710

3 705

2 966

2 553

2 576

2 335

2 363

Total des acquisitions

123 761

150 026

127 548

128 097

144 649

168 845

154 643

147 868

132 002

137 452

135 700

Source : ministères de la justice et de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire.

Le droit en vigueur s’avère plutôt favorable aux étrangers qui souhaitent devenir Français. Dans certains cas, l’acquisition de la nationalité résulte d’une application mécanique de la loi (acquisition à la majorité) ; dans d’autres, elle est le résultat d’une démarche volontaire (déclaration acquisitive), éventuellement sanctionnée par une décision des pouvoirs publics (naturalisation). Sur les quinze dernières années, le nombre d’acquisitions de la nationalité française est resté substantiel, oscillant entre 92 410 en 1995 et 168 845 en 2004. Depuis 2007, il se maintient aux alentours de 135 000.

1. Une départementalisation du traitement des dossiers de naturalisation entrée en régime de croisière

Le 12 décembre 2007, le conseil de modernisation des politiques publiques a préconisé la suppression de la double instruction des demandes de naturalisation par décret afin de réduire les délais tout en préservant l’égalité de traitement. Sur la base des conclusions de la direction générale de la modernisation de l’État, il a donc été décidé que les décisions de naturalisation seraient toujours prises au niveau national par décret du Premier ministre, sur rapport du ministre en charge des naturalisations mais sur proposition des préfets, et que les décisions défavorables seraient désormais prises directement par les préfets.

Dans ce cadre, la sous-direction de l’accès à la nationalité française du MIIINDS est devenue une administration d’état-major chargée de piloter et contrôler le dispositif par des enquêtes qualité, de traiter les recours préalables et contentieux, d’élaborer les décrets de naturalisation, d’assurer la conservation des dossiers et décisions et de veiller à la cohérence d’ensemble de la mise en œuvre des naturalisations.

Une expérimentation de la déconcentration de la procédure de naturalisation par décret a été menée du 1er janvier au 30 juin 2010 dans 21 départements (Paris, Bouches-du-Rhône, Hérault, Isère, Loire-Atlantique, Loiret, Moselle, Nord, Oise, Orne, Pas-de-Calais, Puy-de-Dôme, Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Orientales, Rhône, Seine-Maritime, Seine-et-Marne, Yvelines, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne et Val-d’Oise). Parallèlement, une évolution de l’application informatique de gestion PRENAT, outil de gestion commun aux différents ministères intervenant dans la naturalisation par décret, a été menée à bien en sept mois pour permettre aux préfectures expérimentatrices de disposer d’un outil adapté. De même, entre novembre 2009 et mai 2010, 240 personnels déconcentrés ont été formés à la nouvelle procédure par la sous-direction de l’accès à la nationalité française.

Avec le recul, les résultats obtenus s’avèrent très satisfaisants. Au 30 avril 2010, le délai moyen de décision constaté dans les 21 préfectures expérimentales était de quatre mois pour les décisions défavorables (contre dix mois en 2009) et de cinq mois pour les décisions favorables (contre douze mois l’année antérieure). Quant à l’administration centrale, elle statuait en moyenne en quinze jours (contre un délai de cinq mois en 2009). Le gain ainsi obtenu sur la durée de traitement des dossiers, au grand bénéfice des postulants à la naturalisation, s’est réparti entre quatre mois et demi pour la sous-direction de l’accès à la nationalité française et deux mois pour les préfectures.

Au vu de ces constats, le ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire a décidé de généraliser cette réforme. Prévue par le décret n° 2010-725 du 29 juin 2010 relatif aux décisions de naturalisation et de réintégration dans la nationalité française, celle-ci est effective depuis le 1er juillet dernier. Une circulaire aux préfets datant du 27 juillet 2010 en a précisé les modalités d’application.

Le projet de loi de finances pour 2011 tire les conséquences budgétaires de cette réorganisation administrative, en supprimant 11 nouveaux ETPT – 9 l’ayant été au titre de l’exercice 2010 – au sein de la sous-direction de l’accès à la nationalité française. Les effectifs de celle-ci atteindront ainsi 136 ETPT.

Il reste que si les préfectures se sont fortement mobilisées en 2009 et au premier semestre 2010 pour résorber leurs stocks de dossiers relevant de la procédure centralisée afin de limiter le plus possible dans le temps la coexistence des deux procédures, la sous-direction de l’accès à la nationalité française a reçu un important volume de dossiers relevant encore de l’ancienne procédure qu’elle va devoir traiter en plus de ses propres stocks, malgré la diminution d’effectifs qui lui est demandée à partir de 2010. Cet effort sera appelé à se poursuivre sur une partie de l’année 2011, cette structure devant parallèlement se réorganiser pour prendre en charge ses nouvelles missions.

LA RÉSORPTION DES STOCKS DE DOSSIERS DE NATURALISATION

Résorption des stocks des demandes de naturalisation en attente de traitement

Nombre de dossiers

Variation

1er janvier 2009

1er juillet 2010

Ensemble des préfectures

66 920

44 970

- 32,8 %

Sous-direction de l’accès à la nationalité française

40 528

23 246

- 41,7 %

2. Une nouvelle réforme du droit de la nationalité en perspective

L’acquisition de la nationalité française constitue une étape clé dans tout parcours d’intégration. En 2006, le législateur a considéré qu’il était essentiel de souligner la solennité de cet événement à travers l’instauration d’une manifestation officielle et symbolique – la cérémonie d’accueil dans la citoyenneté française –, en préfecture ou après autorisation préfectorale en mairie, intervenant dans les six mois de l’attribution de la nationalité.

Régie par les articles 21-28 et 21-29 du code civil, cette cérémonie concerne, depuis l’adoption de la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration, l’ensemble des personnes acquérant la nationalité, quel que soit le mode de cette acquisition (décret, déclaration ou de plein droit). Afin de favoriser l’assistance du public auquel s’adresse prioritairement ce type de manifestations, la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile, a ouvert à tout étranger salarié qui y est invité le bénéfice d’un congé d’une demi-journée, non rémunéré.

Sur la base d’une enquête statistique réalisée en 2008 auprès de l’ensemble des préfectures, il est possible d’indiquer que les cérémonies d’accueil dans la nationalité sont organisées dans tous les départements, selon une périodicité variable (mensuelle dans 20 % des cas, trimestrielle pour 34 % et semestrielle pour 38 %). Leur principe est perçu positivement dans 93 % des cas, car il offre l’occasion d’insister, auprès des populations d’origine étrangère qui parviennent au stade ultime de l’intégration, sur les aspects civiques et civils qui forgent l’identité nationale.

Outre l’écoute de l’hymne national, le point d’orgue de chaque cérémonie réside dans la remise officielle d’un livret de nationalité comportant le décret de naturalisation, l’acte d’état-civil français établi par le service central d’état civil du ministère des affaires étrangères et européennes, un document rappelant les droits et devoirs des citoyens français, le texte de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 et les paroles de la Marseillaise.

Dans le prolongement du séminaire gouvernemental du 8 février 2010, clôturant la première phase du débat sur l’identité nationale, l’exécutif a souhaité la création d’une charte des droits et devoirs du citoyen français, consacrant formellement et juridiquement l’ensemble des principes et valeurs fondant notre République, signée par chaque nouveau ressortissant national et remise lors des cérémonies d’accueil dans la citoyenneté française. L’Assemblée nationale en a adopté le principe lors de la première lecture du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, transmis au Sénat le 12 octobre dernier.

Parallèlement, les conditions de stage sur le territoire national posées à l’égard des étrangers qui présentent un parcours exceptionnel d’intégration ont été réduites de deux à cinq ans, dès lors que leur naturalisation apparaît souhaitable au ministre en charge de cette question.

Pour autant, le débat sur la nationalité ne se trouve pas clos, loin s’en faut. Les graves événements survenus à Grenoble, au mois de juillet, ont conduit le Président de la République à souhaiter une réflexion sur la pertinence de l’automaticité de l’acquisition de la nationalité par les mineurs étrangers multirécidivistes. La commission des Lois a, sur proposition de M. Claude Goasguen, décidé la mise en place d’une mission d’information de 15 membres au champ d’investigation un peu plus large, puisqu’elle couvrira l’ensemble des aspects relatifs à l’acquisition de la nationalité française. Après l’avoir envisagé, le Gouvernement s’est finalement résolu à ne pas confier, en parallèle, une mission de réflexion sur le sujet à une personnalité indépendante, de manière à laisser à la représentation nationale, qui possède toute la légitimité pour le faire, le soin de lui formuler des propositions de réforme.

En tout état de cause, le Parlement aspire à une modernisation plus profonde du droit de la nationalité, dont la dernière réforme remonte à la loi n° 98-170 du 16 mars 1998 relative à la nationalité. À cet égard, 2011 constitue une échéance cruciale.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 20 octobre 2010, la Commission procède à l’audition, ouverte à la presse, de M. Éric Besson, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire, sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » pour 2011 et à l’examen, sur le rapport pour avis de M. Éric Diard, de ces crédits.

M. le Président Jean-Luc Warsmann. Monsieur le Ministre, nous vous retrouvons aujourd’hui pour nous présenter les crédits de votre mission budgétaire « Immigration, asile et intégration » et, au-delà, les lignes de force de votre action au cours du prochain exercice. Je vous laisse la parole avant que notre rapporteur pour avis, notre collègue Éric Diard, vous pose les premières questions.

M. Éric Besson, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire. Monsieur le Président, Monsieur le rapporteur pour avis, Mesdames et Messieurs les députés, vous connaissez bien le contexte qui a présidé à la création du ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire. Constitué sans créer aucun corps de fonctionnaires supplémentaire, il rassemble des agents de tous horizons, issus des ministères de l’intérieur, des affaires étrangères ou des affaires sociales, disposant d’expériences et de cultures administratives diversifiées, ce qui leur permet de travailler ensemble tout en poursuivant leurs carrières dans leurs corps d’origine. Ce ministère est en cela exemplaire de la volonté du Gouvernement de décloisonner les carrières au sein de la fonction publique de l’État. Après seulement trois ans d’activité, il a pris toute sa place dans l’action publique.

Notre politique en matière d’immigration, d’asile et d’intégration est non seulement nationale mais aussi européenne, puisque ses différents axes ont été repris dans le cadre du pacte européen sur l’immigration et l’asile, adopté à l’unanimité des États membres de l’Union européenne. Elle est désormais partagée par nos partenaires européens, comprise par les pays d’émigration, et très majoritairement, je crois, approuvée par nos concitoyens.

Le projet de budget pour 2011 a été construit en réponse aux cinq priorités de notre action : mieux maîtriser les flux migratoires, conforter notre politique de l’asile, mettre en œuvre une nouvelle politique d’intégration, promouvoir l’identité nationale, et privilégier la gestion concertée des flux migratoires et le développement solidaire. Avant de vous présenter les grandes lignes de ce budget, permettez-moi de rappeler brièvement le contexte dans lequel il a été établi.

Ce budget s’inscrit, comme vous le savez, dans le cadre d’une nouvelle programmation budgétaire triennale qui va couvrir la période 2011-2013. Il a également été conçu dans le respect des objectifs de maîtrise des dépenses de l’État fixés par le Premier ministre dans sa lettre de cadrage. Ceci se traduit par un objectif de réduction des dépenses de fonctionnement et d’intervention de 10 % sur la période triennale, avec une première étape à 5 % dès 2011, par la poursuite de la politique de remplacement d’un agent sur deux partant à la retraite et, ce qui est nouveau, par des objectifs sensiblement équivalents pour les opérateurs de l’État. Le ministère dont j’ai la responsabilité prend naturellement sa juste part à cet effort collectif.

En 2011, le budget du ministère s’élèvera à 593,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 591,5 millions d’euros en crédits de paiement, soit un niveau très proche de celui de 2010 (+ 2,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et – 0,8 million d’euros en crédits de paiement). Il demeurera supérieur de près de 11 % – environ 60 millions d’euros – au budget voté en 2009. Au terme de la période de programmation triennale, le montant des crédits du ministère devrait être ramené à 571,2 millions en autorisations d’engagement (soit – 3,8 %) et 573,2 millions d’euros en crédits de paiement (soit – 3,1 %). Ces perspectives budgétaires nécessiteront des efforts réels de gestion de la part des services, mais je tiens à indiquer qu’elles n’impliquent la remise en cause d’aucune mission, ni d’aucun objectif majeur du ministère, et c’est ce qui m’importe avant tout.

Le premier poste de dépenses du ministère reste bien évidemment, comme vous le savez, l’asile – qui absorbe une part croissante de son budget, atteignant 56 % des dépenses prévues pour 2011. Le poids croissant de la politique de l’asile reflète une vérité, qu’il faut rappeler de nouveau ici : la France est fidèle à sa tradition républicaine d’accueil des réfugiés. Elle est le premier pays en Europe, et le deuxième dans le monde, par le nombre de demandes reçues. Elle a donné l’exemple de la solidarité européenne en accueillant, par exemple, des réfugiés en provenance de Malte. Cet exemple a été reconnu par la Commission européenne et repris par d’autres pays européens. La France est aujourd’hui le fer de lance de la construction d’une politique européenne de l’asile.

Mais la nette accélération de la demande d’asile enregistrée depuis deux ans met cette procédure sous tension. Après plusieurs années de baisse, le nombre de demandeurs d’asile s’est accru de près de 20 % en 2008 puis de 12 % en 2009 ; il est encore en progression sur les neuf premiers mois de l’année (+ 8,5 %). Nous avions reçu 35 520 demandeurs d’asile en 2007. Nous en recevrons plus de 50 000 en 2010. Alors même que la demande d’asile mondiale est stable et que celle adressée à l’ensemble de l’Union Européenne n’augmente que de 3 %, la France connaît depuis 2008 une hausse de près de 40 % des premières demandes. Cette situation n’est évidemment pas normale et elle ne peut être durable. Il n’existe aucune solution miraculeuse permettant à un pays comme la France de maîtriser, à lui seul, ces flux et de les prévoir avec certitude. Je suis convaincu que seules des solutions européennes et internationales coordonnées permettront d’éviter une concentration de la demande d’asile sur un nombre limité de pays, à commencer par le nôtre.

Notre deuxième problème, conséquence directe de l’augmentation des flux, est l’augmentation des délais de traitement des dossiers par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). C’est d’abord un problème humain parce qu’il n’est pas souhaitable de maintenir durablement les demandeurs d’asile dans une situation d’attente. C’est aussi un problème financier puisque, dans le respect des directives européennes et conformément à notre tradition, nous sommes tenus de procurer un hébergement et des moyens de subsistance aux demandeurs d’asile, ou de leur verser l’équivalent sous forme d’allocation, pendant toute la durée d’examen de leur demande par l’OFPRA ou la CNDA. C’est enfin un problème de maîtrise des flux migratoires. Ne nous cachons pas que, plus les délais s’allongent, plus il est tentant d’utiliser de manière abusive cette procédure pour se maintenir sur notre territoire ou pour contourner les règles de l’immigration légale. Depuis deux ans, plusieurs mesures ont été prises par ce Gouvernement pour réduire les délais : le renforcement des moyens financiers de l’OFPRA, la professionnalisation de la CNDA avec l’arrivée – que vous avez votée – de 10 magistrats professionnels à la rentrée judiciaire de septembre 2009, et son rattachement au Conseil d’État.

Ces mesures, convenons-en, n’ont pas été suffisantes face à une aussi forte hausse des flux. Les délais se sont accrus en 2009 pour atteindre presque quatre mois devant l’OFPRA et quinze mois et neuf jours devant la CNDA, soit un total de plus de dix-neuf mois, très supérieur aux objectifs retenus fin 2008 lors de la première programmation budgétaire triennale. Le Gouvernement a donc décidé, dès 2011, d’accroître très fortement les moyens de ces deux institutions : les effectifs de l’OFPRA seront renforcés de 30 agents contractuels pendant une période de dix-huit mois à compter du début de l’année 2011 ; les effectifs de la CNDA seront à nouveau renforcés de 50 emplois sur le triennat budgétaire, dont 20 emplois dès 2011 ; la CNDA escompte ainsi le retour à un délai moyen de traitement des dossiers de six mois en 2013.

J’ajoute que le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, que vous avez récemment adopté, va contribuer à l’amélioration du fonctionnement de la CNDA en mettant fin à la possibilité de demander l’aide juridictionnelle le jour même de l’audience. Cette pratique – qui constitue un évident contournement – conduit actuellement à de nombreux reports d’audience qui désorganisent le travail de la CNDA et occasionnent des dépenses inutiles. La conséquence de cette augmentation des flux et des délais, c’est la saturation de nos moyens d’accueil et d’hébergement qui, pourtant, n’ont jamais été aussi importants, et la forte augmentation de nos dépenses consacrées à l’hébergement d’urgence et à l’allocation temporaire d’attente (ATA).

Nous avons bâti la programmation triennale sur l’hypothèse d’une hausse plus modérée de la demande d’asile et d’une baisse progressive et soutenue des délais. Je souligne à cet égard que la réduction des délais d’un mois peut non seulement permettre de donner une réponse plus rapide aux demandeurs, mais aussi de générer des économies estimées à environ 10 millions d’euros, ce qui signifie que si la CNDA parvient au terme du triennat à ramener ses délais moyens à six mois comme elle l’escompte, des économies proches de 100 millions d’euros peuvent être envisagées. Nous avons aussi considéré qu’il fallait définir un socle solide de moyens : ce sont les quelque 21 700 places en centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) et les crédits d’hébergement rehaussés à un niveau de 40 millions d’euros. Si ces moyens s’avéraient insuffisants, j’ai obtenu la garantie du Premier ministre de recevoir, en gestion, les crédits nécessaires.

M. le Président Jean-Luc Warsmann. Monsieur le Ministre, permettez-moi de vous interrompre un instant sur cet aspect important. Les moyens prévus en faveur de l’OFPRA et de la CNDA seront-ils vraiment suffisants ?

Sur ces questions, il ne faut, en effet, pas s’enfermer dans une vision de court terme trop strictement financière. Le renforcement des moyens se justifie non seulement par d’évidentes raisons humaines (garantir un accueil décent des étrangers), mais aussi par des raisons budgétaires liées au coût de l’ATA versée aux demandeurs d’asile durant l’instruction de leur dossier ou à leur hébergement en CADA.

Le recrutement de contractuels supplémentaires, pour bienvenu qu’il soit, s’avérera-t-il suffisant ? Ne faudra-t-il pas, en 2012 et 2013, aller plus loin dans le renforcement des effectifs, ce qui pourrait se traduire in fine non par un surcoût mais par une économie budgétaire ?

M. Éric Besson, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire. C’est en tout cas, Monsieur le Président, très précisément le raisonnement qui a sous-tendu la décision de renforcer de 30 emplois les effectifs de l’OFPRA et de 50 emplois les effectifs de la CNDA. Il nous faut mettre fin au « supermarché de l’asile », qui pèse sur le coût de l’ATA, dont le montant de base est d’un peu plus de 10 euros par jour pour chaque bénéficiaire, et sur l’hébergement en CADA.

Au total, les crédits consacrés à l’asile progresseront en 2011 de 3,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2010, soit une augmentation depuis 2009 de 13,4 %. Cet effort supplémentaire sera principalement consacré à l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile (+ 10,2 millions d’euros) et au renforcement des effectifs de l’OFPRA (+ 2,5 millions d’euros).

Pour conclure sur le financement de l’asile, je voudrais dire que, dans un contexte de maîtrise des dépenses de l’État, il est aussi de mon devoir de rechercher la meilleure affectation possible de nos crédits et si possible, des pistes de réduction des coûts. C’est pourquoi j’ai demandé à deux inspections ministérielles, l’Inspection générale des affaires sociales et le Contrôle général économique et financier, de me faire dans les prochaines semaines des propositions en ce sens pour homogénéiser les coûts des CADA. J’ai également demandé à mes services de conduire une réflexion comparable, avec les services déconcentrés, concernant les crédits d’hébergement d’urgence.

Après ce long développement sur l’asile, je voudrais aborder les crédits consacrés à la maîtrise des flux migratoires, qui s’élèveront à 95,3 millions d’euros en autorisations d’engagement (– 10,3 %) et 93 millions d’euros en crédits de paiement (– 3,4 %). Je voudrais tout d’abord rappeler que notre politique ferme de lutte contre l’immigration illégale obtient des résultats concrets. Au cours des huit premiers mois de l’année, 128 filières ont été démantelées, soit une augmentation de 34,7 %, et les interpellations de trafiquants de migrants ont progressé de 13 %. Le nombre d’éloignements d’immigrants en situation irrégulière (19 042) est en ligne avec l’objectif annuel de 28 000 reconduites. Le budget 2011 a été construit sur la base d’un maintien, voire d’une progression des objectifs assignés en 2010 par le Président de la République et le Premier ministre.

Ceci ne doit pas nous dispenser de rechercher, dans un contexte de réduction des dépenses de fonctionnement de l’État, toutes les pistes d’économie. La passation d’un nouveau marché en 2009 nous permet de réaliser chaque année des économies substantielles sur les dépenses de transport dans le cadre des éloignements. J’ai demandé à mes services et à ceux de la police aux frontières de rechercher également, dans le fonctionnement courant des centres de rétention, des pistes de réduction des coûts. Je crois également utile, autant sur un plan humain que financier, de poursuivre notre politique d’encouragement des départs volontaires, ceux-ci étant plus respectueux de la dignité humaine, et moins coûteux que les départs forcés.

Ce budget traduit aussi notre volonté d’améliorer la qualité de l’accueil dans les centres de rétention administrative (CRA). Le programme d’investissement pour 2011 prévoit en particulier la construction d’un nouveau CRA à Mayotte, en remplacement de celui qui existe aujourd’hui, qui était vétuste et indigne de notre pays, mais aussi l’amélioration des conditions d’hébergement au sein du CRA de Coquelles.

Deux autres observations pour conclure sur les flux migratoires. Si nous avons rencontré des succès importants pour l’accueil des étudiants étrangers, la crise économique ne nous a pas permis d’atteindre nos objectifs en termes de rééquilibrage de l’immigration familiale et de l’immigration professionnelle. Je voudrais aussi souligner que les crédits du programme 303 prévoient des moyens importants pour l’accompagnement sanitaire et juridique des étrangers placés en rétention : 13,3 millions d’euros en 2011. Ce sera le seul poste en augmentation en 2011 parmi les crédits dédiés à la lutte contre l’immigration irrégulière.

Troisième point, la qualité de l’intégration des immigrés qui séjournent régulièrement dans notre pays est la contrepartie de la fermeté de la lutte contre l’immigration irrégulière. Avant de présenter l’évolution des crédits du ministère, je vous rappelle que notre politique d’intégration repose sur l’action complémentaire du ministère et de son principal opérateur, l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). Cet établissement public est chargé de notre principal dispositif d’intégration, le contrat d’accueil et d’intégration, qui est signé chaque année par 100 000 étrangers primo-arrivants ; il est aussi chargé de toutes les formations linguistiques destinées aux étrangers. Il consacrera en 2011 la moitié de ses moyens humains et financiers à sa mission d’intégration, soit plus de 80 millions d’euros.

J’en viens donc aux crédits du programme 104 de la mission « Immigration, asile et intégration », soit 72,9 millions d’euros en 2011, qui sont plus particulièrement destinés aux têtes de réseaux associatifs et aux acteurs locaux de l’intégration, ainsi qu’aux étrangers présentant des difficultés particulières d’intégration. Dans un contexte de réduction globale des dépenses d’intervention des ministères, nous avons accordé en 2011 une priorité à deux actions.

D’abord les programmes régionaux pour l’intégration des populations immigrées (PRIPI) qui bénéficieront de crédits en hausse par rapport à 2010. Le ministère a lancé en 2010, sous l’égide des préfets de région, une nouvelle génération de ces programmes qui prendra effet début 2011.

Ma deuxième priorité sera donnée au dispositif « École ouverte aux parents ». Compte tenu du succès rencontré et des résultats obtenus lors de l’expérimentation de ce dispositif, j’ai décidé de l’étendre en 2011 à 10 nouveaux départements, soit au total 41 départements concernés.

Concernant les actions conduites au plan national, ce ministère comme ses prédécesseurs, a eu tendance, avec le temps, à une certaine dispersion des crédits. J’ai souhaité cette année, dans le cadre d’un appel à projets, recentrer les financements sur nos priorités en matière d’intégration et sur les meilleurs projets. Je poursuivrai dans cette voie en 2011. Enfin, je voudrais souligner les succès obtenus par mon ministère dans la promotion de la diversité. Un exemple : le « label diversité » a déjà été attribué à 219 entreprises privées et publiques et à des organismes publics, soit plus de 15 000 sites de travail et près de 580 000 salariés.

Je voudrais enfin, même si la mission « Aide publique au développement » ne relève pas du périmètre de l’audition d’aujourd’hui, évoquer brièvement les crédits consacrés par mon ministère au développement solidaire dans le cadre du programme 301. Au cours des trois prochaines années, les crédits consacrés à cette politique seront maintenus à un niveau qui permettra, non seulement la mise en œuvre des quinze accords déjà conclus avec des pays partenaires, mais également la signature de nouveaux accords, et ce conformément à l’objectif qui m’a été assigné par le Président de la République et le Premier ministre de vingt accords conclus à l’horizon de 2012.

Ces crédits s’élèveront à 30 millions d’euros en 2011 en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, puis à 28 millions en 2012 et en 2013. Cette politique s’adresse bien sûr à nos partenaires traditionnels du Maghreb et de l’Afrique sub-saharienne. Mais j’ai voulu aussi développer nos relations avec de nouveaux pays tels que la Macédoine, le Monténégro, la Serbie, la Géorgie avec lesquels nous cherchons à encourager la mobilité régulée des jeunes. C’est aussi ce qui nous a conduit à promouvoir la création d’un Office méditerranéen de la jeunesse, dont nous aurons l’occasion de reparler.

Pour conclure, Monsieur le Président, je souhaite dire quelques mots de nos moyens humains et de fonctionnement. Le plafond d’emplois du ministère sera diminué de 18 emplois, comme cela était prévu pour 2011 dans le cadre de la précédente programmation triennale. Dans un souci de transparence budgétaire, j’ai par ailleurs obtenu que 15 agents, jusqu’alors mis à disposition par d’autres ministères, soient définitivement intégrés aux effectifs du ministère, comme le souhaite la représentation nationale. Concernant les dépenses de fonctionnement courant du ministère, hors loyers, mon ministère respectera, en 2011, l’objectif de réduction des dépenses de 5 %.

Je pense vous avoir présenté, Monsieur le Président, Monsieur le rapporteur pour avis, Mesdames et Messieurs les députés, les principaux traits du budget 2011 et des perspectives triennales. Je suis à votre disposition pour vous apporter tous les compléments nécessaires et répondre à vos questions.

M. Éric Diard, rapporteur pour avis. À titre liminaire, en complément de la présentation que vient de nous faire Monsieur le Ministre, je souhaiterais, en ma qualité de rapporteur pour avis, saluer un projet de budget qui s’efforce de concilier les obligations de notre pays à l’égard des demandeurs d’asile avec les efforts de maîtrise nécessaires au redressement des finances de l’État.

L’an prochain, les dotations consacrées à la garantie du droit d’asile seront revalorisées d’un peu moins de 4 %, de manière à tenir compte d’un contexte de demande dynamique. Toutefois, les réformes structurelles, engagées avec la mise en place du ministère chargé de l’immigration et de l’intégration, continueront. Je pense notamment à la rationalisation des procédures d’acquisition de la nationalité ou encore à celle de la gestion des CRA et des CADA.

Pour ces raisons, je souhaite que notre Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Un examen attentif de la ventilation de ces crédits m’amène néanmoins à profiter de la présence du Ministre parmi nous pour solliciter quelques éclaircissements.

Sur l’asile, tout d’abord, qui constitue le premier poste de dépenses de la mission, je souhaiterais savoir si une révision du contrat d’objectifs et de moyens signé avec l’OFPRA interviendra prochainement ? En effet, en 2011, le volume des demandes adressées à l’office, selon les propos de son directeur général devant notre Commission en juillet dernier, excédera d’environ 10 000 demandes les hypothèses retenues par le contrat d’objectifs et de moyens. Si une telle situation devait perdurer, il faudrait sans doute plus que le recrutement provisoire de 30 officiers de protection contractuels pour y faire face.

Je m’interroge également sur le niveau des dotations consacrées à l’hébergement d’urgence. Elles ont été revalorisées de 10 millions d’euros mais nous savons tous que l’exécution budgétaire laisse apparaître chaque année un déficit de financement de plusieurs dizaines de millions d’euros (42 millions en 2009 et 12,5 millions sur le premier semestre de cette année). Pourquoi donc s’en remettre, une fois encore, à des ajustements en loi de finances rectificative ?

S’agissant des CRA, j’aimerais avoir des explications sur le constat que l’absence de places disponibles dans ces centres serait responsable de 17 % des non-exécutions d’éloignement. Cela paraît d’autant plus surprenant que, depuis 2005, l’État s’est engagé dans un effort de création de places et que le taux moyen d’occupation de ces centres était de 69 % en 2009.

En outre, je souhaiterais savoir pourquoi les CRA de Paris ont été écartés du processus de transfert à la PAF ? Dès lors que la mesure se justifie par une recherche de synergies en gestion, je ne comprends pas pourquoi la Préfecture de police devrait conserver son autorité sur trois centres.

J’ai également constaté que les problèmes concernant la salle d’audience de la ZAPI perduraient. Après y avoir investi plusieurs millions d’euros, l’État semble obligé d’y consacrer de nouvelles dépenses pour la voir enfin fonctionner. Pouvez-vous nous en dire plus sur le calendrier de décision, quant au lancement ou non de tels travaux, et les montants des devis ?

Enfin, s’agissant des dépenses d’intégration, pourriez-vous, Monsieur le Ministre, nous apporter des précisions sur les objectifs et les coûts du nouveau programme de formation linguistique des étrangers résidant en France ? Le budget qui y est consacré par l’OFII en 2010 avoisine 42 millions d’euros ; qu’en sera-t-il en 2011 ?

M. Claude Goasguen. Monsieur le Ministre, vous nous avez présenté un projet de budget convenable dans un contexte de récession budgétaire générale. L’essentiel de votre intervention a porté sur le droit d’asile et c’est bien là la question majeure.

La France est un pays dans lequel ce droit occupe une place importante. On peut s’en féliciter mais l’on ne doit pas pour autant mésestimer les défauts d’organisation et les pertes considérables liés aux abus en la matière.

En 1997, nous étions quelques parlementaires à avoir alerté le ministre de l’intérieur de l’époque, Monsieur Jean-Pierre Chevènement, des risques qu’il prenait en étendant le droit d’asile. De fait, a ainsi été créée une seconde filière d’immigration clandestine, après le regroupement familial.

Un regrettable allongement des procédures s’est finalement produit. Les effets en sont critiquables pour les demandeurs de bonne foi, assurément, mais aussi pour l’image de nos instances et juridictions en charge de ces questions. Les coûts budgétaires sont également très lourds.

À mon sens, il va falloir un jour examiner la situation d’un peu plus près. Il n’est pas rare que la durée des procédures soit de plusieurs années. Ce faisant, il me semble que nous devrions considérer, peut-être sous un angle européen, l’éventualité d’ouvrir aux demandeurs d’asile la possibilité de travailler en France. Je n’ignore pas les risques d’appel d’air que cette éventualité comporte. Il n’en demeure pas moins que le Royaume-Uni a créé un dispositif de ce genre, par lequel les demandeurs d’asile compensent, par leur travail, le coût pour la collectivité de leurs allocations et frais de prise en charge.

À ce stade, je n’ai pas de solution juridique à proposer mais il m’apparaît impératif de lutter contre les abus criants et les interprétations extensives de la convention de Genève. J’en appelle à un peu plus de rigueur dans l’examen des dossiers, car tous les pays d’origine ne sont pas toujours dangereux ou attentatoires aux droits de l’homme, et dans la gestion des droits sociaux des demandeurs.

Il s’agit cependant là d’une réflexion qui dépasse le simple cadre de l’examen du projet de loi de finances et, pour ma part, je suivrai la recommandation de notre rapporteur pour avis quant au vote des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » pour 2011.

Mme Sandrine Mazetier. Monsieur le Ministre, vous nous avez retracé le contexte de restrictions et d’efforts demandés à l’ensemble des ministères dans lequel s’établit votre projet de budget pour 2011. Cela n’en rend que plus difficilement compréhensible la mesure, inscrite à l’article 45 du projet de loi de finances – c’est-à-dire dans la partie recettes du budget – consistant à supprimer les pénalités de retard applicables aux employeurs d’étrangers sans titre. Comment l’expliquez-vous, alors qu’il n’y a que quelques semaines à peine que nous avons examiné un projet de loi transposant en partie la directive « sanctions » de 2009, qui appelle à la fermeté à l’égard des employeurs recourant au travail dissimulé et aux salariés sans titre de séjour. Rien ne le justifie et c’est proprement inexplicable.

Vous avez souhaité que nous vous suggérions des pistes de réduction des coûts et vous-mêmes avez semblé en rechercher. Or, vous avez indiqué que les crédits de fonctionnement du ministère diminueront de 5 %, hors loyers budgétaires. Peut-être faudrait-il, justement, réexaminer cette question des loyers et des choix immobiliers du ministère, sachant que le montant de ces loyers a progressé de 40 % ?

Par ailleurs, votre prédécesseur et vous-même avez décidé d’allotir le marché de l’assistance juridique des personnes retenues en CRA. Le fait est que ce choix a conduit à un surcoût de 800 000 euros, puisque le montant prévu jusqu’alors était de 4 millions d’euros et que le projet de loi de finances prévoit, pour l’an prochain, 4,8 millions d’euros. Certes, il ne s’agit pas d’une économie potentielle considérable, mais pourquoi ne pas revenir sur cet allotissement afin de récupérer 800 000 euros ?

Je ne reviendrai pas sur la sous-dotation chronique, pointée par le Président Jean-Luc Warsmann, des crédits destiné à l’asile, quels que soient les postes considérés : les places en CADA sont insuffisantes ; comme l’a souligné le rapporteur pour avis, les crédits d’hébergement d’urgence sont toujours inférieurs à l’exécution budgétaire ; enfin, l’ATA a été dimensionnée pour 13 000 bénéficiaires en 2011 alors qu’on en recensait 18 000 en 2008. Un peu plus de réalisme dans les dotations initiales, au regard des besoins estimés aujourd’hui, aurait sans doute été préférable.

Pour ce qui concerne la lutte contre l’immigration irrégulière, le projet annuel de performances fait état d’objectifs d’arrestations de trafiquants de migrants et de facilitateurs. Serait-il possible d’avoir une répartition plus précise, par motif d’interpellation : est-ce l’infraction à l’entrée, à la circulation ou l’aide au séjour de personnes en situation irrégulière ?

Dans la partie du projet annuel de performances relative à la lutte contre l’immigration irrégulière, vous indiquez le nombre d’interpellations réalisées outre-mer et à Mayotte, alors que curieusement, en matière d’éloignements, nous ne disposons d’aucune visibilité sur les collectivités ultra-marines. De manière plus générale, en matière d’éloignements et de reconduites à la frontière, il serait utile d’avoir une répartition claire entre le nombre d’éloignements, le nombre de réadmissions dans d’autres pays de l’Union européenne et le nombre de départs volontaires, qui sont des situations très différentes.

Par ailleurs, nous sortons de l’examen d’un projet de loi transposant la directive « retour », dont le but est de privilégier les départs volontaires de personnes en situation irrégulière. Or, aucun objectif chiffré en la matière n’est envisagé dans votre projet de budget. Cela semble assez contradictoire avec votre volonté affichée de mieux articuler et harmoniser les politiques à l’échelle européenne.

J’en viens à notre divergence récurrente au sujet du calcul du coût moyen des éloignements. Dans le cadre de l’examen de la loi de finances pour 2010, vous nous aviez transmis un rapport de l’Inspection générale de l’administration proposant une méthodologie de calcul des coûts, décomposant les coûts liés à chaque étape de la procédure (interpellation, placement en CRA, reconduite à la frontière) et aboutissant à un coût moyen de l’ordre de 6 300 euros. Je constate que vous n’avez pas repris cette méthode dans le projet annuel de performances. Or une évaluation réalisée par la commission des Finances du Sénat, qui me semble plus proche de la réalité que la vôtre, aboutit à un coût moyen unitaire de l’ordre de 20 970 euros, soit quinze fois plus que la somme que vous avancez.

Enfin, à propos du programme 301 relatif au développement solidaire et aux migrations, je voudrais reprendre l’exemple de Mayotte et des Comores, d’où certains de nos collègues reviennent de mission. Le budget de la coopération régionale Mayotte-Comores est de 300 000 euros, à comparer aux 45 millions d’euros dévolus à la lutte contre l’immigration illégale. Plutôt que de financer un nouveau radar à Mayotte, peut-être vaudrait-il mieux favoriser une nouvelle politique de coopération avec les Comores, par une redistribution entre les deux enveloppes ?

Manifestement, outre-mer et singulièrement à Mayotte, il y a un échec patent de la politique menée. Personne n’a de solution miracle, mais avouez que les 45 millions d’euros investis dans la lutte contre l’immigration irrégulière là-bas offrent probablement des marges significatives d’économies au regard des résultats obtenus.

M. Serge Blisko. Je concentrerai mes questions sur la politique en matière d’asile. Je ne conteste pas l’augmentation à deux chiffres du nombre des dépôts de demande d’asile depuis 2008 mais il me semble qu’il s’agit d’un afflux de demandes plus que d’un abus de demandes. Dans ce cadre, il ne faut pas réduire les possibilités de demander l’asile, mais adapter les moyens.

Mettre en place des solutions comme des recrutements d’urgence à l’OFPRA ne résoudra rien durablement, même si cela peut paraître ponctuellement utile. Il convient d’analyser les causes de cet afflux : c’est la conséquence d’une absence de politique ou d’une mauvaise politique européenne que je qualifierai de « politique de gribouille ». Les demandeurs se présentent en France car ils y trouvent une garantie de sérieux dans l’examen de leur demande et de l’éventuel recours, alors que certains pays membres de l’Union européenne – je pense plus particulièrement à la Grèce, à la République tchèque ou à la Slovaquie – agréent moins de 1 % des demandes d’asile présentées. Il n’est pas étonnant, dans ces conditions, que les demandeurs choisissent de formuler leur demande en France. Dans ce contexte, a-t-on avancé sur la création d’un bureau d’appui européen ?

Enfin, comme Mme Sandrine Mazetier l’a fort bien expliqué, on devrait être plus attentif aux conditions d’hébergement dans les CADA et dans les centres provisoires d’hébergement (CPH) afin de permettre aux demandeurs d’asile de présenter leur demande dans les meilleures conditions.

M. Dominique Raimbourg. J’ai deux questions brèves à poser. Tout d’abord, pourquoi les crédits consacrés à l’intégration sont en baisse, alors que tout le monde, et le Président de la République lui-même, regrette les difficultés d’intégration dans notre pays ? Ensuite, ne serait-il pas plus sage d’autoriser le travail des Roumains et des Bulgares plutôt que de chercher à faire partir ces citoyens européens présents sur notre sol ? À cette fin, deux solutions existent : on pourrait mettre fin à la période transitoire qui court jusqu’en 2014, ce qui serait complexe ; on pourrait aussi, de façon plus discrète et efficace, réduire drastiquement le montant des taxes exigées par l’OFII auprès des employeurs de ces citoyens européens, qui seront de toute façon amenés à pouvoir, à terme, travailler dans notre pays.

M. Éric Besson, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire. Je vais tout d’abord évoquer les questions liées à l’asile. Le rapporteur pour avis a raison de dire que le contrat d’objectifs et de moyens n’est pas totalement adapté à la situation dans laquelle l’OFPRA se trouve. Pour mémoire, il a été établi en 2008 après quatre années de baisse des demandes d’asile. Il n’a donc pas été conçu pour une hausse très substantielle de ces demandes.

Je constate toutefois que l’OFPRA a fait face grâce à une bonne productivité puisque le nombre de ses décisions a augmenté de 15 % en 2008, de 11 % en 2009 et de 10 % au cours du premier semestre 2010. Il reste que la hausse des demandes n’a pu être entièrement jugulée et que le nombre de dossiers en instance s’est incontestablement accru. Je vous confirme donc que le contrat d’objectifs et de moyens va être actualisé avant la fin de l’année.

Les 30 agents contractuels supplémentaires de l’OFPRA devraient aider à la résorption des stocks de dossiers. En fonction de l’évolution de la situation, nous verrons si ces postes doivent être reconduits dans le cadre du budget 2012.

À Monsieur Claude Goasguen, je veux répondre que l’une des difficultés que nous avons pour l’octroi du droit au travail aux demandeurs d’asile réside dans le fait que seulement 30 % d’entre eux obtiennent finalement le statut de réfugié, ce qui signifie donc que 70 % des demandes sont indues et peuvent conduire au renvoi des intéressés dans leur pays. Je ne suis pas opposé à la réflexion sur le sujet, mais il nous faut garder en tête les limites induites par cette réalité.

À Monsieur Serge Blisko, j’indique que le bureau européen d’appui en matière d’asile sera opérationnel à Malte avant la fin de cette année. Chacun des États a choisi ses représentants et son directeur général est en cours de nomination.

En matière d’hébergement d’urgence, les crédits vont progresser de 10 millions d’euros en 2011 ; les crédits en matière d’asile auront ainsi progressé de 13,4 % en deux ans. Le rapporteur pour avis a raison : en 2009, nous avons dû recourir à des abondements de crédits en gestion, par décret d’avance ou en loi de finances rectificative, et ce sera encore le cas en 2010.

Pour 2011 et, plus généralement, sur les trois exercices à venir, nous attendons beaucoup de l’augmentation des effectifs de l’OFPRA et de la CNDA. S’agissant de cette dernière, les délais moyens des instances devraient passer de quinze mois, en 2009, à onze mois l’an prochain. Si cette perspective est tenue, nous n’aurons pas besoin d’abondements supplémentaires en gestion. Cependant, il est entendu avec le Premier ministre que nous disposerons, si nécessaire, des moyens complémentaires dont nous aurons besoin pour assumer nos obligations.

S’agissant des centres de rétention administrative, le rapporteur pour avis a pointé un hiatus entre le taux moyen d’occupation de 69 % et la non-exécution de mesures d’éloignement. Mais, précisément, le chiffre cité correspond à une moyenne de l’occupation des CRA. Des centres sont surchargés, notamment en Île-de-France. Nous attendons beaucoup de la livraison des nouveaux centres de Vincennes – 116 places – et du Mesnil-Amelot – 242 places. En outre, certains centres permettent l’accueil des familles, d’autres non. La carte des centres se trouvant améliorée l’an prochain, le nombre de défauts d’éloignements pour cause de saturation des centres de rétention devrait baisser.

La gestion de ces centres a été transférée à la police aux frontières. Cependant, ce service de police n’est pas compétent à Paris, ce qui explique que la préfecture de police y conserve ses responsabilités en matière de gestion des centres qui y sont implantés.

Sur la question de la formation linguistique, je suis en mesure de fournir par écrit des éléments de réponse plus complets car je me suis récemment exprimé longuement sur le sujet, mais je peux d’ores et déjà vous indiquer que le coût assumé par l’OFII est de 42 millions d’euros, dont 26 millions d’euros dans le cadre du contrat d’accueil et d’intégration.

Le temps me manquant, je fournirai à Mme Sandrine Mazetier une réponse écrite détaillée aux questions précises qu’elle m’a posées. Rapidement, je soulignerai néanmoins, pour éviter tout malentendu, que le projet de loi de finances pour 2011 ne supprime aucune pénalité de retard pour les employeurs d’étrangers sans titre. Il se borne simplement à transférer à l’OFII, en lieu et place des préfectures, leur établissement et leur liquidation tandis que le Trésor public les recouvrira à la place de l’office, dont ce n’est pas le métier.

Il est vrai que le montant des loyers budgétaires progresse, mais cela n’est pas étonnant dès lors qu’il a été décidé de regrouper les services du ministère. Nous allons néanmoins engager des renégociations de ces loyers, pas seulement pour Paris mais aussi pour les implantations de Rezé, notamment.

S’agissant de l’augmentation des crédits destinés aux prestations d’assistance juridique aux personnes retenues en CRA, je précise qu’elle résulte de la hausse du nombre de places dans ces centres et de l’élévation des qualifications requises des personnels des intervenants associatifs.

Juste un mot sur les crédits du développement solidaire. Le budget du ministère est conçu pour la mise en œuvre des accords de gestion concertée des flux migratoires. Il va sans dire que l’essentiel des crédits d’aide au développement figure dans d’autres missions budgétaires.

Enfin, les Roumains et les Bulgares sont soumis à une autorisation de travail mais de nombreux emplois leur sont ouverts sans que leur soit opposable la situation de l’emploi en France. Votre vœu, Monsieur Dominique Raimbourg, est donc partiellement satisfait. Au final, nous n’avons pas connaissance de difficultés particulières liées à la mise en œuvre de la réglementation transitoire, mais je suis disposé à en discuter plus amplement avec vous si besoin.

Monsieur le Président, de nombreuses questions méritent des réponses complètes et détaillées. J’ai à ma disposition des éléments de nature à éclairer les membres de la commission qui ont pris part à notre débat mais, compte tenu du peu de temps dont nous disposons, je ne peux les développer. Je vous propose donc de fournir des éléments de réponse écrits et détaillés à tous les députés ici présents.

M. le Président Jean-Luc Warsmann. Je suis moi-même preneur de ces réponses et vous en remercie.

Suivant l’avis de son rapporteur pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » pour 2011.

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LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS

• Office français de l’immigration et de l’intégration

– M. Jean GODFROID, directeur général.

• Office français de protection des réfugiés et apatrides

– M. Jean-François CORDET, directeur général.

• Cour nationale du droit d’asile

– Mme Martine DENIS-LINTON, président.

• Ministère de l’intérieur de l’outre-mer et des collectivités territoriales

– M. Frédéric PERRIN, directeur central de la police aux frontières.

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Personnes entendues dans le cadre d’auditions effectuées, à l’hôtel du ministre, avec la rapporteure spéciale de la commission des Finances et le rapporteur pour avis de la commission des Affaires étrangères

• Cabinet du ministre

– M. Philippe DUBOSQ, conseiller budgétaire au cabinet du ministre.

• Services de l’administration centrale

– M. Stéphane FRATACCI, secrétaire général ;

– M. François DARCY, conseiller du secrétaire général ;

– M. Michel AUBOUIN, directeur de l’accueil de l’intégration et de la citoyenneté ;

– Mme Sylvie MOREAU, adjointe au directeur de l’accueil de l’intégration et de la citoyenneté ;

– M. François LUCAS directeur de l’immigration ;

– M. Hugues BESANCENOT, sous directeur de la lutte contre les fraudes, des contrôles et de l’éloignement ;

– M. Rémy-Charles MARION, chef du service des affaires générales et des finances ;

– M. Alain CIROT adjoint au chef du service des affaires générales et des finances ;

– M. David KAMANO, chef du bureau de la synthèse budgétaire ;

– Mme Brigitte FRESNAIS-CHAMAILLARD, chef du service de l’asile ;

– Mme Julia CAPEL-DUNN, chef du département des réfugiés et accueil des demandeurs d’asile ;

– M. Stéphane GALLET, adjoint au chef du département des affaires internationales et de la coopération au service des affaires internationales et du développement solidaire.

SIGLES ET ABRÉVIATIONS

ACSE : agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances ;

ADLI : agents de développement local pour l’intégration ;

ADOMA : société d’économie mixte, issue de l’ancienne Sonacotra ;

ADP : attribution de produits ;

AFNOR : association française de normalisation ;

AGDREF : application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers ;

ANAEM : agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations ;

ANSP : agence nationale des services à la personne ;

ASSFAM : association service social familial de migrants ;

ATA : allocation temporaire d’attente ;

CADA : centre d’accueil pour demandeurs d’asile ;

CAI : contrat d’accueil et d’intégration ;

CAOMIDA : centre d’accueil et d’orientation pour mineurs isolés demandeurs d’asile ;

CIMADE : comité intermouvements auprès des évacués ;

CNDA : cour nationale du droit d’asile ;

CNHI : cité nationale de l’histoire de l’immigration ;

CPH : centre provisoire d’hébergement des réfugiés ;

CRA : centre de rétention administrative ;

DILF : diplôme initial de langue française ;

DNA : dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile ;

ETPT : équivalents temps plein travaillés ;

EURODAC : base de données européennes de reconnaissance des empreintes digitales ;

FDC : fonds de concours ;

GREGOIRE : projet de base de données à vocation interministérielle ;

LAO : lieu d’accueil et d’orientation des mineurs étrangers isolés situé à Taverny ;

LFI : loi de finances initiale ;

LOLF : loi organique relative aux lois de finances (n° 2001-692, du 1er août 2001) ;

LRA : locaux de rétention administrative ;

MIIINDS : ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire ;

OCRIEST : office central pour la répression de l’immigration irrégulière et l’emploi d’étrangers sans titre ;

OFII : office français de l’immigration et de l’intégration ;

OFPRA : office français de protection des réfugiés et apatrides ;

PAF : police aux frontières ;

PARAPHES : passage automatisé rapide aux frontières extérieures Schengen ;

PARP : parcours de réussite professionnelle ;

PIB : produit intérieur brut ;

PIE : pôles interservices éloignement ;

PLF : projet de loi de finances ;

PRENAT : application informatique « préfectures /
naturalisations » ;

PRIPI : programmes régionaux d’intégration des populations immigrées ;

PTFTM : plan de traitement des foyers de travailleurs migrants ;

RELORLEF : rechercher un logement pour les réfugiés ;

RGPP : revue générale des politiques publiques ;

URSSAF : unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales ;

VISABIO : stations d’enrôlement biométrique ;

VLS-TS : visa de long séjour dispensant de titre de séjour ;

ZAPI : zone d’attente pour personnes en instance de Roissy.

© Assemblée nationale

1 () Rapport d’information n° 1776 de M. Thierry Mariani : « Centres de rétention administrative et zones d’attente. Bien ! Mais peut encore mieux faire », 24 juin 2009.

2 () Cour des comptes : communication à la commission des Finances du Sénat en application de l’article 58.2 de la LOLF sur la gestion des centres et des locaux de rétention administrative, juin 2009, p. 58.

3 () IGA n° 09-069-1, IGPN n° 09-393-I, p. 20.

4 () Cass., 1ère civ. : « M. Nourddine X et autres c/ préfet des Bouches du Rhône » (n° 559), « Mme Christina X et autres c/ préfet des Hautes-Alpes » (n° 560), « M. Mehdi X et autres c/ préfet du Vaucluse » (n° 561).

5 ()  Règlement établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers.

6 () Soit comme premier titre de séjour, soit en renouvellement.

7 () Ibid.

8 () Ibid.

9 () Des négociations au sein du Conseil de l'Union européenne visant à l’instauration, d’ici 2012 au plus tard, d’une procédure d’asile unique ont débuté à la suite de la présentation, le 23 octobre 2009, par la Commission européenne de sa proposition de refonte de la directive du Conseil du 1er décembre 2005 relative aux normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres (dite directive « procédure »). Ce texte poursuit un objectif d’harmonisation et d’amélioration des procédures en matière d’asile afin de garantir la cohérence des systèmes d’asile des États membres et d’éviter les phénomènes d’ « asylum shopping ».

10 () Adoma, France Terre d’asile, Forum des réfugiés et l’association de formation des travailleurs africains et malgaches (AFTAM) gèrent actuellement la moitié des places de CADA.

11 () Compte-rendu n° 78, séance du mardi 13 juillet 2010, à 11 heures, p. 5.