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N° 2864

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2010.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2011 (n° 2824)

TOME II

SANTÉ

SANTÉ ET SYSTÈME DE SOINS

Par M. RÉmi DELATTE,

Député.

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Voir les numéros : 2857 (annexe n° 39).

INTRODUCTION 5

I.- LES CRÉDITS DÉDIÉS À LA SANTÉ ET AU SYSTÈME DE SOINS DANS LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2011 7

A. LES CRÉDITS DESTINÉS À LA MODERNISATION DE L’OFFRE DE SOINS 7

1. Une maquette budgétaire remaniée pour accompagner la recomposition du système sanitaire 7

2. Les principales orientations pour 2011 8

a) Le démarrage des agences régionales de santé 8

b) Des crédits consolidés en faveur de la formation médicale 9

c) Les autres moyens consacrés à la modernisation de l’offre de soins 10

B. UN EFFORT DE SOLIDARITÉ RENFORCÉ ENVERS LES PERSONNES DÉFAVORISÉES 11

1. L’accès à la protection maladie complémentaire 11

2. L’aide médicale de l’État 12

3. Le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante 14

II.- LE DÉFI DE LA RÉGULATION DE LA DÉMOGRAPHIE MÉDICALE POUR UNE OFFRE DE SOINS ÉQUILIBRÉE 15

A. UN RÉEL EFFORT POUR RÉGULER LA DÉMOGRAPHIE MÉDICALE 16

1. Le constat de déséquilibres parfois inquiétants 16

a) Les caractéristiques démographiques du corps médical 17

b) Des disparités territoriales 17

c) Des spécialités en voie de désaffection 18

d) Un exercice solitaire et en libéral peu attractif et la progression du remplacement 19

2. Une politique volontariste pour adapter la formation des médecins aux besoins en santé de la population 20

a) Une sensibilisation accrue à la médecine générale dès le deuxième cycle 20

b) La régulation de l’internat 21

c) Les débuts du contrat d’engagement de service public, instrument d’aménagement du territoire 22

3. Des mesures à l’attention des professionnels mal connues ou qui suscitent une très relative adhésion 23

a) Des aides foisonnantes mais d’une efficacité toute relative 23

b) L’écueil des mesures coercitives 25

B. LA NÉCESSITÉ D’ADAPTER PLUS ENCORE LA FORMATION MÉDICALE AUX BESOINS EN SANTÉ DE LA POPULATION 25

1. Favoriser l’immersion en milieu libéral pendant les études 26

a) Poursuivre l’effort de développement de terrains de stages en médecine générale 26

b) Envisager des stages dans le secteur privé 28

2. Réguler le post-internat et encourager à l’exercice en autonomie 28

a) Le post-internat, une pratique courante qui met à mal les efforts de régulation 28

b) Instituer un pilotage régional du post-internat 30

c) Favoriser l’exercice autonome au cours des études 30

C. LA NÉCESSAIRE PROMOTION DE L’INSTALLATION ET DE CERTAINS MODES D’EXERCICE 31

1. Créer un guichet unique de l’installation 32

2. Encourager les formes d’exercice contribuant à une offre de soins équilibrée 32

a) Développer l’exercice regroupé 32

b) Développer l’exercice sur plusieurs sites 33

c) Recourir à la coopération entre professionnels de santé 34

d) Inciter à l’installation en limitant le « remplacement professionnel » 34

3. Envisager de nouveaux modes de rémunération pour réorienter les modes d’exercice 35

TRAVAUX DE LA COMMISSION 37

EXAMEN DES CRÉDITS 37

AMENDEMENT EXAMINÉ PAR LA COMMISSION 59

ANNEXE : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 61

INTRODUCTION

Après l’adoption, en 2009, de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, l’année 2010 a été celle de sa mise en application avec en particulier la constitution des agences régionales de santé qui a donné lieu à une profonde réorganisation du système de soins.

Celle-ci trouve sa traduction dans la mission « Santé » du projet de loi de finances pour 2011. Le périmètre de cette dernière est désormais stabilisé, mais son architecture interne a profondément évolué pour tenir compte du bouleversement qu’a constitué l’apparition des agences régionales de santé.

Structurée l’année dernière en trois programmes, respectivement consacrés à la prévention et la sécurité sanitaire (n° 204), l’offre de soins et la qualité du système de soins (n° 171) et la protection maladie (n° 183), la mission « Santé » n’en comptera, à partir de 2011, plus que deux, les deux premiers ayant fusionné en un nouveau programme n° 204 regroupant à la fois les crédits relatifs à la prévention et la sécurité sanitaire et ceux dédiés à la modernisation de l’offre de soins.

Le présent avis budgétaire est consacré à l’examen des moyens attribués au système de santé (agences régionales de santé et crédits dédiés à la modernisation de l’offre de soins) ainsi qu’au programme n° 183.

Après avoir présenté les principales orientations retenues pour ces agrégats pour 2011, votre rapporteur pour avis, soucieux des déséquilibres constatés dans l’offre de soins, a souhaité analyser plus spécifiquement l’enjeu que constitue la régulation de la démographie médicale. Quels sont les moyens disponibles pour rééquilibrer l’offre de soins ? Quelles sont les voies à privilégier ? Telles sont les questions auxquelles il s’est efforcé de répondre.

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

Votre rapporteur pour avis a demandé que les réponses lui parviennent le 21 septembre 2009. À cette date, 47 % des réponses lui étaient parvenues.

À la date butoir, le taux de réponse était de 75 %.

I.- LES CRÉDITS DÉDIÉS À LA SANTÉ ET AU SYSTÈME DE SOINS DANS LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2011

A. LES CRÉDITS DESTINÉS À LA MODERNISATION DE L’OFFRE DE SOINS

1. Une maquette budgétaire remaniée pour accompagner la recomposition du système sanitaire

Si le périmètre de la mission « Santé » est inchangé entre la loi de finances pour 2010 et le projet de loi de finances pour 2011, l’architecture interne de cette dernière évolue sensiblement dans le projet de loi de finances pour 2011. Déjà l’année dernière, des adaptations de nomenclature avaient été opérées dans la loi de finances pour 2010 pour tenir compte de la création des agences régionales de santé.

Le mouvement de restructuration interne de la mission « Santé » se poursuit dans le projet de loi de finances pour 2011. Dans un souci de simplification, il a été décidé de regrouper désormais sur un même programme l’ensemble des crédits de la mission dédiés à la mise en œuvre des politiques de santé par les agences régionales de santé. Les dotations de l’État aux agences régionales de santé proviendront désormais de seulement deux programmes :

– le programme n° 124 de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » pour les crédits de fonctionnement ;

– le programme n° 204 de la mission « Santé » pour les crédits d’intervention.

Si simplification il y a, elle est toute relative : d’une part, les crédits dédiés aux agences sont répartis sur deux missions et d’autre part, cette réorganisation se traduit par la fusion du programme n° 171 « Offre de soins et qualité du système de soins » avec le programme n° 204 « Prévention et sécurité sanitaire », pour former un nouveau programme n° 204, élargi, intitulé « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ».

Il est de ce fait peu aisé de retracer l’évolution des crédits dédiés au système de santé et à l’offre de soins entre la loi de finances pour 2010 et le présent projet de budget. Le nouveau programme résultant de la fusion reprend l’ensemble des dispositifs de l’ancien programme n° 204, que votre rapporteur pour avis n’analysera pas car ils sont strictement dédiés à la prévention et la sécurité sanitaire et ne relèvent pas de son champ d’étude. Il comporte également les crédits d’intervention destinés aux agences régionales de santé individualisés au sein de l’action n° 18, ainsi que, regroupés au sein d’une nouvelle action n° 19 « Modernisation de l’offre de soins », l’ensemble des crédits de l’ancien programme n° 171 (1).

2. Les principales orientations pour 2011

a) Le démarrage des agences régionales de santé

L’année 2010 a été une année de transition dans la mise en place des agences régionales de santé : après leur création le 1er avril, elles ont rapidement procédé à la mise en place de leurs conseils de surveillance qui se sont réunis pour la première fois aux mois de juin et juillet pour les agences métropolitaines et en septembre pour les agences ultramarines. L’année 2011 sera celle de leur premier fonctionnement en année pleine. En conséquence, les moyens que l’État leur consacre sont largement confortés dans le projet de budget : ils progressent de 56,7 % par rapport à l’année précédente.

Le financement des agences régionales de santé par l’État

(En milliers d’euros)

Mission et programme

LFI pour 2010

PLF pour 2011

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Mission Solidarité, insertion et égalité des chances

       

Programme 124
Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative

260 538

260 538

552 268

552 268

Mission Santé

       

Programme 171
Offre de soins et qualité du système de soins (supprimé en PLF 2011)

100 940

100 940

-

-

Programme 204
Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins

189 030

189 410

310 759

310 759

TOTAL

550 508

550 888

863 027

863 027

Source : Projet annuel de performances de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » pour 2011

On ne dispose pas, pour l’instant, de la répartition prévisionnelle des crédits d’intervention des agences par programme d’action des plans régionaux de santé, ceux-ci étant en cours de définition et devant être arrêtés en septembre 2011. Les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens sont pour leur part en cours de négociation avec les régions et fixeront des objectifs chiffrés et évaluables aux agences et à leurs directeurs généraux.

b) Des crédits consolidés en faveur de la formation médicale

La programmation prévisionnelle du budget des agences régionales de santé montre qu’un effort particulier est consenti en faveur de la formation médicale : les crédits de paiement et autorisations d’engagement consacrés à la formation initiale s’élèvent, dans le projet de loi de finances pour 2011, à 121,4 millions d’euros, tandis que ceux dédiés à la formation médicale continue s’élèvent à 2 millions d’euros.

● Un effort accru est consenti en faveur des stages des étudiants en médecine. Les crédits de paiement et autorisations d’engagement prévus pour la seule formation médicale des internes et des étudiants de deuxième cycle s’élèvent à 115,3 millions d’euros. Au sein de cette enveloppe, 88,56 millions d’euros sont destinés à la rémunération des stagiaires et 26,74 millions d’euros aux honoraires des maîtres de stage. Ces moyens sont ainsi en très nette augmentation par rapport à la loi de finances initiale pour 2010 (+ 21,6 %), ce dont votre rapporteur pour avis se félicite.

Les dotations devraient ainsi permettre de financer :

– 410 stages extra-hospitaliers pour des internes de spécialité (médecine générale exclue) ;

– 3 100 stages obligatoires d’internes de médecine générale effectués auprès de médecins généralistes agréés ;

– 1 296 stages destinés aux internes de médecine générale effectuant leur sixième semestre soit en médecine générale ambulatoire, soit dans une structure médicale agréée ;

– 5 760 stages chez des médecins généralistes agréés, destinés aux étudiants de deuxième cycle.

● Les moyens alloués à l’année-recherche, qui permet aux internes de bénéficier, pendant un an, d’une formation à la recherche dans le cadre d’un master sont reconduits à hauteur de 6,1 millions d’euros contre 6,097 millions d’euros accordés en loi de finances initiale pour 2010. En 2009 et en 2010, 180 projets d’année-recherche ont été financés chaque année. Il est prévu d’en financer un nombre équivalent en 2011.

● L’article 59 de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires a créé le nouveau dispositif de développement professionnel continu, qui regroupe sous un concept commun la formation médicale continue et l’évaluation des pratiques professionnelles. Il sera doté de 2 millions d’euros dans le projet de budget pour 2011.

c) Les autres moyens consacrés à la modernisation de l’offre de soins

● Les crédits dédiés à la conception des politiques d’offre de soins et aux actions de modernisation s’élèvent, dans le projet de loi de finances pour 2011, à 2,2 millions d’euros. Ils permettront de recourir à des intervenants extérieurs pour la réalisation d’études ou l’achat de prestations (pour 1 million d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement) et de mener des actions de modernisation du pilotage de l’offre de soins (pour 1,2 million d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement).

● Les moyens prévus pour la Haute Autorité de santé sont en progression dans le projet de budget : ils s’élèvent à 8,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement contre 6,2 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2010.

● Le Centre national de gestion bénéficie, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011, d’une subvention pour charges de service public de 5,1 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement ; celle-ci est donc stabilisée par rapport à 2010. La loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et au territoire a attribué au centre de nouvelles missions. Le nouveau contrat d’objectifs et de performance, signé le 28 avril 2010, devrait lui permettre de poursuivre sa montée en charge et de mettre en œuvre ses nouvelles attributions.

● Les crédits prévus dans le projet de budget pour l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation s’élèvent à 3,58 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement – rappelons que l’agence bénéficie également d’une dotation globale provenant de l’assurance maladie, laquelle représente, selon une règle coutumière, le double de la subvention de l’État. La dotation de l’État est ainsi consolidée, puisqu’en hausse de 7 % par rapport à 2010. Elle devrait permettre à l’agence de faire face à l’extension progressive du périmètre de ses missions qui recouvre désormais, d’une manière générale, l’optimisation des moyens à disposition du ministère chargé de la santé pour élaborer le système d’information nécessaire à la conduite de la politique hospitalière.

● Le groupement d’intérêt public « Agence nationale des systèmes d’information partagés de santé », créé à la fin de l’année 2009 pour favoriser le développement des systèmes d’information partagés dans les domaines de la santé et du secteur médico-social, a repris les activités du groupement d’intérêt public « Carte de professionnel de santé » qui étaient jusqu’alors financées par le programme n° 171. Les moyens qui lui sont alloués contribuent au financement du répertoire partagé des professionnels de santé ; ils s’élèvent dans le projet de budget à 656 100 euros.

B. UN EFFORT DE SOLIDARITÉ RENFORCÉ ENVERS LES PERSONNES DÉFAVORISÉES

Le programme n° 183 « Protection maladie » bénéficie de dotations en nette augmentation (+ 9 %) dans le projet de loi de finances pour 2011, traduisant ainsi la solidarité nationale à l’égard des populations les plus démunies dont il convient de garantir l’accès aux soins.

Évolution des moyens du programme n° 183 « Protection maladie »

(En millions d’euros)

Numéro et intitulé de l’action

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2010

PLF 2011

LFI 2010

PLF 2011

01

Accès à la protection maladie complémentaire

0

0

0

0

02

Aide médicale de l’État

535

588

535

588

03

Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante

50

50

50

50

TOTAL

585

638

585

638

Source : Projet annuel de performances de la mission « Santé » pour 2011

1. L’accès à la protection maladie complémentaire

L’accès à la protection maladie complémentaire recouvre la couverture maladie universelle (CMU) complémentaire et l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé (ACS). Il est financé par le fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie (fonds CMU).

Depuis le début de l’année 2009, les ressources de ce fonds sont constituées, d’une part, par le produit d’une contribution due par les organismes de protection complémentaire sur leurs primes ou cotisations d’assurance de protection complémentaire santé, d’un taux de 5,9 % et, d’autre part, d’une dotation d’équilibre de l’État. Le fonds rembourse aux organismes gestionnaires d’assurance maladie les dépenses des bénéficiaires de la CMU complémentaire sur la base d’un forfait de 370 euros par bénéficiaire et déduit l’aide octroyée aux bénéficiaires de l’ACS des contributions que les organismes de protection complémentaire lui doivent.

En 2009 et 2010, le produit de la contribution des organismes complémentaires a été supérieur aux dépenses du fonds CMU et ce dernier n’a donc pas bénéficié de dotation de la part de l’État. Il a même affecté son report à nouveau positif à la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), en 2009, à hauteur de 83 millions d’euros. D’après les prévisions, les excédents du fonds affectés à la caisse devraient s’élever à 101 millions d’euros en 2010.

En 2011, comme pour les deux années précédentes, les ressources du fonds issues de la contribution des organismes de protection complémentaire devraient être supérieures aux dépenses du fonds au titre de la CMU complémentaire et de l’ACS. Aucun crédit budgétaire n’a donc été inscrit dans le projet de loi de finances et il est encore prévu une affectation des excédents du fonds à la CNAMTS, à hauteur de 150 millions d’euros.

Cette affectation du report à nouveau positif du fonds ne permettra pas pour autant de couvrir l’ensemble des dépenses supportées par la CNAMTS au titre de la CMU complémentaire. Devraient rester à la charge de cette dernière 128 millions d’euros en raison de l’écart constaté entre le montant du forfait pris en charge par le fonds, qui s’élève à 370 euros par bénéficiaire, et le coût moyen des prestations de CMU complémentaire pour la caisse, qui est de 450 euros par bénéficiaire.

2. L’aide médicale de l’État

Les dépenses d’aide médicale de l’État (AME) recouvrent plusieurs dispositifs :

– l’aide « de droit commun », qui permet aux étrangers en situation irrégulière qui résident en France depuis plus de trois mois de bénéficier, sous des conditions de ressources identiques à celles exigées pour l’attribution de la CMU complémentaire, de la prise en charge intégrale, avec dispense d’avance, des frais de soins relevant des assurances maladie et maternité ainsi que du forfait journalier hospitalier ;

– les soins urgents qui concernent les étrangers en situation irrégulière non éligibles à l’aide médicale de l’État (pour des motifs le plus souvent liés à la condition de résidence) ;

– l’aide dite « humanitaire » délivrée au cas par cas à des personnes ne résidant pas habituellement sur le territoire français (qu’elles soient étrangères en situation régulière ou françaises) ;

– les frais pharmaceutiques et soins infirmiers des personnes gardées à vue.

Le dispositif de l’aide médicale de l’État a connu différents aménagements pour tenir compte des observations d’une mission d’audit menée en 2007 par l’Inspection générale des finances et l’Inspection générale des affaires sociales. Ainsi, a été institué un titre d’admission sécurisé comportant, pour tout bénéficiaire de plus de seize ans, une photographie d’identité récente. Le contrôle médical a en outre été étendu aux bénéficiaires de l’aide et la prise en charge des médicaments a été subordonnée à l’acceptation de médicaments génériques lorsque la substitution est possible.

Malgré ces mesures, on a constaté en 2009 une forte hausse des dépenses d’aide médicale de l’État « de droit commun », de l’ordre de 13,3 %, qui ne pouvait être expliquée par la seule augmentation des bénéficiaires sur la même période, puisque celle-ci se limitait à 6,5 %.

Pour faire face à cette évolution, la dotation prévue dans le projet de loi de finances pour 2011 est en sensible augmentation par rapport à celle inscrite en loi de finances pour 2010. Elle s’élève à 588 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement contre 535 millions d’euros l’année précédente, soit une croissance de + 9,9 %. Cet effort soutenu de la solidarité nationale envers les personnes défavorisées doit être souligné compte tenu du contexte budgétaire contraint.

Il semble aujourd’hui nécessaire de mener une analyse plus approfondie des causes de la progression des dépenses au titre de l’aide médicale de l’État afin d’améliorer la fiabilité des prévisions budgétaires et la maîtrise du dispositif. C’est l’objet d’une nouvelle mission d’audit dont ont été chargées les inspections générales des finances et des affaires sociales. Cette mission devrait remettre son rapport à la fin du mois de novembre 2010. Elle doit examiner les modalités de mise en œuvre d’une participation des bénéficiaires de l’aide médicale de l’État sous la forme d’une contribution forfaitaire annuelle qui constituerait un droit d’entrée dans le dispositif. Une telle voie semble particulièrement intéressante si l’on souhaite garantir la pérennité de l’aide.

Une participation des bénéficiaires semble en outre souhaitable sur le plan de l’équité. Elle avait d’ailleurs été prévue par la loi de finances rectificative pour 2002 qui avait posé le principe de leur assujettissement à un ticket modérateur. Mais cette mesure n’a jamais été suivie de décrets d’application en raison des difficultés rencontrées pour la concilier avec la dispense d’avance de frais. Un tel dispositif risquait de se traduire, dans les faits, par un risque accru de créances irrécouvrables pour les professionnels de santé et les hôpitaux.

L’institution d’un droit d’entrée unique dans le dispositif de l’aide médicale de l’État serait donc probablement plus facile à mettre en œuvre que l’assujettissement à un ticket modérateur. C’est d’ailleurs la voie que semblait privilégier Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, lorsqu’elle évoquait, le 16 juin 2010 devant la commission des finances du Sénat, l’institution d’un timbre fiscal d’une valeur de 15 euros que les titulaires de l’aide apposeraient sur leur titre d’admission au dispositif ; une participation de l’ordre de 30 euros semble également avoir été envisagée.

Le projet de loi de finances pour 2011 ne comprend aucune mesure en ce sens, que ce soit en première ou en seconde partie ; il est vrai que la mission d’audit des inspections générales des finances et des affaires sociales n’a pas encore rendu ses conclusions. Si un tel dispositif devait toutefois être présenté par voie d’amendement, il recevrait le soutien plein et entier de votre rapporteur pour avis qui juge légitime, surtout dans le contexte budgétaire actuel, d’instituer une participation financière des bénéficiaires de l’aide médicale de l’État.

3. Le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante

La dotation de l’État au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante est stable dans le projet de loi de finances pour 2011 par rapport à la loi de finances initiale pour 2010, à hauteur de 50 millions d’euros. Elle est marginale si on la compare avec la contribution de la branche Accidents du travail et maladies professionnelles du régime général de la sécurité sociale qui s’élève à 340 millions d’euros dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 (contre 315 millions d’euros dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010).

Le niveau de dépenses constaté en 2010 est inférieur aux premières prévisions faites pour cet exercice, qui étaient de 600 millions d’euros : les réorganisations qui devaient permettre d’accélérer les délais de traitement des dossiers n’ont en effet été mises en œuvre qu’au cours de la deuxième moitié de cet exercice. Un report des dépenses devrait donc être opéré sur l’année 2011, pour laquelle les prévisions de dépenses d’indemnisation sont de 600 millions d’euros, sans préjudice d’éventuelles nouvelles dépenses liées aux modifications des règles de prescription des actions devant le fonds. Compte tenu de la progression, en 2011, de la dotation accordée par la branche Accidents du travail et maladies professionnelles, il est prévu que le fonds dispose à la fin de l’année 2011 d’un résultat cumulé d’environ 59 millions d’euros, suffisant pour couvrir l’intégralité des nouvelles dépenses sur cet exercice.

II.- LE DÉFI DE LA RÉGULATION DE LA DÉMOGRAPHIE MÉDICALE POUR UNE OFFRE DE SOINS ÉQUILIBRÉE

Votre rapporteur pour avis, sensible à la problématique de l’accès à l’offre de soins sur l’ensemble du territoire, a souhaité étudier plus particulièrement la question de la démographie médicale qui en constitue un facteur essentiel. Il est vrai que celle-ci a fait l’objet de nombreux rapports, de grande qualité, tant de la part de nos collègues parlementaires – MM. Marc Bernier (2), député et Jean-Marc Juilhard (3), sénateur, en particulier – que d’instances aux compétences reconnues, comme l’Académie nationale de médecine. Mais l’abondance de la documentation sur ce sujet montre bien qu’il suscite toujours des inquiétudes auxquelles il n’a été qu’imparfaitement répondu.

La médecine française souffre aujourd’hui d’un paradoxe : alors que le nombre de médecins est globalement satisfaisant, il est désormais courant de déplorer l’apparition de « déserts médicaux » ou le risque que certaines spécialités médicales ne deviennent « en voie de disparition ». Si ces affirmations méritent d’être nuancées sur certains points, elles partent toutes d’un même constat de déséquilibre de la démographie médicale.

L’ensemble des personnalités auditionnées par votre rapporteur pour avis, qu’elles représentent les médecins, l’hospitalisation publique ou privée, les étudiants en médecine, l’administration sanitaire ou encore des instances d’expertise comme l’Observatoire national de la démographie des professions de santé se sont accordées sur cette analyse. Elles semblent également juger légitime une action des pouvoirs publics pour améliorer la situation, même si les solutions envisagées peuvent être divergentes. Il est parfois délicat de concilier certaines de leurs prises de position, qui peuvent être contrastées, mais celles-ci ont constitué un élément précieux pour nourrir la réflexion de votre rapporteur pour avis.

Le Gouvernement a pour sa part engagé des mesures volontaristes pour réguler la démographie médicale et partant, l’offre de soins. Ce volontarisme a pu dans certains cas se heurter à des réticences lorsque les dispositifs envisagés n’ont pas suscité l’adhésion en raison de leur caractère peu incitatif. Il a malgré tout le mérite d’avoir bien cerné l’enjeu que constitue le rééquilibrage de la démographie médicale et d’avoir adopté une approche territoriale de la formation initiale des médecins, dont on peut espérer qu’elle produira des effets visibles dans les années qui viennent. De telles actions doivent être poursuivies et renforcées, tout en n’oubliant pas d’intervenir également en direction des professionnels en exercice afin de les encourager à maintenir leur offre de soins dans les zones sous-dotées ou dans des spécialités peu pourvues.

A. UN RÉEL EFFORT POUR RÉGULER LA DÉMOGRAPHIE MÉDICALE

1. Le constat de déséquilibres parfois inquiétants

Selon les dernières données disponibles émanant du Conseil national de l’ordre des médecins (4), au 1er janvier 2009, l’effectif total du corps médical s’est accru de 1,2 % par rapport à 2008 en s’élevant à 258 153 médecins inscrits au tableau de l’ordre, les entrées en activité ayant été plus nombreuses que les sorties. La croissance des effectifs doit cependant être relativisée car elle est pour une grande partie imputable à l’augmentation de 5,2 % des médecins retraités demeurant inscrits au tableau sur la même période.

Effectifs de médecins actifs et retraités inscrits au tableau de l’ordre

Effectifs de médecins

Au 1er janvier 2005

Au 1er janvier 2006

Au 1er janvier 2007

Au 1er janvier 2008

Au 1er janvier 2009

Actifs

208 887

212 972

213 995

215 028

216 017

Retraités

35 791

37 433

38 751

40 070

42 136

Total

244 678

250 405

252 746

255 098

258 153

Source : Atlas de la démographie médicale en France – Situation au 1er janvier 2009, Conseil national de l’ordre des médecins

Si l’on procède à une analyse plus détaillée, on constate en outre que l’effectif des médecins inscrits en activité régulière – c’est-à-dire exercée régulièrement dans un même lieu, ce qui exclut les médecins temporairement sans activité et les médecins remplaçants – s’élevait au 1er janvier 2009 à 199 736 professionnels, soit une baisse de 2 % par rapport à l’année précédente.

On observe par ailleurs une tendance à la diminution de la densité médicale. En 2009 on comptait, toujours selon le Conseil national de l’ordre, 290,3 médecins en activité régulière pour 100 000 habitants contre 300,2 l’année précédente. La densité médicale en activité totale, prenant en compte non seulement les médecins en activité régulière mais aussi ceux temporairement sans activité et les remplaçants, s’élevait pour sa part à 312 médecins pour 100 000 habitants au 1er janvier 2009 contre 322 un an plus tôt.

Cette évolution générale n’est pas en elle-même forcément inquiétante, même si d’après les projections réalisées par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), elle devrait se poursuivre jusqu’en 2020 environ (5) : en effet, la densité médicale est aujourd’hui supérieure à son niveau de la fin des années quatre-vingt. C’est finalement moins le nombre de médecins inscrits qui pose problème que de multiples disparités dans l’offre de soins, de plusieurs ordres : territoriales, relatives aux spécialités, mais aussi au mode d’exercice, le secteur libéral semblant de moins en moins attractif.

a) Les caractéristiques démographiques du corps médical

Le corps médical est en voie de vieillissement : l’âge moyen des médecins en activité totale est ainsi, selon le Conseil national de l’ordre des médecins, de 51 ans et l’effectif des médecins de moins de 40 ans est inférieur à celui des médecins de plus de 50 ans. Plus grave : la tranche d’âge des médecins âgés de 60 ans et plus a augmenté, entre le 1er janvier 2008 et le 1er janvier 2009, de plus de 52 %. On peut donc s’attendre à un mouvement d’ampleur de départs en retraite à court et moyen termes, ce qui rend nécessaire d’assurer le renouvellement de ces générations. Ce problème est particulièrement visible dans le secteur privé, comme l’a souligné la Fédération de l’hospitalisation privée auprès de votre rapporteur pour avis. On note en outre que l’âge moyen des nouveaux inscrits à l’ordre est relativement élevé (34,7 ans).

Par ailleurs, la population médicale se féminise de manière croissante : certes, au 1er janvier 2009, les femmes ne représentaient que 39 % des effectifs de médecins en activité régulière, mais elles représentaient également 52 % des nouveaux inscrits. Cette tendance devrait d’ailleurs s’accentuer compte tenu de la proportion désormais importante de la population féminine au sein de celle des étudiants en médecine. Ce point n’est pas anecdotique car les jeunes femmes médecins souhaitent souvent opter pour un mode d’exercice moins consommateur de temps et moins imprévisible que l’exercice solitaire en libéral, afin de concilier vie familiale et vie professionnelle. Il est vrai que ce besoin résulte également d’une évolution sociétale plus générale et que les jeunes générations auditionnées par votre rapporteur pour avis ne semblent plus plébisciter le modèle du médecin de famille « corvéable à merci ».

On constate enfin une importance croissante des effectifs de médecins étrangers : au 1er janvier 2009, ils étaient 9 631, soit une augmentation de plus de 3 % par rapport à l’année 2008. Cette situation a été signalée à de nombreuses reprises par les personnes entendues par votre rapporteur pour avis pour s’inquiéter de la qualité de l’offre de soins qui en résulte, les exigences de formation de certains médecins étrangers n’étant pas forcément équivalentes aux exigences françaises.

b) Des disparités territoriales

Les déséquilibres entre régions sont fréquemment rappelés, à tel point que l’on parle, dans certains cas, de « déserts médicaux ». La densité médicale est ainsi particulièrement faible en région Picardie (250 médecins pour 100 000 habitants) ou en région Centre (255 médecins pour 100 000 habitants) par comparaison avec la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (409 médecins pour 100 000 habitants) qui est la mieux dotée avec l’Île-de-France.

Densité médicale en activité régulière

Source : Atlas de la démographie médicale en France – Situation au 1er janvier 2009, Conseil national de l’ordre des médecins

Ces disparités sont encore plus frappantes quand on compare, par région, le nombre de diplômés de médecine avec les inscriptions à l’ordre. Ainsi, selon les éléments fournis par le ministère de la santé et des sports, entre 2001 et 2005, l’Île-de-France regroupait 21 % des diplômés et 28 % des inscrits à l’ordre, tandis que l’Auvergne, la Haute-Normandie et la Franche-Comté observaient un écart de – 25 % entre les diplômés et les inscrits à l’ordre.

Au-delà, on constate des déséquilibres à l’échelle infrarégionale : ainsi, si en moyenne régionale, Provence-Alpes-Côte d’Azur semble particulièrement bien pourvue, cela cache un excédent manifeste de l’offre médicale sur la côte, l’arrière-pays connaissant pour sa part une situation nettement moins favorable. Le même phénomène peut être observé en Île-de-France : cette région bénéficie d’une densité moyenne plus que satisfaisante mais cette densité est en réalité plus de trois fois supérieure à Paris qu’en Seine-et-Marne.

c) Des spécialités en voie de désaffection

Les personnalités auditionnées par votre rapporteur pour avis se sont, pour une grande part, alarmées de la situation de certaines spécialités, au premier rang desquelles l’anesthésie-réanimation, la gynécologie obstétrique et la chirurgie dont les effectifs ne sont plus considérés comme suffisants. Plusieurs facteurs expliquent la désaffection dont ces spécialités souffrent ; les plus fréquemment cités sont le faible attrait pour des disciplines nécessitant une couverture assurantielle de la responsabilité civile médicale particulièrement élevée, mais aussi les contraintes professionnelles lourdes, notamment en termes d’horaires, qu’elles supposent et qui sont de moins en moins bien acceptées par des jeunes générations désireuses de bénéficier d’une certaine qualité de vie.

Le cas de la médecine générale est particulier : cette spécialité souffre d’une image dégradée auprès des jeunes étudiants en médecine. Nombreux sont ceux qui la considèrent, à tort, comme moins valorisante, moins technique et parfois même moins « noble » que d’autres spécialités de second recours. De multiples raisons peuvent expliquer cet a priori. Parmi elles, on ne doit pas négliger le poids d’une formation hospitalo-centrée au cours de laquelle les étudiants sont habitués à considérer les soins médicaux comme un agrégat d’actes hyperspécialisés relevant de disciplines bien distinctes. En outre, la filière de médecine générale étant en cours de constitution, elle ne dispose pas pour l’instant d’un corps enseignant suffisamment étoffé qui permettrait de la revaloriser auprès des étudiants en les éclairant mieux sur la réalité de leur exercice.

La désaffection à l’égard de la médecine générale se traduit dans les choix opérés par les étudiants en médecine à l’issue des épreuves classantes nationales, malgré la volonté des pouvoirs publics de rééquilibrer l’offre de postes d’internat en y accroissant la proportion de postes de médecine générale. Force est de constater qu’une partie de cet effort de revalorisation est mis à mal par la possibilité pour les étudiants qui s’estiment « mal classés » de redoubler dans l’espoir d’obtenir, l’année suivante, un poste dans une autre spécialité.

L’année 2010 n’a pas fait exception à cette règle : à la fin du mois de septembre, à l’issue de « l’amphithéâtre de garnison », sur un total de 6 839 postes ouverts aux candidats des épreuves classantes nationales, 707 n’ont pas été pourvus, dont 668 étaient des postes de médecine générale. Ainsi, plus de 18 % des postes offerts dans cette spécialité n’ont pas trouvé preneur. Au final, alors que les postes offerts en médecine générale représentaient 53 % des postes d’internat, la proportion des étudiants affectés à cette spécialité par rapport à l’ensemble des postes d’internes s’est élevée à 48,3 %.

d) Un exercice solitaire et en libéral peu attractif et la progression du remplacement

D’après l’Atlas de la démographie médicale en France de 2009, 67 % des nouveaux inscrits exerçaient, au 1er janvier 2009, en secteur salarié – en particulier dans le domaine hospitalier –, 22 % effectuaient un remplacement et seulement 10 % s’installaient en libéral. Cela est d’autant plus préoccupant qu’en 2009, 73 % des médecins sortants exerçaient leur activité en secteur libéral : leur renouvellement n’est donc que difficilement assuré. L’attrait du salariat, lié notamment à la stabilité des ressources financières qu’il garantit, est aussi à mettre en relation avec la féminisation du corps médical : plus d’une femme sur deux exerce en tant que médecin salarié, contre un homme sur trois qui choisit un tel mode d’exercice. Enfin, les perspectives d’évolution de carrière paraissent plus prometteuses dans le cadre du salariat que dans celui de l’exercice libéral.

Par ailleurs, l’attrait pour l’exercice en tant que remplaçant semble de plus en plus marqué : au 1er janvier 2009 on comptait 9 999 remplaçants, âgés en moyenne de 46 ans et représentant environ 5 % des médecins inscrits. L’exercice en remplacement devient de plus en plus courant ; certaines des personnalités auditionnées par votre rapporteur pour avis ont même parlé de « remplaçants professionnels », itinérants, qui ne souhaitent pas assumer la charge et les contraintes d’un cabinet libéral et sont souvent en position de force pour négocier les redevances de remplacement qu’ils perçoivent des médecins remplacés. Même si une telle évolution est pour l’instant marginale, elle n’en demeure pas moins inquiétante pour l’avenir du secteur libéral.

Enfin, l’exercice en solitaire attire peu les jeunes générations. Le « colloque singulier » entre le médecin et son patient n’est plus, manifestement, le mode d’exercice auquel se destinent les jeunes médecins souhaitant s’installer. Outre qu’il suppose des contraintes fortes en termes de présence et de permanence, il est également perçu comme moins sécurisant qu’un exercice regroupé qui allie à la convivialité la possibilité, pour un jeune médecin, de partager et d’étayer ses analyses avec des confrères.

2. Une politique volontariste pour adapter la formation des médecins aux besoins en santé de la population

Les pouvoirs publics semblent avoir mesuré le défi que constitue aujourd’hui la démographie médicale. Une des premières actions engagées pour faire face à la diminution inéluctable du nombre de médecins due au vieillissement du corps médical a consisté à relever progressivement le numerus clausus, fixé à 3 500 au début des années 1990 et qui a atteint 7 400 pour l’année universitaire 2009-2010. Mais des mesures ont également été prises afin de réduire les disparités dans la répartition de l’offre médicale.

a) Une sensibilisation accrue à la médecine générale dès le deuxième cycle

L’accès de tous les étudiants au stage de médecine générale durant le deuxième cycle des études médicales constitue un élément essentiel pour les inciter à se tourner vers la médecine de premier recours, pivot d’une offre de soins équilibrée. De l’avis de toutes les personnes auditionnées, ce dispositif, loin d’être un « gadget », est très apprécié des étudiants – lorsqu’ils peuvent y accéder – car il permet de mieux les éclairer sur la nature de l’exercice en cabinet libéral qu’ils connaissent, de leur propre aveu, très mal puisque l’essentiel de leur formation se déroule en centre hospitalier universitaire.

Les premiers textes réglementaires, datant de 1997 et 2006, ne permettaient pas une mise en place de ce stage dans de bonnes conditions, notamment pour ce qui concernait sa durée et la rémunération des maîtres de stage. Un nouvel arrêté du 18 juin 2009 fixe désormais la durée de ce stage à un minimum de trois mois à mi-temps ou de six semaines à temps plein, se déroulant sur une période maximale de trois mois.

Malgré des insuffisances sur le terrain, on constate un réel effort de mise en place de ce stage : trente-quatre facultés sur trente-six le prévoient actuellement, avec certes des durées inégales et un nombre d’étudiants variable selon les contraintes locales. On peut espérer que la constitution progressive d’une filière de médecine générale, qui n’en est pour l’instant qu’à ses débuts, permettra de développer ce dispositif pour conforter la médecine générale.

b) La régulation de l’internat

● La filiarisation de l’internat par une programmation pluriannuelle

La filiarisation de l’internat qui résulte de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires part du principe que les jeunes médecins, s’ils ont pu suivre une formation en deuxième et troisième cycles dans une même région, tendront à s’y établir par la suite. Le but est donc de les « fidéliser » et de les « ancrer » dans des territoires où l’offre médicale est sous-dense.

Les ministres chargé de l’enseignement supérieur et de la santé doivent désormais déterminer, par arrêté, pour une période de cinq ans, le nombre d’internes à former par spécialité et par subdivision territoriale, compte tenu de la situation de la démographie médicale dans les différentes spécialités concernées et de son évolution au regard des besoins de prise en charge spécialisée.

Il s’agit donc d’aller plus loin qu’une simple répartition du numerus clausus : en s’appliquant aux postes d’internes, cette programmation devrait permettre de constituer de véritables filières de formation dans les centres hospitaliers universitaires des régions sous-dotées et d’y conforter la présence médicale. Elle améliorera en outre la prévisibilité de la répartition des internes entre spécialités et donc la régulation de l’offre médicale à moyen terme. Un arrêté du 12 juillet 2010 de la ministre de la santé et des sports a ainsi, pour la première fois, déterminé le nombre d’internes à former par subdivision et spécialité pour la période 2010-2014.

En outre, les étudiants doivent désormais, lors de la procédure nationale de choix de leur discipline et de leur centre hospitalier universitaire de rattachement, effectuer un pré-choix de leur future spécialité qui peut être modifié avant la validation du quatrième semestre. Cette procédure s’applique pour la première fois à partir de l’année universitaire 2010-2011 ; il conviendra d’en évaluer l’application afin de voir si la proportion de pré-choix confirmés ultérieurement est satisfaisante.

● L’encouragement à la constitution d’une filière de médecine générale

Le nombre d’internes en médecine générale s’est accru de 121 % depuis novembre 2004, date à laquelle les 1 232 premiers internes en médecine générale ont été affectés dans leur subdivision de rattachement, contre 2 721 en novembre 2009. Un effort tout particulier a été porté sur cette discipline puisque les promotions d’internes en relevant ont connu une augmentation de 50 % de leur numerus clausus.

Cette augmentation du nombre de postes en médecine générale s’est accompagnée de la volonté de résorber les écarts constatés entre les régions dotées d’une démographie médicale vigoureuse et celles moins bien pourvues. En ont ainsi bénéficié les régions réputées sous-denses en médecins généralistes libéraux – Picardie, Poitou-Charentes, Antilles-Guyane, Champagne-Ardenne, Franche-Comté et Bourgogne. Ces dernières ont vu leurs flux d’internes tripler, voire quadrupler. À l’inverse, dans les régions à forte densité de médecins généralistes libéraux, l’augmentation du nombre de postes d’internes en médecine générale a été inférieure à la moyenne.

c) Les débuts du contrat d’engagement de service public, instrument d’aménagement du territoire

Le contrat d’engagement de service public, créé par l’article 46 de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, repose sur une approche incitative pour mieux réguler l’offre de soins sur le territoire. Instrument original, il sera mis en œuvre pour la toute première fois à la rentrée universitaire 2010-2011.

Il permet aux étudiants et internes de médecine qui en sont signataires de bénéficier du versement d’une allocation mensuelle, financée par le Fonds d’intervention pour la qualité et la coordination des soins et versée par le Centre national de gestion jusqu’à la fin de leurs études. Cette allocation est d’un montant de 1 200 euros bruts par mois, soit environ 1 106,88 euros net. Elle est offerte aux étudiants depuis la deuxième année jusqu’à l’obtention de leur diplôme d’études spécialisées. En contrepartie, les bénéficiaires s’engagent à exercer leurs fonctions dans des zones caractérisées par une densité médicale insuffisante, notamment dans les zones rurales ou urbaines sensibles. La durée de l’engagement est égale à celle du versement de l’allocation et ne peut être inférieure à deux ans.

Pour la première année de leur mise en œuvre, il a été prévu, par arrêté conjoint des ministres chargés de l’enseignement supérieur, de la santé et du budget, de répartir quatre cents contrats d’engagement de service public par unité de formation et de recherche à raison de deux cents pour les étudiants en médecine et deux cents pour les internes. Entamée dans le courant du mois de septembre, la procédure de sélection des étudiants devrait aboutir à la fin du mois de novembre 2010. Ce n’est donc qu’à cette date que l’on connaîtra le nombre exact des bénéficiaires ainsi que la durée prévisionnelle des engagements, qui dépendra du stade d’avancement dans leur cursus des étudiants et internes sélectionnés.

Les premières allocations devraient être versées pour la rentrée universitaire 2010-2011, à compter du 1er octobre pour les étudiants et du 1er novembre pour les internes, avec une possibilité de paiement rétroactif pour, selon le ministère chargé de la santé et des sports, « laisser une souplesse nécessaire à l’installation du dispositif ». Si l’on comprend l’exigence de souplesse, celle-ci ne devra pas pour autant se traduire par des retards trop fréquents ou trop importants dans les versements, faute de quoi c’est toute l’attractivité du dispositif qui en pâtirait. Cela serait d’autant plus dommage que les personnalités entendues par votre rapporteur pour avis se sont montrées intéressées par cet instrument dont l’avenir peut être prometteur si l’application sur le terrain ne se révèle pas défaillante.

3. Des mesures à l’attention des professionnels mal connues ou qui suscitent une très relative adhésion

a) Des aides foisonnantes mais d’une efficacité toute relative

● Des aides multiples mais mal connues

Les inégalités de répartition des médecins ont conduit les pouvoirs publics, à l’échelle nationale et locale, à mettre en place de multiples aides à la permanence des soins, à l’installation et au maintien des professionnels de santé. Les aides mises en œuvre au niveau national relèvent soit de l’État, soit de l’assurance maladie et prennent essentiellement la forme d’incitations pour favoriser l’installation ou le maintien dans des zones considérées comme prioritaires, urbaines ou rurales. Les mesures financières prises au niveau régional visent plutôt la formation et les conditions d’exercice. Pour rappel, les principales mesures prises au niveau national sont :

– une exonération d’impôt sur le revenu pour les rémunérations perçues au titre de la permanence des soins dans des zones déficitaires en offre de soins à hauteur de soixante jours de permanence par an ;

– une exonération temporaire de cotisation foncière des entreprises pour les médecins et auxiliaires médicaux s’établissant ou se regroupant dans une commune de moins de 2 000 habitants ou une zone de revitalisation rurale ;

– l’exonération d’une partie des cotisations de sécurité sociale à la charge des employeurs pendant douze mois pour l’embauche d’un salarié dans un cabinet installé dans une zone de revitalisation rurale ou urbaine ;

– la majoration de 20 % des honoraires des médecins exerçant en groupe dans les zones déficitaires, en application de l’avenant n° 20 à la convention nationale des médecins généralistes et spécialistes, prorogé, sous conditions, par un arrêté du 3 mai 2010. Ce dispositif a vocation à disparaître lorsqu’entreront en vigueur les schémas régionaux d’organisation des soins.

Les collectivités locales ont, elles aussi, développé de nombreux dispositifs d’aide. Elles peuvent prendre en charge des frais d’investissement ou de fonctionnement, mettre à disposition des locaux ou un logement, verser une prime d’installation ou d’exercice forfaitaire ou participer au financement de structures participant à la permanence des soins. Elles peuvent également accorder des indemnités de logement et de déplacement aux étudiants de troisième cycle de médecine générale lorsqu’ils effectuent leurs stages dans des zones déficitaires en matière d’offre de soins ou encore attribuer une indemnité d’étude et de projet professionnel aux étudiants en médecine qui s’engagent à exercer au moins cinq années dans une zone déficitaire.

De l’avis de l’ensemble des personnes entendues par votre rapporteur pour avis, ces mesures vont dans le bons sens mais sont trop dispersées et ne sont pas bien connues, notamment celles à destination des étudiants en médecine, comme l’a souligné Mme Ingrid Bastide, présidente de l’Association nationale des étudiants en médecine de France. Cette méconnaissance nuit évidemment à leur efficacité.

● Des aides parfois inadaptées

Si les aides mises en place n’ont pas toutes eu l’efficacité souhaitée, c’est qu’elles étaient, pour une partie d’entre elles, parfois inadaptées. Comme l’a souligné M. Michel Chassang, président de la Confédération des syndicats médicaux français, l’option prévue par l’avenant n° 20 à la convention médicale a ainsi connu un succès plus que mitigé alors qu’elle partait d’une bonne idée. Mais dans le souci, certes légitime, d’éviter l’apparition d’effets d’aubaine, la condition de regroupement physique des professionnels de santé dans un même lieu a constitué un frein trop important. Le regroupement est évidemment une idée intéressante : trop de médecins travaillent aujourd’hui de manière isolée et cela n’est pas pour attirer les jeunes générations. Mais pour être efficace, le regroupement n’a pas forcément à être physique : la coopération et le partage d’une patientèle commune et des dossiers médicaux entre deux professionnels de santé exerçant dans des lieux distincts, mais proches, peuvent être tout aussi efficaces que leur exercice sur un même site.

Les aides instituées par les collectivités locales n’ont pour leur part pas toutes été pertinentes. Elles ont pu, pour certaines, se réduire à de simples effets d’aubaine. Elles ont pu aussi se révéler inadaptées. Les personnes entendues par votre rapporteur pour avis ont ainsi toutes insisté sur la nécessité d’élaborer les programmes immobiliers destinés à l’installation de professionnels de santé à partir de véritables projets médicaux et non l’inverse, faute de quoi les structures créées sont promises à peu d’avenir. Ces projets doivent en outre répondre aux besoins en santé de la population. On a ainsi vu des communes décider de créer « leur » maison de santé alors qu’existaient dans des communes limitrophes des structures similaires satisfaisant déjà les besoins en santé du territoire concerné.

Le défi dans toute politique d’aide à l’installation consiste enfin à instituer un système équitable : il faut attirer de jeunes professionnels sans pour autant pénaliser les professionnels installés et inciter autant à l’exercice salarié qu’à l’exercice libéral. Il ne suffit donc pas de concentrer l’effort sur les aides à l’installation des jeunes médecins en maisons de santé pluridisciplinaires : il est tout aussi nécessaire d’encourager la création de cabinets secondaires ou les consultations avancées par les praticiens déjà en exercice. Un équilibre reste à trouver ; il n’est pas évident, votre rapporteur pour avis en convient, et ne peut être atteint que dans la concertation avec les professionnels.

b) L’écueil des mesures coercitives

Certaines des personnes auditionnées par votre rapporteur pour avis ont pu estimer que la régulation de la démographie médicale nécessitait que soient prises des mesures coercitives : institution d’un numerus clausus régional, obligation d’effectuer le post-internat dans la même région que celle choisie pour l’internat, restriction de la liberté d’installation ou encore obligation d’exercer, au cours de la carrière, dans une zone déficitaire en matière d’offre de soins…

Le choix de telles mesures peut être tentant dans l’optique d’une politique volontariste de rééquilibrage de l’offre de soins, mais il serait sans doute maladroit et incompris des professionnels de santé. Les étudiants comme les professionnels en exercice ont d’ailleurs souligné le risque que de telles initiatives donnent lieu à de profondes réticences, voire même à des stratégies de contournement.

L’expérience montre d’ailleurs que les mesures perçues comme étant coercitives ne rencontrent guère d’écho favorable. La création, dans la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, du contrat santé solidarité en est l’illustration : ce contrat devait être proposé aux médecins exerçant dans les zones où l’offre de soins médicaux est particulièrement élevée afin qu’ils s’engagent à répondre aux besoins de santé des populations des zones sous-denses, sous peine d’une contribution forfaitaire annuelle. Ce dispositif a suscité une véritable incompréhension des professionnels médicaux qui l’ont vécu comme une marque de défiance à leur égard. Il a alors été décidé de mettre entre parenthèses sa mise en œuvre, afin de privilégier davantage les mesures incitatives.

Sur ce dernier point, on peut d’ailleurs saluer la proposition de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, émise lors du quatrième congrès national de médecine générale, de mettre en œuvre un contrat entre les agences régionales de santé et les médecins, sur le principe du volontariat, dans le cadre duquel des contreparties seraient proposées aux médecins s’engageant à exercer dans une zone sous-dotée plusieurs demi-journées par semaine. Une telle démarche incitative devrait recueillir l’adhésion des professionnels si elle est mise en place avec discernement sur le terrain.

B. LA NÉCESSITÉ D’ADAPTER PLUS ENCORE LA FORMATION MÉDICALE AUX BESOINS EN SANTÉ DE LA POPULATION

Le Gouvernement a compris tout l’intérêt qu’il y avait à mieux adapter la formation médicale aux besoins en santé afin de rééquilibrer l’offre de soins. Il a, comme on l’a vu plus haut, mis en œuvre des réformes ambitieuses en ce sens. Pour autant, des marges de progression existent afin de consolider ces mesures dans la durée.

1. Favoriser l’immersion en milieu libéral pendant les études

a) Poursuivre l’effort de développement de terrains de stages en médecine générale

De l’avis des étudiants en médecine, leur formation, qui se déroule essentiellement en centre hospitalo-universitaire, souffre de ne pas leur présenter de manière suffisamment détaillée le système de soins en France. Elle ne les prépare pas non plus suffisamment à l’exercice libéral et à la médecine de premier recours, dont on a vu qu’ils étaient de moins en moins plébiscités.

Les efforts consentis, qui sont réels, pour mieux faire connaître le milieu libéral doivent donc être confortés le plus en amont possible dans la formation initiale. On se heurte pour l’instant à une insuffisance patente de stages pour les étudiants en deuxième cycle des études médicales : ils sont loin de tous bénéficier du stage en cabinet libéral qu’ils devraient théoriquement effectuer. Selon les données communiquées par le ministère de la santé et des sports (6), en 2010, on recensait 1 805 maîtres de stage agréés pour les stages de deuxième cycle, le besoin d’agrément étant pour sa part évalué à 1 288 praticiens supplémentaires.

La situation semble moins tendue pour les stages des internes en médecine générale. On comptait en 2009-2010 une moyenne de 2,3 internes par maîtres de stage, ce qui pourrait sembler suffisant mais recouvre en réalité des situations très contrastées, puisque ce chiffre était de 0,8 dans les Pays-de-la-Loire contre 5,9 dans le Limousin. En outre, l’arrêté du 12 juillet 2010 déterminant pour la période 2010-2014 le nombre d’internes en médecine à former par spécialité et par subdivision prévoit un flux annuel de 3 639 à 4 368 postes ouverts en médecine générale. Il est donc indispensable de développer les terrains de stage à destination de ces internes.

Ces insuffisances ont été soulignées de manière récurrente auprès de votre rapporteur pour avis. Les représentants des syndicats de médecins ont pour leur part indiqué que si les maîtres de stage considéraient cette expérience comme très positive, leur démarche relevait quasiment du « militantisme professionnel », selon l’expression utilisée par M. Claude Leicher, président de MG France. Il est évident que la prise en charge d’externes – et dans une moindre mesure d’internes, plus avancés dans leur formation – exige des praticiens qu’ils leur consacrent une part importante de leur temps, celui-ci n’est alors plus consacré exclusivement aux consultations. L’agrément en tant que maître de stage suppose en outre une formation préalable qui, elle aussi, représente autant de temps non consacré aux consultations.

Certes, les maîtres de stage bénéficient d’honoraires pédagogiques – versés prorata temporis en fonction de la quotité d’accueil de l’étudiant – fixés à 600 euros par mois pour un temps plein ou 300 euros pour un mi-temps, ainsi que d’une indemnité pour perte de ressources professionnelles durant la formation, limitée à deux journées de formation par maître de stage, équivalant à quinze fois la valeur de la consultation du généraliste.

De l’avis des professionnels médicaux auditionnés, cette rémunération est insuffisante au regard de la charge que constitue la présence d’un stagiaire et des éventuelles contraintes qu’elle implique – par exemple, l’obtention du consentement de la patientèle à des consultations en présence du stagiaire. Ils ont, unanimement, plaidé en faveur de la création d’un véritable statut des maîtres de stage libéraux. Compte tenu de l’adhésion encore insuffisante des praticiens au dispositif, peut-être faudrait-il envisager une revalorisation des indemnités qui leur sont accordées afin de véritablement développer ce système de stages et promouvoir ainsi l’exercice libéral et la médecine de premier recours. Ces stages peuvent en outre constituer un bon moyen pour des professionnels exerçant en zones sous-denses de trouver de futurs remplaçants.

Il convient également de prendre en compte les contraintes pesant sur les étudiants en médecine : ceux-ci, concentrés dans les grandes villes où sont situés les centres hospitalo-universitaires, peuvent rencontrer des difficultés matérielles pour réaliser leurs stages dans des zones qui en sont relativement éloignées, par exemple en milieu rural. Pour rendre de tels stages attractifs, il semble nécessaire de les rendre accessibles. Prévoir des aides à destination des étudiants, comme la prise en charge des frais de transport ou la mise à disposition d’un logement, pourrait dans certains cas être tout aussi pertinent que financer certaines structures médicales, dans l’optique de l’installation future du stagiaire. Des efforts d’organisation, relativement simples, pourraient par ailleurs permettre le développement de stages éloignés des zones hospitalo-universitaires, telle la concentration des stages sur des journées entières et non des demi-journées, afin de limiter les déplacements et donc les frais des étudiants.

Au-delà, il est évident que la filière universitaire de médecine générale n’en est qu’aux débuts de sa constitution. Toute politique de valorisation de cette dernière doit donc passer prioritairement par un renforcement des effectifs enseignants en médecine générale, rendu d’autant plus nécessaire par le relèvement progressif du numerus clausus en faveur de cette discipline.

b) Envisager des stages dans le secteur privé

Le constat est aujourd’hui partagé : dans la conception que se font les jeunes étudiants de leur futur exercice médical, c’est le modèle hospitalier qui prédomine puisque c’est quasiment le seul avec lequel ils ont été familiarisés au cours de leur formation. Or, tous ne pourront devenir personnels hospitaliers et cela n’est d’ailleurs pas souhaitable. Il convient donc de préparer aussi les étudiants en médecine à un exercice dans le secteur privé qu’ils connaissent pour l’instant extrêmement mal.

Des stages d’internes ou des postes de post-internat dans des établissements de santé privés doivent désormais pouvoir être envisagés, comme l’a suggéré M. Claude Legmann, président du Conseil national de l’ordre des médecins à votre rapporteur pour avis. On connaît les réticences qu’une telle solution peut susciter dans les rangs hospitalo-universitaires. Des arguments ont pu être avancés contre une telle option : le doute à l’égard de la réalité de l’engagement des praticiens du secteur privé à assurer la formation des étudiants, ou encore le fait que les cliniques profiteraient ainsi d’une « manne » d’étudiants et jeunes praticiens dont les stages seraient rémunérés par l’État. À cela plusieurs arguments peuvent être opposés. Tout d’abord, ce système ne semble pas susciter de telles réserves de la part des étudiants. En outre, les praticiens du secteur privé semblent prêts et même désireux de jouer le jeu de la formation, comme l’a confirmé M. Jean-Loup Durousset, président de la Fédération de l’hospitalisation privée. Enfin, l’hôpital public peut parfois avoir du mal à proposer une capacité de formation suffisante pour satisfaire tous les internes.

Évidemment, si un tel système était mis en œuvre, il devrait s’appuyer sur une procédure stricte et rigoureuse d’agrément des services et praticiens formateurs, en concertation avec les doyens d’université. Quant à la crainte que les internes ne soient finalement utilisés que comme des remplaçants « à bon marché », elle a été évacuée par M. Grégory Murcier, président de l’Intersyndicat national des internes hospitaliers, qui a justement fait valoir que les internes veilleraient, dans le choix de leurs stages, à ne pas donner suite à des offres manifestement peu satisfaisantes en matière de formation.

2. Réguler le post-internat et encourager à l’exercice en autonomie

a) Le post-internat, une pratique courante qui met à mal les efforts de régulation

Les étudiants en médecine sont de plus en plus nombreux à vouloir compléter leur cursus, après obtention de leur diplôme d’études spécialisées, par un post-internat qui recouvre des statuts divers : chefs de clinique assistants, assistants hospitaliers universitaires ou encore assistants des hôpitaux. Cette pratique maintenant courante a été soulignée tant par les personnes auditionnées par votre rapporteur pour avis que par des rapports d’étude sur ce sujet (7). Il est désormais recouru massivement à cette formation complémentaire sans qu’elle réponde à un projet d’enseignement et de recherche.

Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène. Le premier d’entre eux, et peut-être le plus étonnant, est que les jeunes diplômés, théoriquement aptes à exercer, ne s’en sentent pas capables, du moins dans un cadre isolé. Ils souhaitent bénéficier de quelques années supplémentaires d’exercice encadré pour se sentir suffisamment en confiance et se lancer dans une pratique professionnelle autonome. Le post-internat vise alors à pallier l’insuffisance des terrains de stage et de formation « en responsabilité » des étudiants. Un autre facteur, non négligeable, consiste en l’exigence de diplômes d’études spécialisées complémentaires pour exercer dans certaines spécialités, notamment chirurgicales, en raison de la sophistication croissante des techniques employées. Enfin, l’accès au secteur 2 est désormais subordonné, en application de la convention nationale des médecins généralistes et des médecins spécialistes, à la réalisation d’un post-internat, ce qui constitue évidemment une forte incitation.

La réalisation quasi systématique d’un post-internat pose problème à plusieurs titres. Tout d’abord, elle met à mal tous les efforts de régulation de l’offre de formation médicale entre régions ou interrégions puisque les mesures prises à l’égard de l’internat pour « ancrer » les étudiants à un territoire (attribution de postes dans les zones sous-dotées notamment) n’existent pas pour le post-internat. Comme la majorité des postes et des capacités de formation sont concentrés dans les grands centres hospitalo-universitaires, c’est évidemment vers eux que se tournent prioritairement les étudiants titulaires de leur diplôme d’études spécialisées pour compléter leur formation. Les zones sous-dotées ne bénéficient pas, en la matière, des mêmes avantages comparatifs.

Le post-internat s’accompagne d’un autre effet pervers, dénoncé par de nombreuses personnes auditionnées par votre rapporteur pour avis : il s’agit de l’hyperspécialisation des praticiens qui en résulte, sans que celle-ci ne réponde à de réels besoins de santé. Certains ont même ironisé en évoquant des spécialistes « de l’oreille droite » ou « de l’oreille gauche »… Le fait est que cette hyperspécialisation est de plus en plus visible ; l’orthopédie en est un exemple frappant, qui distingue spécialistes des membres inférieurs et spécialistes des membres supérieurs, eux-mêmes divisés en de nombreuses sous-catégories. Ce fait a été dénoncé comme nuisant à une bonne organisation de l’offre de soins, d’autant plus que les jeunes praticiens spécialisés semblent parfois peu enclins à sortir de leur champ de compétences très bien défini pour pratiquer des soins que leur qualification leur permettrait pourtant d’assurer selon le principe « qui peut le plus peut le moins ». On aboutit ainsi, par manque de médecins polyvalents, à un déséquilibre de l’offre de soins qui nécessite, sans nul doute, une régulation pour mieux tenir compte des besoins en santé.

b) Instituer un pilotage régional du post-internat

De nombreuses propositions ont été émises auprès de votre rapporteur pour avis pour remédier aux déséquilibres résultant de l’absence de régulation du recours au post-internat. La première d’entre elle, et sans doute la plus radicale, a été ardemment défendue par le professeur Claude Girard, président de la commission médicale d’établissement du centre hospitalier universitaire de Dijon, qui a jugé indispensable de créer un post-internat régional, c’est-à-dire obligatoirement effectué dans la même région que celle dans laquelle s’est déroulé l’internat.

Cette solution est évidemment séduisante : elle permettrait de « fidéliser » les étudiants dans l’optique de leur installation future dans la région, tout en bénéficiant aux centres hospitaliers universitaires qui ont octroyé la formation initiale. Cette mesure de lutte contre la « fuite des cerveaux » se heurterait cependant à des obstacles certains : au-delà de la réticence probable des étudiants qu’elle susciterait, les capacités de formation ne permettraient pas toujours de satisfaire correctement tous les besoins résultant d’une affectation obligatoire des post-internats dans les zones sous-dotées. Un renforcement des effectifs enseignants des régions les moins bien pourvues serait sans doute un préalable indispensable pour envisager de généraliser une telle mesure.

Une autre piste, suggérée par les inspections générales des affaires sociales et de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, consiste à mettre en place, dans chaque région, une cellule regroupant l’agence régionale de santé, les centres hospitaliers, l’Université, le conseil régional et des représentants des internes pour répartir les postes entre spécialités et faire fonctionner une bourse des emplois. Une telle solution, certes moins ambitieuse mais plus souple et incitative que celle précédemment évoquée, pourrait utilement être mise en œuvre pour tâcher de mieux répartir les post-internats, tant sur le plan régional qu’en matière de spécialités, en tenant compte des capacités de formation.

c) Favoriser l’exercice autonome au cours des études

La formation actuelle ne suffit manifestement plus aux jeunes diplômés pour envisager d’exercer de manière pleinement autonome. Il convient aujourd’hui de remédier à ce dysfonctionnement qui a, comme on l’a vu plus haut, des effets pervers non seulement sur la répartition géographique de l’offre de soins mais aussi sur la nature de cette offre, qui ne prend pas en compte les besoins de santé.

Plusieurs solutions sont envisageables. Les inspections générales des affaires sociales et de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche ont ainsi préconisé d’instituer une période de « séniorisation » qui serait réalisée avant l’obtention du diplôme d’études spécialisées. Celui-ci retrouverait ainsi son caractère de titre dont l’obtention conduit naturellement à un exercice autonome. Cette période pourrait alors conduire à un allongement de l’internat, mais ne se traduirait pas forcément par un allongement de la durée moyenne des études médicales car la durée du post-internat pourrait parallèlement être réduite. Cette solution semble de bon sens et pourrait éviter que soient mis à mal les efforts de régulation régionale opérés au niveau de l’internat.

On pourrait également envisager, pour parfaire l’exercice autonome, que soit développé le remplacement des professionnels par des internes titulaires de la licence adéquate, comme l’a suggéré à votre rapporteur pour avis M. Michel Chassang, président de la Confédération des syndicats médicaux français. Le professeur Alain Cariou, responsable des stages et gardes au sein de la commission de pédagogie et de la vie étudiante de la faculté de médecine de Paris Descartes, a souligné lors de son audition que ce système n’était aujourd’hui utilisé que de manière très ponctuelle par les internes et qu’il ne pouvait de ce fait contribuer à la régulation de la démographie médicale. Il s’agit pourtant d’une pratique très intéressante dans la mesure où les internes remplaçants peuvent ainsi mieux appréhender l’exercice en cabinet libéral voire, dans certains cas, se destiner à succéder aux médecins remplacés lors du départ en retraite de ces derniers. Il conviendrait donc de promouvoir ce dispositif qui permet de développer l’exercice autonome au cours des études tout en contribuant à une présence médicale dans les zones sous-dotées.

Une autre voie consisterait enfin à développer le système des assistants partagés entre centres hospitaliers universitaires et centres hospitaliers périphériques, ce qui permettrait d’offrir des débouchés aux jeunes ayant achevé leur internat tout en répondant à la fois aux besoins des centres hospitaliers universitaires et aux déséquilibres infrarégionaux. C’est d’ailleurs la voie qui a été choisie par le décret n° 2009-24 du 8 janvier 2009 relatif notamment au statut des assistants des hôpitaux qui a ouvert la possibilité aux centres hospitaliers universitaires de recruter des assistants spécialistes, faculté jusque-là réservée aux seuls établissements publics de santé non universitaires. Ainsi, par l’expérience d’une activité partagée entre un centre hospitalier employeur et un centre hospitalier universitaire, les jeunes médecins bénéficient d’une première expérience professionnelle et approfondissent leur formation spécialisée sur des fonctions de plein exercice, tout en ancrant leur pratique au sein d’un territoire de santé.

C. LA NÉCESSAIRE PROMOTION DE L’INSTALLATION ET DE CERTAINS MODES D’EXERCICE

Les actions destinées à orienter les étudiants au cours de leur formation initiale vers certains modes d’exercice, spécialités ou régions constituent un préalable des politiques de régulation de la démographie médicale. Au-delà, il convient de les accompagner de mesures favorisant l’installation et les modes d’exercice contribuant à une offre de soins équilibrée. Votre rapporteur pour avis a délibérément écarté les solutions consistant à restreindre la liberté d’installation : c’est par la concertation et l’incitation que doit être recherchée la régulation de l’offre de soins. Celle-ci ne peut et ne doit pas se faire contre les médecins.

1. Créer un guichet unique de l’installation

Les syndicats d’étudiants comme ceux représentant les médecins ont souligné, lors de leur audition, la nécessité de mettre en œuvre un guichet unique d’information sur l’installation qui leur permettrait de prendre connaissance des diverses aides dont ils n’ont écarté ni l’intérêt, ni le bien-fondé mais qu’ils connaissent mal. Ainsi en est-il, par exemple, des aides en nature telles que des facilités de transport permettant de dissocier lieu d’exercice et domicile ou la mise à disposition de locaux par les collectivités locales. Leur impact est certes mal connu mais elles ont semblé être appréciées des professionnels et leur avenir pourrait être prometteur.

On peut espérer, à cet égard, que la mise en place des agences régionales de santé permettra de mieux faire connaître les mesures facilitant l’installation ; l’audition de M. Michel Laforcade, directeur général de l’agence régionale de santé du Limousin, a montré que telle semblait être leur intention, ce dont votre rapporteur pour avis se réjouit. Un effort de communication est en effet aujourd’hui indispensable pour valoriser les initiatives locales.

La demande en conseil logistique est également forte au stade de l’installation, comme l’a souligné M. Grégory Murcier, président de l’Intersyndicat national des internes des hôpitaux, prenant l’exemple de la création des maisons de santé pluridisciplinaires qui peuvent être un lieu d’exercice très attractif mais dont la création semble lourde et complexe. Là encore, les agences régionales de santé semblent devoir être les référents pertinents pour informer et aider les jeunes professionnels souhaitant s’installer.

2. Encourager les formes d’exercice contribuant à une offre de soins équilibrée

Faciliter l’installation constitue, avec l’immersion en milieu professionnel lors de la formation initiale, un préalable pour orienter les jeunes médecins vers des modes d’exercice délaissés, notamment en cabinet libéral. Parallèlement, certaines formes d’exercice contribuent à une répartition équilibrée de l’offre de soins sur le territoire et méritent, à ce titre, d’être encouragées.

a) Développer l’exercice regroupé

L’exercice regroupé semble aujourd’hui recueillir les suffrages des jeunes générations désireuses de s’installer. Ce point a été unanimement souligné par les personnes auditionnées par votre rapporteur pour avis et notamment les représentant des étudiants en médecine. De ce point de vue, le développement de maisons de santé pluridisciplinaires constitue sans doute un des éléments de réponse à la désaffection des jeunes médecins pour la médecine générale et aux problèmes de démographie médicale.

Ces maisons constituent un outil qui permettrait de satisfaire tant les aspirations des jeunes professionnels que les besoins en santé de la population, dès lors qu’elles sont créées avec discernement et répondent à un projet professionnel pertinent. Le lancement, au mois de juillet 2010, d’un plan d’équipement visant la réalisation de deux cent cinquante maisons de santé pluridisciplinaires en milieu rural sur la période 2010-2013, conformément aux annonces du Président de la République lors des assises des territoires ruraux, constitue donc une réelle avancée.

On doit d’ailleurs saluer le réalisme de ce plan qui cible prioritairement les territoires dont la démographie médicale nécessite d’être confortée mais non les zones totalement dépourvues de médecins où les chances de réussite des projets seraient très faibles. Il évite ainsi de reproduire les travers de l’avenant n° 20 à la convention médicale qui devait permettre aux médecins se regroupant physiquement dans des zones sous-dotées de bénéficier d’une majoration de 20 % de leurs honoraires et dont le succès a été plus que mitigé.

Un travail d’évaluation de la médecine de proximité est aujourd’hui mené par Mme Elisabeth Hubert qui semble avoir étudié avec attention le fonctionnement actuel des maisons de santé pluridisciplinaires. Ses conclusions seront rendues sous peu ; elles constitueront sans nul doute un axe de travail précieux pour valoriser ce mode d’exercice.

b) Développer l’exercice sur plusieurs sites

Recourir aux consultations avancées peut constituer une bonne piste pour mieux équilibrer l’offre de soins sur le territoire. Elles permettent en effet à des médecins spécialistes d’offrir leurs services dans des hôpitaux périphériques qui ne disposent pas en leur sein des compétences de ces praticiens. Il s’agit donc d’une démarche de rationalisation de l’offre qui permet de constituer des équipes pluridisciplinaires et de renforcer le temps médical tout en évitant aux patients de multiplier les déplacements et de créer des structures sous-utilisées. Un tel système permet de pallier les insuffisances de l’offre de soins dans certains territoires sans pour autant nécessiter que les professionnels s’y installent de manière permanente à temps plein. Le recours à des cabinets secondaires devrait, de la même manière, être encouragé.

Il convient que de tels dispositifs soient développés sur la base du volontariat pour atteindre leur cible. Des solutions souples et intelligentes doivent en outre être privilégiées : il est évidemment peu pertinent qu’un praticien exerce par demi-journées dans des sites différents et parfois éloignés de son lieu d’exercice professionnel principal, alors que le regroupement de consultations avancées sur quelques journées par mois permettrait de réduire les contraintes en résultant pour les professionnels.

c) Recourir à la coopération entre professionnels de santé

De nombreuses personnes auditionnées, comme le professeur Yvon Berland, président de l’Observatoire national de la démographie des professions de santé ou M. Roger Rua, secrétaire général du Syndicat des médecins libéraux, ont jugé que la coopération entre professionnels de santé – c’est-à-dire la possibilité de transférer certains actes d’une catégorie de professionnels à une autre, dans la limite de leurs compétences – constituait une voie d’avenir pour répondre aux déséquilibres de la démographie médicale.

Cette possibilité, institutionnalisée par la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, présente de multiples avantages. Elle permet de rompre avec l’exercice isolé et le « colloque singulier » entre le praticien et son patient que les jeunes générations semblent peu plébisciter. Elle permet en outre de « tirer vers le haut » les professionnels de santé en revalorisant chaque catégorie : les médecins peuvent se concentrer sur l’acte d’expertise et de diagnostic, les infirmières se voir confier des tâches plus valorisantes et se décharger de certains actes, comme les toilettes des patients, qui sont alors assurés par des aides-soignantes. Elle libère enfin du temps de consultation pour les médecins qui peuvent ainsi mieux répondre aux besoins de santé du bassin de vie dans lequel ils exercent.

De telles démarches, quand elles sont possibles, doivent bien sûr être encouragées. Pour autant, on ne peut ignorer, comme l’a souligné M. Claude Evin, directeur général de l’agence régionale de santé d’Île-de-France, qu’elles trouvent une limite dès lors qu’on élargit la problématique de la démographie médicale à celle des professions de santé. Les zones peu dotées en médecins sont aussi, en général, celles souffrant d’une densité de l’ensemble des professions de santé peu élevée. La coopération constitue donc une démarche vertueuse qui peut, dans certains cas ponctuels, répondre aux insuffisances de la présence médicale mais elle ne permet pas, à elle seule, de résoudre ce problème sur l’ensemble du territoire.

d) Inciter à l’installation en limitant le « remplacement professionnel »

Une démarche plus coercitive pour réguler l’offre de soins consisterait non pas à simplement faciliter l’installation mais à y pousser les jeunes médecins en limitant dans le temps la possibilité d’effectuer des remplacements. Ceux-ci pourraient par exemple se restreindre à une immersion dans le milieu professionnel en début de carrière ou bien à un exercice d’appoint en fin de carrière, ce qui prémunirait contre le risque d’un détournement de cette pratique.

Cette suggestion, émise notamment par M. Claude Legmann, président du Conseil national de l’ordre des médecins, mérite une réflexion approfondie. Elle peut paraître séduisante au premier abord mais ne doit pas se traduire par une raréfaction trop importante du nombre de remplaçants, faute de quoi ce seraient les professionnels en exercice, notamment dans les zones sous-dotées, qui en pâtiraient. Un équilibre doit donc être trouvé : la mise en œuvre d’une telle mesure ne pourrait être décidée que dans la plus grande concertation avec les professionnels médicaux et ne devrait en aucun cas être perçue comme une restriction excessive des conditions d’exercice.

3. Envisager de nouveaux modes de rémunération pour réorienter les modes d’exercice

Le problème majeur aujourd’hui réside dans la faible attractivité de l’exercice libéral de la médecine de premier recours. Ce problème a unanimement été reconnu par les personnes auditionnées par votre rapporteur pour avis et elles ont, dans leur très grande majorité, expliqué ce phénomène par la tarification à l’acte. Il est clair que pour un praticien fraîchement diplômé en médecine générale, la perspective d’une rémunération fluctuante alors que doivent être supportées des charges fixes est moins attractive que celle d’un exercice salarié. En outre, comme l’a souligné M. Claude Leicher, président de MG France, ce mode de rémunération pousse les médecins à multiplier les actes pour assurer leur situation financière et n’incite donc pas aux coopérations entre professionnels de santé. Enfin, ce type de tarification a conduit à dévaloriser l’acte intellectuel au profit de l’acte technique, ce qui se traduit par un faible attrait pour la médecine clinique (médecine générale en particulier) alors que certaines spécialités comme la radiologie sont, au contraire, beaucoup plus rémunératrices.

À l’issue des auditions qu’il a effectuées, votre rapporteur pour avis a le sentiment que l’idée d’un recours à de nouveaux modes de rémunération, de type forfaitaire, semble progresser au sein de la communauté médicale. Cette voie a été ouverte par l’article 44 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008. De nombreux intervenants ont évoqué cette possibilité, notamment pour valoriser et sécuriser le rôle des médecins généralistes exerçant en cabinet libéral. De toute évidence, il s’agit d’un sujet complexe qui suppose de définir clairement les missions assignées au médecin de premier recours, et lourd d’enjeux financiers. Il n’est bien sûr pas envisageable de prendre des décisions en la matière qui ne soient pas consensuelles. En tout état de cause, c’est à la négociation conventionnelle qu’il reviendra d’en déterminer éventuellement les contours.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

EXAMEN DES CRÉDITS

La Commission des affaires sociales examine pour avis, les crédits de la mission « Santé», sur le rapport de M. Rémi Delatte, sur les crédits relatifs à la santé et au système de soins, au cours de sa séance du mercredi 27 octobre 2010.

Un débat suit l’exposé du rapporteur pour avis.

M. Élie Aboud. Je ne parlerai pas des disparités territoriales, évoquées à plusieurs reprises. Simplement, nous paierons un jour notre manque de courage politique.

S’agissant de l’hôpital public et privé, j’avais évoqué un problème de démographie médicale qualitative et fait un rapport à Mme la ministre sur le nouveau statut de clinicien hospitalier, dont on attend toujours les décrets d’application. Je regrette que les agences régionales de santé n’aient pas pris la mesure des enjeux car, il y a dix ans, un jeune interne ou un jeune chef de clinique payait des droits d’installation. Les chasseurs de tête qui viennent les démarcher, et leur versent aujourd’hui de l’argent, seront au chômage dans dix ans…

Plusieurs d’entre nous ont été à l’origine d’un amendement sur la télémédecine, désormais inscrite dans la loi dite « HPST ». Or aujourd’hui, cet amendement est réduit à un enjeu entre internautes, alors que les agences régionales de santé devraient prendre conscience que cette loi peut favoriser des échanges entre centres hospitaliers périphériques et centres académiques, entre système privé et système public, ainsi que des consultations pour des pathologies chroniques connues.

Mme Marisol Touraine. Je remercie le rapporteur pour la qualité de son travail et pour sa volonté de mettre à plat l’ensemble des difficultés relatives à l’accès aux soins.

Pour autant, nous avons le sentiment d’une politique très timide en matière de démographie médicale et de répartition des professionnels de santé sur le territoire. Les choses n’ont pas évolué, le peu de réponses que contenait la loi dite « HPST » ayant été vidées de leur substance à la suite de la décision de la ministre de ne pas publier certains décrets. Autant les agences régionales de santé ont le sentiment de disposer des leviers pour travailler à la politique hospitalière, au regroupement des hôpitaux ou au développement de structures hospitalières, et d’apporter une valeur ajoutée en matière d’action médico-sociale, autant elles se sentent très démunies face au refus de certains professionnels d’envisager des modes d’organisation différents et de s’orienter vers la permanence des soins. Ainsi, la question de l’engagement par la loi va à nouveau être posée.

Aucun médecin n’ira s’installer en zone rurale ou en zone urbaine sensible s’il n’a pas eu l’occasion de faire au cours de ses études un stage dans de telles circonstances. Mais il ne faut pas en attendre de miracle. De la même manière, ce n’est pas parce que le numerus clausus aura évolué que les étudiants en médecine ne préféreront pas s’installer dans le centre de la ville principale d’une région, plutôt qu’à cinquante kilomètres en zone rurale. Dans ma propre région, les étudiants en médecine qui sortent du CHU sont peu nombreux à choisir la spécialité de généraliste et préfèrent s’installer dans le centre ville de Tours.

Par conséquent, il est temps de réfléchir de façon beaucoup plus déterminée à de nouvelles pratiques médicales, à travers l’exercice regroupé et la transformation des modes de rémunération des professionnels de santé, mais aussi à l’installation des professionnels dans certains secteurs. À cet égard, monsieur le rapporteur, je pense que la loi aura son mot à dire.

La question de l’accès aux soins dans notre pays ne se limite pas aux personnes les plus modestes ou aux ménages les plus en difficulté, elle concerne également les classes moyennes, à travers les dépassements d’honoraires. Les affirmations laissant entrevoir un changement de politique s’agissant des étrangers qui peuvent bénéficier de l’aide médicale d’État dans notre pays sont préoccupantes et certaines présentations de parcours de fraude très désagréables. D’après les données du ministère, l’AME représente en moyenne 1 808 euros par personne, soit guère plus que les 1 768 euros de dépenses pour un assuré du régime général. Par ailleurs, ses bénéficiaires recourent principalement à des soins hospitaliers et aux soins de ville dans des proportions beaucoup moins importantes que le reste de la population. En outre, l’augmentation du nombre de bénéficiaires s’explique par le fait qu’un certain nombre de ressortissants étrangers européens, comme les Bulgares et les Roumains, bénéficient de ce dispositif au même titre que les étrangers non européens.

Nous sommes donc résolument opposés à l’instauration d’un ticket modérateur de 30 euros pour l’accès à l’aide médicale d’État, dont le bénéfice est subordonné, je le rappelle, à un revenu inférieur à 634 euros par mois. Nous sommes également défavorables à une entrée dans le dispositif pour trois mois renouvelables. Il est étonnant que ceux qui n’ont de cesse de dénoncer la bureaucratie excessive de nos dispositifs veuillent instituer un véritable parcours du combattant, qui aboutira non seulement à la sortie du système de soins de certains des habitants de notre pays – mais c’est peut-être l’objectif recherché par certains d’entre vous… –, mais aussi au développement de pathologies, qui devront évidemment faire l’objet de traitements beaucoup plus coûteux.

L’exposé des motifs de l’amendement de Dominique Tian dépassant l’entendement, nous voterons contre tout ce qui aboutira à restreindre l’accès aux soins d’une partie de la population, en nous appuyant sur les éléments figurant dans le rapport de la mission ministérielle « Santé » qui nous a été remis.

M. Jean-Luc Préel. Je vous félicite, monsieur le rapporteur, pour votre excellent rapport, mais aussi pour son choix d’un thème très intéressant qui lui a permis de nous exposer des ouvertures en termes de stages et de modes de rémunération.

Que pensez-vous de la première année de licence santé, récemment mise en place, du problème des places dans les amphithéâtres et du télé-enseignement ? Une meilleure orientation des étudiants au début des études n’est-elle pas nécessaire ?

Qu’en est-il de la mise en œuvre du numerus clausus régional par spécialité, prévu dans la loi dite « HPST »? S’appuiera-t-il sur les études de l’Observatoire de la démographie des professions de santé ou des observatoires régionaux de santé, dans la mesure où il est nécessaire de connaître le nombre de professionnels de santé dont nous aurons besoin dans les dix prochaines années ?

Le stage de chaque étudiant auprès d’un médecin généraliste, qui a pris un grand retard, devrait être obligatoire à la fois en médecine rurale et en médecine urbaine, ce qui pose le problème de la motivation des maîtres de stage.

S’agissant de la mise en place de la filière généraliste, où en sont les nominations des chefs de clinique et des professeurs ?

Enfin, où en est-on du développement professionnel continu, qui devrait être obligatoire, financé et évalué ?

Mme Jacqueline Fraysse. Ce rapport est intéressant dans la mesure où il nous invite à réfléchir à un vrai problème, qui a fait couler beaucoup d’encre mais n’a pas été résolu.

Le nombre total de médecins est aussi un problème, monsieur le rapporteur, car la médecine a beaucoup progressé et il est nécessaire d’avoir à la fois des médecins très formés dans des spécialités pointues et des médecins qui peuvent travailler dans tous les domaines, avec des coopérations entre les deux. De ce point de vue, je pense que le numerus clausus a fait l’objet d’une très mauvaise évaluation ; s’il est certes augmenté aujourd’hui, le rythme n’est pas suffisant.

Je rejoins les préoccupations exprimées par Jean-Luc Préel : il faut accroître l’attrait pour la médecine générale. Or, la nomination des professeurs de la filière de l’enseignement de la médecine générale accuse un retard énorme, alors que cette spécialité nécessite une formation très poussée. Le Gouvernement doit consentir un effort prioritaire pour nommer des enseignants et développer les stages sur le terrain.

Je suis plus prudente sur la formation des internes dans le privé, ce secteur ayant plutôt une priorité lucrative que d’encadrement et de formation des médecins. En outre, former des médecins dans le secteur public lui permet de recruter davantage.

Il est vrai que les médecins souhaitent un exercice regroupé, pourquoi pas sur plusieurs sites ?

En outre, la modification du mode de rémunération est essentielle, d’une part pour éviter les effets pervers du paiement à l’acte – la multiplication des actes –, d’autre part pour prendre en compte la santé publique, la prévention et la continuité des soins, activités qui ne doivent pas être rémunérées à l’acte, mais dans un cadre contractualisé.

Afin de lutter contre la désertification, il convient de veiller au maillage hospitalier. En effet, la fermeture des structures hospitalières accentue la désertification, les médecins refusant de s’installer dans des zones dépourvues de structures pouvant accueillir leurs patients en vue d’examens plus pointus. Cette question renvoie à l’aménagement du territoire.

Je reviendrai ultérieurement sur l’amendement de Dominique Tian, que je trouve choquant.

M. Patrick Lebreton. Mon attention s’est davantage portée sur la deuxième partie du rapport, qui concerne à la fois la démographie médicale et l’offre de soins équilibrée, notamment la nécessité d’adapter la formation médicale aux besoins de santé de la population.

La population de la Réunion et de Mayotte permet aujourd’hui l’implantation à la Réunion d’un CHU, qui pourrait être une plateforme de la médecine française, dans une région où la France a historiquement et stratégiquement des intérêts, mais aussi un laboratoire intéressant, aux portes de l’Afrique, pour les maladies tropicales. Mme Bachelot a fait à ce propos une annonce à la Réunion il y a presque deux ans, mais cette création se fait attendre.

Monsieur le rapporteur, une telle implantation ne rejoindrait-elle pas vos recommandations, notamment celle d’une plus grande efficience de notre système de santé et d’offres de soins ?

Mme Catherine Lemorton. La « coopération entre professionnels de santé » est l’expression soft inscrite dans la loi dite « HPST », mais l’excellent rapport de juillet 2010 de notre collègue Jacques Domergue sur la formation des auxiliaires médicaux montre que les professions sont très cloisonnées.

Je regrette que notre rapporteur n’évoque que la seule coopération entre médecins et infirmières, d’autres professions étant prêtes à travailler ensemble. La coopération est-elle le transfert de compétence ou la délégation de tâches ? Il faudra s’entendre sur les termes pour ne froisser aucune profession, d’autant que cette coopération n’est pas aisée.

La subordination de la prise en charge des médicaments pour les bénéficiaires de l’aide médicale d’État à l’acceptation des médicaments génériques est une mesure très discriminatoire. Si elles n’acceptent pas les génériques, les personnes en situation régulière sont obligées d’avancer le prix des médicaments. Les personnes en situation irrégulière, elles, subiront une double peine car outre qu’elles n’ont pas les moyens d’avancer l’argent, elles risquent de ne pas comprendre les explications du pharmacien et de ne pas prendre les médicaments, voire d’opérer une confusion et de subir un accident iatrogénique.

Mme Valérie Boyer et M. Dominique Tian. Soyez sérieuse !

Mme Catherine Lemorton. J’ai été pharmacienne, moi je sais de quoi je parle !

Quant à l’amendement de Dominique Tian, je n’en parlerai pas, ce serait lui faire trop d’honneur !

M. Michel Heinrich. S’agissant de la démographie en médecine générale, les aides foisonnantes ne sont pas très efficaces, monsieur le rapporteur. Tant que des mesures plus coercitives ne seront pas prises, on aura du mal à progresser, d’autant que le problème n’est pas celui des ressources, les médecins exerçant dans des zones peu denses étant plutôt débordés de travail.

Il me semble que la loi dite « HPST » a prévu l’installation dans des zones peu denses d’étudiants en médecine à qui ont été attribuées des bourses. Ce dispositif a-t-il été mis en place et combien d’étudiants ont souscrit à cet engagement ?

M. Michel Issindou. Je remercie le rapporteur pour son excellent travail. Peut-il nous indiquer le pourcentage d’augmentation des crédits destinés aux agences régionales de santé ?

La formation des étudiants est une très bonne chose. D’autres thèmes appellent de notre part une grande vigilance : l’AME, bien sûr, mesure humanitaire et médicale importante, mais aussi les crédits relatifs à l’amiante, pour lesquels les choses semblent traîner.

La permanence des soins sur le territoire reste un enjeu majeur. Nous en avons beaucoup débattu lors de l’examen de la loi dite « HPST », mais force est de constater que la bonne solution n’a pas été trouvée. La médecine générale connaît un vrai problème d’implantation dans tous les milieux, car elle est contraignante et mal payée à l’acte. La commune dont je suis maire, à cinq kilomètres du centre de Grenoble, est passée de dix médecins il y a cinq ans à sept aujourd’hui et personne ne vient s’y installer. D’autres mesures incitatives semblant difficiles à trouver, ne faudra-t-il pas en arriver à contraindre des médecins libéraux à venir s’installer dans certaines zones pour assurer la permanence des soins ?

M. Jean-Pierre Door. Monsieur le rapporteur, merci pour votre rapport très intéressant.

Dans votre panel de propositions destinées à résoudre les problèmes de la démographie médicale, particulièrement dramatique en Picardie et en région Centre, je retiens surtout le guichet unique. En effet, si un grand nombre d’aides départementales et régionales existent, nous n’en disposons pas d’une évaluation exacte, d’autant que j’ai constaté le peu de résultats sur le terrain.

Vous l’avez dit, beaucoup d’étudiants sortant de la faculté deviennent des remplaçants professionnels. Je suis persuadé qu’il faut limiter la durée de remplacement de ces médecins.

Destiné aux jeunes, le contrat d’engagement de service public avec allocation mensuelle est très intéressant. Les agences régionales de santé devront le valoriser et mettre en avant cette allocation.

En matière de rémunérations, les généralistes seront considérés comme des spécialistes au 1er janvier, date à laquelle le C vaudra le CS, conformément au choix du Président de la République. En outre, les conventions devront s’intéresser aux demandes de rémunérations au forfait formulées par les représentants des professionnels de santé dans le domaine des affections de longue durée (ALD) et des maladies chroniques.

Enfin, les deux ministres concernés devront nous répondre sur l’insuffisance de maîtres de conférence et de personnels enseignants dans la filière de médecine générale, sachant que le Parlement a voté à l’unanimité en 2008 la loi relative aux personnels enseignants de médecine générale.

M. Guy Lefrand. Monsieur le rapporteur, quelle est l’efficacité des moyens engagés par l’Agence des systèmes d’information partagés de santé (ASIP) ?

Les crédits affectés par l’État pour l’amiante sont stables, à 50 millions d’euros, et ceux de la branche accidents du travail – maladies professionnelles progressent, mais seront-ils suffisants pour assurer le financement de l’augmentation du nombre de dossiers attendus par le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante ?

L’institution d’une participation financière sera-t-elle de nature à juguler la fraude en matière d’AME ?

S’agissant de la démographie médicale, reste la question du statut libéral et de la rémunération du médecin généraliste. Le problème n’étant pas réglé en dépit d’un grand nombre d’outils prévus tant par la loi dite « HPST » que par différentes lois de financement de la sécurité sociale, il faudra s’interroger sur l’opportunité de modes d’exercice alternatifs et multiples. Nous nous réjouissons de la publication des décrets relatifs à la télémédecine et nous espérons que l’assurance maladie jouera le jeu.

Enfin, certains se sont inquiétés du financement par l’argent public de la formation des médecins et des maisons pluridisciplinaires. Est-il licite que l’argent public finance un mode d’exercice privé ? Dans quelle mesure ces financements de maisons de santé pluridisciplinaires pourraient-ils être assortis d’un travail de prévention, voire d’éducation thérapeutique ?

M. Claude Leteurtre. En matière de formation médicale continue, ne sont pas proposés des stages pour les assistants spécialistes régionaux dans le cadre du post-internat, alors qu’ils sont la solution pour résoudre le problème des spécialités dans les régions les plus défavorisées, sachant que beaucoup de difficultés se posent pour obtenir des financements, toujours dérogatoires, qui doivent être demandés aux conseils régionaux. La ministre devrait nous apporter une réponse sur ce sujet.

En Basse-Normandie, des pôles de santé libéraux et ambulatoires ont été installés. Or, ils sont éligibles à la TVA à 19,6 %, ce qui pose de vraies difficultés aux médecins. Le ministère devrait trouver un accord avec Bercy pour éviter un effet dissuasif.

Enfin, je remercie le rapporteur d’avoir eu l’honnêteté d’aborder le problème des installations médicales, car il est clair qu’il ne sera pas résolu sans l’instauration d’obligations.

M. Michel Liebgott. Monsieur le rapporteur, la régulation de la démographie médicale, largement abordée dans votre rapport, ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt, l’égalité d’accès aux soins étant un problème tout aussi important. En effet, à la suite de mesures successives, 36 % de personnes dont les ressources sont très faibles ne se soignent pas ou retardent leur prise en charge.

Si la consultation d’un généraliste est relativement facile, de même que celle d’un spécialiste hors convention à Paris, dans certaines régions il faut attendre plusieurs mois pour obtenir un rendez-vous auprès d’un spécialiste. Il s’agit bien d’un problème d’accès aux soins du fait du coût de la consultation médicale, notamment lorsque les médecins ne sont pas conventionnés. Un certain nombre de Français vont d’ailleurs se faire soigner au Luxembourg, qui offre un accès à certaines spécialités.

Enfin, même stabilisés, les crédits pour les victimes de l’amiante seront certainement insuffisants. Le débat n’est pas clos car, au-delà de la responsabilité de la collectivité publique, celle des entreprises devrait faire l’objet d’un procès pénal : il faut bien que ceux qui ont commis les fautes paient.

M. Paul Jeanneteau. Depuis plusieurs années, le gouvernement consent des efforts importants pour l’aide à la complémentaire santé (ACS). Dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, le plafond de ressources pour en bénéficier sera augmenté et le budget pour 2011 porte à 63 millions d’euros l’effort en la matière. Or, seules 500 000 personnes en bénéficient dans notre pays, alors qu’elles pourraient être de 2,4 millions, nombreuses étant ceux qui ignorent l’existence de cette aide. Monsieur le rapporteur, est-il possible d’améliorer l’information sur ce dispositif particulièrement utile à nos concitoyens dont les revenus sont modestes ?

Aujourd’hui, des médecins généralistes installés ne trouvent pas de successeurs et sont remplacés pendant quelques semaines par de jeunes médecins généralistes qui profitent de leurs équipements. L’âge moyen d’installation des médecins généralistes étant de 39 ans en France, la limitation du nombre d’années de remplacement est une mesure de bon sens et devrait être examinée, comme vous le proposez, avec le Conseil de l’Ordre et les syndicats de médecins, afin de permettre le renouvellement des générations.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Monsieur le rapporteur, nous nous réjouissons de retrouver dans votre rapport un certain nombre des propositions que nous avions antérieurement formulées.

Nous sommes favorables l’idée d’adapter la formation médicale aux besoins des territoires. S’agissant de la disponibilité des médecins, vous proposez des honoraires pédagogiques. Mais, au-delà de l’aspect financier, ne faudrait-il pas réfléchir à des modalités d’organisation, en particulier le regroupement des médecins, ce que demandent d’ailleurs les jeunes qui se sentent isolés ? Comment l’agence régionale de santé peut-elle favoriser un exercice regroupé ?

Sur la tarification, la proposition en faveur du forfait constitue une avancée, encore faudra-t-il veiller à ce qu’il englobera. Nous savons que la rémunération à l’acte n’incite pas à la coopération.

Comme l’a dit Michel Liebgott, au-delà de ces questions importantes, celle de l’accès aux soins pour nos concitoyens doit être posée.

Mme Michèle Delaunay. « Dans le privé, plus j’en fais, plus ça me rapporte ; dans le public, moins j’en fais, mieux je me porte ! » Telle est la boutade d’un de mes collègues hospitalo-universitaire qui regrette la coexistence des deux systèmes.

Certes, il faut favoriser la possibilité pour les praticiens de ville de passer du temps à des actions d’explication, de prévention, d’accompagnement du patient, mais la coexistence des deux systèmes risque d’entraîner, à terme, l’assèchement complet du système public hospitalier, comme l’ont montré nos auditions, notamment à propos des radiologues de ville, et le rapport de la Cour des comptes.

M. Fernand Siré. En tant que médecin, j’estime que ce rapport n’analyse pas les causes d’une situation critique due à des mauvais choix.

Il y a trente-cinq ans, fut conclue la première convention médicale pour moderniser la médecine. Mais quinze ans plus tard, certains intellectuels ont préconisé la diminution des soins, donc de l’offre de soins. C’est ainsi que des médecins sont partis en retraite anticipée, et qu’un numerus clausus drastique a été instauré pour diminuer les dépenses. Autre erreur : la création d’un système hospitalier cloisonné – alors que les meilleurs libéraux allaient à l’hôpital pour l’enrichir et, inversement, d’un système libéral cloisonné avec le développement de cliniques commerciales qui n’ont pris que le rentable dans le libéral et se sont déchargées du reste sur l’hôpital.

Autrefois, les médecins libéraux de qualité avaient besoin de l’hôpital, où ils travaillaient à mi-temps. Aujourd’hui, après avoir été formés à l’hôpital à l’aide de technologies très avancées, les jeunes se retrouvent dehors à exercer la médecine comme le faisaient nos grands-pères il y a trente ans, sans les moyens modernes de diagnostic. En outre, l’hyperspécialisation est prévue dans l’intérêt, non pas de la médecine, mais de grands pontes qui ont développé des spécialités pour créer des services.

M. Christian Hutin. Très bien !

M. Maxime Gremetz. Quelle lucidité !

M. Fernand Siré. Ainsi, une personne âgée victime d’une chute est transportée en chirurgie pour quelques points de suture, ce que faisaient auparavant les internes et les infirmières.

Bref, il faudrait presque une révolution, comme l’a été la convention médicale, pour instaurer un nouveau système médical. Je remercie le rapporteur pour les propositions que contient son rapport objectif, mais elles ne sont que temporaires et ne permettront pas d’envisager un avenir plus moderne au regard de l’évolution des technologies.

M. Vincent Descoeur. Ce rapport est très intéressant, en particulier dans son approche de la démographie médicale et de la nécessaire régulation qui sous-tend l’offre de soins, laquelle renvoie à l’aménagement du territoire. Dans certains territoires, en effet, l’accès aux soins devient problématique pour les résidents ; dans d’autres, elle interdit tout projet de reconquête démographique. S’agissant des disparités territoriales tant en ce qui concerne les généralistes que les spécialistes, je souhaiterais que nous disposions d’une cartographie précise, sachant que les territoires ruraux ne sont pas les seuls concernés.

Quid par ailleurs du contrat d’engagement de service public ? Le nombre d’étudiants susceptibles d’en bénéficier a-t-il été arrêté et les régions qui pourraient les accueillir ont-elles été identifiées ?

En outre, une évaluation me semble nécessaire afin de mesurer la pertinence des mesures prises.

Enfin, lors du débat sur la loi dite « HPST », nous avions pointé du doigt le foisonnement des aides des collectivités, telles que les bourses. Or, ces aides sont jugées inefficaces, voire contre-productives. Est-il prévu d’y mettre un terme, dès lors qu’un dispositif national existerait ?

M. Guy Malherbe. Monsieur le rapporteur, votre rapport évoque la coopération entre professionnels de santé, essentiellement entre médecins et infirmiers, mais les pharmaciens peuvent également intervenir efficacement. Dans la loi dite « HPST », des dispositifs avaient été prévus concernant les soins de premier recours et l’éducation thérapeutique. Les décrets d’application seront-ils publiés rapidement pour permettre cette coopération ?

Mme Catherine Génisson. À mon tour, je remercie le rapporteur pour ses propositions intéressantes et courageuses.

Sur la démographie médicale, je m’insurge contre la mise en avant de la féminisation à propos de la désertification, et je préfère parler d’évolution sociétale.

Parmi les solutions avancées, l’enseignement initial me semble primordial. Il faut imposer l’enseignement de la médecine générale avec des professeurs titulaires de chaire universitaire.

Il faut également être très attentifs aux conditions du tutorat, car l’accueil des étudiants par des médecins généralistes représente pour ces derniers un coût en temps et un investissement.

Il est également nécessaire de voir avec l’ensemble des professions paramédicales comment coordonner et définir le niveau d’intervention des soins.

La télémédecine est également un sujet primordial. Aujourd’hui, le médecin veut être accompagné lorsqu’il se retrouve seul à la campagne après avoir exercé dans un centre hospitalo-universitaire.

La limitation de la durée des remplacements va dans le bon sens.

La diversification des modes de rémunération est indispensable, car on ne parle plus uniquement d’acte mais de conduite thérapeutique.

J’exprime en revanche des craintes quant à la formation des internes dans le privé. Dans le public, cette formation est une source de production, de travail, mais aussi un vivier : il faut faire attention à ne pas rendre l’hôpital public encore plus pauvre en ressources humaines.

S’agissant de l’accueil des professionnels de santé dans les déserts médicaux, l’environnement hospitalier et plus généralement les services publics existants ont une grande importance.

Enfin, prendre la responsabilité d’écrire un amendement sur l’AME assorti d’un tel exposé des motifs impose d’en assumer les conséquences. Nous y reviendrons.

M. Jean-Claude Leroy. L’attachement des jeunes praticiens à la médecine de groupe a été rappelé. La plupart des maisons de santé disciplinaires seront implantées dans les territoires ruraux, mais peu d’entre eux pourront assumer un coût d’investissement de l’ordre de 4 à 5 millions d’euros.

M. le président Pierre Méhaignerie. Ce peut être moins.

M. Jean-Claude Leroy. Je connais une maison dont le coût est de cet ordre. Sans aide importante de l’État, ces maisons de santé risquent de ne jamais voir le jour.

En outre, elles doivent être adossées à l’hôpital public, notamment pour les consultations spécialisées.

Enfin, j’ai le sentiment que ces maisons de santé sont l’opération de la dernière chance. Je rejoins Michel Issindou : si cette expérience échoue, il faudra sans doute recourir à des mesures plus coercitives.

M. le président Pierre Méhaignerie. Cette solution peut échouer si les collectivités investissent avant d’avoir obtenu l’accord des professions médicales et paramédicales. Ce chiffre de 4 à 5 millions d’euros doit concerner un ensemble d’au moins 200 000 habitants !

M. Jean-Claude Leroy. Absolument pas. Ces établissements prennent également en charge l’aspect prévention et associent des services du conseil général dans la dimension sociale. En effet, pour la réussite de l’expérience, il faut un projet étoffé.

M. Jean Leonetti. Ce rapport illustre parfaitement la mutation profonde de l’exercice médical. Il expose également les voies à privilégier pour créer les conditions d’une médecine moderne, capable de répondre aux besoins de la population, grâce à une offre de soins équilibrée et une formation beaucoup plus proche de la réalité que la formation purement universitaire. La médecine générale étant aujourd’hui le parent pauvre de notre système de soins, l’ensemble des mesures proposées me semble efficace, moderne et pragmatique.

J’en viens à l’amendement sur l’aide médicale d’État. Si mon collègue et ami Dominique Tian traite un problème que nous ne pouvons ignorer, un certain nombre de maladresses ou d’idées pouvant prêter à caution n’entraînent pas mon adhésion. Je suis conscient de l’augmentation du coût de l’AME, y compris de la fraude qui pénalise les personnes les plus fragiles, notamment celles qui vivent dans les zones les plus difficiles, et de la nécessité de trouver un cadre légal à cette aide. Pour autant, si l’on peut avoir le sentiment que les bénéficiaires de l’AME ont plus de droits que les nationaux, je ne crois pas que beaucoup d’étrangers en situation irrégulière ont recours aux cures thermales, à la chirurgie esthétique ou à la procréation médicalement assistée…

Dans un souci d’apaisement, je suggère que l’on évite que nationaux et étrangers soient sur un pied d’égalité ; que les soins relevant de l’AME ne se limitent pas aux urgences ; que le préfet ne se substitue pas à la caisse primaire en matière de contrôles ; que l’on encourage la lutte contre les fraudes ; qu’on limite le panier de soins au strict nécessaire ; que l’on étende le bénéfice de l’AME aux seuls collatéraux et descendants des bénéficiaires.

Vous l’aurez compris : je n’approuve pas l’amendement de Dominique Tian. Pour autant, il soulève de vrais problèmes auxquels nous devrons apporter des réponses pragmatiques, car nous vivons dans une République solidaire, y compris avec nos ressortissants étrangers, mais une République qui exclut tout laxisme ou le sentiment qu’il y aurait deux poids, deux mesures et où des étrangers en situation irrégulière bénéficieraient en matière de santé d’une situation plus favorable que celle des ressortissants nationaux.

M. Rémi Delatte, rapporteur pour avis pour la santé et le système de soins. J’observe que d’une manière générale, l’état d’esprit est plutôt favorable à l’égard des mesures qui pourraient être prises pour moderniser – terme utilisé par de nombreux intervenants – l’exercice de la médecine et, au-delà, l’offre de soins. Je pense en particulier aux propositions émises en matière de télémédecine, qui vont dans le bon sens.

Marisol Touraine a jugé que la loi dite « HPST » avait été « désubstantialisée ». Je ne la rejoins pas dans cette analyse. La mise en place des agences régionales de santé est en cours. Sachons attendre qu’elles atteignent leur « vitesse de croisière ». Je crois que nous sommes tous d’accord pour estimer qu’elles permettront une rationalisation des moyens, que ce soit en matière d’offre de soins ou de formation.

Je signalerai à Jean-Luc Préel qu’un arrêté a été récemment publié pour définir, pour les cinq ans à venir, le nombre de postes d’internes à former par spécialité et par interrégion. Une démarche de programmation et un effort de meilleure répartition géographique sont donc engagés.

Le problème de l’insuffisance du nombre de maîtres de stages a été évoqué par de nombreux intervenants. Il est réel et il me semble nécessaire, pour le résoudre, de revaloriser les honoraires pédagogiques versés aux praticiens pour conforter le concours que ceux-ci apportent aux stagiaires.

S’agissant du développement professionnel continu, le dispositif en est à ses tous débuts. Je pense que nous devons accepter d’attendre un peu pour évaluer sa mise en œuvre. Il en est de même pour la filière de médecine générale, qui a été fréquemment évoquée : elle en est aujourd’hui à l’étape de sa constitution. Comme l’a fort justement relevé Catherine Génisson, sa mise en œuvre se révèle parfois délicate en raison de certaines rigidités au sein des universités ; les mentalités pourront sans doute évoluer avec le temps.

Jacqueline Fraysse a manifesté son désaccord en estimant que le nombre total de médecins était insuffisant. Je ne partage pas son point de vue ; il n’a d’ailleurs pas été soutenu par les personnalités que j’ai eu l’occasion d’auditionner. Je la rejoins en revanche concernant son analyse du numerus clausus, dont les modifications, par un effet d’inertie, ne produisent des effets qu’à long terme. C’est aujourd’hui que nous ressentons les effets de sa réduction drastique au cours des années 1980. Je pense que c’est un instrument à manier avec précaution, d’autant plus que ses effets sont loin d’être immédiats. S’agissant du maillage hospitalier, madame Fraysse, j’estime qu’il faut effectivement développer les consultations avancées. Je pense que les cabinets secondaires sont par ailleurs une solution intéressante.

Patrick Lebreton a posé une question très intéressante qui méritera d’être posée à la ministre lors de la séance publique.

Michel Heinrich a abordé la question des mesures coercitives susceptibles d’être prises pour mieux répartir l’offre de soins sur le territoire. Je comprends que de telles mesures puissent être envisagées, mais elles ne me semblent pas forcément opérationnelles en raison des stratégies de contournement auxquelles elles pourraient donner lieu. De toute évidence, les médecins sont désireux d’adhérer aux dispositifs qui pourraient être institués et soucieux d’en évaluer le bien-fondé.

Michel Issindou et Guy Lefrand se sont inquiétés du caractère suffisant ou non des dotations octroyées au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA). Je rappelle que 50 millions d’euros y sont affectés dans le projet de loi de finances et que 340 millions d’euros sont en outre inscrits en projet de loi de financement de la sécurité sociale. D’après les informations dont je dispose, ces dotations devraient être suffisantes.

Jean-Pierre Door a insisté sur la nécessité d’instituer un guichet unique de l’installation. Je suis en total accord avec cette proposition, qui figure d’ailleurs dans mon rapport. Je le rejoins également sur la nécessité de conforter la filière universitaire de médecine générale.

S’agissant de l’Agence nationale des systèmes d’information partagés de santé, ce groupement d’intérêt public résulte de la fusion des deux groupements « Dossier médical personnel » et « Carte de professionnel de santé ». Pour ses débuts, l’agence est dotée de plus de 650 000 euros. Je pense que nous sommes tous impatients de pouvoir en évaluer l’action ainsi que la suite donnée à l’appel à projet.

S’agissant des fraudes, sujet que nous aborderons sans doute plus en détail en examinant l’amendement de Dominique Tian, je pense qu’il nous faut relativiser certaines appréciations : le taux de fraude en matière d’aide médicale de l’État est de 2 %. Il convient donc de rester mesuré.

Claude Leteurtre m’a interrogé sur les pôles de santé libéraux ambulatoires. Sa question concernant le caractère non récupérable de la TVA est très intéressante et il nous faudra interroger la ministre à ce sujet en séance publique.

Je suis tout à fait d’accord avec Paul Jeanneteau concernant son constat de manque d’information en matière d’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé. Je pense que cette question devra, elle aussi, être évoquée lors de la séance publique.

Madame Carrillon-Couvreur, nous sommes d’accord : comme je l’ai souligné plus tôt, il faudra revaloriser les honoraires pédagogiques des maîtres de stages si l’on veut développer les terrains de stages. Je vous rejoins également sur votre analyse du rôle des agences régionales de santé, qui devront être un acteur important de la coordination et de la rationalisation de l’offre de soins.

Michèle Delaunay a insisté sur les clivages entre hôpital public et secteur privé. Ils correspondent à la culture de notre pays. Je ne suis pas sûr que nous soyons en mesure d’organiser une « révolution » en la matière, pour reprendre le terme employé par Fernand Siré !

Vincent Descœur m’a interrogé sur les contrats d’engagement de service public. Pour la rentrée universitaire 2010-2011, quatre cents contrats sont proposés ; je tiens à sa disposition le détail de leur répartition géographique. Je lui signale, par ailleurs, qu’une cartographie des disparités territoriales en matière d’offre de soins figure dans l’Atlas de la démographie médicale réalisé par le Conseil national de l’ordre des médecins.

Monsieur Guy Malherbe, il est vrai que sur le sujet de la coopération, j’ai insisté, dans mon propos liminaire, sur celle qui pouvait exister entre médecins et infirmières, car mes travaux ont porté sur la démographie médicale. Mais bien évidemment, cette démarche doit concerner toutes les professions de santé. Je modèrerai toutefois cette affirmation en soulignant que bien souvent, les zones déficitaires en matière d’offre de soins souffrent, plus généralement, d’une faible densité de l’ensemble des professions de santé.

Madame Génisson, permettez-moi de vous rassurer pour ce qui concerne mes propos relatifs à la féminisation du corps médical : ils n’ont rien de négatif ! Mais cette réalité doit être prise en compte, car les femmes médecins ont besoin d’une plus grande disponibilité pour concilier leur vie familiale et leur vie professionnelle, ce qui a un impact sur les modalités de leur exercice médical.

Suivant l’avis favorable du rapporteur pour avis, la Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits du programme 2011 « Protection maladie » de la mission « Santé ».

Après l’article 86

La Commission est saisie de l’amendement AS 1 de M. Dominique Tian, tendant à insérer un article additionnel après l’article 86.

M. Dominique Tian. On a déjà beaucoup parlé de l’aide médicale d’État (AME), le rapporteur pour avis soulignant pour sa part que, tandis que le nombre des bénéficiaires n’augmentait que de 6,5 %, les dépenses se sont accrues de 13,3 %. L’inspection générale des finances et l’inspection générale des affaires sociales ont quant à elles noté « une augmentation constante et importante de l’AME au fil des années ». Il est donc pleinement légitime que les députés s’emparent de ce sujet. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que l’on tente, à l’occasion des projets de loi de finances, de juguler cette hausse.

L’AME a été créée afin de prendre en charge les étrangers en situation irrégulière – j’insiste sur ce mot – sur le territoire national. Or, il n’y a aucune raison pour qu’une personne entrée clandestinement, donc de façon délictueuse, dans notre pays, bénéficie de davantage de droits qu’un titulaire de la CMU ou de la CMU-C et qu’un national ou un étranger en situation régulière, qui travaille et qui cotise.

Pour y remédier, je propose un certain nombre de mesures urgentes mais plutôt « lights ».

En premier lieu, le bénéfice de l’AME serait limité, dans une même famille, au conjoint et aux enfants et non plus ouvert, comme c’est le cas actuellement aux ascendants, descendants et collatéraux jusqu’au troisième degré. Il faut en effet en finir avec les oncles, tantes, cousins et cousines bénéficiant de l’AME d’un étranger en situation irrégulière !

En deuxième lieu, pour les étrangers majeurs en situation irrégulière, le « panier de soins » relevant de l’AME serait limité à la prise en charge des soins urgents vitaux au sein des établissements hospitaliers. Très clairement, l’AME ne doit plus permettre d’obtenir des soins de confort, comme la chirurgie esthétique non réparatrice…

Mme Michèle Delaunay. C’est rare…

M. Dominique Tian. Mais cela existe !

Elle ne doit pas permettre non plus de pratiquer le vagabondage médical de ville.

Pour les enfants mineurs, le panier de soins pris en charge doit en revanche rester total, quel que soit le lieu des soins, médecine de ville ou hôpital. Il est, en effet, important de garantir aux enfants, qui ne sont pas responsables de la situation illégale de leurs parents, un accès général aux soins.

Je propose également de ramener d’un an à trois mois la durée de l’admission à l’AME et de supprimer la possibilité actuellement offerte au préfet de déléguer cette admission au directeur de la Caisse primaire d’assurance maladie. Il convient en effet que les services de l’État exercent pleinement leurs responsabilités.

On le voit, ces propositions ne sont en rien révolutionnaires ; elles relèvent simplement du bon sens.

Mme Valérie Boyer. Comme vient justement de le souligner Dominique Tian, nous parlons de personnes qui sont entrées clandestinement sur notre territoire et pour lesquelles la France est très généreuse et a prévu une couverture sociale. Il convient donc de tordre le cou à un certain nombre de fantasmes et de rappeler quelques faits.

Je rappelle tout d’abord que le coût global de l’AME évolue avec les dépenses de santé. Il est ainsi passé de 380 millions d’euros en 2002 à 540 millions en 2010, soit une progression de 43 %. Pour leur part, les ONDAM réellement constatés ont atteint 158,3 milliards en 2009 contre 116,7 en 2002, soit une progression de 35 %. L’augmentation des dépenses tient surtout à l’évolution du nombre de bénéficiaires : 215 763 titulaires, soit 40 % de plus depuis 2002 – cela tient, bien évidemment, à la politique migratoire, qui ne relève pas de la compétence de notre commission. Par ailleurs, si le coût moyen par bénéficiaire consommant est resté stable, on observe de très fortes disparités entre la prise en charge en ville et à l’hôpital.

Jusqu’ici les dépenses d’AME de droit commun progressaient à un rythme comparable à celui des dépenses d’assurance maladie, mais une forte augmentation, de 60 millions d’euros, a été constatée en 2009. Elle s’expliquerait pour moitié par l’accroissement de 6,5 % des effectifs. Qui plus est, l’augmentation des dépenses d’AME est surtout significative dans les établissements de santé, qui concentrent 70 % des dépenses à ce titre.

Sur ce sujet sensible, la ministre a commandé à l’IGAS et à l’IGF un rapport qui doit lui être rendu fin novembre.

À l’heure où tant de Français souffrent, où les restes à charge en matière de santé sont souvent élevés, l’équité et la justice commandent de remettre en cause un mécanisme qui crée une véritable distorsion de droits entre les clandestins d’une part, les assurés sociaux et les étrangers en situation régulière d’autre part. En effet, un titulaire de l’AME jouit aujourd’hui de davantage de droits qu’un étranger titulaire de la CMU-C.

Mme Catherine Lemorton. C’est faux !

Mme Valérie Boyer. L’AME offre une meilleure protection, à niveau de ressource égal, en particulier avec le bénéfice du panier de soins dentaire et d’optique, avec parfois des remboursements supérieurs aux tarifs de la sécurité sociale.

Il me semblerait, par ailleurs, normal d’instaurer une logique « droits et devoirs » pour les titulaires de l’AME, en leur appliquant la mesure tiers payant contre générique et en généralisant un titre sécurisé. Il s’agit, encore une fois, de mesures de bon sens, d’équité et de justice sociale.

Je le répète, la principale difficulté tient au fait qu’un titulaire de l’AME est mieux pris en charge qu’un étranger en situation régulière qui travaille et qui cotise ou que la moyenne des autres assurés sociaux. Ainsi, le coût moyen de prise en charge par l’Assurance maladie est de 2 055 euros pour un bénéficiaire de l’AME, contre 1 748 euros pour les autres assurés.

Il me semblerait tout à fait opportun de prendre, pour mieux maîtriser le dispositif de l’AME, des mesures concrètes comme celles que vient de proposer Dominique Tian. Certaines dispositions ont déjà été adoptées à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à l’immigration, comme la limitation aux seules caisses primaires des lieux de dépôts de demande d’AME et la modification des conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire qui pourra être accordée en raison de l’état de santé de l’étranger en situation irrégulière « sous réserve de l’indisponibilité d’un traitement approprié dans le pays dont il est originaire » et non plus s’il ne peut « effectivement bénéficier d’un traitement approprié », ce qui facilitera la charge de la preuve au profit de l’administration.

Mais, il faut aujourd’hui aller plus loin, en créant un droit d’entrée annuel de 30 euros par adulte bénéficiaire de l’AME, ce qui serait bien préférable à une participation au fil de l’eau. Il convient également de limiter le nombre d’ayants droit aux seuls enfants et conjoints, à l’exclusion des ascendants et des descendants au-delà du troisième degré. Je souhaite aussi que l’on restreigne le panier de soins aux seuls actes dont le service médical est important ou modéré. Seraient ainsi exclus de prise en charge les cures thermales, les actes de procréation médicalement assistée, les médicaments remboursés à 15 %, les dispositifs à service médical rendu insuffisant, les séances de soins infirmiers à domicile et de kinésithérapie, à l’exclusion de ceux prescrits à l’hôpital.

Comme l’a fait justement observer Dominique Tian, il convient de ne pas appliquer ces mesures aux mineurs, conformément à l’article 3 de la Convention des droits de l’enfant.

Il serait également utile que les services de l’État délèguent aux caisses primaires le pouvoir de récupération des indus.

L’ensemble de ces mesures de justice faciliterait l’acceptation de notre système social par nos concitoyens.

M. Étienne Pinte. Que l’AME pose problème et qu’il faille réfléchir, nous en sommes tous d’accord. Mais pourquoi nous précipiter ? Après une première enquête conduite par l’IGAS en 2007, les dérives constatées ont amené à remettre l’ouvrage sur le métier. La nouvelle mission commune IGAS-IGF doit remettre son rapport courant novembre : attendons donc ses conclusions avant de les étudier et de faire des propositions. Il serait absurde de procéder autrement.

M. le président Pierre Méhaignerie. Il y a une part de vérité dans ce que nous a dit Dominique Tian et cela se retourne parfois contre les familles elles-mêmes. Dans ma circonscription, j’ai reçu plus de quinze familles d’origine étrangère, qui se sont vu refuser la possibilité de faire venir des parents ou des grands-parents, par exemple à l’occasion d’une naissance, tout simplement parce que notre pays craint une explosion de ses dépenses de santé parce que les personnes restent en France et s’y font soigner. Nous avons donc tous intérêt à regarder les faits, à prendre en considération la dimension humaine de ce problème, à éviter de s’enferrer, de part et d’autre, dans le dogmatisme.

Si les problèmes posés sont réels, nous ne pouvons certes pas discuter d’un amendement d’une telle importance, qui déchaîne les passions, sans que nous disposions préalablement de bases sérieuses, comme vient de le dire justement Étienne Pinte.

M. Michel Issindou. Je souhaite également le retrait de l’amendement dans l’attente du nouveau rapport de l’IGF et de l’IGAS.

Il est bien évident qu’il faut lutter contre la fraude, par exemple avec des cartes sécurisées. Mais, les mots qu’emploie notre collègue dans l’exposé sommaire de son amendement me choquent en ce qu’ils expriment un véritable rejet de l’étranger, qu’il qualifie de « délinquant ». Et quand Dominique Tian parle d’accès à des « opérations de confort », pense-t-il vraiment que la priorité d’un étranger en situation irrégulière est de recourir à la chirurgie esthétique ou à la procréation médicalement assistée et de se livrer au « vagabondage médical » ? Comment prétendre dans ces conditions que l’aspect l’humanitaire continuerait à guider notre pays ?

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement est une véritable aberration en termes de santé publique : on peut toujours refuser de s’intéresser à la personne au motif qu’elle est en situation irrégulière, mais le problème n’est-il pas le même, que l’on ait ou non des papiers, lorsque l’on risque de disséminer le bacille de Koch en crachant dans un lieu public ?

C’est aussi une aberration économique : un traitement retardé est plus onéreux qu’un traitement précoce et plus encore qu’une mesure de prévention.

Je suis moi aussi choquée par les mots employés dans l’exposé sommaire et par la comparaison entre les bénéficiaires de l’AME et de la CMU-C : compare-t-on de la sorte les Restos du cœur et la soupe populaire ?

À quoi bon cet amendement alors que les dépenses, par personne et par an, sont stables. Demandons-nous plutôt pourquoi tant de personnes sont confrontées à une telle misère dans leur pays d’origine qu’elles ressentent l’impérieuse nécessité de venir en France ! J’espère que le rapport de l’IGF et de l’IGAS s’intéressera aussi aux causes de ce phénomène.

Enfin, je n’ai pour ma part jamais rencontré un immigré sans papiers ayant comme priorité de se faire refaire le nez parce qu’il ne se trouve pas beau ! Il me semble qu’un représentant de la Nation devrait raison garder…

M. Pierre Morange. Outre le rapport IGAS-IGF, je rappelle que nos collègues Claude Goasguen et Christophe Sirugue ont été chargés par le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques d’évaluer l’aide médicale d’État et la couverture médicale universelle et que la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) poursuit son travail au titre de la lutte contre la fraude sociale.

Pour ma part, je souhaiterais que l’AME soit rattachée au budget du ministère de la coopération, car c’est bien d’une forme de coopération sanitaire, en quelque sorte inversée sur le territoire national, qu’il s’agit. En vertu du principe selon lequel un euro dépensé ici vaut cent euros dépensés là-bas, cela contribuerait également à relancer notre politique sanitaire à l’échelle internationale, par le développement de structures sanitaires et hospitalières assurant la prise en charge des populations des pays d’origine qui, dans le cadre du phénomène migratoire clandestin, sont bien évidemment attirées par l’efficacité de notre dispositif sanitaire.

Une telle décision intelligente nous permettrait de sortir par le haut d’un débat conflictuel ; de garantir une meilleure utilisation de l’argent public et une plus grande égalité de traitement entre migrants irréguliers d’une part, Français et étrangers en situation régulière d’autre part ; de nous inscrire dans une logique de codéveloppement dans laquelle nous pourrions logiquement demander aux pays qui en bénéficieraient de traiter de façon préférentielle nos intérêts stratégiques et économiques.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Je suis très choquée par la proposition qui nous est faite, d’autant que Dominique Tian participe lui-même au travail de la MECSS sur la fraude sociale. On entend d’ailleurs, dans les auditions que nous conduisons à ce titre, beaucoup de choses intéressantes, qui nous amèneront sans doute à corriger bien des idées reçues.

Comme plusieurs de mes collègues, je comprends mal pourquoi nous débattons aujourd’hui de ce sujet alors qu’un nouveau rapport des inspections générales sera remis prochainement. Qui plus est, on ne saurait oublier que l’AME a été instituée pour répondre à de fortes préoccupations de santé publique.

Mme Catherine Génisson. L’AME est, en effet, une question importante, qui est d’ailleurs traitée dans plusieurs autres cadres. Je souscris également à l’idée que l’on ne saurait aborder de la sorte un sujet majeur de santé publique.

Cet amendement et son exposé sommaire sont tout simplement indécents et il est honteux qu’ils soient soumis à notre commission ! Il convient donc de se rallier à la position exprimée non seulement par mes collègues du groupe SRC, mais aussi par Jacqueline Fraysse, par Jean Leonetti, Étienne Pinte et Pierre Morange, ainsi que par vous-même, monsieur le président.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’AME est un sujet de fond et l’amendement a le mérite de poser la question. Pour autant, il serait prématuré de le traiter de la sorte : il convient en effet d’attendre les résultats des travaux en cours pour ouvrir un débat plus large.

Mme Catherine Lemorton. Oui, l’exposé des motifs nous fait honte ! Dominique Tian nous entend mettre à égalité les bénéficiaires de l’AME et de la CMU. Sans doute ignore-t-il que les dossiers de l’AME sont les seuls qui ne peuvent être télétransmis. De la sorte, les bénéficiaires se voient refuser l’accès à des soins en médecine ambulatoire au motif que les médecins ne veulent pas s’embêter à envoyer des papiers à la sécurité sociale. C’est une des raisons du recours fréquent au système hospitalier.

Avant de vous intéresser à ceux qui frauderaient ou qui auraient trop d’ayants droit…

M. Dominique Tian. Le mot fraude ne figure pas dans l’amendement !

Mme Catherine Lemorton. …venez avec nous constater sur le terrain que les bénéficiaires sont très majoritairement les membres de la famille traditionnelle – le père, la mère et les enfants – et que, bien loin d’abuser de notre système de soins, ces personnes sont aujourd’hui très nombreuses dans les centres d’accueil de soins et d’orientation comme ceux dont s’occupe Médecins du monde.

M. Jean-Pierre Door. Il faut quand même rappeler que la France est très généreuse : que je sache, l’AME n’existe que dans notre pays ! Il convient donc d’éviter les caricatures en la matière.

Sur le fond, chacun reconnaît que nous sommes confrontés avec l’AME à un problème qui, sur le terrain, alimente bien des discussions et même des fantasmes. L’amendement de Dominique Tian a donc le mérite d’ouvrir un débat que nous devons avoir.

Sur la forme, Jean Leonetti l’a souligné, il convient que nous donnions un cadre légal à l’AME. Pour autant, il ne me semble pas qu’il nous appartienne, comme le propose l’amendement, d’entrer dans le détail du périmètre de soins, qui devrait être renvoyé à un décret. Par ailleurs, l’admission à l’AME ainsi que le contrôle des soins et des frais engagés par ses bénéficiaires ne devraient pas relever des préfets mais être délégués aux directeurs des caisses primaires d’assurance-maladie.

Mme Michèle Delaunay. La proposition qui nous est faite est médicalement inacceptable, ne serait-ce que parce qu’elle ignore le problème de santé publique qui touche non seulement une personne, mais aussi ceux que vous appelez ses ayants droit.

Je m’honore d’avoir soigné – certes pas dans le cadre de la chirurgie esthétique ! – un pauvre monsieur et une pauvre dame dont on a découvert qu’ils avaient la lèpre. Et je dois vous dire que non seulement nous avons soigné tout l’entourage, mais que nous l’avons fait venir… Ces personnes sont reparties avec un traitement adapté

M. Dominique Tian. C’est justement le problème : l’entourage est venu illégalement en France pour bénéficier de soins !

Mme Michèle Delaunay. Le faire venir a permis d’éradiquer un foyer de lèpre !

M. le rapporteur pour avis. Le débat que nous venons d’avoir montre la complexité de ce dossier.

Dominique Tian pose une vraie question : comment, dans un contexte budgétaire contraint, maîtriser l’évolution financière de l’AME, notamment pour garantir la pérennité d’un dispositif que nous n’envisageons pas de supprimer, car la longue tradition humanitaire de notre pays doit être préservée.

Je souhaite que notre collègue retire cet amendement, comme il l’avait d’ailleurs déjà fait lors de l’examen du projet relatif à l’immigration. À défaut, j’émettrais un avis défavorable. En effet, la restriction du panier de soins aux seuls « soins urgents » fait l’impasse sur un véritable un enjeu de santé publique. En 2007, le rapport de l’IGF et de l’IGAS a mis en évidence chez les bénéficiaires de l’AME une surreprésentation de pathologies infectieuses – VIH, hépatite C, tuberculose en particulier –, ainsi qu’une sous-couverture vaccinale. Se limiter aux seuls soins urgents porterait un coup à la politique de prévention des maladies infectieuses. Il en va de notre responsabilité !

Mme Michèle Delaunay et Mme Catherine Génisson. Très bien !

M. le rapporteur pour avis. On constate par ailleurs que, pour les bénéficiaires de l’AME « soins urgents » – qui sont très minoritaires –, la part des séjours avec complications et morbidité associées ainsi que la durée moyenne de séjour sont deux fois plus importantes que la moyenne. Se limiter aux seuls soins urgents risquerait donc de se traduire, in fine, par des dépenses plus élevées, car correspondant à des pathologies plus lourdes liées à un retard d’accès aux soins.

M. Dominique Tian. Je ne propose pas de restreindre l’accès aux soins. Ma seule motivation est de faire en sorte que ceux qui sont à l’AME n’aient pas plus de droits que ceux qui sont à la CMU ! Je maintiens donc l’amendement.

M. le rapporteur pour avis. Contrairement à ce qui a été dit, un titulaire de l’AME n’a pas plus de droits qu’un étranger titulaire de la CMU.

M. Dominique Tian. Et l’optique ? Et le dentaire ?

M. le rapporteur pour avis. L’optique et le dentaire font partie du panier de soins de la CMU, pas de l’AME.

Mme Valérie Boyer. Et les ayants droit ?

M. le président Pierre Méhaignerie. De grâce, ne tombons pas dans la caricature. Dire qu’il n’y a rien à voir et rien à faire à propos de l’AME serait une faute. Pour autant, décider aujourd’hui dans la précipitation ne me paraît pas souhaitable.

La Commission rejette l’amendement AS 1.

AMENDEMENT EXAMINÉ PAR LA COMMISSION

Amendement n° AS 1 présenté par M. Dominique Tian

Après l’article 86

Insérer l’article suivant :

I. Le premier alinéa de l’article L251-1 du code de l’action sociale et des familles est ainsi rédigé :

« Tout étranger résidant en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois, sans remplir la condition de régularité mentionnée à l'article L. 380-1 du code de la sécurité sociale et dont les ressources ne dépassent pas le plafond mentionné à l'article L. 861-1 de ce code a droit, pour lui-même et les personnes à sa charge au sens des articles L. 161-14 et L. 313-3 1°, 2° et 3° de ce code, à l'aide médicale de l'Etat. »

II. L’article L251-2 du code de l’action sociale et des familles est ainsi rédigé :

« La prise en charge, assortie de la dispense d'avance des frais pour la part ne relevant pas de la participation du bénéficiaire, concerne uniquement les soins urgents dont l'absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l'état de santé de la personne ou d'un enfant à naître et qui sont dispensés par les établissements de santé.

« Concernant les enfants mineurs, la prise en charge, assortie de la dispense d'avance des frais pour la part ne relevant pas de la participation du bénéficiaire, concerne, quel que soit le professionnel de santé pratiquant l’acte :

« 1° Les frais définis aux 1 ,2 ,4 ,6 , de l'article L. 321-1 et à l'article L. 331-2 du code de la sécurité sociale par application des tarifs servant de base au calcul des prestations de l'assurance maladie ;

« 2° Le forfait journalier, institué par l'article L. 174-4 du même code pour les mineurs et, pour les autres bénéficiaires, dans les conditions fixées au dernier alinéa du présent article.

« Sauf lorsque les frais sont engagés au profit d'un mineur ou dans l'un des cas mentionnés aux 1 ,2 ,3, 4, 10, 11, 15 et 16 de l'article L. 322-3 du code de la sécurité sociale, une participation des bénéficiaires de l'aide médicale de l'Etat est fixée dans les conditions énoncées à l'article L. 322-2 et à la section 2 du chapitre II du titre II du livre III du même code.

« Les dépenses restant à la charge du bénéficiaire en application du présent article sont limitées dans des conditions fixées par décret.

« La prise en charge est subordonnée, lors de la délivrance de médicaments appartenant à un groupe générique tel que défini à l'article L. 5121-1 du code de la santé publique, à l'acceptation par les personnes mentionnées à l'article L. 251-1 d'un médicament générique, sauf :

« 1° Dans les groupes génériques soumis au tarif forfaitaire de responsabilité défini à l'article L. 162-16 du code de la sécurité sociale ;

« 2° Lorsqu'il existe des médicaments génériques commercialisés dans le groupe dont le prix est supérieur ou égal à celui du princeps ;

« 3° Dans le cas prévu au troisième alinéa de l'article L. 5125-23 du code de la santé publique. »

III. L’article L. 252-3 du code de l’action sociale et des familles est ainsi rédigé :

« L'admission à l'aide médicale de l'Etat des personnes relevant du premier alinéa de l'article L. 251-1 du code de l’action sociale et des familles est prononcée, dans des conditions définies par décret, par le représentant de l'État dans le département.

Cette admission est accordée pour une période de trois mois. »

ANNEXE :

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF) – Mme Ingrid Bastide, présidente, et M. Pierre Leblanc, vice-président chargé de la démographie médicale

Ø Commission médicale d’établissement du centre hospitalier universitaire de Dijon – Pr. Claude Girard, président

Ø Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) – Dr. Michel Chassang, président

Ø Agence régionale de santé du Limousin – M. Michel Laforcade, directeur général

Ø Syndicat des médecins libéraux (SML) – Dr. Roger Rua, secrétaire général

Ø MG France – Dr. Claude Leicher, président

Ø Faculté de médecine de Paris Descartes – Pr. Alain Cariou, responsable des stages et gardes au sein de la commission de pédagogie et de la vie étudiante

Ø Observatoire national de la démographie des professions de santé (ONDPS) – Pr. Yvon Berland, président

Ø Agence régionale de santé d’Île-de-France – M. Claude Évin, directeur général

Ø Conseil national de l’ordre des médecins – Dr. Michel Legmann, président, Dr. Walter Vorhauer, secrétaire général, et Mme Véronique Queffelec, chargée de relations avec les pouvoirs publics

Ø Fédération de l’hospitalisation privée – M. Jean-Loup Durousset, président, M. Philippe Burnel, délégué général et Mme Mélanie Belsky, directrice des relations institutionnelles

Ø Intersyndicat national des internes des hôpitaux (ISNIH) – M. Grégory Murcier, président

© Assemblée nationale

(1) À l’exception des crédits relatifs au financement des frais de justice qui sont fusionnés avec ceux inscrits dans l’action n° 11 « Pilotage de la politique de santé publique ».

2 () Rapport d’information n° 1132 de M. Marc Bernier, député, fait au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sur L’offre de soins sur l’ensemble du territoire, du 30 septembre 2008.

3 () Rapport d’information n° 14 (2007-2008) de M. Jean-Marc Juilhard, sénateur, fait au nom de la commission des affaires sociales sur La démographie médicale, du 3 octobre 2007.

4 () Atlas de la démographie médicale en France – Situation au 1er janvier 2009, Conseil national de l’ordre des médecins.

5 () « La démographie médicale à l’horizon 2030 : de nouvelles projections nationales et régionales détaillées », Dossiers solidarité et santé n° 12, 2009.

6 () À partir d’une enquête, réalisée au printemps 2010 par l’administration universitaire francophone et européenne en médecine et odontologie, auprès des responsables administratifs des unités de formation et de recherche médicale. Vingt-neuf sur trente-six ont répondu à cette enquête.

7 () Inspection générale des affaires sociales et Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale de la recherche, Le post-internat : Constats et propositions, La Documentation française, juin 2010.