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N° 2864

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 octobre 2010.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2011 (n° 2824)

TOME VII

VILLE ET LOGEMENT

PRÉVENTION DE L’EXCLUSION ET INSERTION DES PERSONNES VULNÉRABLES

Par M. Étienne PINTE,

Député.

___

Voir le numéro : 2857 (annexe n° 47).

INTRODUCTION 5

I.- LES ASPECTS BUDGÉTAIRES 7

A. UN EFFORT ENCORE INSUFFISANT DE REMISE À NIVEAU DES CRÉDITS GLOBAUX ALLOUÉS AU PROGRAMME 177 7

1. Une impérieuse nécessité : rompre avec une insincérité budgétaire chronique 7

a) Un programme historiquement sous-doté 7

b) Une insincérité qui nuit à l’efficacité des politiques de lutte contre l’exclusion 8

2. Un niveau des crédits 2011 qui se rapproche de l’objectif de sincérité, mais demeure en deçà des besoins réels 10

a) Un effort notable d’augmentation des crédits initiaux 10

b) Des crédits qui risquent néanmoins d’être insuffisants 10

B. UN ARBITRAGE DES CRÉDITS AU PROFIT DES ACTIONS ORIENTÉES VERS LA POLITIQUE DU « LOGEMENT D’ABORD » 11

1. L’action « Hébergement et logement adapté » 12

a) Présentation globale de l’action 12

b) Principaux dispositifs financés 13

2. Les autres actions 15

II.- L’HÉBERGEMENT D’URGENCE : BILAN D’ÉTAPE DE LA MISE EN ŒUVRE DES PROPOSITIONS DU RAPPORT DE SEPTEMBRE 2008 RELATIF À L’HÉBERGEMENT D’URGENCE ET À L’ACCÈS AU LOGEMENT DES PERSONNES SANS-ABRI OU MAL LOGÉES 19

A. UNE GOUVERNANCE RÉNOVÉE AFIN DE MIEUX PILOTER ET MIEUX ORGANISER LES POLITIQUES D’HÉBERGEMENT D’URGENCE 19

1. Un pilotage de l’État renforcé 19

2. Les débuts d’une gouvernance territorialisée 21

B. UNE VEILLE SOCIALE À AMÉLIORER AFIN DE MIEUX CONNAÎTRE ET MIEUX ORIENTER LES PUBLICS À LA RUE 23

1. Améliorer la connaissance des publics 23

2. Améliorer l’accueil et l’orientation 24

a) Les maraudes des équipes mobiles 24

b) La coordination de l’accueil et de l’orientation 25

c) Le dispositif d’information centralisé 27

C. LA MODERNISATION DES STRUCTURES D’HÉBERGEMENT AFIN DE MIEUX HÉBERGER ET MIEUX INSÉRER 29

1. La réforme des structures « classiques » d’hébergement : centres d’hébergement d’urgence, centres d’hébergement et de réinsertion sociale et centres de stabilisation 29

a) Développer et humaniser le parc 29

b) Harmoniser les structures existantes 30

c) Mieux assurer l’accompagnement social vers le logement 31

2. Le développement de solutions innovantes 33

a) Les structures innovantes 33

b) L’intermédiation locative 35

TRAVAUX DE LA COMMISSION 37

EXAMEN DES CRÉDITS 37

AMENDEMENT EXAMINÉ PAR LA COMMISSION 45

ANNEXES 47

ANNEXE 1 : LES 20 PROPOSITIONS PARTAGÉES DU GROUPE DE TRAVAIL SUR LA REFONDATION DU DISPOSITIF D’HÉBERGEMENT D’URGENCE 47

ANNEXE 2 : BILAN D’ÉTAPE AU 30 JUIN 2010 DU PLAN D’HUMANISATION DES CENTRES D’HÉBERGEMENT 49

ANNEXE 3 : LISTE DES PROJETS INNOVANTS RETENUS DANS LE CADRE DU CHANTIER NATIONAL PRIORITAIRE 2008-2012 51

ANNEXE 4 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 53

INTRODUCTION

Jusqu’en 2008, le programme 177 « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables » figurait au sein de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». À ce titre, ce programme était examiné pour avis par la Commission des affaires sociales. En 2009, ce programme a été transféré à la mission « Ville et logement » et, depuis cette date, seule la Commission des affaires économiques est saisie pour avis de ces crédits.

Il est anormal que ce programme, qui est au cœur des politiques d’insertion sociale, ne soit pas examiné par la Commission des affaires sociales. C’est pourquoi, votre rapporteur pour avis a souhaité que notre commission se saisisse à nouveau des crédits du programme 177 pour l’examen du projet de loi de finances 2011.

Depuis de nombreuses années ce programme est systématiquement sous-doté en loi de finances initiale et doit faire l’objet d’abondements de crédits en cours d’exercice. Le secrétaire d’État au logement a indiqué à la fin de l’été 2010 qu’il entendait mettre fin à cette pratique en rebasant les crédits du programme 177 dans la loi de finances pour 2011 au niveau des besoins constatés. Cet engagement est partiellement tenu, puisque les crédits progressent de près de 8 %, ce qui constitue une augmentation significative dans la situation actuelle de nos finances publiques. Cependant, votre rapporteur pour avis regrette que l’effort de remise à niveau ne soit pas allé assez loin pour parvenir à une véritable sincérité budgétaire. En effet, les crédits prévus (1,18 milliard d’euros) demeurent en deçà de la consommation constatée lors du dernier exercice connu, l’année 2009, au cours duquel les dépenses ont atteint 1,30 milliard d’euros.

D’ores et déjà, on peut affirmer que les crédits prévus pour 2011 ne suffiront pas. Bien qu’il aurait souhaité le faire, votre rapporteur pour avis n’a pas proposé d’amendement afin d’augmenter les crédits du programme. En effet, les autres programmes de la mission « Ville et logement » voient leurs crédits baisser en 2011, alors qu’aucun d’entre eux n’a affiché d’excédents par le passé. Ils ne peuvent donc pas servir de « réservoir » pour abonder le programme 177.

Après l’analyse des crédits budgétaires pour 2011, le présent rapport établit un bilan d’étape de la mise en œuvre des préconisations que votre rapporteur pour avis a faîtes dans le rapport relatif à l’hébergement d’urgence et l’accès au logement, qu’il a remis au Premier ministre en septembre 2008.

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. Votre rapporteur pour avis pour avis a demandé que les réponses lui parviennent avant le 24 septembre 2010. À cette date, seulement 5 % des réponses lui étaient parvenues. À la date butoir du 10 octobre, ce pourcentage était de 67 %. Au 26 octobre, 7 % des réponses n’ont toujours pas été reçues.

I.- LES ASPECTS BUDGÉTAIRES

A. UN EFFORT ENCORE INSUFFISANT DE REMISE À NIVEAU DES CRÉDITS GLOBAUX ALLOUÉS AU PROGRAMME 177

1. Une impérieuse nécessité : rompre avec une insincérité budgétaire chronique

a) Un programme historiquement sous-doté

 Insincérité sur les coûts réels

Depuis de nombreuses années, les crédits alloués au programme 177 « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables » dans les lois de finances initiales sont inférieurs aux dépenses constatées.

Programme 177 « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables »

Crédits de paiement en millions d’euros*

2007

2008

2009

2010

Loi de finances initiale

1 045,41

994,55

1 118,78

1 101,74

Exécution

1 195,22

1 241,51

1 295,23

1 214,70**

Taux d’exécution

114,33 %

124,83 %

115,77 %

110,25 %**

*Hors dépenses de « primes de noël » pour les personnes aux minima sociaux.

** Estimation de la direction générale de la cohésion sociale.

Pour faire face aux besoins réels, les crédits sont systématiquement abondés en cours d’exercice. Ces abondements, qui prennent plusieurs formes (ouverture de crédits par décrets d’avance, loi de finances rectificative, virement de crédits depuis d’autres programmes), demeurent incertains et interviennent souvent trop tardivement dans l’année.

L’exercice 2010 ne fait pas exception à la règle, puisque dès le printemps, les directions régionales et départementales de la cohésion sociale ont signalé que les crédits déconcentrés du programme 177 qui leur avaient été notifiés seraient insuffisants à couvrir les besoins. Dans une circulaire du 26 mai 2010, le ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer a informé les préfets de région du déblocage d’une enveloppe supplémentaire de 110 millions d’euros (soit 10 % des crédits initiaux pour 2010) afin de terminer l’année. Cependant, c’est seulement le 29 septembre 2010 que le décret d’avance portant ouverture de crédits a été effectivement signé. À plusieurs reprises, le Gouvernement a annoncé ne pas vouloir débloquer de fonds supplémentaires au-delà de ces 110 millions. La direction générale de la cohésion sociale estime que les crédits devraient suffire Toutefois, au vu des dépenses réalisées les années précédentes, il est à craindre que les besoins de l’exercice 2010 ne soient pas intégralement couverts. À l’approche de l’hiver, une cinquantaine de millions d’euros pourraient manquer pour faire face aux dépenses jusqu’à la fin de l’année.

● Insincérité sur la nature des dépenses prises en charge par le programme 177

En vertu du principe d’inconditionnalité de l’accueil, les structures d’hébergement d’urgence sont mobilisées pour des populations qui pourraient bénéficier d’autres dispositifs mieux adaptés, mais qui, faute de places suffisantes, sont condamnées à la rue. Des déports de charges sont ainsi constatés au détriment du programme 177.

Sont notamment concernés les travailleurs pauvres qui, en raison de la pénurie de logements sociaux, ne peuvent pas être logés et bénéficier des aides du Fonds national d’aide au logement (FNAL) financées sur le programme 109 « Aide à l’accès au logement ». Une enquête de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) indique, qu’en 2008, près d’un cinquième des adultes hébergés en centres d’hébergement et de réinsertion sociale occupent un emploi non aidé.

De même, les demandeurs d’asile n’ayant pas de places en centre d’accueil des demandeurs d’asile ou en centre d’hébergement d’urgence dédié à ce public (financées par la mission« Immigration, asile et intégration »), sont amenés à utiliser les hébergements d’urgence de droit commun. Il s’agit de primo demandeurs ou de déboutés qui sollicitent un réexamen de leur dossier en vertu d’un élément nouveau. Au total, la direction générale de la cohésion sociale estime que 5 à 6 % des places d’hébergement d’urgence généralistes sont actuellement occupées par des demandeurs d’asile.

b) Une insincérité qui nuit à l’efficacité des politiques de lutte contre l’exclusion

 L’insincérité budgétaire nuit à l’efficacité des services de l’État en charge des politiques de lutte contre l’exclusion

L’insuffisance de crédits initiaux se traduit par des délégations de crédits fractionnées et une absence de visibilité pour les services déconcentrés. Ainsi, en 2010, les crédits déconcentrés du programme 177 ont déjà fait l’objet de trois délégations de crédits (les 17 février, 14 mai et 30 juillet), une quatrième devant intervenir pour répartir les crédits ouverts par le décret d’avance de septembre. En 2009, les crédits du programme avaient déjà été fortement fractionnés, puisqu’ils avaient fait l’objet de neuf délégations de crédits. Ce fractionnement et l’absence de visibilité sur l’exercice conduisent les services préfectoraux à faire preuve de prudence en n’engageant pas rapidement les crédits. La pratique des abondements en cours de gestion étant systématique, les services déconcentrés préfèrent être définitivement fixés sur le montant total des crédits qui leur seront délégués pour l’année en cours avant de négocier avec les associations. Ainsi, les conventions sont passées tardivement (au mieux à la fin du printemps, le plus souvent à la rentrée de septembre) et les versements des subventions sont retardés.

De plus, la crainte de ne pas disposer de suffisamment de crédits conduit à privilégier l’urgence, c’est-à-dire la sortie immédiate de la rue, au détriment des dispositifs de moyen et long terme. Faute de crédits immédiatement disponibles et dans la crainte de manquer de fonds pour la période hivernale, les services préfectoraux sont amenés à arbitrer entre les différents dispositifs du programme 177 et font d’abord face aux dépenses urgentes et obligatoires (places d’hébergement et aide sociale). Si des crédits supplémentaires arrivent en fin d’exercice (décrets d’avance ou collectif budgétaire), il est souvent trop tard pour mobiliser les dispositifs visant à la sortie vers le logement (accompagnement social, intermédiation locative, solutions innovantes d’hébergement…).

 L’insincérité budgétaire nuit au travail des associations

Le versement tardif des financements d’État génère de nombreuses difficultés de trésorerie. Les associations gérant des centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) bénéficient d’une dotation globale de fonctionnement versée par douzième chaque mois, ce qui assure des entrées de fonds régulières (même si des retards sont fréquemment déplorés dans le versement effectif des dotations mensuelles). Pour les autres dispositifs, les délais de signature des conventions avec les services préfectoraux, puis ceux liés à l’ordonnancement et au mandatement des dépenses, se traduisent par des paiements tardifs. Les associations qui ne disposent pas de réserves propres ou celles, qui ne gérant pas de CHRS, ne bénéficient pas de dotations de fonctionnement mensuelles sont ainsi fragilisées financièrement.

Plus largement, au-delà de la trésorerie à court terme, les associations financées sur le programme 177 manquent de visibilité sur leurs financements. La partie « recettes » de leurs budgets annuels est connue trop tardivement pour calibrer leurs projets. Début septembre 2010, parmi les cinq associations que votre rapporteur pour avis a auditionnées pour la préparation du présent rapport, une seule avait déjà connaissance du montant des subventions accordées par l’État au titre de l’exercice en cours. De même, en l’absence de généralisation des conventions pluriannuelles avec l’État, l’horizon des projets des associations reste le court terme. Comme le reconnaît la direction générale de la cohésion sociale, ces conventions sont extrêmement marginales aujourd’hui, alors qu’elles constituent le préalable à une véritable visibilité en matière budgétaire. Sans sécurisation des financements sur plusieurs années, les associations inscrivent difficilement leurs actions dans la durée, ce qui nuit aux projets les plus structurants et à l’expérimentation de solutions innovantes.

2. Un niveau des crédits 2011 qui se rapproche de l’objectif de sincérité, mais demeure en deçà des besoins réels

a) Un effort notable d’augmentation des crédits initiaux

Dans un courrier qu’il a adressé aux présidents des associations membres du « Collectif des associations unies » le 2 août 2010, le secrétaire d’État chargé du logement a annoncé un budget du programme 177 pour 2011 en augmentation de près de 8 %. Il a précisé que le « rebasage (…) doit permettre de mettre un terme au système des décrets d’avance et de donner de la visibilité dès le début de l’année aux services de l’État et à l’ensemble du secteur associatif. Les acteurs de la veille sociale, de l’hébergement et du logement adapté seront ainsi sécurisés dans leur financement. Des conventions pluriannuelles d’objectifs et de moyens pourront être conclues dès 2011, avant d’être généralisées en 2012. ».

Le projet de loi de finances pour 2011 confirme cette orientation : alors que les crédits votés au titre de 2010 étaient inférieurs (de 1,5 %) à ceux de la loi de finances initiale pour 2009, le projet de loi de finances pour 2011 prévoit une hausse sensible des crédits (+7,6 %) à 1,18 milliard d’euros. Cette évolution est d’autant plus positive que les autres programmes de la mission « Ville et logement » enregistrent tous une diminution de leurs crédits.

Crédits de paiement en millions d’euros

LFI
2008

LFI
2009

LFI
2010

PLF
2011

Évolution 2011/2010 (%)

Évolution 2011/2009 (%)

Évolution 2011/2008 (%)

Programme 177 « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables »

994,55

1 118,78

1 101,74

1 184,88

+ 7,6

+ 5,9

+ 19,5

b) Des crédits qui risquent néanmoins d’être insuffisants

En dépit de la croissance prévue des crédits, il convient de noter que la consommation réelle sur les années les plus récentes a toujours excédé le niveau proposé pour 2011.

Crédits de paiement en millions d’euros

Exécution 2007

Exécution 2008

Exécution 2009

LFI
2010

Exécution 2010**

PLF
2011

Programme 177 « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables »*

1 195,22

1 241,51

1 295,23

1 101,74

1 214,70

1 184,88

* Hors « primes de noël » pour les personnes aux minima sociaux.

** Estimation de la direction générale de la cohésion sociale.

Le chantier en cours de refondation du dispositif d’hébergement privilégiant la solution du logement à celle de l’hébergement va dans la bonne direction. Toutefois, la transition prendra du temps et elle ne produira ses effets sur le plan budgétaire que dans quelques années.

Les flux d’entrée dans le dispositif ne sont actuellement pas maîtrisés. D’une part, les effets de la crise économique, la pression migratoire et le manque de logements très sociaux contribuent à une augmentation des populations à la rue. D’autre part, les progrès récents de la législation consacrant le « droit à être hébergé » contraignent l’État à assurer les moyens suffisants pour garantir l’application effective de ce droit. Quelle que soit l’augmentation du nombre de sorties vers le logement, il faudra plusieurs années pour sortir des dispositifs d’urgence les occupants actuels et, simultanément, accueillir décemment ceux qui, aujourd’hui, n’ont pas de places dans les structures d’hébergement.

À court terme, les crédits d’hébergement d’urgence devront donc être maintenus à un niveau élevé.

B. UN ARBITRAGE DES CRÉDITS AU PROFIT DES ACTIONS ORIENTÉES VERS LA POLITIQUE DU « LOGEMENT D’ABORD »

Le programme 177 connaît, en 2011, quelques modifications dans sa structure :

– l’aide alimentaire est individualisée pour la première fois dans une action spécifique ;

– l’action « Prévention de l’exclusion » comprend désormais les crédits d’aide au logement temporaire 2 (dits « ALT2 ») qui permettent de cofinancer avec la Caisse nationale d’allocations familiales le coût de la gestion des aires d’accueil des gens du voyage ;

– l’ancienne action « Actions en faveur des personnes vulnérables » a été renommée « Hébergement et logement adapté » et n’inclut plus l’aide alimentaire et les crédits « ALT2 » ;

– l’ancienne action « Conduite et animation de la politique de lutte contre l’exclusion » est désormais appelée « Conduite et animation des politiques de l’hébergement et de l’inclusion sociale », sans que son contenu ne soit modifié ;

– les crédits alloués aux actions pour soutenir la lutte contre la prostitution sont transférés du programme 177 vers le programme 137 « Égalité entre les hommes et les femmes ».

Votre rapporteur pour avis regrette que ces changements de maquette ne soient pas accompagnés dans le bleu budgétaire d’un tableau de retraitement permettant de comparer, à périmètre constant, les crédits des différentes actions entre la loi de finances initiale 2010 et le projet de loi de finances pour 2011.

Sur le programme 177, le montant des autorisations d’engagement est strictement égal à celui des crédits de paiements. Les données financières relatives à l’exécution budgétaire de l’exercice 2009 sont toutes issues du rapport de performance joint à la loi de règlement.

Le tableau ci-après intègre les changements de maquette intervenus en 2011, aussi bien pour l’exécution des crédits en 2009 que pour la loi de finances pour 2010, afin de permettre les comparaisons entre les exercices.

Crédits de paiement en millions d’euros

Exécution 2009

LFI
2010

PLF
2011

Programme 177 « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables », dont :

1 293,38

1 099,64

1 184,88

Prévention de l’exclusion *

81,06

62,02

62,62

Hébergement et logement adapté *

Actions en faveur des plus vulnérables (avant PLF 2011)

1 086,58

980,40

1 079,15

Aide alimentaire *

36,90

12,00

13,05

Conduite et animation des politiques de l’hébergement et de l’inclusion sociale

Conduite et animation de la politique de lutte contre l’exclusion (avant PLF 2011)

28,57

25,22

15,76

Rapatriés

60,27

20,00

14,30

* Ces actions ont été retraitées sur 2009 et 2010 pour correspondre au périmètre du PLF 2011.

1. L’action « Hébergement et logement adapté »

a) Présentation globale de l’action

Cette « nouvelle » action correspond à l’ancienne action 2 « Actions en faveur des plus vulnérables » diminuée des crédits d’aide aux organismes et collectivités gérant des aires d’accueil des gens du voyage (crédits « ALT2 ») et des sommes allouées à l’aide alimentaire. Elle concentre 91,1 % des crédits prévus pour le programme. Recentrée sur les dépenses d’hébergement et de logement adapté, elle a notamment pour objectif de mettre en œuvre la stratégie du « logement d’abord » qui entend sortir d’une logique centrée essentiellement sur l’urgence et privilégier l’accès au logement.

Les crédits, qui étaient fortement sous-évalués en 2010, progressent de presque 100 millions d’euros à 1,08 milliard d’euros. Ils sont toutefois en deçà des crédits consommés en 2009 (de 7,4 millions d’euros). Compte tenu du développement attendu du parc de logements adaptés, de la montée en puissance des dépenses d’accompagnement social et d’intermédiation locative et du nombre croissant de personnes ayant des difficultés pour se loger, il est optimiste d’estimer que le coût de cette action en 2011 sera inférieur à celui constaté en 2009.

b) Principaux dispositifs financés

● La veille sociale

Les crédits prévisionnels (60 millions d’euros) sont sensiblement supérieurs à ceux inscrits en loi de finances initiale pour 2010 (51 millions d’euros). Ils sont toutefois très inférieurs aux dépenses constatées en 2009 (76,3 millions d’euros).

La veille sociale, qui regroupe toutes les structures de premiers recours, comprend principalement les services d’accueil et d’orientation, les « 115 » et les samu sociaux. Les crédits 2011 doivent financer 159 équipes mobiles (13,8 millions d’euros), 350 centres d’accueil de jour (19,8 millions), 10 équipes d’écoutants « 115 » (13,7 millions), 100 services d’accueil et d’orientation (6,7 millions) ainsi que les services intégrés d’accueil et d’orientation créés en 2010 dans chaque département (pour un coût estimatif de 6 millions d’euros).

Le coût des 350 centres d’accueil de jour en 2009 atteignait 24, 8 millions d’euros. Il est donc prévisible que les crédits prévus en 2011 seront insuffisants d’environ 5 millions d’euros. De même, eu égard aux besoins constatés en 2009 (8,3 millions d’euros), les crédits alloués aux services d’accueil et d’orientation (6,7 millions d’euros) ne semblent pas suffisants. Enfin, les sommes prévues pour les équipes d’écoutants « 115 » (13,7 millions d’euros) sont elles aussi sensiblement inférieures aux dépenses enregistrées en 2009 (17,1 millions d’euros).

Au total, une dizaine de millions d’euros de crédits au minimum semble manquer au titre de la veille sociale, alors qu’il s’agit d’un des leviers majeurs de la refondation du dispositif d’hébergement. Sans orientation efficace dès la prise en charge des personnes à la rue, les objectifs privilégiant le « logement d’abord » ne pourront pas être atteints et les solutions de court terme, c’est-à-dire le placement en centres d’extrême urgence sans accompagnement social, resteront la règle.

● Les structures d’hébergement

Les centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), qui constituent le premier poste de dépense du programme (plus de la moitié des crédits budgétaires totaux) sont dotés à hauteur de 625 millions d’euros en 2011, alors que ces structures ont coûté 631,6 millions d’euros en 2009. Il est prévu de financer le même nombre de places qu’à la fin de l’année 2009 (près de 39 500), ce qui laisse à penser que les crédits seront légèrement insuffisants. En effet, il est peu probable que le référentiel des coûts, qui servira de base à une réforme des financements et qui doit être élaboré courant 2011, produise déjà des effets positifs sur les charges de cet exercice.

Les crédits consacrés à l’hébergement d’urgence, qui financent les places de premiers recours (centres d’hébergement d’urgence et chambres d’hôtels) ainsi que les places dites « de stabilisation » atteignent 248 millions d’euros et représentent plus d’un cinquième des crédits du programme 177. Fortement sous-évalués dans la loi de finances initiale pour 2010 (214 millions d’euros), les crédits prévus pour 2011 restent inférieurs au réalisé 2009 (260,7 millions d’euros). Au sein de ce poste, certains dispositifs paraissent sous-dotés. C’est notamment le cas des nuitées d’hôtel qui ont coûté 69 millions d’euros en 2009 et sont dotées de seulement 61,9 millions en 2011, pour un nombre de places équivalent (environ 13 000). Le financement des places de stabilisation hors CHRS pose aussi question, puisque ces structures ont coûté 40,2 millions d’euros en 2009 alors que, pour 2011, les dotations prévues sont de 35,5 millions d’euros. Une douzaine de millions d’euros supplémentaires aurait été nécessaire pour rebaser le poste « hébergement d’urgence » sur les besoins réels.

Les dispositifs développant des modes de logement adapté se voient attribuer 65 millions d’euros. Il s’agit d’une part, des maisons-relais (appelées pensions de famille depuis la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion), qui sont dotées à hauteur de 55 millions d’euros et, d’autre part, des résidences sociales qui bénéficient de l’aide à la gestion locative sociale (AGLS) à hauteur de 10 millions d’euros. Si les crédits d’AGLS sont en ligne avec le budget 2010 et le réalisé 2009, ceux attribués au maisons-relais/pensions de famille ne semblent pas être à la hauteur des besoins. Ces pensions, qui associent des logements privatifs et des espaces communs conviviaux et accueillent, sans condition de durée, des personnes dont la situation sociale et psychologique rend difficile un accès à un logement ordinaire, sont financées par l’État pour rémunérer la présence d’un intervenant « hôte » dans chaque structure. Le nombre de places offertes a considérablement augmenté sur la période récente (7 909 places fin 2009, environ 9 900 fin 2010 et un objectif de 15 000 places a été  fixé pour la fin de 2011). Sur la base du tarif actuel (16 euros par jour et par place), les 55 millions d’euros inscrits pour 2011 ne financeraient qu’environ 9 400 places, soit un niveau inférieur au nombre de places prévues à la fin de l’exercice 2010. Financer une moyenne de 12 000 places en 2011 reviendrait à environ 70 millions d’euros. Cette sous-évaluation des besoins va conduire les services déconcentrés, par prudence, à décourager la création de nouvelles places ou à proposer des subventions par place inférieures au tarif actuel, ce qui n’est pas viable pour ces structures.

● L’aide aux organismes logeant à titre temporaire des personnes défavorisées

L’aide aux organismes logeant à titre temporaire des personnes défavorisées (crédits dits « ALT1 ») qui sert à couvrir, au moins partiellement, le loyer et les charges, est dotée de 38,8 millions d’euros en 2011. Cette évaluation paraît correspondre aux dépenses constatées en 2009 (37 millions d’euros).

● L’intermédiation locative

Les crédits consacrés à l’intermédiation locative (30,4 millions d’euros) sont en très forte progression par rapport à 2010 (9 millions d’euros) et représentent plus du double des dépenses enregistrées en 2009 (14,65 millions d’euros). Cette orientation illustre la stratégie gouvernementale visant à favoriser le « logement d’abord ». En effet, l’intermédiation locative permet à des associations ou à des organismes sociaux de prendre à bail des logements du parc privé et de les sous-louer, à un loyer « social », à des personnes qui peuvent assumer un loyer, mais pas à la hauteur de ceux pratiqués par le marché. L’aide de l’État doit couvrir le différentiel de loyer ainsi que la prospection foncière, la gestion des logements, leur équipement et l’accompagnement social des familles logées.

● L’accompagnement social

Les crédits d’accompagnement dans et vers le logement s’établissent à 12 millions d’euros. Le budget est identique aux sommes débloquées en cours d’exercice 2010 et légèrement inférieur aux dépenses réalisées en 2009 (12,6 millions d’euros). Votre rapporteur pour avis s’étonne que l’accompagnement social ne soit pas davantage doté dans la mesure où il constitue un des outils les plus efficaces pour fluidifier le parcours des personnes hébergées dans les structures d’hébergement d’urgence et accélérer leur sortie vers le logement.

2. Les autres actions

● L’aide alimentaire

Pour la première fois, l’aide alimentaire est individualisée dans une action spécifique, ce qui constitue un progrès pour la visibilité de ces crédits. Toutefois, les sommes prévues ne sont pas à hauteur des besoins : fixées à 13,05 millions d’euros, elles sont en net recul par rapport aux dépenses de 2008 (20,5 millions d’euros) et à celles de 2009 (36,9 millions d’euros). Il est vraisemblable que des crédits supplémentaires devront être débloqués sur ce poste en cours d’année 2011, comme cela a déjà été le cas depuis plusieurs années.

● L’action « Prévention de l’exclusion »

Cette action voit son périmètre élargi en 2011 en incluant désormais les crédits « ALT2 » pour la gestion des aires pour les gens du voyage (15,5 millions d’euros). Ce montant, attribué aux organismes gestionnaires de ces aires, semble cohérent avec les sommes décaissées en 2009 (14,23 millions d’euros), compte tenu de l’augmentation prévisible du nombre de places dans le cadre des schémas départementaux d’accueil des gens du voyage.

Les crédits alloués aux allocations et prestations d’aide sociale au profit des personnes âgées et des personnes handicapées (essentiellement la prise en charge des sans domicile fixe) sont de 37 millions d’euros. Ce niveau paraît peu élevé en regard des sommes versées en 2009 (49,7 millions d’euros) pour ces dépenses obligatoires d’aide sociale.

Les actions de prévention de l’exclusion et d’accès au droit en faveur de la jeunesse réalisées au sein des points d’accueil et d’écoute jeunes (PAEJ) voient leurs crédits fortement réduits à 7,4 millions d’euros (contre 10,2 millions d’euros en loi de finances pour 2010). Ce niveau est surprenant dans la mesure où ces actions avaient utilisé 13,6 millions d’euros de crédits en 2009. C’est la raison pour laquelle les crédits prévus ne devraient pas être suffisants, sauf à fermer des points d’accueil, ce qui paraît improbable.

● L’action « Conduite et animation des politiques de l’hébergement et de l’inclusion sociale »

Cette action, qui ne change pas de périmètre, enregistre une forte diminution des crédits qui lui sont alloués (15,8 millions d’euros en 2011, contre 25,22 millions d’euros en loi de finances pour 2010). Ce montant paraît en deçà des besoins puisqu’en 2009, cette action avait coûté 28,6 millions d’euros.

Au sein de cette action, le fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire (FONJEP) voit ses subventions réduites de 50 % à 4,7 millions d’euros. Les subventions de l’État à ce fonds viennent en complément de financements locaux et aident les associations à salarier des personnels qui exercent principalement des fonctions d’encadrement et participent à la définition et au développement des projets associatifs. Les prévisions budgétaires 2011 sont très éloignées des subventions versées en 2009 (10,45 millions d’euros) et laissent à penser qu’elles ne seront pas suffisantes, sauf à fragiliser les associations.

Parmi les autres dispositifs financés sur cette action, les « têtes de réseaux » associatifs doivent être subventionnées à hauteur de 5,8 millions d’euros, en net recul par rapport aux dotations 2010 (8,8 millions d’euros). Ce niveau risque lui aussi d’être insuffisant et de décourager ces acteurs, qui se sont fortement engagés aux côtés de l’État dans le processus de refondation du dispositif d’hébergement d’urgence.

● L’action « Rapatriés »

Cette action est structurellement sous-dotée depuis des années. Il est difficile de savoir si les crédits prévus pour 2011 (14,3 millions d’euros) sont conformes aux besoins. En effet, les principaux dispositifs les plus coûteux en 2009, le désendettement des rapatriés (16,8 millions d’euros consommés) et, pour les harkis, l’allocation de reconnaissance (26,9 millions d’euros) et l’allocation pour les orphelins (12,4 millions d’euros) doivent fortement régresser à compter de 2010. Le Gouvernement estime que les dossiers de désendettement ont quasiment tous été instruits et, qu’en 2011, seuls des reliquats doivent être versés (pour un montant prévisionnel de 150 000 euros). Pour les allocations versées aux harkis et à leur famille, seules les rentes devraient subsister en 2011, les sorties en capital (pour lesquelles les harkis pouvaient opter conformément à la loi du 23 février 2005) ayant pratiquement toutes été versées à la fin 2009.

Toutefois, une circulaire du 30 juin 2010 a de nouveau prorogé jusqu’à la fin de l’année 2010 les mesures en faveur des harkis et de leur famille. Afin de savoir si les sorties en capital seront véritablement terminées en 2011, il faudrait savoir si le Gouvernement a informé de leurs droits tous les bénéficiaires potentiels (anciens membres des formations supplétives et assimilés) afin d’éviter une nouvelle prorogation du dispositif. Concernant le désendettement des rapatriés, il serait nécessaire de connaître le nombre de dossiers en suspend et leur montant pour pouvoir véritablement évaluer les sommes restant à verser.

En conclusion, l’augmentation volontariste des crédits en 2011 ne constitue pas la remise à niveau tant attendue. Au total, une soixantaine de millions pourraient manquer. Votre rapporteur pour avis déplore que l’objectif de sincérité budgétaire ne soit pas encore totalement atteint en 2011, en dépit d’une augmentation sensible des crédits alloués au programme.

II.- L’HÉBERGEMENT D’URGENCE : BILAN D’ÉTAPE DE LA MISE EN ŒUVRE DES PROPOSITIONS DU RAPPORT DE SEPTEMBRE 2008 RELATIF À L’HÉBERGEMENT D’URGENCE ET À L’ACCÈS AU LOGEMENT DES PERSONNES SANS-ABRI OU MAL LOGÉES

À la fin de l’année 2007, votre rapporteur pour avis a été chargé par le Premier ministre de rédiger, en tant que parlementaire en mission, un rapport sur l’hébergement d’urgence et l’accès au logement des personnes sans-abri ou mal logées. Les conclusions (1), remises en deux temps (en janvier, puis en septembre 2008), affirment en premier lieu la nécessité d’un pilotage fort et clairement identifié de l’État, l’hébergement et le logement devant devenir une priorité de l’action gouvernementale. Satisfaisant cette proposition, le Premier ministre a déclaré, dans une circulaire aux préfets du 22 février 2008, l’hébergement et l’accès au logement « grand chantier prioritaire 2008-2012 ». Depuis cette date, de nombreux chantiers impulsés par l’État ont été lancés. S’il est encore trop tôt pour établir un bilan définitif, il est néanmoins important, d’une part, d’inventorier ce qui a déjà été réalisé et d’en évaluer les effets et, d’autre part, de lister ce qui reste à mettre en œuvre ou ce qu’il convient d’améliorer.

Le rapport remis en 2008 ne se limitait pas à l’hébergement d’urgence et il comportait plusieurs propositions qui n’entrent pas dans le champ du programme 177 « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables » (lutte contre l’habitat indigne, construction de logements sociaux…). Le bilan d’étape du présent rapport est centré sur les propositions relatives à l’hébergement d’urgence, qui constitue l’essentiel du programme 177, et s’organise autour de trois axes : la gouvernance (mieux piloter et organiser), la veille sociale (mieux connaître et orienter) et les structures d’hébergement (mieux héberger et insérer).

A. UNE GOUVERNANCE RÉNOVÉE AFIN DE MIEUX PILOTER ET MIEUX ORGANISER LES POLITIQUES D’HÉBERGEMENT D’URGENCE

1. Un pilotage de l’État renforcé

Le rapport préconisait de renforcer le rôle de l’État dans la détermination et la mise en œuvre des politiques d’hébergement d’urgence et d’accès au logement. L’État doit en premier lieu assurer un pilotage fort et clairement identifié des politiques. Il doit aussi procéder à la clarification des notions d’hébergement d’urgence et celle de mise à l’abri. Il doit enfin accompagner les associations dans leur passage d’une culture de la charité à une culture d’intervention professionnelle. Pour satisfaire ces obligations, le rapport indiquait que l’action de l’État devait s’inscrire dans la durée (notamment par le biais de conventions pluriannuelles d’objectifs et de moyens) et qu’elle devait s’appuyer sur un budget transparent et respecté.

● Depuis 2008, un volontarisme de l’État en matière d’hébergement d’urgence s’est affirmé

La mise en place du « grand chantier prioritaire 2008-2012 » consacré à l’hébergement d’urgence et au logement constitue l’acte fondateur d’une volonté affirmée de l’État. D’emblée, cette action s’inscrit dans la durée en se donnant quatre années pour parvenir à réformer les dispositifs. Pour piloter ce chantier, un « délégué général pour la coordination de l’hébergement et de l’accès au logement des personnes sans-abri ou mal logées », rattaché au Premier ministre, est nommé en avril 2008.

Début 2009, le plan de relance de l’économie comprend un important volet relatif à l’hébergement, concernant la réhabilitation et la création de structures d’hébergement, l’augmentation des capacités, le développement des équipes mobiles, la mise en place de mesures d’accompagnement vers le logement, l’accroissement de places en maisons relais/pensions de famille et la mobilisation du parc privé.

La loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion (dite loi MOLLE) modifie significativement le cadre des politiques d’hébergement et de logement des sans-abri ou mal logés. Dans son article 73, elle affirme un droit à l’hébergement d’urgence et à l’accompagnement social en prévoyant que « toute personne sans-abri en situation de détresse médicale, psychique et sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence » et que « toute personne accueillie dans une structure d’hébergement d’urgence doit pouvoir y bénéficier d’un accompagnement personnalisé et y demeurer dès lors qu’elle le souhaite, jusqu’à ce qu’une orientation lui soit proposée ». De plus, elle redéfinit la veille sociale (articles 71 et 72), impose une planification départementale des places d’hébergement et d’insertion (article 69) et développe les solutions de mobilisation du parc privé (intermédiation locative et conventions d’occupation précaire).

Au second semestre 2009, l’État a engagé un processus de refondation du dispositif d’accueil et d’hébergement. Sous l’égide du délégué général, des groupes de travail (associant des représentants de l’État et des représentants associatifs) se sont réunis en octobre 2009 pour définir des propositions opérationnelles remises au ministre chargé du logement (cf. annexe 1). Sur cette base, le ministre a présenté le 9 novembre 2009 la stratégie nationale de prise en charge des personnes sans-abri ou mal logées avec deux principes directeurs : la mise en place d’un service public de l’hébergement et la priorité accordée au « logement d’abord », c’est-à-dire que le logement de droit commun doit être privilégié à chaque fois que cela est possible. Dans le cadre de cette stratégie nationale, plusieurs chantiers ont été lancés courant 2010, notamment la création des services intégrés d’accueil et d’orientation, l’élaboration d’un référentiel des prestations du dispositif d’accueil, d’hébergement et d’insertion, le développement de l’accompagnement vers le logement et de l’intermédiation locative ou encore la planification territorialisée des places d’hébergement dans le cadre des plans départementaux d’accueil, d’hébergement et d’insertion.

Pour accompagner cette stratégie, les services de l’État ont été réorganisés afin de prendre en compte le caractère interministériel des politiques de lutte contre l’exclusion. Au niveau central, la direction générale de la cohésion sociale a été créée en janvier 2010. Parallèlement, le délégué général en charge du pilotage du chantier est devenu « délégué interministériel pour l’hébergement et l’accès au logement des personnes sans-abri ou mal logées » en juillet 2010. Au niveau déconcentré, les crédits sont gérés depuis janvier 2010 par les directions régionales de la jeunesse des sports et de la cohésion sociale et par les directions départementales de la cohésion sociale. En Île-de-France, la direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement (DRIHL) a été mise en place le 1er juillet 2010, pour mettre en œuvre au niveau régional les politiques gouvernementales en matière de veille sociale, d’accès au logement et de production de logement social.

● Les insuffisances persistantes

Jusqu’à présent, les moyens alloués au programme 177 dans les lois de finances initiales n’ont jamais été à la hauteur des objectifs ambitieux affichés par l’État depuis 2008. Comme cela a été développé plus haut, les crédits du programme sont systématiquement insincères depuis de nombreuses années et l’effort de « rebasage » pour le projet de loi de finances 2011 reste insuffisant. Cette insincérité est un frein à l’objectif du « logement d’abord », car faute de visibilité sur les crédits, les dispositifs d’urgence de court terme continuent à être privilégiés pour sortir les gens de la rue.

2. Les débuts d’une gouvernance territorialisée

Le rapport remis en 2008 proposait une nouvelle approche territoriale pour piloter les politiques relatives à l’hébergement d’urgence. Il préconisait un pilotage départemental, ainsi qu’une association des collectivités locales pour identifier les besoins et planifier les réponses. Dans cette optique, le rapport suggérait de fusionner les schémas d’accueil d’hébergement et d’insertion (SAHI) et les plans départementaux d’action pour le logement des plus défavorisés (PDALPD) dans un plan unique avec une co-signature du conseil général et de l’État. Pour tenir compte des spécificités de la région parisienne, il était proposé de développer des outils spécifiques de pilotage au niveau de Paris et de l’Île-de-France. Enfin, le rapport invitait à clarifier les rôles respectifs de l’État et des collectivités locales en matière d’accompagnement social.

● Les progrès du pilotage territorial

Hors Île-de-France, la principale avancée en matière de gouvernance territorialisée est la mise en place en 2010 dans chaque département d’un plan départemental d’accueil, d’hébergement et d’insertion (PDAHI). Prévus par l’article 69 de la loi du 25 mars 2009, ces plans constituent le cadre d’une programmation pluriannuelle et territorialisée de l’offre d’hébergement d’urgence. Une circulaire du 9 décembre 2009 a demandé aux services préfectoraux d’associer tous les acteurs concernés (collectivités locales, associations, usagers, caisses d’allocations familiales, bailleurs sociaux) à l’élaboration des plans départementaux. Conformément à la préconisation du rapport de 2008, ces plans sont pris en compte dans les plans départementaux d’action pour le logement des plus défavorisés. La finalisation des plans départementaux initialement prévue fin mars 2010, a dû être repoussée à juin. Selon la direction générale de la cohésion sociale, en septembre 2010, tous les départements avaient élaboré leur PDAHI.

En Île-de-France, une structure originale, le groupe opérationnel de coordination de l’hébergement d’urgence (GOCHU), a été mise en place fin 2008 sous l’égide du délégué général pour la coordination de l’hébergement et de l’accès au logement des personnes sans-abri ou mal logées. Le 15 janvier 2009, ce groupe, qui associe des représentants associatifs et des représentants de l’État a signé un protocole d’accord relatif à la coordination de la veille sociale entre le préfet de région, le président du Samu social de Paris, le président de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS) d’Île-de-France et les associations gestionnaires des « 115 ». Des groupes de travail ont ensuite abouti à des propositions opérationnelles en vue de faciliter la mise en œuvre du principe de continuité de l’accueil et à mieux coordonner les acteurs de la veille sociale et de l’hébergement dans une approche départementale et régionale. Par ailleurs, en application de la loi du 25 mars 2009, un plan régional d’accueil, d’hébergement et d’insertion, qui constitue la déclinaison en Île-de-France des plans départementaux, a été élaboré en 2010. Pour tenir compte des spécificités de la région parisienne, c’est une approche régionale de la planification des places d’hébergement qui a donc été privilégiée.

● Les améliorations à apporter à la gouvernance territoriale actuelle

En premier lieu, la planification reste essentiellement gérée par les seuls services de l’État. Les plans départementaux et régionaux d’accueil, d’hébergement et d’insertion ont été élaborés par les services préfectoraux et, compte tenu d’un calendrier très serré pour leur mise en place, la concertation avec les acteurs locaux a été variable selon les départements. De plus, contrairement à ce que préconisait le rapport de 2008, ces plans ne sont pas cosignés par les présidents des conseils généraux.

Sur le plan qualitatif, les plans départementaux semblent inégaux et restent pour la plupart dans une approche essentiellement quantitative de la planification des places d’hébergement. De plus, ils intègrent assez peu les nouvelles orientations de la stratégie nationale de refondation visant à privilégier le « logement d’abord » et à favoriser la fluidité des parcours. Restant dans la logique de l’urgence, ils aboutissent presque tous à demander la création de nouvelles places d’hébergement.

De plus, la planification départementale des places d’accueil, d’hébergement et d’insertion doit s’articuler avec d’autres planifications qui concernent les publics à la rue. C’est principalement le cas des planifications de places médico-sociales (premiers secours, hébergements médicalisés de court terme en « lits halte soins santé », prise en charge des personnes sujettes aux addictions ou souffrant de maladies psychiques). À moyen terme, il conviendra d’articuler les PDAHI avec les projets régionaux de santé, prévus par la loi « Hôpital, patients, santé et territoires » (HPST) du 21 juillet 2009, qui sont actuellement en cours d’élaboration.

Plus largement, on peut s’interroger sur la définition du territoire le plus pertinent pour planifier les places d’hébergement. En dehors de l’Île-de-France, le choix du niveau départemental risque de générer des incohérences entre les différents plans d’une même région. Il conviendrait donc au minimum procéder à une harmonisation entre les départements, voire envisager à moyen terme une planification à l’échelle régionale.

Enfin, on peut regretter que la proposition du rapport remis en 2008 visant à clarifier les rôles respectifs de l’État et les collectivités locales en matière d’accompagnement social n’ait pas été suivie d’effet à ce jour.

B. UNE VEILLE SOCIALE À AMÉLIORER AFIN DE MIEUX CONNAÎTRE ET MIEUX ORIENTER LES PUBLICS À LA RUE

1. Améliorer la connaissance des publics

Partant du constat que les populations sans-abri ou mal logées sont très mal connues, le rapport de 2008 préconisait que l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale (ONPES) soit renforcé. Il proposait également de tester un système d’observation souple et coordonné de la veille sociale sur Paris. Ce chantier n’a pas avancé depuis 2008, ce qui a conduit l’Inspection générale des affaires sociales à réitérer les mêmes préconisations dans son rapport annuel de 2009.

Mieux connaître le nombre et les caractéristiques les populations à la rue n’a pas qu’une visée statistique. Cette information est essentielle afin d’adapter les dispositifs d’accueil, d’hébergement et d’insertion aux besoins des publics concernés et à leurs parcours individuels. De plus, le manque de données nuit à l’évaluation des politiques de lutte contre l’exclusion. Il serait par exemple intéressant de pouvoir mettre en place un critère de performance qui fixerait des objectifs chiffrés de sorties de la rue.

La dernière enquête nationale de référence de l’INSEE sur les sans-abri date de 2001. De plus, les données locales sont très insuffisantes. Des initiatives associatives sont intéressantes, à l’instar des études de l’Observatoire du Samu social de Paris, et devraient être généralisées sur l’ensemble du territoire.

Votre rapporteur pour avis préconise de recenser à intervalle régulier les sans-abri et les mal logés à la fois au plan national et au niveau régional. Il convient d’abord de chiffrer le nombre de sans-abri sans solution d’hébergement (y compris ceux qui ne font pas appel aux « 115 »), afin de calibrer le nombre de places d’hébergement en conséquence. Outre cette approche purement quantitative, un socle minimal d’informations qualitatives doivent être recueillies (âge, sexe, situation familiale et professionnelle), afin de mieux cerner la population mal logée. Il est de surcroît nécessaire d’affiner les connaissances relatives à certains publics spécifiques afin de répondre au mieux à leurs besoins : personnes sans-abri en situation de souffrance psychique, de handicap ou d’addiction, populations migrantes, travailleurs pauvres… Ces études statistiques devraient être enrichies d’études de trajectoires personnelles pour analyser les causes de la mise à la rue ainsi que les freins au retour vers le logement.

La mise en place à moyen terme d’un système informatique national centralisé des dispositifs d’accueil, d’hébergement et d’insertion (voir infra) permettra de produire des données sur les personnes faisant appel à ces dispositifs. Toutefois, il ne permettra pas de décompter et d’étudier les personnes sans-abri qui n’y recourent pas.

2. Améliorer l’accueil et l’orientation

a) Les maraudes des équipes mobiles

Pour améliorer la prise en charge des sans-abri, le rapport remis en 2008 préconisait de s’engager vers une professionnalisation des maraudes. Il suggérait notamment d’établir un référentiel de l’intervention en maraude et d’encadrer leur pratique (essentiellement sur Paris).

● Les réformes engagées

Dans le cadre du plan de relance de l’économie, des moyens spécifiques ont été débloqués en mars 2009 (à hauteur de 2,9 millions d’euros) pour créer cinquante nouvelles équipes mobiles (dont dix en Île-de-France). Fin 2009, il existait désormais 152 équipes mobiles et samu sociaux sur le territoire français.

Le rapport constatait qu’à Paris, la veille sociale était éclatée puisqu’à l’époque, une vingtaine d’associations intervenaient en maraudes sans véritable coordination. Pour rationaliser cette organisation et éviter que certaines zones parisiennes ne soient pas couvertes (ou qu’au contraire, il y ait des chevauchements), le préfet de la région Île-de-France a divisé, en décembre 2009, la capitale en quatre zones placées chacune sous la coordination d’une association référente (Emmaüs, Les enfants du canal, Aux captifs la libération et Aurore).

Par ailleurs le groupement opérationnel de coordination de l’hébergement d’urgence a travaillé en 2009 sur le thème de la professionnalisation des maraudes. En ce sens, a été proposée une formation s’articulant autour de deux niveaux qui se distinguent par leur contenu et les intervenants ciblés. La formation de premier niveau (sur le modèle de la formation dispensée par le Samu social de Paris ou la Croix Rouge) correspond à quinze heures de formation réparties sur deux à trois semaines. Elle comporte des temps d’observation et doit permettre d’appréhender la façon d’aborder une personne sans-abri, de connaître les principales problématiques des usagers, de comprendre le fonctionnement du dispositif de veille sociale et d’en identifier les acteurs. La formation de second niveau, plus approfondie, de type diplôme universitaire, cible les personnes les plus engagées dans les équipes mobiles. Dans le cadre du plan de relance, 280 000 euros ont été affectés à ces formations en 2009.

● Un bilan mitigé

La réorganisation sectorielle ne concerne pas encore toutes les maraudes, mais uniquement les maraudes « d’intervention sociale », c’est-à-dire celles qui ne visent pas à sortir immédiatement de la rue les personnes en situation d’urgence. De plus, pour les maraudes sectorisées, les pratiques ne sont pas encore unifiées et restent disparates en fonction des secteurs. Pour remédier à ces dysfonctionnements, l’Inspection générale des affaires sociales (2) préconise d’instaurer une coordination entre les quatre responsables de secteurs et d’unifier la composition des équipes mobiles en fonction du type de maraude. Par ailleurs, l’Inspection générale considère qu’il convient de renforcer la formation des équipes mobiles afin d’améliorer leur professionnalisation.

b) La coordination de l’accueil et de l’orientation

Pour améliorer la coordination de l’accueil, le rapport de 2008 préconisait d’accélérer la constitution d’un socle minimal d’informations pour les « 115 », qui doivent avoir connaissance en temps réel de l’ensemble des places disponibles sur le territoire de référence.

● L’intégration progressive des services d’accueil et d’orientation

Suite aux préconisations du groupement opérationnel de coordination de l’hébergement d’urgence, une mutualisation de la gestion des nuitées d’hôtel est progressivement mise en place en Île-de-France. La création, à titre expérimental, d’un « pôle hôtelier » au sein du Samu social de Paris en juillet 2006 a permis une rationalisation de la gestion des nuitées hôtelières. Ce dispositif a été pérennisé en 2007, sous la forme d’un « pôle d’hébergement et de réservation hôtelière ». Sous l’égide du préfet de région, il a été décidé de mettre à profit l’expérience et l’expertise du Samu social de Paris en la matière en l’étendant, à titre expérimental, à d’autres départements. Cette extension a d’abord concerné la Seine Saint-Denis, mais a vocation à être étendue aux autres départements de la petite couronne.

Dans le cadre de la refondation du dispositif d’hébergement, une nouvelle étape en matière de coordination et de mutualisation des actions dans chaque département a été engagée avec la création des services intégrés d’accueil et d’orientation (SIAO). Prévue aux articles 71 et 72 de la loi du 25 mars 2009, la mise en place dans chaque département (ou au niveau régional en Île-de-France) d’un dispositif de veille sociale unique chargée d’accueillir les personnes sans-abri ou en détresse, de procéder à une première évaluation et de les orienter vers des structures adaptées, devient effective avec la mise en place des SIAO. Les principes qui régissent ces nouvelles structures ont été établis par deux circulaires en date du 8 avril et du 7 juillet 2010 qui fixent au 15 septembre 2010 la date limite pour que chaque département se soit doté de son service intégré. Ce service doit disposer d’une vision exhaustive du parc d’hébergement d’urgence et du parc de logement de transition. Il reçoit toutes les demandes de prise en charge et oriente les personnes sans-abri vers la solution la plus adaptée. Il doit assurer la coordination des acteurs locaux de l’hébergement et du logement et veiller à instaurer un dialogue permanent afin de développer une collaboration entre tous les acteurs de l’accueil, de l’hébergement et du logement et permettre une orientation vers les solutions adaptées. Il doit veiller à la continuité de la prise en charge tout au long des parcours en s’appuyant sur la mise en place de référents personnels.

● Un premier bilan difficile à établir

La première interrogation est de savoir si tous les départements auront effectivement créé un service intégré avant la période hivernale. La direction générale de la cohésion sociale indique qu’en dehors de l’Île-de-France, trente-neuf départements se sont dotés d’un ou plusieurs SIAO avant le 15 septembre 2010 et que fin novembre ils seront soixante-six. Il reste donc une vingtaine de départements métropolitains pour lesquels la création d’un service intégré avant l’hiver est incertaine. Pour les départements franciliens, la situation est plus critique. En effet, la loi du 25 mars 2009 prévoit expressément un dispositif unique de veille sociale au niveau de l’Île-de-France. Face aux difficultés pratiques de mise en œuvre d’un service unique sur un tel territoire, et conformément aux préconisations de l’Inspection générale des affaires sociales dans son rapport précité sur l’organisation de la veille sociale en Île-de-France, la solution à court terme serait de créer des services intégrés départementaux. Simultanément, la direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement doit mettre en place un pilotage régional permettant d’harmoniser les pratiques pour déboucher, à moyen terme, sur un service unifié à l’échelle de la région. Compte tenu du retard pris, il est peu vraisemblable que tous les départements franciliens puissent parvenir à avoir un service intégré en ordre de marche avant l’hiver 2010, alors que c’est en Île-de-France que la situation de l’hébergement d’urgence est la plus tendue.

Par ailleurs la liberté accordée aux départements de créer plusieurs services intégrés (un SIAO-urgences et un SIAO-insertion, voire plusieurs SIAO à compétence infradépartementale) pourrait aboutir à remettre en cause le principe de plateforme unique en charge de la veille sociale. Une enquête de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS), réalisée sur quarante-six départements en septembre 2010, indique qu’un quart d’entre eux a opté pour plusieurs SIAO.

La même enquête indique que la grande majorité des départements (plus des trois-quarts) n’a pas intégré les fonctions de référent personnel dans les missions confiées au SIAO. Ce choix discutable illustre les difficultés conceptuelles et pratiques de mise en place d’un référent personnel tout au long d’un parcours, parfois long et chaotique, dans une pluralité de dispositifs d’hébergement.

Au 15 septembre 2010, selon la même enquête, seuls neuf départements sur quarante-six étaient à même de connaître et de centraliser l’ensemble des demandes d’hébergement et de logement. Il faudra prendre garde à ce que toutes les places d’hébergement et de logement soient effectivement centralisées, pour ne pas amoindrir l’intérêt du dispositif.

Enfin, la question des moyens est posée. Le projet de loi de finances 2011 prévoit six millions d’euros pour les frais d’installation des SIAO. Mais au-delà de la mise en place des services intégrés, les fonctions nouvelles de coordination généreront des coûts de structures et il convient de prévoir un financement public pérenne pour les couvrir.

c) Le dispositif d’information centralisé

Pour disposer d’un système d’information permettant à la fois de connaître en temps réel les places disponibles et de disposer de données sur les publics accueillis et leur devenir à la sortie des structures, le rapport remis en 2008 préconisait de statuer sans attendre sur un dispositif d’information couvrant le dispositif d’accueil, d’urgence et d’insertion.

● Le système d’information national

La direction générale de la cohésion sociale a initié, début 2009, une réflexion nationale afin de définir l’architecture d’un futur système d’information identique en tout point du territoire. Ce système ambitieux doit permettre :

– d’avoir une connaissance sur les publics (caractéristiques, situations au moment de la demande, pendant l’hébergement, à la sortie…) et de l’offre d’hébergement et de logement adapté (caractéristiques des établissements, occupation des capacités, durée des séjours…) au moyen d’un outil de requête souple ;

– le rapprochement des demandes de logement et d’hébergement et des capacités disponibles dans l’esprit qui conduit à la création des services intégrés d’accueil et d’orientation ;

– l’aide aux gestionnaires et aux travailleurs sociaux dans les établissements (gestion des capacités, suivi de l’accompagnement social par les travailleurs sociaux) ;

– la réduction du nombre des enquêtes récurrentes ou ponctuelles grâce à l’exploitation de données aux différents niveaux du territoire ;

– l’alimentation du contrôle de gestion, en indicateurs précis, devant permettre d’améliorer l’allocation des crédits de l’État.

Une étude préliminaire pour mieux appréhender les besoins des acteurs a été réalisée par un prestataire de septembre 2009 à juin 2010. Mais, le projet prend du temps et sa date de réalisation est incertaine.

● L’informatisation des services intégrés d’accueil et d’orientation

L’État a proposé une solution informatique simplifiée et « a minima » pour le démarrage des services intégrés à compter du 15 septembre 2010. Les délais de mise à disposition d’une solution informatique pour leur démarrage ne permettant pas immédiatement l’informatisation complète, il s’agit donc d’une version de base qui, au gré des besoins de ses utilisateurs, sera amenée à connaître des évolutions fonctionnelles. L’outil développé est un outil géré au niveau national, qui doit à terme recenser la demande et l’offre d’hébergement et collecter les informations sur les personnes accueillies.

Toutefois, les services intégrés ne seront pas contraints d’utiliser la solution informatique développée par l’État. En effet, leurs opérateurs qui disposent déjà de leurs propres outils, pourront continuer à les utiliser. Ainsi de nombreux « 115 », qui utilisent actuellement un système d’information qu’ils jugent plus performant et plus complet que le système « a minima » proposé par l’État, ont fait le choix de le conserver. Cette concurrence entre deux systèmes d’information incompatibles ne risque-t-elle pas de freiner, voire d’empêcher le développement du système national centralisé ?

C. LA MODERNISATION DES STRUCTURES D’HÉBERGEMENT AFIN DE MIEUX HÉBERGER ET MIEUX INSÉRER

1. La réforme des structures « classiques » d’hébergement : centres d’hébergement d’urgence, centres d’hébergement et de réinsertion sociale et centres de stabilisation

a) Développer et humaniser le parc

Le rapport remis en 2008 préconisait de maintenir une offre suffisante de places en hébergement d’urgence et de lancer un programme d’humanisation des structures « classiques » d’hébergement, notamment pour supprimer les chambres en dortoir.

● Une forte progression du nombre de places

Sur la période 2007 à décembre 2009, le nombre de places en centres d’hébergement d’urgence, centres d’hébergement et de réinsertion sociale et centres de stabilisation a fortement augmenté, notamment dans le cadre du plan de relance de l’économie de 2009.

Nombre de places

Fin 2007

Fin 2008

Fin 2009

Fin 2010 *

Centres d’hébergement d’urgence et centres de stabilisation (hors centres d’hébergement et de réinsertion sociale)

14 689

15 911

17 535

17 535

Centres d’hébergement et de réinsertion sociale

36 184

38 159

39 442

39 442

Hôtels

9 198

10 377

13 025

13 025

TOTAL

60 071

64 447

70 002

70 002

*Prévisions de la direction générale de la cohésion sociale

En dépit de cette augmentation, les associations constatent que faute de places disponibles, une partie des personnes à la rue ne peuvent être hébergées, même si, en l’absence d’études statistiques nationales sur le sujet, le nombre réel des sans-abri sans solution est difficilement évaluable. De plus, les durées d’hébergement, y compris en centre d’extrême urgence, tendent à s’allonger et l’on observe une cristallisation croissante de la situation des personnes en hébergement temporaire. Enfin, certains publics ne peuvent pas sortir des centres d’hébergement d’urgence faute de solution alternative. C’est notamment le cas des demandeurs d’asile qui n’ont pas de place en centres d’accueil des demandeurs d’asile ou des déboutés qui n’ont pas quitté le territoire, pour lesquels les accueils dans d’autres dispositifs sont illégaux. À titre d’exemple, en septembre 2010, le centre d’hébergement d’urgence « Fleuron Saint-Jean » géré par l’Ordre de Malte à Paris était occupé aux trois par des demandeurs d’asile ou des déboutés. 

La nouvelle stratégie nationale visant à fluidifier les parcours et à privilégier « le logement d’abord » permettra sans doute à terme de libérer des places, mais dans l’immédiat il ne faut pas en diminuer le nombre. De nombreuses associations craignent que la refondation ne conduise trop rapidement à la baisse des financements des centres d’hébergements. C’est ce que le Gouvernement peut laisser croire lorsqu’il indique dans le bleu budgétaire relatif à la mission « Ville et logement » pour 2011 que « les dotations allouées à l’hébergement d’urgence et aux centres d’hébergement et de réinsertion sociale tiennent compte des économies qui pourront être dégagées par la mise en œuvre des plans départementaux d’accueil, d’hébergement et d’insertion pour mieux utiliser les places existantes en rendant plus fluides les parcours des personnes accueillies ».

● Un important plan d’humanisation des centres d’hébergement

Lancée en janvier 2008 suite aux préconisations du rapport sur l’hébergement d’urgence, l’humanisation des centres d’hébergement a été amplifiée grâce au plan de relance de l’économie de 2009. Les objectifs du plan d’humanisation sont d’accroître le niveau de qualité des centres d’hébergement en se rapprochant le plus possible des logements foyers et de mettre en adéquation les structures avec les besoins exprimés localement. Des normes strictes doivent être respectées : chambres individuelles ou familiales (les dortoirs sont prohibés), superficie minimale, normes sanitaires… À la fin du premier semestre 2010, les financements de 366 projets représentant plus de 11 000 places ont été accordés (création et rénovation) pour un montant total de subventions de l’État de 105,9 millions d’euros (cf. annexe 2).

La disparition des dortoirs dans les centres modernisés a un effet notable sur le nombre de places disponibles (environ un tiers de places en moins à superficie équivalente). Il faut impérativement que ces places soient compensées pour que le nombre de places d’hébergement reste suffisant.

b) Harmoniser les structures existantes

Le rapport remis en 2008 proposait d’unifier les statuts des structures d’hébergement d’urgence et d’établir un référentiel des prestations et des coûts couvrant l’ensemble des dispositifs d’hébergement. Sur ce sujet, les avancées sont peu nombreuses. Le chantier de rapprochement des statuts n’a pas commencé. Pour le référentiel, seule la partie « définition des prestations » est prête et publiée.

Le référentiel des prestations a été publié le 16 juillet 2010. Il ne s’agit pas d’une création ex nihilo, puisqu’un référentiel national « Accueil, hébergement et insertion » a déjà été publié en mars 2005. Mais le nouveau référentiel est plus complet. Le premier volet du référentiel décrit concrètement dix-sept prestations délivrées directement aux personnes en difficultés (alimenter, mettre à l’abri, accueillir…) et trois prestations dites « support » qui permettent la réalisation des précédentes prestations. Un deuxième volet décrit les « éléments de délivrance des prestations », c’est-à-dire le cadre juridique et administratif dans lequel les prestations sont délivrées. Ce référentiel met à plat toutes les prestations indépendamment du type de structures qui les délivre et permet de rendre plus lisible le travail des associations.

Un troisième volet portera sur le référentiel des coûts des prestations, qui doit permettre de réformer les financements. Cette partie a pris du retard, car elle est complexe à mettre en œuvre. Une étude nationale doit être réalisée fin 2010 sur un échantillon de structures volontaires pour déterminer un coût « standard » par prestation avec une fourchette haute et une fourchette basse. Ce coût pourrait servir de base à la détermination des financements publics. Cependant, le secrétaire d’État au logement a exclu à plusieurs reprises la « tarification à l’acte ». La méthode qui est actuellement privilégiée consisterait à regrouper les différentes structures en une dizaine de groupes homogènes par type de « métiers » et d’établir un coût moyen par groupe avec éventuellement une modulation géographique. Cette approche semble mieux accueillie par les associations, mais on peut se demander si la tarification par prestations n’est pas plus simple et plus juste. En effet, est-il normal qu’une même prestation soit rémunérée différemment en fonction du type de structures qui la délivre ?

Une fois le référentiel des coûts achevé, on ne peut que souhaiter que le chantier de rapprochement des statuts démarre enfin.

c) Mieux assurer l’accompagnement social vers le logement

Partant du principe que l’accompagnement social est l’outil indispensable pour fluidifier les parcours et favoriser la sortie vers le logement, le rapport remis en 2008 préconisait de mettre en place un accompagnement spécifique pour assurer la transition vers le logement, de mieux former les travailleurs sociaux des centres d’hébergement à l’accompagnement vers le logement et de développer un accompagnement social coordonné, au-delà des compétences institutionnelles.

● Une montée en puissance de l’accompagnement social vers et dans le logement

En 2009, au sein des mesures du plan de relance de l’économie, 12 millions d’euros ont été débloqués pour développer l’accompagnement social vers et dans le logement, avec pour objectif de favoriser les sorties réussies des structures d’hébergement. Ces dotations sont accompagnées d’objectifs régionaux de créations de postes d’accompagnement social. En septembre 2009, un objectif de relogement de 30 % des personnes hébergées par département avant la fin de l’année 2009 a été fixé. Une circulaire spécifique du 19 juillet 2010 reconduit les 12 millions alloués en 2009, et étend les objectifs de l’accompagnement social : outre les sorties réussies des centres d’hébergement, il doit proposer un accompagnement adapté pour fluidifier l’accès au logement sans nécessairement passer par toutes les étapes du parcours d’hébergement (urgence, stabilisation, insertion, logement adapté). Le budget de 12 millions est maintenu dans le projet de loi de finances pour 2011.

● Un bilan difficile à établir

L’indicateur de performance qui calcule la part des personnes hébergées en centre d’hébergement et de réinsertion sociale accédant à un logement donne des résultats encourageants puisque cette proportion est passée de 57 % en 2008 à 63,3 % en 2009. La direction générale de la cohésion sociale indique, qu’en 2009, 3 500 personnes ont été logées grâce aux actions financées par les crédits d’accompagnement social. Cet indicateur n’est toutefois pas totalement satisfaisant, car il n’englobe pas les centres d’hébergement d’urgence pour lesquels, faute de moyens, l’accompagnement social est soit inexistant, soit largement insuffisant. Dans la perspective du « logement d’abord » il est impératif de renforcer l’accompagnement vers le logement dans ces structures de premier recours.

Les objectifs assignés par l’État à l’accompagnement vers et dans le logement sont vastes. Aux termes de la circulaire du 19 juillet 2010, trois objectifs doivent guider l’utilisation des crédits d’accompagnement social :

– favoriser les sorties réussies des structures d’hébergement et de logement temporaire vers le logement, et donc une insertion durable dans le logement et son environnement ;

– proposer un accompagnement adapté à des ménages passant directement de la rue au logement, notamment à des ménages hébergés en hôtel, en particulier à l’issue de la période hivernale ;

– prévenir les expulsions avec des actions telles que le développement de lien avec les commissions de surendettement (prévention du surendettement) et envisager un partenariat notamment avec les caisses d’allocations familiales et la mutualité sociale agricole.

Il n’est pas aisé, au-delà de ces objectifs ambitieux, de cerner les actions concrètes que le secrétariat d’État au logement entend promouvoir pour parvenir à les atteindre.

Par ailleurs, l’accompagnement social reste protéiforme et éclaté. Ainsi, au sein des associations, l’accompagnement vers le logement est rarement dissocié d’autres formes d’accompagnement (vers l’emploi, vers l’alphabétisation…). De plus, la multiplicité des intervenants nuit à l’efficacité des politiques. Outre les associations et les services de l’État, les collectivités locales sont très impliquées dans l’accompagnement social, notamment à travers les fonds de solidarité pour le logement (FSL) gérés par les départements dans le cadre des plans départementaux d’action pour le logement des plus défavorisés. Pour être efficaces, les crédits d’accompagnement social gérés par l’État ne doivent pas être déconnectés des politiques menées au plan local, ce qui milite à nouveau pour une cosignature des plans départementaux d’accueil, d’hébergement et d’insertion par les présidents de conseils généraux à côté de la signature du représentant de l’État.

2. Le développement de solutions innovantes

a) Les structures innovantes

Le rapport de 2008 proposait de mieux répondre aux besoins des différents publics du dispositif d’hébergement en poursuivant la diversification des réponses, en développant les maisons relais/pensions de famille et en transformant certaines places de centres d’hébergement et de réinsertion sociale en résidence hôtelière à vocation sociale.

● Les actions en faveur des structures innovantes

Les maisons-relais/pensions de famille ont vu leur nombre fortement progresser depuis 2007. Initié en 2007 par le plan d’action en faveur des sans-abri (PARSA), le programme de développement de ces structures s’est fixé des objectifs très ambitieux (de 12 000 places fin 2010 et 15 000 fin 2011). Ces objectifs ne devraient toutefois pas être atteints.

 

Fin 2007

Fin 2008

Fin 2009

Fin 2010 *

Nombre de places en maisons-relais/pensions de famille

3 799

6 249

8 804

9 909

dont 1 000 places en résidences accueil

* Prévisions de la direction générale de la cohésion sociale

Le coût pour l’État de ces structures est très inférieur aux structures « classiques » d’hébergement. Il s’établit à moins de 6 000 euros par an et par place, contre environ 16 000 euros pour une place en CHRS.

Par ailleurs, la prise en charge des malades souffrant de troubles psychiques s’est améliorée avec la généralisation des résidences-accueil, qui sont des pensions de famille spécifiquement dédiées à ces publics avec un accompagnement social renforcé.

Enfin, dans le cadre du chantier national, il a été décidé de promouvoir et financer des projets en raison de leur caractère innovant. Un appel à projet a été lancé courant 2008 et quarante projets ont été sélectionnés et partiellement financés pour encourager les réponses innovantes qu’ils apportaient à la problématique des personnes sans-abri ou mal logées (cf. annexe 3).

● Un bilan contrasté

Le nombre de places en maisons-relais/pensions de famille ne progresse pas aussi rapidement que prévu. Actuellement, les financements provenant de l’État ne sont pas suffisamment sécurisés pour que les services préfectoraux encouragent à créer des places. En effet, les dotations allouées en 2011 pour ces dispositifs ne suffisent pas à financer les places prévues fin 2010 (voir supra). Dans ces conditions, l’objectif des 15 000 places à la fin de 2011 est inatteignable.

Les dispositifs innovants sélectionnés par le chantier national ont inégalement réussi. En dépit de résultats prometteurs, plusieurs d’entre eux sont en difficulté en raison du caractère non pérenne des subventions de l’État. Deux exemples illustrent cette situation.

L’association UDAF 57 en Moselle, a mis en place un projet pour maintenir des liens parentaux pour les personnes hébergées en centre d’hébergement et de réinsertion sociale (dans le cadre d’un appartement dédié qui assure à la fois la sécurité et l’intimité des intéressés). Ce projet a abouti en 2009, mais il a été arrêté faute de financement en juin 2010 (en dépit d’un budget annuel de 50 000 euros seulement), la direction départementale de la cohésion sociale estimant que les crédits dont elle disposait au titre du programme 177 ne lui permettaient plus de financer ce projet.

L’Ordre de Malte a bénéficié en 2009 de financements exceptionnels au titre des projets innovants pour la péniche qu’il a amarrée à Asnières, avec pour objectif de stabiliser des personnes sans-abri via la réinsertion professionnelle. Mais, au-delà des crédits exceptionnels de 2009, les dépenses de fonctionnement courant de cette structure ne sont financées qu’à 52 % en 2010 par la direction départementale de la cohésion sociale des Hauts-de-Seine, ce qui hypothèque l’avenir de ce dispositif innovant.

Par ailleurs, les réponses spécifiques pour les personnes à la rue souffrant de troubles psychiques sont encore insuffisantes. Une enquête de 2010 (3) indique que près d’un tiers des personnes sans domicile fixe souffrent d’au moins un trouble psychiatrique sévère. Les structures d’hébergement classiques ne sont pas adaptées à ces publics et le nombre de places en résidences-accueil est encore insuffisant. Un projet innovant sélectionné par le chantier national, porté par l’association Notre-Dame des sans-abri à Lyon, avait justement pour objet de créer un centre d’hébergement dédié à l’accueil des personnes en souffrance psychique. Malheureusement, ce projet a échoué pour des raisons administratives, puisque l’autorisation d’ouvrir n’a pas été accordée, sans que la décision n’ait été motivée. Au-delà de cet exemple, il faut impérativement développer des structures d’hébergement répondant aux besoins de ce public spécifique.

De même la population spécifique des Roms manque de structures adaptées. La plupart des Roms qui ont accès aux dispositifs d’hébergement sont accueillis dans les structures d’hébergement classiques (essentiellement dans les centres d’hébergement d’urgence). Des initiatives qui ont fait leur preuve tels les villages d’insertion (trois en Seine-Saint-Denis et quatre dans le département du Nord) spécifiquement prévues pour ce public devraient être étendues à l’ensemble du territoire.

b) L’intermédiation locative

Pour favoriser la sortie des dispositifs d’hébergement, le rapport remis en 2008 préconisait de faire du parc privé temporaire une alternative à l’hébergement.

● Les initiatives récentes en faveur du développement de l’intermédiation locative

La loi du 25 mars 2009 prévoit, d’une part, la possibilité de louer des logements du parc privé à des organismes sociaux en vue d’une sous-location à tarif social à des personnes en difficulté. D’autre part, elle inscrit dans la loi l’expérimentation d’un dispositif d’occupation temporaire de logements vacants.

L’État a expérimenté en 2008, puis généralisé en 2009, le dispositif Solibail, qui est largement inspiré d’initiatives locales, telle l’opération « Louez solidaire » mise en place par la Ville de Paris. Deux types d’intermédiation sont proposés par Solibail. Dans le cas du mandat de gestion, un propriétaire, qui loue directement à un locataire via un contrat de location de droit commun, fait appel à un tiers social pour qu’il assure une gestion locative de son bien. Plus innovante, la solution de la sous-location permet à un propriétaire de louer directement à un organisme (association ou organisme social) un bien, en vue de le sous-louer à tarif social à des personnes qui ne pourraient pas assumer un loyer au prix du marché. Depuis le plan de relance de 2009, un objectif de 5 000 logements gérés en intermédiation locative a été fixé. Au 1er septembre 2010, 2 000 logements ont déjà été pris à bail dans le cadre de ce dispositif (dont près de 90 % de sous-location), ce qui a permis le relogement de 4 000 personnes.

● Les insuffisances du dispositif actuel

L’objectif des 5 000 logements est loin d’être atteint. Outre les résistances des propriétaires à louer à des personnes défavorisées, le dispositif souffre sans doute d’un déficit de notoriété. Une campagne de promotion permettrait sans doute d’augmenter significativement le nombre logements bénéficiant du dispositif. On pourrait par exemple s’inspirer de l’association Habitat et humanisme, qui a lancé en décembre 2009 l’opération « un toit pour mille familles », fortement médiatisée, visant à se voir confier la gestion locative de mille logements. Dix mois plus tard, deux cents logements ont été pris à bail par l’association.

Par ailleurs, les crédits versés par l’État au titre de Solibail ne sont peut-être pas suffisants pour que les organismes qui sous-louent couvrent l’ensemble de leurs frais. Plusieurs associations estiment que les crédits Solibail suffisent à payer le différentiel de loyer, mais qu’ils ne financent pas toujours les autres aspects du dispositif : la prospection, les frais d’équipements et de gestion des biens et surtout l’accompagnement social des familles logées.

Enfin, pour s’assurer que les bénéficiaires du dispositif Solibail sont toujours éligibles au dispositif et éviter une occupation abusive de ces logements par des personnes ayant désormais les moyens d’assumer un loyer au tarif du marché, la loi du 25 mars 2009 a prévu un réexamen régulier de la situation des sous-locataires. Votre rapporteur pour avis déplore qu’à ce jour, le décret d’application de cette disposition législative ne soit pas encore paru.

Les réformes mises en œuvre récemment dans le cadre du Chantier national prioritaire, de la refondation du dispositif d’accueil et d’hébergement et de la stratégie nationale de prise en charge des personnes sans-abri ou mal logées vont dans la bonne direction. Si elles sont accompagnées de moyens budgétaires suffisants, elles devraient permettre d’améliorer l’efficacité des dispositifs d’hébergement et d’insertion. Cependant, la sortie des structures d’hébergement ou des logements de transition vers un logement de droit commun se heurte à l’actuelle pénurie de logements sociaux et surtout de logements très sociaux. Dans ce contexte, on ne peut que déplorer la régression globale des crédits alloués à la mission « Ville et logement » et plus précisément le moindre engagement de l’État dans la construction locative et l’amélioration du parc, puisque les crédits de paiements prévus pour cette action diminuent de près de 18% entre 2010 et 2011.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

EXAMEN DES CRÉDITS

La Commission des affaires sociales examine pour avis le projet de loi de finances pour 2011 de la mission « Ville et logement», sur le rapport de M. Étienne Pinte, sur les crédits Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables, au cours de sa séance du mercredi 3 novembre 2010.

Un débat suit l’exposé du rapporteur pour avis.

M. Bernard Perrut. Il s’agit d’un sujet important qui implique, au-delà de l’État, l’ensemble des collectivités locales ; les élus locaux que nous sommes y sont confrontés, non seulement en période hivernale, mais toute l’année. C’est pourquoi il serait appréciable de connaître le montant que consacre l’ensemble de la collectivité nationale à l’accueil et à l’insertion des personnes vulnérables.

Par ailleurs, si la mise en œuvre des dispositifs se révèle parfois difficile sur le terrain, c’est parce qu’elle nécessite de nombreuses réunions et une concertation entre les services communaux, départementaux et préfectoraux.

Le rapporteur se félicite de l’amélioration de la coordination de l’accueil et de l’orientation et du bon fonctionnement du « 115 ». J’abonde dans son sens : la mise en place d’une structure d’accueil unique permet de mieux renseigner les personnes qui appellent le « 115 ».

Je salue, en outre, la forte augmentation du nombre de places dans les centres d’hébergement – même si cela reste insuffisant.

Il convient, en revanche, de renforcer l’accompagnement social vers le logement. Votre bilan montre bien que le passage des structures d’hébergement et de logements temporaires vers les logements de droit commun se heurte à la pénurie de logements sociaux et très sociaux. Pouvez-vous chiffrer ce manque ? Comment les besoins sont-ils répartis sur le territoire national ? La politique actuelle est-elle suffisamment territorialisée, sachant que, lorsqu’un centre d’accueil s’ouvre dans une commune, on y accueille des personnes venant de plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de kilomètres ?

M. Christophe Sirugue. Tout d’abord, je voudrais remercier le rapporteur pour la qualité de son travail et la sincérité de ses propos. Je salue également la persévérance dont il a fait preuve pour que notre Commission soit saisie pour avis sur ce sujet. Comme lui, je déplore le découpage budgétaire actuel, et pour être rapporteur pour avis sur les crédits de la solidarité de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », j’estime qu’une approche globale aurait permis d’affiner nos analyses et de trouver des synergies.

S’agissant de la sous-dotation flagrante, que je dénonce, du programme 177, on peut s’interroger – dès lors que, budget après budget, l’on constate que les crédits consommés sont largement supérieurs à ceux inscrits dans les lois de finances initiales – sur les intentions véritables du Gouvernement, surtout dans le contexte actuel. Considère-t-il que ses partenaires, c’est-à-dire les collectivités territoriales et les associations, seront de toute façon là pour compenser ses lacunes budgétaires ?

Ainsi, en ce qui concerne l’aide alimentaire, 13 millions d’euros ont été inscrits pour 2011, alors que les dépenses s’étaient élevées à 20 millions en 2008 et à 37 millions en 2009 : on change carrément d’échelle !

Du coup, sur le terrain, les centres communaux d’action sociale (CCAS) et les structures associatives sont conduits à subvenir aux besoins élémentaires des personnes, tandis que les services préfectoraux restent très frileux en raison de leurs incertitudes sur d’éventuelles enveloppes complémentaires. Pourtant, les compétences en la matière sont partagées.

De même, les crédits dépensés pour l’hébergement d’urgence sont très supérieurs à ceux inscrits. Résultat, comme l’État ne peut pas prendre en charge les personnes qui sont à la rue et qu’on ne peut pas les laisser dormir dehors, ce sont les collectivités qui doivent s’en débrouiller !

Le rapport a le grand mérite de rappeler ces faits. Je souhaiterais néanmoins une précision : le tableau de la page 12 du pré-rapport est censé tenir compte des changements de maquette budgétaire ; pourtant, les chiffres ne semblent pas avoir été modifiés. Qu’en est-il ?

M. le président Pierre Méhaignerie. Certes, il existe de fortes contraintes financières, mais au moins pourrait-on faire œuvre d’information et de simplification. De ce point de vue, les délais de communication et le manque de visibilité à deux ou trois ans posent problème. Que pourrait-on faire pour améliorer la situation ?

M. le rapporteur pour avis. Monsieur Perrut, il est impossible de recenser de manière objective les efforts des collectivités territoriales, car tout ce qui concerne l’accueil d’urgence, c’est-à-dire les centres d’hébergement d’urgence et les centres d’hébergement et de réinsertion sociale, relève des compétences de l’État. Pour les collectivités territoriales, il s’agit d’actions facultatives. Dans les « zones tendues » – c’est-à-dire essentiellement l’Ile-de-France, la région Rhône-Alpes, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et certaines zones du Nord et de l’Est –, un effort complémentaire est fourni par les collectivités locales, mais je ne dispose d’aucune donnée exhaustive sur le sujet.

On a fini par élaborer des plans départementaux d’accueil, d’hébergement et d’insertion des personnes sans domicile. Il est cependant trop tôt pour dresser un premier bilan. On y verra plus clair l’année prochaine.

Il est vrai que la situation est particulière en Ile-de-France, qui concentre presque la moitié des cas. Dans le cadre du groupe d’études sur la pauvreté, la précarité et les sans-abri, que je copréside avec Christophe Sirugue, j’ai organisé, l’hiver dernier, la visite d’un centre d’hébergement d’urgence, géré par le SAMU social de M. Xavier Emmanuelli, dans le onzième arrondissement parisien, près de la Bastille. Cinq collègues de province y ont participé ; ils ont été frappés par la grande différence de situation avec leurs régions, où les problèmes se règlent le plus souvent « à l’amiable ».

Chaque année, le Parlement vote des crédits relativement importants pour les logements sociaux et très sociaux, mais, en dépit de mes demandes réitérées, je n’ai pas réussi à obtenir du secrétariat d’État les données relatives au nombre de permis de construire, de mises en chantier et de mises en service. Or, je me suis aperçu en 2008 que tous les crédits n’avaient pas été consommés, ce qui signifie qu’il n’y a pas eu assez de droits de tirage exercés par les collectivités locales et les partenaires immobiliers, comme les offices et les sociétés anonymes d’HLM. La préfète des Yvelines m’a ainsi indiqué qu’on aurait pu financer dans le département 1 900 logements sociaux au lieu des 1 400 effectivement financés, ce qui montre que tout le monde n’avait pas exercé son droit de tirage.

Le secrétariat d’État m’a assuré qu’en 2009, tous les crédits avaient été consommés. J’aimerais cependant savoir quel délai sépare la mise à disposition des crédits et la mise en service des logements. À l’heure actuelle, nous avons particulièrement besoin de logements très sociaux, notamment de logements financés par les prêts locatifs aidés d’intégration (PLAI), mais cela relève du programme 135 qui traite du développement et de l’amélioration de l’offre de logement.

Monsieur Sirugue, je ne peux qu’abonder dans votre sens : on sait pertinemment que certaines lignes budgétaires sont sous-dotées, soit parce qu’on a diminué les crédits soit parce qu’on ne les a pas actualisés en fonction de la consommation de l’an passé. Il a fallu cette année ouvrir des crédits d’avance pour faire face aux besoins en matière d’aide alimentaire. Bien entendu, dès que l’on tire la sonnette d’alarme, le Gouvernement réagit, mais cette politique à la petite semaine n’est pas satisfaisante.

Quant au tableau de la page 12 du pré-rapport, les chiffres ne sont pas erronés, les actions ayant été retraitées sur 2009 et 2010 afin de correspondre à la maquette du projet de loi de finances pour 2011.

M. Georges Colombier. En Isère – qui dispose de moyens financiers relativement importants –, la tendance est de se recentrer sur les compétences obligatoires et, par conséquent, de délaisser l’aide au logement, qui est une action facultative. Cela se fait au détriment des communes les plus pauvres, qui ont besoin du coup de pouce du conseil général pour faire du logement aidé. Je crains qu’il ne s’agisse d’une tendance générale.

M. Fernand Siré. Le phénomène est complexe, et on ne le résoudra pas d’un coup de baguette magique !

Dans les villages, contrairement aux villes, on connaît les personnes qui sont à la rue. Dans ma commune, il y a dix logements d’urgence qui servent, par exemple, à abriter les habitants d’une maison incendiée – sachant que le problème, c’est ce qui se passe ensuite et que, lorsque des logements très sociaux, comme il en existe à Perpignan, accueillent des populations marginales, des gitans, des Roms, les gens ne veulent pas y aller. Il est loin le temps où les personnes atteintes de troubles psychiatriques étaient accueillies à l’hôpital, puis en maison de repos pour deux ou trois mois, le problème étant ainsi transféré à la Sécurité sociale !

Il faudrait donc mettre en place des structures échelonnées et améliorer la prise en charge individuelle. Ce qui compte, c’est de savoir comment les gens en sont arrivés là ; souvent, il s’agit de femmes avec des enfants, dont le mari est parti, qui ne travaillent pas et n’ont aucun revenu. On ne peut pas les mélanger à d’autres populations, ni les éloigner des écoles où sont scolarisés leurs enfants.

Par ailleurs, les caisses d’allocations familiales versent parfois des sommes astronomiques pour des logements indécents. Dans ma ville, qui compte 9 000 habitants, on a construit cette année 250 logements sociaux, ce qui représente la moitié de la totalité des réalisations dans la communauté d’agglomération Perpignan-Méditerranée. C’est un véritable paradis pour ceux qui en bénéficient ; les logements sont intégrés dans un tissu de logements locatifs ou en accession à la propriété, sans aucune différenciation. Il faut aménager des logements sociaux de qualité : quand on habite dans un endroit correct, on se respecte davantage.

Le risque est évidemment de délocaliser le problème, car de nouvelles personnes arrivent du centre-ville pour occuper les logements insalubres libérés. Il faut donc impérativement pénaliser ceux qui exploitent la misère et prévoir une certaine gradation de l’accueil, de la structure d’urgence au logement social.

Si l’on héberge les gens pendant les mois d’hiver et qu’on les remet à la rue la belle saison revenue, cela ne fait guère avancer les choses. Dans nos communes, on domicilie les sans-abri à la mairie, ce qui leur permet de bénéficier du revenu de solidarité active et de la couverture maladie universelle. Mais c’est parce qu’on les connaît ; peut-être faudrait-il créer dans les grandes villes des structures spécifiques afin de mieux connaître les publics concernés ? Il importe de les aider, non seulement à se loger, mais à se reconstruire, grâce à un accompagnement social adapté.

M. Christophe Sirugue. Ne pourrait-on pas suggérer à l’Union nationale des centres communaux d’action sociale (UNCCAS) de recenser les efforts financiers des collectivités territoriales ? Il me semble avoir lu dans son dernier rapport quelques lignes sur le sujet.

Je suis en outre très inquiet de la diminution des crédits relatifs à la conduite et à l’animation des politiques de l’hébergement et de l’inclusion sociale. La réduction des subventions du Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire (FONJEP) risque de remettre en cause les politiques menées par les centres sociaux.

M. Jean Mallot. Le rapporteur pour avis emploie des mots forts, puisqu’il parle d’« insincérité budgétaire » – et j’imagine que la Commission des finances, saisie au fond, dira les choses avec encore plus de vigueur. La Cour des comptes a-t-elle publié un rapport sur le sujet ? Dans l’affirmative, comment l’administration a-t-elle réagi ?

Je souligne que l’insincérité budgétaire a pour résultat la désorganisation des dispositifs d’aide sur le terrain.

Le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) a inscrit l’évaluation de l’hébergement d’urgence au programme de ses travaux pour la présente session. M. Arnaud Richard et Mme Danièle Hoffman-Rispal ont été désignés rapporteurs. Il serait bon qu’Étienne Pinte et d’autres membres de la Commission soient associés à ce travail.

M. le président Pierre Méhaignerie. La prévention de l’exclusion demande de la volonté politique, beaucoup de souplesse et une grande réactivité. Est-ce compatible avec un système centralisé, lourd et rigide ? Ne faudrait-il pas que les communautés d’agglomération et les communautés de communes disposent d’une certaine liberté d’action en ce domaine ?

M. le rapporteur pour avis. Il est vrai que l’aide étant facultative, elle dépend largement des moyens des collectivités territoriales. Il est assez facile pour mon département, l’un des deux plus riches de France, d’abonder les crédits en matière de logement ou de sanctuariser l’aide au logement social. Cela explique les disparités d’un territoire à l’autre.

Vous avez raison, monsieur Siré, l’hébergement dans des structures d’urgence n’est pas une fin en soi. Il faut également songer à la suite. C’est pourquoi les collectivités territoriales doivent impérativement envisager des solutions de substitution ou des structures d’accueil complémentaires.

Les pensions de famille, qui ont pris la suite des maisons relais à la suite de la loi MOLLE, répondent en partie aux besoins des personnes atteintes de légers handicaps psychiatriques, notamment dans les résidences-accueil ; il s’agit d’une passerelle vers un logement social pérenne. Cela étant, il n’y a rien entre la pension de famille et l’hôpital psychiatrique : il manque un échelon pour ceux qui souffrent de troubles psychiatriques plus graves.

Ce qui est fait dans votre commune est idéal, monsieur Siré : non seulement on crée des logements sociaux, mais ceux-ci s’insèrent dans un tissu urbain mixte. Toutefois, certaines personnes auront besoin d’un accompagnement social pour s’adapter à ce nouveau type d’habitat.

Monsieur Sirugue, votre idée de faire appel à l’UNCCAS est excellente. En ce qui concerne les crédits du FONJEP, je ne peux rien dire de plus que ce que j’ai indiqué dans le rapport. Nous devons rester vigilants pour que les actions menées soient pérennes et tirer la sonnette d’alarme si l’argent venait à manquer.

Monsieur Mallot, la Cour des comptes a produit en 2007 un rapport sur le sujet, qui conforte mes analyses et souligne l’insincérité chronique du budget, notamment en matière d’hébergement.

Monsieur le président, il est évident que notre système trop centralisé inhibe l’esprit d’initiative et la créativité nécessaires pour répondre aux réalités locales. Quand je vais en province, je note à chaque fois avec étonnement que la question de l’hébergement d’urgence et du logement social se pose d’une tout autre façon que dans les « zones tendues ». Par exemple, à Rennes et à Brest, les collectivités locales ont préempté depuis très longtemps des terrains pour réaliser des logements sociaux en cas de besoin. Dans le Val-de-Marne, le préfet travaille avec quarante bailleurs sociaux, donc quarante interlocuteurs différents, contre quatre à Rennes. Quelle différence de culture sociale !

De même, en Rhône-Alpes, le monde associatif est très développé, avec une culture sociale ancienne et très forte. Les problèmes se règlent par la volonté politique, l’esprit d’initiative et la générosité des populations, sans que l’on ait besoin de faire appel en permanence à l’État.

Il convient donc de laisser aux collectivités territoriales la possibilité d’imaginer des solutions adaptées au terrain.

Article 48

État B

Mission « Ville et logement »

Programme 177 « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables »

La Commission est saisie de l’amendement AS 1 de M. Patrick Lebreton.

M. Patrick Lebreton. Le personnel de l’Institut de formation aux carrières administratives, sanitaires et sociales de Dieppe (IFCASS) s’inquiète de l’éventuelle programmation de la disparition de cet établissement. La direction générale de la cohésion sociale a en effet acté le désengagement des ministères sociaux en inscrivant dans le présent projet de loi de finances pour 2011 une subvention réduite de moitié – 839 810 euros au lieu 1 679 620 euros –, qui est peut-être le prélude à une suppression totale en 2012. Sachant que le budget de l’institut est de 3 millions d’euros, cette diminution conduirait immanquablement à la fermeture de l’établissement dès juin 2011.

Pourtant, il intervient dans le champ de l’insertion par la formation et la validation des acquis de l’expérience d’un public issu essentiellement des départements d’outre-mer – 193 personnes sur un total de 290 stagiaires. Il peut se prévaloir d’un taux d’insertion professionnelle d’environ 80 % et il participe pleinement à la continuité territoriale en permettant aux jeunes d’outre-mer d’accéder aux emplois de l’insertion, du paramédical et du social. C’est pourquoi j’ai déposé, de même que des collègues d’autres commissions, un amendement visant à rétablir la subvention de l’IFCASS à son niveau antérieur. Monsieur le rapporteur pour avis, disposez-vous d’informations complémentaires sur cette question ?

M. le rapporteur pour avis. Je ne peux que vous donner raison, monsieur Lebreton : comment expliquer la réduction de moitié de la subvention de l’État, sachant que celle-ci représentait plus de la moitié du budget de l’IFCASS ? De deux choses l’une : soit l’Institut est maintenu et, à moins que de nouveaux modes de financement ne prennent le relais, nous avons affaire à un nouvel exemple d’insincérité budgétaire ; soit le Gouvernement envisage de le supprimer, et il doit s’en expliquer.

Cela étant, j’émets un avis défavorable à votre amendement, car, comme je vous l’ai expliqué, une augmentation de crédits se ferait nécessairement au détriment d’un autre programme de la mission « Ville et logement ». L’important est d’avoir soulevé le problème ; nous demanderons des explications au Gouvernement lors de l’examen en séance plénière.

M. le président Pierre Méhaignerie. Pourquoi cette formation ne pourrait-elle pas être dispensée à La Réunion ?

M. Patrick Lebreton. Parce qu’elle intéresse tous les départements ultramarins ! L’implantation de l’IFCASS à Dieppe était une bonne chose. Depuis trente-cinq ans, il a formé plusieurs générations de professionnels compétents dans le domaine social. Il serait dommage de le voir disparaître.

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la Commission rejette l’amendement.

Puis elle donne un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 177, « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables », de la mission « Ville et logement ».

AMENDEMENT EXAMINÉ PAR LA COMMISSION

Amendement n° AS 1 présenté par M. Patrick Lebreton

Article 48

État B

Mission « Ville et logement »

Modifier ainsi les crédits de paiement :

(en euros)

Programmes

+

-

Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables

900 000

0

Aide à l'accès au logement

 

900 000

Développement et amélioration de l'offre de logement

0

0

Politique de la ville

0

0

TOTAUX

+ 900 000

- 900 000

SOLDE

0

ANNEXES

ANNEXE 1 :

LES 20 PROPOSITIONS PARTAGÉES DU GROUPE DE TRAVAIL SUR LA REFONDATION DU DISPOSITIF D’HÉBERGEMENT D’URGENCE

Proposition 1 : mettre en place un service intégré de l’accueil de l’évaluation et de l’orientation des personnes sans-abri ou risquant de l’être dans chaque département

Proposition 2 : assurer un maillage territorial par les équipes mobiles en lien avec le secteur sanitaire

Proposition 3 : mettre en place un référent personnel pour chaque usager tout au long de son parcours

Proposition 4 : améliorer les processus d’admission dans les hébergements et le logement, vers plus de transparence et de mutualisation

Proposition 5 : mettre en place un outil informatique pour recenser les demandes et les offres d’hébergement

Proposition 6 : mettre en œuvre une organisation et une programmation territoriales dans le cadre des plans départementaux d’accueil, d’hébergement et d’insertion (PDAHI)

Proposition 7 : harmoniser les prestations et les coûts dans les structures

Proposition 8 : produire des référentiels nationaux définissant les objectifs et les modalités de l’accompagnement social vers et dans le logement et de la gestion locative adaptée des logements

Proposition 9 : renforcer l’accompagnement vers et dans le logement

Proposition 10 : clarifier les responsabilités des acteurs locaux dans l’accompagnement vers et dans le logement et dans la gestion locative adaptée

Proposition 11 : poursuivre la territorialisation de la production dans le cadre des dialogues de gestion avec les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL)

Proposition 12 : poursuivre le développement de l’offre de logement d’insertion et le soutien à la maîtrise d’ouvrage d’insertion

Proposition 13 : réaliser une étude à visée opérationnelle, en lien avec les opérateurs concernés, sur les freins et les leviers de l’intervention des bailleurs sociaux et des associations agréées sur des petites opérations diffuses

Proposition 14 : mettre en place l’ensemble des commissions départementales de coordination des actions de prévention des expulsions

Proposition 15 : mener des expérimentations d’intermédiation locative dédiées à la prévention des expulsions

Proposition 16 : mettre en place un groupe de travail pour prévenir le plus en amont possible les expulsions locatives

Proposition 17 : sécuriser la relation bailleur/logeur/locataire

Proposition 18 : réaliser une étude à visée opérationnelle, en lien avec les opérateurs concernés, sur les freins à l’accès au logement

Proposition 19 : mobiliser de manière effective le contingent préfectoral et celui du 1 %

Proposition 20 : mobiliser le contingent propre des collectivités locales et des bailleurs sociaux

ANNEXE 2 :

BILAN D’ÉTAPE AU 30 JUIN 2010 DU PLAN D’HUMANISATION
DES CENTRES D’HÉBERGEMENT

1. Bilan national

À ce jour, les projets recensés (réalisés ou à l’étude) visent la transformation de 20 696 places durant la période 2008-2012, soit plus de 35 % de l’ensemble des places d’hébergement concernées.

Le programme d’humanisation est pleinement engagé. D’ores et déjà un financement a été accordé pour 11 087 places, ce qui représente un montant de subvention de l’État de 105,9 millions d’euros pour un montant total de travaux de 296,5 millions d’euros.

Humanisation des centres d’hébergement. Projets financés

Rénovation

Année

2008

2009

1er semestre 2010

Total réalisé

Nombre de projets

116

115

41

272

Nombre de places

3 148

4 675

705

8 528

Montant de Travaux

29,3 M€

93,3 M€

17,1 M€

139,7 M€

Montant de subvention

10,3 M€

39,8 M€

6,7 M€

56,8 M€

Création

Année

2008

2009

1er semestre 2010

Total réalisé

Nombre de projets

30

38

26

94

Nombre de places

705

1 323

531

2 559

Montant de Travaux

26,7 M€

98,4 M€

31,6 M€

156,7 M€

Montant de subvention

5,9 M€

26,4 M€

16,7 M€

49 M€

Rénovation et création

Année

2008

2009

1er semestre 2010

Total réalisé

Nombre de projets

146

153

67

366

Nombre de places

3853

5998

1236

11 087

Montant de Travaux

56 M€

191,7 M€

48,8 M€

296,5 M€

Montant de subvention

16,2 M€

66,2 M€

23,5 M€

105,9 M€

2. Bilan par région

Quelques centres d’hébergement emblématiques ont déjà pu bénéficier de subventions et attendent désormais une mise en chantier : Le CASH (Nanterre – 92), La Mie de Pain (Paris – 75), La Cité du refuge de l’Armée du Salut, le centre Leydet (Bordeaux – 33), Emmaüs (Perray Vaucluse – 91) ou encore CHRS Tiriez (Lille – 59).

La région Île-de-France a concentré la moitié du total des subventions accordées au titre de l’humanisation (rénovation et construction), sur la période 2008-mi 2010.

Humanisation des centres d’hébergement. Projets financés par région

Région

Nombre de places après travaux

Montant total des travaux

Subvention État accordée

Alsace

256

4 709 404 €

1 450 998 €

Aquitaine

297

6 139 278 €

2 918 449 €

Auvergne

99

2 498 790 €

648 692 €

Basse-Normandie

250

6 213 877 €

1 986 515 €

Bourgogne

155

1 980 783 €

889 053 €

Bretagne

29

1 009 496 €

224 669 €

Centre

274

1 898 132 €

650 868 €

Champagne-Ardenne

159

7 880 884 €

1 914 332 €

Corse

118

4 344 029 €

2 307 294 €

Franche-Comté

104

653 729 €

271 960 €

Haute-Normandie

251

9 491 810 €

2 675 586 €

Île-de-France

4 601

152 929 491 €

53 920 416 €

Languedoc Roussillon

340

8 727 445 €

3 148 437 €

Limousin

174

954 906 €

682 479 €

Lorraine

819

3 824 094 €

1 912 502 €

Midi-Pyrénées

613

5 459 349 €

3 319 528 €

Nord Pas de Calais

1 093

18 340 591 €

8 204 144 €

Pays de la Loire

106

8 327 714 €

1 455 587 €

Picardie

224

11 511 828 €

2 669 163 €

Poitou-Charentes

109

4 202 522 €

2 267 697 €

PACA

459

14 754 442 €

6 570 838 €

Rhône Alpes

557

20 667 898 €

5 313 646 €

Total

11087

296 520 493 €

105 902 853 €

ANNEXE 3 :

LISTE DES PROJETS INNOVANTS RETENUS DANS LE CADRE
DU CHANTIER NATIONAL PRIORITAIRE 2008-2012

N° projet

Association

Projet

1

ADOMA

Structure bas seuil en chalet

2

Horizon amitié

Accueil des deux rives

3

Le tremplin

Logements en baux glissants

4

Sauvegarde et promotion de la personne

Logements jeunes avec accompagnement social

5

Collectif pauvreté précarité

Stabilisation en chalets

6

ADOMA

Village de l’espoir

7

Sauvegarde de l’enfant à l’adulte

Aller vers les jeunes à la rue et les accompagner vers le logement

8

ASSAGE

Prise en charge post-hébergement

9

Jamais seul

Logements en baux glissants

10

Saint-Michel le Haut

Permettre à des personnes en centre d’hébergement d’exercer leur droit de garde

11

Œuvre hospitalière de nuit

Projet abri-Caux, accompagnement en « logements tanières » en milieu rural

12

Les enfants du canal

Stabilisation en auto-organisation

13

Centre d’action social protestant

Projet Logetap : appartements partagés

14

Armée du salut

Centre d’hébergement et de réinsertion sociale sur un bateau

15

BAIL

Coordination de l’accès à des logements du secteur public des personnes hébergées en centre d’hébergement et de réinsertion sociale

16

ARAPEJ

Alternative à l’incarcération par l’hébergement en studette

17

Cap Logy

Intermédiation locative pour l’accès au logement du secteur privé des personnes hébergées en centre d’hébergement et de réinsertion sociale

18

SOS femmes 93

Hébergement urgence femmes victimes de violence

19

Ordre de Malte

Centre de stabilisation sur une péniche

20

Fraternité Saint-Jean

Accueil de jeunes en errance

21

AVITARELLE

Village de bungalows

22

Croix rouge

Stabilisation femmes en errance

23

UDAF

Permettre à des personnes en centre d’hébergement d’exercer leur droit de garde

24

CLLAJ 31

Système de colocation pour jeunes adultes

25

PACT-ARIM 31

Modules d’accueil (maisons tremplin)

26

CCAS Rodez

Hébergement adapté grands marginaux

27

HAVRE

Stabilisation en milieu rural pour personne sortant de cure

28

AFEJI

Transformation de places d’hôtels en logements adaptés dans le secteur public

29

Le coin familial

Logements pour jeunes avec accompagnement social

30

Veille sociale 44

Médiation pour l’accès en maison de retraite des personnes âgées à la rue

31

L’horizon

Hôtel social au Mans

32

Ecout’jeunes

Aides aux jeunes en difficulté

33

OMEGA

Médiation sociale en milieu rural avec communauté d’agglomération

34

Armée du salut

Mobilhomes pour grands exclus

35

Cinq centres d’hébergement et de réinsertion sociale

Accompagnement social post-hébergement

36

Relais Ozaham

Projet architectural adapté grands marginaux avec chiens

37

Recherche et formation LIFT

Appui technique et accompagnement social pour le maintien des locataires en difficultés psychiques

38

Notre-Dame des sans-abri

Centre d’hébergement pour personnes en souffrance psychique

39

PACT de Guyane

Logements des chez particuliers pour jeunes en difficulté

40

AREP

Accueil familial de personnes en difficulté

ANNEXE 4 :

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Ø Table ronde réunissant les associations d’accueil et de réinsertion sociale :

– Emmaüs – M. Christophe Deltombe, président d’Emmaüs France, et M. Marc Prévot, président de l’Association Emmaüs

– Ordre de Malte – Mme Édith de Rotalier, directrice

– Centre d’action sociale protestant (CASP) – M. Sylvain Cuzent, directeur général

– Le Foyer Notre-Dame des Sans-Abri – M. Benoît Vianney, président, et Mme Juliette Dewavrin, correspondante à Paris

Ø Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (FNARS) – Mme Nicole Maestracci, présidente, et M. François Bregou, responsable du service Analyse stratégique et partenariats

Ø Samu social – Mme Stefania Parigi, directrice générale

Ø Ministère du travail, de la solidarité et de la fonction publique – M. Fabrice Heyries, directeur général de la cohésion sociale

Ø M. le Préfet Alain Régnier, délégué interministériel pour l’hébergement et l’accès au logement des personnes sans-abri ou mal logées

Ø Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS) – M. Claude Chaudières, animateur du groupe prévention, hébergement, logement, et Mme Jeanne Dietrich, conseillère technique emploi/logement

© Assemblée nationale

1 () M. Étienne Pinte, rapport au Premier ministre sur l’hébergement d’urgence et l’accès au logement des personnes sans-abri ou mal logées, la Documentation française, 5 septembre 2008.

2 () Rapport RM2010-123P d’août 2010 relatif à l’organisation de la veille sociale en Île-de-France.

3 () Rapport SAMENTA sur la santé mentale et les addictions chez les personnes sans logement personnel en Île-de-France (Observatoire du Samu social de Paris et Inserm).