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N
° 2857

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 octobre 2010

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2011 (n° 2824),

PAR M. GILLES CARREZ,

Rapporteur Général,

Député.

——

ANNEXE N° 33

RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

POLITIQUES DE LA RECHERCHE

Rapporteur spécial : M. Jean-Pierre GORGES

Député

____

INTRODUCTION 7

PREMIÈRE PARTIE : DES MOYENS ENCORE EN PROGRESSION POUR UNE POLITIQUE AMBITIEUSE ET RÉFORMATRICE 9

I.– LE BUDGET 2011 SOUTIENT LA PRIORITÉ RECONNUE À LA POLITIQUE DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE 9

A.– LA PROGRESSION DE L’EMPLOI SCIENTIFIQUE PRIVÉ DEPUIS 2007 10

B.– LES CRÉDITS BUDGÉTAIRES DE LA RECHERCHE : UNE HAUSSE DE 2,3 % EN CRÉDITS DE PAIEMENT 12

C.– LES PRINCIPALES INFLEXIONS DU PROJET DE BUDGET DE LA RECHERCHE EN 2011 14

1.– Les organismes du programme 172 contribueront à l’effort de maîtrise de la dépense publique 14

2.– L’évolution des moyens des autres opérateurs (hors développement durable) 15

3.– La répartition des financements et la cohérence entre eux 15

D.– LA SITUATION DE L’EMPLOI EN 2011 ET LES MESURES RELATIVES AUX CARRIÈRES 16

II.– L’APPORT DU GRAND EMPRUNT AU FINANCEMENT DE LA RECHERCHE 18

A.– LES FINANCEMENTS OUVERTS POUR LA RECHERCHE 18

B.– LE RÔLE DE L’AGENCE NATIONALE DE LA RECHERCHE 19

III.– LE SOUTIEN À LA RECHERCHE PRIVÉE : LA PROGRESSION DU CRÉDIT D’IMPÔT RECHERCHE 21

A.– UN DISPOSITIF D’ENCOURAGEMENT À LA RECHERCHE PRIVÉE UNIQUE AU MONDE… 21

B.– …MAIS DONT LE COÛT A AUGMENTÉ DE MANIÈRE EXCESSIVE DU FAIT D’UN CHAMP D’APPLICATION TROP LARGE 22

1.– Une prévision de créance proche de 4,5 milliards d’euros pour 2010 22

2.– L’évaluation du crédit d’impôt recherche par le Gouvernement 23

C.– LES PROPOSITIONS DE LA MISSION D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE 25

1.– Propositions visant à améliorer l’efficacité de la dépense 25

2.– Propositions visant à mieux sécuriser le CIR 27

3.– Propositions visant à mieux contrôler le CIR 27

D.– LES AMENDEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES MEMBRES DE LA COMMISSION DES FINANCES 28

IV.– LES AVANCÉES DE LA MODERNISATION DU SYSTÈME DE RECHERCHE 30

A.– LA PLACE DU FINANCEMENT SUR PROJET AU SEIN DU FINANCEMENT GLOBAL 30

B.– LA RÉNOVATION DES GRANDS ORGANISMES SE POURSUIT 31

1.– La création des alliances 32

2.– Quel pilotage pour les organismes réformés ? 33

3.– La mise en place de la délégation globale de gestion : le stade de l’expérimentation 34

4.– Les très grandes infrastructures de recherche : une forte demande des chercheurs mais prudence face aux nouveaux investissements 35

C.– L’EFFORT SE POURSUIT POUR L’ATTRACTIVITÉ DES CARRIÈRES ET LA MOBILITÉ 36

1.– L’état de l’emploi scientifique public en 2010 36

2.– Les mesures visant à reconnaître et encourager l’excellence 37

3.– L’amélioration des débuts de carrière et l’encouragement à la mobilité entre université et organisme de recherche dès le début de carrière 38

4.– Une souplesse accrue de recrutement des personnels scientifiques 40

5.– La mobilité vers l’entreprise encouragée par le ministère mais encore trop restreinte 40

DEUXIÈME PARTIE : LA PRÉSENTATION DES PROGRAMMES 43

I.– LES RECHERCHES SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES PLURIDISCIPLINAIRES 43

A.– DES MOYENS EN STAGNATION POUR 2011 43

B.– LA PERFORMANCE DU PROGRAMME : L’ÉVOLUTION DE L’INDICATEUR PORTANT SUR LES PUBLICATIONS 45

C.– LA BUDGÉTISATION DES CRÉDITS DESTINÉS AUX TGIR EST INCOMPLÈTE ET INSUFFISANTE, CE QUI VA SUSCITER DES IMPASSES BUDGÉTAIRES 46

D.– LE BUDGET D’ENGAGEMENT DE L’AGENCE NATIONALE DE LA RECHERCHE 48

II.– LES ENJEUX DE LA RECHERCHE SPATIALE 49

A.– LA FRANCE APURE PROGRESSEIVEMENT SA DETTE À L’ÉGARD DE L’AGENCE SPATIALE EUROPÉENNE 50

B.– LE NOUVEAU CONTRAT PLURIANNUEL ENTRE L’ÉTAT ET LE CNES 52

C.– LES BESOINS FINANCIERS LIÉS AU LANCEMENT DE NOUVELLES GÉNÉRATIONS DE SATELLITES : LA PROGRESSION DU BUDGET D’EUMETSAT 53

III.– L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET LA RECHERCHE AGRICOLES 54

A.– LES INDICATEURS DE PERFORMANCE SONT RÉTABLIS 54

B.– LES CRÉDITS DU PROGRAMME SERAIENT RECONDUITS EN 2011 55

C.– QUELLES NOUVELLES PRIORITÉS POUR LA RECHERCHE AGRONOMIQUE, BIOTECHNOLOGIQUE ET VÉTÉRINAIRE ? 56

1.– Les établissements et les réseaux d’enseignement et de recherche 57

2.– Les nouvelles priorités de recherche et développement 58

COMPTE RENDU DE LA COMMISSION ÉLARGIE DU 26 OCTOBRE 2010 61

EXAMEN EN COMMISSION 95

Article 78 : Réforme du dispositif d’exonération de cotisations sociales accordée aux jeunes entreprises innovantes 97

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 103

ANNEXE : LISTE DES AUDITIONS RÉALISÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL 107

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

Au 11 octobre 2010, seulement 71 % des réponses au questionnaire sont parvenues à la commission des Finances.

Le présent rapport spécial concerne plus particulièrement six programmes de la mission Recherche et enseignement supérieur : les programmes 172 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires, 193 Recherche spatiale, 192 Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle, 191 Recherche duale (civile et militaire), 186 Recherche culturelle et culture scientifique et 142 Enseignement supérieur et recherche agricoles.

Des autres programmes de la mission, deux font l’objet du rapport spécial de M. Alain Claeys relatif à la Recherche dans les domaines du développement durable (doc. AN n° 2857, annexe n° 34) : les programmes 187 Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources et 190 Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de l’aménagement durable.

Quant aux programmes 150 Formations supérieures et recherche universitaire et 231 Vie étudiante, ils font l’objet du rapport spécial de M. Laurent Hénart relatif à l’Enseignement supérieur (doc. AN n° 2857, annexe n° 35).

INTRODUCTION

Le système de recherche français est soumis depuis 2006, comme l’enseignement supérieur, à une dynamique de réforme intervenant de manière transversale aux différents ministères.

Plus récemment, à la suite d’analyses critiques portées par les experts de la politique gouvernementale de la recherche et par la Cour des comptes sur les difficultés du système à s’adapter aux priorités définies au plus haut niveau national, le Gouvernement a décidé que serait définie une stratégie nationale de recherche et d’innovation (SNRI). Cette stratégie, adoptée en 2009, a été suivie d’une déclinaison dans la programmation de la recherche et contribue à orienter les contrats d’objectifs des organismes publics et la programmation de l’Agence nationale de la recherche (ANR).

Elle a intégré les exercices stratégiques et de programmation existants, notamment ceux liés au livre blanc de la défense et au volet recherche du « Grenelle de l’environnement ». Les orientations de la SNRI se déclinent en programmes de recherche par un travail articulé entre organismes de recherche, coordonnés dans des Alliances, et l’ANR. L’ensemble des priorités de la stratégie est désormais couvert par les cinq Alliances existantes (sciences de la vie et de la santé ; énergie ; sciences et technologies de l’information et de la communication ; environnement, sciences humaines et sociales).

La dynamique de réforme a favorisé le développement de synergies, et en premier lieu institutionnelles, entre acteurs de la recherche : les organismes de recherche ont été coordonnés en Alliances, et parfois même regroupés à la suite des préconisations de la révision générale des politiques publiques (RGPP), ainsi l’INRETS et le LCPC, la Cité des sciences et de l’industrie et le Palais de la découverte. Ces organismes développent un partenariat nouveau avec les établissements d’enseignement supérieur, tandis que le ministère de la Recherche et de l’enseignement supérieur s’efforce d’apporter des éléments de simplification de la gestion des laboratoires.

Les crédits de la mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur (MIRES) ont connu une progression considérable depuis le début de la législature. Entre la loi de finances initiale pour 2007 et le projet de loi de finances pour 2011, l’augmentation a été de 4,14 milliards d’euros pour les autorisations d’engagement et 3,91 milliards d’euros pour les crédits de paiement. Cette augmentation des moyens budgétaires représente une progression de 19,5 % des autorisations d’engagement et 18,4 % des crédits de paiement sur la période 2007-2011.

Enfin, en complément à ces ressources budgétaires nouvelles, la réforme du crédit impôt recherche engagée en 2008 a accru le niveau de la créance fiscale dont bénéficient les entreprises éligibles. Cette créance va progresser d’un montant initial de 1,68 milliard d’euros en 2007 à un montant estimé à 4,5 milliards d’euros en 2010, soit un quasi-triplement (+ 194 %) entre 2007 et 2010. Le Rapporteur spécial considère que ce dispositif a pris trop d’ampleur et qu’il soutient des activités qui ne sont pas assimilables à la recherche développement. Son coût est aujourd’hui tel qu’il appelle une nouvelle réforme pour en corriger les travers, afin de recentrer les aides publiques vers la recherche-développement, qui conditionne l’avenir de l’économie française.

L’analyse de l’évolution du CIR a été conduite par la Mission d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale au cours de l’année 2010. Le Rapporteur spécial en rappellera les principaux constats et conclusions.

L’attractivité du système français d’enseignement supérieur et de recherche et le développement du partenariat entre recherche publique et recherche privée sont par ailleurs l’un des objectifs des programmes d’investissements d’avenir, financés par le grand emprunt. Les acteurs de la recherche en sont les principaux bénéficiaires : 22 milliards d’euros sont destinés à financer les actions de recherche retenues à l’issue des appels d’offre.

Le Rapporteur spécial se félicite de l’évolution de la part du PIB national consacrée à la recherche, qui amorce une remontée. L’objectif européen de 3 % du PIB consacré à la recherche est encore loin d’être atteint, mais le soutien apporté par le Gouvernement est réel. Le Rapporteur spécial considère que le Gouvernement doit augmenter son soutien budgétaire à la recherche et continuer de susciter des nouveaux « leviers » pour accroître la dépense de recherche privée. Il est profondément convaincu que notre pays devrait porter à 5 % son effort de recherche, car les « ressources immatérielles » que représentent nos chercheurs, notre riche histoire scientifique, nos chercheurs récompensés par les plus hautes distinctions enfin sont les vraies et plus prometteuses richesses nationales, avec le patrimoine architectural et culturel.

Aussi il est essentiel de bien diriger l’effort national : une dépense de 4,5 milliards d’euros au titre du CIR ne profite pas, pour partie, à la recherche scientifique, si les travaux des sociétés de services en ingénierie informatique du secteur bancaire y sont éligibles. Par contre, les moyens des organismes devront être réduits pour participer à la réduction de la dépense publique, et ce choix nuira aux projets en cours comme au fonctionnement des très grandes infrastructures de recherche, les TGIR.

Le Rapporteur spécial souligne que les montants qui manquent à certains de nos organismes pour développer les projets existants semblent dérisoires à côté de certaines dépenses fiscales admises par ailleurs. De même, on peut citer à titre d’exemple les quelques millions d’euros qui manquent et qui permettraient à l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur de remplir ses missions avec plus d’assurance, sachant que de son travail dépend l’élévation du niveau global de la recherche française.

PREMIÈRE PARTIE :
DES MOYENS ENCORE EN PROGRESSION POUR UNE POLITIQUE AMBITIEUSE ET RÉFORMATRICE

La mission Recherche et enseignement supérieur comprend dix programmes, dont huit consacrés à la recherche ; ses crédits s’élèveront, en autorisations d’engagement, à 25,37 milliards d’euros en 2011 contre 25,35 milliards en 2010 et, en crédits de paiement, à 25,19 milliards d’euros contre 24,81 milliards d’euros en 2010. Les crédits de paiement augmenteront donc de 468 millions d’euros en un an.

Cependant, ces moyens budgétaires ne seront en 2011 qu’une part de l’ensemble des moyens financiers dont bénéficiera la mission, puisque deux autres sources de financement seront mobilisables au profit de l’excellence de la recherche publique et de la progression de la recherche privée : les crédits du programme d’investissements d’avenir et le crédit d’impôt recherche.

Le projet de loi de finances comme ces deux vecteurs de soutien à la recherche traduisent l’engagement du Président de la République de consacrer 9 milliards d’euros supplémentaires à la recherche entre 2007 et 2012.

I.– LE BUDGET 2011 SOUTIENT LA PRIORITÉ RECONNUE À LA POLITIQUE DE L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE

Ces montants de crédits budgétaires traduisent, à structure courante, une quasi stabilité des autorisations d’engagement (+ 0,04 %) et une progression des CP de 1,74 %. On rappellera que la progression de la dépense budgétaire et fiscale de la mission avait été de 5,3 % en autorisations d’engagement et de 4,6 % en CP en 2010.

À structure constante, les moyens de la mission s’élèvent à 25,08 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 24,89 en CP : l’évolution réside dans le regroupement de crédits de titre 2 du ministère de la Culture sur le programme 224 Transmission des savoirs, et du regroupement de crédits déconcentrés sur les programmes 175 et 180.

Dans le cadre d’un budget de l’État fondé sur la règle d’évolution « zéro valeur hors dette et pensions », le projet de budget montre l’importance accordée par le Gouvernement à la politique de développement d’universités autonomes et attractives et à une recherche publique d’excellence et mieux coordonnée.

Le Rapporteur spécial tient à souligner que la part des dépenses consacrées à la recherche dans la mission interministérielle se situe toujours à un niveau élevé dans le budget général de l’État : cette part est passée de 3,21 % en 2005 à 4,92 % en 2011. Elle se situe au-dessus de 4,30 % chaque année depuis 2006, ainsi que le montre le tableau suivant.

PART DU BCRD PUIS DE LA PART RECHERCHE DE LA MIRES
AU SEIN DU BUDGET DE L’ÉTAT (EN STRUCTURE COURANTE)

(en millions d’euros)

 

BCRD
(en CP)

MIRES (en CP) périmètre recherche*

 

LFI
2005

LFI
2006

LFI
2007

LFI
2008

LFI
2009

LFI
2010

PLF
2011

Dépenses du budget général de l’État

288 464

266 605

266 850

271 285

277 063

379 420

286 405

Montant BCRD puis recherche de la MIRES *

9 270,84

11 445,59

11 690,62

13 588,44

13 194,08

13 439,46

14 098,15

Part du BCRD puis recherche de la MIRES sur le budget général de l’État

3,21 %

4,29 %

4,38 %

5,01 %

4,76 %

3,54 %

4,92 %

* Le périmètre recherche inclut les dépenses des programmes « recherche » : 172, 187, 193, 190, 191 et 186 et la part recherche des programmes 142,192 et 150 (actions n° 6 à 12)

Les moyens inscrits en loi de finances sont loin de constituer toute la progression des moyens dont disposera la mission interministérielle : elle est en effet le premier bénéficiaire du programme d’investissement d’avenir avec 21,9 milliards d’euros. Pour 2011, les montants des dotations qui pourront être disponibles pour les lauréats des appels à projets sont de 3,58 milliards d’euros de produits financiers et de dotations consomptibles.

La progression estimée du crédit d’impôt recherche (CIR) est de 145 millions d’euros, ce qui place la créance fiscale envers l’État au niveau record de 4,95 milliards d’euros.

On soulignera que pendant plusieurs années, la progression considérable des moyens consacrés à la recherche ne se traduisait pas par une progression du ratio de la dépense intérieure de recherche et développement par rapport au produit intérieur de la Nation. En 2007, ce ratio n’est que de 2,07 % alors qu’il était de 2,23 % en 2002, la progression de l’effort de recherche restant en décrochage par rapport à la progression du PIB, malgré l’accroissement des crédits de soutien. Le constat change aujourd’hui, avec un ratio qui remonte pour 2008 : la dépense intérieure de recherche s’élève à 2,11 % du PIB.

A.– LA PROGRESSION DE L’EMPLOI SCIENTIFIQUE PRIVÉ DEPUIS 2007

La part de la recherche effectuée dans les entreprises dans la dépense totale de recherche est aujourd’hui de 63 %, une part du même ordre que celle des pays de l’Union européenne mais inférieure à celle de l’ensemble des pays de l’OCDE, où elle monte à 70 %. En valeur monétaire de 2008, la dépense de recherche des entreprises françaises se maintient au 5ème rang, derrière celle des États-Unis, du Japon, de l’Allemagne, de la Corée du Sud mais devant celle du Royaume-Uni.

INDICATEURS DE L’EFFORT DE RECHERCHE DES PRINCIPAUX PAYS DE L’OCDE

(en %)

 

DIRD/PIB

1996

2001

2006

2007

2008

États-Unis

2,54 a

2,72 a

2,61 a

2,66 a

2,77 ap

Japon

2,81 r

3,12

3,40

3,44

3,42

Allemagne

2,19 e

2,46

2,53

2,53

2,64 e

Corée du Sud

2,33 s

2,47 s

3,01 s

3,21 r

3,37 r

France

2,27

2,20

2,10 r

2,07

2,11 p

Royaume-Uni

1,83

1,79

1,75

1,79

1,77

Suède

...

4,17 g

3,74

3,61

3,75 e

Finlande

2,53 e

3,32

3,48

3,48

3,73

UE 27

1,66 e

1,75 e

1,76 e

1,77 e

1,81 ep

Total OCDE

2,08 e

2,23 e

2,24 e

2,28 e

2,33 ep

Sources : OCDE (PIST 2010-1) et MESR-DGESIP/DGRI-SIES

 

(a) Dépenses en capital exclues (toutes ou en partie)

(e) Estimation ou projection

(g) Sous-estimé ou fondé sur des données sous-estimées

(h) Diplômes universitaires au lieu de chercheurs

(s) Sciences sociales et humaines exclues

(p) Provisoire

(r) Rupture de série

 

Dans le domaine de l’emploi scientifique, la France emploie en 2008 près de 230 000 chercheurs en équivalent temps ce qui, selon les dernières estimations, la place loin derrière les États-Unis (plus de 1 413 000 chercheurs en 2007) et le Japon (680 000 chercheurs). Au sein de l’Union européenne, la France occupe la seconde position, derrière l’Allemagne (301 000 chercheurs) et le Royaume-Uni (252 000), mais devant l’Espagne (131 000) et l’Italie (96 000).

En 2001, on comptait sur le territoire français autant de chercheurs travaillant dans les entreprises que dans les administrations. Depuis, les effectifs de chercheurs augmentent plus vite dans les entreprises privées. En 2008, ces dernières accueillent ainsi 57 % des chercheurs travaillant sur le territoire français en raison notamment d’une nouvelle hausse plus prononcée dans les entreprises que dans les administrations (respectivement + 4,2 % et + 2,1 % entre 2007 et 2008).

Au sein des administrations, les effectifs de chercheurs ont continué de s’étoffer dans l’enseignement supérieur (+ 1,8 %) et progressent de 3,7 % dans les établissements publics à caractère scientifique et technique (EPST) et de 2,7 % dans les établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC). Les effectifs continuent de diminuer dans les institutions sans but lucratif (ISBL) : 7,9 %, après une baisse de 5,7 % entre 2006 et 2007.

Lorsque le nombre de chercheurs est rapporté à la population active, la France, avec 8,2 chercheurs pour mille actifs, se place toujours derrière le Japon (10,3 pour mille) et les États-Unis (9,2 pour mille en 2007) mais devant l’Allemagne (7,2 pour mille), le Royaume-Uni (8,1 pour mille) et l’Espagne (5,7 pour mille). Selon cet indicateur, plusieurs pays moins peuplés se situent en très bonne position, en particulier la Finlande et la Suède, avec respectivement près de 15 et 9,8 pour mille.

Ces comparaisons mettent en évidence l’importance des moyens dont disposent certains pays dans le domaine de la recherche : les États-Unis ont une capacité suffisante pour couvrir tous les domaines scientifiques, le Japon mobilise aussi, particulièrement depuis quelques années, un potentiel scientifique et technique très large et fonde plus que jamais son développement industriel sur l’innovation et les produits à haute valeur technologique.

B.– LES CRÉDITS BUDGÉTAIRES DE LA RECHERCHE : UNE HAUSSE DE 2,3 % EN CRÉDITS DE PAIEMENT

Pour les huit programmes « Recherche » de la mission, les crédits demandés s’élèvent à 10,81 milliards d’euros en autorisations d’engagement, et à 10,84 milliards d’euros en crédits de paiement.

Les moyens budgétaires alloués à la recherche progressent de 5 millions d’euros en autorisations d’engagement et surtout de 274 millions d’euros (+ 2,59 %) en crédits de paiement.

Le tableau suivant présente les crédits demandés pour 2011 pour chacun des programmes et leur évolution par rapport à 2010.

RÉCAPITULATION DES CRÉDITS PAR PROGRAMME (AUTORISATIONS D’ENGAGEMENT ET CRÉDITS DE PAIEMENT)

(en millions d’euros)

Programme

AE
LFI 2010

AE
PLF 2011

Évolution
(en %)

CP
LFI 2010

CP
PLF 2011

Évolution
(en %)

172 – Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

5 198,55

5 132,33

- 1,27

5 169,55

5 132,33

0,72

187 – Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources

1 238,61

1 245,06

0,52

1 238,61

1 245,06

0,52

193 – Recherche spatiale

1 302,25

1 393,25

6,99

1 302,25

1 393,25

6,99

190 – Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de l’aménagement durables

1 409,68

1 335,04

- 5,29

1 296,32

1 374,24

6,01

192 – Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

1 034,04

1 087,74

5,19

937,48

1 76,84

14,87

191 – Recherche duale (civile et militaire)

196,55

196,87

0,16

196,87

196,87

-

186 – Recherche culturelle et culture scientifique

125,09

121,83

- 2,61

122,55

121,53

- 0,83

142 – Enseignement supérieur et recherches agricoles

299,40

297,62

- 0,59

303,03

300,14

- 0,95

Total

10 804,17

10 809,74

0,05

10 566,66

10 840,26

2,59

Source : projet de loi de finances pour 2011

L’évolution est légèrement différente à périmètre courant : les crédits s’élèvent à 10,24 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 10,27 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une quasi reconduction en autorisations d’engagement (+ 1,51 million d’euros ; + 0,01 %) et une progression de 2,29 % en crédits de paiement (+ 230,48 millions d’euros par rapport à 2010).

Plusieurs mesures de périmètre expliquent cette évolution.

Le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) reçoit à partir des programmes 172 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires et 190 Recherche dans le domaine de l’énergie, du développement et de l’aménagement durables, respectivement 42,5 millions d’euros et 146 millions d’euros, à la suite de la budgétisation des dividendes AREVA, auparavant directement affectés aux programmes civils du CEA.

Ces crédits financeront des dépenses de recherche civile (pour 84,5 millions d’euros, versés à parité à partir de ces deux programmes) et le Fonds civil dédié aux activités de démantèlement et d’assainissement à partir d’une nouvelle action créée au sein du programme 190 Charges nucléaires de long terme des installations du CEA, à hauteur de 104 millions d’euros. Les crédits budgétaires du Fonds civil sont ainsi retracés au sein de cette action pour 169 millions d’euros, dont la mesure de périmètre précitée, à laquelle s’ajoutent 65 millions d’euros redéployés suite à une économie fiscale.

Le deuxième changement de périmètre vient de la budgétisation de 140 millions d’euros effectuée au profit d’OSEO au sein du programme 192 Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle, en effet les financements extra budgétaires de ses interventions prennent fin, avec l’épuisement des reliquats de dotation de l’ex-agence pour l’innovation industrielle, laquelle avait fusionné avec OSEO.

Ces mesures de périmètre modifient le montant de la structure constante des programmes comme suit :

– + 42,5 millions d’euros pour le programme 172 soit 0,86 % du montant du programme ;

– + 146,5 millions d’euros pour le programme 190 soit 11,93 % du montant du programme ;

– + 140 millions d’euros pour le programme 190 soit 14,95 % du montant du programme.

Les budgets initiaux des établissements pour 2010 ont été construits, conformément à la décision du Premier ministre prise en application de l’article 51-4 bis de la loi organique relative aux lois de finances, avec une mise en réserve de crédits.

Par circulaire en date du 24 décembre 2009, le taux de mise en réserve prévu est de 0,5 % sur les dépenses salariales et 5 % sur les autres dépenses, dans la limite de leur financement par les subventions pour charges de service public récurrentes inscrites au budget de l'État.

Par décision interministérielle, les taux réduits appliqués en 2009 par les EPST ont été reconduits en 2010, soit 0,25 % au titre de la masse salariale et 2,50 % au titre des autres dépenses.

C.– LES PRINCIPALES INFLEXIONS DU PROJET DE BUDGET DE LA RECHERCHE EN 2011

Les programmes « Recherche » de la mission contribueront à l’effort de maîtrise de la dépense publique. Les établissements publics scientifiques et technologiques devront réaliser 42,3 millions d’euros d’économies, comprenant à la fois des reprises au titre du plan de relance de 2009-2010 et des économies de fonctionnement.

Les crédits d’intervention et de fonctionnement relevant directement du ministère diminueront de 45,53 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 16,53 millions d’euros en crédits de paiement. Cette baisse s’explique notamment par la « mise à zéro » des actions relevant du « Grenelle de l’Environnement », qui seront dorénavant reprises dans le programme d’investissements d’avenir : une baisse de 42 millions d’euros en autorisations d’engagement et 13 millions en crédits de paiement intervient à ce titre.

Les services centraux et déconcentrés du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche subiront une mesure d’économie structurelle de 0,63 million d’euros sur une assiette initiale de 12,6 millions d’euros.

Les contributions aux organisations internationales se caractérisent notamment par une progression de 81 millions d’euros, se répartissant entre 70 millions d’euros au bénéfice de l’Agence spatiale européenne,
6 millions d’euros au bénéfice d’EUMETSAT et de 8 millions enfin au bénéfice du CERN. L’actualisation des contributions de la France aux organisations internationales se traduit par une progression de crédits de 5,6 millions d’euros.

1.– Les organismes du programme 172 contribueront à l’effort de maîtrise de la dépense publique

Les établissements publics scientifiques et techniques, de même que les établissements publics industriels et commerciaux figurent, pour la plupart d’entre eux, sur le programme 172 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires.

Ces organismes subiront en 2011 l’ajustement des subventions ou dotations qui leur sont versées : sont concernés par cette baisse l’ANR, les EPST, les EPIC, les GIP comme les fondations et les associations. La réduction sera de 68,32 millions d’euros en autorisations d’engagement comme en crédits de paiement.

En particulier, la réduction de moyens au titre de la norme transversale générale d’économies de fonctionnement applicable aux opérateurs de l’État sera de 26,4 millions d’euros et le rendu de crédits reçus au titre du « Plan de relance de l’investissement public 2009-2010 » sera de 35,16 millions d’euros.

Hors CEA et CNES, les établissements publics industriels et commerciaux devront contribuer par une économie de 2,64 millions d’euros.

Une tarification à l’usage dans les très grandes infrastructures de recherche va être instituée, qui devrait se traduire par un apport de 6 millions d’euros.

L’Agence nationale de la recherche verra ses dépenses d’intervention réduites de 38 millions d’euros ; toutefois le financement de certains programmes et appels à projets seront pris en charge par le programme Investissements d’avenir.

Les priorités gouvernementales en matière de santé sont intégralement préservées : le plan Cancer bénéficiera de 19,7 millions d’euros supplémentaires et le plan Alzheimer de 5 millions d’euros supplémentaires.

2.– L’évolution des moyens des autres opérateurs (hors développement durable)

Les moyens du CNES sont augmentés de 15 millions d’euros dans la perspective de la prochaine réunion du Conseil européen au niveau ministériel en 2011.

Les moyens du CEA, ventilés entre les programmes 172, 190 et 191 progressent, hors très grandes infrastructures de recherche (TGIR), de 16,9 millions d’euros. Les moyens des autres établissements du périmètre non ministériel sont en repli de 52,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et 51,4 millions d’euros en crédits de paiement : l’introduction d’une redevance au bénéfice de l’IRSN d’une part et la mise en œuvre des préconisations de l’audit RGPP de l’IFP Énergies nouvelles d’autre part expliquent l’essentiel de cette diminution. En effet, le budget de cet organisme comporte pour 2010 136,8 millions d’euros de ressources propres. La gestion 2009 avait fait apparaître un bénéfice de 61,3 millions d’euros, plaçant le compte de résultats à 422,8 millions d’euros. C’est pourquoi la subvention à l’organisme pour 2011 devrait être réduite de 20 millions d’euros, soit une subvention de 152,69 millions d’euros.

Le soutien à l’aéronautique civile diminuera de 197 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 49,5 millions d’euros en crédits de paiement, compte tenu du souhait du gouvernement de développer des financements innovants.

3.– La répartition des financements et la cohérence entre eux

Le programme de dépenses d’avenir doit par principe s’ajouter aux crédits récurrents des organismes. Pourtant des ajustements de crédits ont été effectués pour recentrer les programmes et éviter des doublons dans les financements.

La subvention versée à l’Agence nationale de la recherche (ANR) sera diminuée de 68 millions d’euros et des ajustements sont opérés sur les dispositifs ministériels, qui diminuent de 21,9 millions d’euros. Il est mis fin au financement par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche des actions au titre du Grenelle de l’environnement.

L’exonération de charges patronales du dispositif Jeune entreprise innovante devrait être réduite de 25 millions d’euros par plafonnement des exonérations sur les hauts salaires. De même, les moyens d’Oseo innovation devraient diminuer de 26 millions d’euros en autorisations d’engagement et progresser de 20 millions d’euros en CP, avant la mesure de périmètre déjà indiquée.

Ces ajustements budgétaires tiennent compte de l’effort fiscal en faveur de la recherche privée, car la créance fiscale du crédit impôt recherche continue sa progression : elle était de 4,15 milliards d’euros en 2008, elle est évaluée à 4,5 milliards d’euros en 2009, à 4,8 milliards d’euros en 2010.

Cette créance poursuivrait sa progression jusqu’à 4,9 milliards d’euros en 2011 si elle n’était pas réformée. Le Rapporteur spécial a analysé l’évolution du crédit d’impôt recherche en tant que rapporteur de la Mission d’évaluation et de contrôle, et a participé à la rédaction de préconisations au sujet de l’évolution de ce dispositif. Il rappellera les mesures d’évolution que la mission a jugé indispensables dans la deuxième partie du présent rapport.

Le projet de loi de finances pour 2011 consacre par ailleurs la poursuite du remboursement anticipé de la créance fiscale pour les PME au sens communautaire, conformément aux engagements pris par le Président de la République lors des états généraux de l’Industrie.

D.– LA SITUATION DE L’EMPLOI EN 2011 ET LES MESURES RELATIVES AUX CARRIÈRES

Le plafond ministériel des emplois du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche s’élève à 24 485 ETPT. Le ministère ne se voit pas appliquer les suppressions d’emplois décidées au plan national.

Le plafond connaît cependant une diminution liée au passage des établissements d’enseignement supérieur aux responsabilités et aux compétences élargies, dans le cadre de la loi relative aux responsabilités et libertés des universités du 10 août 2007. Le plafond d’emplois des opérateurs du ministère progresse corrélativement à 233 339 ETP dont 68 396 ETP pour les organismes de recherche du ministère, 142 665 ETP pour les enseignements d’enseignement supérieur et 12 727 pour le réseau du CNOUS et du CROUS.

Les mesures intéressant les personnels s’élèvent à 78,4 millions d’euros dont 47,71 millions de CAS pensions (25 millions en 2010), et 21,56 millions de mesures catégorielles. Ces dernières sont réparties entre d’une part, pour 13 millions d’euros, la poursuite du chantier carrières avec la prime d’excellence scientifique, allouée à 20 % des chercheurs, et les promotions ; et, d’autre part, la mise en œuvre du nouvel espace indiciaire de la catégorie avec 8,56 millions d’euros.

De manière plus détaillée, les mesures sont les suivantes.

Les mesures décidées pour la fonction publique ont un impact pour les EPST et l’IFREMER : le taux de cotisation aux pensions civiles et à l’allocation temporaire d’invalidité (ATI) a été relevé pour la part employeur, et porté de 62,47 % à 65,72 % au 1er janvier 2011 (+ 47,654 millions d’euros), et l’extension de la revalorisation du point Fonction publique décidée au 1er juillet 2010 se traduit par un coût de + 7,63 millions d’euros (le coût du point fonction publique était de 21,6 millions en 2010).

L’extension en année pleine des 30 créations d’emplois statutaires décidées en LFI 2010 pour l’INRIA se traduit par un coût de + 1,55 million d’euros.

La tranche 2011 du « Plan Carrières 2009-2011 » applicable dans les EPST se traduit par : 1 200 attributions supplémentaires pour la prime d’excellence scientifique (820 au CNRS, 154 à l’INSERM, 37 à l’INRIA, 4 à l’INED, 126 à l’INRA, 8 au CEMAGREF, 51 à l’IRD) dont le montant annuel moyen est de 6 000 euros (+ 7,2 millions d’euros), et la poursuite de la politique d’amélioration de la structure des emplois et des campagnes annuelles de promotions se traduira par une dépense de + 5,8 millions d’euros.

Le financement de mesures catégorielles ciblées pour le nouvel espace statutaire de la catégorie B, soit les 8 330,8 techniciens de la recherche des EPST, nécessite 8,56 millions d’euros ;

Enfin, une mesure d’actualisation de 9,5 millions d’euros est destinée à couvrir la progression normée de la masse salariale du CEA.

II.– L’APPORT DU GRAND EMPRUNT AU FINANCEMENT DE LA RECHERCHE

La loi de finances rectificative du 9 mars 2010 a ouvert 35 milliards d’euros de crédits supplémentaires sur le budget de l’État, destinés à financer des investissements susceptibles d’accroître le potentiel de croissance de l’économie française. Ces crédits financeront des projets à haut potentiel pour l’économie, dans les secteurs de l’enseignement supérieur, de la recherche, des filières industrielles et des PME, du développement durable et de l’économie numérique.

A.– LES FINANCEMENTS OUVERTS POUR LA RECHERCHE

Un montant de 21,9 milliards d’euros a été ouvert pour la MIRES, soit 62,5 % des crédits totaux. Les financements apportés au titre de ces programmes doivent être distingués entre les dotations consommables (6,87 milliards d’euros) et les dotations non consommables (15,03 milliards d’euros). Pour ces dernières, les bénéficiaires finaux ne reçoivent que les produits financiers de ces dotations à l’exception de l’action Initiatives d’excellence.

Les dépenses en faveur de l’enseignement supérieur et de la recherche s’élèveront à 18,4 milliards d’euros, soit 52,6 % des dépenses totales du grand emprunt. À ce titre, deux programmes budgétaires ont été créés : le programme Projets thématiques d’excellence qui bénéficiera de 3,05 milliards d’euros et le programme Pôles d’excellence pour un montant de 15,35 milliards d’euros.

La répartition par objet devrait être la suivante :

– 10 milliards d’euros sont ouverts au titre de l’enseignement supérieur et de la formation universitaire ;

– 7,9 milliards d’euros sont ouverts dans le secteur de la recherche pour financer la création d’un fonds national de valorisation de la recherche et différents organismes contribuant à la valorisation de la recherche (3,5 milliards), le financement de laboratoires et d’équipements d’excellence (2 milliards), ainsi que le financement de la recherche dans le secteur de la santé et des biotechnologies (2,4 milliards) ;

– enfin, 0,5 milliard d’euros sont ouverts au titre de la recherche spatiale pour financer de grands projets spatiaux.

D’autres dépenses (3,5 milliards d’euros) auront un impact sur les autres ministères dans le périmètre de la MIRES.

La loi de finances rectificative prévoit également le financement de dispositifs rattachés à la MIRES au titre des programmes Nucléaire de demain, Recherche dans le domaine de l’aéronautique et Instituts d’excellence en matière d’énergies décarbonées.

Le programme Institut thématique d’excellence en matière d’énergies décarbonées, doté de 1 milliard d’euros, permettra d’accélérer la professionnalisation du dispositif de valorisation de la recherche publique en matière d’énergie. Les financements apportés permettront de créer 5 à 10 campus d’innovation technologique en matière d’énergies renouvelables.

Le programme Recherche dans le domaine de l’aéronautique est doté de 1,5 milliard d’euros, il permettra de soutenir les démonstrateurs technologiques aéronautiques et le développement de plusieurs nouveaux appareils.

Enfin, le programme Nucléaire de demain permet le financement de recherches pour améliorer les technologies nucléaires pour la production d’électricité pour un montant de 1 milliard d’euros. Les missions financées par l’emprunt national recouvrent le développement des futurs réacteurs nucléaires et des combustibles correspondants, la construction d’outils de recherche permettant d’analyser le vieillissement des réacteurs et des études portant sur la gestion des déchets radioactifs.

Les financements seront versés à l’issue des appels à projets.

B.– LE RÔLE DE L’AGENCE NATIONALE DE LA RECHERCHE

L’agence se voit confier un rôle d’organisation des appels à projets, de gestion des fonds et de suivi des projets financés dans le cadre du grand emprunt. Elle sera gestionnaire des fonds au titre des programmes Instituts thématiques d’excellence en matière d’énergie décarbonnée, Projets thématiques d’excellence et Pôles d’excellence.

En application de conventions établies entre l’État et l’agence, l’ANR assurera la gestion des fonds pour les actions suivantes.

PROGRAMMES D’INVESTISSEMENTS D’AVENIR DONT L’OPÉRATEUR EST L’ANR

(en milliards d’euros)

Action

Dotation
totale

Dotation
non consomptible

Dotation
consomptible

Programme « Instituts d’excellence en matière d’énergies décarbonnées »

Instituts d’excellence

1

0,75

0,25

Programme « Pôles d’excellence »

Initiatives d’excellence

7,7

7,7

 

Opération Campus

1,3

1,3

 

Opération Plateau de Saclay

1

 

1

Valorisation-Instituts de recherche technologique

2

1,5

0,5

Valorisation-Fonds national de valorisation

1

 

1

Valorisation-Instituts Carnot

0,5

0,5

 

Laboratoires d’excellence

1

0,9

0,1

Instituts hospitalo universitaires

0,85

0,68

0,17

Programme « Projets thématiques d’excellence »

Équipements d’excellence

1

0,6

0,4

Santé et biotechnologie

1,55

1,1

0,45

Les fonds confiés à l’agence pour la mise en œuvre des actions prioritaires seront gérés dans le respect des principes suivants :

– la stricte séparation entre les financements apportés par la loi de finances rectificative du 9 mars 2010 et les autres activités de l’Agence, afin de respecter une « traçabilité » des fonds et la possibilité de comptes rendus fidèles de l’utilisation de ces financements ;

– dans l’attente des décisions de l’État de versements de fonds aux bénéficiaires finaux, l’ANR déposera au Trésor les fonds reçus. Sur décision de l’État, conformément aux prescriptions détaillées dans chacune des conventions, elle opérera le reversement de fonds aux bénéficiaires finaux, sous la forme de dotations consomptibles, de subventions financées par les produits financiers des dotations non consomptibles et du versement de dotations non consomptibles pour les initiatives d’excellence.

Enfin, l’agence assurera le suivi tant des projets que des fonds alloués.

III.– LE SOUTIEN À LA RECHERCHE PRIVÉE : LA PROGRESSION DU CRÉDIT D’IMPÔT RECHERCHE

Le crédit d’impôt recherche (CIR) créé en 1983 est rapidement devenu l’un des instruments principal de l’État pour inciter les entreprises à accroître leur effort de recherche-développement.

Il a fait l’objet de plusieurs réformes, dont la plus significative, inscrite dans la loi de finances pour 2008 et faisant suite aux observations de la Cour des comptes, est entrée en application dès le 1er janvier 2008.

Le CIR est rattaché au programme 172 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaire. L’ensemble des créances fiscales rattachées au programme 172 s’élève pour 2010 à 4,5 milliards d’euros.

A.– UN DISPOSITIF D’ENCOURAGEMENT À LA RECHERCHE PRIVÉE UNIQUE AU MONDE…

La réforme de 2008 comportait trois éléments :

– l’assiette du CIR était ainsi étendue à 100 % des dépenses de recherche. Le taux du crédit d’impôt était quant à lui porté à 30 % des dépenses de recherche jusqu’à 100 millions, et, à 5 % au-delà ;

– la majoration du taux du crédit d’impôt, jusqu’à 50 % la première année, puis 40 % la deuxième année, pour les entreprises qui en bénéficient pour la première fois et pour celles qui n’en ont pas bénéficié depuis cinq ans.

– les dépenses de personnel afférentes aux salariés exclusivement affectés aux opérations de recherche scientifique et technique qui sont par ailleurs titulaires d'un doctorat ou d'un diplôme équivalent, sont prises en compte pour le double de leur montant pendant les vingt-quatre premiers mois qui suivent leur premier recrutement à condition que le contrat de travail soit à durée indéterminée et que l'effectif salarié de l'entreprise ne soit pas inférieur à celui de l'année précédente. En outre, les dépenses de fonctionnement qui se rapportent à des personnes titulaires d'un doctorat ou d'un diplôme équivalent sont fixées forfaitairement à 200 % des dépenses de personnel afférentes à ces personnes dans les mêmes conditions.

Le plafond global de 10 millions d'euros appliqué aux opérations sous-traitées est majoré de 2 millions d'euros à raison des dépenses correspondant à des opérations confiées à des organismes de recherche publics ou à des universités.

Sont éligibles au crédit d'impôt recherche, dans la limite de 60 000 euros par an, les primes et cotisations ou la part des primes ou cotisations afférentes à des contrats d'assurance de protection juridique prévoyant la prise en charge des dépenses exposées, à l’exclusion de celles procédant d’une condamnation éventuelle, dans le cadre de litiges portant sur un brevet ou un certificat d'obtention végétal dont l'entreprise est titulaire.

Les avances remboursables sont déduites de la base de l’assiette du CIR, au même titre que les subventions. Elles sont ajoutées aux bases de calcul du CIR l’année au cours de laquelle elles sont remboursées à l’organisme qui les a versées.

Dans le cadre du rescrit CIR, le délai de réponse est ramené de six à trois mois. Le contrôle sur demande en tant qu’il porte sur le CIR s’applique sans condition de chiffre d’affaire à toutes les entreprises. Le contrôle de l’administration s’exerce trois ans après le dépôt de la déclaration et non plus trois ans après le fait générateur (remboursement ou restitution).

À partir de 2009, les dépenses exposées pour la réalisation d’opérations de sous-traitance confiées à des organismes de recherche publics, des établissements d’enseignement supérieur délivrant un diplôme conférant au grade de master, des fondations de coopération scientifique, des établissements publics de coopération scientifique, des fondations reconnues d’utilité public ou des associations régies par la loi du 1er juillet 1901 ayant pour fondateur et membre un organisme public de recherche ou un établissement d’enseignement supérieur délivrant un diplôme conférant le grade de master ou des sociétés de capitaux dont le capital ou les droits de vote sont détenus pour plus de 50 % par l’un de ces mêmes organismes sont retenues pour le double de leur montant à la condition qu’il n'existe pas de liens de dépendance entre l'entreprise qui bénéficie du crédit d'impôt et ces mêmes entités.

En outre, la loi de finances rectificative pour 2008 a instauré un régime temporaire de restitution immédiate des créances CIR calculées au titre des années 2005 à 2008. La loi de finances initiale pour 2010 a prolongé la restitution immédiate pour les créances calculées au titre de l’année 2009 (« remboursement anticipé et accéléré »).

Enfin, la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 a ouvert la possibilité pour les entreprises, préalablement au démarrage des travaux de R&D, de s’adresser directement au Délégué à la recherche et à la technologie (DRRT), à l’Agence nationale pour la recherche ou à OSEO afin d’obtenir une prise de position formelle lorsque celle-ci est relative aux dépenses de recherches éligibles au dispositif CIR.

B.– …MAIS DONT LE COÛT A AUGMENTÉ DE MANIÈRE EXCESSIVE DU FAIT D’UN CHAMP D’APPLICATION TROP LARGE

1.– Une prévision de créance proche de 4,5 milliards d’euros pour 2010

Le nombre de déclarants et le montant du CIR ont sensiblement augmenté de 2004 à 2008. En 2009, avec la réforme mise en place en 2008, le décollage est particulièrement net : progression de 34 % du nombre de déclarants et de 146 % du montant du CIR.

À partir de 2008, en raison des nouvelles mesures – pérennes, puis temporaires –, la montée en puissance du CIR a été très rapide. La créance fiscale en résultant a progressé en effet de 1,6 milliard d’euros en 2008 (au titre de l’année 2007) à 4,15 milliards d’euros en 2009, au titre de l’année 2008.

Cette créance avait été estimée à plus de 5 milliards d’euros pour 2010. Cependant, avec le recul du taux de croissance, la créance fiscale a été limitée par rapport aux premières prévisions, se situant à 4,5 milliards d’euros en 2010, au titre de l’année 2009.

Le tableau suivant fait apparaître la progression des déclarants et le montant de la créance fiscale.

ÉVOLUTION DU MONTANT DU CIR ET DU NOMBRE DE DÉCLARANTS
DEPUIS 2004

(en millions d’euros)

Année

Montant du CIR

Nombre de déclarants

2004, au titre de l’année 2003

428

5 833

2005, au titre de l’année 2004

890

6 369

2006, au titre de l’année 2005

982

7 400

2007, au titre de l’année 2006

1 495

8 071

2008, au titre de l’année 2007

1 687

9 658

2009, au titre de l’année 2008

4 155

12 949

2010, au titre de l’année 2009

4 500 (estimation)

 

Source : ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche

Les déclarations reçues à fin 2009 permettent de savoir que 12 949 entreprises auront envoyé une déclaration CIR au titre de l’année 2008. Le nombre d’entreprises bénéficiant du CIR devient ainsi très proche du nombre total d’entreprises ayant une activité de R&D en France telles qu’elles sont identifiées dans le cadre de l’enquête annuelle sur les dépenses de R&D du ministère.

Pour 2011, le projet annuel de performances prévoit une dépense revenue à un niveau plus modéré, soit 2,1 millions d’euros, après arrivée à expiration du régime de remboursement anticipé et accéléré.

2.– L’évaluation du crédit d’impôt recherche par le Gouvernement

Le Gouvernement a transmis au Parlement en 2010 un rapport d’évaluation du CIR, en application de l’article 102 de la loi de finances initiale. Ce rapport fournit les derniers chiffres disponibles sur la pratique du CIR par les entreprises et présente les résultats des études d’évaluation qui ont été conduites depuis 2005 dans un cadre d’ensemble. Il présente les résultats de l’enquête menée en 2009 auprès de multinationales françaises et étrangères sur l’impact du CIR sur l’attractivité de la France pour les activités de R&D.

Un quatrième rapport sur le dispositif doit être prochainement remis conformément à l’article 89 de la loi de finances initiale pour 2010. Ce rapport comportera les résultats de l’étude économétrique en cours qui prend en compte l’évolution du dispositif de 2004 à 2008. Elle doit permettre notamment d’apprécier si le passage à un dispositif en volume a eu une influence sur l’impact du CIR.

La mission d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale a, au regard des données disponibles, déduit que chacune des réformes successives du CIR a eu un impact fort, immédiat et positif sur l’évolution de la dépense intérieure de recherche et développement des entreprises.

En particulier, la mission a souligné dans son rapport que parmi les arguments classiques qui justifient le soutien de l’État à la R&D privée figure la nécessité de mutualiser les risques. Il est en effet admis que, si aucune mesure de politique économique n’était prise, les entreprises (et particulièrement les PME) auraient tendance à sous investir en ce domaine. C’est donc logiquement qu’en période de forte incertitude, les dépenses de R&D forment le premier poste de dépenses sur lequel l’entreprise cherche à réaliser des économies, soit par des débudgétisations, soit par des reports sur les années suivantes.

M. Jean-Marc Thomas, vice-président recherche et innovation d’EADS, a ainsi témoigné devant la mission : « Une des variables d’ajustement que l’on utilise souvent dans les périodes difficiles, même si elle fait mal parce qu’elle a toujours des conséquences quelques années plus tard, est la recherche. »

Aussi le rapport de la MEC a-t-il mis en avant le fait que la progression en 2008 de 3 % du niveau des dépenses de R&D constituait un bon résultat dans la mesure où on aurait pu s’attendre à ce qu’elles diminuent. Le CIR a donc – pour sa part – joué un rôle nettement contra-cyclique, et permis de soutenir le volume des dépenses de R&D engagées. S’est ajouté à l’effet de la réforme initiale du CIR le soutien supplémentaire apporté à la trésorerie des entreprises par l’instauration, dans le cadre du plan de relance, du dispositif de remboursement immédiat des créances des années 2005-2009 qui a largement contribué à son rôle d’amortisseur des effets de la crise.

Contribuer à renforcer l’attractivité du site France était un des objectifs majeurs de la réforme du CIR de 2008. Les premiers résultats confirment que cet objectif d’attractivité a été atteint en 2009. Dans un contexte de compétitivité mondiale exacerbée, la France a su tirer le profit de son crédit d’impôt recherche réformé pour en faire un véritable facteur de différenciation dans la compétition mondiale, déterminant dans le choix des implantations des centres de R&D.

Cependant le rapport a également fait apparaître que le dispositif favorisait les stratégies d’optimisation fiscale. Ainsi par exemple, le nombre de holdings bénéficiaires du CIR a plus que doublé entre 2007 et 2008, passant de 971 en 2007 à 2 436 en 2008, alors que la part des entreprises indépendantes a peu progressé en comparaison (6 314 en 2007 et 6 379 en 2008).

Concernant les entreprises bénéficiaires, le CIR étant une mesure générale, elle bénéficie de la même manière aux différents secteurs en fonction de l’importance de leurs activités de recherche. Le dispositif d’optimisation fiscale n’est pas non plus discriminant selon que l’entreprise est intégrée fiscalement ou non. Au total, la large ouverture du dispositif a directement pour effet de renchérir le coût du crédit d’impôt recherche pour l’État.

À l’heure où le CIR est devenu la première dépense fiscale en France et où l’état de nos finances publiques interdit toute dérive budgétaire, la mission a estimé nécessaire certaines remises en cause de la législation fiscale en vigueur, parmi lesquelles la consolidation du calcul des dépenses de R&D éligibles au CIR au niveau du groupe.

C.– LES PROPOSITIONS DE LA MISSION D’ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE

Le rapport de la Mission d’évaluation et de contrôle de la commission des Finances, présenté le 30 juin 2010 par MM. Alain Claeys, Pierre Lasbordes et le Rapporteur spécial, comportait 9 propositions de trois ordres : améliorer l’efficacité de la dépense, mieux sécuriser le dispositif et mieux contrôler cette dépense fiscale.

Pour la préparation du projet de loi de finances pour 2011, le Rapporteur spécial a interrogé le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche sur ses intentions quant aux propositions faites.

Les réponses sont ici présentées, en les regroupant selon les trois objectifs retenus par les rapporteurs de la MEC.

1.– Propositions visant à améliorer l’efficacité de la dépense

Proposition 1. Pérenniser le remboursement immédiat aux PME

Réponse : La pérennisation du remboursement accéléré doit bénéficier à des PME indépendantes, et non à des filiales de groupes. Il s’agirait de préciser une notion d’indépendance économique, et pas seulement de non-intégration fiscale. La définition des PME qui sera proposée pourrait s’inspirer de la définition européenne.

Proposition 2. Mesurer le taux d’aide à la R&D par tranche d’effectifs

Réponse : Le rapport sur le CIR transmis au Parlement en mars 2010 présentait une évaluation du taux d’aide à la R&D de l’ensemble des entreprises en cumulant le total des aides directes fournies par l’enquête sur les dépenses de R&D du ministère et le CIR.

Le ministère est favorable à la demande des parlementaires. Cet effort statistique permettrait d’avoir une meilleure visibilité de l’effort public en faveur de la R&D des entreprises et de clarifier la question de l’intensité de cet effort par taille d’entreprise. Le ministère s’efforcera, en coopération avec les autres détenteurs des données pertinentes, de compléter la prise en compte de l’ensemble des aides et le calcul du ratio par tranches d’effectifs.

Proposition 3. Abaisser le forfait des dépenses de fonctionnement de 75 à 33 % et instaurer un régime de frais réels optionnel au-delà

Réponse : En s’appuyant sur les données du CIR et sur l’enquête annuelle sur les dépenses de R&D, le ministère estime que le ratio « dépenses de fonctionnement / dépenses de personnel de recherche » est proche de 70 %, soit bien plus que les 33 % proposés par le rapport. Il s’agit néanmoins d’une moyenne et comme le souligne le rapport, il existe des disparités entre secteurs.

Il faut par ailleurs tenir compte de la capacité à contrôler un régime de frais réels. Une justification importante du forfait est sa simplicité, pour les entreprises comme pour l’administration.

Proposition 4. Obligation de réemploi des créances de CIR dans des activités de R&D

Réponse : Cette proposition vise à assurer que les entreprises emploient l’aide publique à accroître leurs dépenses de R&D. Or, les évaluations disponibles à ce jour indiquent que le CIR a bien un effet incitatif sur les dépenses de R&D et que la créance a bien été employée à accroître l’effort de R&D des entreprises.

Le gouvernement transmettra au Parlement, notamment par l’intermédiaire du Rapport au Parlement 2010, les résultats de la nouvelle étude économétrique en cours sur l’impact du CIR. Cette étude va prendre en compte le passage du CIR à un dispositif en volume à partir de 2004 et constituera ainsi une actualisation de l’étude menée en 2007.

La proposition de la MEC reviendrait à modifier la nature du CIR en la rapprochant d’une subvention, par opposition à une mesure fiscale.

Le MESR n’est pas favorable à l’introduction d’une telle obligation qui serait complexe à mettre en œuvre et à contrôler. Elle pourrait avoir des effets paradoxaux sur l’utilisation et l’efficacité du dispositif.

Proposition 5. Calculer le CIR au niveau des groupes fiscalement intégrés

Réponse : Avec le calcul du CIR au niveau de la filiale, on dispose d’un dispositif plus lisible pour les dirigeants de filiale.

Le rapport propose, à juste titre, de ne pas remettre en cause l’économie générale du dispositif, reconnaissant que les acteurs ont besoin d’être assurés d’une certaine pérennité du système pour en titrer les bénéfices dans la durée. Cette constatation vaut pour tous les types d’entreprises.

Les 20 premiers déclarants ont déclaré près de 6 milliards d’euros de dépenses éligibles au titre de l’année 2008. Ces groupes sont les « locomotives » de l’effort de R&D privé et ce sont aussi des groupes internationaux, dont certains expliquent que sans la réforme du CIR la localisation de leurs activités de R&D aurait évolué plus défavorablement à la France. Pour ces groupes, comme pour les groupes étrangers, une remise en cause si peu de temps après la réforme de 2008 enverrait un mauvais signal, et pourrait avoir des conséquences immédiates sur leurs décisions d’investissement.

C’est pourquoi le Gouvernement estime, qu’à moins de constater des abus manifestes, telles que des déstructurations de sociétés à des fins d’optimisation fiscale, il faut maintenir le dispositif en l’état, en attendant de pouvoir mieux analyser l’impact du déplafonnement et de l’augmentation du montant du CIR pour les grandes entreprises.

2.– Propositions visant à mieux sécuriser le CIR

Proposition 6. Établir une nouvelle instruction fiscale faisant référence au Manuel de Frascati

Réponse : La définition des activités de R&D retenue par la loi est inspirée de celle du Manuel de Frascati. Le Guide du CIR publié par le ministère fait explicitement référence au Manuel de Frascati et l’édition 2010 s’appuie extensivement sur l’ouvrage pour expliquer les frontières du développement expérimental.

Cette proposition ne pose donc pas de problème de fond. Au-delà de cette référence, un groupe de travail interministériel se réunit pour recenser les points à clarifier pour déterminer l’éligibilité des dépenses. Les clarifications pourront ensuite être mises en œuvre pour 2011.

Proposition 7. Désigner un « correspondant fiscalité » au sein des réseaux consulaires

Réponse : Un tel correspondant pourrait effectivement être utile, en complément des différents moyens d’information dont les entreprises disposent sur le CIR. Les entreprises peuvent aussi faire appel aux opérateurs du rescrit direct qui sont les DRRT, l’ANR et OSEO.

3.– Propositions visant à mieux contrôler le CIR

Proposition 8. Créer des équipes de contrôle communes entre les services fiscaux et les services du ministère de l’Enseignement et de la recherche

Réponse : Le ministère est favorable à cette proposition.

Proposition 9. Mettre en place des outils quantitatifs et qualitatifs de suivi de la performance du CIR

Réponse : L’indicateur figurant dans les documents budgétaires, et qui estime le supplément de dépenses de R&D par euro de crédit d’impôt, est bien un indicateur d’impact, car il cherche à isoler cet impact des autres facteurs qui influencent l’évolution des dépenses de R&D des entreprises. Le ministère est prêt à engager des efforts supplémentaires pour enrichir les indicateurs relatifs au CIR, ce qui dépend de la disponibilité de certaines données de base.

D.– LES AMENDEMENTS PRÉSENTÉS PAR LES MEMBRES DE LA COMMISSION DES FINANCES

Lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2011, le Rapporteur spécial ainsi que d’autres membres de la commission des Finances ont souhaité modifier le dispositif du CIR pour remédier à certains des défauts identifiés par la MEC.

Le premier amendement a été déposé par M. Gilles Carrez, Rapporteur général, MM Claeys, Cahuzac, Carré et le Rapporteur spécial.

Reprenant les propositions de la Mission d’évaluation et de contrôle, adaptées pour tenir compte des conclusions de l’Inspection générale des finances, cet amendement n° I-48 rect. a proposé des ajustements du crédit d’impôt recherche visant, sans remettre en cause, dans un souci de stabilité juridique, son architecture générale, à en assurer la pérennité en évitant la dérive de son coût.

Il s’agissait d’apporter les correctifs suivants :

– supprimer les majorations de taux applicables au titre des deux premières années ;

– fixer le montant des dépenses de fonctionnement diverses à 50 % des dépenses de personnel, y compris pour les dépenses de personnel au titre de jeunes chercheurs qui sont retenues pour le double de leur montant ;

– d’imposer la réalisation par l’entreprise elle-même d’au moins la moitié des dépenses de recherche déclarées pour éviter la création par des entreprises, notamment étrangères, de filiales « boites aux lettres » ayant pour seul objet l’optimisation fiscale du CIR au titre de dépenses réalisées à l’étranger.

Cet amendement a été adopté lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances par l’Assemblée nationale.

Le second amendement, n° I-49, part de la constatation que au seul titre des groupes fiscalement intégrés, l’appréciation filiale par filiale renchérissait le coût du CIR de 390 millions d'euros en 2008.

Afin de mettre un terme à cette optimisation, l’amendement proposait de consolider le montant total de dépenses de recherche par les groupes d’entreprises liées, c’est-à-dire placées sous un contrôle commun. La consolidation sur le périmètre de l’intégration fiscale ne peut, en effet, assurer un terme à l’optimisation dans la mesure où la prise en compte des filiales dans le périmètre d’intégration est optionnelle.

Les entreprises liées seraient donc traitées, pour le calcul du CIR, comme une entreprise unique. À cette fin, l’amendement prévoit de calculer au titre de la somme des dépenses du groupe un taux de CIR et d’appliquer ensuite ce taux à chacune d’entre elles. Ainsi, par exemple, pour deux entreprises liées réalisant chacune 100 millions d'euros de dépenses éligibles au CIR et bénéficiant aujourd’hui, chacune, de 30 millions d'euros de CIR, le barème du CIR serait appliqué sur la dépense totale produisant un taux moyen pour le groupe
(35 / 200 = 17,5 %) qui conduirait à faire bénéficier chacune des entreprises de 17,5 millions d'euros de CIR.

Afin de garantir un traitement équivalent entre entreprises françaises et étrangères, comme le suggère le Conseil des prélèvements obligatoires, les entreprises exerçant des activités de recherche à l’étranger déclareraient celles-ci en vue de leur prise en compte dans le calcul.

Cet amendement n’a pas été adopté par l’Assemblée nationale.

Enfin, un amendement présenté par le Rapporteur général, M. Gilles Carrez, n° I-620, visait à encadrer l’intervention des intermédiaires en matière de crédit d’impôt recherche. Il prévoit de réduire l’assiette du crédit d’impôt du montant des rémunérations versées lorsque celles-ci sont définies en proportion de l’avantage fiscal, ce qui produit un effet proche d’une disposition rendant ces rémunérations non déductibles de l’impôt sur les sociétés.

Par ailleurs, les rémunérations forfaitaires seront également déduites de l’assiette lorsqu’elles excédent 5 % de l’assiette (c’est-à-dire, dans le cas général, 16,6 % de l’avantage en impôt).

IV.– LES AVANCÉES DE LA MODERNISATION DU SYSTÈME DE RECHERCHE

La loi de programme pour la recherche du 18 avril 2006 et la loi relative aux responsabilités et libertés des universités du 10 août 2007 sont au cœur d’un effort de réorganisation de notre système de recherche qui s’est fondé sur quatre principes : renforcer le pilotage de la recherche avec les appels à projet (conduits par l’Agence nationale de la recherche) ; moderniser les missions des grands organismes ; placer les universités au cœur de notre système de recherche ; instaurer l’évaluation systématique et cohérente de tous les acteurs par l’Agence nationale d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur.

Le Rapporteur spécial abordera les développements intervenus cette année et prévus l’an prochain pour les réformes impactant la recherche, la réforme des universités au sein du système de recherche étant abordé dans le rapport spécial de M. Laurent Hénart, Rapporteur spécial des crédits de l’enseignement supérieur (rapport n° 2824, annexe 35).

A.– LA PLACE DU FINANCEMENT SUR PROJET AU SEIN DU FINANCEMENT GLOBAL

La part du financement incitatif au sein du financement global des organismes de recherche s’est développée progressivement au cours des dernières années, surtout sous l’impact de la montée en puissance de l’Agence nationale de la recherche. Cependant, cette part ne progressera pas l’année prochaine : elle sera de 11,5 % de l’ensemble des crédits alors qu’elle est de 11,8 % en 2010 et était de 12,3 % en 2009, en crédits de paiement.

Le tableau suivant présente la synthèse des dépenses des organismes de recherche, le total des crédits incitatifs et la part de ceux-ci dans le total, pour 2009 et 2010. Il montre le poids croissant de la masse salariale dans les dépenses, ce qui suscite des interrogations, car il faudra veiller à ce que les moyens de fonctionnement et d’investissement des laboratoires se maintiennent et se placent même à un niveau suffisant pour assurer le renouvellement des équipements de recherche, garants d’une recherche avancée située en bonne position par rapport à la recherche des pays concurrents.

EXERCICES 2009 (COMPTES FINANCIERS, CF) ET 2010 (BUDGETS PRIMITIFS VOTÉS, BP) : SYNTHÈSE DES DÉPENSES (HORS CHARGES CALCULÉES)
ET DES CRÉDITS INCITATIFS (EN RESSOURCES)

Comptes financiers 2009

Ensemble des EPST

Montants

%

Masse salariale limitative

3 248 547 863

62,5

Masse salariale indicative

373 166 509

7,2

Fonctionnement et investissement annuels

1 480 783 251

28,5

Opérations d’investissement programmées (OIP)

94 138 169

1,8

Total des dépenses mandatées en 2009

5 196 635 792

100,0

Appels à projet (ANR ou autres)

245 517 436

4,7

Financements européens (PCRD, EURATOM...)

99 734 973

1,9

Financements en provenance des collectivités territoriales

47 670 237

0,9

Total des crédits incitatifs (recettes)

392 922 646

7,6

     

Ensemble des EPST

Budgets primitifs 2010

Montants

%

Masse salariale limitative

3 325 387 716

63,3

Masse salariale indicative

318 746 820

6,1

Fonctionnement et investissement annuels

1 514 077 760

28,8

Opérations d’investissement programmées (OIP)

97 576 601

1,9

Total des dépenses prévisionnelles pour 2010

5 255 788 897

100,0

Appels à projets (ANR ou autres)

182 908 400

3,5

Financements européens (PCRD, EURATOM...)

105 904 200

2,0

Financements en provenance des collectivités territoriales

68 427 000

1,3

Total des crédits incitatifs (recettes)

357 239 600

6,8

Le recul de la part des crédits incitatifs s’explique par la diminution des crédits d’intervention de l’Agence, dont les programmes et actions s’imputeront sur les programmes et les crédits Investissements d’avenir.

B.– LA RÉNOVATION DES GRANDS ORGANISMES SE POURSUIT

La loi relative aux libertés et responsabilités des universités du 11 août 2007 a placé les universités et les écoles au centre du dispositif national de recherche ; la création de l’Agence nationale de la recherche a renforcé le financement de la recherche sur projet ; enfin la création de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur a unifié les procédures d’évaluation des différentes structures de recherche. Ces trois évolutions conduisent à une véritable refondation du partenariat entre les établissements universitaires et les organismes de recherche et entre les différents organismes de recherche concernés par des domaines scientifiques partagés.

C’est pourquoi les organismes de recherche ont été soumis depuis 2007 à des réformes visant notamment à les faire évoluer vers une double mission d’opérateur et d’agence de moyens, tout en améliorant la coordination entre eux et les conditions de leur partenariat avec les universités. Après le CNRS et L’INSERM, c’est aujourd’hui le tour de l’IRD et du CIRA d’être touchés par les réformes.

La création d’alliances s’inscrit dans cette dynamique en renforçant la fonction de programmation nationale, fonction qui fait le lien entre les orientations définies par le gouvernement dans la stratégie nationale de recherche et d’innovation et la recherche réalisée dans les universités, les écoles et les organismes.

1.– La création des alliances

Les alliances ont pour mission de transmettre et propager les orientations nationales auprès des opérateurs de recherche, de coordonner de façon optimale la mise en œuvre des moyens humains et financiers déployés par l’État, notamment en contribuant fortement à la définition de la programmation de l’ANR.

Elles doivent contribuer à positionner les universités au cœur du système de recherche. Ceci a des implications importantes sur les organismes travaillant en forte interaction avec les universités. Ces organismes devront, à terme, distinguer leur fonction de structuration du potentiel de recherche universitaire (chaires, infrastructures de recherche notamment) de celle d’opérateur. Ils devront également se coordonner dans leur dialogue avec les universités et notamment dans la politique de site.

Les alliances ont vocation à représenter la France dans les instances de programmation européenne et internationale, comme c’est déjà le cas pour la programmation conjointe en matière de santé (Alzheimer) ou d’énergie.

Les quatre premières alliances créées recouvrent les trois axes prioritaires de la stratégie nationale de recherche et d’innovation :

– AVIESAN autour de l’axe « santé, bien-être et biotechnologies » ;

– ANCRE et AllEnvi autour de l’axe « urgence environnemental et écotechnologies », la première s’intéressant plus particulièrement à l’énergie ;

– Allistene autour de l’axe « information, communication et nanotechnologies ».

La cinquième Alliance (Athéna) concerne les sciences humaines et sociales qui ont été identifiées dans la stratégie nationale comme devant jouer un rôle majeur au sein de tous les axes prioritaires. Les alliances devraient demeurer au nombre de cinq.

L’Alliance pour les sciences humaines et sociales a été créée le 22 juin 2010 avec quatre membres fondateurs, le CNRS, l’INED, la Conférence des présidents d’université (CPU) et la Conférence des grandes écoles. L’Alliance a pour but de contribuer de manière déterminante au développement de l’enseignement supérieur et de la recherche dans les sciences humaines et sociales. Elle a ainsi pour objectif de consolider les dispositifs d’accueil scientifique (IUF, MSH, Chaires d’excellence, Instituts d’études avancées, Maisons des Sciences de l’Homme) et de faire des propositions pour développer les interfaces entre les acteurs de la recherche en matière d’infrastructures de recherche et de grands équipements (bibliothèques, numérisation).

Elle devra aussi définir des stratégies pour l’utilisation des SHS (Écoles et instituts français à l’étranger), aider à la programmation de la recherche à moyen et long terme et participer à la veille et à la prospective scientifique. L’Alliance permettra la mise en cohérence des stratégies de recherche des universités et des autres établissements, qui disposent de la majeure partie du potentiel scientifique et celles, à caractère structurant, des organismes de recherche notamment du CNRS à travers son institut de SHS.

La présidence tournante sera assurée alternativement par le CNRS et la CPU, le premier président étant le Président du CNRS, Alain Fuchs.

2.– Quel pilotage pour les organismes réformés ?

Les réformes conduisent à mettre en place une gouvernance unifiée dans les organismes (les fonctions de président et de directeur général sont unifiées), un nouveau système d’évaluation avec le rôle de l’AERES, la création d’Instituts au CNRS et à l’INSERM, notamment.

La constitution de quatre « Alliances » entre les organismes et les universités a permis de faire émerger une structure de programmation plus efficace des projets de recherche et un interlocuteur unique pour l’industrie, comme c’est le cas pour l’alliance des sciences de la vie et de la santé.

La simplification des relations entre organismes et universités progresse, notamment par des expérimentations de mise en commun de moyens et de délégations de gestion et de signature aux directeurs de laboratoires.

La contractualisation avec l’État concerne maintenant tous les organismes, y compris l’INSERM qui n’avait jamais été lié par contrat.

Des questions restent posées sur lesquelles le Rapporteur spécial va faire porter son attention. Dans quelle mesure la Stratégie nationale de recherche et d’innovation définie en 2009 va orienter les programmes de recherche des prochaines années et quel sera son impact réel sur la communauté scientifique ? Comment le système de mesure de la performance peut-il inciter les chercheurs à s’emparer des priorités définies politiquement et scientifiquement ? Comment la contractualisation va-t-elle s’articuler avec le pilotage des organismes voulu par le Premier ministre ?

La gestion des ressources humaines évolue également vers l’encouragement de l’excellence : ont été introduites des mesures comme la prime d’excellence, la possibilité de recourir à des contrats à durée déterminée pour attirer des chercheurs étrangers de haut niveau, des mesures fiscales visant à encourager le passage de la recherche à l’entreprise. Il est important de suivre si et comment les chercheurs s’approprient ces dispositifs essentiels à la compétitivité de notre recherche. Il semble que ces évolutions soient encore trop lentes.

3.– La mise en place de la délégation globale de gestion : le stade de l’expérimentation

On rappellera que le rapport « Vers un partenariat renouvelé entre organismes de recherche universités et grandes écoles » remis par François d’Aubert en avril 2008 établissait quelques propositions de nature à simplifier la gestion des laboratoires de recherche, et notamment celles des unités mixtes de recherche, pour améliorer la qualité du service rendu aux laboratoires et harmonisation des règlements et pratiques en vigueur.

La mesure essentielle consistait à la mise en place d’un mandat de gestion confié à une seule tutelle, en principe celle hébergeant le laboratoire concerné, avec le respect d’un cahier des charges définissant les critères de bonne gestion d’une unité de recherche. Les travaux de préparation de ce cahier des charges ont abouti à préférer le terme de délégation globale de gestion à celui de mandat unique.

La réalisation de ce projet de cahier des charges et les travaux d’approfondissement sur les simplifications administratives ont permis de démarrer dans le cadre du budget 2010, des expérimentations de mise en place de la délégation globale de gestion. Les premières ont été conduites dans les universités d’Aix-Marseille II, Paris V et Paris VI avec le CNRS et l’INSERM. 25 UMR sont actuellement en délégation globale de gestion.

Une circulaire du 13 juillet 2009 a incité les établissements d’enseignement supérieur à favoriser la mise en œuvre de cette délégation globale de gestion en déléguant dans un premier temps la signature aux directeurs de laboratoire et en adoptant des mesures en matière d’achat public et de frais de déplacement harmonisées avec celles des EPST. Près de la moitié des établissements se sont engagés dans cette simplification qui revalorise la fonction de directeur de laboratoire au sein de l’université et qui prépare le passage à la délégation globale de gestion par la suite.

Le CNRS a franchi un pas supplémentaire en décidant la création, d’ici début 2011, d’une plate-forme de gestion de services partagés avec l’université de Strasbourg sous la forme d’une unité mixte de service répondant au principe d’un interlocuteur et de procédures uniques pour tous les laboratoires de l’université.

Le décret n° 2009-645 du 9 juin 2009 sur la propriété intellectuelle confie de plein droit un mandat de gestion de l’ensemble des établissements publics partenaires à la personne publique ayant fourni les locaux dans lesquelles ont été effectuées les recherches, en général l’université dans le cadre des unités mixtes de recherche.

Le Rapporteur spécial se félicite que ces simplifications longtemps espérées soient enfin mises en œuvre.

4.– Les très grandes infrastructures de recherche : une forte demande des chercheurs mais prudence face aux nouveaux investissements

Le domaine des très grandes infrastructures de recherche (TGIR) fait face à de nouveaux enjeux avec la demande croissante de nouveaux équipements de recherche par la communauté scientifique d’une part, les sources du financement d’autre part.

La feuille de route française compte au total 92 TGIR, existantes, décidées ou en projet. L’ensemble des TGIR existantes représentait en 2008 une charge de 600 millions d’euros pour le budget de l’État.

La France a œuvré au cours des dernières années, et notamment lors de la Présidence française de l’Union européenne, en faveur de la cohérence des investissements et des infrastructures au sein de l’Europe : la feuille de route des infrastructures de recherche européenne a été établie en 2006 et revue en 2008. Aux termes de cette feuille de route, 44 infrastructures seraient à construire en Europe, pour un investissement estimé à 20 milliards d’euros et un fonctionnement de 2 milliards d’euros. La France est présente dans la plupart de ces équipements, à leurs différends stades de construction ou de fonctionnement. L’objectif qui se dessine aujourd’hui est d’obtenir un nouveau classement prioritaire des investissements. La France occupe une position émergente dans le pilotage des projets, aussi est-elle très sollicitée pour l’investissement et la recherche par le biais des TGIR.

Au plan national, la demande de grands équipements est forte et le poids des TGE dans le budget de la recherche est croissant. La visibilité de ce coût dans le budget est imparfaite ; en effet les principales TGIR sont inscrites dans des actions spécifiques des programmes 172, 187 et 193 de la mission interministérielle Recherche, mais les autres TGIR sont réparties dans les actions thématiques des différents programmes de la mission.

Le coût de ces équipements et de leur fonctionnement pèse sur les autres crédits de la recherche, car les dépassements sont fréquents, ainsi qu’on le constate encore pour la construction du réacteur ITER. La Cour des comptes a d’ailleurs évoqué ce problème dans les conclusions du relevé d’observations provisoires de 2009.

La construction de nouveaux équipements ne peut conduire à une augmentation significative du budget du ministère, aussi il doit être mis fin à certaines TGIR. Des nouvelles recettes seraient souhaitables. La RGPP a préconisé de facturer l’accès aux équipements aux équipes de recherche qui les utilisent. Cette préconisation a été suivie par le ministère qui prévoit la facturation dès l’année prochaine, pour un rapport financier escompté de 6 millions d’euros. Cette solution logique au premier abord a cependant des inconvénients : le risque de voir sacrifier des pans de la recherche pour les laboratoires moins dotés qui ne pourront plus y avoir recours, la concurrence entre TGIR avec le choix par les équipes des conditions les plus avantageuses, notamment prendre en considération la concurrence de pays comme le Japon ou les États-Unis prêts à offrir voyage et séjour pour attirer les chercheurs sur leur territoire. Il convient d’éviter aussi la transformation des TGIR en agences de services voire leur privatisation à terme.

L’utilisation est aujourd’hui accordée par des comités de pairs sur des critères d’excellence ; on soulignera qu’elle contribue au rapprochement et à la concertation entre les équipes.

C.– L’EFFORT SE POURSUIT POUR L’ATTRACTIVITÉ DES CARRIÈRES ET LA MOBILITÉ

Seront présentés ici l’état de l’emploi scientifique public, et en particulier l’évolution de la part contractuelle de l’emploi, puis le Rapporteur spécial fera le bilan des réformes et évolutions intervenues récemment pour conférer davantage d’attractivité aux carrières de la Recherche.

1.– L’état de l’emploi scientifique public en 2010

L’emploi scientifique dans le secteur public représente un peu plus de 160 000 équivalents temps plein. Considérée dans son ensemble, la population de l’emploi scientifique du secteur public a augmenté de 20 % au cours des dix dernières années.

L’université occupe la place prépondérante, 49 % des chercheurs du secteur public appartenant à un établissement d’enseignement supérieur. Les établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) représentent 29 % de cette population, dont environ les deux tiers au CNRS.

Les neuf EPST rémunèrent, en 2010, 43 208 équivalent temps plein travaillé (ETPT), soit 17 291 ETPT de chercheurs et de 25 917 ETPT d’ingénieurs, de techniciens ou d’assimilés. Les ETPT employés étaient de 43 865 en 2009.

Au 31 décembre 2008, le nombre de non titulaires dans les EPST s’élève à 13 500 personnes physiques. Les personnels non titulaires accueillis dans le cadre d’une « pratique de la recherche », tels les doctorants et les contractuels de niveau ingénieur de recherche, représentent 48 % de ces effectifs, les personnels d’accompagnement et de soutien aux activités de recherche 52 %.

Les personnels non titulaires représentent 30 % de l’effectif total des personnes physiques présentes dans les EPST. Toutefois, cette proportion évolue si l’on considère le temps de travail effectif dans l’année : les budgets prévisionnels des EPST établissent, en ETPT, une part de non titulaires dans l’effectif total de 24 %. En matière de financement, les mêmes documents permettent d’isoler les emplois financés sur subvention pour charge de service public (subvention de l’État) des emplois financés sur ressources propres. Les emplois se répartissent également entre ces deux sources de financement.

L’unité de mesure retenue influe donc sur la part des personnels de non titulaires dans l’effectif total, davantage que pour les personnels titulaires. Une partie des recrutements est en effet par nature de courte durée, effectuée dans le cadre de besoins occasionnels ou saisonniers : ces recrutements ont concerné 1 287 personnes physiques à l’INRA en 2008 et 178,2 ETPT. En 2008, au CNRS ces recrutements représentaient 2 430 personnes physiques pour 882,6 ETPT.

Le financement sur projet de l'Agence nationale pour la recherche encourage l’évolution vers une part plus importante de l’emploi contractuel, dans la mesure où elle finance, pour les projets qu’elle sélectionne, l’intégralité des rémunérations des personnels recrutés en contrat à durée déterminée par les EPST et les universités, et 50 % des rémunérations pour les EPIC.

2.– Les mesures visant à reconnaître et encourager l’excellence

L’article L. 954-2 du code de l’éducation, issu de l’article 19 de la loi de 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, donne au président de l’université la responsabilité de l’attribution des primes aux personnels qui sont affectés dans son établissement, selon des règles générales définies par le conseil d’administration. Ce dernier peut également créer des dispositifs d’intéressement permettant d’améliorer la rémunération des personnels.

Cette possibilité est symétrique de celle donnée aux organismes de recherche d'attribuer l'indemnité spécifique pour fonctions d'intérêt collectif, appelée l'ISFIC, aux enseignants-chercheurs directeurs de laboratoires.

On mentionnera que les modalités d'attribution de la prime de mobilité pédagogique ont été modifiées par le décret n° 2009-994 du 20 août 2009. Celui-ci permet désormais d'attribuer cette prime aux chargés de recherche, alors que seuls les directeurs de recherche pouvaient en bénéficier auparavant. Les chercheurs s’engagent, pour trois ans, à accomplir annuellement dans l’enseignement supérieur un service d’enseignement de 64 heures équivalent TD. Son taux a par ailleurs été doublé, passant de 1 950 euros pour l’année universitaire 2008-2009 à 3 970 euros pour l'année 2009-2010. Au terme de l'engagement de trois ans, les chercheurs peuvent se présenter à un concours promotionnel leur permettant d’accéder à la 1ère classe du corps des professeurs des universités.

La prime d’excellence scientifique, instituée par un décret du 8 juillet 2009, est entrée en vigueur en septembre 2009, afin de favoriser la mobilité réciproque des chercheurs et des enseignants-chercheurs dans la mesure où elle est attribuée aux enseignants-chercheurs chargés et directeurs de recherche, dont l'activité scientifique est jugée d'un niveau élevé ou lorsqu'ils exercent une activité d'encadrement doctoral.

Elle peut être également accordée aux personnels bénéficiant d'une distinction scientifique de niveau international ou national conférée par un organisme de recherche ou qui apportent une contribution exceptionnelle à la recherche. Elle est accordée de plein droit aux membres de l'institut universitaire de France.

Elle est attribuée pour une période de quatre ans renouvelable à un taux modulable par les établissements publics d'enseignement supérieur et de recherche. D’un montant minimal de 3 500 euros, la prime peut atteindre 15 000 euros, et 25 000 euros pour les lauréats d'une distinction scientifique de niveau international.

Le programme « Chaires d'excellence » de l’Agence nationale de la recherche vise à favoriser l’accueil de chercheurs de haut niveau venant de l'étranger. Ce programme offre aux meilleurs de ces scientifiques des moyens importants pour les aider à réaliser rapidement leur projet de recherche. Une partie de la dotation peut être affectée à des mesures d'accompagnement du lauréat pour son installation et son séjour en France. Les projets aidés sont susceptibles de bénéficier de ressources complémentaires allouées par des organismes de recherche et les collectivités régionales, par exemple. Le nombre de dossiers de candidature déposés est passé de 26 projets en 2007 à plus de cent depuis 2008.

Le programme « Retour Post-Doctorants » de l’ANR facilite le retour sur le territoire national et le recrutement futur des jeunes chercheurs expatriés dans un organisme public de recherche ou une entreprise, en mettant à la disposition des lauréats les moyens appropriés à la poursuite de leur projet de recherche pendant une durée maximale de trois ans. En 2009, l’agence a financé 26 projets pour un montant de 11,2 millions d’euros. Ce programme a été lancé en 2009 et répond visiblement à une attente puisque le nombre de dossiers soumis est en nette augmentation pour 2010.

3.– L’amélioration des débuts de carrière et l’encouragement à la mobilité entre université et organisme de recherche dès le début de carrière

Le Rapporteur spécial se félicite des mesures prises par le ministère depuis 2008 pour revaloriser le statut des jeunes chercheurs.

La création du contrat doctoral (décret n° 2009-464 du 23 avril 2009 relatif aux doctorants contractuels des établissements publics d’enseignement supérieur ou de recherche) permet une amélioration substantielle des conditions de début de carrière des jeunes chercheurs. Ce contrat vise principalement à établir un cadre contractuel unique, plus protecteur que les dispositifs précédents, applicable à tous les employeurs publics concernés et à intégrer pour chaque doctorant dans un seul contrat l’ensemble des activités liées directement à la préparation de son doctorat mais aussi aux activités annexes présentant un intérêt pour l’ouverture professionnelle du doctorant.

Il fixe aussi un cadre unique à la rémunération, sous forme de « planchers » ; enfin il garantit une protection sociale complète, par l’application d’un régime reprenant l’essentiel du décret du 17 janvier 1986. Les chercheurs contractuels doctorants bénéficient, à compter de la rentrée universitaire 2009-2010, d’un salaire mensuel minimum de 1 671,54 euros bruts si le doctorant consacre la totalité de son temps de travail aux activités de recherche destinées à la préparation du doctorat et 2 006,93 euros bruts si leur service intègre d’autres activités. Ce salaire peut être négocié au-dessus de ce minimum sans limite de plafond de rémunération. Les jeunes diplômés de master ou les jeunes ingénieurs peuvent ainsi s'engager dans une thèse tout en conservant un salaire.

Les statuts d’allocataire de recherche et de docteurs-conseil ont été fusionnés dans un cadre juridique unique, le contrat doctoral, par le décret du 23 avril 2009 relatif aux doctorants contractuels des établissements publics d’enseignement supérieur ou de recherche. Ce contrat, d’une durée de trois ans, apporte non seulement toutes les garanties sociales d'un vrai contrat de travail, conforme au droit public, mais valorise aussi l’activité d'enseignement et de recherche lorsque le jeune chercheur assure des missions de conseil ou d'expertise auprès des entreprises ou des collectivités publiques.

Les règles de reclassement dans le corps des enseignants-chercheurs des établissements publics de l’enseignement supérieur et de la recherche ont été modifiées par le décret du 23 avril 2009. Il comporte de nombreuses mesures de revalorisation de carrière en faveur des jeunes maîtres de conférences.

Notamment, l’ensemble des activités d’enseignement et de recherche, en France et à l’étranger, (dans la limite de 7 ans) est pris en compte pour le reclassement des enseignants chercheurs, en particulier les trois ans de thèse et les années de post-doctorat. C’est pourquoi la rémunération des maîtres de conférences, en début de carrière, a augmenté en septembre 2009 de 12 à 25 % en fonction de la durée des activités antérieures au recrutement. 

Les chaires universités organismes de recherche, mises en place en 2009, permettent aux universités et aux organismes de recherche de recruter ensemble des maîtres de conférences dont le profil a été défini dans le cadre d’une politique scientifique concertée.

Ces jeunes maîtres de conférences, recrutés à parité par des représentants de l’université et de l’organisme, sont placés, de droit, en délégation auprès de l’organisme, et déchargés des 2/3 de leur charge d’enseignement. Ils bénéficient du double label université et organisme, de moyens financiers substantiels pour mener leur recherche et d’une participation à l’enseignement suffisante pour les aguerrir, sans les éloigner de la recherche. La communauté scientifique dans son ensemble bénéficie ainsi d’une attractivité renforcée sur le plan national et international, avec une valorisation de la politique de recrutement des universités et un renouvellement régulier des forces vives de recherche des organismes. En 2009, le financement de 130 chaires a été inscrit au budget. Une première évaluation du dispositif a fait apparaître que 77 chaires avaient été pourvues en novembre 2009. Pour 2010, 138 chaires sont prévues.

Dans ce cadre, les maîtres de conférences recrutés bénéficient d'une prime significative de 6 000 à 15 000 euros par an, de crédits destinés à soutenir leurs recherches (de 10 000 à 20 000 euros par an) et du double label université et organisme.

4.– Une souplesse accrue de recrutement des personnels scientifiques

Jusqu’en 2009, les établissements publics scientifiques et technologiques peuvent ne pouvaient recourir à des agents contractuels qu’en application des dispositions du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 pris pour l'application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État. Les agents contractuels devaient être engagés par contrat à durée déterminée de trois ans renouvelable dans la limite de six ans. Si, à l'issue de cette période maximale de six ans, ces contrats étaient reconduits, ils ne pouvaient l'être que par décision expresse et pour une durée indéterminée.

Cette procédure de recrutement ne répondait plus à l’ensemble des besoins, car les organismes de recherche, et en particulier le CNRS et l’INSERM, étaient demandeurs d’un système de recrutement et de rémunération plus souple, en vigueur dans la plupart des organismes et universités étrangers.

Le Rapporteur spécial avait souhaité, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2010, faire évoluer ce cadre strict. Sur le modèle créé par la loi de 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, il a fait présenter un amendement, lequel a été adopté par les assemblées, permettant le recrutement de personnels contractuels par les organismes pour une durée déterminée ou indéterminée.

La loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 a donc étendu aux EPST la possibilité de recruter des agents contractuels sur CDI.

Les organismes ont eu recours à cette nouvelle faculté avec beaucoup de précautions afin que les nouveaux contrats soient utilisés à parfait escient et de manière incontestable. Ainsi, le CNRS a recruté par contrat à durée indéterminée moins d’une dizaine de chercheurs de très haut niveau, soit étrangers, soit français établis à l’étranger et intéressés par le retour en France afin de constituer une équipe de recherche pour un projet bien précis. L’usage de ces contrats a bien correspondu à des besoins spécifiques auxquels les statuts seuls ne pouvaient répondre.

5.– La mobilité vers l’entreprise encouragée par le ministère mais encore trop restreinte

La mobilité est longtemps restée très exceptionnelle. En 2006, 124 bénéficiaires étaient été recensés, ce qui traduit un chiffre constant depuis 2000, aux alentours d’une centaine par année.

Ce caractère exceptionnel de la mobilité a conduit le Gouvernement à améliorer le dispositif existant à travers la loi d’orientation et de programme du 18 avril 2006 pour la recherche. La loi du 2 février 2007 de modernisation de la Fonction publique et le décret du 2 mai 2007 relatif au cumul d'activités des fonctionnaires, des agents non titulaires de droit public et des ouvriers des établissements industriels de l'État pris pour son application ont modifié les possibilités d’expertises ou de consultations auprès d'une entreprise ou d'un organisme privé. Différents décrets et circulaires ont été pris ensuite pour lever les freins réglementaires à la mobilité, à la consultance et à la création d’entreprise par les chercheurs.

Pour apporter une meilleure information aux chercheurs intéressés, le ministère a publié sur son site en mai 2010 un vade-mecum des passerelles public-privé, guide pratique des coopérations avec les entreprises pour les chercheurs et les enseignants-chercheurs.

Il conviendra donc d’examiner si la mobilité se développe dans ce nouveau cadre juridique, et de savoir si elle est favorablement prise en compte dans le déroulement de la carrière des chercheurs qui se sont saisis de cette opportunité.

On notera l’initiative intéressante promue par l’INRA et le CEMAGREF pour encourager la mobilité. Il s’agit du lancement en 2008 et 2009 d'un appel à candidatures « docteurs pour l'entreprise » sur le budget du programme 142 (action 2), à hauteur de 400 000 euros.

Cet appel à candidatures dont la gestion a été confiée au CEMAGREF vise à identifier des projets émanant de jeunes docteurs en vue de l'application en entreprise des résultats de leur recherche, et leur recrutement à terme par l'entreprise intéressée.

Une telle initiative, si elle s’avère concluante, devrait être étendue aux autres organismes de recherche.

*

* *

DEUXIÈME PARTIE :
LA PRÉSENTATION DES PROGRAMMES

Les crédits demandés pour chacun des programmes « Recherche » de la mission et leur évolution par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2010 figurent dans le tableau suivant.

RÉCAPITULATION DES CRÉDITS PAR PROGRAMME (CRÉDITS DE PAIEMENT)

(en millions d’euros)

Programme

LFI 2010

PLF 2011

Évolution
(en %)

172 – Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

5 169,55

5 132,33

0,72

187 – Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources

1 238,61

1 245,06

0,52

193 – Recherche spatiale

1 302,25

1 393,25

6,99

190 – Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de l’aménagement durables (libellé modifié) (LFI 2009 retraitée)

1 296,32

1 374,24

6,01

192 – Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

937,48

1 76,84

14,87

191 – Recherche duale (civile et militaire)

196,87

196,87

-

186 – Recherche culturelle et culture scientifique

122,55

121,53

- 0,83

142 – Enseignement supérieur et recherche agricoles

303,03

300,14

- 0,95

Total

10 566,66

10 840,26

2,59

Source : projet de loi de finances pour 2010

Le Rapporteur spécial présentera cette année trois des huit programmes « Recherche » de la mission, deux autres programmes faisant l’objet d’un rapport spécial distinct présenté par M. Alain Claeys.

Seront présentés les crédits prévus par le présent projet de loi de finances pour chacun programme, les modifications apportées à la mesure de la performance, ainsi que les faits saillants de la gestion ou les inflexions éventuellement apportées dans la gestion.

I.– LES RECHERCHES SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES PLURIDISCIPLINAIRES

Le programme 172 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires, placé sous la responsabilité du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche (MESR), reçoit la dotation la plus importante, avec plus de 5 milliards d’euros.

A.– DES MOYENS EN STAGNATION POUR 2011

À structure constante, le programme 172 est doté de 5 090,31 millions d’euros en autorisations d’engagements (– 2,1 % par rapport à 2010) et en crédits de paiement (– 1,5 %) par le présent projet de loi. Cette évolution s’explique par les flux budgétaires suivants :

– l’ajustement des crédits d’intervention et de fonctionnement du ministère, soit une diminution de 45,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 16,53 millions d’euros en crédits de paiement. Cette diminution s’explique en partie par le fait que les actions relevant du Grenelle de l’environnement ne sont plus budgétées sur ce programme en 2011 et sont relayées par le programme Investissements d’avenir ;

– la réduction des subventions ou dotations versées aux organismes de recherche : ils recevront au total 68,32 millions d’euros de moins ; il est vrai qu’ils avaient reçu une dotation supplémentaire de 110 millions d’euros pour 2010 ;

– l’actualisation des contributions françaises aux organismes internationaux (CERN, ESO…), avec une augmentation de 5,6 millions d’euros ;

– la reconduction des contributions directes de l’État au projet ITER de réacteur thermonucléaire expérimental et à la société civile GENCI œuvrant dans le domaine des matériels supercalculateurs lourds. Les contributions en 2011 sont respectivement de 61,9 et 29 millions d’euros.

Des modifications sont apportées aux interventions ministérielles, comme la budgétisation des contrats de projets État-régions à hauteur de 75 %, ce qui représente 297 millions d’euros. Mais surtout, une économie de 630 000 euros est demandée aux services centraux et déconcentrés du ministère sur une « assiette » de 12,6 millions d’euros.

En structure courante, les crédits du programme s’élèveraient à près de 5,13 millions d’euros, soit une diminution de 1,3 million d’euros en AE et de 0,7 % en CP par rapport à 2010.

Le présent projet de loi de finances prévoit plusieurs mesures de transfert assez limitées, et une mesure plus importantes : l’inscription en recettes au budget de l’État et l’intégration en subvention du CEA du montant du dividende AREVA antérieurement reçu par celui-ci (soit 42,5 millions d’euros supplémentaires).

Les emplois autorisés sous plafonds pour les EPST sont au nombre de 50 048 ETP, soit 85 ETP de moins qu’en 2010, en grande partie explicable par l’extension en année pleine des mesures de suppression d’emplois prises pour 2010. Cette mesure correspond à différents transferts au sein de la mission, mais on mentionnera seulement le transfert de 65 emplois à l’ANR et à la suppression de 65 contrats post-doctoraux du ministère.

Les emplois des EPIC sont consolidés au niveau de 18 074 ETP pour 2011.

B.– LA PERFORMANCE DU PROGRAMME : L’ÉVOLUTION DE L’INDICATEUR PORTANT SUR LES PUBLICATIONS

Le ministère s’est efforcé de rationaliser la mesure de la performance pour 2010, aussi le système de mesure évolue-t-il peu en 2011. Toutefois, avec la stratégie nationale de recherche et d’innovation (la SNRI), notre pays s’est doté d’un document de référence définissant des priorités de recherche élaboré à partir d’un diagnostic partagé. Cette démarche s’est traduite dans le PAP 2011 par deux nouveaux indicateurs qui entendent mesurer l’impact de la SNRI en termes de publications des opérateurs relevant des thématiques prioritaires définies par cette stratégie (indicateur 2.2) ainsi que la part de ces thématiques prioritaires dans le programme blanc de l’Agence nationale de la recherche (indicateur 2.3).

La définition de la performance reprend les objectifs liés aux grands enjeux de la recherche française ; elle continue par ailleurs à s’appuyer sur les indicateurs bibliométriques utilisables en comparaison internationale, qui font appel à des bases de données reconnues par la communauté scientifique. L’indicateur 1.1 Production scientifique des opérateurs du programme a été enrichi d’un 3ème sous-indicateur : Part de la production scientifique des opérateurs du programme dans l’espace France-Allemagne-Grande-Bretagne qui permet une comparaison de la position de la France avec des pays comparables en termes de dépense intérieure de recherche et développement (DIRD) et de dynamique de recherche

La part des publications françaises, toutes disciplines confondues, a chuté de 13 % entre 2003 et 2008. Cette diminution affecte de manière sensible (de - 12 à – 19%) la majeure partie des disciplines. Notre pays conserve néanmoins une position mondiale relativement stable en sciences pour l’ingénieur, discipline dans laquelle il a fortement augmenté sa spécialisation.

Le fort engagement relatif de la France en mathématiques, une discipline dont les caractéristiques bibliométriques sont structurellement faibles, la désavantage en termes d’indice d'impact global par rapport au Royaume Uni par exemple, très tourné traditionnellement vers les sciences de la vie – qui sont des disciplines à forte production et fort impact. Les disciplines des sciences de la vie sont aussi des disciplines dont l'importance socio-économique est considérable, et où notre recherche reste comparativement peu investie.

L’érosion de la part mondiale de la France entre 2003 et 2008 n’est pas un phénomène isolé, il est observé de façon identique dans d’autres pays européens et aux États-Unis. Cette baisse tendancielle s’explique largement par l’entrée en concurrence directe de nouveaux acteurs dans l’espace européen et, surtout, dans l’espace mondial de la recherche, par celle des pays émergents d’Asie.

Le tableau suivant montre la part de la production française au sein de la communauté internationale des chercheurs, par discipline et depuis cinq ans.

PRODUCTION DE LA FRANCE ET ÉVOLUTIONS 2003-2008, PAR DISCIPLINE 

Part/Monde (%) de publications

Indice de spécialisation mondiale

Discipline

2003

2008

Évolution 2008/2003 (%)

2003

2008

Évolution 2008/2003 (%)

Biologie fondamentale

4,9

4,2

– 16

1,02

0,99

– 3

Recherche médicale

4,7

4,1

– 13

0,98

0,98

0

Biologie appliquée-écologie

3,8

3,2

– 15

0,79

0,77

– 3

Chimie

4,8

3,9

– 19

0,99

0,92

– 7

Physique

5,4

4,7

– 12

1,12

1,13

+ 1

Sciences de l'univers

5,1

4,7

– 8

1,05

1,11

+ 6

Sciences pour l'ingénieur

4,3

4,1

– 3

0,89

0,99

+ 11

Mathématiques

7,7

6,2

– 19

1,58

1,47

– 7

Total

4,8

4,2

– 13

1,00

1,00

-

Source : Données Thomson Reuters, traitements OST ; les données 2003 et 2008 sont issues du Web of Science

Notre système public de recherche souffre d’une valorisation insuffisante de ses résultats, aussi bien en ce qui concerne les organismes que les universités. Le ministère a pris des initiatives en 2009, destinées à professionnaliser les équipes de valorisation, à mutualiser la valorisation, enfin à permettre la mise en place d’un mandat unique de négociation et de gestion des brevets en copropriété par les personnes publiques (décret du 9 juin 2009).

C.– LA BUDGÉTISATION DES CRÉDITS DESTINÉS AUX TGIR EST INCOMPLÈTE ET INSUFFISANTE, CE QUI VA SUSCITER DES IMPASSES BUDGÉTAIRES

Le financement des TGIR n’est pas facilement identifiable dans le projet annuel de performances de la mission car il résulte de la contribution apportée par plusieurs organismes contributeurs, qui sont eux-mêmes rattachés à plusieurs programmes de la mission.

À titre d’exemple, le PAP du programme 172 indique que le budget consacré par le CNRS aux très grandes infrastructures de recherche (TGIR) sera diminué de 4,5 millions d’euros par rapport à 2010, effort s’inscrivant dans une politique globale de maîtrise de la dépense publique.

Toutefois, le projet de loi de finances manque de sincérité budgétaire en sous budgétisant la contribution de l’organisme aux TGIR, car c’est au moins 12 millions d’euros supplémentaires que le CNRS devra verser aux TGIR, plutôt que réaliser 4,5 millions d’euros.

En effet, les données figurant dans le PAP indiquent que le CNRS augmentera en 2011 le montant de sa contribution à plusieurs TGIR et notamment :

– Soleil (+ 6,7 millions d’euros) ;

– Ganil-Spiral 2 (+ 3,8 millions d’euros) ;

– Xfel-FAIR (+ 2 millions d’euros) ;

– EGO-VIRGO (+ 1 million d’euros) ;

– IODP/ECORD (+ 0,8 million d’euros).

Ces dépenses nouvelles représentent au total 18 millions d’euros de ressources supplémentaires à allouer aux TGIR. Afin de respecter l’enveloppe à y consacrer selon le PAP (186,9 millions d’euros soit 4,5 millions de moins qu’en 2010), ces dépenses nouvelles ont été gagées par des « économies » à hauteur de 22,5 millions d’euros, qui, pour la plupart, n’en seront pas puisqu’elles consistent principalement à faire sortir de l’agrégat budgétaire TGIR des dépenses qui en tout état de cause devront être assumées par le CNRS ou à ne pas prévoir la ressource incompressible nécessaire aux équipements pour qu’ils fonctionnent.

Ainsi, le projet annuel de performances prévoit de ne consacrer que 4 millions au Large Hadron Collider (LHC) du CERN (contre 15,02 millions en 2010). Or ce montant ne couvre que les coûts minima de fonctionnement du TGIR et non la masse salariale (environ 8 millions) qui fait pourtant partie du périmètre TGIR en 2010 : l’économie affichée consiste donc à sortir de l’agrégat TGIR une dépense obligatoire pour l’établissement et qu’il devra couvrir.

D’autres montants indiqués dans le PAP, et permettant de réaliser « l’économie » de 22,5 millions d’euros, reposent également sur une sous-budgétisation de dépenses obligatoires. Il en va ainsi de la ressource allouée :

– au LLB-Orphée qui ne serait que de 6 millions d’euros en 2011 selon le bleu alors que la dépense obligatoire (fonctionnement, équipement et masse salariale) va atteindre 7,8 millions d’euros (soit 1,8 million de sous-budgétisation) comme en 2010 ;

– au Large synoptic survey telescope (LSST) qui est nulle alors que le projet va mobiliser, en 2011, 1,9 million d’euros de crédits (masse salariale incluse) ;

– à IODP/ECORD est prévue à 4,66 millions d’euros alors que la dépense incompressible est de 4,96 millions (soit une impasse de 0,3 million).

C’est au prix de cette sous-budgétisation que le PAP peut afficher des crédits accrus, notamment pour Soleil et pour Ganil-Spiral 2, tout en faisant apparaître une enveloppe consacrée aux TGIR inférieure de 4,5 millions d’euros entre 2010 et 2011.

Au total, l’impasse budgétaire atteint au minimum 12 millions d’euros. En raison de la rigidité de la dépense au CNRS, cet ajustement ne pourra porter que sur la dotation des unités de recherche et réduire leurs ressources.

Le Rapporteur spécial ne peut approuver une telle approximation.

Pour l’année 2010, le CNRS comme d’autres organismes a pu bénéficier de taux minorés de mise en réserve de ses crédits de fonctionnement, d’équipement et d’investissement : ce taux a été fixé à, respectivement, 0,25 % pour la masse salariale et 2,5 % pour els autres crédits. Cette mise en réserve minorée lui a permis de bénéficier d’environ 5 millions d’euros de masse salariale supplémentaire disponible et de 10 millions de crédits de fonctionnement, d’équipement et d’investissement.

Dans le contexte d’une réduction des crédits de fonctionnement, d’équipement et d’investissement du CNRS entre 2010 et 2011 (de 498,8 à 475,5 millions d’euros), soit –23,3 millions d’euros, il est très souhaitable que cet organisme puisse conserver encore un taux de mise en réserve minoré : cela lui rendra en quelque sorte environ 12 millions d’euros de ressource disponible qui pourrait être mis à disposition des laboratoires.

D.– LE BUDGET D’ENGAGEMENT DE L’AGENCE NATIONALE DE LA RECHERCHE

L’Agence nationale de la recherche est financée par une subvention annuelle pour charges de service public inscrite au programme 172 de la mission. Elle ne bénéficie pas de dotations en capital.

La subvention versée à l’ANR pour honorer les engagements contractés auprès des équipes de recherche s’est élevée à 834 millions d’euros en 2007, 700 millions en 2008, et 817 millions en 2009. La dotation prévue initialement en 2010 à 839 millions d’euros a été réduite par la LFR de mars 2010 et le décret d’avance et d’annulation de septembre 2010 pour s’établir à 690 millions d’euros.

En 2011, le budget d’engagement de l’agence sera en baisse de 771,85 millions d’euros par rapport à 2010, soit 8,2 %. Cette baisse sera largement compensée par le volume d’activité de l’agence en sa qualité de maître d’œuvre pour le programme Investissements d’avenir. L’Agence bénéficiera d’un relèvement de son plafond d’emplois à 156 ETP, soit 65 de plus, qui proviennent des emplois de post doctorants de différents organismes.

En 2010, 48 appels à projets ont été lancés pour un budget de programmation de 628,7 millions d’euros. 6 070 projets ont été déposés entre novembre 2009 et septembre 2010 ; les expertises et les réunions du comité d’évaluation puis du comité de pilotage s’échelonnent jusqu’en octobre 2010.

Pour 2011, l’ANR a élaboré une proposition de programmation en procédant à une large consultation afin de recenser les intentions et les demandes de la communauté scientifique ; au total plus de 400 idées concourant à la définition de programmes ont été soumises aux 8 comités sectoriels de l’ANR. Comme pour la programmation 2010, les programmes ont été définis comme devant être à la conjonction de deux grands objectifs, qui garantissent le caractère stratégique du choix :

– répondre à des enjeux importants du point de vue de la société : enjeux économiques et sociaux (compétitivité, productivité, emploi, sécurité, enjeux industriels, politiques publiques), enjeux écologiques et environnementaux (pollutions, dégradations des écosystèmes, lutte contre l’effet de serre, notamment) ;

– répondre à des enjeux de science : avancement des connaissances, nouveaux domaines et nouvelles thématiques, nouveaux outils, ainsi qu’à des enjeux technologiques.

L’année 2009 a été la troisième année de versement du « préciput » pour un montant de 54,26 millions d’euros (50,2 millions d’euros en 2008) répartis sur trois exercices. Comme en 2008, le préciput est attribué à l’établissement public ou la fondation reconnus d’utilité publique dans lequel les porteurs de projets financés par l’ANR exercent leur fonction (tutelle hébergeante).

Le Rapporteur spécial approuve l’équilibre ainsi obtenu entre financement de la recherche et participation aux investissements et au fonctionnement de la structure hébergeante.

Un abondement de 60 millions d’euros est réparti entre les 33 instituts Carnot en fonction de l’atteinte de leurs objectifs en termes de contrats de recherche obtenus auprès des entreprises.

II.– LES ENJEUX DE LA RECHERCHE SPATIALE

Le programme 193 vise à assurer à la France et à l’Europe la maîtrise des technologies et des systèmes spatiaux nécessaires pour faire face aux défis de recherche, de sécurité, de développement économique, d’aménagement du territoire ou encore d’environnement.

Le programme disposera de 1 393,25 millions d’euros en AE et CP, une dotation en progression de 7 %.

La modification, en termes de mesure de la performance, introduite par le projet de loi de finances pour 2011 est l’ajout, comme pour le programme précédent, d’un sous-indicateur bibliométrique (1.3) permettant de mesurer la part des publications de référence internationale produites par les opérateurs du programme dans l’espace France, Allemagne et Royaume-Uni.

L’indicateur de l’objectif 5 Parfaire l’intégration européenne de la recherche spatiale française a été modifié car il s’est avéré d’une interprétation trop sophistiquée. Il a été remplacé par l’indicateur taux de présence des projets européens dans les projets financés par le CNES avec trois sous-indicateurs qui devraient être plus faciles à interpréter.

Le centre national d’études spatiales (CNES) pilote de ce programme.

La subvention globale pour charges de service public inscrite au présent projet de loi de finances s’élève à 761,19 millions d’euros, soit 599 millions d’euros sur le programme Recherche spatiale et 162 millions d’euros sur le programme 191 relevant du ministère de la Défense.

A.– LA FRANCE APURE PROGRESSEIVEMENT SA DETTE À L’ÉGARD DE L’AGENCE SPATIALE EUROPÉENNE

Le CNES porte la contribution française à l’ESA, relevée à 755 millions d’euros en 2011, soit 70 millions d’euros supplémentaires et une progression de 10,2 %. Elle est inscrite au titre 6 du programme et met en oeuvre l’engagement pris par la France d’apurer ses arriérés de contribution à horizon 2015.

S’agissant de l’accès à l’espace, les priorités du CNES continueront d’apporter à l’ESA son plein concours pour le développement de la famille « Ariane » (autorité de conception) et l’adaptation du Centre spatial guyanais (détenteur des compétences et de l’expérience de l’Europe en matière de systèmes de lancement), de rapprocher sa Direction des lanceurs (DL) de celle de l’ESA, en les co-localisant pour intégrer les équipes (assistance du CNES au maître d’ouvrage ESA), d’utiliser le budget multilatéral, au service de l’ESA, pour préparer les décisions de cette dernière (R&T, démonstrateurs, notamment pour Ariane 6 et pour les systèmes de transport).

La garantie d’accès à l’espace pour l’Europe doit être apportée par l’ESA à travers les programmes d’exploitation et de maintien en conditions opérationnelles : Ariane 5 ME en adaptant le CSG, pas de tir de Soyouz en Guyane, développement du lanceur Vega, puis Vega+, préparation de l’avenir avec Ariane 6.

On note que, sauf en 2008, la France est toujours le premier pays contributeur au budget de l'ESA. L'année 2008 est marquée par une fin de cycle programmatique (avant les décisions de nouveaux programmes lors du Conseil ministériel de La Haye fin 2008) et un début de remboursement par la France de sa dette de contributions, qui s’élève à 332 millions d’euros à fin 2007.

L'année 2009 est marquée par une forte progression de la contribution allemande, la contribution française étant à un niveau équivalent à celui des années 2005 ou 2007. La progression du budget spatial allemand versé à l'ESA a placé épisodiquement l'Allemagne en position de premier contributeur au budget de l'ESA.

Cependant, les nouveaux engagements souscrits par la France lors du conseil ministériel de La Haye, associés aux contributions restant à verser au titre des programmes souscrits auparavant, ont replacé la France au premier rang des contributeurs de l'ESA dès 2009.

CONTRIBUTION FRANÇAISE À L’ESA ET ÉVOLUTION DE LA DETTE
POUR LA PÉRIODE 2005-2010

(en millions d’euros)

 

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Subvention État nette (1)

685

685

770

810

829

843

864

Appels à contribution ESA sur programmes engagés avant La Haye

(programmation 6/10) (2)

467

395

345

196

110

68

22

Nouveaux programmes Conseil ministériel La Haye 2008 (2)

301

415

452

454

390

201

150

Conseils ministériels suivants (2)

 

 

15

73

212

430

547

Total dépenses des programmes

769

810

812

723

712

699

719

Dette totale au 31/12/N

326

451

493

406

289

146

0

(1) Rattrapage de l'inflation 2002-2010 en 2011, augmentation annuelle de 2,5 % ensuite – hors éventuelles annulations de crédits au titre du gel LOLF

(2) Hypothèse d'inflation annuelle retenue sur la base d'une programmation ESA en conditions économiques 2010 : + 2,5 %

Source : PMT ESA présenté au Conseil d'Administration du CNES le 7 juillet 2010

L'année 2010 est marquée par l'entrée en vigueur du nouveau règlement financier de l'ESA adopté à l'unanimité par les États membres lors du Conseil de Barcelone en juin 2009. Ce nouveau règlement ne permet plus à un pays d'accepter des appels de contributions supérieurs à ses capacités effectives de paiement. De ce fait, la France a ramené ses contributions à un niveau compatible avec les 685 millions d’euros de subvention disponibles, l'écart avec le montant de contribution française du budget ESA s'expliquant par le fait que certaines contributions ne sont pas incluses dans le budget adopté (projet spécial Esrange-Andoya, ajustement fiscal du régime de pensions, éventuels ajustements de fin de programmes intervenant en cours d'année).

Ce nouveau modèle budgétaire ne permet donc plus de visualiser dans le budget ESA le niveau réel de contribution de la France aux programmes en cours dans le cas où les besoins sont supérieurs à la subvention disponible. Ainsi, les besoins en contributions françaises des programmes ESA pour 2010 s'élèvent à environ 810 millions d’euros (soit 129 millions de plus que la subvention disponible, ce qui se traduira par une augmentation de la dette de contribution française. Ce phénomène de besoin en contribution supérieur à la capacité de paiement a été constaté aussi vis-à-vis de l’Allemagne, mais ce pays disposait d’un solde positif de financement cumulé, aussi n’y a-t-il pas eu dette de contribution.

La crise qui frappe les économies européennes a amené plusieurs pays (dont l'Allemagne) à demander à l'ESA de limiter les contributions appelées au titre du budget 2011.

Il est regrettable que la mise en réseau des centres techniques de l’Agence spatiale européenne et des États membres ait peu progressé.

Le contrat pluriannuel État-CNESpour 2005-2010 préconisait une meilleure coordination des actions des différentes institutions sous la forme d’une stratégie de réseaux européens. Cela aurait permis de « constituer entre les Agences spatiales européennes et l’ESA des réseaux d’assistance à la maîtrise d’ouvrage, visant d’une part à minimiser les duplications dans le domaine des investissements matériels (moyens d’essais, centre de maintien et mise à poste, etc.) et immatériels (R&T, spécialisations technologiques, etc.) et, d’autre part, à optimiser le recours aux expertises et compétences techniques nationales (en particulier dans le domaine des lanceurs) dans une logique de subsidiarité coordonnée via des réseaux structurés en consortium », ainsi que l’indiquait le contrat.

Malgré les efforts de la France et du CNES pour aller dans ce sens, force a été de constater qu’il était finalement impossible de réaliser un « réseau des centres ». Toutes les agences des pays membres n’ont pas été intéressées par cette possibilité de réseau des centres. Seuls l’ESA et le CNES en étaient réellement capables, de par l’existence de différents centres (ESTEC, ESOC) pour l’ESA, et DCT, DLA pour le CNES, capables d’assurer une fonction d’assistance à maîtrise d’ouvrage.

Comme l’a rappelé le 5ème Conseil Espace, la politique spatiale européenne repose sur trois « acteurs » publics majeurs (les États membres, l’Union européenne et l’ESA). Les autorités françaises considèrent que l’enjeu primordial de la gouvernance spatiale en Europe est de coordonner les programmes de ces trois acteurs et de leur permettre de travailler ensemble sur des programmes partagés et conduits en commun. L’absence d’outils réglementaires ou juridiques rend en fait la collaboration difficile et laborieuse, même lorsqu’elle n’implique que deux des trois sommets de ce triangle de la politique spatiale européenne.

B.– LE NOUVEAU CONTRAT PLURIANNUEL ENTRE L’ÉTAT ET LE CNES

L’année 2011 marquera la première année du prochain contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens État-CNES, couvrant la période 2011-2016, actuellement en cours de finalisation.

Ce nouveau contrat va permettre de consolider les résultats déjà obtenus et de mettre en oeuvre la politique spatiale et les programmes prioritaires définis par le Président de la République à Kourou en 2008. Il prendra en compte, outre les priorités en termes de programmes et de coopération internationale, le cadre européen issu de la présidence française de l’Union européenne en 2008, des résolutions du conseil Espace, des décisions du conseil de l’ESA au niveau ministériel de fin 2008, du Traité de Lisbonne, ainsi que du rapport remis au Premier ministre sur l’avenir des lanceurs en Europe.

La répartition par action du programme des crédits du CNES dans le projet de budget s’appuie sur les données extrapolées puis consolidées issues de la description analytique des activités.

Le « Plan à moyen terme (PMT) multilatéral 2009-2015 » glissant de l’établissement (dans sa version présentée au conseil d’administration du 6 juillet 2010) fixe de manière prévisionnelle le montant de l’annuité 2011 du programme spatial national à 1 218,7 millions d’euros :

– 321 millions (26,3 %) pour l’accès à l’espace (lanceurs) ;

– 764,5 millions (62,7 %) pour l’utilisation de l’espace (Ressources mutualisées, Grand public, Terre, environnement, climat, Sciences spatiales et préparation de l’avenir ; Sécurité et défense ;

– 46,6 millions d’euros (3,8 %) pour les directions centrales ;

– 77,3 millions d’euros (6,4 %) de TVA non déductible (dont 23,2 millions de « régularisation » sur les satellites et instruments sortant de la production interne immobilisée et dont la mise en service est prévue en 2010) ;

– 9,3 millions d’euros (0,8 %) de taxe sur les salaires et d’indemnités de fin de carrière.

Dans le cadre des dépenses d’investissements d’avenir financées par le Grand emprunt, la loi de finances rectificative pour 2010 du 9 mars 2010 a ouvert une subvention pour charges de service public de 500 millions d’euros au CNES (action 03 Espace du programme Projets thématiques d’excellence) destinée à financer les études et démonstrateurs technologiques pour préparer la mise au point des futurs lanceurs « Ariane 6 » et des projets de satellites déterminants pour le savoir faire et la compétitivité de la filière française, choisis après avis du Commissariat général à l’investissement, sur le fondement notamment de leur utilité économique et sociale.

C.– LES BESOINS FINANCIERS LIÉS AU LANCEMENT DE NOUVELLES GÉNÉRATIONS DE SATELLITES : LA PROGRESSION DU BUDGET D’EUMETSAT

L’organisation européenne des satellites de météorologie EUMETSAT, où Météo France représente la France, est dotée d’un budget global de 240 millions d’euros en 2010, contre 198 millions d’euros en 2009. Son budget progresse de manière significative chaque année.

Le lancement de nouvelles générations de satellites, dans les années à venir, entraîne une augmentation importante du budget de l’organisation. Ainsi, son budget pour 2012 est estimé à 406,4 millions d’euros, soit une progression de 12 % par rapport au pic budgétaire de 1999.

Pour 2011, la contribution française à l’organisation est estimée à 44,24 millions d’euros, dans un contexte de replanification des activités à long terme. Une augmentation de cette contribution jusqu’à un montant de 55 millions d’euros d’ici 2012 est probable.

Ainsi, le transfert inscrit au programme 193, à hauteur de 39,2 millions d’euros, sera complété par Météo France à hauteur de 2,8 millions d’euros.

III.– L’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET LA RECHERCHE AGRICOLES

Le programme 142 Enseignement supérieur et recherche agricoles regroupe les moyens destinés, d’une part, à assurer la formation d’ingénieurs, de vétérinaires et de paysagistes dans les métiers de l’agriculture et de l’agroalimentaire et, d’autre part, à favoriser la cohérence et la valorisation de la recherche, du développement et du transfert de technologie dans les domaines agricole, agroalimentaire, forestier, halieutique et rural.

La stratégie du programme s’articule autour de trois axes. Le ministère poursuit d’abord une politique de contractualisation avec les établissements publics comme privés. Pour les premiers, le calendrier de la contractualisation suit celui de l’évaluation par l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES). Pour les secondes, le cadre de la contractualisation a été rénové en 2010 et intègre une part variable liée aux résultats, par rapport aux objectifs définis avec chaque école, et mesurés par des indicateurs.

Une démarche stratégique des écoles est souhaitée, qui implique une coordination avec les partenaires nationaux et locaux, PRES, pôles de compétence, pôles de compétitivité, notamment. Une synergie entre enseignement scolaire, supérieur et recherche est recherchée.

Le troisième axe stratégique est l’ouverture des écoles supérieures aux jeunes issus des milieux modestes. Un autre levier est utilisé également, l’apprentissage, pour les formations d’ingénieurs ou de paysagistes, en particulier.

Le programme pour 2011 fait l'objet d'une mesure de périmètre vers le programme 206 Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation géré également par le ministère chargé de l'agriculture. Il s'agit du transfert des moyens de recherche sur la qualité des produits alimentaires, au titre du contrat de projets État-région (1,2 million d’euros en crédits de paiement).

A.– LES INDICATEURS DE PERFORMANCE SONT RÉTABLIS

Le programme 142 compte seulement 3 objectifs et 3 indicateurs, une mesure simple et axée sur les points fondamentaux.

La modification principale consiste en la réintroduction du sous indicateur d’insertion professionnelle « courte ».

Cet indicateur existait initialement mais il avait été remplacé, suite à une recommandation du comité interministériel d’audit des programmes (CIAP), par un taux d’insertion à 18 mois. Après analyse, a été réintroduit le sous indicateur Taux d’insertion des diplômés à 12 mois, qui coexiste avec le Taux d’insertion à 18 mois. Ainsi, le deuxième indicateur permet de comparer l’insertion des étudiants du programme avec ceux des universités. Le taux d’insertion à 18 mois de l’enseignement agricole étant déjà supérieur à celui des universités à 3 ans, il n’a pas été ajouté d’indicateur mesurant l’insertion à trois ans.

B.– LES CRÉDITS DU PROGRAMME SERAIENT RECONDUITS EN 2011

Le présent projet de loi prévoit une dotation de 297,62 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 300,14 millions d’euros en crédits de paiement (– 0,95 %). Les crédits du programme avaient cependant connu une bonne progression en 2010, de 5,45 % en crédits de paiement.

Le programme 142 connaît des évolutions sensibles sur les crédits demandés hors titre 2.

● L’action 1 Enseignement supérieur voit ses crédits augmenter légèrement à 261,44 millions d’euros.

Pour les établissements de l’enseignement supérieur public, les évolutions se décomposent comme suit :

– hors contrats de plan État-région : la dotation a été établie dans le respect de la règle transversale de maîtrise des dépenses de fonctionnement Une attention particulière devra être portée à la dotation de base pour le fonctionnement afin de ne pas pénaliser l’activité d’enseignement des établissements. La part dédiée aux investissements devra être ajustée pour tenir compte de cette mesure. L’ordre des priorités dans les programmes de travaux sera donc modifié par rapport aux prévisions initiales ;

– pour les contrats de projets État-régions : les crédits ont été prévus de manière à respecter la mesure transversale visant à couvrir 75 % des CPER initiaux sur la période 2011-2013 ;

– pour les bourses sur critères sociaux, l’augmentation est due à la prise en compte de mesures nouvelles prises par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche et que le ministère de l’Agriculture, de l’alimentation et de la pêche souhaite appliquer à ses étudiants, comme le « dixième mois » de bourse, par exemple.

Pour les établissements de l’enseignement supérieur privé, la dotation 2010 serait reconduite en 2011.

Les autres lignes de l’action 01 ont été budgétées en tenant compte de la mesure transversale de maîtrise des dépenses de fonctionnement, soit 5 % de diminution en 2011.

● L’action 02 Recherche, développement et transfert de technologie 

L’ensemble des sous-actions de cette action est concerné par la mesure transversale de réduction de 5 % des dépenses de fonctionnement.

Les opérations et programmes initialement prévus seront donc à adapter et à prioriser en fonction de ce nouveau paramètre.

Il convient de noter que la thématique relative à la sélection végétale est transférée au compte d'affectation spéciale pour le Développement agricole et rural dans la partie des crédits dédiés aux appels à projets. L’action relative à la recherche sur la qualité des produits alimentaires est transférée au programme 206 Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation.

Pour l'année scolaire 2009-2010, les établissements du programme comptent 171 175 élèves et étudiants du supérieur court, auxquels s’ajoutent 11 285 étudiants du cycle supérieur long inscrits dans les cursus de référence : ingénieurs, vétérinaires, paysagistes, en France métropolitaine et dans les DOM.

L’enseignement public accueille 62 594 élèves (dont 12 026 en cycle supérieur court) et 6 587 étudiants (cursus de référence dans le cycle supérieur long). L’enseignement privé accueille 108 581 élèves (dont 8 851 en cycle supérieur court) et 4 698 étudiants (cycle supérieur long).

L’évolution des plafonds d’emplois est différente selon qu’il s’agit de l’enseignement supérieur ou de l’enseignement technique agricole (programme 143), ce dernier n’étant rappelé ici que pour mémoire.

L’enseignement supérieur bénéficie d’un plafond d’emplois stable pour la période 2011-2013 (2 676 ETPT). Au contraire, l’enseignement technique agricole souffre d’une baisse rigoureuse des emplois : 214 ETPT de moins en 2011.

La dotation hors titre 2 et à périmètre constant du programme 142 est en baisse de 6,9 %, dans le cadre de la contribution à la baisse des dépenses de l'État. Cet effort porte principalement sur le fonctionnement et l'investissement des établissements d'enseignement supérieur publics ainsi que sur les organismes de recherche.

C.– QUELLES NOUVELLES PRIORITÉS POUR LA RECHERCHE AGRONOMIQUE, BIOTECHNOLOGIQUE ET VÉTÉRINAIRE ?

La recherche agronomique, biotechnologique et vétérinaire est essentiellement mise en œuvre dans les établissements d’enseignement supérieur agronomiques et vétérinaires, des établissements publics de recherche ainsi que dans les instituts et centres techniques agricoles et agroalimentaires.

Les crédits de recherche du ministère de l’Alimentation, de l'agriculture et de la pêche (MAAP) concourent à assurer la formation par la recherche, la recherche finalisée et la recherche appliquée.

1.– Les établissements et les réseaux d’enseignement et de recherche

La formation par la recherche s’effectue au sein de 19 établissements d’enseignement supérieur agricole dont 7 privés sous contrat avec l'État, qui ont accueilli en 2009-2010 environ 11 285 étudiants.

Le plus souvent, cette formation par la recherche s’effectue au sein d'unités labellisées bénéficiant, de la part du MAAP, de dotations de soutien de programme. Ces unités peuvent relever en propre des établissements d'enseignement supérieur ou être associées avec des organismes de recherche ou des universités dans le cadre d’unités mixtes de recherche. Toutes ces unités sont évaluées par l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (AERES). On soulignera que plus de 75 % des unités évaluées ont obtenu une note A ou A+. Leur activité de recherche est reconnue au niveau universitaire par les écoles doctorales.

Au titre du programme 142, une somme de 3,7 millions d’euros est prévue pour ce domaine d’activité.

● La recherche finalisée

La recherche finalisée est effectuée dans les trois organismes de recherche dont le ministère assure la cotutelle : l'Institut national de la recherche agronomique ; le Centre national du machinisme agricole, du génie rural, des eaux et des forêts ; l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer enfin. Elle s’exerce aussi au sein de la nouvelle Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Par ailleurs, le Cirad, qui n'est pas placé sous la tutelle du ministère, mène également des travaux de recherche finalisée dans le champ de l'agronomie.

L’INRA est le principal organisme de recherche dans le domaine agricole. Il intervient dans un domaine cohérent d’activités et principalement sur les thématiques agriculture, alimentation, environnement, santé animale. Sa dotation pour 2011 est de 1,65 million d’euros sur une dotation totale qui en 2010 était de l’ordre de 746 millions d’euros tous programmes confondus.

Le contrat d’objectifs en cours actuellement entre l'État et l’INRA arrive à son terme et sera renouvelé en 2010.

Le consortium national pour l'agriculture, l'alimentation, la santé animale et l'environnement, créé par décret du 7 mai 2009 va renforcer les collaborations de l'INRA avec les établissements d'enseignement supérieur et le Cirad, membres de cet EPCS. De plus, l’élargissement partenarial de l’INRA se renforce en direction du monde agricole en intégrant la prise en compte du caractère multifonctionnel de l’agriculture.

L'INRA fait actuellement l'objet d'une évaluation par l'AERES. Les recommandations de Agence devront être prises en compte dans le cadre du prochain plan stratégique, lequel sera lié au nouveau contrat d'objectifs à passer entre l'État et l'INRA pour la période 2010-2013, ainsi qu'une convention entre le ministère et l’organisme pour la même période.

● La recherche appliquée et l’innovation

Le ministère met en œuvre la gestion administrative du programme national pluriannuel de développement agricole et rural (PNDAR). Ces actions sont financées par une taxe sur le chiffre d'affaires des exploitations agricole dont 85 % du produit est versé sur le compte d'affectation spéciale Développement agricole et rural.

Ces différents volets du PNDAR sont conçus à partir de propositions émanant des organismes de développement, qui doivent être conformes aux orientations pluriannuelles et aux contrats d'objectifs conclus entre le ministère de l’Agriculture et les représentants professionnels agricoles.

De manière complémentaire à la politique de développement agricole et rural, le ministère a mis en place des actions visant à un renforcement des liens et un développement des synergies entre organismes de recherche et organismes de développement, ainsi qu'entre acteurs publics et acteurs privés. À ce titre, le ministère a notamment mis en place deux nouveaux dispositifs : les unités mixtes technologiques (UMT) et les réseaux mixtes technologiques (RMT). Le ministère finance sur les crédits de la MIRES une partie de l'animation de ses unités et réseaux.

Il serait souhaitable que le ministère, dans le cadre du prochain contrat avec l’INRA, renforce la part de la recherche appliquée par des moyens accrus, en tenant compte des UMT et des réseaux créés. Les missions confiées à la recherche appliquée sont nombreuses, et elles répondent aux attentes de la société. Pour cela, il convient d’améliorer les moyens des instituts techniques agricoles et des centres techniques, qui développent le transfert des connaissances scientifiques et techniques, comme des innovations, vers les exploitations agricoles.

Il s’agit d’un maillon de la recherche indispensable qui devra être renforcé.

2.– Les nouvelles priorités de recherche et développement

À la suite d’une réflexion stratégique rassemblant des acteurs publics, de grandes entreprises, des chercheurs et des pôles de compétitivité, le ministre de l'agriculture et de la pêche a fixé en mars 2009 dix priorités dont l'ambition est le développement de projets industriels et la mise sur le marché de produits et services innovants et créateurs de richesse.

La recherche-développement et l'innovation constituent en effet des leviers essentiels de la compétitivité de l'agriculture et des entreprises agro-industrielles. L'objectif est de mobiliser les moyens de la recherche autour de ces dix priorités et de les articuler avec les compétences technologiques développées au sein des pôles de compétitivité.

Plus de 20 pôles de compétitivité sont concernés par ces priorités, dans des secteurs variés, et huit projets s'inscrivant dans le cadre de ces priorités agro-industrielles ont été proposés dans la perspective d'un financement éventuel par le grand emprunt.

Un chef de projet a été nommé pour chacune de ces priorités afin de coordonner les efforts et de favoriser la cohérence des actions portant sur une même thématique. Le ministère a ensuite décidé de regrouper les dix priorités autour de quatre grands axes thématiques : alimentation-santé, chimie du végétal-bioénergies, agroécologie-sélection variétale, produits de la pêche et aquaculture.

Au cours de l'année 2010, les chefs de projet doivent, pour les thématiques dont ils ont la charge, assurer un rôle d'animation des acteurs publics et privés concernés par ces thématiques (pôles de compétitivité, réseaux techniques et technologiques, pôles de compétences, organismes de recherche, plateformes technologiques européennes et leur déclinaison nationale, notamment) et contribuer aux échanges d'informations et aux collaborations entre acteurs publics et privés afin de favoriser l'émergence de projets de recherche et développement collaboratifs.

Ces projets pourront notamment bénéficier des financements de l'Emprunt national pour les investissements d'avenir, déclinés sous forme d'appels à projets ouverts à compter de l'été 2010.

On mentionnera aussi le plan Objectif Terres 2020 lancé par le ministre de l'agriculture et de la pêche en février 2009, qui vise à construire un nouveau modèle agricole. Ce plan a été élaboré à partir des réflexions menées dans le Grenelle de l’environnement et des assises de la forêt et de l’agriculture ; il se veut une réponse à la nécessité de produire plus et de produire mieux, en soutenant des démarches innovantes, écologiquement durables et productives.

*

* *

COMPTE RENDU
DE LA COMMISSION ÉLARGIE DU 26 OCTOBRE 2010

(application de l’article 117, alinéa 2, du Règlement)

PRÉSIDENCE DE M. JÉRÔME CAHUZAC,
PRÉSIDENT DE LA COMMISSION DES FINANCES,
DE MME MICHÈLE TABAROT,
PRÉSIDENTE DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES CULTURELLES,
DE M. PATRICK OLLIER,
PRÉSIDENT DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES,
ET DE M. CHRISTIAN JACOB,
PRÉSIDENT DE LA COMMISSION
DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

La réunion de la commission élargie commence à neuf heures.

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2011

RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

M. le président Jérôme Cahuzac. Madame la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, monsieur le ministre chargé de l'industrie, je suis heureux de vous accueillir, avec Michèle Tabarot, présidente de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation, Patrick Ollier, président de la Commission des affaires économiques, et Christian Jacob, président de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Nous sommes réunis en commission élargie afin de vous entendre sur les crédits consacrés à la mission « Recherche et enseignement supérieur », qui est la mission interministérielle par excellence.

Vous connaissez bien la procédure de la commission élargie, chers collègues. Pour permettre des échanges directs et vivants avec les ministres, elle suppose un effort de concision de la part de chacun, en renonçant autant que possible aux longs exposés pour laisser toute leur place aux questions et aux réponses.

Nos rapporteurs sont nombreux – pas moins de neuf –, alors que les problématiques de la recherche et de 1’université sont assez distinctes. C’est pourquoi, afin de clarifier et d’organiser la discussion, je propose, si vous en avez convenance, que nous traitions successivement de la recherche, puis de l’enseignement supérieur. Sur chacun de ces deux sujets, nous entendrons d’abord les questions des rapporteurs, celles des porte-parole des groupes et enfin celles des députés, qui s’exprimeront dans l’ordre dans lequel ils se seront fait connaître. Pour une bonne organisation du débat, et en accord avec les trois présidents des autres commissions, il conviendra de respecter nos règles du jeu : les rapporteurs, ainsi que les porte-parole des groupes, disposeront de cinq minutes pour poser leurs questions, les autres collègues de deux minutes.

Cette année, la discussion sur les moyens de la recherche s’est largement engagée dès la première partie du projet de loi de finances, avec le débat sur l’évolution du crédit d’impôt recherche, et le mérite en revient à trois de nos rapporteurs : Jean-Pierre Gorges, Alain Claeys et Pierre Lasbordes. Grâce à leur rapport au nom de la Mission d’évaluation et de contrôle et à leurs propositions lucides et courageuses en vue de conforter et moraliser le crédit d’impôt, ils ont incontestablement fait progresser la réflexion collective. Leurs amendements, cosignés avec les présidents de la MEC, ont utilement servi de base de discussion avec le Gouvernement.

Il faudra aussi parler des crédits, des réformes de l’enseignement supérieur et du cadre général de la politique du Gouvernement.

Mme la présidente Michèle Tabarot.. Je salue Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche et M. le ministre chargé de l’industrie que les membres de la Commission des affaires culturelles sont heureux d’accueillir. Nous les remercions de leur disponibilité.

Notre commission a désigné deux rapporteurs pour avis : Bernard Debré, qui s’est penché sur la recherche et qui a travaillé plus particulièrement sur la réforme du système français de recherche, ainsi qu’Olivier Jardé qui a étudié les crédits de l’enseignement supérieur, et souhaité intervenir sur le rapprochement entre les universités et les grandes écoles.

M. le président Patrick Ollier. Je salue à mon tour Valérie Pécresse et Christian Estrosi et j’approuve le président Jérôme Cahuzac, qui nous invite à respecter la procédure de façon que les commissions élargies ne durent pas plus longtemps que prévu.

La Commission des affaires économiques a désigné trois rapporteurs pour avis : Pierre Lasbordes pour les grands organismes de recherche, Daniel Paul pour la recherche industrielle, et Geneviève Fioraso pour la recherche dans l’industrie et l’énergie.

La vocation d’une commission élargie est d’offrir un cadre propice à un échange interactif et constructif avec le Gouvernement, dont nous sommes plus proches que dans l’hémicycle. Pour y parvenir, nous devons éviter de poser des questions de stratégie, qui n’ont rien à voir avec le budget et qui doivent être traitées au fond au sein de chacune des commissions compétentes. J’appelle donc mes collègues à s’en tenir au strict domaine budgétaire de sorte que le débat soit plus vivant.

M. le président Christian Jacob. Je salue moi aussi Valérie Pécresse et Christian Estrosi, avant de signaler à mes collègues de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire que le vote des crédits aura lieu demain matin.

M. Laurent Hénart, suppléant M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur spécial pour les politiques de la recherche. Madame et messieurs les présidents, madame et monsieur les ministres, je vous prie tout d’abord d’excuser Jean-Pierre Gorges, qui a beaucoup travaillé sur les politiques de recherche et qui m’a seulement demandé de porter sa parole.

Il souhaitait commencer son exposé en soulignant l’évolution considérable des crédits consacrés à la recherche au cours des cinq dernières années, depuis les engagements pris dans le cadre de la loi de programmation, suivis par les efforts entrepris depuis 2007. Trois sujets méritent selon lui d’être abordés : le crédit d’impôt recherche, qui lui tient à cœur, et à propos duquel il voudrait connaître, au-delà des orientations prises dans la loi de finances, les intentions du Gouvernement pour répondre au rapport de la MEC dont il était l’un des corapporteurs ; la mise en œuvre du grand emprunt –particulièrement les consommations des crédits en 2011 –, et son articulation avec les dispositifs déjà en vigueur pour favoriser la recherche et l’excellence ; la maîtrise des crédits de fonctionnement et le fonctionnement courant des organismes nationaux de recherche.

Enfin, il s’interroge sur la mise en œuvre de la prime d’excellence scientifique. Qu’en attendiez-vous, madame la ministre, et qu’en attendez-vous encore pour les exercices à venir ? Comment pourrait-elle servir à dynamiser la gestion des établissements et l’excellence de notre recherche ?

M. Alain Claeys, rapporteur spécial pour la recherche dans le domaine du développement durable. Globalement, Mme la ministre pourrait-elle nous expliquer comment stabiliser dans le temps les trois outils essentiels dont dispose l’État en matière de recherche, à savoir le crédit d’impôt recherche, les financements de l’Agence nationale de la recherche (ANR) et les financements des organismes de recherche ?

Qu’en est-il des engagements du Grenelle de l’environnement en matière de recherche, notamment de celui consistant à consacrer 1 milliard au développement durable ? Quel peut être l’impact de l’évolution budgétaire sur notre politique de recherche et sur la gouvernance qu’il faudrait adopter pour s’assurer d’une bonne utilisation des crédits ? Aujourd'hui, les crédits proviennent de moyens exceptionnels ou extrabudgétaires, à savoir le plan de relance et le grand emprunt.

Je me réjouis que la loi de programmation pluriannuelle sanctuarise en quelque sorte les crédits de recherche. Mais tel n’est pas le cas des crédits destinés à la politique de recherche dans le domaine du développement durable. Certains opérateurs majeurs voient leurs subventions de service public décrocher très fortement. Peut-on parler d’un effort quand les crédits baissent de 20 %, comme à l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS) ? À l’IFP Énergies nouvelles, les crédits diminuent de 11 %. Quant à l’Agence de l’environnement et de la de maîtrise de l’énergie (ADEME), qui est l’opérateur majeur du secteur, ses moyens budgétaires sont en retrait de 23 % tandis que le projet de loi de finances lui affecte par ailleurs une fraction supplémentaire de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP).

Il faudra que la Commission des finances fasse la lumière sur cette politique qui consiste à remplacer progressivement les crédits de l’ADEME par une fiscalité affectée sur laquelle le Parlement perd tout contrôle.

J’ai bien reçu des services un tableau général de mise en œuvre du Grenelle, qui chiffrerait l’effort supplémentaire à 902 millions d’euros dès 2010, mais je ne peux que constater un écart évident entre cette synthèse et les chiffres budgétaires annuels. Pourriez-vous nous donner des indications précises sur les moyens supplémentaires destinés au Grenelle ? Au-delà des chiffres, quelles sont les politiques nouvelles qui ont été engagées ?

Entre le plan de relance et le grand emprunt, des moyens exceptionnels et extrabudgétaires extrêmement importants sont affectés à la recherche, et c’est une très bonne chose. Si l’on en croit les conventions, les investissements d’avenir représentent 21,75 milliards de crédits nouveaux. Pour l’enseignement supérieur et la recherche, leurs opérateurs sont l’ANR et l’ADEME. Que doit-on penser quand la perspective de moyens nouveaux est systématiquement compensée par une baisse des moyens budgétaires ? La subvention de service public de l’ANR baisse cette année de 71 millions d’euros, c'est-à-dire de 8 %, et celle de l’ADEME chute de 20 %. Vous m’objecterez, madame la ministre, que le grand emprunt affectera à l’ANR près de 18 milliards d’euros. Certes, mais une grande partie de ces crédits ne sont pas consomptibles et le versement de cette somme sera échelonné sur plusieurs années. Au total, il n’est pas du tout évident que les moyens nouveaux soient aussi colossaux qu’on pouvait le penser compte tenu des coupes budgétaires. D’ailleurs, les opérateurs concernés, que nous avons auditionnés, ont du mal à voir clair dans ces évolutions contradictoires.

Par ailleurs, j’éprouve de grandes inquiétudes au sujet de la gouvernance qui préside à l’utilisation des moyens exceptionnels. Les choses ne doivent pas être simples pour votre propre ministère, madame la ministre. Pour le grand emprunt, la logique est totalement inverse à la logique budgétaire : on débloque des moyens importants dans une certaine urgence, sans stratégie claire des programmes sélectionnés et, surtout, sans réelle vision à long terme des moyens qui seront affectés.

Au total, je redoute que, dans la confusion qui règne, les crédits destinés à des investissements d’avenir ne financent des conventions en cours. D’ailleurs, plusieurs conventions ont déjà cet objectif : opération Campus, et Instituts Carnot par exemple. En somme, l’opération de communication autour du grand emprunt pourrait se solder par un financement par l’emprunt des politiques mises en route depuis 2006 ou 2007 et non financées pour l’instant. Financer à crédit des engagements passés, voilà un principe qui n’est pas sain budgétairement. Qu’en pensez-vous, madame la ministre ?

M. Bernard Debré, rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles, pour la recherche. À Mme la ministre et M. le ministre, que je remercie d’être ici, j’aurais quatre questions à poser.

Ma première question portera sur l’ANR, une nouveauté qui s’est révélée très bénéfique pour la recherche. Mais il semblerait que son budget prévisionnel, qui était de l’ordre de 1,3 milliard pour 2011-2012, soit légèrement moins important qu’on pouvait l’espérer. Après une baisse de 70 millions cette année, le budget perdra 10 millions l’année prochaine et 10 millions encore l’année suivante. En réalité, cette baisse sera compensée par le grand emprunt qui viendra abonder les crédits de l’ANR. Mais ces dotations ne sont pas exactement de même nature et j’ai l’impression que ce mode de financement fera de l’ANR un banquier sans réel pouvoir de décision.

Comment voyez-vous, madame la ministre, l’avenir de l’ANR, sachant que 26 % des projets présentés ont été retenus et que, dans l’année qui vient, ce taux tombera à 20 % ?

Toujours à propos de l’ANR. Il faut distinguer, d’une part, les projets thématiques, qui sont l’expression de la politique de recherche et, d’autre part, les projets blancs qui émanent de la base des chercheurs. L’ANR a envisagé une ventilation à parité entre les deux types de projet. Ne pensez-vous pas, madame la ministre, qu’il serait important de développer des projets « super-blancs », qui bénéficieraient à des chercheurs désignés nommément, même sans projet précis ? Il s’agirait de leur faire confiance, pour qu’ils puissent mener leurs recherches et l’évaluation serait effectuée a posteriori.

Ma deuxième question concernera le CNRS. Depuis un an, le CNRS, qui formait les chercheurs, et les universités en charge des étudiants se sont rapprochés. En ce qui concerne la médecine et la recherche médicale, il a été envisagé d’instituer des instituts hospitalo-universitaires qui sélectionneraient les CHU d’excellence et fusionneraient la recherche, l’enseignement et le soin mieux qu’aujourd'hui. C’est ce qu’avait suggéré une commission qui avait été créée lors de la loi hospitalière, et qui était présidée par le professeur Marescaux. Où en est-on des recommandations qu’elle avait formulées ?

Troisièmement, j’aurais une proposition à vous faire. Le paysage audiovisuel s’est considérablement enrichi, grâce à la gamme des chaînes thématiques. Mais aucune n’est consacrée à la recherche et à la science. Les chercheurs sont unanimes, et les téléspectateurs très nombreux, à le déplorer. On s’en est rendu compte quand on a discuté des OGM ; beaucoup d’entre nous n’étaient pas très au fait de tous les problèmes posés. Nous avons une recherche extraordinaire qu’il serait bon d’accompagner par une chaîne qui pourrait vulgariser ses travaux et ses découvertes.

Quatrièmement, que faisons-nous pour la recherche en Afrique, où elle est en train de disparaître ? Il reste encore quelques centres au Gabon comme le Centre international de Franceville.

Devons-nous accompagner la recherche en Asie ?

Envisagez-vous, madame la ministre, de débloquer quelques crédits pour aider les chercheurs installés à l’étranger ?

M. Pierre Lasbordes, rapporteur pour avis de la Commission des affaires économiques, pour les grands organismes de recherche. Mesdames, messieurs, comme l’année dernière, je me félicite de l’effort entrepris en faveur de la recherche et de l’enseignement supérieur dans le budget de 2011, compte tenu du contexte économique que l’on connaît. Les crédits de paiement sont en progression de 470 millions d’euros, dont 268 millions iront spécifiquement à la recherche – hors opération Campus, CIR et grand emprunt.

Au-delà de cette évolution très appréciable, je souhaiterais toutefois attirer votre attention, madame la ministre, sur certaines difficultés rencontrées par les organismes de recherche.

En premier lieu, la dotation de l’Agence nationale de la recherche est en baisse de 68 millions, ce qui devrait la conduire à pratiquer en 2011 des taux de sélection des projets de l’ordre de 15 %, contre 26 % en 2005. Or, au-dessous du seuil de 20 %, une désaffection des industriels et un découragement des chercheurs sont à craindre. La diminution de la dotation ne risque-t-elle pas, madame la ministre, de contrarier la stratégie nationale de recherche et d’innovation, qui repose en partie sur le succès remporté par le mécanisme de l’appel à projets ?

En second lieu, les grandes infrastructures de recherche représentent une lourde charge financière pour certains organismes, au premier chef le CNRS. Celui-ci dispose d’une ligne budgétaire de 187 millions d’euros pour assurer la gestion de trente-neuf équipements, et le synchrotron SOLEIL en absorbe à lui seul 43,7 millions. Or, le CNRS indique que plusieurs dépenses obligatoires de certains programmes, notamment de l’accélérateur de particules LHC – Large Hadron Collider –, ont été sous-évaluées, ce qui le contraindra à réduire de 15 à 20 millions d’euros sa dotation aux unités de recherche en 2011. L’IFREMER est confronté à la même difficulté s’agissant de sa flotte océanographique, la croissance apparente des crédits dans le PLF se traduisant en réalité par une réduction de l’enveloppe de 1 million d’euros.

Compte tenu de ces éléments, il apparaît nécessaire d’accroître le soutien aux organismes de recherche, et éventuellement de définir de nouvelles modalités de financement. Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, il a donc été demandé aux établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) de facturer l’utilisation des équipements qu’ils mettent à disposition, l’objectif étant de parvenir à 6 millions d’euros de recettes en 2011, dont 4,5 millions pour le CNRS. Or, pour certains programmes, notamment le programme SOLEIL, le nombre d’utilisateurs privés représente moins de 1 % de l’ensemble, sans compter qu’ils risquent de s’adresser à d’autres installations en Europe, notamment en matière de synchrotrons et de calculateurs. Dans ce contexte, madame la ministre, quelles mesures comptez-vous prendre pour assurer le financement des très grandes infrastructures de recherche ? Par ailleurs, que peut-on attendre de la tarification à l’usage ?

En troisième lieu, le secteur spatial est au cœur des développements de la recherche et, vous le savez, madame la ministre, j’y porte une attention particulière. À cet égard, je prends note avec très grande satisfaction de l’augmentation de plus de 10 % de la contribution française à l’Agence spatiale européenne (ESA), qui est portée à 755 millions d’euros. Ainsi, la France devrait apurer sa dette d’ici à 2015.

De même, le Centre national d’études spatiales fait partie des rares établissements à ne pas être soumis à la contrainte de réduction de ses dépenses de fonctionnement.

Toutefois, certaines inquiétudes demeurent. Le budget multilatéral du CNES connaît, certes, une hausse appréciable de 2,6 %, mais il devrait ensuite rester constant sur la période 2011-2013, ce qui risque de contraindre fortement la capacité d’investissement du Centre. Quels sont les engagements de l’État dans le contrat d’objectifs 2011-2015 ?

Par ailleurs, le Commissariat à l’énergie atomique va être confronté dès 2011 à un pic d’investissement dû au développement du réacteur Jules Horowitz. La progression de 11,6 millions du budget du CEA pour 2011 doit être mise en regard des 49 millions de charges, dont 35 millions au titre du réacteur de Jules Horowitz, 10 millions au titre de la masse salariale et 8 millions destinés à la rénovation immobilière d’urgence. En conséquence, à moins de reporter le programme à 2012, le CEA devra réduire de 37 millions d’euros, soit une baisse moyenne de 3,5 %, son concours aux autres programmes de recherche dès l’année prochaine.

Madame la ministre, quelles perspectives de financement envisagez-vous pour permettre le développement du projet Jules Horowitz, qui exigera le versement de 230 millions d’euros supplémentaires entre 2011 et 2015 ?

IFP Énergies nouvelles verra ses crédits diminuer de 12 % en 2011, sachant qu’une baisse supplémentaire de 3 % par an est programmée pour 2012 et 2013. Or, le nouveau contrat pluriannuel 2011-2015 renforce le rôle de l’IFP dans un secteur fondamental, les nouvelles technologies de l’énergie. Le changement de nom de l’Institut, souhaité par le président de la République dans son discours de Chambéry du 9 juin 2009, en constitue d’ailleurs la traduction. Madame la ministre, pouvez-vous reconsidérer la dotation de cet organisme pour les années 2012 et 2013 afin qu’il ne soit pas contraint de céder des actifs stratégiques comme on l’y invite actuellement ?

Je souhaiterais revenir sur la réserve de précaution, qui constitue une difficulté récurrente pour l’ensemble des organismes, et dont je fais régulièrement état. Elle revêt cependant cette année une acuité particulière en raison de l’effort de réduction des dépenses de fonctionnement qui est demandé à la quasi-totalité d’entre eux. Les EPST ont bénéficié en 2009 d’une mise en réserve allégée portant sur 0,25 % de la masse salariale et sur 2,5 % des autres dépenses de fonctionnement et d’investissement. Le retour au taux normal de 0,5 % et de 5 % dans un contexte de réduction des dépenses reviendrait à réduire les dotations consacrées aux unités de recherche. Qu’en pensez-vous ?

Comme le temps qui m’est imparti est épuisé, je ne pourrais pas vous interroger sur les demandes d’expertise adressées à l’IFREMER et au Cemagref.

M. Daniel Paul, rapporteur pour avis de la Commission des affaires économiques, pour la recherche industrielle. Compte tenu de son importance dans l’ensemble des crédits destinés à l’aide à l’innovation et à la recherche et développement, c’est au crédit d’impôt recherche que je consacrerai mon intervention. Le poids de ce dispositif dans les dépenses fiscales de l’État et les interrogations sur son efficacité ont suscité depuis quelques années, et spécialement depuis quelques mois, de nombreuses études et évaluations. Cela n’est sans doute pas étranger aux légères modifications envisagées dans le cadre de la discussion budgétaire actuelle.

Si cet effort place notre pays en tête pour l’aide publique à la R&D, la France, avec une dépense des entreprises égale à 1,3 % du PIB, est toujours loin de la moyenne des pays de l’OCDE – 1,5 % – et surtout du Japon, où le taux est de 2,7 %, de l’Allemagne, où il dépasse 1,8 %, et des États-Unis, où il atteint 2 %. L’objectif fixé en 2000 au sommet de Lisbonne était d’atteindre 3 % du PIB, et 2 % dans le secteur privé. C’est donc bien l’effort privé qui fait défaut, dans un secteur pourtant essentiel à l’avenir de notre pays.

En outre, depuis la réforme de 2008, l’aide n’est plus fonction de l’augmentation de l’effort de R&D, mais du volume des dépenses. Nul doute que ce changement a pesé dans l’explosion du nombre d’entreprises bénéficiant du CIR. Le nombre de groupes d’entreprises fiscalement intégrés a augmenté de 250 %, ce qui traduit, je le crains, des stratégies d’optimisation fiscale destinées à éviter le seuil de 5 % au-delà du plafond de 100 millions d’euros de dépenses déclarées, moyennant la création de holdings qui sont des « coquilles vides ». Je partage cette analyse de la Mission d’évaluation et de contrôle.

On constate également une augmentation régulière du poids des dépenses de personnel, qui entrent en totalité dans l’assiette du calcul du CIR. Il s’ensuit une hausse importante des dépenses de fonctionnement, fixées forfaitairement à 75 % des dépenses de personnel quel que soit le secteur d’activité. Là encore, la MEC met en évidence que le secteur industriel est le perdant du dispositif car ses frais de fonctionnement sont supérieurs au forfait de 75 %. L’abaissement du taux de 75 à 50 % ne saurait résoudre le problème.

Le CIR serait-il un moyen de relocaliser la recherche dans notre pays ? Cet argument, très souvent mis en exergue, mérite un approfondissement. Une évaluation précise doit être menée.

De même, il serait bien difficile de prouver que le CIR est une arme anti-délocalisations, d’autant qu’aucune entreprise, bien entendu, ne soutiendra le contraire !

En matière d’emploi, il est nécessaire de faire le lien entre la recherche réalisée en France et la localisation dans notre pays des activités de production qui en sont les suites logiques.

L’aide publique doit également se traduire par un recrutement de doctorants et de chercheurs dans les entreprises. La rémunération d’un jeune chercheur, je le rappelle, est couverte à plus de 200 % par le CIR, et pourtant les effets de cette mesure généreuse restent à confirmer. Avec un taux de 4,5 chercheurs dans les entreprises pour 1 000 salariés, notre pays se situe au treizième rang de l’OCDE.

Il faut s’interroger sur le développement du recours à des cabinets spécialisés pour justifier le montant du CIR. Selon la MEC, la plupart de ces cabinets se font rémunérer au résultat. Il apparaîtrait même que 25 % des entreprises recourent à un cabinet en le rémunérant à hauteur de 20 % du CIR obtenu. La sous-utilisation du rescrit fait la fortune de ces cabinets. Est-il normal qu’une telle part de l’effort fourni – 4 % selon la MEC – soit ainsi distraite de ses objectifs ? Quelles mesures envisagez-vous à cet égard ?

Je rappelle enfin l’importance de la question des brevets, qui est au cœur de nombreuses opérations de liquidation d’entreprises après rachat. Comment protéger ces brevets ? Quelle politique européenne mettre en œuvre à défaut de pouvoir développer une politique française spécifique en ce domaine ?

Madame la ministre, monsieur le ministre, vous ne m’empêcherez pas de penser que, à une époque où l’objectif de rentabilité financière domine le fonctionnement des entreprises, le CIR puisse constituer un effet d’aubaine, une opportunité pour faire de la trésorerie, et même pour alléger l’effort privé de R&D.

Il ne s’agit pas de demander sa suppression, mais il ne s’agit pas non plus de laisser subsister les pratiques non conformes aux objectifs ou de se satisfaire de résultats mettant en évidence le retard persistant de notre pays sur ces objectifs comme sur ces besoins. Le dispositif doit faire l’objet d’une remise à plat.

En l’état actuel des choses, j’émets donc un avis défavorable à l’adoption de la partie du PLF pour 2011 consacrée à la recherche industrielle.

Je terminerai par quatre questions.

Le Gouvernement peut-il nous fournir un bilan chiffré des retours en France d’activités de recherche au cours des cinq dernières années et indiquer le nombre d’emplois qui y seraient liés ?

Peut-il nous fournir des chiffres précis concernant le nombre d’emplois de chercheurs que le CIR aurait permis de créer, en précisant leur nature – CDI, CDD, etc. ?

Quelle est l’évolution du nombre de brevets déposés en France au cours des cinq dernières années ? Quel est le lien entre cette évolution et l’effort public en faveur de la R&D ?

J’appellerai enfin à une réflexion sur les petites entreprises, filiales ou non de grands groupes, dont les savoir-faire et, en particulier, les brevets sont pillés lors de restructurations. Ne conviendrait-il pas de définir des mesures pour protéger ces brevets, comme on le fait dans d’autres pays ?

M. le président Patrick Ollier. Monsieur Daniel Paul, nous avons déjà discuté du crédit d’impôt recherche mercredi dernier en séance publique, lors de l’examen de la première partie du PLF. Nous avons alors adopté des amendements qui résolvent en partie les problèmes que vous avez évoqués.

Mme Geneviève Fioraso, rapporteure pour avis de la Commission des affaires économiques, pour l’industrie et l’énergie. Il est paradoxal que Mme la ministre se targue chaque année d'une augmentation importante des crédits de son ministère alors que notre pays s'éloigne des 3 % du PIB consacrés à la recherche qu'il s'était pourtant engagé, lors du Conseil européen de Lisbonne, à atteindre en 2010 ? Nous sommes cette année entre 2,1 et 2,2 % du PIB et la recherche privée est toujours insuffisante. Si nous perdons du terrain, ce n’est pas à cause de notre recherche publique, dont la qualité est reconnue internationalement – contrairement à certaines déclarations, aux effets dévastateurs, de janvier 2009 –, mais en partie à cause du déficit de la recherche privée, que l’augmentation de l’assiette du crédit d’impôt recherche n’a pas réussi à stimuler de façon significative.

La France occupe désormais le quatorzième rang mondial en matière de recherche et le dix-huitième en matière d’innovation. Si votre budget augmente autant que vous l'annoncez depuis trois ans, comment expliquez-vous ce recul constant par rapport aux autres pays ?

De multiples appels d'offre ont été lancés dans le domaine de la recherche et de l'enseignement supérieur. Une forte impulsion pouvait en être espérée. Pourtant, les chercheurs nous disent qu'ils doivent consacrer beaucoup de temps à des procédures administratives dont les règles changent sans cesse et dont les effets sont peu visibles dans leurs laboratoires. Ne serait-il pas temps de simplifier les divers financements et de choisir un cadre plus stable ?

Les sommes importantes engagées sur le pôle de Saclay justifient-elles l'appauvrissement des centres de compétences et des universités de Paris, de Cachan et d'autres sites franciliens ou régionaux concernés par le transfert vers ce pôle ? Vous est-il possible de distinguer, dans les projets financés, ce qui relève du coût du transfert et ce qui relève de projets réellement nouveaux, et de nous en donner communication ?

Peut-on connaître les sommes dédiées à la maintenance, à l’entretien, à la remise aux normes des équipements et infrastructures de recherche existants ? Alors que l'on constate une dégradation du cadre de travail des salariés de la recherche, l’orientation des crédits se fait majoritairement sur des projets n'intégrant pas ces investissements pourtant indispensables pour maintenir l'attractivité de notre recherche ?

Enfin, si les investissements publics déployés pour la recherche n'arrivent pas à enrayer notre décrochage par rapport aux pays développés et émergents, n’est-ce pas en partie dû à la faiblesse accrue de notre industrie, que la crise a contribué à fragiliser et dont l'organisation en filières tarde à venir ? Les pays qui résistent le mieux à la crise, comme l'Allemagne, sont ceux qui ont su garder une industrie forte et bien irriguée par la recherche et l'innovation.

Monsieur le ministre chargé de l’industrie, où en sont les regroupements des pôles de compétitivité en réseaux thématiques avec des chefs de file identifiés, comme l'avait préconisé le rapport d'évaluation des pôles demandé par votre gouvernement ?

Comment expliquer que les centaines de millions injectés dans la filière photovoltaïque en recherche amont et, pour ce qui est de l’aval, en incitations fiscales et en tarifs de rachat aient in fine provoqué une spéculation financière et encouragé l'installation à plus de 90 % de panneaux chinois ? Comment réussir la deuxième étape technologique du photovoltaïque après avoir raté la première, en confortant cette filière d’avenir au lieu de la déstabiliser par une série de décisions erratiques ? ADEME, FSI, MEEDM, DGCIS, Bercy, Commissariat général aux investissements d'avenir, EDF, EDF-EN, CEA, Total, Areva, CRE, SER, autant d'avis divergents sur la stratégie à tenir que d'acteurs nationaux entendus en audition ! Quelle est votre stratégie pour 2011 ?

Par ailleurs, les aides à l'innovation d'Oséo, très appréciées des PMI-PME innovantes, baissent de 10 millions d'euros dans le projet de budget pour 2011. Rétablir ces crédits serait une mesure efficace pour les faire évoluer ces entreprises en ETI (entreprises de taille intermédiaire), mieux armées pour exporter et créer ainsi des emplois. Allez-vous procéder à ce rétablissement ?

Toujours en matière de soutien aux ETI innovantes – les « gazelles » –, on constate que moins de 10 % des investissements engagés en direct par le Fonds stratégique industriel au 31 juillet 2010 concernent les PME, pour 135 millions d'euros. Or le Fonds avait été doté de 1 milliard d'euros pour le programme FSI-PME. Qu’en est-il ? Il est consternant de voir le nombre d'ETI stagner dans notre pays – seulement 400 hors secteur agro-alimentaire et transports – alors que l'on sait que ce sont les plus créatrices d'emplois. Je regrette de ne pas voir cette priorité émerger dans votre budget après tant de cadeaux sans contrepartie faits aux grands groupes.

Ne pourrait-on pas inciter les grands groupes que l'on aide par le crédit d’impôt recherche à investir dans l'achat de « pépites technologiques » ? Celles-ci sont nombreuses, après avoir bénéficié de fonds publics nationaux pour leur création et leur développement, à être rachetées par des fonds ou entreprises américains ou asiatiques, faute de repreneurs nationaux ou européens. Votre budget comporte-t-il des mesures spécifiques à cet égard ?

Enfin, ne craignez-vous pas un désengagement des collectivités locales vis-à-vis des industries à risques ou à investissements importants, comme la micro-électronique – dont dépend 12 % de notre dynamisme économique – ou la chimie – dont la mutation vers la « chimie verte » est nécessaire – à la suite de la suppression de la taxe professionnelle, phénomène qui serait encore accentué par la « mise au pot national » de la péréquation de cette taxe ? Comment allez-vous compenser le manque à gagner des collectivités et encourager leur engagement déjà fort dans les pôles de compétitivité et les grands projets structurants, alors que le modèle économique se trouve brutalement bouleversé au bénéfice de l'État ?

M. André Chassaigne, rapporteur pour avis de la Commission du développement durable, pour la recherche dans les domaines du développement durable. Mon rapport est consacré à la recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources et dans les domaines de l’énergie, du développement et de l'aménagement durables.

De l’étude de ce budget, il ressort une baisse au regard de l’inflation, voire une baisse nette, dans des domaines pourtant prioritaires.

La baisse de 0,92 % des crédits consacrés au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), est inquiétante quand on sait le rôle que joue cet organisme dans la lutte contre la fracture alimentaire mondiale.

Les crédits de l’IFREMER (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer) ont baissé pour leur part de 0,54 % l’année dernière. La remise à niveau de la flotte vieillissante dont dispose l’Institut est fixée à 4 millions d’euros dans ce budget, ce qui est sans nul doute insuffisant. Certaines actions, comme le programme de recherche sur la mortalité des huîtres, nécessitent des financements importants. Il est prévu, par exemple, de réaliser deux installations de spectrométrie de 500 000 euros chacune. C’est une dépense qu’il faudra bien assumer !

Avec une évolution de 1,11 %, les crédits de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), connaissent une stabilisation. Or les recherches que mène cet établissement sont cruciales. Je pense en particulier à la filière protéagineuse française, qui exige des efforts bien plus importants, ou aux biotechnologies. Pour que la France conserve son expertise, les crédits devraient être bien supérieurs.

En ce qui concerne le programme 190, l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie voit ses crédits baisser. Qu’en est-il du programme « Démonstrateurs et plateformes technologiques en énergies renouvelables et décarbonées et chimie verte », qui est directement lié aux grandes questions environnementales en matière de tri et de valorisation des déchets, de dépollution ou d’écoconception des produits ?

La diminution des crédits du CEA (Commissariat à l’énergie atomique) est, à périmètre constant, de 4,9 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2010. C’est d’une extrême gravité compte tenu des enjeux.

Les crédits de l’IFP Énergies nouvelles connaissent une baisse préoccupante de 11,71 %, soit 20 millions d’euros, alors que cet établissement contribue à la recherche destinée à substituer des énergies nouvelles aux énergies fossiles.

Plus généralement, je constate que les annonces du Grenelle de l’environnement ne sont suivies d’aucun effet. Si l’on récapitule les actions spécifiques au Grenelle, on n’en est qu’à 547 millions d’euros, soit à peine plus de la moitié du milliard affiché.

Les conséquences sont graves. Ainsi, les crédits de l’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire) sont en baisse et la compensation par une contribution des opérateurs du nucléaire reste hypothétique.

Les crédits en faveur des biotechnologies reculent également.

Enfin, la sylviculture est sacrifiée. Alors que le budget de 2007 lui consacrait 13 millions d’euros, on est aujourd'hui sous les 12 millions d’euros.

Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable à l’adoption des crédits des programmes 187 et 190.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Concernant le crédit d’impôt recherche, je tenterai de répondre en une seule fois aux questions de MM. Jean-Pierre Gorges, Alain Claeys et Daniel Paul, ainsi qu’à la question de Mme Geneviève Fioraso sur la recherche privée.

Les chiffres dont nous disposons ne sont pas tout à fait identiques aux vôtres, madame la rapporteure : entre 2007 et 2009, le montant consacré à la R&D en France est passé de 2,07 à 2,21 % du PIB. L’augmentation est de 1,1 % pour le privé et de 4,3 % pour le public. Comme vous, j’estime que les dépenses de recherche privée restent insuffisantes. Mais, contrairement à certains rapporteurs, je constate des progrès tangibles depuis la réforme du crédit d’impôt recherche réalisée fin 2007. La faiblesse de la recherche privée en France est un phénomène structurel auquel on ne remédiera pas d’un coup de baguette magique, en l’espace d’un budget. Même avec la réforme du CIR, on ne peut espérer atteindre l’objectif de Lisbonne en un an et demi.

Cela dit, malgré la crise, la R&D privée a progressé de 4 % entre 2007 et 2008 et de 1,1 % entre 2008 et 2009. Les investissements étrangers sont dynamiques : en 2008, les dépenses de R&D des filiales étrangères ont progressé de 9 %. De 2007 à 2009, le nombre de projets de centres de R&D, de design et d’ingénierie étrangers recensés par l’Agence française pour les investissements internationaux est passé de 34 à 51.

Les partenariats public-privé progressent également. Au CNRS, les contrats passés avec les PME ont augmenté de 29 % en un an et le nombre de brevets déposés et transférés à un industriel a connu une hausse de 38 % en 2009.

Autre exemple, le nombre d’entreprises utilisant l’incitation à l’embauche des jeunes docteurs a doublé entre 2006 et 2008. Il y a maintenant 700 entreprises utilisatrices et je remercie les députés d’avoir eu la sagesse de ne pas revenir sur le dispositif très favorable au recrutement de jeunes chercheurs.

Il est trop tôt, j’en conviens, pour tirer des conclusions définitives quant à l’efficacité du CIR. Nous ne serions pas dans notre rôle si nous faisions croire que nous sommes en mesure d’estimer le nombre d’emplois ou de brevets créés par une mesure qui ne remonte qu’à un an et demi. Comme l’a indiqué la mission de l’inspection des finances, ce n’est qu’en 2013 que nous pourrons mener une étude économétrique permettant de juger de l’efficacité pleine et entière de cette réforme.

Néanmoins, au vu des premiers éléments très positifs et contracycliques par rapport à la crise, nous avons souhaité stabiliser le CIR. Je remercie les députés d’avoir procédé à des ajustements très raisonnables lors de l’examen de la partie « recettes » du PLF. La réduction, de l’ordre de 7 %, permet le maintien des règles fiscales de calcul. C’est un signal très important que l’on envoie aux entreprises : pour procéder à des investissements en matière de recherche, celles-ci ont besoin d’être assurées de la stabilité de l’environnement fiscal dans la durée. C’est une question de confiance dans l’État.

Quatre amendements anti-abus proposés par la Commission des finances et approuvés par le Gouvernement complètent le dispositif.

L’un d’entre eux concerne l’encadrement des rémunérations des cabinets de conseil. Par ailleurs, le Gouvernement s’est engagé à fournir tous les éléments dont il dispose au sujet des créations de filiales par des groupes fiscalement intégrés.

La modification de la formule relative aux frais de fonctionnement, demandée par M. Gorges et par la MEC, est celle qui altère le moins le dispositif – je rappelle que le Gouvernement tenait à maintenir le taux actuel de frais de fonctionnement, qui correspond exactement à la moyenne nationale. La nouvelle formule a le mérite d’élargir l’assiette aux amortissements, ce qui réduit la facture pour l’industrie, où les frais de fonctionnement sont plus élevés que dans le secteur des services.

S’agissant des brevets déposés par les PME, au sujet desquels M. Daniel Paul m’interroge, nous avons créé dans le cadre du plan d’investissements d’avenir un fonds d’investissement « France Brevets » doté initialement de 100 millions d’euros. Ce fonds pourra acheter des brevets détenus par des PME en difficulté et mutualiser l’acquisition de brevets jugés stratégiques par les PME d’une même filière. Toute proposition complémentaire sera la bienvenue, qu’elle émane des élus ou de l’INPI (Institut national de la propriété industrielle), qui réalise un travail de fond auprès des PME en leur proposant notamment des prédiagnostics gratuits.

La mise en œuvre des investissements d’avenir, qui a fait l’objet de plusieurs questions, va bon train. Tous les appels à projets relevant de mon ministère ont été lancés, à l’exception de ceux concernant les instituts de recherche technologique, qui le seront à la fin du mois après avoir fait l’objet d’un appel à manifestation d’intérêt.

Plusieurs séries d’appels à projets sont closes. Les jurys examinent les 333 dossiers reçus pour les équipements d’excellence, les 36 dossiers concernant les infrastructures nationales de santé et les 43 dossiers relatifs aux cohortes. Monsieur Bernard Debré, l'appel à projets portant sur la création d'instituts hospitalo-universitaires (IHU) sera clos le 5 novembre. Aujourd'hui, entre 15 et 20 projets semblent en préparation.

Il existe donc un réel enthousiasme. La communauté scientifique se mobilise sur tout le territoire et dans toutes les disciplines, y compris les sciences humaines et sociales. Les premiers lauréats seront connus au début de 2011, après une procédure comprenant un examen par un jury scientifique, puis l’intervention du Commissariat général à l’investissement, dont le conseil de surveillance est présidé par MM. Alain Juppé et Michel Rocard. La première vague de sélection sera bouclée l’été prochain.

Certains nous objectent que l’on ne peut déterminer le montant réel des investissements d’avenir dans la mesure où ceux-ci comportent une partie non consomptible. Nous avons néanmoins fait le calcul pour l’enseignement supérieur et la recherche : en 2011, ce sont 3,581 milliards d’euros de crédits frais, c'est-à-dire consomptibles, qui arriveront dans les laboratoires et les universités. Les questions portant sur des montants bien inférieurs doivent être rapportées à cette somme, qui représente 15 % de mon budget. Non seulement le budget de la recherche et de l’enseignement supérieur augmente en 2011, mais 15 % de crédits extrabudgétaires supplémentaires viendront financer des infrastructures et projets prioritaires, notamment en matière de développement durable.

Les pôles d’envergure mondiale, qui provoquent l’effervescence des acteurs, auront un effet d’entraînement sur l’ensemble de notre système de recherche et d’enseignement supérieur. On observe d’ailleurs que la dynamique est en marche. En Lorraine, les investissements d’avenir se traduisent par la fusion des deux universités de Nancy et de l’université de Metz, par la transformation de leur gouvernance, par de nouveaux partenariats tissés avec l’ensemble du réseau des universités de technologie, bref, par la structuration d’un véritable pôle à l’est de la France alors que les trois universités, auparavant, se parlaient à peine, que les universités de technologie ne communiquaient pas avec les universités, et ainsi de suite. Je pourrais aussi prendre l’exemple du pôle lillois : les trois grandes universités de Lille parlent enfin avec les universités de la périphérie et avec l’Université catholique. En Aquitaine, par exemple, l’université de Pau vient se relier au pôle bordelais.

On le voit, les investissements d'avenir produisent un effet d’entraînement pour la restructuration du territoire, son aménagement global et la mise en réseau des petites universités avec les pôles régionaux.

Vous avez exprimé la crainte que les organismes de recherche soient contraints de choisir entre leurs équipements et leurs personnels. Je veux souligner à nouveau que ce budget traduit le choix très fort du Gouvernement de sanctuariser intégralement les emplois de l’enseignement supérieur et de la recherche, domaines prioritaires à ses yeux. De plus, dans le cadre du plan Carrières, 100 millions d’euros seront consacrés, via des promotions et des primes pour tous les personnels, au renforcement de l’attractivité des carrières de recherche en 2011, soit 69 millions d’euros pour la période 2009-2011.

En ce qui concerne les dépenses d’équipement, je trouve que l’on a la mémoire courte : dans le cadre du plan de relance, nous avons déjà consacré l’année dernière 270 millions d’euros à anticiper l’acquisition des équipements dont notre système de recherche avait besoin. Il s’agit certes de ressources extrabudgétaires, mais elles ont été dépensées en 2010. Par ailleurs, le programme « Investissements d’avenir » nous permettra de consacrer des crédits très importants, non seulement aux équipements, madame Fioraso, mais également à leur maintenance. On sait en effet combien les frais de maintenance des équipements lourds pèsent sur les budgets récurrents des laboratoires. L’intérêt des investissements d’avenir et du principe de la dotation non consomptible est précisément de financer la maintenance en même temps que les équipements, et ceci sur la durée.

Vous m’avez tous demandé de dresser le bilan de la prime d’excellence scientifique. En 2009, nous avons attribué 3 600 primes d’excellence scientifique, ce qui concerne 5 % des chercheurs et des enseignants-chercheurs, notre objectif étant d’atteindre 20 % en quatre ans. Les candidatures sont en hausse, puisque 18 % des chercheurs du CNRS, 16 % de l’INRA et 10 % de l’INSERM l’ont sollicitée en 2010, et que nous avons dû essuyer moins d’une vingtaine de refus.

Parallèlement à cette prime individuelle, nous avons mis en place un intéressement collectif pour les équipes des laboratoires et des revalorisations pour les ingénieurs de recherche et le personnel administratif. L’instauration d’une prime d’excellence ne s’est pas faite au détriment des promotions, puisque le nombre des professeurs d’université a augmenté de 151 % et les promotions de maîtres de conférence de 154 % au cours de la période 2007-2011.

Au titre du Grenelle de l’environnement, le Président de la République a fixé l’objectif de 1 milliard d’euros supplémentaire d’ici à 2012, autour de quatre axes : 300 millions d’euros seront consacrés à un redéploiement des priorités au sein des opérateurs de recherche ; l’ANR bénéficiera d’un effort supplémentaire de 212 millions d’euros au titre des questions environnementales ; le fonds démonstrateur de l’ADEME sera doté de 450 millions ; enfin 1,6 milliard d’euros sera consacré aux questions environnementales au titre des investissements d’avenir. Des crédits supplémentaires seront consacrés à des actions spécifiques via des appels à projets à hauteur de 165 millions d’euros. D’après les projections des agences de financement et des organismes de recherche, le seuil de 1 milliard d’euros supplémentaire consacré à la recherche environnementale devrait être largement dépassé dès 2011, soit avec un an d’avance. Ce résultat est le fruit d’une mobilisation exceptionnelle de l’État et des agences de financement, mais aussi des organismes de recherche et des chercheurs eux-mêmes, qui ont compris la nécessité d’accompagner les mutations entamées par le Grenelle de l’environnement.

Vous m’interrogez sur l’évolution de l’ANR et de la recherche sur projets. Depuis 2006, via la création de l’ANR et, plus récemment, le programme « Investissements d’avenir », nous développons le financement de la recherche sur projets. Ces modes de financement reposent sur des processus désormais éprouvés de jugement par les pairs. Je ne peux pas vous laisser dire que l’ANR n’a pas de pouvoir de décision quant aux investissements d’avenir, alors que l’Agence participe à la désignation des jurys scientifiques chargés de donner un avis sur les projets. Certes, le Commissariat général à l’investissement a le dernier mot dans le cadre du grand emprunt, mais les projets sont sélectionnés d’après leur valeur scientifique. Je rappelle qu’à rebours de la commission Juppé-Rocard, qui souhaitait confier la gestion du grand emprunt à une agence spécifique, nous avons préféré rapatrier tous les crédits à l’ANR, dont l’expertise est reconnue en matière de recherche.

Contrairement aux craintes qui s’étaient fait jour, le développement de la recherche sur projets n’a pas eu d’effet d’éviction au détriment du financement récurrent de la recherche : l’emploi est stable et les moyens du CNRS augmentent de 15 % sur trois ans, et ceux de l’université de 20 % en moyenne. Il est vrai que l’ensemble du paysage de la recherche est en train d’évoluer : il est désormais marqué par la promotion de l’excellence, ainsi que par le dynamisme de la recherche sur projets. Les organismes de recherche sont plus stratèges sur le long terme, allant vers des projets très risqués, et les acteurs se structurent et se coordonnent autour de grands domaines thématiques, pour se coordonner et éviter les doublons improductifs. Ainsi, si les crédits de l’ANR sont en baisse cette année, c’est parce que certains des projets de l’Agence étaient redondants avec certains appels à projets du grand emprunt. De tels ajustements à la marge n’ont rien de surprenant au regard des 17,5 milliards d’euros que l’Agence a dû gérer cette année au titre du grand emprunt. Une diminution de 68 millions d’euros de ces crédits n’aura pas pour conséquence de faire passer à 15 % le taux de sélection des projets, d’autres appels à projets devant prendre le relais.

Le Conseil européen de la recherche délivre déjà des bourses de recherche individuelle dans le cadre d’un programme similaire au « super-blanc » que vous prônez, monsieur Debré. La France occupe d’ailleurs une excellente place dans les appels à projets du Conseil européen de la recherche : avec 71 projets sur 450, nous sommes le deuxième pays en nationalité, derrière l’Allemagne, et le deuxième en destination, derrière la Grande-Bretagne. Cela prouve que le système français est à la fois performant et attractif

Le programme de l’ANR à destination des jeunes chercheurs s’inspire déjà de ce modèle, et les programmes du grand emprunt auront la même fonction pour les chercheurs confirmés, puisqu’ils sont très attentifs à la capacité des laboratoires, des instituts de recherche technologique et des universités à faire venir des chercheurs de classe mondiale.

Enfin, la programmation de l’ANR va devenir triennale, ce qui permettra une meilleure articulation avec la stratégie nationale pour la recherche et avec les feuilles de route mises en place par les alliances, et garantira un meilleur équilibre entre les priorités fixées par le Gouvernement et celles issues de la base des chercheurs.

Je ne peux vous laisser dire, monsieur Claeys, que le grand emprunt serait là pour apurer les engagements du passé. Certes, une petite partie des crédits du grand emprunt doit compléter les financements promis par le passé – je pense notamment au financement de l’opération Campus, auquel le grand emprunt contribuera à hauteur de 1,3 milliard. Étant donné le succès des projets de recherche partenariale des instituts Carnot, nous avons tenu en outre à ce qu’un nouvel appel à projets soit lancé, car pourquoi remplacer un dispositif qui fonctionne ?

Nous souhaitons tous la création d’une chaîne thématique consacrée à la recherche. Pour le moment, je travaille à faire émerger des émissions de vulgarisation scientifique, le modèle de la National Science Foundation américaine, dont 10 % des dotations de recherche sont destinées à la diffusion de la culture scientifique étant une piste à explorer. Les résultats d’un sondage tout récent, qui montre que 60 % des Français ne s’intéressent pas à la science, alors que 95 % reconnaissent son utilité sociale, prouvent l’urgence de rapprocher la science de la société. De même, le silence médiatique qui a entouré le décès le week-end dernier du chercheur français Mandelbrot, le père des fractales, montre combien nous devons progresser en matière de diffusion de la culture scientifique.

Nous sommes particulièrement impliqués dans la formation de la jeunesse africaine. Les universités françaises accueillent 100 000 étudiants en provenance du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne, dans les mêmes conditions que les étudiants français. Nous favorisons par ailleurs l’émergence en Afrique de filières de formation modernes et adaptées aux besoins des économies africaines, tel l’Institut franco sud-africain de technologie à Pretoria, l’Agence universitaire de la francophonie et les campus numériques francophones dans vingt-six universités africaines, ainsi que le lancement de l’Institut panafricain de gouvernance universitaire, destiné à former les cadres dont manquent les universités d’Afrique. En ce qui concerne le développement d’une communauté scientifique africaine, nous soutenons le projet d’institut africain des sciences mathématiques AIMS-Sénégal.

J’en viens à la tarification des très grandes infrastructures de recherche. Les financements attribués à SOLEIL, monsieur Lasbordes, sont conformes aux décisions prises avec la direction de cette très grande infrastructure et permettent d’avancer vers la concrétisation de ce projet emblématique, que le plan de relance a redynamisé.

Pour ce qui est du CERN, tous les crédits nécessaires sont inscrits, même s’ils sont éparpillés entre plusieurs actions du programme « Recherche », ce qui les rend difficilement identifiables.

Il est clair que les applications industrielles doivent être facturées aux coûts complets, comme dans les autres pays. Ce n’est certes pas en refacturant le coût aux laboratoires subventionnés par l’État qu’on augmentera le budget de la recherche : il s’agirait d’une pure et simple économie circulaire sans création de valeur. Je demande cependant que l’utilisation des très grandes infrastructures de recherche soit tarifée, afin que les chercheurs se rendent compte des sommes que l’État y consacre, allégeant d’autant leurs dépenses.

Le contrat du CNES, que nous devons signer aujourd’hui, prévoit la poursuite de la politique spatiale présentée par le Président de la République en 2008, à Kourou. De 2011 à 2015, la France mettra en service les systèmes satellitaires Jason 3 et Météosat troisième génération. L’installation de Soyouz et Vega à Kourou est également prévue, ainsi que le renforcement des filières d’excellence française par le développement de systèmes de nouvelles générations et le maintien de notre effort en recherche et développement.

Il est totalement faux, monsieur Chassaigne, que le budget du CEA baisse de 4,5 % : il est totalement préservé en 2011, puisqu’il augmente de 1,5 % à périmètre constant, avec une rebudgétisation de ressources extrabudgétaires. Le réacteur Jules Horowitz s’inscrit dans cette logique de recherche, le coût du projet étant financé sur la période du budget triennal. Au-delà, nous devrons évidemment trouver des ressources, probablement extra-budgétaires, pour financer l’intégralité des coûts.

Même si la subvention de l’État à l’Institut français du pétrole diminue de 10 % l’année prochaine, son budget pour 2011 lui permettra de poursuivre son activité de recherche dans le domaine de l’efficacité énergétique, de l’industrie du raffinage et de la pétrochimie, de la sécurité des approvisionnements et dans le domaine des nouvelles technologies de l’énergie. La revue générale des politiques publiques a mis en évidence que l’Institut pouvait dégager certaines marges de manœuvre, via notamment une augmentation de ses recettes propres ou une valorisation de sa recherche, l’IFP ayant vocation à travailler avec l’industrie dans le cadre d’appels à projets nationaux ou européens. C’est pourquoi je vous demande de retirer l’amendement par lequel certains d’entre vous reviennent sur ces économies, les gages proposés, en particulier sur les ressources de l’Agence spatiale européenne, étant contraires à l’engagement de la France d’apurer la dette de l’ESA à l’horizon 2015.

Je plaiderai auprès du Premier ministre, monsieur Lasbordes, en faveur d’une réduction de la réserve de précaution pour les établissements publics à caractère scientifique et technologique, les EPST, comme pour ceux à caractère industriel et commercial, les EPIC, et je compte sur le soutien des parlementaires dans cette négociation difficile.

Il est vrai, monsieur Chassaigne, que les crédits du CIRAD, de l’IFREMER et de l’INRA sont en baisse. Mais, là encore, je vous demande de comparer ces baisses très légères avec les 3,581 milliards d’euros d’appels à projets déjà lancés, notamment dans le domaine environnemental, qui bénéficieront également à la flotte. Je vous rappelle par ailleurs que celle-ci a déjà bénéficié l’an dernier de 2 millions d’euros de crédits dans le cadre du plan de relance.

Un milliard cinq cents millions d’euros ont été consacrés aux appels à projets relevant de l’action Santé-biotechnologies, dont l’un, « Biotechnologies et bio-ressources » est intégralement dédié à la biologie végétale, et bénéficiera à l’INRA, au CIRAD et à l’IFREMER. Un appel à projets « Infrastructures et démonstrateurs », ouvert aux projets de biologie végétale, a également été lancé. À cela s’ajoutent les actions menées par les laboratoires d’excellence, où les sciences du vivant sont très largement représentées.

(M. Michel Diefenbacher remplace M. le président Jérôme Cahuzac.)

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Étant donné la nécessité de stabiliser le crédit d’impôt recherche, le projet de loi de finances ne comporte qu’une mesure relative au CIR : la pérennisation pour les PME du régime de remboursement anticipé des créances de CIR institué à titre transitoire lors du plan de relance de l’économie. Cette mesure, qui faisait suite aux états généraux de l’industrie, traduit la volonté du Gouvernement de stabiliser le dispositif dans un objectif de sécurisation des entreprises. Valérie Pécresse a rappelé que l’Assemblée nationale avait, le 20 octobre, adopté l’article 15 du projet de loi de finances pour 2011, et je me félicite qu’à cette occasion les députés aient voté quatre amendements qui encadrent certains aspects du dispositif, sans remettre en cause l’équilibre résultant de la réforme de 2008, qui permet de garantir la maîtrise budgétaire du CIR, instrument contribuant à l’attractivité industrielle de notre pays.

Le bilan chiffré du retour en France d’activités de recherche au cours des cinq dernières années et des créations d’emplois induites prouve sans contestation possible que notre pays est l’un des plus attractifs pour les investissements en recherche et développement. En effet, sur la période 2003-2009, l’Agence française pour les investissements internationaux a accompagné 237 projets étrangers d’investissements en R&D en France, qui ont généré 8 750 emplois, à travers la création d’activités nouvelles ou l’accroissement d’implantations déjà existantes sur le territoire. Pour être encore plus précis, en 2009, quarante-deux centres de R&D se sont implantés en France, contre 25 en 2008, avec une augmentation de 142 % du nombre d’emplois créés – 2 115 contre 875 en 2008. La France devient ainsi le premier pays européen pour le nombre d’emplois créés par les investissements étrangers dans la R&D.

À titre d’illustration, je voudrais vous citer quelques exemples significatifs d’investissements réalisés ou annoncés en 2009-2010 : le recrutement par ICERA, société britannique de semi-conducteurs, d’au moins cinquante ingénieurs experts en communication mobile sur son site de Sophia-Antipolis, afin d’intensifier ses activités de R&D dans la spécification technique de la future norme de réseaux mobiles de quatrième génération ; l’implantation à Rueil-Malmaison par Novartis-France de son troisième pôle mondial de recherche clinique en oncologie, entraînant la création de plus de cinquante postes de recherche clinique ; la décision de GlaxoSmithKline (GSK), de renforcer son centre de recherche des Ulis, investissement de 51 millions d’euros, avec à la clé le développement des activités de R&D internes et externalisées, ou encore l’annonce par Google, au mois de septembre, de la création d’un centre de R&D à Paris.

Les relocalisations auxquelles nous assistons en ce moment semblent indiquer qu’après avoir connu une ère de délocalisation, nous sommes en train d’entrer dans une période de relocalisations d’activités. On s’est rendu compte en effet que, si les coûts de production étaient plus faibles à l’extérieur de nos frontières, la main-d’œuvre était moins qualifiée, les outils de production moins performants et la relation commerciale de moindre qualité. Ainsi le groupe japonais Tokyo-Ink a un projet de développement des études sur pigment rouge et jaune en Seine-Maritime, avec 80 emplois à la clé. Je pense également à la relocalisation de la conception des articles de sport Le Coq sportif ; les investissements de quinze millions d’euros d’Ethyfarm dans son site du Grand-Quevilly, cette société ayant décidé de rapatrier toutes ses activités de R&D du Canada.

Dans d’autres cas, la relocalisation de la fabrication vise à renforcer le lien avec l’étage de conception et d’innovation. Il existe ainsi un processus de consolidation réciproque entre création immatérielle et production et un renforcement de l’ancrage territorial des centres de R&D à travers ces relocalisations d’usine. C’est notamment le cas des projets d’Atol pour la lunetterie, de Magencia pour le mobilier métallique, de Geneviève Lethu pour les arts de la table. Tout récemment, c’est Rossignol, qui revient, trente ans après, produire 80 000 paires de skis à Sallanches, en Savoie. Je pourrais également citer les chaussettes Kindy.

Vous m’avez demandé combien d’emplois de chercheur avaient été créés grâce au CIR. La réforme du CIR a un impact sur les dépenses de R&D des entreprises, avec pour conséquence attendue une augmentation du nombre de chercheurs. Selon une étude de la direction générale du Trésor, les besoins nés du renforcement du dispositif s’élèveraient à environ 25 000 nouveaux chercheurs de 2008 à 2020, les effectifs passant de 107 000 à 134 000 en 2020.

L’effort public en matière de R&D a aussi une incidence sur l’évolution du nombre des brevets déposés en France au cours des cinq dernières années. Après une période de relative stabilité, le nombre des dépôts de brevets a baissé de 5 % entre 2007 et 2009 en raison de la crise économique, qui a poussé certaines grandes entreprises, en particulier du secteur automobile, à limiter le nombre des dépôts. En revanche, le nombre de brevets déposés par les PME a augmenté de 13 % au cours de la même période.

Certes, monsieur Paul, le CIR ne saurait assurer à lui seul une véritable attractivité de la France. Il n’atteint sa pleine efficacité qu’au sein d’un ensemble de mesures, telles la suppression de la taxe professionnelle – ce sont 12 milliards d’euros d’impôt sur les investissements productifs que les entreprises françaises n’auront pas à payer en 2010 – ou les investissements d’avenir : autant d’outils qui ont contribué à la création de tant d’emplois dans la recherche, à la relocalisation de tant d’entreprises et à la création de tant de postes de chercheurs. Il faut y ajouter les pôles de compétitivité qui ont pris un tel essor depuis cinq ans que nous avons dû faire évoluer leur conception pour les rapprocher des clusters européens.

Vous avez raison, monsieur Daniel Paul, certaines de nos PME sont victimes d’un véritable pillage de leurs brevets. Le Gouvernement a abaissé de près de 50 % le tarif du dépôt de brevet. Valérie Pécresse a rappelé que nous comptons mettre en place un fonds d’investissement France-Brevets doté de 100 millions d’euros, en provenance pour moitié de la Caisse des dépôts et consignations et pour moitié des investissements d’avenir.

Dans le cadre des états généraux de l’industrie, nous avons évoqué les conséquences du déréférencement par nos grands groupes industriels, au cours des dix dernières années, de PME qui, durant des décennies, avaient, par leur politique d’innovation, contribué au développement de ces groupes. Non contents d’exercer une pression sur les prix et de délocaliser, ces grands groupes ont opéré des transferts à l’étranger des technologies de nos PME. Nous avons le devoir de protéger contre de telles pratiques la matière grise de nos ingénieurs et le savoir-faire de nos PME. Il faut réfléchir ensemble aux moyens, législatifs ou réglementaires, d’interdire de transférer à l’étranger la propriété industrielle de nos PME. Je souhaite que nous y réfléchissions ensemble.

En ce qui concerne les dépenses d’avenir, Laurent Hénart a évoqué les enjeux du programme tourné vers l’innovation et la nécessité de préparer la France aux défis du XXIe siècle pour renforcer notre compétitivité et construire la croissance de demain. Depuis 1974, la part de l’investissement dans la dépense publique est passée de 12,5 % à 7,5 %. Nous avons trop souvent sacrifié l’investissement au profit des dépenses courantes et au détriment de l’innovation, de la compétitivité et de l’emploi.

Afin de profiter pleinement de la reprise et de retrouver le chemin d’une croissance durable, il est impératif de rattraper notre retard et de prendre de l’avance dans les secteurs d’avenir. Les 35 milliards d’euros prévus permettront d’investir massivement dans les secteurs porteurs de croissance ; grâce à l’effet de levier obtenu, ce sont 60 milliards d’euros, provenant de fonds publics et privés, qui seront investis au total.

Après les grands choix d’investissement des années 1960 et 1970 dans l’électronucléaire, dans le TGV, dans Airbus ou dans l’aérospatiale, qui font aujourd’hui la force de notre pays, nous allons pouvoir lancer les grands projets de demain – les biotechnologies, les nanotechnologies ou encore la fibre optique. Ces projets correspondent peu ou prou à d’autres modèles que ceux qui ont été lancés par le général de Gaulle et par Georges Pompidou, et grâce auxquels nous avons pu continuer à revendiquer, pendant quarante ans, un rang de grande puissance industrielle pour notre pays.

Plus de 17 milliards seront affectés directement ou indirectement à l’innovation industrielle : 4 milliards d’euros iront à la constitution d’écosystèmes d’excellence pour l’innovation, 3 milliards aux instituts de recherche technologique et aux instituts d’excellence, 500 millions aux pôles de compétitivité et 400 millions aux fonds d’amorçage.

Nous consacrerons 12,4 milliards au développement de filières industrielles porteuses, dont 4,5 milliards pour le numérique, 2,4 milliards pour la santé et les biotechnologies, 3 milliards pour les matériels de transport, notamment dans le domaine spatial, 2,5 milliards pour les nouvelles technologies de l’énergie, y compris les programmes de recherche du CEA.

Le financement des mesures des états généraux de l’industrie s’élève à 1 milliard d’euros. Je me félicite que les trois mesures prévues dans le cadre des états généraux soient toutes opérationnelles aujourd’hui : 500 millions d’euros pour les prêts verts ; 200 millions pour l’aide à la réindustrialisation depuis le début du mois de juillet – il s’agit d’accompagner les entreprises qui relocalisent, dont le problème est de trouver les moyens d’investir en matière d’immobilier, d’outils informatiques ou encore d’outils de recherche ; à cela s’ajoutent 300 millions d’euros pour la structuration des onze filières industrielles stratégiques, sur lesquelles je reviendrai dans un instant.

Les 3 milliards dédiés à la création d’instituts de recherche technologique et des instituts d’excellence constituent, par exemple, une occasion unique de créer de grands clusters, de faire des champions internationaux à partir de nos meilleurs pôles de compétitivité, à l’image du cluster Tiger M allemand dans le domaine des biotechnologies. Je pense en particulier à des filières stratégiques telles que l’aéronautique, les industries de santé, les biotechnologies, les nanotechnologies et les éco-technologies, dont on peut espérer, dans le cadre de la croissance verte, la création de près de 350 000 emplois et de près de 10 milliards de chiffre d’affaires par an, dans notre seul pays, à compter de 2020.

Madame Fioraso, les pôles de compétitivité sont devenus, en moins de cinq ans, un levier incontournable de notre politique industrielle. Lancés par le ministre de l’Intérieur et de l’aménagement du territoire de l’époque, Nicolas Sarkozy, et par moi-même, les pôles sont aujourd’hui au nombre de 71, dont 17 d’ambition mondiale. Plus de 800 projets de R&D ont été portés et financés depuis cette date par les pôles de compétitivité, pour un financement total de 4,3 milliards d’euros.

Depuis que j’ai repris, pour partie, sous ma responsabilité les pôles de compétitivité, en juin 2009, plus de 190 millions d’euros de financement de projets de recherche ont été attribués dans le cadre du fonds unique interministériel (FUI) pour les 71 pôles actuels.

Je veux rappeler que les pôles représentent aussi des emplois : les 6 800 entreprises qui en sont membres emploient plus de 810 000 salariés.

Depuis deux ans, nous sommes entrés dans la seconde phase de la politique des pôles de compétitivité, marquée par une meilleure coordination, par la définition de feuilles de route stratégiques claires et par le développement de l’évaluation. Nous respecterons l’engagement du Président de la République, qui consiste à poursuivre cette politique et à la doter globalement de 1,5 milliard d’euros sur trois ans, dont 600 millions d’euros au titre du FUI et un montant équivalent au titre de l’ANR. À cela s’ajouteront les contributions des collectivités locales. Certaines d’entre elles – des conseils régionaux, des communautés d’agglomération, des communautés urbaines et des conseils généraux – font preuve d’un grand engagement, en dehors de toute considération idéologique, mais d’autres estiment qu’elles n’ont pas à participer à cette politique au motif qu’elle relève de l’État. On ne peut que regretter de telles attitudes.

Vous prétendez que la suppression de la taxe professionnelle mettrait en difficulté les collectivités participant aux pôles de compétitivité. Or, vous savez très bien que la taxe professionnelle est entièrement compensée aujourd’hui, et que les futures recettes ne mettront à aucun moment les collectivités en difficulté : elles pourront continuer à accompagner les pôles. Le pire eût été de ne pas adopter les mesures que nous avons prises en vue de supprimer la taxe professionnelle pour les investissements productifs, car cela aurait incité un nombre de PME tournées vers la R&D et l’innovation à quitter certaines collectivités. Le Gouvernement a fait, au contraire, le choix de renforcer leur enracinement et leur ancrage territorial. Les entreprises se délocalisent, mais pas les collectivités, madame Fioraso !

Il fallait, par ailleurs, que notre pays se dote de nouveaux pôles de compétitivité dans le domaine des éco-technologies, qui est insuffisamment couvert par les pôles actuels. Le 11 mai dernier, le Gouvernement a ainsi labellisé six nouveaux éco-pôles et reconnu deux inter-pôles : certains pôles de compétitivité labellisés depuis 2005 dans le domaine de la santé, de la chimie ou encore de l’électronique réalisent des programmes de recherche qui peuvent apporter leur contribution aux éco-technologies. En Rhône-Alpes et dans la région PACA, nous avons décidé de constituer deux inter-pôles rassemblant des pôles travaillant dans des domaines différents, mais susceptibles de mener des projets communs qui permettront, une fois mutualisés, d’apporter des réponses dans le domaine des éco-technologies.

Dans le cadre des dépenses d’avenir, nous lançons également un appel à projets pour les plateformes technologiques, pour 200 millions d’euros, et pour les projets structurants des pôles de compétitivité, pour 300 millions d’euros.

Madame Fioraso, vous avez déploré le recul de notre industrie, et estimé que nous tardions à instaurer une politique de filières. Or, si cette politique avait été instaurée à la fin des années 1990, comme ce fut le cas en Allemagne, on ne parlerait pas aujourd’hui de retard dans notre pays. Nous avons perdu 550 000 emplois industriels depuis 1998-1999. À cette époque, l’Allemagne a su bâtir des éco-systèmes de filières qui n’existent pas en France : nous avons des branches et des secteurs, mais pas de filières structurées. Contrairement à notre pays, l’Allemagne a su organiser une solidarité entre les grands groupes industrielles, les équipementiers et les PME sous-traitantes.

J’ai demandé qu’on lance un Observatoire du « fabriqué en France », qui sera actualisé tous les six mois. Je souhaite, en effet, développer une culture du résultat. La création des comités stratégiques de filières nous y aidera.

L’Observatoire du « fabriqué en France » fait apparaître que nos productions industrielles comptaient 74 % de composants français en 1999, contre 69 % en 2009. La différence représente autant de produits en moins fabriqués par des PME sous-traitantes françaises. Des emplois ont donc été délocalisés – ce sont les 550 000 emplois industriels perdus que je viens d’évoquer.

D’ici à 2015, nous devons augmenter de 25 % la production industrielle dans notre PIB afin d’atteindre le même niveau que l’Allemagne. Tel est l’objectif des 23 mesures issues des états généraux de l’industrie.

Nous sommes là pour parler du budget, mais il ne faudrait pas oublier, pour autant, les choix structurels : nous avons installé un médiateur de la sous-traitance, en charge des bonnes pratiques, un ambassadeur de l’industrie chargé de promouvoir l’harmonisation au plan européen, et nous avons confié une mission parlementaire sur la possibilité de supprimer un certain nombre de contraintes administratives et réglementaires imposées aux investissements industriels dans notre pays. Ce sont autant de marges de compétitivité sans coût budgétaire qui peuvent augmenter considérablement notre efficacité.

Dans le domaine de la chimie, nous avons décidé de mettre en place onze comités stratégiques de filières. Celui de l’aéronautique a été installé lors du salon des drones de Bordeaux, celui de la filière navale à Lorient, celui du ferroviaire à Valenciennes, et j’installerai cet après-midi celui de la chimie. À cela s’ajoute le comité stratégique du médicament à Tours, où est installé Sanofi.

Ces éco-systèmes, conçus sur un modèle semblable à celui de l’Allemagne, permettront d’instaurer de véritables relations entre les donneurs d’ordre et les sous-traitants, et ainsi de sortir de la relation épouvantable de domination qui prévaut actuellement : nous devons la remplacer par une relation clients-fournisseurs. Nous pourrons ainsi regagner des parts de marché pour les produits fabriqués en France et obtenir de vraies solidarités, tout en veillant à ce que le fruit du travail de nos ingénieurs et de nos chercheurs profitent à nos PME. C’est ainsi que nous réussirons à avancer de nouveau.

Vous avez parlé de recul industriel, mais j’observe que notre action commence à porter ses fruits : au cours du premier semestre de 2010, les commandes industrielles ont augmenté de 11 %, la production industrielle s’est accrue de 6 %, et le chiffre d’affaires de 5 %.

Je ne reviendrai pas sur la liste des relocalisations que j’évoquais tout à l’heure en réponse à Daniel Paul.

Tout cela tend à recréer une attractivité et à renforcer la compétitivité de notre pays.

Oséo effectue un travail essentiel au service des pôles de compétitivité en permettant aux projets retenus dans le cadre des appels de démarrer rapidement au profit de l’économie française. Malgré la baisse de 5 % des crédits qui résulte normalement de la norme d’évolution des dépenses de l’État, Oséo conservera les moyens nécessaires à l’exercice de ses missions. Cette structure sera d’ailleurs l’opérateur d’un grand nombre de mesures relevant des investissements d’avenir, notamment les prêts verts, pour 500 millions d’euros, le soutien à la ré-industrialisation, pour 200 millions, et la structuration des filières, pour 300 millions.

Cette dernière mesure consiste à soutenir les projets collaboratifs. Une des faiblesses de notre pays est, en effet, l’absence d’entreprises de dimension intermédiaire : la France compte de très grands groupes de taille mondiale, qui ont un impact fort sur les exportations et sur la balance du commerce extérieur ; elle a également des PME de très grande qualité, mais il manque un échelon de taille intermédiaire, qui existe en Allemagne. Dans notre pays, moins de 3 % des entreprises comptent plus de 50 salariés, contre plus de 10 % en Allemagne.

Grâce à ces 300 millions d’euros, nous pourrons développer des plateformes de commercialisation commune avec des projets collaboratifs en région, ou bien rapprocher les PME françaises pour obtenir un plus grand nombre d’entreprises de taille intermédiaire. Nous deviendrons ainsi plus performants.

Je rappelle, en outre, que le Fonds stratégique d’investissement (FSI) a investi 1,4 milliard d’euros dans des PME innovantes telles que Carbone Lorraine, Inside Contactless, Daher et Dailymotion. L’investissement dans les fonds sectoriels porte également ses fruits : le Fonds de modernisation des équipementiers automobiles (FMEA) a ainsi bénéficié de 200 millions d’euros dans le cadre de la plateforme « automobile », qui a bien accompagné nos équipementiers en leur permettant de résister et de passer maintenant à une phase d’innovation, comme le dernier mondial de l’automobile l’a démontré. Le fonds Innobio a également bénéficié de 50 millions d’euros. Je rappelle, à ce sujet, que 30 % des médicaments devraient être issus des biotechnologies dans deux ans. Afin de demeurer parmi les trois leaders mondiaux dans l’industrie pharmaceutique, nous devons dégager les moyens nécessaires – et nous le faisons.

Je fais mienne votre analyse sur le photovoltaïque : nous achetons en Chine et en Allemagne pour développer une simple politique de service en France. Nous n’avons pas su être au rendez-vous.

Il faut maintenant « mettre le paquet » sur l’innovation afin de ne pas rester à la traîne dans un certain nombre de domaines, comme le photovoltaïque et les éoliennes.

M. le président Patrick Ollier. Vous avez bien raison, monsieur le ministre !

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Dans le domaine des énergies renouvelables, nous devons investir, via le crédit impôt recherche ou via les fonds des investissements d’avenir, afin d’être les premiers demain. C’est, par exemple, ce que nous faisons avec la CNIM à la Seyne-sur-Mer, qui a inventé un système thermodynamique solaire, aujourd’hui au stade du prototype. Nous sommes les premiers dans ce domaine. Les fonds des investissements d’avenir vont financer un démonstrateur, implanté à Llo, dans les Pyrénées-Orientales. Nous devons nous positionner là où nous serons les premiers à produire, mais il faudra aussi évaluer les efforts d’accompagnement nécessaires à réaliser dans les domaines où nous avons pris du retard.

S’agissant des nouvelles technologies des télécommunications, j’ai lancé, le 30 septembre dernier, à la suite d’un rapport qui m’a été remis, un appel à projets en faveur du secteur de la micro- et de la nano-électronique dans le cadre des investissements d’avenir. Avec le logiciel embarqué, ce domaine constitue le cœur technologique des systèmes numériques de demain.

La France dispose d’atouts majeurs dans le domaine de la R&D et de la production des composants de la micro- et nano-électronique. Ce secteur, qui représente près de 70 000 emplois directs irrigue de nombreuses filières industrielles – télécommunications, transports, santé ou encore énergie. C’est donc un enjeu stratégique fort.

L’action du Gouvernement consistera à accompagner les ambitions des acteurs industriels sur le territoire national en vue de conforter la position de notre pays dans le club restreint des leaders mondiaux de ce secteur. Le soutien de l’État s’élèvera à plusieurs centaines millions d’euros pour le développement de ces technologies de base du numérique.

M. Jacques Grosperrin. Le 29 septembre 2010, Mme Lagarde a rappelé l’impérieuse nécessité de réduire rapidement les déficits à la sortie de la crise : c’est une condition nécessaire pour obtenir une croissance équilibrée et durable. Elle a indiqué que cette réduction des déficits à partir de 2011 ne constituait ni une difficulté ni un changement.

Le Gouvernement s’est engagé à ramener le déficit public de 7,7 % du PIB en 2010 – selon les estimations – à 6 % dès 2011, puis progressivement à 3 %. Pour y parvenir, il faudra trouver 40 milliards d’euros. Le Gouvernement a envisagé différentes solutions, sur lesquelles je ne reviens pas. Nous savons que la réduction des déficits suppose une diminution drastique des dépenses de fonctionnement et d’intervention de l’État.

On pouvait craindre que la maîtrise des déficits, qui doit être équitable, n’ampute aussi le secteur de la recherche et de l’enseignement supérieur. Or, tel ne sera pas le cas : la majorité a souhaité que nos efforts demeurent constants dans ce secteur d’avenir pour notre pays. La mission interministérielle recherche et enseignement supérieur (MIRES) est, en effet, une priorité du Gouvernement : elle est la première bénéficiaire des investissements d’avenir, pour un montant total de 21,9 milliards d’euros, et les moyens de fonctionnement des universités vont continuer à s’accroître, ce qui est très atypique. Comme l’a rappelé Mme Pécresse, le ministère bénéficiera d’un traitement dérogatoire puisqu’il ne connaîtra aucune suppression d’emploi : la balance des effectifs reste à zéro.

S’agissant de l’évolution des crédits, le groupe UMP souhaite appeler l’attention sur les efforts consacrés à l’amélioration de l’immobilier – concrétisation de nombreux partenariats public-privé dans le cadre de l’opération Campus, amélioration du logement étudiant avec la construction, chaque année, de 5 000 logements nouveaux, réhabilitation de 7 000 autres logements.

N’oublions pas non plus la continuité de la politique des pôles de compétitivité à laquelle nous sommes très attachés, ni les incitations fiscales destinées à impliquer les entreprises dans le champ de la recherche et de l’enseignement supérieur.

J’en terminerai par les différentes aides prévues dans ce projet de loi de finances, citant notamment la dotation de l’État à Oséo-innovation, qui sera renforcée de 115 millions d’euros en 2011.

Cette politique est parfaitement conforme aux objectifs que l’UMP appelle à réaliser, et qu’elle soutiendra.

M. Jean-Louis Touraine. La recherche est présentée comme un secteur sanctuarisé, qui serait épargné par les coupes sévères infligées à la plupart des autres secteurs. Il a même été dit que son budget augmenterait, ce qui semble vrai à première vue.

Une telle évolution est nécessaire pour nous porter à la hauteur de nos ambitions, et même simplement pour revenir au même niveau qu’en 2002 : la recherche représentait alors 2,23 % du PIB. Selon la ministre, nous arriverons au taux de 2,21 % en 2011, mais d’autres analystes évaluent l’effort réel à 2,11 %. Cela reste loin du niveau atteint par les États-Unis, dont l’effort consacré à la recherche oscille entre 2,5 et 3 % du PIB, ou du Japon, dont l’effort dépasse 3,5 %. Nous sommes à la quatorzième place internationale, en decà de l’objectif fixé : je rappelle que nous devions atteindre l’objectif de 3 % du PIB.

Surtout, nous nous inquiétons de ce que recouvrent ces chiffres globaux. On observe que le périmètre de ce qui est inclus dans les crédits de recherche diffère : l’autonomie des universités aboutit à des transferts de charges supplémentaires, et on utilise des crédits de recherche pour le fonctionnement d’activités diverses. Il est, en outre, illusoire d’évaluer à zéro le glissement vieillesse technicité (GVT) : il s’élèvera, dans le meilleur des cas, à 0,3, ce qui diminuera d’autant le budget « efficace » des universités.

Des montants importants sont prévus au titre du grand emprunt, mais sous forme de dotations qui ne seront pas toutes utilisées. Nous sommes favorables au crédit impôt recherche, dont le montant a considérablement augmenté – il ne représentait que 400 millions d’euros en 2003. Après l’augmentation enregistrée en 2008, son montant dépassera désormais 5 milliards d’euros. S’il convient de maintenir ce dispositif, il faudrait exercer un meilleur contrôle sur lui, notamment au niveau parlementaire. On pourrait également envisager de ne pas inclure ces crédits au titre de la recherche. Une partie de leur utilisation dépasse, en effet, ce cadre proprement dit.

L’augmentation de 145 millions d’euros du crédit d’impôt recherche contribuera largement à la hausse du budget de la recherche : sans cela, elle ne dépasserait pas 267 millions d’euros.

J’en viens aux universités. On recherche l’excellence dans un petit nombre d’entre elles, dans une perspective élitiste ; dans les autres, qui représentent 90 % de la recherche universitaire et 95 % des étudiants, les moyens diminuent. On a l’impression que le seul objectif est de constituer une vitrine pour les classements internationaux, notamment celui de Shanghai. Ce n’est pas forcément une tare, mais il faut prendre en compte les besoins de la recherche partout sur le territoire national. C’est malheureusement un travers bien français que de privilégier les grandes structures en oubliant le vivier qui conditionne la recherche de demain. Pourquoi être en permanence obsédé par les classements internationaux ? L’exemple de l’Institut Pasteur a montré, tout au long du siècle dernier, qu’il faut surtout obtenir des résultats significatifs pour attirer des chercheurs, nationaux comme étrangers, et pour faire rayonner les centres de recherche. Il revient aux structures extérieures d’effectuer leurs classements, mais il ne faut pas s’en préoccuper de manière excessive.

J’observe, par ailleurs, que le nombre des postes est en diminution au CNRS, et que le budget de cet organisme augmente à peine – bien moins, en tout cas, que celui d’autres organismes de recherche tels que l’INSERM ou l’INRA.

Je ne reviendrai pas sur le développement durable, dont il a déjà été question. Je me limiterai à rappeler que nous sommes très en deçà de ce qui était attendu, et même de ce qui avait été annoncé.

Nous aimerions pouvoir saluer le progrès effectué du point de vue de la considération dont bénéficie la recherche dans notre pays. C’est dans les temps de crise, de recul de l’industrie, de l’activité et de l’emploi, qu’il faut investir dans la recherche. Nous étions prêts à saluer un effort en ce sens, et à vous féliciter, madame la ministre, d’avoir su négocier un budget de la recherche favorable. Nous observons, hélas, que ce budget recouvre d’autres réalités que la seule recherche.

Comme de nombreux chercheurs, qui continuent à réaliser d’excellents travaux en dépit de la faiblesse des moyens dont ils bénéficient, nous craignons que vous ne fassiez preuve de myopie : vous figez et vous soutenez, pour l’essentiel, ce qui marche, sans encourager suffisamment la créativité et l’innovation, la recherche non finalisée qui est une condition pour l’avenir. Nous craignons une stagnation, voire un recul du nombre d’emplois dans la recherche, et nous redoutons une gestion managériale, propre à l’entreprise et éloignée de ce qui convient à la recherche. Avec la vision qui prévaut aujourd’hui, nous n’aurions pas pu suivre certains tournants essentiels que nous avons connus, dans le domaine des sciences de la vie, par exemple – je pense au tournant de la biologie moléculaire et à celui de la biologie cellulaire.

Je connais peu de chercheurs heureux. Si tout se passait aussi bien que le prétend la ministre, ils devraient vous remercier, vous exprimer leur bonheur. Or ce n’est pas le cas. Trop nombreux sont ceux qui quittent notre pays, et l’inquiétude de ceux qui restent témoigne de l’insuffisante prise en compte de leurs préoccupations. Ne croyez-vous pas que l’on pourrait développer davantage la concertation avec eux ?

Mme Marie-Hélène Amiable. Je tiens d’abord à dénoncer les très mauvaises conditions d’examen en commission élargie des crédits pour la recherche et l'enseignement supérieur. Ainsi que l'a exprimé notre groupe dans un courrier au Président de l'Assemblée nationale, elles ne sont pas dignes du Parlement. Que les interventions de nos collègues rapporteurs et porte-parole des groupes soient systématiquement coupées ne permet pas un débat démocratique.

Non seulement le budget de la recherche et de l’enseignement supérieur n’est plus débattu dans l’hémicycle, mais le temps de parole est limité à cinq minutes par groupe. Pourquoi dès lors prendre la peine de venir en réunion de commission ?

Autre anomalie, les crédits de quatre missions sont débattus en commission élargie avant le vote de la première partie de la loi de finances pour 2011, prévu cet après-midi. Cette procédure est contraire à l'article 42 de la loi organique relative aux lois de finances, aux termes duquel la seconde partie du projet de loi de finances ne peut être mise en discussion devant une assemblée avant l’adoption de la première partie.

Le budget de la recherche est un budget en trompe-l’œil.

Après l'avis élaboré par notre collègue Daniel Paul relatif aux crédits de la recherche industrielle, je veux insister sur le crédit d’impôt recherche, à propos duquel une discussion a eu lieu lors de l’examen de l'article 15 du projet de loi de finances.

Depuis plusieurs années nous dénonçons l'inefficacité de cette exonération fiscale et ses montants astronomiques – 5 milliards prévus pour 2011. Je me félicite que des rapports de l'Assemblée nationale et du Sénat aient finalement mis en évidence ces coûts exorbitants et les effets d'aubaine dont bénéficient les plus grandes entreprises et leurs filiales, alors même qu’elles n’augmentent pas suffisamment leurs dépenses de recherche. Les chiffres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sont en effet éloquents : pour les dépenses de recherche, la France y reste à la quatorzième place.

Le document de neuf pages que vous nous avez adressé au printemps, relatif au crédit d’impôt recherche 2008, nous apprend que le secteur des services, qui ne représente que 12 % de la recherche française, a perçu 34 % du crédit d’impôt recherche en 2008. Il faudrait y ajouter les 33 % qui reviennent aux activités des sociétés de holdings, que vous classez abusivement dans les industries manufacturières alors que leur seule vocation est la prise de participations financières.

Le débat tenu à l’occasion de l’examen de l'article 15 du projet de loi de finances a été complètement biaisé. On a laissé entendre que l'aménagement du crédit d'impôt recherche aurait pour conséquence des pertes d'emplois dans les entreprises. La réalité est que si les montants étaient véritablement tous utilisés pour financer l'investissement de celles-ci dans la recherche, c’est 50 000 emplois qui seraient créés.

Par ailleurs, le syndicat national unifié des impôts (SNUI) a mis en évidence l’absence de moyens, pour les agents du fisc, de déceler les fraudes dans ce domaine. En conséquence, en juin dernier, il a proposé six pistes pour un crédit d’impôt recherche efficace : en établir un suivi détaillé et qualitatif ; organiser un même suivi s’agissant des bénéficiaires ; rééquilibrer la part des aides directes au sein des aides à la recherche ; envisager un lien entre dépenses éligibles au crédit d’impôt recherche et lieu d'exploitation des recherches ; améliorer les contrôles ; enfin, favoriser les jeunes entreprises réellement innovantes. Madame la ministre quel est votre avis sur ces propositions ?

La course aux financements et la politique de la prétendue excellence nous font craindre l'abandon de pans entiers de domaines et de programmes de recherche universitaire. Je me fais à cet égard l'intermédiaire du SNESUP qui déplore de ne pas connaître le nombre total de contrats doctoraux, sachant que dans de nombreuses universités, il semble diminuer. Pouvez-vous communiquer des éléments précis à la représentation nationale ?

Selon d’autres organisations syndicales, certaines universités auraient commencé à utiliser leur masse salariale pour le financement de dépenses de fonctionnement ou pour le recours à la sous-traitance : nous le confirmez-vous ?

Les crédits du programme « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », diminueraient d'environ 1 %. Nous nous inquiétons donc fortement pour les organismes que sont le CNRS, l'INSERM, ou l'Institut de recherche pour le développement (IRD). Pouvez-vous revenir sur ce point ?

Le Gouvernement pourrait-il également nous fournir des explications précises sur la baisse significative des crédits alloués aux actions « Développement de la technologie spatiale au service de la recherche en sciences de l'information et de la communication » et « Moyens généraux et appui à la recherche » ? Ils semblent en effet diminuer respectivement de 23 % et 16 %.

À la suite de l'avis rendu par mon collègue André Chassaigne sur la recherche dans les domaines du développement durable – qui, au passage, montre le non-respect du Grenelle de l’Environnement – je souhaite enfin revenir sur la baisse de 30 millions d'euros, c’est-à-dire d'environ 12 %, des crédits de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

La subvention que cet institut reçoit de l'État passerait en 2011 de 243 à 213 millions d'euros. Or, le rôle de l’IRSN est déterminant pour la sécurité de toutes et de tous s’agissant des risques liés à l'utilisation de l'énergie nucléaire et aux rayonnements ionisants.

M. Michel Diefenbacher, président. Votre temps de parole, madame, est largement épuisé.

Mme Marie-Hélène Amiable. Le conseil d'administration de cet organisme s’est prononcé très majoritairement contre ce budget. Pouvez-vous, madame la ministre, nous préciser comment sera respecté le principe d’indépendance de l’IRSN dont le financement ne doit pas avoir pour origine des entreprises qu’il a pour mission de contrôler ?

Chacun ici (Protestations) – et ce sera ma conclusion – aura compris que nous voterons contre ce budget.

M. le président Patrick Ollier. Je demande au président de séance de faire respecter les temps de parole ! Cinq minutes suffisent pour dire l’essentiel. Tous nos collègues doivent pouvoir s’exprimer.

M. Olivier Jardé. Comme la plupart de nos collègues rapporteurs, je soulignerai l’aspect positif du budget que nous examinons. Nous constatons avec satisfaction que la recherche est la première bénéficiaire du grand emprunt.

Les effectifs de chercheurs et de personnels de recherche sont maintenus. La revalorisation significative de leurs carrières encourage le choix des professions scientifiques, qui impose des études longues et difficiles.

Je peux moi-même, de par mon métier, témoigner que de jeunes chercheurs constatent une amélioration de leurs conditions de travail.

En revanche, le caractère essentiel des métiers de la recherche pour notre avenir et notre développement est très mal connu. Pour moi, le développement d’émissions de télévision pour mieux faire connaître ces métiers au grand public serait infiniment utile. Les séries « Urgences » et « Les experts » ont fait exploser la demande pour ces filières.

Au nom du groupe Nouveau Centre, je voterai en faveur du budget qui nous est présenté.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur Grosperrin, dans la filière de l’enseignement supérieur et de la recherche, l’État est au rendez-vous des contrats de projets État-région (CPER) : le taux de consommation des crédits de ces derniers pour 2007-2012 est de 50 % alors que nous avons dû rattraper, après notre arrivée, dix-huit mois de retard pris entre 2000 et 2006.

L’effort immobilier, qui profite à toutes les universités, a été particulièrement considérable.

Monsieur Touraine, les petites universités ne regroupent pas 95 % des étudiants : les universités franciliennes en représentent 25 % à elles seules !

Les universités qui n’appartiennent pas aux grands pôles universitaires ne sont pas oubliées. Si les crédits de l’Université de Lyon II, consacrée aux sciences humaines et sociales, ont été accrus de 32 %, et ceux de Lyon I de 20 %, les universités de Saint-Étienne et de Clermont-Ferrand voient leur budget augmenter en trois ans respectivement de 21 % et de 27 %, et celles de Chambéry et Dijon de 16 % chacune.

Madame Amiable, monsieur Touraine, je suis au regret de vous indiquer que nous avons augmenté de 5 % le recrutement d’enseignants chercheurs l’an dernier, ce qui correspond à 1 000 emplois supplémentaires. Certes, il ne s’agit pas de créations, mais si la sous-dotation historique des universités conduisait celles-ci à utiliser une partie de la masse salariale pour d’autres actions que le recrutement, les augmentations spectaculaires des budgets leur permettent aujourd’hui de dégager la masse salariale nécessaire pour pourvoir des emplois qui étaient vacants. Tels sont les bienfaits de l’autonomie.

Il n’y a pas eu, par ailleurs, de diminution d’effectifs au CNRS, et il en ira de même jusqu’en 2013. En revanche, nous augmentons le nombre de promotions aux grades non seulement de professeur – de 150 % –, mais aussi de directeur de recherches.

Quant à la décision de porter la part des programmes blancs à 50 % des programmes financés par l’ANR, c’est moi qui l’ai prise. Alors qu’ils en représentaient 25 % lors de mon arrivée au ministère, se faire attaquer sur ce point est un comble !

Madame Amiable, je suis très heureuse que vous vous fassiez la porte-parole du SNESUP à propos du contrat doctoral : voilà encore deux ans, il était hostile à sa création ! Ce contrat représente une avancée sociale majeure pour tous les doctorants de France : avant sa mise en place, en effet, les doctorants ne cotisaient pas pour leur retraite et ne bénéficiaient ni d’un contrat de travail ni du droit au congé maladie ou maternité. Le contrat doctoral – que nous avons créé en lien avec la Confédération des jeunes chercheurs (CJC) contre une opposition syndicale qui criait à la marchandisation de la fonction doctorale – permet aux doctorants de bénéficier d’un contrat de travail. Il leur ouvre les droits sociaux, notamment celui de cotiser pour leur retraite. Aujourd’hui, on compte 11 420 de ces contrats. Tous les doctorants sont sous contrat ; plus aucun n’est sous allocation de recherche.

Cette revalorisation du doctorat, qui en fait non seulement un diplôme, mais aussi une expérience professionnelle de trois ans, a également permis une augmentation de 12 à 25 % des salaires de début des doctorants recrutés comme maître de conférence ou sur d’autres postes de la fonction publique : contrairement au passé, ils peuvent, lors de leur embauche, exciper de trois ans d’expérience professionnelle. Que, à bac plus 8, ils puissent alors également disposer de trois ans de cotisation retraite leur est aussi très bénéfique. C’est le Gouvernement de Nicolas Sarkozy qui aura conduit cette réforme.

Comment, madame Amiable, pouvez-vous m’interroger ainsi sur l’IRSN ? Sa mission est pour nous si fondamentale que nous avons décidé de lui attribuer une redevance spécifique. Calculée en fonction des saisines de la part de l’Autorité de sûreté nucléaire, pour le compte de laquelle il réalise des travaux d’expertise, elle lui permettra de bénéficier de ressources propres, sans dépendre des aléas budgétaires.

Aujourd’hui le montant envisagé pour la redevance est de 30 millions d’euros. C’est pour cette raison que nous avons diminué à due concurrence la subvention attribuée à l’IRSN. Le contribuable ne doit pas être astreint à payer deux fois !

Par ailleurs, si en effet une fraction du conseil d’administration, – celle que vous représentez, sans doute – s’est prononcée contre cette réforme, tel n’a pas été le cas du conseil lui-même. Beaucoup plus logique que l’ancien, ce nouveau mode de financement de l’IRSN, en fonction des prestations de service, permet d’assurer la pérennité de ses missions.

Monsieur Jardé, enfin, je vous remercie de votre analyse.

M. Daniel Garrigue. La création de l’ANR en 2005 par le gouvernement de Dominique de Villepin a été un facteur de dynamisation de la recherche et de meilleure reconnaissance des équipes de chercheurs.

Selon notre rapporteur pour avis, Pierre Lasbordes, le taux des projets retenus passera de 22 % à 15 %. Cette évolution s’appliquera-t-elle aussi aux programmes blancs et aux jeunes chercheurs ? Pour ces catégories, il est en principe supérieur à 20 %.

Une partie des appels à projet, au moins, pourrait-elle être formulée pour des projets d’une durée supérieure à deux ou trois ans ?

Certains pensent que l’augmentation continue du préciput pèse sur la stratégie des organismes et des laboratoires de recherche. Quelle politique comptez-vous mener ?

Par ailleurs, la coordination avec le Conseil européen de la recherche se renforce-t-elle ?

La Cité des sciences et le Palais de la découverte ont été regroupés au sein de l’établissement Universcience, placé sous la présidence de Mme Claudie Haigneré. Quels seront les rôles respectifs d’Universcience et du ministère chargé de la recherche dans la diffusion de la culture scientifique ? Prévoyez-vous de transférer à Universcience des moyens en personnel de façon que la diffusion, au lieu de rester uniquement parisienne, s’étende à l’ensemble du territoire ?

Enfin, envisagez-vous d’assouplir les critères relatifs aux centres de culture scientifique, de façon à permettre à ces centres d’exercer notamment des activités de formation ? Autrement, ils disparaîtront complètement des villes moyennes pour ne plus subsister que dans les grandes métropoles.

M. Gérard Gaudron. Que le budget de l’enseignement supérieur soit l’une des priorités de notre majorité n’échappe à personne.

Madame la ministre, monsieur le ministre, vous avez déjà répondu sur le grand emprunt, le crédit d'impôt recherche et les primes d’excellence scientifique.

Autant notre recherche est mondialement reconnue, autant – une étude récente le fait apparaître – le métier de chercheur est insuffisamment valorisé. J’espère que les mesures proposées y remédieront et contribueront à pérenniser la qualité de notre recherche.

Par ailleurs, madame la ministre, pourriez-vous nous apporter des précisions sur les crédits destinés aux travaux de recherche – essentiels – sur les déchets nucléaires ?

Enfin, pourriez-vous apporter des informations concernant la nouvelle organisation dite « LMD », ou Licence-Master-Doctorat, et les passerelles entre les filières biologie et médecine, notamment à l’Université de Paris XIII ?

M. Gérard Charasse. Les instituts universitaires de technologie (IUT) sont sans doute la composante de l'université la plus en pointe en termes de professionnalisation en matière économique. Leur ancrage local fort concourt à ce résultat, de même que leur statut d’acteurs de l'aménagement et du développement durable des territoires – en parfaite conformité avec les objectifs de la loi SRU. Or, bien que le législateur ait tenu à conserver les spécificités de la gouvernance et de la gestion des IUT, il faut bien constater que les universités ne respectent pas toutes les textes qui régissent les moyens alloués aux instituts.

Madame la ministre, vous avez déjà été alertée, dès la mi-2009, par les présidents des conseils d’IUT. Le 16 septembre dernier, les 90 directeurs d'IUT présents à leur assemblée générale ont aussi pris une délibération d’alerte, justifiée par l’absence d’augmentation, voire la diminution – contrairement aux instructions – du budget qui leur est alloué. La diminution et la disparité des moyens alloués aux IUT peuvent en effet porter atteinte, à court et moyen terme, au caractère national des diplômes qu’ils délivrent.

En réponse aux questions qui vous avaient été adressées en novembre 2009, la Direction générale pour l'enseignement supérieur et l'insertion professionnelle (DGESIP) vient de publier un texte complémentaire à la note M.9.3 – relative à la structure budgétaire des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel dans le cadre des responsabilités et compétences élargies. Ce document, validé à l'unanimité par le comité de suivi réuni le 13 octobre 2010, a été diffusé le 14 octobre à la Conférence plénière des présidents d'universités. Il semblerait que la majorité des présidents présents ait émis un avis négatif sur le fond.

Vous nous l’avez dit, madame la ministre, vous avez adressé des instructions précises aux recteurs pour faire respecter les textes en vigueur et pour vérifier les allocations de ressources – moyens financiers et emplois – réservés aux IUT. Pouvez-vous faire le point sur une situation qui, si elle ne se normalisait pas, serait très préjudiciable aux IUT et à leurs étudiants, voire à l'existence même de ces établissements ?

M. Alain Marc. Madame la ministre, comment vos services comptent-ils intégrer dans leur action les schémas régionaux d’enseignement supérieur, élaborés à l’initiative des conseils régionaux afin de mieux rationaliser les implantations des établissements et des filières, notamment dans les départements ruraux ?

Cette prise en compte pourrait-elle remédier à la dispersion des moyens et contribuer à une meilleure efficacité de l’enseignement supérieur ?

M. Patrice Verchère. Le crédit d’impôt collection, intégré au sein du crédit d'impôt recherche, s’applique aux dépenses spécifiques que les entreprises industrielles des secteurs de l’habillement et du cuir consacrent, à intervalles réguliers, à de nouvelles collections. Il peut s’élever à 50 % de ces dépenses.

Les industries du textile sont inquiètes pour sa pérennité. L’Inspection générale des finances a en effet récemment émis l’idée de le supprimer, considérant qu’il était dépourvu de lien logique avec le crédit d'impôt recherche. Or, ce serait condamner définitivement une filière qui, grâce à lui, a su retrouver un second souffle en renouvelant sa réactivité et la créativité de ses collections.

Nos entrepreneurs ont besoin de stabilité fiscale pour garantir la sécurité de l’emploi, renforcer leurs prévisions et rester compétitifs sur le marché international. Envisagez-vous la reconduction de ce dispositif, ainsi que le maintien à 500 000 euros du seuil de minimis fixé par la réglementation européenne en matière d'aide d'État ?

Mme Annick Girardin. J’ai eu confirmation du ministre d’État, M. Jean-Louis Borloo, que les crédits nécessaires à la mission scientifique organisée dans le cadre du programme EXTRAPLAC en vue de l'extension du plateau continental français à Saint-Pierre-et-Miquelon sont bien inscrits au budget de 2011. C’est là une condition essentielle pour confirmer la dynamique engagée en 2009 avec le dépôt par la France auprès de l’ONU de la lettre d’intention indiquant que, conformément au droit maritime international, elle entend bien faire valoir ses droits en Atlantique Nord.

Tout d'abord, les conditions météorologiques imposent que cette mission puisse se mener à Saint-Pierre et Miquelon entre mai et octobre 2011. À cette fin, elle doit être classée prioritaire au sein du programme EXTRAPLAC. En qualité de ministre de tutelle de l’IFREMER, membre essentiel du programme, pouvez-vous nous confirmer que, conformément aux engagements pris à Matignon en début d'année, tel sera bien le cas ? Pourrez-vous y veiller ?

Ensuite, en cette année de la biodiversité, la mission de relevés scientifiques ainsi projetée ne devrait-elle pas être aussi l’occasion de procéder enfin à un début de recensement de la richesse animale et végétale de nos eaux froides ? Un tel couplage en optimiserait les résultats. Alors que des missions récentes ont été récemment conduites dans les eaux chaudes, et que nous pouvons espérer que des espèces marines nouvelles nous offrent des opportunités de développement économiques, la majeure partie de cette richesse demeure inconnue.

M. Robert Lecou. Spécialisé dans les recherches marines, l’IFREMER est aussi l’instrument d’un dialogue serein entre les professionnels, notamment ceux de la pêche, et les associations environnementales.

Mais la filière conchylicole aussi a besoin des réponses des scientifiques à la surmortalité considérable des naissains qui l’afflige aujourd’hui. Quel effort le budget qui lui sera alloué permettra-t-il à l’IFREMER de consentir pour cette action ?

L’opération Campus permet une meilleure structuration de notre enseignement supérieur et un meilleur positionnement de nos universités dans le concert mondial. Quel est son état d’avancement ?

Même si, avec plus de 13 000 chambres livrées cette année, les objectifs de construction de logements étudiants ont été atteints – et ce pour la première fois –, de très nombreux étudiants connaissent encore des difficultés de logement considérables. Madame la ministre, quelles mesures les crédits inscrits pour 2011 vous permettront-ils de prendre ?

Mme Françoise de Panafieu. En avril dernier, j’avais, madame la ministre, appelé votre attention sur la forte augmentation des droits d’inscription en master de gestion et d’économie internationale à l’Université de Paris-Dauphine. Les étudiants, dont la famille dispose d’un revenu annuel supérieur à 80 000 euros par an, paient en effet désormais 4 000 euros par année. Vous m’avez réaffirmé en juin votre détermination à faire respecter ses engagements par cette université – qui délivre majoritairement des diplômes nationaux – dont les droits d’inscription sont fixés annuellement par arrêté ministériel, sans toutefois évoquer le cas spécifique de ces nouveaux masters. Or, les masters les plus prisés de nombreuses universités, comme celui de Paris-Dauphine, n’entrent pas dans cette catégorie et sont assujettis à des frais d’inscription très élevés, fixés librement par les établissements. Des réductions de droits n’étant en règle générale accordées qu’aux étudiants dont les familles ont moins de 80 000 euros de revenus annuels, de nombreux étudiants sont exclus de ces formations, notamment ceux originaires des classes moyennes, dont les parents n’ont pas les moyens de payer de telles sommes, en sus de financer la vie quotidienne de l’étudiant. Ne faudrait-il pas mieux encadrer les droits d’inscription de ces nouveaux diplômes qui se développent dans nombre d’universités, à côté des diplômes nationaux aux droits réglementés ? N’ouvre-t-on pas sinon la voie à des diplômes « à deux vitesses » au sein d’une même université, au risque d’aboutir à deux catégories inégales de diplômés ?

M. Christophe Priou. Le site d’expérimentation du projet SEM-REV, tendant à produire de l’électricité à partir de l’énergie de la houle, porté par l’École centrale de Nantes, est l’un des candidats les plus sérieux identifiés par l’IFREMER pour la création d’une plate-forme des énergies marines renouvelables ainsi que dans le cadre des instituts d’excellence dans le domaine des énergies décarbonées (IEED), ouvrant droit aux financements du grand emprunt. Les études menées dans le cadre de la plate-forme IFREMER visent à choisir un site unique pour chacune des technologies éoliennes flottantes : atterrage ou dissipation en mer. La région Pays de la Loire a donc de bonnes chances de faire aboutir le projet SEM-REV. Pouvez-vous, madame la ministre, faire le point sur le financement qui sera accordé à la recherche en matière de nouvelles énergies, notamment marines, et donc au projet SEM-REV, à la fois dans le budget pour 2011 et dans le contrat de plan État-région 2007-2013 ?

Mme Françoise Imbert. Je souhaite, à mon tour, revenir sur la situation des étudiants, dont 10 % éprouvent de grandes difficultés à financer leurs études. La quasi-impossibilité pour beaucoup d’entre eux d’accéder à un logement étudiant – conjuguée à la cherté du logement dans le secteur privé – contribue à l’échec à l’université, en particulier en premier cycle. La livraison de 13 461 nouvelles chambres d’étudiants à la rentrée 2010, avec seulement 4 938 logements neufs, soit ce qui était prévu par le plan Anciaux en 2004, ne suffit pas. Il manque encore plus de 10 000 logements par rapport aux 60 000 promis dans ce plan ! Pour la présente année universitaire, ne sont disponibles qu’un peu plus de 60 000 logements gérés par le CROUS, alors qu’on compte près de 600 000 étudiants boursiers. Comment aller plus vite et agir plus fort en faveur du logement étudiant ?

2,3 millions d’étudiants sont inscrits cette année dans l’enseignement supérieur, dont 1,3 million à l’université, où ont été mis en place les nouveaux masters « Métiers de l’enseignement ». Ceux-ci ne semblent pas faire recette. Selon la CPU, début octobre, la baisse des effectifs à toutes les préparations aux concours de l’enseignement, désormais ouverts à bac + 5, variait entre 30 % et 50 % selon les académies. Où en est-on exactement ? N’est-ce pas, hélas, déjà un constat d’échec pour cette nouvelle formation des enseignants ?

M. Jean-Jacques Gaultier. Alors que vient de se dérouler la Fête de la science sur l’ensemble du territoire national, qui a attiré un nombre croissant de visiteurs scolaires, alors que chacun reconnaît la nécessité de multiplier et de renforcer les relais entre la science et le grand public, de donner aux jeunes, dès l’école, goût et intérêt pour les sciences, de ré-instaurer une relation de confiance entre la science et la société dans un contexte où certaines évolutions scientifiques et techniques inquiètent, au point d’être remises en cause, je souhaiterais, madame la ministre, des précisions sur l’évaluation et la labellisation des centres de culture scientifique, technique et industrielle (CCSTI), ainsi que sur les moyens qui leur seront alloués par l’État, dans le cadre des contrats de plan État-région ou hors de ceux-ci.

Pourriez-vous également faire le point sur l’état d’avancement des financements communautaires mis en œuvre à mi-parcours du 7ème programme-cadre européen de recherche-développement (PCRD) européen et sur le taux de retour financier pour la France ? Quelle proportion de nos projets candidats obtiennent-ils un financement ?

M. Jean-Paul Chanteguet. Le Président de la République déclarait, il y a quelques mois, que pour chaque euro investi dans le nucléaire civil, un euro le serait également dans les énergies renouvelables. Quel est le montant des crédits de recherche alloués respectivement à chacun de ces secteurs ? S’agissant des énergies renouvelables, comment se répartissent-ils entre énergie éolienne, solaire, issue de la biomasse et de la géothermie ?

Ma seconde question a trait au projet de réacteur ITER. Son coût a triplé, passant de 5,9 à 15 milliards d’euros, financés à 45 % par l’Union européenne, 20 % de ce financement communautaire étant supporté par notre pays, dont la participation passera de 500 millions à 1,3 milliard d’euro. Cette dérive aura-t-elle une incidence sur les autres programmes de recherche ? Ne pensez-vous pas, à l’instar de Georges Charpak, qu’il serait opportun de renoncer à ITER, projet à la fois hors de prix et inutilisable ?

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie. Monsieur Verchère, soyez rassuré, nous ne toucherons pas au crédit d’impôt collections. Le projet de loi de finances pour 2011, comme je m’y étais engagé, préserve intégralement cet outil très incitatif d’accompagnement des jeunes créateurs dans le domaine de la mode et du luxe. Aucun amendement gouvernemental susceptible de le remettre en cause ne sera présenté. J’invite bien entendu les parlementaires à ne pas en déposer non plus. Pas moins de 25 000 à 30 000 emplois dans notre pays sont en jeu. Des chartes de bonnes pratiques ont été signées avec le comité stratégique des filières afin de favoriser l’émergence de créateurs de talent, que plusieurs grandes maisons traditionnelles accompagnent aussi. Toucher à cet outil risquerait d’être fatal aux jeunes créateurs. Les ateliers Lefranc-Ferrant, que je visitais la semaine dernière, sont un emblème de cette réussite. Ayant démarré il n’y a pas si longtemps à partir de rien, grâce à l’intelligence et au savoir-faire de leurs créateurs, ces ateliers commencent d’avoir une notoriété internationale. Rien de tout cela n’aurait été possible sans le crédit d’impôt collections.

(M. Yves Censi remplace M. Michel Diefenbacher à la présidence.)

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur Garrigue, vous m’interrogez, comme M. Lasbordes, sur le taux de pression de l’ANR. Je ne comprends pas l’origine de ces inquiétudes car ce taux de pression n’augmente en rien. On a seulement supprimé les programmes de l’ANR redondants avec ceux du grand emprunt. Quant à la programmation triennale, elle n’est destinée qu’à permettre d’étaler les projets dans le temps. Il n’est absolument pas question d’augmenter le taux de pression à 15 % de projets, ce qui serait absurde. Une telle évolution serait d’ailleurs des plus improbables quand sont aujourd’hui lancés divers appels à projets pour un montant de 17 milliards d’euros. Les laboratoires trouveront largement matière à se porter candidats sur d’autres appels à projets que ceux de l’ANR. Je ne comprends décidément pas comment en décuplant les moyens de l’Agence, on pourrait augmenter le taux de pression !

Pour ce qui du préciput à 20 % – pourcentage qui, je le souligne, vient en plus et n’ampute donc en rien les crédits des laboratoires –, c’est moi qui ai tenu à le porter à ce niveau, pour se rapprocher de ce qui se fait dans les autres pays. Ces 20 % doivent permettre d’enclencher une logique vertueuse. Il sera très incitatif pour les établissements d’avoir un laboratoire se portant candidat sur un projet à l’ANR puisqu’il obtiendra 20 % de crédits supplémentaires chaque fois que l’un d’entre eux sera retenu pour un projet ANR, somme qu’ils pourront utiliser pour couvrir leurs coûts de fonctionnement mais aussi renforcer leur stratégie globale. Il est vrai que nous avons choisi de verser le préciput à l’hébergeur, le plus souvent l’université, moins souvent l’organisme de recherche qui affecte des moyens dans une unité mixte, mais c’est logique. L’un des gros problèmes réside en effet dans l’entretien des bâtiments, des matériels, des services communs. Or, il en va des conditions de travail et de vie des chercheurs. Une utilisation exclusive des crédits de l’ANR pour les projets de recherche conduirait à une impasse. Une certaine mutualisation au profit des infrastructures des établissements hébergeurs paraît bienvenue.

Au niveau européen, il est vrai que nous coopérons peu avec l’European Research Council, mais cela tient à son mode actuel de fonctionnement. Il n’existe pas aujourd’hui, à ma connaissance, de programmation thématique de l’ERC liée aux stratégies nationales de recherche. L’ERC privilégie l’approche par projets, réservant son aide aux meilleurs d’entre eux. On pourrait creuser pour aller dans le sens de la coopération que vous appelez de vos vœux, mais ce n’est pas sur ce modèle que fonctionne pour l’instant l’ERC.

S’agissant d’Universciences, je vous rassure : tous les crédits restants de mon ministère en matière de culture scientifique et technique seront bien transférés au nouvel établissement public dirigé par Claudie Haigneré. Universciences a vocation à être l’opérateur de l’État en matière de diffusion de la culture scientifique. Il devra travailler avec d’autres villes que Paris et animer un véritable réseau national : le ministère y veillera. Un appel à projets de 50 millions d’euros sera prochainement lancé par Claudie Haigneré sur le thème de la culture scientifique. Tous les CCSTI, y compris ceux des villes moyennes, devront y être associés. Nous aurons l’occasion d’en reparler lors de la fixation des règles de cet appel à projets.

Monsieur Gaudron, nous travaillons sans relâche à valoriser les métiers de la recherche. Pour ce qui est des carrières et des métiers stricto sensu, nous avons dégagé 280 millions d’euros sur la période 2009-2011 ; nous avons augmenté de 12 % à 25 % les salaires d’embauche des maîtres de conférence ; nous avons valorisé toutes les activités des enseignants-chercheurs, en sus de l’enseignement et de la recherche, ce qui n’était pas fait jusqu’à présent ; nous avons doublé la prime pédagogique versée aux chercheurs qui parallèlement enseignent ; nous avons créé la prime d’excellence scientifique ainsi que les chaires d’excellence ; nous avons doublé le nombre des places à l’Institut universitaire de France ; nous avons largement multiplié le nombre de promotions possibles et ouvert la possibilité aux équipes d’un intéressement collectif. Mais il faut aller plus loin encore. Cette valorisation des métiers de la recherche ne prendra tout son sens que lorsque les chantiers de l’opération Campus auront été lancés, car l’environnement de travail des chercheurs n’est bien entendu pas indifférent. À mon arrivée au ministère, on dénombrait 38 % de locaux vétustes, ce qui inévitablement donnait une mauvaise image des métiers de la recherche et ne contribuait pas à l’épanouissement des personnels !

M. Lecou m’a justement interrogée à propos de l’opération Campus. Nous avons abondé la dotation issue de la vente de titres EDF par des crédits issus du grand emprunt. Tous les chantiers prévus seront lancés d’ici à la fin de l’année. Le Président de la République inaugure demain une remarquable exposition à la Cité de l’architecture, que je vous invite tous à visiter. Y sont présentés nos projets pour les 46 établissements concernés par ce plan.

J’en viens au logement étudiant. Nous sommes désormais en phase avec les objectifs du plan Anciaux. Nous construisons 5 000 logements par an et en réhabilitons largement plus de 7 000 par an – 8 500 l’ont été cette année. En quatre ans, ce sont 44 000 chambres neuves ou réhabilitées qui auront été mises à la disposition des étudiants. Cela peut paraître peu, mais c’est 25 % du parc du CROUS qui ne comporte que 160 000 chambres. En dépit de l’augmentation substantielle des budgets, la solution ne peut pas passer exclusivement par le CROUS. Il faut faire feu de tout bois. Nous allons réaffecter d’anciennes casernes militaires à Arras et Versailles ; nous construirons d’autres logements modulaires, comme nous l’avons fait au Havre et à Compiègne. Cela étant, rien ne pourra se faire sans les collectivités territoriales ni les acteurs locaux du logement social. Tous doivent faire du logement étudiant une priorité. Avec mon collègue chargé du logement, Benoist Apparu, nous lancerons d’ici à la fin de l’année une conférence nationale du logement étudiant. On ne peut pas en ce domaine tout attendre de l’État. Nous avons besoin d’avoir à nos côtés les grandes villes universitaires, où les tensions en matière de logement étudiant sont les plus vives.

Monsieur Gaudron, vous m’avez demandé quand l’Université Paris XIII instituerait, comme le demandent les étudiants, des passerelles entre la filière biologie et celles des métiers de la santé. Je vous réponds : dès 2011.

Monsieur Charasse, vous avez évoqué, à juste titre, le sujet des IUT. Nous avons alloué aux universités autonomes des budgets globaux, qu’elles doivent apprendre à gérer de manière globale, tout en garantissant un juste équilibre entre leurs diverses composantes. Je le redis ici, les IUT sont une composante essentielle des universités. Les budgets de ces filières, qui offrent un excellent taux d’insertion professionnelle, doivent être au moins maintenus, sinon accrus. Après qu’une charte des bonnes pratiques a été élaborée, les présidents d’université s’y sont engagés. Ils doivent tenir leur engagement. Des contrats d’objectifs ont été signés, et les IUT, comme toutes les autres filières, doivent bénéficier de l’exceptionnelle augmentation de 18 % des crédits des universités. La circulaire explicitant les règles d’attribution des crédits à leur profit doit être respectée. Si des problèmes se posent ça ou là, j’enverrai des représentants du ministère sur place afin de tout tirer au clair. Et si des points noirs persistent, les décisions illégales éventuellement prises, au mépris des circulaires ministérielles, seront déférées au tribunal administratif. Je me veux garante de la tenue des engagements pris de part et d’autre.

Monsieur Marc, en même temps que nous cherchons à faire émerger des pôles universitaires à visibilité mondiale, nous souhaitons consolider les pôles universitaires de proximité. Nous travaillons ainsi à la mise en place d’un premier cycle universitaire fondamental qui réunirait les classes préparatoires, les classes de BTS, les IUT, les licences, jusqu’à la licence professionnelle, et aurait vocation à dynamiser l’enseignement supérieur dans les villes moyennes. C’est toute la logique de l’expérimentation en cours avec les BTS, du plan de sauvegarde et de développement des IUT, du plan de développement des licences professionnelles, de la création de classes préparatoires dans des villes qui jusqu’à présent n’en avaient pas. Nous avons besoin de ces pôles de proximité, qui seront des pôles de professionnalisation et devront travailler en réseau avec les grands centres universitaires régionaux, dont ils seront une émanation. Nous travaillons à l’élaboration des schémas universitaires régionaux avec les conseils régionaux, les préfets et les recteurs. Nous espérons pouvoir vous en rendre compte d’ici à la fin de l’année.

Madame Girardin, une Fondation de coopération scientifique pour la recherche sur la biodiversité a été créée, dont nous avons doublé le budget. Elle doit être un interlocuteur privilégié pour les projets de préservation de la biodiversité partout sur le territoire. Elle y travaille, portant, je le sais, une attention toute particulière à l’outre-mer et à la gestion du plateau continental. Dites-moi, si besoin, ce que je peux faire pour faciliter vos relations avec cette fondation.

M. Lecou et M. Priou ont tous deux évoqué l’IFREMER. L’IFREMER présentera plusieurs projets dans le cadre du grand emprunt, un concernant la flotte pour les équipements d’excellence, un autre concernant les énergies marines. Mon ministère y prête la plus grande attention, de même que celui de Jean-Louis Borloo, pour qui ces projets sont également une priorité. Comme vous le savez, pour le grand emprunt, mon ministère ne décide pas, ne faisant qu’accompagner les porteurs de projets. Dès lors, même si un projet n’est pas retenu dans ce cadre, il aura toujours été utile pour l’organisme qui l’aura soumis de s’être ainsi projeté dans l’avenir et d’avoir construit une stratégie autour de ses points d’excellence. Le budget de l’État ou celui du contrat d’établissement pourra éventuellement prendre le relais. Soyez pleinement rassuré, monsieur Priou, le projet nantais SEM-REV est jugé tout à fait intéressant à ce stade des auditions.

Mme de Panafieu m’a interrogée sur les droits d’inscription à Paris-Dauphine et Mme Imbert sur le financement des études, deux sujets qui sont liés. Tout établissement universitaire autonome a désormais le droit de délivrer des diplômes d’établissement dont il peut librement fixer les droits d’inscription. Le tribunal administratif a été saisi de la décision de Paris-Dauphine, la question se posant de savoir s’il s’agit réellement de nouveaux diplômes ou seulement d’une transformation de diplômes nationaux en diplômes d’établissement, dans le seul but de les rendre payants. Si tel était le cas, le Conseil d’État, que j’ai saisi, considérerait qu’il y a eu abus de droit. Nous attendons l’issue de l’instance judiciaire. J’ai en tout cas tenu à rassurer les étudiants de Dauphine. Si ces diplômes viennent à être requalifiés en diplôme national, ils seront remboursés de leurs droits d’inscription. S’ils demeurent diplômes d’établissement, ils obtiendront sans problème une équivalence avec un master national, tant la maquette de ces masters est de grande qualité. Je me porte garante en tout cas qu’il n’y aura pas deux catégories de diplômes ni de diplômés.

Madame Imbert, c’est sous la présidence de Nicolas Sarkozy qu’aura été institué le dixième mois de bourse, comme les syndicats étudiants le demandaient depuis des années. Je tiens à souligner ici que les bourses accordées par les régions, notamment pour les formations sanitaires et sociales, sont aujourd’hui de 400 à 600 euros par an inférieures aux bourses d’État. J’appelle donc toutes les régions à suivre l’exemple de l’Alsace en revalorisant le montant de leurs bourses.

Nous allons également plus loin en matière de financement des études en défiscalisant le travail étudiant et en créant des centaines de milliers d’heures d’emplois dans les universités – notamment dans le cadre du plan « Bibliothèque » qui permet leur ouverture tardive ainsi qu’en fin de semaine.

En ce qui concerne les nouveaux diplômes de masterisation, le faible nombre d’étudiants inscrits s’explique par une offre de formation qualitative et quantitative beaucoup plus importante qu’auparavant avec laquelle les étudiants doivent donc se familiariser. Dans la phase transitoire que nous traversons, ces derniers ont joué la carte de la sécurité en se dirigeant vers des diplômes bien répertoriés, mais cela changera avec la réussite de leurs condisciples qui auront choisi ces voies nouvelles.

Alors que la France, monsieur Gaultier, contribue à hauteur de 16 % au budget du 7ème programme-cadre de recherche-développement de la Commission européenne, elle ne bénéficie d’un retour qu’à hauteur de 13 % : outre que notre pays remporte nombre d’appels à projets nationaux compte tenu notamment de l’ampleur des financements de l’ANR ou de la part du grand emprunt dédiée à la recherche, l’excessive bureaucratisation de ce programme est en effet patente. Par ailleurs, j’ai d’autant plus veillé à demander à la présidence belge du Conseil de l’Union européenne la simplification du programme-cadre que nous avons eu des déconvenues avec le dernier d’entre eux, CNRS et CEA s’étant vus demander le versement d’un trop perçu faute d’avoir pu prouver que les chercheurs n’avaient pas pointé les heures effectuées. En outre, présenter plus de dossiers suppose d’accroître l’attractivité des programmes-cadre. Nous privilégions donc quant à nous une logique de programmation conjointe sur des priorités européennes de recherche comme la maladie d’Alzheimer ou les questions relatives à l’alimentation et aux nouvelles énergies – ce qui permettra de mettre en œuvre une véritable politique de coopération interétatique avec les financements adéquats.

Monsieur Chanteguet, la part respective du financement des secteurs du nucléaire civil et des énergies renouvelables s’est élevée en 2010 à 444 et 460 millions, preuve d’un équilibre particulièrement bienvenu.

Il est par ailleurs exact que le prix d’ITER a été multiplié par trois, mais ce projet ambitieux, coûteux et risqué n’en fait pas moins l’unanimité de l’ensemble de ses partenaires internationaux comme j’ai pu le constater moi-même aux États-Unis, en Chine et au Japon. Si vous me permettez de filer une métaphore énergétique un peu archaïque : l’enjeu en vaut la chandelle. J’ajoute que la France devrait être la dernière à envisager la remise en cause d’un tel projet car elle en sera la première bénéficiaire, notamment la région PACA – les collectivités territoriales ont d’ailleurs déjà beaucoup investi. Je précise, de surcroît, que nous sommes parvenus à financer les surcoûts d’ITER sans augmenter les impôts des contribuables européens au budget de l’Union en utilisant les crédits non consommés de ce dernier. Enfin, le changement de la gouvernance permettra désormais de ne procéder qu’à des dérapages… contrôlés.

M. Yves Censi, président. Je vous remercie, madame la ministre, pour ces réponses directes et argumentées.

Le débat est clos pour les crédits de la recherche.

Nous abordons à présent l’examen des crédits de l’enseignement supérieur.

M. Laurent Hénart, rapporteur spécial pour l’enseignement supérieur et la vie étudiante. Avec plus de 700 millions consacrés à l’enseignement supérieur dans le cadre certes de ce budget mais, également, de partenariats publics-privés (PPP) ou de l’opération Campus, l’augmentation des moyens consacrés à l’enseignement supérieur est constante. Je souligne également comme vous, madame la ministre, que dans ce secteur la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, qu’il s’agisse d’enseignants-chercheurs ou de personnels administratifs ou techniques, ne sera pas appliquée.

L’évolution de la masse salariale dans les universités bénéficiant des compétences élargies en matière budgétaire constitue une question délicate. Si l’autonomie vise à développer une gestion beaucoup plus ouverte et cohérente des ressources humaines par rapport aux projets scientifiques et pédagogiques de chaque établissement – l’université devant dès lors assumer sur ses propres deniers les conséquences des décisions qu’elle prend –, l’État ne transfère pas moins la gestion de personnels dont il était auparavant l’employeur direct. Je rappelle de surcroît que, outre la performance, l’Assemblée nationale et le Sénat ont souhaité que soit pris en compte, au moins en partie, l’aspect Glissement Vieillesse Technicité (GVT) dans le cadre des dotations à l’activité. Qu’en est-il donc de la cohorte 2009 en la matière ? De plus, qu’en est-il de la politique de recrutement des universités, de l’évolution des fourchettes de salaires et de la mise en place éventuelle de systèmes de primes par les conseils présidentiels ?

Par ailleurs, s’agissant du logement étudiant, je souligne ce petit exploit qu’est le dépassement des chiffres prévus par le plan Anciaux tant en ce qui concerne la construction que la réhabilitation. Les perspectives de dévolution du patrimoine immobilier, quant à elles, seront-elles plus importantes l’année prochaine qu’elles ne le furent par le passé ? Comment l’État joue-t-il son rôle d’accompagnateur en la matière, notamment en ce qui concerne la capacité des établissements à assurer la maîtrise d’ouvrage ?

De la même manière, quelles conclusions tirez-vous des évolutions importantes qu’a connues l’enseignement privé en 2010 et quelles sont les perspectives pour 2011 ? Quid du changement éventuel du rythme quadriennal en vigueur dans l’enseignement supérieur ?

Enfin, compte tenu des difficultés à prévoir le nombre réel de bénéficiaires du demi-dixième mois de bourse, comptez-vous agir pour l’année scolaire 2011-2012 comme pour 2010-2011 en procédant à un ajustement en cours d’exécution budgétaire ? La question est d’autant plus importante que 78 millions ont été inscrits.

À l’issue de cette intervention, je tiens à remercier vos services, madame la ministre, pour la réactivité dont ils ont fait preuve eu égard à nos travaux de commissaires.

M. Olivier Jardé, rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation. Si nos grandes écoles ont jusqu’à présent joué un rôle fondamental, ne constituent-elles pas d’autant plus aujourd’hui un handicap pour l’ensemble de notre enseignement supérieur que le classement de Shanghai – où elles s’intègrent difficilement – est unanimement reconnu et qu’il conditionne largement le comportement des étudiants ? Si, en effet, je suis persuadé de l’excellence de notre enseignement supérieur, je ne le suis pas moins de sa nécessaire adaptation.

J’ajoute que si les grandes écoles nous pénalisent en raison de leur émiettement – de petites structures concentrant des budgets importants –, nous disposons d’excellentes écoles professionnelles même si elles ne sont pas toujours orientées vers la recherche – quoique la situation semble évoluer positivement de ce point de vue. En l’occurrence, le contrat doctoral constitue une très bonne disposition.

Les classes préparatoires aux grandes écoles, quant à elles, doivent-elles demeurer au sein des lycées ou migrer vers les universités puisque, notamment après une hypokhâgne ou une khâgne, la plupart des étudiants y échouent – non au sens négatif du terme, cela s’entend ? Est-il à ce propos envisageable de constituer de nouveaux établissements fonctionnant sur un mode fédéral, dotés d’une personnalité morale et relativement autonomes – ce qui permettrait d’améliorer notre situation dans le classement de Shanghai ? De surcroît, la gouvernance des établissements de « nouvelle génération » n’impliquerait-elle pas la mise en place de conseils d’administration plus resserrés afin que ces derniers s’insèrent parfaitement dans la loi LRU ?

Par ailleurs, ne conviendrait-il pas de remédier à une difficulté fiscale de manière à encourager le service d’enseignement partagé ?

Enfin, peut-on envisager que des étudiants s’inscrivent spécifiquement à un PRES qui délivrerait un diplôme national comme, par exemple, un master et, en matière de gouvernance, ne peut-on par ailleurs abandonner la distinction entre membres fondateurs et associés ?

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. La question de l’autonomie, de la gestion de la masse salariale et des ressources humaines est cruciale. Avec une augmentation moyenne de 18 % entre 2007 et 2011, 280 millions dédiés au plan « carrière », un ensemble de moyens spécifiques accompagnant le passage à l’autonomie, des marges de manœuvre accrues, une requalification de 900 emplois de catégorie C en catégorie A et un bonus de 10 % de l’enveloppe indemnitaire de chaque université devenue autonome permettant notamment de mettre en place une politique de primes, l’enseignement supérieur a bénéficié de moyens substantiels. Les universités autonomes se sont d’ailleurs entièrement saisies de ces derniers afin de mener des politiques de recrutement puisqu’elles se sont dotées de 5 % d’emplois supplémentaires, 1 000 postes vacants ayant été ainsi pourvus. Elles en ont également profité pour dynamiser leur politique d’emploi et de recherche en créant des postes ad hoc pour des « stars » – je pense au recrutement du Prix Nobel de physique George Smoot à Paris VII ou à celui de professeurs d’Harvard à Toulouse I. L’Université de Lorraine chère à votre cœur, monsieur le rapporteur spécial, projette d’ailleurs de recruter avec l’Université de Luxembourg un autre Prix Nobel. J’ajoute qu’un tel système favorise la mise en place de politiques de primes – tant sur un plan individuel que collectif – dont bénéficient également les personnels administratifs.

De surcroît, des actions incitatives ont également été menées – ainsi de la création d’un fonds pour l’innovation pédagogique doté de 200 000 euros à Aix-Marseille II.

Enfin, les universités ont mis en place des politiques sociales inédites et, à un niveau qui n’avait jamais été atteint, des formations innovantes.

Un premier bilan de la politique d’autonomie sera par ailleurs réalisé, s’agissant notamment des bénéfices que l’ensemble des personnels a pu retirer de cette dernière.

En ce qui concerne la dialectique budgétaire État-Université – si technique soit-elle quant à l’évolution du point de la fonction publique ou de celle des règles en matière de pension, par exemple –, je sais que les universités autonomes s’interrogent en particulier sur l’impact du vieillissement de leurs personnels quant à leur gestion et donc, sur l’évolution de leur GVT. À moyen terme, il est acquis que ce dernier décroîtra puisque les départs en retraite de la génération du baby-boom seront massifs – même s’ils ont été décalés par rapport à d’autres corporations puisque les professeurs partent à la retraite à l’âge de soixante-huit ans et que les maîtres de conférence qui ne disposeraient pas de l’ensemble de leurs trimestres de cotisation peuvent également différer leur départ.

Avant le processus d’autonomie, le GVT était globalisé au sein du budget de l’État et les universités ne se souciaient pas directement de son traitement. Aujourd’hui, son évolution peut être positive ou négative sur le budget de chacune d’entre elles puisqu’il leur revient de piloter la gestion de leur masse salariale et d’y intégrer ce dernier à l’instar de n’importe quel autre facteur d’évolution comme le ferait, par exemple, une collectivité territoriale ou un organisme de recherche. Quoi qu’il en soit, nous nous situons dans une phase d’apprentissage et nous donnerons aux universités qui rencontrent des difficultés les outils leur permettant de les surmonter. Il n’en reste pas moins que la couverture financière systématique du GVT par l’État est parfaitement contradictoire avec l’idée d’un budget global incluant par définition toutes les composantes de l’évolution d’une masse salariale.

Si deux universités – Paris VI et Corte – se sont prononcées très tôt en faveur de l’acquisition de la compétence patrimoniale, huit autres se sont manifestées depuis. Le transfert de gestion du patrimoine constitue en l’occurrence la deuxième étape de la mise en œuvre de l’autonomie, laquelle est consubstantielle à l’exercice plein et entier de politiques scientifiques et pédagogiques autonomes. Cela étant, comme il est hors de question de confier la gestion d’un patrimoine immobilier à des universités qui ne disposeraient d’aucun projet pour celui-ci, nous avons souhaité qu’avant le transfert ces dernières puissent définir une politique et des schémas directeurs immobiliers afin de promouvoir une véritable vision stratégique à moyen terme, une comptabilité patrimoniale digne de ce nom et, enfin, les équipes professionnelles idoines. Paris VI par exemple, étant en charge de la gestion d'un patrimoine immobilier de 1 milliard d’euros et de 30 000 mètres carrés de droits à construire en face de Notre-Dame, il importe grandement de prendre la mesure des potentialités offertes.

J’ajoute que quantité de financements innovants permettent de dynamiser la gestion de ce patrimoine et que la définition d’une stratégie immobilière n’implique pas nécessairement la possession d’un patrimoine, comme j’ai pu le constater en visitant des universités étrangères. L’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, par exemple, dont le nouveau learning center a reçu le Prix Pritzker d’architecture, a ainsi réussi à faire financer ce centre uniquement par des partenaires privés en étant simplement locataire du terrain sur lequel il a été construit.

En 2011, 16 millions d’euros permettront aux universités qui le souhaitent de se doter d’une stratégie immobilière et de mobiliser les terrains disponibles. J’y insiste toutefois : il ne suffit pas de disposer d’un patrimoine immobilier pour que cela réussisse. Il faut de véritables compétences et un dynamisme que les universités se doivent d’acquérir.

En 1992, M. Jack Lang avait promis la mise en place d’un processus de contractualisation avec l’enseignement supérieur privé, lequel n’a été effectif qu’en 2010. Nous avons donc réalisé un grand pas en avant, à la satisfaction des établissements associatifs. La démarche est en l’occurrence gagnant-gagnant, et pour l’État qui a étendu à ces établissements des procédures d’évaluation en vigueur à l’université afin de mesurer, notamment la qualité des formations, les résultats de la recherche, la réalité des partenariats avec les universités, la définition d’objectifs à atteindre, et pour les établissements qui se repositionnent au cœur du système d’enseignement supérieur aux côtés et en partenariat avec les universités – l’Institut Catholique de Lille sera ainsi partie prenante, par exemple, dans le projet d’investissement d’avenir que les établissements lillois déposeront.

La contractualisation, par ailleurs, s’est accompagnée de moyens inédits à hauteur de 25 % l’année dernière et de 36 % entre 2007 et 2011. En 2011, précisément, l’État sera à nouveau au rendez-vous avec le déblocage de 3 millions supplémentaires alors qu’aucun nouvel établissement ne sera contractualisé. Au total, depuis 2007, les augmentations auront été de 41 %.

Je n’ignore pas que certains, monsieur le président Censi, envisagent de défendre un amendement abondant de 10 millions supplémentaires les moyens dont disposent ces établissements à partir de ceux dont bénéficient les organismes de recherche. Or, outre que le budget de ces derniers est tendu, ils devront réaliser des économies de fonctionnement afin notamment de parvenir à valoriser les carrières des enseignants-chercheurs. Dans ces conditions, il sera difficile de les mettre encore à contribution alors que les moyens des établissements associatifs, je le répète, ont augmenté depuis quatre ans. Pour toutes ces raisons, je demande le retrait de cet amendement.

Parce que la jeunesse constitue une priorité pour le Gouvernement, le Président de la République a pris deux décisions importantes à l’occasion de cette rentrée : sanctuariser la politique d’aide aux étudiants et à leurs familles s’agissant du logement et de la fiscalité ainsi que donner un dixième mois de bourse aux étudiants boursiers afin d’accompagner l’allongement de l’année universitaire à dix mois de scolarité. Cela correspond à une augmentation des bourses de 6 % cette année et, pour les étudiants les plus défavorisés, de 20 % en quatre ans. Le deuxième demi-mois sera quant à lui versé au cours de l’année universitaire 2011-2012 si les engagements d’allongement de l’année universitaire pris par les universités sont tenus. De ce point de vue, les déclarations de certains responsables étudiants selon lesquelles la rentrée aurait été cette année le 1er octobre m’ont paru préoccupantes : les étudiants sont rentrés à la mi-septembre et il est impératif que cette année soit complète afin qu’accompagnement pédagogique et social se complètent harmonieusement.

Monsieur Jardé, vous avez raison : il faudrait que les professeurs qui font des heures supplémentaires dans un autre établissement que le leur bénéficient eux aussi des mesures de défiscalisation. Nous étudierons la question, mais, en raison du contexte budgétaire extrêmement tendu, ce n’est pas prévu pour 2011.

Je souhaite que les pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) développent une action commune en matière de diplômation et de formation par la recherche. Cinq d’entre eux ont d’ores et déjà prévu de délivrer un diplôme de doctorat : le PRES ParisTech, le PRES de Grenoble, le PRES de l’Université de Lorraine, le PRES Paris Cité et le PRES Université Paris-Est. Il convient d’encourager ce mouvement. La proposition de loi des sénateurs Philippe Adnot et Jean-Léonce Dupont répond à cette préoccupation.

S’agissant de la distinction entre membres fondateurs et membres associés, je reconnais qu’elle ne facilite pas l’intégration des grandes écoles dans les PRES. Je souhaite favoriser le rapprochement entre les universités et les grandes écoles ainsi que la création de classes préparatoires mixtes et de classes préparatoires dans les universités, mais je refuse de casser ce qui marche. Il faut néanmoins inciter les classes préparatoires à conclure des partenariats structurels avec les universités. C’est pourquoi, à la rentrée de septembre, j’ai pris l’engagement qu’il n’y aurait plus d’ouverture de nouvelles classes préparatoires sans un partenariat avec l’université, de manière à favoriser l’acquisition de la double culture par les étudiants.

Peut-on concevoir un nouveau modèle d’établissement, géré selon un mode fédéral, dans lequel chaque composante disposerait d’une personnalité morale et d’une certaine autonomie ? C’est déjà possible, soit par l’intermédiaire des PRES, avec une gouvernance restructurée, soit en adoptant le statut de grand établissement, comme l’envisage l’Université de Lorraine, soit en créant au sein des universités des écoles clairement identifiées.

Permettez-moi de remarquer qu’il est paradoxal de demander à l’État d’être le grand ordonnateur de PRES qui ont vocation à être autonome ! Les universités peuvent parfaitement faire évoluer leur organisation en interne, soit en augmentant le nombre des personnalités qualifiées, soit en créant des sénats académiques afin que les différentes composantes soient mieux représentées. Elles bénéficient aujourd’hui d’une réelle autonomie, qui s’exprimera, je l’espère, dans les investissements d’avenir.

Quant aux classements internationaux, nous travaillons d’arrache-pied à améliorer la position de la France. Toutefois, il ne suffit pas d’améliorer le fonctionnement de notre université, encore faut-il le faire savoir ! Telle est la raison de ma récente visite à l’Université Jiao Tong de Shangai.

M. Yves Censi, président. Comme le temps presse, je vous propose de réduire à deux minutes la durée des interventions des porte-parole des groupes.

M. Daniel Fasquelle. Madame la ministre, je salue votre action et celle du Gouvernement, qui répondent au souhait du Président de la République de faire de l’enseignement supérieur et de la recherche une priorité pour notre pays. Cette ambition trouve sa concrétisation dans le présent projet de loi de finances pour 2011, notamment pour ce qui concerne le logement étudiant et les bourses universitaires.

S’agissant de la lutte contre l’échec en premier cycle universitaire, quels sont les premiers résultats du plan pour la réussite en licence ?

Vous avez souhaité un rapprochement entre les universités, de manière à leur donner une plus grande visibilité au plan national et au plan international, ce qui a abouti à des fusions. Ce mouvement va-t-il se poursuivre, et si oui, sous quelle forme ?

Enfin, si les cycles d’études fondamentales renforceront de toute évidence les universités de proximité, je suis convaincu que celles-ci ont également vocation à conserver des masters 2 et des centres de recherche, en particulier lorsqu’elles sont en relation avec des pôles de compétitivité.

M. Régis Juanico. Madame la ministre, nous sommes habitués à vos présentations toujours très optimistes des projets de lois de finances initiales, qui tournent parfois à l’exercice d’autosatisfaction. Pour notre part, nous avons appris à nous méfier des effets d’annonce et de certains chiffres dont la crédibilité paraît douteuse.

De ce point de vue – et cet avis sera partagé par tous mes collègues –, les documents budgétaires sont de moins en moins lisibles : on a le plus grand mal à faire le lien entre deux années successives.

Vous avez coutume de dire que vous êtes la ministre des engagements tenus. Pourtant, l’engagement du Président de la République d’accroître chaque année de 1,8 milliard d’euros le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche ne sera pas tenu, le rapporteur ayant évoqué une augmentation de 700 millions d’euros pour 2011 – et je pense que ce ne sera pas non plus le cas l’année prochaine.

Autre engagement non tenu, datant de septembre 2009 : le versement d’un dixième mois de bourse aux étudiants. Lorsque nous avions proposé cette mesure en 2008, vous vous y étiez opposée, parce que vous estimiez que l’année universitaire durait neuf mois et non dix. Aujourd’hui, vous la mettez en œuvre, mais seulement à moitié : il manque 80 à 90 millions d’euros dans le projet de budget. Il faudra donc attendre 2012 pour voir cet engagement se concrétiser.

Enfin, le plan Anciaux, prévoyait la construction ou la réhabilitation de 48 000 logements étudiants en quatre ans. Vous en annoncez 44 000 : le compte n’y est pas !

Quant au plan pour la réussite en licence, les moyens financiers ne sont pas au rendez-vous.

Votre projet de budget ne prévoit pas de suppression de postes, ce qui est positif, mais il faudrait aussi créer de nouveaux emplois !

M. Yves Censi, président. Merci de conclure, monsieur Juanico.

M. Régis Juanico. Le ministère a publié une enquête très instructive sur le taux d’insertion professionnelle trente mois après l’obtention d’un diplôme universitaire bac + 5 : les résultats sont comparables à ceux des grandes écoles, autour de 92 %. Les universités de proximité, pluridisciplinaires, comme celle de Chambéry – qui a fait récemment l’objet d’un article dans le quotidien Le Monde – s’en sortent particulièrement bien. Que comptez-vous faire pour soutenir, à côté des campus d’excellence prévus par le grand emprunt, des projets plus modestes, mais qui sont structurants au niveau local ?

M. Yves Censi, président. Il faut vraiment conclure, monsieur Juanico.

M. Régis Juanico. J’en ai fini, monsieur le président, mais permettez-moi de dire qu’il est anormal de modifier les règles en cours de débat. Il était prévu que les représentants des groupes disposent de cinq minutes pour s’exprimer. Je vous rappelle que nous sommes là depuis ce matin neuf heures.

M. Yves Censi, président. C’est précisément pourquoi nous devons accélérer !

Mme Sophie Delong. En 2008, madame la ministre, vous avez mis en place un nouveau prêt étudiant garanti par l’État, sans caution parentale, sans condition de ressources, et avec une possibilité de remboursement différé. Ce dispositif vient avantageusement compléter les autres modes de financement que vous avez cités. Toutefois, force est de constater qu’il reste méconnu des étudiants. Par ailleurs, le système actuel ne semble pas inciter ceux-ci à opter pour ce mode de financement, car les taux d’intérêt pratiqués par les banques sont équivalents, voire supérieurs, aux taux du marché.

Les banques, partenaires de l’État dans ce dispositif, font-elles la promotion du prêt auprès des étudiants qui le demandent ? Compte tenu du chômage important des jeunes, ne faudrait-il pas conditionner le remboursement du prêt à l’accès de l’étudiant à un emploi ?

Mme Marie-Hélène Amiable. Madame la ministre, vous nous annoncez la concrétisation des projets liés au grand emprunt et à l’opération Campus, mais le versement de ces fonds reste en réalité conditionné à la réalisation de partenariats public-privé (PPP) et à l’octroi du label « Initiatives d’excellence ». Pourriez-vous nous indiquer quel montant, sur les 420 millions d’euros inscrits dans la loi de finances pour 2010, a été effectivement utilisé pour la mise en œuvre de l’opération Campus ?

Au final, l’enseignement supérieur ne bénéficiera que de 198 millions d’euros de crédits supplémentaires, soit une hausse de 1,3 %, ce qui représente une baisse en euros constants.

En ce qui concerne le programme « Vie étudiante », nous nous inquiétons fortement de la restriction du budget de fonctionnement du réseau des Œuvres universitaires. Comment vont être organisés ses services ?

Notons également que vous ne tiendrez pas votre engagement de verser un dixième mois de bourse aux étudiants, puisque vous ne concédez qu’un demi-mois supplémentaire pour l’année universitaire 2010-2011. Or l’UNEF a indiqué que le coût de la vie étudiante avait augmenté de 4,3 % cette année.

Par ailleurs, la dotation du Fonds national d’aide d’urgence va diminuer de 9,5 millions, soit 19,2 %.

Je veux à mon tour souligner le retard pris par rapport au plan Anciaux. J’en profite pour regretter la suppression de 548 chambres dans la résidence universitaire d’Antony et la programmation dans les deux années à venir de la destruction totale ou partielle de quatre autres bâtiments. Ce sont au total 1 090 lits qui risquent de disparaître. Pourtant, une réhabilitation ambitieuse de cette résidence aurait pu être entreprise – mais il faut dire qu’elle se trouve face au parc de Sceaux…

Sachant que les loyers ont doublé dans le privé depuis 1994, il est par ailleurs urgent de revaloriser les aides au logement.

Vous aviez annoncé en 2007 l’objectif de 50 % d’une génération titulaire de la licence. Pouvez-vous nous présenter le bilan du plan pour la réussite en licence, alors que son budget semble diminuer de 51 millions d’euros ?

M. Yves Censi, président. Merci de conclure, madame Amiable.

Mme Marie-Hélène Amiable. Je rappelle par ailleurs qu’à l’issue de leur réunion du 25 juin dernier, les présidents d’université ont demandé un premier bilan de la loi sur l’autonomie ; ils ont aussi souhaité que l’État joue un rôle régulateur dans la concurrence entre les établissements.

Enfin, les travailleurs précaires et les contractuels représenteraient 20 % des effectifs de l’enseignement supérieur. Confirmez-vous ce chiffre ? Comment se répartit la masse salariale dans l’enseignement supérieur ? Existe-t-il un plan visant à résorber le travail précaire ?

M. Yves Censi, président. Dans le projet de loi de finances, il est inscrit pour 15 millions d’euros de mesures nouvelles en faveur de l’enseignement supérieur privé, mais vous avez concédé qu’il ne s’agissait en réalité que de 3 millions, puisque 10 millions proviennent d’une simple opération comptable relative à la mastérisation et 2 millions sont un reliquat de l’année dernière. Une solution de compromis pourrait donc être de sous-amender l’amendement que j’ai déposé.

Mme Valérie Pécresse, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. S’agissant du plan pour la réussite en licence, une première note d’étape de l’Inspection générale montre des résultats inégaux selon les universités. J’aurai l’occasion de faire, dans les prochains mois, de nouvelles propositions afin de donner à ce plan toute sa dimension. Quoi qu’il en soit, ses crédits ne baissent pas, madame Amiable ; tout au contraire, ils augmentent de 40 millions d’euros !

Monsieur Juanico, on a recruté mille enseignants chercheurs supplémentaires dans les universités autonomes, en pourvoyant des postes vacants : ne dites pas que l’on a besoin de créer de nouveaux emplois !

Quand j’évoque les pôles universitaires de proximité, je n’entends pas les universités de moins de dix mille étudiants, mais les IUT, les BTS et les centres universitaires des villes moyennes qui résultent du démembrement de certaines universités – comme à Châlons-sur-Marne. Je pense qu’il faut regrouper toutes ces formations de niveau bac + 2, voire les intégrer dans des cursus de niveau bac + 3, du type de la licence professionnelle. L’Université du Littoral Côte d’Opale, dont le rayonnement est très fort, n’est pas concernée par ce projet. Qu’il n’y ait pas d’ambiguïté : toute université a vocation à faire de la recherche et à décerner des diplômes de master 2, voire des doctorats, de préférence dans le cadre des PRES afin de proposer une formation pluridisciplinaire à la recherche.

Le rapprochement entre les universités progresse à grande vitesse, plusieurs initiatives ayant été prises dans le cadre des investissements d’avenir ; la fusion des universités d’Aix-Marseille est en cours, ainsi que celle des universités de Lorraine. Toutefois, la fusion n’est pas une obligation ; on peut également concevoir, comme le proposait Olivier Jardé, des universités fédérales.

Monsieur Juanico, j’ai déjà répondu à vos questions. Je vous rappelle que les universités et les PRES bénéficieront cette année d’un apport de 3,581 milliards d’euros : ce n’est pas de l’autosatisfaction, mais du calcul ! Certes, on a réalisé 44 000 logements au lieu des 48 000 prévus, mais vous admettrez que les choses ont quand même bien avancé ! Et Saint-Étienne ne peut guère se plaindre, car nos engagements ont été largement tenus. La halle des sports que vous attendiez depuis si longtemps n’est-elle pas en cours de construction ?

Madame Delong, 13 700 prêts étudiants ont été accordés pour un montant de 7 800 euros, ce qui représente un financement total de 108 millions d’euros. Ces prêts n’auraient jamais été accordés si l’État n’avait pas accordé sa garantie. Notre objectif n’est pas de modifier les taux, même si ceux-ci sont légèrement inférieurs à ceux du marché, mais de nous porter caution pour les étudiants. Il existe par ailleurs un différé de remboursement, lié à l’obtention d’un emploi. Le nombre de prêts est inférieur à ce que nous espérions, mais cela est peut-être dû à la crise, les étudiants ayant moins recours à l’endettement faute de perspectives d’embauche.

Madame Amiable, les sommes issues du versement des intérêts de l’opération Campus – qui était dotée de 5 milliards – seront utilisés dès cette année, avant même la conclusion des PPP, afin de financer des projets qui auront majoritairement trait à la vie étudiante.

Quant à la résidence d’Antony, nous avons déjà eu une discussion à ce sujet. Je vous rappelle que le département des Hauts-de-Seine s’est engagé à fournir 3 000 logements étudiants supplémentaires dans les cinq prochaines années et que le président de la région Île-de-France a accepté de cofinancer les nouveaux logements. Les étudiants bénéficieront enfin de logements salubres, plus vastes et sans amiante.

Par ailleurs, je vous rappelle qu’il existe, pour les professions sanitaires et sociales, une différence de 400 euros entre le montant des bourses de la région Ile-de-France et celui des bourses d’État. L’avez-vous signalé au président du conseil régional ?

Enfin, monsieur Censi, j’en appelle à la sagesse des députés pour respecter les équilibres de ce bon budget.

M. Yves Censi, président. Madame la ministre, je vous remercie. Nous en avons terminé avec la commission élargie consacrée à la recherche et à l’enseignement supérieur.

La réunion de la commission élargie s’achève à douze heures cinquante.

EXAMEN EN COMMISSION

Après l’audition de Madame Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, et de Monsieur Christian Estrosi, ministre chargé de l’Industrie, lors de la commission élargie, sur la mission Recherche et enseignement supérieur, la commission des Finances examine les crédits de cette mission.

La Commission examine d’abord l’amendement II-CF-75 de M. Yves Censi.

M. Yves Censi. Sur les 15 millions d’euros en mesures nouvelles qu'affiche le budget de l'enseignement supérieur privé, 10 millions ne constituent qu'un simple transfert de charges puisqu’il s'agit du transfert du programme 139 Enseignement privé du premier et second degré de la mission interministérielle Enseignement scolaire pour prendre en charge les formations liées à la mastérisation.

Sur les 5 millions d’euros restants consacrés à la contractualisation, 2 millions d’euros ont seulement pour objet de garder à niveau l’avance accordée fin 2009.

Le solde de 3 millions constitue véritablement la seule mesure nouvelle en 2011, à comparer aux 7,5 millions d’accroissement du soutien de l’État en 2010. Ce solde ne suffira pas à financer, d'une part, les dépenses engagées par les établissements pour répondre aux charges nouvelles entraînées par la contractualisation, et d'autre part l’accroissement du nombre d’étudiants. Ces raisons ont justifié le dépôt de l’amendement II-CF-75.

Cependant, après examen détaillé des besoins, je souhaite rectifier mon amendement II-CF-75, pour abonder, non de 10 millions, mais de 2 millions d’euros les crédits destinés aux établissements d’enseignement supérieur privé afin de leur permettre de réaliser les nouveaux objectifs assignés par la contractualisation. Ces établissements devront notamment investir dans l'activité de recherche. Ils devront en outre accueillir environ 3 000 étudiants supplémentaires.

Les crédits du programme Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de l’aménagement durables seraient diminués à due concurrence.

La Commission adopte l’amendement II-CF-75 rectifié.

Puis elle examine l’amendement II-CF-73 de M. Yves Censi.

M. Yves Censi. Cet amendement propose de transférer 3,7 millions d’euros du programme 187 Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources vers le programme 142 Enseignement supérieur et recherche agricoles. Le transfert se ferait de l’action n° 02 du programme 187 : Recherches scientifiques et technologiques les systèmes de production et de transformation associés, vers l’action n° 02 du programme 142 : Recherche, développement et transfert de technologie.

Il s’agit de soutenir la recherche appliquée en agriculture, qui est actuellement insuffisamment développée et fragilisée par la baisse des moyens. L’agriculture française a besoin de s’appuyer sur un dispositif de recherche – formation – développement solide pour assurer le maintien d’exploitations et de filières durables et compétitives. Chaque maillon de la recherche est indispensable au progrès technique. Pourtant, année après année, on observe un décalage important entre les moyens attribués à la recherche fondamentale ou finalisée et ceux attribués à la recherche appliquée.

L’Institut national de recherche agronomique (INRA) pourra ainsi, dans le cadre de son prochain contrat d’objectif, lancer des programmes de recherche convergents avec les Instituts techniques agricoles et le réseau ACTA (instituts des filières animales et végétales), abonder l’appel à projets « recherche finalisée et innovation des ITA » et initier des démarches exploratoires en partenariat sur l’utilisation de technologies émergentes.

La Commission adopte l’amendement II-CF-73, puis les crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur.

Article 78 
Réforme du dispositif d’exonération de cotisations sociales
accordée aux jeunes entreprises innovantes

Texte du projet de loi :

L’article 131 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004 est ainsi modifié :

1° Il est inséré au I, après les mots : « des cotisations à la charge de l’employeur au titre des assurances sociales et des allocations familiales », les mots et la phrase : « dans la double limite, d’une part, des cotisations dues pour la part de rémunération inférieure à 4,5 fois le salaire minimum de croissance, d’autre part d’un montant, par année civile et par établissement employeur, égal à trois fois le plafond annuel défini à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, et dans les conditions prévues au V. Les conditions dans lesquelles ce montant est déterminé pour les établissements créés ou supprimés en cours d'année sont précisées par décret. » ;

2° Au V, les mots : « au plus jusqu'au dernier jour de la septième année suivant celle de la création de l'entreprise. » sont remplacés par les mots et la phrase : « à taux plein jusqu’au dernier jour de la troisième année suivant celle de la création de l'établissement. Elle est ensuite applicable à un taux de 75 % jusqu’au dernier jour de la quatrième année suivant celle de la création de l'établissement, à un taux de 50 % jusqu’au dernier jour de la cinquième année suivant celle de la création de l'établissement, à un taux de 30 % jusqu’au dernier jour de la sixième année suivant celle de la création de l'établissement et à un taux de 10 % jusqu’au dernier jour de la septième année suivant celle de la création de l'établissement. ».

Exposé des motifs du projet de loi :

Afin de tirer les conséquences de l’amplification du soutien à l’innovation mise en œuvre avec la réforme du crédit d’impôt recherche, intervenue au 1er janvier 2008 et qui bénéficie désormais à hauteur d’environ 800 M€ aux petites et moyennes entreprises (PME) indépendantes (soit une augmentation de l’ordre de 100 % par rapport à la situation antérieure à la réforme), et d’améliorer l’efficience des dépenses budgétaires en faveur de l’innovation des PME, le présent article vise à modifier le dispositif d’exonération de cotisations sociales à la charge de l’employeur au titre de l’aide au projet des jeunes entreprises innovantes en introduisant :

– un plafond de rémunération mensuelle brute par personne, fixé à 4,5 fois le salaire minimum (SMIC) ;

– un plafond annuel de cotisations éligibles par établissement, fixé à trois fois le plafond annuel de la sécurité sociale, soit 103 860 € pour 2010 ;

– une diminution progressive des exonérations au cours de la vie de l’entreprise.

Le caractère progressif de cette diminution permettra, en outre, d’éviter les sorties brusques du dispositif, applicables actuellement lorsque les entreprises atteignent leur huitième année, qui peuvent conduire à des déséquilibres de trésorerie. Ce principe de sortie progressive est déjà en vigueur pour les dégrèvements fiscaux dont bénéficient les mêmes entreprises (exonération totale sur trois ans, puis à hauteur de 50 % les deux années suivantes). Il est ainsi proposé que, sur la base du montant d’exonération auquel peut prétendre l’établissement, le taux d’exonération atteigne 100 % de ce montant de la première à la quatrième année, puis connaisse une réduction progressive au cours des quatre années suivantes (respectivement 75 %, 50 %, 30 % et 10 % de ce montant) avant son extinction.

Cette réforme entraînera une économie budgétaire de l’ordre de 57 M€ par an dès 2011, dont environ 1,7 M€ au titre du plafonnement de rémunération, environ 31 M€ au titre du plafonnement par établissement et environ 24 M€ au titre de la sortie progressive.

Observations et décision de la Commission :

Le statut de jeune entreprise innovante a été créé par la loi de finances pour 2004, afin d’apporter un soutien significatif à des jeunes entreprises très actives en R&D et leur permettre ainsi de passer le cap difficile des premières années de leur développement, sous réserve qu'elles répondent à certaines conditions.

Il s’agit d’entreprises qui, au titre de l'exercice ou de la période d'imposition pour laquelle elles veulent bénéficier du statut spécifique, doivent, d'une part, employer moins de 250 personnes et, d'autre part, réaliser un chiffre d'affaires inférieur à 50 millions d’euros ou disposer d'un total de bilan inférieur à 40 millions d’euros.

A.– LES CONDITIONS D’OBTENTION DU STATUT DE JEI

Une entreprise peut solliciter le statut de JEI jusqu'à son huitième anniversaire et perd définitivement ce statut au cours de l'année de son huitième anniversaire.

L'entreprise doit avoir réalisé, à la clôture de chaque exercice, des dépenses de recherche représentant au moins 15 % des charges fiscalement déductibles au titre de ce même exercice. Ces dépenses de recherche sont calculées sur la base de celles retenues pour le crédit d'impôt recherche.

Pour pouvoir bénéficier du statut de JEI, l'entreprise doit être indépendante au sens de l'article 44 sexies du Code général des impôts. La condition de détention du capital doit être respectée tout au long de l'exercice au titre duquel l'entreprise concernée souhaite bénéficier du statut spécial.

Elle ne doit pas avoir été créée dans le cadre d'une concentration, d'une restructuration, d'une extension d'activité préexistante ou d'une reprise d'une telle activité.

B.– LES AVANTAGES LIÉS AU STATUT DE JEI

L'entreprise qualifiée de JEI est exonérée de cotisations sociales patronales pour les chercheurs, les techniciens, les gestionnaires de projet de recherche-développement, les juristes chargés de la protection industrielle et des accords de technologie liés au projet et les personnels chargés de tests pré-concurrentiels.

Cette exonération est également ouverte aux mandataires sociaux relevant du régime général de sécurité sociale. Cela concerne :

– les gérants minoritaires de sociétés à responsabilité limitée et de sociétés d'exercice libéral à responsabilité limitée ;

– les présidents directeurs généraux et directeurs généraux de sociétés anonymes ;

– les présidents et dirigeants de sociétés par actions simplifiées.

L'exonération totale de cotisations patronales de sécurité sociale ne peut se cumuler avec une autre mesure d'exonération de cotisations patronales ou avec une aide de l'État à l'emploi.

L'avantage fiscal consiste en une exonération totale des bénéfices pendant trois ans, suivie d'une exonération partielle de 50 % pendant deux ans. L'entreprise bénéficie également d'une exonération totale d'imposition forfaitaire annuelle (IFA), tout au long de la période au titre de laquelle elle conserve le statut de JEI.

Comme pour le crédit d'impôt recherche, la Direction générale de la recherche et de l'innovation du ministère assure l'expertise scientifique pour les agréments au statut JEI, en particulier pour les entreprises qui demandent à bénéficier du « rescrit ».

Par ailleurs, sur délibération des collectivités territoriales, une entreprise qualifiée de jeune entreprise innovante peut bénéficier d'une exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties pendant 7 ans.

Il convient de noter que les aides fiscales accordées aux entreprises placées sous le régime de la JEI ne peuvent excéder le plafond des aides « de minimis » fixé par la Commission européenne, soit un montant de 200 000 euros à compter du 1er janvier 2007 par période de trente-six mois pour chaque entreprise.

C.– CES AVANTAGES PEUVENT SE COMBINER AVEC D'AUTRES RÉGIMES FISCAUX AVANTAGEUX

Il est possible de cumuler le crédit d'impôt recherche avec les exonérations d'impôt sur les bénéfices accordées aux JEI.

Le nombre d’entreprises bénéficiant du CIR devient ainsi très proche du nombre total d’entreprises ayant une activité de R&D en France telles qu’elles sont identifiées dans le cadre de l’enquête annuelle sur les dépenses de R&D du ministère.

Les réformes successives ont incité de très nombreuses petites et très petites entreprises à demander le CIR. La part en volume dont le taux a été augmenté représente une modalité de calcul simple et assure un montant de CIR fiable qui semble avoir paru plus attractif aux petites entreprises.

Il est donc presque certains que les JEI sont bénéficiaires du CIR.

Les « Jeunes Entreprises Innovantes » sont au nombre de 2780 environ en 2009, et elles ont bénéficié de 150 millions d’euros d'exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale.

Le montant annuel moyen d'allégements de charges sociales – l’essentiel des allégements dont bénéficient les JEI, par entreprise –, stable pendant la période, est donc d’environ cinquante mille euros. Ce montant est comparable à la rémunération brute annuelle (y compris les charges sociales patronales) d’un salarié d’une entreprise bénéficiant du dispositif. Les entreprises concernées sont de très petite taille.

Par ailleurs, les montants d'exonérations d'impôt sur les bénéfices et d'imposition forfaitaire annuelle sont relativement faibles dans la mesure où les entreprises JEI, en début de cycle de vie, ne réalisent que de faibles bénéfices et sont même très fréquemment déficitaires. Enfin, en l'absence de source d'information précise, les montants d'exonérations de taxes locales (taxes foncière et professionnelle) consentis au titre du dispositif JEI sont très difficiles à estimer.

D.– LA LIMITATION DU DISPOSITIF EST LARGEMENT COMPENSÉE PAR LA PROGRESSION DU CIR RÉFORMÉ

Le dispositif proposé par le Gouvernement instaure une diminution progressive des exonérations sociales au cours de la vie de l’entreprise, semblable à celle déjà en vigueur pour les dégrèvements fiscaux dont bénéficient les mêmes entreprises. Il prévoit un plafond de rémunération mensuelle brute par personne, fixé à 4,5 fois le salaire minimum (SMIC), ainsi qu’un plafond annuel de cotisations éligibles par établissement, fixé à trois fois le plafond annuel de la sécurité sociale, soit 103 860 euros pour 2010.

Cette limitation de la dépense au titre du dispositif JEI est largement compensée aujourd’hui par le soutien apporté par le crédit d’impôt recherche, qui prend le relais et complète le dispositif JEI.

Le Rapporteur spécial souligne que le CIR profite largement aux PME, dont la créance fiscale serait de 800 millions d’euros par an depuis la réforme de 2008.

Il propose donc l’adoption de l’article 78 rattaché.

*

* *

M Laurent Hénart. Le dispositif proposé par le Gouvernement réforme le dispositif d’exonération de cotisations sociales accordée aux jeunes entreprises innovantes (JEI) en instaurant une diminution progressive des exonérations sociales au cours de la vie de l’entreprise, semblable à celle déjà en vigueur pour les dégrèvements fiscaux dont bénéficient les mêmes entreprises.

Il prévoit un plafond de rémunération mensuelle brute par personne, fixé à 4,5 fois le salaire minimum (SMIC), ainsi qu’un plafond annuel de cotisations éligibles par établissement, fixé à trois fois le plafond annuel de la sécurité sociale, soit 103 860 euros pour 2010.

Cette limitation de la dépense au titre du dispositif JEI est largement compensée aujourd’hui par le soutien à la recherche et l’innovation apporté par le crédit d’impôt recherche qui depuis sa réforme de 2008 prend en compte l’ensemble des dépenses de recherche effectuées par l’entreprise. Le CIR profite largement aux PME, dont la créance fiscale serait de 800 millions d’euros par an depuis la réforme de 2008.

La Commission adopte l’article 78 rattaché.

*

* *

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement n° II-CF-73 présenté par M. Yves Censi : 

Article 48

État B

Mission « Recherche et enseignement supérieur »

I. – Modifier ainsi les autorisations d'engagement :

(en euros)

Programmes

+

-

Formations supérieures et recherche universitaire

Dont titre 2

0

0

0

0

Vie étudiante

0

0

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

0

0

Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources

0

3 700 000

Recherche spatiale

0

0

Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de l'aménagement durables

0

0

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

Dont titre 2

0

0

0

0

Recherche duale (civile et militaire)

0

0

Recherche culturelle et culture scientifique

0

0

Enseignement supérieur et recherche agricoles

Dont titre 2

3 700 000

0

0

0

TOTAUX

3 700 000

3 700 000

SOLDE

0

II. – Modifier ainsi les crédits de paiement :

(en euros)

Programmes

+

-

Formations supérieures et recherche universitaire

Dont titre 2

0

0

0

0

Vie étudiante

0

0

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

0

0

Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources

0

3 700 000

Recherche spatiale

0

0

Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de l'aménagement durables

0

0

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

Dont titre 2

0

0

0

0

Recherche duale (civile et militaire)

0

0

Recherche culturelle et culture scientifique

0

0

Enseignement supérieur et recherche agricoles

Dont titre 2

3 700 000

0

0

0

TOTAUX

3 700 000

3 700 000

SOLDE

0

EXPOSÉ SOMMAIRE

Le présent amendement propose de transférer 3,7 millions d’euros du programme 187 vers le programme 142. Le transfert se ferait entre l’action n° 02 du programme 187 : Recherches scientifiques et technologiques les systèmes de production et de transformation associés, vers l’action n° 02 du programme 142 : Recherche, développement et transfert de technologie.

Au sein de la Mires, les crédits alloués à l’INRA, l’ACTA et aux ITA qualifiés financent le besoin urgent de recherche appliquée dans l’ensemble des filières agricoles. En lien avec la recherche appliquée, dans le cadre du prochain contrat d’objectif de l’INRA et en tenant compte des UMT et des RMT récemment crées, ce budget permettra de :

– Lancer des programmes stratégiques et transversaux sur les sujets convergents entre l’INRA et les ITA : la gestion intégrée de la santé des plantes, la gestion intégrée de la santé animale, l’adaptation de l’agriculture et de la forêt au changement climatique (autant de priorités du document d’orientation de l’INRA)

– Abonder l’appel à projets « recherche finalisée et innovation des ITA », qui permet aux Instituts Techniques Agricoles, de construire des projets innovants avec les acteurs de la recherche finalisée et les acteurs des filières. Ces projets collectifs sont essentiels pour répondre aux multiples attentes des professionnels et de la société. Or, ils sont les premiers à faire les frais des baisses de crédits.

– Initier des démarches exploratoires en partenariat sur l’utilisation de technologies émergentes dans le secteur (nanotechnologies, analyses de cycle de vie, métrologie et capteurs, modélisation, bioinformatiques et Biomathématiques …).

Dans un contexte de crise et de baisse de revenu des agriculteurs, l’agriculture française a besoin de s’appuyer sur un dispositif de recherche – formation – développement solide pour assurer le maintien d’exploitations et de filières durables et compétitives. Chaque maillon de la recherche est indispensable au progrès technique. Pourtant, année après année, on observe, un décalage important entre les moyens attribués à la recherche fondamentale ou finalisée et ceux attribués à la recherche appliquée. Alors que les missions confiées à la recherche appliquée ne cessent d’augmenter pour répondre aux attentes de la société, les crédits qui leur sont alloués diminuent.

L’échelon « recherche appliquée » est fragilisé. Cette fragilisation est inquiétante parce que les instituts techniques agricoles qualifiés, chargés de la recherche appliquée en agriculture, n’ont cessé d’avoir depuis leur création un rôle essentiel dans les performances de l’agriculture française. Les centres techniques développent le transfert des connaissances scientifiques et techniques et des innovations aux exploitations agricoles. Cette innovation explique une partie importante de la croissance du secteur. Le fruit de cette recherche appliquée est visible et directement exploitable par les agriculteurs.

Un effort dans le domaine de la recherche appliquée doit permettre à l’agriculture française de restaurer sa compétitivité, ses marges et retrouver sa place sur le marché mondial.

Le présent amendement permettra enfin une véritable contractualisation indispensable et efficace entre l’INRA et l’ACTA et les ITA.

Amendement n° II-CF-75 rectifié présenté par MM. Yves CENSI, Hervé MARITON, Jean-François MANCEL, Jean-Marie BINETRUY, Jérôme CHARTIER, Marc LE FUR : 

Article 48

État B

Mission « Recherche et enseignement supérieur »

Modifier ainsi les autorisations d'engagement et les crédits de paiement :

(en euros)

Programmes

+

-

Formations supérieures et recherche universitaire

Dont titre 2

2 000 000

0

0

0

Vie étudiante

0

0

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

0

0

Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources

0

0

Recherche spatiale

0

0

Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de l'aménagement durables

0

2 000 0000

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

Dont titre 2

0

0

0

Recherche duale (civile et militaire)

0

0

Recherche culturelle et culture scientifique

Dont titre 2

0

0

0

0

Enseignement supérieur et recherche agricoles

Dont titre 2

0

0

0

0

TOTAUX

2 000 000

2 000 000

SOLDE

0

EXPOSÉ SOMMAIRE

Alors que la démarche de contractualisation entre l'État et les établissements d'enseignement supérieurs privés a abouti avec succès au mois de juillet 2010, l’accroissement des moyens alloués en 2011 à ces derniers chute de 60 % par rapport à l'an dernier.

En effet, sur les 15 M€ en mesures nouvelles qu'affiche le budget de l'enseignement supérieur privé, 10M€ ne constituent qu'un simple transfert de charges puisque il s'agit du transfert du programme 139 enseignement privé du premier et second degré de la mission interministérielle enseignement scolaire.

Sur les 5 M€ restants consacrés à la contractualisation, 2 M€ permettent de garder à niveau l’avance accordée fin 2009.

Le solde de 3 M€ constitue véritablement la seule mesure nouvelle en 2011, à comparer aux 7,5 M€ d’accroissement du soutien de l’État en 2010. Ce solde ne suffira pas à financer, d'une part, les dépenses engagées par les établissements pour répondre aux charges nouvelles entraînées par la contractualisation, et d'autre part l’accroissement du nombre d’étudiants (+ 3 000 étudiants).

Au regard de ce constat, la subvention par étudiant sera en baisse en 2011.

L’accord entre l’État et les fédérations prévoit que la contractualisation tendra à rapprocher l’évolution des moyens par étudiant pour les établissements représentés par les fédérations signataires de celle dont bénéficient l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur public.

C'est la raison pour laquelle il est proposé qu'une augmentation de 2 M€ soit attribuée à l’action 04 du programme 150.

En contrepartie, il est proposé de prélever 2 M€ sur les crédits de l’action 10 « Recherche dans le domaine de l’énergie » du programme 190 « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de l’aménagement durables ».

Cette affectation d’une part des crédits Recherche à l’enseignement supérieur privé est d’autant plus légitime qu’elle est fondée sur les nouveaux objectifs assignés aux établissements d'enseignement supérieur privés associatifs du fait de la contractualisation:

– contribuer à la production et la diffusion des connaissances scientifiques et technologiques ;

– investir dans l'activité de recherche.

ANNEXE :
LISTE DES AUDITIONS RÉALISÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

– M. Alain FUCHS, Président du CNRS

– M. Jean-François DHAINAUT, Président de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES)

– M. Yannick d’ESCATHA, directeur général du CNES

– M. André SYROTA, directeur général de l’INSERM, ainsi que M. Victor DEMARIA-PESCE, chargé des relations avec le Parlement et M. Hervé DOUCHIN, directeur général délégué de l’Inserm en charge de l’administration

– M. Philippe GILLET, directeur de cabinet, et Mme Charline AVENEL, directrice adjointe du cabinet de Mme Valérie PÉCRESSE

– M. Jean-Richard CYTERMANN, directeur adjoint à la direction générale de la recherche et de l’innovation au Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, et de M. Maurice CARABONI, Service de la performance, du financement et de la contractualisation avec les organismes de recherche

– M. Michel LEBOUCHÉ, chef du département des organismes transversaux et grandes infrastructures de recherche au ministère de la Recherche, et M. Dany VANDROMME, chargé de mission

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