Accueil > Documents parlementaires > Les rapports législatifs
Version PDF


N
°  2857

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 14 octobre 2010

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2011 (n° 2824),

PAR M. GILLES CARREZ,

Rapporteur Général,

Député.

——

ANNEXE N° 46

VILLE ET LOGEMENT

VILLE

Rapporteur spécial : M. François GOULARD

Député

____

SYNTHÈSE 5

INTRODUCTION 7

CHAPITRE PREMIER : POUR LA DÉCENTRALISATION DE LA POLITIQUE DE LA VILLE 8

I.– POUR UNE POLITIQUE NATIONALE MISE EN œUVRE PAR LES COMMUNES 9

A.– LA CRISE DE L’ÉTAT DÉCONCENTRÉ 9

B.– LA MODERNISATION DES POLITIQUES PUBLIQUES : QUEL RECENTRAGE DES ACTEURS ? 10

C.– UNE DÉMARCHE DE PERFORMANCE PERFECTIBLE 11

1.– La performance du programme 12

2.– La démarche de performance des opérateurs 13

II.– DES FINANCEMENTS ESSENTIELLEMENT EXTRABUDGÉTAIRES 14

A.– LA DYNAMIQUE « ESPOIR BANLIEUES » ET LES CRÉDITS DE DROIT COMMUN DES MINISTÈRES 14

1.– La mobilisation des crédits de droit commun des ministères 14

2.– Des moyens subsidiaires au sein du programme Politique de la ville 15

3.– La priorité donnée aux internats d’excellence 16

B.– LE FINANCEMENT PROBLÉMATIQUE DU PROGRAMME NATIONAL DE RÉNOVATION URBAINE 18

C.– LE POIDS TOUJOURS ÉLEVÉ DES DÉPENSES FISCALES 21

CHAPITRE II : LES CRÉDITS DE POLITIQUE DE LA VILLE PROPOSÉS POUR 2011 23

I.– LA PRÉVENTION ET LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL 24

A.– LE PROGRAMME DE RÉUSSITE ÉDUCATIVE 24

B.– LES ADULTES-RELAIS 25

C.– LE PROGRAMME VILLE VIE VACANCES 27

II.– LES ACTIONS DE REVITALISATION ÉCONOMIQUE ET POUR L’EMPLOI 28

A.– LES COMPENSATIONS DE CHARGES SOCIALES EN ZFU ET ZRU 28

B.– LA PARTICIPATION AU FINANCEMENT DE L’EPIDE 30

III.– LES MOYENS D’ANIMATION DE LA POLITIQUE DE LA VILLE 31

IV.– L’AMÉLIORATION DE L’HABITAT ET DU CADRE DE VIE 31

EXAMEN EN COMMISSION 33

ANNEXE : AUDITIONS RÉALISÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL 41

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

Au 11 octobre, 87 % des réponses étaient parvenues au Rapporteur spécial. Le taux de réponse était de 82 % l’an dernier.

SYNTHÈSE

La politique de la ville reste à la recherche d’une meilleure efficience, comme en témoignent des préconisations qui suggèrent une révision de la géographie prioritaire ou la mise en œuvre contractuelle de cette politique par les communes.

Le programme n° 147 Politique de la ville enregistre une nouvelle diminution des crédits. Globalement, la programmation triennale prévoit de ramener les autorisations d’engagement de 714,2 millions d’euros en loi de finances initiale 2010 à 550,7 millions d’euros en 2013 (– 22,9 %) et les crédits de paiement de 702,4 millions en 2010 à 558,9 millions en 2013 (– 20,4 %).

Dans ce contexte, les dotations proposées en projet de loi de finances 2011 par rapport à la loi de finances initiale 2010, avec 618,2 millions d’euros d’autorisations d’engagement au lieu de 714,2 millions d’euros en loi de finances initiale 2010 (– 13,4 %) et 618,3 millions d’euros de crédits de paiement au lieu de 702,4 millions d’euros (– 12 %), sont en forte diminution. Le principal poste d’économies est celui des compensations d’exonérations de charges sociales, mais l’érosion des crédits affecte pratiquement tous les postes de dépenses.

Les dotations budgétaires de la politique de la ville spécifiques au programme n° 147 sont toujours faibles au regard des moyens extérieurs à la mission Ville et logement : programme national de rénovation urbaine, crédits de droit commun des ministères, dépenses fiscales. La question du pilotage politique de la politique de la ville se pose encore plus que l’an dernier si l’on considère que, hors compensation des exonérations de charges sociales et subvention à l’établissement public d’insertion de la Défense (EPIDe), l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSÉ) devrait gérer près de 96 % des crédits. Il est remarquable que la présentation des crédits soit maintenant organisée par opérateur et non par action.

L’action 1 Actions territorialisées et dispositifs spécifiques de la politique de la ville connaît un élargissement de son périmètre en projet de loi de finances 2011. Elle regroupe l’ensemble des crédits à destination des quartiers dans le cadre des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) ou de dispositifs spécifiques tels que la réussite éducative, les « adultes-relais », l’opération « ville vie vacances », les internats d’excellence et les écoles de la « deuxième chance » (E2C). Les autorisations d’engagement proposées sont de 365,9 millions d’euros en 2011 au lieu de 366,1 millions d’euros et les crédits de paiement de 365,4 millions d’euros en 2011 au lieu de 371,7 millions d’euros (– 1,7 %). Sur ces montants, 152 millions d’euros correspondent aux actions territorialisées des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS). Les principaux financements sont ceux des programmes « réussite éducative » (83 millions d’euros), des « adultes-relais » (76,6 millions d’euros), de l’opération « Ville vie vacances » (9 millions d’euros) et de la dynamique « Espoir banlieues » (17 millions d’euros). Les crédits d’ingénierie des CUCS (13,7 millions) sont transférés de l’action 3 (l’an dernier) à l’action 1.

L’action 2 Revitalisation économique et emploi a pour objectif de renforcer économiquement les quartiers les plus fragiles. Les crédits prévus en 2011 sont de 222,1 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement à comparer à 272,8 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement en 2010 (– 18,6 %). Ainsi 197,7 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement sont prévus au titre des compensations de charges sociales en zones franches urbaines (ZFU) et en zones de redynamisation urbaine (ZRU) et 24,4 millions d’euros sont mobilisés pour l’établissement public d’insertion de la défense. Les crédits d’action territorialisée gérés par l’ACSÉ sont transférés à l’action 1.

L’action 3 Stratégie, ressources et évaluation regroupe des moyens de fonctionnement d’organismes participant à la politique de la ville à hauteur de 23,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et 23 millions d’euros en crédits de paiement au lieu de 42,2 millions d’euros en 2010 (– 45,5 % pour les crédits de paiement).

L’action 4 Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie porte sur l’amélioration du cadre de vie. Elle englobe l’amélioration de la gestion urbaine de proximité et des actions ciblées sur les collèges les plus dégradés. La dotation prévue en 2011 est de 6,6 millions d’euros en autorisations d’engagement au lieu de 33,1 millions d’euros en 2010 (- 80 %) et de 7,8 millions d’euros de crédits de paiement au lieu de 15,6 millions d’euros également en 2010 (- 50%). La diminution significative des crédits s’explique par la non reconduction de la mesure d’amélioration des collèges dégradés.

INTRODUCTION

La programmation triennale prévoit, d’ici à 2013, une nouvelle diminution des crédits budgétaires dédiés à la politique de la ville. Cette évolution sera probablement d’un faible impact sur les résultats de cette politique tant elle s’exprime, structurellement, hors du cadre limité du programme n° 147.

Depuis longtemps, chacun s’interroge sur l’impact discutable des mesures prises et l’incertitude qui constitue la marque de l’action de l’État. Le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques mène depuis la fin de 2009 des investigations sur « les aides en faveur des quartiers défavorisés : combien pour quels résultats ? ». Ses travaux mettent en évidence l’impérieuse nécessité de changer de méthode et de mettre en place une nouvelle organisation.

La crise de l’État déconcentré, qui doit gérer la politique nationale de la ville comme une compétence résiduelle du mouvement de décentralisation, peut trouver sa solution dans le renforcement des prérogatives des collectivités territoriales, et plus particulièrement des communes.

Le Rapporteur spécial préconisait il y a un an le remplacement des contrats urbains de cohésion sociale par l’apport d’enveloppes de crédits libres d’emploi aux collectivités, quitte à examiner a posteriori leur usage.

Il ne peut que réaffirmer cette suggestion, en pleine phase d’ailleurs avec les conclusions des travaux du Comité d’évaluation et de contrôle.

CHAPITRE PREMIER : POUR LA DÉCENTRALISATION DE LA POLITIQUE DE LA VILLE

Depuis le budget 2009, les crédits budgétaires affectés à la politique de la ville sont regroupés en un seul programme n° 147 Politique de la ville, mais depuis de longues années, les interrogations sont toujours présentes sur l’efficacité de l’action de l’État comme sur l’organisation de cette politique.

Le rapport présenté en septembre 2009 par nos collègues Gérard Hamel, député, et Pierre André, sénateur, avait ainsi préconisé la suppression des zones urbaines sensibles et la mise en place d’une politique de contrats passés entre le préfet et le maire. Le Rapporteur spécial s’était interrogé également l’an dernier sur la méthode qui prévaut en matière de contrats urbains de cohésion sociale (CUCS). La lourdeur de la procédure de conclusion de ces contrats, l’intervention d’acteurs multiples dont certains, comme les services extérieurs de l’État, n’ont qu’une connaissance très lointaine des problèmes des quartiers, la rigidité de dispositifs arrêtés a priori ne lui paraissent toujours pas être le gage d’une action publique efficace.

Il serait certainement plus intelligent, même si cela est contraire à la tradition administrative française, d’apporter des enveloppes libres d’emploi aux collectivités, en contrepartie d’un contrôle a posteriori de leur usage.

Les réflexions du Comité d’évaluation et de contrôle de notre Assemblée sur « Les aides en faveur des quartiers défavorisés : combien pour quels résultats ? » vont dans le même sens. On peut considérer comme nécessaire de réformer la géographie prioritaire de la politique de la ville mais il est surtout indispensable d’adopter une nouvelle organisation qui mettrait les communes, et en premier lieu les maires, au centre de la politique de la ville.

Cette politique dispose toujours de dotations budgétaires spécifiques au programme n° 147 réduites, au profit de moyens extrabudgétaires : la dynamique « Espoir banlieues » repose sur la mobilisation des crédits de droit commun des différents ministères, le programme national de rénovation urbaine (PNRU) est financé pour l’essentiel par les ressources du « 1 % logement », enfin les dépenses fiscales spécifiquement dédiées à la politique de la ville sont d’un montant considérable. Si l’on prend en compte celles qui sont imputées sur d’autres programmes de la mission ou bien sur la mission Politique des territoires, leur montant excède très fortement les dotations budgétaires.

Enfin, la mise en œuvre même des crédits du programme n° 147 est de la responsabilité ou bien des opérateurs, ou bien de celle d’autres intervenants, en particulier la direction du Budget, pour les quelque 233 millions d’euros de crédits de paiement attribués au secrétariat général du comité interministériel des villes (SG-CIV), qui a remplacé la délégation interministérielle à la ville et au développement social urbain (DIV).

Encore une fois, le contrôle des deux opérateurs principaux, l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSÉ) et l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), qui gèrent l’essentiel des crédits, constitue un enjeu essentiel de gouvernance.

I.– POUR UNE POLITIQUE NATIONALE MISE EN œUVRE PAR LES COMMUNES

La crise de la politique de la ville peut être illustrée à trois points de vue : la crise de l’État déconcentré et la difficulté de sortir de la géographie prioritaire, la réorganisation toujours attendue des relations entre l’État et les opérateurs, la mise en œuvre insuffisante de la démarche de performance.

A.– LA CRISE DE L’ÉTAT DÉCONCENTRÉ

Au plan local, les directions régionales de l’ACSÉ ont fusionné avec les services déconcentrés de l’État. Les nouvelles directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) ont intégré les directions régionales de l’ACSÉ, sous l’autorité des préfets de région. Les préfets et, sous leur autorité, les préfets délégués pour l’égalité des chances et les sous-préfets chargés de la politique de la ville coordonnent l’action des services de l’État dans les quartiers prioritaires. Ils bénéficient depuis 2009 du concours de 300 délégués des préfets affectés à temps plein dans les quartiers les plus prioritaires, qui ont été créés pour mettre en œuvre concrètement la dynamique « Espoir banlieues ». Ces délégués doivent assurer la coordination et la cohérence des interventions des différents partenaires, et ainsi faciliter le développement d’une dynamique locale qui constitue l’une des clefs du succès de la politique de la ville.

Les préfets, représentants de l’État, sont également les délégués territoriaux des deux établissements publics qui concourent principalement aux objectifs poursuivis par le programme : l’agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) et l’agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSÉ).

Voir la politique de la ville figurer au nombre des missions de l’État peut sembler relever du paradoxe : après 25 ans de décentralisation, on s’est habitué à ce que les collectivités locales soient maîtresses chez elles. L’État s’est progressivement retiré de l’action territoriale. La politique de la ville fait exception. Pourtant, personne n’en conteste ni la légitimité, ni la nécessité.

Pour autant, la nécessité de remédier à l’insuffisante proximité des préfets lorsqu’il s’agit de traiter efficacement les enjeux de la politique de la ville, qui a conduit à la création de ces structures, illustre la crise de l’État déconcentré. Il convient donc d’envisager que la politique nationale de la ville soit dorénavant pilotée par les communes, les enveloppes de crédits délégués faisant l’objet a posteriori d’un contrôle de leur utilisation, contrôle de la régularité et surtout contrôle d’efficience.

Compte tenu de la nécessité profonde de modifier la gouvernance de la politique de la ville, la perspective de la seule réorganisation de la géographie prioritaire ne peut être suffisante. Cette réforme est la conséquence de la loi de finances initiale pour 2008 qui avait prévu que « la première actualisation de la liste des zones urbaines sensibles est effectuée en 2009 ». Or, cette actualisation a déjà pris du retard. Lors de l’installation le 25 mai 2010 du Conseil national des villes renouvelé, le Premier ministre a souhaité préparer, dans le cadre d’un projet de loi à déposer en 2011, une réforme cohérente et globale qui concerne à la fois le zonage de la politique de la ville, les modalités de contractualisation mais aussi la péréquation et la dotation de solidarité urbaine.

Dans une circulaire adressée aux préfets de région et de département le 1er juillet 2010, la Secrétaire d’État chargée de la politique de la ville a rappelé la décision du Premier ministre de prolonger les contrats urbains de cohésion sociale conclus en 2007. Elle a également saisi le 17 juin le Conseil national des villes pour avis notamment sur la mobilisation du droit commun dans les CUCS, l’amélioration du pilotage des CUCS et le développement de la capacité d’évaluation locale.

B.– LA MODERNISATION DES POLITIQUES PUBLIQUES : QUEL RECENTRAGE DES ACTEURS ?

Conformément aux décisions prises en conseil de modernisation des politiques publiques, la gouvernance de la politique de la ville a été modifiée : le décret n° 2009-539 du 14 mai 2009 relatif aux instances en charge de la politique de la ville a procédé à cette nouvelle organisation, qui comprend une instance de consultation (le conseil national des villes), une instance de décision (le comité interministériel des villes) et une instance de préparation et d’exécution (le secrétariat général du comité interministériel des villes).

Le CIV est chargé, sous l’autorité du Premier ministre de définir les priorités de l’État et de décider des actions nécessaires à leur mise en œuvre. Il est à noter qu’il ne s’est pas réuni depuis le 20 janvier 2009.

Le SG-CIV, qui a remplacé la délégation interministérielle à la ville, est chargé de la préparation des CIV et de veiller à l’application de ses décisions. Ses attributions sont recentrées sur trois missions principales :

– la conception, l’élaboration et la mise en œuvre interministérielles de la politique de la ville ;

– l’évaluation de la politique de la ville ;

– l’exercice, pour le compte du ministre chargé de la ville, de la tutelle des établissements relevant de celui-ci, c’est-à-dire, à titre principal, l’agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSÉ) et l’agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), à titre secondaire, l’établissement public d’insertion de la défense (EPIDe) et l’établissement public d’aménagement, de restructuration du commerce et de l’artisanat (EPARECA).

La Révision générale des politiques publiques (RGPP) a conduit à recentrer l’ACSÉ sur la politique de la ville. Ainsi les missions tournées vers l’insertion des personnes immigrées ont-elles été transférées à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), nouvel opérateur de la politique d’immigration et d’intégration.

La redéfinition du rôle du SG-CIV a accéléré la redistribution des rôles entre la tutelle et les opérateurs. Sans capacité d’intervention directe dans les opérations d’investissement liées à la rénovation urbaine, le SG-CIV a transféré à l’ACSÉ la quasi totalité des crédits d’intervention figurant au programme n° 147 Politique de la ville.

Il apparaît toutefois que l’exercice de la tutelle sur les opérateurs est encore en perspective, pour ce qui concerne le suivi détaillé des opérations qu’ils financent, la réalisation d’un programme d’audit des organisations et la mise en œuvre d’un programme d’études d’impact de la politique de la ville.

Cependant, on observe que les contrats d’objectifs et de performance entre l’État et chacune des deux agences, annoncés depuis deux ans, ont été approuvés par leurs conseils d’administration respectifs en juillet dernier et sont en cours de signature. Ils doivent permettre notamment de préciser les modalités des relations entre l’État et ses opérateurs.

Le décret de 2009 a également renforcé les attributions du Conseil national des villes (CNV), composé d’élus locaux, de représentants d’associations ou de syndicats et de personnalités qualifiées. Le CNV contribue à la définition du cadre et des orientations des relations contractuelles entre l’État et les collectivités territoriales dans le cadre de la politique de la ville : il suit le développement des nouvelles formes de démocratie de proximité et de participation des habitants et peut formuler des propositions dans ce domaine ; il est consulté sur les projets de loi comportant des dispositions qui concernent directement la politique de la ville ; pour la réalisation de ses missions, il est tenu informé des activités des services de l’État et des agences chargées de la politique de la ville ainsi que de l’action des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance et groupements d’intérêt publics créés dans le cadre du développement urbain.

C.– UNE DÉMARCHE DE PERFORMANCE PERFECTIBLE

Depuis de nombreuses années, l’Assemblée nationale comme le Sénat et la Cour des comptes reviennent sur le déficit de gouvernance de la politique de la ville, l’absence d’évaluation de ses résultats, le déficit de la démarche de performance, et la nécessité d’y remédier.

Il convient de distinguer la démarche de performance telle qu’elle s’exprime dans les documents budgétaires et celle des opérateurs.

1.– La performance du programme

On constate en projet de loi de finances 2011 une complète stabilité des objectifs et des indicateurs de performance qui sont les mêmes que pour le projet annuel de performances 2010.

Les indicateurs de performance présentés dans le cadre du programme n° 147 Politique de la Ville évaluent l’activité des deux principales agences. Ils sont construits en partenariat avec l’Observatoire national des zones urbaines sensibles (ONZUS). Pour répondre aux recommandations du comité interministériel d’audit des programmes (CIAP) formulées dans son rapport de décembre 2007, la déclinaison de la performance a été révisée pour aboutir aux cinq objectifs et aux dix indicateurs présentés ci-dessous.

OBJECTIFS ET INDICATEURS DE PERFORMANCE

OBJECTIFS

INDICATEURS

1

Renforcer la mixité fonctionnelle des territoires urbains prioritaires.

1.1

Écart entre la densité d’établissements exerçant une activité d’industrie, de commerce ou de service dans les ZFU et celle constatée dans les unités urbaines correspondantes.

1.2

Écart entre l’évolution du nombre d’emplois salariés existant dans les ZFU et celle constatée dans les unités urbaines correspondantes.

2

Améliorer l’encadrement éducatif et les chances de réussite scolaire des élèves les plus en difficulté.

2.1

Évolution des chances de « réussite scolaire » des élèves des ZUS.

2.2

Efficience de l’allocation de moyens consacrés à la réussite éducative et aux internats d’excellence.

3

Optimiser l’utilisation des fonds dédiés au programme, capitaliser les expériences et diffuser l’information.

3.1

Part des crédits consacrés aux communes prioritaires (hors compensation des allègements de charges sociales).

3.2

Part des crédits mobilisés pour la rénovation urbaine selon le niveau de priorité des zones à rénover.

4

Améliorer la qualité de l’habitat pour les habitants concernés par le PNRU.

4.1

Taux de couverture des démolitions par des reconstructions.

4.2

Respect de la programmation pour l’amélioration de l’habitat.

5

Maîtriser les coûts et les délais du programme national de rénovation urbaine.

5.1

Respect du calendrier d’engagement du PNRU.

5.2

Évolution du coût moyen des opérations d’investissement financées dans le cadre du PNRU.

Le défaut récurrent du dispositif de performance du programme n° 147 est que les informations prévues sont généralement manquantes.

Ainsi, dans le rapport annuel de performances pour 2009, les indicateurs de performance étaient une fois de plus défaillants. Sur 14 indicateurs de performance, un n’était pas renseigné parce qu’abandonné en projet de loi de finances 2010, quatre autres n’étaient pas renseignés avec l’explication selon laquelle « les données pour l’année 2009 seront disponibles au second semestre 2010 et la réalisation 2009 sera calculée alors » et un sous-indicateur n’était pas renseigné (suppression en projet de loi de finances 2010).

Sur les 10 indicateurs de performance retenus pour 2010 et 2011, 5 ne prévoient toujours pas, au moins en partie pour certains sous-indicateurs, de prévision même actualisée pour 2010 (indicateurs appliqués aux ZFU, indicateur de réussite scolaire dans les ZUS, évolution du coût moyen du m2 de logement social construit).

Au-delà des indicateurs budgétaires, le programme annuel d’études du SG-CIV et de l’Observatoire national des ZUS (ONZUS) comporte essentiellement des objectifs tendant à évaluer l’impact de la politique de la ville. L’observatoire national des ZUS a procédé à une série d’études d’impact des zones franches urbaines. Par ailleurs, il met en place, avec l’ACSÉ, des études d’impact sur le programme de réussite éducative et les adultes relais, avec l’ANRU et son comité d’évaluation et de suivi, des études sur l’impact du programme national de rénovation urbaine en matière de mixité sociale et d’évolution des conditions de vie des habitants.

2.– La démarche de performance des opérateurs

La démarche de performance des opérateurs s’articule autour d’un suivi détaillé des opérations dont ils ont la charge, et par la mise en œuvre d’un programme d’audit des organisations.

Chaque opérateur a mis en place un système d’information qui permet de rendre compte de manière précise et localisée des actions conduites au titre de la politique de la ville. Au-delà, la mise en place d’indicateurs de performance est toujours en préparation sous le pilotage du secrétariat général du comité interministériel des villes (SG-CIV).

Les opérateurs disposent également d’un programme et de crédits d’études qu’ils mettent à profit pour réaliser des audits sur les effets qualitatifs des programmes et sur leur organisation en vue de l’améliorer. Les sujets d’études sont validés par les conseils d’administration et le SG-CIV coordonne l’ensemble des travaux, notamment par l’intermédiaire de réunions mensuelles institutionnalisées entre les différents services d’évaluation du SG-CIV, de l’ACSÉ et de l’ANRU. Cette coordination est réalisée par le SG-CIV, dans le cadre de sa double fonction de tutelle des opérateurs et de secrétariat permanent de l’Observatoire national des ZUS (ONZUS), instance d’évaluation de la politique de la ville.

II.– DES FINANCEMENTS ESSENTIELLEMENT EXTRABUDGÉTAIRES

Les financements de la politique de la ville demeurent essentiellement extrabudgétaires ce qui pose problème aussi bien quant à la cohérence de la politique menée que pour l’évaluation de ses effets.

A.– LA DYNAMIQUE « ESPOIR BANLIEUES » ET LES CRÉDITS DE DROIT COMMUN DES MINISTÈRES

Définie par le Président de la République dans son discours du 8 février 2008, la dynamique « Espoir banlieues » a été engagée lors du comité interministériel des villes du 20 juin 2008 et développée essentiellement depuis 2009.

1.– La mobilisation des crédits de droit commun des ministères

La dynamique « Espoir banlieues » s’appuie essentiellement sur la mobilisation des crédits de droit commun des ministères. Selon les travaux du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, les crédits mobilisés s’élèvent à 1 292 millions d’euros en 2010, à comparer aux 708 millions de crédits de paiement du programme n° 147.

Parmi ses développements significatifs, trois mesures peuvent être relevées :

– le contrat d’autonomie, qui permet de réintroduire dans un parcours professionnel des jeunes des quartiers populaires ayant un faible niveau de qualification et généralement peu connus du service public de l’emploi, a bénéficié depuis le démarrage de l’opération fin 2008 à 28 832 jeunes en juin 2010 ;

– la mise en place de 350 délégués du préfet dans les quartiers prioritaires est également présentée comme un élément central de la dynamique « Espoir banlieues ». Ces délégués, dont plus de 250 sont en place au 1er semestre 2009, permettent, sous l’autorité des préfets, de favoriser la coordination et la cohérence des interventions des différents partenaires. Par leur présence et leurs actions, ils devraient contribuer au développement d’une dynamique locale qui constitue l’une des clefs du succès de la politique de la ville ;

– l’accompagnement éducatif qui permet aux élèves volontaires de bénéficier d’une aide aux devoirs ou d’activités culturelles ou sportives dans le cadre de l’école ou du collège.

La dynamique « Espoir banlieues » repose sur un engagement triennal des ministères intervenant dans les quartiers sensibles. Par conséquent, les moyens financiers nécessaires à la mise en œuvre des mesures du plan sont répartis sur l’ensemble des budgets de ces ministères. Ils sont retracés dans le document de politique transversale Ville.

Cela étant, les travaux du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques sur les aides en faveur des quartiers défavorisés mettent en évidence les limites statistiques de la mesure de la mobilisation des crédits de droit commun des ministères. L’affichage est ambitieux mais la réalité plus contrastée pour les 31 programmes budgétaires réputés concourir à la politique de la ville. Pour 9 d’entre eux, il est impossible d’identifier la part des crédits consacrés à cette politique ; pour de nombreux autres programmes budgétaires, l’évaluation de leur contribution s’appuie sur une proratisation du poids des quartiers en difficulté s’agissant des mesures de droit commun qu’ils financent ; enfin, pour la plupart, le concours des ministères à la politique de la ville ne s’appuie pas sur des mesures spécifiques en direction des quartiers prioritaires de la politique de la ville.

2.– Des moyens subsidiaires au sein du programme Politique de la ville

La dynamique « Espoir banlieues » a donné lieu à quelques ouvertures de crédits au sein du programme n° 147.

En complément des actions menées par chaque ministère, selon les indications données l’an dernier, 22 millions d’euros devaient être mobilisés en 2009 et 26 millions d’euros en 2010, en faveur des nouvelles actions sur le programme n° 147. Il s’agit donc d’une fraction très subsidiaire des 400 millions d’euros de moyens d’intervention de l’ACSÉ.

Dans les faits, les moyens alloués ont été plus faibles qu’annoncé.

En exécution 2009, le budget dédié aux mesures de la dynamique « Espoir Banlieues » du programme n° 147 s’élève à 14,2 millions d’euros alors que la prévision du projet de loi de finances 2009 dans le cadre de la programmation triennale 2009-2011 était de 17 millions d’euros, soit une exécution inférieure de 16,5 % par rapport à la prévision initiale. Cette sous-exécution est particulièrement significative pour le « busing » (1) avec 0,4 million d’euros dépensés pour une prévision de 2,7 millions d’euros, soit seulement 14,8 % par rapport à la prévision initiale et pour la « Gestion urbaine de proximité » avec une dépense de 1,6 million d’euros pour une prévision de 4 millions d’euros, soit 40 % de la prévision initiale.

Compte tenu d’une mesure nouvelle « Qualité de service dans les transports », la prévision d’exécution 2010 pour les mesures de la dynamique « Espoir Banlieues » est de 25,5 millions d’euros pour une prévision initiale, dans le cadre de la programmation 2009-2011, de 21,1 millions (+ 20,8 %). La prévision d’exécution des « internats d’excellence » est de 6,5 millions d’euros alors que la prévision initiale était de 4,1 millions d’euros, soit une augmentation de 58,5 % destinée à financer le fonctionnement des places supplémentaires créées dans le cadre du plan de relance. En contrepartie, la prévision budgétaire des mesures « Accès aux grandes écoles, accompagnement aux classes préparatoires » et « les cordées de la réussite » passe de 8,3 millions d’euros à 6 millions d’euros par rapport à la prévision initiale et le « busing » passe de 1,7 million d’euros à 0,6 million d’euros.

La prévision budgétaire 2011 des mesures de la dynamique « Espoir banlieues » dans le cadre de la programmation budgétaire 2011-2013 est de 18,9 millions d’euros alors qu’elle était de 22,1 millions d’euros dans le cadre de la programmation 2009-2011, soit une baisse de 14,5 %. Alors que la prévision budgétaire de la mesure « Internats d’excellence » a augmenté de 39,2 %, passant ainsi de 5,1 millions d’euros à 7,1 millions d’euros, celle des mesures « Accès aux grandes écoles, accompagnement aux classes préparatoires » et « les cordées de la réussite » passe de 8,3 millions d’euros à 4,4 millions d’euros et le « busing » passe de 1,7 million d’euros à 0,4 million d’euros.

L’essentiel de l’effort porte donc sur les internats d’excellence qui sont une priorité du plan de relance, les crédits ayant été ouverts dans le cadre de la mission Enseignement scolaire.

3.– La priorité donnée aux internats d’excellence

Dans le cadre du plan de relance, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) a été retenue pour la mise en œuvre des dépenses d’avenir en application de la loi de finances rectificative n° 2010-237 du 9 mars 2010 en ce qui concerne le programme « internat d’excellence et égalité des chances ». La convention signée entre l’État et l’ANRU répartit comme suit les 500 millions d’euros affectés à ce programme :

● 252 millions d’euros seront consacrés aux opérations de création, extension et revitalisation des internats d’excellence ;

● 50 millions d’euros seront consacrés au développement de la culture scientifique et technique ;

● les 150 millions d’euros restants seront affectés à l’une ou l’autre des actions, selon la qualité des projets, les co-financements obtenus et le volume des demandes exprimées.

La mesure « internats d’excellence », initiée dans le cadre de la dynamique « Espoir banlieues », consiste à accueillir des collégiens et des lycéens issus de l’éducation prioritaire ou des zones sensibles en internat, soit en labellisant des places dans les internats existants, soit en créant de nouveaux internats.

L’objectif fixé porte sur 20 000 places d’internat d’excellence réparties comme suit :

● les créations d’internats d’excellence ex nihilo (comme Sourdun), pour lesquels à terme 8 000 places sont envisagées ;

● les places revitalisées : certains internats existants connaissent des difficultés pour recruter des internes. L’académie peut décider de « revitaliser » l’internat et de mettre en place un projet innovant porté par une équipe engagée. 8 000 places sont prévues ;

● les places labellisées : les établissements peuvent labelliser jusqu’à un quart de leurs places d’internat et mettre en place un projet d’internat ambitieux qui permettent aux élèves et étudiants accueillis de développer tout leur potentiel. 4 000 places sont prévues.

Le nombre de places labellisées a augmenté de 54 % en un an, passant de 1 809 places en 2008-2009 à 2 899 places en 2009-2010.

Tous les types d’établissements scolaires sont concernés : 95 collèges, 117 lycées généraux et technologiques, 57 lycées professionnels, 40 lycées polyvalents.

L’effectif des internes d’excellence a augmenté de 168 % : les académies déclarent accueillir 1 677 internes d’excellence à la rentrée 2009, contre 655 en 2008. Parmi ceux-ci, 1 311 sont issus de l’éducation prioritaire ou des territoires de la politique de la ville. Ils représentent désormais 75 % des internes d’excellence. Le taux moyen d’occupation des places labellisées s’est amélioré : il est passé de 36 % à 63 %, soit une progression de 27 points. À l’exception de l’académie de Lille, les académies affichent un taux d’occupation des places labellisées en progression.

Pour la rentrée 2010, l’ouverture de onze nouveaux internats d’excellence est prévue :

– académie d'Aix-Marseille : Barcelonnette (Alpes-de-Haute-Provence)

– académie d'Amiens : Noyon (Oise)

– académie de Créteil : Cachan (Val-de-Marne)

– académie de Guyane : Maripasoula

– académie de Lille : Douai (Nord)

– académie de Montpellier : Montpellier (Hérault)

– académie de Nancy-Metz : Metz (Moselle)

– académie de Nice : Nice (Alpes-Maritimes)

– académie de Reims : Langres (Haute-Marne)

– académie de Rouen : Le Havre (Seine-Maritime)

– académie de Versailles : Marly-le-Roi (Yvelines).

Même si le choix de ces premiers sites et la détermination du montant des investissements à réaliser ont relevé du seul ministère de l’Éducation nationale, le SG-CIV s’est fortement impliqué dans le cadrage de la mise en œuvre de cette mesure. Il participe à un comité de pilotage hebdomadaire présidé par le directeur général de l’enseignement scolaire et a été partie prenante dans l’élaboration de la circulaire interministérielle du 8 juillet 2010 et de la convention entre l’ANRU et le ministère de l’Éducation nationale. Dans les prochains mois, le SG-CIV contribuera à l’élaboration des schémas régionaux de développement des internats d’excellence et à la définition des conditions d’intervention de l’ACSÉ.

Il demeure que le bien fondé de cette politique reste à établir : dans de nombreux établissements situés en zone urbaine sensible, on fait le constat que le départ des meilleurs éléments vers les internats d’excellence n’est pas très stimulant ni pour les autres élèves, ni pour les enseignants.

B.– LE FINANCEMENT PROBLÉMATIQUE DU PROGRAMME NATIONAL DE RÉNOVATION URBAINE

Le programme de rénovation urbaine (PNRU), issu de la loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation du 1er août 2003, se révèle comme achevé sur le terrain de la programmation, les moyens de l’agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) devant maintenant être essentiellement employés à la mise en œuvre du PNRU.

Les 12 350 millions d’euros du PNRU, incluant la dotation du plan de relance, sont aujourd’hui entièrement affectés à des projets de rénovation urbaine dont les conventions ont été signées entre 2004 et 2009, ou sont en cours de signature en 2010. Chacun de ces projets doit respecter un calendrier de mise en œuvre contraint sur une durée de cinq ans.

Au 1er juin 2010, ce sont 390 projets globaux qui ont été approuvés par l’agence et 370 conventions signées, concernant 485 quartiers, ce qui représente plus de 42,6 milliards d’euros de travaux programmés sur les cinq prochaines années concernant une population de 3,3 millions d’habitants. Ces projets sont financés par une participation de l’ANRU d’environ 11,5 milliards d’euros et doivent permettre la construction de 128 075 logements sociaux, 314 294 réhabilitations, 135 291 déconstructions de logements sociaux et 331 800 résidentialisations.

Selon la programmation initiale, l’agence aurait dû bénéficier au total de 12 019 millions d’euros pour la période 2004-2013, dont 6 000 millions d’euros de crédits d’État, et 6 019 millions d’euros par d’autres intervenants. La problématique de son financement est pour l’essentiel liée au désengagement de l’État devenu officiel le 1er janvier 2009, 347 millions d’euros de crédits de paiement ayant été versés par l’État avant le 31 décembre 2008.

Dans les faits, la première loi de finances rectificative pour 2009 n° 2009-422 du 4 février 2009 a ouvert 350 millions d’euros d’autorisations d'engagement et 200 millions d’euros de crédits de paiement supplémentaires en 2009 afin d’accélérer la mise en œuvre du PNRU en avançant la réalisation des travaux programmés pour les années suivantes pour un montant de 600 millions d’euros. La loi de finances initiale pour 2010 a ensuite procédé à une nouvelle ouverture de crédits dans le cadre du programme n° 317 Effort exceptionnel en faveur du logement et de la solidarité de la mission Plan de soutien de l’économie, de 150 millions d’euros.

Le Rapporteur spécial s’interrogeait il y a deux ans sur la possibilité, pour l’État, de demeurer durablement absent du financement du PNRU. Il ne peut donc qu’être satisfait du retour des financements budgétaires tout en considérant comme toujours nécessaire que l’État apporte à l’ANRU un financement budgétaire pérenne, compte tenu des engagements souscrits et des besoins de trésorerie prévisibles.

Justement, cette question du retour de l’État, de façon pérenne, dans le financement de l’ANRU, reste posée.

En effet, en 2009, l’accélération des opérations bénéficiant du plan de relance a permis d’atteindre un niveau de paiement exceptionnel d’un milliard d’euros, en progression de 61 % par rapport à 2008. Le PNRU est entré en 2009 dans sa période de plus fortes dépenses, appelée « bosse » des paiements.

Les perspectives financières de mise en œuvre du PNRU doivent prendre en compte l’accélération des engagements et l’augmentation des paiements dans les prochaines années.

Les prévisions d’engagements qui servent de support pour établir le profil de dépenses prévisionnel du PNRU sont construites à partir des taux d’engagement des opérations constatés en 2009 et de l’analyse de la progression de ces taux d’engagement entre 2008 et 2009. On constate une accélération sensible des taux d’engagement de 2008 à 2009 ; toutefois sur le premier semestre 2010, on observe un ralentissement du rythme d’engagement, en particulier pour les opérations qui étaient programmées en 2010. Ce ralentissement s’est maintenu au mois d’août et sur les premières semaines de septembre. Il convient donc de réviser les estimations faites sur la base de l’année 2009 pour ce qui concerne le taux d’engagement de la première année. L’hypothèse retenue à ce jour est celle d’un retour à des taux d’engagement proches de ceux qui existaient avant le plan de relance, l’accélération des engagements constatée en 2009 constituant une anticipation des engagements de 2010.

En conséquence, le niveau d’engagement devrait baisser en 2010 ; pour les années suivantes, la progression des engagements reprendrait à un rythme plus régulier.

Les prévisions de paiement sont construites à partir de l’analyse du rythme de paiement des opérations, c'est-à-dire de la répartition des paiements sur les exercices qui suivent la décision attributive de subvention, Cette analyse a été effectuée sur les exercices 2008 et 2009 au regard de la date de la première demande de paiement, décalée en moyenne de 3 mois par rapport à la décision attributive de subvention. L’actualisation des prévisions de paiement prend en compte la décélération des engagements constatée en 2010.

En définitive, la contrainte de trésorerie devrait être moindre que prévu cette année et les années suivantes, compte tenu de la moindre augmentation des engagements et des paiements en 2010. Les besoins de trésorerie de l’ANRU s’élèveraient à 1 140 millions d’euros en 2010 selon les dernières prévisions (1 210 millions d’euros prévus en juillet), 1 340 millions d’euros en 2011 (1 407 millions d’euros prévus en juillet), 1 465 millions d’euros en 2012 (1 530 millions d’euros prévus en juillet), et 1 414 millions d’euros en 2013.

Pour l’exécution de l’exercice 2010, le ralentissement des décaissements se traduit par une prévision d’amélioration de la trésorerie en fin d’année qui pourrait atteindre 769 millions d’euros au lieu de 699 millions d’euros selon les prévisions de juillet. Il est à noter que, sur 1 334 millions d’euros de ressources prévisibles de l’ANRU en 2010, 1 145 doivent provenir de l’UESL, à comparer aux 605 millions d’euros perçus en 2009. Selon les éléments transmis au Rapporteur spécial, le rythme des encaissements est conforme aux prévisions. Trois versements de janvier, avril et juillet 2010 ont abondé les ressources de l’agence de 818,75 millions d’euros, un dernier versement étant prévu en octobre pour 326,25 millions d’euros.

Pour 2011, la satisfaction des besoins de trésorerie de l’établissement serait assurée par des ressources complémentaires de 260 millions d’euros provenant du dispositif de péréquation annuelle entre les organismes de logement social, géré par la CGLLS, tel que proposé par l’article 99 du présent projet de loi de finances. Compte tenu de prévisions de versements par l’UESL de 710 millions d’euros, par la CGLLS de 30 millions d’euros et par la Caisse des dépôts et consignations de 4 millions d’euros, l’ensemble des ressources prévues pour l’ANRU en 2011 atteindrait 1 004 millions d’euros.

L’ANRU disposerait fin 2011 d’une trésorerie de l’ordre de 432 millions d’euros correspondant à quatre mois de besoin de trésorerie (la prévision était de 234 millions d’euros en juillet).

Cela étant, la question du financement du PNRU à partir de 2012 n’a pas encore trouvé de réponse et la nécessité de remettre l’État à contribution pour son financement reste entière.

C.– LE POIDS TOUJOURS ÉLEVÉ DES DÉPENSES FISCALES

Au total, les dépenses fiscales rattachées directement au programme n° 147 Politique de la ville, ainsi que celles de la mission Politique des territoires portant sur les zones urbaines sensibles sont estimées à 599 millions d’euros pour 2009, 595 millions d’euros en 2010 et 622 millions d’euros en 2011, selon les éléments des projets annuels de performances annexés au présent projet de loi de finances.

Cela étant, l’agrégat des dépenses fiscales rattachées à la politique de la ville n’est pas exhaustif, si l’on considère que celles qui sont rattachées à la politique du logement ne manquent pas de comporter également une incidence sur la politique de la ville.

CHAPITRE II : LES CRÉDITS DE POLITIQUE DE LA VILLE PROPOSÉS POUR 2011

Comme le Rapporteur spécial l’a précédemment indiqué, le programme n° 147 Politique de la ville enregistre une nouvelle diminution des crédits. Globalement, la programmation triennale prévoit de ramener les autorisations d’engagement de 714,2 millions d’euros en loi de finances initiale pour 2010 à 550,7 millions d’euros en 2013 (– 22,9 %) et les crédits de paiement de 702,4 millions d’euros en 2010 à 558,9 millions d’euros en 2013 (– 20,4 %).

Les dotations proposées dans le présent projet de loi de finances sont en forte diminution par rapport à la loi de finances initiale 2010, avec 618,2 millions d’euros d’autorisations d’engagement au lieu de 714,2 millions d’euros en loi de finances initiale 2010 (- 13,4 %) et 618,3 millions d’euros de crédits de paiement au lieu de 702,4 millions d’euros (- 12 %).

Le projet annuel de performances pour 2011, comme celui de l’an dernier, retrace les dotations d’un programme n° 147 organisé en quatre actions.

La plus grande part des dotations d’intervention est concentrée au sein de la première action Actions territorialisées et dispositifs spécifiques de la politique de la ville, pour l’essentiel de la responsabilité de l’Agence pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSÉ).

L’action 2 Revitalisation économique et emploi regroupe les dotations de compensation et des subventions de la responsabilité de la délégation interministérielle à la ville (DIV) dont les destinataires sont clairement déterminés. Ensuite, l’action 3 Stratégie, ressources et évaluation porte sur des moyens de fonctionnement d’organismes participant à la politique de la ville. Enfin, l’action 4 Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie, mise à part la dotation d’amélioration des collèges dégradés, est également de la responsabilité de l’ACSÉ.

La ventilation des crédits par action qui a été retenue dans le projet annuel de performances 2011 correspond plus que l’an dernier à la répartition des crédits entre gestionnaires. Cette présentation des crédits, page 174 du projet annuel de performances, est déclinée selon les opérateurs et non selon les actions. Le déséquilibre entre les actions, observé l’an dernier, est accru par la concentration sur l’action 1 des moyens de l’ACSÉ. L’action 1 est dotée de 365 millions d’euros de crédits de paiement et l’action 4 de moins de 8 millions d’euros.

La programmation budgétaire ne repose pas non plus sur la nomenclature par actions, la détermination des crédits alloués à 6 unités budgétaires correspondant aux opérateurs et aux grands postes de dépenses : l’ACSÉ, le SG-CIV, l’EPIDe, l’ex FIV Investissements, les exonérations de ZFU-ZRU et l’ANRU, ce qui souligne encore une fois la prévalence des structures organiques sur la nature de la dépense.

Enfin, les 222 millions d’euros de l’action 2 correspondent aux compensations d’exonérations de charges sociales en zones franches urbaines et en zones de redynamisation urbaine et les 24,4 millions d’euros de subvention à l’EPIDe, participent à la politique de la ville, mais ne sont pas gérés en fait par le SG-CIV ni par les opérateurs.

I.– LA PRÉVENTION ET LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL

L’action 1 Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables regroupe des crédits de prévention de la délinquance et de projets portant sur la citoyenneté qui constituent un domaine d’action prioritaire de la politique de la ville.

En 2011, le champ de l’action 1 du programme n° 147 sera élargi. La nouvelle action 1 regroupe l’ensemble des crédits à destination des quartiers dans le cadre de contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) ou de dispositifs spécifiques tels que la réussite éducative, les « adultes-relais », l’opération « Ville vie vacances », les internats d’excellence et les écoles de la « deuxième chance » (E2C). Par rapport à 2010, l’action 1 bénéficie du transfert des crédits d’ingénierie des CUCS et des crédits d’action territorialisés gérés par l’ACSé.

Les autorisations d’engagement proposées sont de 365,96 millions d’euros en 2011, de même montant qu’en 2010 (366,08 millions d’euros) et les crédits de paiement de 365,46 millions d’euros en 2011 au lieu de 371,70 millions d’euros (– 1,7 %). Sur ces montants, 151,9 millions d’euros correspondent aux actions territorialisées des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) programmées par l’ACSÉ.

Les principaux financements sont ceux des programmes de réussite éducative (83 millions d’euros), des adultes-relais (76,6 millions d’euros), de l’opération Ville vie vacances (9 millions d’euros) et de la dynamique « Espoir banlieues » (17 millions d’euros). On ne reviendra pas dans cette partie du rapport sur les moyens de la dynamique « Espoir banlieues » qui ont déjà été évoqués.

A.– LE PROGRAMME DE RÉUSSITE ÉDUCATIVE

Dans le cadre du développement social des quartiers, le programme de réussite éducative (PRE) n’est ni un projet scolaire, ni un projet destiné à l’ensemble des enfants d’un quartier, mais un programme spécifiquement dédié aux enfants ou adolescents les plus vulnérables et à leurs familles vivant sur les territoires prioritaires de la politique de la ville. L’objectif fixé par le plan de cohésion sociale du 24 juin 2004 était la création de 750 équipes de réussite éducative et de 34 internats.

Pour l’année scolaire 2009-2010, 136 281 enfants de 2 à 16 ans ont été bénéficiaires des activités de ce programme, au sein de 530 PRE existants. 61 053 d’entre eux ont été accompagnés dans le cadre d’un parcours individualisé. Une analyse de ces PRE a permis de mesurer l’impact direct sur les enfants concernés, à savoir une meilleure intégration scolaire, un plus grand investissement et une plus grande aisance en classe, une remotivation et une plus grande envie d’apprendre, des progrès en matière de comportement et d’épanouissement à l’école, une plus grande autonomie dans le travail.

Fin 2009, 35 internats de réussite éducative (IRE) étaient en activité. Dans le cadre de la dynamique « Espoir banlieues », les IRE existants sont intégrés dans le plan de développement d’internats d’excellence, déjà évoqué.

83 millions d’euros sont prévus en 2011 au titre du programme de réussite éducative, qui s’ajoutent aux moyens prévus pour la réalisation d’internats d’excellence.

B.– LES ADULTES-RELAIS

La médiation sociale, fonction aujourd’hui reconnue et soutenue, repose largement dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville sur les adultes-relais, pour lesquels un grand nombre de collectivités territoriales et d’associations ont créé des postes.

Le programme « adultes-relais » a pour objectif d’une part, l’insertion sociale et professionnelle des intéressés, d’autre part, la mise en œuvre d’actions de médiation portant sur des aspects sociaux et culturels mais aussi sur la prévention de la délinquance et la tranquillité de l’espace public. Les actions menées par les « adultes-relais » consistent à faciliter localement l’accès des habitants des quartiers de la politique de la ville aux services publics et à améliorer les rapports sociaux dans les espaces publics ou collectifs de ces quartiers. Le programme « adultes-relais » permet de confier des missions de médiation sociale et culturelle à des résidents des quartiers prioritaires de la politique de la ville, âgés de plus de 30 ans, précédemment sans emploi ou en contrat aidé.

En 2009, 79,9 millions d’euros ont été engagés pour assurer la rémunération des adultes-relais. Le budget consacré en 2010 au paiement des rémunérations des adultes-relais est de 77,7 millions d’euros. Par ailleurs, l’ACSÉ consacre 3 millions d’euros au plan de formation et de professionnalisation des adultes-relais, lancé en 2009.

4 230 postes d’adultes-relais ont été recensés en 2009. La dotation globale est restée stable par rapport à 2008. En 2010 4 200 postes sont prévus.

Pour l’année 2010, l’aide annuelle à verser pour un emploi d’adulte-relais à temps plein est de 20 664 euros. Dans le cadre des établissements publics d’enseignement, le montant annuel de l’aide peut atteindre 25 830 euros.

En 2009, un tiers des conventions a donné lieu à un nouvel engagement. Les principaux effectifs d’adultes-relais se situent dans les régions les plus urbanisées. Quatre régions de métropole concentrent la moitié des postes : Île-de-France (25 %), Nord-Pas-de-Calais (13 %), Rhône-Alpes (6 %) et Provence-Alpes-Côte-d’Azur (6 %). Outre-mer, ce sont la Guadeloupe et La Réunion qui sont les départements les plus dotés avec respectivement 44 % et 24 % des postes ultra-marins.

L’âge médian des adultes-relais est de 42 ans et la répartition des âges varie peu selon le domaine principal de médiation. Les adultes-relais sont très majoritairement des femmes mais la part des hommes est en augmentation. Plus de 60 % des adultes-relais ont le baccalauréat et près de 35 % d’entre eux ont un niveau de formation équivalent ou supérieur à bac +2. En général, les adultes-relais sont connus du quartier où ils interviennent. La moitié d’entre eux y habitent. Leur connaissance du territoire est l’un des principaux critères de leur recrutement. Enfin, près de la moitié d’entre eux maîtrisent la langue des publics cibles d’origine étrangère.

Les employeurs d’adultes-relais sont pour 82 % des associations et 10 % des collectivités territoriales. Seuls les employeurs d’adultes-relais médiateurs dans les espaces publics, avec 20 % de collectivités locales, et les employeurs d’adultes-relais médiateurs scolaires, avec plus de 30 % d’établissements d’enseignement, connaissent une répartition différente dans leurs statuts juridiques. S’il n’y a pas d’employeur type, les associations de moins de 20 salariés travaillant dans le secteur de la vie de quartier et du lien social, de l’action sociale généraliste ou de la médiation représentent la part la plus importante. Les adultes-relais médiateurs dans les espaces publics travaillent pour plus de 61 % dans des structures de plus de 100 salariés, organismes de transport ou collectivités territoriales. Enfin, les structures de médiation scolaire se partagent essentiellement entre associations de moins de 20 salariés (46 %) et établissements scolaires et établissements publics de coopération intercommunale de plus de 50 salariés (46 %).

Le présent projet de loi de finances prévoit de consacrer 76,6 millions d’euros à ce programme pour 2011 (qui seront ramenés à 72,77 millions d’euros après prise en compte de la réserve de précaution de 5 %).

C.– LE PROGRAMME VILLE VIE VACANCES

Les opérations « Ville vie vacances » (VVV) permettent depuis 1995 à des jeunes sans activité âgés de 11 à 18 ans en difficulté de bénéficier d’un accès à des activités de loisirs et d’une prise en charge éducative durant les différentes périodes de vacances scolaires. Ville vie vacances est un dispositif intégré de prévention de la délinquance s’adressant à des jeunes qui peuvent être en situation de rupture et de conflit avec leur environnement.

Ces opérations contribuent à l’insertion sociale et à la prévention de l’exclusion, à l’éducation à la citoyenneté et à l’environnement, mais également pour une part à la prévention de la délinquance et à l’amélioration de la tranquillité publique.

En 2009, les ministères de la Justice, de la Culture, des Affaires étrangères et européennes, de la Défense, de l’Intérieur, de la Jeunesse et des sports ainsi que des Affaires sociales ont participé au programme soit par le financement d’opérations, soit par l’implication de leurs personnels ( police, gendarmerie nationale, armée, protection judiciaire de la jeunesse et administration pénitentiaire essentiellement). Le dispositif mobilise aussi largement les crédits des collectivités territoriales, communes (34 %) et départements (7,5 %), puisqu’elles s’impliquent fortement dans la réalisation et la coordination locale des opérations.

Sur l’année 2009, un total de 10,6 millions d’euros a été engagé par les préfets pour soutenir 4 123 projets au titre de VVV.

Les activités proposées ont concerné principalement la promotion du sport (26,5 %), l’organisation de sorties à la journée (24 %), les animations de quartier (14 %), la culture (12 %), ainsi que des activités à caractère civique et citoyen ou encore dans le champ de la sécurité routière, de l’insertion (chantiers, apprentissage) et de l’humanitaire. La part des séjours a représenté 7,3 % des activités mais a été plus importante durant l’été 2009 à la faveur de l’opération « Des vacances, moi aussi ! » où les séjours et les sorties à la journée ont représenté 41 % des projets financés.

Les jeunes bénéficiaires (près de 800 000 au total sur des activités de toute nature) sont principalement âgés de 11 à 18 ans, mais avec une tendance au rajeunissement. Plus de la moitié des actions sont organisées dans leur commune de résidence et près de 14 % au sein même des quartiers prioritaires de la politique de la ville.

La priorité reste pour 2010 de conforter la place des jeunes filles dans les activités de ce programme et de porter leur taux de participation à 45 %.

8,72 millions d’euros sont inscrits au titre du programme VVV en 2010. 9 millions d’euros sont prévus en 2011.

II.– LES ACTIONS DE REVITALISATION ÉCONOMIQUE ET POUR L’EMPLOI

L’action 2 Revitalisation économique et emploi regroupe les crédits dédiés aux compensations aux régimes de sécurité sociale des exonérations de charges en zones franches urbaines (ZFU) et en zones de redynamisation urbaine (ZRU) et à la subvention pour charge de service public de l’établissement public d’insertion de la défense (EPIDE). Son périmètre est réduit en projet de loi de finances 2011 puisque les dispositifs menés dans le cadre des CUCS en faveur du développement économique et de l’insertion professionnelle sont rattachés à l’action 1 de ce programme.

Les crédits prévus en 2010 sont de 222,1 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement à comparer à 272,8 millions d’euros d’autorisations d’engagement et crédits de paiement en 2010 (– 18,6 %).

Le secrétariat général du comité interministériel des villes (SG-CIV) a une faible maîtrise sur ces crédits gérés le plus souvent par des structures qui lui sont extérieures, notamment la direction du Budget, et qui consistent en des subventions de fonctionnement ou d’intervention à des organismes extérieurs au périmètre ministériel.

Ainsi, 197,7 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement sont prévus au titre des compensations de charges sociales en zones franches urbaines (ZFU) et en zones de redynamisation urbaine (ZRU) et 24,4 millions d’euros sont mobilisés pour l’établissement public d’insertion de la défense.

A.– LES COMPENSATIONS DE CHARGES SOCIALES EN ZFU ET ZRU

Le bénéfice de l’exonération des cotisations patronales de sécurité sociale peut être accordé à certaines entreprises industrielles et commerciales ou non commerciales implantées ou créées dans les zones franches urbaines d’ici le 31 décembre 2011.

Conformément à l’article L. 139-2 du code de la sécurité sociale, l’État doit compenser les exonérations accordées par les organismes de sécurité sociale. En prenant en compte l’impact du recentrage du dispositif, qui s’achève en 2011, le montant de la dépense pour 2011 est estimé à 197,7 millions d’euros, dont 5 millions d’euros au titre des ZRU.

Le recentrage résulte de l’article 190 de la loi de finances initiale pour 2009 qui plafonne le niveau de salaire ouvrant droit à exonération totale de cotisations sociales (hors cotisations accidents du travail, maladies professionnelles) dans les ZFU à 1,4 SMIC. Au-delà de ce seuil, le montant de l'exonération est dégressif, jusqu'à s'annuler lorsque la rémunération est égale à un seuil de sortie (2,4 SMIC en 2009 ; 2,2 SMIC en 2010 ; 2 SMIC en 2011). Cette mesure est comparable à la modification des exonérations en faveur des zones de redynamisation urbaine et zones de revitalisation rurale votée en loi de finances pour 2008.

La consommation des crédits en gestion 2009 a été supérieure aux prévisions, elle a été opérée dans des conditions qui laissent perplexe.

La mesure d’économie sur les exonérations de charges sociales en zones franches urbaines, prévue par la loi de finances initiale pour 2009, déjà évoquée, a permis de réduire les dépenses au titre des compensations à la charge de l’État de 358,5 millions d’euros en 2008 à 297,6 millions d’euros en 2009 sur ce poste. Compte tenu du recentrage du dispositif, le montant de la dépense en 2009 s’est donc élevé à 297,63 millions d’euros (en autorisations d’engagement=crédits de paiement), dont 285,12 millions d’euros au titre des ZFU et 12,51 millions d’euros au titre des ZRU à comparer à 250 millions d’euros prévus en loi de finances initiale pour 2009.

Sur ces montants, le rapport annuel de performances annonce que la totalité des dettes antérieures à 2009, soit 11,61 millions d’euros, a été apurée (2), et une avance sur régularisation 2009 de 15,7 millions d’euros a été versée aux organismes de sécurité sociale. Une ouverture complémentaire de crédits de 8,8 millions d’euros d’autorisations d’engagement et 7,4 millions d’euros de crédits de paiement a été opérée à cet effet par la loi de finances rectificative du 30 décembre 2009.

SUIVI DES EXONÉRATIONS ZFU 2009 À 2011

   

Exécution 2009

Prévision d’exécution 2010

PLF 2011

ACCOSS

Acompte

249 480 000

218 690 000

 

Régularisation 2007

11 858 713

 

 

Régularisation 2008

13 219 509

 

 

Régularisation provisoire 2009

4 142 860

 

 

Avance sur régularisation 2009

1 763 779

 

 

Régularisation définitive 2009

 

1 275

 

Total

280 464 861

218 691 275

191 500 000

CCMSA

Acompte

249 480 000

218 690 000

 

Régularisation 2008

–345 304

 

 

Régularisation 2009

 

-355 191

 

Total

1 314 696

844 809

900 000

 

 

 

 

Acompte

4 380 000

2 780 000

 

CNRSI

Régularisation 2008

–1 247 238

 

 

Régularisation 2009

 

1 041 197

 

Total

3 132 762

3 821 197

5 300 000

 

 

 

 

Régularisation 2008

207 094

 

 

CRPCEN

Régularisation 2009

 

224 752

 

Total

207 094

224 752

0

       

285 119 413

223 582 033

197 700 000

 

Total Exonérations ZFU

54 300 000

61 537 380

25 882 033

       

Source : SG - CIV

Il est à noter qu’en exécution 2007, la compensation des exonérations de charges sociales en zones franches urbaines (ZFU) avait nécessité la consommation de seulement 299,1 millions d’euros au lieu de 333 millions d’euros prévus par le projet annuel de performances, sans que le rapport annuel de performances n’apporte l’explication de cet écart. En 2008, la dépense à ce titre avait représenté 358,5 millions d’euros pour 340,9 millions prévus en loi de finances initiale 2008, dont 10,9 millions d’euros à titre d’« acompte sur l’apurement des dettes 2007 ».

Le rapport annuel de performances ne justifie pas le versement de l’acompte sur la régularisation 2009, versé aux organismes de sécurité sociale en 2009 au lieu de 2010.

Le Rapporteur spécial avait donc demandé, dans le cadre de l’examen de la gestion 2009, que les documents budgétaires permettent de justifier précisément les prévisions et les paiements effectifs en matière de compensations d’exonérations de charges sociales en zones franches urbaines. Il reste toujours en attente de ces éclaircissements. Le seul élément d’information porte sur la dette 2007, résorbée en 2009, qui « correspondait d’une part à un transfert de dette de la mission emploi pour 5,6 millions d’euros et d’autre part à une dette du programme n° 147 suite à une insuffisance de crédits ouverts sur cette ligne budgétaire pour 6,2 millions d’euros. »

Certes, les montants prévisionnels de cette dépense sont calculés par chacune des caisses et sont communiqués en février de l’année N. Un échéancier de paiement est alors établi par avenant à la convention initiale et fixe le montant de chacun des quatre versements annuels. À la fin du 1er trimestre de l’année N, chacune des caisses fait parvenir le montant de la régularisation de la compensation d’exonérations de charges sociales en zones franches urbaines de l’année N-1.

Ces éléments, comme le tableau ci-joint qui retrace le suivi de la compensation budgétaire des exonérations de charges sociales en ZFU de 2009 à 2011, n’expliquent toujours pas pourquoi une dette s’est créée ni pourquoi elle a été régularisée.

B.– LA PARTICIPATION AU FINANCEMENT DE L’EPIDE

L’établissement public d’insertion de la Défense (EPIDe) est un établissement public de l’État créé par l’ordonnance n° 2005-883 du 2 août 2005 relative à la mise en place au sein des institutions de la défense d’un dispositif d’accompagnement à l’insertion sociale et professionnelle des jeunes sans diplôme et sans emploi. Établissement public à caractère administratif, il est placé sous la triple tutelle du ministre de la Défense, du ministre chargé de l’Emploi et du ministre chargé de la politique de la ville. L’EPIDe met en œuvre le dispositif national « Défense, 2ème chance ».

Ce dispositif s’adresse à des jeunes volontaires, garçons et filles âgés de 18 à 22 ans révolus, en situation de retard ou d’échec scolaire, sans qualification professionnelle ni emploi et souvent en risque de marginalisation sociale, en règle avec leur journée d’appel de préparation à la défense.

Les crédits de la politique de la ville ont fait bénéficier l’EPIDe d’une subvention à hauteur de 26 millions d’euros en 2008, 25,2 millions d’euros en 2009, et 25,9 millions d’euros en 2010, sur un budget total de l’établissement de 85 millions d’euros. Le ministère chargé de l’emploi reste le principal financeur avec une subvention de 47 millions d’euros sur le programme n° 102 Accès et retour à l’emploi.

Conformément aux instructions de réduction de 10 % des dépenses de fonctionnement, la subvention octroyée à l'EPIDe sera diminuée de 5 % en 2011 puis de 2,5 % les deux années suivantes. Le financement de l’EPIDe sur le programme n° 147 s’élèvera donc à 24,4 millions d’euros en 2011, à 23,7 millions d’euros en 2012 et 23,2 millions d’euros en 2013.

Le budget total de l’EPIDe devrait être de 85 millions d’euros en 2011 et permettre l’accueil de 2 430 volontaires dans 20 centres en fin d’année 2011, dont 33,5 % originaires des quartiers prioritaires de la politique de la ville.

III.– LES MOYENS D’ANIMATION DE LA POLITIQUE DE LA VILLE

L’action 3 Stratégie, ressources et évaluation regroupe les moyens de fonctionnement d’organismes participant à la politique de la ville à hauteur de 23,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et 23 millions d’euros de crédits de paiement au lieu de 42,2 millions d’euros d’autorisations d’engagement et crédits de paiement en 2010 (– 45,5 %, pour les crédits de paiement).

Les frais de fonctionnement du SG-CIV sont ramenés à 2,4 millions d’euros au lieu de 5 millions en 2010, la subvention pour dépenses de personnel et de fonctionnement courant de l’ACSE à 11,3 millions d’euros au lieu de 12 millions en 2010, le financement des actions d’ingénierie et d’animation en matière de politique de la ville à 9,3 millions d’euros au lieu de 10,4 millions en 2010.

IV.– L’AMÉLIORATION DE L’HABITAT ET DU CADRE DE VIE

L’action 4 Rénovation urbaine et amélioration du cadre de vie porte sur l’amélioration du cadre de vie, et pour mémoire, sur le programme national de rénovation urbaine, puisque la subvention de fonctionnement de l’ANRU est supprimée en 2011.

La dotation prévue en 2011 est de 6,6 millions d’euros en autorisations d’engagement au lieu de 33,1 millions d’euros en 2010 (– 80 %) et de 7,8 millions d’euros de crédits de paiement au lieu de 15,7 millions d’euros en 2010 (– 50 %).

Au-delà de la suppression de la subvention à l’ANRU, la diminution des crédits s’explique essentiellement par la baisse des dotations allouées aux collèges anciens dégradés (4,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et 5,8 millions d’euros en crédits de paiement).

2 millions d’euros sont prévus au titre de la gestion urbaine de proximité dans le cadre de la dynamique « Espoir banlieues ».

*

* *

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa séance du 20 octobre 2010, la commission procède à l’examen des crédits relatifs à la ville de la mission Ville et logement.

Après l’exposé du Rapporteur spécial, plusieurs intervenants prennent la parole.

M. Marc Goua. Cet excellent rapport a le mérite de souligner – même si notre Rapporteur spécial a mal terminé en parlant de possibilités de réduire les crédits ! – le décalage entre le discours présidentiel du 8 février 2008 relatif à un plan Marshall pour les banlieues et la réalité : une baisse de 12 % des crédits de paiement, ce qui est énorme pour des quartiers déjà en difficulté, sans oublier celle de 25 % des contrats aidés tendant à faciliter l’insertion, soit 100 millions en moins, alors que l’on assiste déjà à un saupoudrage des montants alloués. Au moment où des programmes vont passer de l’ANRU à l’ACSÉ pour une gestion de proximité avec du personnel dédié, voilà que l’on retire des fonds !

Sans parler de la réforme de la géographie prioritaire, qui est devenue un véritable monstre du Loch Ness que nous attendons toujours, la loi sur le droit au logement opposable, ou « loi DALO », a eu, plutôt que de lutter contre la ségrégation et de favoriser la mixité sociale, un effet inverse. On crée des ghettos. Quant au RSA, la complication pour l’obtenir est telle que les demandes ne sont pas celles que l’on attendait – ce que certains traduisent comme étant le résultat d’une situation qui s’améliore, ce qui n’est pas vrai.

Pour ce qui est par ailleurs de la taxe de 2 % sur les loyers sociaux, appelée pudiquement « péréquation », elle constitue un véritable hold-up sur les pauvres pour financer les plus pauvres. Après le hold-up sur le 1 % logement, voilà que l’on impose les pauvres !

L’effort en faveur des villes de banlieue devrait être une grande ambition de l’État qui devrait être prise en charge par le Premier ministre.

M. Jean-Louis Dumont. L’analyse assez critique de notre Rapporteur spécial, même si elle était mesurée, prouve une fois de plus que la politique de la ville est en déshérence.

L’ANRU, dont l’argent est tout de même issu du monde des entreprises et des salariés de par l'intervention du « 1 % logement » dans la politique de rénovation urbaine, constitue une armée mexicaine, même si ses opérations de renouvellement urbain sont indispensables et souvent d’excellente qualité. Si l’on ajoute à cela que les organismes HLM feraient l’objet d’un prélèvement de 340 millions sur leurs fonds propres, on ne voit pas comment demain les financements pourront être menés avec des collectivités exsangues et des organismes HLM ponctionnés – même si la Caisse de garantie du logement locatif social, que l’on oublie trop souvent, intervient à hauteur de 32 millions auprès de ces derniers. À cet égard, j’engage mes collègues à ne pas signer les CUCS
– contrats urbains de cohésion sociale – ou plutôt aujourd'hui les CUS
– conventions d’utilité sociale – qui ont été déposées en préfecture et à demander une renégociation car la part des HLM prévue dans ces CUS ne pourra dans ces conditions être assurée.

Peut-être, monsieur le Rapporteur spécial, qu’après chaque opération de réhabilitation où l’on gagne en matière de consommation énergétique, le loyer ne bouge pas, mais au moins les charges diminuent-elles !

Quant à l’article 54 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui ne permet plus de faire bénéficier d’une rétroactivité de trois mois précédant la demande d’aide personnelle au logement des gens qui ont droit à un logement et qui en ont besoin, c’est une catastrophe sociale qu’il prépare, surtout après ce qui a été dit sur le RSA.

La politique de la ville ne peut s’articuler qu’autour des valeurs républicaines que sont la solidarité, la sécurité voire la justice. Tous ces éléments étant absents, les rapports à venir risquent donc de décrire une situation des plus catastrophiques, sauf changement important de politique.

Merci en tout cas pour votre rapport. Il est rare d’avoir une telle qualité d’analyse, même avec la prudence qui sied quand on est dans la majorité.

M. Henri Emmanuelli. Pour avoir été appelé à suivre une opération de l’ANRU du fait d’un financement de ma collectivité, je souhaite que l’on n’oublie pas l’intervention en la matière des collectivités locales qui viennent combler pour moitié le désengagement de l’Agence – ce qui explique d’ailleurs qu’après l’annonce de baisses de crédits de cette dernière, la région Aquitaine ait refusé de les compenser.

J’en vois certains ici contester ce fait. L’ANRU agirait-elle à la tête du client ?

En tout cas, je le dis avec une certaine gravité, si le prélèvement sur les locataires était maintenu, je demanderai à ma collectivité locale d’arrêter tout financement de l’ANRU. Comment le déficit, me direz-vous, pourrait-il alors être comblé ? J’habite un département où le prix du terrain a été multiplié par dix en moins de cinq ans. Plutôt que de s’en prendre au locataire, il y a là un gisement de fonds considérable.

Faut-il rappeler que pour multiplier par deux le nombre de créations de logements sociaux, M. Borloo avait tout simplement divisé par deux le montant du financement de l’État, le faisant passer de 3 000 à 1 500 euros par logement ? Si, avec le même argent, l’État faisait le double, les collectivités locales, elles, ont dû le suppléer en avançant à sa place ces 1 500 euros de différence afin que les logements continuent à se construire. Il me semble que l’on n’a pas mesuré ce qui se préparait à court terme !

M. Olivier Carré. Le simple fait que les CUS relèvent de la politique du logement et les CUCS de la politique de la ville montre combien des problèmes a priori simples si l’on se place du côté de nos concitoyens reçoivent en fait une réponse publique d’une complexité épouvantable, sans parler des modes de collaboration entre tous les acteurs publics au sein de ces grand-messes locales qui laissent les élus locaux dubitatifs.

S’agissant de la pérennisation du financement, les 260 millions d’euros fléchés vers l’ANRU et provenant du dispositif de péréquation annuelle entre les organismes de logement social prennent-ils place dans le projet triennal ? D’autres solutions existeraient-elles ?

Quant au renouvellement des CUCS, de nombreux contrats se terminent au 31 décembre 2010. Qu’en est-il de leur renouvellement ?

Je me félicite enfin de la première que constitue l’estimation des crédits de droit commun fléchés. Mais existera-t-il toujours une bonne traçabilité ?

M. René Couanau. S’il n’y a pas de lisibilité de la politique de la ville, c’est parce qu’il existe une mosaïque de mesures et de financements divers qui fait que personne n’y comprend plus rien, à l’exemple des CUCS dont la conception et l’exécution sont devenues incompréhensibles du fait d’un manque de cohérence. Malheureusement, la complexité a atteint l’ANRU, qui est d’ailleurs beaucoup moins une armée mexicaine que les structures de l’État chargées de suivre son activité. Pour arriver à la signature d’un avenant au contrat ANRU, il nous a ainsi fallu deux ans de négociation, dix réunions techniques et trois réunions de mise au point, le tout avec des ingénieurs formés pour faire des ponts et des chaussées ! Nous ne pouvons plus continuer ainsi alors que l’ANRU est une belle opération qui va permettre la réhabilitation de quartiers qui en ont bien besoin.

Il est par ailleurs inadmissible de prélever sur la trésorerie des organismes HLM les moyens de financer une politique car nous ne réhabiliterons pas alors les immeubles ou les logements hors ANRU qui se trouvent parfois dans le même quartier. Il n’est pas question d’annuler des programmes parce que l’État nous demande de verser les fonds qui leur étaient destinés au prétexte de financer l’ANRU. Des solutions existent. Il n’est pas possible de vouloir mener une telle politique en 2011 !

M. Daniel Garrigue. Je souscris très largement aux observations formulées par M. Goulard qui me paraissent malheureusement fondées.

Concernant l’ANRU, si les choses se passent relativement bien s’agissant des villes moyennes, le problème des communes pauvres se pose lorsqu’il s’agit de très grosses opérations dans les banlieues. Il y a là une vraie priorité à réaffirmer.

Quant aux missions de l’Agence, un diagnostic un peu plus poussé s’impose : les critères d’évaluation ne sont pas forcément les meilleurs. Bien souvent, on reconstruit les immeubles que l’on a démolis à l’endroit même où ils se trouvaient, ce qui ne facilite pas la mixité sociale, avec pour conséquence de retrouver les mêmes problèmes à horizon de vingt-cinq ans. À cet égard, on manque d’éléments d’appréciation s’agissant de l’accompagnement et de l’implication des habitants dans les opérations de démolition et de reconstruction. Le président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts qui dispose des fonds d’épargne pourrait-il d’ailleurs indiquer si celle-ci a renforcé ou au moins maintenu son action en direction du programme ANRU, compte tenu des sollicitations multiples dont elle fait aujourd'hui l’objet ?

En matière d’éducation, si les internats d’excellence sont une initiative à souligner, l’éducation nationale ne joue pas le jeu concernant le « busing » pour le transport scolaire : dans ma propre ville, la municipalité a dû arrêter une telle opération qui était pourtant une réussite, l’inspecteur d’académie ayant immédiatement saisi l’occasion pour supprimer des postes afin de répondre aux objectifs de la RGPP.

Alors qu’un certain discours officiel distingue deux catégories de Français, l’évolution de la politique de la ville risque malheureusement d’accentuer cette séparation, cela dans un secteur qui devrait être prioritaire.

M. Louis Giscard d'Estaing. Dans son excellent rapport, notre collègue souligne la nécessité de trouver pour la politique de la ville une meilleure efficience, en préconisant des évolutions qu’il développera certainement dans un autre rapport, celui qu’il rendra demain au nom du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques sur les aides aux quartiers défavorisés. À cet égard, comment les pouvoirs du maire, auquel le rapport spécial de ce matin fait référence, s’articulent-ils par rapport aux politiques qui peuvent être menées au niveau de l’agglomération ? Quant au zonage, j’ai noté une volonté de réexaminer la cartographie de la politique de la ville. Un calendrier sera-t-il proposé ?

S’agissant, enfin, des internats d’excellence, toutes les académies seront-elles à terme concernées ?

M. Charles de Courson. Concernant les entreprises installées dans les ZUS et qui ont bénéficié d’avantages, quel est le pourcentage de celles qui s’y sont vraiment délocalisées ?

M. François de Rugy. Si je salue le travail du Rapporteur spécial dans lequel je vois la marque de son indépendance d’esprit, il n’en reste pas moins que le bilan de la politique en la matière est très inquiétant. Dans les programmes prévus de rénovation urbaine il y aurait ainsi un déficit de 8 000 logements sociaux, signe que l’on en aurait démoli plus qu’on ne reconstruirait. Quant aux ZFU, la compensation des exonérations de charges sociales représentera un coût de 222 millions d’euros en 2011 contre 358,5 en 2008.

Le Président de la République n’a-t-il pas dit pourtant qu’il allait faire un plan Marshall – après avoir, en tant que candidat, soutenu que la politique de la ville était un échec complet et qu’il fallait arrêter le soutien aux associations ? Aujourd'hui, non seulement nous sommes très loin d’un plan Marshall, mais la secrétaire d’État à la ville est aux abonnés absents tandis que la politique de la ville est en dérive complète, sans oublier la ponction fiscale sur les ressources des bailleurs sociaux.

Finalement, l’objectif du secrétaire d’État au logement n’est-il pas de forcer la main aux organismes HLM pour qu’ils vendent une partie de leur patrimoine ? La question en l’occurrence n’est pas de savoir si par principe il est bien ou mal de vendre des logements HLM, mais ce que l’on va vendre. Si l’on vend les meilleurs logements HLM, c'est-à-dire les maisons plutôt que les appartements et les logements en bon état, le parc HLM ne contiendra plus que des logements bas de gamme. Quant à vendre un nombre réduit de logements dans des immeubles, cela signifie que les futurs propriétaires n’auront jamais voix au chapitre.

Tous ceux qui ont des quartiers en difficulté dans leur circonscription savent que la situation est explosive. Nous sommes sur une poudrière qui peut exploser à tout moment. Je le dis non pas pour faire peur, mais pour appeler à l’action et à la solidarité nationale. Il faut des financements nationaux et faire confiance aux collectivités locales pour qu’elles soient davantage les opérateurs du changement.

M. Jean-Pierre Gorges. Pour faire une opération ANRU, encore faut-il, comme le soulignait M. Goulard, que la ville en question ait la capacité de l’accompagner. Je citerai l’exemple dans ma ville d’une opération ANRU de 123 millions d’euros pour laquelle l’Agence ne va intervenir que pour à peu près 30 millions : si les communes n’ont pas les moyens, cela ne peut pas fonctionner.

De plus, comme le soulignait M. Couanau, la politique en la matière se complexifie chaque jour : il est temps de mettre de l’ordre.

Quant au financement, si l’ANRU en a passé une partie aux régions, celles-ci nous demandent de flécher nos interventions sur les contrats passés entre les agglomérations et les régions en faisant croire que c’est l’Agence qui finance, ce qui est grave.

Au final, quand je fais la somme des contraintes – réserve foncière, délais pour monter les dossiers, personnel nécessaire, etc. – il me semble que toute ville qui en a les moyens aurait intérêt à s’engager toute seule. Celles qui n’en ont pas les moyens ne peuvent, en tout état de cause, se lancer dans ce type d’opération faute des équipements publics nécessaires pour accompagner, ce qui est tout de même une sacrée contradiction.

M. Alain Rodet. Pour lancer une opération ANRU, il faut en effet en avoir les moyens.

Sans vouloir déplacer les responsabilités de l’État vers la Caisse des dépôts, il n’en reste pas moins que la position des filiales, notamment de la Caisse des dépôts qui interviennent en matière de structures commerciales constitue un sujet préoccupant : l'Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux – EPARECA – est ainsi devenu une structure encore plus rigide que l’ANRU à son origine. Il y aurait là des réformes de fond importantes à faire.

M. Michel Bouvard. Je rappellerai d’abord à Daniel Garrigue que les moyens mis en place par la Caisse sont inscrits dans la convention que celle-ci a renégociée en 2008 – notre collègue était d’ailleurs membre de la Commission de surveillance à l’époque. Cette convention a réévalué l’engagement de la Caisse aux côtés de l’ANRU afin de s’assurer que les moyens sont engagés correctement.

Mon prédécesseur, Philippe Auberger, avait institué le comité d’orientation et de suivi de l’emploi des fonds, le COSEF, dont l’État a confié la gestion à la Caisse des dépôts et consignations et qui est présidé, de manière à s’assurer d’une parfaite cohérence du contrôle parlementaire, par le Rapporteur spécial de la politique de la ville ici présent.

S’agissant d’EPARECA, il ne s’agit pas à proprement parler d’une filiale de la Caisse des dépôts, mais d’un établissement public.

M. François Goulard, Rapporteur spécial. Je me réjouis que le sujet passionne autant mes collègues. Cela montre bien qu’il y a parmi les élus une volonté d’avoir une vraie politique de la ville.

Monsieur Goua, les ressources des collectivités concernées sont un sujet majeur. Alors que certaines n’ont pas besoin de l’aide de l’État – il faut avoir le courage de le dire – et touchent pourtant 1 ou 2 millions pour des CUCS, d’autres, plus pauvres, qui ont des CUCS plus importants, ne reçoivent que 3 ou 4 millions, ce qui n’est pas à la hauteur de leurs besoins. Cela pose toute la question des finances locales qu’il s’agisse de la DSU et de son avenir ou encore de la répartition de la DGF. En tout cas, il y a des communes trop pauvres pour résoudre seules leurs problèmes de quartiers difficiles.

Peu importe à cet égard que la politique au profit de la ville soit rattachée à Matignon ; ce qu’il faut, c’est un responsable ministériel identifié. Pour autant, tout ne se passe pas depuis les ministères, et je souscris là à un propos de François de Rugy : il faut à la fois de l’argent de l’État et un pilotage local.

Monsieur Dumont, l’ANRU n’est pas une armée mexicaine car l’Agence ne s’est pas développée de manière excessive en matière d’effectifs. Comme l’ont signalé certains collègues, l’échelon local est en fait beaucoup plus pénalisant que la structure nationale qui s’est sensiblement améliorée et qui est très bien dirigée aujourd'hui. Pour tous ceux qui s’occupent de politique de la ville au sein de l’État, l’ANRU est de très loin l’endroit où l’on trouve un vrai début d’expertise alors qu’ailleurs on fait de l’administration et pas de la politique de la ville. Il y a des loupés, mais c’est l’un des seuls moteurs que l’on voit fonctionner dans cette politique hélas assez lacunaire.

Monsieur Emmanuelli, le financement de l’ANRU a toujours été fondé sur une subvention de 15 à 20 % non pas à la tête du client, mais selon les phases des opérations – on est plus généreux au départ qu’en fin de parcours. Les modes de financement sont à peu près les mêmes, à cette différence que les départements et les régions interviennent de manière très variable de même que les intercommunalités. La région parisienne se distingue par le fait que les communes sont largement laissées à elles-mêmes contrairement aux autres régions où la solidarité est beaucoup plus importante entre les différents niveaux de collectivités, même si ce n’est pas uniforme.

Le principal contributeur dans une opération ANRU est généralement l’office d’HLM, donc les locataires. À cet égard, il n’y a pas de baisse de crédits de l’ANRU. L’enveloppe initiale de 12 milliards a été abondée de 350 millions par le plan de relance et elle n’a pas varié. Il n’y a donc pas de baisse des crédits de l’ANRU, simplement les contrats sont figés, mais l’argent on le trouve.

Monsieur Carré, ce sont en effet 260 millions d’euros qui cette année sont fléchés vers l’ANRU. Personne ne sait s’il en ira de même les années suivantes. Quant à savoir si l’on aurait pu faire autrement, la réponse est affirmative, mais cela aurait impliqué de prolonger le prélèvement d’à peu près 1 milliard sur le 1 % au-delà de la période de validité du plan national de rénovation urbaine : un « PNRU 2 » sera indispensable parce que tout le travail n’aura pas été fait.

Quant aux CUCS, ils sont reconduits pour un an. S’agissant de la traçabilité des crédits de droit commun, elle est très difficile et souvent contestable. À ce sujet, si certaines administrations, telle l’éducation nationale, intègrent la politique des quartiers, d’autres n’en ont pas conscience : l’administration de l’emploi ignore ainsi la géographie prioritaire, ce qui explique que dans des quartiers très difficiles, où le taux de chômage atteint 35 %, on ne trouve pas d’agence de Pôle emploi, ce qui implique des problèmes de transport pour les personnes concernées.

Monsieur Couanau, nous sommes en effet parvenus à un degré de complexité inouï, d’autant qu’un CUCS est un faux contrat : on signe parce que cela donne un peu d’argent, mais loin d’avoir été voulu par les acteurs de terrain, ce document aboutit à un formalisme administratif particulièrement stupide. Quant aux avenants de l’ANRU, la complexité de leur conclusion vient en effet largement de l’échelon déconcentré de l’État.

Monsieur Garrigue, la mixité sociale n’est pas toujours au rendez-vous avec une « loi DALO » qui va au rebours des objectifs affichés en installant des gens à problème là où on voudrait faire de la mixité. Et nul besoin pour cela d’attendre vingt-cinq ans : si l’on se fie aux chiffres de l’ONZUS, l’Observatoire national des zones urbaines sensibles, on n’observe pas en effet d’amélioration de la situation des quartiers – tous les indicateurs montrent que l’on est plutôt dans la stagnation.

Quant à l’implication des habitants, notre pays, de tous ceux qui ont des semblants de politique de la ville, est celui où l’on implique le moins les habitants.

Monsieur Giscard d'Estaing, ce sont les maires qui sont très largement les responsables, à quelques exceptions près, mais sachez que le mot « intercommunalité » peut se substituer dans mon rapport au mot « commune » selon le degré d’intégration locale.

Quant au zonage, je suis partisan de son resserrement. Il y a des quartiers vraiment prioritaires et d’autres qui le sont moins, et il faut concentrer les moyens sur les premiers.

S’agissant des internats d’excellence, il n’y en aura pas dans toutes les académies au moins pour ce qui est prévu aujourd'hui.

Monsieur de Courson, il n’y a pas d’exemple d’entreprise qui se soit vraiment délocalisée pour aller dans un quartier ZFU.

Monsieur Rodet, votre question concernant l’EPARECA a fait l’objet d’une réponse de la part de Michel Bouvard.

Enfin, monsieur Gorges, il est vrai que l’argent qui a été affecté aux conventions entre l’ANRU et les régions l’a été sur l’enveloppe globale de 12,350 milliards – sans un euro de plus.

M. le président Jérôme Cahuzac. Mes chers collègues, je vous rappelle que le vote sur les crédits de la mission Ville et logement interviendra à l’issue de l’examen des crédits relatifs au Logement le 27 octobre prochain.

M. François Goulard, Rapporteur spécial. Sachant que j’émets un avis favorable à l’adoption de ces crédits.

M. le président Jérôme Cahuzac. Acte en est pris.

*

* *

Lors de sa séance du 27 octobre 2010, la commission adopte les crédits de la mission Ville et logement.

ANNEXE :
AUDITIONS RÉALISÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

– De multiples réunions, auditions et déplacements, depuis la fin de l’année 2009, dans le cadre du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, sur « les aides en faveur des quartiers défavorisés : combien pour quels résultats ? ».

– M. Pierre Sallenave, Directeur général de l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU).

*

* *

© Assemblée nationale

1 () L’expérimentation de la mixité choisie, dite « busing », consiste à déplacer des classes situées dans une école souffrant d’une trop faible mixité sociale dans un établissement scolaire de la même commune, sur la base du volontariat du maire, des enseignants qui accompagnent la classe « délocalisée » et des parents des élèves concernés par le déplacement.

2 () Le tableau ci-joint mentionne l’apurement d’une dette de 11,8 millions d’euros.