Accueil > Documents parlementaires > Les rapports législatifs
Version PDF


N
° 3807

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 octobre 2011

AVIS

présenté

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LE PROJET DE
loi
de finances pour 2012 (n° 3775),

TOME IX
RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPERIEUR :

GRANDS ORGANISMES
DE RECHERCHE

PAR M. Pierre LASBORDES,

Député.

——

Voir le numéro : 3805 (annexe 33).

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION 5

I.— LA POURSUITE DE L’EFFORT FINANCIER EN FAVEUR DES GRANDS ORGANISMES DE RECHERCHE 9

A.— DES CRÉDITS EN HAUSSE MAIS DES SITUATIONS PARTICULIÈRES TOUJOURS TENDUES 9

1. Programmes relevant du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche 10

2. Programme relevant du ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire 12

3. Programme relevant du ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi 13

4. Programme relevant du ministère de la défense 13

5. Programme relevant du ministère de la culture et de la communication 13

6. Programme relevant du ministère de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche 14

B.— DES MOYENS EN HAUSSE QU’IL IMPORTE DE CONFIRMER À L’AVENIR 17

1. Le budget de l’INRA 17

2. Le budget de l’INRIA 19

3. Le budget de l’IFREMER 21

4. Le budget de l’INSERM 23

5. Le budget du CNRS 25

6. Le budget du CNES 28

7. Le budget du CEA 30

8. Le budget du CEMAGREF 33

9. Le budget d’IFP-Énergies nouvelles 35

II.—  LE PROGRAMME DES INVESTISSEMENTS D’AVENIR 39

A.— LE PROGRAMME DES INVESTISSEMENTS D’AVENIR CONSTITUE UN DISPOSITIF REMARQUABLE, DOTÉ DE MOYENS SANS PRÉCÉDENT, AU SERVICE DU SYSTÈME FRANÇAIS DE RECHERCHE ET D’INNOVATION 39

1. Ce programme répond à cinq priorités nationales 39

2. La ventilation des crédits destinés à la recherche 41

3. Une gouvernance originale reposant sur une relation triangulaire 42

a) Le commissariat général à l'investissement 42

b) Les opérateurs 42

c) Le comité de surveillance 43

4. Un mode de financement reposant principalement sur l’emprunt 43

B.— LES MODALITÉS DE MISE EN œUVRE DU PROGRAMME DES INVESTISSEMENTS D’AVENIR DEMANDENT TOUTEFOIS À ÊTRE AMÉLIORÉES AFIN DE RENFORCER L’EFFICACITÉ DU DISPOSITIF ET DE RÉDUIRE SON COÛT POUR LES BÉNÉFICIAIRES 44

1. Le coût de la demande d’un investissement d’avenir ne doit pas être sous-estimé même s’il est inhérent au mécanisme du financement sur projet 44

2. Il convient de soutenir les efforts de modernisation accomplis par l’ANR dans un contexte budgétaire contraint 45

3. Le renforcement de l’efficacité du PIA appelle un effort de coordination des initiatives locales et une amélioration de la communication à destination des PME 45

4. Il convient de veiller à éviter tout glissement du financement de certains projets des crédits du budget général vers le PIA 46

5. Les modalités de calcul des coûts de gestion pèsent sur le budget des établissements publics scientifiques et technologiques 47

EXAMEN EN COMMISSION 49

ANNEXE LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES 65

MESDAMES, MESSIEURS,

Le premier lancement de la fusée Soyouz, le 21 octobre 2011, depuis le port spatial de Kourou, parachève une année de succès exceptionnels pour le Centre national d’études spatiales (CNES) et, plus largement, pour la recherche spatiale française et européenne. Le lancement de cinq Ariane-5 en 2011 porte en effet à 46 le nombre de succès consécutifs obtenus par la fusée Ariane depuis 2002. Le lancement réussi de Soyouz, qui a permis de placer en orbite les deux premiers satellites de la constellation Galileo, symbolise également avec éclat les fruits de la coopération européenne dans le domaine spatial.

Ces succès considérables surviennent à quelques mois de la célébration du cinquantième anniversaire de la création du CNES, né le 19 décembre 1961 de la volonté du Général de Gaulle d’assurer l’indépendance nationale tout en affirmant la capacité technologique de la France. Grâce au travail constant des institutions fondées à cette époque, à commencer par le CNES, ce pari technologique a réussi. La France est devenue un acteur déterminant de l’espace, et c’est en grande partie grâce à l’excellence de la recherche française que l’Europe est parvenue au rang de deuxième puissance spatiale mondiale et de numéro un mondial dans le domaine des lanceurs.

Le cas du CNES constitue un exemple parmi beaucoup d’autres des succès obtenus par la recherche française. Ainsi, M. Jules Hoffmann, ancien président de l’Académie des sciences, est-il devenu en 2011 lauréat du prix Nobel de médecine, peu de temps après avoir reçu la médaille d’or du CNRS – soit la plus haute distinction scientifique française. Il a d’ailleurs réalisé l’ensemble de sa carrière dans ce prestigieux organisme de recherche, dont il a présidé l’institut de biologie moléculaire et cellulaire. Cette reconnaissance internationale des travaux de recherche français est appelée à s’accroître au cours des années à venir grâce aux effets de la réforme d’envergure du système français de recherche et d’innovation conduite depuis 2007. En particulier, le programme des investissements d’avenir – sur lequel votre rapporteur a souhaité placer l’accent cette année – constitue un puissant facteur de soutien des travaux de recherche les plus innovants.

Les moyens dévolus à la recherche figurent dans la Mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur » (MIRES) qui, en application de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, a succédé à l’ancien Budget civil de recherche et développement (BCRD).

Depuis la révision constitutionnelle de juillet 2008, la commission des affaires économiques est compétente pour examiner la majorité des crédits consacrés à cette mission. L’avis dont j’ai l’honneur d’être le rapporteur est consacré aux crédits alloués aux grands organismes de recherche. Comme je l’ai signalé de façon liminaire, l’année 2011 aura connu des avancées importantes pour le monde de la recherche. En effet, 2011 a vu la consolidation de la réorganisation de l’INSERM et du CNRS (avec notamment l’achèvement de la mise en place des nouvelles directions du siège) qui, chacun à leur manière, ont connu un important changement de structure, basé sur un redécoupage thématique des champs explorés. Par ailleurs, au cours de l’année 2011, l’INRIA et IFP-Énergies nouvelles ont renouvelé leur contrat avec l’État. Il est à signaler, enfin, que le CEMAGREF a préparé en 2011 la révision de son décret fondateur, ce qui doit conduire à une redéfinition de ses missions et se traduira prochainement par un changement de nom de l’établissement (il deviendra l’IRSTEA – Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement).

En augmentant les moyens de la recherche et de l’enseignement supérieur de 200 millions d’euros par rapport au précédent exercice, le Gouvernement a poursuivi l’effort financier considérable entrepris depuis 2007, marqué notamment par l’accroissement de la part des dépenses consacrées à la recherche dans le budget général de l’État, qui est passée de 4,38 % au début de la législature à 4,77 % dans le PLF 2012.

Malgré la forte contrainte pesant sur les finances publiques, la plupart des grands établissements de recherche voient ainsi leurs crédits augmenter. Si l’on ne peut que louer l’effort ainsi consenti, l’enseignement supérieur et la recherche demeurant une priorité du Gouvernement pour la cinquième année consécutive, il convient néanmoins de prendre en compte les difficultés de nombreux organismes. Ainsi, plusieurs établissements, handicapés par ailleurs par le système de la réserve de précaution, se voient confier de nouvelles missions sans que leur budget n’augmente pour autant. Par ailleurs, il conviendrait de revoir les modalités de remboursement des crédits accordés au titre du plan de relance, et de tenir compte, lors de la détermination du montant de la subvention de l’État, des efforts de gestion consentis par les organismes. De manière générale, il convient de veiller à mettre en adéquation l’ambition que l’on souhaite donner à ces organismes et les moyens correspondants. Enfin, alors que le programme des investissements d’avenir connaît une montée en puissance avec le déploiement de la deuxième vague des appels à projets, votre rapporteur propose un certain nombre de mesures destinées à accroître l’efficacité du dispositif et à réduire son coût pour les bénéficiaires.

Quoi qu’il en soit, le projet de loi de finances pour 2012 a, au-delà des critiques qui sont aussi inévitables que légitimes pour certaines d’entre elles, poursuivi l’effort de revalorisation du secteur de la recherche, comme l’atteste l’ensemble des mesures présentées par le Gouvernement. Voici les raisons qui conduisent votre rapporteur à vous demander de donner un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2012 des grands organismes de recherche de la mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur ».

I.— LA POURSUITE DE L’EFFORT FINANCIER EN FAVEUR
DES GRANDS ORGANISMES DE RECHERCHE

A.— DES CRÉDITS EN HAUSSE MAIS DES SITUATIONS PARTICULIÈRES TOUJOURS TENDUES

Eu égard au nombre des programmes de la mission « recherche et enseignement supérieur » et à l’ampleur des moyens qui lui sont attribués, la commission des affaires économiques rend trois avis distincts, afin de traduire la pluralité des points de vue de la commission sur cette mission. Outre le traditionnel avis consacré aux grands organismes de recherche (qui fera l’objet du présent rapport), seront également rendus les avis sur la recherche industrielle et sur la recherche dans le domaine de l’énergie (ce dernier étant intégré au sein d’un avis plus vaste intitulé « industrie et énergie »).

L’année 2011 et le projet de loi de finances pour 2012 se révèlent à nouveau périlleux pour le secteur de la recherche. En effet, dans un contexte de profonds changements institutionnels (qu’il s’agisse des effets de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités ou de la poursuite de la réforme organisationnelle engagée par de grands organismes de recherche comme le CNRS et l’INSERM) et d’une forte contrainte budgétaire, le Gouvernement est néanmoins parvenu à maintenir ses efforts en faveur de la recherche. Priorité affichée à maintes reprises par les pouvoirs publics, la MIRES bénéficie en effet, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012, d’une hausse de 200 M€ par rapport à l’exercice précédent, portant le budget total de la mission à 25,788 Mds€ en autorisations d’engagement (AE) en euros courants (contre un budget de 24,778 Mds€ inscrit dans la loi de finances initiale pour 2011), et à 25,439 Mds€ en crédits de paiement (CP).

À l’instar du projet de loi de finances pour 2011, la MIRES comporte dix programmes, dont neuf relèvent de la commission des affaires économiques. Il convient néanmoins de préciser que, comme les années précédentes, le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » ne relève qu’en partie du spectre couvert par la commission, et que le programme 231 « Vie étudiante », même s’il intéresse à la marge la commission, relève pour sa part entièrement de la commission des affaires culturelles. Ce dernier ne sera donc pas abordé dans le cadre du présent avis.

Les différents programmes de la MIRES qui relèvent en tout ou partie de la commission des affaires économiques sont donc les suivants :

1. Programmes relevant du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche

programme 150 : « Formations supérieures et recherche universitaire ». Ce programme, bien qu’excédant le périmètre de la recherche au sens strict, mérite d’être évoqué en raison de l’importance de sa dotation (12,76 Mds€ en AE, 12,51 Mds€ en CP). Sous le double effet de la loi de programme n° 2006-650 du 18 avril 2006 pour la recherche, qui permet notamment aux établissements d’enseignement supérieur d’entrer dans le périmètre des pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES) – ensembles associant les moyens de divers acteurs en vue de conduire des projets communs – et de la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, les établissements d’enseignement supérieur ont vu leur dimension « recherche » notablement renforcée. Outre cette évolution qui est appelée à prendre de l’ampleur au cours des prochaines années (d’ici 2012, l’ensemble des universités françaises devront en effet être passées aux compétences élargies), il convient également de prendre en considération la montée en puissance de l’Agence nationale de la recherche (ANR), les établissements visés par ce programme étant les principaux bénéficiaires de ses concours financiers.

Au sein des quinze actions que regroupe le programme n° 150, seules les actions 6 à 12 relèvent spécifiquement du secteur de la recherche universitaire, soit un budget global de 3,744 Mds€, la principale action du programme étant la première (« formation initiale et continue du baccalauréat à la licence », représentant une dotation de 2,69 Mds€, soit 21,1 % du programme). Pour ce qui concerne les seules actions propres à la recherche, les principales sont, comme en 2011, les actions n° 6 (« recherche universitaire en sciences de la vie, biotechnologies et santé », dont la dotation s’élève à 756,91 M€ en AE), n° 11 (« recherche universitaire en sciences de l’homme et de la société » abondée à hauteur de 968,53 M€ en AE) et n° 12 (« recherche universitaire interdisciplinaire et transversale » pour un montant de 927,78 M€ en AE). Elles représentent respectivement 5,93 %, 7,59 % et 7,27 % du programme. Les principaux opérateurs chargés de mettre en œuvre ce programme sont, soit des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP), soit des établissements publics administratifs, autonomes ou rattachés. Sont ainsi concernés les universités, les instituts universitaires de formation des maîtres – qui sont d’ailleurs en cours d’intégration dans les universités –, les grands établissements, les instituts d’études politiques, les écoles d’ingénieurs indépendantes sous tutelle du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, les écoles normales supérieures et divers établissements à vocation de recherche et d’enseignement supérieur, dont les observatoires de Paris et de Nice et les cinq écoles françaises à l’étranger (parmi lesquelles figurent notamment l’école française d’Athènes, l’école française de Rome et l’Institut français d’archéologie orientale du Caire).

 programme 172 : « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires ». Doté d’une enveloppe de 5,122 Mds€ en AE comme en CP, ce programme joue un rôle central dans la conduite de la politique de recherche, tant par son volume (il s’agit toujours du premier programme dédié à la recherche au sein de la MIRES) que par son étendue, puisqu’il couvre l’ensemble des champs scientifiques, qu’il s’agisse, pour ne prendre que quelques exemples, de la santé, de l’histoire, des nanotechnologies ou de l’exploration des fonds marins. Dominé par l’action n° 5 (« recherches scientifiques et technologiques en sciences de la vie, biotechnologies et santé », qui représente près de 23 % de l’ensemble, soit plus de 1,17 Md€), ce programme s’avère particulièrement stratégique. Les principaux opérateurs concernés sont prioritairement les grands organismes de recherche comme le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), dans sa seule dimension civile, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), l’Institut national des études démographiques (INED), ainsi que l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA). Mettent également en œuvre ce programme des fondations (au premier rang desquelles se trouve l’Institut Pasteur) et des groupements d’intérêt public (principalement l’IPEV – Institut Paul-Émile Victor, et l’ANRS – Agence nationale de recherche sur le sida).

Constante d’année en année, l’importance de ce programme doit en outre être soulignée à un double titre : en effet, lui sont rattachés le budget d’intervention de l’ANR, établissement qui joue un rôle fédérateur de premier plan en participant au financement de projets relevant de divers organismes, et le crédit d’impôt en faveur de la recherche (CIR), instrument privilégié de la recherche privée qui permet aux entreprises effectuant des dépenses de recherche d’obtenir une créance fiscale sur l’État dont le montant dépend de l’importance des dépenses de recherche réalisées. Dans le projet de loi de finances pour 2012, le budget alloué à l’ANR s’élève à 759,85 M€ en AE comme en CP (soit 14,83 % du budget total du programme). Les dépenses fiscales rattachées à ce programme sont constituées à titre quasi-exclusif du crédit d’impôt recherche, qui est évalué à 2,3 Mds€ en 2012, auxquels s’ajoutent 5 M€ au titre de l’exonération de l’impôt sur les sociétés en faveur des établissements publics de recherche, des établissements publics d’enseignement supérieur et de certaines personnes morales et fondations d’utilité publique ;

– programme 187 : « Recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources ». Doté d’une enveloppe de 1,25 Mds€ en AE comme en CP, ce programme est mis en œuvre par les six grands organismes que sont l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), l’Institut de recherche pour le développement (IRD), l’Institut de recherche en sciences et technologies pour l’environnement (CEMAGREF), le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) et l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER). Ces organismes constituent une source privilégiée de conseils pour les pouvoirs publics dans des domaines qui touchent à des secteurs aussi stratégiques que le développement durable ou la gestion des risques. Les trois principales actions de ce programme concernent les « recherches scientifiques et technologiques sur les ressources, les milieux et leur biodiversité » (action n° 1 correspondant à 21,8 % du programme), les « recherches scientifiques et technologiques sur les systèmes de production et de transformation associés » (action n° 2 représentant 21,9 % du programme), dont l’objet est de faire évoluer les modes de production vers l’exploitation durable des ressources et des milieux et les « moyens généraux et d’appui à la recherche » (action n° 8 correspondant à 19,8 % du programme), qui ont pour objet de parvenir à une allocation optimale et à une gestion plus économe des moyens ;

programme 193 : « Recherche spatiale ». Le budget prévisionnel affecté à ce programme s’élève à 1,398 Md€, tant en AE qu’en CP. L’opérateur principal de ce programme est, naturellement, le centre national d’études spatiales (CNES), qui œuvre dans le cadre du contrat pluriannuel 2011-2015, signé le 26 octobre 2010, tout en veillant à s’accorder avec les actions menées par ailleurs par l’Agence spatiale européenne (ESA). Il oriente l’action du CNES dans les directions suivantes : la participation à la montée en puissance de l’Union européenne dans le domaine spatial ; la mise en service des systèmes spatiaux décidés au niveau national, tels que, à titre d’exemple, les satellites Megha-Tropiques (cycle de l’eau), Altika (altimétrie) ou Meteosat 3ème génération (météorologie) ; le concours et l’expertise pour le développement des nouvelles générations de satellites (par exemple : SWOT pour l’altimétrie) et de lanceurs (Ariane 5 ME et Ariane 6). L’action principale de ce programme est la maîtrise de l’accès à l’espace (action n° 4 correspondant à 35,3 % du programme), suivie par le développement de la technologie spatiale au service de l’observation de la Terre (action n° 2 représentant 19,9 % du programme) et la maîtrise des technologies orbitales et de l’innovation technologique (action n° 5 correspondant à 15,69 % du programme).

2. Programme relevant du ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire

programme 190 : « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de l’aménagement durables ». Doté d’une enveloppe de 1,433 Md€ en AE et de 1,362 Md€ en CP, ce programme concerne les secteurs les plus importants du développement durable : il couvre aussi bien l’énergie que les écosystèmes, les risques naturels et technologiques, la construction, les systèmes urbains, les transports et, enfin, les questions climatiques. L’action n° 10 est la plus importante puisque, avec une dotation de 664,35 M€ en AE et en CP, elle représente à elle seule 46,35 % des crédits. Ce programme est mis en œuvre par le CEA (principal opérateur de la mise en œuvre de l’action n° 10), IFP-Énergies nouvelles (IFPEN), l’Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité (INRETS), l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), le Laboratoire central des ponts et chaussées (LCPC), l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS), l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME).

3. Programme relevant du ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi

– programme 192 : « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle ». Ce programme constitue l’instrument privilégié de la politique industrielle et du développement de la compétitivité française. Il a pour objet de soutenir la politique menée en matière de recherche et développement, de mettre en œuvre la deuxième phase des pôles de compétitivité et de contribuer à la diffusion des innovations. Bénéficiant d’une enveloppe de 1,022 Md€ en AE et de 0,998 Md€ en CP, ce programme compte trois actions : « Organismes de formation supérieure et de recherche » (représentant plus de 30 % du programme avec 309,65 M€ en AE), « Soutien et diffusion de l’innovation technologique » (soit 41,7 % du programme avec une dotation de 426,7 M€) et « Soutien de la recherche industrielle stratégique » (soit près de 28 % du programme, correspondant à 286,18 M€ en AE).

4. Programme relevant du ministère de la défense

programme 191 : « Recherche duale (civile et militaire) ». D’un montant de 196,86 M€ en CP, ce programme a pour finalité le développement des synergies entre la recherche civile et la recherche militaire, mais également l’application au secteur civil des découvertes qui ont pu être effectuées dans le champ militaire. Ce programme compte quatre actions, largement dominées par l’action n° 3 « recherche duale dans le domaine aérospatial » (qui représente à elle seule 82,5 % du programme, ce qui équivaut à une dotation de 162,41 M€), qui est principalement mise en œuvre par le CNES (dans sa seule dimension militaire).

5. Programme relevant du ministère de la culture et de la communication

– programme 186 : « Recherche culturelle et culture scientifique ». Ce programme, qui relève de la politique transversale de la recherche, repose sur deux grands axes d’actions, l’un portant sur la politique de recherche dans le domaine de la culture et l’autre sur la diffusion de la culture scientifique et technique auprès du public. Le budget du programme s’élève à 124,32 M€ en CP contre 124,1 M€ dans le PLF 2011. La quasi-totalité de cette dotation (92,4 %) est affectée à la diffusion de la culture scientifique et technique. L’unique opérateur du programme est, depuis le 1er janvier 2010, Universcience, établissement public issu de la réunion du Palais de la découverte et de la Cité des sciences et de l’industrie.

Toutefois, il est à noter que ce programme bénéficie de déversement de crédits en provenance :

– de l’action 7 « Fonctions de soutien du ministère » du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », pour un montant de 31,77 M€ ;

– du programme 309 « Entretien des bâtiments de l’État », pour un montant de 0,25 M€ ;

– et du programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », pour un montant de 0,99 M€.

En conséquence, les crédits en coût complet du programme 186 s’élèvent en 2012 à 157,33 M€.

6. Programme relevant du ministère de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche

– programme 142 : « Enseignement supérieur et recherche agricoles ». L’essentiel de ce programme (307,2 M€ budgétés en CP pour 2012 soit une hausse de 2,4 % par rapport à l’exercice 2011) visant à former des professionnels (ingénieurs, vétérinaires, paysagistes…) dans les secteurs gérés par le ministère de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche, la partie précisément consacrée à la recherche correspond seulement à un budget de 37,36 M€ (soit 12,2 % du total). Ce programme est mis en œuvre par l’ACTA et l’ACTIA (associations de coordination technique agricole et des industries agroalimentaires), le CEMAGREF, l’INRA, ainsi que, compte tenu de son orientation générale, par les écoles d’enseignement supérieur agricole et vétérinaire. Il convient de préciser que la dépense fiscale prévisionnelle associée s’élève à 195 M€ en 2012 (soit une baisse de 5 M€ par rapport à l’exercice 2011) et correspond exclusivement à la réduction d’impôt sur le revenu pour frais de scolarité dans l’enseignement supérieur.

RÉCAPITULATION DES CRÉDITS PAR PROGRAMME ET PAR TITRE

B.— DES MOYENS EN HAUSSE QU’IL IMPORTE DE CONFIRMER À L’AVENIR

Après avoir vu de façon générale, autant qu’abstraite parfois, les moyens dont disposait la mission recherche et enseignement supérieur, il nous a semblé opportun, comme pour l’exercice 2011, d’étudier de façon détaillée les crédits dont certains organismes de recherche bénéficient dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012.

1. Le budget de l’INRA

Fondé en 1946 pour répondre à la demande sociale pressante de « nourrir la France », l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) est depuis 1984 un établissement public à caractère scientifique et technique, placé sous la double tutelle du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et du ministère de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche. L’INRA couvre des champs disciplinaires très différents, qu’il s’agisse des sciences de la vie, des sciences économiques et sociales, des sciences de l’environnement ou des sciences de l’aliment. Il occupe premières places mondiales – et la première place européenne – par ses productions scientifiques dans le domaine de l’agronomie.

Position de l’inra dans le top 1 % des institutions les plus citées
(d’après les citations reçues des articles publiés entre le 1er janvier 2000 et le 31 décembre 2010)

 

d’après le nombre de citations reçues

d’après le nombre d’articles publiés*

Champ disciplinaire

Rang mondial

Rang français

Rang mondial*

Rang français*

Sciences agricoles

2/428 organismes

1

3

1

Sciences végétales et animales

3/931 organismes

1

5

1

Microbiologie

14/354 organismes

2

11

3

Environnement/Écologie

36/585 organismes

2

20

1

* données ESI Thomson Reuters, 1er mars 2011

Source : INRA

Le document d’orientation 2010-2020, adopté le 18 juin 2010 par le conseil d’administration de l’INRA, fixe le cap scientifique de l’Institut pour la prochaine décennie. Les orientations de recherche de l’Inra pour les dix ans à venir sont désormais structurées autour d’un objectif majeur de sécurité alimentaire « soutenable » dans un contexte de changements globaux. À cette fin, quatre chantiers scientifiques prioritaires ont été identifiés :

 améliorer les performances économiques, sociales et environnementales de l’agriculture,

● assurer des systèmes alimentaires sains et durables,

● valoriser la biomasse,

● atténuer le réchauffement climatique et s’y adapter.

L’institut devra faire converger ses compétences dans deux domaines en particulier : l’agro-écologie, nouvelle discipline résultant de la fertilisation croisée entre l’agronomie et l’écologie ; la biologie prédictive, alliant les connaissances issues des technologies à haut débit et la modélisation pour mieux connaître le vivant.

Le budget prévisionnel 2011 de l’INRA est fixé à 844,07 M€ hors produits et charges (70 % de ce montant étant consacré aux seules charges salariales), ce qui représente une hausse conséquente de près de  30 M€ par rapport au précédent exercice soit une croissance de 3,7 % par rapport au budget initial de 2010. Pour 2012, la subvention pour charges de service public du programme 187 s’élève à 656,48 M€, en hausse de 0,46 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2011 (+ 3,06 M€). La subvention globale pour charges de service public (répartie entre les programmes 187 – qui est le principal programme mis à contribution –, 172 et 142 de la mission « Recherche et enseignement supérieur ») est fixée à 658,90 M€, soit une hausse de 0,4 % par rapport à 2011. Cette augmentation est en premier lieu la conséquence du relèvement du taux de cotisation aux pensions civiles et de l’allocation temporaire d’invalidité (la part employeur étant portée à 68,92 % au 1er janvier 2012). Elle tient compte également de la réduction des dépenses de fonctionnement (– 3,917 M€) et de la restitution des crédits du plan de relance de l’économie (– 0,930 M€). L’INRA dispose par ailleurs de ressources propres en forte croissance sur l’exercice 2011, qui s’élèvent à 168,549 M€. Elles proviennent à 65% des contrats et conventions de recherche, qui représentent 110 M€ en 2011 (contre 95,69 M€ en 2010).

Hors effet des mesures de financement du relèvement du taux de cotisation aux pensions, ce projet de budget se traduit par une diminution nette des moyens alloués à l’INRA. Pour parvenir à présenter un budget en équilibre, l’organisme devra poursuivre ses efforts de maîtrise de la masse salariale par la poursuite des mesures de gel d’emplois déjà réalisées en 2011. Il devra également réduire le soutien de base de ses unités et renoncer à certaines opérations d’investissement.

La suppression de 20 ETP en LFI pour 2011 concernait 17 post-doctorants et 3 transferts d’emplois. De fait, l’établissement a présenté son budget 2011 en prévoyant le gel de 40 ETP, afin d’équilibrer la contrainte pesant mécaniquement sur les moyens des laboratoires du fait des mesures d’économie. Cette option visant à maîtriser l’évolution de la masse salariale sera vraisemblablement poursuivie en 2012 : un scénario où 40 nouveaux emplois seraient gelés est en cours d’analyse.

Enfin, votre rapporteur se félicite de la décision de M. le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche de faire bénéficier les EPST d’un taux de mise en réserve réduit (soit 0,25 % de la masse salariale et 3 % des autres dépenses de fonctionnement et d’investissement) au lieu des taux initialement prévus de 2,5 %et de 6 %. L’établissement bénéficie en effet, depuis plusieurs années, comme l’ensemble des EPST, de taux minorés de 0,25 % et de 2,5 %.

2. Le budget de l’INRIA

L’Institut de recherche en informatique et en automatique (INRIA) a été créé par la loi n° 67-7 du 3 janvier 1967. Il est alors l’un des principaux artisans du Plan Calcul, lancé en 1966 et destiné à doter la France d’une indépendance en matière de technologie informatique. L’institut devient, en 1979, un établissement public à caractère administratif puis, en 1985, un établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST), placé sous la double tutelle du ministère chargé de la recherche et du ministère chargé de l’industrie. L’INRIA constitue aujourd’hui un ensemble de renommée internationale réunissant huit centres de recherche, les trois derniers ayant été créés au début de l’année 2008.

Le contrat d’objectifs 2011-2014, approuvé par le conseil d’administration de l’Inria du 7 juillet dernier,  a confirmé, de manière explicite, la double mission de l’institut, à la fois opérateur national de recherche-développement et « agence de projets ». L’établissement est chargé, avec ses partenaires – universités et écoles, organismes de recherche, entreprises –, de faciliter et d’accompagner la montée en puissance de pôles académiques d’excellence de rang mondial dans le domaine des sciences et technologies du numérique. Le contrat 2011-2014 définit cinq objectifs stratégiques :

– participer à l’échelon géographique le plus adapté à la résolution de grands défis scientifiques et technologiques du domaine ;

– contribuer à la compétitivité de l’économie et au développement de la société dans un secteur fortement créateur d’emplois ;

– œuvrer au développement de pôles d’excellence de rang mondial en partenariat avec les établissements de recherche et d’enseignement supérieur ;

– amplifier la participation de l’institut à la construction de l’Europe de la recherche et accroître son rayonnement international ;

– optimiser les services d’accompagnement et de support.

Pour l’année 2011, le budget de l’INRIA est en augmentation de 4,2 % par rapport à 2010, à 266,04 M€ (hors reports des années antérieures). Les ressources propres sont en forte croissance à 73,07 M€ (+ 10,9 %). La subvention pour charges de service public (hors mise en réserve) représente 69,5 % des recettes et les ressources propres de l’établissement 30,5 %. La progression des ressources provenant des contrats et des soutiens de recherche finalisés présente un caractère structurel. Elle résulte en effet des succès obtenus par les équipes de recherche de l’institut dans les divers appels à projets nationaux (ANR, pôles de compétitivité, etc.) et européens (PCRD, ERC, etc.) ainsi que d’une progression des financements provenant du secteur privé.

La subvention pour charges de service public pour 2012 s’élève à 166,95 M€ (contre 167,70 M€ en 2011), ce qui correspond à une dotation de base de 163,39 M€ et à une subvention au titre du programme de financement de post-doctorants de 3,56 M€ (soit un montant identique à celui de 2011 et correspondant à 102 supports d’embauche). La dotation de base accordée à l’INRIA pour 2012, comporte, par rapport à 2011, trois évolutions :

– l’une négative : une baisse de 2,26 M€ au titre des mesures d’économie sur les dépenses de fonctionnement et du remboursement des crédits accordés au titre du plan de relance ;

– les deux autres positives : une augmentation des crédits de 1,49 M€ destinés à couvrir l’accroissement des taux de cotisation employeur pour les pensions des fonctionnaires ; une seconde augmentation de 0,01 M€ au titre des ajustements d’opérations concernant les très grandes infrastructures de recherche (TGIR).

Par ailleurs, comme votre rapporteur l’a précisé, le Gouvernement a réduit, à l’instar des années précédentes, les taux de mise en réserve sur les crédits de dotation : ils seront fixés à 0,25 % pour la masse salariale et à 3 % pour les autres dépenses. Cette mesure conduira l’institut à « geler » 1,68 M€ (contre 1,26 M€ en 2011).

Votre rapporteur avait signalé l’année dernière que l’INRIA se trouvait dans une situation financière très délicate, en raison de la nécessité de financer les opérations immobilières engagées pour les trois nouveaux centres de Saclay, Bordeaux et Lille. De fait, les sommes à engager en 2012 au titre de ces réalisations s’élèveront à une vingtaine de millions d’euros (dont près de la moitié sera prélevée sur la dotation). Or, le projet de budget pour 2012 conduit à une baisse « faciale » de la dotation de l’INRIA de 0,5 % par rapport à la LFI pour 2011. Si l’on considère que l’accroissement des taux de cotisation pour les pensions civiles couvre une charge nouvelle inéluctable, la baisse réelle est de 1,3 %. En ne prenant en compte ni les crédits affectés à l’investissement lourd, ni les crédits mis en réserve, la baisse de la capacité de financement des dépenses de fonctionnement atteint 10 %.

De surcroît, comme votre rapporteur s’en est fait l’écho lors de l’examen des crédits des Grands organismes de recherche par la commission des affaires économiques, les modalités de remboursement des crédits accordés au titre du plan de relance mériteraient d’être précisées. En effet, ces remboursements de crédits prennent la forme, pour la plupart des organismes, d’une diminution de la base de la subvention versée par l’État. Consolidée à chaque exercice, une telle diminution risque d’entraîner une réduction des moyens accordés à la recherche. Ainsi, la nouvelle tranche de remboursement de crédits du plan de relance par l’INRIA, estimée à 0,70 M€ pour 2012, porterait le remboursement cumulé sur 2011-2012 à 1,8 M€ environ, soit 0,3 M€ de plus que la dotation versée à l’institut en 2009. Il convient en conséquence de veiller à ce que le remboursement des crédits accordés au titre du plan de relance ne conduise pas à une diminution structurelle de la subvention de l’État.

3. Le budget de l’IFREMER

Établissement public industriel et commercial, l’IFREMER a été créé par un décret du 5 juin 1984, formalisant ainsi la fusion entre deux entités préexistantes, le CNEXO (Centre National pour l’Exploitation des Océans) et l’ISTPM (Institut Scientifique et Technique des Pêches Maritimes). Placé sous la triple tutelle du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, du ministère de l’alimentation, de l’agriculture, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire, et du ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, l’IFREMER est implanté aussi bien sur le territoire métropolitain (sur vingt-six sites dont ses quatre principaux centres situés respectivement à Brest, Toulon, Boulogne et Nantes) que sur les territoires français ultramarins (notamment un centre important à Tahiti).

En 2011, l'activité scientifique de l'IFREMER a été réorganisée autour de quatre axes :

– les ressources biologiques et environnementales, qui concernent les l'halieutique, l'aquaculture, l'écotoxicologie, la microbiologie et les biotechnologies ;

– l’océanographie et la dynamique des écosystèmes, qui englobent la surveillance et l'observation du milieu marin de la côte au large, la dynamique des écosystèmes côtiers et de l'océan à moyenne et grande échelle ;

– les infrastructures marines et numériques, qui désignent la réalisation des projets relatifs à la flotte et aux engins sous-marins, les grandes bases de données et équipements associés et les très grandes infrastructures de recherche ARGO et EMSO ;

– les ressources physiques et les écosystèmes de fond de mer, qui font intervenir les géosciences, les énergies marines, les ressources minérales et les écosystèmes profonds, les technologies et les moyens d'essai associés, rassemblés en un Institut Carnot (EDROME). Il est à noter à cet égard qu’une première campagne d’exploration de ressources minérales a été conduite en 2010 au large de Wallis-et-Futuna dans le cadre d’un partenariat public-privé avec Areva, Eramet, Technip et le BRGM d’une part, et avec le soutien de l’association des aires marines protégées et du ministère de l’écologie d’autre part ; signe du succès de cette entreprise, une deuxième campagne devrait bientôt débuter. Une demande de permis d’exploitation de la zone internationale pourrait être déposée conjointement avec l’Allemagne. À ce propos, votre rapporteur considère qu’une place plus importante doit être accordée aux questions scientifiques outre-mer, qui revêtent une importance stratégique, notamment dans le cadre de l’approvisionnement de notre pays en matières premières minérales.

Le budget prévisionnel de l’IFREMER pour 2011 est de 204,96 M€ (hors opérations internes), en baisse de 1,3 % par rapport à 2010 (– 2,77 M€). Si l’on prend en compte les éléments d’actifs cédés et les dotations aux amortissements, le budget prévisionnel s’élève à 245,16 M€, en baisse de 1,12 % par rapport à 2010 (– 2,76 M€). Il est financé en grande partie via la subvention pour charges de service public, qui relève des programmes 113, 154, 172, 187 et 206, et s’élève à 156,33 M€ pour 2011, en baisse de 1,74 % par rapport à 2010 (-2,76 M€). La subvention pour charges de service public au titre de la mission 187, inscrite au PLF 2011, s’établit à 147,58 M€ (– 1,67 M€, soit une baisse de 1,12 % par rapport à 2010). Cette diminution s’explique par trois facteurs :

– la subvention du ministère chargé de la recherche au titre du programme 187 « recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources » diminue de 1,67 M€, soit – 1,12 % par rapport à la notification initiale du projet de loi de finances pour 2010 et – 0,54 % par rapport à la loi de finances initiale ;

– l'évolution de la subvention du programme 113 « Urbanismes, paysages, eau et biodiversité », qui augmente de 2,62 M€. Cette progression correspond notamment à un renchérissement des actions liées à l'expertise relative à la DCE et à la mise en œuvre de la directive cadre sur la stratégie du milieu marin ;

– la baisse de la subvention au titre du programme 154 « Économie et développement durable de la gestion de l'agriculture, de la pêche et des territoires » (– 2,10 M€), liée pour l'essentiel à un changement de périmètre (dû à l’arrêt du plan pour une pêche durable et responsable).

Les ressources propres, qui ont connu une légère baisse (– 3,92 % par rapport à 2010), sont estimées à 46,72 M€ pour 2011. Ce niveau de ressources traduit l'engagement des équipes et leur aptitude à valoriser leurs connaissances et savoir-faire auprès de partenaires nationaux et internationaux.

Pour faire face à ces tensions budgétaires, l'Ifremer a opéré plusieurs choix stratégiques :

– privilégier les engagements inscrits au contrat quadriennal ;

– mettre en place, dès 2011, une nouvelle organisation, pour optimiser les moyens de l'établissement et contribuer à dégager, à terme, de nouvelles marges de manœuvre ;

– affecter au budget 2011, les crédits dégagés en 2010 grâce au « dégel » de la réserve de précaution ;

– utiliser au mieux les ressources contractuelles de l’établissement.

Il convient par ailleurs de saluer les efforts de bonne gestion de l’Ifremer, puisque le montant total des dépenses pour 2011 est arrêté à 245,16 M€, en diminution de - 2,77 M€ par rapport à 2010. Les dépenses de personnel connaissent une quasi-stabilisation à + 0,76 %. L'ensemble des autres postes est en repli – qu’il s’agisse des dépenses de fonctionnement ou d'investissement. Les mesures d’économie suivantes peuvent notamment être citées :

– une politique d'optimisation des deux premiers postes de dépenses de l'Institut : les dépenses de personnel et les dépenses liées à la flotte océanographique ;

– des arbitrages stricts sur les coûts des fonctions support, notamment les implantations et la gestion du patrimoine immobilier ;

– le développement d'une politique d'achats et de procédures de contrôle de gestion.

4. Le budget de l’INSERM

Créé en 1964, l’INSERM est un établissement public à caractère scientifique et technologique placé sous la double tutelle du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et du ministère de la santé. Régi par le décret n° 83-975 du 10 novembre 1983, l’INSERM a notamment pour finalité de développer et de coordonner tous travaux de recherche ayant notamment pour objectifs la connaissance de la santé de l’homme et des facteurs qui la conditionnent, la découverte et l’évaluation de tous moyens d’intervention tendant à prévenir, à diagnostiquer et à traiter les maladies et à améliorer l’état de santé de la population. Il a également une mission de valorisation des résultats des recherches qu’il mène ou qu’il organise et un rôle d’information des pouvoirs publics en recueillant toutes les informations relevant de son champ d’activité. Au terme de la réorganisation conduite depuis 2008, l’INSERM est devenu l’acteur institutionnel national de la coordination de l’ensemble des programmes de recherche biomédicale. Sous la responsabilité d’un directeur nommé par le président-directeur général de l’INSERM et conseillé par plusieurs experts, chacun des dix instituts thématiques regroupe des chercheurs issus d’horizons divers (venant de l’INSERM mais aussi du CNRS, de l’Institut Pasteur, du CEA, de l’INRA, de l’INRIA, de l’IRD…) et joue un rôle de programmation, d’attributions de moyens, de coordination d’actions ainsi que de conseil auprès des laboratoires et des conseils scientifiques.

L’organisation interne de l’INSERM est aujourd’hui en phase avec la structuration thématique mise en place dans le cadre de l’alliance pour les sciences de la vie et de la santé (AVIESAN). Les évolutions en cours concernent la mise en cohérence des activités programmatiques des agences de financement avec les orientations stratégiques des instituts. Le contrat d’objectifs État-INSERM 2011-2015 a été adopté par le conseil d’administration au premier trimestre 2011. Ce document s’inscrit dans le cadre du plan stratégique adopté fin 2009. L’INSERM structure désormais son action autour de quatre objectifs stratégiques :

– assurer la production de connaissances au niveau international le plus adapté;

– contribuer à la diffusion de ces connaissances au sein de la société ;

– accroître le transfert des connaissances vers les applications cliniques et développer la recherche en santé publique ;

– développer le transfert des connaissances vers les applications industrielles et accroître leur valorisation économique.

En termes de structuration de ses activités, le contrat État-INSERM fixe trois objectifs  à l’institut :

– accompagner la structuration et le renforcement des universités, dans le respect de leur autonomie ;

– poursuivre et renforcer les actions de coordination au sein d’AVIESAN et participer à la simplification du paysage institutionnel de la recherche, tout particulièrement dans le domaine des sciences de la vie et de la santé ;

– aligner la gestion avec les besoins de la recherche et les évolutions de l’établissement.

La subvention pour charges de service public s’élève à 598,84 M€ pour 2012 (597,82 M€ hors post-doctorants). Elle comprend la dotation relative à l’Agence nationale de recherche sur le sida (ANRS), d’un montant de 39,88 M€ et les crédits destinés au financement du plan cancer, qui s’élèvent à 22,7 M€. Les charges de pension s’élèvent à 5,65 M€. L’INSERM bénéficie par ailleurs d’autres ressources budgétaires, notamment de ressources propres d’un montant de 241,43 M€ dans le projet de budget pour 2012, en augmentation de 12,29 % par rapport à 2011. Ces ressources propres proviennent principalement des subventions sur projet  (202,07 M€ prévus pour 2012, dont 13,35 M€ au titre des investissements d’avenir) et des contrats de recherche conclus avec des tiers (23,09 M€ prévus pour 2012). L’évolution est notable sur ce point puisqu’elles ne représentaient qu’une quarantaine de millions d’euros à la fin des années 1990. Il faut également prendre en compte les ressources relatives à la participation de l’INSERM à des actions plus globales comme, par exemple, celles menées dans le cadre du programme hospitalier de recherche clinique. Enfin, la réserve de précaution devrait être de 0,25 % de la masse salariale et de 3 % sur les autres dépenses, soit un total de 5,8 M€.

S’agissant des effectifs, l’institut continue à être dispensé d’appliquer la règle du non remplacement d’une personne sur deux partant à la retraite. Malgré cela, des pressions fortes devraient continuer à s’appliquer sur l’encadrement technique au cours des prochaines années.

L’INSERM poursuit par ailleurs ses efforts de réduction des dépenses. L’institut a ainsi diminué d’environ 10 % la dotation récurrente accordée aux unités de recherche. Une nouvelle réduction doit s’appliquer aux fonctions de soutien et de support, qui ont déjà subi une diminution moyenne de 10 % en 2011. Dans ce contexte budgétaire contraint, l’INSERM réussit à répondre aux demandes d’avis et d’expertises des pouvoirs publics en s'appuyant sur la mobilisation d'expertises et de savoirs existants, notamment en faisant appel aux compétences réunies au sein de l’alliance AVIESAN.

5. Le budget du CNRS

Créé en 1939, le CNRS est un établissement public à caractère scientifique et technologique, placé sous la tutelle du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il dispose depuis 2010 d’une nouvelle organisation, en application du décret du 29 octobre 2009, qui a profondément réformé la gouvernance de l’institution. Cette réforme s’est traduite par la création d’un poste de président-directeur général et de deux postes de directeurs généraux délégués, l’un à la science, l’autre aux ressources. L’année 2011 a été marquée par la consolidation de cette nouvelle organisation et l’achèvement de la mise en place des nouvelles directions du siège. Parallèlement, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, un audit des fonctions support du CNRS a été lancé en octobre 2011 et pourrait conduire à des réorganisations, notamment à l’échelon de l’administration régionale de l’Île-de-France.

Le budget prévisionnel du CNRS pour 2011 devrait s’élever à 3 310,4 M€, dont 2 527,4 M€ au titre de la subvention de l’État (2 511,1 M€ après mise en réserve) et 782,9 M€ de ressources propres. La subvention de l’État pour 2012 est de 2 536,8 M€, en hausse de 9,3 M€ avant la mise en réserve en application de la loi organique relative aux lois de finances ; cette hausse comprend une augmentation de 29 M€ de la ressource au titre des pensions et de l’allocation temporaire d’invalidité. Hors pensions, la subvention de l’État diminue donc de 19,7 M€. Cette évolution se décompose ainsi :

– la diminution des crédits résultant de l’amendement gouvernemental à la loi de finances initiale pour 2011 : – 3,4 M€ ;

– la diminution de la dotation pour les post-doctorants : – 1,2 M€ ;

– l’augmentation de la ressource complémentaire pour les très grandes infrastructures de recherche : + 8,6 M€ ;

– le remboursement des crédits du plan de relance : – 12,5 M€ ;

– l’effort sur les dépenses de fonctionnement courant : – 11,2 M€.

En 2011, le montant exécuté des ressources propres devrait atteindre 782,9 M€, soit 23,9 % des ressources totales du CNRS. Comme l’atteste le graphique ci-après, la part des ressources propres dans le budget du CNRS a connu une augmentation continue depuis 2008.

ÉVOLUTIONS RESPECTIVES DE LA SUBVENTION DE L’ÉTAT
ET DES RESSOURCES PROPRES DU CNRS DEPUIS 2008 (EN M€)

En 2011, la dotation – incluse dans la subvention de l’État – destinée aux dépenses de fonctionnement, d’équipement et d’investissement du CNRS a baissé de 31,1 M€, passant de 482,9 M€ à 451,8 M€. Compte tenu des rigidités de la dépense – notamment à l’égard des très grandes infrastructures de recherche, de la valorisation de la recherche et de l’action sociale –, les crédits versés aux unités ont dû être contractés de plus de 12 % soit – 34 M€. Cette forte contrainte budgétaire, qui pèse surtout sur les unités ne disposant pas de cofinancement, a constitué la principale incitation à réaliser des économies de fonctionnement. Un certain nombre d’actions ont été entreprises en la matière : passation d’un marché de téléphonie mobile national en 2011 (0,5 M€ d’économies attendues, soit - 30 %) ; renégociation des conventions avec les cabinets de propriété intellectuelle et démarche de rationalisation du portefeuille de brevets (4 M€ d’économies réalisées en 2011, 1 M€ supplémentaires en 2012) ; passation (en cours) d’un marché national de fournitures de bureau ; signature d’une convention fin 2010 avec l’UGAP afin de bénéficier des tarifs les plus compétitifs ; effort de réduction de 10 % du parc automobile. L’établissement n’est toutefois pas en mesure d’évaluer précisément les économies réalisées par les unités, faute d’avoir une vision globale et consolidée des budgets de chacune d’entre elles : une baisse de la dépense du CNRS peut ne pas signifier la réalisation d’une économie mais le transfert de la dépense vers le budget d’un co-financeur.

La question de la facturation de l’utilisation de certaines très grandes infrastructures de recherche (TGIR), qui constitue un enjeu important pour plusieurs organismes de recherche, n’a guère progressé depuis un an. Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche vient d’engager un audit pour évaluer la possibilité de réaliser cette facturation concernant trois TGIR : le synchrotron européen ESRF, le réseau de sites de recherche Celphédia (« création, élevage, phénotypage, distribution et archivage de modèles animaux vertébrés »), et la flotte océanographique. Le synchrotron SOLEIL (« source optimisée de lumière d’énergie intermédiaire du LURE (laboratoire d’utilisation du rayonnement électromagnétique) ») pour sa part, est financé à 72 % par le CNRS et à 28 % par le CEA ; cela représente une contribution de 43,2 M€ à la charge du CNRS pour 2011. Plus globalement, en 2011, la dépense au titre des TGIR devrait atteindre 136,6 M€, soit 29,4 % de la dépense totale du CNRS en crédits de fonctionnement, d’équipement et d’investissement. Une dépense de 129,4 M€ avait été inscrite au budget prévisionnel pour 2011. Cette ressource s’étant révélée insuffisante, une mesure de « dégel » de crédits a été obtenue en janvier 2011, ce qui a permis l’affectation de 7,2 M€ complémentaires au profit des TGIR en avril 2011, principalement au bénéfice de Soleil (+ 3,2 M€), des détecteurs de signaux gravitationnels Ego-Virgo (+ 1,5 M€), de l’infrastructure de fibres optiques RENATER (+ 0,6 M€) et de la grille de services ADONIS (+ 0,5 M€).

En 2012, la dépense relative aux TGIR devrait atteindre 141 M€, soit 31,7 % des dépenses de fonctionnement, d’équipement et d’investissement. Cela illustre la rigidité et le poids croissant de cette dépense dans l’ensemble des charges du CNRS. La montée en puissance de la source de lumière XFEL-FAIR (+ 8,5 M€ entre 2011 et 2012) doit être gagée par des économies sur d’autres TGIR mais il est probable qu’une mesure de dégel sera indispensable pour permettre au CNRS d’honorer l’intégralité de ses engagements. Par ailleurs, la difficulté constituée par la sous-budgétisation de certaines dépenses obligatoires (de fonctionnement, d’équipement et de masse salariale) demeure prégnante, même si certains progrès peuvent être constatés. Comme en 2011, aucune dotation n’a été prévue au profit de l’accélérateur de particules « Large Hadron Collider » (LHC) du CERN, alors que le besoin s’établit à 2 M€ ; par ailleurs, 0,5 M€ demeure à la charge du CNRS pour le financement du laboratoire de recherche en diffusion neutronique LLB-Orphée. En revanche, votre rapporteur se félicite que les crédits nécessaires aient été prévus s’agissant du télescope LSST et du consortium européen pour la recherche océanographique IODP/ECORD.

6. Le budget du CNES

Placé sous la double tutelle du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et du ministère de la défense, le Centre national d’études spatiales célèbre cette année le cinquantième anniversaire de sa création, puisqu’il a été institué en 1961 à l’initiative du général de Gaulle. Chargé de proposer au Gouvernement et de mettre en œuvre la politique spatiale de la France en Europe, le Cnes est à la fois une agence de programmes et un centre technique dont l’activité s’inscrit depuis plusieurs années dans un cadre multinational, notamment en partenariat privilégié avec l’action menée par l’Agence spatiale européenne (European Space Agency ou ESA).

Signé le 26 octobre 2010, le contrat État-CNES 2011-2015 oriente l’action de l’établissement dans trois directions :

• la participation à la montée en puissance de l’Union européenne dans le domaine spatial ;

• la mise en service de systèmes spatiaux décidés au niveau national, seul ou avec des partenaires étrangers ;

• le concours et l’expertise au développement des nouvelles générations de satellites (par exemple : SWOT pour l’altimétrie) et de lanceurs (Ariane 5 ME et Ariane 6).

Parmi les priorités thématiques retenues par le CNES en 2012, on peut notamment citer :

– l’attention portée à la disponibilité de la base spatiale de Kourou afin de pouvoir faire face à une cadence accélérée des lancements, grâce à la mise en service des deux lanceurs Soyouz et Vega, aux côtés d’Ariane 5 ;

– la préparation d’Ariane 6 dans le cadre du volet Espace du programme des investissements d’avenir (PIA) ;

– dans le domaine de la navigation, la réalisation d’études, d’expertises, voire la fourniture de certains éléments constitutifs d’Egnos et de Galileo, en coopération avec l’ESA et la Commission Européenne ;

– dans le cadre du volet Économie numérique du PIA, la conduite du programme de recherche-développement décidé par le Gouvernement pour créer une filière industrielle française pour l’internet à très haut débit par satellite.

Le budget prévisionnel du CNES pour 2011 s’élève à 2,163 Mds€ dont 1,408 Md€ pour le programme multilatéral et 755 M€ pour la contribution de la France à l’ESA. Même si le budget du CNES pour 2012 n’est pas encore connu, faute de pouvoir d’ores et déjà déterminer la part des ressources propres, le projet de loi de finances prévoit d’attribuer à l’établissement une subvention pour charges de service public d’un montant de 760,2 M€ au titre du programme multilatéral (– 0,99 M€ par rapport à 2011). Cette subvention globale comprend les crédits affectés au programme 193 « Recherche spatiale », d’un montant de 597,8 M€ et les crédits affectés au programme 191, qui relève du ministère de la défense, d’un montant de 162,4 M€. Les crédits affectés au programme 193 sont en diminution de 1,2 M€ par rapport au montant indiqué dans le contrat État-CNES 2011-2015. Le ministère de la recherche a en effet reconduit en 2012 le montant de la subvention correspondant à la loi de finances initiale pour 2011 (qui comportait une minoration des crédits de 1,2 M€) et non le montant de la subvention correspondant au projet de loi de finances pour 2011, qui constitue la référence du contrat quadriennal. De surcroît, il est à noter que la contrainte sur l’exercice 2012 est accrue par le niveau élevé de la TVA rémanente sur la mise en service du segment sol des satellites Pléiades, qui est estimée à 15 M€.

Par ailleurs, la subvention destinée à honorer la contribution française à l’ESA s’élève à 770 M€. Si elle connaît une hausse de 15 M€ par rapport à 2011 (après une augmentation de 70 M€ au cours du précédent exercice), elle reste en deçà de 25 M€ par rapport aux prévisions du contrat État-CNES. À cet égard, le plan à moyen terme (PMT) actualisé des programmes de l’ESA pour la période 2008-2020 retient un appel à contribution de 795 M€ pour 2012, dont 752,2 M€ au titre du financement des programmes et des activités, et 42,8 M€ au titre du remboursement de la dette de contribution française. Le PMT a été construit en prenant en compte l’achèvement progressif des programmes en cours, des souscriptions ambitieuses aux conseils ministériels de 2012 et 2015, et une forte croissance de la subvention à l’ESA en 2011, 2012 et 2013. L’objectif de remboursement de la dette française en quatre ans pourrait donc être compromis par le niveau insuffisant (au regard des engagements figurant dans le contrat État-CNES) de la subvention de l’État. Il convient en effet de préciser que le cumul d’arriérés atteindra près de 500 M€ à la fin 2012. Le respect des engagements de la France nécessitera un redéploiement des prévisions pluriannuelles de contributions fixées dans le plan à moyen terme des programmes de l’ESA.

Votre rapporteur avait indiqué l’année dernière que le CNES avait rempli l’ensemble des engagements financiers du contrat 2005-2010 et qu’il avait dépassé la plupart des objectifs qui lui étaient assignés. Pour sa part, l’agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES), avait rendu une évaluation extrêmement positive en octobre 2010. Votre rapporteur tient à rappeler une nouvelle fois l’effort considérable de réduction des frais de fonctionnement accomplis par le CNES, qui s’est traduit par une économie cumulée de 67 M€ sur la période 2005-2010. Ces résultats ont permis à l’établissement de respecter les priorités du contrat quadriennal, malgré des annulations de crédits significatives, qui ont représenté en 2011 14,2 M€ sur le programme 193 et 0,4 M€ sur le programme 191. De nouvelles annulations de crédits sur le programme multilatéral mettraient en péril la tenue des engagements du CNES vis-à-vis des projets en cours, des contrats industriels, des accords de maintien de compétences dans l’industrie, des accords de partenariats internationaux (notamment avec la Chine), ainsi qu’avec l’ESA et les laboratoires scientifiques.

La réserve de précaution est fixée, dans le PLF pour 2012, à des taux de 0,5 % sur les dépenses de masse salariale et de 6% sur les autres dépenses. Dans l’attente des montants définitifs communiqués par les ministères de tutelle, la réserve de précaution est ainsi estimée pour 2012 à 38,6 M€ pour le programme multilatéral et à 46,2 M€ pour la contribution française à l’ESA.

Comme votre rapporteur l’a souligné en introduction, le CNES et la recherche spatiale française ont connu des succès exceptionnels au cours de l’année 2011. Les défis à relever seront encore plus importants en 2012, puisque sont d’ores et déjà prévus 7 lancements d’Ariane-5, 2 lancements de Soyouz et le premier lancement de Vega. Dans ce contexte, le conseil ministériel de l’ESA devra prendre des décisions déterminantes en 2012, à commencer par la modernisation d’Ariane-5 et le lancement d’Ariane-6. Votre rapporteur considère que, sur ces deux dossiers, l’aide des États européens est cruciale si le continent veut conserver son rang de deuxième puissance spatiale mondiale, et de n° 1 mondial dans le domaine des lanceurs. Nous avons également l’opportunité de conforter ce rang éminent en contribuant au développement des télécommunications satellitaires à haut débit. Votre rapporteur se félicite que, le 27 avril 2011, dans le cadre du volet numérique du programme des investissements d’avenir, un soutien financier de 40 M€ – pouvant être étendu jusqu’à 100 M€ –, ait été apporté à des travaux de recherche et développement menés en ce sens par le Cnes. Il convient à présent de parachever cet engagement afin de permettre à la France d’être partie prenante de l’émergence d’une nouvelle filière industrielle.

7. Le budget du CEA

Le CEA est un établissement public industriel et commercial placé sous la triple tutelle du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, du ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer et du ministère de la défense. Intervenant dans trois grands domaines (la sécurité et la défense, l’énergie, les technologies pour l’information et la santé), le CEA est un acteur primordial de la recherche française. La loi de finances rectificative pour 2010 du 9 mars 2010 a modifié son intitulé : il s’agit désormais du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, ce qui traduit l’engagement de l’État à investir dans les énergies nouvelles.

La subvention civile pour charges de service public pour 2012 (hors programme ITER) s’élève à 1 077,5 M€, soit une hausse de près de 15 M€ par rapport au PLF pour 2011. Toutefois, ce montant est inférieur de 1,8 M€ au montant prévu dans le contrat d'objectifs et de performance conclu entre l’État et le CEA (1 079,3 M€). Cet écart correspond à la reconduction, pour l'année 2012, d'une ponction opérée sur le budget du CEA à la suite du redéploiement de crédits à partir du programme 190.

Au début de l'année 2011, le CEA avait signalé à sa tutelle la contrainte que représentait le financement de la construction du réacteur Jules Horowitz dans un cadre budgétaire inchangé. En effet, la subvention de l’État ne prenait pas en compte le pic d'investissement nécessité par ce programme. L'alerte du CEA a été entendue par les autorités de tutelle, et, dès le début de l'année, le Gouvernement a levé la moitié de la mise en réserve, soit 15 M€. Toutefois, des annulations de crédits d’un montant de 8,2 M€ ont été notifiées au CEA au cours de l'année 2011 :

– une minoration de 2 M€ a été réalisée par la LFI pour 2011 ;

– 6,2 M€ ont été notifiés par la suite, sur les programmes 190 et 172.

Ces 8,2 M€ d'annulations de crédits réduisent significativement l'amélioration que représentait cette levée partielle de la mise en réserve. L’exécution des programmes du CEA s’en trouve d’ores et déjà compromise. Or, en 2012, un effort d'ajustement supplémentaire sera nécessaire, pour porter de 30 M€ à 45 M€ la part de la construction du réacteur Jules Horowitz pesant sur la subvention de l’État, en raison du rythme d’avancement du programme. La subvention de l'État sera mobilisée à hauteur de 45 M€, contre 30 M€ l'an passé, pour financer la construction du réacteur Jules Horowitz. Ce besoin en hausse de 15 M€ absorbe donc entièrement l’accroissement de la subvention.

D'autres éléments vont peser sur le budget du CEA, en particulier :

– une progression de la masse salariale de 16 M€ (soit + 2 % pour 830 M€ de masse salariale des CDI civils) financée majoritairement – à 70 % – par la subvention) ;

– des dépenses à la charge du CEA (par exemple des dépenses immobilières et des taxes) concernant certains projets financés par les investissements d'avenir.

En conclusion, la baisse imposée aux unités opérationnelles pour finaliser la préparation du budget dépassera 20 M€, soit plus de 5 % de la subvention dédiée à l'investissement, au fonctionnement et aux consommables scientifiques. La contrainte budgétaire, hors programme Jules-Horowitz, excède donc de beaucoup la diminution des dépenses de fonctionnement courant. Aussi, afin d’alléger les tensions budgétaires pesant sur l’organisme, votre rapporteur souhaiterait que le CEA soit autorisé à constituer des partenariats public-privé pour financer ses programmes de rénovation immobilière.

Par ailleurs, votre rapporteur salue les efforts extrêmement volontaristes de réduction des dépenses qui ont été engagés par le CEA au cours des dernières années. Le tableau ci-après met en lumière les résultats obtenus par l’organisme depuis 2007.

ÉVOLUTION DES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT COURANT DU CEA, 2007-2011

M€

2007

2008

2009

2010

2011*

Évolution

Fournitures de bureau

5,9

4,7

3,9

4,1

3,6

- 39 %

Consommables informatiques

8,4

8,1

7,1

7,2

6,7

- 20 %

Frais de réception / conférences

6,7

7,1

7,5

7,0

7,0

4 %

Missions à l'étranger

13,4

13,3

13,0

13,3

13,3

- 1 %

Missions en France

12,9

13,0

12,2

11,7

11,7

- 9 %

Télécommunications

7,3

7,1

6,1

5,4

5,0

- 32 %

Total

54,7

53,2

49,9

48,8

47,3

- 14 %

   

- 3 %

- 6 %

- 2 %

- 3%

 

Source : CEA

Les dépenses de fonctionnement courant ont baissé de 14% en cinq ans, passant de 55 M€ en 2007 à 47 M€ en 2011. L'examen des dépenses par salarié (y compris les CDD financés par les recettes externes) atteste une baisse de 20 % en 4 ans, en euros courants. Parallèlement à ces efforts de gestion, les effectifs sont en cours de redéploiement des fonctions de support vers les programmes de recherche. L'effort est amené à se poursuivre jusqu'en 2013, conformément au contrat d'objectifs et de performance. Enfin, un audit conduit dans le cadre de la RGPP et réalisé par le cabinet Accenture, montre que la plupart des lignes fonctionnelles sont moins nombreuses au CEA que dans la plupart des entreprises industrielles. Il est à signaler que l’organisme doit animer prochainement un groupe de travail sur les achats des opérateurs de l’État.

Votre rapporteur souhaiterait que les efforts de gestion accomplis par les organismes de recherche soient davantage pris en compte par le ministère de la recherche afin de permettre une individualisation des mesures d’économie qui leur sont demandées. Mieux encore, ces efforts doivent être encouragés et récompensés par une modulation de la subvention de l’État.

Un autre sujet majeur concerne le démantèlement et l’assainissement des installations nucléaires du CEA. De 2004 à 2010, le financement des dépenses a été principalement assuré par des actifs financiers placés au sein de deux fonds, qui totalisent 716 M€ de disponibilités. Or, la seule annuité 2011 des travaux de démantèlement des installations du CEA représente un coût de 675 M€. L'épuisement des fonds est donc prévu pour février 2012.

Un nouveau système de financement a donc été institué. Pour permettre au CEA de poursuivre l'assainissement et le démantèlement de ses installations, l'État a signé le 19 octobre 2010 une convention-cadre, qui porte sur la période 2011-2013. Au lieu d'un financement par vente d'actifs positionnés dans les fonds, le CEA bénéficie désormais de deux sources de financement :

– une subvention en hausse de 20 M€ dans le projet de loi de finances pour 2012 ;

– des rachats par l'État d'actions AREVA détenues par le CEA, pour 263 M€, et pour la première fois en 2012.

LES DÉPENSES MOYENNES D'ASSAINISSEMENT ET DE DÉMANTÈLEMENT DU CEA
SUR LA PÉRIODE 2011-2013, ET LEUR COUVERTURE

M€

2011

2012

2013

Besoins de liquidités liés aux travaux (dépenses)

675

673

637

Achat de titres AREVA par l'État

0

263

425

Subvention

169

189

209

Mobilisation du reliquat d'actifs financiers

498

218

0

Autres

8

3

3

Source : CEA

Si cet accord constitue une solution à court terme, votre rapporteur estime indispensable d’assurer la pérennité de ce financement par un abondement à due concurrence de la subvention de l’État.

8. Le budget du CEMAGREF

Constitué en 1981 sous la forme d’un établissement public de recherche, produit de la fusion entre un centre technique spécialisé dans la mécanisation de l’agriculture et un centre d’appui technique aux services du ministère de l’Agriculture, le CEMAGREF (Institut de recherche en sciences et technologies de l’environnement) est devenu un établissement scientifique et technologique en vertu du décret n° 85-1401 du 27 décembre 1985. Disposant de neuf centres en France (dont le siège, situé à Antony) et d’une antenne à la Martinique, le CEMAGREF est un organisme de recherche spécialisé dans les thèmes de l’eau, des écosystèmes, de la prévention des risques (notamment les risques naturels), de la gestion des territoires et des écotechnologies. Le CEMAGREF est l’un des membres fondateurs de l’alliance pour l’environnement « ALLENVI », dont M. Roger Genet, directeur général du CEMAGREF, assure actuellement la présidence.

Le CEMAGREF a préparé au cours de l’année 2011 une révision de son décret fondateur afin de réaffirmer ses missions dans le domaine de la recherche environnementale et en soutien aux politiques de l’agriculture et de l’environnement. Cette révision sera l’occasion de faire évoluer le nom de l’établissement qui deviendra bientôt l’« IRSTEA » (Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture). À l’instar des autres EPST, l’IRSTEA se dotera d’une gouvernance renouvelée : un président-directeur général et deux directeurs généraux délégués pour la recherche et les fonctions support. Les missions de l’institut restent conformes à son contrat d’objectifs, qui sera renouvelé en 2013. Par ailleurs, l’année 2012 sera marquée par l’évaluation des collectifs de recherche et l’établissement dans son ensemble par l’AERES.

Relevant principalement du programme 187 (la part budgétaire de celui-ci représentant environ 70,6 % de l’ensemble), les deux autres principaux programmes mis à contribution étant les programmes 142 et 172, le budget prévisionnel pour 2011 s’élève à 114,54 M€, soit une hausse de 4,54 % par rapport au précédent exercice. La subvention globale pour charges de service public est évaluée à 78,68 M€ dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012 (en baisse de 0,4 % par rapport à 2011), dont 56,182 M€ au titre du programme 187. Cette subvention comprend 0,939 M€ au titre de la cotisation aux pensions civiles et de l’allocation temporaire d’invalidité. La subvention du ministère de la recherche est en augmentation de 0,8 %, ce qui correspond, correction faite du financement des pensions civiles à une légère diminution (- 0,9%). Cette évolution, à laquelle s’ajoute le maintien à une hauteur significative du financement des accueils de post-doctorants (12 contrats contre 15 en 2011), traduit le soutien du ministère de la recherche au CEMAGREF, dans un contexte budgétaire extrêmement contraint. Rappelons que dans le cadre du PLF pour 2011, le ministère de la recherche avait déjà maintenu son niveau de financement, correction faite du financement des pensions civiles.

En revanche, la subvention du ministère de l’agriculture est en baisse sensible (-2,5 %) pour la deuxième année consécutive (-3% en 2011). Cette évolution, qui traduit un désengagement de fait, place l’établissement dans l’obligation de poursuivre ses efforts de réduction des effectifs d’ingénieurs de l’État affectés par le ministère de l’agriculture.

En 2011, le CEMAGREF a enregistré un nombre de départs exceptionnellement élevé d’ingénieurs de l’État du fait notamment de l’évolution du régime de retraite de la fonction publique : 11 postes auparavant réservés à l’affectation d’ingénieurs ne seront plus pourvus au 31 décembre 2011, ce qui permet de limiter au titre de l’exercice 2011 la pression exercée par transfert de charges sur la subvention du ministère de la recherche. En revanche, en 2012, aucun départ à la retraite n’est prévu parmi les ingénieurs de l’État, ce qui entraînera un nouveau transfert de charges vers le programme  187. Votre rapporteur insiste sur le fait que cette évolution met en péril le modèle de recherche du CEMAGREF, qui se nourrit des échanges réguliers entre ses équipes de recherche et les structures opérationnelles de l’État en charge de la gestion des milieux et des territoires.

Dans ce contexte difficile, le CEMAGREF doit poursuivre ses efforts de réduction des dépenses de fonctionnement, notamment par une professionnalisation accrue de ses achats, en relation étroite avec le service des achats de l’État.

Le CEMAGREF dispose de ressources propres en voie de stabilisation (30,1 M€, soit une baisse de 8 %) après la forte augmentation de ces dernières années (+ 115 % entre 2005 et 2011). Cette évolution s’est accompagnée d’une très forte augmentation de personnels contractuels (en 2011 : 200 thésards et 290 contractuels, pour 550 ingénieurs et chercheurs titulaires). À l’instar de nombreux EPST, le financement de la recherche sur projet devient une composante essentielle des ressources du CEMAGREF ; or, comme votre rapporteur le développera plus longuement dans le thème de cet avis budgétaire consacré au programme des investissements d’avenir, ce mode de financement est source de difficultés, dans la mesure où il repose – pour ce qui concerne l’ANR – sur la prise en compte du seul coût marginal.

Enfin, votre rapporteur souhaiterait revenir sur une difficulté que connaît le CEMAGREF depuis plusieurs années et qui prend aujourd’hui une dimension préjudiciable à son activité de recherche. L’établissement a renouvelé en 2011 la convention d’accueil des personnels du ministère de l’agriculture. Mais des difficultés subsistent quant à la gestion de ce corps de fonctionnaires, le CEMAGREF étant en position d’employeur sans disposer de la capacité de mettre fin de son propre chef à l’affectation des agents. La difficulté de ces derniers à trouver un poste hors de l’établissement dans un contexte général de diminution de l’emploi dans la fonction publique entraîne une mobilité réduite et une impossibilité pour l’établissement d’adapter les effectifs aux moyens budgétaires alloués par le ministère

Votre rapporteur préconise l’application de deux mesures de nature à consolider l’établissement et son modèle de recherche. La première d’entre elles consisterait à prendre acte du désengagement financier progressif du ministère de l’agriculture et à transférer à due proportion la charge salariale des personnels, hors ingénieurs de l’État, financés dans le cadre du programme 142 (enseignement supérieur et recherche agricoles), vers le programme 187 (recherche dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources). Ce transfert pourrait être envisagé sur cinq exercices consécutifs, à un rythme de 1 M€ par an, ce qui permettrait le maintien du financement par le ministère de l’agriculture des ingénieurs affectés. Il pourrait également être envisagé d’affecter en supplément 10 ETP (ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts et ingénieurs des travaux publics) en provenance du ministère de l’écologie, pour prendre en charge la réalisation de travaux de recherche finalisée, d’appui aux politiques publiques, voire de délégation de service public, réalisés aujourd’hui par le CEMAGREF pour le compte de ce ministère.

9. Le budget d’IFP-Énergies nouvelles

IFP-Énergies nouvelles (IFPEN) est un établissement public industriel et commercial dont la mission est de développer les technologies et les matériaux du futur dans les domaines de l'énergie, du transport et de l'environnement. Le changement de nom de l’établissement, souhaité par le président de la République dans son discours de Chambéry du 9 juin 2009, a été mis en œuvre par la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement (dite « Grenelle 2 »). L’ancien institut français du pétrole s’intitule désormais « IFP-Énergies nouvelles », ce qui correspond mieux à la finalité et à la réalité des programmes de recherche de l’établissement. L’organisme relève exclusivement du programme 190, consacré à la recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de l’aménagement durables. Il est d’ailleurs membre fondateur de l’Alliance nationale de coordination de la recherche pour l’énergie (ANCRE).

Le contrat d'objectifs et de performance 2011-2015, qui a été signé en août 2011, renforce l’engagement d’IFPEN dans les nouvelles énergies (en particulier les biocarburants de deuxième et troisième générations, l’hybridation et l’électrification des véhicules, la démonstration des technologies de captage et stockage du CO2) et élargit ses domaines d'intervention à des domaines tels que, en particulier, le développement des énergies marines, la chimie biosourcée et le traitement des eaux industrielles. Cet engagement se traduit également par la participation d'IFPEN à plusieurs projets de laboratoires d'excellence et d'instituts d'excellence en énergie décarbonée dont les projets INDEED (Institut national pour le développement des écotechnologies et des énergies décarbonées) en région lyonnaise, et PIVERT (Picardie Innovations Végétales, Enseignements et Recherches Technologiques), récemment labellisés dans le cadre des investissements d'avenir.

En plaçant l’innovation au premier plan, le contrat d’objectifs et de performance 2011-2015, renforce le rôle joué par IFPEN dans le soutien à la compétitivité industrielle. IFPEN est en effet classé parmi les dix premiers déposants nationaux de brevets en France et est le dixième déposant français aux États-Unis. Rapporté aux effectifs, l’institut se classe en tête des organismes de recherche publics français pour le nombre de brevets déposés. Les technologies développées par l’institut sont exportées par les industries de l'énergie, des transports et de l'environnement. L’organisme soutient également une politique de création d'entreprises et en particulier d'éco-entreprises, et investit dans des fonds d'amorçage visant à soutenir le développement de jeunes pousses porteuses de création de valeur et d'emplois. Cette dimension a été saluée par l'AERES, qui évoquait en septembre 2010 « un modèle économique basé sur une exceptionnelle valorisation de la recherche, générant des revenus et créant des entreprises et des emplois ».

Si l’on se place à présent du point de vue budgétaire, on doit constater que la situation de l’établissement demeure toujours préoccupante. Votre rapporteur s’était déjà fait l’écho l’année dernière des difficultés d’IFP-Énergies nouvelles ; le PLF pour 2011 prévoyait en effet une diminution des crédits de 12 % par rapport à 2010. Force est de constater que la situation financière de l’établissement continue à se dégrader. En effet, la subvention pour charges de service public est en recul de 6 M€ par rapport à 2011. Ce montant représente une réduction supplémentaire d’1 M€ par rapport aux prévisions inscrites dans la loi de programmation triennale des finances publiques (– 5 M€ en 2012). IFPEN sera également affecté en 2012 par la modification des modalités de calcul de l'impôt sur les sociétés (due à la limitation de l'utilisation des reports de déficits fiscaux), à hauteur d’1,5 M€. Sur la période 2002-2012, l’institut aura connu une baisse de 40 % de la dotation de l’État en euros constants (soit une baisse de 58,3 M€).

Cette situation a conduit l’organisme à présenter au conseil d'administration un budget pour 2012 en déséquilibre et qui se dégrade pour la seconde année consécutive (– 9,3 M€ en 2011 et– 13,2 M€ en 2012) et cela malgré :

– une augmentation prévisionnelle des ressources propres de près de 8 % entre 2012 et 2010. Dans le budget prévisionnel pour 2011, les retours financiers des filiales connaissent une augmentation de 14 % par rapport à 2010, pour atteindre un montant de 78,2 M€, dont 49,6 M€ de redevances et 28,6 M€ de dividendes.

– une diminution des charges d'exploitation de 5,3 % en 2012 par rapport à 2010.

– la maîtrise des dépenses de personnel qui se traduit par la suppression en 2011 de 10 postes de personnels en CDI et CDD, 15 postes de thésards et 17 postes de post-doctorants et stagiaires, soit un total de 42 postes, chiffre qui devrait être porté à 120 postes en 2012. Ces efforts permettent d’assurer une stabilité des dépenses de personnel en euros courants.

– la présentation d’un nouveau schéma directeur immobilier, validé par France Domaine en novembre 2010.

Votre rapporteur tient à saluer ces efforts de bonne gestion, conforme aux recommandations issues de la RGPP, même s’ils ne suffisent pas à équilibrer les comptes de l’institut. Il est à noter, que, malgré ces contraintes budgétaires, l’établissement a maintenu son effort financier en appui aux politiques publiques, s’agissant notamment des démonstrateurs Ademe et du programme des investissements d’avenir. Les dépenses engagées en ce sens ne cessent de s’accroître, puisqu’elles sont passées de 6 M€ en 2010, à 8,4 M€ en 2011 et à 10,3 M€ en 2012.

Votre rapporteur réaffirme la nécessité que la dotation d’IFP-Énergies nouvelles soit reconsidérée, afin que cet organisme ne soit pas contraint à céder des actifs, comme on l’y invite depuis 2010. Une exonération totale ou partielle de la mise en réserve pourrait par exemple être instituée au profit de cet organisme.

II.—  LE PROGRAMME DES INVESTISSEMENTS D’AVENIR

Le programme des investissements d’avenir (PIA) constitue l’une des réalisations les plus symboliques des réformes d’ampleur engagées au cours de ces dernières années en faveur du système français de recherche et d’innovation. Ce dispositif hors normes, abondé à hauteur de 20,6 Mds€ (hors opération campus) au profit de la recherche et de l’enseignement supérieur, constitue un puissant facteur de soutien à nos équipes de recherche et doit permettre à notre pays de conférer une reconnaissance internationale à des projets d’excellence. Votre rapporteur a souhaité consacrer cette année une attention particulière à ce dispositif, qui connaît une montée en puissance avec le déploiement de la deuxième vague des appels à projets. En effet, s’il faut saluer l’ampleur – tout à fait inédite – des moyens dévolus aux laboratoires, il convient néanmoins de s’interroger sur les modalités de mise en œuvre du PIA, qui demeurent, aux yeux de beaucoup, perfectibles. De fait, votre rapporteur a pu identifier certains points faibles du dispositif et formule plusieurs recommandations, qui concourent à une double finalité : accroître son efficacité et réduire son coût pour les bénéficiaires.

A.— LE PROGRAMME DES INVESTISSEMENTS D’AVENIR CONSTITUE UN DISPOSITIF REMARQUABLE, DOTÉ DE MOYENS SANS PRÉCÉDENT, AU SERVICE DU SYSTÈME FRANÇAIS DE RECHERCHE ET D’INNOVATION

À la suite de la remise, en novembre 2009, du rapport de la Commission coprésidée par MM. Alain Juppé et Michel Rocard, et des arbitrages rendus par le Président de la République en décembre de la même année, la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010 a ouvert 35 Mds€ de crédits (dont 19,6 Mds€ consomptibles) au titre des investissements d’avenir. Sur cette somme, 20,6 Mds€ (hors opération campus) sont dévolus au secteur de la recherche. L’effet de levier des autres financements, et en particulier des cofinancements privés, laisse espérer un niveau d’investissement de l’ordre de 60 à 65 Mds€.

1. Ce programme répond à cinq priorités nationales

Les cinq axes du programme des investissements d’avenir  sont  l’enseignement supérieur, la recherche, les filières industrielles et les PME, le développement durable et l'économie numérique.

Source : Rapport relatif à la mise en œuvre et au suivi des investissements d’avenir

●  L'enseignement supérieur et la formation (11 Mds€). « Clé de la compétitivité future » pour le Président de la République, cette priorité rassemble la plus grande part des investissements d'avenir. Cinq à dix initiatives d'excellence seront financées à ce titre. En outre, d'ici à quelques années, 20 000 places supplémentaires seront mises à disposition dans les internats d'excellence pour promouvoir l'égalité des chances.

●  La recherche (7,9 Mds€). Vont être créés ou développés des instituts de recherche technologique et des équipements de recherche, tandis que la valorisation des brevets industriels sera encouragée. Sur les 7,9 Mds€ alloués par l'emprunt national, 3,5 iront au renforcement du dispositif français de valorisation de la recherche, 2,4 Mds€ aux secteurs de la santé et des biotechnologies, avec la création de cinq instituts hospitalo-universitaires, 1 Md€ aux laboratoires d'excellence et Md€ aux équipements de recherche.

●  Les filières industrielles et les PME (6,5 Mds€). L'objectif est de restaurer la compétitivité française, alors que la part des exportations françaises dans celles de la zone euro a reculé d'un quart au cours de la dernière décennie. Cette enveloppe financera la consolidation des fonds d'amorçage, le dispositif d'aide à la réindustrialisation, l'entrepreneuriat social et solidaire, le renforcement de l'action d'Oséo et des pôles de compétitivité, ainsi que le financement de projets dans les secteurs porteurs (automobile, aéronautique, espace, ferroviaire).

●  Le développement durable (5,1 Mds€). Aux 7 Mds€ investis chaque année par l'État jusqu'en 2020 dans le cadre du « Grenelle de l'environnement », vont s'ajouter plus de 5 Mds€ d'investissements d'avenir pour soutenir les phases de recherche ou de pré-industrialisation dans les écotechnologies et les énergies décarbonées (énergies renouvelables, nucléaire).

●  L'économie numérique (4,5 Mds€). Facteur décisif de la croissance française sur la première moitié de la décennie passée, l'économie numérique doit faire l'objet d'un soutien selon deux axes : 2 Mds€ pour l'accélération du déploiement national du très haut débit et 2,5 Mds€ pour le développement des nouveaux services, usages et contenus numériques.

2. La ventilation des crédits destinés à la recherche

Les crédits destinés à la recherche se répartissent comme suit entre les dotations consomptibles (6,87 Mds€) et les dotations non consomptibles (15,03 Mds€) :

PROGRAMME DES INVESTISSEMENTS D’AVENIR CONCERNANT LA RECHERCHE

(en millions d’euros)

Action

Dotation totale

Dotation

non

consomptible

Dotation consomptible

Programme « Instituts d'excellence en matière d'énergies décarbonées »

Instituts d'excellence

1 000

750

250

Programme « Pôles d'excellence »

Initiatives d'excellence

7 700

7 700

0

Opération Campus

1 300

1 300

0

Opération Plateau de Saclay

1 000

0

1 000

Valorisation - Instituts de recherche technologique

2 000

1 500

500

Valorisation - Fonds national de valorisation

1 000

0

1 000

Valorisation - Instituts Carnot

500

500

0

Laboratoires d'excellence

1 000

900

100

Instituts hospitalo universitaires

850

680

170

Programme « Projets thématiques d'excellence »

Équipements d'excellence

1 000

600

400

Santé et biotechnologie

1 550

1 100

450

Espace

500

0

500

Programme « Recherche dans le domaine de I'aéronautique »

Démonstrateurs technologiques aéronautiques

900

0

900

Aéronefs du futur

600

0

600

Programme « Nucléaire de demain »

Réacteur de 4eme génération

650

0

650

Réacteur Jules Horowitz

250

0

250

Recherche en matière de traitement et de stockage des déchets

100

0

100

Total

21 900

15 030

6 870


Source
 : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche

Les dotations non consomptibles sont des fonds déposés sur les comptes du trésor de l’opérateur. Seuls les produits d’intérêt sont versés aux bénéficiaires. Les dotations consomptibles, quant à elles, se composent de subventions, d’avances remboursables, de prêts, de prises de participation et de dotations en fonds de garantie.

3. Une gouvernance originale reposant sur une relation triangulaire

a) Le commissariat général à l'investissement

Placé sous l'autorité du Premier ministre et dirigé par M. René Ricol, le commissariat général à l'investissement (CGI) s'appuie sur une équipe d'une trentaine de personnes réparties en neuf pôles et pilote le travail interministériel sur le programme « investissements d'avenir ». À ce titre, il :

– prépare les décisions du Gouvernement relatives aux conventions entre l'État et les opérateurs ;

– coordonne la préparation des cahiers des charges accompagnant les appels à projets et vérifie leur cohérence avec l'action du Gouvernement ;

– coordonne l'instruction des projets d'investissement et évalue leur mise en œuvre.

b) Les opérateurs

Au nombre de dix, ils ont en charge l'ensemble des crédits des investissements d'avenir. À ce titre, leur principale mission est de co-élaborer les cahiers des charges des appels à projets, puis de les lancer et de les gérer. Chacun d'entre eux est lié à l'État par une convention prévoyant le contrôle exercé par ce dernier. Ils doivent lui remettre trimestriellement et annuellement des rapports de suivi sur l'avancement des projets. Le principal opérateur des projets de recherche est naturellement l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui gère près de 18,9 Mds€ ; le CEA et le CNES disposent pour leur part d’enveloppes de 0,9 et de 0,5 Md€.

LISTE DES OPÉRATEURS ET MONTANTS GÉRÉS

Source : ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, rapport relatif à la mise en œuvre et au suivi des investissements d'avenir

La répartition des conventions par opérateur se présente comme suit :

LISTE DES CONVENTIONS AU TITRE DE LA MISSION
« RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR »

Source : ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, rapport relatif à la mise en œuvre et au suivi des investissements d'avenir.

c) Le comité de surveillance

Mis en place le 5 octobre 2010, sous la présidence conjointe de MM. Alain Juppé et Michel Rocard, il comprend notamment quatre députés et quatre sénateurs, membres respectivement des commissions chargées des finances et des autres commissions compétentes. Il est chargé d'évaluer le programme d'investissements et de dresser un bilan annuel de son exécution, et s'appuie pour ce faire sur le CGI et sur les opérateurs. Il transmet chaque année au Parlement et au Premier ministre un rapport sur ses travaux.

4. Un mode de financement reposant principalement sur l’emprunt

Les investissements d’avenir sont financés par :

– le remboursement des 13 Mds€ de fonds propres prêtés par l’État aux banques lors de la crise financière, sanctuarisés au sein du compte du Trésor à la Banque de France ;

– un appel au marché à hauteur de 22 Mds€ lancé par l’Agence France Trésor, conformément à la loi de finances rectificative du 9 mars 2010.

B.— LES MODALITÉS DE MISE EN œUVRE DU PROGRAMME DES INVESTISSEMENTS D’AVENIR DEMANDENT TOUTEFOIS À ÊTRE AMÉLIORÉES AFIN DE RENFORCER L’EFFICACITÉ DU DISPOSITIF ET DE RÉDUIRE SON COÛT POUR LES BÉNÉFICIAIRES

Plusieurs aspects du PIA doivent être pris en considération : le coût de la demande d’un investissement d’avenir, la nécessité de soutenir les efforts accomplis par l’ANR et de renforcer l’efficacité du dispositif, le risque de substitution entre les modes de financement budgétaire et extra-budgétaire, enfin la révision des modalités de calcul des coûts de gestion supportés par les organismes de recherche.

1. Le coût de la demande d’un investissement d’avenir ne doit pas être sous-estimé même s’il est inhérent au mécanisme du financement sur projet

Les investissements d’avenir mobilisent de manière très soutenue les chercheurs, et les meilleurs spécialistes des disciplines concernées sont, en toute logique, les plus sollicités. Certains chercheurs estiment que le temps passé à la constitution des dossiers s’est réalisé au détriment de leur activité de recherche. Le commissariat général à l’investissement a ainsi reconnu que, s’agissant des laboratoires d’excellence, les dossiers exigés lors de la première vague d’appels à projet souffraient d’une excessive complexité ; ils ont été depuis lors simplifiés. Il est en effet impératif d’éviter la multiplication des structures de conseil offrant leurs services à des tarifs très élevés, comme cela s’est produit pour le crédit impôt-recherche.

Il convient toutefois de rappeler que, dans l’ensemble des pays disposant d’un niveau de recherche-développement avancé, cette politique d’appel à projets est souvent l’unique moyen pour un chercheur de financer ses travaux. Par ailleurs, si le dispositif des investissements d’avenir impose des contraintes administratives concernant le montage du projet et le conventionnement, il ne faut pas occulter le fait que certains de nos chercheurs ont été déjà confrontés à des montages de projets complexes, à l’image de ceux de l’Union européenne. Des difficultés peuvent toutefois apparaître au sein des organismes peu habitués à répondre en un temps réduit à un nombre élevé d’appels d’offre. On a pu ainsi constater une baisse du nombre de publications de la part de certaines unités de recherche fortement sollicitées. Un autre risque consiste à s’écarter de la stratégie globale de l’établissement à la faveur d’un grand nombre de candidatures.

Aux yeux de certains organismes, toutefois, le temps consacré à la réflexion scientifique et à la mise en réseau des équipes peut être l’occasion de redéfinir les grands axes de la politique de recherche et de renforcer la cohésion des équipes. De surcroît, les travaux conduits dans un domaine présentant une utilité sociétale avérée permettent le plus souvent des avancées considérables dans le domaine de la recherche fondamentale. La diminution ponctuelle de la productivité des chercheurs découlant de la procédure du PIA présente donc un visage ambivalent.

Afin de simplifier le dispositif et de permettre l’accès du plus grand nombre d’entreprises aux appels à projets, votre rapporteur suggère de mettre à l’étude la réalisation d’un dossier unique de candidature aux appels à projet ou, à tout le moins, de standardiser autant que faire se peut et de réduire au minimum nécessaire les documents demandés.

2. Il convient de soutenir les efforts de modernisation accomplis par l’ANR dans un contexte budgétaire contraint

En premier lieu, on peut s’interroger sur la pertinence du mode de gouvernance choisi, qui repose principalement sur l’action du Commissariat général à l’investissement (CGI) et de l’Agence nationale de la recherche (ANR). Ces institutions ont, il faut le rappeler, des fonctions fondamentalement différentes. Le CGI a une vision stratégique, tandis que l’ANR assure la mise en œuvre et le suivi de l’exécution des projets. Aux dires de nombreux organismes, le CGI s’acquitte remarquablement de sa mission : la communauté des chercheurs est maintenant convaincue que le programme « investissements d’avenir » aura un impact majeur sur l’évolution de la recherche dans notre pays.

S’agissant de l’ANR, la Cour des comptes (1) estime que « la soutenabilité du portage de la majorité des actions des PIA par l'ANR, à laquelle 18,85 Mds€ ont été délégués, est incertaine. Si des moyens supplémentaires lui ont été accordés pour faire face à ses nouvelles missions, la Cour a pu constater l'insuffisante qualité des processus financiers, budgétaires et comptables de l'Agence et le risque associé à l'internalisation, d'ici 2012, de l'activité des unités supports ». Il est à noter, de surcroît, que la dotation de l’État en autorisations d’engagement pour 2011 a baissé de 93 M€ par rapport à la LFI pour 2010 (de 826,7 M€ en LFI 2010 à 733,7 M€ en LFI 2011, après réserve) et qu’elle est en diminution de 18,9 M€ dans le PLF pour 2012, pour atteindre 714,8 M€. Dans ces conditions, il paraît nécessaire d’apporter un soutien à l'Agence dans le processus de réorganisation et de modernisation de ses procédures de gestion et d'évaluation. Ses procédures de financement devraient notamment être adaptées à la spécificité du PIA.

3. Le renforcement de l’efficacité du PIA appelle un effort de coordination des initiatives locales et une amélioration de la communication à destination des PME

Il est à craindre que certains appels à projets du PIA – en particulier les appels à projet technologiques – ne conduisent à la création de structures redondantes à l’échelon local. Ainsi, les instituts de recherche technologique (IRT), les instituts d’excellence en énergies décarbonées (IEED) et les instituts Carnot mènent des projets communs avec les sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT). Ils exercent par ailleurs des missions proches de celles assumées par les technopoles régionales et les pôles de compétitivité. Il est à noter enfin que les instituts Carnot exercent une mission très proche – quoique plus en amont – de celle conduite par les structures de recherche sous contrat, – laboratoires privés de recherche qui transforment les connaissances et travaux issus de la recherche publique au profit de l’industrie. Votre rapporteur estime donc indispensable de conduire une réflexion associant l’ensemble des acteurs concernés à l’échelon local pour renforcer la cohérence entre les différentes structures à vocation technologique – IRT, IEED, Instituts Carnot, SATT, technopoles régionales et pôles de compétitivité. Il conviendrait également de s’assurer de l’adéquation entre la stratégie globale poursuivie dans le cadre du PIA et la stratégie nationale de recherche et d’innovation.

Par ailleurs, les PME sont insuffisamment informées des dispositifs existants, alors qu’elles pourraient tirer un grand profit de certains appels d’offre. Le PIA constitue un outil exemplaire qui doit être mis à la portée de tous. C’est pourquoi votre rapporteur recommande le renforcement de l’information à destination des PME, par exemple par le biais des chambres de commerce et d’industrie et des fédérations professionnelles. Il conviendrait de réaliser au préalable une cartographie précise des PME concernées pour chaque nature d’appel à projets.

4. Il convient de veiller à éviter tout glissement du financement de certains projets des crédits du budget général vers le PIA

Le risque de glissement du financement concerne les programmes bénéficiant de crédits consomptibles. À l'exception des initiatives d’excellence (IDEX), les montants perçus par unité de recherche annuellement restent modestes mais peuvent constituer un apport financier à long terme. Peu de pays dans le monde financent des travaux de recherche sur une période de dix ans. Les chercheurs doivent solliciter des financements complémentaires, notamment auprès de l’ANR et de l’Union européenne. Comme l’a relevé la Cour des comptes (2), il existe toutefois un risque de substitution entre les programmes du budget général et le PIA. En effet, observe la Cour, « si les crédits ouverts au titre des investissements d'avenir constituent de nouveaux moyens, ils ne financent pas tous de nouveaux projets, certaines actions finançant des projets préexistants voire déjà engagés, ce qui traduit un effet de substitution entre les programmes du budget général et les PIA. La poursuite du financement des instituts Carnot, et le financement du fonds national de valorisation et de la structure France Brevets, ont bénéficié de l'emprunt national. Il en va de même pour des opérations lancées, mais dont les plans de financement initiaux devaient être complétés, telles que l'Opération Campus initiée en 2008, le réacteur Jules Horowitz et le réacteur de 4ème génération ASTRID, la recapitalisation d'ARIANESPACE ou le financement des internats d'excellence. » A contrario, certains projets, tels les très grandes infrastructures de recherche (TGIR), ont dans l’ensemble peu bénéficié du PIA. Il convient d’être vigilant sur le mode de financement de ces très grandes infrastructures de recherche qui constituent une charge très lourde pour les organismes. De manière générale, il faut veiller à la lisibilité des mécanismes de financement des projets de recherche, en se prémunissant contre tout risque de substitution entre le financement par le budget général et par les dotations extra-budgétaires.

5. Les modalités de calcul des coûts de gestion pèsent sur le budget des établissements publics scientifiques et technologiques

Le PIA et, plus largement, le financement de la recherche sur projet, devient une composante importante des ressources des EPST. Or, les critères utilisés par l’ANR pour déterminer les coûts supportés par ces organismes de recherche ne correspondent pas à la réalité des charges effectivement assumées. En premier lieu, le règlement financier de l’ANR prévoit la prise en charge de 4 % des frais de gestion supportés par ces organismes. Or, les projets éligibles au PIA entraînent des coûts de gestion substantiels, et on doit s’attendre à un dépassement de ce seuil pour de nombreux organismes de recherche.

En deuxième lieu, si l’évaluation des dossiers repose sur une analyse du coût complet de l’opération, qui doit être en adéquation avec les objectifs scientifiques du projet, l’assiette du financement ne comporte, quant à elle, que les dépenses d’équipement et de fonctionnement liés au projet. Cette prise en compte du seul coût marginal exclut de fait certaines catégories de dépenses – telles que le salaire des fonctionnaires, les coûts des fonctions de soutien et de support, ou les infrastructures. Cette situation frappe particulièrement les établissements ayant une culture affirmée de la contractualisation, à l’instar, par exemple, du CEMAGREF, de l’INSERM ou du CNRS. Ainsi, les recettes du CNRS liées aux contrats ANR ne représentent-elles que 35 % de la charge réellement supportée, ce qui contraint l’établissement à prélever près de 20 M€ sur la subvention de l’État ! C’est la raison pour laquelle votre rapporteur demande un réexamen des modalités de financement des investissements d’avenir afin d’élargir le périmètre des dépenses pouvant être prises en compte par l’ANR. Toutefois, il paraît nécessaire de réaliser au préalable un audit permettant de déterminer l’étendue précise de la charge financière pesant sur les bénéficiaires du PIA.

Votre rapporteur estime que la mise en œuvre de ces recommandations serait de nature à améliorer l’efficacité d’un dispositif qui, il faut le répéter, constitue un puissant facteur de soutien à la recherche et à l’innovation françaises et constitue une véritable chance pour notre pays.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 18 octobre 2011, la commission a auditionné M. Laurent Wauquiez, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, sur les crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur.

La Commission procède d’abord à l’audition de M. Laurent Wauquiez, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

M. le président Serge Poignant. Nous avons le plaisir d’accueillir M. Laurent Wauquiez, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, dans le cadre de l’examen pour avis des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » du projet de loi de finances pour 2012, comme chaque année, à ceci près que nous examinons ces crédits au sein de la Commission des affaires économiques, et non plus en commission élargie, avec la Commission des finances.

Notre réunion portera plus particulièrement sur les crédits consacrés aux grands organismes de recherche et à la recherche industrielle, dont les rapporteurs respectifs sont M. Pierre Lasbordes et M. Daniel Paul. J’attache, en effet, une importance particulière à la recherche car je sais combien notre pays dispose d’atouts considérables qu’il nous appartient de consolider et de faire fructifier. De notre capacité à investir massivement dans la recherche et à valoriser ses applications dépendra la vitalité de la croissance française au cours des prochaines années. À cet égard, l’examen des crédits budgétaires doit nous permettre de dresser un premier bilan des réformes d’ampleurs engagées depuis cinq ans.

M. Laurent Wauquiez, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Je suis ravi de retrouver des parlementaires dont certains sont particulièrement au fait des questions liées au monde de la recherche, y compris dans le domaine spatial.

Même si vous êtes particulièrement attentifs aux crédits concernant la recherche au sein de cette mission, je tiens tout d’abord à souligner combien nous avons tenu à rapprocher ces deux domaines que sont l’enseignement supérieur et la recherche : ce sont en effet les pays capables de les concilier qui réussissent.

Si le budget de 2012 est marqué par une volonté de réduction des déficits publics, les gouvernements successifs, depuis le début du quinquennat, ont considéré l’enseignement supérieur et la recherche comme des secteurs prioritaires sur le long terme : il n’y a pas, en effet, de rigueur aveugle, pas plus qu’un rabotage indistinct des dépenses publiques. L’enseignement supérieur et la recherche constituent notre levier de croissance pour demain et une réponse aux doutes qui sont les nôtres. C’est d’eux que dépend notre capacité à construire notre compétitivité et à trouver notre place dans la société du XXIe siècle.

L’engagement qui avait été pris visant à accorder 9 milliards supplémentaires à notre politique de la recherche et de l’enseignement supérieur a été tenu : entre 2007 et 2012, 9,4 milliards auront été en fait investis, sans compter les dépenses d’investissements d’avenir, le plan de relance, l’opération Campus – ce qui revient à ajouter quasiment 17 milliards. La dépense intérieure d’éducation par habitant est quant à elle passée de 8 600 à 10 200 euros en cinq ans, ce qui représente une hausse de 18 % ; avec 43,6 milliards, l’augmentation de la dépense intérieure de recherche a été de 15 %.

Je ne prétends évidemment pas qu’aucun effort n’ait été demandé à l’enseignement supérieur et à la recherche et que nos universités et nos organismes de recherches n’aient pas dû réfléchir à une meilleure allocation de leurs moyens. Mais, comparativement à d’autres secteurs relevant des politiques publiques et à d’autres pays comme l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne, l’Angleterre ou la Grèce, la priorité qui leur a été accordée sur le long terme a néanmoins été maintenue. Pour 2012, les crédits budgétaires progressent ainsi à hauteur de 428 millions et le crédit d’impôt recherche (CIR) poursuit quant à lui sa montée en puissance avec 194 millions dédiés. Enfin, des moyens sont consacrés à des financements extrêmement innovants dans le cadre du plan Campus – lequel irrigue l’ensemble de nos territoires – ou les investissements d’avenir dotés de 1,2 milliard de crédits pour la seule année 2012.

Cet accroissement des moyens n’est toutefois pas aveugle : nous ne sommes plus au temps où il était possible d’injecter de l’argent sans se soucier d’une quelconque efficience. En l’occurrence, la contrepartie d’une telle augmentation a été la véritable révolution culturelle qu’ont accomplie l’enseignement supérieur et la recherche dont, en cinq ans, le mode de fonctionnement a été entièrement métamorphosé. Ce n’est d’ailleurs pas là la réussite du Gouvernement, mais celle de l’ensemble des acteurs d’un secteur qui a su renouer avec la compétition mondiale et s’approprier ces nouveaux outils que sont l’autonomie, l’instauration de passerelles entre les disciplines ou les partenariats entre les secteurs public et privé (PPP), lesquels étaient jusqu’à présent relativement tabous.

En ce qui concerne l’enseignement supérieur, nous avons amélioré les conditions d’étude des étudiants, notamment de ceux issus des classes moyennes modestes : si les bourses, jusqu’ici, n’étaient accessibles qu’à des étudiants dont les familles gagnaient jusqu’à 1,5 SMIC, elles le sont aujourd’hui pour celles qui gagnent 3,3 SMIC.

En outre, avec les 237 millions supplémentaires qui lui sont dédiés, nous confortons l’autonomie des universités. La mise en place d’un programme de recherches, de dix heures d’enseignement supplémentaires, ou même un simple coup de peinture au plafond impliquaient de se rendre à Paris pour négocier avec l’administration centrale. Un tel système, absurde, avait conduit à la paralysie. Aujourd’hui, l’autonomie est devenue un bien commun, même s’il est toujours possible d’améliorer tel ou tel point de détail.

Parce que nous ne pouvons croire en l’avenir de notre système d’enseignement supérieur si nos campus se trouvent dans un état misérable, nous avons entrepris une politique de rénovation en multipliant les chantiers – je me suis ainsi rendu à Grenoble, où les nouvelles universités et les nouveaux organismes de recherche prennent forme.

En 2012, l’État consacrera 214 millions supplémentaires en faveur de la recherche – certains renvoient aux crédits budgétaires, d’autres au soutien de la recherche privée. Alors qu’en période de crise cette dernière a tendance à s’effondrer plus encore que la croissance, la réforme du CIR lui a permis de se maintenir à un niveau équivalent à celui de la croissance, voire de progresser, en particulier au sein de ce secteur déterminant que sont les PME. En la matière, même si nous pouvons investir encore plus fortement dans les PPP, le CIR a pleinement joué son rôle : aujourd’hui - c’est du jamais vu -, près de 10 000 PME en bénéficient. Notre objectif, toutefois, est d’aller encore plus loin en partant à la rencontre de nos PME afin de les aider et de les accompagner dans leurs investissements.

Ne nous y trompons pas : la différence de compétitivité résulte de la capacité à faire de la recherche, à traduire ses résultats sur un plan industriel, à protéger le produit industriel à travers la propriété intellectuelle et artistique et, enfin, à créer des emplois. De ce point de vue, nous avons encore beaucoup à faire, même si notre outil de benchmark compte parmi les plus performants. Cet après-midi, les responsables d’une entreprise canadienne envisageant d’investir en France, en Allemagne ou en Hongrie m’ont assuré que le CIR, atout compétitif par rapport à nos concurrents, constituait le principal facteur de décision.

Enfin, nous consacrons 20,6 milliards aux investissements d’avenir – lesquels ont été conçus au même moment par la France et l’Allemagne à travers les Zukunftprojekt – afin d’identifier les principaux secteurs dans lesquels nous sommes leaders. Le campus de recherche de Grenoble, grâce à eux, a ainsi été hissé à un niveau de compétitivité mondiale tel qu’il nous permet d’avoir une longueur d’avance. Si vous le souhaitez, je pourrai faire état de comparaisons dans les domaines agronomique, nanotechnologique ou médical. Plus précisément, cette année, 9,6 milliards ont été engagés dans 219 projets.

Au final, je considère donc que le budget de 2012 est responsable car il tient compte à la fois de la nécessité collective d’assainir les dépenses publiques et du maintien de l’enseignement supérieur et de la recherche comme secteurs hautement prioritaires : c’est en effet grâce à eux que la France sortira de la crise et renouera avec l’optimisme et la compétitivité.

M. le président Serge Poignant. Je vous remercie pour cette présentation dont je partagerai le constat et les objectifs en rappelant que les pôles de compétitivité avaient préfiguré les investissements d’avenir. L’innovation et, donc, notre avenir dépendent en effet de la mise en place de telles synergies.

M. Pierre Lasbordes, rapporteur pour avis pour les grands organismes de recherche. Je m’étais félicité l’année dernière de la constance de l’effort financier engagé par l’État en faveur de la recherche. Le projet de budget que vous présentez aujourd’hui, monsieur le ministre, en constitue une nouvelle illustration. En effet, après une hausse de 470 millions dans le PLF pour 2011 et malgré un contexte budgétaire difficile, les crédits de paiement (CP) en faveur de la recherche et de l’enseignement supérieur progressent à hauteur de 200 millions, hors pensions. Si l’on prend en compte le seul périmètre « Recherche », sur la période 2007-2012, ils ont augmenté de 19 %. Je vous félicite pour avoir continué sur cette exceptionnelle lancée !

De surcroît, les auditions des représentants des organismes de recherche témoignent de la responsabilité dont ils font preuve face aux efforts demandés. Ils ont « joué le jeu » et j’espère que l’on en tiendra compte dans les budgets à venir.

Quelques points doivent être cependant améliorés et, tout d’abord, le programme des investissements d’avenir (PIA). Dispositif remarquable – tous les organismes se précipitent pour répondre aux appels à projets – auquel des sommes importantes sont consacrées, il n’en souffre pas moins d’une certaine complexité, illustrée par la création de structures redondantes dans le domaine des transferts technologiques et par la non-prise en compte des coûts complets au sein des établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST). En effet, le règlement financier de l’Agence nationale de la recherche (ANR) prévoit la prise en charge de 4 % des seuls crédits de fonctionnement, ce qui oblige les organismes de recherche à puiser dans leur dotation de base.

Plus particulièrement, deux organismes importants rencontrent des difficultés.

Il s’agit, tout d’abord, du fleuron de notre informatique : l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA). Employant plus de 1 100 personnes, il a doublé de taille en dix ans – trois nouveaux centres ont été construits. Mais ce projet de budget ne risque rien de moins que d’en briser net l’élan : compte tenu de la baisse de la dotation de 0,8 million, de la mise en réserve de 6 % des crédits hors masse salariale et de la nouvelle tranche de remboursements de crédits accordée au titre du plan de relance, l’INRIA sera amené à geler près de 3,4 millions. Le secteur du numérique mérite mieux que cela !

Par ailleurs, la subvention pour charges de service public de l’IFP-Énergies-nouvelles est en recul de 6 M€ après une baisse de plus de 20 M€ en 2011. Je vous saurais gré de bien vouloir examiner sa situation ; comme l’année dernière, il conviendrait de l’aider.

Par ailleurs, les efforts accomplis par les organismes de recherche afin de réduire leurs dépenses de fonctionnement sont importants. Ainsi, le CEA a-t-il réduit ces dernières de 20 % par salarié entre 2007 et 2011 et a-t-il redéployé 237 emplois en cinq ans des fonctions support vers les programmes de recherche. Le CNES les a quant à lui réduites de 67 millions entre 2005 et 2010. Malgré cela, ces deux organismes ont subi en 2011 des annulations de crédits substantielles, s’élevant respectivement à 8 et 13 millions. Si l’impératif de réduction du déficit justifie pleinement les économies de fonctionnement demandées, il doit également être tenu compte de la spécificité des situations ainsi que des efforts de gestion déjà réalisés. Mieux encore : de tels efforts doivent être encouragés et récompensés par la modulation de la subvention de l’État.

De surcroît, plusieurs organismes ont été surpris de constater que les crédits accordés au titre du plan de relance constituaient en fait des avances remboursables, ce qui n’a pas manqué de les mettre en difficulté au point que leur dotation de base ait parfois baissé d’une année à l’autre. Ils ont donc besoin d’être rassurés.

Enfin, monsieur le ministre, je vous remercie pour la force de votre engagement dans le domaine spatial. Cela est très encourageant pour l’ensemble des acteurs concernés, ce secteur constituant l’un des fleurons de notre industrie, lequel, jusqu’à présent, ne bénéficiait d’ailleurs pas de toute la reconnaissance qu’il était en droit d’attendre – je signale, à ce propos, l’article remarquable que vous avez publié dans La Tribune de ce jour et la chance que j’aurai quant à moi, demain, de vous accompagner à Kourou pour le lancement du premier Soyouz.

Maintenez donc un tel engagement car la coopération avec nos partenaires européens, dans les prochaines années, sera difficile !

Je donnerai un avis favorable à l’adoption des crédits des grands organismes de recherche.

M. Daniel Paul, rapporteur pour avis pour la recherche industrielle. Je ne ferai pas preuve du même enthousiasme.

Il est presque banal, de nos jours, d’associer dans la même phrase la recherche, l’innovation et le développement économique, tant leurs liens semblent en effet évidents : le but de la recherche n’est-il pas de développer l’innovation, cette dernière devant assurer la compétitivité et, donc, de formidables perspectives économiques ? Un tel discours, en outre, n’est pas nouveau puisqu’il a été au cœur de la stratégie de Lisbonne décidée au mois de mars 2002 avec les quinze États membres de l’Union européenne d’alors. Cette dernière visait à développer « l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d’ici à 2010, capable d’une croissance économique durable, accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi ainsi que d’une plus grande cohésion sociale. » Ainsi, la France s’était-elle engagée à apporter 1,8 milliard de plus par an à la recherche et à l’enseignement supérieur – 9 milliards en cinq ans –, l’objectif étant d’atteindre 3 % du PIB pour les activités de recherche en 2012.

En 2008, les dépenses de recherche et de développement (R&D) françaises représentaient 2,08 % de l’activité économique alors qu’en 1990 ce ratio était de 2,32 % ; en 2009, Mme Pécresse affirmait que l’effort s’élevait à 2,21 %, mais elle y intégrait ce cadeau fiscal qu’est le CIR, lequel avait explosé durant cette période. Pour atteindre 3 % du PIB en 2012, il aurait été nécessaire de passer, non de 2,07 % à 2,21 % entre 2007 et 2009, mais de 2,07 % à 2,44 %. Et pour ce faire, une croissance près de trois fois supérieure aurait été nécessaire.

En 2008 toujours, les entreprises et les administrations françaises ont dépensé plus de 40 milliards en faveur de leur R&D, les premières réalisant 63,5 % de ces dépenses contre 36,5 % pour les secondes, les entreprises n’en finançant que 54,3 %. La recherche industrielle représente 1,16 % du PIB, la France étant le premier pays de l’OCDE pour les aides fiscales et publiques apportées à la R&D des entreprises, mais notre pays se caractérise aussi par un faible niveau de dépenses privées – en la matière, notre effort est en effet inférieur d’un tiers à celui de l’Allemagne. Les dispositifs présentés jusqu’à présent comme puissamment incitatifs, tels que le CIR, n’ont finalement pas permis de redresser la situation parce qu’ils ont été trop souvent utilisés à de simples fins d’optimisation fiscale. Nous ne sommes certes pas favorables à sa suppression, mais tous les rapports présentés l’an dernier ont insisté sur la nécessité de réviser son mode de distribution et de revoir les modalités de son attribution ainsi que de son contrôle : comment les dépenses de fonctionnement sont-elles prises en compte dans son calcul ? Comment les grands groupes l’utilisent-il à des fins d’optimisation fiscale via leurs différentes filiales ? Comment justifier qu’une entreprise bénéficie du CIR et que les résultats obtenus en matière de recherche soient produits ailleurs ?

M. Alfred Trassy-Paillogues.  Des noms !

M. Daniel Paul, rapporteur pour avis. Je vous renvoie aux rapports auxquels je viens de faire allusion.

Un dirigeant d’entreprise a même affirmé que le CIR servait à abonder les recettes de son groupe alors que les PME et les PMI devraient bénéficier de l’essentiel de cet effort – même si nombre d’entre elles se situent aujourd’hui dans le giron de tels grands groupes, lesquels peuvent quant à eux profiter d’autres dispositifs. Quoi qu’il en soit, Bercy dispose des moyens permettant de séparer le bon grain de l’ivraie.

J’ajoute que Mmes Pécresse et Lagarde ont régulièrement insisté sur l’impact du CIR pour localiser ou relocaliser certains centres de recherches d’entreprises, dont j’ai essayé à plusieurs reprises et sans succès d’obtenir les noms. Pouvez-vous donc nous en communiquer la liste, Monsieur le ministre, car cela ne manquerait pas de donner du corps à vos propos ! Précisément, combien d’emplois ont-ils été créés grâce à ces localisations ou relocalisations et combien les entreprises bénéficiant du CIR ont-elles recruté de docteurs depuis 2008 ?

L’IFP, quant à lui, accomplit un très bon travail, mais sa dotation budgétaire a baissé de 40 % en euros constants par rapport à 2002. Une telle situation est d’autant plus incompréhensible que le Gouvernement martèle l’importance de la R&D et que les efforts déployés par l’IFP sont importants pour soutenir l’innovation technologique. Elle est de surcroît d’autant moins acceptable qu’elle implique l’arrêt de projets de recherches, en particulier de ceux qui sont à plus hauts risques et qui concernent le développement des énergies vertes. Plus encore : une telle réduction des crédits implique la suppression de 150 postes de chercheur en formation de doctorat et de post-doctorat en 2013 par rapport à 2010. Prendrez-vous donc en compte les protestations et les remarques de ceux qui suivent et soutiennent les efforts de cet organisme ?

M. François Brottes. Ce débat budgétaire doit être l’occasion de faire un point plus général sur la stratégie ou l’absence de stratégie du Gouvernement en matière de recherche.

À vous entendre, nous sommes au pays de Candy alors qu’en euros constants le budget que vous défendez, sur un même périmètre, est inférieur à celui de 2007 – il conviendrait d’ailleurs de ne pas évoquer en termes financiers des sujets aussi décisifs pour l’avenir.

Vous évoquez une « révolution culturelle » et, en un sens, vous avez raison : comme les Chinois d’alors, vous n’y avez pas été de main morte, à tel point que vous avez déstructuré ce secteur en privant les établissements de formation et de recherche de la sérénité qu’ils sont en droit d’attendre. Ces derniers répondent aux appels d’offres et aux différentes propositions qui leur sont faites afin d’être financés, mais comment auraient-ils le choix, à moins de cesser de fonctionner ? Je ne saurais quant à moi parler d’« effet d’aubaine » – ceux qui répondent à de tels appels sont capables de mobiliser assez rapidement les talents nécessaires pour acquérir les financements qui se présentent –, mais je note que la déstructuration à laquelle vous avez procédé a entraîné une modification sensible de la carte universitaire sans forcément que cela résulte d’un choix, et certains secteurs en profitent, d’autres non. Quelle sera donc la situation dans les années à venir ?

Il en est de même s’agissant de la formation des chercheurs, laquelle est souvent très longue sans qu’ils puissent pour autant bénéficier de perspectives de carrière et de salaires extraordinaires. Animés par leur vocation et leur passion, ils sont néanmoins parfois si désespérés que l’on peut nourrir quelques craintes pour l’avenir même de notre recherche.

Le benchmarking est sans doute nécessaire en matière d’innovation et de R&D, mais quid de la recherche en amont permettant de trouver des solutions d’avenir ? Au sein du pôle de compétitivité Grenoble-Crolles – qui fut d’ailleurs précurseur comme en atteste le rapport de M. Blanc – les liens entre recherche amont et R&D, laboratoires publics, entreprises privées et la production industrielle montrent que partenariat ne signifie pas mélange des genres. Or, aujourd’hui, tout le monde semble être logé à la même enseigne, la rémunération à l’activité se profilant, comme dans l’hôpital public !

La course au CIR, quant à elle, entraîne parfois des tricheries : outre que la multiplication des PME cache la présence de grands groupes, cet argent n’est pas toujours affecté à la recherche.

Enfin, vous souciez-vous de développer une approche par filières, en particulier s’agissant du secteur des énergies renouvelables et des réseaux de communication ?

Même si les sommes en jeu sont importantes – je ne prétends pas que la paupérisation s’installe à tous les étages – la déstructuration en cours suscite des angoisses qui risquent d’être extrêmement dommageables.

M. Alfred Trassy-Paillogues. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour votre exposé. Nous savons combien le contexte est contraint et à quel point il était difficile de boucler ce budget. Il est donc temps de privilégier la qualité sur la quantité, tant l’augmentation des crédits n’implique pas toujours une amélioration de la situation.

Sans doute cette période de crise est-elle l’occasion de s’interroger sur quelques paramètres fondamentaux à partir de comparaisons établies avec nos concurrents.

Le triptyque « université-recherche-entreprise », à l’image de celui qui existe aux États-Unis, est-il dans notre pays une réalité ?

La recherche allemande contribue-t-elle aux performances industrielles de l’Allemagne ?

Combien avons-nous de chercheurs et d’ingénieurs pour 1 000 ou 10 000 habitants – peu importe l’échelle – proportionnellement à la Chine ou à l’Inde ? Combien de brevets sont-ils déposés pour 1 000 ingénieurs comparativement aux États-Unis, à l’Allemagne, à la Chine et à l’Inde ?

La recherche publique profite-t-elle exclusivement aux grands groupes ou, également, aux PME indépendantes ?

Les domaines de recherches dans lesquels nous sommes « défaillants » – dont celui des énergies renouvelables, se superposent-ils à ceux dans lesquels notre industrie n’excelle guère ?

Une telle analyse qualitative se justifie parce que le progrès passe par la déclinaison de nos atouts et la résorption de nos handicaps.

Mme Geneviève Fioraso. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour l’allusion que vous avez faite à Grenoble où, comme vous avez pu le voir, les collectivités territoriales sont très engagées.

Le nombre d’étudiants en licence me semble insuffisant dans notre pays puisque seule 25 % d’une classe d’âge est concernée chaque année, contre 44 % au Danemark.

Les jeunes issus de milieux modestes, de surcroît, ont de plus en plus de mal à faire des études universitaires. Sans doute des efforts doivent-ils être accomplis afin de développer des pédagogies personnalisées – ce devait être le cas grâce au Plan pour la réussite en licence, mais 17 % seulement des universités qui ont reçu des subsides à cette fin ont diminué le nombre d’heures de cours en amphithéâtre. Il convient également de réaliser des efforts importants en matière d’insertion et d’orientation, ce qui suppose un encadrement digne de ce nom, quand nous ne disposons que de 5 enseignants pour 1 000 étudiants – soit le taux le plus faible des pays membres de l’OCDE.

Les docteurs étant quant à eux aujourd’hui insuffisamment insérés dans notre économie, certaines aides – dans le cadre du CIR et des pôles de compétitivité – devraient sans doute être conditionnées à une évolution de la situation. Leur intégration dans les grands corps d’État, par exemple, permettrait de rendre ces derniers plus réceptifs aux progrès scientifiques et technologiques ainsi qu’à l’innovation.

S’agissant du CIR, certains grands groupes bénéficient d’un effet d’aubaine. Dans le secteur du pétrole, l’un d’entre eux ne paie ainsi pas d’impôt sur les sociétés, il a multiplié les sociétés par actions simplifiées (SAS) pour optimiser ce crédit d’impôt et, dans le cadre de sa diversification photovoltaïque, il s’est adressé à un laboratoire belge – directement concurrent d’un laboratoire public français –, lequel opère des transferts de technologie directs en Asie et a racheté une entreprise américaine alors que des entreprises françaises étaient tout aussi compétitives. De tels groupes ne devraient plus bénéficier du CIR !

Les investissements d’avenir, quant à eux, constituent une bonne initiative… pour l’avenir, mais ils s’accompagnent de baisses de crédits pour les organismes de recherche. De nécessaires et importants efforts de mutualisation ont été réalisés mais que leur reste-t-il, hors la gestion des ressources humaines, dès lors que c’est l’ANR qui détermine les programmes de recherches et que les investissements d’avenir abondent tous les projets structurants ? Le risque de déséquilibres est patent. Si la recherche fondamentale ne dispose pas de crédits pérennes et d’une vision à moyen et long termes afin de favoriser l’innovation, nous irons au devant de grandes difficultés.

Par ailleurs, j’insisterai sur les problèmes que rencontrent le CEA, la Direction de la recherche technologique (DRT) ou le CEMAGREF, lesquels sont contraints de multiplier les CDD et ne peuvent plus répondre aux expertises qui leur sont demandées : non seulement ils sont ainsi privés de financements extérieurs, mais ils ne disposent plus d’une vision à moyen et long termes.

Trente-cinq pôles de compétitivité sont en panne. Quand bénéficieront-ils d’une dynamisation à travers leur mise en réseau, notamment afin d’accroître leur visibilité et de favoriser les exportations ?

Enfin, en matière de culture scientifique et technique, Universcience est par trop centralisateur alors que les centres de culture scientifique, technique et industrielle (CCSTI) travaillent remarquablement en région. Un rééquilibrage s’impose. De même convient-il d’améliorer ce type d’enseignement dès la maternelle et le primaire : en effet, les disciplines scientifiques ne doivent plus être considérées comme des instruments de sélection, mais comme un outil favorisant la curiosité et l’ouverture d’esprit.

M. Jean-Charles Taugourdeau. Tout le monde souhaite que la recherche bénéficie de moyens supplémentaires – le CIR est de ce point de vue-là très efficace – mais les chercheurs ont-ils toute latitude pour travailler dès lors que certains prônent la décroissance et détruisent des travaux qui représentent des années de recherche ? Leur protection me semble indispensable.

Mme Corinne Erhel. Quid du financement des CCSTI, structures permettant de rapprocher la recherche, les entreprises et les citoyens ? Les financements de l’association bretonne pour la recherche technologique (ABRET) diminuent depuis 2009 puisqu’ils sont passés de 192 000 euros à 160 000 euros l’année suivante et qu’ils s’élèvent en 2011 à 75 000 euros. Le programme 186, quant à lui, fait état de 3,6 millions affectés au budget de l’opérateur Universcience pour financer les CCSTI, alors que le financement de ce dernier, créé en 2010, est en baisse par rapport à cette année. Comment expliquer l’évolution de cette enveloppe ? Quels sont les critères de distribution d’une telle somme ?

Enfin, s’agissant des investissements d’avenir, pourriez-vous faire le point sur les deux instituts de recherche technologique (IRT) dédiés au secteur du numérique – B-Com et System X – et qu’en est-il des problèmes liées à la propriété intellectuelle ?

M. Daniel Fasquelle. Voilà quatre ou cinq ans, j’avais été frappé de constater qu’au sein d’un classement européen relatif à la recherche et à l’innovation la France se situait à l’intersection des pays innovateurs et suiveurs et qu’elle ne figurait donc pas à la place qu’elle aurait dû occuper. Même si, depuis lors, beaucoup a été fait pour stimuler la recherche publique et privée, qu’en est-il de notre position par rapport aux autres pays européens dans ces domaines ?

Les universités ont tendance à se regrouper – ce qui est plutôt positif – mais en marge de celles qui, parmi elles, sont les plus puissantes, les universités de proximité nourrissent des craintes quant à leur avenir. J’enseigne encore quelques heures par semaine dans un établissement comptant 11 000 étudiants et je perçois les inquiétudes qui se font jour. Pouvez-vous donc rassurer les différents acteurs ?

Qu’en est-il de la recherche dans les sciences humaines, secteur où la France peut exceller ?

Enfin, quels sont les résultats du Plan pour la réussite en licence engagé par Mme Pécresse afin de lutter contre l’échec pendant le premier cycle universitaire et quels sont les différents moyens qui ont été mobilisés à cette fin ?

M. Jean Gaubert. Qu’en est-il du pôle de Saclay, dont il a été beaucoup question dans le cadre de la préparation du Grand Paris ? Le renforcement de ses centres de recherche, en l’occurrence, ne risque-t-il pas de s’effectuer au détriment d’autres centres français, certaines entreprises de Lannion, Sophia-Antipolis ou Mulhouse faisant état de leur volonté de « rapatrier » des activités vers ce pôle ?

De plus en plus de chercheurs travaillant dans le secteur public sont soumis à des appels d’offres, ce qui accroît la précarité de leurs conditions de travail. Ne seront-ils donc pas tentés de gagner le secteur privé, voire de partir à l’étranger, et n’est-ce pas, au fond, ce qui est recherché ?

M. Francis Saint-Léger. Pourriez-vous dresser le bilan de l’autonomie des établissements trois ans après l’application de la loi ? Certains établissements importants demeurent-ils encore en marge de ce nouveau régime ?

En tant qu’élu rural de Lozère, je constate que l’autonomie des universités pose des problèmes quant à la pérennité des IUFM au sein de certains départements, la volonté de centralisation au siège universitaire étant patente. Qu’en pensez-vous ?

M. le ministre. Une quarantaine de questions ont été posées, auxquelles je vais essayer de répondre de façon synthétique.

M. Pierre Lasbordes, rapporteur pour avis pour les crédits des grands programmes de recherche, a souligné l’importance de la constance dans la politique de la recherche. Il a raison : ce domaine, comme on le voit avec le crédit d’impôt recherche, supporte mal les à-coups et les changements de cap d’une année à l’autre. C’est pourquoi nous avons choisi trois objectifs sur la durée : l’autonomie, l’investissement et le partenariat entre secteur public et secteur privé. En dépit du contexte de crise, nous avons maintenu cette ligne.

Comme lui, j’ai déploré la trop grande complexité des procédures régissant les investissements dans la recherche, qui en ralentissait la poursuite. J’ai donc demandé que l’on mette en place un suivi des différentes procédures, puis que l’on fasse sauter à la barre à mine l’excès de rapports exigés pour aboutir à la contractualisation d’un projet et au versement des fonds correspondants. Ainsi avons-nous pu labelliser 150 laboratoires d’excellence (labex) en trois semaines, quand aucun ne l’était auparavant, ainsi qu’une centaine d’instituts universitaires en deux mois, et mettre en place un mécanisme d’acomptes systématiques afin que tous les labex, les équipements d’excellence (equipex) et les pôles de recherche médicale puissent également bénéficier de versements d’acomptes. Rien n’est pire pour un chercheur que de déposer un dossier, de recevoir un accord de principe et d’attendre ensuite pendant deux ans. Notre politique a donc principalement consisté à fluidifier, accélérer et simplifier les procédures qui s’appliquent aux chercheurs. Nous pouvons encore progresser dans cette voie. Mais une première étape essentielle vient d’être franchie et nous continuerons de nous battre contre tous les inventeurs d’usines à gaz.

Il en va de même des partenariats entre secteur public et secteur privé, comme à l’intérieur du secteur public avec le concours de la Caisse des dépôts et consignations.

L’Institut national de recherche en informatique et en automatique a bénéficié d’une augmentation relativement substantielle de ses moyens depuis 2007, pour un montant de 23,6 millions d’euros, ce qui a notamment permis la création de 205 emplois statutaires. Cet organisme constitue déjà une référence dans un domaine où nous avons tout intérêt à investir. Il lui faut cependant améliorer sa gestion. Et, comme plusieurs d’entre vous l’ont d’ailleurs indiqué, les organismes de recherche doivent, d’une manière générale, accomplir un effort de mutualisation. L’INRIA peut y procéder sans nuire à son efficacité.

Je vous remercie de votre engagement, en tant qu’élus, en faveur de la politique spatiale. Car l’accès autonome à l’espace fait aujourd’hui l’objet d’une compétition internationale très vive, qui conditionne une partie de la compétitivité de nos entreprises. Nous ne pouvons dépendre de la Chine ou des États-Unis pour la recherche dans des secteurs aussi déterminants que les télécommunications, le secteur agro-alimentaire ou la surveillance des changements climatiques. Nous en avons déjà fait les frais avec le programme « Symphonie » de satellites franco-allemands. Tirons-en la leçon !

Les propos de M. Daniel Paul ont fait apparaître plusieurs divergences entre nous, mais aussi un point commun : nous croyons ensemble à la nécessité de conserver des emplois industriels sur notre territoire. Cela fait partie des engagements constants de sa famille politique, y compris dans des domaines tels que celui de l’énergie nucléaire, où ses alliés ne l’ont pas toujours suivi. Et il faut, bien sûr, pour cela, investir massivement dans la recherche.

Vous vous interrogez sur les parts respectives de la recherche publique et de la recherche privée. Malgré la crise, le secteur privé a maintenu, et même légèrement accru, son effort. Mais la situation n’est pas encore totalement satisfaisante si nous voulons atteindre l’objectif de 3 % du PIB consacrés à la recherche et au développement. Le secteur public a parcouru un chemin considérable dans ce but : il revient maintenant au secteur privé de faire de même.

L’incidence du crédit d’impôt recherche sur la localisation d’activités et sur l’emploi ne saurait être mesurée sans tenir compte de la règle du secret fiscal. Je ne peux donc parler des entreprises bénéficiant de cet avantage, mais je peux mentionner les entreprises étrangères dont les activités de recherche ne se situaient pas en France avant 2007 et qui, depuis lors, les ont installées chez nous : Microsoft, Google, les laboratoires pharmaceutique Glaxo Smith Kline (GSK), auxquelles s’ajoute Michelin, qui en a rapatrié une partie. C’est aussi le cas d’entreprises de taille intermédiaire, telles que Linamar.

Grâce à ce dispositif, plus de 1 500 jeunes docteurs ont été embauchés par près de 780 entreprises. En 2007, 1 300 entreprises confiaient des travaux de recherche-développement à des institutions publiques ; elles sont aujourd’hui 2 300, et la part des PME ne cesse de croître. On pourrait aller plus loin et démarcher directement les entreprises pour leur exposer l’intérêt des dispositifs publics existants. Avec votre collègue M. Jean Proriol, nous avons récemment vu le cas d’une PME de Beauzac, en Haute-Loire, qui avait considérablement investi en R&D sans avoir sollicité les instituts publics de recherche installés non loin de là, à Saint-Étienne. Nous essayons donc actuellement de démultiplier notre effort et d’élaborer des offres clés en main pour ce genre d’entreprises dans ce genre de situation.

Monsieur François Brottes, vous avez fait référence à Candy. Je m’attendais plutôt à ce que, en tant qu’élu de la montagne, vous citiez Heidi, en jouant le rôle du grand-père un peu bougon qui finit par s’apercevoir que sa petite-fille marche bien, comme l’enseignement supérieur et la recherche dans la France d’aujourd’hui.

Vous avez aussi fait part de vos interrogations concernant la recherche fondamentale. Celle-ci est nécessaire et avance grâce aux projets blancs, c’est-à-dire à ceux qui laissent aux chercheurs la liberté de choisir leurs objectifs. C’est pourquoi, nous avons maintenu près de 50 % des appels d’offres lancés par l’Agence nationale de la recherche (ANR) pour des projets de ce type, et 80 % dans le cadre des investissements d’avenir. Maintenir une part de recherche fondamentale est une exigence absolue.

L’évolution du pôle de Grenoble résume à elle seule tout ce qui a changé dans la recherche française au cours des dernières années. Voulu par le Gouvernement, le changement est surtout porté par la communauté des chercheurs. Les instituts de recherche technologiques (IRT) étendent leurs activités à de nouveaux domaines, notamment la biologie. De nouveaux équipements et de très grandes infrastructures de recherche se mettent en place, comme le synchrotron de Grenoble et ses déclinaisons industrielles.

M. François Brottes. C’est le résultat d’un travail de quarante ans !

M. le ministre. Certes, mais l’effet d’accélération des dernières années est incontestable. Il ne résulte pas seulement de l’action du Gouvernement, mais aussi d’un travail conjoint avec le monde de la recherche et de l’industrie.

Les alliances ont permis de reconfigurer notre recherche en lui assignant certaines priorités.

Comme l’a indiqué M. Alfred Trassy-Paillogues, les comparaisons européennes constituent la meilleure façon d’appréhender le niveau de notre recherche nationale : il est meilleur que ce que l’on croit couramment. Ainsi, la France compte-t-elle près de 7,7 chercheurs pour 1 000 actifs, ce qui la place au troisième rang mondial, après le Japon et les États-Unis, mais devant l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Espagne.

Au cours des trois dernières années, le nombre de brevets déposés par le CEA et le CNRS a augmenté de 30 %. Le nombre total de brevets déposés en France s’est accru de 3 % par an depuis 2009.

Il faut encourager les partenariats entre recherche publique et privée, comme le montre le projet Green Wheat visant à nourrir la planète grâce à des recherches sur la diversification, hors OGM, des espèces de blé : il s’agit de les rendre plus résistantes à l’humidité comme à la sécheresse, et d’améliorer leurs rendements. Les investissements correspondants sont assurés par l’INRA, en partenariat avec des entreprises privées, notamment auvergnates. Voilà un bel exemple d’association entre la recherche fondamentale et ses déclinaisons rapides en faveur de l’emploi.

Vous nous avez encore montré, Madame Geneviève Fioraso, votre excellente connaissance de l’enseignement supérieur et de la recherche. Une société meurt quand elle n’est plus capable de faire fonctionner l’ascenseur social et quand ses élites entrent dans un processus de reproduction. Signe encourageant, le nombre d’enfants d’ouvriers dans l’enseignement supérieur s’est maintenu au cours des dernières années, voire a légèrement progressé, alors que le nombre d’ouvriers continue de régresser dans la population active. L’université a donc un rôle essentiel à jouer en la matière, plus particulièrement dans les disciplines scientifiques.

Je crois beaucoup aux formations en alternance, qui favorisent le brassage social. Nous devons également mieux aménager le sas entre enseignement secondaire et enseignement supérieur. Nous accompagnons plutôt bien les élèves entre l’enseignement primaire et l’enseignement secondaire, mais insuffisamment du lycée à l’université, alors que le choc est alors plus important car il se double d’un choc familial. Le Plan pour la réussite en licence a mis en place des dispositifs d’accompagnement au cours des premiers mois à l’université, ce qui devrait diminuer le taux d’échec, aujourd’hui trop important.

Je vous approuve totalement en ce qui concerne les embauches de docteurs, ayant été très choqué par les propos de certains grands industriels, pourtant supposés intelligents, déclarant qu’ils n’avaient pas l’intention de recruter des ingénieurs docteurs. Cela témoigne d’un esprit à très courte vue : le modèle allemand nous montre au contraire l’utilité d’ingénieurs ayant suivi une formation de recherche car ils exercent une fonction de passerelle entre l’univers de la recherche et celui de l’entreprise. J’ai demandé que l’on examine les pratiques d’embauche et de gestion des ressources humaines afin, notamment au niveau des doctorats, de faciliter les passages entre la recherche privée et la recherche publique.

Je suis favorable à la préférence nationale et, plus encore, à la préférence européenne.

Mme Geneviève Fioraso, Mme Corinne Erhel et M. Jean-Charles Taugourdeau ont parlé de la culture scientifique et technique. En France, sur des sujets tels que les OGM, l’énergie nucléaire ou les énergies renouvelables, le débat public risque de tomber dans l’irrationnel. Or il est essentiel que celui-ci, en restant fondé sur la raison et sur le principe d’objectivité, laisse à la science le temps de faire son travail. Je ne crois pas à une société fondée sur les intuitions et les instincts. Je crois au principe de précaution, mais je ne crois pas à un principe de précaution tant galvaudé qu’il deviendrait un instrument de régression scientifique. Ce serait une erreur de civilisation.

À ce sujet, nous travaillons actuellement avec Universcience, dans le cadre d’une stratégie nationale, mais comportant aussi des déclinaisons territoriales. Car il convient d’associer à notre démarche les collectivités locales qui entendent s’investir dans les politiques de recherche et mieux allouer les différents moyens.

Les projets B-Com et System X, retenus dans le cadre des investissements d’avenir, répondent aux questions précises posées sur les IRT.

La part des sciences humaines constitue aujourd’hui un enjeu important de l’enseignement supérieur car il s’agit de concilier la spécialisation et la transdisciplinarité. Par le passé, les sciences humaines et les sciences « dures » vivaient isolément dans leurs domaines respectifs. Nous assistons maintenant à des brassages : dans un sens, la médecine fait de plus appel à la philosophie et à l’éthique, l’énergie atomique fait appel à la sociologie ; dans l’autre sens, l’histoire de l’art recourt aux techniques du synchrotron. Je crois, pour l’avenir, au modèle des fertilisations croisées. Il faut, pour cela, abandonner l’approche stéréotypée selon laquelle, en France, le terme de science est synonyme de science dure : les sciences humaines sont aussi des sciences, qu’il s’agisse de la recherche juridique ou de la recherche historique, pour lesquelles il faut manier des bases de données scientifiques. Notre pays a souvent rayonné dans les sciences humaines, et nos grands scientifiques furent souvent de grands humanistes : il faut réactiver ce modèle grâce à des chercheurs qui, travaillant ensemble, croisent leurs disciplines et leurs approches. C’est pourquoi je serai attentif à ce que la deuxième vague des investissements d’avenir donne toute sa place aux sciences humaines.

La question de M. Jean Gaubert sur le pôle de Saclay m’a un peu surpris. Je pensais qu’il me demanderait pourquoi Saclay n’était pas apparu parmi les premières initiatives d’excellence (idex), alors qu’on craignait que le pôle ne rafle tous les labex et les equipex. J’ai regardé comme une très bonne chose que, parmi les trois premier idex, deux ne soient pas parisiens : on n’attendait pas Bordeaux, non plus que Strasbourg. Je ne crois en effet ni à une recherche concentrée en région parisienne, ni appuyée sur quelques mégalopoles et désertant les territoires. Ceux-ci peuvent aussi porter l’excellence, avec des universités et des pôles de recherche appuyés sur les forces vives locales tout en possédant une compétitivité internationale. Ainsi, se trouve à Limoges le pôle d’excellence internationale dans le domaine de la céramique. L’université de Savoie profite à plein de sa situation afin de développer des politiques d’excellence sur les questions relatives à la montagne, ce qui la positionne, elle aussi, au niveau international. L’université de Clermont-Ferrand possède le laboratoire le plus performant du monde pour la recherche sur les questions volcaniques et sismiques, devant les laboratoires japonais.

Tel est le modèle auquel je crois : une université et une recherche sur tout le territoire de la République, chacune puisant sur place les ressources d’excellence lui permettant ensuite de tenir son rang dans la compétition internationale.

M. le président Serge Poignant. Merci, monsieur le ministre, de vos réponses, de votre engagement et de vos fermes convictions.

Puis la commission a examiné pour avis les crédits pour 2012 de la mission « Recherche et enseignement supérieur » sur le rapport de M. Pierre Lasbordes et de M. Daniel Paul.

Suivant l’avis de M. Pierre Lasbordes, rapporteur pour avis, elle émet un avis favorable à l’adoption des crédits des grands organismes de recherche (programmes 150, 172 et 193) pour 2012.

——fpfp——

ANNEXE
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Représentantes de l’ANR :

Mme Jacqueline LECOURTIER, Directeur général

Mme Martine LATARE, Directeur général adjoint aux ressources

Représentant du CEA :

M. Christophe GEGOUT, Directeur financier

Représentants du CEMAGREF :

M. Roger GENET, Directeur général

M. Pierre-Yves SAINT, Secrétaire général

Représentants du CNES :

M. Yannick D’ESCATHA, Président

M. Laurent GERMAIN, Directeur financier

Représentants du CNRS :

M. Alain FUCHS, Président

M. Thibaut SARTRE, Directeur de la stratégie financière, de l’immobilier et de la modernisation

Représentants de l’IFP-Énergies nouvelles :

M. Olivier APPERT, Président

M. Georges PICARD, Directeur général adjoint

Représentants de l’IFREMER :

M. Jean-Yves PERROT, Président directeur général

Mme Sylvie LANDRAC, Directeur des affaires financières

Représentants de l’INRA :

M. Michel EDDI, Directeur général délégué

M. François CHAMBELIN, Directeur du financement et de l’administration générale

Représentants de l’INRIA :

M. Hervé MATHIEU, Délégué général à l’administration des ressources et des services

M. Antoine PETIT, Directeur général adjoint

Représentants du Commissariat général à l’investissement :

M. Jean-Luc TAVERNIER, Commissaire général adjoint

M. Thierry COULHON, Directeur du programme « Centres d’excellence »

Représentants de l’Association des structures de recherche sous contrat (ASRC) :

M. Philippe DEMIGNÉ, Président

M. Jérôme BILLÉ, Délégué général

Représentant de THALES :

M. Marko ERMAN, Vice-président recherche et technologie

Représentants de l’INSERM :

M. André SYROTA, Président

M. Thierry DAMERVAL, Directeur général

© Assemblée nationale

1 () Cour des comptes, Résultats et gestion budgétaire de l’État (exercice 2010), mai 2011.

2 () Cour des comptes,rapport précité.