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N
° 3808

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2011.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2012 (n° 3775),

TOME VII

IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION

par M. Philippe COCHET,

Député

Voir le numéro 3805 (annexe n° 27).

INTRODUCTION 7

I – LA GESTION DES FLUX MIGRATOIRES : UN MODÈLE DE RÉFORME DE L’ÉTAT 9

A – LA MISSION EST MAINTENUE, MAIS DÉSORMAIS RATTACHÉE AU MINISTÈRE CHARGÉ DE L’INTÉRIEUR 9

1) Les conséquences de la suppression du ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire 9

2) Le maintien des spécificités de la mission budgétaire 11

B – DEPUIS CINQ ANS, LES MÉTHODES DE GESTION DES FLUX MIGRATOIRES ONT ÉTÉ PROFONDÉMENT MODERNISÉES 12

1) L’amélioration du processus d’examen des demandes de visa 13

2) La simplification de l’accueil et l’amélioration de l’intégration des étrangers en situation légale 15

3) L’amélioration des contrôles aux frontières et le renforcement de la lutte contre l’immigration clandestine 18

II – LE PROGRAMME IMMIGRATION ET ASILE : UN BUDGET RÉALISTE AU REGARD DE LA HAUSSE DE LA DEMANDE D’ASILE 21

A – LA POURSUITE DE LA HAUSSE DE LA DEMANDE D’ASILE REND INDISPENSABLE L’AUGMENTATION DES MOYENS 21

1) La hausse de la demande d’asile et ses conséquences 21

a) Une demande d’asile encore dynamique 22

b) De lourdes conséquences sur les délais de traitement des demandes et les dépenses induites 23

2) La poursuite des efforts d’amélioration de l’efficacité de la prise en charge des demandeurs d’asile et de l’examen de leurs demandes 26

3) Une augmentation nécessaire des crédits 31

B – LA LUTTE CONTRE L’IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE DEVIENT PLUS PERFORMANTE 34

1) Des résultats satisfaisants, des objectifs ambitieux 34

a) Des forces de l’ordre vigilantes 34

b) Un nombre d’éloignements conforme aux prévisions 35

2) La réalisation d’économies qui permet de diminuer légèrement les crédits 41

a) Des économies attendues sur le fonctionnement des centres de rétention 42

b) La stabilisation des frais d’éloignement 48

III – LE PROGRAMME INTÉGRATION ET ACCÈS À LA NATIONALITÉ FRANÇAISE : LE RESPECT DES ENGAGEMENTS PRIS DANS LA LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES 51

A – LES MISSIONS D’ACCUEIL DES NOUVEAUX IMMIGRÉS ET D’APPRENTISSAGE DE LA LANGUE FRANÇAISE RELÈVENT PRINCIPALEMENT DE L’OFII 51

1) Les évolutions constatées en matière de flux migratoires 51

2) Les missions de l’OFII, remplies principalement grâce aux recettes provenant des flux migratoires 53

a) Des missions stabilisées 53

b) Des méthodes qui évoluent 56

c) Des ressources propres qui devraient augmenter 58

B – LE FINANCEMENT DES AUTRES ACTIONS D’INTÉGRATION EST STABILISÉ 60

1) L’intégration des réfugiés 60

2) L’intégration des autres étrangers en situation régulière 62

CONCLUSION 65

EXAMEN EN COMMISSION 67

ANNEXE 89

Mesdames, Messieurs,

Avec une augmentation des crédits de paiement de 12,5 % entre 2011 et 2012, la mission « Immigration, asile et intégration » détient très certainement le taux de progression le plus élevé de toutes les missions budgétaires, alors que le projet de loi de finances propose un gel en volume des dépenses de l’Etat. Le montant total des crédits de la mission est certes modeste (632 millions d’euros en 2012), mais sa progression est importante. Elle l’est encore plus si on compare les crédits qu’il est proposé d’ouvrir en 2012 à ceux qui étaient retenus pour le même exercice dans le budget pluriannuel 2011-2013.

Cette évolution est pourtant entièrement justifiée au regard des dépenses supplémentaires induites par la poursuite de la hausse de la demande d’asile en 2011. Les dépenses qui sont dépourvues de tout lien avec l’asile sont soit en baisse, soit en accord avec le budget pluriannuel.

LE PROJET DE BUDGET 2012 COMPARÉ AU BUDGET PLURIANNUEL 2011-2013

(en millions d’euros)

 

LPFP 2012

PLF 2012

Ecart

Programmes

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Immigration et asile

476,08

482,78

553,62

560,32

77,54

77,54

dont : – crédits de personnel

39,63

39,63

38,31

38,31

– 1,32

– 1,32

– autres crédits

436,45

443,15

515,31

522,01

78,86

78,86

Intégration et accès à la nationalité française

71,63

71,63

78,43

71,63

6,8

Total

548,57

555,27

632,05

631,95

84,34

77,54

NB : PLF : projet de loi de finances ; AE : autorisations d’engagement ; CP : crédits de paiement.

Source : ministère de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration.

Pour ce qui est du programme Intégration et accès à la nationalité française, les crédits de paiement correspondent aux montants du budget triennal. Des autorisations d’engagement supplémentaires sont demandées, à hauteur de 6,8 millions d’euros, mais c’est pour permettre la signature d’un nouveau bail pour l’immeuble abritant la sous-direction de l’accès à la nationalité française, lequel se traduira, à compter de juillet 2012, par une réduction de son loyer.

Le programme Immigration et asile est naturellement celui qui bénéficie des augmentations de moyens nécessaires à la prise en charge d’un nombre croissant de demandeurs d’asile : ce sont les enveloppes destinées à l’hébergement d’urgence et à l’aide temporaire d’attente qui bénéficient de plus de 80 millions d’euros supplémentaires, tandis que des économies devront être réalisées sur d’autres postes – sur le fonctionnement des centres de rétention administrative et des centres d’accueil des demandeurs d’asile, en particulier. La diminution des crédits de personnel traduit la suppression du ministre spécifiquement chargé de l’immigration, et donc celle des collaborateurs du cabinet qui lui était attaché, ainsi que le transfert de 1,9 million d’euros vers le programme Conseil d’Etat et autres juridictions administratives afin de financer de nouveaux emplois à la Cour nationale de droit d’asile (CNDA). Une partie de l’économie réalisée sur les crédits de fonctionnement est aussi affectée à la Cour. En revanche, la subvention accordée à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) est relevée de 1,6 million d’euros pour lui permettre de prolonger jusqu’à fin 2012 le contrat des trente officiers de protection recrutés début 2011 pour assurer la résorption du stock des dossiers.

Dans le cadre de la préparation de cet avis, votre Rapporteur a effectué des auditions (cf. liste en annexe) et deux déplacements. Il s’est rendu à Marseille, le 6 octobre dernier : il y a visité le centre de rétention administrative du Canet, la plate-forme d’accueil des demandeurs d’asile, la direction territoriale de l’OFII et s’est entretenu avec les responsables administratifs en charge de l’immigration dans le département. Il est aussi allé aux centres de rétention administrative du Mesnil-Amelot, le 11 octobre. Il tient à remercier l’ensemble de ses interlocuteurs pour leur disponibilité.

RÉCAPITULATION DES CRÉDITS PAR PROGRAMME ET ACTION

(en euros)

 

Intitulé du programme et de l’action

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Ouvertes en LFI pour 2011

Demandées pour 2012

Evolution (en %)

FDC et ADP (1) attendus en 2012

Ouverts en LFI pour 2011

Demandés pour 2012

Evolution (en %)

FDC et ADP (1) attendus en 2011

Immigration et asile

490 881 080

553 620 710

12,78

15 146 042

488 631 080

560 320 710

14,67

15 146 042

Circulation des étrangers et politique des visas

2 550 000

2 550 000

 

2 550 000

2 550 000

 

Garantie de l’exercice du droit d’asile

327 750 000

408 910 000

24,76

5 529 685

327 750 000

408 910 000

24,76

5 529 685

Lutte contre l’immigration irrégulière

92 700 000

80 700 000

– 12,94

3 324 630

90 450 000

85 400 000

– 5,58

3 324 630

Soutien

67 881 080

61 460 710

– 9,46

6 291 727

67 881 080

63 460 710

– 6,51

6 291 727

Intégration et accès à la nationalité française

72 843 359

78 430 715

7,67

11 489 329

72 837 936

71 630 715

– 1,66

11 489 329

Actions nationales d’accueil des étrangers primo-arrivants et de formation linguistique

14 401 715

13 340 715

– 7,37

3 905 550

14 401 715

13 340 715

– 6,74

3 905 550

Actions d’intégration des étrangers en situation régulière

41 811 644

41 780 000

– 0,08

4 612 672

41 806 221

41 780 000

– 0,06

4 612 672

Naturalisation et accès à la nationalité

1 900 000

8 650 000

355,26

 

1 900 000

1 850 000

– 2,63

 

Actions d’intégration des réfugiés

14 730 000

14 660 000

– 0,48

2 971 107

14 730 000

14 660 000

– 0,48

2 971 107

Mission « Immigration, asile et intégration »

563 724 439

632 051 425

12,12

26 635 371

561 469 016

631 951 425

12,55

26 635 371

(1) FDC : fonds de concours ; ADP : attribution de produits.

Source : d’après projet annuel de performances.

I – LA GESTION DES FLUX MIGRATOIRES :
UN MODÈLE DE RÉFORME DE L’ÉTAT

En réunissant sous une même entité budgétaire les différents acteurs de la gestion des flux migratoires entendue au sens large, la création de la mission « Immigration, asile et intégration » a donné une visibilité aux dépenses liées à cette politique et a contribué à renforcer ses outils de pilotage. Les résultats ne se sont d’ailleurs pas fait attendre. On peut donc se féliciter que la suppression d’un ministère spécifiquement consacré à ces questions n’ait pas été accompagnée du démantèlement de cette mission.

A – La mission est maintenue, mais désormais rattachée au ministère chargé de l’intérieur

1) Les conséquences de la suppression du ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire

Lors du remaniement ministériel de novembre 2010, alors que le poste de ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire disparaissait, la responsabilité en matière d’immigration, de gestion de l’ensemble des politiques publiques de l’entrée, du séjour, de l’éloignement, de l’asile, de l’intégration, de la nationalité et du développement solidaire a été confiée au ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration.

Le décret du 25 novembre 2010 relatif aux attributions de ce dernier a maintenu la configuration des services constituant le ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire en vertu du décret d’attribution du 31 mai 2007 et du décret d’organisation de son administration centrale du 26 décembre 2077. L’innovation qui avait consisté à regrouper, pour la première fois en France, sous l’égide d’un seul ministère régalien, l’ensemble des services gérant l’intégralité du parcours d’un étranger candidat à l’immigration dans notre pays – de l’accueil au consulat jusqu’à l’intégration et l’éventuel accès à la nationalité française – n’est donc pas remise en cause par le remaniement intervenu en 2010.

Le rattachement organique au ministère de l’intérieur des services de l’immigration, de l’intégration et du développement solidaire s’est fait à périmètre et à structures constants, dans le cadre de la création d’un secrétariat général à l’immigration et à l’intégration.

On peut se féliciter que, désormais, la politique d’immigration, d’intégration et de développement solidaire, bénéficie d’un pilotage unique au sein du ministère de l’intérieur : cette politique mobilise de nombreux acteurs de ce ministère, tant au sein des préfectures que de la gendarmerie et de la police nationale, dont la coordination devrait être ainsi mieux assurée. En outre, ce regroupement permet de rationaliser un certain nombre de procédures, notamment budgétaires et financières, et d’assurer une meilleure synergie des intervenants par rapport à la situation précédente qui faisait intervenir deux ministères régaliens.

Sans nier ni sous-estimer ces avantages, votre Rapporteur estime que la présence, au sein du gouvernement, d’un ministre spécifiquement chargé des questions liées aux flux migratoires et à l’intégration, qui constituent des sujets décisifs pour l’évolution de la société française, se justifiait pleinement. Quelles que soient les qualités des hauts fonctionnaires placés à la tête du secrétariat général à l’immigration et à l’intégration, ils ne sauraient remplacer totalement un ministre qui se consacre entièrement à ces questions.

La suppression de ce ministère spécifique permet de réduire, pour 2012, les effectifs de la mission Immigration, asile et intégration de 20 postes de plus que ce qui était prévu par le schéma d’emploi. Il s’agit des postes des vingt hauts fonctionnaires qui constituaient le cabinet du ministre.

Des économies sont aussi réalisées sur le fonctionnement courant des services à hauteur d’1,7 million d’euros correspondant aux dépenses du cabinet du ministre – sur cette somme, 0,7 million d’euros seront transférés vers le programme Conseil d’Etat et autres juridictions administratives de la mission « Conseil et contrôle de l’Etat » (cf. infra). L’hôtel du ministre a d’ailleurs été en partie cédé au ministre de la fonction publique et à son cabinet.

L’administration centrale de l’ancien ministère conserve néanmoins ses différentes implantations, soit trois sites principaux à Paris, autour du 101 rue de Grenelle où était jadis l’hôtel du ministre, et deux sites en province, à Nantes et Rezé. A l’exception des bureaux de Rezé, ces implantations sont domaniales et la mission aurait dû verser des loyers budgétaires à hauteur de 5,1 millions d’euros en 2011 (pour une prévision de 4,79 millions d’euros) mais une rectification devrait intervenir pour tenir compte de l’évolution des surfaces ; le projet de budget ne prévoit que 4,9 millions d’euros à ce titre pour 2012, sur l’action Soutien du programme Immigration et asile.

Le bail relatif au site de Rezé, qui arrivera à son terme fin juin 2012, a été dénoncé en juin 2009. La diminution des effectifs de la sous-direction de l’accès à la nationalité de 156 ETPT en 2009 à 126 ETPT fin 2012, conséquence de la suppression de la double instruction des demandes de naturalisation, permet une diminution de son emprise immobilière. Une réduction du loyer en est attendue, à compter du 1er juillet 2012, qui aura son plein effet en 2013. Le projet de budget inclut l’ouverture, sur l’action Naturalisation et accès à la nationalité du programme Intégration et accès à la nationalité, des autorisations d’engagement afférentes aux neuf ans de la durée du nouveau bail, soit 6,8 millions d’euros.

2) Le maintien des spécificités de la mission budgétaire

Hormis les conséquences directes de la suppression du ministre spécifiquement chargé de l’immigration, la structure des services de l’ancien ministère, devenus ceux du secrétariat général, reste identique et la mission ne subit aucun changement.

Les effectifs de la mission sont réduits de 25 ETPT (équivalents temps plein travaillé), soit les 20 postes supprimés au cabinet du ministre et 5 ETPT correspondant au schéma d’emploi du ministère (lesquels correspondent à 11 ETP – équivalents temps plein). La masse salariale, inscrite sur l’action Soutien du programme Immigration et asile, sera en légère diminution, à 38,3 millions d’euros. 1,92 million d’euros de crédits de personnel seront en outre transférés au profit de la Cour nationale du droit d’asile (cf. infra).

Bien que la Mission relève désormais du ministère chargé de l’intérieur, les personnels qui lui sont rattachés restent gérés par les différents ministères dont ils sont originaires, aux termes de conventions de gestion. 36 % sont issus de ministères sociaux, 29 % du ministère de l’intérieur, 21 % du ministère des affaires étrangères et européennes et 5 % des ministères économiques et financiers.

Les personnels des services des visas situés à l’étranger continuent à être inscrits sur le programme Français à l’étranger et affaires consulaires de la mission « Action extérieure de l’Etat », seuls leurs moyens de fonctionnement spécifiques figurant sur l’action Circulation des étrangers et politique des visas du programme Immigration et asile, à hauteur de 1,55 million d’euros.

Les services du secrétariat général sont donc des services d’état-major, comme l’étaient ceux du ministère disparu.

La petite taille des services et l’absence de tout réseau financé sur la mission ne permettent pas à celle-ci de respecter l’objectif de réduction des dépenses de fonctionnement de 5 % qui a été fixé par le Premier ministre pour 2011, ni a fortiori, celui d’une baisse de 10 % sur la période 2011-2013. En effet, d’une part, 40 % des charges de fonctionnement courant du ministère sont consacrés aux loyers budgétaires, d’autre part, la majorité des autres dépenses sont incompressibles – elles sont relatives soit à des charges comme l’eau, l’électricité, les télécommunications, soit au marché de suivi des cohortes de migrants en situation régulière, signé pour cinq ans.

En revanche, un effort d’économies a été engagé sur d’autres secteurs d’action du ministère, en particulier sur les dépenses liées à la gestion des centres de rétention administrative, à la reconduite des étrangers en situation irrégulière et au fonctionnement des centres d’accueil pour demandeurs d’asile. Ces économies seront réalisées, sans diminution des objectifs stratégiques en termes de reconduite, grâce à de nouveaux outils de contrôle de gestion, votre Rapporteur y reviendra.

La Mission assure aussi, sur cette action Soutien, le financement du développement de plusieurs systèmes d’information. Les dépenses d’investissement seront en repli, à 13,4 millions d’autorisations d’engagement et 15,4 millions de crédits de paiement, contre 16,4 millions d’euros prévus pour 2012. Elles concerneront les projets AGDREF 2 et Eurodac, le réseau mondial visa, ainsi que d’autres systèmes d’information tels que VISABIO, PARAFE et PRENAT. Ces investissements seront cofinancés par le Fonds pour le retour et le Fonds pour les frontières extérieures, à hauteur d’environ 2,2 millions d’euros chacun.

B – Depuis cinq ans, les méthodes de gestion des flux migratoires ont été profondément modernisées

Deux mesures décidées dans le cadre du premier volet de la révision générale des politiques publiques (RGPP) ont été considérées comme intégralement mises en œuvre en quelques mois : il s’agit de la clarification de la responsabilité en matière de visas entre le ministère des affaires étrangères et européennes et le ministère chargé de l’immigration, d’une part, et de la passation d’un contrat d’objectifs et de moyens avec l’OFPRA permettant la résorption des stocks de demandes d’asile et une plus grande réactivité aux situations de variation d’activité, d’autre part. L’application des règles de partage de compétence en matière de visas ne semble pas poser de problème. Pour ce qui est de l’OFPRA, il a conclu son contrat d’objectifs et de moyens dès le 9 décembre 2008, mais les éléments de ce contrat ont dû, en pratique, être revus pour tenir compte de la forte hausse de la demande d’asile enregistrée depuis, votre Rapporteur y reviendra infra.

Les autres décisions de la RGPP ont été mises en œuvre progressivement. Le 5ème Conseil de modernisation des politiques publiques, qui s’est tenu en mars 2011, a constaté que deux décisions supplémentaires étaient entièrement appliquées et a jugé que neuf réformes progressaient au rythme prévu. Seules trois décisions semblent rencontrer des difficultés de mise en œuvre, sans que cela signifie pour autant qu’aucun progrès n’a été enregistré.

Votre Rapporteur va présenter l’état d’avancement de ces mesures, selon les trois objectifs principaux retenus par la RGPP.

1) L’amélioration du processus d’examen des demandes de visa

LES DÉCISIONS DE LA RGPP VISANT À AMÉLIORER LE PROCESSUS DE DÉLIVRANCE DES DEMANDES DE VISA

Mesure

Avancement

Délivrer des visas valant titre de séjour pour les demandeurs de visa de long séjour

Finie

Accélérer l’externalisation du recueil des demandes de visa et l’étendre au recueil des données biométriques

Feu vert

NB : feu vert : la réforme progresse au rythme prévu ; feu orange : la réforme satisfait la plupart des exigences mais nécessite des actions correctrices ; feu rouge : la réforme connaît un retard important et doit faire l’objet d’actions correctrices à mettre en œuvre rapidement.

Source : RGPP : 5ème conseil de modernisation des politiques publiques, mars 2011.

La mise en place des visas de long séjour valant titre de séjour (VLS-TS) a permis à la fois de simplifier les procédures à suivre pour certaines catégories d’étranger (1) et d’alléger le travail des préfectures. C’est à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) qu’a été confié la tâche de valider le titre de séjour après avoir convoqué la personne concernée et lui avoir fait passer une visite médicale et/ou une visite d’accueil. En 2010, les consulats de France ont délivré 111 902 visas de long séjour valant titre de séjour, l’OFII a enregistré 150 216 demandes de validation et a effectivement validé 99 133 visas. Plus de 75 % des étrangers entrant sur le territoire français pour une durée supérieure à trois mois ont ainsi bénéficié de cette mesure de simplification.

La seconde mesure a pour objet de permettre à l’administration consulaire de faire face à la croissance des demandes de visas et au renforcement des mesures de sécurité (obligation de recourir au visa biométrique dans le cadre des dispositions européennes) sans moyens humains supplémentaires.

Le recours à l’externalisation, c’est-à-dire au service de prestataires privés, porte sur la partie qui n’est pas liée à l’instruction et à la prise de décision, c’est-à-dire sur le recueil des données relatives au demandeur de visa. La première étape, désignée sous le terme de Visanet, a conduit à externaliser le recueil des données alphanumériques dans une soixantaine de postes consulaires, qui traitent environ les deux tiers des demandes de visas et en ont délivré près de la moitié en 2010. Cette externalisation peut se faire à trois niveaux : trente-et-un postes ont externalisé la prise de rendez-vous en vue de déposer une demande de visa au consulat, neuf postes ont recours à la délocalisation totale ou partielle de la réception des dossiers de demande de visa et vingt-et-un postes ont externalisé aussi la saisie des données alphanumériques dans le logiciel de saisie Visanet.

La deuxième étape, Bionet, vise à externaliser le recueil des données biométriques (photo et empreintes). Elle en est à ses débuts.

Cette externalisation a été autorisée dans les consulats de Londres, Istanbul et Alger, à titre expérimental, par le décret n° 2010-645 du 10 juin 2010, pour une durée d’un an à compter du 1er décembre 2010. Les consulats de Londres et d’Alger ont d’ores et déjà externalisé la collecte des dossiers auprès de la société TLS et le poste d’Istanbul a délocalisé cette prestation auprès de la société VFS.

Le marché public relatif au développement des outils informatiques destinés à organiser la collecte et le transfert sécurisé des données biométriques (Bionet) depuis les locaux du prestataire vers les bases de données nationales a été conclu le 25 juin 2010 avec la société Thalès. Ces actions permettront à la France d’être parmi les premiers pays européens à échanger des informations dans le cadre du système communautaire Visa Information System (VIS) dont la livraison, à Strasbourg, a eu lieu au mois de juin 2011. Les tests de raccordement des bases nationales sont actuellement en cours.

La première région de déploiement comprend l’Algérie, l’Egypte, la Libye, le Maroc, la Mauritanie et la Tunisie. Cependant, l’expérimentation a démarré, pour la France, dès l’automne 2011 sur le site d’Alger. L’application Bionet doit par ailleurs être installée à Londres dès le mois de janvier 2012, ainsi qu’à Istanbul peu de temps après.

Ainsi le secrétariat général à l’immigration et à l’intégration, en collaboration avec le ministère des affaires étrangères et européennes, pourra présenter à la CNIL, dans le courant de l’année 2012, un bilan de l’expérimentation précitée lui permettant d’envisager, s’il y a lieu, le recours à l’externalisation du recueil des données biométriques à d’autres régions du monde dans la perspective du déploiement progressif du système VIS. L’objectif, à l’issue de cette phase d’expérimentation, est de généraliser l’externalisation à l’ensemble des pays à forte demande de visas (supérieure à 100 000 visas par an) comme la Chine, la Russie ou l’Inde.

2) La simplification de l’accueil et l’amélioration de l’intégration des étrangers en situation légale

LES DÉCISIONS DE LA RGPP VISANT À SIMPLIFIER L’ACCUEIL ET AMÉLIORER L’INTÉGRATION DES ÉTRANGERS EN SITUATION LÉGALE

Mesure

Avancement

Simplifier les démarches de réunification familiale des réfugiés

Feu rouge

En lien avec le Conseil d’Etat et le ministère de la justice, participer à la définition d’un plan d’action permettant de réduire le délai de traitement des contentieux devant la Cour nationale du droit d’asile

Feu vert

Recentrer les missions d’accueil et d’intégration des étrangers sur l’OFII, nouvel opérateur du ministère, et consolider ses ressources

Finie

Dématérialiser le paiement des droits à l’OFII et moderniser les fonctions comptables de l’opérateur

Feu vert

Supprimer la double instruction, en administration centrale et dans les préfectures, des demandes de naturalisation

Feu vert

Développer les titres de séjour pluriannuels, en commençant par les étudiants

Feu vert

Rationaliser la gestion des CADA

Feu rouge

NB : feu vert : la réforme progresse au rythme prévu ; feu orange : la réforme satisfait la plupart des exigences mais nécessite des actions correctrices ; feu rouge : la réforme connaît un retard important et doit faire l’objet d’actions correctrices à mettre en œuvre rapidement.

Source : RGPP : 5ème conseil de modernisation des politiques publiques, mars 2011.

Devant la nécessité de simplifier les démarches de réunification familiale des réfugiés, et de raccourcir les délais de traitement des demandes, les moyens suivants ont été mis en œuvre :

– simplification de la procédure au sein du bureau des familles de réfugiés (BFR) et établissement d’un lien direct entre les membres des familles et les services consulaires ;

– allégement progressif des effectifs du BFR, de 17 à 8 ETP entre 2008 et 2010 ;

– raccourcissement du délai moyen de traitement à moins de six mois, sauf exceptions (dans les huit mois impartis réglementairement).

Conformément aux engagements pris au printemps dernier, une plaquette d’information à l’attention des réfugiés demandeurs de réunification familiale a été élaborée. Publiée en septembre, à cinq mille exemplaires, cette plaquette, qui a été traduite dans les cinq langues les plus utilisées par ce type de demandeurs, est disponible auprès de l’OFPRA, des préfectures et des plateformes OFII. La version électronique est disponible sur les sites internet et intranet du ministère et du réseau consulaire. Il semble donc que le « feu rouge » attribué en mars ne soit plus justifié aujourd’hui.

Lancé dès le printemps 2010, le plan visant la réduction des délais d’examen des recours devant la Cour nationale du droit d’asile est en cours de mise en œuvre. Comme votre Rapporteur l’expliquera infra, il a même été renforcé et son application accélérée pour faire face à la poursuite de la hausse de la demande d’asile.

La création de l’OFII, qui est désormais chargé de l’essentiel des missions d’accueil et d’intégration des étrangers et dispose de recettes propres adaptées, est un succès sur lequel votre Rapporteur reviendra.

A la suite d’une décision de la deuxième phase de la RGPP, l’OFII a pu moderniser de manière spectaculaire le paiement des droits en introduisant le paiement dématérialisé (par « droit de timbre électronique ») pour les migrants.

Ce projet, conduit conjointement par l’OFII et la direction générale des finances publiques, a pu être mené à bien dans un délai court : le portail informatique permettant l’achat de timbres électroniques est ouvert au public depuis le 25 octobre 2010.

La seconde phase de la mesure porte sur l’amélioration de l’organisation du recouvrement de certaines taxes, notamment la contribution spéciale et la contribution forfaitaire dues par les employeurs.

La suppression de la double instruction des demandes de naturalisation est effective depuis le 1er juillet 2010. Fin 2010, les stocks de demandes de naturalisation avaient été réduits de 61 % en administration centrale et de 28 % dans les préfectures par rapport au début de la même année. Les délais entre la délivrance du récépissé de la demande et la décision finale se sont considérablement réduits : pour les décisions défavorables prises par le préfet, le délai est passé de 10 mois à 5,5 mois entre 2009 et fin 2010 ; pour les décisions favorables, il s’établit à 7,5 mois, contre 12 mois auparavant.

La décision de développer les titres de séjour pluriannuels, fixé dans le cadre du deuxième volet de la RGPP, poursuit un double objectif : l’amélioration de la qualité du service rendu à l’usager, en limitant le besoin de recourir à des démarches chaque année pour le renouvellement de son titre de séjour, mais également l’allégement de la charge dans le réseau des préfectures.

Les étudiants élèves de grandes écoles bénéficient désormais de titres pluriannuels qui leur sont remis dans le cadre d’une procédure établie par convention entre les préfectures concernées et la « grande école ».

S’agissant des ambitions d’extension de cette mesure à d’autres populations, la loi relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité fixe une nouvelle liste de catégories éligibles à un titre pluriannuel :

– les salariés scientifiques-chercheurs ;

– les salariés hautement qualifiés au sens de la directive « carte bleue européenne » ;

– les conjoints de ces deux catégories, ainsi que les conjoints des salariés en mission et des titulaires de la carte « compétences et talents », qui ont une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » pluriannuelle.

Par ailleurs, l’accord franco-russe sur les migrations professionnelles prévoit la délivrance d’un titre pluriannuel à la suite d’un visa long séjour valant titre de séjour pour les salariés éligibles à l’accord.

Le deuxième volet de la RGPP a fixé un objectif de rationalisation de la gestion des centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA).

Fin novembre 2010, à l’issue d’un audit, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et le Contrôle général économique et financier (CGéFi) ont formulé une série de propositions destinées à dégager des pistes d’économies sur le budget consacré aux dépenses d’intervention au profit des structures en charge de la gestion des CADA.

Une première réunion technique entre le service de l’asile et la direction du budget a porté, en janvier dernier, sur un examen conjoint des propositions en vue de l’élaboration d’un plan d’action.

Depuis le Comité de pilotage de mars dernier, une réunion de présentation des conclusions de la mission IGAS-CGéFi s’est tenue le 1er avril dernier avec les gestionnaires de CADA.

Des travaux sont en cours en vue de l’élaboration d’un référentiel de coûts liés aux prestations des CADA qui devra permettre d’adapter et de rationaliser le dispositif. Pour cela, la direction générale de la modernisation de l’Etat a mis à disposition du service de l’asile des consultants pour mener à bien l’action prioritaire de mise en place d’un référentiel de coûts. La référence au taux d’encadrement de 1 pour 10 a d’ores et déjà été supprimée pour 2011.

L’objectif final n’est pas encore atteint mais le processus s’est accéléré depuis mars dernier, laissant espérer que la mesure pourra être mise en œuvre dans un délai raisonnable. Le projet de budget pour 2012 en tire les premières conséquences (cf infra).

3) L’amélioration des contrôles aux frontières et le renforcement de la lutte contre l’immigration clandestine

LES DÉCISIONS DE LA RGPP VISANT À AMÉLIORER LES CONTRÔLES AUX FRONTIÈRES ET RENFORCER LA LUTTE CONTRE L’IMMIGRATION CLANDESTINE

Mesure

Avancement

Accélérer les contrôles aux frontières par l’installation de sas automatiques de contrôle

Feu orange

Transférer la garde des centres de rétention administrative à la Police aux frontières

Feu vert

Mettre en place auprès des préfets des pôles d’éloignement pour améliorer le taux de réussite des reconduites à la frontière

Feu vert

Participer à la lutte contre la fraude aux droits sociaux

Feu vert

Améliorer la gestion des CRA pour en réduire les coûts

Feu vert

NB : feu vert : la réforme progresse au rythme prévu ; feu orange : la réforme satisfait la plupart des exigences mais nécessite des actions correctrices ; feu rouge : la réforme connaît un retard important et doit faire l’objet d’actions correctrices à mettre en œuvre rapidement.

Source : RGPP : 5ème conseil de modernisation des politiques publiques, mars 2011.

La mesure visant à accélérer les contrôles aux frontières par l’installation de sas automatiques de contrôle s’est déjà traduite par la mise en service de vingt-quatre sas dans les aéroports parisiens – dont neuf supplémentaires en avril dernier –, conformément à l’objectif fixé. En 2010, les quinze sas automatiques en usage ont été empruntés à près de 155 000 reprises.

L’ouverture du dispositif PARAFE aux passeports biométriques est envisagée pour l’automne, le décret qui l’autorise ayant été publié le 25 octobre 2010. Les travaux de qualification technique et de test sont en cours.

Des sas devraient pouvoir être mis en service à l’aéroport de Marseille courant 2012, une convention ayant été récemment signée entre le secrétariat général et la chambre de commerce de Marseille, gestionnaire de l’aéroport. Il a en effet été décidé que toute extension du dispositif se ferait désormais par autofinancement des gestionnaires d’aéroports, à Paris comme en province. Ce sont probablement ces délais qui ont conduit le Conseil de modernisation des politiques publiques à attribuer, en mars, un « feu orange » à la mise en application de cette mesure.

Le transfert à la police aux frontières de la garde des centres de rétention administrative (CRA) sera achevé fin 2011 (2), la seule exception concernant les CRA relevant de la préfecture de police de Paris, conformément à ce qui était prévu.

Des pôles d’éloignement ont été mis en place, depuis janvier 2009, au sein des CRA de Lille-Lesquin I et II, Lyon Saint-Exupéry, Saint-Jacques-de-la-Lande et Toulouse-Cornebarrieu. En 2010, trois préfectures supplémentaires ont été intégrées dans le dispositif : celles de la Moselle, de la Seine-et-Marne et des Bouches-du-Rhône.

Le champ d’attribution de ces nouvelles structures comporte deux volets, l’un touchant à la représentation de l’Etat devant les juridictions judiciaires et administratives, l’autre aux aspects opérationnels de la reconduite (gestion des demandes d’asile et réservation des moyens de transport).

En 2010, cette expérimentation a mobilisé dix-neuf agents actifs et sept réservistes de la police nationale. Les crédits alloués pour la mission des seuls réservistes s’élèvent à 75 000 euros. La généralisation du dispositif se heurte à la question de l’imputation de son coût : directement sur le programme Police nationale de la mission « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » ou sur le budget des préfectures concernées ?

Issue du deuxième volet de la RGPP, la mesure relative à la lutte contre la fraude aux droits sociaux a pour objectif de renforcer la vigilance des services sociaux délivrant des prestations par un recours généralisé au contrôle de la régularité du séjour.

Dans une première phase, en cours d’élaboration, un dispositif simple et banalisé (accès via internet) sera mis à la disposition des organismes sociaux pour permettre de contrôler la validité des titres de séjour présentés à l’appui des demandes. Dans un second temps, les possibilités de contrôle seront étendues aux autres documents d’identité (cartes nationales d’identité, passeports ou permis de conduire), ce qui permettra de s’attaquer notamment aux mécanismes de la fraude fondée sur le détournement de titres perdus, volés ou usurpés.

Enfin, les travaux visant à l’amélioration de la gestion des centres de rétention administrative ont bien avancé.

Le secrétariat général a mis en place, en lien avec la direction centrale de la police aux frontières, un dispositif de contrôle de gestion destiné aux responsables de CRA et permettant, depuis janvier 2010, de disposer d’une connaissance des coûts quasi complets au travers d’indicateurs homogènes.

La seconde phase de la mesure consiste à fixer un objectif de réduction des coûts. Fin 2010, il a été décidé de recourir de manière plus importante aux visioconférences afin de réaliser des économies sur les escortes et de rationaliser certains achats, comme la blanchisserie, la restauration ou encore l’entretien courant. La cible de 5 % d’économie en 2011, et 10 % en trois ans a été retenue par le Comité de suivi. Le projet de budget pour 2012 propose une réduction de 2,5 % de l’enveloppe destinée au fonctionnement des CRA.

Toutes les mesures de la RGPP devraient être mises en œuvre conformément aux objectifs : le secrétariat général estime donc qu’elles devraient toutes obtenir un « feu vert » dans le prochain rapport d’étape du Conseil de modernisation des politiques publiques.

II – LE PROGRAMME IMMIGRATION ET ASILE : UN BUDGET RÉALISTE AU REGARD DE LA HAUSSE DE LA DEMANDE D’ASILE

La quasi-totalité des augmentations de crédits accordées à la mission porte sur le programme Immigration et asile : le projet de loi de finances propose d’augmenter ces crédits de 16 % par rapport à la prévision pour 2012 du budget triennal et de plus de 14,5 % par rapport à la loi de finances pour 2011 (en crédits de paiement).

Il s’agit de donner aux différents acteurs de l’asile les moyens de faire face dans des conditions correctes aux flux de demandeurs d’asile toujours plus abondants observés depuis 2008. Cela ne les dispense pas de faire des économies, quand celles-ci sont possibles c’est-à-dire quand elles sont compatibles avec le respect des droits des demandeurs et ne risquent pas d’avoirs des effets pervers. Des économies sont aussi attendues dans la gestion des centres de rétention administrative.

A – La poursuite de la hausse de la demande d’asile rend indispensable l’augmentation des moyens

En 2010, avec près de 52 800 demandes, en hausse de 14 % sur un an, la France demeure le premier pays destinataire de demandeurs d’asile en Europe, devant l’Allemagne (48 600) et la Suède (31 800). Toutefois la situation demeure contrastée chez nos principaux partenaires européens : hausse en Allemagne (de presque 50 %), en Suède (+ 31,5 %) et en Belgique (+ 16 %) et baisse en Italie, au Royaume-Uni (d’un quart) et aux Pays-Bas.

Au niveau mondial, notre pays se situe au deuxième rang des pays industrialisés, derrière les États-Unis qui ont reçu plus de 55 500 demandes d’asile en 2010.

L’évolution à la hausse enregistrée en France ne se dément pas au premier semestre 2011, ce qui a déjà conduit à des besoins très importants de financement sur le programme pour l’exercice en cours et justifie une augmentation des crédits qu’il est proposé d’ouvrir pour 2012, en dépit des efforts d’économie et d’optimisation réalisés à tous les niveaux.

1) La hausse de la demande d’asile et ses conséquences

Après une baisse entre 2003 à 2007, la demande de protection internationale est en hausse depuis 2008 (+ 49 % sur trois ans). Ainsi, la demande de protection internationale globale (réexamens et mineurs accompagnants inclus) a encore augmenté de 11 % entre 2009 et 2010. Cette tendance se poursuit en 2011, la demande de protection internationale globale du premier semestre étant supérieure de 11 % à celle de la même période de 2010 ; le taux de progression est de 13,3 % sur les huit premiers mois de 2011.

a) Une demande d’asile encore dynamique

En 2010, l’OFPRA a enregistré 52 762 demandes de protection internationale (réexamens, mineurs accompagnants et apatrides compris). Cette augmentation est avant tout imputable à la hausse des premières demandes (+ 11 %) et des demandes de mineurs accompagnants (+ 25 %), les réexamens ayant diminué de 16 % par rapport à 2009. En 2010 comme en 2009, les premières demandes représentent 70 % de la demande globale.

Depuis 2007, les deux principaux continents de provenance des demandeurs d’asile sont l’Europe et l’Afrique. Ces deux continents représentent entre 70 % et 75 % des demandes entre 2007 et 2011. Toutefois, c’est le nombre de demandeurs en provenance du continent asiatique qui connaît la plus forte progression en 2010 (+ 26 %).

Les dix principaux pays de provenance des demandeurs d’asile en 2010 sont identiques à ceux de 2009. Le Kosovo demeure le premier pays de provenance avec 3 267 premières demandes ; toutefois le rythme de progression (+ 7,2 %) est moindre que celui de l’année précédente (+ 70 %).

Parmi les nationalités en augmentation, il convient de souligner la très forte croissance des Bangladais, deuxième pays de provenance en 2010, dont les demandes ont plus que doublé par rapport à 2009. La hausse de la demande haïtienne (+ 21,6 %) est concentrée dans les départements français d’Amérique, et surtout en Guyane. Parmi les dix principaux pays de provenance, trois sont orientés à la baisse en 2010 : le Sri Lanka (– 14 %), la Turquie (– 32 %) et l’Arménie (– 44 %). Pour ces deux derniers pays, la diminution de la demande trouve son explication dans leur inscription sur la liste des pays d’origine sûrs entre le 1er janvier et le 23 juillet 2010, date à laquelle ils ont été retirés de cette liste par décision du Conseil d’Etat. Les demandes présentées par des Arméniens ont doublé depuis le retrait de leur pays de cette liste, retrouvant, à l’issue du premier semestre 2011, son niveau de fin 2009 et le dépassant depuis.

A l’issue du premier semestre 2011, le Bangladesh est le premier pays de provenance des primo-demandeurs d’asile (+ 43 % par rapport à la même période en 2010), suivi par la République démocratique du Congo (+ 7 %) et le Kosovo (– 18 %). La baisse de la demande en provenance du Kosovo – qui atteint 30 % sur l’ensemble des demandes – résulte là encore de l’inscription de ce pays, ainsi que de l’Albanie, sur la liste des pays d’origine sûrs depuis le 18 mars 2011 (3). L’évolution à la hausse de la demande d’asile outre-mer se confirme, le département de Mayotte étant désormais aussi concerné, par des demandeurs comoriens : au premier semestre 2011, 1 680 demandes ont été déposées outre-mer, quand leur nombre était limité à 1 916 sur l’ensemble de l’année 2009 et a atteint 2 541 en 2010.

L’OFPRA observe aussi un afflux récent de demandeurs originaires de la Corne de l’Afrique : plusieurs centaines d’entre eux se sont présentées avec des doigts mutilés afin que leurs empreintes ne soient pas identifiables. Cette mutilation étant perçue comme un moyen de fraude, leurs demandes sont traitées en procédure prioritaire. Il n’en demeure pas moins que tout doit être fait pour dissuader ces jeunes gens de recourir à cette pratique barbare : pour cela, notre pays pourrait se doter d’appareils capables de reconnaître des empreintes effacées, utilisés avec succès en Suède.

b) De lourdes conséquences sur les délais de traitement des demandes et les dépenses induites

La hausse continue du nombre de demandeurs d’asile se traduit par l’allongement du délai de traitement des dossiers par l’OFPRA, en dépit des gains de productivité obtenus dans le fonctionnement de l’Office (voir infra). Le délai moyen de 118 jours constaté en 2009 est passé à 145 jours en 2010 et la prévision de 125 jours pour 2011 a été allongée à 150 jours. Ce délai s’établissait à 158 jours au 1er juin 2011.

Au 31 décembre 2010, l’OFPRA comptabilisait 18 800 demandes de protection internationale en instance, soit un accroissement de 4 000 dossiers par rapport au stock de l’année précédente. Le stock était uniquement composé de premières demandes, le nombre de réexamens en instance (136) étant largement inférieur au flux moyen mensuel de réexamens en 2010 (391). La situation s’est encore aggravée depuis : le stock s’établissait à 21 000 dossiers au 1er juin 2011, soit 13 000 dossiers de plus que les 8 000 dossiers constituant le stock considéré comme incompressible.

Par ailleurs, bien que le taux global d’admission au statut de réfugié ait baissé, passant de 29,4 % en 2009 à 27,5 % en 2010, le nombre de personnes placées sous la protection de l’Office est en augmentation : il est estimé à 160 518 au 31 décembre 2010 contre 152 442 au 31 décembre 2010.

Quant à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), elle subit elle aussi, avec un léger décalage dans le temps, les effets de la hausse de la demande d’asile : le contentieux qui lui est soumis a crû de 15 % en 2009 et de 9,6 % en 2010. La prévision pour 2011 s’établit à 36 500 recours, contre 27 445 en 2010. Cette explosion du nombre de recours se conjugue au développement des demandes d’aide juridictionnelle, présentées parfois à la dernière minute, ce qui complique l’instruction et l’audiencement des affaires. Aussi, si le délai prévisible moyen de jugement devant la CNDA a pu être réduit de quelques jours en 2010 par rapport à 2009, il reste proche de 15 mois alors qu’il était prévu de le ramener à 11 mois dès 2011 – et qu’il dépassait à peine 10 mois en 2008. La proportion des affaires en stock enregistrées depuis plus de deux ans devrait néanmoins continuer à diminuer : passée de 21,5 % en 2009 à 20,5 % en 2010, elle pourrait s’établir à 18 % fin 2011, quand la prévision était de 20 %. Ce bon résultat est la traduction d’un effort particulier mené par cette juridiction, dont les méthodes de travail évoluent rapidement, votre Rapporteur y reviendra infra.

Quel que soit le nombre d’étrangers demandant à bénéficier de l’asile, l’Etat est tenu d’assurer leur prise en charge. Si la structure la mieux adaptée à leurs besoins est le centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA), beaucoup d’entre eux ne peuvent en bénéficier, faute de places. Ils touchent alors l’allocation temporaire d’attente et sont, pour certains, hébergés dans des structures d’urgence.

Le nombre de places de CADA, au 30 juin 2011, s’élève à 21 410 places réparties sur 272 centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA). Leur taux d’occupation était alors de 98,5 %.

Au cours du premier semestre 2011, 6 245 demandeurs d’asile, mineurs accompagnants compris, ont été pris en charge, contre 5 941 au cours de la même période en 2010. Bien que les entrées en CADA aient augmenté de 5,1 %, celles-ci ne représentent que 25,8 % du flux métropolitain des premières demandes d’asile. Le nombre de demandeurs d’asile hébergés en CADA a diminué entre décembre 2010 (17 076) et le 30 juin 2011 (16 357), mais la part des demandeurs éligibles à un hébergement de ce type qui en bénéficient effectivement a progressé de 31,4 % à 37,8 %. Le projet annuel de performances maintient à 40 % la prévision pour l’ensemble de 2011, mais le niveau retenu pour 2012 est ramené à 35 %, qui est la cible pour 2013 – alors que cette cible était de 50 % dans le projet annuel de performances pour 2011.

Les admissions nationales ne représentent plus que 7,3 % de l’ensemble des admissions contre 8,7 % en 2010. Ce niveau bas est préoccupant puisqu’il ne permet pas de contribuer au desserrement des régions les plus confrontées à la pression des arrivées.

Pour ce qui est du pourcentage des places de CADA occupées au 31 décembre par des demandeurs d’asile ou des personnes autorisées, il continue à s’améliorer, résultat des efforts accomplis depuis plusieurs années pour accélérer le départ des personnes déboutées et de celles qui ont obtenu une protection (4). Ce taux, qui a dépassé 92 % en 2010, devrait atteindre la prévision de 94 % en 2011, qui est reconduite pour 2012, la cible étant de 95 % en 2013. Il faut néanmoins souligner que si la diminution de la part des réfugiés dans les CADA suit une tendance affirmée (elle est passée de plus de 4 % en 2007 à 2 % depuis le début de l’année 2011), la présence indue des déboutés fluctue beaucoup et reste élevée
– jamais inférieure à 4,9 %, elle atteint 7,5 % en juin 2011, plus mauvais résultat depuis septembre 2007, quand elle s’établissait à 8,6 %.

Les structures d’hébergement d’urgence, destinées aux personnes qui n’ont pas pu obtenir de places en CADA, continuent logiquement à être fortement sollicitées. Si, en 2009, les dépenses engagées à ce titre avaient été largement supérieures aux crédits ouverts (72,8 millions d’euros, contre 30 millions d’euros), le besoin de financement a été encore plus considérable en 2010, les dépenses étant presque quatre fois supérieures aux crédits prévus (112 millions d’euros, contre 30 millions d’euros). Pour 2011, l’enveloppe initiale a été augmentée à 40 millions d’euros, mais elle a encore été très insuffisante : 50 millions d’euros supplémentaires ont dû être ouverts par la loi de finances rectificative de juillet dernier pour faire face à l’explosion des dépenses, qui devraient atteindre environ 125 millions d’euros sur l’ensemble de l’année.

Le même problème se pose pour l’allocation temporaire d’attente, qui est versée aux demandeurs qui n’ont pas obtenu de place en CADA (5). En 2009, 68,4 millions d’euros avaient été accordés à ce titre à des bénéficiaires d’une protection internationale, pour 30 millions d’euros ouverts en loi de finances initiale. Devant cette situation, les crédits ouverts pour 2010 ont été portés à 52,3 millions d’euros, mais la dépense a atteint le double de cette somme, à 105 millions d’euros. Pour 2011, c’est presque le triple de l’ouverture initiale (54 millions d’euros) qui devrait être consommé, la prévision s’établissant à 151 millions d’euros – dont plus de 12 millions d’euros de report de charges de 2010.

Ces deux dépenses relevant de la même action, le secrétariat général a alimenté la ligne destinée à l’hébergement d’urgence, qui est déconcentrée à hauteur de 110 millions d’euros, afin de permettre aux préfectures de faire face aux besoins, et ce au détriment des crédits destinés à l’ATA. En effet, celle-ci est versée par Pôle emploi, qui a jusqu’ici fait l’avance. Le ministère va évidemment devoir la lui rembourser ; pour ce faire, il a besoin de l’ouverture d’environ 120 millions d’euros dans le collectif de fin d’année, après redéploiements.

Au 30 juin 2011, selon des chiffres provisoires, 35 800 étrangers bénéficiaient de l’ATA, parmi lesquels 35 540 demandeurs d’asile, les autres étant des bénéficiaires de la protection subsidiaire (241), quelques ressortissants étrangers auxquels une autorisation provisoire de séjour a été délivrée et quelques apatrides.

2) La poursuite des efforts d’amélioration de l’efficacité de la prise en charge des demandeurs d’asile et de l’examen de leurs demandes

Le premier accueil des demandeurs d’asile est en cours de réorganisation, l’OFII assurant son financement et sa coordination depuis le 1er janvier 2010. Ce transfert de charges traduit la volonté, d’une part, de rationaliser un dispositif très hétérogène en termes de fonctionnement, de contenu des prestations et de financement de celles-ci, et d’autre part, de mettre en cohérence le premier accueil avec la réforme des modalités d’admission au séjour des demandeurs d’asile en adossant une plate-forme d’accueil à chaque préfecture compétente en matière d’admission au séjour.

L’OFII met en œuvre, durant une période transitoire qui s’achèvera le 31 décembre 2011, ses responsabilités suivant trois modalités alternatives :

– par ses propres moyens humains et ses crédits de fonctionnement, à travers onze plates-formes couvrant cinq régions et dix-huit départements et représentant 26 % du flux métropolitain de demandeurs d’asile ;

– en combinant la mobilisation de ses moyens et le recours à neuf opérateurs qu’il subventionne pour une partie des prestations, dans sept régions, représentant 17 % du flux métropolitain ;

– en subventionnant quinze opérateurs délégués, dans dix régions, recevant 57 % du flux métropolitain des demandeurs.

Afin de préparer la sortie de la période transitoire et d’harmoniser les subventions attribuées aux opérateurs délégués – lesquelles varient d’1 à 10 selon les informations données à votre Rapporteur –, un audit des plates-formes d’accueil des demandeurs d’asile a été commandé par l’OFII à un cabinet extérieur. L’objectif est de définir, dans un cahier des charges opposable, le détail des activités d’accueil, d’information et d’orientation des demandeurs d’asile, susceptibles de bénéficier d’un financement de l’Etat, dans un contexte marqué par une hausse importante des flux de demandeurs d’asile, qui nécessite la maîtrise et la rationalisation de l’allocation des moyens publics.

Cet exercice n’est pas sans susciter des inquiétudes de la part des associations présentes sur ces plates-formes. Votre Rapporteur a pu le constater lors de sa visite à la plate-forme des Bouches-du-Rhône (cf. encadré suivant).

UN EXEMPLE DE PLATE-FORME ASSOCIATIVE D’ACCUEIL DES DEMANDEURS D’ASILE : LA PLATE-FORME DES BOUCHES-DU-RHÔNE

Compétente pour les Bouches-du-Rhône seulement (1), la plate-forme de Marseille est sous la responsabilité de l’association Hospitalité pour les femmes (HPF), à laquelle sont rattachés sept postes de travail ainsi que les vacations de médecin, mais bénéficie aussi de personnels mis à disposition par d’autres associations (la Cimade, la Croix-Rouge française, les associations SARA, Accès et OSIRIS). Des agents de l’OFII y sont aussi présents pour gérer l’hébergement en CADA.

Installée à l’étage dans des locaux inadaptés à l’accueil régulier de personnes nombreuses, elle ne peut assurer le service de domiciliation, qui est pris en charge par la Croix-Rouge et la Cimade dans d’autres locaux.

Ses missions sont l’accueil, le diagnostic social et la mise en place des premières démarches suivant ce diagnostic pour les demandeurs d’asile primo-arrivants, ainsi que le suivi des demandeurs d’asile n’accédant pas à un CADA. La plate-forme prend en charge les récits et recours des personnes les plus vulnérables, qu’elles soient en procédure prioritaire, domiciliées chez un particulier ou mineurs isolés. Elle suit avec attention la situation de ces derniers, afin, si nécessaire, de signaler leur situation au service de l’aide à l’enfance du département où à l’administrateur ad hoc. Elle veille à ce que chaque demandeur puisse bénéficier de soins adaptés dès son arrivée en France et gère quelques places d’extrême urgence en hôtel. Elle exerce enfin une fonction d’observation et d’alerte sur la problématique de l’asile dans le département.

La plate-forme est financée par l’OFII et le Fonds européen pour les réfugiés, à hauteur de 230 000 euros chacun pour 2011.

Entre son ouverture en juin 2004 et décembre 2010, elle a accueilli et suivi 4 125 ménages, dont 853 familles, 620 femmes isolées, 2 652 hommes isolés et 88 mineurs non accompagnés. Le nombre de nouveaux ménages accueillis chaque année ne cesse d’augmenter depuis 2006 ; il a doublé sur cette période, l’augmentation la plus forte ayant été enregistrée entre 2008 et 2009 (+ 30 %). Entre 2009 et 2010, les nouvelles demandes ont augmenté de 10 % et l’ensemble des suivis de 15 %. Au premier trimestre 2011, 449 nouveaux ménages, soit 607 personnes, ont été accueillis, sur un total de 942 ménages suivis.

Les demandeurs accueillis en 2010 étaient de soixante-six nationalités différentes, mais plus de la moitié des nouveaux arrivants étaient originaires d’Algérie, de Turquie, du Kosovo, d’Arménie ou de Tchétchénie. Le changement de statut des ressortissants de Turquie et d’Arménie (dont le pays a été considéré comme sûr par l’OFPRA entre décembre 2009 et août 2010) a beaucoup alourdi le travail administratif de la plate-forme. Ses responsables ont confirmé à votre Rapporteur que l’inscription ou le retrait de pays de la liste des pays d’origine sûrs avait un effet net et rapide sur les flux de demandeurs d’asile.

En s’entretenant avec eux, votre Rapporteur a eu le sentiment d’avoir affaire à des personnes responsables et sérieuses, soucieuses avant tout de bien faire leur travail. Les différentes associations intervenant sur la plate-forme et l’OFII semblent collaborer harmonieusement. Quelques problèmes lui ont été signalés, comme ceux rencontrés par les personnes à mobilité réduites pour accéder aux locaux de la plate-forme et pour trouver des places adaptées en CADA, l’impossibilité d’accéder à un CADA pour les personnes isolées, ce qui se traduit par un suivi plus long assuré par la plate-forme, ainsi que le changement fréquent des règles.

Mais la principale inquiétude concerne le contenu du référentiel que l’OFII est en train d’élaborer. La fixation d’une norme sur le temps à consacrer aux entretiens avec les demandeurs d’asile apparaît comme une régression. Le référentiel écarterait certains services considérés comme essentiels, à l’exemple de l’aide à la constitution du dossier pour l’ouverture des droits à la couverture maladie universelle, de la gestion des rendez-vous avec Pôle emploi (qui verse l’ATA) et surtout de la préparation de l’entretien avec l’officier de protection de l’OFPRA. Le caractère national du référentiel l’empêcherait de tenir compte des spécificités locales, comme la possibilité ou non pour les demandeurs d’accéder à un CADA.

(1) Etant donné l’importance des flux de demandeurs d’asile, en Provence-Alpes-Côte d’Azur, les autorisations provisoires de séjour sont délivrées à Marseille pour les demandeurs d’asile des Bouches-du-Rhône, du Vaucluse et des départements alpins et à Nice pour ceux des Alpes maritimes et du Var. La direction territoriale de l’OFII de Marseille assure elle-même l’accueil dans le Vaucluse et le Var, où elle a une délégation. Dans les départements alpins, où les demandes sont rares, c’est le CADA de Gap qui s’en charge.

Votre Rapporteur a présenté supra la décision prise dans le cadre de la révision générale des politiques publiques visant la rationalisation de la gestion des centres d’accueil pour demandeurs d’asile.

Parce que la durée pendant laquelle l’Etat doit prendre en charge les demandeurs d’asile dépend directement des délais d’examen de leur demande par l’OFPRA et de leur recours éventuel devant la CNDA, il a été décidé d’augmenter les moyens dont disposent l’Office et la Cour.

Pour ce qui est de l’OFPRA, le bilan de la mise en œuvre de son contrat d’objectifs et de moyens signé le 9 décembre 2008 met en évidence l’accroissement de sa productivité pour instruire les demandes : à moyens constants, son activité a augmenté de 5 % en 2010 par rapport à 2009, année déjà marquée par une hausse de son activité de 11 %. Le nombre de dossiers traités par ETP d’agent instructeur est passé de 385 en 2009 à 390 en 2010, alors même que de nouvelles contraintes ont pesé sur l’instruction, avec la baisse de la part des réexamens dans les décisions prises (22 % en 2008, 16 % en 2009, 13 % en 2010), l’augmentation des décisions se rapportant à des procédures prioritaires et la hausse du taux d’entretiens effectivement réalisés (73 % en 2008, 76 % en 2009, 78 % en 2010).

Ces progrès significatifs sont toutefois insuffisants pour répondre à une hausse de la demande d’asile très supérieure aux hypothèses retenues par le contrat d’objectifs et de moyens, préparé au début de l’année 2008 alors que la France connaissait depuis quatre ans une baisse de la demande d’asile.

Aussi l’Office a-t-il été autorisé à recruter, à compter du 1er janvier 2011 et pour une durée de 18 mois, trente officiers de protection supplémentaires. Ces renforts devaient alors permettre de traiter 9 000 dossiers, de manière à réduire le stock à l’équivalent de deux mois et demi de flux (soit 8 000 dossiers), cette durée correspondant au délai de convocation des demandeurs. Le nombre d’agents instructeurs était ainsi porté de 106 à 155 entre 2007 et 2011. Le ministère de l’intérieur a en outre recruté, en février 2011, dix agents contractuels en soutien à ces trente officiers de protection.

Etant donné la poursuite de la hausse de la demande en 2011, il a été décidé que les contrats des trente officiers de protection supplémentaires engagés pour une durée de 18 mois seraient prorogés jusqu’à mi-décembre 2012. Au 31 décembre, il est prévu que ces postes temporaires auront disparu, permettant au plafond d’emplois de revenir à 410 ETP – sans compter les 20 ETP inscrits sur la mission « Action extérieure de l’Etat » et affectés à l’OFPRA. Ces moyens devraient permettre à l’Office de réduire le délai moyen de traitement d’un dossier de 150 jours en 2011 à 130 jours en 2012 et 115 jours en 2012.

Lors de son audition par votre Rapporteur, le directeur général de l’OFPRA a indiqué qu’il venait d’obtenir le relèvement du plafond d’emplois de l’Office. En commission élargie, le ministre a confirmé qu’un amendement du Gouvernement permettrait à l’Office de pérenniser les trente officiers de protection et les dix agents contractuels recrutés en 2011, et de créer cinq emplois d’officier de protection supplémentaires.

Compte tenu des nouvelles échéances budgétaires pluriannuelles, la décision a été prise d’établir pour l’année 2012 un avenant au contrat d’objectifs et de moyens, qui se situe dans la continuité de celui-ci. Les principales options stratégiques demeurent identiques mais quelques indicateurs spécifiques seront introduits afin de prendre en compte l’évolution de certaines tendances (outre-mer, accroissement du nombre de personnes protégées). Un projet d’avenant élaboré par l’Office a été soumis au ministère au deuxième trimestre, la finalisation du document étant programmée pour l’automne.

S’agissant de l’évolution de la demande d’asile prise en compte, deux hypothèses ont été formulées pour les flux 2012 : la première fondée sur une stabilisation des flux par rapport à 2011, soit environ 58 000 demandes, la seconde envisageant une poursuite de la hausse à un rythme de 10 %, soit environ 64 000 demandes.

Après que le délai prévisible moyen de jugement d’un recours devant la CNDA est passé de 10 mois à plus de 15 mois entre 2008 et 2009, le Conseil d’Etat, auquel la CNDA est rattachée administrativement, a défini, au printemps 2010, un important plan d’action, prévoyant notamment le recrutement de rapporteurs supplémentaires. Le nombre de rapporteurs a ainsi atteint 95 à la fin de l’année 2010, contre 70 en fin d’année précédente. L’effort engagé, qui devait être amplifié par le recrutement de 20 nouveaux rapporteurs en 2011, 20 en 2012 et 10 en 2013, devait permettre d’atteindre un délai de jugement à 6 mois fin 2013.

Deux raisons ont amené le Gouvernement à ne pas se satisfaire de ce premier effort. D’une part, l’amélioration prévue, toutes choses égales par ailleurs, a encore paru trop progressive. D’autre part, l’OFPRA a lui-même obtenu des moyens humains supplémentaires pour procéder à une opération de déstockage de ses dossiers qui se traduira mécaniquement par une nouvelle augmentation des recours devant la CNDA (85 % des refus de l’OPFRA donnent lieu à un recours devant elle), qui pèse sur les délais de jugement. Cette opération de déstockage de l’OFPRA a été prise en compte dans les prévisions pour 2011 et 2012 de la Cour : on peut ainsi estimer à 5 000 le nombre de recours supplémentaires uniquement liés à cette opération qui seront enregistrés en 2011 (soit une augmentation totale des entrées de près de 33 %), et à 3 000 ceux qui seront enregistrés en 2012.

C’est pour faire face à cette situation que le Premier ministre a décidé, en janvier 2011, un nouveau plan consistant à anticiper la réalisation du plan précédent et à augmenter sa portée, en prévoyant le recrutement de 50 personnes en 2011 (dont 40 rapporteurs) et 15 en 2012. Le nombre des rapporteurs, en charge de l’instruction des recours, aura quasiment doublé en deux ans : 70 rapporteurs fin 2009, 135 fin 2011. 15 autres recrutements sont prévus pour l’année 2012, et le ministre a indiqué en commission élargie que la création de 15 postes supplémentaires serait autorisée par un amendement du Gouvernement.

L’augmentation des recrutements devrait ainsi permettre de juger 38 000 affaires en 2011 (contre 24 000 en 2010) et 47 000 fin 2012, et d’atteindre un délai prévisible moyen de jugement de 9 mois dès la fin 2011 et de 6 mois dès la fin 2012.

Le début de cette démarche a déjà permis de stabiliser les délais de jugement en 2010 et même d’amorcer leur réduction. Cette tendance s’est confirmée et amplifiée dès le début de l’année 2011. A la fin du premier semestre de cette année, en effet, le délai moyen de jugement, calculé en année glissante, c’est-à-dire entre juin 2010 et juin 2011, est de 12 mois, en diminution de trois mois par rapport à décembre 2010.

Parallèlement, la Cour poursuit sa réorganisation interne afin d’utiliser aux mieux les moyens accrus qui lui sont accordés. Elle entend notamment améliorer la qualité des rôles d’audience, dont la complexité est l’un des facteurs importants des renvois, lesquels empêchent le jugement définitif des affaires et allongent les délais. Elle souhaite par ailleurs, toujours en réorganisant son enrôlement, faciliter l’organisation du travail des avocats et leur présence à la Cour. Plusieurs mesures seront prises à cette fin, qui devraient entrer en application à compter du 1er janvier 2012.

Plusieurs dispositions de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité devraient résoudre des difficultés rencontrées par la Cour. Désormais, sous certaines conditions, les requérants en situation de réexamen seront exclus du bénéfice de l’aide juridictionnelle, tandis que des délais ont été fixés pour solliciter cette aide, afin d’éviter les demandes le jour même de l’audience. Enfin, la loi autorise la CNDA à organiser des audiences en visioconférence, pour les requérants domiciliés outre-mer comme en métropole, seuls ces derniers pouvant refuser d’être entendus par ce moyen. Cette possibilité n’a pas encore pu être mise en œuvre car le décret en Conseil d’Etat à laquelle son application est subordonnée n’a pas encore été adopté, ce qui ne devrait plus tarder. Il devrait aussi autoriser les demandeurs recourant à la visio-conférence à être assistés par des avocats inscrits dans le barreau de leur lieu de domiciliation, ce qui devrait résoudre un goulet d’étranglement – jusque-là, seuls des avocats des barreaux de Paris et de Versailles étaient habilités à plaider devant la Cour, même si les audiences se tenaient outre-mer.

En ce qui concerne l’hébergement d’urgence, la circulaire du 24 mai 2011 relative au pilotage du dispositif d’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile introduit de nouvelles modalités de pilotage des capacités déconcentrées d’hébergement d’urgence, afin notamment de mieux maîtriser les dépenses. Le suivi de celles-ci est assuré grâce au progiciel Chorus qui permet aux préfectures de suivre l’état de la consommation budgétaire.

En outre, dans le prolongement de la régionalisation de l’admission au séjour des demandeurs d’asile, étendue à toute la métropole depuis le 1er mai 2010 à l’exception de l’Ile-de-France, de l’Alsace et de la collectivité territoriale de Corse, et de la mise en place de plates-formes d’accueil uniques dans les départements « points d’entrée » (6), il est désormais prévu que les préfets de région (ou, le cas échéant, les préfets des départements où se trouve une seconde plate-forme d’accueil) impulsent des mécanismes de mutualisation de l’ensemble des capacités d’hébergement des demandeurs d’asile, s’agissant des places de CADA et des places d’hébergement d’urgence.

3) Une augmentation nécessaire des crédits

Si les mesures prises pour rationaliser la prise en charge des demandeurs d’asile et accélérer le traitement de leurs demandes visent, à terme, à réduire le coût de l’ensemble de la chaîne de la demande d’asile, elle nécessite d’abord, pour la plupart, une augmentation des moyens budgétaires. Celle-ci est aussi indispensable pour assurer le financement des dispositifs dont le coût est directement corrélé à l’évolution des flux de demandeurs, c’est-à-dire l’ATA et l’hébergement d’urgence.

Les recrutements de personnels supplémentaires par l’OFPRA et la CNDA se traduisent inévitablement par une progression de leurs dépenses. Comme ils ont été réalisés au 1er janvier 2011 à l’OFPRA, il n’est pas apparu utile de relever encore sa subvention pour charges de service public, augmentée de 2,5 millions d’euros en 2011 par rapport à son montant de 2010 et de 0,9 million d’euros par rapport au montant prévu dans le contrat d’objectifs et de moyens
– résultat de 1,5 million d’euros supplémentaires pour le financement des effectifs en renfort et de 0,6 million d’euros d’économies. Elle est fixée à 34,35 millions d’euros pour 2012, contre 34,5 pour 2011. L’enveloppe destinée à la rémunération des agents, qui représente environ 70 % du total de ses dépenses devrait s’élever à 23,6 millions d’euros, comme en 2011. En revanche, les charges de fonctionnement sont prévues en hausse de plus de 0,5 million d’euros, si bien que le montant de la subvention risque de ne pas être suffisant pour assurer l’équilibre budgétaire de l’Office, qui devra effectuer un prélèvement estimé à 0,74 million d’euros sur son fonds de roulement – qui était de 4,8 millions d’euros fin 2010, et serait alors inférieur à un mois de fonctionnement.

Cet équilibre budgétaire précaire devient intenable si l’Office est autorisé à recruter de nouveaux personnels en 2012, d’autant plus qu’il va devoir prendre aussi à sa charge, avant la fin de cette année, le rattrapage indemnitaire de ses agents, qui devrait contribuer à ralentir le très haut turn over que connaissent ses effectifs. Le directeur général estime à environ 2 millions d’euros le complément de subvention dont il aurait besoin pour faire face à ces dépenses supplémentaires. Votre Rapporteur ne peut que souhaiter que l’amendement du Gouvernement annoncé par le ministre lors de la commission élargie (voir supra et les travaux en commission élargie) lui donne satisfaction.

Les moyens de la CNDA connaîtront pour leur part une hausse très marquée. Sur l’action qui lui est exclusivement consacrée, la dotation passera de 20,52 millions d’euros à 25,21 millions d’euros en crédits de paiement et de 18,75 à 22,23 millions d’euros en autorisations d’engagement entre 2011 et 2012, progression due à la forte augmentation de la masse salariale de l’action, de 4,4 millions d’euros entre les deux projets de loi de finances. En effet, 318 ETPT sont rattachés à cette action, quand ils n’étaient que 270 en 2012. Parmi les 48 ETPT supplémentaires, 28 sont financés par un transfert depuis le programme Immigration et asile, à hauteur de 1,92 million d’euros.

Alors qu’en 2011, la Cour avait vu ses crédits de fonctionnement courant reconduits, à 1,04 million d’euros, en dépit de la hausse de ses effectifs, elle bénéficiera en 2012 d’une hausse de 0,2 million d’euros, grâce à un transfert depuis le programme Immigration et asile. Ses crédits d’immobilier sont aussi orientés à la hausse : 3,58 millions d’euros pour les locations (3,51 millions d’euros en 2011) et plus d’un million d’euros pour les autres frais liés à l’immobilier. La Cour a en effet dû louer 1 500 mètres carrés de locaux supplémentaires entre 2010 et 2011 afin de loger son personnel supplémentaire et d’ouvrir de nouvelles salles d’audience (elle en compte seize actuellement).

Pour ce qui est des autres dépenses de la CNDA, qui figurent sur l’action Soutien du même programme, on notera la progression des frais de justice, dont le montant est estimé, pour la Cour, à 2,43 millions d’euros en 2012, contre 1,93 million d’euros en 2011, en raison de l’augmentation prévisionnelle de son activité. Cette hausse est financée intégralement par un transfert de crédits depuis le programme Immigration et asile. Les quatre cinquièmes de ces moyens supplémentaires sont destinés aux frais d’interprétariat.

Mais les augmentations de crédits les plus massives portent sur les dispositifs d’hébergement d’urgence et sur l’ATA, afin de rapprocher les ouvertures initiales du niveau prévisible de leur consommation.

Le montant des crédits d’hébergement d’urgence est accru de 50,9 millions d’euros ; il atteindra ainsi 90,9 millions d’euros. La hausse est limitée à 1,5 million d’euros sur le volet national du dispositif, ce qui portera le nombre de places de 1 500 à 1 756, sur la base d’un coût journalier constant de 15,51 euros. En revanche, le dispositif à gestion déconcentrée verra sa dotation fixée à 80,44 millions d’euros quand elle n’était que de 31,08 millions d’euros en 2011. Sera ainsi assuré le financement de 14 652 places, contre 5 865 en loi de finances initiale pour 2011, à 15 euros par jour (14,50 euros en 2011).

Cette remise à niveau des crédits améliorera la sincérité de la loi de finances et facilitera la gestion de l’hébergement d’urgence. Mais elle vise aussi à responsabiliser d’avantage les services chargés de l’exécution des dépenses : ils seront en mesure de conclure des conventions avec les opérateurs associatifs en charge notamment de l’hébergement hôtelier, en remettant à plat à la fois le niveau des tarifs et les prestations offertes aux demandeurs d’asile dans ces structures.

L’autre augmentation conséquente concerne l’ATA, dont la dotation initiale, qui était de 54 millions d’euros en 2011, s’établira à 89,65 millions d’euros en 2012. Elle permettra le versement de l’aide à 21 565 bénéficiaires (13 405 prévus en 2011) sur la base d’une durée moyenne maintenue à une année et d’un montant revalorisé à 10,99 euros par jour. Comme mentionné supra, 35 800 étrangers recevaient l’ATA fin juin 2011. Il n’est donc pas évident du tout que l’abondement considérable opéré pour 2012 s’avère à la hauteur des besoins.

Et ce d’autant moins que, après avoir progressivement élargi le droit à l’ATA à toutes les catégories de demandeurs d’asile, à l’exception de ceux sous convocation Dublin (7), le Conseil d’Etat a posé à la Cour de justice de l’Union européenne une question préjudicielle visant à déterminer si ces derniers relèvent de la directive européenne du 27 janvier 2003 relative aux normes minimales d’accueil des demandeurs d’asile dans les Etats membres et si, par conséquent, ils doivent percevoir l’ATA.

Une seule enveloppe de l’action Garantie de l’exercice du droit d’asile est en baisse : il s’agit de celle destinée au financement des CADA, ramenée de 199 millions d’euros en 2011 (en baisse de 1,8 % par rapport à 2010) à 194 millions d’euros en 2012, en dépit de la stabilité du nombre de places (21 410 en CADA, auxquelles s’ajoutent les 246 places des centres de transit et les 33 places du Centre d’accueil et d’orientation pour les mineurs isolés demandeurs d’asile de Boissy-Saint-Léger). On attend en effet, sur 2012, 5 millions d’euros d’économie (soit 2,5 %) de la mise en place du référentiel de coût (cf. supra) : le coût unitaire moyen d’une place en CADA devrait passer de 25,13 euros en 2011 à 24,44 euros en 2012. L’objectif retenu dans le budget triennal est celui d’une diminution de ces crédits de 8 % : les efforts devront donc être poursuivis.

B – La lutte contre l’immigration irrégulière devient plus performante

Si le dynamisme de la demande d’asile et le poids de ses conséquences budgétaires ont pesé sur la gestion du programme Immigration et asile au cours des dernières années et des derniers mois, ils n’ont pas détourné le secrétariat général de l’immigration et de l’intégration de ses autres objectifs, parmi lesquels figure le renforcement de la lutte contre l’immigration irrégulière.

1) Des résultats satisfaisants, des objectifs ambitieux

Les indicateurs de performances confirment le maintien de l’attention du Gouvernement sur les enjeux migratoires et le nécessaire respect des lois par les étrangers présents sur le territoire français.

a) Des forces de l’ordre vigilantes

Le projet annuel de performances retient deux indicateurs : le nombre d’interpellations de trafiquants et de facilitateurs et le nombre de personnes mises en cause pour infraction à la législation relative à l’entrée et au séjour des étrangers.

Le premier chiffre rend compte du nombre de personnes mises en cause au titre de l’index 70 de l’état 4001, c’est-à-dire pour aide à l’entrée irrégulière, à la circulation et au séjour irréguliers des étrangers, en métropole et outre-mer. Il était de 4 663 en 2009 et a atteint plus de 5 800 en 2010, dépassant largement l’objectif de 5 200. Cet objectif a été reconduit pour 2011 et devrait être réalisé dans la mesure où, au cours du premier semestre 2011, 3 848 personnes ont été mises en cause, contre 3 281 pour la même période 2010, en hausse de plus de 17 %. Il est relevé à 5 500 pour 2012, anticipant ce qui était auparavant la cible pour 2013.

Le deuxième indicateur reflète le nombre de personnes mises en cause au titre de l’index 69 de l’état 4001, soit pour infraction aux conditions générales d’entrée et de séjour des étrangers. Il distingue la métropole des départements d’outre-mer et de Mayotte. En métropole, 96 109 personnes ont été mises en cause à ce titre en 2009 et 85 137 en 2010. La prévision de 116 000 pour 2011 devrait être réalisée, puisque, au cours du premier semestre, 47 522 personnes ont été mises en cause, soit une hausse de près de 10 % par rapport à la même période de 2010. L’objectif pour 2012 est plus élevé : il faudrait dépasser les 120 000 mises en cause, ce qui reste la cible à l’horizon 2013. Outre-mer, le nombre de personnes mises en cause atteignait 35 088 en 2009 et 41 314 en 2010. La prévision initiale de 42 000 pour 2011 devrait être tenue. Devant ces bons résultats, la prévision pour 2012 est relevée à 45 000, nombre qui était la cible pour 2013.

Le nombre d’interpellations d’étrangers en situation irrégulière, qui ne fait pas partie des indicateurs retenus dans le projet annuel de performances, a nettement diminué en 2010 en s’établissant à 58 000 après avoir atteint 82 500 en 2008 et 77 713 en 2009. Au premier semestre 2011, les résultats se redressent puisque 33 282 interpellations ont été effectuées. On ne s’étonnera pas de la part importante que prennent les ressortissants tunisiens parmi les personnes interpellées : leur nombre a plus que doublé entre l’ensemble de l’année 2010 (3 232) et le premier semestre 2011 pour dépasser 6 800, ce qui fait des Tunisiens la première nationalité des personnes interpellées, devant les Afghans et les Marocains, dont le nombre est relativement stable par rapport à 2010.

La lutte contre l’emploi d’étranger sans titre ne se relâche pas, comme en atteste le nombre des opérations conjointes de lutte contre le travail illégal, qui a crû régulièrement de 831 en 2007 à plus de 1 500 en 2010. Les opérations réalisées en 2010 ont permis le contrôle de 23 830 personnes, l’établissement de procès-verbaux d’infraction à l’encontre de 586 employeurs d’étrangers sans titre et enfin l’interpellation de 761 personnes en situation de séjour irrégulier. Près de 200 étrangers ont été reconduits à la frontière en 2010 à la suite de ces opérations.

Néanmoins, au plan national, le nombre de faits constatés pour emploi d’étrangers sans titre de travail par les services de police et les unités de gendarmerie, tel qu’il est retracé par l’index 94 de l’état statistique 4001, diminue légèrement depuis 2009 en métropole, alors que l’année 2010 a vu ce nombre augmenter de près de 16 %.

Au premier semestre 2011, 1 735 personnes ont été impliquées en métropole et outre-mer dans des procédures judiciaires relevant de cette incrimination, soit une progression de 6,51 % par rapport à la même période de 2010.

En outre, en 2010, 183 filières d’immigration clandestine ont été démantelées, principalement par la police aux frontières, soit une augmentation de près d’un quart par rapport à 2009.

La volonté politique de lutter plus efficacement contre l’immigration irrégulière n’a donc jamais faibli au cours de la législature. La tendance à l’amélioration des résultats est incontestable et les objectifs fixés pour les services concernés sont toujours plus ambitieux.

b) Un nombre d’éloignements conforme aux prévisions

Depuis l’année 2005, les éloignements réalisés depuis la métropole sont passés de 19 841 mesures exécutées à 28 026 pour l’année 2010, comme le tableau suivant le montre depuis 2007. Au cours du premier semestre 2011, 14 751 reconduites ont été réalisées contre 14 434 au cours de la même période en 2010, soit une hausse de 2,2 %. Ce résultat mérite d’être particulièrement salué étant donné les incertitudes du cadre juridique dans lequel ces mesures ont dû être exécutées depuis le début de l’année, votre Rapporteur y reviendra.

LES MESURES D’ÉLOIGNEMENT (2007 – 1ER SEMESTRE 2011)

 

2007

2008

2009

2010

1er semestre 2011

 

pronon-cées

exécutées

pronon-cées

exécutées

pronon-cées

exécutées

pronon-cées

exécutées

pronon-cées

exécutées

Interdictions du territoire

3 580

1 544

2 611

1 386

2 009

1 330

1 683

1 201

793

511

OQTF (1)

46 263

1 816

42 130

3 050

40 191

10 422

39 083

5 383

20 715

1 689

APRF (2)

50 771

11 891

43 739

9 844

40 116

5 500

32 519

9 370

20 560

3 836

Arrêtés d’expulsion (3)

258

206

237

168

215

198

212

164

119

85

Décisions de réadmission

11 138

4 428

12 663

5 276

12 162

4 156

10 849

3 504

7 821

2 754

Départs volontaires

3 311

10 072

8 268

8 404

5 876

Totaux

112 010

23 196

101 380

29 796

94 693

29 288

84 346

28 026

50 008

14 751

(1) OQTF : obligation de quitter le territoire français

(2) APRF : arrêté préfectoral de reconduite à la frontière.

(3) les mesures exécutées peuvent avoir été prononcées durant la même période ou pendant une période antérieure.

Source : ministère de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration.

 

En 2010 comme en 2009, les quatre pays dont les ressortissants ont été les plus nombreux à faire l’objet de l’exécution d’une mesure d’éloignement étaient la Roumanie (environ 8 400 chaque année), le Maroc (près de 3 000 en 2009, moins de 2 600 en 2010), l’Algérie (près de 3 000 en 2009, 2 500 en 2010) et la Tunisie (autour de 1 600). Au premier semestre 2011, les événements en Tunisie se sont traduits par l’intensification des flux migratoires vers l’Europe, principalement l’Italie et la France, ce qui a eu pour effet d’augmenter fortement le nombre d’éloignements de Tunisiens, qui a dépassé 2 300 en six mois, plaçant la Tunisie en deuxième place, derrière la Roumanie (plus de 4 000 éloignements de Roumains). Dans le même temps, le nombre d’éloignements de Marocains (environ 1 100) et d’Algériens (moins de 900) a diminué par rapport au premier semestre 2010.

Les objectifs fixés dans le projet annuel de performances devraient donc, cette année encore, être atteints : après un pic de 29 288 mesures d’éloignement exécutées en 2009, leur nombre s’est établi à 28 026 en 2008, quand l’objectif était de 27 000, et devrait atteindre au moins l’objectif de 28 000 retenu pour 2011. Ce nombre constitue la prévision pour 2012 et la cible pour 2013.

L’objectif d’un tiers de retours volontaires parmi l’ensemble des mesures d’éloignement devrait aussi être réalisé puisque 5 876 (hors mineurs accompagnants) ont été effectués au premier semestre 2011 : cette part était de 28 % en 2009 (8 268 départs volontaires) et 30 % en 2010 (8 404). Le niveau de 33 % est aussi la prévision pour 2012 et la cible pour 2013.

Pourtant, l’OFII, qui est en charge de ces dispositifs, signale une stabilisation, en 2010, du nombre total des aides au retour accordées, alors qu’il n’avait cessé de progresser depuis 2006. Mais la situation est très différente selon les dispositifs :

– le nombre des aides au retour volontaire proprement dites (ARV) (8), qui a augmenté de 31 % entre 2008 et 2009 et de 38 % entre 2009 et 2010 (pour s’établir à 4 016), continue sur cette tendance (+ 30 % entre le premier semestre 2010 et le premier semestre 2011, avec 2 365 aides accordées) ; en 2011, les bénéficiaires les plus nombreux étaient chinois (285), Russes (280), Kosovars (150) et Macédoniens (146) ;

– les aides au retour sans aide financière  (9) ont concerné 277 départs en 2010, dont 45 % vers la Roumanie, et 218 départs au premier semestre 2001, parmi lesquels 80 avaient la Tunisie comme destination et 60 la Roumanie ;

– les aides au retour humanitaire (10), dont le nombre avait triplé entre 2007 et 2008, avant de croître encore de 21 % en 2009, ont été moins nombreuses en 2010, à hauteur de 21 %, le flux tendant à se stabiliser en 2011 : elles ont été accordées à 9 761 personnes en 2011, dont 84 % de Roumains et 10 % de Bulgares en 2010 ; au premier semestre 2011, 4 167 retours ont été effectués dans ce cadre, principalement au profit des deux mêmes nationalités mais aussi, à la demande du ministère chargé de l’immigration, en faveur de 244 ressortissants tunisiens, bien qu’ils ne pouvaient pas justifier de trois mois de présence sur le territoire.

Ces dispositifs ont coûté 21,7 millions d’euros à l’OFII en 2010 (10,8 millions d’euros d’aides financières et 10,9 millions d’euros de frais de transport) et 8,4 millions d’euros au premier semestre 2011 (respectivement 4,5 et 3,9 millions d’euros).

Après avoir simplifié le dispositif et assoupli les modalités de versement des aides financières, l’OFII a mis en place un traitement automatisé de données à caractère personnel des étrangers bénéficiaires du dispositif d’aide au retour afin de pouvoir détecter toute tentative de fraude consistant à demander une nouvelle fois le bénéfice de cette aide sous une autre identité.

Pour ce qui est de l’aide à la réinsertion (11),1 383 projets de réinsertion ont été acceptés par l’OFII en 2010, ce qui a représenté une augmentation de 147 % par rapport au nombre de projets validés en 2009. Le montant des aides validées représente, accompagnement compris, plus de 7 millions d’euros. Les principaux pays concernés sont l’Afghanistan (257 projets), l’Irak (381 projets), le Kosovo (90 projets), le Mali (87 projets) et la Roumanie (72 projets). Au premier semestre 2011, 146 aides aux projets ont été attribuées par l’OFII, concernant essentiellement des projets en Moldavie, au Mali, en Bosnie, en Arménie et au Bénin. Ces aides représentent un engagement financier de l’OFII de 1 million d’euros.

L’été dernier, le ministre de l’intérieur a exprimé le souhait d’une augmentation du nombre des retours aidés cet automne, afin d’atteindre l’exécution de 30 000 mesures d’éloignement d’ici à la fin de l’année 2011. Il a notamment demandé à l’OFII de proposer systématiquement l’aide au retour aux personnes déboutées du droit d’asile hébergées en CADA. En outre, une réflexion est en cours sur le niveau des aides financières. C’est à l’OFII que revient actuellement la compétence de la fixer, mais celle-ci pourrait être confiée directement au ministère afin qu’il puisse l’adapter rapidement aux circonstances.

Quel que soit le succès des dispositifs d’aide au départ volontaire, les deux tiers des mesures d’éloignement exécutées sont encore des retours forcés, qui se heurtent à des difficultés, récurrentes (cf. tableau suivant), et contre lesquelles des mesures sont prises. Au premier semestre 2011, la politique d’éloignement des étrangers en situation irrégulière s’est heurtée en outre à des problèmes juridiques nouveaux.

LES CAUSES D’ÉCHEC DES MESURES D’ÉLOIGNEMENT EN 2009 ET 2010

Motifs

Année

2009

2010

Etrangers dépourvus de document de voyage et dont le laissez-passer consulaire n’a pas pu être délivré dans le temps de la rétention administrative (refus de délivrance, délivrance tardive.)

7 488

6 338

Etrangers placés en rétention administrative et libérés par le juge des libertés et de la détention dans le cadre des demandes de prolongation de rétention

6 029

6 348

Etrangers libérés faute de disponibilité avérée dans les centres de rétention administrative

3 797

1 176

Etrangers assignés à résidence par le juge des libertés et de la détention dans le cadre des demandes de prolongation et n’ayant pas répondu aux convocations de l’administration

1 453

1 061

Mesures d’éloignement ou décisions fixant le pays de renvoi annulées par le juge administratif

1 434

1 057

Etrangers ayant refusé d’embarquer

730

677

Etrangers placés en rétention administrative hospitalisés, libérés pour état de santé incompatible ou évadés

630

563

Etrangers placés en rétention administrative et libérés sur décision préfectorale ou à la demande du ministère (pour régularisation, assignation à résidence)

403

448

Défaut d’escorte, absence de moyen de transport

102

142

Etrangers placés en rétention administrative dont la demande d’asile a été acceptée par l’OFPRA

64

38

Total

22 130

17 848

Source : ministère de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration.

Afin d’améliorer les taux de délivrance des laissez-passer consulaires, l’absence ou le retard de cette délivrance étant l’une des principales causes d’échec à l’exécution de la mesure d’éloignement, un plan d’action est mis en œuvre. Dans un premier temps, les ambassadeurs de huit pays particulièrement peu coopératifs (12) ont été convoqués afin, notamment, de leur rappeler la nécessité d’une réelle amélioration des taux de délivrance. Faute de résultats suffisants, une première mesure de rétorsion a été décidée à l’encontre de sept de ces Etats – la République du Congo a été tenue à l’écart de ces mesures –, qui consiste en la réduction de 30 % du contingent de carburant détaxé.

Deux circulaires, du 18 août 2010 et du 18 avril 2011, sont intervenues afin de doter notre pays d’outils juridiques et opérationnels en matière de délivrance des laissez-passer consulaires. Dans le but d’assurer un suivi plus précis des réponses adressées par certains consulats aux demandes de délivrance de laissez-passer consulaires et de répondre au souhait de certaines autorités consulaires de disposer d’un interlocuteur unique dans le traitement des demandes, il a été décidé d’organiser une centralisation des demandes de délivrance pour certaines nationalités – celles pour lesquelles la délivrance des laissez-passer consulaires pose des problèmes.

Ainsi, l’unité centrale d’identification de la direction centrale de la police aux frontières constitue l’interlocuteur unique des autorités consulaires parisiennes de vingt-et-un Etats (13), tandis que le bureau du soutien opérationnel et du suivi au secrétariat général à l’immigration et à l’intégration assure la gestion centralisée des demandes concernant les ressortissants de cinq Etats (14).

La mise en place des pôles d’éloignement, présentée supra parmi les réalisations qui ont fait suite à la révision générale des politiques publiques, visait à assurer une meilleure représentation de l’Etat devant les juridictions administrative et judiciaire, afin de réduire les situations dans lesquelles une décision judiciaire fait obstacle à l’exécution de la mesure d’éloignement.

L’efficacité de ce dispositif peut se mesurer à la lumière d’un indicateur, le « taux de performance des CRA », qui se calcule en rapportant le nombre d’étrangers en situation irrégulière placés en rétention administrative au nombre de retenus reconduits. Pour les CRA bénéficiant d’un pôle d’éloignement, ce taux a été de 47 % en 2009 et de 42 % en 2010, contre un taux moyen pour l’ensemble des CRA de, respectivement, 40 % et 37 %. Si les résultats se sont inversés au premier semestre 2011, avec un taux de 40 % dans les premiers pour une moyenne nationale de 46 %, le ministère de l’intérieur l’explique par les effets de la jurisprudence de l’arrêt el Dridi de la Cour de justice de l’Union européenne du 28 avril 2011, qui a conduit à l’annulation de nombreuses procédures, en particulier dans les départements où se situent les CRA dotés d’un pôle d’éloignement, qui concentrent 60 % des placements en rétention.

Comme plusieurs responsables de centre de rétention administrative l’ont indiqué à votre Rapporteur, cette jurisprudence, ou plus exactement l’interprétation qu’en font certains magistrats, a considérablement compliqué le travail des forces de l’ordre dans la mesure où elle rendait juridiquement incertain le recours au placement en garde à vue d’étrangers trouvés en situation irrégulière. Soit les forces de l’ordre renonçaient à la garde à vue et, faute de temps, ne pouvaient constituer un dossier à l’appui de la demande de mise en rétention de ces personnes, soit elles procédaient à la garde à vue, avec le risque qu’un juge annule la procédure.

Pourtant, selon l’analyse du Gouvernement, la Cour de justice de l’Union européenne n’a pas censuré la possibilité ouverte aux Etats membres de prendre des sanctions pénales en cas de séjour irrégulier ou d’infraction à une mesure d’éloignement, mais a, au contraire, reconnu cette possibilité dès lors que ces sanctions sont dissuasives et proportionnées. La Cour est saisie depuis le 27 juin 2011 d’une question préjudicielle, présentée par la cour d’appel de Paris, portant sur la conformité de l’article L. 621-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et de la demande d’asile (CESEDA) qui prévoit le délit de séjour irrégulier et la possibilité de sa sanction, notamment par une peine d’emprisonnement. La Cour sera ainsi conduite à se prononcer sur la loi française sur l’infraction de séjour irrégulier proprement dite. Il n’est pas possible aujourd’hui de préjuger de sa décision, qui devrait intervenir rapidement.

Cette situation s’est traduite par le placement en rétention d’un nombre d’étrangers moins élevé qu’en 2010, les taux d’occupation des centres étant donc inférieurs – de plus de 55 % en 2010, il est tombé à 42,7 % au premier semestre 2011 en métropole. En outre, l’entrée en vigueur de la nouvelle loi relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité a conduit à des tâtonnements au cours des premières semaines, un doute subsistant sur le moment exact où l’étranger placé en rétention devait être présenté à un juge pour la première fois, après que la loi a augmenté le délai de présentation de deux à cinq jours. Ces doutes ont été levés et les pratiques se sont adaptées aux nouvelles règles. Cette mesure devrait faciliter l’exécution des mesures d’éloignement qui peuvent intervenir rapidement. Selon les témoignages recueillis par votre Rapporteur, le prolongement de la durée maximale de rétention, de 32 à 45 jours, ne semble pas avoir beaucoup d’effets, les consulats ayant tendance à prendre encore plus de temps pour délivrer les laissez-passer. Ainsi, par exemple, au CRA de Marseille-Le Canet, où votre Rapporteur s’est rendu (voir infra) sur 90 mesures d’éloignement réalisées au mois d’août, 70 l’ont été dans les cinq premiers jours ; en septembre, cela a été le cas de 73 mesures sur un total de 97 exécutées. En revanche, aucune mesure n’a été exécutée entre le 33ème et le 45ème jour de rétention.

2) La réalisation d’économies qui permet de diminuer légèrement les crédits

Si plusieurs tentatives émanant de différentes autorités ont montré l’extrême complexité du calcul du coût complet d’une mesure d’éloignement, la part qui est prise en charge sur le programme Immigration et asile est regroupée sur l’action Lutte contre l’immigration irrégulière. On peut distinguer le coût des centres de rétention administrative de celui des frais d’éloignement stricto sensu. Des efforts sont réalisés depuis plusieurs années pour éviter qu’ils n’augmentent avec le nombre de mesures exécutées, ce qui suppose un encadrement strict des dépenses. Aussi, les moyens qu’il est proposé d’ouvrir sur cette action sont-ils en baisse de 12 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 5 millions d’euros en crédits de paiement entre 2011 et 2012 : ils s’établiront respectivement à 80,7 et 85,4 millions d’euros.

Les crédits de personnel liés à cette politique ne sont pas isolés et restent inscrits sur le programme Police nationale de la mission « Sécurité ».

a) Des économies attendues sur le fonctionnement des centres de rétention

La capacité des centres de rétention administrative peut varier rapidement, non seulement sous l’effet de l’ouverture ou de la fermeture définitive de certains centres, mais aussi à cause d’événements accidentels, par exemple, comme votre Rapporteur l’a constaté lors de ses récentes visites et l’explique dans l’encadré suivant. La tendance est néanmoins à l’augmentation du nombre de places. A la fin du 1er semestre 2010, on en comptait 1 659 ; elles étaient 1 830 au 30 juin 2011, selon la répartition présentée dans le tableau de la page suivante.

Cette augmentation de la capacité des centres a été obtenue grâce à des investissements importants. Les crédits correspondant sont inscrits depuis 2010 sur l’action Lutte contre l’immigration irrégulière.

En 2011, ont été ouverts 15,9 millions d’euros en autorisations d’engagement et 13,65 millions d’euros en crédits de paiement afin de financer la construction du CRA de Mayotte, la rénovation de celui de Coquelles, l’extension du secteur judiciaire de la zone d’attente de Roissy et l’installation d’un quatrième radar à Mayotte. Ces dotations incluaient aussi des moyens pour l’entretien lourd des CRA et des lieux de rétention administrative (LRA). Un programme de travaux visant leur mise en conformité est en effet conduit depuis 2009.

Mayotte est un département d’outre-mer très particulier dans la mesure où près de 26 000 étrangers en situation irrégulière y ont été interpellés et où 20 429 arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière ont été exécutés en 2010. Le projet d’y réaliser un centre de rétention administrative de 136 places et une zone d’attente de 12 places a été validé par le ministère de l’intérieur en mars 2011. Le coût du projet, qui fera l’objet d’un marché de conception-réalisation, est évalué à 18 millions d’euros. L’opération sera financée à hauteur de 46 %, soit 8,28 millions d’euros, sur le programme Immigration et asile et à hauteur de 54 %, soit 9,72 millions d’euros, sur le programme Police nationale. Le calendrier de réalisation est le suivant : consultation des concepteurs jusqu’au 12 juin 2011, remise des offres des concepteurs au printemps 2012, notification du marché à l’été 2012, début du chantier au printemps 2013 et livraison du bâtiment fin 2014. Dès mars 2011, la totalité des autorisations de paiement allouées à cette opération a été déléguée à la préfecture de Mayotte. Pour 2012, un montant de l’ordre de 4 millions d’euros de crédits de paiement est prévu pour couvrir les études et le lancement de l’opération.

Votre Rapporteur a déjà eu l’occasion de déplorer la non-utilisation de la salle d’audience créée en 2001 à proximité de la zone d’attente de l’aéroport de Roissy, puis le retard pris dans les travaux destinés à la mettre en conformité avec les exigences formulées par les magistrats. Le coût de l’opération est estimé à 2,74 millions d’euros, dont 2,1 millions d’euros pour les travaux, pris en charge par moitié sur les programmes Immigration et asile et Police nationale. Le début du chantier est prévu en février 2012, pour une livraison du bâtiment en décembre de la même année.

LES CENTRES DE RÉTENTION DE 2009 AU 1ER SEMESTRE 2011

Centre de rétention

Capacité

au 30 juin 2011

Taux d’occupation (en %)

Observations

2009

2010

1er semestre 2011

Métropole

Bobigny

39

87

83,9

79,4

 

Bordeaux

20

   

5,3

Fermeture 19/01/2009

réouverture 06/2011

Coquelles

79

66

48,8

27,4

 

Geispolsheim

36

75

67,3

62,9

 

Hendaye

30

46

42,5

9,6

fermeture 12/2006 réouverture 06/2008

Le Mesnil Amelot 1

96

85

87,1

73,7

fermeture 31/07/2011

Le Mesnil Amelot 2

120

     

ouverture 04/08/2011

Le Mesnil Amelot 3

120

     

ouverture 19/09/2011

Lille Lesquin 1

39

     

non utilisé

Lille Lesquin 2

96

37

37,1

18,5

ouverture 11/2006

Lyon Saint Exupery

120

69

72,3

61,2

 

Marseille Canet

136

64

63,3

58,1

ouverture 06/2006

Metz

95

51

39,9

31,4

07/2007 : 30 places

01/2009 : 95 places

Nice Auvare

38

82

82,7

69,2

 

Nîmes

128

25

17,4

27,3

ouverture 07/2007

Palaiseau

40

55

60,9

56,4

 

Paris 1

60

79

 

75,5

fermeture 06/2008

réouverture 12/2008

Paris 1 extension provisoire

59

 

79,1

 

bât provisoire 07/2009 fermeture 12/2010

Paris 2

58

 

66,9

73,6

 

Paris 3

58

 

68,4

62,3

 

Paris Palais de Justice

40

62

31,6

21,4

 

Perpignan

48

65

49,0

30,0

ouverture 12/2007

Plaisir

32

58

49,6

41,3

ouverture 05/2006

Rennes Saint-Jacques de la Lande

70

47

43,6

26,7

ouverture 08/2007

Rouen Oissel

72

56

56,8

26,1

 

Sète

30

52

40,0

30,0

 

Toulouse Cornebarieu

126

51

52,9

28,8

ouverture 06/2006

Capacité totale et taux global moyen d’occupation

1 586

60

55,1

42,7

 

Outre-mer

Guadeloupe

40

8

1,9

2,1

 

La Guyane

38

75

65,1

51,9

 

La Réunion

6

12

28,6

26,5

 

Mayotte

60

111

78,9

63,3

 

Capacité totale et taux global moyen d’occupation

144

69

51,6

41,7

 

Source : ministère de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration

La chute du montant des autorisations d’engagement qu’il est proposé d’ouvrir pour 2012 résulte logiquement du lancement des différents projets qui doivent être couverts par les autorisations d’engagement ouvertes en 2011. Le montant des crédits de paiement nécessaires est estimé à 9,186 millions d’euros, contre 13,65 millions d’euros en 2011.

Un rattachement de 1,57 million d’euros provenant du Fonds pour les frontières extérieures est attendu en 2012. Il cofinancera des mesures d’amélioration des infrastructures d’accueil des personnes faisant l’objet d’une mesure d’éloignement et à la mise en œuvre d’actions de lutte contre la fraude documentaire.

Malgré la hausse de la capacité d’accueil des centres, les moyens nécessaires à leur fonctionnement sont prévus en légère baisse. Ils se composent des crédits nécessaires à leur fonctionnement hôtelier, en repli, et de ceux destinés à la prise en charge sanitaire et à l’accompagnement social des retenus, en faible augmentation.

L’enveloppe destinée au fonctionnement hôtelier des centres devrait passer de 31,3 millions d’euros à 30,4 millions d’euros entre 2011 et 2012, ce qui suppose, pour un nombre de places théorique constant (de 2 063), la poursuite de la baisse du coût moyen journalier : il s’est établi à 43,60 euros en 2009 et à 41,56 euros en 2010 ; ce montant a été retenu dans l’évaluation de l’enveloppe pour 2011 ; il est proposé de l’abaisser à 40,28 euros pour 2012.

Ce mouvement doit être rendu possible par l’achèvement, avant la fin 2011, du transfert à la police aux frontières de la responsabilité des derniers CRA encore gérés par la gendarmerie nationale, conformément à une décision de la révision générale des politiques publiques (voir supra). Parallèlement a été lancée une réflexion autour de la rédaction de cahiers des charges nationaux dans les domaines de la maintenance, du nettoyage des locaux et de la restauration, qui doit permettre de parvenir à une réduction des coûts.

Il faut signaler que le ministère estime que l’allongement de 32 à 45 jours de la durée maximale de rétention administrative ne devrait pas avoir d’impact financier sensible : il ne s’est pas encore traduit par une augmentation marquée de la durée moyenne de rétention, qui reste autour de dix jours, et il s’est accompagné d’une disposition prévoyant que les familles avec enfants faisant l’objet d’une mesure de reconduite à la frontière soient, sous certaines conditions, assignées à résidence sous surveillance électronique. En outre, les taux moyens d’occupation des centres sont suffisamment bas pour pouvoir absorber une hausse éventuelle de la durée effective de rétention.

Les crédits destinés à la prise en charge sanitaire dans les CRA, mais aussi dans les zones d’attente, sont prévus en reconduction par rapport à 2011. Ils permettent notamment la mise en œuvre des conventions passées entre les préfets responsables de CRA et un établissement public hospitalier voisin. Le montant de 6,8 millions d’euros correspond aux dépenses constatées en 2010.

Une augmentation de 0,3 million d’euros est proposée pour l’accompagnement social des retenus, c’est-à-dire les actions d’information et d’aide à l’exercice des droits dans les CRA. Les 6,8 millions d’euros qu’il est prévu d’ouvrir couvriront les coûts des conventions passées entre le ministère et les personnes morales, principalement des associations, qui remplissent cette mission dans les CRA, et celui de la convention conclue avec la Croix-Rouge qui apporte une aide de première nécessité et assure l’accompagnement des mineurs isolés dans la zone d’attente de Roissy.

DEUX CRA VISITÉS PAR VOTRE RAPPORTEUR EN OCTOBRE 2011

1) Le centre de rétention administrative de Marseille-Le Canet : un fonctionnement satisfaisant

Ce CRA, construit dans la ville de Marseille, sur un terrain cédé par l’armée, a ouvert en mai 2006. Il comporte une zone d’attente de 34 places, qui est, en tant que de besoin, utilisée comme un local de rétention administrative (ce fut le cas au mois de mai dernier, pour faire face à l’afflux de ressortissants tunisiens en situation irrégulière, et au mois de septembre), et 136 places de rétention administrative au sens strict : 98, regroupées en trois zones, sont destinées à accueillir des hommes, 18 des femmes et 20 des familles.

Depuis son ouverture, il a été occupé par 2 300 retenus par an en moyenne, soit un taux d’occupation moyen annuel de 71 %. La durée de rétention est de 11 à 12 jours, légèrement supérieure à la moyenne nationale d’une dizaine de jours.

La vie du centre a été particulièrement perturbée en 2011. Dans les tout premiers jours de l’année s’est déclenchée une épidémie de légionellose, qui a imposé son évacuation, sa fermeture, puis d’importants travaux avant que le centre puisse rouvrir. En février, seules 66 places, soit deux zones de vie, étaient disponibles, le retour à la normale n’était réalisé qu’en mars. C’est alors qu’un incendie important a fortement endommagé le centre : cinq foyers ont été allumés simultanément, par des retenus sortant de prison (ils constituent en moyenne 12 % des retenus) ; cinq personnes ont été interpellées à la suite de cet incident et deux d’entre elles sont encore incarcérées pour y avoir participé. Seize personnes, dont deux policiers, ont été hospitalisées et quelques retenus ont pris la fuite à l’occasion de leur hospitalisation. Deux secteurs étaient encore en travaux début octobre, à cause de retards dans la rénovation de leur réseau électrique, liés à un problème de nature de crédits (ces derniers étaient disponibles en investissement mais devaient être transférés sous forme de crédits de fonctionnement).

Le taux d’occupation du centre, calculé sur la base de sa capacité théorique, a logiquement fortement chuté par rapport à 2010 : sur les neuf premiers mois de 2011, il s’est établi à 28,41 %, quand il était de 58,40 % sur la même période de 2010. Depuis août, il est supérieur à un tiers, et proche de 40 % pour les places destinées aux hommes célibataires.

En revanche, le taux d’éloignement s’est amélioré, passant de 38,24 % sur les neuf premiers mois de 2010 à 44,36 % sur la même période de 2011. Le département est doté d’un pôle interservice d’éloignement, mais ce bon taux a surtout d’autres causes : d’abord, devant des capacités d’accueil réduites, le centre s’est efforcé de recevoir des étrangers qu’il semblait possible d’éloigner ; en outre, un nombre non négligeable de Tunisiens est passé par le centre (même si les flux ont été sans commune mesure avec ceux qu’a connus le département des Alpes maritimes), lesquels ont été très souvent réadmis en Italie, pays par lequel ils avaient transité.

Le centre ne dispose pas des équipements permettant d’organiser des visio-conférences, mais une antenne du tribunal de grande instance (TGI) de Marseille est localisée à 200 mètres du CRA. La première salle d’audience ne remplissant pas les conditions fixées par la Cour de cassation en avril 2008, elle a été fermée et une nouvelle a été construite hors de l’enceinte du CRA. De petite taille mais parfaitement bien conçue, utilisée depuis mars 2009, elle donne visiblement satisfaction à l’ensemble des intervenants. Le TGI de Marseille a même décidé de l’utiliser pour des audiences sur des hospitalisations à la demande d’un tiers, afin de préserver les personnes fragiles de l’agitation de son implantation principale.

2) Les deux nouveaux centres du Mesnil-Amelot : des débuts différés et difficiles

a) Deux centres indépendants, adaptés à leurs missions

Le CRA 1 du Mesnil-Amelot, ouvert en novembre 1995, offrait une capacité d’accueil de 140 places (réduite à 96 au premier semestre 2011) à proximité de Paris et de l’aéroport de Roissy, et bénéficiait du réseau d’infrastructures routier environnant. Compte tenu des intérêts logistiques de cette implantation, il a été décidé de construire deux nouveaux CRA dans cette commune, les CRA 2 et 3.

Un effort de conception a été consenti en privilégiant une architecture modulaire des unités de vie, et les normes du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile en matière d’équipements sont respectées. Chaque CRA, d’une capacité d’accueil de 120 places, enserré dans une enceinte propre, est indépendant. Il se compose de trois modules comportant chacun deux pavillons disposant de dix chambres à deux lits et d’une salle de télévision. Un des modules du CRA 2, réservé aux familles, est organisé en studios pouvant accueillir huit personnes.

Chaque module dispose d’un réfectoire et d’un espace de détente. Cette organisation modulaire, avec des groupes de taille limitée, permet de réduire les risques de tensions. La capacité réduite des chambres, organisées en pavillons, chacun doté d’une cour privative, contribue également à des conditions de détention plus apaisées.

Chaque centre dispose d’une zone regroupant l’espace médical, les locaux d’entretiens avec les familles et les avocats, ainsi que les bureaux des intervenants extérieurs (association chargée de l’assistance juridique, OFII) et d’une zone administrative comportant notamment l’espace de prise en charge des retenus (enregistrement, local à bagages), le greffe, les bureaux des services de police (chef de CRA, secrétariat, salle d’appel).

S’agissant de la gestion des CRA, chaque établissement est placé sous l’autorité d’un chef de centre et dispose, en propre, d’un effectif de fonctionnaires en charge des tâches administratives et de surveillance des retenus et du site.

Le CRA 1 a fermé ses portes le 31 juillet 2011. Son devenir est encore incertain. Etant donné sa vétusté, il ne pourrait rouvrir qu’à l’issue de gros travaux estimés à 9 millions d’euros. Il n’est pas évident que le parc des CRA métropolitains, actuellement occupé à 50 % environ de sa capacité, ait besoin de ses 96 places. En revanche, sa localisation, à proximité de l’aéroport de Roissy, en fait un bien très précieux pour la police aux frontières. Ses bâtiments pourraient accueillir des services actuellement logés à Roissy dans des locaux loués à des prix élevés ou des services installés près de Rungis dans de mauvaises conditions.

Le CRA 2 a ouvert début août, tandis que le CRA 3 ouvrait mi-septembre. Mais il faut d’une part rappeler que l’ouverture du CRA 2 aurait dû intervenir en septembre 2009 et d’autre part signaler que les deux CRA ne fonctionnent encore qu’à la moitié de leur capacité.

b) Des débuts différés et difficiles

Si la conception des nouveaux centres et le chantier étaient sous la responsabilité de la gendarmerie nationale, il a été décidé, en application des mesures prises dans le cadre de la RGPP, que la police aux frontières gérerait les nouveaux centres. Elle a d’ailleurs implanté sa direction départementale entre les deux CRA, depuis début 2010. Les personnels qui devaient s’occuper du nouveau centre ont été recrutés, mais les locaux ne sont pas utilisables. Dès leur livraison, en février 2010, apparaît un certain nombre de malfaçons et d’erreurs dans les choix qui ont été faits.

Le cas le plus emblématique est celui des portes installées dans les centres : les gendarmes ayant constaté que les retenus avaient dégradé les portes du CRA 1, ils avaient opté pour l’installation de portes blindées dans les nouveaux centres. Il s’est avéré que ces portes permettaient à des retenus de se barricader, dans les toilettes par exemple, sans pouvoir être délogés ; elles étaient en outre inutilisables et dangereuses dans la zone destinée à l’accueil de familles. Une fois le problème observé et signalé, il a fallu plusieurs mois pour obtenir l’accord du ministère pour leur changement, puis le lancement du marché public que celui-ci impliquait. Le remplacement des portes a coûté 1,1 million d’euros. Le logiciel de contrôle des accès ne fonctionnait pas non plus correctement. Finalement, dix-huit mois ont été perdus.

Mais l’achèvement de ces travaux complémentaires et l’ouverture des deux centres n’ont pas signifié la fin des difficultés. Deux d’entre elles découlent directement de la décision qui a consisté à ouvrir le CRA 3 très peu de temps après le CRA 2, ce qui n’avait apparemment pas été pleinement anticipé ; une autre concerne les deux salles d’audience installées à proximité des centres.

Lorsque votre Rapporteur a visité les centres, ils étaient certes ouverts tous les deux, mais ne fonctionnaient qu’à la moitié de leur capacité. Cette situation résultait du fait qu’un seul service médical était opérationnel, partagé entre les deux centres (le service ouvrait alternativement le matin ou l’après-midi dans chaque centre). En effet, le centre hospitalier de Meaux, dans la zone de compétence duquel se trouvent les centres, n’a pas été en mesure de fournir les personnels nécessaires à l’ouverture du service médical du CRA 3, le CRA 2 ayant accueilli le service qui fonctionnait auparavant au CRA 1. Il semblerait que les difficultés financières du centre hospitalier soient la cause de ce retard dans le recrutement des effectifs nécessaires. Il a pour conséquence l’impossibilité d’utiliser complètement les capacités des deux centres.

L’ouverture du CRA 3 a aussi été compliquée par le refus de la Cimade, attributaire du marché de l’accompagnement juridique des retenus au CRA 1, et qui assure cette même mission au CRA 2, de remplir ce rôle au CRA 3. L’un des salariés en poste au CRA 2 a indiqué à votre Rapporteur que la Cimade avait été dans l’incapacité de recruter et former les personnels nécessaires à la constitution d’une équipe pour le CRA 3 dans le délai qui lui avait été accordé. Cette justification n’est pas jugée crédible par les responsables de la police aux frontières, qui rappellent l’opposition de cette association à la création des deux nouveaux CRA, laquelle s’est traduite par le dépôt d’une plainte de plusieurs associations, dont la Cimade, devant le Conseil d’État. Il a alors été décidé de réquisitionner l’ordre des avocats de Meaux pour assurer l’information juridique des retenus du CRA 2 : celui-ci assure ce service depuis quelques semaines, une dizaine d’avocats se relayant auprès des retenus. Il s’agit d’un travail nouveau pour ces avocats, mais ils semblent l’effectuer de bon gré. La meilleure preuve en est qu’ils ont fait une offre pour remplir cette mission sur une base conventionnelle dans les deux CRA, dans le cadre d’un appel d’offres lancé par le ministère pour le lot composé des deux centres. La Cimade a également formulé une offre. Le choix sera fait très rapidement puisque le nouveau marché doit s’appliquer à compter du 1er novembre.

Deux salles d’audience ont été réalisées dans un bâtiment voisin des CRA, destiné par ailleurs à l’hébergement de compagnies de CRS. Elles ont vocation à constituer une antenne du TGI de Meaux afin de réduire les escortes vers cette ville et d’éviter l’engorgement des locaux de ce tribunal. Achevées depuis plus de dix-huit mois, elles ne sont pas encore entrées en service et leurs aménagements se couvrent de poussière. C’est pourtant un ancien président du TGI qui avait souhaité leur mise en place. Parmi les difficultés à résoudre figurent certaines réticences de la part des magistrats, mais aussi la question du financement de leur fonctionnement. Alors que le ministère de la justice assure ce financement à Marseille et à Coquelles, les deux seuls centres où des salles d’audience délocalisées sont utilisées, il ne serait pas prêt à faire de même au Mesnil-Amelot.

Votre Rapporteur est consterné de cette situation et espère que ces salles d’audience ne connaîtront pas le même sort que celle de la zone d’attente de Roissy, encore jamais utilisée et sur le point de subir de nouveaux travaux d’ampleur. Alors qu’elles ont vocation à faciliter le travail des magistrats et des policiers et la vie des retenus tout en permettant d’importantes économies, il est inacceptable que leur utilisation reste dépendante de réticences sans fondements ou de désaccords entre ministères.

b) La stabilisation des frais d’éloignement

Après avoir fortement diminué entre 2009 et 2011, passant de 42 millions d’euros à 32,2 millions d’euros, l’inscription budgétaire relative aux frais d’éloignement des étrangers en situation irrégulière sera stabilisée en 2012 : elle reste supérieure aux crédits consommés en 2010, qui étaient de 27,57 millions d’euros en crédits de paiement.

L’objectif retenu dans son estimation est toujours, comme en 2011, de réaliser 28 000 éloignements, dont un tiers de retours volontaires pris en charge par l’OFII et donc exclus de l’enveloppe prévue sur l’action Lutte contre l’immigration irrégulière. Le coût budgétaire moyen d’un retour pris en compte dans le calcul, est, comme en 2011, de 1 359 euros, montant constaté en 2009.

Au total, les frais de transport (avion, train, bateau) induits par les éloignements forcés, les seuls qui sont imputés sur cette action, devraient s’élever à 25,5 millions d’euros.

La dotation atteindra 32,2 millions d’euros car elle couvre aussi les dépenses liées à des opérations annexes qui concourent à la lutte contre l’immigration irrégulière, à l’exemple du financement des accords de coopération policière, de la prise en charge des non-admis et de l’entretien des radars à Mayotte.

Au cours de l’année 2010, la France a participé à vingt vols communautaires à destination de l’Albanie, de l’Arménie, du Cameroun, de la Colombie, de l’Equateur, de la Géorgie, du Kosovo, du Nigéria et de l’Ukraine. Un vol franco-britannique a également été organisé à destination de l’Albanie et du Kosovo.

Au cours des six premiers mois de l’année 2011, notre pays a participé à onze vols communautaires à destination de la Colombie, du Kosovo, du Nigéria, de la République démocratique du Congo et de l’Ukraine. Quatre vols groupés ont été organisés par notre pays à destination de l’Albanie, du Kosovo et de la Roumanie.

En 2012, le rattachement de 1,75 million d’euros – soit 0,6 million d’euros de plus qu’en 2011 – est attendu en provenance du Fonds pour le retour, qui vise à renforcer la coopération entre les Etats membres en matière de gestion des retours et finance notamment la mise en œuvre d’un programme annuel de vols groupés nationaux ou communautaires à destination des pays d’origine.

III – LE PROGRAMME INTÉGRATION ET ACCÈS À LA NATIONALITÉ FRANÇAISE : LE RESPECT DES ENGAGEMENTS PRIS DANS LA LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES

Les crédits qu’il est proposé d’ouvrir sur le programme Intégration et accès à la nationalité française correspondent à ce qui était prévu dans le budget triennal 2011-2013. En revanche, grâce à une réforme des taxes qui le financent, l’Office français de l’immigration et de l’intégration, qui est l’acteur central de la politique d’intégration des nouveaux immigrés, bénéficiera de moyens en hausse.

A – Les missions d’accueil des nouveaux immigrés et d’apprentissage de la langue française relèvent principalement de l’OFII

Les crédits budgétaires inscrits sur le programme ne représentent qu’une part limitée des moyens de la politique d’intégration dans la mesure où celle-ci est largement conduite par l’OFII – pour ce qui concerne l’accueil des primo-arrivants et l’apprentissage de la langue française –, qui bénéficie de recettes propres. Seule sa subvention pour charges de service public figure sur le programme.

1) Les évolutions constatées en matière de flux migratoires

Depuis quelques années, ce sont entre 170 000 et 190 000 étrangers extracommunautaires qui arrivent chaque année légalement dans notre pays. Mais la part de l’immigration durable tend à diminuer au profit d’une immigration non durable : ainsi, le nombre d’entrées pour motifs professionnels ou familiaux diminue entre 2009 et 2010, alors que le nombre d’entrées pour études s’accroît (+ 12 % entre les deux années). Pour la troisième année consécutive, l’objectif de 50 000 titres délivrés aux étudiants a été dépassé : leur nombre a atteint 58 262 en 2010. Ce succès résulte sans doute de l’allégement des procédures administratives auxquelles ils sont soumis et des facilités d’accès au marché du travail pour ceux qui ont obtenu un diplôme de master 2 – en 2010, 1 739 jeunes diplômés ont obtenu une autorisation provisoire de séjour de six mois pour exercer un emploi, contre 1 165 en 2009.

Parallèlement, la conjoncture économique a eu pour effet de réduire le flux des entrées pour motif professionnel et de stabiliser le rapport entre immigration professionnelle et immigration familiale à 22 %. Comme le met en évidence le tableau suivant, le nombre de titres de séjour délivrés pour un motif économique à des ressortissants de pays tiers diminue depuis 2008, mais reste nettement supérieur à celui enregistré en 2007, tandis que la tendance à la baisse de l’immigration pour raison familiale se poursuit. Il semble qu’une reprise de l’immigration professionnelle s’amorce au premier semestre 2011 (15 328 titres délivrés, contre 13 077 pour la même période en 2010).

La baisse de l’immigration professionnelle s’est logiquement traduite par une chute de 54 % entre 2009 et 2010 du nombre de cartes de séjour « compétences et talents » délivrées. En revanche, la diminution, dans une proportion comparable, du nombre de cartes de séjour « saisonnier » découle seulement de leur caractère triennal – le nombre de demandes de renouvellement de ces cartes a ainsi explosé au premier semestre 2011. Quant à la carte de séjour « salarié en mission », elle a progressé de 11 % entre 2009 et 2010 malgré la crise, ce qui démontre qu’elle satisfait les acteurs économiques ; la hausse est encore plus marquée (25 %) au premier semestre 2011.

NOMBRE DE TITRES DÉLIVRÉS (PRIMO-DÉLIVRANCE) EN FRANCE MÉTROPOLITAINE
AUX RESSORTISSANTS DE PAYS TIERS
(1)

Motifs

2007

2008

2009

2010 (2)

Economique

1 - Compétences et talents

5

183

368

317

 

2 - Actif non salarié

360

225

98

131

 

3 - Scientifique

1 531

1 926

2 242

2 269

 

4 - Artiste

263

286

183

180

 

5 - Salarié

5 879

11 718

13 310

13 381

 

6 - Saisonnier ou temporaire

3 713

7 014

3 050

1 541

Total Economique 

11 751

21 352

19 251

17 819

Familial

1 - Famille de Français

49 767

48 833

52 960

49 132

 

2 - Membre de famille

18 950

17 304

15 166

15 589

 

3 - Liens personnels et familiaux

18 820

17 328

17 360

17 514

Total Familial 

87 537

83 465

85 486

82 235

Etudiants

 

46 663

52 163

53 160

59 779

Divers

1 - Visiteur

5 241

4 475

5 485

5 779

 

2 - Etranger entré mineur

2 935

3 015

3 360

3 655

 

3 - Rente accident du travail

75

98

123

69

 

4 - Ancien combattant

199

193

225

154

 

5 - Retraité ou pensionné

1 645

1 398

1 200

884

 

6 - Motifs divers

416

488

553

492

Total Divers 

10 511

9 667

10 946

11 033

Humanitaire

1 - Réfugié et apatride

9 253

10 742

10 760

9 603

 

2 - Asile territorial/protection subsidiaire

520

753

1 785

1 674

 

3 - Etranger malade

5 672

5 733

5 938

6 185

 

4 - Victime de la traite des êtres humains

 

18

55

59

Total Humanitaire 

15 445

17 246

18 538

17 521

Total

171 907

183 893

187 381

188 387

(1) Il s’agit des Etats tiers à l’Union européenne à Vingt-sept et à l’Espace économique européen.

(2) Données provisoires.

Source : ministère de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration.

Pour ce qui est des nationalités des personnes arrivées en France, elles n’ont guère changé récemment : les pays du Maghreb et, pour des chiffres plus modestes, la Turquie sont à l’origine des flux d’arrivées pour motif familial. Les Roumains sont de loin les plus nombreux arrivants pour motif professionnel : ils étaient en 2010 presque deux fois plus nombreux que les ressortissants des Etats-Unis, qui constituent la deuxième nationalité (respectivement 3 949 et 2 136 cartes de séjour) ; viennent ensuite les Marocains, les Maliens et les Tunisiens (autour de 1 500 chacun, contre plus de 2 000 en 2009). Quand aux étudiants et stagiaires, ils viennent surtout de Chine (autour de 10 000 par an), puis du Maroc et d’Algérie (respectivement 5 798 et 4 644 en 2010, en hausse de 14 % et 17 % par rapport à 2009).

Le stock des titres et autorisations provisoires de séjour en cours de validité s’établit à près de 2,38 millions en 2010, contre 2,35 millions en 2009 et 2,37 millions en 2008.

Depuis le début de la législature, la France s’est donné comme objectif la maîtrise des flux migratoires fondée sur l’accueil d’une immigration choisie à dominante économique.

La dégradation de la situation économique a conduit le Gouvernement à infléchir cette politique dans le but de limiter l’immigration légale, qu’elle ait un caractère familial, étudiant ou professionnel, dans le strict respect des principes à valeur constitutionnelle et des engagements internationaux de la France. Cet objectif se justifie au regard des capacités d’intégration de la société française, de la nécessité de préserver les équilibres de celle-ci et de la situation économique. La persistance d’un taux de chômage parmi la population étrangère qui est plus du double de celui des Français doit conduire à privilégier le recours aux personnes déjà présentes sur le marché du travail. Cette orientation ne remet pas en cause les mécanismes mis en place en 2006-2008 (listes de métiers en tension accessibles sans opposition de la situation de l’emploi, cartes de séjour destinées à favoriser l’attractivité du territoire), mais à en faire une application sélective : c’est ainsi qu’une nouvelle liste des métiers en tension, plus courte (15), a remplacé depuis août 2011 les listes régionales antérieures et que la nouvelle « carte bleue européenne » (qui devrait être délivrée à partir de fin 2011) est spécifiquement orientée vers les travailleurs hautement qualifiés.

2) Les missions de l’OFII, remplies principalement grâce aux recettes provenant des flux migratoires

Après s’être régulièrement enrichies depuis sa création, les missions de l’OFII semblent désormais stabilisées et remplies avec efficacité ; ses recettes propres vont en revanche connaître de nouvelles modifications, qui se traduiront par une augmentation de leur volume.

a) Des missions stabilisées

Opérateur principal du ministère en charge de l’immigration, l’OFII remplit des missions évoquées supra, relatives à la validation des visas de long séjour valant titre de séjour, à l’organisation de la mutualisation au plan national des places de CADA, à la coordination du pilotage du premier accueil des demandeurs d’asile, au versement des aides au retour. Il remplit aussi une mission d’accompagnement social au sein des CRA. Mais il est surtout l’acteur central de la politique du Gouvernement en faveur de l’accueil et de l’intégration des nouveaux arrivants sur le territoire français.

Progressivement enrichies au cours des quelques années qui ont suivi la création de l’établissement, ces missions sont dirigées pour les unes exclusivement en direction des signataires du contrat d’accueil et d’intégration (CAI), pour les autres au profit de personnes étrangères arrivées depuis plus longtemps en France.

Il faut d’abord rappeler que c’est l’OFII qui accueille les primo-arrivants, les reçoit et leur fait signer le CAI. En 2010, 103 574 étrangers – contre 99 402 en 2009 – ont eu un entretien avec un agent de l’OFII, lequel a conduit à la conclusion de 101 355 CAI, soit un taux de signature de 97,9 % (16).

Les signataires bénéficient d’une série de prestations fournies gratuitement par l’OFII :

– une formation civique d’une journée, obligatoire : 2 066 séances ont été organisées en 2010, contre 1 994 en 2009, pour un coût de 6,19 millions d’euros ;

– une formation linguistique, qui peut aller jusqu’à 400 heures, mais dure en moyenne 280 heures, pour les personnes auxquelles elle a été prescrite, soit 23,7 % des signataires d’un CAI en 2010 (22,3 % en 2009) : en 2010, 4 800 sessions de formation linguistique ont été assurées, contre 4 680 en 2009, ce qui représente 4 millions d’heures de formation, et une dépense de 23 millions d’euros ; cette formation est sanctionnée par la délivrance du diplôme initial en langue française (DILF), passé par 17 370 personnes en 2010 et réussi par 15 874 d’entre elles, soit un taux de 60,6 % de réussite en métropole et de 56,3 % dans les départements d’outre-mer ; l’organisation du DILF a coûté 1,2 million d’euros ;

– un bilan de compétences professionnelles, qui s’adresse aux signataires du CAI à l’exception des mineurs scolarisés, des étrangers de plus de 55 ans, de ceux munis d’une carte de séjour portant les mentions « scientifique » ou « artiste interprète » et de tous les étrangers titulaires d’un contrat de travail (17) : en 2010, 62 095 bilans ont été prescrits et 41 780 avaient été programmés, les autres étant en attente de la réalisation de la formation linguistique. Cette prestation a coûté 6,36 millions d’euros en 2010.

Un suivi réalisé par l’OFII sur un échantillon de 11 000 bénéficiaires de ce bilan six mois après sa réalisation a mis en évidence le fait que 39 % déclaraient ne pas être à la recherche d’un emploi. Votre Rapporteur s’interroge donc sur la pertinence du maintien du caractère obligatoire de ce bilan de compétences professionnelles. Ne serait-il pas raisonnable de le réserver aux personnes qui ont véritablement l’intention de travailler ?

Enfin, une formation spécifique est offerte aux parents ayant bénéficié du regroupement familial et qui ont signé un contrat d’accueil et d’intégration pour la famille : il s’agit d’une formation sur les droits et les devoirs des parents en France et l’obligation scolaire. 1 579 ménages ont conclu un contrat de ce type en 2010.

La loi du 20 novembre 2007, qui a créé le CAI pour la famille, a aussi chargé l’OFII de mettre en œuvre ses dispositions relatives à l’évaluation du degré de connaissance de la langue française et des valeurs de la République des membres de famille qui demandent à rejoindre notre pays, ainsi que d’assurer la formation gratuite destinée à combler les lacunes éventuellement constatées.

Dans les pays où il est représenté (Maroc, Tunisie, Turquie, Mali, Sénégal, Cameroun et Canada), l’OFII assure la maîtrise d’ouvrage du dispositif. Il est l’interlocuteur unique de l’autorité diplomatique et consulaire et a recours conventionnellement à des organismes prestataires pour la réalisation de tout ou partie des prestations (tests et formations).

Dans les autres pays, l’OFII s’efforce de passer une convention avec un organisme délégataire – la plupart du temps il s’agit des Instituts culturels français ou des Alliances françaises – qui détermine la rémunération des prestataires ainsi que les modalités de la mise en œuvre du dispositif (tests, formations), qui pourra également faire intervenir des organismes prestataires pour la réalisation de tout ou partie des prestations. Le suivi est assuré par le siège de l’OFII.

L’OFII a signé des conventions dans 38 pays : Afrique du sud, Belgique, Bénin, Bolivie, Burkina Faso, Cambodge, Chypre, Colombie, Congo Brazzaville, Corée du sud, Costa Rica, Espagne, Guatemala, Guinée Bissau, Honduras, Inde, Indonésie, Israël, Italie, Liban, Mauritanie, Moldavie, Birmanie, Népal, Nicaragua, Pakistan, Paraguay, Serbie, Suisse, Suriname, Syrie, Taiwan, Thaïlande, Togo, Ukraine, Uruguay, Zambie, Malawi et Zimbabwe. Le dispositif actuel permet de couvrir entre 75 % et 80 % des personnes concernées. Votre Rapporteur observe, avec regret, que le nombre de pays couverts n’a pas augmenté depuis l’automne 2010. L’OFII estime qu’il est désormais nécessaire de conduire une étude de faisabilité pour l’extension du dispositif.

En 2010, 21 864 dossiers ont été enregistrés et 20 061 ont été clôturés au 31 décembre. Le taux de réussite pour l’évaluation des connaissances relatives aux valeurs de la République était de 80,7%, contre 65,3% pour les évaluations des connaissances linguistiques. 6 552 formations linguistiques et 4 001 formations aux valeurs de la République ont été dispensées à 7 628 personnes. Au titre de l’année 2010, ce dispositif a entraîné une consommation de crédit de 2,2 millions d’euros tout compris.

L’OFII organise aussi des formations linguistiques en faveur des personnes étrangères déjà installées sur notre territoire qui estiment n’avoir pas une connaissance suffisante de la langue française pour accéder à l’autonomie, à l’emploi ou à la nationalité française. En 2010, 14 600 personnes ont bénéficié de cette formation, pour un total de 1,68 million d’heures de formation et un coût de 10,45 millions d’euros.

b) Des méthodes qui évoluent

Le 19 juillet 2010, l’OFII a signé avec l’Etat un contrat d’objectifs et de performances, par lequel il s’est engagé à adapter ses performances et ses méthodes aux moyens financiers et en personnels qui lui sont alloués. Le comité de suivi de ce contrat a constaté, en mai 2011, que les objectifs fixés pour la première année avaient été remplis.

En matière d’intégration, des progrès ont été accomplis sur plusieurs points :

– l’OFII a adapté son offre de formation linguistique aux bénéficiaires dans l’optique d’une élévation du niveau acquis ; dans ce but, il a testé de nouvelles modalités d’action et a permis, à titre expérimental, à 1 800 signataires d’un CAI d’accéder directement au diplôme d’études en langue française (DELF) A 1, diplôme qui atteste d’un niveau de connaissance du français supérieur au DILF. En matière de formation à distance, l’OFII finalisera prochainement l’élaboration du cahier des charges et souhaiterait pouvoir lancer une expérimentation en 2012. La poursuite des efforts pour élever le niveau des résultats des formations linguistiques dépend des capacités financières de l’Office, car elle implique un allongement des formations : le relèvement de ses recettes propres, prévu en 2012 (voir infra), lui permettra de le faire ;

– un groupe de travail réunissant plusieurs ministères, l’OFII et le Haut conseil à l’intégration s’est penché sur le contenu de la formation civique prévue dans le cadre du CAI ; un nouveau programme est mis en œuvre depuis la rentrée 2011 ;

– pour ce qui concerne le bilan de compétences professionnelles, les échanges avec Pôle Emploi fonctionnent déjà pour les informations individuelles et les travaux sur les échanges entre systèmes d’information sont en cours, leur mise en place étant prévue en 2012.

En ce qui concerne l’immigration professionnelle, une expérimentation de « guichet unique » est menée pour renforcer le rôle de l’établissement sur certaines catégories de profils qualifiés (salariés en mission, carte « compétences et talents ») ; l’évaluation de ses résultats sera effectuée fin 2011.

L’OFII signale en outre qu’un effort de modernisation des procédures et de redéploiement des moyens au sein des directions territoriales lui a permis d’assurer la mise en place du visa de long séjour valant titre de séjour à effectifs constants mais qu’il ne pourra en être de même en cas d’extension des catégories de bénéficiaires du VLS-TS.

Pour ce qui est de l’amélioration de sa gestion, l’OFII a engagé son schéma directeur de contrôle de gestion et va mettre en place un schéma de contrôle interne comptable. Son schéma pluriannuel de stratégie immobilière a été validé par France Domaine dès mars 2010.

Il a lancé, dès 2009, un projet de modernisation et de réorganisation de ses ressources humaines. Tout en intégrant une trentaine d’ETP provenant de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSÉ) (18), l’OFII a ramené son plafond d’emplois de 890 ETP en 2009 à 870 ETP en 2010 (19) et à 835 en 2011, après le transfert de 15 ETP vers les préfectures. Ce plafond devra encore être abaissé à 820 ETP en 2012.

Ces réductions d’effectifs, permises par une profonde réorganisation des services et la modernisation de la gestion de l’établissement, commencent à entraîner des tensions, sous l’effet de la prise en charge par l’OFII du premier accueil des demandeurs d’asile en 2010, de l’augmentation du nombre des places en CRA, de l’intensification, début 2011, du flux des primo-arrivants, de la progression du nombre des retours volontaires accompagnés par l’Office, de la mise en œuvre du VLS-TS depuis septembre 2009 et la perspective de son extension fin 2011.

Le directeur territorial de l’OFII dans les Bouches-du-Rhône a évoqué ce problème devant votre Rapporteur. Sa direction comptait 54 agents en 2008 quand elle avait des tâches moins nombreuses et moins lourdes à remplir (le nombre de CAI a beaucoup augmenté depuis, par exemple). Elle n’en a plus que 46 aujourd’hui. Il a précisé que ses effectifs auraient dû être réduits à 44 mais qu’il avait obtenu de garder deux agents de plus, étant donné la masse de travail à effectuer.

Deux autres initiatives, qui ne relèvent pas des engagements pris dans le cadre du contrat d’objectifs et de performances, sont en cours de réalisation.

Soucieux de mieux appréhender le parcours d’intégration des primo-arrivants et d’améliorer le dispositif existant, le ministère chargé de l’immigration a lancé une enquête longitudinale sur l’intégration des primo-arrivants (ELIPA) sur la base de 6 000 signataires du CAI en trois vagues entre 2010 et 2013. Il s’agit d’une part d’évaluer, au moyen d’entretiens individuels avec les migrants, le dispositif d’accompagnement des migrants nouvellement arrivés en France, et d’autre part, d’appréhender leur parcours d’intégration dans ses diverses dimensions, linguistique, professionnelle, sociale. La seconde vague d’entretiens est lancée fin 2011.

Par ailleurs, afin d’améliorer encore le taux de participation aux formations dispensées par l’OFII dans le cadre du contrat d’accueil et d’intégration – le taux d’abandon est de l’ordre de 20 % –, est envisagée la création d’un dispositif permettant au préfet d’augmenter, en cas de non-respect volontaire du CAI, le montant de la taxe due à l’OFII pour le renouvellement du titre de séjour.

c) Des ressources propres qui devraient augmenter

L’OFII, dont le budget primitif pour 2011 s’élevait à 177 millions d’euros, est principalement financé par ses ressources propres.

Le produit de ses ressources propres était de 128,8 millions d’euros en 2010, soit près de 74 % de l’ensemble de ses recettes. Il a été estimé à 144 millions d’euros dans son budget primitif pour 2011, soit 81 % des recettes totales. Cette prévision a été portée à 152 millions d’euros en cours d’exercice. Cette augmentation est le résultat de la réforme des recettes propres de l’établissement intervenue en lois de finances pour 2009 et 2011, ainsi que d’un décret du 24 juin 2010 revalorisant certaines taxes.

Les différentes taxes payées à l’OFII (20) devraient lui rapporter 112 millions d’euros en 2011, les principales recettes provenant des taxes de droit commun sur le premier titre de séjour (31,3 millions d’euros), sur la carte de résident (28 millions d’euros), sur la carte de séjour temporaire d’un an (26,3 millions d’euros) et sur les employeurs de salariés permanents (24,3 millions d’euros).

Ces recettes sont complétées par diverses subventions. En 2010, le programme Intégration et accès à la nationalité française avait porté sa subvention de 14,4 millions d’euros à 18,6 millions d’euros en cours d’exercice afin de permettre un rétablissement du fonds de roulement de l’établissement, qui n’était plus que de 16,84 millions d’euros fin 2009 ; il dépassait ainsi 21 millions d’euros fin 2010.

Le budget primitif de l’OFII pour 2011 prévoyait des subventions à hauteur de 24,3 millions d’euros : une subvention pour charges de service public au titre du programme Intégration et accès à la nationalité française de 14,4 millions d’euros, des subventions du programme Développement solidaire et migration de la mission « Aide publique au développement » à hauteur de 2,6 millions d’euros et 6,5 millions d’euros provenant des fonds européens.

Pour ce qui est des dépenses, en 2011, elles devaient se répartir entre 47,4 millions d’euros pour le personnel, 15,2 millions d’euros pour le fonctionnement, 105,5 millions d’euros pour les interventions et 6,5 millions d’euros pour l’investissement.

L’article 28 du projet de loi de finances pour 2012 propose de modifier sur plusieurs points les recettes de l’OFII. L’idée générale est celle d’une augmentation des tarifs applicables à la délivrance de certains titres, dans une logique d’harmonisation et de responsabilisation des demandeurs.

Les principales modifications proposées sont les suivantes :

– suppression du régime fiscal dérogatoire de l’immigration professionnelle, pour un gain attendu de 4,05 millions d’euros par an ;

– acquittement de la taxe dès le dépôt de la demande de visa de long séjour, qui se traduira par un surcroît de recettes de 1,7 million d’euros par an et par un gain de trésorerie en 2012 de 3,1 millions d’euros ;

– majoration de la taxe de renouvellement de certains titres de séjour, pour un gain annuel de 1,27 million d’euros ;

– majoration des droits de visa de régularisation, qui devrait rapporter 6,5 millions d’euros.

Elles devraient donc augmenter les recettes provenant de ces taxes de 16,6 millions d’euros en 2012 et de 13,5 millions d’euros en 2013. Pour 2011, les recettes prévisionnelles des taxes affectées à l’OFII s’élèvent à 112 millions d’euros. Le projet de loi de finances propose de plafonner, à compter de 2012, l’affectation de ces recettes à l’OFII à hauteur de 122 millions d’euros, le reliquat (de l’ordre de 6,6 millions d’euros en 2012, de 3,5 millions d’euros ensuite) revenant au budget général. Les recettes de l’OFII devraient donc augmenter de 10 millions d’euros grâce à cette réforme. Son directeur général a indiqué à votre Rapporteur que cette somme était destinée à financer l’élévation du niveau de langue française des étrangers, qu’ils soient signataires d’un CAI ou demandent à accéder à la nationalité française.

Il s’est en revanche inquiété des risques que ferait peser sur l’OFII la suppression de l’obligation de régler ces taxes au moyen de timbres fiscaux d’un modèle spécial à l’OFII. Cette mesure se veut une source de simplification, les droits pouvant dès lors être acquittés en utilisant la série ordinaire des timbres fiscaux. Il faut néanmoins souligner que l’OFII a mis en place avec succès un paiement dématérialisé des taxes qui lui sont affectées, par « droit de timbre électronique », à la suite d’une décision prise dans le cadre de la révision générale des finances publiques (cf. supra). En outre, la contribution spéciale versée par les employeurs de main-d’œuvre en situation irrégulière est déjà perçue par la direction générale des finances publiques depuis le début de 2011, mais celle-ci n’a, selon le directeur général de l’OFII, encore rien reversé à l’Office à ce titre. Ce qui est gênant pour une recette limitée à 4 millions d’euros en 2010 serait extrêmement pénalisant pour des recettes supérieures à 120 millions d’euros et représentant plus des deux tiers des ressources de l’établissement.

B – Le financement des autres actions d’intégration est stabilisé

Depuis le projet annuel de performances pour 2011, les financements du programme destinés aux actions d’intégration qui ne sont pas de la compétence de l’OFII sont répartis entre deux actions budgétaires, l’une regroupant les actions d’intégration des étrangers en situation régulière, l’autre les actions d’intégration des réfugiés. Les réfugiés font naturellement partie des étrangers en situation régulière, mais ils bénéficient en outre de mesures spécifiques destinées à répondre à des difficultés particulières.

C’est aussi sur l’action Actions d’intégration des étrangers en situation régulière qu’est inscrite la subvention pour charges de service public accordée sur ce programme à la Cité nationale de l’histoire de l’immigration. Elle représentait en 2011 42 % des subventions de l’Etat perçues par l’établissement, qui bénéficie aussi de financements émanant de trois autres programmes (21). Pour 2012, elle sera en légère baisse, à 2,78 millions d’euros, pour 2,85 millions d’euros en 2011 : cette évolution prend en compte l’augmentation attendue des recettes propres de la Cité – qui ne représentaient que 9 % de ses recettes dans son budget primitif pour 2011, mais devraient augmenter, notamment sous l’effet de la hausse de sa fréquentation, qui était de 5 % en 2010 – et vise à faire participer l’établissement à la maîtrise des dépenses publiques.

1) L’intégration des réfugiés

Alors que les flux de demandeurs d’asile ne cessent de croître et que le dispositif national d’accueil est soumis à une très forte pression, il est indispensable de maintenir les efforts de la collectivité en faveur de l’hébergement des étrangers auxquels une mesure de protection a été accordée.

Pour ceux d’entre eux qui présentent des difficultés d’insertion et doivent continuer à bénéficier d’une prise en charge complète pendant un certain temps, la première étape consiste souvent en un séjour dans l’un des vingt-huit centres provisoires d’hébergement (CPH). D’une capacité totale de 1 083 places, ils proposent non seulement un hébergement mais aussi un accompagnement administratif pour l’ouverture des droits sociaux, un accompagnement social pour faciliter l’accès au logement, à l’emploi, à la formation.

Au 31 décembre 2010, le taux d’occupation des CPH s’établissait à 103,1 % et la durée moyenne de séjour était de dix à onze mois. Le nombre d’entrées en 2010 était de 1 276. Elles ne représentaient cependant que 26,5 % d’un total de 4 802 réfugiés et bénéficiaires de la protection subsidiaire sortis des centres d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) au cours de la même année.

En outre, les opérations spéciales dans lesquelles la France s’est engagée (accueil de plus de 1 200 ressortissants irakiens (22), poursuite de la prise en charge des 95 bénéficiaires de protection à Malte accueillis en juillet 2010, développement des programmes de réinstallation, etc.) sollicitent très fortement les dispositifs d’hébergement en faveur de ces réfugiés.

Comme les CADA, ils présentent des structures très hétérogènes, le nombre de places, le mode d’hébergement et de restauration, les modalités d’organisation et le statut des personnels variant beaucoup selon les établissements.

Pour 2012, il est proposé de reconduire l’enveloppe de 12,5 millions d’euros destinée à leur fonctionnement, qui repose sur un coût journalier moyen de la place de 31,53 euros, équivalent à celui retenu pour 2011 (31,62 euros par place).

Si le nombre de places de ces centres est stable depuis plusieurs années, c’est que le Gouvernement privilégie la prise en charge des réfugiés par les dispositifs de droit commun. Pendant la période de transition vers le logement ordinaire, la majorité d’entre eux bénéficie d’actions d’accompagnement social et de la mise à disposition de logements relais.

En outre, l’action Actions d’intégration des réfugiés prévoit 2,16 millions d’euros destinés à l’attribution d’aides distribuées par des associations. Elles peuvent consister en l’octroi de bourses pour poursuivre des études universitaires par exemple ou contribuer au financement de projet visant l’aide à l’accès au logement et à l’emploi des réfugiés. Le Fonds européen pour les réfugiés devrait compléter ce financement à hauteur de 2,97 millions d’euros en 2012 : l’augmentation de ce financement (à hauteur de 0,2 million d’euros) fera plus que compenser la légère baisse de la subvention de l’Etat (de 70 000 euros).

En complément de l’offre proposée par les CPH, un certain nombre de dispositifs alternatifs d’accès à l’hébergement des réfugiés se sont en effet développés au cours des dernières années, avec notamment le programme Reloref et le dispositif provisoire d’hébergement des réfugiés statutaires (DPHRS) de l’association France Terre d’Asile (FTDA), la méthode Accelair, désormais mise en œuvre dans trois régions, et le CADA-IR de l’association Forum réfugiés, ou les actions retenues dans le cadre des appels à projet nationaux ou du Fonds européen pour les réfugiés.

2) L’intégration des autres étrangers en situation régulière

Les crédits destinés aux interventions en faveur des étrangers en situation régulière (réfugiés mis à part) seront reconduits en 2012 à leur niveau de 2011, puisque la seule diminution enregistrée sur l’action qui les porte est celle de la subvention à la Cité nationale de l’histoire de l’immigration, déjà signalée.

A 39 millions d’euros, ces interventions sont donc préservées de la diminution de 10 % sur la période 2011-2013 demandée par le Premier ministre sur les dépenses de ce type. Les rattachements de crédits depuis le Fonds européen pour l’intégration (4,6 millions d’euros) devraient en outre dépasser en 2012 celles attendues pour 2011 (3,12 millions d’euros).

L’évolution de la répartition des crédits entre le volet national des activités d’intégration et leur volet déconcentré, au bénéfice de ce dernier (à hauteur de 2,2 millions d’euros), s’explique principalement par la déconcentration, réalisée en exécution 2011, du financement de l’opération « ouvrir l’école aux parents », dont le coût est de 1,91 million d’euros en 2011. Le volet national bénéficiera ainsi de 7,8 millions d’euros et le volet déconcentré de 19,2 millions d’euros.

La partie nationale de ces interventions permet de subventionner l’action d’acteurs économiques et sociaux nationaux (entreprises, structures du monde économique, associations) en faveur de l’intégration, de la lutte contre le racisme et la discrimination à l’embauche ou dans l’emploi des personnes immigrées ou issues de l’immigration. A la suite d’un appel à projets lancé en 2011 et qui s’est traduit par le recueil de 170 propositions, le ministère accordera 4,8 millions d’euros de subventions en 2012. Ces crédits soutiennent aussi, notamment, le financement de revues à caractère scientifique traitant des thèmes relatifs à l’immigration et l’intégration, la formation séculière de ministres du culte, ainsi que le soutien d’expérimentations de formations linguistiques en entreprises.

C’est le succès, constaté à l’occasion d’une enquête réalisée en juin 2010, de l’opération « ouvrir l’école aux parents », menée en coopération avec le ministère de l’éducation nationale, pour faciliter l’apprentissage du français par les parents d’enfants scolarisés, présents en France depuis longtemps et dont l’absence de maîtrise de la langue constitue un frein à l’insertion, notamment dans la recherche d’emploi, qui a justifié la déconcentration de son financement. Elle est en effet menée dans quarante-et-un départements depuis la rentrée 2010.

Le dispositif est consolidé pour l’année scolaire 2011-2012. Le rôle des directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) et des rectorats dans l’organisation de l’opération est renforcé. Ils devront veiller d’une part, à la qualité des formations proposées, d’autre part, à la cohérence territoriale dans le contexte plus général de la mise en œuvre du programme régional d’intégration des populations immigrées (PRIPI) en lien avec la déconcentration des crédits. Une évaluation qualitative de l’expérimentation sera menée début 2012. Une extension du dispositif a été recommandée par le Haut conseil à l’intégration mais une telle perspective ne serait envisageable que si des crédits nouveaux étaient alloués au programme.

Depuis 2010, la gestion déconcentrée des crédits de cette action est confiée aux DRJSCS qui ont intégré les personnels des directions territoriales de l’Agence nationale pour la Cohésion Sociale et l’Égalité des chances. Leur action s’exerce dans le cadre des PRIPI, qui ont été relancés par une circulaire du 28 janvier 2010 et sont désormais finalisés dans vingt-deux régions métropolitaines. L’Ile-de-France et les départements d’outre-mer – à l’exception de la Martinique qui a achevé son PRIPI– ont débuté leurs travaux plus tard, en raison d’une réorganisation territoriale décalée et achèveront leur programmation au second semestre 2011.

Les PRIPI reprennent les priorités fixées par la circulaire : l’apprentissage du français, la parentalité et l’accompagnement de la scolarité, la capacité à accéder à une activité professionnelle et à un logement, l’apprentissage de règles de vie partagées et la prévention des discriminations.

L’apprentissage de la langue française est une thématique dominante des PRIPI, qui visent à la mise en cohérence et à l’amélioration de l’offre linguistique. Les mesures en faveur des immigrés âgés sont également emblématiques de cette génération de programmes, qui se fixe comme objectif l’amélioration de leurs conditions de logement, d’accès aux droits et de santé.

Ces priorités sont déclinées, selon les contextes locaux, en actions régionales ou infrarégionales. Une quarantaine de programmes départementaux d’intégration seront également activés en 2011 dans le cadre des PRIPI. Les DRJSCS ont mis en place des dispositifs de suivi et d’évaluation des programmes régionaux.

Ces crédits déconcentrés financent aussi directement, avec une participation des collectivités territoriales, quinze agents de développement local pour l’intégration (ADLI) qui développent une démarche d’accompagnement des populations migrantes adaptée aux spécificités du territoire sur lequel ils opèrent. Quatorze autres postes d’ADLI sont pris en charge par le Fonds européen d’intégration et les collectivités territoriales : la moitié d’entre eux a été créée entre 2010 et 2011.

L’action Actions d’intégration des étrangers en situation régulière consacrera enfin 12 millions d’euros, comme en 2011, aux mesures d’accompagnement des occupants des foyers de travailleurs migrants.

Ces mesures poursuivent deux objectifs principaux :

– l’accompagnement du plan de traitement de ces foyers afin de les transformer en résidences sociales : le programme ne finance pas les travaux en eux-mêmes, dont le coût a atteint 1,2 milliard d’euros entre le lancement du plan en 1997 et 2010, mais les surcoûts liés aux incidences des travaux, telles que la baisse des loyers perçus pendant leur réalisation, le soutien aux gestionnaires et l’accompagnement social du projet ;

– la prise en charge de l’aide transitoire au logement, qui, depuis 1978, aide les résidents les plus défavorisés à payer leur loyer, lorsqu’ils ne perçoivent pas l’aide personnalisée au logement parce que leur logement ne respecte pas les normes requises.

En 2011 – avant mise en réserve de précaution –, l’enveloppe devait se répartir entre le premier volet à hauteur de 8 millions d’euros et le second à hauteur de 4 millions d’euros. Ce financement devait être complété par 1,9 million d’euros de crédits délégués aux préfets et environ 2 millions d’euros provenant du Fonds européen d’intégration, qui prend notamment à sa charge une partie du mobilier neuf, qui doit souvent être adapté aux besoins spécifiques des résidents immigrés vieillissants.

CONCLUSION

La forte augmentation des crédits qu’il est proposé d’ouvrir pour 2012 sur la mission Immigration, asile et intégration ne doit pas faire oublier les mesures qui sont prises, à tous les niveaux, pour optimiser et accélérer les procédures et gérer les dépenses au plus près.

Créée à compter du 1er janvier 2008 pour accompagner la mise en place d’un ministère spécifiquement chargé des questions migratoires, cette mission a heureusement survécu à la disparition de celui-ci. Même si elle ne regroupe pas toutes les dépenses induites par cette politique – mais aucune mission ne le fait véritablement, comme en atteste l’existence des documents de politiques transversales (23) –, elle leur confère une visibilité et une cohérence.

Les moyens supplémentaires accordés à l’OFPRA et à la CNDA constituent des investissements très rentables : si l’Office et la Cour atteignent les objectifs qui leur ont été fixés pour 2013, la durée de présence sur le territoire français des demandeurs d’asile aura diminué de moitié par rapport à la fin de 2010, entraînant la réduction, dans la même proportion, des dépenses qu’elle induit (en particulier l’ATA et l’hébergement d’urgence). Il n’y a donc pas à hésiter, d’autant que les étrangers obtenant une protection pourront plus rapidement commencer leur intégration dans la société française et qu’il sera plus facile d’obtenir le départ de ceux qui auront été déboutés. Enfin, ce raccourcissement des délais se traduira certainement par une baisse du nombre des demandes infondées.

On peut donc s’attendre à ce que le niveau exceptionnel des crédits de la mission pour 2012 n’ait pas à être reconduit en 2013.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires étrangères a entendu, en commission élargie à l’ensemble des députés, M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, au cours de sa séance du mardi 25 octobre 2011.

Mme Béatrice Pavy, présidente, suppléant M. Jérôme Cahuzac, président de la Commission des finances. Monsieur le ministre, je suis très heureuse de vous accueillir au nom de la Commission des finances, avec mes collègues François Rochebloine, de la Commission des affaires étrangères, et Jean-Luc Warsmann, président de la Commission des lois.

Nous sommes réunis en commission élargie afin de vous entendre sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » pour 2012.

Comme vous le savez, la procédure de la commission élargie est destinée à privilégier les échanges entre les ministres et les députés et, pour cela, elle donne la priorité aux questions et, naturellement, aux réponses que vous leur apporterez. Cette année, les débats seront chronométrés afin de respecter les durées arrêtées par la conférence des présidents – soit deux heures trente pour la mission « Immigration, asile et intégration ». Je rappelle à nos collègues que les rapporteurs disposeront de 5 minutes chacun et les autres députés de 2 minutes. Les auteurs de questions disposeront en outre, le cas échéant, d’un droit de suite.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Monsieur le ministre, je suis heureux de vous accueillir au nom de la Commission des lois, avec laquelle vous avez maintenant l’habitude de travailler. Le sujet qui nous réunit cet après-midi est très suivi par notre commission. Les dotations de votre mission augmentent de 12 %, ce qui atteste de la priorité qu’on lui accorde dans un contexte budgétaire très tendu.

L’année dernière, j’avais notamment interrogé votre prédécesseur sur le renforcement des moyens de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et de la Cour nationale du droit d’asile. Le travail a été fait, mais ce renforcement a-t-il été suffisant pour ramener les délais dans des limites acceptables et éviter des attentes aussi fâcheuses pour les intéressés que pour l’application des textes.

Une autre question est celle de la coordination entre les différents pays européens qui subissent l’afflux d’immigrants. Celui-ci pose de nombreux problèmes et nous conduit à accueillir ces personnes dans des conditions très difficiles.

Mme Béatrice Pavy, présidente, rapporteure spéciale de la Commission des finances. Dans la période d’austérité budgétaire que nous traversons, les dotations de la mission « Immigration, asile, intégration » devraient progresser de plus de 12 % par rapport aux prévisions pour 2011. Les crédits atteindraient ainsi 632 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, auxquels s’ajoutent environ 160 millions d’euros mobilisés par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) au-delà des financements qu’il reçoit du budget de l’État. L’ensemble des moyens consacrés par plusieurs ministères à la politique de l’immigration représente au total un peu plus de 4,3 milliards d’euros en 2012

Quant à la mission, l’augmentation de ses moyens correspond pour près de 120 % à un rebasage nécessaire des crédits d’asile, régulièrement dépassés par la croissance forte et continue de la demande.

Le budget pour 2012 prolonge le renfort accordé à l’OFPRA, qui instruit les demandes d’asile, en maintenant l’emploi de 30 officiers de protection supplémentaires jusqu’au 15 décembre au lieu du 30 juin pour déstocker les dossiers en instance prolongée – on en compte encore 14 000 en septembre 2011. Il prévoit également le recrutement de nouveaux rapporteurs pour la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), dont le nombre aura déjà presque doublé depuis la fin 2010. Ces dispositions ont été prises afin de réduire les délais de traitement des demandes d’asile, qui ont dérivé, sous les afflux massifs de ces dernières années, pour atteindre en moyenne plus de 20 mois. Cela retarde la reconnaissance de situations qui justifient une protection et pèse lourdement sur les dépenses de prise en charge des demandeurs. Au rythme actuel des demandes d’asile, le renfort accordé à l’OFPRA ne lui permettra cependant de commencer à résorber son stock qu’à compter du milieu de l’année prochaine – à condition que la demande ne s’accélère pas encore. En attendant, les délais de traitement continuent à s’allonger.

Par ailleurs, l’activité de la CNDA ayant fortement augmenté grâce au doublement de ses équipes, mais aussi du fait de la hausse du nombre des décisions prises par l’OFPRA, cela nécessite une plus grande mobilisation des moyens de défense de l’Office devant la Cour. Or, celui-ci dit avoir atteint ses limites.

Ne serait-il pas dès lors envisageable d’accroître un peu plus ses moyens pour accélérer la reconquête du stock des dossiers en instance et maintenir sa capacité à accompagner les contentieux ? Ne faudrait-il pas pérenniser une partie an moins de ces renforts pour tenir compte d’une demande d’asile qui apparaît durablement soutenue ?

En second lieu, on assiste à une augmentation non négligeable du nombre des dossiers enregistrés dans les DOM-COM, qui étaient 2 541 en 2010 et atteignaient déjà le nombre de 1 680 à la fin du premier semestre de 2011. La pression serait particulièrement sensible à Mayotte et en Guyane. Quels moyens mettez-vous en œuvre pour que l’éloignement géographique n’aggrave pas les délais d’instruction de ces demandes ? Accessoirement, pouvez-vous préciser les délais moyens constatés à ce jour et le nombre des dossiers en instance ?

Ma troisième question concerne les dotations allouées aux dispositifs d’hébergement d’urgence et à l’allocation temporaire d’attente (ATA) dont peuvent bénéficier les demandeurs d’asile qui n’ont pu avoir accès aux centres d’accueil des demandeurs d’asile (CADA). Elles sont substantiellement rebasées par le projet de loi de finances pour 2012, avec une augmentation de 127 %, soit près de 91 millions d’euros, pour l’hébergement d’urgence, et de 66 %, soit presque 90 millions, pour l’ATA. Malgré cet effort budgétaire, les prévisions s’inscrivent très en deçà des consommations constatées en 2011 : les dépenses d’hébergement d’urgence financées par le programme 303 de la mission pourraient atteindre 135 millions et celles relevant de l’ATA, 137 millions, hors report de charges de 2010 sur 2011. Le différentiel est conséquent, malgré les économies attendues à tous les niveaux du dispositif.

Comment espérez-vous contenir ces dépenses au niveau proposé pour 2012, notamment pour ce qui concerne les nuitées hôtelières ? Comment sera financé le reliquat de 130 millions de prestations de l’ATA avancées par Pôle emploi ?

Quatrième question. Pour simplifier et accélérer cette étape, la compétence du traitement de l’admission au séjour des demandeurs d’asile a été donnée aux préfets du département chef-lieu de la région, ce qui en fait l’unique porte d’entrée de la région. Les modalités du premier accueil et de l’accompagnement des demandeurs d’asile ont été réformées en conséquence en adossant des plates-formes uniques à ces départements « points d’entrée ». Cette réorganisation a cependant favorisé une concentration des populations concernées sur lesdits départements, dont certains se sont trouvés débordés par les besoins de prise en charge sur leur territoire. Une circulaire du 24 mai 2011 a donc engagé les préfets de ces points d’entrée à « impulser des mécanismes de mutualisation de l’ensemble des capacités d’hébergement des demandeurs d’asile (...) afin de les répartir de manière équilibrée entre les départements d’une même région ».

J’ai personnellement constaté, à l’occasion de diverses rencontres, que cette régionalisation de la prise en charge est loin d’être aboutie – voire concrètement engagée. Je relève par ailleurs que le pourcentage des orientations vers les CADA effectuées au niveau national pour soulager les territoires les plus chargés est en diminution entre 2010 et 2011, alors que c’est le seul mécanisme permettant une péréquation interrégionale.

Quelles mesures prendrez-vous pour réaliser une véritable mutualisation de l’ensemble des capacités d’accueil des demandeurs d’asile, tant pour les places de CADA que pour les dispositifs d’hébergement d’urgence dédiés ? Comment pourrait-on mobiliser l’ensemble du territoire national en vue d’une répartition plus équilibrée de la prise en charge, quels que soient les points d’entrée ?

En cinquième lieu, le dispositif d’aide au retour volontaire tel qu’il est conçu, a été accepté comme une alternative par un tiers environ des personnes faisant l’objet d’une décision d’éloignement du territoire. Il apparaît cependant que les deux tiers des bénéficiaires en 2010 et plus de la moitié encore au premier semestre 2011 sont des ressortissants communautaires, qui pourront de plein droit revenir en France. On peut donc s’interroger sur l’efficacité d’une aide qui ne favorise en rien le retour durable dans le pays d’origine.

Comment l’utilisation de ces fonds pourrait-elle être optimisée ? Ne devrait-on pas les employer plutôt à des actions d’insertion, ou les réorienter vers les actions développées dans le cadre des accords relatifs à la gestion concertée des flux migratoires et au développement solidaire ?

Où en est, par ailleurs, la mise en place d’un régime européen commun du droit d’asile ?

Enfin, à quel niveau se situe la France en matière de prise en charge des demandeurs d’asile ?

M. Philippe Cochet, rapporteur pour avis de la Commission des affaires étrangères. Ayant assisté il y a quatre ans, en ma qualité de rapporteur pour avis de la Commission des affaires étrangères, à la création de la mission « Immigration, asile et intégration », je me réjouis des effets positifs de cette initiative et des progrès réalisés au cours des dernières années.

Il est vrai que l’augmentation de près de 50 % de la demande d’asile entre 2008 et 2010 a en partie caché l’amélioration très nette de l’efficacité de l’OFPRA et de la Cour nationale du droit d’asile mais, sans les progrès considérables réalisés, le système n’aurait pas supporté cette hausse de la demande.

L’asile n’est d’ailleurs pas le seul domaine où les choses se soient améliorées. Les nombreuses réformes réalisées par le Conseil de modernisation des politiques publiques dans les domaines d’action du Secrétariat général à l’immigration et à l’intégration sont déjà presque intégralement mises en œuvre.

Ma première question porte sur l’OFPRA : afin de lui permettre de réduire les stocks constitués en 2009 et 2010, il a été autorisé à recruter trente officiers de protection contractuels pour dix-huit mois à compter du 1er janvier 2011. La demande d’asile étant restée très dynamique cette année, il est prévu que ces contrats puissent être prolongés jusqu’à la mi-décembre 2012. Votre ministère a complété directement cet effort au moyen de dix agents supplémentaires depuis février dernier.

Le directeur général de l’OFPRA nous a indiqué que de nouveaux arbitrages venaient d’être rendus, qui lui permettraient de maintenir son plafond d’emplois à 440 équivalents temps plein (ETP) fin 2012 – alors qu’il aurait dû retomber à 410 –, et même à recruter des personnes supplémentaires. Comment le financement de ces postes sera-t-il assuré, alors que la subvention pour charges de service public de 34,35 millions inscrite au budget 2012 semblait à peine suffisante ?

Ma deuxième question concerne les aides au retour. Cet été, vous avez relevé de 28 à 30 000 l’objectif du nombre d’éloignements exécutés en 2011, en préconisant un recours plus fréquent aux retours volontaires, aidés par l’OFII. Vous avez notamment souhaité que cette solution soit systématiquement proposée aux déboutés du droit d’asile dans les centres d’accueil. Avez-vous pu observer les premiers effets de cette nouvelle orientation ? Le niveau des aides financières au retour vous paraît-il optimal ?

Ma dernière question porte sur les conditions de fonctionnement des nouveaux centres de rétention du Mesnil-Amelot, que j’ai visités début octobre. La fermeture de l’ancien centre de rétention administrative (CRA), devenu vétuste, et la construction d’une nouvelle structure – en l’espèce, ce sont d’ailleurs deux structures qui ont été construites – étaient nécessaires. Les nouveaux centres semblent bien conçus ; ils offrent toutes les garanties nécessaires aux personnes retenues, et de bonnes conditions de travail aux policiers.

Le CRA n° 2 a ouvert début août, le CRA n° 3 à la mi-septembre, avec un certain retard dû à des malfaçons et des choix malheureux. Leur bon fonctionnement se heurte néanmoins à des difficultés de trois types.

D’abord, l’hôpital de Meaux n’ayant pas été en mesure de fournir une seconde équipe médicale, celle du CRA n° 2 doit assurer aussi la prise en charge sanitaire des retenus du CRA n° 3, de sorte que les deux centres ne peuvent pas fonctionner à plus de la moitié de leur capacité. Quand ce problème sera-t-il résolu ?

Par ailleurs, deux salles d’audience ont été aménagées à quelques centaines de mètres des CRA, mais elles ne sont pas encore en service. C’est que le ministère de la justice ne veut pas, semble-t-il, assumer le coût de fonctionnement, bien qu’il s’agisse d’une antenne du tribunal de grande instance de Meaux. Ce problème est-il en voie de résolution ? Cache-t-il d’autres réticences, comme on en connaît par exemple à Roissy, où la salle d’audience de la zone d’attente n’a jamais été utilisée et devra être largement modifiée ?

Enfin, la Cimade, qui assure la mission d’aide à l’exercice des droits des retenus au CRA n° 2, a refusé de remplir cette fonction au CRA n° 3. Une solution temporaire a été trouvée, qui a consisté à réquisitionner le barreau de Meaux. Un nouvel appel d’offres a été lancé pour le lot constitué par les deux centres du Mesnil-Amelot. Le barreau de Meaux et la Cimade ont présenté des propositions : avez-vous choisi ? Le recours à des avocats, qui est une procédure inédite, a-t-il donné des résultats satisfaisants ? Si tant est que cette formule soit adoptée, pourra-t-elle être mise en place sur l’ensemble du territoire ?

M. Éric Diard, rapporteur pour avis de la Commission des lois. Ce budget démontre que le Gouvernement sait concilier les efforts nécessaires au redressement des finances de l’État avec la revalorisation des moyens indispensable pour atteindre ses priorités.

L’an prochain, les dotations consacrées à la mission « Immigration, asile et intégration » progresseront de plus de 12 %, ce qui est remarquable dans un contexte budgétaire aussi contraint. Cette augmentation résulte principalement, d’une part, de la revalorisation indispensable des crédits alloués à l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile et à l’allocation temporaire d’attente ; et d’autre part, de recrutements destinés à renforcer les moyens de l’OFPRA et de la CNDA. Ceux-ci continueront ainsi de bénéficier du concours de 30 officiers de protection supplémentaires en 2012, et le nombre de rapporteurs à la Cour aura doublé en deux ans, passant de 70 en 2009 à 135 à la fin de cette année, auxquels s’ajouteront encore 15 rapporteurs en 2012. Je me félicite de ces efforts : si la demande d’asile ne recule pas en 2012, seule la réduction des délais d’instruction permettra de maîtriser les dépenses liées à l’accueil des demandeurs.

La France reste ainsi fidèle à sa tradition d’accueil et d’intégration. Dans le même temps, elle fait preuve de fermeté dans la lutte contre l’immigration clandestine. Les résultats dans ce domaine sont positifs, comme le démontre notamment la hausse du nombre d’éloignements effectifs, qui pourrait atteindre le nombre record de 30 000 cette année.

Le contrat d’accueil et d’intégration, qui a permis la mise en place de parcours d’intégration individualisés, et sa généralisation depuis la fin de 2006, est un succès. Les crédits qui lui sont consacrés ont logiquement augmenté. Néanmoins, ne faudrait-il pas réserver le bénéfice du bilan de compétences aux étrangers qui ont manifesté le souhait de travailler ? Pour les 39 % de bénéficiaires de ce bilan qui ne souhaitent pas travailler, il s’agit peut-être d’une dépense inutile.

Par ailleurs, le fait que les demandes d’asile adressées à la France se poursuivent, faisant de notre pays le deuxième pays d’accueil derrière les États-Unis, alors que la demande d’asile tend à baisser au niveau mondial, n’est-il pas le signe d’une attractivité supérieure de notre pays liée peut-être à la durée de nos procédures d’instruction ? Dans ces conditions, ne serait-il pas souhaitable d’accorder, dans votre action, la même priorité et la même visibilité à la réduction des délais d’examen des demandes d’asile qu’aux éloignements effectifs ? La réduction des délais me semble en effet essentielle : tout en permettant au demandeur de bonne foi de bénéficier d’une décision rapide qui le place sous la protection de l’État, elle permet aussi de maîtriser les dépenses liées à l’accueil des demandeurs et, à terme, de réduire l’attractivité de notre pays pour des filières qui détournent la procédure d’asile à leur profit.

S’agissant enfin de l’éloignement, pouvez-vous nous donner une évaluation des premiers effets de la réforme du contentieux de l’éloignement opérée par la loi du 16 juin 2011, entrée en vigueur le 18 juillet dernier ?

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Vous l’avez noté, madame Pavy, les crédits sont en augmentation, ce qui s’explique notamment par le fait que les dotations allouées à l’allocation temporaire d’attente sont rebasées par le projet de loi de finances. En outre, dans le cadre d’un projet de loi de finances rectificative, le Parlement devra se prononcer sur le versement à Pôle emploi des 120 millions qui ont été annoncés pour cette politique. Par ailleurs, nous mettons en place certains moyens techniques de gestion afin de rationaliser les coûts des CADA ou des CHRS, lesquels sont très différents selon les structures. Il n’est évidemment pas exclu que nous rencontrions des difficultés d’exécution, mais nous les traiterons comme à l’habitude. L’État finit toujours par payer ce qu’il doit !

L’ancien CRA du Mesnil-Amelot a été fermé pour être modernisé, mais deux nouveaux centres ont été ouverts respectivement en août et en septembre. La Cimade a accepté de s’occuper du CRA 2, mais pas du CRA 3 qui a été confié, par convention, au barreau de Meaux pour une période de trois mois. Il faudra évidemment trouver une solution pérenne à ces difficultés de gestion.

La circulaire du 24 mai 2011 a pour objet d’assurer une meilleure répartition sur le territoire des demandeurs d’asile. Il sera désormais possible d’avoir des domiciliations dans tous les départements, mais nous devons affirmer la règle selon laquelle c’est aux pouvoirs publics de répartir les demandeurs d’asile, de façon équilibrée, en fonction des disponibilités. Nous éviterons ainsi les regroupements par affinités qui affectent certains départements plus que d’autres.

Cela dit, le problème est d’abord celui de la masse des demandeurs d’asile. Nous assistons, en effet, à un phénomène très préoccupant et je pense, comme Éric Diard, que les imperfections de notre système rendent attractive la demande d’asile chez nous. Du fait de la longueur des délais de réponse – ils étaient encore de deux ans au premier semestre –, les demandeurs d’asile ont le temps de s’installer sur notre territoire. Et il est plus facile de reconduire ceux qui sont déboutés dans leur pays d’origine au terme de quelques mois qu’après deux ou trois ans passés ici. Nous devons régler cette situation. C’est pourquoi, après avoir augmenté de trente unités les effectifs de l’OFPRA et de la CNDA l’année dernière, le Gouvernement vous proposera un amendement visant à créer soixante emplois supplémentaires – dont une moitié servira à pérenniser les trente emplois de l’année dernière, l’autre moitié sera répartie entre l’OFPRA et la CNDA.

S’agissant des délais, le vice-président du Conseil d’Etat, qui assure la tutelle juridique de l’OFPRA et de la CNDA, m’a récemment assuré que, au milieu de l’année 2012, le total des délais requis par ces deux institutions serait inférieur à un an, ce qui nous placerait dans une situation comparable à celle des pays européens les plus performants. Je note que les pays les plus sollicités par les demandeurs d’asile sont évidemment ceux qui ont des délais longs. Durant les neuf premiers mois de cette année, le nombre des demandes d’asile a encore augmenté de 11 %. Cette situation remet en cause le droit d’asile lui-même. L’Union européenne en convient, et elle proposera, en 2012, une harmonisation des règles en la matière. C’est aussi l’opinion du Haut commissaire des Nations unies pour les réfugiés, M. Guterres, qui constate que l’afflux des demandes porte préjudice à ceux qui ont de vraies raisons de demander le droit d’asile. Celui-ci est trop souvent détourné pour constituer un canal d’immigration.

Afin de rationaliser les procédures, nous allons, avec le ministre des affaires étrangères, augmenter le nombre des pays dits sûrs. Le pouvoir de décision en la matière appartient au conseil d’administration de l’OFPRA, mais nous sommes à sa disposition pour lui fournir tous les éléments sur les pays dont nous suggérons qu’ils soient reconnus comme sûrs.

Le nombre de demandes d’asile augmente fortement outre-mer – 30 % environ cette année. En Guyane, les demandeurs sont surtout des Péruviens, des Equatoriens, des Haïtiens, et à Mayotte, principalement des Comoriens et des Malgaches. L’OFPRA se rend régulièrement en Guyane et à Mayotte. Quant à la CNDA, elle compte utiliser prochainement les nouveaux outils prévus par la loi du 16 juin dernier, la visio-conférence notamment, pour accélérer l’examen des dossiers.

M. Jean-Claude Guibal. La mission « Immigration, asile et intégration » se compose de deux programmes : le programme 303 « Immigration et asile » et le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française ». Cette mission est dotée de 632 millions de crédits, en augmentation de 12,1 % pour ce qui concerne les autorisations d’engagement et de 12,6 % pour les crédits de paiement. Cela devrait permettre de mieux maîtriser les dépenses afférentes, voire de faire des économies sur les budgets à venir.

Le premier axe du programme « Immigration et asile », dont le montant s’établit au total à 560 millions, est la lutte contre l’immigration irrégulière – 85,4 millions en crédits de paiement. L’objectif de 30 000 éloignements réalisés est maintenu.

Par ailleurs, le budget prévoit la poursuite du déploiement des systèmes d’information utiles pour lutter contre l’immigration irrégulière. Ainsi, le système VISABIO, qui permet de savoir si un ressortissant étranger a demandé et obtenu un visa, continuera à être déployé sur le territoire national, dans les services de police et de gendarmerie.

Le chantier de rénovation des centres de rétention administrative sera achevé en 2012. Leur capacité totale sera de 2 063 places en 2012. Des mesures de rationalisation permettront de réaliser des économies dans les dépenses d’escorte des étrangers placés en rétention – je pense à l’utilisation de la visio-conférence pour les présentations devant l’OFPRA.

Le second axe du programme 303 concerne l’accueil des demandeurs d’asile – 408 millions d’euros, dont 80 millions supplémentaires pour l’hébergement et l’allocation d’attente, afin de tenir compte de la hausse de la demande d’asile depuis 2008.

Parallèlement, des mesures sont prises pour réduire les délais de traitement des demandes. Les moyens humains de l’OFPRA et de la CNDA seront renforcés, afin de réduire le délai moyen d’examen des dossiers. On estime qu’une réduction d’un mois de ce délai moyen permet une économie annuelle de 10 à 15 millions sur les dépenses d’accueil des demandeurs.

D’autres mesures permettront de mieux maîtriser l’évolution de la demande d’asile, notamment en dissuadant les demandes infondées. La loi du 16 juin dernier a prévu, par exemple, le traitement selon une procédure particulière des dossiers des demandeurs qui dissimulent des informations à l’administration, ou fournissent sciemment des informations fausses ou tronquées.

Le programme « Intégration et accès à la nationalité française » est doté de 71,6 millions en crédits de paiement. Des mesures ambitieuses sont prévues pour assurer l’intégration des étrangers par la maîtrise de la langue française. Pour la phase de première intégration, d’une durée de cinq ans, le niveau recherché sera calé sur le niveau A1 du référentiel linguistique européen, plus élevé que le niveau actuel. À compter du 1er janvier 2012, on exigera des postulants à la nationalité française le niveau B1, c’est-à-dire celui atteint par un élève à la fin de sa scolarité au collège.

Monsieur le ministre, les budgets inscrits à cette mission ont-ils pour objet de faire face à une demande croissante de la part des migrants, ou au contraire de se donner les moyens de mieux maîtriser cette demande ? Plus généralement, s’inscrivent-ils à terme dans une politique d’évolution de notre code de la nationalité pour mieux prendre en compte les conséquences de la mondialisation sur les flux migratoires ?

Mme Sandrine Mazetier. Comme vous l’avez fait remarquer, madame la présidente, nous n’examinons que moins de 15 % des budgets consacrés à la politique transversale en matière migratoire. Pour le dernier projet de loi de finances de la législature, il eût été plus normal d’examiner l’ensemble de ces budgets !

Je concentrerai mon propos sur quelques points. Sachant que notre temps de parole serait extrêmement limité, j’ai en effet adressé au ministre, la semaine dernière, au nom du groupe socialiste, une série de questions.

Monsieur le ministre, quel est le coût du caractère erratique de la politique que vous menez depuis le début de la législature ? En 2007, était créé un ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du co-développement, qui a été absorbé, en fin d’année dernière, par le ministère de l’intérieur. Entre temps a été créé un ministère d’état major, avec des fonctionnaires de catégorie A, ce qui pèse sur les finances publiques. Il reste des traces du ministère de l’immigration d’ailleurs, puisque le ministère de l’intérieur est aujourd’hui le seul à disposer de deux secrétaires généraux.

Dans la lettre de mission adressée au ministre de l’immigration en 2007, il était rappelé que le cœur du projet présidentiel en la matière était de reconnaître l’intérêt pour la France et pour les pays d’origine d’autoriser un certain nombre d’immigrés à s’installer en France. Quant à votre prédécesseur, M. Hortefeux, on lui donnait pour objectif de faire en sorte que l’immigration économique représente 50 % du flux total des entrées à fin d’installation durable en France. Malgré les moyens impartis et l’affichage donné à cette politique, jamais ce taux n’a été atteint durant la législature. Au printemps dernier, vous avez donc unilatéralement décidé, monsieur le ministre, de baisser le nombre de titres de séjour pour motif professionnel – sans consulter ni la ministre de l’économie de l’époque, qui s’en était émue, ni le ministre de l’emploi, ni les partenaires sociaux. Je ne vois d’ailleurs pas très bien en quoi une telle décision pourrait limiter les flux qui sont restés constants durant la législature. L’immigration familiale serait-elle désormais privilégiée ? Nous n’avons rien contre, mais si tel est le cas, assumez-le clairement !

J’en viens au coût erratique des messages contradictoires que vous adressez. Dans la politique transversale, un peu plus de 4 milliards d’euros sont consacrés à la politique migratoire, dont près de 2 milliards affectés à l’accueil et la formation des étudiants étrangers. Or, au printemps dernier, vous avez publié une circulaire empêchant les étudiants étrangers de travailler à l’issue de leurs études – je rappelle que plus de 40 % des étudiants en doctorat sont étrangers. La Conférence des présidents d’université, les grandes écoles et plusieurs grands employeurs se sont élevés contre cette circulaire.

Je voudrais aussi vous interroger sur le coût systématiquement minoré de votre politique d’éloignement. Dans le projet annuel de performances que vous nous présentez, le coût unitaire d’un éloignement est estimé à un peu plus de 1 300 euros, alors qu’il est évalué à dix fois plus dans un rapport de l’Inspection générale de l’administration, qui dépend pourtant de vous, et à vingt fois plus par la Commission des finances du Sénat, du temps où celui-ci avait encore une majorité de droite.

Je terminerai par la non-prise en compte de l’impact de la loi du 16 juin relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité. Dans la mesure où cette loi allonge la durée de rétention, nous devrions observer une augmentation du budget d’accompagnement social, des dépenses sanitaires et de prise en charge de la santé des personnes retenues.

Je veux enfin souligner qu’il est désastreux que le temps de parole des intervenants soit limité à deux minutes pour ce dernier budget de la législature. Cela ne me semble pas de nature à éclairer ni la représentation nationale ni les Français !

Mme Béatrice Pavy, présidente. Vous avez pris six minutes.

M. Michel Hunault. Monsieur le ministre, ma question portera sur les moyens mis en œuvre pour lutter contre les filières d’immigration clandestine. Les trafics en tous genres prospèrent sur le dos de populations entières. Comment envisagez-vous de renforcer la lutte contre ces filières non seulement au plan national, mais également au plan européen car le problème dépasse largement le cadre de la France ?

M. Patrick Braouezec. Je déplore que nous examinions ces crédits en commission élargie, alors qu’une séance se tient dans l’hémicycle.

Si le projet de budget pour 2012 témoigne d’un effort de transparence, cela ne signifie pas pour autant une hausse réelle des crédits consacrés à l’asile et ne peut cacher une réalité beaucoup moins satisfaisante. Le budget consacré à l’asile passe de 296 millions en 2011 à 376 en 2012, soit 80 millions en plus. Mais si l’on analyse le budget 2010, on constate que cette augmentation ne permettra pas de traiter correctement les problèmes spécifiques à l’asile. En effet, la différence entre les crédits votés dans le budget 2010 et les 410 millions de crédits effectivement consommés est de 124,6 millions. L’augmentation de 80 millions n’est donc qu’un effet d’annonce de plus. Elle ne concerne que les prévisions budgétaires, et non les crédits réellement consacrés à l’accueil des demandeurs d’asile. Les associations intervenant dans ce domaine ne cessent d’ailleurs d’alerter les pouvoirs publics sur le nombre de demandeurs d’asile qui rejoignent les personnes à la rue, sans cesse plus nombreuses.

Pourquoi le ministère, qui admet que le CADA est le dispositif le mieux adapté aux personnes en quête de protection, entérine-t-il une baisse réelle du budget consacré aux CADA, et cela derrière une augmentation toute relative des budgets alloués aux mesures d’urgence ? Ce projet de loi de finances prévoit une nouvelle diminution des crédits CADA de près de 5 millions d’euros, après une baisse de 4 millions en 2011. Cette baisse aura des incidences sur les missions premières des CADA, elle touchera l’hébergement et l’accompagnement des demandeurs d’asile, ainsi que l’emploi qui, avec le nouveau taux d’encadrement, enregistrera la suppression de 500 à 700 ETP.

Des suppressions avaient déjà eu lieu, s’agissant des postes d’accompagnement dans les dispositifs d’hébergement d’urgence. Le texte prévoit un ETP pour dix à quinze résidents, au lieu de un pour dix résidents. De même, la part des personnels socio-éducatifs diminue.

Pour faire baisser le nombre des demandes d’asile, la tentation est grande de dissuader les étrangers d’en déposer une. Pour ce faire, en amont de l’OFPRA et de la CNDA, les préfets jouent un rôle important. En effet, les demandeurs d’asile doivent obligatoirement se rendre dans les préfectures pour faire enregistrer leur demande. Tous les préfets ne sont pas forcément compétents pour cette tâche, et des débordements ont eu lieu. Expérimentée d’abord dans deux régions, puis étendue à dix-sept autres, la « régionalisation » de l’admission au séjour consiste à confier à un ou à deux préfets la compétence d’autoriser ou non les demandeurs d’asile à séjourner dans une région donnée. Cela a pour conséquence de rallonger le délai et de placer les demandeurs d’asile dans des situations inégalitaires. Pourquoi cette réforme s’est-elle faite à effectifs constants ?

S’agissant de l’action 01 du programme 303, « Circulation des étrangers et politique des visas », il semble que le Gouvernement ait trouvé là le moyen de récupérer de l’argent sur le dos des migrants. Ainsi le montant du droit de visa de régularisation est-il passé de 220 euros à 340 euros pour « renforcer son caractère pédagogique » ! Mais le but réel est le financement de ce budget par les migrants eux-mêmes.

J’en viens au programme 104 : « Intégration et accès à la nationalité française ». Ǎ partir du 1er janvier 2012, les étrangers qui souhaiteront déposer une demande de naturalisation, par décret ou par mariage, devront faire concrètement la preuve qu’ils ont, à l’oral, une maîtrise de la langue française équivalente à celle d’une personne ayant été scolarisée jusqu’en fin de classe de troisième. Je vous renvoie, monsieur le ministre, au débat que nous avons eu récemment sur une télévision. Mais combien de nationaux n’ont pas aujourd’hui le niveau de troisième ! Ce nouveau dispositif aura un fort impact réducteur, et il commencera par exclure tous ceux, et surtout toutes celles, qui n’ont pas, ou peu, été scolarisés dans leur pays d’origine.

Je rappelle que le taux d’acceptation des demandes de naturalisation est certainement déjà tombé en dessous des 50 % alors qu’il était au-dessus de 70 % en moyenne ces trente dernières années.

Mme Béatrice Pavy, présidente. Avant d’entendre la réponse de M. le ministre aux orateurs des groupes, je tiens à préciser que les temps de parole ont été fixés en Conférence des présidents et que personne n’a manifesté son désaccord à ce moment-là. Quant à moi, je dois faire respecter cette organisation.

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Je voudrais commencer par corriger un oubli : j’ai omis tout à l’heure de répondre à M. Diard sur les questions d’éloignement. La loi relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, que vous avez votée cette année, permet en effet de reconduire plus facilement à la frontière les personnes en situation irrégulière. C’était d’ailleurs l’un des buts recherchés. J’ai ainsi fait passer à 30 000 l’objectif de 28 000 reconduites à la frontière, qui avait été fixé par mon prédécesseur, et si le rythme est maintenu au cours des mois qui viennent, nous aurons reconduit cette année dans leur pays d’origine 30 000 étrangers se trouvant chez nous en situation irrégulière.

Aux orateurs de gauche qui ont proposé des dépenses supplémentaires, je rappelle que le Gouvernement tient à la maîtrise des finances publiques et développe tous les moyens permettant de rationaliser la dépense, de la limiter à ce qui est nécessaire.

Mme Sandrine Mazetier. Deux secrétaires généraux pour un ministère, est-ce une économie !

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Je vous répondrai tout à l’heure.

M. Guibal a évoqué l’intérêt de VISABIO. Cette année, 50 % des visas sont biométrisés et vingt-deux consulats supplémentaires seront en mesure de distribuer des visas avec biométrie. Pour vérifier notamment si les personnes détentrices de visas sont bien celles auxquelles ils ont été accordés, 150 bornes de lecture ont été installées dans les différents services de police sur l’ensemble du territoire.

Vous êtes revenu sur l’importante question de l’hébergement. Je précise qu’entre le 10 octobre et le 10 novembre, l’OFII se rend systématiquement dans les CADA afin d’inciter les personnes déboutées de leur demande de droit d’asile à rentrer volontairement dans leur pays d’origine. Le même travail sera fait dans les CHRS de la région Île-de-France au cours du prochain mois de décembre.

S’agissant de la maîtrise du français, le Gouvernement renforce ses exigences. Des critiques ont été exprimées : quitte à passer pour un naïf, je trouve normal que quelqu’un qui prétend à la nationalité française sache parler français. Il est également important que les personnes venant chez nous pour une durée variable soient en possession d’un minimum de connaissances – différents niveaux sont envisagés. Ce sera le moyen pour elles de réussir leur insertion et celle de leurs enfants dans notre société.

Vous vouliez savoir, monsieur Guibal, si cette décision relevait d’une politique volontariste de l’État. Oui, le Gouvernement souhaite que les personnes immigrées se trouvant sur notre sol s’intègrent mieux et soient en mesure d’adopter nos règles, nos coutumes, notre façon de vivre. Je rappelle que près d’un quart des étrangers non ressortissants de l’Union européenne se trouvant dans notre pays sont actuellement au chômage, notamment parce qu’ils ne peuvent pas s’adapter facilement aux métiers même si un certain nombre d’actions sont conduites, y compris avec des soutiens financiers de la part du ministère de l’intérieur.

Madame Mazetier, vous avez dénoncé le coût de notre politique en matière d’immigration, celui-ci tenant, selon vous, à son caractère erratique. C’est vrai, nous avons deux secrétariats généraux. Vous devriez néanmoins vous féliciter que la structure ministérielle ait été simplifiée car cela permet d’économiser trente emplois. Le secrétariat général à l’immigration et à l’intégration est en fait une sorte de direction générale réunissant deux directions se consacrant l’une à l’immigration et à l’intégration, l’autre traitant du budget, de la gestion des ressources humaines et de l’organisation territoriale. Je vois mal comment nous pourrions nous passer de cette structure qui a fait ses preuves.

Vous avez par ailleurs dénoncé notre décision de réduire l’immigration de travail. Cette décision n’est pas aussi unilatérale que vous le prétendez. C’est un décret pris conjointement avec le ministre du travail, qui a réduit le nombre des secteurs d’activité en tension. En outre, ce décret a été soumis à l’appréciation des organisations syndicales qui ont pu faire valoir leur point de vue.

M. Alain Vidalies. Même le MEDEF était contre !

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Le MEDEF appréciera que vous preniez ses avis en compte. Mais la Fédération du bâtiment a confirmé qu’il était plus facile aujourd’hui de trouver sur le territoire les personnes dont elle avait besoin. Pourquoi devrions-nous importer des chômeurs ? Nous avons déjà 2,7 millions de demandeurs d’emploi et, chaque année, 110 000 actifs supplémentaires arrivent sur le marché du travail. Et nous avons les moyens d’ajuster l’offre à la demande : j’ai récemment visité, dans l’Oise, un centre de formation performant, qui faisait la démonstration qu’un demandeur d’emploi pouvait être réorienté vers un autre métier, le maîtriser et redémarrer ainsi dans la vie professionnelle.

S’agissant des étudiants et de la circulaire que j’ai co-signée avec Xavier Bertrand, je veux être très clair. L’arrivée d’étudiants est un élément important de l’immigration légale : cela représente 60 000 autorisations de séjour. La France est fière d’accueillir des étudiants qui viennent se former chez elle, de leur ouvrir l’accès à sa culture. Cela étant, les étudiants doivent étudier. Il n’est pas acceptable que les études fournissent un prétexte pour arriver de façon clandestine sur le marché du travail. Cela nous a conduits – c’est l’objet d’une circulaire conjointe avec le ministre de l’enseignement supérieur et le ministre des affaires étrangères – à rationaliser les relations avec les universités étrangères et à privilégier les formations de niveau supérieur, master ou doctorat. Cette circulaire a été contestée par un certain nombre de directeurs de grandes écoles et de présidents d’université. Il est vrai que des problèmes se sont posés : nous les réglons de façon pragmatique. Et, contrairement à ce que vous tentez de faire croire, il n’y a pas de diminution du nombre de passages du statut d’étudiant à celui de travailleur salarié – ce nombre a augmenté au contraire de 1 500 cette année.

Du reste, la fameuse circulaire ne fait que paraphraser, voire reproduire, une loi de la République datant de 2006, qui dispose que les étudiants étrangers auront le droit, au terme de leurs études, d’avoir un emploi pendant six mois afin de se familiariser avec la pratique professionnelle qui correspond à leur formation, cet emploi pouvant être pérennisé. Pour autant, la France n’entend pas siphonner les élites des pays en voie de développement. Après la polémique que certains ont cru bon de développer, j’ai d’ailleurs reçu un nombre important de messages d’encouragement de la part d’étudiants ou de professionnels étrangers me demandant de tenir bon.

S’agissant du coût de la politique d’éloignement, les deux milliards que vous avez mis en avant n’ont aucun fondement. Le coût réel est de l’ordre de 400 millions.

Mme Sandrine Mazetier. Ces deux milliards figurent dans le programme 150 au titre de l’accueil et de la formation d’étudiants étrangers. Or, la circulaire du 31 mai contredit cet objectif.

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Le coût individuel d’une reconduite forcée est de l’ordre de 6 000 euros, tandis que celui d’un départ volontaire est moins onéreux. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous essayons, avec l’OFII d’encourager les départs.

Vous avez ensuite évoqué l’insuffisance, selon vous, des crédits destinés aux centres de rétention, au motif que la durée de rétention a été portée de 32 à 45 jours. Je le répète, 45 jours est le délai maximal qui n’est utilisé que sous le contrôle du juge. Une autorisation du juge est d’ailleurs nécessaire pour aller au-delà de cinq jours. La durée moyenne de séjour reste de neuf à dix jours. Nous avons simplement voulu disposer du temps nécessaire pour délivrer les laissez-passer consulaires dans les pays insuffisamment organisés sur le plan de l’état civil.

M. Hunault a justement insisté sur la nécessité de lutter contre les filières de l’immigration. Ce sont en effet des filières criminelles ; et souvent à plusieurs titres : il y a l’introduction clandestine de personnes sur le territoire, et les sujétions imposées à ces personnes ensuite. Les opérations menées par la police ou la gendarmerie mettent souvent un terme à des situations insupportables. À Strasbourg, une filière organisait la vente de jeunes filles : 120 000 euros si elles étaient suffisamment habiles pour cambrioler, avec obligation pour elles de rembourser le prix de l’achat en un an !

Cette cruauté justifie qu’on se consacre avec beaucoup de vigueur à la lutte contre ces filières. En un an, les interpellations de passeurs et le démantèlement de filières ont augmenté de 10 % : 5 800 passeurs ont été interpellés et 183 filières démantelées.

M. Braouezec a regretté que les budgets destinés aux CADA soient en diminution. C’est parce que nous nous efforçons de rationaliser : le nombre de places demeure identique. Il reste que les CADA sont insuffisants pour accueillir tous les demandeurs d’asile et que les CHRS doivent prendre le relais, ce qui ne va pas sans poser de problèmes pour l’accueil de populations relevant traditionnellement de ces structures.

M. François Rochebloine, vice-président de la Commission des affaires étrangères. À combien estimez-vous, monsieur le ministre, le nombre de personnes en situation irrégulière sur notre territoire ? De quels pays viennent-elles ?

S’agissant de l’aide au retour, on sait que les Roms qui en font la demande ont tendance à revenir très rapidement en France. Quel est votre sentiment ?

M. Jacques Valax. Vous avez indiqué que les demandes d’asile dans leur ensemble avaient augmenté d’environ 11 %. Or, les chiffres figurant dans le rapport font apparaître que les délais de traitement allaient augmenter en 2012 de 40 % – 130 jours contre 90 jours il y a deux ans et 125 jours l’année dernière. Comment expliquez-vous cette différence ?

La suppression du ministère de l’immigration permet d’économiser trente postes, nous avez-vous dit. Ne pourrait-on envisager une sorte de transfert puisque l’OFPRA a besoin de personnels supplémentaires ?

M. Jean-Claude Bouchet. Ce rendez-vous annuel est assurément utile, tant les questions de l’immigration, de l’asile de l’intégration préoccupent nos concitoyens.

La France accueille tous les ans de 300 à 400 000 nouveaux arrivants, quelque 200 000 personnes entrant de façon légale et autour de 150 000 de façon illégale. Le seul regroupement familial permet à presque 100 000 inactifs de s’installer durablement en France chaque année.

Dans ces conditions, notre pays doit maîtriser ses coûts migratoires, et cela suppose une lutte sans merci contre l’immigration illégale. Tout pays souverain a le droit de définir les modalités de venue et de résidence de populations étrangères sur son territoire. Les candidats à l’immigration qui ne se conforment pas à nos règles n’ont pas vocation à demeurer en France. Dès lors, nos concitoyens attendent de l’État qu’il s’évertue à faire respecter les règles posées par le législateur, en refoulant les étrangers en situation irrégulière ou en appliquant les décisions d’éloignement les concernant.

Que les étrangers en situation irrégulière aient commis ou non des actes hautement répréhensibles comme ceux qui ont récemment bouleversé l’opinion publique, la France ne doit pas tolérer qu’on bafoue les règles qu’elle a établies en matière d’entrée et de séjour des étrangers.

Grâce à la maîtrise des flux migratoires, nous permettons aux étrangers que nous accueillons de mieux s’intégrer, de s’approprier notre mode de vie et nos valeurs.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer que les crédits de cette mission seront suffisants pour permettre de lutter efficacement contre l’immigration clandestine ?

M. Daniel Goldberg. Mes questions porteront d’abord sur Mayotte, nouveau département français. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner un chiffrage, même approximatif, du budget consacré par notre pays à la lutte contre l’immigration irrégulière à Mayotte ? Mme Isabelle Debré, membre de l’ancienne majorité sénatoriale, l’avait estimé à 70 millions d’euros par an. Par ailleurs, le nouveau centre de rétention administrative devait faire partie des opérations retenues en 2011. Il ne verra finalement le jour qu’en 2014. Des crédits de paiement sont prévus à hauteur de 4 millions d’euros. L’engagement de 2014 sera-t-il tenu ? Dans son rapport, Mme Pavy précise que ce centre sera censé accueillir 60 personnes. Monsieur le ministre, prendrez-vous des engagements en ce sens ? Enfin, quels moyens donnera-t-on aux consulats de Moroni et d’Anjouan pour permettre une immigration de court séjour en direction de Mayotte ? Revoir la politique des visas éviterait les phénomènes déplorables que nous condamnons par ailleurs.

Je souhaiterais également vous interroger sur les procédures de naturalisation. Dans le bleu budgétaire, je note une contradiction entre les chiffres qui sont donnés page 77 et ceux qui figurent page 89 : dans le premier cas, on parle d’un délai de traitement de 331 jours, puis, suivant que les décisions sont favorables ou défavorables, d’un délai de 156 ou de 222 jours. Par ailleurs, il est fait état d’une durée d’examen des dossiers entre le moment où l’on donne le récépissé au demandeur et le jour où la décision est prise. Or, un délai important s’écoule entre le moment où l’étranger souhaite faire sa demande de naturalisation et celui où il peut déposer son dossier. Il faudrait donc mesurer la période qui s’étend entre la déclaration d’intention de l’étranger et la décision – favorable ou non – pour avoir une juste appréciation de cet indicateur. Ce serait intéressant, y compris dans le cadre de la procédure déconcentrée mise en place en 2010.

S’agissant enfin de la lutte contre les filières clandestines et ceux qu’on appelle à présent les facilitateurs – on parlait sous votre prédécesseur d’aidants –, les conjointes qui auront aidé par exemple le père de leurs enfants en situation irrégulière, verront-elles toujours leur demande de naturalisation ajournée ? Seront-elles considérées comme les facilitateurs dont vous venez de dénoncer le comportement ?

M. Bernard Carayon. Le fait de se maintenir de manière irrégulière sur notre territoire constitue un délit horriblement coûteux pour l’ensemble des contribuables. Vous avez estimé à 400 millions, monsieur le ministre, le coût des retours et des reconduites. Il est vrai que les estimations vont de un à neuf en la matière. Pouvez-vous préciser le coût des interpellations, gardes à vue et présentations aux juges, le coût de la rétention en zone d’attente, le coût de la rétention en CRA ou LRA, les surcoûts dus aux recours, le coût des retours forcés ou aidés, les investissements pour les nouveaux locaux, et le coût de fonctionnement des CRA et LRA, qui constituent autant d’éléments du coût global des retours et des reconduites ?

Par ailleurs, quel est le coût relevant de la demande d’asile dans la mesure où un quart seulement des demandes aboutit ? Quel est le coût d’hébergement des déboutés ? Le coût d’investissement pour les demandeurs d’asile ? Le coût des activités de l’Office liées à l’immigration irrégulière ? Les coûts ministériels ? Le coût des plates-formes d’accueil ?

S’agissant des coûts liés au travail illégal, quel est celui des interpellations des étrangers sans titre de travail ? À combien s’élève le montant des amendes pour l’emploi d’étrangers sans titre non recouvrées ?

À combien estime-t-on la fraude à l’identité, qui touche tous les supports documentaires ? Dans les coûts sécuritaires, quelle est la part des frais de personnel liée à la délinquance d’origine étrangère ? Quelle part est imputable à la délinquance d’origine étrangère ?

Enfin, existe-t-il des subventions d’État accordées directement aux associations d’aide aux migrants en situation irrégulière ? Autrement dit, encourage-t-on le recours à des pratiques condamnées par la loi et condamnables par la morale républicaine ?

M. Jean-Pierre Dufau. En 2008, le Gouvernement avait fixé pour objectif l’accueil de 90 % des demandeurs d’asile en CADA pour 2011. Or, cet objectif a dû être revu à la baisse, à 70 % puis à 40 %. C’est l’aveu d’un échec ou d’une mauvaise appréciation. Le nombre de places en CADA est inchangé – 21 689 places. Cela signifie donc que deux tiers des demandeurs d’asile sont exclus des CADA, ce qui pose le problème de l’égalité de l’accès au droit. Vous mettez en avant la politique de rotation dans les places. Mais cela ne peut constituer une réponse à l’engorgement des centres. Face à cette situation, vous réduisez en outre les crédits de 199 à 194 millions, après une baisse équivalente l’année précédente. Drôle de façon de prendre en compte la réalité des faits !

Qualitativement, le décret du 20 juillet 2011 aggrave la situation, puisque vous diminuez le taux d’encadrement des accompagnants des demandeurs d’asile, qui passe de un pour dix à un pour quinze. Les personnels socio-éducatifs passeront à 50 %, contre 60 % antérieurement.

Bref, la politique mise en œuvre est mauvaise, tant quantitativement que qualitativement. Le budget est insuffisant, bien en deçà des objectifs, et très préoccupant quant aux conséquences qu’il aura sur les demandeurs d’asile.

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Monsieur Rochebloine, par définition, on ne peut faire le recensement des irréguliers. Je peux dire cependant que le nombre des bénéficiaires de l’aide médicale d’État s’élève à 210 000. Cela nous donne une indication intéressante, mais non exhaustive. Quant à la proportion de personnes en situation irrégulière quittant notre territoire de façon volontaire avec le bénéfice de l’aide au retour, elle est de l’ordre de 30 %.

Monsieur Valax, l’augmentation de 11 % du nombre des demandeurs d’asile porte sur les neuf premiers mois de l’année 2011 et ne peut donc pas correspondre aux indications figurant sur des documents qui traitent de périodes antérieures.

Monsieur Bouchet, on peut distinguer plusieurs types de regroupements familiaux. Au total, 80 000 personnes bénéficient chaque année d’une procédure ou d’une autre, 50 000 du fait d’un regroupement pour rejoindre un conjoint français, 15 000 pour rejoindre un conjoint étranger installé régulièrement sur notre territoire, et 15 000 au titre des liens personnels et familiaux. S’agissant du regroupement familial, qui permet à des conjoints étrangers de se retrouver sur notre territoire, le législateur a rendu la procédure plus rigoureuse, en prenant en compte notamment la réalité des ressources et les conditions de logement. De ce fait, le nombre des autorisations de séjour à ce titre a diminué en quelques années de 25 000 à 15 000. Pour les autres procédures, nous avons encore des progrès à faire.

Vous m’avez demandé si les crédits prévus pour lutter contre l’immigration illégale étaient suffisants : oui, ils le sont. L’an prochain, l’objectif de reconduite à la frontière de personnes en situation irrégulière sera, comme pour cette année, de l’ordre de 30 000.

Pour répondre à M. Goldberg, qui m’a interrogé sur Mayotte, 5 000 clandestins ont été renvoyés aux Comores en deux ans, ce qui traduit l’importance des flux. Le centre de rétention de Mayotte sera livré avant la fin 2014. Il permettra bien l’hébergement de 60 personnes.

Je ne puis vous répondre dans le détail sur les délais de la naturalisation, n’ayant pas de documents sous les yeux. Je puis cependant vous dire de façon certaine qu’ils se sont beaucoup raccourcis grâce à la procédure déconcentrée.

En ce qui concerne les aidants au regard de l’accès à la nationalité, la pratique est d’ajourner de trois à cinq ans les décisions en vue d’une naturalisation.

Je suis dans l’incapacité de répondre à toutes les questions de M. Carayon, mais je les juge très pertinentes. Il est légitime que la Commission des finances se les pose. Je m’efforcerai de vous apporter des réponses précises. Pour l’heure, je peux vous indiquer que le coût d’une journée de CADA s’élève à 25 euros et celui d’une journée en hébergement d’urgence à 15 euros. Quant à l’allocation temporaire, elle s’élève à 11 euros par jour et par personne.

Mme Béatrice Pavy, présidente. C’est moins cher à Paris qu’en province.

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Je précise que le ministère de l’intérieur n’accorde de subventions qu’à des associations qui gèrent par convention des établissements, qu’il s’agisse de CADA ou de CRA.

Enfin monsieur Dufau, les personnes hébergées en CHRS bénéficient aussi de l’allocation temporaire.

M. Lionnel Luca. Paradoxalement, ma question rejoint celle posée tout à l’heure par Mme Mazetier. Lors de sa campagne électorale, le président de la République avait clairement exprimé sa volonté de limiter le regroupement familial, voire de le réduire, au profit d’une immigration professionnelle. Cette politique a été mise en œuvre comme prévu au début du quinquennat. J’aimerais connaître ses résultats. La décision de réduire l’immigration professionnelle, prise cette année pour les raisons que vous avez rappelées, conduit à s’interroger sur le regroupement familial. N’est-ce pas une relative impossibilité de le réduire qui amène à se retourner contre l’immigration professionnelle ? Vous avez donné le nombre de 80 000 regroupements familiaux. Pensez-vous que l’on puisse en autoriser moins, notamment dans la dernière catégorie, celle des 15 000 personnes qui entrent en France au titre des liens personnels et familiaux, notion qui permet un certain nombre de fraudes ?

M. Étienne Pinte. Ma première question porte sur la circulaire du 31 mai concernant la maîtrise de l’immigration professionnelle, qui concerne en particulier les étudiants. Je reçois moi-même, depuis plusieurs années, des étudiants étrangers. Les uns ont la double nationalité, les autres non. Les premiers pourront donc rester sur le territoire national, mais pas les autres. N’est-ce pas quelque peu absurde ?

Le Québec ne fait pas de distinction entre ces deux catégories de personnes. Je crains donc que les étudiants souhaitant poursuivre leurs études en français ne se détournent de notre pays au profit du Québec, à moins qu’ils ne demandent la double nationalité.

C’est en tant que représentant de notre Assemblée au conseil d’administration de l’OFPRA que je vous poserai ma deuxième question. Il y a actuellement 21 000 places en CADA. Les demandeurs d’asile qui, faute de place, ne peuvent être accueillis dans un CADA le sont en CHRS, en centre d’hébergement d’urgence (CHU) ou à l’hôtel. Il n’est pas acceptable qu’il y ait ainsi deux catégories de demandeurs d’asile – ceux qui peuvent bénéficier d’un accompagnement spécifique dans les CADA et les autres. Le Gouvernement envisage t-il d’augmenter le nombre de places en CADA ?

Mme Béatrice Pavy, présidente. Il me semble que cela rejoint la question de M. Dufau.

M. Jean-Pierre Dufau. En effet. Je ne vous avais pas interrogé sur les CHRS, monsieur le ministre, mais sur les CADA.

M. Alain Vidalies. Permettez-moi de vous interroger, monsieur le ministre, sur la situation des mineurs étrangers. En la matière, il y a beaucoup d’écrits et peu d’actes – mais il est vrai que les réponses sont particulièrement délicates à mettre en œuvre. Un premier problème tient au fait que certaines collectivités locales se retrouvent seules à financer la prise en charge des mineurs étrangers, dont la répartition sur le territoire n’est pas égalitaire. Dans la mesure où cette question se pose à l’ensemble du pays, il appartient à l’Etat d’y apporter une réponse.

Le second problème est celui du traitement de ces enfants étrangers, notamment roumains. La situation juridique n’est plus la même depuis la décision du Conseil constitutionnel : un accord avec la Roumanie avait prévu de raccourcir les délais de procédure, le procureur prenant seul les décisions, sans intervention du juge des enfants ; mais le Conseil constitutionnel a jugé que cela n’était pas conforme à la Convention internationale des droits de l’enfant.

Quelles réponses pouvez-vous nous apporter, tant sur le financement de la protection de ces enfants que sur la nature des démarches entreprises, notamment avec les pays d’origine, pour permettre d’assurer leur retour dans le respect de leurs droits ?

M. Serge Janquin. Je vous interrogerai également sur les migrants mineurs. Il me semble que la question de la détermination de l’âge en cas d’incertitude mérite d’être abordée avec un peu plus d’humanité. Mais je voudrais surtout appeler votre attention sur la charge indue qui pèse sur certaines collectivités locales. Ce n’est pas parce que l’on est point d’entrée, point de sortie ou point de regroupement que l’on doit supporter toute la charge de ces enfants inégalement répartis sur le territoire national. Le président du conseil général du Pas-de-Calais vous a écrit pour vous dire le poids de cette dépense pour le département. Si la « jungle » de Calais a été fermée, elle a essaimé tout le long de l’autoroute À 26, et parmi ces migrants se trouvent un grand nombre d’enfants. Le département ne dispose pas des structures et du personnel suffisants pour les accueillir tous. J’ai cru comprendre que l’Etat entendait assumer cette mission de répartition, mais qu’en même temps, vous nous disiez qu’il fallait se rendre à la raison – ils sont groupés par pays sources. Qu’en est-il exactement ?

En tout état de cause, la prise en charge d’une politique d’Etat relève de la solidarité nationale, ou d’une forme de mutualisation, ou d’une combinaison des deux. On ne peut laisser les collectivités territoriales exposées à des risques financiers imprévisibles. J’attends une réponse précise et des engagements.

M. Henri Plagnol. Vous l’avez dit à plusieurs reprises, une meilleure maîtrise de la langue française est une des conditions d’une meilleure intégration. Le rapport relève des progrès, s’agissant des signataires du contrat d’accueil et d’intégration. C’est ce dispositif qui permet –depuis la loi du 20 novembre 2007 – qu’une formation linguistique soit dispensée aux membres de la famille, notamment aux parents qui bénéficient du regroupement familial. En revanche, bien peu est fait pour les personnes ayant migré avant l’adoption de la loi, si bien que les mères de famille, et surtout les enfants, n’ont pas accès à la langue française quand elle n’est pas leur langue maternelle. Ils arrivent donc à l’école avec un handicap, comme vous l’avez souligné ici même en répondant à une question d’actualité.

Cette question n’est pas du seul ressort de votre ministère. Mais puisque nous butons à la fois sur des problèmes sociaux et sur des problèmes financiers, pourquoi ne pas ériger l’accès des tout-petits – avant l’entrée en maternelle – à l’alphabétisation en langue française en cause nationale, en s’appuyant sur les nombreuses associations qui œuvrent déjà sur le terrain ? La bataille pour l’intégration des enfants est la clé de l’intégration des nouvelles générations.

M. Jean-Paul Lecoq. Vous cherchez, nous dites-vous, à faire la distinction entre vrais et faux étudiants. Pourquoi donc avoir procédé à des contrôles d’identité à l’entrée de l’université du Havre ? Par définition, ce n’est pas à l’université que vous trouverez de faux étudiants ! Je ne comprends pas cette opération, qui a suscité beaucoup d’émoi parmi les professeurs et les étudiants de l’université.

Par ailleurs, j’ai été contrôlé hier après-midi, à la descente de l’avion, rentrant de Tunisie où j’avais participé à la surveillance des élections. Comment sont choisis les avions qui feront l’objet d’un contrôle à la passerelle ? Je suis allé trois fois en Tunisie dans les deux derniers mois : à chaque fois, j’ai été contrôlé de la sorte à mon retour, ce qui ne se produit pas quand je reviens d’un autre pays.

Que deviennent d’ailleurs les personnes qui ne sont pas en situation régulière ? Combien sont-elles ? Comment cela se passe t-il lorsqu’elles souhaitent demander l’asile ?

Enfin, une immigration nouvelle nous arrivera dans les prochaines semaines avec les complices des régimes de Moubarak, Kadhafi ou Ben Ali. Sur quelle base accepterez-vous éventuellement de leur donner l’asile politique ? Certains ont-ils déjà été admis sur le territoire ? C’est évidemment plus facile lorsqu’on a de l’argent, qu’on maîtrise la langue française, voire qu’on possède une résidence en France !

Vous avez insisté sur la lutte contre la traite des êtres humains. Je vous félicite pour le travail qui a été accompli. Les victimes font-elles l’objet d’un traitement particulier par votre ministère ? Si oui, pouvez-vous nous en dire plus ?

M. François Loncle. Il y a en effet un double contrôle à Roissy, et ceux qui reviennent de pays du sud ont été témoins de scènes insupportables. Peut-être sont-elles dues au désordre souvent dénoncé dans la gestion des aéroports de Paris, mais elles donnent une image déplorable de notre pays aux gens qui arrivent pour la première fois en France : des files sont bloquées sur plusieurs dizaines de mètres, parfois sur la passerelle, en pleine chaleur parfois. Du temps de Mme Alliot-Marie, il m’est arrivé de téléphoner au ministère pour débloquer une situation insoutenable.

Il existe une incohérence dans la politique d’accords de gestion concertée des flux migratoires. Certains de ces accords bilatéraux ont été signés avec des pays plus qu’autoritaires, dont les dirigeants spolient leurs peuples –la république du Congo, le Gabon de la famille Bongo ou la Tunisie de M. Ben Ali. Or, vous ne faites pas de différence entre le traitement des pays démocratiques et celui de ces pays où les gens souffrent. Du reste, vous n’appliquez même pas ces accords : le plus ambitieux, signé avec la Tunisie de Ben Ali, prévoyait la venue régulière de 9 000 Tunisiens par an : vous n’avez délivré que 2 700 titres de séjour ! Dans son article 3, la France s’engageait à proposer son dispositif d’aide au retour volontaire aux ressortissants tunisiens en situation irrégulière faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français. Mais en pleine crise avec l’Italie, vous avez fait geler les demandes au retour volontaire, puis baisser le montant de l’aide. C’est déplorable.

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Monsieur Luca, je vous ai donné tout à l’heure le nombre des regroupements familiaux à proprement parler – qui concernent la venue en France de personnes de nationalité étrangère rejoignant un étranger qui séjourne régulièrement dans notre pays. Il est tombé de 25 à 15 000. S’agissant du rapprochement familial, entre une personne de nationalité étrangère et un conjoint français, on peut se montrer plus rigoureux dans le cadre du droit en vigueur. Je m’y efforce. Pour aller plus loin, .il faudrait modifier la loi.

L’immigration professionnelle avait en effet été considérée en 2007 comme l’un des éléments susceptibles de permettre d’accorder davantage d’autorisations de séjour. La situation de l’emploi dans notre pays et une analyse plus précise du marché du travail nous ont conduits à infléchir notre position. Nous nous sommes aperçus que la moitié des 30 secteurs dits en tension ne l’étaient pas, et qu’on pouvait parfaitement trouver sur le marché du travail français des personnes aptes à répondre aux offres d’emploi proposées. C’est vrai – pour l’essentiel – pour le secteur informatique, mais aussi pour les maçons.

Monsieur Pinte, vous avez critiqué une inégalité entre les étudiants possédant la double nationalité et les étudiants de nationalité étrangère. Je connais votre engagement et votre sensibilité aux problèmes humains. Mais il y a une grande différence entre ces deux catégories de personnes : certaines sont françaises, et il est donc normal de leur permettre de travailler en France ; s’agissant des autres, le pouvoir régalien est libre d’exercer ses compétences.

Je reviens par ailleurs sur une idée reçue. Désormais, le Canada réduit lui aussi ses possibilités d’immigration. J’ai rencontré il y a quelques semaines mon homologue canadien, et j’ai été très surpris de le voir s’aligner sur une politique encore plus restrictive que la nôtre, celle du Royaume-Uni.

Il y a une différence, monsieur Dufau, entre le CADA et le CHRS. Nous ne sommes pas restés inactifs, puisque nous avons aujourd’hui 21 000 places de CADA, contre 5 200 en 2001. Globalement, nous constatons cependant un engorgement du dispositif d’accueil, qui tient notamment à nos mauvaises performances en matière de traitement des demandes d’asile. La bonne solution consiste donc, comme nous le faisons cette année encore, à poursuivre les créations d’emplois à l’OFPRA et à la CNDA pour accélérer les délais de traitement.

M. Vidalies et M. Janquin ont évoqué la délicate question des mineurs étrangers, dont l’accueil représente une charge importante pour certaines collectivités locales, d’autant que la répartition géographique est inégale. Le ministère de la justice a ouvert une concertation avec les départements pour faire en sorte qu’elle devienne plus égalitaire. Là encore, la solution consiste à rechercher avec les pays d’origine les moyens de traiter le sort de ces mineurs isolés. Ainsi, de nombreux mineurs roumains, souvent exploités à des fins de délinquance dans des conditions sordides, sont présents sur notre territoire. Il s’agit de rendre ces enfants à leurs parents, ou à un service de protection de la jeunesse dans leur pays. Il est vrai que ces services n’étaient pas au niveau il y a quelques années, mais la Roumanie possède un système de protection de l’enfance conforme aux normes internationales. C’est la raison pour laquelle un magistrat roumain s’installera bientôt à Paris pour traiter ces situations, tandis qu’un magistrat français sera présent en Roumanie pour organiser les retours. Je précise que si j’ai parlé de rendre ces enfants à leurs parents, c’est que certains de ces enfants sont volés. De véritables mafias sont ici à l’œuvre, et nous devons mettre un terme à leurs agissements.

M. Plagnol est intervenu sur un thème qui m’est cher, celui de la langue. Le ministère y consacre 60 millions d’euros par an. Il est essentiel que les très jeunes enfants apprennent le français. Les sociologues et les experts en sciences de l’éducation que j’ai rencontrés ont été quasi unanimes pour dire que si la langue française n’était pas acquise aux alentours de deux ans, une sorte d’illettrisme définitif se créait.

M. Jean-Pierre Dufau. Vous pensez qu’un enfant qui ne parlerait pas une langue à l’âge de deux ans ne puisse plus l’apprendre par la suite ?

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Ce sont des personnes faisant autorité dans leur discipline qui le disent.

Mme Sandrine Mazetier. Nous serions curieux de savoir quels sont ces experts.

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Je vous indiquerai les ouvrages sur le sujet ainsi que les méthodes développées, notamment au Canada et en Allemagne. Chacun pourra en tout cas convenir, quel que soit l’âge sur lequel on s’accorde, qu’il est important d’acquérir au plus tôt la connaissance de la langue. Nous travaillons en ce sens, pour le bien de ces enfants, car cela facilitera leur éducation.

M. Jean-Pierre Dufau. Avec cette théorie, on ne pourrait plus apprendre une langue étrangère après trois ans !

Mme Sandrine Mazetier. Par cohérence, vous devriez être favorable, monsieur le ministre, à la scolarisation dès deux ans.

M. Henri Plagnol. Ces querelles sont stériles. L’apprentissage de la langue française est essentiel pour l’intégration des enfants.

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. C’est dans le même esprit qu’est organisé un enseignement du français pour les parents, de façon que ceux-ci puissent accompagner les enfants dans leur scolarité. Ces actions d’ouverture de l’école aux parents bénéficient cette année à quelque deux mille parents. J’ai assisté il y a quelques mois, en compagnie de Luc Chatel, à l’une de ces séances dans le Val d’Oise. C’était très émouvant. Il n’y avait que des femmes dont l’objectif était d’ailleurs non seulement de pouvoir ultérieurement suivre la scolarité de leurs enfants, mais aussi de devenir des femmes libres dans notre société, capables grâce à la connaissance de notre langue de se débrouiller dans la vie quotidienne et d’accéder à un emploi.

M. Jacques Alain Bénisti. Certains crédits des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) sont spécifiquement affectés à ces actions.

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Monsieur Lecoq, pourquoi des contrôles d’identité ont-ils été organisés aux portes de l’université du Havre ? Je n’en sais rien. Toujours est-il qu’ils ne peuvent avoir lieu que sur décision judiciaire : il faut une réquisition du procureur de la République.

Les contrôles aux passerelles d’avion sont organisés à l’initiative des services locaux de la police de l’air et des frontières. Les raisons peuvent en être diverses. Mais en toute hypothèse, les personnes ne sont jamais refoulées dans l’avion. Et dès qu’une demande d’asile est formulée, elle est instruite ; du reste, l’administration n’a pas compétence en matière d’octroi d’asile. Seule une juridiction peut accorder l’asile politique.

En ce qui concerne les personnes pouvant arriver de certaines dictatures récemment renversées, sachez que le droit s’applique à tous d’égale façon. Si ces personnes formulent une demande d’asile politique, celle-ci sera examinée. Et c’est l’OFPRA, dans un premier temps, la CNDA, ensuite, qui décideront, sans la moindre intervention du pouvoir politique.

En matière de lutte contre la traite des êtres humains, nous aidons les associations d’aide aux victimes. Diverses dispositions, dont l’une de caractère législatif, ont été prises dans le cas de la prostitution, afin de délivrer une autorisation de séjour tenant compte des risques encourus par les personnes.

Monsieur Loncle, les files d’attente dans les aéroports sont en effet regrettables. Il y a dans les ces lieux un problème général de gestion des foules, puisque le problème se retrouve au niveau des portiques également. C’est d’ailleurs pourquoi nous développons, pour les voyageurs réguliers, notamment de l’Union européenne, des documents biométriques. Cela libère les policiers qui peuvent se consacrer davantage aux autres contrôles.

Il est vrai qu’un accord avait été signé avec la Tunisie en 2008, prévoyant d’une part que des Tunisiens viennent en France, d’autre part que notre pays aide des actions de développement et de formation en Tunisie. Cette aide devait avoir une contrepartie en matière de lutte contre l’immigration irrégulière de la part de la Tunisie. Nous l’attendons toujours. Pour notre part, nous avons beaucoup fait. Lorsque je me suis rendu en Tunisie après la « révolution du jasmin », j’ai constaté que divers centres de formation professionnelle avaient été ouverts dans le domaine du bâtiment, de la mécanique, des métiers de la mer, grâce aux financements du ministère de l’intérieur français. Nous avons également accueilli en France des stagiaires tunisiens dans certaines professions, en lien notamment avec le tourisme. Enfin, une autre action est en cours, très intéressante en ce qu’elle conjugue les intérêts des deux pays : nous accueillons en France des aides-soignants et des infirmiers tunisiens. Ces personnes, au niveau de formation très élevé, trouvent ainsi un emploi, en même temps que nous répondons à nos besoins en personnels de santé.

Mme Béatrice Pavy, présidente. Je vous remercie, monsieur le ministre, ainsi que tous ceux qui ont participé au débat. Nous en avons terminé avec cette commission élargie. Les trois commissions concernées vont maintenant procéder au vote des crédits de la mission.

Mme Sandrine Mazetier. Il était prévu que la commission élargie dure deux heures trente. Il reste donc encore vingt minutes. Le groupe SRC pouvait, en proportion de sa représentation, compter sur 20 % du temps de parole, soit trente minutes. Or, nous n’avons pu nous exprimer que vingt minutes. Par ailleurs, des collègues qui participent actuellement au débat dans l’hémicycle souhaitaient prendre part aux différents votes sur les crédits, à l’issue de la commission élargie. Ils ne le pourront pas parce que nous abordons ces votes plus tôt que prévu.

Mme Béatrice Pavy, présidente. Nous avons donné la parole à tous ceux qui le souhaitaient. Le ministre a pris le temps de répondre à chacun.

*

A l’issue de la commission élargie, la commission des affaires étrangères procède au vote sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » du projet de loi de finances pour 2012.

Suivant les conclusions du rapporteur pour avis, la commission émet un avis favorable à l’adoption de ces crédits.

ANNEXE

Liste des personnalités rencontrées et des visites effectuées par le rapporteur

(par ordre chronologique)

1) Visites effectuées

– à Marseille (6 octobre 2011) :

Visite du centre de rétention administrative du Canet, en présence de M. Pierre-Henri Digeon, directeur zonal de la police aux frontières, et de M. Alain Senes, chef adjoint du centre

Visite de la plate-forme d’accueil des demandeurs d’asile des Bouches-du-Rhône, en présence de M. Jean-Louis Gambicchia, responsable de la plate-forme, et Mme Christine Thieret, coordinatrice

Visite du siège de la direction territoriale de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, en présence de M. Alain Testot, directeur territorial

Entretien avec M. Jean-Paul Celet, secrétaire général de la préfecture, Mme Raphaëlle Simeoni, secrétaire générale adjointe, et M. Louis Vialtel, directeur du service de l’immigration et de l’intégration

– Visite des centres de rétention administrative du Mesnil-Amelot, en présence de M. Fabrice Faucher, adjoint au chef du CRA 2, et de M. Philippe Musseau, directeur départemental adjoint de la police aux frontières de Seine et Marne (11 octobre 2011)

2) Personnalités rencontrées

– M. Jean Godfroid, directeur général de l’OFII (5 octobre 2011)

– Réunion avec les services du secrétariat général à l’immigration et à l’intégration
(12 octobre 2011) 
:

M. Stéphane Fratacci, secrétaire général à l’immigration et à l’intégration

M. Jean de Croone, directeur adjoint de l’immigration

Mme Nathalie Pisko, chargée de mission du sous-directeur de la lutte contre les fraudes, des contrôles et de l’éloignement

Mme Sylvie Moreau, directeur adjoint de l’accueil, de l’intégration et de la nationalité

Mme Sandrine Spinosa-Guebin, adjointe au chef du département des réfugiés et de l’accueil des demandeurs d’asile au service de l’asile

M. Rémy-Charles Marion, sous directeur, chef du service des affaires générales et des finances, M. Alain Cirot, adjoint au chef, Mme Hélène Halbrecq, adjointe au chef du bureau de la synthèse budgétaire

– M. Jean-François Cordet, directeur général de l’OFPRA, et Mme Martine Denis-Linton, présidente de la Cour nationale du droit d’asile (18 octobre 2011)

© Assemblée nationale

1 () En bénéficient les conjoints de ressortissants français ayant la mention « vie privée et familiale » sur leur visa, ou encore des étrangers ayant la mention « visiteur », « étudiant », « salarié », ou « travailleur temporaire » sur leur visa.

2 () Les derniers transferts concernent les CRA de Rennes, Metz, Strasbourg et Perpignan, qui étaient jusque là sous la responsabilité de la gendarmerie nationale.

3 () La liste des pays d’origine sûrs en vigueur au premier semestre 2011 est composée de seize pays : Albanie, Bénin, Bosnie-Herzégovine, Cap-Vert, Croatie, Ghana, Inde, Kosovo, Macédoine (ARYM), Mali (pour les hommes seulement), île Maurice, Mongolie, Sénégal, Serbie, Tanzanie, et Ukraine. En 2010, le taux d’octroi de l’asile aux ressortissants des pays alors inscrits sur cette liste était de 11,5 %, pour un taux moyen général de 13,5 %.

4 () En application du décret n° 2007-399 du 23 mars 2007 relatif aux CADA (article R. 348-3 du code de l’action sociale et des familles), la durée de maintien dans les centres après la notification de la décision définitive sur la demande d’asile est limitée à trois mois, renouvelables une fois avec l’accord du préfet s’agissant des réfugiés et bénéficiaires de la protection subsidiaire, et à un mois s’agissant des personnes dont la demande d’asile a fait l’objet d’une décision définitive défavorable.

5 () Le versement de cette aide est conditionné pour les demandeurs d’asile ayant droit à un hébergement en CADA à l’acception du principe d’un tel hébergement. Depuis un arrêt du Conseil d’Etat du 16 juin 2008, les ressortissants de pays d’origine sûrs et les personnes ayant demandé le réexamen de leur demande, notamment, ont aussi le droit de percevoir l’ATA.

6 () Afin de tenir compte de certaines spécificités locales, il a été décidé de créer soit des points d’entrée supplémentaires dans certaines régions (Midi-Pyrénées, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Pays de Loire et Rhône-Alpes), soit de confier la compétence relative à l’examen de la demande d’admission au séjour à un autre préfet de département dans une même région (Picardie).

7 () C’est-à-dire en attente de leur réadmission dans un autre pays européen, où ils ont déjà demandé l’asile.

8 () Destinée à des étrangers non communautaires en situation irrégulière séjournant depuis plus de trois mois en métropole, l’ARV s’élève à de 3 500 euros pour un couple, 2 000 euros pour une personne seule, 1 000 euros par enfant mineur jusqu’au troisième et 500 euros pour chacun des enfants suivants.

9 () L’OFII prend alors en charge l’organisation du retour des étrangers présents sur le territoire métropolitain depuis moins de trois mois et en situation de dénuement ou de grande précarité ; il ne verse aucune aide financière.

10 () Destinée aux personnes en situation de dénuement ou qui n’ont pas droit à l’aide au retour volontaire, l’aide financière est de 300 euros par adulte et de 100 euros par enfant mineur, en plus de la prise en charge des frais de voyage par l’OFII.

11 () Les aides à la réinsertion prévoient un accompagnement personnalisé incluant : l’appui d’un opérateur technique local pour le montage et le suivi d’un projet économique, financé à hauteur d’un coût moyen de 1 200 euros, une aide financière au démarrage du projet à hauteur de 7 000 euros, ce plafond pouvant être porté à 20 000 euros dans les pays signataires avec la France d’un accord bilatéral relatif à la gestion des flux migratoires, pourvu que cette aide représente une part seulement du coût du projet et que celui-ci soit créateur d’emplois, et une formation en lien avec le projet.

12 () Angola, Bangladesh, République du Congo, République démocratique du Congo, Gabon, Mali, Pakistan et Sénégal.

13 () Albanie, Angola, Arménie, Bosnie-Herzégovine, Cameroun, Chine, Comores, Cap-Vert, République du Congo, Géorgie, Guinée, Inde, Mali, Mauritanie, Moldavie, Mongolie, Nigeria, Pakistan, République démocratique du Congo, Sénégal et Soudan.

14 () Azerbaïdjan, Kosovo, Haïti, Côte-d’Ivoire et Russie.

15 () Sauf pour les ressortissants de pays ayant conclu avec la France des accords de gestion concertée des flux migratoires, lesquels définissent des listes élargies de métiers en tension, la liste de droit commun est réduite de trente à quatorze métiers.

16 () En sont dispensées les personnes qui peuvent justifier du suivi d’études supérieures en France d’une durée minimal d’une année.

17 () En 2010, 61 % des signataires d’un CAI se sont vu prescrire un bilan de compétences ; parmi les personnes dispensées, 63 % exerçaient une activité professionnelles, près de 16 % possédaient une carte de séjour temporaire « salarié », près de 16 % étaient scolarisées et 5 % étaient âgées de plus de 55 ans.

18 () L’OFII a repris les missions de cette agence en matière de formation linguistique depuis le 1er juillet 2009.

19 () Ses effectifs réels étaient de 866 ETP au 31 décembre 2010.

20 () Toutes les ressources propres de l’OFII ne sont pas des taxes.

21 () Le programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture de la mission « Culture » joue le rôle de chef de file.

22 () Plus de 1200 personnes ont été sélectionnées en 2009, dont environ 1 000 étaient effectivement arrivées en France au 1er juillet 2010.

23 () Selon le document de politique transversale Politique française de l’immigration et de l’intégration, la prévision de dépenses pour l’ensemble des missions est de 4,3 milliards d’euros, dont moins de 660 millions d’euros sur la mission « Immigration, asile et intégration » (en intégrant les rattachements de crédits européens), mais, sur le solde, près de 600 millions d’euros proviennent de l’aide médicale d’Etat et près de 700 millions d’euros financeront la rémunération de policiers.