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N° 3809

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 octobre 2011.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES,

SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2012 (n° 3775)

TOME VII

DÉFENSE

ÉQUIPEMENT DES FORCES – DISSUASION

PAR M. François CORNUT-GENTILLE,

Député.

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Voir le numéro : 3805 (annexe n° 11)

S O M M A I R E

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Pages

INTRODUCTION 9

PRÉAMBULE : SUIVI DES RECOMMANDATIONS PARLEMENTAIRES 11

I. —  SUIVI DES RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR EN 2011 11

A. REPENSER L’IDÉE DE DÉFENSE 11

B. LE SUIVI DES AMENDEMENTS 12

II. —  SUIVI DES RAPPORTS TRAITANT DE L’ÉQUIPEMENT DES FORCES 14

A. RAPPORT D’INFORMATION SUR LA FIN DE VIE DES ÉQUIPEMENTS 14

B. RAPPORT D’INFORMATION SUR LE RENFORCEMENT DE LA FONCTION D’ANTICIPATION STRATÉGIQUE 15

C. RAPPORT D’INFORMATION SUR LA SÉCURITÉ DES APPROVISIONNEMENTS STRATÉGIQUES DE LA FRANCE 18

PREMIÈRE PARTIE : LA COOPÉRATION FRANCO-BRITANNIQUE, UNE RÉPONSE À LA CRISE ? 21

I. —  LA DÉFENSE FACE À LA CRISE 21

A. LE PLF 2012 PRÉSERVE LES SECTEURS PRIORITAIRES 24

1. Les grandes orientations du PLF 2012 24

a) Un nouveau cadre pour les engagements pluriannuels 24

b) L’évolution générale des crédits du programme 146 27

c) Le maintien de la priorité accordée aux équipements 29

d) La part croissante des dépenses de fonctionnement 29

2. Une annuité budgétaire sous contrainte 30

a) L’encoche faite à la programmation pluriannuelle 30

b) De forts aléas de gestion 31

3. La reproduction d’une bosse ? 32

B. LES MESURES CONJONCTURELLES 35

1. Le plan de relance 35

2. Le grand emprunt 39

C. L’IMPACT DE LA CRISE SUR L’INDUSTRIE ET SUR L’EXPORT 41

1. Une fragilité croissante des PME 41

a) Une fragilité financière 41

b) Le soutien de l’État aux PME 42

c) Les fonds souverains et les investisseurs étrangers 44

2. Des exportations sous contraintes 48

a) Des exportations en baisse 50

b) Des opportunités à saisir 52

c) L’enjeu des contreparties 54

d) Le nouveau cadre juridique des exportations 56

II. —  LES LEÇONS DE LA CRISE 58

A. LES FAIBLESSES DE LA POLITIQUE INDUSTRIELLE FRANÇAISE DE DÉFENSE 58

1. Quelle stratégie pour les industries de défense ? 58

2. Le pilotage de la politique industrielle de défense 61

a) La place centrale de la DGA dans l’organigramme étatique 61

b) Un pilotage dispersé dans les faits 63

c) Prendre exemple sur nos partenaires et clarifier les responsabilités 64

3. La taille critique des entreprises françaises 66

a) L’absence de groupes de taille internationale 66

b) Les entreprises de taille intermédiaire et les PME 68

B. INVESTIR DANS LA RECHERCHE POUR PRÉSERVER L’AVENIR 71

1. Un secteur de la défense de plus en plus exposé 71

a) L’enjeu de la dépendance technologique 71

b) Un effort insuffisant en faveur de la recherche 74

2. Assurer l’avenir en formant les ingénieurs ? 78

a) Une école polytechnique de plus en plus éloignée de la défense 78

b) Les autres écoles d’ingénieurs sous tutelle de la DGA 80

C. UNE EUROPE DE LA DÉFENSE EN PANNE 82

1. Les divergences des acteurs communautaires de défense 85

2. Le bilan très contrasté des coopérations 88

a) Les coopérations militaires 88

b) Les coopérations industrielles 90

c) Interdépendance mutuelle ou repli national ? 92

3. Vers un décrochage militaire européen ? 94

III. —  LES ACCORDS FRANCO-BRITANNIQUES : UN NOUVEL ÉLAN 97

A. L’ABOUTISSEMENT D’UN LONG PROCESSUS 97

B. LE CONTENU DES ACCORDS 99

1. Le traité relatif aux installations radiographiques et hydrodynamiques 99

2. La coopération de défense 100

3. La coopération industrielle 102

a) Le domaine des missiles 102

b) Les autres secteurs 103

C. LES CONDITIONS DE RÉUSSITE DE CES ACCORDS 105

DEUXIÈME PARTIE : ANALYSE DES PROGRAMMES D’ARMEMENT 111

I. —  PLUS DE POLYVALENCE POUR PLUS D’EFFICACITÉ ? 111

A. LA POLYVALENCE DES ÉQUIPEMENTS 111

B. DE NOUVEAUX SERVICES INTERARMÉES 112

C. FAUT-IL ALLER PLUS LOIN DANS LE DÉCLOISONNEMENT ? 115

1. La mutualisation des systèmes et des services 115

2. La polyvalence des personnels 119

II. —  LA DISSUASION, PIERRE ANGULAIRE DE NOTRE SYSTÈME DE DÉFENSE 121

A. L’ÉVOLUTION DU CONTEXTE INTERNATIONAL 121

1. Les doctrines américaines et russes 122

a) Le traité new Start 122

b) La DAMB comme élément de déstabilisation stratégique 122

2. La persistance du risque de prolifération 123

B. LA DOCTRINE FRANÇAISE ET L’EUROPE 125

1. Les risques d’un changement de doctrine 125

a) L’erreur de la suppression d’une des deux composantes 125

b) Quelle participation de la dissuasion à la réduction de la dépense publique ? 127

2. Le volet nucléaire de l’accord franco-britannique 128

3. Quelle place pour la dissuasion dans l’Europe de la défense ? 129

C. LES MOYENS DE LA DISSUASION FRANÇAISE 130

1. Les crédits de la dissuasion 130

2. La composante aéroportée 132

a) Les crédits des FAS 133

b) Les équipements des FAS 134

3. La composante océanique 139

a) Les crédits de la FOST 139

b) Les équipements de la force océanique stratégique 140

4. Les transmissions, troisième composante de la dissuasion 142

5. Les moyens de recherche et de simulation 142

a) Le rôle central de la DAM 143

b) Les calculateurs 144

c) Le laser mégajoule 145

d) TEUTATES 147

III. —  LE MILIEU TERRESTRE 149

A. COMMUNICATION, RENSEIGNEMENT ET GUERRE ÉLECTRONIQUE 149

1. Les capacités terrestres de renseignement 150

a) Les unités en charge du renseignement 150

b) Les matériels 151

2. Les radars terrestres 153

3. Les capacités terrestres de communication 154

4. Les capacités terrestres de guerre électronique 156

B. LES CAPACITÉS LOGISTIQUES TERRESTRES 157

C. LES CAPACITÉS TERRESTRES D’ENGAGEMENT ET DE COMBAT 161

1. Les équipements du fantassin 161

a) FELIN 161

b) Les effets personnels et l’armement individuel 167

c) Les robots et les drones terrestres 169

2. Les véhicules 169

a) Les véhicules légers 169

b) Les véhicules à protection anti-EEI 170

c) Les véhicules blindés modulaires 173

d) Les chars 177

3. La capacité de feu dans la profondeur 181

a) Les missiles 182

b) L’artillerie 184

4. Quel avenir pour l’industrie française d’armement terrestre ? 188

a) Panorama de l’industrie française 188

b) Une concurrence forte 189

c) L’avenir de l’industrie d’armement terrestre en France 193

D. LES HÉLICOPTÈRES DE L’ARMÉE DE TERRE 195

1. Les hélicoptères de reconnaissance et d’attaque 196

2. Les hélicoptères de manœuvre et d’assaut 199

a) Le NH 90 199

b) Les autres hélicoptères 202

3. Un secteur économique rude 203

E. PROTECTION ET SAUVEGARDE 206

1. DETEC BIO et laboratoire P4 206

2. MORPHEE 209

3. Le centre NRBC 212

IV. —  LE MILIEU MARITIME 213

A. LES SYSTÈMES EMBARQUÉS DE DÉTECTION ET DE GUERRE ÉLECTRONIQUE 214

1. Les capacités optiques 214

2. Les radars embarqués de surveillance aérienne 214

3. Les sonars 216

4. Les systèmes embarqués de guerre électronique 216

B. LES BÂTIMENTS DE PROJECTION 217

1. Les BPC 218

2. Les TCD 220

3. Les autres bâtiments 221

C. LA FLOTTE DE SOUTIEN 222

D. LES CAPACITÉS NAVALES D’ENGAGEMENT ET DE COMBAT 225

1. Le porte-avions 225

2. Les frégates 231

3. La lutte anti-mines 240

4. Les sous-marins d’attaque 241

5. Le missile de croisière navale Scalp naval 246

6. Les armements anti-navire et anti-sous-marin 247

7. Les hélicoptères embarqués 251

E. LES MISSIONS DE SURVEILLANCE ET DE SAUVEGARDE MARITIMES 252

1. Les bâtiments de la marine nationale 254

2. Les moyens aériens 255

F. L’INDUSTRIE NAVALE FRANÇAISE DE DÉFENSE À UN TOURNANT 258

V. —  LA TROISIÈME DIMENSION 261

A. LE SYSTÈME DE COMMANDEMENT ET CONDUITE DES OPÉRATIONS AÉRIENNES 261

B. LES CAPACITÉS AÉRIENNES DE RENSEIGNEMENT 265

1. Les avions et les systèmes associés 266

2. Les drones 269

C. LES CAPACITÉS AÉRIENNES DE GUERRE ÉLECTRONIQUE 275

D. LES CAPACITÉS AÉRIENNES DE PROJECTION ET DE SOUTIEN 276

1. Les avions de transport 276

2. L’A400M 278

3. La formation des équipages 280

E. LES CAPACITÉS AÉRIENNES D’ENGAGEMENT ET DE COMBAT 281

1. Les avions de chasse 282

a) Les Mirage 282

b) Le Rafale 284

c) Quel successeur pour le Rafale ? 287

2. Les Caracal 292

3. Les drones d’attaque 294

4. Les avions d’entraînement 295

5. L’armement air-air 296

6. L’armement air-sol 298

7. Les missiles de croisière 301

F. LA DÉFENSE AÉRIENNE 302

1. La posture permanente de sûreté aérienne 304

2. Les systèmes terrestres de la défense antiaérienne 305

3. Les systèmes navals de défense surface/air 307

4. La consolidation franco-britannique en marche dans l’industrie missilière 309

G. LA DÉFENSE ANTI-MISSILES BALISTIQUES (DAMB) 312

VI. —  LE MILIEU SPATIAL 318

A. LES CAPACITÉS DE COMMUNICATION 321

B. LES CAPACITÉS SPATIALES DE RENSEIGNEMENT 324

1. Le renseignement d’origine électromagnétique (ROEM) 324

2. Les capacités spatiales d’observation 325

C. L’ACCÈS À L’ESPACE 328

D. LA SURVEILLANCE DE L’ESPACE 329

E. QUEL AVENIR POUR L’INDUSTRIE SPATIALE EUROPÉENNE ? 331

TRAVAUX DE LA COMMISSION 333

I. —  AUDITION DE M. GÉRARD LONGUET, MINISTRE DE LA DÉFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS 333

II. —  AUDITION DE L’AMIRAL ÉDOUARD GUILLAUD, CHEF D’ÉTAT-MAJOR DES ARMÉES 353

III. —  AUDITION DE M. LAURENT COLLET-BILLON, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL POUR L’ARMEMENT 375

IV. —  EXAMEN DES CRÉDITS 387

ANNEXES 391

ANNEXE I : RÉCAPITULATIF DES PRINCIPAUX ÉQUIPEMENTS DES ARMÉES 391

ANNEXE II : PRINCIPAUX MATÉRIELS DÉPLOYÉS HORS DE MÉTROPOLE 397

INTRODUCTION

« La puissance militaire est à la sécurité ce que l’oxygène est à la respiration : on n’y prête guère attention sauf lorsqu’on vient à en manquer » (1).

La défense participe à la crédibilité et à l’autorité de la France sur la scène internationale, au même titre que la politique économique. Malgré la crise, les décisions prises pour asseoir la crédibilité budgétaire de la France ne doivent pas porter atteinte à la crédibilité de sa défense avec des décisions mettant en péril les capacités opérationnelles des forces. Dans le même temps, des investissements de défense non maîtrisés peuvent fragiliser les plans de redressement des finances publiques.

Crédibilité budgétaire et crédibilité militaire vont de pair. Les objectifs de rétablissement des comptes publics et de renforcement des capacités opérationnelles des forces doivent être en permanence, d’une part, pris en compte par les décideurs politiques, budgétaires et militaires, et, d’autre part, expliqués et compris par les citoyens.

Dans un souci de mise en perspective, le rapporteur a souhaité examiner l’accord de coopération franco-britannique signé en novembre 2010 en matière de défense. Cet accord constitue un événement majeur pour la France et le Royaume-Uni : confrontées à des crises budgétaires majeures, les deux puissances militaires européennes se sont rapprochées pour procéder à des partages de souveraineté inédits jusqu’à présent. Il est encore prématuré de tirer les premiers enseignements de cet accord, mais sa réussite, indispensable pour préserver les capacités militaires françaises, est conditionnée à une évolution du modus operandi de l’État en matière de défense. Il convient d’identifier les grands axes de cette évolution pour éviter que les conservatismes et les inerties de l’appareil étatique ne l’emportent.

Avec le même souci de mise en perspective, les crédits destinés à la dissuasion et à l’équipement des forces pour 2012 ne peuvent se satisfaire d’une présentation sommaire. Reprenant la ligne éditoriale des précédents avis budgétaires, le rapporteur a engagé une analyse approfondie des équipements, alliant les approches techniques, budgétaires, opérationnelles, industrielles et internationales afin de mieux comprendre la destination, l’usage et la cohérence de ces crédits.

Le rapporteur avait demandé que les réponses à son questionnaire budgétaire lui soient adressées au plus tard le 19 septembre 2011. À cette date, 32 réponses lui étaient parvenues, soit un taux de 39 %.

Au 10 octobre 2011, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, 83 réponses étaient parvenues, soit un taux de 100 %. Ce résultat traduit une forte mobilisation de l’ensemble des services du ministère que le rapporteur tient à saluer.

En 2009 et 2010, nombre de réponses avaient fait l’objet d’une mesure de classification empêchant leur utilisation et leur publication. Cette année, le rapporteur avait demandé, d’une, part que ces mesures soient justifiées et, d’autre part, qu’elles soient appliquées avec plus de discernement. Cette demande a été satisfaite dans la mesure où les « fiches programmes » retraçant l’état d’avancement et les crédits associés à chaque opération d’armement n’ont pas été systématiquement classifiées. De même, le caractère confidentiel de certaines données a été expliqué. Cette évolution est positive et doit désormais s’inscrire dans la durée, permettant au Parlement d’exercer pleinement ses prérogatives constitutionnelles et organiques.

PRÉAMBULE : SUIVI DES RECOMMANDATIONS PARLEMENTAIRES

Les décisions en matière de défense, et plus spécifiquement celles qui concernent l’équipement des forces ont surtout des conséquences de moyen et de long terme. Si l’analyse des choix budgétaires reste utile, il est indispensable de s’inscrire dans une perspective plus large. Le rapporteur regrette que les recommandations parlementaires ne soient généralement pas reprises et n’impactent que marginalement la politique conduite par le ministère de la défense.

Depuis 2009, le rapporteur demande au ministère d’établir un suivi des recommandations des avis budgétaires mais aussi des rapports parlementaires traitant de l’équipement.

I. —  SUIVI DES RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR EN 2011

A. REPENSER L’IDÉE DE DÉFENSE

Dans son avis sur le projet de loi de finances, le rapporteur invitait à « repenser l’idée de défense » au travers d’une nouvelle définition des menaces, d’une relance de l’Europe de défense et d’une réforme de l’OTAN. Constatant la difficile compatibilité de nos ressources avec nos objectifs opérationnels, il invitait à réfléchir à une meilleure mutualisation des capacités à l’échelle européenne. Il soulignait enfin l’importance d’une réflexion prospective estimant que si cet exercice n’était pas fait, « les décisions d’aujourd’hui [pourraient] sacrifier des capacités dont les forces armées auront besoin dans un contexte conflictuel différent de celui d’aujourd’hui et d’hier » (2). Il a demandé au ministère de détailler les suites réservées à ces préconisations.

Réponse (3) : Pour le programme 146, la priorité en faveur de l’effort d’équipement sera maintenue malgré la baisse des crédits de l’ensemble de la mission défense. Les ajustements opérés dans le cadre de la construction du budget triennal consistent principalement à reporter le lancement de plusieurs programmes nouveaux.

Par ailleurs, s’agissant des crédits de paiement, les incertitudes sur les recettes exceptionnelles issues de l’attribution aux opérateurs privés des bandes de fréquences 800 MHz et 2,6 GHz sont en passe d’être levées, avec l’arrivée attendue pour la fin 2011 de 936 millions d’euros pour 850 millions d’euros prévues initialement.

Enfin, la programmation budgétaire triennale prévoit une stabilité des crédits d’équipements jusqu’en 2013 permettant de préserver les grands contrats d’armements finalisés en 2009, souvent dans le cadre de commandes pluriannuelles (Rafale, FREMM, VBCI, Barracuda et FELIN).

B. LE SUIVI DES AMENDEMENTS

Constatant le déficit capacitaire en matière de ravitaillement, le rapporteur avait déposé, avec Jean-Claude Viollet, rapporteur pour avis des crédits dévolus à l’armée de l’air, un amendement permettant aux armées de signer un contrat de location-vente pour trois avions multirôles (MRT) de type A330 pour une période de 12 ans. Les avions devaient décharger les appareils tactiques, notamment les KC 135, des missions ancillaires (transport de personnels et de fret) qu’ils accomplissent aujourd’hui. Cette opération devait également limiter le recours aux contrats d’affrètement.

Le rapporteur pour l’armée de l’air avait quant à lui déposé un amendement visant à assurer une rénovation a minima de la flotte de Mirage 2000D pour éviter toute rupture capacitaire, en laissant au ministère de la défense le temps de réfléchir plus largement à l’avenir de cette flotte. Il proposait notamment d’intégrer immédiatement les pods de renseignement électronique ASTAC sur l’ensemble de ces avions.

Ces deux amendements ont été adoptés par la Commission et votés lors de l’examen en séance publique des crédits de la mission « Défense ».

Réponse :

Amendement n° 2-37 au PLF 2011 (pod ASTAC)

Cet amendement a augmenté de 10 millions d’euros les crédits du P146 pour permettre d’intégrer les pods de renseignement électromagnétique ASTAC sous les Mirage 2000D sans attendre la rénovation mi-vie de ces avions repoussée au-delà de 2013. Cette intégration anticipée doit permettre d’éviter toute rupture capacitaire lors du retrait des Mirage F1CR en 2014.

L’EMA a formalisé le besoin (note n° D-11-005352 DEF/EMA/PLANS/COCA/DR du 20 juin 2011).

La DGA a préparé un contrat avec l’industrie dont la notification est prévue d’ici la fin de l’année 2011 pour un montant cohérent avec les ressources.

Amendement n° 2-38 au PLF 2011 (MRT)

Cet amendement a augmenté de 20 millions d’euros les crédits du P146 pour permettre de souscrire un contrat de location achat (leasing) de 3 avions de transport de type A330 pour une période de 12 ans.

L’objectif était de renforcer les capacités de transport des forces et de décharger les C-135 de certaines missions ancillaires (transport de personnel et de fret). Ces avions devaient pouvoir être transformés ultérieurement en MRTT, c’est-à-dire en mesure de remplir également des missions de ravitaillement, avec un engagement de l’industriel sur le coût, la durée et la date de la transformation dès le début de la location.

Dans le domaine du transport aérien, le déficit capacitaire, induit notamment par le retard de l’A400M, porte principalement sur le fret, alors que les 3 A310 et les 2 A340 actuellement à la disposition des armées sont adaptés au besoin de transport de passagers.

Après examen, la mesure n’est pas mise en œuvre à ce stade pour les raisons suivantes :

- Compte tenu des transformations nécessaires sur les avions, EADS ne dispose pas avant courant 2012 d’A330 adaptés au transport de fret et transformables ultérieurement en MRTT ; ainsi il n’est pas possible de consommer la ressource de 20 millions d’euros de CP mise en place en LFI 2011.

- La mesure envisagée par l’amendement parlementaire a un coût global élevé, et son financement menacerait le lancement du programme MRTT ; en effet elle porte sur un leasing sur 12 ans ; son coût global se situe à plus de 20 millions d’euros/an hors coût de MCO induit dans l’armée de l’air, soit a minima un alourdissement de la trajectoire financière pluriannelle de la programmation de 250 millions d’euros ; une telle dépense n’est pas provisionnée dans la trajectoire pluriannuelle de la programmation et sa couverture « sous enveloppe » menacerait le lancement du programme MRTT escompté en 2013.

- Dans ce contexte, compte tenu des moyens de transport aérien existants, il n’est pas jugé possible d’aller au-delà des mesures palliatives au retard de l’A400M décidées en 2010 (prolongation de la durée de service des Transall C160 de 2015 à 2018, achat de 8 cargos aériens légers CASA CN235, pérennisation de l’accord-cadre SALIS d’affrètement d’Antonov 124).

Le rapporteur se félicite de la prochaine notification du contrat pour les pods Astac. Quant aux MRT, il ne peut que regretter que la décision soit de nouveau reportée alors que l’opération en Libye a montré que la France n’était en plus en mesure d’assurer ses ravitaillements en vol (cf. infra).

II. —  SUIVI DES RAPPORTS TRAITANT DE L’ÉQUIPEMENT DES FORCES

A. RAPPORT D’INFORMATION SUR LA FIN DE VIE DES ÉQUIPEMENTS

Dans son rapport d’information sur la fin de vie des équipements militaires (4), Michel Grall estime qu’il faut « optimiser les procédures et mieux anticiper les besoins ». La fin de vie doit être utilisée « comme un levier d’influence et un vecteur de partenariat ». Ces deux éléments ne sauraient toutefois aboutir sans « un pilotage politique » affirmé. Le rapporteur a interrogé le ministère sur les suites réservées à ces propositions.

Réponse : La prise en compte dans le coût des programmes de la fin de vie d’un équipement, quelle que soit sa destination finale (cession, démantèlement), se fait conformément aux procédures prévues dans l’instruction générale n° 125 DEF/EMA/PLANS/COCA et n° 1516/DEF/DGA/DP/SDM du 26 mars 2010 relative au déroulement et à la conduite des opérations d’armement (du stade d’initialisation jusqu’au stade de retrait du service).

L’instruction générale précitée définit une démarche systématique d’estimation du coût global des opérations d’armement. La gestion de fin de vie des équipements y est donc intégrée, dès les premiers stades, dans l’estimation et la présentation des coûts (1) globaux de l’opération.

Pendant le stade d’utilisation de l’équipement, la structure en charge de la maîtrise d’ouvrage du soutien en service de l’équipement (structure relevant des armées ou de la DGA) prépare le retrait du service. Elle fournit les éléments de coût global dont elle assure l’estimation et la dépense, conduit l’optimisation logistique (optimisation des rechanges, des cycles d’entretien, etc.) de la fin du stade d’utilisation, tient ou fait tenir à jour les inventaires et les cartographies des substances dangereuses, identifie les équipements périphériques de l’environnement du système concernés par le retrait du service en vue de statuer sur leur devenir et rédige le dossier de retrait du service. In fine, le chef d’état-major des armées ou le délégué général pour l’armement approuvent le dossier de retrait du service de l’équipement, lançant ainsi le stade de retrait du service.

Lorsque le choix d’une cession est fait, les armées ou la DGA ont pour mission de procéder à cette cession avec l’appui des structures de soutien.

Lorsque la destination finale de l’équipement est le démantèlement, cette mission est confiée aux organismes qui sont en charge du maintien en condition opérationnelle (MCO), selon la répartition donnée en annexe.

(1) Le stade de retrait du service comprend les coûts de démantèlement, d’élimination, de dépollution et le cas échéant les gains de cession espérés.

Le rapport d’information faisait d’ores et déjà le point sur le dispositif actuellement en place et rappelé dans la réponse du ministère. Il est regrettable que le ministère ne soit pas allé plus loin et qu’aucun travail de réflexion n’ait été engagé, en lien avec les ministères concernés, pour par exemple mieux valoriser à l’export nos matériels d’occasion. Le rapport identifiait des pistes sérieuses, notamment pour les véhicules terrestres ; le ministère n’apporte malheureusement aucun élément sur ce dossier.

B. RAPPORT D’INFORMATION SUR LE RENFORCEMENT DE LA FONCTION D’ANTICIPATION STRATÉGIQUE

Publié en juin 2011, le rapport d’information du sénateur Robert Del Picchia dresse un bilan de la fonction d’anticipation stratégique au sein des structures françaises. Constatant que « le printemps arabe a pris par surprise un dispositif français dont les faiblesses bien connues », il cherche à « poser un diagnostic lucide et, surtout, [à] rouvrir le débat, autour de trois pistes de propositions pour renforcer, coordonner et rendre audible l’expertise française en la matière, au service de la décision » (5).

Réponse : Liminaire : la réponse ne porte que sur le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, auquel le ministère de la Défense a largement contribué, à la différence du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France. Par ailleurs, le rapport de M. del Picchia étant paru le 8 juin 2011, les mesures présentées, visant à renforcer la fonction d’anticipation stratégique, doivent être appréciées de manière tendancielle.

Trois ans après la parution des deux Livres blancs sur la défense et la politique étrangère et européenne, le rapport de M. del Picchia présente une vision contrastée du renforcement de la fonction « anticipation » au sein de l’État, tout en soulignant les efforts manifestes engagés en la matière par le ministère de la défense : renforcement de la gouvernance et de la coordination à l’échelle du ministère, développement des moyens, tant humains que budgétaires, consolidation de la prospective opérationnelle, lancement de réflexions prospectives transverses, etc. Cet investissement significatif et singulier a permis de dégager, au cours de l’année 2011, des premiers résultats qui participent du renforcement de la crédibilité et du caractère opérationnel du processus de préparation de l’avenir du ministère de la Défense. L’ensemble des actions engagées répondent ainsi concrètement aux trois interrogations posées par M. del Picchia :

1. Comment renforcer les capacités d’anticipation stratégique ?

2. Comment créer une véritable « communauté de la pensée stratégique française » ?

3. Comment mieux associer l’expertise à la prise de décision ?

1. Les capacités en matière d’anticipation stratégique relèvent non seulement des moyens mobilisés, mais également des stratégies mises en œuvre. Le ministère de la défense a donc tout naturellement fait porter son effort sur ces deux composantes :

En termes de gouvernance, la création formelle, en septembre 2010, du Comité de cohérence de la recherche stratégique et de la prospective de défense (CCRP), présidé par la Délégation aux affaires stratégiques (DAS) et associant l’État-major des armées (EMA), la Délégation générale pour l’armement (DGA) et le Secrétariat général de l’administration (SGA), a donné lieu à l’identification de huit thèmes de travail conjoints portant sur : « Les conflits de demain : les types d’engagement dans les champs classiques et nouveaux : quelles menaces, quelles modalités, quels impacts ? » ; « L’équilibre entre investissement, technologie, coûts et place de l’homme ? » ; « La gouvernance mondiale, la multipolarité, la montée en puissance des émergents : quelle stratégie européenne et française ? » ; « La sécurité environnementale et les ressources stratégiques : quelles stratégies européenne et nationale ? » ; « L’arc de crises : quelles évolutions ? » ; « La résilience » ; « L’externalisation, la privatisation et l’évolution des normes internationales » ; « L’autonomie stratégique et le partage capacitaire européen ». Chacune de ces thématiques, conduite alternativement par la DAS, l’EMA, la DGA et le SGA, donne lieu à l’élaboration d’un court rapport, agrémenté d’annexes, voire d’une cartographie spécifique. À ce jour, cinq d’entre elles ont été achevées ; les trois dernières seront traitées entre septembre et décembre 2011.

Au-delà de cette approche partagée, l’enjeu actuel porte sur l’identification et la mise en œuvre pérenne de process et méthodes à dimension prospective. L’objectif porte tout à la fois sur le renforcement du caractère innovant (« penser l’impensable ») des réflexions stratégiques conduites au sein du ministère, mais également dans la définition de pratiques de travail, et dans l’exploitation d’outils spécifiques (collaboratifs), de nature à conforter le développement d’une communauté de la prospective de défense.

Parallèlement, l’accroissement des moyens consacrés à l’anticipation stratégique ne devrait pas être remis en cause par la dégradation des perspectives budgétaires et des contraintes opérationnelles qui en découleront :

- après avoir créé une sous-direction ad hoc (« Prospective et politique de défense »), la DAS entend poursuivre ses efforts au cours des 18 prochains mois dans les domaines de la veille, de la dotation en outils spécifiques (aide à la construction de scenarii innovants, laboratoire de travail en groupe, etc.) et de la formation du personnel ;

- l’EMA ambitionne une montée en puissance rapide et qualitative de la prospective opérationnelle, mise en œuvre par le Centre interarmées de concepts, doctrines et expérimentations (CICDE), en renforçant et spécialisant les personnels consacrés à cette fonction ;

- enfin, la DGA s’est engagée dans une profonde refonte de sa direction de la stratégie, dont l’objectif à l’horizon des 12 mois est de renforcer l’association du processus de préparation de l’avenir en matière de technologies et de capacités à la prise de décision ministérielle.

2. Si la crédibilité et la pertinence d’une anticipation stratégique à vocation opérationnelle doivent naturellement se fonder sur un panel d’expertises à l’offre diversifiée, les limites des capacités nationales en la matière demeurent évidentes, en particulier dans certains domaines de recherche (économie de la défense par exemple). Les dix-huit derniers mois ont vu la mise en œuvre d’initiatives à dimension interministérielle, de nature à encourager le développement d’une communauté française de la recherche stratégique :

- la création du Conseil supérieur de la formation et de la recherche stratégique (CSFRS), sous la forme d’un groupement d’intérêt public (GIP), vise notamment à rapprocher acteurs publics (ministères, grandes écoles) et privés (grandes entreprises…), sur la base d’une approche intellectuelle et scientifique qui se veut innovante (décèlement précoce), mais également cohérente avec les conclusions du LBDSN (continuum sécurité-défense). Le ministère de la Défense en est membre fondateur et, par l’entremise de la DAS, y joue un rôle déterminant (deuxième contributeur budgétaire ; pilote des premiers projets mutualisés ; partenariat avec l’Agence française de développement ; etc.). Telle qu’engagée, l’action du CSFRS en matière de soutien à la réflexion stratégique nationale complète utilement les dispositifs ministériels – en particulier Défense – existants ;

- la réactivation par le Centre d’analyse stratégique (CAS) du Réseau interministériel de veille et de prospective (RIVP) vise très clairement à faire vivre une communauté de compétences, de concepts, de méthodes et de pratiques en matière de prospective publique. Regroupant près d’une vingtaine de dispositifs publics d’anticipation, veille et prospective, il a d’ores et déjà permis de structurer un réseau de veille et d’échanges susceptibles de concourir à l’anticipation des risques, menaces et opportunités pour les intérêts français afin d’orienter en temps utile les politiques et les dispositifs de prévention et de réponse. Le RIVP achève actuellement sa première analyse stratégique partagée, associant l’ensemble du Réseau, portant sur les conséquences de la bascule stratégique vers l’Asie en matière de politiques publiques françaises et européennes. Par ailleurs, une plate-forme électronique (Internet et Intranet) sera mise en place à compter de septembre 2011. Elle permettra d’accroître la visibilité de la communauté française en matière de prospective stratégique et fournira un outil de travail collaboratif. Le ministère de la Défense y participe également depuis sa création (représentation DAS) ;

- le ministère a également contribué à cet effort national en regroupant ses capacités de recherche stratégique sous la conduite de l’Institut de recherche stratégique de l’École militaire (IRSEM) (1). En charge de la recherche stratégique du ministère, d’actions de formation au profit de l’enseignement militaire supérieur et des relations avec le monde universitaire, l’IRSEM a d’ores et déjà été en capacité de fédérer une importante communauté de chercheurs, dépassant très largement celle de la Défense. La prochaine rentrée universitaire devrait ainsi donner lieu à la création d’une chaire « Défense » avec HEC. L’ambition actuelle porte notamment sur le soutien à la relève stratégique (développement d’une communauté de chercheurs de haut niveau pour les questions de sécurité et de défense), pour laquelle des dispositifs spécifiques (augmentation sensible des bourses de thèse ; création d’un « fonds de mobilité » ; etc.) ont été créés. Si l’IRSEM est rattaché organiquement à l’EMA, il est supervisé par le CCRP afin de s’assurer de la cohérence globale des priorités et actions engagées en matière de prospective et de réflexion stratégique de Défense ;

- enfin la DAS poursuit sa politique, initiée en 2009, en matière de réflexion stratégique, prenant en compte la mutation de l’environnement politique et stratégique du ministère (rôle dévolu au CCRP au sein du ministère de la défense, création de l’IRSEM et mise en place du CSFRS) et visant notamment à renforcer les mesures de suivi de la production et à accroître la valorisation des productions en la matière. Elle a donné lieu à la mise en place d’un contrôle qualitatif (évaluation des études ; outil de suivi des études), fondé sur un suivi administratif et budgétaire renforcé et à l’exploitation accrue des travaux, tant au sein du ministère qu’auprès de la communauté française et internationale de Défense. À cette fin, la mise en ligne des études (non classifiées ni jugées sensibles) a été systématisée.

3. Enfin, en réorganisant profondément sa gouvernance en matière de prospective et réflexion stratégique, en renforçant ses capacités et ses processus de production ad hoc et en fondant son action sur une approche « réseau-centrée » (internationale/interministérielle/ministérielle), le ministère de la Défense a sensiblement amélioré au cours des dix-huit derniers mois – comme le souligne le rapport de M. del Picchia — le processus décisionnel de l’anticipation stratégique, en y associant pour une très large part la communauté des experts.

(1) Arrêté portant création de l’IRSEM en date de septembre 2010. L’IRSEM est notamment né de la fusion du Centre d’études en sciences sociales de la Défense (C2SD), du Centre d’études d’histoire de la défense (CEHD), du Centre d’études et de recherches de l’école militaire (CEREM) et de l’équipe de recherche du Centre des hautes études de l’armement (CHEAr).

C. RAPPORT D’INFORMATION SUR LA SÉCURITÉ DES APPROVISIONNEMENTS STRATÉGIQUES DE LA FRANCE

Le rapport d’information du sénateur Jacques Blanc (6) cherche à identifier les matières premières stratégiques nécessaires à notre défense, et, plus largement, à la continuité de nos activités économiques, ainsi que les dispositions déjà prises ou restant à prendre pour prévenir d’éventuelles ruptures d’approvisionnement, en France et dans l’Union européenne. Le thème de la sécurité des approvisionnements avait déjà été abordé par le Livre blanc et le rapporteur avait souligné l’importance de cette question dans son avis budgétaire de 2011.

Réponse : Comme le décrit le chapitre « Matières premières » extrait du Plan Prospectif à 30 ans (PP30) de la DGA : « Plus que les matières premières dans leur ensemble (minerai, pétrole…), ce sont aujourd’hui les matériaux et constituants ainsi que les procédés de mise en œuvre, qui s’avèrent critiques pour le développement et l’utilisation des capacités militaires ».

En effet, les difficultés potentielles identifiées dans l’immédiat concernent plus des filières de semi-produits technologiques avec les technologies de mise en œuvre nécessaires à leur élaboration, que leur source d’origine métallique ou minérale directe.

Parmi les difficultés en approvisionnements stratégiques pour les besoins de défense, on peut citer :

- les fibres de carbone : elles entrent dans le processus de fabrication de pièces en matériaux composites, pour lesquelles l’approvisionnement en précurseur est aujourd’hui essentiellement réalisé à partir du Japon. Plusieurs industriels du domaine aéronautique militent en faveur du développement d’une filière européenne, voire française. Des contacts ont été pris d’une part avec les sociétés produisant de la fibre basse performance, SGL en Allemagne ou Fisipe au Portugal pour qu’elles développent une filière haute performance. Ces actions sont réalisées en concertation avec l’Agence Européenne de Défense et la Communauté Européenne, et entrent dans le cadre plus général des travaux engagés sur la « non-dépendance européenne ». D’autre part, la DGA est en contact avec la région Aquitaine qui envisage la mise en place d’une usine de fabrication du précurseur (PAN — Poly Acrylo Nitrile) à côté de l’usine Soficar, qui fabrique déjà des fibres de carbone, localisée à côté de Pau.

- le titane : il existe également un degré de criticité élevé concernant son approvisionnement qui se fait sous forme d’éponge. La fourniture des éponges de titane se fait essentiellement à partir des États-Unis et de la Russie actuellement, et la DGA maintient une vigilance constante sur l’évolution des marchés liés à ce matériau. Pour lever cette criticité vis-à-vis des applications aéronautiques, une joint-venture (UKAD) a été mise en place pour répondre en particulier aux besoins d’Airbus entre KBHT et le français Aubert & Duval.

- les oxydes de terres rares : le groupe Rhodia est le leader mondial de la formulation à base de terres rares. Il assure ses approvisionnements en étant associé à l’Australien Lynas via l’exploitation du gisement de Mount Weld (considéré comme le plus important au monde).

En outre, Areva et Rhodia viennent de signer un accord pour développer et exploiter ensemble des gisements mixtes d’uranium et de terres rares situés « un peu partout dans le monde », et en particulier au Kazakhstan. En 2007, Areva s’était déjà associée à Northern Minerals pour exploiter des gisements d’uranium et de terres rares en Australie.

En complément de ces exploitations directes de minerai, la voie de l’approvisionnement par le recyclage commence à être exploitée. Un processus de recyclage des poudres luminophores, concentrées en terres rares et contenues dans les lampes basse consommation, vient d’être mis au point. Ces poudres pourront désormais être recyclées dans les usines Rhodia à Saint-Fons (69) puis à La Rochelle (17), cette dernière détenant un savoir-faire unique en Europe en matière de séparation des terres rares. Les terres rares issues des batteries NiMH seront quant à elles traitées sur le nouveau site de recyclage d’Umicore, à Hoboken.

Bien que la société Solvay ait lancé une offre amicale sur le groupe Rhodia, l’approvisionnement en oxydes de terres rares n’est pas considéré comme critique pour ses besoins par la DGA.

- les platinoïdes : la DGA a mis en place des actions de soutiens aux milieux académique et au CEA sur la mise au point de nouvelles technologie pour diminuer drastiquement (plus de 90 %) les quantités de platine utilisé dans les nouvelles technologies de production d’énergie alternative comme les PAC (pile à combustible) par exemple.

Dans la problématique de l’approvisionnement des matériaux stratégiques, il convient également de prendre en compte le traitement des obsolescences induites par l’application des directives et réglementations européennes (directive cadre sur l’eau (DCE), REACh). La liste des substances interdites dans les annexes de ces réglementations va conduire à l’éviction des produits comme le Chrome IV ou le Cadmium par exemple, ce qui réduira les disponibilités militaires. Dans ce contexte, la DGA a mis en place des actions de soutiens aux PME sur le développement de procédés de substitution par des produits respectueux de l’environnement et ne présentant pas de problème d’approvisionnement à court ou moyen terme.

L’analyse et l’étude de la criticité des approvisionnements étant une posture permanente, la DGA a activement participé au Groupe de travail du comité de coordination de la recherche et la prospective de mai 2011 sur la thématique « raréfaction des ressources », ceci en prévision d’une possible réactualisation prochaine du LBDSN.

PREMIÈRE PARTIE : LA COOPÉRATION FRANCO-BRITANNIQUE, UNE RÉPONSE À LA CRISE ?

L’aggravation de la crise économique et financière conduit la quasi-totalité des pays occidentaux à réduire leurs dépenses, l’effort portant en grande partie sur les budgets de la défense. Le budget pour 2012 doit être analysé à la lumière des conséquences de cette crise sur nos outils de défense et, plus généralement, de son impact sur les grands équilibres mondiaux. L’accord franco-britannique signé en 2010 pourrait être une réponse à ces difficultés avec un effort de mutualisation des moyens et des ressources.

I. —  LA DÉFENSE FACE À LA CRISE

Au cours de l’été 2008, l’économie mondiale est entrée dans une de ses plus graves et profondes crises économiques et financières. Comme le souligne Gilles Carrez, rapporteur général du budget, « les États développés vivent la fin d’un cycle économique vieux de trente ans et caractérisé par un accroissement constant de l’endettement de l’ensemble des agents économiques – États, ménages, entreprises et institutions financières. Ce cycle laisse une trace profonde sur l’endettement public et une interrogation sur les moyens de résorber cette dette sans connaître une période prolongée de stagnation économique. […] La décennie 2010 s’ouvre donc sur une dégradation de la situation budgétaire des administrations publiques jusqu’alors inconnue en temps de paix » (7).

Comme le montre le graphique ci-après, les prévisions de l’OCDE confirment cette analyse pour le second semestre 2011, estimant que « la croissance économique dans les économies du G 7 hors Japon restera à un taux annualisé de moins de 1 % au second semestre de 2011 ». Selon Pier Carlo Padoan, chef économiste à l’OCDE, « le risque d’une période de croissance négative au cours de la période à venir s’est renforcé » (8).

Croissance des pays du G7 (hors Japon)

(en %)

Source : OCDE.

La situation des finances publiques en France est en constante dégradation depuis le milieu des années 1970. Le graphique suivant montre que cette dégradation se traduit par un fort endettement public et un déficit public structurel.

Évolution de la dette et du déficit public en France

Source : OCDE.

Dans ce contexte, l’assainissement des comptes publics devient urgent. L’OCDE considère que « la France doit rompre définitivement avec la dérive des comptes publics afin d’éviter que la stabilité macroéconomique ne soit menacée » (9). La Cour des comptes souligne elle aussi les conséquences d’une telle dérive budgétaire, faisant valoir que « le niveau de déficit atteint en 2010 est tel que la dette risquerait de s’emballer si aucun effort de redressement n’était opéré, ce que met en évidence un scénario tendanciel à l’horizon de 2020. Un effort structurel de réduction du déficit d’un point de PIB par an permettrait toutefois de la stabiliser puis de la réduire ».

Sans un effort significatif, l’indépendance financière, et partant la marge de manœuvre politique, de la France serait menacée. « La dette négociable de l’État [est en effet] détenue à hauteur de 67,7 % par des non résidents à la fin de 2010 et, si la diversification des créanciers de l’État peut utilement réduire les risques et contribuer à satisfaire les besoins d’emprunts, l’accumulation des dettes accroît la dépendance de l’État vis-à-vis des marchés financiers et réduit ses marges budgétaires » (10).

Le chemin du désendettement est étroit : « l’État ne peut plus compter sur d’importantes cessions d’actifs financiers pour réduire son endettement. La valorisation boursière des actions cotées et parts d’OPCVM (11) qu’il détient est passée de 181 milliards d’euros fin 2007 à 84 milliards d’euros fin 2010. […] Il est donc impératif de prévenir l’emballement de la dette publique en réduisant le déficit. Un effort structurel de réduction du déficit de 1,0 point de PIB par an pendant cinq ans jusqu’à ce qu’il soit nul […] permettrait d’endiguer la progression de la dette à 86 % du PIB en 2013 puis de la réduire jusqu’à 72 % en 2020 » (12).

Les mesures traditionnelles de redressement des comptes publics sont de moins en moins efficaces au fur et à mesure que la crise financière s’aggrave. Le rapporteur général du budget estime que « l’impact de cette crise sur les finances publiques est profond et durable et [que] le retour à un niveau d’endettement public brut conforme aux critères de Maastricht, qui hier était un objectif à portée de main, n’est plus aujourd’hui réalisable dans un avenir proche. Alors que la part de la dette publique brute dans la richesse nationale pourrait atteindre plus de 87 % en 2012, la progression des intérêts de la dette contraint l’État à geler ses dépenses. Le risque de voir l’action publique perdre ses marges de manœuvre du fait de l’endettement devient donc réalité » (13).

Au-delà des difficultés financières rencontrées, c’est le modèle de développement économique qui est aujourd’hui remis en cause. La crise a produit « un effet de loupe sur l’état des finances publiques des différents pays européens : la France est apparue comme un pays qui cumule un fort déficit, une accélération de sa dette publique et une médiocre performance de moyen-long terme en matière de déficits. La consolidation des finances publiques est rendue plus impérative par les niveaux atteints par l’endettement public. En effet, l’endettement public a désormais atteint des niveaux inconnus en temps de paix ». Partant de ce constat, le conseil d’analyse économique souligne qu’un « modèle de croissance financé à crédit n’est clairement plus une option possible depuis la crise : la contrainte de finances publiques s’impose à nous maintenant pleinement » (14).

Comme le rapporteur le soulignait lors de la discussion générale du projet de loi de finances rectificative le 6 septembre dernier, la défense « doit participer à l’effort collectif ». Pour autant, les efforts demandés ne doivent pas fragiliser la crédibilité de notre pays ni remettre en cause les restructurations engagées depuis quatre ans. Le rapporteur a donc analysé, d’une part, la situation des crédits alloués aux équipements et à la défense en 2012 et, d’autre part, les possibles conséquences d’événements exogènes sur les ressources de la défense en mettant l’accent sur le risque industriel et sur les exportations.

A. LE PLF 2012 PRÉSERVE LES SECTEURS PRIORITAIRES

Dans un contexte de resserrement budgétaire, le budget de la défense apparaît globalement préservé et les priorités de la loi de programmation militaire sanctuarisées. L’équilibre financier reste cependant fragile et soumis à des aléas forts, notamment en ce qui concerne les ressources exceptionnelles. Les conditions d’exécution du budget 2011 pèseront fortement sur l’année à venir, surtout si les surcoûts ne sont pas compensés et que toutes les recettes ne sont pas au rendez-vous.

1. Les grandes orientations du PLF 2012

Sur le plan de la nomenclature budgétaire, le programme 146 est globalement stable avec la disparition de deux sous-actions (15) correspondant à des programmes en voie d’achèvement. En revanche, le ministère modifie la présentation des présentations des autorisations d’engagement (AE) au travers des tranches fonctionnelles.

a) Un nouveau cadre pour les engagements pluriannuels

La distinction entre AE et crédits de paiement (CP) est justifiée par l’écart existant entre la date de signature du contrat, c’est-à-dire l’engagement juridique de l’État, et la date de paiement réel, une fois le service fait constaté. En matière de défense, le délai peut être assez conséquent, surtout que le ministère a choisi de globaliser ses commandes, c’est-à-dire d’engager en une fois des sommes très importantes, les paiements étant échelonnés dans le temps.

Ce mécanisme ne permet cependant pas d’avoir une vision consolidée des engagements passés et de leur impact sur les paiements futurs. De même, il n’est pas possible à l’heure actuelle de distinguer les AE engagées des AE affectées : les premières sont la conséquence d’un engagement juridique tandis que les secondes ne correspondent à une prévision budgétaire.

Pour pallier ces difficultés et donner une meilleure visibilité pluriannuelle, le ministère a décidé d’utiliser les possibilités offertes par le progiciel Chorus en appliquant plus strictement l’article 8 de la loi organique relative aux lois de finances (16). Il a ainsi créé un nouvel agrégat dénommé « tranche fonctionnelle d’investissement ». Elle devient le support d’une affectation d’autorisations d’engagement sur un projet dont la réalisation s’effectuera sur plusieurs années et pourra nécessiter des engagements juridiques répartis sur plusieurs exercices. Dès le lancement du projet, le coût total sera ainsi connu. Il aurait été possible de prévoir dès le départ un montant équivalent d’AE mais cela nuirait à la lisibilité en raison de l’augmentation conséquente du stock d’AE non engagées. De surcroît, le ministère du budget fixe chaque année un plafond des engagements et il aurait fallu déroger régulièrement à cette règle pour pouvoir lancer les opérations.

Ce changement de présentation apparaît particulièrement complexe puisqu’il va falloir reconstruire a posteriori les tranches fonctionnelles de tous les programmes en cours. Le processus ne sera par ailleurs pas mis en place pour tous les programmes dès 2012 ; les arbitrages seront rendus progressivement et le système n’atteindra son format final qu’en 2013 ou 2014.

Question : Présenter la mise en œuvre des tranches fonctionnelles pour les équipements de la défense. En indiquer les conséquences sur la nomenclature budgétaire et sur la programmation pluriannuelle.

En quoi ce nouveau système va-t-il améliorer la transparence et la lisibilité du budget ?

Réponse :

L’article 8 de la LOLF instaure que « pour une opération d’investissement, l’autorisation d’engagement couvre un ensemble cohérent et de nature à être mis en service ou exécuté sans adjonction ». Cette référence à une tranche fonctionnelle d’investissement tend à éviter le fractionnement d’une opération d’investissement en plusieurs phases successives, qui pourraient masquer au Parlement la véritable ampleur des dépenses. La transparence est plus grande car le coût estimé d’une opération est annoncé avant le début du lancement de l’opération en question.

La tranche fonctionnelle (TF) est donc le support d’une affectation d’autorisation d’engagement (AE) sur un projet dont la réalisation s’effectuera sur plusieurs années. Il pourra nécessiter des engagements juridiques répartis sur plusieurs exercices.

Ainsi, désormais, le processus budgétaire du ministère de la défense en matière d’équipement revêt trois étapes :

- affectations : ensemble des commandes (y compris sur années ultérieures) pour une opération donnée. De manière générale, pour les programmes d’armement, une tranche fonctionnelle correspond à un stade tel que le stade de réalisation ; pour certaines grosses opérations, la maille sera plus fine et pourra correspondre à un ou plusieurs exemplaires. Ainsi, chaque SNA Barracuda est financé à partir d’une TF spécifique ;

- engagements : commandes prévues dans l’année ;

- paiements.

La demande d’AE du ministère en loi de finances doit tenir compte des affectations et des engagements et si elles existent des AE affectées non engagées (AEANE).

La soutenabilité budgétaire des affectations doit être garantie par une programmation pluriannuelle des tranches fonctionnelles instrumentée dans CHORUS et par la régulation des engagements annuels via notamment le plafond d’engagement fixé en lien avec la direction du budget.

Mise en œuvre de cette disposition dans les PAP 2011 et 2012

TF créées en 2009 et 2010

La mise en œuvre récente (2010) de cette disposition liée aux nouvelles fonctionnalités offertes par CHORUS n’a pas permis lors de la création de chaque TF d’affecter le montant nécessaire en autorisations d’engagement. C’est pourquoi un besoin de régularisation de ces « TF historiques » est nécessaire pour les « charger » en totalité. Deux options étaient possibles, soit un chargement au fil de l’eau, qui déroge au cependant au concept même des TF, soit un chargement (LFI ou LFR) en une seule fois, cette option étant certes plus conforme à l’esprit de la LOLF.

Les différents échanges avec la direction du Budget n’ont pas permis de régulariser en une seule fois ces TF, c’est donc un chargement au fil de l’eau qui sera opéré.

TF créées en 2011

Lors des arbitrages en AE relatifs au PLF 2011, le ministère de la défense a obtenu 1 milliard d’euros d’AE supplémentaires par rapport aux AE nécessaires à l’engagement en 2011, afin de mettre en place cette nouvelle disposition pour les tranches fonctionnelles créées en 2011 uniquement, c’est-à-dire les tranches fonctionnelles n’existant pas encore dans CHORUS (Barracuda, MUSIS, RDIP, etc.).

Ainsi pour chaque tranche fonctionnelle nouvellement créée, c’est le montant total de la TF en AE qui a été affecté.

TF à créer en 2012

Lors des arbitrages en AE relatifs au PLF 2012, pour les nouvelles TF 2012 afférents à des contrats au stade de réalisation, le ministère de la défense n’a demandé que les AE à hauteur des engagements de l’année pour des raisons de confidentialité vis-à-vis des industriels. Les TF seront complétées en 2013 ou 2014 suivant la date de signature des contrats principaux.

S’agissant de la mission Défense, cette disposition concerne en 2012 :

- le programme 146 pour les opérations stratégiques « PEM » et « Dissuasion » ;

- le programme 212 pour les opérations stratégiques « Infrastructure de défense » « Dissuasion » et « logement familial » ;

- le programme 178, opération stratégique « EPM » ;

- le programme 144, opération stratégique « ADM ».

Le montant 2012 des autorisations d’engagement qui seront affectées sur tranches fonctionnelles pour la mission défense est de 8,05 milliards d’euros.

Pour le ministère de la défense, malgré quelques imperfections (régularisation des historiques, contrainte de confidentialité avec les industriels), l’intérêt principal de ce dispositif réside dans l’établissement d’une programmation à moyen – long terme avec une visibilité sur les engagements et les paiements futurs. Les arrêtés de reports préciseront à quelles opérations d’investissement se rapportent les crédits à reporter.

Si l’amélioration de la lisibilité constituera, à terme, un avantage appréciable, la coexistence de plusieurs agrégats affaiblit, à ce stade, la compréhension et risque d’entretenir une certaine confusion. Il est primordial que la mise en œuvre de cette mesure fasse l’objet d’un suivi très attentif et d’un compte rendu détaillé dans le rapport annuel de performance.

b) L’évolution générale des crédits du programme 146

Le budget 2012 respecte la logique de la programmation pluriannuelle dans ses grandes orientations avec une baisse des autorisations d’engagement (AE) et un maintien des crédits de paiement (CP). Les années précédentes, beaucoup de commandes ont en effet été passées ; il convient désormais d’en assurer le financement. Comme le montre le tableau suivant, les AE du programme 146 sont en diminution de plus de 1,3 milliard d’euros. Les crédits de paiement évoluent en revanche favorablement avec un gain de 340 millions d’euros. Les écarts concernent l’ensemble des actions même si l’essentiel de la baisse se concentre sur le commandement et la maîtrise de l’information.

Évolution des crédits du programme 146 par action

(en millions d’euros)

 

LFI 2011

PLF 2012

Évolution

Action

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Dissuasion

2 603,9

2 689,7

3 122,7

2 666,6

16,6 %

- 0,9 %

Commandement et maîtrise de l’information

3 069,0

607,0

1 481,3

434,4

- 107,2 %

- 39,7 %

Projection — mobilité — soutien

1 448,3

1 139,4

1 840,6

960,3

21,3 %

- 18,6 %

Engagement et combat

3 099,3

3 602,7

2 148,1

4 447,4

- 44,3 %

19,0 %

Protection et sauvegarde

891,4

585,6

1 185,2

435,5

24,8 %

- 34,5 %

Préparation et conduite des opérations d’armement

2 081,8

2 087,6

2 109,5

2 108,2

1,3 %

1,0 %

Total

13 193,6

10 712,1

11 887,4

11 052,4

- 11,0 %

3,1 %

Source : Projet annuel de performances (PAP) pour 2012.

Pour la dissuasion, la hausse s’explique par la commande des opérations de maintien en condition opérationnelle du M51 et de l’ASMP-A ainsi que par l’adaptation au M51 du sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) Le Triomphant. Les AE du commandant et de la maîtrise de l’information étaient élevés en 2011 pour assurer la commande du satellite MUSIS à hauteur de 1,1 milliard d’euros. En matière de projection, de mobilité et de soutien, le volume reste globalement stable, la commande des NH 90 en 2012, soit 835 millions d’euros, équivalant à celle de 768 millions d’euros pour les porteurs polyvalents terrestres (PPT) en 2011. En 2011, l’action projet et sauvegarde permettait de commander le troisième sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) Barracuda et de poursuivre le programme des frégates multimissions FREMM. La commande de la rénovation des avions de patrouille maritime Atlantique 2, des missiles moyenne portée (destinés à succéder au Milan) et d’un missile antinavire léger (ANR) ne suffit pas pour maintenir les AE au même niveau qu’en 2011. Enfin en matière de protection et sauvegarde, le ministère prévoit d’affecter 555 millions d’euros en AE pour renouveler les bâtiments de soutien et d’assistance hauturier de la marine. Il convient toutefois de souligner qu’il n’est pas prévu d’engager ces sommes mais uniquement de les affecter. Ces crédits sont toutefois retracés dans le tableau final des engagements de l’action. Il convient donc de préciser comment ces sommes seront utilisées. En tout état de cause, la distinction entre affectation et engagement doit être utilisée avec prudence car cela peut contribuer à l’augmentation mécanique du stock d’AE à reporter et ainsi nuire à la lisibilité budgétaire annuelle.

c) Le maintien de la priorité accordée aux équipements

Comme le montre le tableau suivant, l’investissement reste une priorité du ministère de la défense avec une attention particulière accordée aux équipements.

Crédits de titre 5 "Investissement" de la mission "Défense"

(en millions d’euros)

 

LFI 2010

LFI 2011

Évolution annuelle

PLF 2012

Évolution annuelle

Programme

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

144

130

181

142

158

8,6 %

- 14,9 %

152

138

6,4 %

- 14,0 %

178

489

455

450

418

- 8,5 %

- 9,1 %

465

440

3,2 %

5,0 %

212

1 356

789

2 456

1 063

44,8 %

25,7 %

1 367

1 015

- 79,6 %

- 4,7 %

146

8 397

8 648

8 930

7 795

6,0 %

- 11,0 %

8 136

7 881

- 9,8 %

1,1 %

Total

10 372

10 073

11 979

9 432

13,4 %

- 6,8 %

10 120

9 474

- 18,4 %

0,4 %

Source : PAP 2011 et PAP 2012.

Les AE baissent certes par rapport à 2011 mais restent à un niveau équivalent à celui de 2010. Les CP en revanche progressent, inversant la tendance de l’année précédente. Au total, les dépenses d’investissement représentent environ 25 % du budget total de la défense et un peu moins de la moitié des crédits hors titre 2.

d) La part croissante des dépenses de fonctionnement

Si le rapporteur se félicite de la priorité donnée aux équipements, il a souhaité examiner l’évolution des crédits de fonctionnement qui avaient déjà augmenté en 2010 de 40,9 % pour les AE et de 16,4 % pour les CP. Le tableau ci-après présente cette évolution pour le programme 146.

Évolution des crédits de titre 3 « fonctionnement » du programme 146

(en millions d’euros)

 

LFI 2011

PLF 2012

Écart

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Dissuasion

1 070

571

427

380

- 150,5 %

- 50,5 %

Commandement et maîtrise de l’information

790

57

460

122

- 71,7 %

53,4 %

Projection — mobilité — soutien

128

57

587

170

78,2 %

66,7 %

Engagement et combat

235

188

200

406

- 17,6 %

53,6 %

Protection et sauvegarde

11

13

25

27

53,5 %

51,3 %

Préparation et conduite des opérations d’armement

131

133

154

164

15,0 %

19,0 %

Total

2 365

1 019

1 852

1 269

- 27,7 %

19,7 %

Source : PAP 2012.

Les AE baissent de près de 28 % tandis que les CP continuent d’augmenter passant de 1 milliard d’euros à plus de 1,2 milliard d’euros. Cette situation s’explique par l’importance des engagements de 2011. Par ailleurs, l’entrée en service de nouveaux équipements induit nécessairement un surcoût de MCO lié à l’appropriation des matériels par les forces mais aussi à leur complexité technologique. La moindre opération de remplacement implique désormais des matériaux coûteux qu’il faut souvent remplacer plutôt que réparer.

2. Une annuité budgétaire sous contrainte

Si les crédits prévus en 2012 apparaissent isolément assez satisfaisants et préservent l’essentiel de l’effort de défense, ils restent en deçà des orientations pluriannuelles. De surcroît, ils sont encore soumis à de forts aléas, notamment en ce qui concerne les conditions de la fin de l’exécution budgétaire pour l’année 2011.

a) L’encoche faite à la programmation pluriannuelle

Comme le montre le tableau suivant, les budgets annuels n’ont pas respecté la trajectoire prévue par la LPM, avec un écart cumulé de plus de 1,8 milliard d’euros en deux ans.

Évolution du budget de la défense (en crédits de paiement et hors pensions)

(en milliards d’euros)

 

2011

2012

2013

Total
2011-2013

LPM

30,66

31,86

32,81

95,33

LFI, PLF et LPFP

30,15

30,51

31,02

91,68

Écart

- 1,7 %

- 4,4 %

- 5,8 %

- 4,0 %

Source : projets annuels de performance, LPFP et LPM.

La programmation pluriannuelle des finances publiques ne prévoit pas de rattraper ce décalage en 2013 puisque les crédits budgétaires devraient encore être inférieurs de 1,79 milliard d’euros à la prévision de la LPM.

Les ressources exceptionnelles devraient limiter l’écart et assurer le financement de la programmation. Pourtant, comme le montre tableau ci-après, le ministère pâtit d’un décalage récurrent depuis 2009.

Évolution des recettes exceptionnelles

(en milliards d’euros)

 

2009

2010

2011

2012

2013

LPM

1,61

1,22

0,54

0,20

0,10

Actualisation (1)

0,59

0,10

1,02

1,09

1,07

Écart cumulé

- 1,02

- 2,14

- 1,66

- 0,77

0,20

(1) Sommes encaissées pour 2009 et 2012 et prévisions actualisées à partir de 2011.

Source : ministère de la défense et des anciens combattants.

À supposer que les prévisions actualisées soient respectées, les recettes exceptionnelles n’apporteront d’ici 2013 que 20 millions d’euros supplémentaires. Cet abondement ne suffit nullement à compenser l’insuffisance des crédits budgétaires. L’exécution des crédits en 2009 et 2010 a par ailleurs montré que cette ressource est très fortement aléatoire : en son absence, le ministère doit trouver des solutions palliatives, insatisfaisantes sur le moyen et le long terme. La mobilisation des reports de crédits ou le bénéfice d’une moindre inflation ne saurait durablement équilibrer le budget du ministère.

Comme l’a observé le délégué général pour l’armement lors de son audition, le budget de la défense est en situation d’équilibre précaire, le moindre décalage pouvant avoir des conséquences durables. « Si [des] recettes venaient à manquer, le report de charges s’aggraverait d’autant et nous sortirions du domaine du soutenable » (17).

b) De forts aléas de gestion

L’aléa évoqué par le délégué général apparaît fort, surtout que le ministère de la défense a d’ores et déjà été soumis à des mesures de régulation au cours de l’année 2011. En outre, le financement des OPEX n’est, à ce jour, pas encore assuré par un abondement interministériel et pourrait dégrader encore plus le bilan de cette année. À ce stade, les mouvements de gestion restent relativement peu élevés, avec une baisse de 54,5 millions d’euros pour les AE et de 42,5 millions d’euros pour les CP (18).

La loi de finances rectificative de septembre 2011 a ainsi annulé près de 210 millions d’euros, l’essentiel de l’effort portant sur l’équipement des forces avec 208 millions d’euros de moins en autorisations d’engagement et 158 millions d’euros de moins en crédits de paiement. Le ministre de la défense a indiqué que « cette baisse n’est pas identifiable dans la mesure où [le ministère essaie] de l’absorber grâce [à ses] capacités de trésorerie et d’endettement ». Cette décision n’a cependant pas conduit à la suppression de « dépenses d’équipement ou de fonctionnement significatives » (19). Il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’un élément de contrainte supplémentaire quand les marges de manœuvre sont déjà inexistantes.

Comme l’a rappelé le rapporteur lors de la discussion générale de la loi de finances rectificative, il faut prendre garde au « risque sérieux de décrochage qui viendrait […] ternir les quatre années d’efforts exceptionnels que nous avons fournis jusqu’à présent » (20) si d’aventure la défense devait faire face à d’autres mesures de régulation avant la fin de l’année. Comme le montre le graphique suivant, le surcoût OPEX est en effet en augmentation très forte.

Évolution du surcoût OPEX

(en millions d’euros)

(1) réserve interministérielle de précaution, loi de finances rectificative ou remboursements ONU.

Source : ministère de la défense et des anciens combattants.

Le surcoût devrait donc atteindre au moins 1,2 milliard d’euros en 2011, soit une hausse de près de 40 %. Ce phénomène est conjoncturel et lié à l’intervention de la France en Libye ; il n’en constitue pas moins un facteur de déséquilibre majeur qu’il convient d’anticiper au plus vite. Comme l’ont indiqué le ministre de la défense et la ministre du budget, un abondement interministériel devrait couvrir ce besoin. Il conviendra toutefois de s’assurer que la compensation intervient suffisamment tôt pour que les services puissent liquider les opérations et évitent ainsi d’augmenter les reports.

3. La reproduction d’une bosse ?

Le caractère pluriannuel des opérations d’armement impose d’examiner l’évolution des crédits sur le long terme. Avec la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), une distinction plus nette s’est faite entre les AE et les CP. Le ministère de la défense a par ailleurs décidé de globaliser ses commandes, ce qui explique les pics temporaires d’AE en début de programmation. Le décalage existant avec les CP devrait néanmoins se résorber au fur et à mesure. Le graphique suivant montre toutefois une aggravation de la tendance.

Évolution des crédits de titre 5 de la mission « Défense »

(en milliards d’euros)

Source : rapports annuels de performance pour 2006 et 2007, lois de finances initiale pour 2008 et 2009 et projet annuel de performance pour 2012.

Même en isolant les engagements antérieurs, le schéma montre bien que les crédits de paiement actuellement prévus ne suffisent pas à couvrir les engagements. Le projet annuel de performance précise même que, pour le programme 146, il y a aura quelque 46 milliards d’euros d’engagements non couverts à la fin de l’année 2012. En d’autres termes, la charge reportée sur les années à venir correspond à plus de trois exercices budgétaires. Le rapporteur souligne le caractère glissant des engagements qui justifient parfaitement un décalage. En revanche, il s’inquiète de cette évolution, craignant la reproduction d’une « bosse » : lorsque le ministère ne pourra plus financer les programmes qu’il a prévus, il lui faudra opérer des coupes, ce qui serait opérationnellement catastrophique, industriellement dangereux et financièrement coûteux puisqu’il faudra malgré tout indemniser les industriels.

Le rapporteur a souhaité avoir une vision plus précise de ces décalages et a donc demandé au ministère d’établir un récapitulatif des engagements et des paiements pour les principaux programmes d’armement depuis 2006. Le tableau suivant présente l’état de consommation ou les prévisions de consommation de 35 programmes (21).

Évolution des crédits de 35 programmes d’armement

(en millions d’euros)

 

2006

2007

2008

2009

2010

2011 prévu

2012 prévu

Engagements

4 311,3

3 240,6

4 652,0

12 890,2

3 335,7

4 966,5

3 291,3

Paiements

3 717,4

3 708,0

4 618,7

5 935,0

5 141,0

4 437,8

5 354,0

Source : ministère de la défense.

Ces données font apparaître un écart cumulé entre les engagements et les paiements qui atteint plus de 5,3 milliards d’euros à la fin de l’année 2010. Comme le montre le graphique suivant, la situation se dégrade encore en 2011 ; elle devrait s’améliorer en 2012 à supposer que les prévisions d’exécution soient scrupuleusement respectées.

Écart cumulé entre les engagements et les paiements de 35 programmes d’armement

(en millions d’euros)

Source : ministère de la défense.

Le schéma ne donne pas une image réaliste de la situation entre 2006 et 2008 puisque l’essentiel des paiements de ces années étaient dus à des engagements antérieurs. En revanche, on constate bien que le fort niveau d’engagement de 2009 ne commence à se résorber qu’à compter de 2012 même s’il restera encore près de 3,8 milliards d’euros d’engagements à couvrir.

Le risque de reproduction de bosse est donc bien lié aux décisions intervenues ces dernières années qui s’ajoutent aux conséquences des arbitrages antérieurs. En d’autres termes, le stock antérieur n’a pas été apuré, il a même été augmenté.

B. LES MESURES CONJONCTURELLES

Au vu de la dégradation du contexte économique et financier, le Gouvernement a mis en place deux grandes mesures conjoncturelles afin de maintenir l’activité à court terme et d’assurer l’avenir en développant les secteurs stratégiques.

1. Le plan de relance

Lancé en 2008, le plan de relance a permis d’avancer des commandes d’équipements ou de lancer de nouvelles opérations. Au total, la défense bénéficie de plus d’un milliard d’euros en autorisations d’engagement et de 1,2 milliard d’euros de crédits de paiement répartis entre les exercices 2009 et 2010. Au-delà de 2010, la poursuite des paiements sur les opérations engagées au titre du plan de relance sera réalisée sur les crédits de la mission défense.

Le tableau suivant présente l’état de paiement des opérations d’armement relevant du plan de relance.

Opérations financées par le plan de relance

(en millions d’euros)

Nom de l’opération

AE
engagées (1)

CP payés

Reste à payer

2009

2010

2011

Achat du troisième BPC

439,2

191,4

124,8

21,3

101,7

Maintien de la cadence de production du Rafale

0

77,7

102,2

2,2

 

Achat de 5 Caracal

227,5

64,8

87

6,8

68,9

Maintien de la cadence de production du VBCI

0

91,6

76,8

   

Achat de 4 engins amphibies rapides

58,2

24,1

20

0,9

13,2

Achat de munitions pour blindés

431

6

11,3

0,7

413

Achat de stations sol et marine Syracuse

3

19,3

17,2

4,5

- 38

Achat de 200 petits véhicules protégés

36,6

12,7

14,4

 

9,5

Achat de nouvelles capacités d’emport pour le Rafale

4,5

0,8

3,7

 

0

Achat de petits bâtiments pour la marine

12,5

3,5

5,3

0,5

3,2

Prédéveloppements de MUSIS

10

5

5

 

0

Achat de 15 Aravis

15

10,1

4,8

 

0,1

Achat d’équipements optroniques pour les fantassins

11

5,9

5,9

0,6

- 1,4

Transformation de 2 Falcon en avion de surveillance maritime

18,8

11,6

14,6

 

- 7,4

Achat de munitions d’artillerie

44,5

16

11,9

1,7

14,9

Achat de leurres pour hélicoptères

13,5

8,7

1,6

 

3,2

Améliorations pour hélicoptères

8,7

4,9

0,4

 

3,4

Mise à hauteur de centres de simulation Rafale

0

12,1

1,6

   

Achat de données de géographie numérique

14

5,3

3,9

0,1

4,7

Achat de roquettes pour le Tigre

7,8

2,9

3,7

 

1,2

Mise à niveau des moyens d’essai de la DGA

12,2

10

2,3

 

- 0,1

Évolution du système de préparation du Rafale

25

1

5,6

 

18,4

Nouvelles fonctionnalités sur le Rafale

24,3

6,3

18

 

0

Achat de groupes électrogènes pour l’armée de terre

9,4

2,1

7,2

 

0,1

Anticipation de la fusion Martha-SCCOA

9,3

4,1

0

 

5,2

Achat de Pod Damocles

37,9

20

4,3

 

13,6

Auto-défense des hélicoptères de manœuvre

4,8

3,7

11,8

 

- 10,7

Achat de 3 drones SDTI

5,2

3,4

1,4

 

0,4

Total plan de relance (1)

1 483,9

625

566,7

39,3

617,1

(1) y compris les compléments apportés par le programme 146.

Source : ministère de la défense.

Les AE et les CP du plan de relance ne correspondent pas nécessairement : le maintien des cadences de production du Rafale ou du VBCI ne nécessitent par exemple aucun engagement d’AE puisqu’il ne s’agit que d’avancer la date de réalisation d’opérations déjà programmées. Les opérations engagées grâce à l’abondement d’AE du plan de relance ne sont en revanche pas toutes terminées et le ministère devra dégager près de 620 millions d’euros pour les achever. Cette somme apparaît parfaitement raisonnable et compatible avec les ressources disponibles.

Le rapporteur a par ailleurs interrogé le ministère sur l’impact économique de ce plan. Il ressort que les PME ont pu en bénéficier à hauteur de 30 % dans le secteur terrestre. Au total, le rapport annuel de performance pour 2010 estime que les opérations dans le domaine de la défense et de la sécurité ont créé quelque 2 800 emplois.

Question : Indiquer les mesures prises pour mettre en place les « instruments de mesure permettant d’évaluer l’impact sur l’activité et l’emploi » du plan de relance, la Cour des comptes notant qu’ils n’existent « toujours pas ».

Réponse :

Évaluation de l’impact économique

Les 28 opérations conduites dans le cadre du plan de relance de l’économie en matière d’équipement des forces sont d’ampleurs variées, tant en durée (la livraison des tapis de poser pour hélicoptères s’est achevée en septembre 2009, alors que la livraison du dernier engin de débarquement rapide est prévue au dernier trimestre 2012) qu’en montant (l’acquisition des nouvelles capacités d’emport pour le Rafale dans le cadre du plan de relance représente moins de 4 m€ de « CP relance » sur 2009-2010, alors que l’opération relative au BPC représente 315 millions d’euros de paiements sur ces deux années). Certaines de ces 28 opérations se décomposent par ailleurs en plusieurs commandes à des industriels différents.

Au regard de la taille et de la complexité des différentes opérations, la plupart des titulaires sont de grands maîtres d’œuvre industriels. Des PME sont néanmoins titulaires de la commande de tapis de poser pour hélicoptères et de la moitié des commandes de petits bâtiments de formation et de servitude pour la marine. C’est également le cas pour plusieurs contrats relatifs aux investissements dans les centres DGA. Les maîtres d’œuvre des autres opérations sont amenés à sous-traiter pour partie les travaux. Le groupement des industries françaises de défense terrestre (GICAT) a déclaré estimer à 30 % la part revenant à des PME pour les opérations du plan de relance concernant ses adhérents.

En terme de localisation, les meilleures estimations qui ont été réalisées conduisent à identifier les régions Pays-de-Loire et Provence-Alpes-Côte d’Azur comme étant les deux premières bénéficiaires des opérations relance en matière d’équipement des forces (part estimée à plus de 20 % des investissements chacune). Les régions Île-de-France, Rhône-Alpes, Centre, Aquitaine et Midi-Pyrénées ont chacune des parts d’investissement qui peuvent être estimées entre 5 et 20 %.

Une décomposition estimative pour quelques opérations phare est présentée ci après :

Les investissements relatifs à l’acquisition du troisième BPC irriguent 16 régions au premier rang desquelles les Pays de Loire (plus de 100 millions d’euros), puis Provence-Alpes-Côte d’Azur et la Haute-Normandie (plus de 10 millions d’euros chacune).

Les investissements relatifs à l’acquisition des 5 Caracal se répartissent sur 17 régions au premier rang desquelles Provence-Alpes-Côte d’Azur (plus de 100 millions d’euros) puis les régions Aquitaine et Île-de-France (plus de 10 millions d’euros chacune).

Les investissements relatifs à l’opération VBCI concernent 14 régions au premier rang desquelles la région Île-de-France (entre 30 et 60 millions d’euros), puis Rhône-Alpes (entre 20 et 40 millions d’euros), Midi-Pyrénées, Auvergne et Limousin (entre 10 et 20 millions d’euros chacune).

Les investissements relatifs aux engins de débarquement rapides concernent la Bretagne (entre 25 et 35 millions d’euros) et Provence-Alpes-Côte d’Azur (entre 20 et 30 millions d’euros).

Les investissements relatifs aux pods Damocles concernent 6 régions avec en premier lieu la région Île-de-France (plus de 10 millions d’euros) puis Midi-Pyrénées (entre 1 et 10 millions d’euros).

Les investissements relatifs à la transformation de 2 FALCON gouvernementaux en avion de surveillance maritime concernent essentiellement les régions Île-de-France et Aquitaine (plus de 10 millions d’euros chacune) et la région Centre (entre 1 et 10 millions d’euros).

Les investissements relatifs à l’acquisition de stations Syracuse concernent 5 régions avec au premier rang les régions Midi-Pyrénées, Pays de Loire et Île-de-France (plus de 10 millions d’euros chacune).

La première région concernée par les investissements relatifs aux nouvelles fonctionnalités Rafale est Provence-Alpes-Côte d’Azur (plus de 10 millions d’euros).

La première région concernée par les investissements relatifs aux évolutions du système de préparation de mission du Rafale et de ses missiles aéroportés est Provence-Alpes-Côte d’Azur (plus de 20 millions d’euros).

Les principaux investissements relatifs aux centres de simulation Rafale se situent en Île-de-France (plus de 35 millions d’euros) et en Bretagne (plus de 10 millions d’euros).

La principale région concernée par l’opération PVP est Rhône-Alpes (plus de 20 millions d’euros).

Concernant le report de la baisse de cadence de la production du Rafale, les sites du titulaire sont en Aquitaine et en Île-de-France.

La consolidation des estimations permet d’évaluer globalement l’impact des 28 opérations relance conduites en matière d’équipement des forces à 68 300 hommes-mois (sur la base de l’indicateur de la mission Relance).

2. Le grand emprunt

Lancé en juin 2009 pour financer des investissements d’avenir, le grand emprunt dispose d’une enveloppe de 35 milliards d’euros et cible cinq secteurs stratégiques : l’enseignement supérieur et la formation (11 milliards d’euros), la recherche (7,9 milliards d’euros), les filières industrielles et les PME (6,5 milliards d’euros), l’économie numérique (4,5 milliards d’euros) et le développement durable (5,1 milliards d’euros). Les filières industrielles de l’aéronautique, du spatial, de l’automobile, du ferroviaire et de la construction navale sont retenues comme prioritaires.

Ce plan reprend les conclusions du rapport remis au Président de la République par Alain Juppé et Michel Rocard en novembre 2009 qui soulignait que « les investissements […] devront répondre à l’objectif de la transition vers un nouveau modèle de développement et s’inscrire dans une perspective de long terme, pour préparer l’avenir par un effort d’investissement ciblé et exceptionnel ». La commission qu’ils présidaient avait défini huit critères pour déterminer les projets à retenir :

« – investir dans des domaines qui représentent un enjeu stratégique de moyen ou long terme dans une logique « transformante », en vue de la transition vers un nouveau modèle de développement ;

– se concentrer sur des domaines dans lesquels la France dispose d’avantages comparatifs ;

– financer des dépenses exceptionnelles d’investissement susceptibles de faire la différence (ne pas financer des dépenses courantes ni se substituer aux arbitrages budgétaires) ; chaque fois que cela est possible, il doit y avoir un actif nouveau en contrepartie de l’apport de l’État ;

– pallier les défaillances de marché (problèmes de financement liés à un horizon trop long ou à un risque élevé…) par une intervention conjointe ou en appui à une action privée ;

– agir sur des secteurs pour lesquels l’investissement de l’État peut permettre un déblocage ou l’atteinte d’une taille critique et entraîner des externalités positives ;

– rechercher chaque fois que possible un effet de levier vis-à-vis des financements privés ainsi que d’autres financements publics, locaux ou communautaires ;

– assurer un retour sur investissement, financier ou socio-économique, et pouvoir faire l’objet d’une évaluation de l’intervention publique » (22).

Si le secteur de la défense n’est pas explicitement mentionné, il n’en reste pas moins que la recherche militaire entretient des relations étroites avec le secteur civil et qu’elle a souvent servi de facteur d’entraînement. Le Livre blanc appelle d’ailleurs à ce que « la France et l’Europe [… favorisent] les synergies entre la recherche civile et la recherche de défense et de sécurité. En effet, 60 % de la recherche financée par la défense ont des retombées dans le secteur civil, contre 20 % seulement en sens inverse. Les ministères de l’intérieur et de la défense devront donc intensifier leurs relations avec les grands établissements publics de recherche, les industriels, les universités mais aussi les plus petits laboratoires. Ils devront être représentés à haut niveau dans les programmes de l’agence nationale de la recherche (ANR). Le volume d’appels à projets provenant de partenariats entre les ministères de l’intérieur et de la défense devra être augmenté. Les programmes de technologies duales, civiles et militaires, occuperont une place plus importante dans la programmation annuelle de l’agence nationale de la recherche. Le programme budgétaire « recherches duales » dépendant du ministre chargé de la défense sera plus clairement orienté vers la recherche de base dans le domaine de la défense et de la sécurité. Sa mise en œuvre devra évoluer d’une logique de subvention vers une logique de financement de projets identifiés » (23).

Malgré l’intérêt de cette synergie, la défense n’a pas été intégrée au grand emprunt. Cette mise à l’écart s’explique notamment par le fait que la défense dispose déjà d’une ligne budgétaire spécifique pour les investissements stratégiques que ce soit au sein du programme 146 ou programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense ». Les ressources de ces deux programmes apparaissent toutefois limitées et les rapporteurs de la commission de la défense appellent à leur revalorisation de façon constante et répétée. Par ailleurs, le grand emprunt ne finance que des projets nouveaux et ne peut venir soutenir des opérations déjà engagées. L’application de ce principe a conduit par exemple le commissaire général à l’investissement René Ricol à écarter du grand emprunt l’A400M alors qu’il s’est déclaré ouvert sur l’avion civil A 350 (24).

Les entreprises de défense profitent toutefois de la dynamique créée par le grand emprunt, notamment lorsqu’elles ont une activité duale. Elles peuvent par exemple bénéficier de la création de fonds d’amorçage, dotés de 500 millions d’euros, pour accompagner la création de PME innovantes dans des secteurs prioritaires. De même, 1,5 milliard d’euros est consacré à l’aide aux PME et entreprises de taille intermédiaire innovantes pour obtenir les financements nécessaires à leur développement. L’industrie aéronautique et spatiale civile bénéficie enfin de deux milliards d’euros ; or les entreprises de ce secteur ont presque toujours une activité civile et une activité militaire.

C. L’IMPACT DE LA CRISE SUR L’INDUSTRIE ET SUR L’EXPORT

Les conséquences de la crise économique et financière dépassent le seul cadre budgétaire : les entreprises de défense sont directement concernées et notamment les PME qui étaient déjà dans une situation fragile. Le durcissement des marchés internationaux aggrave par ailleurs les difficultés nationales et réduit un peu plus les débouchés commerciaux pour les entreprises françaises.

1. Une fragilité croissante des PME

Les PME de défense souffrent d’une visibilité imparfaite, le ministère de la défense ne traite plus directement avec elles puisqu’il a délégué l’essentiel des responsabilités de maître d’œuvre à des grands groupes. Les PME peinent par ailleurs à trouver des financements. Faute de trouver les ressources nécessaires, elles risquent alors de passer sous le contrôle de fonds étrangers, alors même qu’il s’agit de secteurs sensibles.

a) Une fragilité financière

La contraction des ressources publiques conduit à une baisse des commandes publiques en matière de défense ce qui diminue d’autant les ressources des entreprises. L’effet varie cependant en fonction de la taille de la société mais plus encore de l’état de ses fonds propres. Les grands groupes disposent souvent d’une assise financière suffisante pour trouver des solutions temporaires, notamment en recourant au système bancaire. En revanche, les PME peinent à trouver des capitaux d’autant plus que leurs fonds propres ont déjà été largement entamés par les difficultés de trésorerie générées par CHORUS.

Dans leur rapport d’information sur les PME de défense, MM. Dominique Caillaud et Jean Michel rappelaient que certaines PME ont dû faire face à « des retards de paiement pouvant atteindre 13 mois et des montants qui représentent parfois 10 % du chiffre d’affaires annuel » et qu’elles n’avaient de « ressources propres [suffisantes] pour faire face à un tel aléa surtout que les banques [ne les ont] pas aidé[es] dans cette crise, bien au contraire » (25). Les projets innovants portés par les PME sont trop risqués, trop peu rentables et souvent avec un horizon trop lointain. Ce problème semble assez spécifique à la France. Comme le relève Louis Gallois, président d’EADS, « les entreprises de taille moyenne en Allemagne n’ont pas le même problème de financement que leurs équivalentes françaises. [Elles] ont trouvé auprès du secteur bancaire local et auprès d’un certain nombre de familles, à travers des fondations, le moyen d’assurer leur transformation de PME en entreprise de taille moyenne (ETI) » (26).

La mobilisation de ressources pour développer les fonds propres est d’autant plus difficile que les PME ont souvent des problèmes de trésorerie. Elles se concentrent alors sur le besoin immédiat, délaissant naturellement les enjeux de long terme pourtant stratégiques. Cette situation est particulièrement nette dans le domaine de la défense, les PME de défense n’ayant presque jamais accès au paiement direct par l’État. Comme le relève le rapport d’information de MM. Dominique Caillaud et Jean Michel, l’article 115 du code des marchés publics introduit une exception au principe du paiement direct du sous-traitant par le pouvoir adjudicateur : pour les contrats de défense, il faut que le « montant [du] contrat de sous-traitance [soit] égal ou supérieur à 10 % du montant total du marché »  (27). Compte tenu de l’importance des contrats, les sous-traitants de défense sont presque toujours payés par le primo-contractant. Or ce dernier n’est tenu à aucun délai réglementaire de paiement, hors ceux prévus par le contrat. Dans les faits, les grands groupes peuvent donc faire supporter les aléas conjoncturels sur la trésorerie des PME, sans avoir nécessairement à payer d’intérêts moratoires. Comme l’ont préconisé les rapporteurs de la mission d’information, le rapporteur considère que cette disposition doit être modifiée pour mettre fin ou, à tout le moins, corriger significativement cette exception.

b) Le soutien de l’État aux PME

Pour préserver et pérenniser ses PME, la France a « structurellement besoin d’investisseurs de long terme tels que les fonds souverains » (28). La Caisse des dépôts et consignations (CDC) est l’acteur privilégié d’une telle action ; bras bancaire de l’État, elle peut intervenir pour soutenir ces entreprises et créer un effet d’entraînement, les prestataires privés rechignant moins à s’engager dans un projet impliquant la Caisse.

Les interventions peuvent être directes ou au travers de fonds dédiés avec pour principaux outils CDC entreprises et le fonds stratégique d’investissement (FSI). En 2010, ces deux entités ont investi plus de 2,4 milliards d’euros dans plus de 400 entreprises. Il peut s’agir soit d’investissements directs, la Caisse possédant par exemple quelque 11,9 milliards d’euros de participations minoritaires, soit du financement de fonds de capital investissement. Plus de 210 fonds sont ainsi affiliés à CDC Entreprises comme par exemple Emertec et Emertec 2 : créés par CDC entreprises et le commissariat à l’énergie atomique (CEA), ces fonds visent les sociétés du secteur des technologies matérielles et de celui des micro et nanotechnologies. Au total, ces fonds réalisent plus du tiers des fonds d’amorçage et 18 % des fonds de capital risque en France.

Créé en 2008, le FSI intervient auprès des entreprises françaises dont les projets industriels sont créateurs de valeur et de compétitivité pour l’économie nationale. Le but n’étant pas de prendre le contrôle de ces entreprises, son intervention reste minoritaire mais soumise à un droit de participation à la gouvernance de l’entreprise par un représentant qui est souvent une personnalité extérieure au FSI. Ses actifs s’élèvent à 20 milliards d’euros dont six milliards de liquidités. Comme le montre le graphique ci-après, le FSI intervient dans tous les secteurs d’activité, la défense en représentant qu’une partie marginale de son activité.

Secteurs d’intervention du fonds stratégique d’investissement

Source : site Internet du FSI.

Si la défense ne bénéficie pas d’un traitement particulier, le fonds est néanmoins particulièrement attentif aux enjeux de souveraineté, « le critère de la souveraineté [entrant] dans l’équation quand il s’agit d’assurer le maintien de savoir-faire et de technologies sensibles » (29). Parmi les participations détenues par le FSI, on relève par exemple que le fonds détient 33,3 % du capital de STX France (chantiers navals), 26,12 % d’EUTELSAT (communications par satellites), 17,5 % de Daher (équipementier aéronautique) ou 4,87 % du capital de ZODIAC AEROSPACE (aéronautique).

Vu l’impact de l’action du FSI, la ministre de l’économie Christine Lagarde a décidé, en mai 2011, de renforcer les ressources du FSI à hauteur de 1,5 milliard d’euros dont 500 millions dès 2011.

c) Les fonds souverains et les investisseurs étrangers

● Face à l’ampleur du besoin de financement, il est également fait appel à des fonds souverains étrangers pour soutenir des sociétés françaises. Ces fonds souverains étrangers s’appuient sur les revenus issus de l’exploitation pétrolière ou minière, d’une épargne nationale forte ou d’importantes réserves de change. Contrôlés par un gouvernement national, ils gèrent des actifs financiers avec une logique de long terme afin de créer une épargne intergénérationnelle ou, dans le cas des puissances pétrolières, pour diversifier le PIB national. En janvier 2008, le Président de la République, s’adressant à des investisseurs saoudiens, estimait que la France a « besoin d’investisseurs financiers de long terme, capables de voir plus loin que les résultats trimestriels. [Ils sont] les bienvenus en France ». Il indiquait vouloir « faire une grande différence entre des investisseurs de long terme […] qui cherchent avant tout un rendement financier sur longue période, mais qui ne cherchent pas à déstabiliser les entreprises, qui ne cherchent pas à piller leur technologie, qui ne cherchent pas un contrôle stratégique sur leurs activités […] et des fonds activistes ou même d’autres fonds souverains aux intentions moins claires. […] La France sera toujours ouverte aux fonds souverains dont les intentions sont sans ambiguïté, dont la gouvernance est transparente et dont le pays d’origine pratique la même ouverture à l’endroit des capitaux étrangers » (30).

Ces fonds détiennent déjà des participations dans les grandes entreprises françaises de défense à l’exemple de Dubaï International Capital détenteur de 3 % du capital d’EADS ou Qatar Investment Authority qui possède 5 % de Lagardère.

S’il stabilise le capital, l’appel à des fonds souverains étrangers renforce dans le même temps la dépendance extérieure de sociétés stratégiques. Il peut également les fragiliser lorsque les États gouvernant ses fonds modifient leur politique ou subissent des changements institutionnels majeurs. L’Italie en fait l’amère expérience avec la Libyan Investment Authority, investisseur contrôlé par le gouvernement du colonel Kadhafi, qui détenait notamment 2 % de la holding italienne de défense Finmeccanica.

L’arrivée de capitaux étrangers dans les sociétés de défense doit sans cesse être analysée avec vigilance. Les investisseurs ne sont pas, par principe, de généreux donateurs. Lorsque la banque publique russe VTB a acquis 5 % des actions d’EADS à l’été 2006, les autorités françaises ont présenté cette opération comme strictement financière, arguant du fait que les modalités de gouvernance du consortium étaient établies par un pacte d’actionnaires n’intégrant pas la partie russe. Cette présentation était en fait un véritable veto à la volonté des autorités russes d’atteindre la minorité de blocage et de disposer d’un siège au conseil d’administration du groupe européen.

L’intérêt des pays émergents pour les secteurs stratégiques que sont l’aéronautique ou la défense est manifeste. Il s’est confirmé au printemps 2011 lorsque l’équipementier aéronautique Latécoère, qui souhaitait s’appuyer sur un grand groupe, a reçu plusieurs offres dont celles de Fokker-Stork (Pays-Bas) et d’Avic (Chine). Les opérations industrielles ne sont désormais plus limitées aux seules européennes ou américaines.

Question : Fournir une fiche détaillée sur les investissements étrangers opérés en 2010 et 2011 au sein d’entreprises du secteur de la défense.

Réponse : En termes quantitatifs, après que les années 2006 (31 opérations) et 2007 (39 opérations) eurent fait ressortir une augmentation sensible du flux d’investissements étrangers dans des activités ayant trait à la défense, un ralentissement avait été enregistré en 2008 (23 opérations) et surtout en 2009 (12 opérations seulement), ces deux années ayant été impactées par la crise économique. L’année 2010 (26 opérations) et la première partie de l’exercice 2011 (16 demandes d’autorisation déjà traitées de janvier à fin juillet) ont semblé marquer le retour à un niveau plus habituel du flux de ces investissements. À titre indicatif, une quinzaine de demandes restaient à instruire mi-août 2011 après que 3 autres ont été traitées (avis donné ou dossier retiré par le demandeur).

Environ soixante pour cent des projets d’investissements précités pour les années 2010 et 2011 (jusqu’à fin juillet) ont donné lieu à la fixation de conditions imposant des engagements aux investisseurs. Ces engagements pris envers l’État portent principalement sur la préservation, d’une façon pérenne, des capacités industrielles, capacités de recherche et développement et savoir-faire associés intéressant les activités de défense des entreprises françaises objets de ces investissements. Il s’agit de garantir au ministère de la défense et des anciens combattants la sécurité d’approvisionnement des composants et équipements que ces entreprises lui fournissent.

En termes d’origine des demandeurs, les États-Unis restent le premier pays d’origine des investisseurs étrangers en France dans les activités de défense, durant 2010 et cette première partie de 2011 (près de 36 % des opérations). Les pays membres de l’Union européenne comptent globalement pour un peu plus de la moitié des demandes (environ 52 % des opérations, dont près de 10 % pour le Royaume-Uni). Le reste du monde représente 12 %.

● Le Livre blanc sur la défense et la sécurité de 2008 souligne le risque que représentent de pareils investissements, relevant que « à l’instar de plusieurs pays européens, la France s’est dotée d’un régime de contrôle des investissements étrangers dans onze secteurs économiques « protégés ». Ce mécanisme lui permet de s’opposer à la prise de contrôle d’une entreprise française détenant des actifs stratégiques, ou de poser des conditions préservant ses intérêts de sécurité » (31). Parmi les onze secteurs identifiés, on relève notamment « la recherche, le développement ou la production de moyens destinés à faire face à une attaque terroriste chimique ou bactériologique ; les matériels conçus pour l’interception des correspondances et la détection à distance des conversations ; l’évaluation de la sécurité offerte par les produits et les systèmes des technologies de l’information ; la sécurité des systèmes d’information d’une entreprise opérant dans le domaine des secteurs d’activité d’importance vitale ; les biens et les technologies à double usage ; les moyens et les prestations de cryptologie ; les activités exercées par les entreprises dépositaires de secrets de la défense nationale ; la recherche, la production et le commerce de matériels de guerre ; l’étude et la fourniture d’équipements au profit du ministère de la défense » (32).

À la suite de la tentative d’offre publique d’achat (OPA) hostile du géant américain Pepsi sur le groupe agroalimentaire Danone en 2005, la France a renforcé son dispositif de contrôle. Dominique de Villepin, alors Premier ministre, déclarait que « les investissements étrangers lorsqu’ils concernent des technologies sensibles touchant notamment à la sécurité et à la défense, y compris dans leurs dimensions technologiques et sanitaires, [doivent être] mieux contrôlés » (33).

En application du décret du 31 décembre 2005 (34), l’article L. 151-2 du code monétaire et financier dispose que « le Gouvernement peut, pour assurer la défense des intérêts nationaux et par décret pris sur le rapport du ministre chargé de l’économie soumettre à déclaration, autorisation préalable ou contrôle » certaines opérations financières. Le I de l’article L. 151-3 du même code précise que cette mesure s’applique aux « investissements étrangers dans une activité en France qui, même à titre occasionnel, participe à l’exercice de l’autorité publique ou relève de l’un des domaines suivants :

a) Activités de nature à porter atteinte à l’ordre public, à la sécurité publique ou aux intérêts de la défense nationale ;

b) Activités de recherche, de production ou de commercialisation d’armes, de munitions, de poudres et substances explosives ».

Pour obtenir l’autorisation préalable, l’investisseur dépose un dossier de demande auprès du ministre chargé de l’économie qui a deux mois pour se prononcer, le silence valant acceptation tacite. L’autorisation peut être assortie de conditions particulières (maintien d’activités, exécution d’obligations contractuelles…). Les refus doivent être motivés par une présomption sérieuse d’infraction au code pénal ou par l’absence de garanties suffisantes quant à la préservation des intérêts nationaux.

La déclaration administrative auprès du ministère de l’économie vise quant à elle la création d’une entreprise par une entreprise de droit étranger ou une personne physique non résidente ; l’acquisition de tout ou partie d’une branche d’activité d’une entreprise de droit français par une entreprise de droit étranger ou une personne physique non résidente. Sont également concernées toutes les opérations effectuées dans le capital d’une entreprise de droit français par une entreprise de droit étranger ou une personne physique non résidente dès lors que, après l’opération, la somme cumulée du capital ou des droits de vote détenus par des entreprises étrangères ou des personnes physiques non résidentes excède 33,33 % du capital ou des droits de vote de l’entreprise française. De même, les opérations effectuées par une entreprise de droit français dont le capital ou les droits de vote sont détenus à plus de 33,33 % par une ou des entreprises de droit étranger ou une ou des personnes physiques non résidentes doivent être déclarées. La même procédure s’applique à l’octroi de prêts ou de garanties substantielles ou l’achat de brevets ou de licences, l’acquisition de contrats commerciaux ou l’apport d’assistance technique qui entraînent la prise de contrôle de fait d’une entreprise de droit français par une entreprise de droit étranger ou une personne physique non résidente ; aux opérations effectuées à l’étranger ayant pour effet de modifier le contrôle d’une entreprise non résidente, elle-même détentrice d’une participation ou de droits de vote dans une entreprise de droit français dont le capital ou les droits de vote sont détenus à plus de 33,33 % par une ou des entreprises de droit étranger ou des personnes physiques non résidentes. Pour respecter le principe communautaire de libre circulation des capitaux, le code distingue les opérations en provenance d’un pays tiers de celles issues d’un État membre de l’Union européenne.

● Ces procédures de contrôle ne sont pas propres à la France : aux États-Unis le Committee on Foreign Investment in the United States (CFIUS) assure cette mission. Créé en 1975, il est présidé par le Secrétaire du Trésor et réunit plusieurs ministères dont ceux de la défense, des affaires étrangères ou de l’intérieur. Il évalue l’impact des investissements étrangers dans des sociétés américaines sur la sécurité nationale. En Europe, d’autres États ont réagi à des prises de participation étrangère dans de grandes entreprises nationales : depuis mars 2011, l’Italie s’est ainsi doté un dispositif anti-OPA couvrant les quatre secteurs stratégiques que sont la défense, les télécommunications, l’énergie et l’agroalimentaire. Cette mesure a été prise en réaction à l’entrée dans le capital du groupe agroalimentaire italien Parmalat du français Lactalis. Désormais dans ces secteurs, toute prise de participation étrangère supérieure à 30 % est soumise à l’accord préalable des autorités gouvernementales.

L’arrivée de capitaux étrangers au sein d’entreprises nationales ne doit toutefois pas être analysée systématiquement comme un affaiblissement du tissu industriel national ou comme une menace. La volonté d’investir témoigne en effet de la qualité de notre base industrielle. S’il faut veiller à la préservation du patrimoine industriel européen, il convient d’éviter tout protectionnisme excessif. Comme le souligne le ministre allemand de l’économie, Rainer Brüderle, « l’Europe offre des conditions intéressantes pour des investisseurs étrangers. Cela doit rester ainsi » (35).

2. Des exportations sous contraintes

Parallèlement aux difficultés nationales, les entreprises françaises de défense doivent faire face à un resserrement du marché international et peinent de plus en plus à exporter leurs produits.

Le Livre blanc consacre la dimension stratégique des exportations, considérant qu’elles « constituent un volet essentiel de la stratégie industrielle du pays. Elles permettent d’allonger les séries et de réduire, ou à tout le moins de limiter, le coût unitaire des matériels commandés par l’État. Elles rendent les entreprises moins dépendantes du marché national, tout en contribuant au maintien de leurs compétences » (36). En insistant sur l’apport prépondérant des exportations pour la vitalité de l’industrie de défense française, les auteurs du Livre blanc soulignent surtout le volume insuffisant de la commande nationale pour garantir des volumes et des coûts compatibles avec des plans de charge industriels soutenables. Désormais, les bénéfices tirés de l’exportation des équipements sont intégrés dans l’équation financière des programmes. Ceci fait reposer sur des hypothèses commerciales la soutenabilité budgétaire des équipements en développement. D’aucuns pourraient parler ici de leurre tant l’incertitude et les aléas sont grands.

La France doit cependant mieux intégrer la dimension internationale à la fois dans la conduite de ses programmes nationaux et dans ses procédures de contrôle de vente de matériels militaires.

En ce qui concerne la conduite des programmes, l’instruction 1516 relative à la conduite des opérations d’armement n’accorde qu’une place mineure à l’export. Par culture et histoire, la direction générale de l’armement (DGA) se convertit très lentement à la politique de l’export. La DGA et les services en charge des exportations et de la promotion des entreprises françaises ont un prisme national très marqué.

La direction du développement international (DDI) de la DGA n’est pas le seul intervenant. Le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), rattaché au Premier ministre, supervise les exportations au travers de la commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG). D’autres organismes rattachés au ministère de la défense (SOFRESA, EUROTRADIA) ou au ministère de l’économie (UBIFRANCE, COFACE) interviennent à différentes étapes de la négociation des contrats d’armement. Au final, le dispositif public de soutien à l’exportation mériterait d’être rationalisé pour mieux appliquer les trois principes directeurs fixés par le Livre blanc :

« – assurer, au sein de l’État, et à tous les niveaux – interministériels et ministériels – la séparation des fonctions de contrôle et de soutien des exportations, laquelle garantit l’absence de conflit d’intérêts ;

– poursuivre dans la voie de la rigueur et de la rationalisation de ses procédures de contrôle ;

– dynamiser ses exportations d’armement, en renforçant les actions de soutien aux entreprises, pour les opérations préalablement autorisées et dans le respect des règles partagées avec ses partenaires européens et internationaux » (37).

Certains États, notamment en Europe de l’Est, disposent d’une structure unique pour développer leurs exportations d’armement comme Rosoboronexport, agence étatique russe créée en novembre 2000 qui a le monopole des exportations d’armement produits par les entreprises russes et des importations d’armement au profit des forces russes, ou comme l’agence ukrainienne Ukrspetsexport.

La rationalisation des structures répondrait en partie aux critiques de dirigeants de PME qui reprochent à l’État de se concentrer sur les seuls gros contrats. En délaissant les exportations de moindre volume, l’État prive notre pays d’opérations importantes, qui additionnées, contribueraient pour beaucoup à l’emploi et à la balance de notre commerce extérieur. Dans une tribune publiée en mai 2011, Rémy Thannberger, PDG du groupe Manurhin, spécialisé dans la fabrication de machines réalisant des munitions de petits et moyens calibres, déplore que les dispositifs publics de soutien à l’exportation en matière d’armement se concentrent principalement autour des grands industriels et de leurs produits phare. Il regrette que, « comme souvent dans notre pays, ce qui bénéficie de toutes les faveurs est le plus souvent gros, cher et high-tech, au sens courant du terme. C’est oublier que sans des produits industriels fiables, robustes et abordables, nous ne vendrons plus forcément demain nos produits les plus innovants » (38).

a) Des exportations en baisse

● En 2010, les exportations françaises d’armement ont connu un net recul par rapport à 2009 en s’établissant à 4,2 milliards d’euros comme le montre le graphique ci-après.

Prises de commandes françaises à l’étranger

(en millions d’euros)

Source : ministère de la défense.

Confrontés à des difficultés budgétaires, la plupart des États européens ont engagé une réduction du format de leurs forces armées et ont renoncé à l’acquisition de nouveaux équipements. Les réformes engagées par la France ne sont pas isolées ni dans leur contenu ni dans leur ampleur.

En novembre 2010, les Pays-Bas ont par exemple annoncé une diminution massive des personnels civils et militaires de la défense néerlandaise avec 10 000 suppressions de poste sur un total de 69 000. Le 14 avril 2011, le ministère de la défense a précisé les économies opérées : réduction de 22 % du nombre de chasseurs F 16 passant de 87 à 68 appareils, démantèlement de deux bataillons de chars, retrait de quatre des dix chasseurs de mines, d’un des deux pétroliers-ravitailleurs. Selon le communiqué du ministère néerlandais de la défense, « ces mesures sont le résultat de la crise financière mondiale. Le gouvernement doit réduire ses dépenses de 18 milliards d’euros dont 635 millions d’euros doivent être économisés par le ministère de la défense. Par ailleurs, l’organisation de la défense doit économiser 175 millions d’euros et encore 150 millions d’euros à long terme afin de rendre financièrement supportable le budget de la défense. De plus, des disponibilités financières sont nécessaires pour engager un certain nombre d’innovations » (39).

La réduction des formats des armées européennes entraîne immédiatement une perte de chiffre d’affaires pour les entreprises françaises. Les surcapacités créées par les diminutions des formats des forces et la recherche d’économies budgétaires poussent les États à céder à des tiers une partie de leurs équipements (avions de chasse, hélicoptères, véhicules blindés, navires…). Cette offre d’équipements militaires d’occasion trouve de potentiels acquéreurs parmi les États désireux de doter leurs forces de matériels performants mais à coût réduit. Hors d’Europe, d’autres puissances militaires n’hésitent pas à placer sur le marché de l’occasion une partie de leurs équipements : le 29 juin 2011, le département de la défense australien a présenté un quasi-catalogue des équipements qu’il souhaite céder afin de financer la modernisation de ses forces. Seraient ainsi mis sur le marché 24 navires, dont un bâtiment de projection, des frégates, des chasseurs de mines, 70 avions de chasse, 120 hélicoptères et 600 véhicules blindés, des systèmes de communication.

Alors qu’elle réduit également le format de ses forces, la France est peu présente sur le marché de l’occasion. Une des dernières opérations importantes fut la cession au Brésil du porte-avions Foch en 2000. Dans son rapport d’information consacré à la fin de vie des équipements militaires, M. Michel Grall observe que « l’Allemagne, le Royaume-Uni et les États-Unis exportent leurs matériels d’occasion dans des quantités plus importantes et de façon plus systématique que la France. Notre pays est présent sur ce marché mais de façon relativement modeste, pour des raisons d’organisation, de gestion des matériels mais également de réglementation ». Il mentionne également des explications moins rationnelles, notant que « certains industriels craignent ce type de ventes, qui risque de cannibaliser les débouchés pour les matériels neufs. De même, la prospection du marché de l’occasion n’est toujours pas une priorité pour l’administration » (40).

● Hors de l’Europe, la dynamique des dépenses de défense demeure et ouvre des débouchés commerciaux aux industries européennes de l’armement.

Pendant les décennies de la guerre froide, États-Unis et URSS, et dans une moindre mesure la France, commerçaient dans leurs zones d’influence respectives. Aujourd’hui, l’émergence de puissances régionales soucieuses d’affirmer leur autonomie s’est traduite par un certain relâchement de ces liens historiques. Les États-Unis en font l’expérience, après avoir profité de l’effondrement des industries russes dans les années 1990 pour élargir leur territoire commercial. Aujourd’hui le Brésil, suivi par plusieurs États sud-américains, se tourne vers l’Europe pour diversifier leurs circuits d’équipement. De même, à l’automne 2010 et malgré la présence de troupes américaines sur leur sol, les Philippines ont décidé de signer avec la Chine un accord visant à la fourniture d’équipements militaires. L’Inde a surpris ses partenaires historiques en sélectionnant pour renouveler sa flotte de combat comme compétiteurs finaux deux avions de chasse européens, le Rafale et l’Eurofighter, excluant les offres américaines et russes.

Il serait cependant erroné de décréter la disparition des zones d’influence : la Russie use avec habileté des anciennes relations établies par l’URSS pour dynamiser ses exportations, notamment avec l’Algérie ou le Viêt-Nam ; de même, les États-Unis ont su user de l’OTAN pour conquérir des marchés auprès des États d’Europe orientale et centrale. Il n’en reste pas moins que l’Europe doit utiliser à bon escient cette ouverture du marché international et en profiter pour s’implanter dans des zones qui lui étaient jusque-là interdites.

b) Des opportunités à saisir

La France doit saisir les nouvelles opportunités offertes par la volonté d’autonomisation des puissances régionales tout en veillant à préserver les liens historiques qu’elle a su établir avec certains États dans le monde. Les clients potentiels ont toutefois conscience de l’intérêt des entreprises européennes et essaient de tirer le meilleur parti de cette situation.

● Les exemples abondent.

Afin de moderniser son industrie d’armement, la Russie développe une stratégie assumée de partenariat avec des groupes étrangers sous condition de développement de capacités de production industrielle sur son territoire. L’accord franco-russe signé à Saint-Nazaire le 25 janvier 2011 et portant sur l’acquisition de quatre bâtiments de projection et de commandement s’inscrit dans cette logique. Il prévoit que le premier bâtiment sera construit à 80 % par STX Saint-Nazaire, le reliquat étant pris en charge par les chantiers navals OSK de Saint-Pétersbourg pour une livraison fin 2013. La réalisation du second bâtiment sera effectuée à 60 % en France et à 40 % en Russie, le troisième à 40 % en France et 60 % en Russie et 80 % de la construction du dernier reviendra à la Russie. Selon Jacques Hardelay, directeur général de STX France, « sans transfert, il n’y a pas de commande. Le risque existe mais si ce n’est pas nous, ce seront d’autres » (41). La Russie envisage également de conclure un accord avec l’italien IVECO pour acquérir des véhicules terrestres blindés, à condition qu’ils soient produits sur son territoire. Elle mène également des discussions pour des drones, aussi bien avec Israël qu’avec la France. Dans tous les cas, l’exigence d’une production sur le territoire russe est présente.

L’Espagne a développé une stratégie similaire en matière navale pour asseoir les capacités industrielles du groupe Navantia. L’accord de partenariat entre DCNS et Navantia pour le développement et la production de sous-marins de la classe Scorpène a donné lieu à de très fortes tensions entre les deux sociétés, aboutissant à un divorce officialisé le 12 novembre 2010. L’entreprise espagnole s’est appuyée sur ce partenariat pour acquérir des compétences industrielles lui permettant de développer en propre un sous-marin concurrent, le S80, avec l’aide de l’américain Lockheed Martin pour l’armement. En matière aéronautique, l’implication du groupe andalou Casa dans le programme A400M, avait pour objectif de faire entrer l’entreprise espagnole dans la catégorie des grands constructeurs mondiaux à l’égal d’Airbus ou de Boeing. Mais les difficultés techniques du programme n’ont pas permis à cette stratégie d’aboutir, l’A400M ayant été repris en main par la filiale Airbus Military.

La Chine s’est spécialisée dans la duplication de matériels étrangers pour conquérir le marché mondial en pratiquant un véritable dumping. Les autorités russes s’inquiètent ainsi de la concurrence de l’avion de chasse chinois FC-1, copie du MiG 29 russe, vendu trois fois moins cher, soit 10 millions de dollars américains pour le modèle chinois contre 35 millions de dollars pour l’original. Les deux aéronefs sont en concurrence sur des marchés jusqu’alors réservés à la Russie à l’instar de l’Égypte, provoquant la colère des constructeurs russes s’estimant dupés.

Le Brésil exige d’importants transferts pour conclure le contrat de renouvellement de ses avions de chasse, transferts qui donnent lieu à une véritable surenchère entre les trois concurrents.

Les Émirats Arabes Unis ont établi un contrat-cadre relatif aux transferts de technologies accompagnant la signature de tout contrat d’armement conclu avec une société étrangère. Les principales entreprises françaises ont accepté ce contrat cadre à l’exception de Thales.

En Afrique du Sud, l’industrie de défense s’appuie en particulier sur le groupe privé Denel dont le Gouvernement sud-africain est l’unique actionnaire. Par des alliances ou des regroupements avec de grands groupes industriels reconnus dans leur secteur (Saab, Safran, Rheinmetall…), Denel a élargi ses compétences dans les domaines aéronautiques et terrestres.

● Les sociétés françaises ont d’ores et déjà intégré l’obligation d’accompagner leur contrat à l’export de compensations technologiques et industrielles. Le président de Thales considère que « le marché international ne doit […] plus être vu comme offrant, ainsi que lors des décennies précédentes, des opportunités d’exportations directes, mais de plus en plus des contrats prévoyant une part importante de localisation sur place – sous peine de ne pas obtenir les marchés. Notre stratégie à l’international consiste dès lors à donner davantage de valeur ajoutée locale, en développant les filiales existantes et en créant des partenariats avec des groupes locaux pour conquérir de nouveaux marchés. Notre nouvelle organisation mise en place en 2010 devrait nous aider à être plus performants en la matière, même si cette conquête est un processus lent et difficile – la construction de compétences locales n’étant jamais aisée. Nous avons ainsi au Brésil une petite société spécialisée dans les radars civils de contrôle du trafic aérien : nous avons décidé d’étendre son offre de produits, afin de développer la valeur ajoutée locale, pour mieux accéder à des marchés perçus localement comme de souveraineté et de haute technologie » (42).

Le groupe Safran compte quant à lui un grand nombre de filiales à l’étranger, moins par souci de délocaliser la production que par impératif commercial. Pour Jean-Paul Herteman, président de son directoire, « la proximité commerciale reste incontournable : on ne va pas entretenir des moteurs d’avion à 10 000 kilomètres de l’endroit où ils sont exploités » (43). Ainsi, la filiale Turbomeca compte plusieurs entités géographiques : Turbomeca USA, Turbomeca Manufacturing et Turbomeca Canada pour les moteurs d’hélicoptères civils et militaires sur le continent nord-américain ; Turbomeca AustralAsia en charge notamment des moteurs d’hélicoptères Tigre et NH90 d’Australie. Avec le groupe sud-africain Denel, Safran a développé la filiale Turbomeca Africa qui produit des moteurs civils et militaires. Turbomeca do Brasil, associée à Turbomeca Americana Latina basée à Montevideo, effectue le support de moteurs exploités au Brésil et en Amérique du Sud. Le centre de réparation de Turbomeca do Brasil assure la révision et la réparation des moteurs Arrius, Arriel et Makila qui équipent principalement les hélicoptères Écureuil, EC135, Super Puma et Dauphin d’Eurocopter.

c) L’enjeu des contreparties

La signature de contrats à l’étranger reste un choix risqué. « Le risque de créer des concurrents à l’étranger à la suite d’opérations de localisation d’activités sur place est bien réel : c’est la raison pour laquelle [il faut essayer] d’avoir le contrôle des sociétés concernées ou au moins le management. Quand ce n’est pas possible, [il convient de s’efforcer] de garder des verrous technologiques. Tout est affaire de circonstances : plus on […] ouvre de marchés, avec des retours économiques importants pour la France, plus nous sommes ouverts à faire des concessions. [La] filiale TDA [de Thales] a par exemple vendu la licence de son mortier rayé de 120 millimètres à plusieurs pays, notamment au Japon et aux États-Unis, et le flux des royalties permet de financer les bureaux d’études travaillant sur les produits de nouvelle génération. Plus généralement, les transferts de technologie peuvent être une bonne affaire, y compris sur le long terme, s’ils sont bien gérés » (44).

Ces transferts peuvent également se transformer en un véritable pillage de savoir-faire : la main-d’œuvre locale, formée par les sociétés étrangères, peut être tentée, spontanément ou avec les encouragements de leurs gouvernements, de rejoindre des entreprises locales concurrentes avec le savoir-faire et les procédés industriels. Responsable de Snecma-Suzhou en Chine, Gérard Inizan reconnaît avoir « dû signer un gentlemen’s agreement avec les trente ou quarante groupes aéronautiques de la région de Suzhou afin de ne pas [voir] ses employés [débauchés par la concurrence] » (45). Ces éléments doivent cependant être relativisés : l’acquisition et la maîtrise de compétences aussi techniques demandent du temps et des moyens importants.

En revanche, une réflexion doit être engagée pour savoir si la France doit elle aussi exiger des transferts de technologie lorsqu’elle achète des produits militaires à l’étranger. Dans sa réponse à la question écrite de M. Yves Nicolin (46), le ministre de la défense reconnaît que « lorsqu’elle est en position d’acquéreur, la France, à l’inverse d’autres pays européens, a pour principe de ne pas solliciter de compensations ». Elle se rallie à la position de la Commission européenne qui considère les offsets comme un obstacle à l’émergence d’un marché européen des équipements de défense et les estime contraires aux principes du traité de l’Union Européenne.

Un code de conduite européenne sur les offsets a été adopté en octobre 2008, sous l’égide de l’agence européenne de la défense (AED). Il indique que « dans un marché fonctionnant parfaitement, les compensations n’existeraient pas. Néanmoins […] le marché de la défense [n’étant] pas parfait aujourd’hui » (47), le code ambitionne simplement la convergence des pratiques européennes en matière de compensations, et non leur suppression. Or, les autorités françaises agissent comme si la suppression était actée par l’ensemble des États européens, ce qui est loin d’être le cas comme le prouve la persistance du principe du juste retour industriel dans les programmes en coopération. En adoptant cette position, la France fragilise son tissu industriel face à des concurrents plus pragmatiques. En 2003, le ministère avait créé un « comité de coordination des contreparties économiques » chargé « de proposer un dispositif permettant de valoriser les achats du ministère chargé de la défense en tant que crédits d’offsets au profit des industriels du conseil des industries de défense (CIDEF) ayant des obligations d’offsets contractuelles vis-à-vis des États acheteurs » (48). Malheureusement ce dispositif n’est toujours pas entré en vigueur.

Hors de l’espace communautaire, la marge de manœuvre de la France est plus réduite, notre pays subissant, comme les autres États européens, la domination technologique américaine. Pour PierFrancesco Guarguaglini, PDG de Finmeccanica, « les sociétés européennes sont prêtes à partager [avec des sociétés américaines] toutes les technologies d’un produit pour accéder au marché américain alors que les firmes américaines ne feront jamais l’équivalent en Europe. Il y a toujours des limites au transfert de technologies américaines » (49).

Dans un marché de plus en plus concurrentiel, l’implication de la diplomatie est essentielle. Le PDG de Finmeccaninca souligne bien que « les relations que le gouvernement italien a établies avec certains pays […] sont importantes lorsque vient le temps de vendre nos produits. Il est important de disposer d’abord d’un parapluie, un accord politique, sous lequel on peut répondre aux demandes du client » (50). Cependant, cette implication politique et diplomatique ne saurait dédouaner complètement les industriels : il leur appartient de créer une véritable démarche exportatrice. Hans-Peter Keitel, président de la fédération allemande de l’industrie, rappelle d’ailleurs qu’une partie des exportations allemandes « ne sont pas voulues politiquement mais [sont] le résultat d’une dynamique économique naturelle » (51).

Cette dynamique peut être sujette, dans certaines régions, à des aléas politiques. Les révolutions arabes de l’automne 2010 et de l’hiver 2011 ont eu un impact encore difficilement chiffrable sur les exportations d’armement : report ou remise en cause de commandes, hausse des garanties pour risques… L’instauration par la communauté internationale d’embargo sur la vente d’armes à certains États peut également conduire à une révision des ambitions commerciales. La crise libyenne résume bien ces difficultés : la France négociait depuis plusieurs années la vente d’avions Rafale, vente aujourd’hui remise en cause. La Russie estime que l’embargo sur la Libye se traduit par un manque à gagner de l’ordre de quatre milliards de dollars américains.

Dans une étude dédiée au marché mondial des hélicoptères militaires, le cabinet Frost & Sullivan note en juin 2011 que « les développements en cours à travers le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord sont un souci pour beaucoup de gouvernements car aucun ne sait quelle révolution va réussir et quelle révolution va échouer » (52). Certains experts estiment que ces événements auraient toutefois un impact positif quelle que soit l’issue : si un nouveau régime s’installe, il cherchera à consolider son assise en renforçant ses capacités militaires ; si la continuité prévaut, les gouvernements en place veilleront à moderniser leurs forces armées pour garantir l’ordre intérieur. Une telle analyse ne vaut que si l’État « vendeur » n’est pas partie prenante aux évènements.

d) Le nouveau cadre juridique des exportations

En 2010, le Parlement a adopté le projet de loi transposant les directives communautaires relatives aux transferts intracommunautaires de matériels de guerre et aux marchés de défense et de sécurité. Les textes d’application ont commencé à être publiés pour ce qui concerne les marchés publics avec le décret du 14 septembre dernier 53). Le dispositif devrait être complété dans le courant du mois d’octobre pour les transferts. Lors de l’examen du projet de loi, Yves Fromion, rapporteur de la commission de la défense, avait souligné qu’il convient de réduire les délais d’instruction des demandes, notamment en ce qui concerne les PME. La lourdeur des procédures constitue en effet un handicap pour nos industriels sur le marché mondial.

Question : Faire le point sur la procédure « simplifiée » de contrôle de l’importation et de l’exportation. Fournir des statistiques détaillées. Préciser le traitement réservé aux PME.

Réponse : Les demandes d’agrément préalable (AP) déposées par les exportateurs auprès du ministère de la défense et des anciens combattants sont, en règle générale, traitées en procédure normale, c’est-à-dire inscrites à l’ordre du jour de la commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériel de guerre (CIEEMG) plénière puis examinées par la commission.

Des procédures particulières peuvent également être mises en œuvre :

- la procédure continue pour les demandes d’agréments satisfaisant à des critères définis par la CIEEMG (pays destinataires, type de matériel, montant financier) et concernant des opérations simples. Cette procédure a été appliquée, au 1er trimestre 2011, à près d’un tiers des demandes d’AP ;

- la procédure regroupée qui consiste à regrouper la demande d’agrément préalable et la demande d’autorisation d’exportation de matériel de guerre (AEMG) ;

- la procédure accélérée engagée en cas d’urgence avérée.

Afin de réduire le nombre et les délais de traitement des demandes d’AP, il a été décidé d’augmenter la part du traitement des dossiers les moins sensibles par voie dématérialisée – procédure dite « en continu » – et de poursuivre la politique engagée ces dernières années visant à recourir aux procédures d’autorisation sous forme globale. 142 agréments préalables globaux (APG) ont ainsi été notifiés à ce jour se substituant à l’équivalent de plus de 1 600 AP individuels par an. Pour certaines entreprises, un seul APG remplace, dans certains cas, plus d’une centaine d’AP individuels par an. En complément, et sous réserve d’engagements pris par l’entreprise et de sérieuses garanties sur la qualité de ses propres procédures internes de contrôle, des AEMG sous forme globale (AGEMG) peuvent aussi être délivrées. Trente sociétés sont actuellement titulaires d’AGEMG.

Enfin, la création du poste de chargé de mission PME-PMI permet de fournir aux industriels de l’armement et en particulier aux PME-PMI une information sur la réglementation et les procédures du contrôle et d’obtenir, dans des délais compatibles avec les exigences de la vente à l’export, leurs autorisations (notamment les AP et les AEMG).

Ce chargé de mission PME-PMI a pour mission d’accompagner les industriels dans le suivi de leurs démarches administratives et ainsi leur faciliter le travail, notamment en les orientant dans le dispositif de contrôle. La création de cette fonction a également permis d’établir une communication efficace vers les industriels de l’armement, pour le contrôle. Des formations aux procédures de contrôle tout comme un comité de concertation État-industrie ont ainsi été mis en place. Le chargé de mission PME-PMI est un point de contact essentiel pour les PME.

II. —  LES LEÇONS DE LA CRISE

Les difficultés économiques et financières mettent en évidence les fragilités du système français de défense. Une fois isolées, il convient de mettre en place les mécanismes adéquats pour assurer l’avenir de nos capacités. Trois thèmes concentrent les enjeux : l’industrie, la recherche et la coopération européenne.

A. LES FAIBLESSES DE LA POLITIQUE INDUSTRIELLE FRANÇAISE DE DÉFENSE

En septembre 2011 (54), le délégué général pour l’armement a déploré publiquement que les préconisations du Livre Blanc n’aient pas été entendues, notamment en matière de regroupement des industries françaises. Il a particulièrement visé le secteur de l’électronique de défense et l’armement terrestre. Or dans ces domaines, l’État est actionnaire des principales sociétés, qu’il s’agisse de Thales, de Safran ou de Nexter. Le décalage entre les objectifs fixés par le Livre blanc et la mise en œuvre de ces projets peut s’expliquer par l’absence d’une stratégie industrielle portée au niveau politique. Il convient également de s’interroger sur le pilotage opérationnel de cette politique, les structures apparaissant trop dispersées. La structure de la base industrielle française doit enfin être analysée pour s’assurer qu’elle est adaptée à un marché international de plus en plus concurrentiel.

1. Quelle stratégie pour les industries de défense ?

Sans une industrie de défense dynamique, la puissance militaire est illusoire. Fortes de ce constat, les deux puissances européennes, la France et le Royaume-Uni, ont défini une stratégie industrielle de défense de moyen et long terme et ont engagé dans un travail prospectif avec respectivement le Livre blanc et la Defence Industrial Strategy (DIS).

● En 2005, avec la publication de la DIS, est engagée une réforme profonde du mode opératoire existant entre l’État britannique et les industriels de défense. La DIS évalue en effet « avec précaution quelles capacités industrielles [il faut] retenir au Royaume-Uni pour s’assurer l’emploi de [leurs] équipements selon les modes opératoires [qu’ils ont] choisis pour préserver la souveraineté nécessaire et, ainsi, protéger [leur] sécurité nationale […]. La mise en œuvre de cette stratégie imposera des changements tant dans l’industrie qu’au gouvernement. L’industrie devra s’adapter pour fournir les capacités dont [ils ont] besoin, une fois les pics de production actuels passés. Le gouvernement, aussi, devra mener des améliorations dans les procédures d’acquisition, de soutien et de modernisation des équipements. Ensemble, l’industrie de défense et le gouvernement doivent changer leurs rapports, afin d’assurer les forces armées de continuer de disposer des équipements dont elles ont besoin. Agir ainsi aidera à donner à l’industrie de défense britannique un avenir assuré et brillant. Ceci requerra un effort continu des deux côtés dans les années à venir et cela ne sera pas facile ».

Réalisée par les ministères de la défense, de l’industrie et du budget, cette étude marque la volonté gouvernementale de restaurer l’industrie de défense nationale. Les auteurs sont conscients des enjeux et reconnaissent que « certaines sociétés considéreront les conclusions de cette stratégie difficiles mais [ils croient] que l’industrie, la City, le gouvernement et le pays ont besoin de cette transparence accrue [qu’ils proposent] pour aider l’industrie à se bâtir pour le futur » (55). Un certain consensus semble exister sur cette question puisque, malgré les alternances politiques, tous les gouvernements ont cherché à respecter les axes de la DIS.

Les Britanniques ont institué une nouvelle procédure entre l’État client et les industriels. Expérimentée dans le secteur des missiles, elle repose sur la création d’une équipe mixte (Team Complex Weapon) chargée du pilotage et du suivi du programme. Pour financer le développement et la production de plusieurs programmes de missiles, MBDA et l’État dans son ensemble (agence d’acquisition, états-majors, ministère du budget) ont signé un contrat cadre de dix ans. Cet engagement de long terme doit donner de la flexibilité dans la gestion d’ensemble, tant sur le besoin militaire, le volume de la commande que sur le rythme calendaire. Cette logique s’appuie sur la garantie donnée à l’industriel de disposer d’une ressource financière stable de 600 millions de livres par an sur la période. Auparavant, les contrats étaient de 750 millions de livres mais ils étaient remis en jeu chaque année, induisant un risque conséquent pour l’industriel. L’engagement de long terme permet à l’État d’économiser 1,3 milliard de livres au total et l’industriel de réduire ses coûts administratifs, d’optimiser son outil productif et de mieux planifier la charge de ses bureaux d’étude. Sur le plan de la production, les procédés peuvent également être optimisés avec des économies d’échelle, l’accent étant mis sur l’interopérabilité, la modularité et la réduction des stocks.

● En France, le Livre blanc a défini une stratégie industrielle de défense autour des « trois cercles » distinguant les équipements nécessaires aux domaines de souveraineté, ceux qui peuvent être partagés, notamment dans le cadre d’une « interdépendance européenne », et, lorsque la sécurité d’approvisionnement n’est pas directement en jeu, les équipements que la France peut acquérir sur le marché mondial.

S’ils permettent d’identifier les secteurs clés, ces trois cercles ne suffisent pas à définir une stratégie industrielle opérationnelle. Le recours au marché mondial est souvent subi et non choisi, faute de disposer de capacités nationales : la France achète ainsi ses avions radar AWACS et toutes ses munitions de petit calibre à l’étranger. De même, l’appel à une mutualisation européenne trahit plus l’insuffisance des industries françaises que la volonté de constituer des groupes de taille mondiale capables d’assurer le maintien des compétences sur le long terme. L’absence de déclinaison des orientations du Livre blanc dans un document opérationnel en affaiblit la portée.

Ceci souligne la faiblesse de la politique industrielle actuelle, comme le souligne le conseil d’analyse économique (CAE) selon lequel « la politique industrielle a mauvaise réputation » (56), y compris parmi les industriels. Pour Denis Ranque, président du cercle de l’industrie, « l’État n’a plus les moyens […] pour mener une politique industrielle : avec la mondialisation de l’économie, la déréglementation, les privatisations, il ne tient plus un rôle central […]. Avant, l’État était acheteur et actionnaire. C’est ainsi qu’il a structuré et impulsé nos plus grandes réussites industrielles. Cette approche est révolue et cela n’a pas de sens de vouloir la réactiver » (57).

La définition d’une politique industrielle est cependant indispensable, le CAE soulignant que « la promotion des exportations de biens est incontournable pour qui veut restaurer sa balance courante. Les trois quarts du commerce mondial portent sur des échanges de biens. Un pays durablement désindustrialisé n’a guère de chances d’équilibrer sa balance courante s’il n’a pas de biens à exporter ». De plus « la promotion de l’innovation peut difficilement réussir si elle ne s’ancre pas dans une économie industrielle dynamique. […] 85 % de la recherche des entreprises se fait dans le secteur industriel. Là aussi, un pays durablement désindustrialisé n’a que peu de chances de promouvoir une innovation dynamique ». Enfin, « l’absence d’une industrie performante inhibe le potentiel d’innovation d’un pays : à supposer même qu’on innove, l’absence d’activité manufacturière appauvrit le processus même d’innovation » (58).

De nombreux rapports parlementaires soulignent également la faiblesse voire l’absence d’une politique industrielle de défense et appellent les responsables politiques à reprendre la main sur ce domaine stratégique. Michel Grall souligne par exemple que chez nos partenaires, « la politique d’acquisition et de gestion de la fin de vie est placée sous l’autorité d’un responsable politique » et note que la France peine à « redonner à l’autorité politique les moyens de peser sur le cycle de vie et de définir une véritable stratégie en la matière » (59). De même, la première recommandation de Dominique Caillaud et Jean Michel insiste sur le fait qu’il faut « définir et appliquer enfin une politique générale en faveur des PME de défense » (60).

2. Le pilotage de la politique industrielle de défense

La définition d’orientations stratégiques doit également s’accompagner d’une organisation administrative efficace, à même d’assurer la mise en œuvre effectif des choix politiques. La France se caractérise historiquement par l’implication directe des services de l’État dans la politique industrielle : « à partir de la fin des années 1950, la France a mis en œuvre une politique industrielle de défense orientée vers la recherche de l’autonomie stratégique et technologique, structurée autour de grands projets exploitant les technologies de rupture (nucléaire, aéronautique, missiles), en s’appuyant, à quelques exceptions près, sur de grands groupes nationaux étatiques » (61). L’organisation actuelle reste marquée par cet héritage qui consacre le rôle central de la direction générale de l’armement.

a) La place centrale de la DGA dans l’organigramme étatique

● Constatant qu’une « politique rationnelle des fabrications d’armement – notamment la fabrication des armes les plus modernes – exige la concentration de l’autorité et des moyens qui favorise un meilleur emploi des hommes, un rendement plus élevé de l’infrastructure industrielle, une utilisation plus efficace des crédits » (62), le général de Gaulle a créé le 5 avril 1961 la délégation ministérielle pour l’armement. Elle devait permettre « une mise en œuvre plus efficace de la loi-programme destinée à doter le pays d’un armement thermonucléaire et d’une force d’intervention interarmées » (63).

Nommé le jour même, le premier délégué ministériel, le général Gaston Lavaud, est issu de l’armée de terre et occupait précédemment le poste de chef d’état-major interarmées. Son successeur, le général Michel Fourquet, est issu de l’armée de l’air. Ce n’est qu’en 1968 que la délégation est dirigée par un ingénieur de l’armement avec la nomination de Jean Blancard (X-Mines). Devenue délégation générale pour l’armement en 1977 et direction générale de l’armement en 2010, la structure n’est plus dirigée que par des ingénieurs militaires.

Le décret de 1961 dispose que le délégué ministériel pour l’armement « prépare, soumet à l’approbation du ministre des armées et fait exécuter les programmes d’études, de recherches et de fabrication d’armement, en collaboration étroite avec les chefs d’état-major compétents, selon des modalités fixées par instruction du ministre des armées » (64). Les modalités de conduite des programmes d’armement et la détermination des responsabilités respectives des acteurs sont aujourd’hui fixées par l’instruction 1516 du 26 mars 2010 (65).

En 1961, cinq grandes directions sont rattachées au délégué ministériel : la direction des recherches et moyens d’essais, la direction des poudres, la direction des études et fabrications d’armement, la direction technique et industrielle de l’aéronautique et la direction centrale des constructions et armes navales. Depuis 2010, le délégué a autorité sur six directions : la direction de la stratégie, la direction des opérations, la direction technique, la direction du développement international, la direction des plans, des programmes et du budget et la direction des ressources humaines.

En 50 ans, la DGA est passée d’une organisation très opérationnelle à une organisation plus fonctionnelle, marquant en cela une évolution de son approche, de sa place et de son apport au sein du ministère de la défense.

Aujourd’hui, elle compte 12 000 agents dont 2 000 officiers des corps de l’armement et 9 900 personnels civils (66). Les corps de l’armement sont notamment le corps des ingénieurs de l’armement, le corps des officiers techniques et administratifs de l’armement et le corps des personnels techniques d’études et de fabrications. Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques et de la révision du format des armées, la direction générale ne doit plus compter que 10 000 agents d’ici à 2014. Pour atteindre ce chiffre, la DGA procède notamment à une rationalisation de ses services de soutien et une réduction de ses centres d’essais qui passent de 15 à 9.

Parmi de nombreuses et disparates attributions, la direction de la stratégie de la DGA a en charge la définition et l’animation de la politique industrielle de défense. La direction de la stratégie est cependant relativement faible par rapport aux deux poids lourds que sont la direction des opérations et la direction technique en charge plus directement de la conduite et du suivi des programmes d’armement. Dans une période de contraction des budgets, cette faiblesse institutionnelle de la direction de la stratégie conduit à en restreindre plus rapidement les moyens d’action pourtant cruciaux. Ceci contribue à altérer un peu plus la lisibilité et l’efficacité de la stratégie industrielle que la DGA revendique.

● La DGA assure également « la tutelle […] des établissements publics et des sociétés nationales, ainsi que […du] contrôle des entreprises privées participant aux recherches, études et fabrications d’armement » (67). Le nombre de sociétés nationales et d’établissements publics a considérablement diminué depuis les années 1960 mais la DGA a conservé cette mission. Elle a également conservé le mode de fonctionnement adapté à cette mission originelle alors que le statut et l’environnement des entreprises d’armement ont considérablement évolué.

L’État demeure très impliqué dans le capital des grandes entreprises de défense. Certaines sociétés sont en effet les héritières des arsenaux nationaux qui ont été progressivement privatisés. L’État détient ainsi 100 % du capital de Nexter, 99,9 % de celui de la SNPE et 73,9 % de celui de DCNS. L’État détient aussi des participations minoritaires mais suffisantes pour bloquer certaines décisions avec par exemple 27 % du capital de Thales, 30,2 % du capital de Safran. Plus récemment, l’État n’a pas hésité à entrer dans le capital de sociétés stratégiques grâce à l’action du FSI. STX France, anciennement Chantiers navals de l’Atlantique, est ainsi détenu à 66,6 % par STX Europe, filiale à 100 % du groupe coréen STX, et à 33,4 % par l’État.

Deux entreprises chefs de file bénéficient enfin d’un régime particulier : Dassault Aviation est la seule grande entreprise de défense dont l’État ne détient directement aucune part du capital, le groupe Aérospatiale devenu EADS ayant pris le relais. Le capital de Dassault aviation se partage entre le groupe industriel Marcel Dassault (50,55 %), EADS (46,32 %) et le flottant (3,13 %). Le capital du groupe EADS est quant à lui lié aux équilibres politiques et financiers retenus lors de la création de la société par la France, l’Allemagne et l’Espagne. La part française se monte à 22,46 % du capital, ces actions étant détenues par la société SOGEADE qui représente à la fois l’État (environ 15 %) et le groupe Lagardère (environ 7 %).

b) Un pilotage dispersé dans les faits

● La DGA occupe une place majeure dans le dispositif industriel de défense. Pourtant, elle doit partager le pilotage et la conduite de cette politique avec d’autres structures de l’État. La coordination entre les différents acteurs apparaît insuffisante et conduit, de fait, à un éparpillement des responsabilités qui affaiblit la lisibilité et la cohérence des actions.

Créée en 2004, l’agence des participations de l’État (APE) exerce « la mission de l’État actionnaire dans les entreprises et organismes contrôlés ou détenus, majoritairement ou non, directement ou indirectement, par l’État » (68), la liste des entreprises étant fixée par décret. La liste a été complétée en 2011 (69; depuis, l’APE est compétente en matière de défense pour Défense conseil international (DCI), DCNS, EADS, GIAT Industries, Safran, SNPE, SOGEPA et Thales.

Si l’agence doit travailler « en liaison avec l’ensemble des ministères chargés de définir et de mettre en œuvre les autres responsabilités de l’État », elle reste directement rattachée au ministre de l’économie auquel elle propose « la position de l’État actionnaire en ce qui concerne la stratégie des entreprises et organismes […], dans le respect des attributions des autres administrations intéressées […]. Elle met en œuvre les décisions et orientations de l’État actionnaire […]. L’agence examine, en liaison avec les ministères intéressés, les principaux programmes d’investissement et de financement des entreprises et organismes susmentionnés ainsi que les projets d’acquisition ou de cession, d’accord commercial ou de coopération et de recherche et développement. Elle propose au ministre chargé de l’économie la position de l’État actionnaire sur ces sujets et la met en œuvre » (70).

Cette prééminence du ministre de l’économie sur les autres ministères se retrouve au comité de direction de l’État actionnaire présidé par le ministre chargé de l’économie (le directeur du Trésor pouvant le représenter) et auquel participe notamment le ministre de la défense. De ce fait, le ministère de la défense se trouve en position d’infériorité alors même que ses services détiennent l’expertise pour les entreprises de défense. Cet équilibre institutionnel apparaît délicat et ne peut qu’engendrer des tensions, les deux ministères n’ayant pas forcément la même vision stratégique. Le ministère de l’économie peut par exemple se focaliser sur des aspects financiers parfois incompatibles avec des exigences opérationnelles à moyen ou long terme.

L’organisation du conseil d’administration du FSI souffre d’un écueil similaire : alors que le fonds est amené à intervenir dans des sociétés de défense (cf. supra), personne ne représente le monde de la défense au sein du conseil d’administration, pas même parmi les personnalités qualifiées.

c) Prendre exemple sur nos partenaires et clarifier les responsabilités

● Les évolutions du monde industriel ont amené l’État à créer l’APE et à confier au ministre de l’économie le pilotage de la politique d’actionnariat de l’État. Dans le même temps, les prérogatives industrielles de la DGA ont cependant été maintenues, entretenant une certaine confusion. Il apparaît aujourd’hui impossible de faire cohabiter les deux systèmes.

Cette situation doit être corrigée, sauf à ce que l’État perde totalement la maîtrise et la connaissance du secteur. Dans leur rapport d’information consacré aux PME de défense, Dominique Caillaud et Jean Michel soulignent ainsi qu’ils n’ont pas réussi à obtenir d’état des lieux ni d’annuaire des PME de défense, « aucun service ne [disposant] de ces données statistiques, ni au sein du ministère de la défense, ni au sein des services en charge de l’économie et des PME au sens large ». De même, les actions engagées au profit des PME sont « insuffisamment coordonnées » (71), que ce soit au sein de l’État ou entre l’État et les acteurs privés.

Faire évoluer la stratégie n’implique pas pour autant un désengagement total de l’État avec une cession de l’ensemble des parts qu’il détient. La présence de l’État, au même titre que celle des salariés, est de nature à stabiliser le capital et à le soustraire, au moins partiellement, aux impératifs boursiers de court terme. Ces éléments sont précieux dans la mesure où le secteur de la défense est soumis à de fortes contraintes en termes de calendrier et de financement.

● L’implication de l’État dans les industries de défense pourrait apparaître surprenante, au regard de la situation allemande. Le président de la fédération allemande de l’industrie, Hans-Peter Keitel, souligne combien « nos structures industrielles sont différentes. En Allemagne, des PME très fortes ; en France, une volonté politique forte d’avoir des champions. En Allemagne, nous réservons traditionnellement à l’État un moindre rôle dans l’économie qu’en France » (72). Cette analyse doit toutefois être tempérée car les Länder sont fortement impliqués dans le développement industriel de l’Allemagne : ce n’est peut-être pas l’État fédéral qui intervient, mais la puissance publique reste très mobilisée.

L’Italie a retenu un modèle assez proche du système français puisque l’État détient de nombreuses participations dans l’industrie de défense et notamment 30 % du capital de Finmeccanica. Pour gérer ces actifs, le ministère italien de l’économie s’appuie sur la holding Fintecna (Finanziaria per i Settori Industriali e dei Servizi S.p.A.). Comme le montre le schéma suivant, cette structure détient par exemple plus de 99 % du capital de Fincantieri, concurrent direct du français DCNS.

Structure de la holding italienne FINTECNA

Source : www.fintecna.it/partecipazioni.asp.

● En France, la création de nouvelles structures voire d’instances interministérielles d’arbitrage ne suffira pas à assurer l’efficacité du dispositif. Une remise à plat du rôle et de la place des services existants est indispensable. La DGA doit-elle conserver des compétences aussi élargies ? Le ministère de l’industrie doit-il être renforcé ? L’État doit-il persister à ignorer la dimension duale (civile et militaire) des industries de défense en scindant ses structures d’intervention ? Les réponses à ces questions ne peuvent être que politiques. Elles sont attendues par l’ensemble des acteurs industriels de défense. Elles sont de nature à restaurer une véritable politique industrielle.

3. La taille critique des entreprises françaises

Au-delà des insuffisances politiques et administratives, l’industrie française de défense souffre également d’une trop grande dispersion. Une réflexion doit être engagée pour déterminer la taille critique que doivent atteindre nos entreprises pour devenir des acteurs régionaux ou mondiaux.

a) L’absence de groupes de taille internationale

Le tableau suivant présente la situation des principales entreprises françaises de défense en 2010.

Commandes, chiffre d’affaires et résultats
des plus importantes entreprises de défense en 2010

(Données en millions d’euros, sauf précision contraire)

ENTREPRISE

Prises de commandes

Carnet de commandes

Chiffre d’affaires

Part à l’export.

Résultat net

Résultat courant

EADS (1)

45,8 G€

389 G€

42 800

N.C.

- 0,76

- 320

(- 54 %)

(- 3 %)

(- 1 %)

(56 %) (2)

(1,572)

(2,83)

dont

Airbus (2)

23,9 G€

339,7 G€

28 060

   

- 1 371

(- 72 %)

(- 5 %)

(- 3 %)

   

(1 831)

Eurocopter

5,8 G€

15 G€

4 570

 

 

263

(+ 20 %)

(+ 8,9 %)

(+ 2 %)

 

 

(293)

Astrium

8,2 G€

14,6 G€

4 790

   

261

(+ 152 %)

(+ 33 %)

(+ 12%)

 

 

(234)

Défense & sécurité

7,9 G€

18,8 G€

5 360

   

449

(+ 51 %)

(+ 10 %)

(- 5 %)

   

(408)

Autres (ATR, Socata,Sogerma…)

9,7 G€

1,9 G€

1 090

   

21

(- 43 %)

(- 38 %)

(- 18 %)

   

(43)

DCNS

6 921

14 363

2 503

31 %

136

169

(+ 70 %)

(+ 44 %)

(+ 4 %)

(29 %)

(129)

(152)

Dassault Aviation

1,27 G€

9,4 G€

4 187

80 %

267

591

(- 1,32 G€)

(- 24 %)

(+ 22 %)

(74 %)

(257)

(426) (3)

Dont militaire

0,79 G€

48 %

23 %

25 %

   

(- 69 %)

(- 4 %)

(- 3 %)

(24 %)

   

SNPE

N/C

N/C

542,9

52,6 %

- 28

7,7

(621,6)

(544)

(- 11 %)

(53,5 %)

(32)

(- 4,3)

NEXTER

601

2 000

1 076

31 %

164

184

(- 54 %)

(- 20 %)

(+ 21 %)

(18 %)

(141)

(146)

THALÈS

13 081

25 418

13 125

78 %

- 45

- 92

(- 6 %)

(+ 3 %)

(+ 2 %)

(77 %)

(- 128)

(151)

SAFRAN

13 083

30 371

10 760

74 %

508

878

(+ 10 %)

(+ 10 %)

(+ 3 %)

(76 %)

(376)

(698)

dont

Snecma

5,6 G€ (4)

12,8 G€ (4)

4 211

78 %

 

 

Sagem défense sécurité

1 251

2 052

1 240

   

55

Turbomeca (hors Microturbo)

1,1 G€ (4)

2,9 G€ (4)

940

73 %

   

Les éléments entre parenthèses renvoient à l’évolution par rapport à 2009 ou à la situation en 2009.

(1) Données 2009 comparées aux données de 2008.

(2) Dont l’activité « avions de transport militaire ».

(3) Y compris le crédit d’impôt recherche qui est désormais ajouté au résultat opérationnel courant.

(4) Estimations.

Source : ministère de la défense.

Plusieurs entreprises du secteur ont un chiffre d’affaire conséquent, qu’il s’agisse d’EADS ou de Safran ; mais dès lors que l’on compare les seules activités de défense, il apparaît que les chiffres d’affaires annuels ne dépassent jamais six milliards d’euros quand Lockeed Martin a un chiffre d’affaires de 40 milliards d’euros ou BAE Systems de 24,7 milliards d’euros. Au-delà des aspects financiers, la France ne dispose d’aucune entreprise capable de prendre en charge un programme d’armement dans son ensemble, y compris la partie munitionnaire ou les équipements de communication. La plupart du temps, des accords sont passés entre les groupes avec la désignation d’un chef de file.

Si les sociétés nationales sont considérées comme des interlocuteurs crédibles dans leur secteur, elles peinent à s’affirmer sur la scène internationale et souffrent d’un déficit majeur de visibilité. Le duel entre Boeing et EADS pour l’obtention du marché des avions ravitailleurs américains a d’abord été défavorable à l’entreprise européenne tant elle était méconnue sur le marché américain de la défense. Si Eurocopter est un industriel habituel, notamment pour les hélicoptères civils, le groupe EADS n’était alors pas identifié comme un interlocuteur pour les forces armées et le ministère de la défense.

La difficile émergence de sociétés européennes de grande ampleur s’explique en partie par la volonté des États de préserver des champions nationaux. Le secteur des sous marins est révélateur de ces divergences : DCNS et Navantia ont officialisé leur divorce et tout rapprochement avec TKMS est à exclure. En effet, l’Allemagne est prête à envisager une coopération voire une association à condition qu’elle se fasse presque exclusivement à son profit.

Si la France cherche à organiser l’industrie de défense européenne pour faire émerger de grands groupes, elle doit impérativement éviter toute attitude naïve ou angélique : il serait dangereux d’accepter de renoncer à des capacités ou de transférer des savoir-faire précieux au nom de principes généraux.

b) Les entreprises de taille intermédiaire et les PME

Comme l’ont souligné Dominique Caillaud et Jean Michel dans leur rapport sur les PME de défense (73), la France ne dispose que de très peu d’entreprises de taille intermédiaire. Les PME de défense sont généralement concentrées sur des activités de niche et ne parviennent pas ou ne souhaitent pas changer de taille. La lourdeur de gestion inhérente à toute structure constitue généralement le principal obstacle au développement. Par ailleurs, pour grandir, les entreprises ont besoin d’augmenter leurs fonds propres ; or beaucoup de PME sont la propriété d’une seule ou de quelques personnes et elles ont souvent du mal à voir d’autres acteurs intervenir. L’association de ces PME à leur dirigeant est d’ailleurs un sujet d’inquiétude : la succession n’est que rarement organisée et souvent la perpétuation du travail commencé n’est pas assurée.

La taille des PME est certes un avantage en termes de réactivité et de souplesse ; elle ne permet en revanche pas d’engager des actions de communication ni d’entretenir un réseau pourtant indispensable dans un domaine aussi confidentiel et aussi changeant que celui de la défense. La faible diversité de leur portefeuille de clients est un problème puisqu’elles ne peuvent pas répartir les risques entre les différents contrats. En outre, les marchés de défense sont par définition des opérations complexes, très réglementées et supposent une parfaite maîtrise des mécanismes juridiques et de la procédure d’autorisation de commerce des matériels militaires.

Faute des moyens adéquats, les PME sont généralement condamnées, d’une part, à n’intervenir que comme sous-traitant d’un grand groupe et, d’autre part, à ne rester que sur des marchés locaux, régionaux ou nationaux. Les pouvoirs publics ont cherché à dépasser ces limites et ont soutenu la création de structures dédiées aux PME ; ils ont également facilité leur intégration à des projets plus larges. Les entreprises ont également cherché à se regrouper que ce soit dans une logique d’intégration horizontale ou dans des structures ad hoc.

Dès la fin des années 1990, des structures parapubliques ont souhaité mieux prendre en compte la spécificité des PME innovantes et leur développement. Créé en 1989, le Comité Richelieu a ainsi donné de la visibilité à ces petites sociétés en agrégeant leurs doléances et en les adressant aux autorités politiques. L’action du comité a gagné de l’ampleur en 2010 avec la création du Pacte PME qui a vocation à faciliter le dialogue entre les grands groupes et les PME, la composition de l’association étant d’ailleurs parfaitement paritaire. En matière de défense, le ministère a créé la Financière de Brienne en 1993. Cette filiale de la Caisse des dépôts et consignations dispose de capitaux pour investir dans des entreprises de hautes technologies susceptibles d’intéresser le secteur de la défense. Elle bénéficie du réseau des partenaires de sa société de gestion (ACE management) et peut compter sur le soutien des services de la défense. Ces entités ont été des relais utiles mais elles ne suffisent pas à dépasser les obstacles administratifs et ne parviennent pas toujours à lever les fonds nécessaires.

Pour faire face au déficit de ressources, le Gouvernement a créé le fonds stratégique d’investissement. Malheureusement son rôle est encore mal connu : le fonds n’a par exemple jamais été sollicité par le ministère de la défense alors que nombre de PME mériteraient d’être accompagnées dans leurs projets. En parallèle de ces actions de long terme, les dispositifs OSEO ou RAPID facilitent l’accès des PME à la commande et aux financements publics.

LES DISPOSITIFS OSEO ET RAPID

OSEO est un établissement public à caractère industriel et commercial placé sous la double tutelle du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie et du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Créé en 2005, il doit contribuer à faire de la France un grand pays d’innovation et d’entrepreneurs. Il soutient l’innovation au travers d’un accompagnement personnalisé et d’abondements financiers. Il facilite les financements bancaires en prenant en charge une partie du risque de l’opération. Il peut également financer directement certains investissements aux côtés des établissements bancaires, étant entendu que les avances qu’il accorde sont remboursables.

Lancé en mai 2010, le programme RAPID (régime d’appui à l’innovation duale) est un dispositif de subvention mis en œuvre conjointement par la DGA et la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS). Il est accessible à toutes les PME et ETI de moins de 2 000 salariés et indépendante économiquement (pas de filiales de grands groupes). L’éligibilité est établie en fonction du caractère innovant du projet, de son adéquation par rapport aux besoins de la défense, des retombées économiques… Le programme disposait de 10 millions d’euros en 2010, ce montant ayant été porté à 40 millions d’euros en 2011.

Le Gouvernement a par ailleurs engagé un travail plus structurel consistant à intégrer les PME dans le circuit de l’innovation et à favoriser les synergies entre les différents acteurs du domaine. Les pôles de compétitivité associent, sur un territoire donné, des entreprises, des centres de recherche et des organismes de formation autour d’une stratégie commune de développement. L’objectif est de dégager des « synergies autour de projets innovants conduits en commun en direction d’un ou plusieurs marchés » (74). Le pôle Pégase installé dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur regroupe par exemple la filière régionale aéronautique et spatiale. Il réunit 8 grands groupes, 250 PME et 8 centres d’essais. Denis Ranque, président du cercle de l’industrie considère que les pôles de compétitivité sont un progrès majeur dans la mesure où ils « ont fait tomber les barrières entre public et privé, PME et grands groupes » (75).

Les PME ont quant à elles mis en place des stratégies de regroupement. Le cluster EDEN constitue un bon exemple de cette volonté de partage sans nécessairement procéder à des rapprochements capitalistiques. Installé dans la région Rhône Alpes, le cluster European Defence Economic Networks (EDEN) est une association fondée en 2008 qui regroupe des entreprises de défense possédant des capacités d’innovations suffisantes pour concurrencer les grands industriels français du monde de la défense et sécurité. L’association cherche également à faciliter la conquête de nouveaux marchés nationaux et internationaux pour ses membres. L’association est par exemple en charge de la promotion internationale de ses membres et participe à ce titre à des grands salons internationaux. Si les PME ne s’étaient pas réunies, elles n’auraient jamais eu accès à de telles manifestations. Le succès de cette initiative est manifeste et d’autres régions cherchent à créer des associations de type. La région Aquitaine a par exemple constitué le réseau AETOS autour de la filière drones, avec le soutien du groupe Thales.

B. INVESTIR DANS LA RECHERCHE POUR PRÉSERVER L’AVENIR

Les événements économiques et financiers ont montré les faiblesses de notre tissu industriel ; ils ont également fait apparaître de façon encore plus nette les risques technologiques de long terme. La France apparaît en effet dans une situation de dépendance accrue et seul un effort de recherche très conséquent pourrait inverser cette tendance. Cet effort apparaît néanmoins difficile dans la mesure où l’actuelle programmation constitue une phase de production plus qu’une phase de développement et d’anticipation. La diminution des crédits consacrés à la recherche traduit bien cette évolution.

1. Un secteur de la défense de plus en plus exposé

a) L’enjeu de la dépendance technologique

i. La dépendance extérieure pour les composants et les matières stratégiques

Le tremblement de terre et le tsunami qui ont frappé le Japon en mars 2011 ont atteint les capacités industrielles de la péninsule nippone avec des répercussions sur les économies étrangères. Selon Pierre Gattaz, président du groupement des fédérations industrielles, « la crise révèle la prédominance de l’industrie japonaise dans l’électronique et la dépendance française. Cela rend la réflexion sur une filière d’excellence française plus pertinente » (76).

La fédération des industries électriques, électroniques et de communication a d’ailleurs mis en place un observatoire de l’impact de la crise japonaise sur l’industrie électronique. Selon son tableau de bord, l’industrie électronique est fortement dépendante de l’industrie japonaise sur les composants magnétiques, les condensateurs, les résistances, les composants piézoélectriques, les microcontrôleurs, l’optoélectronique et sur la majorité des matériaux nécessaires à la fabrication de composants. Pour certains d’entre eux, des difficultés d’approvisionnement sont même signalées, notamment à long terme pour les microcontrôleurs. L’industrie française avait constitué des stocks de composants et matériaux pour éviter toute rupture. Il n’y a donc aucun risque capacitaire immédiat. En revanche, si le rétablissement de l’économie japonaise venait à tarder, les entreprises françaises seraient placées dans une situation difficile.

Cet exemple montre l’exposition de notre pays en matière d’approvisionnements stratégiques. Le développement des nouvelles technologies ayant par ailleurs créé de nouveaux besoins, notamment en matières premières, il appartient aux pouvoirs publics d’assurer l’accès à ces ressources. Comme le montre la carte ci-après, les gisements des matières premières stratégiques sont concentrés dans un nombre limité d’États.

Gisements de matières premières stratégiques

Source : http://ec.europa.eu/enterprise/policies/raw-materials/critical/index_en.htm.

La Chine a rapidement pris conscience des avantages politiques qu’elle pouvait tirer de son rang de premier fournisseur mondial, en particulier pour les terres rares. Quitte à être réprimandée par l’Organisation mondiale du commerce, elle a mis en place des quotas d’exportation, en baisse de 10 % par an depuis 2006. Le gouvernement chinois envisage également la constitution de réserves stratégiques. En septembre 2010, dans un contexte de tensions diplomatiques, la Chine a interrompu ses exportations de terres rares vers le Japon qui a pourtant besoin annuellement de 25 000 tonnes de terres rares pour alimenter son industrie technologique, 90 % de ces matériaux venant de Chine.

La diversification des fournisseurs en terres rares est devenue une priorité, afin de diminuer la dépendance jugée excessive à l’égard de la Chine. Compte tenu de son importance, ce sujet a été abordé de façon informelle lors du sommet du G20 à Séoul en novembre 2010. Des sociétés japonaises et coréennes se sont ainsi unies pour investir à hauteur de 2 milliards de dollars américains au Brésil dans des gisements de niobium, indispensable pour la sidérurgie. Les États-Unis, la Russie et l’Australie ont marqué leur intérêt pour des démarches de ce type, mais le coût d’exploitation de ces gisements demeure particulièrement élevé par rapport aux coûts chinois.

La liste des matériaux sensibles est susceptible d’évoluer rapidement. Le lithium, qui est indispensable pour les batteries électriques, peut par exemple devenir un enjeu géopolitique. En effet, 70 % des ressources mondiales de ce matériau sont situées en Bolivie. Plusieurs sociétés japonaises se sont d’ores et déjà porté candidates pour développer l’exploitation du lithium bolivien.

À terme, compte tenu de la forte demande, de la rareté de la ressource et de sa concentration dans quelques régions du globe, la hausse des cours des matières premières stratégiques apparaît inéluctable. Mais l’attention doit également porter sur l’activité de transformation de ces matières premières pour ne pas amplifier la dépendance extérieure. Le défi des matières premières stratégiques doit donc être abordé en terme de filière industrielle.

Les États producteurs de composants stratégiques ont enfin intérêt à contrôler l’usage qui en fait, voire à imposer des normes drastiques. La législation américaine de contrôle des exportations d’armement (ITAR (77)) donne par exemple à l’administration américaine une maîtrise de l’usage de tous les composants fabriqués aux États-Unis et utilisés par des industries étrangères d’armement. Cette pratique est appelée à se généraliser et risque de créer de nouveaux types de dépendance.

ii. La réponse publique

La France a récemment pris la mesure de l’enjeu des matériaux stratégiques en installant auprès du ministre de l’industrie un comité chargé de cette question. Le décret de création prévoit qu’il « a pour mission d’assister le ministre chargé des matières premières dans l’élaboration et la mise en œuvre de la politique de gestion des métaux stratégiques, en vue de renforcer la sécurité d’approvisionnement nécessaire à la compétitivité durable de l’économie » (78). Le comité réunit des acteurs du monde de la défense, qu’il s’agisse du ministre, du secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, du président du groupement des industries françaises industrielles et spatiales ou de celui du groupement des industries de construction et activités navales.

Les gouvernements ont également cherché à limiter leur dépendance en soutenant les travaux de recherche visant à trouver des matériaux de substitution. Ils privilégient également la récupération des métaux sur des matériels usagés même si cette opération se révèle très complexe en l’état actuel des techniques employées. En février 2011, le gouvernement japonais a par exemple décidé de consacrer 370 millions d’euros à encourager les entreprises à développer leurs capacités de recherche pour réduire le recours aux terres rares, soit par des techniques de recyclage ou par des matériaux de substitution.

Pour éviter une trop forte dépendance technologique, la préservation et le développement d’une industrie nationale sont cruciaux. Ceci passe par une action résolue de soutien à l’innovation principalement portée par des PME. Le Livre blanc souligne bien que le « soutien des PME, au moins aussi dynamiques que les grands groupes en matière d’innovation, contribue […] directement au renforcement de la recherche. La France leur ouvrira davantage l’accès aux marchés de défense et incitera les grands groupes de défense et de sécurité à s’associer aux plus innovantes des PME ». L’effort en faveur de l’innovation et de la recherche permet en effet de « maintenir dans la durée les compétences critiques menacées par les cycles des équipements de défense » (79).

b) Un effort insuffisant en faveur de la recherche

i. La baisse des crédits de la recherche

Les autorisations d’engagement consacrées aux études amont ont atteint en 2010 leur plus bas niveau depuis 2006. Les crédits de paiement se maintiennent en revanche au-dessus de la moyenne. Cette disparité d’évolution que retrace le graphique suivant montre bien la prééminence des engagements actuels. Le ministère n’engage plus de grands projets de long terme, se contentant d’entretenir a minima les compétences actuelles.

Évolution des crédits d’étude amont

(en millions d’euros)

Source : bilan d’activités 2010, DGA.

Les difficultés budgétaires expliquent pour partie cette évolution. Faute de moyens, la France a par exemple du mal à développer un drone malgré le besoin opérationnel avéré. De ce fait, les industriels sont contraints de financer sur leurs fonds propres la plupart des projets, y compris ceux dont l’avenir est parfois incertain. Dans le contexte économique actuel, il est naturel que les opérateurs privés refusent de plus en plus de prendre un tel risque et diminuent leurs crédits de recherche en conséquence.

La répartition des crédits consacrés à la recherche apparaît également perfectible. La répartition des ressources entre les programmes 144 et 146 conduit à une duplication des services et à un alourdissement des procédures. Les entreprises privées ont fait le choix inverse et rapprochent les bureaux d’études des centres de production. Comme le souligne Jean-Paul Herteman, président du directoire de Safran, « General Electric a inventé le concept de centre d’excellence qui consiste à imbriquer bureau d’études et usine. C’est ce que nous avons appliqué à Bordes dans la nouvelle usine de Turbomeca où le bureau d’études constitue l’épine dorsale du site avec les ateliers de chaque côté. […] Le premier retour d’investissement à Bordes tient à la réduction drastique des cycles de production. Comme le bureau d’études est situé au sein de l’usine, si un souci apparaît, il peut être réglé en une heure » (80).

L’évolution des crédits des études amont est d’autant plus préoccupante que la plupart des pays européens réduisent leurs dépenses de recherche et technologie (R&T) et de recherche et développement (R&D). Le tableau ci-après récapitule cette tendance.

Évolution des crédits de R&T et de R&D

(en milliards d’euros courants)

 

2007

2008

2009

 

R&T

R&D

R&T

R&D

R&T

R&D

France (1)

0,81

3,23

0,835

3,28

0,9

3,7

Royaume-Uni (2)

0,77

4,01

0,65

3,21

0,53

2,77

Allemagne

0,46

1,21

0,47

1,18

0,4

1,08

(1) Hors nucléaire

(2) La baisse constatée en 2008 est principalement liée à la dépréciation de la livre sterling par rapport à l’euro.

Source : ministère de la défense.

ii. Un calendrier défavorable avec une programmation de production

La faiblesse des crédits alloués aux études amont s’explique également par des raisons calendaires. Comme le montre le graphique suivant, l’actuelle loi de programmation est durablement marquée « par l’achèvement des développements et la montée en puissance de la production de la plupart des grands programmes » (81). À compter de 2015, les forces disposeront de matériels neufs dans presque tous les domaines. Alors que les armées sont habituées à disposer de parcs assez hétéroclites, elles vont devoir apprendre à gérer des équipements neufs et souvent complexes.

Dates de mise en service des principaux équipements militaires

Source : ministère de la défense.

Ce phénomène calendaire peut avoir des conséquences particulièrement graves sur l’industrie : faute de programmes nouveaux, il sera difficile de maintenir l’activité des bureaux d’études et, partant, d’assurer la préservation des compétences d’ingénierie. La fidélisation des ingénieurs va devenir de plus en plus difficile, ces personnels pouvant être facilement tentés de quitter le secteur de l’armement pour des secteurs technologiques où la commande publique et privée demeure vive comme par exemple l’énergie ou la médecine.

Le président d’EADS Louis Gallois souligne bien que si « les industriels savent traiter les problèmes de sous-charge industrielle », ils ne savent pas « traiter les problèmes de réduction de charge dans les bureaux d’études s’ils conduisent en dessous du seuil critique » (82). Or les crédits dévolus actuellement à la recherche et au développement, qui figurent pour l’essentiel dans le programme 144 « Environnement et prospective de la défense », sont considérés comme nettement insuffisants par les industriels. Les rapporteurs de la LPM avaient déjà souligné ce point et le ministre n’a pas manqué d’en rappeler l’importance. Le ministère étant engagé dans « la réalisation du contrat capacitaire des armées », il est possible que, « la montée en puissance des investissements pour ces programmes […conduise à] une réduction concomitante des investissements dans l’innovation qui pourrait faire disparaître notre capacité d’innovation, détenue par un petit nombre de bureaux d’études extrêmement compétents. Il nous faut donc maintenir l’investissement dans cette direction en dégageant trois priorités pour la période 2011-2014 : la dissuasion – du reste, la capacité d’innovation en est une partie intégrante – ; la coopération avec le Royaume-Uni pour les drones ; l’offre technique de la France à l’OTAN dans le cadre de la défense antimissile balistique » (83).

Les objectifs affichés par le ministre peinent toutefois à prendre forme, plusieurs décisions venant remettre en cause l’importance donnée à la préparation de l’avenir. En 2010, le ministère a ainsi préféré acheter 11 Rafale plutôt que d’engager la rénovation de 77 Mirage 2000-D. Certes, cette décision est liée à l’absence de contrat d’export pour l’avion, mais elle montre bien que la production prime désormais le développement.

La réduction des crédits combinée à une période de production risquent d’avoir des conséquences graves sur l’export : faute de maintenir son avance technologique, ou du moins dans une proportion suffisante, la France va bientôt devoir renoncer à vendre ses équipements les plus évolués car elle ne pourra plus consentir au moindre transfert de technologie, sauf à exposer sa base industrielle à une nouvelle concurrence internationale.

2. Assurer l’avenir en formant les ingénieurs ?

Face aux défis technologiques et au risque de dépendance, la France doit pouvoir s’appuyer sur la qualité de son réseau de formation et notamment sur ses écoles d’ingénieurs. Chaque année, quelque 31 500 ingénieurs sont diplômés dans notre pays et seuls 20 % d’entre eux s’expatrient. Parmi les écoles, plusieurs sont sous la tutelle du ministère de la défense, au travers de la DGA. Si l’école polytechnique symbolise le mieux cette proximité de la formation avec les besoins étatiques, aujourd’hui les diplômés de ces écoles ne s’orientent que très minoritairement vers les services de l’État.

a) Une école polytechnique de plus en plus éloignée de la défense

Le rapport d’activité pour 2009 de l’école polytechnique rappelle sa mission de « former des responsables de haut niveau pour les services de l’État, les entreprises et la recherche ». L’article L. 675-1 du code de l’éducation dispose quant à lui que « l’école polytechnique a pour mission de donner à ses élèves une culture scientifique et générale les rendant aptes à occuper, après une formation spécialisée, des emplois de haute qualification ou de responsabilité à caractère scientifique, technique ou économique dans les corps civils et militaire de l’État et dans les services publics et, de façon plus générale, dans l’ensemble des activités de la Nation ».

En 2010, le budget de l’école s’élève à 172 millions d’euros. En moyenne 500 élèves ingénieurs sont diplômés chaque année. En 2009, seulement 20 % des polytechniciens diplômés ont intégré un corps de l’État ; 51 % ont rejoint le secteur privé et 26 % ont poursuivi leurs études (doctorat…). Comme le montre le graphique ci-après, parmi ceux qui ont opté pour le secteur privé, moins de la moitié ont choisi l’industrie et près de 9 % ont préféré le secteur bancaire.

Secteurs d’activité des diplômés de l’école polytechnique

Source :

http://www.polytechnique.edu/accueil/entreprises/stages-orientation-insertion-professionnelle/carrieres.

Au final, 3 % des diplômés de Polytechnique ont débuté leur carrière dans le secteur industriel « construction aéronautique, ferroviaire et navale et armement », soit un volume trois fois moins important que dans le secteur de l’énergie ou de la banque.

Les élèves qui optent pour une carrière au sein de l’État peuvent intégrer onze corps différents (84), avec une préférence marquée pour le corps des ingénieurs des mines relevant du ministère de l’économie, qui est compétent (85) en matière d’énergie, de transport, des nouvelles technologies et d’industrie au sens large, et pour le corps des ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts relevant du ministère de l’agriculture et du ministère du développement durable (86),qui est compétent pour les questions liées au climat, au développement durable, à l’énergie, au logement, à la ville, à l’aménagement du territoire, aux transports et à l’agro-industrie.

La faiblesse du nombre d’élèves qui poursuivent une carrière au sein de la défense nationale conduit à s’interroger sur la pertinence de maintenir l’école sous la tutelle du ministre de la défense, comme le prévoit l’article L. 755-1 du code de l’éducation. Preuve de cette évolution, le site Internet de l’association des anciens élèves et diplômés de Polytechnique précise que le bureau des carrières est à « la disposition des X qui, à l’école et tout au long de leur vie professionnelle, attachent un intérêt particulier à la gestion de leur carrière, qu’ils réfléchissent à un pantouflage [ou] à une nouvelle orientation professionnelle » (87). Ces positions trahissent un état d’esprit particulièrement préoccupant et conduisent à s’interroger sur le sens du message délivré par les autorités de tutelle aux étudiants et sur les raisons de la faible attractivité des carrières étatiques. L’arrivée à la tête des anciens de l’X d’un président dont le parcours professionnel est demeuré dans le secteur privé confirme cette inexorable évolution de l’école.

Le statut militaire de l’école est-il adapté à son environnement économique ? En avril 2011, le ministre de la défense avait d’ailleurs déposé un amendement pour modifier sa gouvernance. Il relevait que « l’École Polytechnique est […] régie par une loi de 1970, aux termes de laquelle son administration est assurée par un conseil d’administration dont le président n’a pas de fonction exécutive, cette fonction étant confiée à un officier général. Dans le contexte de la montée en puissance du campus de Saclay, où l’École Polytechnique doit avoir un rôle fédérateur, il a été unanimement considéré – par le conseil d’administration, par les anciens de Polytechnique et, d’une manière générale, par toutes les personnes concernées – qu’il était nécessaire de modifier la gouvernance de l’École Polytechnique en faisant du président du conseil d’administration un président exécutif, ayant pour mission de représenter l’École, de négocier des accords de partenariat avec les universités et les établissements d’enseignement supérieur de la région parisienne, mais aussi au plan national et international. Bref, il convient que le président soit un patron exécutif à temps plein – étant précisé que le directeur général restera, lui, un officier général, afin de tenir compte de la spécificité militaire de Polytechnique » (88). Cette évolution n’a pas abouti, l’amendement ayant été retiré en séance.

Ces éléments montrent bien que la défense ne constitue plus un domaine privilégié pour les polytechniciens même si cet éloignement semble être moins net avec la crise économique et le resserrement du marché de l’emploi. Il n’en reste pas moins que l’objectif initial de formation des corps techniques de la défense est aujourd’hui passé au second plan (89).

b) Les autres écoles d’ingénieurs sous tutelle de la DGA

● Membre du pôle ParisTech, l’école nationale supérieure de techniques avancées (ENSTA) accueille chaque année 120 élèves, dont 30 % de filles, sur titre ou par la voie d’un concours sélectif, commun avec l’école des mines et l’école des ponts. Elle indique, sur la page d’accueil de son site et dans sa brochure relative au cursus ingénieur, vouloir « former des ingénieurs capables d’assurer la conception, la réalisation et la direction de projets complexes dans l’environnement économique international » (90).

Or, selon l’école, seulement 5 % des diplômés des promotions de 2005 à 2009 ont opté pour un emploi dans la défense, essentiellement des ingénieurs de l’armement, l’ENSTA étant une école d’application de l’école polytechnique. Les diplômés s’orientent vers la finance, la banque et l’assurance (10 %), l’industrie aérospatiale (6 %), l’industrie navale (5 %), l’ingénierie nucléaire (5 %), les technologies de l’information (4 %), secteurs qui peuvent avoir une activité liée à la défense. Comme pour l’école polytechnique, la tutelle statutaire de la défense sur l’ENSTA ne semble pas suffire à maintenir un lien privilégié des étudiants et des diplômés avec la défense.

Le budget de l’ENSTA s’établit à 26,89 millions d’euros en 2010.

Jusqu’à son rapprochement avec l’ENSTA ParisTech, l’ENSTA Bretagne était appelée école nationale supérieure des ingénieurs des études techniques de l’armement (ENSIETA). Jusqu’en 1990, elle recrutait exclusivement des élèves militaires ; depuis elle s’est ouverte aux étudiants civils qui représentent aujourd’hui 80 % des effectifs. En dépit de ce changement et de la part des civils par rapport aux militaires, l’école est restée sous la tutelle de la DGA qui tient à garder le contrôle sur la formation scientifique des ingénieurs des études techniques de l’armement.

686 élèves ont suivi en 2010-2011 une formation à l’ENSTA Bretagne dont 506 dans le cycle ingénieur (20 % des élèves ont le statut de militaire), 86 dans le cycle de formation des ingénieurs en alternance (apprentis ou salariés en formation continue), 36 dans des formations spécialisées et 58 comme doctorants. 74 étudiants sont étrangers, soit 11 % de l’effectif. Le budget de l’école en 2010 est de 20,8 millions d’euros.

Comme le montrent les graphiques ci-après, les élèves militaires représentent 23 % des diplômés en 2010. Au terme de leur cursus, ils ont naturellement rejoint le ministère. Leurs camarades civils ont été recrutés par l’industrie navale (27 %), l’industrie aérospatiale (6 %). Le secteur bancaire et financier ne représente que 2 % des premiers emplois occupés.

Secteurs d’activité des diplômés de l’ENSTA Bretagne

Industrie navale et offshore

27 %

Défense

23 %

Hydrographie / Océanographie

14 %

Industrie automobile

11 %

Industrie aéronautique et spatiale

6 %

Industrie des technologies de l’information

6 %

Énergie

5 %

Enseignement / Recherche

3 %

Institution Financière / Banque / Assurance

2 %

Autre

2 %

Commerce / Distribution

1 %

Fonctions exercées

Ingénieur études, conception, R&D, expertise et essais

73 %

Ingénieur production, maintenance, logistique

13 %

Autre

7 %

Ingénieur chef de projet, chargé d’affaires

5 %

Ingénieur qualité, sécurité, sûreté

2 %

Source : http://www.ensa-bretagne.fr.

● Installé à Toulouse et placé sous tutelle du ministère de la défense, l’institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace (ISAE) est issu du rapprochement de l’école nationale supérieure de l’aéronautique et de l’espace (SUPAERO) et de l’école nationale supérieure d’ingénieurs de constructions aéronautiques (ENSICA). Il a pour mission de « dispenser un enseignement supérieur ayant pour objet la formation d’ingénieurs hautement qualifiés dans les domaines aéronautique et spatial et les domaines connexes » (91). Au total, il accueille près de 1 500 étudiants.

En 2010, 56 % des ingénieurs SUPAERO ont trouvé leur premier emploi dans l’aérospatiale et la défense. 22 % ont rejoint des sociétés de l’audit, du conseil ou de la finance. Parmi les dix premières entreprises recrutant dans ce cursus, figurent les grandes sociétés de l’aéronautique et de l’espace (Airbus, Astrium, Dassault-Aviation, CNES, Thales Alenia Space), mais aussi deux banques (Société Générale et BNP Paribas), Accenture, Capgemini et Altran.

Les promotions du cursus ENSICA compte 110 à 120 élèves. Cette filière est la seconde, après l’ENSTA Bretagne, à former des ingénieurs des études techniques de l’armement. Toutefois, la formation n’indique pas précisément le taux de diplômés rejoignant la défense, ces étudiants étant comptabilisés dans un agrégat plus large. La filière aérospatiale-défense représente au total 83 % des premiers emplois occupés en 2010 contre 3 % pour la banque, la finance et le conseil.

● Les statistiques sur le premier emploi des diplômés des écoles d’ingénieurs placées sous la tutelle du ministère de la défense démontrent l’excellence des formations qui y sont dispensées, tout en confirmant la faible attractivité de la défense pour ces ingénieurs. Le caractère très minoritaire des recrutements au profit de la défense s’explique partiellement par la diminution des effectifs de la DGA. Pour autant, même si les effectifs croissaient, la défense ne parviendrait pas à concurrencer les sociétés bancaires et financières. Que des ingénieurs formés aux métiers scientifiques et technologiques privilégient ces secteurs d’activité pose un véritable problème politique. L’industrie en pâtit également. En raison d’un carnet de commandes civiles et militaires chargé et courant sur plusieurs années, AIRBUS doit recruter annuellement un contingent important d’ingénieurs. Malgré la bonne image de la société et les bonnes perspectives dans un contexte économique dégradé, la filiale d’EADS reste en déficit d’ingénieurs.

Dans ce contexte, les liens historiques entre la défense et les écoles d’ingénieurs (92)ne doivent pas incliner à l’immobilisme et à l’autogestion. La tutelle de l’État doit se traduire par une stratégie dynamique des formations et orientations des diplômés privilégiant le service de l’État et les industries de souveraineté.

C. UNE EUROPE DE LA DÉFENSE EN PANNE

Depuis plusieurs décennies, le renforcement de l’Europe de la défense est présenté comme la solution aux difficultés nationales : la mutualisation des capacités opérationnelles et des efforts de recherche ainsi que l’émergence d’une industrie européenne doivent permettre l’émergence d’une Europe militairement et politiquement forte et d’une industrie rivalisant avec la puissance américaine. Le Livre blanc constate en effet qu’aucune « nation en Europe – pas même la France, ni le Royaume-Uni – n’a plus la capacité d’assumer seule le poids d’une industrie de défense répondant à l’ensemble des besoins de ses forces » (93).

Dans cette logique, la crise économique devrait conduire à une accélération du processus d’intégration. Or l’analyse de la situation à l’automne 2011 révèle un phénomène inverse. La défense européenne est moins structurée que jamais. Les récents engagements internationaux, et notamment l’opération en Libye, ont fait éclater au grand jour les divergences entre les États membres. Comme le montre le tableau suivant, des différences notables dans l’engagement national demeurent, qu’il s’agisse de la participation à des opérations internationales, de la part du budget consacré à la défense ou même du positionnement par rapport à l’OTAN.

L’implication des États européens en matière de défense

 

Budget de la défense

État

Statut

Membre de l’OTAN

Participation à l’ISAF (1)

Participation à l’opération en Libye

En masse (2)

%

du PIB

Par habitant

Allemagne

 

Oui

Oui (2003)

 

36 108

1,50

441

Autriche

Neutre

Non

Oui (2004)

 

2 401

0,87

287

Belgique

 

Oui

Oui (2003)

Oui

4 048

1,20

375

Bulgarie

 

Oui

Oui (2003)

Oui

659

1,95

87

Chypre

 

Non

Non

Oui

339

2

424

Danemark

Non participant aux politiques européennes liées à la défense

Oui

Oui (2003)

Oui

3 117 (3)

1,40

563

Espagne

 

Oui

Oui (2003)

Oui

12 196

1,16

264

Estonie

 

Oui

Oui (2003)

 

256

1,86

191

Finlande

Neutre

Non

Oui (2003)

 

2 686

1,57

503

France

Membre permanent conseil de sécurité des Nations Unies

Oui

Oui (2003)

Oui

39 190

2,04

608

Grèce

 

Oui

Oui (2003)

Oui

6 023

2,54

535

Hongrie

 

Oui

Oui (2003)

 

1 068

1,15

107

Irlande

Neutre

Non

Oui (2003)

 

988

0,60

221

Italie

 

Oui

Oui (2003)

Oui

21 946

1,44

364

Lettonie

 

Oui

Oui (2003)

 

227

1,21

101

Lituanie

 

Oui

Oui (2003)

 

289

1,08

87

Luxembourg

 

Oui

Oui (2003)

 

179

0,47

360

Malte

Neutre

Non

Non

 

43

0,74

103

Pays-Bas

 

Oui

Oui (2003)

Oui

8 733

1,53

528

Pologne

 

Oui

Oui (2003)

 

5 428

1,75

142

Portugal

 

Oui

Oui (2003)

 

2 671

1,63

251

Roumanie

 

Oui

Oui (2003)

 

1 609

1,39

75

Royaume-Uni

Membre permanent conseil de sécurité des Nations Unies

Oui

Oui (2003)

Oui

39 596

2,53

641

Slovaquie

 

Oui

Oui (2003)

 

967

1,53

178

Slovénie

 

Oui

Oui (2003)

 

571

1,63

279

Suède

Neutre

Non

Oui (2003)

Oui

3 510

1,22

376

République Tchèque

 

Oui

Oui (2003)

 

2 262

1,65

215

(1) International Security Assistance Force – opération internationale engagée en Afghanistan sous l’égide de l’OTAN.

(2) en millions d’euros pour l’année 2009 – source : agence européenne de la défense.

(3) source SIPRI avec 1 euro = 7,45995 couronnes danoises.

Source : www.sipri.org

Au final, l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni concentrent près de 58 % de l’effort total. Seuls la France et le Royaume-Uni (94) consacrent plus de 600 euros par an et par habitant à leur défense, dépassant les 2 % du PIB. Les écarts financiers ne suffisent pas à expliquer l’impuissance de l’Europe de la défense. Les difficultés sont notamment liées à l’inconsistance des instances communautaires et au faible bilan des coopérations. Au final, le rapporteur s’inquiète d’un décrochage militaire du continent, quelques pays ne pouvant pas supporter l’ensemble de la charge.

Les États peinent à se défaire du pouvoir régalien essentiel qu’est la défense au profit d’une organisation internationale comme l’Union européenne. Ce transfert est d’autant plus difficile que les fondations de l’Union reposent sur des principes très éloignés des enjeux de sécurité. Par ailleurs, une politique communautaire de défense nécessite un effort budgétaire partagé, une convergence des intérêts vitaux, une perception proche des menaces et un accord sur la place à accorder à l’outil militaire. Or les États membres ne sont en accord sur presque aucun de ces points. En outre, nombre de pays sont engagés dans d’autres alliances et notamment au sein de l’OTAN, et ne voient donc pas l’intérêt d’approfondir la politique européenne de défense.

1. Les divergences des acteurs communautaires de défense

Pour faire émerger une politique commune de défense, les États ont cherché à doter l’Union d’instances spécifiques. La Commission essaie également de préempter ce domaine pourtant encore très nettement intergouvernemental. Ces initiatives pourraient être bénéfiques mais faute de coordination et cohérence d’ensemble, elles ne font qu’entretenir confusion et discorde.

● L’Union européenne a créé deux structures spécifiques à l’élaboration et à la conduite des opérations d’armement. L’agence européenne de défense et l’OCCAr devaient être les premiers éléments d’une organisation communautaire placée sous l’autorité du conseil des ministres de la défense.

Créée en 2004, l’agence européenne de défense (AED) cherche à renforcer les coopérations entre États membres pour combler les lacunes capacitaires européennes dans la gestion de crise. L’ensemble des États y participe à l’exception notoire du Danemark. Ce n’est qu’en juillet 2011 que le Conseil européen a adopté une décision précisant le statut, le siège et les modalités de fonctionnement de l’AED. Elle précise par ailleurs « la mission de l’agence ne porte pas atteinte aux compétences des États membres en matière de défense » (95), ce qui limite ab initio son autorité et sa capacité d’action, voire justifie le scepticisme de certains partenaires.

La première mission de l’agence est d’identifier et d’harmoniser les besoins capacitaires présents et futurs. Pour y faire face, elle peut proposer des programmes en coopération ou des collaborations opérationnelles avec des périmètres variables : tous les États ne sont pas nécessairement impliqués dans chacun des projets. La dimension « recherche et technologie » occupe également une place importante dans l’activité de l’AED qui peut initier des programmes, des études et des projets. Il lui appartient enfin d’œuvrer au développement d’une base industrielle et technologique de défense européenne, « sans préjudice des règles du marché intérieur et des compétences de la Commission européenne » (96). Il est difficile de trouver un juste équilibre entre l’ouverture du marché et la préservation des souverainetés nationales.

Parfois présenté comme le bras armé de la Commission ou comme un simple organe intergouvernemental, l’AED cherche encore sa place au sein du système communautaire. Sans une clarification stratégique de sa finalité et de son positionnement, elle devra se contenter d’actions modestes. Le rapporteur espère que Claude-France Arnould, nommée à la tête de l’agence en janvier 2011, saura user de son expérience diplomatique pour dépasser les disparités politiques et les intérêts nationaux et faire avancer l’AED.

Opérationnelle depuis 2001, l’organisation conjointe de coopération en matière d’armement (OCCAr) a géré et suivi le développement de plusieurs équipements dont certains sont entrés en service comme l’hélicoptère Tigre, ou le véhicule Boxer. Malgré ces succès, les difficultés du programme A400M et l’effacement de l’OCCAr au profit des agences nationales d’armement dans les négociations avec l’industriel ont porté atteinte à l’autorité de l’organisation. Patrick Bellouard, directeur de l’OCCAr, estime que, sur ce dossier, les difficultés sont de la responsabilité de l’industriel et indique que l’agence a « accordé une trop grande confiance à l’industriel à la signature du contrat commercial initial. [Les partenaires ont] voulu innover sur le plan de la contractualisation et [sont] allés trop loin dans la flexibilité. [Ils n’avaient] pas de visibilité sur ce qui se passait chez l’industriel » (97). Plus que la faute de l’industriel, cette analyse souligne la faiblesse du pilotage institutionnel du programme : alors qu’elle constatait une dérive du programme, l’OCCAr n’a jamais été en mesure d’inverser la tendance ni même d’alerter les États.

Faute d’une définition claire de leurs missions et de leurs moyens, AED et OCCAr doivent encore démontrer leur apport dans la construction d’une Europe de la défense forte.

● La Commission européenne profite de cette situation et de ses compétences en matière économique pour s’inviter dans le domaine de la défense. Dans sa communication du 5 décembre 2007, elle affiche sa volonté d’user de tous ses moyens juridiques pour « garantir une concurrence équitable dans le domaine des biens produits par l’industrie de la défense et d’éviter des distorsions de concurrence sur les marchés non militaires » (98).

La cible de la Commission est de limiter le champ de l’article 346 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) qui permet aux États de déroger aux règles communautaires pour protéger leurs industries de défense nationales.

ARTICLE 346 TFUE

1. Les dispositions des traités ne font pas obstacle aux règles ci-après :

a) aucun État membre n’est tenu de fournir des renseignements dont il estimerait la divulgation contraire aux intérêts essentiels de sa sécurité ;

b) tout État membre peut prendre les mesures qu’il estime nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité et qui se rapportent à la production ou au commerce d’armes, de munitions et de matériel de guerre ; ces mesures ne doivent pas altérer les conditions de la concurrence dans le marché intérieur en ce qui concerne les produits non destinés à des fins spécifiquement militaires.

Cet objectif a été repris par les directives 2009/43/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009 simplifiant les conditions de transfert de produits liés à la défense dans la Communauté et 2009/81/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 relative à la coordination des procédures de passation de certains marchés de travaux, de fournitures et de services par des pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices dans les domaines de la défense et de la sécurité, et modifiant les directives 2004/17/CE et 2004/18/CE.

L’absence d’un principe de préférence communautaire dans la seconde directive suscite bon nombre de critiques et fragilise le modèle économique concurrentiel que la commission veut imposer aux industries européennes de défense. L’ouverture des marchés publics à la concurrence internationale n’a cependant de sens que si nos partenaires se soumettent à la même règle. Or les marchés publics américains octroyés à des entreprises non-américaines n’atteignent que 34 milliards d’euros ; au Japon, ils ne dépassent pas 22 milliards d’euros. En Europe ils représentent 312 milliards d’euros. En refusant l’inscription du principe de préférence communautaire dans l’octroi de marchés publics, et notamment dans les marchés de défense et de sécurité, la Commission européenne fragilise la BITD européenne et fait la part belle à des sociétés, essentiellement américaines, qui peuvent présenter des offres à des prix particulièrement bas puisque leurs bénéfices sont déjà assurés avec leur marché domestique protégé.

Au final, la stratégie de la Commission européenne aboutit à des initiatives juridiques incomplètes, profite aux entreprises non européennes et freine la construction d’une véritable BITD communautaire. La crise aggrave ces dérives. Il ne semble pas que la Commission envisage de modifier sa position.

2. Le bilan très contrasté des coopérations

À défaut d’une politique européenne de défense, des coopérations bilatérales ou multilatérales ont été mises en place. Leur bilan se révèle contrasté et appelle à beaucoup de prudence.

a) Les coopérations militaires

Le bilan est particulièrement positif lorsque la coopération vise à partager des capacités militaires touchant au soutien et au transport. Les États impliqués mettent dans un pot commun leurs personnels et leurs équipements respectifs. Ce partage capacitaire est particulièrement poussé en matière de transport militaire aérien avec le commandement européen du transport aérien (EATC) : inauguré le 1er septembre 2010, il supervise les capacités françaises, belges, néerlandaises et allemandes soit 170 aéronefs.

En revanche les coopérations relatives à des capacités de combat s’avèrent plus difficiles à mettre en œuvre, les autorités politiques nationales hésitant à confier la vie de leurs soldats à des autorités étrangères.

Mention doit être faite de la brigade franco-allemande, seule force binationale au monde. Décidée lors du sommet franco-allemand de Karlsruhe de 1987, cette unité militaire commune est officiellement opérationnelle depuis 1990. La courte histoire de la brigade a été émaillée de querelles franco-allemandes notamment sur le partage de la charge financière. Un arrangement administratif de régularisation de plusieurs millions d’euros est intervenu en 2004. Brigade d’infanterie légère, elle regroupe au total près de 6 000 hommes, répartis dans différentes unités dont un bataillon d’artillerie, un bataillon de hussards, deux bataillons de chasseurs, un régiment d’infanterie et une compagnie de génie blindé. En terme de matériels, sont mis en œuvre des équipements français par les unités françaises (AMX 10 RC, VAB, VBL, postes de tir antichars MILAN, mortiers de 120 mm) et allemands par les unités allemandes (canons automoteurs Panzerhaubitze 2 000, véhicule de transport tout terrain blindé léger FUCHS, véhicule anti-char WIESEL TOW, poseur de pont BIBER, engin blindé du génie DACHS, lanceur de mines SKORPION, char démineur KEILER). En 1996, la brigade est engagée pour la première fois sur un théâtre extérieur, dans le cadre de la SFOR en Bosnie. Aujourd’hui, 500 de ses hommes participent aux opérations en Afghanistan.

Unité symbolique de la réconciliation franco-allemande et précurseur de l’Eurocorps, cette brigade souffre aujourd’hui des divergences politiques entre Berlin et Paris pour l’engagement de forces armées sur des théâtres extérieurs. Composée exclusivement d’unités terrestres avec une capacité d’entrée en premier, la brigade ne peut être engagée que si les deux États sont d’accord sur la nature, l’ampleur et les modalités de son intervention. Or, les doctrines militaires et les contraintes politiques sont particulièrement éloignées entre la France et l’Allemagne. En réalité, lorsque la brigade projette des hommes sur un théâtre extérieur, elle s’appuie sur des unités combattantes exclusivement allemandes ou françaises pour atténuer les contraintes diplomatiques. La brigade facilite les échanges entre les forces terrestres des deux États mais ne peut pas être objectivement présentée comme une force opérationnelle unifiée.

La brigade franco-allemande est subordonnée à l’EUROCORPS, état-major permanent installé à Strasbourg. Il compte un millier de personnes venant de France, d’Allemagne, d’Espagne, de Belgique et du Luxembourg. Il ne doit pas être confondu avec l’EUROFOR, autre état-major installé à Florence et créé en 1995 par la France, l’Italie, l’Espagne et le Portugal.

La Cour des comptes considère que ces corps militaires européens « n’ont d’européen que le nom. Leur création a répondu, [pour chacun d’entre eux], à une situation particulière et à des perspectives purement nationales ; créées par traités, leur statut n’est pas uniforme, et leur fonctionnement, comme la décision de les employer, sont régis par la règle du consensus, ce qui signifie qu’un seul des États membres peut bloquer n’importe quelle décision, ce dont, dans la pratique, les États ne se privent pas ». Partant de ce constat, elle s’interroge sur « les motifs justifiant le maintien et le développement de ces structures militaires permanentes » (99).

Les pays du triangle de Weimar (Allemagne, France et Pologne) ont également développé des coopérations. Constitué le 29 août 1991, ce groupe informel vise à faciliter les échanges entre les responsables politiques des trois pays et à mettre en œuvre des projets communs. En décembre 2006 à Mettlach, les chefs d’État et de gouvernements ont décidé la « future mise sur pied d’un groupement tactique à l’échelle du Triangle » (100). En juillet 2011, présidant l’Union européenne, la Pologne a annoncé la mise en œuvre en 2013 d’une force commune dont le commandement et les forces combattantes seront polonais, l’Allemagne apportant le soutien logistique et la France le soutien médical ainsi que les capacités opérationnelles du centre de commandement opérationnel du Mont Valérien. Initié pour faciliter l’entrée de la Pologne dans l’Union européenne et l’OTAN, le Triangle de Weimar a dû réviser ses objectifs une fois ses buts initiaux atteints. Désormais, il apparaît plus comme l’instrument de la Pologne pour éviter que le centre de gravité de l’Union européenne ne bascule trop à l’Ouest.

Question : Fournir une fiche détaillée sur les coopérations menées dans le cadre du triangle de Weimar.

Réponse :

La relance du volet Défense du Triangle de Weimar, engagée en 2009 dans le cadre des travaux préparatoires de la présidence polonaise du Conseil de l’Union européenne (2nd semestre 2011), a été avant tout marquée par une dynamisation des consultations entre administrations, notamment à l’échelon des directeurs des politiques de défense. Ces consultations ont permis de mettre en évidence une ambition partagée pour renforcer la politique européenne de défense et de sécurité commune et remobiliser sur cette problématique tant Mme Ashton et les structures qui l’appuient que les États membres.

La lettre adressée en décembre 2010 par les ministres de la défense et des affaires étrangères du Triangle de Weimar à la Haute-représentante pour les affaires étrangères et la politique de sécurité de l’Union européenne (UE) fournit une base de réflexion pour obtenir des résultats tangibles d’ici le Conseil européen de décembre 2011 qui pourrait être partiellement dédié aux questions de sécurité et de défense. À cette fin, elle propose des orientations concrètes :

1. l’amélioration des capacités de planification et de conduite des opérations européennes ;

2. l’amélioration de la déployabilité des groupements tactiques de l’UE, à travers notamment l’élargissement du financement en commun aux capacités critiques et une combinaison plus efficace des instruments civils et militaires en situation de réponse rapide à une crise ;

3. le renforcement des capacités militaires européennes, à travers des formules nouvelles de mutualisation ou de partage permettant d’optimiser l’utilisation de nos ressources ;

4. le renforcement de la coopération opérationnelle et capacitaire entre l’Alliance atlantique et l’UE.

Afin d’alimenter la réflexion des structures européennes qui ont reçu mandat en janvier dernier pour mettre en œuvre les orientations de la lettre, ainsi que celle des États membres, trois séminaires spécialisés se sont récemment tenus. Le premier portait sur les capacités de planification et de conduite, organisé par l’Allemagne à Ulm en mai 2011, le deuxième sur les groupements tactiques, organisé par la Pologne à Bruxelles en juillet, et le troisième sur les capacités, organisé par la France à Paris en juillet. Ce dernier visait plus particulièrement à identifier les coûts de la non-coopération entre États, les obstacles à la mutualisation et au partage de capacités et les moyens pour les surmonter. Les conclusions de cet exercice serviront de base au séminaire « Pooling and Sharing » de la présidence polonaise de l’UE qui se déroulera les 19 et 20 septembre 2011 à Cracovie.

En parallèle, l’Allemagne, la France et la Pologne participent de concert aux capacités de réaction rapide de l’UE. Dans ce cadre, un groupement tactique de l’UE en format « Weimar » est inscrit au tour d’alerte du 1er semestre 2013, depuis octobre 2009. La Pologne en assumera les fonctions de nation-cadre. La France y contribuera en apportant des capacités rares comme le soutien médical et en mettant l’état-major du Mont-Valérien à la disposition d’un commandant d’opération polonais en cas d’engagement. L’Allemagne assurera, pour sa part, le soutien logistique. Un arrangement technique a été conclu en ce sens le 5 juillet 2011.

b) Les coopérations industrielles

Outre la mutualisation des capacités militaires, les coopérations cherchent également à développer des programmes d’équipement. Ceci se traduit par des coopérations industrielles, voire par la constitution d’une société commune dédiée comme HORIZON SAS, EUROTORP ou NHIndustries dont les actionnaires sont les industriels des États impliqués. D’importants équipements, en service dans les forces françaises, sont issus d’un programme en coopération à l’instar de l’avion de transport C-160 TRANSALL, des hélicoptères TIGRE et NH90, des missiles SCALP et ASTER. Les avions A400M, les FREMM et les frégates Horizon également.

Le bénéfice financier et industriel de ces coopérations est incertain. Dans son rapport public annuel de 2010, la Cour des comptes a recensé les travers spécifiques des programmes menés en coopération : durée excessive de gestation, inflation des spécifications techniques, absence de répartition industrielle judicieuse, pesanteur des procédures de conduite des programmes. « Fondamentalement, ces problèmes spécifiques aux programmes réalisés en coopération tiennent à ce que les différents partenaires étatiques ou industriels privilégient trop souvent la prise en compte de leurs propres intérêts » (101).

Au sein de l’Union européenne, les programmes d’armement menés en coopération respectent en effet le principe du « juste retour industriel » : chaque État doit bénéficier d’un quota d’activités industrielles à la hauteur de sa contribution financière. La priorité n’est plus la bonne réalisation du programme pour répondre à un besoin capacitaire partagé mais la répartition de l’activité industrielle générée par l’opération. Les exemples de l’A400M et de l’Eurofighter montrent les difficultés qu’une telle logique peut engendrer.

● Les dérives du programme A400M sont un bon indicateur des dérives induites par le système du juste retour. Le tableau suivant récapitule les responsabilités respectives des six États partenaires.

Partage des responsabilités industrielles – programme A400M

Pays partenaires

Champ de responsabilité

Allemagne

Responsabilité générale fuselage

Matériaux composites

Belgique

Éléments usinés d’aile

Volets de commande de vol

Espagne

Ligne d’assemblage final

Matériaux composites

France

Intégration générale des systèmes

Carénage

Éléments structurels majeurs

Royaume-Uni

Responsabilité générale sur l’aile

Turquie

Éléments structurels majeurs

Volets de commande de vol

Source : ministère de la défense.

Ce partage ne s’appuie pas sur les compétences existantes des États ; au contraire, on a considéré que ce programme pouvait être l’occasion pour chaque partenaire de développer un secteur dans lequel il était plus faible. Plutôt qu’une addition des compétences, on a procédé à la juxtaposition des aspirations nationales. Le maître d’œuvre industriel se trouve dès lors dans une position inconfortable, sans compter qu’il doit gérer l’éparpillement de la production. Les seules entités dépendant directement du consortium Airbus Military sont par exemple réparties sur onze sites : Toulouse, Nantes, Saint-Nazaire, Méaulte, Madrid, Séville, Brême, Stade, Filton, Ankara, Bruxelles. Viennent s’y ajouter ceux des sous-traitants. Ce schéma industriel est générateur de surcoûts et de risques technologiques, deux dérives constatées sur le programme.

● Forts de la réussite de la coopération industrielle civile avec AIRBUS qui a su s’ériger en concurrent direct du géant BOEING, les principaux États européens ont décidé, au milieu des années 1970, de s’unir pour développer l’Eurofighter, avion de combat européen des années 1990 et 2000. Le 11 octobre 1984, la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie et l’Espagne s’entendent autour d’une fiche programme commune. Le projet est ambitieux : fédérer des industries aéronautiques nationales puissantes autour d’un seul et unique aéronef, militaire. Pour cela, il fallait faire converger les spécifications opérationnelles souhaitées par chacune des armées de l’air participantes, spécifications déterminant pour une large part les équipements embarqués et, partant, les industries qui seraient amenées à participer à l’opération. Le 1er août 1985, le programme essuie son premier échec avec le départ de la France qui opte pour un programme national d’avion multi-rôles, le Rafale. Cette décision ne fait qu’officialiser des divergences anciennes, la France contestant au Royaume-Uni le rôle de chef de file. Ce divorce est aussi la conséquence de la rivalité entre le Britannique BAE et le français Dassault. « Malgré les différentes harmonisations, les besoins des partenaires étaient trop différents. En outre, les enjeux industriels liés à la maîtrise d’œuvre du programme ainsi qu’au choix du moteur et du système d’armes ont forgé de nouveaux freins au développement d’un programme en coopération » (102). L’existence de champions nationaux de l’industrie d’armement qui soutiennent l’emploi et le commerce extérieur a été un des points majeurs de blocage.

Faute d’un accord, l’Europe dispose désormais de trois avions concurrents : l’Eurofighter, le Rafale et le Grippen suédois pour un marché militaire déjà limité et qui tend à se réduire avec la baisse des budgets de la défense.

c) Interdépendance mutuelle ou repli national ?

Pour être pérenne et bénéfique, une coopération industrielle doit s’accompagner d’un partage des compétences et d’une rationalisation des capacités redondantes. Cela implique nécessairement que les États renoncent à des capacités et acceptent une situation de dépendance mutuelle. Dans un contexte de crise, on peut s’interroger sur la capacité d’un gouvernement à accepter l’abandon d’une quelconque activité avec ses répercussions sur l’emploi et l’activité de réseaux de sous-traitance.

Il est d’autant plus difficile d’organiser la BITD européenne que les États n’appréhendent pas tous l’enjeu industriel de défense sous le même angle. En Allemagne, en Italie ou en Espagne, la politique industrielle de défense s’intègre dans une approche plus globale alors qu’elle fait l’objet d’un suivi plus individualisé au Royaume-Uni. Là où elle est perçue comme instrument de souveraineté, elle sera ailleurs considérée comme un secteur industriel au même titre que l’automobile, la chimie ou l’électronique. Dans le premier cas, la volonté de préserver la souveraineté industrielle pourra justifier des sacrifices ; dans le second cas, la croissance économique devient prioritaire.

Malgré les déclarations d’intention, parmi lesquels figure la « Letter of Intent » (LoI) signée le 27 juillet 2000 par les ministres de la défense de France, d’Allemagne, du Royaume-Uni, de l’Espagne, de l’Italie et de la Suède, qui visait à rationaliser et à faire converger les politiques industrielles de défense des signataires, les logiques nationales prévalent.

Le groupe franco-hispano-germanique EADS est souvent cité en exemple de coopération réussie. Mais les tensions qui s’expriment dans la holding d’EADS et dans ses quatre filiales (Airbus, Eurocopter, Astrium, Cassidian) montrent la persistance des intérêts nationaux. Le partage des postes à responsabilité révèle par exemple la place croissante occupée par les Allemands au sein d’Eurocopter et de Cassidian avec des implications fortes quant à la stratégie industrielle menée au sein de ces entités. De même, l’Espagne a peu apprécié que les activités défense de CASA, et notamment le programme A400M, soient placées sous la tutelle d’Airbus Military.

Le seul groupe européen véritablement intégré est la société MBDA qui a pour actionnaires EADS, BAE et Finmeccanica, représentant l’Allemagne, la France, l’Italie et le Royaume-Uni. Avec la mise en œuvre du programme One MBDA, l’intégration européenne du groupe est particulièrement poussée. Toutefois, la signature de l’accord franco-britannique, qui fait de MBDA un pilier de la coopération industrielle, oblige la direction du groupe à faire œuvre de diplomatie et de doigté pour ne pas marginaliser l’actionnaire italien, la partie allemande ayant un statut quasi autonome au sein de la société.

En définitive, comme le montre le graphique suivant, la carte des principales industries de défense en Europe souligne la persistance des logiques nationales malgré la création de groupes ou filiales plurinationaux.

Organisation des industries de défense en Europe

Source : http://www.armement.ead-minerve.fr/co/module_Atlas%20des%20industries%20de%20larmement_2.html

3. Vers un décrochage militaire européen ?

Dans une tribune publiée le 14 septembre dernier, le général Stéphane Abrial, commandant allié pour la transformation de l’OTAN, faisait valoir que « notre effort de défense doit être soutenu », rappelant que « contrairement à ce que pourrait laisser croire un effet d’optique eurocentré, le monde ne se démilitarise pas, bien au contraire » (103). Pourtant, l’importance de l’effort de défense et les risques qu’emporte toute baisse de ces crédits ne semblent pas être des arguments suffisamment forts : tous les pays européens réduisent leurs budgets et leurs engagements internationaux.

Aux États-Unis, une logique inverse semblait prévaloir : la défense des intérêts vitaux du pays passe avant la soutenabilité du budget de la défense. En d’autres termes, la conjoncture économique ne doit pas impacter les investissements militaires, notamment parce qu’ils sont des éléments moteurs de l’activité industrielle américaine. Entre 2009 et 2011, le budget de la défense a ainsi constamment augmenté, entretenant le complexe militaro-industriel. Ce soutien public est un atout majeur dans la compétition mondiale : outre le fait que les industries américaines sont constamment en train de développer de nouveaux matériels, elles peuvent également proposer des produits à des prix attractifs puisqu’elles ont déjà amorti les investissements avec les contrats domestiques.

Cet écart entre l’Europe et les États-Unis tend toutefois à se réduire : le président Obama a ainsi indiqué que la défense allait devoir réduire son budget. Lors de son déplacement en Europe, le nouveau secrétaire américain à la défense, Leon Panetta a indiqué que les États-Unis sont « confrontés à de lourdes coupes qui vont avoir de réelles implications sur les capacités » de l’OTAN, le budget américain ne pouvant plus « absorber les chocs et combler les lacunes de l’Alliance » (104). Jusqu’alors la baisse des crédits en Europe n’avait pas de conséquence dans la mesure où les États-Unis continuaient à fournir des moyens aux pays qui avaient décidé de ces coupes. La générosité américaine n’est plus de mise et les États européens vont devoir assumer seuls leur défense. Le tableau ci-après montre bien la stabilisation du budget américain de défense.

Budget américain de la défense

(en milliards de dollars américains)

 

2007 (2)

2008

Évolution

2009

Évolution

2010

Évolution

2011

Évolution

Procurement (équipement)

80,9

98,2

21,4 %

101,1

3,0 %

104,8

3,7 %

102,1

- 2,6 %

RDT&E (1)

75,7

77,3

2,1 %

80,5

4,1 %

80,2

-0,4 %

75

- 6,5 %

(1) Research, Development, Test and Evaluation — Recherche, développement, test et évaluation.

(2) Les crédits sont présentés par année fiscale.

Source : ministère de la défense.

Si les États européens ne reviennent pas sur leur décision de réduction des crédits de défense, le risque est fort de voir rapidement l’Europe perdre son rang tant sur le plan militaire qu’industriel. Les tableaux suivants montrent que les budgets sont globalement en voie de réduction, au mieux de stabilisation.

Budget britannique de la défense

(en milliards de livres constantes)

 

2007-2008

2008-2009

Évolution

2009-2010

Évolution

Opérations d’armement (1)

7,67

8,52

11,1%

8,41

- 1,3 %

R&D

2,77

2,43

- 12,3 %

2,49 (2)

2,5 %

dont R&T

0,63

0,57

- 9,5 %

0,55

- 3,5 %

dont développement

2,14

1,85

- 13,6 %

1,94

4,9 %

Soutien

4,38

4,29

- 2,1 %

4,21

- 1,9 %

(1) Développement et fabrication

(2) Estimation

Source : ministère de la défense.

Pour le Royaume-Uni, il convient de noter la tendance pour les dépenses de R&T, en baisse constante passés de 0,71 milliard de livres en 2004-2005 à 0,55 milliard de livres en 2009-2010.

Évolution des budgets d’équipement militaire

 

Italie

Espagne

 

2009

2010

2009

2010

En milliards d’euros courants

2,49

2,387

2,12

1,598

En % du budget de la défense

11,30 %

11,18 %

17,40 %

13,73 %

Source : ministère de la défense.

Si la diminution reste modérée en volume en Italie et en Espagne, elle est proportionnellement significative. Les crédits d’équipements espagnols baissent ainsi de près de 3,7 %.

Dans ce contexte, le risque est fort de voir rapidement l’Europe perdre son rang tant sur le plan militaire qu’industriel.

III. —  LES ACCORDS FRANCO-BRITANNIQUES : UN NOUVEL ÉLAN

À propos des coopérations en matière de défense, la Cour des comptes a préconisé, dans son rapport public annuel de 2010, de prendre suffisamment de précautions pour éviter « de trop importantes déconvenues, en n’envisageant des coopérations que si les besoins militaires sont identiques, en essayant de « mutualiser » des programmes nationaux, comme cela a été fait pour les satellites d’observation, – la France développant la voie optique, l’Allemagne et l’Italie la voie radar, les trois pays échangeant les images obtenues – et en limitant autant que faire se peut les coopérations multilatérales, dont les inconvénients l’emportent souvent sur les avantages. Il serait ainsi préférable de privilégier les coopérations bi, ou à la limite, trilatérales, d’autres pays pouvant ultérieurement adhérer aux programmes en cours, sans pouvoir exiger d’en modifier le contenu » (105). En signant avec le Royaume-Uni un accord ambitieux de coopération de défense, le Président de la République a résolument engagé la France dans la voie du pragmatisme suivant les recommandations de la Cour.

A. L’ABOUTISSEMENT D’UN LONG PROCESSUS

Si 2010 est une étape importante et sans précédent de la coopération bilatérale franco-britannique, l’accord de défense s’inscrit dans un processus historique de plusieurs décennies. Les relations entre nos deux pays ont toujours été placées sous le double sceau de la méfiance et de l’impérieuse nécessité d’agir de concert.

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les deux puissances militaires européennes, seuls États européens membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies, montraient une forte convergence politique et militaire. L’échec de l’opération dite de Suez en 1956 marque pourtant une rupture : le Royaume-Uni va alors s’aligner sur les États-Unis pendant que la France opte pour l’autonomie stratégique. Sous l’impulsion du président Charles de Gaulle, ce fossé va se creuser : la France quitte le comité militaire de l’OTAN et développe son propre programme de dissuasion nucléaire ; le Royaume-Uni se heurte au veto français pour entrer dans l’Union européenne.

Avec la crise économique, la fin des années 1970 et les années 1980 marquent l’amorce de premières coopérations industrielles. Les logiques nationales continuent néanmoins à prévaloir. En 1985, le retrait français du programme Eurofighter (pour ensuite lancer le programme concurrent du Rafale) souligne les limites de ce rapprochement. La fin de la guerre froide et les déséquilibres géopolitiques qui en résultent ont relancé et accéléré le processus de convergence. Les deux armées ont appris à mieux se connaître et à se respecter notamment au cours de la première guerre du golfe ou durant les opérations en Yougoslavie. Sur le plan politique, la nécessité de disposer en Europe d’un outil de défense capable de pacifier le continent et de défendre les intérêts communs des États membres aboutit au sommet de Saint-Malo en décembre 1998. La déclaration finale signée par Jacques Chirac et Tony Blair souligne la prééminence et les convergences de vue française et britannique sur l’Europe de la défense. Des coopérations militaires et industrielles sont envisagées avec des ambitions accrues, notamment en ce qui concerne le porte-avions. La création de la société MBDA, impliquant notamment BAE et EADS, et la réussite du programme SCALP/STORM SHADOW concrétisent ces ambitions.

L’intervention américaine en Irak avec la participation active des forces britanniques aurait pu stopper ce processus, la France s’étant opposé à cette opération. Au contraire, à la fin des années 2000, le rapprochement s’accélère nettement, plusieurs événements autorisant à terme la signature de l’accord de novembre 2010. Après les attentats du 11 septembre 2001, la politique étrangère s’est réorientée vers l’Asie et moins vers l’Europe, laissant un peu de côté le traditionnel allié britannique. L’enlisement du programme américain JSF qui engage les finances britanniques, les divergences stratégiques dans la gestion des conflits irakien et afghan n’ont fait qu’accentuer cet éloignement. Dans le même temps, la France a décidé de réintégrer les différents comités militaires de l’OTAN, levant ainsi une hypothèque majeure à un rapprochement franco-britannique en matière de défense. L’implication des forces françaises et britanniques en Afghanistan, la réussite mondiale du groupe MBDA face à une concurrence exclusivement américaine et la crise économique et financière ont fini par convaincre les plus récalcitrants.

Plusieurs documents fondamentaux vont poser les jalons de l’accord de novembre 2010. Le Livre blanc français souligne ainsi la proximité des dissuasions nucléaires française et britannique. « Avec l’autre puissance nucléaire européenne, le Royaume-Uni, la France constate qu’il n’existe pas de situation dans laquelle les intérêts vitaux de l’un seraient menacés sans que les intérêts de l’autre le soient également » (106).

La Strategic Defense and Security Review d’octobre 2010 réaffirme la doctrine britannique en ce qui concerne les coopérations en matière de défense ; elle précise que le pays s’attachera « particulièrement à construire de nouveaux modèles de coopération bilatérale concrète avec les États dont les postures de défense et sécurité sont les plus proches des [leurs] ou avec ceux avec lesquels [le Royaume-Uni coopère] dans des opérations multinationales ». Des relations approfondies seront également établies avec les États avec lesquels le Royaume-Uni peut « partager des capacités, des technologies et des programmes » (107). Cette doctrine laisse une large place à la France, la revue notant que « le Royaume-Uni et la France sont des membres actifs de l’OTAN, de l’Union européenne et du Conseil de sécurité des Nations unies, sont des puissances nucléaires et ont des intérêts nationaux similaires. Nos forces armées sont de format et capacités comparables et il est clair que la France restera un des principaux partenaires stratégiques du Royaume-Uni » (108).

B. LE CONTENU DES ACCORDS

L’accord signé à l’issue du sommet du 2 novembre 2010, repose sur l’acceptation mutuelle d’une souveraineté partagée. Désormais, les deux plus grandes puissances militaires européennes reconnaissent officiellement qu’elles n’ont plus les moyens budgétaires suffisants pour disposer d’une capacité militaire globale et pour soutenir une industrie nationale de défense assurant une pleine souveraineté.

De cet aveu non de faiblesse mais de réalisme découle l’acceptation d’une mutuelle dépendance militaire et industrielle. Selon Antoine Bouvier, P-DG de MBDA, « l’accord franco-britannique n’a pas créé cette situation de dépendance mutuelle, mais seulement constaté qu’elle existait, qu’elle était la conséquence naturelle des réductions de budget. Plutôt que de se cacher cette situation et de laisser perdre par absence de décision des pans entiers industriels et technologiques, nos pays ont eu le courage politique de faire face et d’organiser leur interdépendance » (109).

Une telle interdépendance implique :

- un partage équitable, pour ne pas dire égal, de l’engagement financier ;

- un renoncement à certaines capacités militaires et, surtout, industrielles ;

- un accord sur le format et les missions de l’outil militaire, résultant d’un accord sur les menaces et les moyens pour y faire face.

Pour la première fois, la dissuasion n’est pas exclue du champ de la coopération, même si seule une mutualisation des capacités de recherche est prévue. Si de nombreux axes d’efforts ont été identifiés et que des groupes de travail ont été créés, la reconnaissance d’une dépendance mutuelle reste difficile à accepter et se heurte au conservatisme de certains responsables militaires.

1. Le traité relatif aux installations radiographiques et hydrodynamiques

Le traité « relatif à des installations radiographiques et hydrodynamiques communes » est assurément l’élément le plus novateur du sommet car il touche au nucléaire militaire, cœur et symbole de la souveraineté. Il ouvre la voie à une coopération inédite sur la sécurité et la sûreté des armes nucléaires, la simulation et la lutte contre le terrorisme nucléaire ou radiologique. Le directeur des applications militaires du CEA et le Chief Scientific Advisor du ministère britannique de la défense seront les deux animateurs de cet accord. Il est prévu de créer des installations radiographiques et hydrodynamiques dédiées en France sur le site de Valduc en Côte-d’Or et au Royaume-Uni à Aldermaston, dans le Berkshire. Il ne s’agit pas d’un partage des systèmes concourant à la dissuasion, mais uniquement d’une mise en commun des moyens d’étude.

Cette réalisation d’installations communes de simulation est cependant un pas politique majeur. Selon l’étude d’impact jointe au projet de loi de ratification, « le traité prévoit un partage équitable entre les deux États du coût d’investissement, du coût d’exploitation et de maintenance ainsi que du coût de démantèlement des installations à terme. Les économies réalisées par la France sont évaluées à 200 millions euros environ sur la période 2015-2020 et à un montant compris entre 200 et 250 millions euros après 2020 » (110).

Il serait réducteur d’analyser ce traité sous le seul angle budgétaire et des économies qu’il engendre. Ce serait nier sa réelle portée. Le préambule du traité est particulièrement clair, soulignant la forte convergence des deux États qui sont « conscients de leurs intérêts de défense communs et de l’importance de la dissuasion nucléaire, qui est un élément clé de leurs stratégies de défense nationales et alliées, et ayant à l’esprit qu’ils n’envisagent pas de situation dans laquelle les intérêts vitaux de l’une des Parties pourraient être menacés sans que ceux de l’autre le soient aussi » (111).

Les débats parlementaires ont fait apparaître le caractère novateur de cette démarche, nombre de parlementaires craignant que cet accord ne fragilise la souveraineté nationale. La dissuasion reste en effet perçue comme la manifestation ultime de la souveraineté étatique. Ses interrogations n’ont cependant pas empêché la ratification du traité au travers de la loi du 26 mai dernier (112).

2. La coopération de défense

Les coopérations militaires conventionnelles sont listées dans la déclaration franco-britannique de coopération de défense et de sécurité. Huit programmes ou équipements font l’objet de développements spécifiques :

- pour le groupe aéronaval, le « Royaume-Uni a décidé d’installer des catapultes et des dispositifs d’arrêt sur son futur porte-avions opérationnel. Ceci permettra aux avions britanniques et français d’opérer à partir des porte-avions des deux pays. À partir d’abord d’une coopération sur un groupe maritime autour du porte-avions Charles de Gaulle, le Royaume-Uni et la France se doteront, d’ici le début des années 2020, de la capacité à déployer une force aéronavale d’attaque intégrée franco-britannique composée d’éléments des deux pays. Ceci permettra à la Royal Navy et à la Marine française de travailler dans la plus étroite coordination pendant les 30 prochaines années » ;

- pour l’avion de transport A400M, les deux pays vont développer « un plan de soutien commun pour [leurs] futures flottes d’avions de transport A400M. Ceci permettra de réduire les coûts, d’améliorer la disponibilité des avions et d’ouvrir la voie à une coopération renforcée en matière de maintenance, de logistique et de formation, pour les opérations à partir du territoire national ou de l’étranger » ;

- pour les sous-marins nucléaires, il est prévu de développer « ensemble des équipements et technologies pour la prochaine génération de sous-marins nucléaires. À cette fin, [ils lanceront] une étude commune et concluron[t] des accords en 2011. Cette coopération [leur] permettra de soutenir et de rationaliser [leur] base industrielle commune et de réaliser des économies en partageant les activités de développement, les méthodes de passation des marchés et l’expertise technique » ;

- pour la guerre contre les mines maritimes, les deux pays harmoniseront leurs « plans concernant les équipements et systèmes antimines. Ceci pourrait renforcer l’efficacité, assurer l’interopérabilité et contribuer à soutenir la base industrielle franco-britannique dans le secteur sous-marin. À cette fin, [ils mettront] en place en 2011 une équipe de projet commune pour définir les spécifications d’un prototype de système antimines » ;

- pour les satellites de communication, il convient d’évaluer « le potentiel de coopération sur les futures communications militaires par satellite. [L’] objectif est de réduire les coûts généraux tout en préservant la souveraineté nationale ». Sera lancée une « étude de concept commune en 2011 pour les prochains satellites qui entreront en service entre 2018 et 2022 » ;

- pour les avions ravitailleurs, est actuellement étudiée « la possibilité d’utiliser les capacités excédentaires qui pourraient être mises à disposition dans le cadre du programme britannique FSTA (Future Strategic Tanker Aircraft) pour répondre aux besoins de la France en matière de ravitaillement en vol et de transport aérien militaire, dans des conditions financièrement acceptables pour les deux pays » ;

- pour les drones, il a été convenu « de travailler ensemble sur la prochaine génération de drones de surveillance moyenne altitude et longue endurance. Cette coopération permettra de partager les coûts de développement, de soutien et de formation, et de faire en sorte que [les] forces soient interopérables. [Les deux pays lanceront] en 2011 une phase d’évaluation concurrentielle financée conjointement, dans la perspective de développer de nouveaux équipements entre 2015 et 2020. Pour le plus long terme, [ils évalueront] ensemble les besoins et les options pour la prochaine génération de drones de combat à partir de 2030. En s’appuyant sur les travaux déjà engagés sous la direction du Groupe de travail franco-britannique de haut niveau, [ils élaboreront] au cours des deux années à venir une feuille de route technologique et industrielle commune. Ceci pourrait aboutir à la décision de lancer en 2012 un programme commun technologique et opérationnel de démonstrateur de 2013 à 2018 » ;

- pour les missiles, les États sont « parvenus à un accord sur un plan stratégique décennal concernant le secteur britannique et français des missiles. [Ils vont] travailler à la mise en place d’un maître d’œuvre industriel européen unique et à la réalisation d’économies pouvant aller jusqu’à 30 %. Cette stratégie optimisera la fourniture de capacités militaires, adaptera nos technologies plus efficacement, permettra une interdépendance accrue et consolidera [leur] base industrielle dans le secteur des missiles. [Ils prévoient] de lancer en 2011 une série de projets dans le domaine des missiles (développement du missile antisurface naval léger FASGW (H)/ANL, évaluation des améliorations des missiles de croisière Scalp/Storm Shadow et feuille de route commune pour les technologies de défense aérienne à courte portée) » (113).

3. La coopération industrielle

a) Le domaine des missiles

Dans le domaine des missiles, les deux pays ont fortement insisté sur « la mise en place d’un maître d’œuvre industriel européen unique », prémices d’une coopération industrielle plus large. Cette déclaration s’appuie sur la position industrielle de MBDA, entreprise franco-britannico-germano-italienne véritablement intégrée. Toutefois, elle ouvre des perspectives sur d’autres filières non encore matures, la déclaration soulignant que « la coopération dans ce secteur industriel servira de test pour des initiatives dans d’autres secteurs industriels » (114).

Pour Antoine Bouvier, PDG de MBDA, « il ne s’agit pas seulement de l’approfondissement d’une coopération existante, mais d’une nouvelle approche de l’intégration de l’industrie européenne de défense. Jusqu’à présent, nous avons donné la priorité à une coopération sur les programmes et dans ce cadre, étape par étape, sous forme d’ajustements, nous avons opéré des spécialisations ou supprimé certaines duplications. Désormais l’approche est totalement différente : sa dimension principale est celle de la rationalisation industrielle ; ce ne sont pas seulement les programmes qui permettent, à la marge, d’assurer une spécialisation, mais une démarche globale, dans un périmètre franco-britannique, sur l’ensemble des capacités techniques et industrielles » (115).

Au sein du groupe, cette intégration accrue se traduit par le projet ONE MBDA. « Lorsque [l’entreprise a] reçu le mandat de proposer aux ministères de la défense français et britannique des centres d’excellence, [elle a] mis en place, à la fin de 2010, des groupes de travail franco-britanniques au sein de MBDA dans le cadre de [son] organisation intégrée avec un comité directeur et un président ayant autorité sur l’ensemble des équipes pour faire avancer les dossiers. Les choix sont parfois douloureux et les discussions industrielles difficiles en interne, chacun acceptant les objectifs dans leur principe mais pas toujours, loin s’en faut, leurs conséquences. Si [le groupe a] pu identifier une dizaine de propositions de centres d’excellence dans les deux pays, propositions [qu’il présentera] lors de la préparation du prochain sommet franco-britannique, c’est parce [qu’il a] fait ce travail dans le cadre d’une organisation intégrée » (116).

b) Les autres secteurs

● Cet exemple pose la question de la coopération dans les autres secteurs industriels. La signature de l’accord franco-britannique pourrait-il par exemple inciter Thales à rapprocher ses actifs franco-britanniques dans le cadre d’un programme similaire ? Avec 34 000 salariés, la France demeure le premier pays d’implantation du groupe, devant le Royaume-Uni qui accueille 8 500 collaborateurs. Les deux pays rassemblent ainsi 62,5 % des ressources humaines du groupe, le groupe étant présent dans 50 pays et comptant 68 000 salariés au total. Son chiffre d’affaire en 2010 est de 13,1 milliards d’euros dont 60 % réalisés dans le secteur de la défense et de la sécurité, le reliquat étant lié au transport et à l’aérospatial. Thales est une société française, un pacte d’actionnaires liant l’État, détenteur de 27 % du capital, et le groupe Dassault, détenteur de 26 % du capital. Le reste du capital est dit flottant, à l’exception d’un actionnariat salarié à hauteur de 3 %. Héritage de l’ancien groupe THOMSON, il a par le passé joué un rôle crucial dans la stabilisation du capital, notamment en s’opposant à des tentatives d’OPA.

Thales France et Thales UK sont des entités stratégiques dans les deux pays et développent parfois des équipements similaires. Il en va ainsi des nacelles de reconnaissance RECO NG développées par Thales France pour les avions Rafale de Dassault par rapport à la nacelle DJRP, conçue par Thales UK pour équiper les Gripen de l’armée de l’air sud-africaine.

La réorganisation stratégique de THALES mise en place par Luc Vigneron tend à responsabiliser les filiales implantées à l’étranger et non à pousser à une intégration accrue. La direction a en effet « souhaité donner plus de responsabilité [aux] filiales situées à l’étranger dans les domaines où elles ont la compétence requise – qu’il s’agisse des relations avec les clients, de la passation des contrats, de leur exécution ou du management des ressources locales notamment. Cette mesure, lancée en février 2010, est opérationnelle depuis la fin de l’année dernière ». En revanche, le PDG reste très prudent sur la portée de l’accord franco-britannique pour son groupe. Il note que ces accords « sont très prometteurs, et [qu’ils] sont portés par une volonté politique forte et pragmatique. Mais [il reste] prudent sur le rythme des réalisations concrètes. D’un côté comme de l’autre, les marges de manœuvre sont limitées : il ne faut pas négliger le poids du passé et le temps que les choses prendront à se mettre en place. C’est la raison pour laquelle les deux pays s’orientent vers les études amont et les démonstrateurs – seuls domaines où existe une certaine flexibilité. […] Les potentialités pour Thales […] sont en effet multiples, avec, à court terme, les drones tactiques, comme le Watchkeeper, ou bien des coopérations avec les autres industriels britanniques sur les capteurs ou les senseurs des drones MALE. Dans le domaine des sonars, Thales regroupe l’essentiel de l’industrie en France et au Royaume-Uni, et dans certains cas, des synergies sont encore possibles entre les deux pays si les Gouvernements le souhaitent » (117).

● En ce qui concerne l’armement terrestre, NEXTER et BAE Systems ont créé une filiale commune, CTA international, pour développer un canon de 40 mm bien que cet équipement ne soit pas prévu par les accords franco-britanniques. Le rapport annuel 2010 de NEXTER précise que « CTA international se situe au cœur d’une coopération étatique bilatérale solide et exigeante » (118). La modestie du programme ne permet pas d’inscrire ce rapprochement dans la durée, même s’il constitue une première étape encourageante. Il convient désormais de lancer des programmes communs plus ambitieux.

● En matière navale, un rapprochement entre DCNS et BAE est-il envisageable ? Jusqu’à présent, la société française a privilégié des partenariats avec l’Espagne (Navantia), l’Italie (WASS) voire l’Allemagne (Atlas Elektronik). Dans les deux premiers cas, la collaboration s’est soldée par un échec ; avec la filiale du concurrent allemand TKMS, les contacts se limitent au secteur des torpilles. En mai 2006, le PDG de l’entreprise française constatait pourtant que la France et le Royaume-Uni « ont les activités navales les plus intenses d’Europe. La logique devrait donc effectivement conduire à organiser des coopérations industrielles avec les Anglais mais elles se heurtent à deux obstacles : l’industrie britannique est très tournée vers le transatlantique pour les SNA, les SNLE, les systèmes et les équipements ; DCN a encore du chemin à parcourir, la Grande-Bretagne et à moindre titre l’Allemagne la jugeant encore trop étatique pour envisager un rapprochement industriel intégré. Le projet « Convergence » aidera DCN mais, pour espérer une telle issue, il faudra persévérer » (119). Devenu président du groupement des industries de construction et d’activités navales (GICAN), il confirme cette analyse, relevant que, « à la différence du Royaume-Uni et de la France, certains pays utilisent les programmes de défense moins pour leur défense proprement dite que pour acquérir des compétences qu’ils ne possèdent pas. Mieux vaut donc une absence de coopération qu’une coopération permettant à un autre pays de développer de nouvelles compétences industrielles, comme cela aurait été le cas pour l’Espagne dans le cadre de la coopération pour la construction des Scorpène » (120).

Le nouveau contexte politique issu de la signature de l’accord franco-britannique et l’ouverture du capital de DCNS sont de nature à relancer la réflexion.

C. LES CONDITIONS DE RÉUSSITE DE CES ACCORDS

Au même titre que la pression budgétaire, les échéances électorales peuvent menacer l’avenir de la coopération franco-britannique des deux côtés de la Manche. Dans chacun des deux États, des divergences demeurent quant à la pertinence des axes de coopération. En France, l’axe franco-allemand continue de structurer nombre d’analyses et de propositions ; au Royaume-Uni, la méfiance historique à l’égard de l’Europe continentale et le lien avec les États-Unis constituent des points de faiblesse de la coopération avec la France. Alors qu’il devrait mobiliser toutes les énergies, l’accord franco-britannique ne bénéficie que d’un faible écho dans la classe politique française. Certes, au moment de sa signature, nombreux furent ceux à s’en féliciter. Les mêmes, quelques mois plus tard, oubliaient d’en faire mention dans des entretiens ou tribunes médiatiques, revenant à des analyses convenues, comme si l’accord n’était qu’une brique dans un ensemble déjà constitué. Or, l’accord devrait être le point de départ d’une nouvelle forme de coopération.

À ces difficultés intérieures, il convient d’ajouter les pressions extérieures destinées à faire échec à cette coopération ambitieuse ou à en détourner l’esprit. Les États-Unis ne sont pas restés inertes face à l’accord franco-britannique. Afin de conserver un allié qu’ils auraient peut-être trop négligé, les responsables militaires américains multiplient les offres de coopération avec leurs homologues britanniques. Ainsi, à l’occasion d’entretiens bilatéraux menés en juin 2011, l’amiral Roughead, de l’US Navy, a proposé une coopération étroite avec la Royal Navy concernant la lutte anti-sous-marine, les drones navals, la formation des pilotes de l’aéronavale britannique sur les porte-avions américains…

L’Union européenne pourrait également s’inquiéter de l’impact de l’accord franco-britannique sur son devenir dans la mesure où cet accord bilatéral se fait en dehors des institutions communautaires. D’ores et déjà, les instances européennes tentent de reprendre la main en faisant des offres de service, le directeur de l’OCCAr estimant par exemple que son organisation est la mieux placée « pour gérer des programmes franco-britanniques » (121), ou en préparant une contre-offensive juridique fondée sur l’incompatibilité des procédures industrielles franco-britanniques avec le droit communautaire. Les autres États membres de l’Union, et notamment l’Italie et l’Allemagne, s’inquiètent de leur exclusion temporaire du pôle défense. En mettant l’accent sur la filière missilière, l’accord franco-britannique marginalise l’actionnaire italien Finmeccanica.

Pour nombre d’acteurs, l’accord franco-britannique constitue une base à partir de laquelle la coopération industrielle doit être construite à l’échelle européenne. Louis Gallois, président d’EADS, estime par exemple qu’il « est impossible d’imaginer que de grands programmes, sauf exception, se concrétisent en excluant soit la France, soit l’Allemagne, soit la Grande-Bretagne. […] Le Franco-britannique est un noyau à partir duquel il faut que des coopérations plus larges s’expriment » (122).

● Sans des résultats rapides et concrets sur les plans militaires, avec la préservation voire l’amélioration des capacités, et industriels grâce au lancement de nouveaux programmes, l’accord franco-britannique risque de rejoindre la cohorte des coopérations en déshérence. Il doit s’imposer comme une évidence dans les esprits des responsables politiques, industriels et militaires mais aussi des citoyens. Sur le plan opérationnel, les bases apparaissent solides, le chef d’état-major de l’armée de l’air soulignant qu’à « chaque fois que nous établissons une coopération étroite, nous devons nous interroger sur le degré de confiance avec lequel nous travaillons. [En l’espèce,] le niveau de confiance avec la Royal Air Force est très, très haut » (123). Sur le plan industriel, la mise en œuvre rapide de programmes majeurs est nécessaire. Un missile anti-navire léger suscite difficilement l’engouement des foules, qui plus est leur soutien. En revanche, la réalisation de l’avion de chasse successeur du Rafale et de l’Eurofighter serait de nature à mobiliser plus largement. Cela exige une mobilisation extrême des services, un engagement sans équivoque des industriels et un suivi politique structuré. Il n’est pas évident que chacun de ces trois points soit engagé. Pour le chef d’état-major des armées, « les gains du traité seront modestes au début et optimaux en 2015 » (124). Il convient de veiller à ce qu’aucun obstacle politique ou administratif ne vienne repousser ce calendrier.

La réaffirmation régulière de la convergence des analyses et objectifs géopolitiques de la France et du Royaume-Uni est également nécessaire. Sans cette convergence, le partage de souveraineté induit par l’accord ne pourrait se faire. À l’occasion des printemps arabes et des opérations en Libye, la proximité des approches géopolitiques et militaires est clairement apparue. Il est plus que probable que, dans les mois à venir, des événements mondiaux obligeront Paris et Londres à prendre position, voire à s’engager ensemble sur des thèmes stratégiques. La moindre divergence pourrait ébranler l’édifice et remettre en cause la coopération naissante. La France et l’Allemagne se sont par exemple opposées sur l’exportation d’hélicoptères de combat. Or, la volonté de vendre de l’une ne peut passer outre le veto de l’autre. En conséquence, la perte de marché à l’export dans ce contexte déstabilise l’équilibre économique du programme et freine, voire annihile la moindre volonté d’approfondir la coopération.

Pour la France et le Royaume-Uni, des clarifications seront également nécessaires. Outre-manche, on ne manque pas de rappeler l’ambiguïté française lors de la guerre des Malouines en 1982. Ainsi, l’amiral Sandy Woodward qui a été un des chefs militaires de cette opération, doute de la solidarité française en cas de nouvelles attaques argentines. Dans une tribune publiée en juin 2011, il précise qu’il ne voit « pas les Français donner les clés de l’un de leurs porte-avions pour que [le Royaume-Uni puisse] mener une nouvelle guerre dans l’Atlantique sud » (125). En juillet 2011 le projet de quartier général européen permanent a mis à jour un désaccord politique inquiétant. Alors que la France est ouverte à cette initiative, le Royaume-Uni y a opposé un veto ferme et définitif, arguant du double emploi que constituerait un tel état-major avec l’OTAN. Que ce désaccord soit apparu ouvertement souligne l’insuffisance du travail de coordination en amont et exige rapidement une correction des procédures entre les différents ministères.

Les administrations et états-majors franco-britanniques doivent inventer un mode opératoire permanent pour éviter tout blocage bureaucratique. La réussite de l’accord ne peut pas reposer sur les seuls sommets entre chefs d’État et de gouvernement. Or, plus on descend la pyramide politique et administrative, plus cette coopération s’avère difficile car elle modifie en profondeur les habitudes de travail. Antoine Bouvier, PDG de MBDA, constate que « nous ne pouvons pas avoir une industrie plus intégrée, travaillant dans un périmètre franco-britannique comme une seule entreprise, si les deux ministères de la défense, c’est-à-dire les deux interfaces contractuelles, agissent de manière moins coordonnée que nous ne le faisons et sur la base d’un cadre juridique non harmonisé ou incompatible. Un important travail est à faire dans ce domaine ». La DGA et son homologue britannique, le DES, sont les premières structures qui doivent faire cet effort d’harmonisation. Cette évolution sera difficile, car il faudra mettre autour de la table « des administrations qui n’ont jamais dialogué et se sont considérées comme rivales depuis des décennies » (126).

Les services en charge de la conduite des programmes d’armement obéissent à des procédures aujourd’hui éloignées. Le Royaume-Uni s’interroge sur une extension du périmètre du Team Complex Weapon, les premiers essais ayant donné des résultats positifs. La France met en œuvre l’instruction 1516 du 26 mars 2010 qui demeure très classique et éloignée de l’esprit du Team Complex Weapon. Elle laisse en effet aux entités du ministère de la Défense, DGA et forces armées, le soin de définir les besoins et solutions avant d’associer les industriels chargés d’affiner les options retenues. Dans son introduction, elle affirme fixer « les relations entre chaque acteur impliqué : l’état-major des armées, la direction générale de l’armement, le secrétaire général pour l’administration [du ministère de la défense], les états majors d’armées lorsqu’ils ont délégation et les structures de soutien » (127). Aucune mention n’est faite des fournisseurs, à savoir les industriels.

Les structures et entités chargées de décider et/ou de conduire les opérations d’armement (comité ministériel d’investissement, comité des capacités, comité de pilotage) sont exclusives de toute présence d’industriel. Le couple formé par l’architecte de système de forces (ASF de la DGA) et l’officier de cohérence opérationnelle (OCO de l’état-major des armées) oriente et conduit « les travaux de prospective et de maintien de la cohérence capacitaires des systèmes de forces ». Il pilote les travaux des stades d’initialisation et d’orientation de l’opération. Pour mener à bien leur mission, ils « peuvent s’appuyer sur une équipe pluridisciplinaire constituée d’experts et de spécialistes des organismes compétents au sein des armées et de la DGA, avant la constitution de l’équipe de programme intégrée ». Cette équipe de programme intégrée est composée selon une structure identique comprenant un représentant de la DGA (le directeur de programme) et un représentant de l’état-major des armées (l’officier de programme). Le dialogue avec l’industrie n’intervient qu’au stade dit d’élaboration pour « spécifier la ou les solutions retenues, à en fixer les délais et les coûts de référence » (128). L’analyse et l’évaluation des solutions se font en dehors de l’industrie.

Les futurs programmes franco-britanniques, et en premier lieu les missiles du futur, ne pourront pas être menés selon deux procédures aussi éloignées. Soit l’une devra primer, à moins qu’une une voie médiane ne soit définie. Cette dernière solution présente un risque élevé de bureaucratie et d’incohérence vouant à l’échec tout programme commun. Au-delà de la seule harmonisation des procédures de conduite des programmes, la réécriture de l’instruction 1516 s’impose pour imprégner la DGA et les forces armées de l’esprit qui prévaut à l’accord franco-britannique. Certes l’instruction aborde les programmes en coopération, en fixant un « cadre à privilégier pour les opérations d’armement » (129) ; mais elle ne prend pas en compte les termes très clairs de l’accord de novembre 2010 puisqu’elle lui est antérieure. Elle mentionne les coopérations menées au sein de l’AED, de l’OCCAr, de l’OTAN et, en dernier lieu, les coopérations bilatérales. Mais l’organisation qui est définie repose sur une nation pilote ou un bureau de programme multinational : la forte intégration recherchée par l’accord franco-britannique n’est pas envisagée ici. Il faut donc procéder à sa modernisation sans que cela ne soit vécu par les services français comme un renoncement ou un sacrifice.

● Un élargissement de la coopération franco-britannique à des États tiers n’est envisageable que sous réserve de partager la même proximité intellectuelle et opérationnelle. Pour trouver un terrain d’entente, il faut conserver le pragmatisme qui a prévalu dans la signature de l’accord. Avec quel État la France et le Royaume-Uni ont-ils intérêts à s’associer pour renforcer la synergie de leurs capacités militaires et industrielles ? Peu de pays répondent à tous les critères. Les divergences sur l’emploi des forces, sur la vision géopolitique des menaces, sur les ambitions industrielles sont profondes avec l’Allemagne. La faiblesse des budgets militaires des autres États donne un caractère illusoire à tout rapprochement. Seule l’Italie semble susceptible de s’intégrer dans le schéma franco-britannique. Ses difficultés budgétaires l’inciteront peut-être à rejoindre le duo pour consolider son industrie de défense organisée autour du groupe Finmeccanica, également actionnaire de MBDA. Mais ceci suppose deux préalables : que l’Italie renonce à son nationalisme industriel très offensif en matière de défense et que Français et Britanniques aient déjà consolidé leur coopération.

DEUXIÈME PARTIE : ANALYSE DES PROGRAMMES D’ARMEMENT

Comme en 2010, le rapporteur a souhaité consacrer la deuxième partie de son rapport à l’analyse des programmes d’armement en les regroupant par milieu. Sans prétendre l’exhaustivité, cette étude essaie de recenser les enjeux principaux tant sur le plan opérationnel que financier.

Pour ce faire, le rapporteur avait demandé au ministère de lui fournir une fiche sur chaque programme d’armement et de retracer, opération par opération et depuis 2006, les crédits ouverts et consommés qu’il s’agisse des AE ou des CP. La qualité des réponses témoigne de la volonté du ministère d’améliorer l’information du Parlement. En outre, les documents ont fait l’objet de mesures de classification plus raisonnablement que les années précédentes. Le rapporteur apprécie et tient à mettre en avant ce changement. Il a conscience de la charge de travail que cela induit et remercie les services du ministère de la défense pour leur implication.

I. —  PLUS DE POLYVALENCE POUR PLUS D’EFFICACITÉ ?

A. LA POLYVALENCE DES ÉQUIPEMENTS

Devant la 19e promotion de l’école de guerre, le chef d’état-major des armées a invité les officiers à « se remettre en question », estimant qu’aujourd’hui, « plus que jamais, nous avons besoin de créativité et de souplesse. Nous avons besoin d’apprendre à travailler avec des équipes multidisciplinaires. Nous avons besoin de donner une priorité à l’adaptabilité de nos capacités, à la flexibilité de nos structures, à l’agilité de nos systèmes, pour répondre à temps aux crises, aux guerres qui nous attendent. C’est l’un des défis de notre défense ! C’est la réponse à l’accélération, à la complexité et à l’imprévisibilité du monde. C’est la condition pour gérer le chaos et gagner la guerre » (130).

Cette exigence de souplesse et de polyvalence pèse également sur les équipements : ils restent associés à un milieu (terre, air, mer, espace), mais les systèmes s’inscrivent de plus en plus dans une approche interarmes et interarmées. Ils sont également conçus pour répondre à des besoins auparavant traités séparément.

Cette polyvalence existe déjà au sein de chacune des forces avec l’emploi d’une même plateforme pour des missions qui bénéficiaient jusqu’alors d’équipements dédiés. Avec l’entrée en service des frégates multimissions (FREMM), la marine nationale va pouvoir conduire des missions de défense aérienne ou de lutte anti-sous-marine à partir d’un seul type de bâtiment. Pour l’armée de l’air, le Rafale est un avion multirôle pouvant mener des missions de renseignement, de combat et de dissuasion nucléaire. Les véhicules blindés modulaires de l’armée de terre, dont le fer de lance est le VBCI, entrent également dans cette catégorie d’équipements dont la qualité centrale est la capacité d’intégrer des modules technologiques et systèmes d’armes différents. Le général Elrick Irastorza, alors chef d’état-major de l’armée de terre, estimait d’ailleurs que « le temps des équipements aboutis est fin. [… Les équipements futurs] devront être nativement adaptables dans la durée, donc initialement plus basiques, tant pour être configurés aux exigences de tel théâtre le moment venu, que pour pouvoir tirer parti des dernières évolutions technologiques » (131)

La polyvalence s’opère également entre forces de milieux différents. On parlera alors d’interarmisation. Trois exemples illustrent bien cette évolution :

- l’avion de chasse Rafale a été conçu pour être utilisé à la fois par l’armée de l’air et la marine nationale. Si des adaptations spécifiques de la structure ont été nécessaires pour tenir compte des contraintes des appontages et catapultages, 80 % de la structure et 100 % des équipements du Rafale Marine sont communs avec le Rafale de l’armée de l’air. La similitude existant entre les deux versions du Rafale a permis la création d’un centre commun des pilotes de l’armée de l’air et de la marine, l’escadron de transformation Rafale Air/Marine (ETR), opérationnel depuis août 2010 sur la base aérienne 113 de Saint-Dizier ;

- l’hélicoptère NH90 compte deux versions : la version marine (NTH) et la version terrestre (TTH). Au-delà des équipements spécifiques, il s’agit de la même plateforme avec les mêmes caractéristiques techniques de base ;

- en matière de missiles, le missile de croisière naval, également appelé SCALP naval, en cours de développement est un dérivé « marine » du SCALP-EG embarqué sous les ailes des Rafale de l’armée de l’air.

B. DE NOUVEAUX SERVICES INTERARMÉES

Le décloisonnement des milieux aboutit à la création ou au renforcement de services interarmées dont la mission est la fourniture d’équipements ou de services à l’ensemble des forces :

● Le service des essences des armées (SEA) approvisionne les forces terrestres, navales et aériennes et les unités militaires dépendantes d’autres ministères (gendarmerie, sécurité civile). Il est un élément dimensionnant des capacités d’intervention des forces terrestres, navales et aériennes. En charge du soutien pétrolier des forces, le SEA est responsable de toute la chaîne carburant soit l’achat, l’expertise, le stockage, le transport et la distribution. Comme le mentionne le projet annuel de performances pour 2011, « pour mieux répondre aux nécessités de la projection, le service des essences des armées poursuivra sa militarisation en transformant 100 postes civils en poste militaires […] ; il continuera le regroupement de l’ensemble du soutien pétrolier au sein d’un seul service spécialisé » (132). En termes d’équipements, le SEA dispose des matériels permettant de ravitailler des forces terrestres et des bases aériennes ou navales (camions citernes). Il ne gère pas les pétroliers ravitailleurs et les avions ravitailleurs, relevant respectivement de la marine nationale et de l’armée de l’air. Confier au SEA la gestion du parc de l’ensemble des plateformes aériennes et navales fournissant du carburant aux forces serait certes un bouleversement mais il permettrait à ce service de rationaliser l’ensemble des équipements qui concourent à cette mission cruciale.

● Les services en charge du maintien en condition opérationnelle et de l’entretien des équipements interviennent désormais par milieu, respectant en cela une préconisation de la loi de programmation militaire. Le rapport annexé précisait que « l’organisation du maintien en condition opérationnelle (MCO) fera l’objet d’une profonde rationalisation. La maîtrise d’ouvrage déléguée qui répond désormais à une logique de milieu sera généralisée par la création du service interarmées de maintenance des matériels terrestres (SIMMT) sur le modèle du service de soutien de la flotte (SSF) et de la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle du matériel aéronautique de la défense (SIMMAD). Ces structures de soutien devront travailler avec la direction générale de l’armement (DGA) de manière plus intégrée tout au long de la vie des programmes » (133). Mention doit également être faite du SIAé qui prend en charge tous les aéronefs, qu’ils soient rattachés à l’armée de l’air, à la marine ou à l’armée de terre.

● Un arrêté du 25 mars 2011 (134) a créé le service interarmées des munitions (SIMu). « Service à compétence nationale, rattaché au chef d’état-major des armées », il emploie 1 500 personnes dont 60 % de personnels civils ; il compte 20 dépôts de munitions et sept établissements interrégionaux. Sa création découle notamment de l’instruction n° 1177 du 29 janvier 2010 (135) qui précise que, « afin d’optimiser l’acquisition des munitions dans les armées et de réaliser des économies budgétaires, il est décidé de mettre en place une politique interarmées pour l’achat de munitions ». Il s’agit de définir des standards communs aux différentes forces sur des munitions techniquement proches, d’optimiser les acquisitions par la recherche d’économies d’échelle et d’une meilleure gestion des stocks. Relèvent notamment de la compétence du SIMu :

- les munitions d’infanterie, d’artillerie et aéronautiques de tous calibres ;

- les cartouches pour canons de tous calibres ;

- les grenades, bombes, roquettes, mines terrestres et sous-marines ;

- les torpilles et leurs éventuels dispositifs pyrotechniques de largage ;

- les propulseurs à poudres ;

- les leurres et équipements pyrotechniques de contre-mesures, d’anti-contre-mesures ;

- les missiles et systèmes de missiles complets de tout milieu.

Le service est chargé de contribuer à la définition de politique du soutien des munitions et à la conduite des opérations d’armement, à l’exception des « marchés relevant de la responsabilité de la DGA en matière d’acquisition, de maintenance et d’élimination de munitions » (136) et des munitions nucléaires. Il serait pourtant pertinent de confier au SIMu l’ensemble des programmes et marchés liés directement aux munitions non nucléaires, sans pour autant que cela soit perçu comme un démembrement insupportable de la DGA.

Si le SIMu centralisait l’ensemble des opérations, l’industrie munitionnaire aurait un interlocuteur unique et les autorités françaises disposeraient d’un service expert en mesure de lui faire des recommandations stratégiques sur une filière industrielle aujourd’hui en manque de repères. Le principal acteur français est Nexter Munitions, filiale de Nexter comptant 518 salariés répartis entre les sites de Bourges, La Chapelle Saint-Ursin dans le Cher et de Tarbes dans les Hautes-Pyrénées. L’entreprise est spécialisée dans les munitions d’artillerie, de char et de moyen calibre. Face à une commande nationale en baisse, elle doit se tourner vers l’export et affronter des concurrents puissants : BAE Systems au Royaume-Uni, Rheinmetall-WM en Allemagne, Nammo en Norvège, Expal en Espagne et Rheinmetall-Denel en Afrique du Sud.

La faiblesse de la commande nationale touche également des sous-traitants à l’instar du groupe Manurhin, implanté à Mulhouse dans le Haut-Rhin, qui réalise les lignes de fabrication de munitions de petits et moyens calibres. PME de 130 personnes avec un chiffre d’affaires de 20 millions d’euros en 2010, elle réalise l’intégralité de son activité à l’export, la France n’ayant plus de filière munitionnaire de petit calibre.

● Les trois armées disposent d’hélicoptères parfois identiques avec seulement des adaptations liées aux spécificités d’emploi. En juin 2009, le général de brigade aérienne Patrick Rousseau, commandant de la brigade aérienne d’appui et de projection du commandement des forces aériennes, observait que « la mise en œuvre d’un même appareil dans deux armées différentes doit être un élément moteur au rapprochement des procédures tant opérationnelles que techniques ou logistiques, facilitant ainsi l’intégration dans les théâtres d’opérations tout en laissant aux uns et aux autres la spécificité des missions qui est la leur, due en partie au milieu dans lequel elles s’effectuent principalement » (137). L’arrêté du 11 août 2009 crée le commandement interarmées des hélicoptères (CIH). Cet organisme est directement inspiré de son homologue britannique créé en 1999 qui regroupe sous son autorité l’ensemble des hélicoptères de la Navy, de la Royal Air Force et de l’armée de terre. En France, le CIH relève du chef d’état-major des armées qu’il conseille en matière de choix capacitaire, de préparation opérationnelle et d’emploi des hélicoptères, en proposant notamment les priorités opérationnelles et techniques. Selon l’arrêté, « il a pour mission d’optimiser, de coordonner et d’harmoniser la mise en condition d’emploi de la composante hélicoptère des armées » (138).

● Créé le 1er juillet 2010, le commandement interarmées de l’espace (CIE) est auprès du chef d’état-major des armées. Il fédère les besoins des forces en matière spatiale ; il est l’interlocuteur du centre national d’études spatiales (CNES) et de la DGA dans la définition de la politique d’acquisition du ministère de la défense. Le contrôle opérationnel des moyens spatiaux militaires demeure toutefois l’apanage du commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes, de la direction du renseignement militaire et de la direction interarmées des réseaux d’infrastructures et des systèmes d’information.

● Créé en 2007 sur la base aérienne de Villacoublay, le centre multimodal des transports (CMT) conçoit et met en œuvre les acheminements stratégiques de la métropole aux théâtres d’opération. Inspiré du modèle américain Transcom, il détermine la combinaison optimale d’acheminement (terre-air-mer ; public-privé). Pour chaque mission il évalue sous l’angle budgétaire, capacitaire et temporel les différentes possibilités et choisit de recourir aux équipements des forces ou à ceux de sociétés privées (armateurs, compagnies aériennes, transporteurs routiers). Il détermine également la combinaison des différents moyens de transport pour projeter le maximum d’hommes et de matériels en un temps minimum. Les moyens militaires de chaque armée sont mis en œuvre par le centre mais restent la possession de chacune des forces. Un transfert de la possession des équipements au CMT n’est pas à l’ordre du jour.

C. FAUT-IL ALLER PLUS LOIN DANS LE DÉCLOISONNEMENT ?

1. La mutualisation des systèmes et des services

● La mutualisation et l’interarmisation sont avant tout des facteurs d’amélioration sur le plan budgétaire. Le développement des programmes, l’effet de série des équipements embarqués, la formation et la maintenance bénéficient d’économies d’échelle. Le coût unitaire de chaque équipement s’en trouve réduit mais le plan de charge pour les industriels que ce soit en développement, en production ou en maintenance est renforcé. L’effet de masse doit également procurer de la cohérence et de la visibilité, permettant de garantir théoriquement la constance des engagements budgétaires.

Le programme SCORPION s’inscrit dans cette logique en regroupant plusieurs opérations d’armement au profit de l’armée de terre (VBMR, EBRC, rénovation Char Leclerc…). Le caractère novateur de ce regroupement a toutefois fragilisé la mise en œuvre de cette opération de cinq milliards d’euros. Ne répondant pas aux critères traditionnels des programmes d’armement, il est devenu une cible facile d’économies budgétaires indolores. Après plusieurs mois d’atermoiements ministériels pour attribuer le marché d’architecture du programme, il a finalement été notifié en novembre 2010 à un consortium composé de Nexter, Thales et Sagem. Cette assistance à maître d’ouvrage, en l’occurrence la DGA, ne préfigure pas officiellement l’attribution des marchés publics qui seront passés lors de la phase de réalisation. Toutefois, le profil des sociétés composant le consortium ne laisse planer aucun doute quant aux ambitions des uns et des autres de bénéficier du travail d’architecture engagé. Cet avantage concurrentiel est susceptible de heurter les principes fondamentaux des droits français et européen des marchés publics. Mais, dans une approche novatrice s’inspirant de l’expérience du Team Complex Weapon, il préfigure des évolutions induites par l’accord franco-britannique dans la conduite des programmes d’armement en associant très en amont les industriels aux décisions étatiques.

Les difficultés de mise en œuvre du programme terrestre SCORPION ne lui sont pas spécifiques ; elles se retrouvent dans d’autres opérations et notamment pour les systèmes d’information et de communication (SIC). S’appuyant sur deux services dépendant de l’état-major des armées (DGSIC et DIRISI), le ministère de la défense s’est engagé dans un travail titanesque de rationalisation de ses SIC pour mettre un terme à un important gaspillage financier et humain. Cette rationalisation se heurte cependant aux aspirations de chacun service qui tient à faire prévaloir son système.

L’architecture d’un système d’information et de communication découlant des besoins et finalités de la fonction, elle traduit un mode de fonctionnement, de recueil, d’échange et d’exploitation de l’information reconnu et accepté par ses utilisateurs. Elle est donc un enjeu de pouvoir lorsqu’il s’agit de rapprocher des systèmes différents. Cette lutte est notamment perceptible dans la mise en place du système d’information des armées, destiné à rassembler sous une architecture commune les principaux systèmes opérationnels des forces armées qu’il s’agisse de l’ancien SIC terre, du SIC 21 pour la Marine ou de SCCOA pour l’armée de l’air. Le graphique suivant présente le schéma de convergence prévu pour ces systèmes.

Schéma de convergence des SIC

SICF

SICF

Phase transitoire sur STCIA

SIA V1

SIC 21

SIC 21

Phase transitoire sur STCIA

SIA V1

SCCOA

(chaîne ACCO (1)

SCCOA (Chaîne ACCO)

Phase transitoire sur STCIA

SIA V1

 

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

(1) Aide au Commandement et à la Conduite des Opérations.

Source : ministère de la défense.

En multipliant les autorités décisionnaires et les systèmes qui doivent à terme être compatibles entre eux, on applique aux systèmes d’information et de communication des procédures d’acquisition similaires à celles des autres programmes d’équipements du ministère de la défense. Or ces procédures apparaissent lourdes au regard de la rapidité des avancées technologiques, faisant peser un risque élevé d’obsolescence sur les matériels avant même leur mise en service. Les forces armées pourraient alors disposer d’équipements moins performants que ceux disponibles dans les rayons des grandes surfaces spécialisées. Faut-il instaurer une procédure d’acquisition spécifique pour les SIC, compte tenu du rythme des innovations technologiques dans ce secteur ? Cette réflexion est engagée États-Unis. Le chef adjoint d’état-major de l’armée de terre américaine, le général Peter Chiarelli, considère que, « aussi vite que la technologie évolue, nous devons réfléchir comment nous allons ajuster notre manière d’acquérir ces systèmes dans le futur » (139). Une interarmisation poussée est une des voies à explorer.

Tout retard pris dans la rationalisation des systèmes d’information de la défense est synonyme de fragilité des systèmes face à des cyberattaques chaque jour de plus en plus puissantes. La cybersécurité est devenue une priorité : la cybercriminalité a quitté le monde de la science-fiction pour devenir une activité prospère menée par des groupes mafieux. Les États peuvent également mener des cyberattaques en amont ou lors d’opérations militaires à l’instar des actions entreprises par la Russie contre la Géorgie en août 2008. Le Livre blanc note d’ailleurs que « les systèmes d’information, qui innervent la vie économique et sociale comme l’action des pouvoirs publics, celle des grands opérateurs d’énergie, de transports ou d’alimentation, ou encore l’organisation de notre défense, rendent nos sociétés et leur défense vulnérables à des ruptures accidentelles ou à des attaques intentionnelles contre les réseaux informatiques » (140).

Les attaques contre les systèmes gouvernementaux sont désormais quotidiennes. En novembre 2010, une invitation à assister à la remise du prix de Nobel de la paix au dissident chinois Liu Xiaobo était diffusée par courrier électronique. L’ouverture de la pièce jointe entraînait l’installation d’un « cheval de Troie », logiciel espion permettant de prendre le contrôle de l’ordinateur du destinataire. L’origine exacte de l’attaque informatique n’a pas été officiellement identifiée.

Face à cette menace, la France a créé le 7 juillet 2009 l’agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) dont dépend le centre opérationnel de la sécurité des systèmes d’information chargé de détecter et réagir aux attaques informatiques menées contre les infrastructures essentielles du pays. Placée sous l’autorité du Premier ministre, l’ANSSI « prend la main » en cas d’attaque informatique majeure. Selon Patrick Pailloux, directeur général de l’ANSSI, « chaque administration possède […] une politique de sécurité, c’est-à-dire un ensemble de règles qui doivent être respectées par les utilisateurs et les informaticiens. L’hétérogénéité des pratiques et des règles de sécurité actuelles nuit gravement à leur compréhension et à leur application ». Il convient donc de rationaliser les systèmes actuels en déployant « un intranet interministériel résilient, chaque ministère disposant aujourd’hui de son propre réseau – voire de plusieurs réseaux – avec ses propres passerelles vers l’Internet et de nombreuses passerelles entre ces réseaux. L’objectif est de permettre la continuité de l’action gouvernementale et administrative en cas de dysfonctionnement grave de l’Internet en limitant le nombre de passerelles d’interconnexion qui sont des points de fragilité potentiels, améliorant ainsi la détection des attaques au niveau des passerelles ainsi que notre capacité à y réagir. Cela permettrait également de réduire les coûts de communications de l’État en rationalisant le nombre de réseaux » (141).

● Il serait cependant illusoire d’aspirer à une unification totale des forces, chaque milieu ayant des spécificités dont il est impossible de faire abstraction. La préservation des particularités opérationnelles ne doit toutefois pas freiner la réflexion sur une plus grande rationalisation des équipements des forces. Les organisations actuelles, héritées de concepts et de doctrines nés durant la guerre froide, doivent être examinées au regard des contraintes actuelles.

La dissuasion nucléaire constitue le meilleur exemple de cas particulier. Pourtant, en participant aux opérations aériennes au-dessus de la Libye au printemps 2011, l’escadron EC 1/91 Gascogne a pleinement exploité les capacités polyvalentes de l’avion de chasse Rafale en passant d’une mission nucléaire à une mission conventionnelle. Les Rafales embarqués à bord du Charles de Gaulle partagent cette polyvalence, faisant du porte-avions une plateforme stratégique de la dissuasion. Cette transformation temporaire d’un vecteur stratégique en vecteur opérationnel ouvre la voie à une évolution de la dissuasion et des équipements qui y concourent. Les deux composantes de la dissuasion, aéroportée et océanique, bénéficient actuellement de matériels récents. Les caractéristiques et le format de ce parc stratégique ont été dictés par une doctrine établie et régulièrement réaffirmée. Le contexte géopolitique et le coût budgétaire de la dissuasion incitent pourtant certains responsables politiques à prôner l’arrêt de la dissuasion nucléaire française. D’autres suggèrent l’abandon d’une des deux composantes ou encore une réduction significative des têtes nucléaires. À ce jour, nul n’envisage une révision des outils de la dissuasion, alors que les progrès technologiques le permettent.

À la différence des Rafale, des ravitailleurs de l’armée de l’air et du porte-avions, les quatre sous-marins lanceurs d’engins sont exclusivement dédiés à la mission nucléaire. Pour la prochaine génération, peut-on envisager une nouvelle approche inspirée de la composante aéroportée ? Cette nouvelle approche de la composante océanique mettrait l’accent non sur la plateforme mais sur le missile nucléaire, sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) et SNLE fusionneraient alors en une seule classe de sous-marins « multirôles » en mesure d’embarquer des missiles nucléaires et des missiles conventionnels. L’enjeu technologique stratégique porterait désormais sur la réalisation de ces nouveaux missiles et leur intégration sur des plateformes sous-marines voire navales (FREMM) polyvalentes. Il ne s’agirait pas de nucléariser des missiles conventionnels, type SCALP Naval, mais de donner à la marine nationale une capacité de polyvalence similaire à celle dont dispose l’armée de l’air. Ainsi, par la pluralité des bâtiments susceptibles d’embarquer des missiles nucléaires, la dissuasion française ne reposerait plus sur un nombre restreint de plateformes. Outre les dix sous-marins, le Président de la République pourrait compter sur les 11 frégates FREMM. La permanence de la dissuasion ne deviendrait plus un enjeu. La multiplication des vecteurs (en volume et en type) placerait l’adversaire face à une incertitude : la réponse à une attaque pourrait être à tout moment soit conventionnelle soit nucléaire.

2. La polyvalence des personnels

La polyvalence des équipements induit celle des hommes. Comme le souligne l’ancien chef d’état-major de l’armée de terre, l’évolution des conflits amène à « accroître la polyvalence d’un soldat de métier qui devra être capable, au terme d’un bref reroling, de passer du VBCI au VBMR, du Char Leclerc à l’engin blindé de reconnaissance et de combat, du canon CAESAR au mortier de 120 […] voire de n’importe lequel de ces engins blindés à n’importe lequel de nos porteurs logistiques » (142) Cette exigence vis-à-vis des hommes est à l’œuvre au sein des escadrons de l’armée de l’air dotés du Rafale ; il est appelé à se généraliser aux autres forces. Le militaire, à l’instar des équipements qu’il emploie, peut être appelé à accomplir des missions différentes dans leur nature et leur ampleur, imposant une formation continue et de fortes capacités d’adaptation des personnels engagés.

La polyvalence des équipements exige plus de souplesse des esprits. D’importants progrès ont été accomplis, même si les traditions et conservatismes demeurent forts dans tout le ministère de la défense. La création des bases de défense, pierre angulaire de la RGPP appliquée au ministère de la défense, est un accélérateur qui doit recentrer les forces armées sur leur fonction combattante et non sur leur poids budgétaire.

Toutefois, il est légitime de s’inquiéter de la persistance de dépenses budgétaires injustifiées si ce n’est par des querelles voire des guerres de services internes. Le cas des deux laboratoires P4 du ministère de la défense, évoqué dans le précédent avis budgétaire, en est le triste symbole : DGA et SSA n’ont pu s’accorder sur la réalisation d’un laboratoire hautement sécurisé en région parisienne. L’absence d’arbitrage politique, malgré les interpellations parlementaires, aboutit à la construction de deux unités à moins de 15 kilomètres de distance, avec une surcapacité avérée.

La loi de programmation miliaire 2009-2014 a inscrit cette exigence de polyvalence imposée par le contexte d’incertitude opérationnelle et budgétaire de ce siècle. La future LPM 2015-2020 devra amplifier ce mouvement. L’inertie des programmes d’armement mais aussi les conservatismes pouvant œuvrer au sein des forces, de la DGA et des industries de défense ne doivent néanmoins pas être sous-estimés. Face à elle, les responsables politiques et militaires doivent faire preuve de constance et de détermination, faute de quoi, la France ne disposera plus de l’outil militaire lui permettant d’agir efficacement dans et hors de ses frontières.

II. —  LA DISSUASION, PIERRE ANGULAIRE DE NOTRE SYSTÈME DE DÉFENSE

A. L’ÉVOLUTION DU CONTEXTE INTERNATIONAL

En 2010, les « cinq puissances nucléaires officiellement reconnues […] ont soit déployé de nouveaux systèmes d’armes nucléaires, soit annoncé leur intention de le faire ; aucune semble prête à abandonner son arsenal nucléaire dans un futur proche. L’Inde et le Pakistan, qui, avec Israël, sont de facto des puissances nucléaires non-signataires du [traité de non-prolifération], continuent de développer de nouveaux missiles de croisière balistiques capables d’emporter des têtes nucléaires. Ils accroissent également leurs capacités de production de matériel fissile à des fins militaires. Israël apparaît en attente d’évaluer comment la situation va évoluer avec le programme nucléaire iranien. [On peut supposer que] la Corée du Nord [… a] produit suffisamment de plutonium pour réaliser un petit nombre de têtes nucléaires mais il n’y a pas d’information publique permettant de vérifier qu’elle a des armes nucléaires opérationnelles » (143). L’analyse du Stockholm International Peace Research Institute montre que malgré la signature de nouveaux accords internationaux, les arsenaux nucléaires ne baissent pas. Comme le montre le tableau suivant, l’organisation estime que plus de 5 000 têtes sont déployées en 2011, étant entendu qu’il existe 15 500 autres têtes.

Arsenal nucléaire mondial

(en nombre de têtes nucléaires)

Pays

Têtes déployées

Autres têtes

TOTAL

France

290

10

300

Chine

 

200

240

États-Unis

2 150

6 350

8 500

Inde

 

80-100

80-100

Israël

 

80

80

Pakistan

 

90-110

90-110

Royaume-Uni

160

65

225

Russie

2 427

8 570

11 000

TOTAL

5 027

15 500

20 530

Source : rapport 2011 du Stockholm International Peace Research Institute – http://www.sipri.org/yearbook/2011/07.

L’arsenalisation nucléaire reste donc un enjeu contemporain en dépit des évolutions juridiques internationales. En revanche, les acteurs ont changé, le Livre blanc reconnaissant lui-même que « de nouvelles puissances nucléaires sont apparues, dont les doctrines, lorsqu’elles existent, sont mal connues. […] Par ailleurs, il est établi que certains groupes terroristes cherchent à accéder à des matières ou à des engins radiologiques ou nucléaires » (144).

1. Les doctrines américaines et russes

Les années 2010 et 2011 ont été marquées par la relance du dialogue américano-russe sur les questions de dissuasion et de prolifération des armes. La signature du nouveau traité START constitue certes une étape importante mais sa portée pratique reste limitée. Les divergences apparues en matière de défense antimissile traduisent la permanence d’une certaine rivalité entre les deux États.

a) Le traité new Start

Signé à Prague le 8 avril 2010, le traité « new START » prévoit que les deux puissances réduisent leur arsenal à 1 550 têtes et 800 lanceurs d’ici 2021. Cet objectif est relativement peu contraignant puisqu’il ne prend notamment pas en compte les armes nucléaires tactiques. Le traité a été ratifié par le Sénat américain le 22 décembre 2010 et par la Douma le 14 janvier 2011.

Chaque pays peut sortir du traité dès lors que certaines conditions sont remplies : pour les Américains si l’arsenal d’un pays tiers devient trop important et pour les Russes si un pays développe un arsenal nucléaire susceptible de remettre en cause le rapport de forces établi par la dissuasion. Dans les deux cas, il s’agit bien de préserver une certaine hégémonie par rapport aux autres pays. Il n’est pas envisageable de renoncer à cet avantage stratégique si d’aventure des pays émergents venaient à se positionner sur ce créneau et à se doter d’armes nucléaires en nombre important.

L’avenir et la portée pratique du traité sont indissociables de l’évolution du contexte international. Les choix faits par la Chine ou la Corée du Nord seront à ce titre examinés avec beaucoup d’attention. De même, les révolutions dans le monde arabe pourraient amener à une redéfinition des alliances régionales et, partant, à un changement du positionnement russe ou américain.

Il convient enfin de souligner que le traité « new START » ne résout pas la question récurrente de la prolifération ; l’apparition de nouveaux États dotés de l’arme nucléaire, comme l’Iran par exemple, remettrait en cause les compromis actuels.

b) La DAMB comme élément de déstabilisation stratégique

Le débat public présente souvent la défense antimissile comme remettant en cause les fondements de la dissuasion nucléaire. Cette analyse n’est que très partiellement exacte. Il convient tout d’abord de distinguer la défense antimissile de théâtre, dont la plupart des pays sont d’ores et déjà équipés, de la défense antimissile de territoire. Les technologies utilisées sont radicalement différentes, la défense de territoire constituant un enjeu technique et technologique de grande ampleur. Pour réussir, il faut en effet intercepter un missile se déplaçant à grande vitesse (5 km/s). Dès lors, il ne sera pas possible de dépasser 85 % de succès pour les interceptions et il faudra plusieurs tirs pour neutraliser un seul missile. En d’autres termes, la défense de territoire, aussi perfectionnée qu’elle soit, ne pourra pas faire face à une attaque par saturation ; elle ne pourra qu’en limiter les effets.

Pour développer une défense de territoire, il faut par ailleurs faire des investissements colossaux. Le sommet de Lisbonne a donné un budget de 147 à 250 millions d’euros à l’OTAN pour étendre la DAMB de théâtre quand les États-Unis consacrent 10 milliards de dollars à la DAMB de territoire. La défense de territoire impose enfin de disposer de capacité de détection et d’identification des menaces très avancées. Pour réagir à temps, il faut être capable de repérer presque instantanément un tir de missile balistique, d’isoler son objectif et de prévoir sa course.

La DAMB ne remet donc pas en cause au sens premier la dissuasion puisque les États dotés seront toujours en mesure de faire usage de leurs missiles balistiques, même avec des effets potentiellement réduits. Il s’agit en revanche d’un outil de déstabilisation stratégique : c’est un nouvel outil de puissance pour les États-Unis qui n’hésitent pas à mettre en avant le saut technologique que représente la DAMB de territoire.

Le développement de ces capacités d’interception pourrait enfin conduire certains États à modifier leurs doctrines. L’OTAN ayant décidé de développer la DAMB de théâtre, ses potentiels opposants pourraient être tentés d’adopter désormais des techniques de saturation pour faire tomber cet obstacle. L’évolution des concepts d’emploi doit donc être suivie avec beaucoup d’attention. Les risques ne portent pas tant sur les aspects techniques que sur la manière dont les armées se saisissent ou réagissent par rapport à ces nouveaux outils.

2. La persistance du risque de prolifération

L’évolution de la doctrine chinoise de dissuasion est révélatrice de l’intérêt de puissances émergentes pour le nucléaire : elle a abandonné le concept de « dissuasion minimum » au profit de celui de « dissuasion limitée ». Il n’est pas prévu que la Chine se dote de capacités identiques à celles de son plus fort adversaire ; il suffit qu’elle possède une force crédible, c’est-à-dire que les autorités doivent paraître déterminées à utiliser l’arme nucléaire si nécessaire. Il faut aussi que sa force soit fondée sur des capacités réelles, c’est-à-dire fiables et en nombre suffisant. Dans ce cadre, la Chine a lancé un programme assez conséquent visant à se doter d’une force océanique avec par exemple la construction d’une base sous-marine lui donnant un accès à la haute mer.

L’Inde s’est également engagée dans un programme de développement d’une force océanique, mais avec des ambitions plus modestes puisque la portée des missiles reste aujourd’hui faible. Il n’en reste pas moins que ces deux projets montrent la volonté de ces deux pays de se doter de capacités nucléaires complètes.

Dans le même temps, l’Iran et la Corée du Nord poursuivent leurs efforts. Pour l’Iran, il s’agit, à ce stade, plus de répondre à un objectif régional. Le pays cherche à s’affirmer comme un acteur incontournable sur la scène internationale et comme le point d’équilibre de la zone. Depuis octobre 2010, l’Iran aurait procédé à quatre tirs de ses missiles balistiques Ashura, sans qu’il soit possible d’en vérifier les résultats.

La Corée du Nord continue d’entretenir un climat de tension avec des heurts réguliers avec son voisin du Sud. Son programme balistique semble relativement avancé mais il est difficile de connaître l’état opérationnel de ses armes. Si des incertitudes demeurent, il est en revanche clair que le pays veut de doter d’une capacité nucléaire avec des missiles ayant une portée dépassant les 3 000 kilomètres.

Les pays souhaitant se doter d’armes nucléaires commencent généralement par se doter d’une composante terrestre. La France a préféré se concentrer sur les composantes aéroportées et océaniques. Les États-Unis ont maintenu cette composante avec 450 missiles balistiques ensilés intercontinentaux ICBM à tête nucléaire unique ; ils envisagent toutefois d’en réduire le nombre à 420 têtes. Les forces stratégiques terrestres russes comptent 369 missiles portant au total 1 247 têtes nucléaires : 45 % de ses missiles sont en silo ; 55 % sont mobiles.

L’Inde dispose de plusieurs familles de missiles balistiques en mesure d’emporter des charges nucléaires :

- le Prithvi-II d’une portée de 350 kilomètres avec une capacité d’emport pouvant aller jusqu’à 500 kg ;

- le Shaurya d’une portée de 600 kilomètres et d’une capacité d’emport d’une tonne ;

- le missile AGNI-I à un étage avec une portée de 700 kilomètres et pouvant être tiré depuis des rampes mobiles ;

- le missile AGNI II d’une portée allant jusqu’à 2 500 km. En décembre 2010, les essais d’une version renforcée de l’AGNI II ont échoué ;

- le missile AGNI III dont la portée dépasse les 3 000 kilomètres.

En février 2011, le Pakistan a réussi un tir d’essai de son missile Hatf VII Babur, développé à partir de 2005. Ce missile à capacité nucléaire a une portée de 600 kilomètres.

La prolifération des armes nucléaires terrestres est un risque réel. Selon les autorités russes, à la suite de la dislocation de l’URSS en 1994, 104 missiles terrestres, l’usine de fabrication et le bureau d’études associé se sont trouvés hors du territoire russe, participant ainsi à la prolifération d’armes de destruction massive.

B. LA DOCTRINE FRANÇAISE ET L’EUROPE

La fin de la guerre froide aurait pu conduire la France à renoncer à sa dissuasion ou au moins à en réduire le format. La permanence des menaces internationales et l’apparition de nouveaux États sur la scène nucléaire l’ont conduite à maintenir son effort. Le Livre blanc de 2008 réaffirme d’ailleurs le rôle central de la dissuasion qui est à la fois la garantie ultime de notre sécurité, de notre indépendance et une condition nécessaire de notre autonomie stratégique. Il précise par ailleurs la doctrine française, s’inscrivant dans la continuité des orientations des différents Présidents de la République. Notre « dissuasion nucléaire est strictement défensive. Elle a pour seul objet d’empêcher une agression d’origine étatique contre les intérêts vitaux du pays, d’où qu’elle vienne et quelle qu’en soit la forme. […] La stratégie de dissuasion consiste à faire redouter à tout État qui menacerait de s’en prendre à nos intérêts vitaux une riposte de la France, entraînant des dommages inacceptables pour lui, hors de proportion avec l’objectif d’une agression. Ses centres de pouvoir politiques, économiques et militaires seraient alors visés en priorité » (145). Si ce constat semble partagé par l’ensemble des acteurs de la défense, d’aucuns s’interrogent sur la compatibilité de cette ambition avec les contraintes budgétaires actuelles. D’autres évoquent les avantages d’une mutualisation de cette capacité avec le Royaume-Uni, ou plus largement avec nos partenaires européens. Ces options doivent être examinées avec la plus extrême prudence : la dissuasion ne peut jamais s’accommoder de choix opportunistes qui porteraient atteinte à la souveraineté nationale.

1. Les risques d’un changement de doctrine

Comme le rappelle le Livre blanc, « la crédibilité de notre dissuasion reposera sur la possibilité pour le chef de l’État de disposer, de façon indépendante, d’une gamme d’options suffisamment large et d’un ensemble de moyens diversifiés » (146). Il faut donc que la France dispose d’un volume suffisant pour dissuader ses adversaires de l’attaquer. La chaîne d’emploi doit être également particulièrement efficace et sûre : en l’espèce le Président de la République exerce un contrôle direct sur les forces opérationnelles, qu’il s’agisse de la force océanique ou des forces aériennes stratégiques.

a) L’erreur de la suppression d’une des deux composantes

Depuis le discours du Président de la République prononcé à Cherbourg en mars 2008, la dissuasion française respecte le principe de la stricte suffisance avec un stock de 300 têtes nucléaires. Cette doctrine permet de préserver nos capacités d’action tout en limitant les dépenses structurelles de la dissuasion. Ce choix ne laisse toutefois qu’une faible marge de manœuvre dans la révision du format des forces stratégiques. Seuls des sauts technologiques peuvent autoriser une réduction des plateformes ou des têtes nucléaires. Une mauvaise évaluation de la stricte suffisance menant à une diminution trop drastique des systèmes stratégiques signifierait la fin de la dissuasion. Il convient donc d’évaluer régulièrement ce niveau de suffisance au regard des progrès technologiques opérés en France mais aussi de ceux réalisés par les adversaires potentiels en matière de détection et de riposte.

Certains responsables politiques, appuyés par quelques responsables militaires, proposent d’aller plus loin en supprimant une des deux composantes. Ils estiment que cette mesure dégagerait de substantielles économies qui pourraient être investies au profit des forces conventionnelles. Ce serait aussi un signal adressé par la France en faveur d’un mouvement global de dénucléarisation.

Cette solution doit être résolument écartée pour des raisons opérationnelles, diplomatiques, financières et industrielles.

Sur le plan financier, il convient de rappeler que les principaux investissements ont été réalisés et qu’il serait contre-productif de revenir sur une décision quand nous commençons tout juste à tirer le bénéfice des efforts passés. Renoncer à la composante aéroportée ne générerait donc que des économies de MCO et de fonctionnement de l’ordre d’une centaine de millions d’euros. Par ailleurs, l’abandon d’une composante imposerait à l’État d’assurer la transformation des plateformes, la fermeture des sites et la gestion des matériaux nucléaires. Or, comme l’a bien montré le rapport d’information sur la fin de vie des équipements (147), la fin de vie des matériels nucléaires militaires est complexe et coûteuse.

Plus fondamentalement, la double composante répond à des impératifs opérationnels. Il convient de rappeler tout d’abord que la dissuasion est avant tout un outil démonstratif destiné à éviter une escalade militaire, nos adversaires renonçant devant la démesure de notre éventuelle riposte. La force océanique est conçue pour frapper en second, de façon massive, sans avertissement préalable. À l’inverse, la composante aéroportée se caractérise par sa réversibilité et sa précision d’action. Les deux composantes n’interviennent pas au même moment et ne frappent pas les mêmes cibles. Le Président de la République doit pouvoir combiner les deux composantes en fonction de la situation.

En termes de précision, les missiles balistiques pourraient gagner en précision mais au prix d’un saut technologique majeur qui demanderait des investissements très conséquents. Le Royaume-Uni est fréquemment cité en exemple : il faut absolument souligner qu’il ne dispose pas du tout des mêmes matériels, les missiles américains Trident III ayant un degré de précision très supérieur au M51. Cette différence s’explique par le concept d’emploi de ces armes, le Royaume-Uni ayant abandonné sa composante aéroportée, il a dû trouver des solutions alternatives. La France pourrait faire de même à condition qu’elle développe au préalable les technologies nécessaires à ce gain de précision, ou qu’elle accepte d’être dans la même situation de dépendance vis-à-vis des États-Unis que les Britanniques. Le maintien de la double composante apparaît préférable à ces deux alternatives.

La double composante permet enfin de se prémunir contre toute surprise technologique. Actuellement, plusieurs États, dont la Russie, essaient de développer des systèmes satellitaires de détection des sous-marins. Si de tels programmes venaient à aboutir, cela signifierait la fin de la composante océanique dont le principe de base est de ne pas être détecté. Dans cette hypothèse, la dissuasion britannique, fondée uniquement sur la composante océanique, n’aurait plus de sens alors que la dissuasion française conserverait sa pertinence grâce à la composante aéroportée. Inversement, un saut technologique des systèmes de défense aérienne et antimissiles serait de nature à dévaloriser la composante aéroportée ; dans ce cas, la composante océanique assurerait la permanence de notre système de dissuasion.

La dissuasion est enfin un vecteur de diffusion et un support de l’innovation : nombre de technologies aujourd’hui courantes ont été mises au point grâce aux programmes nucléaires militaires. La crédibilité industrielle de la France est en grande partie liée à sa capacité à fabriquer, entretenir et concevoir des systèmes aussi complexes que les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins ou les Rafale équipés du missile ASMP-A. Ce n’est pas tant la maîtrise d’une arme nucléaire qui doit être soulignée que la capacité à l’utiliser dans un environnement complexe, aux côtés d’autres moyens.

b) Quelle participation de la dissuasion à la réduction de la dépense publique ?

La dissuasion nucléaire peut-elle faire abstraction du contexte budgétaire de rigueur et de restriction des budgets de défense ? Plus de trois milliards d’euros sont consacrés annuellement à la dissuasion française dans son ensemble. L’entrée en service récente de nouveaux équipements (SNLE, Rafale, M51, ASMP-A) pérennise pour au moins une voire deux décennies les moyens de la dissuasion. Mais les armes nucléaires, qu’elles soient aéroportées ou océaniques, ont une durée de vie limitée du fait de l’évolution des matériaux et composants. On estime cette longévité à une vingtaine d’années.

Les enjeux financiers ont déjà été pris en compte avec l’arrêt des essais nucléaires et le développement de la simulation. Dans le même sens, le 22 février 1996 est annoncé l’arrêt définitif de la production de matières fissiles pour les armes nucléaires. Fin 2010 s’est achevé le démantèlement des usines d’enrichissement de l’uranium de Pierrelatte. Cette opération techniquement très délicate a coûté 676 millions d’euros. Elle avait pour maître d’œuvre AREVA, le CEA étant le maître d’ouvrage.

Faut-il aller plus loin dans cet effort ? La modernisation de l’arsenal nucléaire impose de réfléchir dès à présent à la future génération. Celle-ci constitue-t-elle une modernisation des équipements en place ou doit-elle s’inscrire dans une doctrine différente ? En d’autres termes, la France peut-elle s’engager d’ores et déjà dans le développement d’un SNLE modernisé, d’un M51+ ou un ASMP-A de nouvelle génération ? Doit-elle à l’inverse réviser sa doctrine nucléaire et donc son approche des équipements (une plateforme dédiée, un missile) ? Ne pas s’interroger sur cette alternative revient à supposer que les moyens scientifiques et budgétaires dédiés à la dissuasion sont sanctuarisés, ce qui n’est inscrit dans aucun texte.

2. Le volet nucléaire de l’accord franco-britannique

Constatant la réduction des budgets européens de la défense, le Président de la République et le Premier ministre britannique ont signé en novembre 2010 un nouvel accord de coopération dans le domaine de la défense. Pour la première fois, les deux pays ont décidé de collaborer en matière de dissuasion. Il ne s’agit nullement d’une mise en commun de toutes les composantes car, comme le souligne Francis Gutman, « on ne peut pas être plusieurs à « appuyer sur le bouton », ne serait-ce que parce que toute concertation préalable serait incompatible avec la crédibilité d’une riposte immédiate » (148). Néanmoins, un partage des dépenses induites, et notamment des dépenses de recherche fondamentale doit être étudié.

Cette coopération est facilitée par le fait que la France et le Royaume-Uni partagent la même approche : la dissuasion est avant tout un instrument défensif. La Strategic Defense and Security Review souligne toutefois que la probabilité d’une attaque directe reste faible car « aucun État n’a actuellement à la fois l’intention et la capacité de menacer l’indépendance et l’intégrité du Royaume-Uni. Mais nous ne pouvons pas écarter la possibilité qu’une menace nucléaire majeure visant directement le Royaume-Uni ne puisse réapparaître » (149).

Le Royaume-Uni a également mis en œuvre le principe de stricte suffisance en réduisant de 25 % le nombre total des têtes nucléaires opérationnelles passé de 160 à 120. Dans le même temps, leur durée de vie a été prolongée jusqu’en 2030.

L’accord franco-britannique (150) part du principe que la confrontation scientifique est indispensable pour faire progresser des projets communs. Il prévoit pour cela la construction d’une installation radiographique et hydrodynamique dénommée ÉPURE. Chaque pays pourra utiliser cette installation pour reproduire en laboratoire des expériences simulant une partie des explosions nucléaires. Les résultats resteront la propriété de chaque État, l’alinéa 2.3 de l’article 2 du traité prévoyant que « chacune des Parties peut réaliser de façon indépendante dans l’installation ÉPURE les essais hydrodynamiques indépendants nécessaires à ses programmes nationaux dans les conditions de sûreté et de sécurité requises ».

Le traité ouvre cependant la voie à un partage des travaux entre Français et Britanniques. En effet, l’alinéa 2.5 de l’article 2 stipule que « l’utilisation conjointe des installations n’implique pas que tous les travaux menés par les Parties soient partagés ». Il appartiendra donc à chaque État de décider de la nature des échanges qu’il veut entretenir avec son partenaire.

Sur le plan financier, la mutualisation de ce moyen de simulation devrait permettre à la France d’économiser 200 millions d’euros pour la période 2015-2020 et 200 à 250 millions d’euros pour la période comprise après 2020.

3. Quelle place pour la dissuasion dans l’Europe de la défense ?

La coopération franco-britannique est justifiée par le fait que seuls ces deux pays disposent d’une capacité nucléaire en Europe même si le Royaume-Uni reste extrêmement dépendant de son partenaire américain. Comme le rapporteur l’avait indiqué dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2011, il convient de réfléchir à la participation des autres pays de l’Union à l’effort français en matière de dissuasion. Les textes communautaires prévoient en effet que tous les pays de l’Union bénéficient de la protection de la dissuasion française, l’article 42 du traité sur l’Union européenne prévoyant que « au cas où un État membre serait l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir » (151).

Comme l’année dernière, le rapporteur considère qu’il convient de réfléchir à la nécessité de sortir les dépenses militaires ou, à tout le moins, les dépenses de la dissuasion, des critères d’application du pacte de stabilité et de croissance. De même, il convient de se demander si les autres États ne pourraient pas participer plus activement au financement de l’effort global de défense. Il ne s’agit pas de faire financer la dissuasion française par nos partenaires mais de faire en sorte que cet effort initial de notre pays soit mieux pris en compte lorsqu’il s’agit de déterminer la participation de chaque État à une opération ou à un projet commun.

C. LES MOYENS DE LA DISSUASION FRANÇAISE

1. Les crédits de la dissuasion

En application des orientations du Livre blanc et des dispositions de la LPM, les crédits de la dissuasion se maintiennent à un niveau élevé. Les sommes prévues permettent d’achever la modernisation des composantes et assurent l’avenir de la dissuasion française.

L’organisation et le poids budgétaire de la dissuasion en 2011 et 2012

(en millions d’euros)

Programme

Action

Sous-action

Libellé

AE

CP

Évolution

2011

2012

2011

2012

AE

CP

144

2

20

Prospective des systèmes de forces

2,90

3,00

2,90

3,00

3,4 %

3,4 %

4

41

Études amont

186,00

218,80

144,40

126,50

17,6 %

-12,4 %

Total programme 144 — Environnement et prospective de la politique de défense

188,90

221,80

147,30

129,50

17,4 %

-12,1 %

146

6

13

SNLE-NG

12,30

15,40

35,80

28,10

25,2 %

-21,5 %

14

M 51

177,40

1 022,40

619,80

646,90

476,3 %

4,4 %

15

Adaptation des SNLE-NG au M51

0,00

182,70

186,70

209,90

100,0 %

12,4 %

16

Mirage 2000N K3

16,80

8,30

31,60

18,30

-50,6 %

-42,1 %

17

ASMP-A

27,20

0,00

109,90

51,20

-100,0 %

-53,4 %

18

Simulation

609,20

620,80

626,60

647,70

1,9 %

3,4 %

19

Autres opérations

545,80

485,90

413,20

437,70

-11,0 %

5,9 %

22

Soutien et mise en œuvre des forces toutes opérations

1 049,50

505,70

581,50

513,10

-51,8 %

-11,8 %

23

Crédibilité technique de la posture toutes opérations

165,50

281,60

206,80

204,30

70,2 %

-1,2 %

Total programme 146 — Équipement des forces

2 603,70

3 122,80

2 811,90

2 757,20

19,9 %

-1,9 %

178

1

12

Posture de dissuasion nucléaire

3,15

0,00

3,15

0,00

-100,0 %

-100,0 %

3

49

Soutien de la force sous-marine

334,10

482,00

317,70

339,00

44,3 %

6,7 %

4

62

Activité des forces aériennes stratégiques

104,60

106,20

100,00

106,20

1,5 %

6,2 %

Total programme 178 — Préparation et emploi des forces

441,85

588,20

420,85

445,20

33,1 %

5,8 %

212

1

10

Direction et pilotage

3,90

3,90

3,90

3,90

0,0 %

0,0 %

4

2

Infrastructure

56,60

68,00

63,50

68,00

20,1 %

7,1 %

Total programme 212 — Soutien de la politique de défense

60,50

71,90

67,40

71,90

18,8 %

6,7 %

TOTAL DISSUASION NUCLÉAIRE

3 294,95

4 004,70

3 447,45

3 403,80

21,5 %

-1,3 %

Source : PAP 2012 et ministère de la défense.

Globalement, les AE progressent de 21,5 %, essentiellement en raison de la signature du contrat pour équiper les missiles balistiques de la force océanique des nouvelles têtes TNO, les missiles M 51 mis en service étant en effet encore équipés de têtes TN75 (cf. infra). Les crédits de paiement apparaissent globalement stables, assurant la continuation de toutes les opérations structurantes.

Le projet de loi de finances pour 2011 prévoyait que 750 millions d’euros de l’agrégat nucléaire seraient financés par le produit de la vente des fréquences. Le rapporteur avait souligné qu’il aurait été opportun qu’un autre programme supporte ce risque. Les responsables de programme se sont ralliés à cette analyse : « lorsque l’exécution d’un budget s’avère difficile à conduire, le chef d’état-major des armées et [le délégué général pour l’armement ont] deux priorités : le respect scrupuleux des crédits de la dissuasion et des études amont » (152).

2. La composante aéroportée

Les forces aériennes stratégiques (FAS) se décomposent en plusieurs unités opérationnelles réparties sur l’ensemble du territoire regroupant les avions de chasse porteurs des missiles à tête nucléaire, les unités de ravitaillement en vol ou assurant la permanence de la mission. La carte ci-après présente l’implantation de ces unités.

Implantation des unités des FAS

Source : www.cfas.air.defense.gouv.fr.

a) Les crédits des FAS

Comme le montre le tableau suivant, les crédits 2012 des FAS sont en retrait par rapport à 2011, même si la baisse reste mesurée en volume, à hauteur de 30 millions d’euros pour les AE et de 60 millions d’euros pour les CP.

Évolution des crédits des forces aériennes stratégiques

(en millions d’euros)

Programme

Action

Sous-action

AE

CP

2011

2012

Écart

2011

2012

Écart

Programme

146

Action

6

16 — Mirage 2000N

16,9

8,3

- 50,9 %

31,6

18,3

- 42,1 %

17 — ASMP- A

27,2

0,0

- 100,0 %

109,9

51,2

- 53,4 %

19 — crédibilité technique

106,2

91,1

- 14,2 %

39,8

41,1

3,3 %

22 — crédibilité opérationnelle

80,4

100,6

25,1 %

70,8

75,3

6,4 %

Programme

178

Action

4

62 — activité des FAS

104,6

106,2

1,5 %

100,0

106,2

6,2 %

TOTAL

335,3

306,2

- 8,7 %

352,1

292,1

- 17,0 %

Source : PAP 2011 et 2012.

L’année 2011 a été marquée par les dernières livraisons des nouvelles têtes nucléaires TNA et des vecteurs associés, les missiles ASMP-A. En conséquence, les AE pour 2012 sont en baisse, l’essentiel des dépenses étant désormais liées au MCO des nouveaux équipements.

b) Les équipements des FAS

i. Les avions de chasse

Pour les avions de chasse, les forces aériennes stratégiques s’appuient sur deux types d’appareils : les Mirage 2000N et les Rafale. Le programme des Mirage 2000N a été initié en 1978, les avions étant opérationnels depuis 1988. Cet appareil biplace embarque un pilote et un navigateur officier de système d’arme (NOSA). Il peut évoluer à très basse altitude et à très grande vitesse en suivi de terrain automatique, grâce à son radar de suivi de terrain « Antilope » ; il peut ainsi frapper en profondeur. Depuis la dissolution en 2011 de l’escadron EC 02.004 La Fayette, implanté sur la base aérienne 116 de Luxeuil en Haute-Saône, seul l’escadron EC 03.004 Limousin de la base aérienne 125 d’Istres dans les Bouches-du-Rhône est équipée de Mirages 2000N. La disparition d’un escadron de chasse est l’application rigoureuse du principe de stricte suffisance posé en 2008.

Le 1er juillet 2010, les Rafale de l’escadron EC 1/91 Gascogne, stationnés sur la base aérienne 113 de Saint-Dizier dans la Haute-Marne, ont assuré pour la première fois la permanence nucléaire, armés du missile ASMP-A. En mars 2011, des éléments de ce même escadron ont mené des missions conventionnelles de frappe ou de reconnaissance au-dessus de la Libye, renforçant notamment les équipages de l’escadron EC 1/7 Provence, également sur Rafale. Pour pouvoir accomplir cette pluralité de missions, les équipages ont été formés sur les simulateurs du centre Rafale de Saint-Dizier. La polyvalence de l’appareil et des équipages est un atout majeur pour l’armée de l’air et la dissuasion française. Elle permet de répartir les charges d’investissement et garantit un taux d’activité élevé pour les pilotes et les navigateurs.

La France dispose en l’espèce d’un avantage très important par rapport aux autres puissances nucléaires. Ses FAS peuvent désormais s’appuyer sur une flotte beaucoup plus large grâce à la polyvalence du Rafale ; c’est un gage supplémentaire apporté à la crédibilité de notre dissuasion. Les autres pays disposent en effet de parcs beaucoup plus réduits, ayant retenu des concepts d’emploi assez différents des nôtres. Les États-Unis vont réduire leur flotte bombardiers à capacité nucléaire : en application du traité New Start, ils vont passer de 94 à 60 appareils, les 34 appareils concernés étant convertis en bombardiers conventionnels. La Russie dispose quant à elle de deux divisions de bombardiers lourds (13 Tu-160 et 63 Tu-95MS) emportant au total 844 missiles. L’Inde dispose de Sukhoï 30MKI dont plusieurs unités ont été déployées à proximité de la frontière chinoise au Cachemire et dans le Nord-Est à l’automne 2010.

ii. Les ravitailleurs

● La permanence de la composante aéroportée de la dissuasion nucléaire exige de disposer d’une capacité de ravitaillement en vol pour les appareils porteurs des missiles à tête nucléaire. Même s’il peut être appelé à accomplir des missions conventionnelles, le groupe de ravitaillement en vol Bretagne, stationné à Istres est rattaché au commandement des FAS. Outre leur mission prioritaire de ravitaillement, ces appareils sont également sollicités pour mener des missions de transport. Le 22 avril 2011, un C 135 équipé d’un module Morphée a par exemple rapatrié d’Afghanistan des soldats gravement blessés. Lors des opérations en Libye, les ravitailleurs ont soutenu l’engagement des avions de combat français. L’engagement de ces appareils n’a cependant pas suffi à couvrir l’ensemble de nos besoins ; nos forces ont heureusement pu compter sur le renfort crucial des ravitailleurs américains. Le chef d’état-major de l’armée de l’air a d’ailleurs souligné que les « ravitailleurs américains sur la base aérienne d’Istres […] sont plus que les bienvenus » (153).

Dérivés du Boeing 707, les C 135 et les KC 135 sont des quadriréacteurs pouvant emporter près de 90 tonnes de carburants. Ils ravitaillent en vol tous les appareils de l’armée de l’air, y compris les AWACS, et ceux de l’aéronavale à un volume d’une tonne de carburant par minute. Leur équipage est composé de quatre personnels (pilote, copilote, navigateur, officier de ravitaillement en vol). À la différence de la flotte d’avion de chasse de la force aérienne stratégique, les avions ravitailleurs ont largement atteint leur limite d’âge, les premiers C 135 étant entrés en service en 1964. La moyenne d’âge de l’ensemble des 14 appareils est de plus de 47 ans, rendant leur MCO particulièrement coûteux, ne serait-ce qu’en raison de la rareté des pièces de rechange. Actuellement, l’heure de vol des ravitailleurs atteint 23 000 euros.

Il devient urgent pour des raisons techniques et politiques de remplacer ou, à défaut, de moderniser ces avions non seulement pour assurer la crédibilité de la dissuasion mais aussi pour garantir les capacités opérationnelles de l’armée de l’air. Le 20 avril 2011, lors des opérations aériennes au-dessus de la Libye, deux Mirage de l’armée de l’air ont par exemple dû se poser en urgence à Malte, l’avion devant les ravitailler n’ayant pu accomplir sa mission à la suite d’une panne technique.

Les crédits prévus pour la rénovation relèvent de la sous-action relative à la « crédibilité technique de la dissuasion – autres opérations ». Il est regrettable que la question du ravitaillement ne fasse pas l’objet d’une action clairement identifiée, montrant son importance stratégique. De surcroît, la rénovation de l’avionique des C 135 programmée en 2010 a été décalée, le rapport annuel de performances l’expliquant par le « changement de réglementation américaine ». Le PLF pour 2012 prévoit d’engager 85,6 millions d’euros pour cette opération. Il est indispensable qu’elle aboutisse effectivement. Au-delà de cette mesure transitoire, une réflexion doit être engagée en ce qui concerne notre dépendance par rapport à des appareils américains. Les États-Unis ont prévu de renouveler complètement leur flotte de ravitailleurs : une fois qu’ils seront dotés de nouveaux appareils avec des changements technologiques conséquents, l’industriel sera-t-il encore en mesure d’assurer le MCO de notre microflotte de ravitailleurs ? Les pièces de rechange seront-elles encore disponibles ?

Pour limiter cette dépendance, la France a lancé le programme MRTT, avion ravitailleur dérivé de l’Airbus A330 développé par EADS. Cet appareil est déjà en service au sein d’autres forces aériennes : l’Australie, les Émirats arabes unis et l’Arabie Saoudite ont par exemple acquis des A330 MRTT. Considéré comme prioritaire par le chef d’état-major de l’armée de l’air, le programme français se heurte pourtant à des arbitrages budgétaires et politiques défavorables. Pour éviter un déficit capacitaire, la France a recours au contrat SALIS et à la mutualisation européenne des moyens au travers du commandement européen du transport aérien (EATC). Ces solutions ne peuvent être que provisoires tant les besoins français exigent une flotte nationale. La France ne peut pas non plus faire reposer sa force de dissuasion sur des capacités extérieures.

Lors des débats portant sur le projet de loi de finances pour 2011, l’Assemblée a adopté, contre l’avis du Gouvernement, un amendement visant à engager le renouvellement de la flotte de ravitailleurs par la mise en œuvre d’une solution intermédiaire consistant en un contrat de location avec option d’achat d’appareils de type A 333 pour un montant de 20 millions d’euros. En gestion, le ministère a écarté cette solution jugée trop coûteuse. Par ailleurs, le ministère indique que l’industriel n’aurait pas été en mesure de fournir des appareils le courant de l’année 2012. En contrepartie, il s’est engagé à ce que la levée de risque sur le programme soit effective en 2012 de façon à pouvoir signer le contrat en 2013.

Le rapporteur souligne l’urgence d’une telle décision : elle ne doit en aucun cas être de nouveau reportée. Or le PLF ne prévoit que 6 millions d’euros pour la levée de risque alors qu’il semble que le besoin soit d’au moins 12 à 15 millions d’euros. Il convient de revaloriser cette ligne budgétaire, le programme ne devant plus être exposé au moindre aléa.

● Face à ces difficultés, d’aucuns évoquent la possibilité d’externaliser ou de mutualiser le ravitaillement en vol des forces aériennes. Le Royaume-Uni a choisi de faire appel au secteur privé pour remplacer ses 24 ravitailleurs Vickers VC-10. Le 27 mars 2008, dans le cadre de son programme Future Strategic Tanker Aircraft (FSTA), le Royaume-Uni a signé avec le consortium Air Tanker réunissant Rolls Royce, Thales et Cobham, un contrat de 14 milliards d’euros sur 27 ans. L’industriel doit fournir non pas des avions ravitailleurs mais la capacité de ravitaillement en vol et de transport aérien. Selon ce contrat, la société privée devra disposer, à partir d’octobre 2011, de 14 ravitailleurs Airbus A330 FSTA, en assurer la maintenance, aménager les infrastructures nécessaires et fournir l’équipage composé de civils. L’armée de l’air peut utiliser ces appareils pour des missions stratégiques mais elle devra dans ce cas intégrer l’avion à sa propre flotte, sans retour possible au sein de la flotte privée.

Signé juste avant le déclenchement de la crise budgétaire au Royaume-Uni et deux ans avant la revue stratégique de défense et de sécurité qui a réduit le format des forces aériennes et aéronavales, le contrat s’est rapidement avéré trop rigide pour un ministère dont les besoins capacitaires avaient diminué. Le montant du contrat était établi selon un calcul économique et financier fondé sur un volume d’activité minimal. Ce volume contractuel devenant supérieur au besoin réel, l’avantage économique du contrat a fortement baissé. De surcroît, comme le souligne le National Audit Office, cette option a été retenue sans « une évaluation réaliste des autres alternatives » (154).

La France peut difficilement transposer à son profit ce montage juridique similaire à un partenariat public-privé. Les avions ravitailleurs étant une composante des forces stratégiques, il apparaît difficile de soumettre à des intérêts privés la capacité d’action de nos forces nucléaires. Par principe, tant que la France voudra une composante aéroportée de sa dissuasion nucléaire, l’armée de l’air française devra disposer en permanence d’avions ravitailleurs. Qu’une partie de cette flotte soit externalisée pour mener des missions conventionnelles ou d’entraînement est en revanche envisageable. Le calcul économique fait par les Britanniques n’est toutefois pas transposable. La mission d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale sur les externalisations dans le domaine de la défense a d’ailleurs recommandé l’achat patrimonial d’avions ravitailleurs plutôt qu’une externalisation (155).

Faute d’une externalisation, une mutualisation des moyens pourrait être envisagée. L’accord franco-britannique de coopération précise que les deux pays étudient « actuellement la possibilité d’utiliser les capacités excédentaires qui pourraient être mises à disposition dans le cadre du programme britannique FSTA (Future Strategic Tanker Aircraft) pour répondre aux besoins de la France en matière de ravitaillement en vol et de transport aérien militaire, dans des conditions financièrement acceptables pour les deux pays ». Le ministre français de la défense a toutefois indiqué que « les études [menées…] avec nos amis anglais montrent que l’opération ne serait pas très rentable » (156).

Question écrite n° 114034 publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 12 juillet 2011

M. François Cornut-Gentille interroge M. le ministre de la défense et des anciens combattants sur la mise en œuvre de l’accord franco-britannique de coopération en matière de défense. Cet accord, conclu le 2 novembre 2010, prévoit notamment l’examen d’un partage des capacités excédentaires de ravitaillement en vol qui pourraient être mises à disposition dans le cadre du programme britannique FSTA (Future Strategic Tanker Aircraft) pour répondre aux besoins de la France. Ces besoins sont particulièrement avérés compte tenu du vieillissement de la flotte française d’avions ravitailleurs. Les opérations aériennes en Libye démontrent l’urgence de renouveler cette flotte. Il lui demande de préciser l’avancée de cet examen et d’indiquer le calendrier envisagé pour ce partage capacitaire.

Réponse du ministre de la défense publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 6 septembre 2011

La Grande-Bretagne a signé, en 2008, un contrat de partenariat public-privé d’une durée de vingt-sept ans avec la société Air Tanker. Ce contrat prévoit l’acquisition d’une flotte de 14 avions ravitailleurs entre 2011 et 2015. Cinq d’entre eux seront mis à la disposition d’Air Tanker pour être loués à des compagnies aériennes britanniques, ces appareils n’étant équipés du dispositif de ravitaillement en vol qu’en cas de nécessité. La réduction du format de l’aviation de combat du Royaume-Uni ainsi que les fortes contraintes budgétaires pesant sur le ministère de la défense britannique ont conduit ce dernier à envisager de partager la charge financière de ce contrat avec la France, en lui proposant la vente d’heures de vol. Les offres britanniques les plus récentes font toutefois apparaître des coûts horaires très supérieurs aux coûts d’exploitation des flottes françaises de C 135 et d’Airbus. De plus, les aéronefs de la société Air Tanker n’apparaissent pas en mesure de ravitailler les systèmes de détection et de commandement aéroporté (AWCS) français, ni les avions de combat d’origine américaine avec lesquels l’aviation de combat française mène conjointement de fréquentes opérations au niveau international. Dans ce contexte, les 5 Airbus militaires de transport de passagers et les 14 avions ravitailleurs C 135 français seront remplacés par les 14 avions multirôles de ravitaillement en vol et de transport, dont la première livraison est prévue en 2017. Durant la période transitoire, l’ensemble de la flotte des aéronefs ravitailleurs français sera maintenu en service, grâce à la rénovation de leur instrumentation de vol, rendant inapproprié l’achat d’heures de ravitaillement en vol à la Grande-Bretagne. En revanche, dans le cadre de la mission de transport stratégique, ainsi que le ministère de la défense et des anciens combattants l’a indiqué à son homologue britannique, une mise en compétition de l’offre du Royaume-Uni avec les autres offres commerciales enregistrées pourra être envisagée en 2015, année au cours de laquelle prend fin le contrat liant la France à la société portugaise TAP pour la location de 2 Airbus A340.

Une « européanisation » du ravitaillement en vol à l’instar du transport aérien militaire est-elle envisageable ? Au cours du second semestre 2011, sous la présidence polonaise, l’Union européenne a organisé des rencontres sur ce thème, estimant que le trou capacitaire partagé par les principales armées de l’air européenne ne pourra être comblé que par une mise en commun des capacités de ravitaillement en vol. Une telle solution exige au préalable un accord de l’ensemble des États participants sur les missions menées par ces avions ravitailleurs. Les dissensions européennes autour des opérations en Libye et le statut particulier de la composante aéroportée de la dissuasion française montrent qu’il sera difficile de trouver un accord sur ce thème.

iii. Les missiles

Programme lancé en 1997 pour remplacer le missile ASMP (air-sol moyenne portée) et livré sur Mirage 2000-N en 2009 et sur Rafale en 2010, le missile ASMP-A (air-sol moyenne portée amélioré) a été développé par MBDA avec pour sous-traitants principaux Roxel, Thales et Daher Lhotellier.

L’ASMP-A est propulsé par un statoréacteur moins encombrant et moins lourd qu’une propulsion fusée, ce qui améliore la portée et la charge utile du missile. La technologie du statoréacteur a été développée dans le cadre de l’opération VESTA et doit être partagée avec le missile anti-navire futur. La portée du missile est de 500 kilomètres à haute altitude, soit 200 kilomètres de plus que son prédécesseur.

Depuis octobre 2009, l’ASMP-A est doté de la tête nucléaire aéroportée (TNA) en remplacement de la TN 81. Cette tête a été développée par le CEA grâce à ses outils de simulation. Les dernières têtes ont été livrées en 2011 et le budget 2012 prévoit les crédits liés à leur MCO.

Il convient d’ores et déjà de réfléchir à l’avenir de ce missile, étant entendu qu’il devra faire l’objet d’une remise à niveau dès les années 2020. À ce stade, il est envisagé d’améliorer seulement ses capacités de trajectoire, son degré de précision donnant toute satisfaction. À plus long terme, on peut s’interroger sur le choix du porteur et sur les moyens à développer pour gagner encore en vitesse.

3. La composante océanique

a) Les crédits de la FOST

La force océanique stratégique (FOST) repose sur les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) et sur les sous-marins nucléaires d’attaque (SNA). L’unité Coelacanthe de la DGA pilote l’ensemble des programmes de la FOST qui représentent un effort annuel de plus de 1,5 milliard d’euros.

Évolution des crédits de la force océanique stratégique (hors titre 2)

(en millions d’euros)

   

AE

CP

Programme

Action

Sous-action

2011

2012

Écart

2011

2012

Écart

Programme

146

Action

6

13 : SNLE NG

12,0

15,0

25,0 %

36,0

28,0

- 22,2 %

14 : M51

177,0

1 022,0

477,4 %

620,0

647,0

4,4 %

15 : adaptation M51

0,0

183,0

100,0 %

187,0

210,0

12,3 %

19 : autres opérations

94,0

72,0

- 23,4 %

49,0

62,0

26,5 %

22 : soutien — autres opérations

969,0

405,0

- 58,2 %

511,0

438,0

- 14,3 %

Programme

178

Action

3

49 : soutien de la force sous-marine

334,0

482,0

44,3 %

318,0

339,0

6,6 %

Programme

212

Action

4

Infrastructure

57,0

68,0

19,3 %

64,0

68,0

6,3 %

TOTAL

 

1 643,0

2 247,0

36,8 %

1 785,0

1 792,0

0,4 %

Source : PAP et ministère de la défense.

En 2012, les AE augmentent significativement en raison de l’engagement de l’adaptation au M 51 des SNLE Le Triomphant et Le Téméraire. Seront également commandés les premiers missiles M 51 équipés de la nouvelle TNO, le M 51.2 ainsi équipé devant être opérationnel à partir de 2015.

b) Les équipements de la force océanique stratégique

i. Les sous-marins nucléaires

● La composante océanique de la dissuasion française est assurée par les quatre SNLE de la classe Triomphant qui ont succédé en 1997 aux six SNLE de la classe Redoutable. Les nouveaux sous-marins ont gagné en tonnage, passant de 8 080 tonnes à 12 400 tonnes ; ils ont été conçus dès l’origine pour accueillir les nouveaux missiles balistiques. Les équipages sont en revanche passés de 135 à 111 personnels. Ces bâtiments de 138 mètres de long peuvent plonger au-delà de 350 mètres et se déplacer à 25 nœuds avec des qualités de furtivité extrêmes. Comparés aux bâtiments américains ou russes, ils restent toutefois d’un tonnage relativement mesuré puisque les Typhoon russes ont un tonnage de 21 500 tonnes et les sous-marins américains de classe Ohio d’environ 18 750 tonnes.

Avec une flotte de quatre SNLE, la France est au plancher de la crédibilité de sa composante océanique. En deçà, la permanence en mer n’est plus assurée. À titre de comparaison, les États-Unis comptent 14 sous-marins nucléaires stratégiques (SSBN), chacun d’entre eux emportant 24 missiles (157). La Russie compte 12 SNLE de trois générations différentes (Delta 3, Delta 4, Typhoon), emportant un total de 160 missiles, soit 576 têtes nucléaires. La 4e génération, la classe Boreï, est en cours de qualification. À la suite de la revue stratégique de l’été 2010, le gouvernement britannique a décidé le maintien de sa composante océanique autour de ses sous-marins Vanguard tout en réduisant l’emport de têtes nucléaires passant de 48 à 40 têtes. Le lancement du programme devant succéder au Vanguard a été repoussé à 2016.

● Les SNA constituent un élément à part entière de la force océanique : outre le fait qu’ils assurent la protection des SNLE, ils permettent aux sous-mariniers d’acquérir les compétences indispensables pour ensuite occuper des postes sur les SNLE. Ce lien est particulièrement net pour les commandants de bord. Une des missions du SNA consiste à rechercher et à identifier les autres sous-marins ; le SNLE a l’inverse cherche à être le plus discret possible pour ne jamais être repéré. En d’autres termes, il faut avoir été un bon chasseur pour être ensuite une proie plus difficile à attraper.

Plus qu’ailleurs, le recrutement et la fidélisation des personnels est un enjeu majeur, la marine devant gérer des ressources de faible volume avec des compétences très pointues. Le phénomène existe pour l’ensemble des membres d’équipages. Les contraintes inhérentes à la vie sous-marine sont autant de contraintes qu’il faut intégrer et qui peuvent limiter le recrutement. Pour les officiers, le remplacement des SNA avec la mise en service des Barracuda à compter de 2016 peut devenir une source de tension : il ne faudrait pas que le nombre d’équipages baisse, même temporairement. Ce serait alors une remise en cause durable de la pyramide des âges et des grades ainsi qu’une fragilisation du parcours de carrière de ces officiers ; à terme cela risquerait de réduire le nombre de personnels pouvant prétendre au commandement d’un SNLE.

ii. Le missile M 51

Entré en service depuis le mois de juillet 2010, le missile balistique M 51 constitue la figure de proue de la modernisation de la composante océanique. Le calendrier de réalisation du programme a été respecté à la lettre et montre l’excellence de la coopération entre les concepteurs, les fabricants et les unités en charge de sa mise en œuvre. Actuellement les SNLE font l’objet d’une adaptation de leurs structures pour accueillir le nouveau missile intercontinental. Les crédits prévus en 2012 vont permettre d’engager ces opérations sur Le Triomphant.

En outre, la modernisation du missile sera engagée en 2012 de façon à le doter de la nouvelle tête nucléaire TNO qui viendra remplacer l’ancienne TN 75. Ce processus aboutira en 2015 ; à cette date la composante océanique bénéficiera de la plénitude du saut technologique et opérationnel proposé par le nouveau vecteur associé à la nouvelle tête.

Comme pour la composante aéroportée, il convient d’ores et déjà d’engager la réflexion sur l’avenir de ce vecteur. La rénovation à mi-vie dans les années 2020 devrait porter sur le troisième étage du vecteur de façon à lui permettre d’emporter plus de masse. Peut-être les missiles devront-ils à l’avenir emporter d’autres systèmes ; il convient donc de donner plus de souplesse et d’ouvrir au maximum les possibilités d’emport du missile. Ces travaux sont particulièrement complexes et n’ont de sens qu’à long voire très long terme. En revanche, ne pas les engager risque d’hypothéquer à terme nos capacités.

4. Les transmissions, troisième composante de la dissuasion

Le Livre blanc insiste sur l’importance des transmissions qui donnent au Président de la République la possibilité d’engager en permanence les forces nucléaires, y compris dans un environnement dégradé et alors que tous les autres réseaux de communication ont été mis hors service. Ces réseaux nucléaires se décomposent en quatre grands ensembles :

- le réseau maillé et durci implanté sur le territoire permettant de relier les postes de commandement de l’exécutif avec les postes de commandement opérationnels ;

- le réseau de stations à très basses fréquences de la force océanique ;

- le réseau des stations radios des forces aériennes stratégiques ;

- un système de dernier recours permettant d’émettre les ordres essentiels lorsque tous les autres moyens ont été détruits.

La marine nationale compte quatre centres dédiés aux transmissions implantés à Rosnay (Indre), Sainte-Assise (Seine-et-Marne), Kerlouan (Finistère) et la Montagne Noire (Aude). Ces centres, zones de défense hautement sensibles, sont conçus pour pouvoir résister à une attaque nucléaire ainsi qu’à toute attaque électromagnétique. Les personnels présents doivent notamment pouvoir vivre en autarcie plusieurs jours. Pour transmettre l’ordre présidentiel d’engagement du tir nucléaire au SNLE en immersion, la liaison s’opère à basse fréquence, assurant une bonne pénétration dans l’eau.

La modernisation de ces réseaux est engagée avec les programmes Ramses évolution, Ramses IV.1 puis Ramses IV.2 pour le réseau durci, Transoum pour le réseau de la FOST et Syderec pour le réseau de dernier recours. Ces opérations permettront de répondre aux besoins de la dissuasion pour les quinze ans à venir. En 2012, les transmissions bénéficieront de 252 millions d’euros en AE et de plus de 57 millions d’euros en CP. Thales communications assure la maîtrise d’œuvre de ces différents programmes.

5. Les moyens de recherche et de simulation

Dans le rapport transmis au Sénat accompagnant le nouveau traité START, le président des États-Unis rappelle l’importance de la recherche pour moderniser l’arsenal nucléaire américain sans avoir besoin de recourir à des essais réels. La France est assurément précurseur en ce domaine grâce à plusieurs équipements de très haute technologie. Ces moyens sont placés sous l’autorité du pôle défense du commissariat à l’énergie atomique.

a) Le rôle central de la DAM

Établissement public industriel et commercial, le commissariat à l’énergie atomique et aux énergies renouvelables (CEA) est placé sous la tutelle du ministère de la défense, du ministère en charge de l’enseignement supérieur et du ministère en charge de l’énergie. La direction des applications militaires (DAM) constitue le pôle défense du CEA ; en 2010, elle a reçu 1,7 de 4,2 milliards d’euros alloués au CEA. Sa mission principale est de concevoir, développer et mettre à disposition des forces aéroportées et océaniques stratégiques les têtes nucléaires. Le démantèlement de ces têtes est également de son ressort. Depuis la fin des essais nucléaires, la DAM a fait de la simulation sa priorité pour la mise au point des nouvelles armes. Elle est également responsable de la propulsion nucléaire des bâtiments de la marine nationale avec les douze réacteurs actuellement en service. Après avoir été modélisés, les essais des chaufferies nucléaires sont effectués au centre de Cadarache. Une fois mises en service, elles relèvent toujours de la responsabilité de la direction de la propulsion nucléaire. En raison de leurs compétences scientifiques particulièrement poussées, les personnels de la DAM participent également à la lutte contre la prolifération.

Sur les 15 000 salariés du CEA, 4 700 sont rattachés à la DAM. Outre le centre de Bruyères-le-Châtel dans l’Essonne qui regroupe la moitié des personnels de la DAM, quatre centres régionaux sont rattachés au pôle défense du CEA :

- le centre d’études scientifiques et techniques d’Aquitaine (CESTA) qui assure l’architecture industrielle de la dissuasion nucléaire et accueille sur son site le laser mégajoule ;

- le centre d’études de Gramat dans le Lot, transféré de la DGA au CEA en janvier 2010, compte 250 salariés spécialistes en détonique et électromagnétisme afin d’évaluer les effets des armes nucléaires et conventionnelles ;

- le centre du Ripault dans l’Indre-et-Loire, qui met au point et développe des nouveaux matériaux et explosifs ;

- le centre de Valduc dans la Côte d’Or qui fabrique et assemble les têtes nucléaires aéroportées et océaniques. Il en assure le maintien en condition opérationnelle et le démantèlement. Le centre est également en charge de l’approvisionnement de la défense en matières nucléaires (uranium, plutonium, tritium).

b) Les calculateurs

Avec le supercalculateur TERA 100 inauguré à l’automne 2010, la France détient le plus puissant outil d’Europe, indispensable pour modéliser les différentes phases de l’explosion nucléaire. Le développement de supercalculateurs aux puissances de calcul exponentielles fait l’objet d’une âpre compétition mondiale donnant lieu à un classement semestriel (158), preuve de la rapidité du développement de cette technologie. Entre novembre 2010, cinq nouveaux systèmes figuraient parmi les deux meilleurs. Le tableau suivant présente l’état des capacités des meilleurs calculateurs.

Capacités des dix meilleurs calculateurs mondiaux

Novembre 2010

Juin 2011

Nom

Capacités (pétaflops)

Mise en service

Nom

Capacités (pétaflops)

Mise en service

Tianhe-1A (Chine)

2,566

2010

K computer (Japon)

8,162

2011

Jaguar — Cray XT5 (États-Unis)

1,759

2009

Tianhe-1A (Chine)

2,566

2010

Nebulae (Chine)

1,271

2010

Jaguar — Cray XT5 (États-Unis)

1,759

2009

Tsubame 2.0 (Japon)

1,192

2010

Nebulae (Chine)

1,271

2010

Hopper – Cray XE6 (États-Unis)

1,054

2010

Tsubame 2.0 (Japon)

1,192

2010

Terra 100 (France)

1,05

2010

Cielo (États-Unis)

1,11

2011

Roadrunner – Bladecenter (États-Unis)

1,042

2009

Pleiades- NASA (États-Unis)

1,088

2011

Kraken XT5 – Cray XT5 (États-Unis)

0,831

2009

Hopper – Cray XE6 (États-Unis)

1,054

2010

Jugene 5 (Allemagne)

0,825

2009

Terra 100 (France)

1,05

2010

Cielo – Cray XE6

0,816

2010

Roadrunner – Bladecenter (États-Unis)

1,042

2009

Source : www.top500.org.

En novembre 2010, les États-Unis possédaient 274 des 500 calculateurs les plus puissants, la Chine avait 41 calculateurs, la France et l’Allemagne en ayant 26 chacun. Cette hiérarchie a été complètement modifiée en 2011 avec l’entrée en service de trois nouveaux supercalculateurs ; désormais le Japon apparaît comme le chef de file du domaine, le calculateur le plus puissant ayant des capacités plus importantes que l’addition de celles des cinq suivants. En six mois, la France, désormais seul pays européen présent dans les dix premiers du classement, a rétrogradé de trois places. Cette évolution souligne le volume exceptionnel des investissements technologiques et humains mis dans les supercalculateurs, et donc l’enjeu stratégique de tels équipements trop méconnus du grand public. Il est fort probable que la France, et donc l’Europe, disparaisse de ce tableau à l’automne 2011, ce qui traduirait un recul, voir un décrochage technologique et scientifique majeur.

c) Le laser mégajoule

Le laser mégajoule (LMJ) est l’outil d’étude en laboratoire du fonctionnement thermodynamique des têtes nucléaires. Lors de sa visite en octobre 2010, le Président de la République avait déclaré que la France était sur le point de « disposer d’un outil extraordinaire, qui ouvre donc accès à la physique de l’extrême et qui va nous permettre de financer et d’organiser des progrès scientifiques considérables. Ce laser permettra de recréer pendant un temps très court, dans un volume de quelques millimètres cubes, les mêmes conditions physiques de température et de pression que celles d’une fusion thermonucléaire. Autant dire qu’il sera le plus puissant du monde. Comment ne pas être impressionné par le gigantisme du Laser Mégajoule ? Plus long que la Tour Eiffel, plus haut que l’arc de Triomphe, construit avec trois fois plus de béton que le viaduc de Millau. Autant dire que c’est un monument de la science […]. Et il le sera encore davantage lorsqu’il contiendra ses 20 000 optiques. Imaginez la puissance de deux centrales nucléaires dans une cible millimétrique ! ». Il n’a pas manqué de rappeler que ce programme permet de « pérenniser notre force de dissuasion, aussi longtemps que nécessaire » (159).

Ce programme représente un investissement de trois milliards d’euros. Pour construire cet ensemble comptant 192 lasers de 7,5 kilojoules chacun, plusieurs entreprises sont intervenues sous l’égide de la direction Le schéma suivant détaille le champ d’intervention de chaque acteur.

Structure industrielle du programme LMJ

Source : www-lmj.cea.fr.

La direction des applications militaires du CEA et le conseil régional d’Aquitaine ont signé le 30 septembre 2010 une convention pour réaliser, en couplage avec le LMJ, le laser PETAL (Petawatt Aquitaine laser). Ce laser de haute énergie et de haute puissance générera des impulsions à 3,5 kilojoules durant 0,5 à 5 picosecondes afin de reproduire des conditions physiques extrêmes similaires à celles existant au cœur du soleil.

Autour de ces installations hors normes, un pôle de compétitivité a été créé. Baptisé « la route des lasers », il rassemble des antennes universitaires de Bordeaux 1, du CEA, du CNRS et de l’école Polytechnique ainsi que trois parcs d’activité : Laseris 1 (avec notamment SAGEM Defense et Sécurité, AREVA TA, THALES), Laseris 2 et la cité de la photonique.

Question écrite n° 115881 publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 2 août 2011

M. François Cornut-Gentille interroge Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État sur la dissuasion nucléaire. Comme tous les ministères, la défense participe à l’effort budgétaire rendu nécessaire par la crise économique mondiale. Parmi les mesures d’économie décidées par le ministère de la défense, figure le report de l’entrée en service du "Laser Mégajoule" en 2014, alors que celui-ci est un élément majeur du programme de simulation permettant le maintien de la crédibilité de la dissuasion nucléaire. Garantie ultime des intérêts de la France, la dissuasion nucléaire était jusqu’à présent à l’abri des ajustements budgétaires. Aussi, face aux défis financiers actuels, il lui demande donc de préciser la doctrine budgétaire appliquée par le Gouvernement à la dissuasion nucléaire française.

Réponse du ministre de la défense publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 25 octobre 2011

La France a signé et ratifié le traité d’interdiction complète des essais nucléaires. Elle a ainsi renoncé de manière définitive à recourir aux expérimentations nucléaires. Depuis lors, un programme de simulation est développé pour apporter la garantie de la fiabilité et de la sûreté des armes françaises actuelles et futures. Les réflexions menées par le ministère de la défense sur l’ajustement de l’ensemble de ses investissements dans le cadre du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et des travaux préparatoires de la loi de programmation militaire 2009-2014 ont mis en évidence que la réalisation du laser mégajoule (LMJ) pouvait être décalée sans risque pour la crédibilité de la politique de dissuasion nucléaire française. Le coût élevé de cet équipement, qui représente l’investissement le plus important du programme de simulation, conjugué à la nécessité d’optimiser l’allocation des ressources durant la période 2009-2014, a ainsi conduit à différer à l’horizon 2014 la réalisation des premières expériences du LMJ. S’agissant de l’application de la doctrine budgétaire à la politique de dissuasion nucléaire, le principe de base retenu est celui de la stricte suffisance des moyens au regard des menaces prévisibles. Dans ce contexte, les décisions intervenues lors de l’établissement de la programmation budgétaire triennale 2011-2013 ont préservé le contenu et le déroulement des programmes de dissuasion, qui prévoient notamment l’adaptation au missile M51 des trois premiers sous-marins nucléaires lanceurs d’engins type Le Triomphant, ainsi que la mise au point de la version M51.2 du M51.

d) TEUTATES

La mise au point et la réalisation des têtes nucléaires aéroportées et océaniques sont effectuées dans le centre du CEA de Valduc dans la Côte d’Or. Lors du sommet franco-britannique du 2 novembre 2010 a été signé un traité spécifique qui prévoit la construction et l’exploitation conjointes d’une installation de physique expérimentale EPURE (Expérimentations de Physique Utilisant la Radiographie Eclair), située à Valduc et d’un Centre de développement technologique commun (TDC) situé à Aldermaston (Royaume-Uni). Les deux unités sont regroupées au sein d’un ensemble dénommé TEUTATES.

Dans un premier temps, EPURE sera constituée d’un pas de tir comprenant une première machine radiographique à hautes performances et d’un hall d’assemblage pour les opérations françaises (mise en service en 2014). Cette machine proviendra du transfert des installations AIRIX de Moronvilliers (Marne) à Valduc. L’accélérateur à induction pour radiographie pour l’imagerie X (AIRIX) radiographie les phases non nucléaires des armes. Il permet de valider les modèles physiques relatifs notamment à la robustesse des matériaux.

Dans une seconde phase, seront réalisées les installations d’assemblage et annexes répondant aux besoins du programme britannique avec une mise en service prévue en 2016. Une deuxième machine radiographique à hautes performances sera installée sur le premier pas de tir avant 2019 ; une troisième avant 2022. Un second pas de tir et une installation de traitement des déchets seront également mis en œuvre d’ici 2022.

L’unité TDC dont la mise en service est prévue pour 2014, comprend un hall d’assemblage et de développement de la machine radiographique à hautes performances avec une cellule annexe de radiographie par rayons X, des laboratoires pour faciliter l’étude d’équipements de diagnostic laser, électrique et optique. Les travaux menés sur ce site n’ont pas recours, contrairement à EPURE, à des matières fissiles.

III. —  LE MILIEU TERRESTRE

Lors de son adieu aux armes, le général Elrick Irastorza a souligné que « les opérations militaires sont devenues infiniment plus complexes et plus exigeantes au plan technique, tactique, humain, intellectuel et moral, mais aussi politique et médiatique. Nous sommes loin des assauts frontaux en ligne de bataillon meurtriers et le seul courage physique n’est définitivement plus, aujourd’hui, un palliatif commode aux insuffisances individuelles et collectives ». Tout en insistant sur le rôle central de l’homme, il n’a pas manqué de mentionner la nécessité de disposer d’équipements performants, indispensable contribution aux capacités opérationnelles de l’arme de terre.

Les matériels destinés aux forces terrestres sont extrêmement nombreux et disparates, allant de l’uniforme du fantassin à des systèmes d’armes complexes tels que l’hélicoptère d’attaque Tigre. Cette disparité et ce nombre retirent une certaine visibilité à l’effort budgétaire nécessaire pour équiper les forces terrestres, participant à un certain complexe de marginalisation de l’armée de terre par rapport aux deux autres armées qui peuvent mettre en avant des équipements emblématiques.

Au sein de la direction des opérations de la DGA, l’unité de management (UM) « opérations d’armements terrestres » est dédiée au milieu. Selon l’instruction du 10 janvier 2011 (160), elle est chargée de conduire une liste très étendue de programmes : véhicules de combat, de transport logistique et de moyens d’aérolargage, équipements du génie, aide au déploiement des forces terrestres, équipement des fantassins, systèmes d’artillerie, systèmes d’information concourant à la numérisation du champ de bataille. Face à l’éventail de programmes, six segments de managements ont été définis : combattants et aéromobilité, contrôle de zone, Scorpion, génie et protection, mobilité tactique et études amont. L’unité de management dispose par ailleurs de trois antennes à Angers, Bourges et Toulouse.

Il convient d’associer l’UM « opérations d’armement hélicoptères », l’UM « missiles et drones » et l’UM « espace et systèmes d’information opérationnels » qui interviennent également dans le milieu terrestre au travers de certaines de leurs opérations d’armement.

A. COMMUNICATION, RENSEIGNEMENT ET GUERRE ÉLECTRONIQUE

L’information est la clé de la décision militaire ; la communication, celle de l’action. Sans elles, les états-majors et les unités engagées sur le terrain ne peuvent remplir leur mission. Les capacités de renseignement et de communication sont donc cruciales tout comme les moyens de guerres électroniques qui visent à affaiblir les capacités du camp adverse.

1. Les capacités terrestres de renseignement

La doctrine d’emploi des forces de 2003 relève que « la condition préalable, afin d’assurer la liberté d’action et l’économie des forces, est d’acquérir et d’entretenir en permanence un renseignement global sur l’adversaire : situation, centre(s) de gravité opératif(s) potentiel(s), points décisifs possibles… Cette bataille du renseignement constitue la préoccupation essentielle du commandant de l’opération et du commandant de théâtre dès la décision d’engagement. C’est elle qui conditionne la planification des phases éventuelles de l’opération et l’atteinte du succès de chacune d’entre elles » (161).

En matière de renseignement, trois niveaux peuvent être distingués :

- le niveau stratégique avec l’identification des risques et menaces, le recueil et l’analyse des données nécessaires au choix des options stratégiques miliaires ;

- le niveau opératif avec le suivi de situation sur le théâtre d’opération, le recueil et l’analyse des données nécessaires à la conduite des opérations ;

- le niveau tactique avec le recueil et l’analyse des données nécessaire à la planification opérationnelle des batailles et des engagements et à la conduite des opérations.

Le progrès technologique n’a jamais permis d’atteindre avec des équipements la qualité du renseignement recueilli directement par les militaires sur le terrain. Le Livre blanc note bien que « le renseignement repose d’abord sur les hommes qui le recueillent, l’analysent et l’exploitent, dans des conditions parfois périlleuses » (162).

a) Les unités en charge du renseignement

Plusieurs unités de l’armée de terre ont été constituées avec pour mission le recueil de renseignements :

- la brigade de renseignement, dont l’état-major est à Haguenau dans le Bas-Rhin, est une « brigade d’appui des forces terrestres spécialisée dans la recherche du renseignement militaire, d’intérêt militaire et dans la géographie militaire permettant la prise de décision puis la conduite de la manœuvre des divers échelons sur un théâtre d’opérations » (163). Elle comprend notamment le 2régiment de hussards qui infiltre des patrouilles de véhicules blindés légers sur les arrières ennemis aux fins de renseignement et le 61régiment d’artillerie qui est en charge des drones tactiques de l’armée de terre. S’y ajoutent les 44e et 54régiments de transmission ainsi que le 28groupe géographique ;

- le 13e régiment de dragons parachutistes (13e RDP), rattaché à la brigade des forces spéciales Terre, constitue un système complet de renseignement (recherche, traitement, diffusion). Ses hommes agissent en temps de crise mais aussi en temps de paix. Basé à Dieuze en Moselle jusqu’à l’été 2011, il est désormais implanté à Souge en Gironde.

Le 28groupe géographique de l’armée de terre

Implanté à Haguenau depuis l’été 2010, le 28groupe géographique de l’armée de terre apporte un appui géographique sur les théâtres d’opérations au plus près des forces. Les géographes militaires interviennent de façon préventive en produisant et mettant à jour les données géographiques. Ils participent également à la planification et à la conduite des opérations en procédant au recueil de données géographiques sur le terrain et à la production de cartes destinées aux échelons tactiques.

Composante de la brigade du renseignement, il compte 315 militaires qui opèrent notamment en Afghanistan, après être intervenus en Côte d’Ivoire, au Tchad, en Somalie, ou dans les Balkans.

b) Les matériels

Les hommes de ces unités, engagés sur un territoire hostile, doivent disposer d’un équipement de recueil et de transmission leur permettant d’agir en totale autonomie avec une parfaite discrétion.

« L’évolution technologique des armements, la plus grande complexité des actions à mener et la maîtrise des dommages collatéraux placent les données d’environnement géophysiques au cœur de la maîtrise des systèmes de défense. Il y a dix ans, seuls quelques systèmes d’armes y avaient recours. Aujourd’hui, il n’est pas un système d’armes qui ne soit pas concerné par cette capacité. La connaissance des zones d’opération potentielle repose donc aussi sur l’acquisition de ces données fournies en particulier par des moyens cartographiques et météorologiques. S’agissant des moyens de collecte, des programmes existent (données géographiques numériques, données hydrographiques et océanographiques, et données météorologiques). Une démarche d’ensemble, aux niveaux national et européen, sera entreprise pour structurer la capacité globale de collecte et d’emploi de ces données dans les systèmes d’armes. Les efforts porteront en particulier sur le développement de moyens de recueil et d’analyse réactifs pour faciliter des déploiements rapides. Cette capacité est d’autant plus importante que la France serait amenée à assurer des responsabilités de commandement d’opérations dans ces zones » (164).

● Données Numériques de Géographie et en 3 Dimensions (DNG3D) est un programme visant à élaborer des données géographiques numériques et des modèles de cibles en 3D. Sans ces données, les systèmes d’armes, notamment aériens et terrestres, ne peuvent être mis en œuvre. Ce programme a été lancé en août 2003 ; une mise en service partielle a été prononcée en mai 2006 ; la mise en service de l’ensemble du système est attendue pour avril 2012. Il est à noter que lors des opérations en Libye, des éléments de DNG3D ont été utilisés au profit des forces.

La cible initiale est de 58 équipements géomatiques, collectant les sources d’information brute et les transformant en données géographiques exploitables par les systèmes d’armes et les systèmes d’information opérationnels. En termes de performances, le système présente une capacité de traitement de données géographiques numériques de 1,5 million de km2/an. La précision recherchée doit permettre la mise en œuvre des missiles SCALP.

Le tableau suivant récapitule les crédits dévolus à cette opération depuis 2006. Le coût total du programme est de 163,03 millions d’euros.

Évolution du programme DNG3D

 

Engagement

CP

Postes Kheper

(en millions d’euros courants)

Commandé

Livré

2006

PAP

22,90

23,49

nd

nd

RAP

28,76

12,78

nd

nd

2007

PAP

52,61

24,81

nd

nd

RAP

22,55

9,54

nd

nd

2008

PAP

0,0

29,85

0

8

RAP

19,26

18,67

50

8

2009

PAP

12,78

24,60

0

30

RAP

3,67

25,05

0

30

2010 (1)

PAP

35,46

37,26

0

45

RAP

30,50

21,55

0

5

2011

PAP

40,92

41,55

0

30 (2)

2012

PAP

31,56

38,20

0

0

(1) À partir de 2010, les chiffres comprennent toute l’activité « Géographie Numérique » car DNG3D non détaillé.

(2) 40 postes en 2011 dans le PLF 2012.

Source : ministère de la défense.

Sur le plan industriel, le programme a été scindé en plusieurs lots :

- la production des données géographiques a été confiée au consortium formé par EADS et Thales. Parmi les sous-traitants, figurent notamment Pixelius, SIRS, InfoTerra, Spot Image ou Geo212 ;

- la réalisation des équipements de production de modèles de cible est assurée par Thales ;

- la réalisation des autres équipements informatiques nécessaires à la production et à la gestion des données géographiques a été confiée au consortium formé par CS SI et Magellium ;

- la réalisation des équipements complémentaires est enfin assurée par le consortium formé par EADS et Thales avec pour sous-traitants principaux Magellium, Géo 212 et Euro-Shelter.

● Parmi les équipements complémentaires figurent les 18 modules géographiques projetables (MGP). En avril 2010, la DGA a notifié à EADS et à THALES le contrat de réalisation et de soutien de deux ensembles de MGP. Ce système, complémentaire de DNG3D, doit permettre la production, l’entretien et la diffusion de données géographiques militaires. Le MGP fournit ainsi aux forces engagées des données mises à jour sur le terrain avec une réactivité élevée, correspondant aux besoins de la conduite des opérations. Il enrichit les données déjà collectées par DNG3D.

Il est destiné au 28groupe géographique de l’armée de terre avec pour objectif une mise en service en 2012. Plusieurs modules peuvent être déployés sur un théâtre d’opération. La compilation des données recueillies et transmises par chaque MGP permet de réaliser une cartographie précise du terrain. Ce contrat s’élève à 26,1 millions d’euros, y compris la maintenance sur six ans. EADS en assure la maîtrise d’œuvre.

DNG3D sera également complété par l’opération GEODE 4D, renforçant les capacités d’élaboration des données géographiques et les capacités d’exploitation combinées des données d’environnement géophysique (géographie, hydrographie, océanographie, météorologie).

2. Les radars terrestres

Programme lancé en coopération en 1998 sous l’égide l’OCCAr avec le Royaume-Uni et l’Allemagne, COBRA est un radar de contre-batteries en bande C, identifiant l’origine de tirs ennemis sol-sol et aidant au réglage des tirs de riposte. Ce radar mobile est transportable par un véhicule de 10 tonnes de type TRM 10 000 de Renault Trucks Defense. 29 systèmes ont été produits et livrés dont 10 pour la France.

Ce système a pour maître d’œuvre industriel EURO-ART, consortium basé en Allemagne réunissant Thales France, Thales UK, EADS Allemagne et Lockheed-Martin. COBRA a notamment pour concurrent dans la catégorie des radars de contrebatterie le Firefinder AN/TPQ-36 de Thales Raytheon Systems, radar mobile localisant les mortiers, pièces d’artillerie et lance-roquettes ennemis de moyenne portée. Il est capable de prendre en compte simultanément les tirs provenant de sites multiples, en détectant et en signalant leur position dès la première salve.

Système de surveillance du sol embarqué à bord d’hélicoptères Cougar, Horizon détecte toute cible dans un rayon de 150 kilomètres, de jour comme de nuit. Ce système est constitué d’un radar Doppler et d’une station sol. Il peut couvrir une zone de 20 000 km2 en 10 secondes. Ce système développé par Eurocopter a été mis en service en 1996.

3. Les capacités terrestres de communication

● Le système MELCHIOR (moyen d’élongation pour les communications hautes fréquences (HF) interarmées et OTAN en réseau) doit permettre l’accès par l’ensemble des strates opérationnelles, du commandement aux forces engagées, à un grand nombre d’outils de communications : HF, VHF, satellites, GSM, RTC, internet… Il est constitué de stations HF permettant des communications jusqu’à 5 000 kilomètres de distance. Ces stations tactiques peuvent être transportées à dos d’homme ou par des véhicules types VBL ou VAB. Elles peuvent également être employées par la marine et l’armée de l’air.

Lancé en novembre 2007, ce programme ambitionne la livraison de 1 100 stations, les premières versions étant entrées en service en avril 2010. La maîtrise d’œuvre de ce programme a été notifiée à Thales Communications & Security, pour un montant total de 252 millions d’euros. Ce montant comprend la production du système et son maintien en condition opérationnelle.

Le tableau suivant récapitule les crédits dévolus à cette opération depuis 2006.

Évolution du programme MELCHIOR

 

Engagement

CP

Stations

(en millions d’euros courants)

Commandé

Livré

2006

PAP

nd

nd

nd

nd

RAP

nd

nd

nd

nd

2007

PAP

14,14

33,49

nd

nd

RAP

- 2,08

8,18

nd

nd

2008

PAP

11,2

24,04

0

217

RAP

66,3

24,48

0

327

2009

PAP

73,14

8,13

530

53

RAP

24,32

21,50

295

53

2010

PAP

15,00

34,03

0

0

RAP

0,00

13,87

0

0

2011

PAP

11,76

0,00 (1)

66

295

2012

PAP

16,12

0,00 (1)

0

0

(1) Ressources attendues en provenance du CAS « Fréquences »

Source : ministère de la défense.

● Développés par Thales, les systèmes radio PR4G assurent des communications VHF/FM sécurisées à l’échelon tactique. Les postes peuvent être opérés par un fantassin ou depuis un véhicule. La version PR4G-VS4-IP, dont les 7 051 postes ont été livrés aux forces entre 2005 et 2010 permet la transmission simultanée de données et de communications audio. Avec ce programme, l’armée de terre dispose désormais d’un système de communications tactiques complet, incluant des postes en version station véhicule et portable (émetteurs-récepteurs, combinés téléphoniques, antennes et aérien, installations et claie de portage), un système de soutien et un ensemble de logiciel.

Le tableau suivant récapitule les crédits dévolus à cette opération depuis 2006.

Évolution du programme PR4G

(en millions d’euros)

   

Engagement

CP

Volume commandé

Volume livré

2006

PAP

43,80

49,80

-

1 250 postes

RAP

27,19

38,86

-

1 250 postes

2007

PAP

67,60

37,07

2 000 postes

1 800 postes

RAP

59,97

32,16

2 000 postes

1 500 postes

2008

PAP

0,00

41,66

501 postes

1 550 postes

RAP

14,50

35,98

501 postes

1 550 postes

2009

PAP

0,00

7,84

501 postes

1 600 postes

RAP

0,00

44,86 (1)

-

800 postes

2010

PAP

0,00

0,88

-

501 postes

RAP

0,00

18,78 (2)

-

1 301 postes

(fin de
livraison série)

2011

PAP

0,00

0,00 (3)

-

-

2012

PAP

0,00

0,00 (3)

-

-

(1) L’écart important entre PAP et RAP s’explique par l’absence de ressources externes en provenance du CAS « Fréquences ».

(2) L’écart constaté sur l’utilisation des CP résulte principalement de l’évolution des paiements et de l’application du principe de mutualisation au niveau du programme.

(3) Ressources attendues en provenance du CAS « Fréquences ».

Source : ministère de la défense.

Préparant la succession du PR4G, la DGA a notifié le 6 décembre 2010 à Thales le marché DEPORT, couvrant les études d’élaboration du programme CONTACT (communications numérisées tactiques et de théâtre). Ces radios sécurisées utiliseront la technologie radio-logicielle : un même poste de radio pourra charger différentes formes d’ondes facilitant l’échange de données audio-video et écrites. Selon Pierre Suslenschi, directeur de l’activité communications tactiques de la division systèmes terre et interarmées de Thales, « aujourd’hui, une radio ne peut parler qu’un seul langage à la fois. Mais une radio logicielle est reprogrammable et pourra donc parler différents langages, c’est-à-dire communiquer de véhicule à véhicule, mais aussi de véhicule à avion ou de fantassin à véhicule ou entre fantassins. Les radios des générations précédentes étaient dédiées principalement à supporter des échanges en phonie. Avec le développement de la numérisation du champ de bataille, la radio logicielle doit offrir beaucoup plus de capacités en terme de transmission de données. En fait, le réseau supporté par les radios logicielles formera un véritable Internet militaire à haut débit » (165).

CONTACT s’appuie également sur le programme européen ESSOR (European Secure Software Defined Radio) réunissant depuis le 1er janvier 2009 la France, la Finlande, l’Italie, l’Espagne, la Pologne et la Suède. L’opération est placée sous l’égide de l’OCCAr avec un budget de 106 millions d’euros dédié au développement de radios logicielles militaires européennes, renforçant l’interopérabilité des systèmes de communication des forces européennes. Les systèmes ESSOR seront également compatibles avec les standards OTAN. Une joint-venture, A4ESSOR, a été créée spécialement pour ce programme, réunissant, outre le français Thales, l’italien SELEX, le suédois SAA, le finlandais ELEKTROBIT, l’espagnol INDRA et le polonais RADMOR.

4. Les capacités terrestres de guerre électronique

La guerre électronique est apparue avec le recours aux ondes électromagnétiques pour communiquer. Dès la première guerre mondiale, l’interception et le brouillage des communications adverses font partie des capacités recherchées par les armées. Désormais, « la maîtrise de l’action [militaire] est conditionnée par la maîtrise du spectre électromagnétique. Celui-ci est un espace de combat à part entière. Dominer cet environnement signifie le connaître, l’utiliser à ses fins propres et empêcher un adversaire éventuel de l’utiliser. Ces trois volets de la guerre électronique sont intimement liés à la fonction renseignement et à l’action des forces » (166).

L’environnement électromagnétique est devenu un environnement opérationnel à part entière : « de nombreuses capacités opérationnelles s’appuient sur l’énergie électromagnétique, dans des domaines aussi variés que, par exemple, les communications et les transmissions de données, les moyens de détection (imagerie, surveillance, reconnaissance et radar), le recueil du renseignement, la guerre électronique, la navigation et la guerre de la navigation, le ciblage… De fait, si l’emploi de ce type de capacités est déterminant et donne l’avantage aux armées modernes, en particulier sur des adversaires technologiquement moins avancés comme des forces irrégulières, il crée aussi des vulnérabilités. […] La guerre électronique englobe toutes les actions offensives et défensives dans l’espace électromagnétique. Elles comprennent les actions sur le commandement et les communications, les systèmes de navigation, le SA2R » (167).

On peut distinguer trois composantes de la guerre électronique :

- les mesures de soutien électromagnétique, à finalité de renseignement, « destinées à intercepter, identifier, localiser les sources d’émission électromagnétique, recueillir les données correspondantes et accéder à l’information qu’elles contiennent. Ces mesures, passives par nature et d’un degré de permanence élevé, sont prises dès le temps de paix pour la constitution de bases de données qui permettront, d’une part le fonctionnement des systèmes d’armes, et d’autre part la neutralisation des systèmes d’armes adverses » (168) ;

- les contre-mesures électroniques (CME) visant les capacités électromagnétiques de l’adversaire avec les systèmes de brouillage et de neutralisation des systèmes de télécommunication ;

- les mesures de protection électronique (MPE) visant à protéger ses capacités de différentes attaques telles que les tentatives d’écoute, de neutralisation, de destruction ou d’intrusion.

« L’emploi des unités de guerre électronique requiert des moyens, des méthodes et des tactiques spécifiques qui peuvent être mis en œuvre, soit par des techniciens et des spécialistes employés dans des unités GE, soit par des non-spécialistes dans le cadre de leurs missions opérationnelles (personnel navigant, opérateurs de détection ou de transmissions…) » (169). La guerre électronique est essentiellement menée depuis les plateformes navales, aériennes et spatiales. Mais les forces terrestres, au plus près des opérations, sont également dotées d’unités spécialisées.

Dépendants de la brigade de renseignement, les 44e et 54e régiments de transmission, respectivement implantés à Mutzig et à Haguenau, assurent le recueil du renseignement d’origine électromagnétique pour le compte de l’armée de terre ainsi que les attaques contre les réseaux ennemis. Ils ont notamment recours à plusieurs systèmes mis en œuvre par le centre opérationnel de guerre électronique et notamment embarqués à bord de VAB :

- pour l’interception, il s’agit des systèmes EMILIE (émissions HF), LINX (localisation et interception des émissions exotiques) ;

- pour le brouillage, ils utilisent VOBULE (brouillage large bande) et TARAX ;

- pour intercepter et analyser les émissions électromagnétiques du champ de bataille, ils se servent de SGEA valo (valorisation du système de guerre électronique de l’avant), ce système pouvant également conduire le brouillage.

B. LES CAPACITÉS LOGISTIQUES TERRESTRES

● Des taxis de la Marne à la piste Hô Chi Minh, les capacités des forces à acheminer des hommes et du matériel au plus près des théâtres d’opérations et champs de bataille demeurent décisives pour l’issue de la confrontation. L’issue de plusieurs batailles au cours de la seconde guerre mondiale a reposé sur la capacité ou non des forces en présence à maintenir le contact entre leurs forces de contact et le soutien arrière. Que ce soit sur le front russe ou sur le front libyen, la rupture de ce contact a précipité la défaite des forces allemandes.

Plus le théâtre d’opération est éloigné, plus la dimension complexe et stratégique des capacités de projection et de soutien se fait ressentir. La mise en œuvre de ses « lignes de projection et de soutien » peut combiner plusieurs capacités, aériennes, maritimes et terrestres, en fonction des délais impartis, du volume à transporter et de la distance à parcourir. Comme le montre le graphique ci-après les forces logistiques terrestres ont certes des capacités d’emport moindres que la marine, mais elles peuvent intervenir beaucoup plus rapidement.

Comparaison des systèmes de transport

Source : ministère de la défense.

Le contrat opérationnel dévolu aux unités de logistique terrestre vise :

- le soutien d’une force opérationnelle terrestre de 30 000 hommes avec les structures logistiques correspondantes ;

- le soutien d’une action autonome de 5 000 hommes avec un bataillon logistique ;

- le soutien d’un engagement sur le territoire national de 10 000 hommes avec l’équivalent d’un bataillon logistique.

Pour ces missions, l’armée de terre dispose de plusieurs camions dont la disponibilité moyenne est de 71 % en janvier 2011 :

- le véhicule de transport logistique (VTL) à plateau déposable, pouvant transporter une charge de 13 tonnes ;

- le GBC 180, camion 6x6 de 7,5 tonnes ;

- le TRM 1 000 et TRM 2 000, poids lourds toutes roues motrices

- le TRM 10 000, en service de puis 1994. Fabriqué par Renault-Trucks Defense, ce véhicule 6x6 de 13,5 tonnes peut déplacer une charge utile de 10 à 16 tonnes sur tous les terrains. La version CLD (camion lourd de dépannage) est équipée d’une grue à flèche télescopique pouvant lever 20 tonnes et remorquer un véhicule de 18 tonnes ;

- le VU, poids lourd de transport logistique.

Le CLD complète les capacités du camion léger de dépannage routier (CLDR) : véhicule 8x4 de 32 tonnes, il peut remorquer des véhicules pesant jusqu’à 48 tonnes. Le CDLR est réalisé, pour le châssis, par Renault Trucks, les les équipements spécifiques étant réalisés par Jige International.

● La LPM établit une cible pour 2019 de 1 800 porteurs polyvalents terrestres dont 500 livrés avant 2014. Ces véhicules seront mis en œuvre par les régiments du train. En 2012, après la réforme en cours, il subsistera cinq régiments du train polyvalents : le 121e à Montlhéry, le 503e à Nîmes, le 511e à Auxonne, le 515e à La Braconne et le 516ème à Toul. À ces régiments, il convient d’ajouter le 1er régiment du train parachutiste de Toulouse et l’escadron portuaire densifié de Toulon.

Le tableau suivant récapitule les crédits dévolus au programme PPT depuis 2006 pour un coût total de 770 millions d’euros. La durée de vie des véhicules est de 25 ans.

Évolution du programme PPT

(en millions d’euros)

   

Engagement

CP

Volume commandé

Volume livré

2006

PAP

9,38

0,00

0

0

RAP

0,00

0,00

0

0

2007

PAP

14,81

4,17

0

0

RAP

0,00

0,00

0

0

2008

PAP

110,00

1,60

100

0

RAP

0,00

0,00

0

0

2009

PAP

65,00

0,00

50

0

RAP

0,00

0,00

0

0

2010

PAP

194,00

17,88

200

0

RAP

157,89

0,00

200

0

2011

PAP

768,19

12,21

0

0

2012

PAP

2,13

9,27

0

0

Source : ministère de la défense.

La première commande de série portant sur 200 véhicules a été notifiée en décembre 2010 au groupe italien Iveco en associant avec la PME française Lohr, au détriment notamment de Renault Truck Defense. IVECO fournit les châssis camions nus ; LOHR fournit les autres équipements.

Cette notification a suscité immédiatement une levée de bouclier. Le 30 décembre 2010, Stefano Chmielewski, président de Renault Trucks, rappelait la place de son groupe dans l’économie française. Plusieurs parlementaires ont pris le relais de l’entreprise. Ainsi, le 2 février 2011, le député du Rhône André Gérin (GDR) a interpellé Alain Juppé, alors ministre de la défense, se demandant si « le Gouvernement [avait] décidé d’amputer l’industrie nationale Renault Trucks de ses racines Berliet Saviem ». Le ministre a répondu que « le ministère de la défense a lancé un appel d’offres pour l’acquisition de camions porteurs polyvalents terrestres. Deux offres ont été déposées : celle de la société Renault Trucks, dont [il a rappelé] qu’elle est une filiale du groupe suédois Volvo, et celle du partenariat de la société Iveco, filiale de Fiat et de la société familiale alsacienne Lohr. Ces deux offres étaient de grande qualité et elles ont été examinées avec beaucoup d’attention. Au regard des critères fixés par le cahier des charges, c’est l’offre Iveco Lohr qui est apparue la mieux disante. Un marché de deux cents véhicules lui a donc été notifié. Il va de soi que la société Renault Trucks garde toute sa place sur le marché des véhicules terrestres et qu’elle pourra soumissionner aux futurs appels d’offres que [son] ministère va lancer pour l’acquisition d’un véhicule blindé. S’agissant des retombées sur l’emploi de la décision qui a été prise, [il lui a indiqué] que la fabrication des deux cents véhicules commandés se fera pour les deux tiers sur le territoire français et que cette décision permettra de conforter la société alsacienne familiale Lohr ainsi que son réseau de sous-traitance. [Il l’a assuré] que plusieurs de [ses] collègues alsaciens se sont réjouis de cette décision » (170).

Les premières livraisons ont été reportées de deux ans ; le décalage s’expliquant en partie par les contraintes contractuelles des marchés publics. L’armée de terre a partiellement pallié ce retard par des acquisitions de surprotection de véhicules logistiques en urgence opérationnelle. Pour autant, un manque capacitaire existera entre 2015 et 2018 compte tenu de la chute rapide du parc des véhicules de transport logistiques actuels (VTL) et du manque induit de plateaux interopérables aux normes OTAN.

● Pour acheminer les carburants au plus proche des forces terrestres, le service des essences des armées a conçu des camions citernes polyvalents (CCP) d’une contenance de 10 m3. Leur capacité d’emport leur permet de ravitailler simultanément quatre chars en moins de 10 minutes. 252 CCP ont été construits entre 2004 et 2006. 34 véhicules ont été blindés, notamment au niveau de la cabine, pour pouvoir évoluer sur des théâtres d’opération comme en Afghanistan.

Pour transporter plus de volume, les groupements de soutien pétrolier arrière du SEA disposent également du tracteur Renault KERAX, équipé d’une semi-remorque citerne monocompartiment de 30 m3. Tout comme pour les CCP 10, dix tracteurs ont bénéficié d’un blindage renforcé.

Sur les théâtres d’opération, des réservoirs souples de stockage (25 à 300 m3) ou de transport (200 à 1900 litres) peuvent aussi être déployés. L’enveloppe de ces réservoirs, en complexe textile élastomère, est conçue pour résister à l’action des hydrocarbures mais aussi à l’humidité, aux intempéries et à des micro-organismes.

C. LES CAPACITÉS TERRESTRES D’ENGAGEMENT ET DE COMBAT

Les opérations militaires terrestres obéissent à des constantes non remises en cause par l’évolution des technologies. Comme le relevait le général Elrick Irastorza, « la guerre restera surtout affaire de contrôle des populations et donc, inévitablement, de contrôle des territoires où elles vivent. Cela suppose des troupes sur le terrain et en nombre suffisant, si l’on souhaite obtenir quelque chose qui ressemble à une victoire, c’est-à-dire la réalisation des finalités politiques » (171). Les forces terrestres demeurent au final l’ultime garant du succès militaire.

L’urbanisation croissante des populations modifie cependant en profondeur le mode opératoire des forces terrestres. Militaires et populations civiles se trouvent entremêlés sur les théâtres d’opérations, obligeant les premiers à maîtriser totalement l’emploi de la force pour éviter des dommages collatéraux qui risqueraient de compromettre l’impact politique d’une victoire militaire. La précision des armes, notamment de l’artillerie, devient une donnée centrale des systèmes mis en œuvre.

En outre les opinions publiques ont de plus en plus de mal à accepter la perte de soldats en opération. L’exigence de protection des hommes et d’adéquation des équipements aux missions pourtant très disparates est désormais prise en compte dans le développement de nouveaux programmes.

Enfin, l’impact budgétaire ne doit pas être négligé. « Une section d’infanterie VBCI – FELIN numérisée combat avec des équipements d’une valeur d’environ 11 millions d’euros, c’est ce que valent 700 voitures milieu de gamme ! Chaque heure de fonctionnement des équipements de cette section coûte près de 1 000 euros, non compris le prix des munitions » (172). En donnant ces éléments de comparaison, le général Jean-Tristan Verna, directeur central du matériel de l’armée de terre, veut souligner l’exigence avec laquelle l’armée de terre doit choisir et entretenir ses équipements.

1. Les équipements du fantassin

a) FELIN

● Avec FELIN (fantassin à équipements et liaisons intégrés), on ne parle plus d’uniforme mais de véritable système d’arme. Premier système d’arme intégré, il est destiné à optimiser les capacités naturelles du combattant. Ces capacités sont la communication, l’observation, la protection, la mobilité et le traitement des objectifs. L’emport de technologies a cependant pour conséquence d’alourdir la masse totale transportée par les fantassins. Ce poids peut devenir particulièrement handicapant. Autre conséquence, les hommes deviennent dépendants de l’énergie indispensable au bon fonctionnement de leur système. Si un engagement dure, le risque d’une rupture d’alimentation en énergie des équipements est réel. Comment réagissent les fantassins dans cette configuration dégradée ? La technologie portée par le fantassin en configuration FELIN ne doit pas être un substitut à la formation des hommes. « Quels que soient les situations, les milieux d’engagement et l’intensité des combats, c’est toujours la rusticité du soldat qui fera la différence et cette rusticité n’a jamais été exclusive de la maîtrise des technologies les plus avant-gardistes : le combattant Félin devra rester rustique » (173).

Lancé en novembre 2003, le système FELIN a été qualifié le 30 avril 2010. Sa mise en service opérationnelle doit intervenir avant fin 2011. Le schéma suivant détaille le calendrier prévisionnel des livraisons dans les unités. Quatre régiments doivent en être dotés chaque année jusqu’en 2015.

Calendrier de livraison du système FELIN

Source : armée de terre.

Le 1er régiment d’infanterie de Sarrebourg en Moselle, le 13bataillon de chasseurs alpins de Chambéry en Savoie et le 16e bataillon de chasseurs de Bitche en Moselle sont déjà dotés de ce matériel.

Le tableau suivant récapitule les crédits dévolus au programme FELIN depuis 2006 pour un coût total de 1,067 milliard d’euros.

Évolution du programme FELIN

(en millions d’euros)

   

Engagement

CP

Volume commandé

Volume livré

2006

PAP

177,27

54,68

5 045

358

RAP

12,62

17,28

0

0

2007

PAP

26,34

76,34

5 045

358

RAP

19,34

23,68

0

0

2008

PAP

47,62

83,70

5 045

358

RAP

185,27

43,27

5 045

358

2009

PAP

457,01

173,10

1 6454

2 749

RAP

430,46

100,11

1 6454

0

2010

PAP

83,00

173,71

0

5 045

RAP

19,09

121,46

0

1 740

2011

PAP

25,84

157,61

0

4 036

2012

PAP

55,10

149,31

0

4 036

Source : ministère de la défense.

SAGEM est le maître d’œuvre du programme. Plus d’une vingtaine de sous-traitants interviennent également. Portant initialement sur plus de 30 000 systèmes, le programme a été réduit d’un tiers, pour tenir compte du nouveau format des armées défini par le Livre blanc. Désormais, la cible est de 22 588 systèmes pour l’ensemble des unités au contact.

Sur le plan de l’export, la Russie a manifesté de l’intérêt pour l’équipement. Mais compte tenu de sa haute valeur ajoutée, se pose la question de son interopérabilité avec les systèmes étrangers en cours de développement : IdZ-ES (Allemagne), FIST (Royaume-Uni), ComFUT (Espagne), Soldato Futuro (Italie), Nett Warrior (États-Unis) et COBRA (Brésil).

Question écrite n° 66152 publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 31 mai 2005

M. François Cornut-Gentille attire l’attention de M. le ministre de la défense sur le système Felin. Destinés à équiper l’infanterie d’éléments de protection et de communication de haute technologie, les premiers exemplaires de Felin ont été livrés à l’armée de terre en mai 2010. Un premier régiment en sera intégralement doté à l’automne. Ce système français a de nombreux équivalents à l’étranger, plus ou moins sophistiqués et plus ou moins avancés dans leur développement. Cette multiplication des programmes pose la question de leur interopérabilité sur les théâtres d’opération. Aussi, il lui demande de préciser les mesures prises par la direction générale pour l’armement et l’industriel auprès des forces armées étrangères pour garantir l’interopérabilité du système français Felin.

Réponse du ministre de la défense publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 23 août 2005

Les besoins d’interopérabilité intersystèmes français et alliés sont définis dans les doctrines d’emploi des forces. L’interopérabilité interalliée fait l’objet de travaux de recherche, auxquels participent la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie et les États-Unis. Cette interopérabilité est aujourd’hui envisagée au niveau des brigades et des régiments. Pour les systèmes des niveaux inférieurs (compagnie, section…), les éléments échangés seront remontés systématiquement au niveau de la brigade. Le système FELIN (fantassin à équipements et liaisons intégrés) étant destiné à équiper les unités du combat débarqué de niveaux section et inférieur, il n’est donc pas envisagé de le rendre directement interopérable avec des systèmes homologues de forces armées étrangères, notamment du fait de la barrière linguistique. En revanche, l’interopérabilité sera assurée par l’intermédiaire des systèmes d’informations terminaux, avec lesquels le système FELIN est déjà interopérable.

● Susceptible d’être perçue comme négligeable comparée à un avion de chasse ou un sous-marin lanceur d’engins, la tenue vestimentaire du fantassin ne doit pas être sous-estimée. En premier lieu parce qu’elle est destinée à être portée par plusieurs milliers d’hommes qu’il convient de respecter. En second lieu, parce qu’une mauvaise conception peut avoir des conséquences dramatiques. On se souvient des fantassins français montant fièrement au front en 1914 et arborant un pantalon rouge les transformant en cible de choix pour les tireurs allemands. Ce dramatique précédent n’a pas mis un terme aux errements vestimentaires. En décembre 2010, des appelés du contingent russe ont été hospitalisés après avoir revêtu de nouveaux uniformes et chaussures totalement inadaptés au grand froid sibérien. Les uniformes incriminés étaient dessinés par un grand couturier russe plus habitué des défilés de mode que des défilés militaires. Les bottes étaient en faux cuir et leurs semelles en carton. Les fantassins français ont également connu des difficultés avec leur tenue ou certains de ses éléments. Ceci a donné lieu à des polémiques, notamment à la suite de l’embuscade d’Ouzbine en Afghanistan qui a coûté la vie à neuf soldats français.

Devant la commission de la défense de l’Assemblée nationale, le général Jean-Louis Georgelin, alors chef d’état-major des armées, avait tenu à préciser que « s’agissant de l’équipement des soldats sur leurs fonds propres, il s’agit d’une faute de commandement : un chef militaire n’a pas le droit de laisser un soldat qui est sous ses ordres acheter un équipement au prétexte qu’il le trouve meilleur que celui que lui procure la République. Le commandement doit imposer aux soldats le port de l’uniforme, au sens large, ce qui inclut l’équipement : il s’agit, à [son] sens, d’une des bases de la discipline. Aussi [avait-il] demandé au chef d’état-major de l’armée de terre de faire cesser ces achats à titre privé. S’il existe un équipement jugé intéressant, le commandement doit en tenir compte. C’est en particulier le cas des moyens de renseignement technique ou des gilets pare-balles. Le chef d’état-major de l’armée de terre a pris le problème à bras-le-corps : toutes les troupes seront équipées du gilet S4. Soit dit en passant, ce modèle présente d’autres inconvénients par rapport au précédent » (174).

La mise au point de la tenue de combat de FELIN a été difficile. L’exigence imposée de portabilité dans des conditions extrêmes (notamment en vue d’une projection sur le théâtre afghan) couplée au poids des équipements emportés a nécessité plusieurs mois de développement. En décembre 2008, 6 000 treillis T3 ont ainsi été livrés aux fantassins présents en Afghanistan. À l’usage, des modifications ont été apportées, du positionnement des poches à la forme des boutons qui gênaient le port du gilet pare-balles.

Une variante NRBC est également réalisée. La réalisation de la tenue a donné lieu à un contentieux entre SAGEM, maître d’œuvre du programme, et des sociétés sous-traitantes.

Question écrite n° 66152 publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 31 mai 2005

M. Kléber Mesquida souhaite attirer l’attention de Mme la ministre de la défense sur les aspects de la réglementation des marchés publics qui semblent avoir été transgressés, comme il vous l’indiquait dans son courrier du 24 mars 2005, pour ce qui concerne le marché du programme FELIN attribué à la SAGEM, et dont les établissements Boyé, initialement sous-traitants officiels, ont été exclus. L’entretien qu’elle a accordé aux personnels employés et dirigeants de l’entreprise Paul Boyé, à Saint-Jean-de-Luz, le 29 avril 2005 aurait donné lieu à des engagements concernant l’enquête sur la légalité de ce marché, comme il le lui avait demandé dans son dernier courrier, et sur le contrôle de technicité et de qualité figurant sur le cahier des charges. Compte tenu de l’importance et de la sensibilité de ce sujet, mais aussi de l’urgence à statuer, il lui demande quelles décisions ont été prises et dans quels délais les résultats de l’enquête seront communiqués.

Réponse du ministre de la défense publiée au Journal officiel Assemblée nationale du 23 août 2005

La délégation générale pour l’armement (DGA) a procédé à une mise en compétition dans le cadre de marchés de définition. Le 1er mars 2004, la société SAGEM s’est vu notifier le marché de développement, industrialisation, production et soutien initial du système « Fantassin à équipements et liaisons intégrés » (FELIN). Le choix des sous-traitants est sous la totale responsabilité du maître d’œuvre. À ce titre, SAGEM a engagé des négociations pour le sous-ensemble « vêtements et protection » (VEP) avec la société Paul Boyé d’une part, qui avait participé à la phase de définition aux côtés de la société SAGEM, et le consortium constitué des sociétés Ouvry (pour la protection contre les risques nucléaires-bactériologiques-chimiques) et SIOEN (pour les vêtements de base) d’autre part. À l’issue de ces négociations, la société SAGEM a proposé de retenir ce consortium. La solution présentée répondant techniquement au besoin et ayant reçu l’aval de l’armée de terre, la DGA ne peut opposer aucun motif pour refuser la proposition du maître d’œuvre SAGEM concernant le choix de ses sous-traitants. Par ailleurs, la relation entre les sociétés concernées étant régie par le droit privé, la réglementation interdit à l’État de s’immiscer dans les relations entre un maître d’œuvre et ses sous-traitants. Par la suite, la direction de la société Paul Boyé a engagé, le 10 mai 2005, une procédure de requête en annulation du marché de réalisation du système FELIN auprès du tribunal administratif de Paris. Aussi, il appartient désormais au juge de se prononcer sur les aspects réglementaires du contrat FELIN. Parallèlement, la ministre de la défense a fait procéder à une revue des aspects techniques liés à la fourniture des systèmes FELIN. Les évaluations et essais effectués sur les maquettes livrées par SAGEM ont permis de confirmer que les performances spécifiées seront tenues. Enfin, compte tenu de l’importance primordiale que revêt le sous-ensemble VEP dans la réussite du programme FELIN, il a été demandé à SAGEM d’étudier la possibilité de confier à la société Paul Boyé le développement d’une solution alternative basée sur ses compétences propres et son savoir-faire. À la demande de la ministre de la défense, une proposition, visant notamment à permettre à la société Paul Boyé de concourir dans de bonnes conditions à l’exportation, a été élaborée dans des délais très courts. Une réunion a été organisée le 8 juin 2005 par la délégation générale pour l’armement et SAGEM pour en présenter le contenu détaillé aux dirigeants de la société Paul Boyé. Ceux-ci ont toutefois à deux reprises (les 8 et 16 juin 2005) décliné l’invitation, retardant d’autant la recherche d’une voie permettant à la société de s’inscrire dans la solution FELIN.

Les démineurs disposent d’une tenue spécifique à protection renforcée. Le dernier modèle a été développée en 1986 et fait l’objet d’un renouvellement afin d’accroître les protections mais aussi le confort du démineur.

Le gilet pare-éclats du système Félin peut intégrer les protections balistiques souples et dures, le gilet électronique (support de la radio, du calculateur, du GPS, des batteries, câbles et connecteurs…) et la structure de portage.

Dans ce système technologique, le casque est désormais dénommé « équipement de tête », combinant la protection de tête, le bandeau communicant et l’optronique de vision déportée et de vision nocturne. La protection de tête ou coque balistique a une ergonomie permettant toutes les positions de tir. Le bandeau communicant est à la foi un microphone et un écouteur, reliés à la radio. Les transmissions se font par les vibrations osseuses de la tempe, permettant au soldat d’être entendu de ses camarades tout en chuchotant. Ceci fait du bandeau ostéophone une innovation mondiale.

En janvier 2011, la DGA a notifié à SAGEM un contrat visant l’acquisition de 1 175 jumelles infrarouges multifonctions de longue portée JIM LR 2. Le contrat englobe la livraison de 500 terminaux tactiques de télé-opération se présentant sous la forme d’une tablette de format A4, ainsi que la formation des personnels et le soutien. Ces jumelles combinent en un seul équipement une vision jour et une vision thermique, un système de télémétrie, un pointeur laser, un compas, un GPS et un système de transmission de données. Elles sont interopérables avec les systèmes de commandement et de coordination de Felin. Avec ces jumelles, le fantassin peut détecter des menaces de tout temps y compris en présence de fumées, désigner des cibles et transmettre des informations à son commandement.

b) Les effets personnels et l’armement individuel

● En décembre 2010, le ministère de la défense a notifié à la société Beatex Prod un contrat pour la fourniture de 60 000 bérets sur quatre ans, pour un montant total de 740 000 euros. Le savoir-faire de cette société lui a permis d’obtenir l’homologation OTAN pour soumissionner auprès des armées des États membres, soit un marché estimé au total à 10 millions d’euros hors forces américaines. Beatex Prod a été créé en 2008, reprenant les activités de la société Beatex, fondée en 1990, et elle-même héritière de l’entreprise Laulhere installée depuis 1840 à Oloron-Sainte-Marie dans les Pyrénées atlantiques). La société compte 55 salariés pour un chiffre d’affaires de 3,6 million d’euros.

● L’arme de base du fantassin demeure le FAMAS (fusil d’assaut de la manufacture d’armes de Saint-Étienne) de calibre 5.56 et pouvant également tirer des grenades. D’un poids de 4,2 kg, ce fusil a une portée pratique de 300 mètres et une portée maximale de 3,2 kilomètres. Chaque magasin a une capacité de 25 cartouches. Le FAMAS-Felin intègre une liaison filaire le reliant à l’ensemble du système. La lunette de tir possèdera un imageur jour, un imageur nuit, un viseur clair pour le tir « instinctif » ainsi qu’une caméra vidéo. La lunette de tir permet un grossissement de 3 ou 10, la prise de photos et leur transmission. L’oculaire de visée déportée permet par ailleurs au fantassin d’observer un secteur tout en restant à couvert. Le pas des rainures du canon de l’arme est désormais de 7 pouces (contre 12 pour la version initiale). Cette évolution, associée aux cartouches F5 standard OTAN, améliore les qualités de tir. La portée de jour est supérieure à 500 mètres ; de nuit à 400 mètres.

Les forces disposent également de la MINIMI, mitrailleuse légère de calibre 5.56, produite par la société belge FN HERSTAL. Cette arme automatique apporte une capacité de feu antipersonnel supérieure à celle du FAMAS. Pesant 7,1 kg, elle affiche une cadence de tir de 750 à 950 coups par minutes. Sa portée maximale est de 2,7 kilomètres, la portée pratique étant de 500 mètres. À 240 mètres, les munitions tirées peuvent percer une plaque d’acier doux d’un centimètre.

En décembre 2010, la DGA a notifié à la même société belge un marché en vue de la livraison à l’armée de terre de 11 000 mitrailleuse MAG de calibre 7.62 pour 100 millions d’euros. Un premier lot de 500 exemplaires doit être livrés en 2011. Les MAG doivent remplacer les mitrailleuses AN F1 en service depuis les années 1960. Pesant 12 kilogrammes, elles sont posées sur un bipied (permettant une cadence de tir de 1 000 coups par minute) ou sur un trépied (pour une cadence de 1500 coups par minutes).

Les tireurs d’élite disposent quant à eux du FRF2 de calibre 7.62. Ce fusil de 5,2 kg a une portée pratique de 800 mètres. Son magasin peut contenir 10 cartouches.

● De nouvelles armes sont actuellement en développement tant aux États-Unis qu’en Russie. En Afghanistan, l’armée américaine a testé un nouveau fusil d’assaut, le XM 25 fabriqué par Heckler & Koch, en mesure de tirer des munitions de 25 mm à 700 mètres. Ces munitions dotées d’une puce électronique, peuvent exploser devant, dans ou derrière la cible en fonction de sa position. Sa puissance de feu étant équivalente à une grenade à main, cette munition s’avère très efficace face à des adversaires embusqués. Le coût unitaire du XM 25 est estimé entre 25 000 et 35 000 dollars américains. L’armée américaine souhaite en acquérir plus de 12 000 à l’horizon de 2014. Pour sa part, en mars 2011, le ministère de la défense russe annonce vouloir doter certaines unités de l’armée de terre de lance-flammes à roquettes, en mesure « d’anéantir les forces vives de l’ennemi sur le champs de bataille et à l’intérieur des bâtiments ainsi que les véhicules et les blindés légers. Sa portée de tir maximale atteint 1 700 mètres et le tir de précision est garanti à 800 mètres ». Et de préciser que « ces lance-flammes ont fait leurs preuves au cours de l’opération visant à contraindre la Géorgie à la paix » (175).

c) Les robots et les drones terrestres

Les robots et drones terrestres remplaceront-ils un jour les fantassins ? Afin de mener des opérations dans des environnements très dégradés, les services de secours ont parfois recours à des robots. Ils peuvent avoir pour mission d’évaluer la nocivité de l’atmosphère d’un espace confiné (comme une mine) à la suite d’une explosion, d’évaluer la menace d’un objet abandonné, …

Les robots militaires terrestres sont apparus sur les théâtres d’opération pour mener des missions de reconnaissance. À la différence des forces aériennes équipées de drones d’attaques, les forces terrestres demeurent encore réticentes pour employer des robots avec des capacités d’attaques. La maîtrise du feu au sol reste l’apanage humain sans interface technologique.

La société ECA, spécialisée dans la robotique et qui fournit notamment la marine nationale en drones anti-mines développe également plusieurs drones ou robots pour les forces terrestres et couvrant un grand nombre de missions (inspection de site, détection de menace, neutralisation d’explosifs). L’INBOT, d’un poids de 2,1 kg, doté de trois caméras, est destiné à l’inspection de bâtiments, de véhicules dans le cadre de missions de sécurité civile, de lutte anti-terroriste et de sécurisation d’environnement hostile. Le CAMELEON NRBC est doté de capteurs chimiques et radiologiques destinés à alerter les hommes engagés d’éventuels risques. Le TSR 202, pesant 270 kg notamment en raison de son bras articulé est destiné à la neutralisation d’explosifs.

2. Les véhicules

a) Les véhicules légers

Le VLTT P4 Auverland, véhicule léger tout terrain non blindé, équipe depuis plusieurs décennies les régiments de l’armée de terre. Aérotransportable et aérolargable, il est employé également par les forces spéciales avec un armement renforcé. Il affiche un taux de disponibilité moyen de 68 % en janvier 2011. En juin 2010, est annoncé le remplacement d’une partie du parc de VLTT P4 par des véhicules 4X4 non militarisés Land Rover.

Le véhicule blindé léger (VBL) est en service dans l’armée de terre depuis 1990. Ce véhicule 4x4 pèse 3,8 tonnes et peut se déplacer à 95 km/h sur route. Il est fabriqué par PANHARD. La France en a commandé 1 600 exemplaires.

Le petit véhicule protégé (PVP) est en service au sein des forces depuis août 2009. Il est déployé notamment au Liban et en Afghanistan. 933 véhicules ont été commandés par la DGA. D’un poids à vide de 4,4 tonnes, ce véhicule 4x4 se déplace à 100 km/h et emporte quatre hommes. Il est décliné en deux versions : une version « commandement » et une version « rang ». Ses caractéristiques en font un véhicule aisément projetable. Il peut être notamment héliporté. Son armement est modulable grâce à l’installation de kits lui permettant d’accueillir selon les missions à accomplir, des missiles MILAN, ERYX ou AT4CS. Une mitrailleuse 7.62 complète l’armement du véhicule. En matière de transmission, il est équipé de poste PR4G, TRDP38 et MELCHIOR.

Sur le plan industriel, le maître d’œuvre est PANHARD. Le 6 septembre 2011, la DGA a complété la commande de 933 véhicules (dont la production s’achève en décembre 2011) par 200 véhicules supplémentaires pour une livraison en 2012. Cet ajout permet opportunément à l’industriel de maintenir ses lignes de production.

Il est à noter que le moteur du PVP est fourni par l’italien IVECO qui propose sur le marché un véhicule concurrent au PVP, le Lince ou Light Multirole Vehicle, véhicule de 4,6 tonnes pouvant se déplacer à plus de 130 km/h. Plusieurs États se sont portés acquéreurs du Lince, dont la Russie qui bénéficie en la matière d’un transfert de technologies.

Dans le cadre d’un programme d’acquisition en urgence opération, VBL et PVP seront dotés d’un tourelleau WASP (weapon under armor for self protection), tourelleau téléopéré doté d’une mitrailleuse 7.62 mm MAG 58, couplée à une lunette d’observation et de visée jour et infrarouge. L’arme a un débattement élevé (-40 ° / + 90 °), offrant des capacités opérationnelles adaptées au combat urbain et en montagne. Le programme a été notifié par la DGA à PANHARD pour 100 tourelleaux en février 2011. SAGEM participe également au développement de cette arme.

Dans la catégorie des véhicules blindés légers 4x4, le marché européen est extrêmement concurrentiel : Krauss-Maffei Wegmann produit l’AMPV (Armoured Multi-Purpose Vehicle), d’un poids de 9,3 tonnes et enregistrant une vitesse maximale de 110 km/h. Pesant deux tonnes de plus que l’AMPV, le FENNEK est destiné à affronter des terrains plus difficiles. Le COBRA du groupe turc OTOKAR pèse quant à lui 6,2 tonnes et se déplace à 115 km/h. Il est équipé de systèmes d’armes israélien (missile Spike et tourelle RAFAEL). Il peut embarquer huit hommes.

b) Les véhicules à protection anti-EEI

La menace croissante des engins explosifs improvisés (EEI) a incité les forces et les industriels à développer des véhicules aux protections renforcées. Mais, pour le chef d’état-major de l’armée de terre, « le combat entre la cuirasse et l’explosif est irrémédiablement perdu au bénéfice du second. La poudre et la balle d’arquebuse ont tué la chevalerie en armure, le cheval croulant sous le poids du cavalier. Les charges explosives préformées et l’électronique […] condamnent le blindage à la seule protection contre la ferraille du champ de bataille et la mine antichar classique jusqu’à huit à dix kg, c’est le niveau 5 OTAN, ce qui n’est déjà pas mal. Ensuite, nous ferons de notre mieux pour améliorer la protection en fonction des exigences propres à tel ou tel théâtre, par ajout de kits forcément évolutifs (coques ventrales, dalles céramiques, etc.) et de moins en moins lourds. Mais dire au soldat — et donc à sa famille — qu’on peut le protéger contre toutes les agressions et contre les IED en particulier serait lui mentir, la protection totale est inatteignable » (176).

L’accord de normalisation OTAN STANAG 4569 définit le niveau de résistance et, partant, de protection des véhicules en fonction des différentes agressions comme le montre le tableau ci-après.

Normes de résistance de l’OTAN

Niveau

Balistique

Mines et Grenades

Artillerie

1

7.62 à 30 mètres

Grenades à main

 

2

7.62 à 30 mètres
(fusil d’assauts)

6 kg d’explosifs
sous les roues (2a)
ou sous l’habitacle (2b)

 

3

7.62 à 30 mètres
(fusil de tireur d’élite)

8 kg d’explosifs
sous les roues (3a)
ou sous l’habitacle (3b)

 

4

14.5 à 200 mètres
(mitrailleuse lourde)

10 kg d’explosif
sous les roues (4a)
ou sous l’habitacle (4b)

155 mm à 30 m

5

25 mm à 500 mètres
(canon automatique)

 

155 mm à 25 m

Source : www.nato.int

Le véhicule blindé à haute-mobilité (VBHM) présente, sous un design futuriste, une protection balistique de niveau 2, anti EEI et anti mines. Véhicule de 14 tonnes, il est composé d’un véhicule tracteur et d’une remorque. Pouvant atteindre la vitesse de 65 km/h, ces deux véhicules sont articulés et chenillés, leur permettant d’affronter des terrains particulièrement escarpés (jusqu’à 45° de pente). Comme le présente le schéma suivant, quatre hommes dont le chauffeur peuvent embarquer dans le véhicule avant, huit dans le véhicule arrière. Son armement est constitué d’une mitrailleuse 12.7.

Les caractéristiques du VHM

Source : www.defense.gouv.fr/terre.

Le VBHM est développé et produit sous la dénomination BV206S par BAE Systems Hägglunds AB, filiale suédoise du groupe britannique. Outre en France, il est en service en Suède, en Allemagne, en Italie et en Espagne. Le VBHM est utilisé en Afghanistan.

Véhicule 4x4 de 13 tonnes pouvant transporter jusqu’à huit hommes (dont deux d’équipage) à 100 km/h, l’Aravis de Nexter offre une protection balistique supérieur au niveau 4, une protection de niveau similaire contre les mines, contre les explosions d’artillerie de 155 mm et contre les attaques lourdes d’EEI. Ces qualités protectrices sont notamment dues à la cellule de survie, à des caissons d’absorption du souffle des mines, à des sièges à absorption d’absorption d’énergie, à des parois latérales anti-souffle et anti-éclats et à des portes anti-souffle.

L’intégralité de l’armement de l’ARAVIS est téléopéré depuis l’habitacle, évitant une exposition des hommes. L’ARAVIS est aérotransportable

Nexter a financé sur fonds propres le développement de l’Aravis qui a été présenté pour la première fois lors du salon Eurosatory de 2008. Commandés au titre du plan de relance de l’économie le 15 avril 2008, les 15 Aravis ont été livrés à l’armée de terre en 2010. Depuis, 11 sont projetés en Afghanistan et trois sont en dotation au 13e régiment du génie. Un véhicule a été détruit en opérations. Projetés depuis deux ans en Afghanistan, ils donnent entière satisfaction.

À ce jour, aucun Aravis n’a donné lieu à un contrat à l’export, contraignant Nexter à engager des développements complémentaires et un programme d’optimisation pour améliorer son positionnement commercial. La concurrence est en effet rude, même si les niveaux de protection des véhicules peut différer. Ainsi, Renault Trucks Defense dispose dans son catalogue du Sherpa, véhicule 4x4 de 10 tonnes, pouvant transporter dans sa cabine blindée dix hommes à 110 km/h.

Le DINGO, fabriqué par Krauss-Maffei Wegmann est un véhicule 4x4 de 12,5 tonnes, évoluant jusqu’à 90 km/h. Ce véhicule a été projeté en ex-Yougoslavie, au Liban, au Tchad et en Afghanistan. Son successeur, le DINGO 2 (MMPV — Multi Purpose Protected Vehicle), de 10,5 tonnes, dispose d’une protection anti-EEI. Il peut transporter huit hommes. Il équipe les forces terrestres d’Allemagne, d’Autriche, de la république Tchèque et de Belgique, dans ses différentes configurations : transport de fantassin, véhicule de commandement ou véhicule ambulance. Le 13 avril 2011, l’Allemagne a signé un contrat visant la livraison supplémentaire de 39 DINGO 2.

Le MASTIFF PPV et le RODGBACK sont les versions britanniques surprotégées des véhicules blindés COUGAR 6x6 et 4x4. Ces véhicules sont développés par la société américaine Force Protection. Ces deux dérivés ont été acquis pour renforcer la protection anti-EEI des troupes britanniques engagées en Afghanistan.

Le Buffalo est un véhicule lourd destiné à des missions de déminage grâce notamment à son bras articulé et son blindage renforcé. Fabriqué par la société américaine Force Protection, il a été notamment acquis par la France pour assurer la protection des convois en Afghanistan contre les engins explosifs improvisés. Les trois premiers exemplaires ont déployés en avril 2009.

Avec un chiffre d’affaire s’élevant à 977 millions de dollars américains et 1 300 salariés, le groupe américain Force Protection Inc. appuie son renouveau industriel sur la lutte et la protection contre les mines et les EEI. Les engagements militaires en Irak et en Afghanistan lui ont ouvert un marché majeur. Outre le BUFFALO, le groupe produit le TSV (tactical support vehicule – Wolfhound), véhicule de soutien acquis par les forces britanniques pour être déployé en Afghanistan, et l’OCELOT, véhicule de patrouille.

c) Les véhicules blindés modulaires

Les véhicules blindés modulaires participent à la projection et au déplacement des forces armées sur les théâtres d’opération. Rapides et mobiles, ils assurent également une protection sans cesse accrue pour les hommes embarqués et un soutien feu lors d’opérations à haute intensité. Ils sont devenus des équipements indispensables pour les forces terrestres engagées sur des terrains dégagés, accidentés ou urbains. Le caractère modulaire de ces véhicules leur permet de remplir des missions de soutien des groupes de combat, de commandement et transmission ou de secours sanitaires. D’autres usages de ces véhicules blindés modulaires ont été récemment découverts. Ainsi en mai 2011, en lutte contre les cartels de la drogue, la police mexicaine a saisi plusieurs véhicules blindés, réalisés à partir d’un châssis 4x4 et équipés d’une tourelle de tir. Pouvant transporter jusqu’à 20 hommes et capables de résister aux explosifs, ces blindés artisanaux démontrent l’ampleur des arsenaux aux mains des organisations criminelles.

● Le VBCI est un véhicule 8x8 de 26 tonnes se déplaçant à plus de 100 km/h. Il peut embarquer 11 hommes dont deux d’équipage. Sa projection en Afghanistan et au Liban en a démontré les qualités opérationnelles. Le retour d’expérience permet de dire que « cet engin de combat vient bien conférer à l’infanterie des capacités accrues, dont la plus-value opérationnelle est inestimable, et ce, sans pour autant révolutionner son concept d’emploi » (177). Les forces engagées en Afghanistan soulignent notamment ses capacités d’observation, de mobilité et de puissance de feu. De plus, sa masse imposante joue un rôle dissuasif.

Ce véhicule a bénéficié d’amélioration de blindage et d’armement, pour s’adapter aux conditions extrêmes du conflit. « Les contraintes prétendument générées par l’importante silhouette du véhicule et la présence d’un seul personnel en tourelle se sont avérées sans fondement : il suffit pour cela de prendre conscience de son incroyable furtivité dues à sa maniabilité sur le terrain et à l’absence quasi-complète de bruit de moteur, et de constater ses capacités d’observation et de conduite de tir déportés dans le poste du chef d’engin » (178).

Sur le plan industriel, Nexter et Renault Trucks ont été associés pour développer ce programme qui a connu d’importantes difficultés dans ses premières années. Le coût total approche les trois milliards d’euros. Le 300VBCI a été livré en juin 2011. Le tableau suivant récapitule les crédits dévolus au programme VBCI depuis 2006.

Évolution du programme vbci

(en millions d’euros)

   

Engagement

CP

Volume commandé

Volume livré

2006

PAP

83,86

60,30

0

0

RAP

7,83

62,08

0

0

2007

PAP

364,79

110,36

117

0

RAP

290,29

73,94

117

0

2008

PAP

330,42

263,43

116

41

RAP

394,50

228,64

116

41

2009

PAP

1 079,75

311,82

332

96

RAP

937,12

396,46

332

105

2010

PAP

180,00

329,19

0

99

RAP

93,98

374,36

0

99

2011

PAP

157,80

343,76

0

100

2012

PAP

117,94

383,34

0

100

Source : ministère de la défense.

L’exportation du VBCI est à ses débuts, Nexter devant faire face à une forte concurrence européenne sur le créneau des véhicules blindés modulaires 8x8. Ses principaux concurrents sont :

- le BOXER de l’allemand Krauss-Maffei Wegmann, véhicule de 33 tonnes, transportant 11 hommes à plus de 100 km/h ;

- le PANDUR II, développé par Steyr-Daimler-Puch (Autriche), filiale de l’américain GENERAL DYNAMICS, pouvant embarquer 12 hommes en sus des deux d’équipage. D’un poids de 22 tonnes, il peut atteindre sur route les 105 km/h ;

- -le VBM Freccia du consortium formé par Iveco et Oto Melara, qui emporte également 11 hommes. Véhicule de 26 tonnes, il a une vitesse maximale de 110 km/h. Son armement antichar (missile SPIKE) est réalisé en collaboration avec le groupe Israélien Rafael. Le Freccia a été commandé à 249 exemplaires par les forces armées italiennes. Les premiers exemplaires ont été livrés en février 2009 ;

- le PARS développé par le groupe turque FNSS. En février 2011, la Malaisie a signé un contrat pour l’acquisition de 257 exemplaires, partiellement produits dans la péninsule sud-asiatique, pour 600 millions de dollars américains ;

- l’armoured modular vehicle (AMV) du finlandais PATRIA qui se déplace à plus de 100 km/h pour un poids de 16 à 26 tonnes selon les versions. Outre la Finlande, l’AMV a été acquis par la Suède, la Slovénie, la Croatie.

Une large offre européenne de véhicules blindés modulaires 6x6 existe également. Sur le marché on peut par exemple retenir :

- l’ARMA de la société turque OTOKAR, vendu notamment à plusieurs armées du Proche-Orient, pensant 18,5 tonnes et pouvant se mouvoir à 105 km/h ;

- le Grizzly de Krauss-Maffei Wegmann, d’un poids de 25 tonnes (ce qui est en fait un des plus lourds de cette catégorie), embarque dix fantassins et un homme d’équipage. Il se déplace à 90 km/h ;

- le PANDUR I de Steyr-Daimler-Puch (Autriche) emportant huit fantassins et deux hommes d’équipage. Pesant 13,5 tonnes, il atteint à la vitesse de 100 km/h ;

- le PASI du groupe finlandais PATRIA, pesant 13,5 tonnes et pouvant transporter 16 passagers en plus des 2 hommes d’équipage.

À cette longue liste viennent s’ajouter les véhicules américains tels que le Piranha ou le Stryker. En août 2011, Nexter a présenté une offre fondée sur le VBCI aux autorités canadiennes pour leur futur véhicule de combat rapproché, véhicule blindé de la classe des 25-45 tonnes. Ce marché représente 108 véhicules, auxquels s’ajoutent 30 véhicules en option. Le VBCI est en concurrence avec le 8x8 Piranha 5 de General Dynamics et le véhicule chenillé CV 90 de BAE.

● Véhicules 4x4 modulaires, près de 4 000 véhicules de l’avant-blindé (VAB) ont été acquis par les forces françaises. Pesant 14 tonnes et se déplaçant à plus de 90 km/h, le VAB est le véhicule de base des régiments d’infanterie. Il peut embarquer dix fantassins en plus des deux hommes d’équipage. Son armement repose sur un tourelleau, désormais téléopéré à la suite d’une procédure d’acquisition en urgence opérationnelle imposée par les conditions opérationnelles en Afghanistan. En août 2011, la DGA a notifié à Renault Trucks Defense un nouveau contrat visant à la livraison de plusieurs centaines de kit de protection pour les VAB, renforçant leur robustesse face aux EEI sur le théâtre afghan.

En janvier 2011, le taux de disponibilité des VAB était de 59 %, soit à peine plus d’un sur deux. Ce faible pourcentage s’explique notamment par la nécessité d’immobiliser une partie du parc afin d’intégrer de nouveaux équipements technologiques.

Sur le plan industriel, Renault Trucks Defense assure la maîtrise d’œuvre industrielle, Nexter, Thales, MBDA, ZF et ELNO étant les principaux sous-traitants.

Pour succéder au VAB, a été lancé le programme VBMR (véhicule blindé multirôle), intégré au programme SCORPION. Destiné à un emploi similaire à celui des VAB mais avec une mobilité supérieure, le VBMR doit pouvoir embarquer neuf fantassins équipés FELIN. Le niveau de protection du véhicule doit être de 4 selon les normes OTAN, ce qui implique que l’armement du véhicule est téléopéré. Pour répondre à ces exigences, les bureaux d’études de Nexter ont conçu le XP2, véhicule 6x6 de 23 tonnes compilant les qualités des VAB et VBCI.

Selon les informations transmises par l’armée de terre, le programme est désormais en phase d’élaboration, le besoin initial ayant été exprimé dans une fiche de caractéristiques militaires exploratoire (FCM/E) en date du 22 février 2010. Le marché de développement-réalisation doit être contractualisé au cours de l’année 2013 et les premières livraisons sont attendues fin 2016. Le calendrier est contraint mais la nécessité de remplacer au plus vite les VAB incite les responsables à veiller au strict respect du calendrier. L’optimisation tant des performances que du système de soutien et des coûts associés est recherchée au travers de la conception de l’engin et du marché d’architecture de conception Scorpion.

À ce stade, le calendrier des livraisons est prévu selon le schéma détaillé dans le tableau ci-après.

Calendrier du VBMR

VBMR

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

Ult.

Total

Commandes

202

421

251

0

60

503

700

102

0

24

63

0

2 326

Livraisons

   

20

94

197

206

213

247

333

333

309

374

2 326

Source : armée de terre.

d) Les chars

Système d’armes emblématique des guerres du XXsiècle, y compris de la guerre froide, les chars semblent avoir perdu de leur intérêt stratégique et tactique. De récentes opérations ont cependant remis à l’ordre du jour leur emploi. L’effet sur les populations et la force de frappe des chars ont été redécouverts lors de la brève guerre en Georgie mais aussi en Afghanistan où les États-Unis ont décidé de déployer des chars M1 Abraham à l’automne 2010.

Les opérations militaires s’inscrivent cependant de plus en plus dans un environnement urbain, en apparence peu propice au déploiement de blindés lourds pour appuyer la progression de fantassins. « Il apparaît que le besoin en canons décroît au fur et à mesure que [les blindés s’approchent] du centre de la zone urbaine. Incontournables donc dans la zone des approches, au point de pouvoir évoluer sans environnement d’infanterie, les blindés se retrouvent en situation de faiblesse dès lors qu’ils s’engagent dans les centres villes, particulièrement défavorables. […] Tout l’enjeu est donc de trouver le point d’équilibre à partir duquel trop de tubes portent préjudice à l’emploi des blindés »(179).

Il ne peut y avoir de choix définitif entre blindés à roue ou blindés à chenilles. Les roues confèrent souplesse, rapidité, et silence ; les chenilles assurent une mobilité sur tous les terrains et un port de charge plus élevé.

● L’AMX 10 RC est un engin blindé de reconnaissance équipé d’un canon de 105 mm. Véhicule 6x6 à roue, il présente une forte mobilité sur route (85 km/h) malgré ses 17 tonnes. Il a été projeté notamment en Afghanistan et au Liban. Pour le servir, un équipage de quatre hommes est embarqué. Il est fabriqué et rénové par Nexter Systems. En 2010, la rénovation de 256 AMX10 RC a été achevée. Elle a doté ces chars de radios PR4G, de leurres infrarouges et du système d’information terminal SIT V1. En janvier 2011, le taux de disponibilité de l’AMX 10 RC s’établit à 59 %. Le retrait de service des AMX10 RC est programmé pour 2025. Le coût total de la rénovation est de 300 millions d’euros.

Le tableau suivant récapitule les crédits dévolus au programme AMX RC depuis 2006.

Évolution du programme Rénovation AMX10RC

(en millions d’euros)

   

Engagement

CP

Volume commandé

Volume livré

2006

PAP

48,58

40,94

55

15

RAP

47,89

15,84

55

15

2007

PAP

50,11

48,72

55

65

RAP

38,31

47,47

55

62

2008

PAP

24,44

45,44

36

57

RAP

27,88

40,27

36

62

2009

PAP

15,17

33,30

0

55

RAP

12,29

45,88

0

58

2010

PAP

Programme clôturé en 2010 et déclassifié.

RAP

2011

PAP

2012

PAP

Source : ministère de la défense.

Le successeur de l’AMX 10 RC, l’EBRC (engin blindé de reconnaissance et de combat) est une composante du programme Scorpion. Cet engin doté d’un lance-missile T40 pour missiles « tire-et-oublie » de longue portée, doit combiner l’employabilité des AMX 10 RC et la mobilité des VBCI, tout en affichant un niveau 5 de protection. 292 exemplaires sont envisagés pour l’armée de terre, avec des premières livraisons dans le cadre de la prochaine loi de programmation militaire 2015-2020. Lors du salon Eurosatory, alors que la mise en œuvre du programme Scorpion était retardée, PANHARD a présenté le SPHYNX comme potentiel candidat au programme EBRC : aérotransportable, ce véhicule de 17 tonnes bénéficie d’une protection renforcée anti-EEI. Son armement s’appuierait sur des missiles et d’une tourelle de 40 mm.

● 331 AMX 10 P sont actuellement en dotation dans l’armée de terre. Ce véhicule chenillé de combat, de transport et d’appui de l’infanterie mécanisé est entré en service en 1973. Son retrait du service au profit du VBCI est en cours. Pesant 14,4 tonnes, il se déplace à 65 km/h pour une autonomie de 600 kilomètres. Il peut embarquer 11 hommes dont trois d’équipage. Son armement principal est constitué d’un canon de 20 mm et d’une mitrailleuse 7.62. Diverses versions de l’AMX 10P intègrent des postes de tir de missiles MILAN ou HOT. L’armée de terre dispose toujours d’un parc de 18 AMX 30D, char de dépannage.

Véhicule à roues 6x6 mais plus petit (8,3 tonnes) que l’AMX 10-RC, l’ERC 90 SAGAIE, servi par trois hommes, est équipé d’un canon de 90 mm. PANHARD est le maître d’œuvre industriel de ce véhicule. La disponibilité de l’ERC90 a chuté de 67 % en 2007 à 51 % en janvier 2011. Selon le ministère de la défense, « ce matériel a souffert de défauts de fabrication que l’industriel se charge actuellement de solutionner » (180).

● Char de combat dit de troisième génération succédant à l’AMX 30, le Char Leclerc a été un programme d’armement particulièrement décrié. Au printemps 2011, Christian Mons, président du GICAT, se demandait encore « s’il fallait produire seuls un char de combat de la taille du Leclerc : alors que le Léopard 2 a été vendu à quatorze pays, le Leclerc l’a été à un seul et dans des conditions économiques contestables. On fabrique de très bons matériels qu’on n’arrive pas toujours à vendre : on dit que le char Leclerc est très cher et, malgré la vente de 400 exemplaires aux Émirats arabes unis, non seulement nous n’avons pas fait de bénéfices, mais nous avons perdu de l’argent. Le dossier a probablement été mal géré et je ne crois pas qu’on aurait dû accepter de changer de moteur. En tout cas, le char aurait dû être vendu à d’autres pays, tels l’Arabie Saoudite, avec qui cela n’a pas été possible pour des raisons politiques diverses. S’il est difficile de refaire l’histoire, il faut éviter qu’elle se répète et que le futur soit pire que le passé ! » (181).

Conçu pour la guerre froide, il a été remis en question par la chute du mur de Berlin. D’une cible initiale de 1 400 chars, la cible a été ramenée en 1996 à 406 unités, alourdissant le coût unitaire du char. En octobre 2001, la Cour des Comptes a estimé le coût total d’acquisition du Char Leclerc à 6,46 milliards d’euros, soit un coût unitaire de près de 16 millions d’euros.

GIAT industries devenu Nexter a été le maître d’œuvre industriel de ce programme et demeure l’opérateur principal pour sa rénovation.

Le premier exemplaire a été livré à l’armée de terre en 1991. Mais les 17 premiers chars ont révélé de graves défauts de conception, imposant de lourdes opérations d’amélioration pour les rendre aptes au service opérationnel. Ceci explique que le premier groupement n’ait été déclaré opérationnel qu’en décembre 1998. Depuis, la projection du char au Kosovo puis au Liban a répondu aux attentes capacitaires des forces armées.

Pesant 54 tonnes, le char Leclerc est doté d’un canon de 120 mm, d’une mitrailleuse de 12,7 mm et d’une mitrailleuse 7,62 mm. Concernant les munitions, il emporte 40 coups OFL (pour neutraliser les chars lourds) ou OECC (pour la destruction de blindés légers et construction). Il en mesure de faire feu tout en roulant. Son autonomie lui permet de parcourir 550 km, portés à 650 km avec l’adjonction de réservoirs supplémentaires. Sa vitesse moyenne est de 50 km/h. Son équipage est composé de trois hommes.

Le taux de disponibilité des chars Leclerc a été redressé depuis son point bas de 2008 établi à 32 %. En janvier 2011, ce taux s’établissait à 53 % après un pic à 57 % en 2010. Selon le ministère de la défense, « le fléchissement de 4 % entre 2010 et 2011 du taux de disponibilité des chars d’assaut Leclerc va être prochainement résorbé par la montée en puissance du marché de soutien en service post-production Leclerc (SSPP), notifié à la société Nexter Systems. Ce marché vise, d’une part, à garantir la pérennité du soutien du parc Leclerc en service dans les dix années à venir pour un coût maîtrisé, d’autre part, à produire la juste disponibilité des parcs permettant à l’armée de terre la tenue de son contrat opérationnel » (182). La loi de programmation militaire 2009-2014 renvoie à 2015 et au-delà la rénovation progressive du char Leclerc.

En Europe, plusieurs chars lourds sont en service :

- conçu dans les années 1960 par la société allemande Krauss-Maffei Wegmann, le Leopard 1 continue à équiper onze forces terrestres dans le monde. Avec ses 42,2 tonnes et son canon de 105 mm, il peut évoluer à 65 km/h. Plus gros que le précédent, le Leopard 2, armé d’un canon 120 mm, pèse entre 55,4 et 62,5 tonnes. Sa vitesse maximale est d’un peu plus de 70 km/h. Ce char a été vendu à plus de 3 000 exemplaires dans le monde. Présentant les mêmes caractéristiques de calibre et de déplacement mais avec un poids de 68 tonnes, le char américain M1 ABRAHAM de la société Chrysler a été déployé sur les théâtres irakiens et bosniaques au cours des années 1990 ;

- la société espagnole Santa Barbara, filiale de l’américain General Dynamics, exploite la licence des Leopard pour le compte des forces espagnoles avec un dérivé, le Leopard 2E. Le coût total de ce programme espagnol est évalué à deux milliards d’euros. Afin de réaliser des économies, le gouvernement espagnol est en négociation avec l’Arabie Saoudite pour la session de 200chars Leopard 2E pour un montant de trois milliards d’euros ;

- véhicule de combat d’infanterie fabriqué par Krauss-Maffei Wegmann, le PUMA pèse entre 31,5 et 43 tonnes selon les niveaux de protection. Il peut se déplacer à une vitesse maximale de 70 km/h. Son armement s’appuie sur un canon de 30 mm ;

- autre véhicule blindé de combat d’infanterie à chenille, le Pizarro (ULAN dans sa dénomination autrichienne) est développé par deux filiales européennes de l’américain General Dynamics, Steyr (Autriche) et Santa Barbara (Espagne). Pesant 27 tonnes pour une capacité de déplacement à 70 km/h, il emporte sept hommes en plus des trois hommes d’équipage. Son armement consiste en un canon MAUSER de 30 mm et une mitrailleuse MG-3 7,62 mm. Ces équipements peuvent être renforcés avec un canon de 105 mm. Le Pizarro peut être décliné en plusieurs versions selon les capacités recherchées : antichar, commandement, génie… En 2011, malgré la récession économique, les forces espagnoles visent l’acquisition de 43 exemplaires sur une commande globale de 356 établie en 1996 ;

- la Russie dispose du char d’assaut T-90 de 46,5 tonnes doté d’un canon de 125 mm. Ce char, développé au début des années 1990, a été exporté en Inde, en Algérie et en Arabie Saoudite. Devrait lui succéder à partir de 2015 un char de nouvelle génération appelé Armada , le ministère de la défense russe ayant abandonné un autre projet, le T-95, enlisé dans des difficultés industrielles.

Le dépanneur du char Leclerc assure les fonctions de récupération et d’évacuation d’un char Leclerc endommagé ou en panne. En 2002, le besoin opérationnel lié au dépanneur a été ramené de 30 à 20 unités. Sur le marché européen existe également le BPz 3 Büffel, dépanneur blindé à protection renforcée contre les mines et les IED, produit par l’allemand Rheinmetall.

Le 3 novembre 2010, le 516régiment du train de Toul en Meurthe-et-Moselle a réceptionné la première semi-remorque porte chars de nouvelle génération SR-PC 50, attelable à tous les tracteurs existants au sein des forces. 110 exemplaires doivent être livrés aux forces d’ici janvier 2012. Avec une charge utile sur route de 53,8 tonnes, elle peut transporter tous les véhicules dont les chars Leclerc. En opération extérieure, sa charge utile peut être portée à 70 tonnes. La société Nicolas Industrie, implantée à Champs-sur-Yonne dans l’Yonne, est le maître d’œuvre industriel de ce programme.

3. La capacité de feu dans la profondeur

Sous cette dénomination sont regroupés des systèmes d’armes de l’artillerie, les lanceurs mettant sur des trajectoires balistiques ou programmées des obus, des roquettes ou des missiles.

Les opérations militaires menées en Afghanistan dans un environnement montagneux, face à une insurrection éparse, n’ont pas enlevé l’intérêt du recours à l’artillerie. Elles en ont cependant modifié les doctrines d’emploi : « la guerre contre l’insurrection implique plusieurs constantes qui façonnent les modes d’action de l’artillerie dans ses missions traditionnelles de feu et de renseignement. Il s’agit en effet d’appuyer face à un adversaire difficilement décelable au cours d’opérations aux multiples volets et au sein d’une population, centre de gravité imposant un emploi de la force à un niveau strictement nécessaire. Si les modes d’action et l’entraînement des artilleurs ont nécessairement évolué pour faire face à ce nouvel environnement, il n’en reste pas moins vrai que l’artillerie demeure l’ultima ratio regum » (183), c’est-à-dire l’argument ultime des rois.

Plusieurs systèmes d’arme sont en service au sein de l’armée de terre. De portée différente, ils sont mis en œuvre par les fantassins, par les hélicoptères ou par des plateformes d’artillerie dédiées. La finalité de ces systèmes est l’appui feu au contact, sot la riposte à longue distance ou la dissuasion. Le graphique ci-après présente les capacités des systèmes actuellement en service.

Portée des systèmes d’artillerie

Source : ministère de la défense.

a) Les missiles

● Missile antichar de très courte portée (jusqu’à 600 mètres) pesant une vingtaine de kilos, l’ERYX est un système porté par les fantassins. Ce système est mise en œuvre sur un trépied ou à l’épaulé. Grâce à sa lunette thermique Mirabel, il est utilisable de jour comme de nuit, de tout temps ce qui en fait une arme de grande souplesse d’emploi. En 2010, 492 systèmes ERYX sont en dotation dans l’armée de terre. MBDA est le maître d’œuvre industriel de ce programme avec pour principaux sous-traitants, Roxel, Serat et Thales.

Arme antichar également épaulée mais plus rustique, le RPG, rocket propelled Grenade, reste très utilisé sur tous les théâtres d’opération par des forces à faible capacité technologique. En février 2011, un chasseur-alpin français du 7e BCA a ainsi trouvé la mort dans la vallée d’Alasay en Afghanistan lorsque son VAB a été touché par une roquette tirée par un rebelle grâce à un RPG.

● Missile sol-sol antichar de courte portée (jusqu’à 2 000 mètres parcourus à 200 mètres/ seconde), le missile MILAN, associé à son lanceur, pèse près de 30 kg. En service dans 43 pays, il occupe 75 % du marché mondial dans sa catégorie. En Inde, il est fabriqué sous licence par le groupe Bharat Dynamics Limited. À l’automne 2010, le ministère de la défense indien a signé un contrat visant à la fourniture de 4 100 missiles MILAN version 2T.

Le ministère français de la défense a demandé à MBDA de développer une nouvelle version permettant l’usage du missile à partir d’un espace confiné et en mode « tire et oublie ». La cible est de 500 postes de tir et de 3 000 munitions, l’armée de terre possédant actuellement 540 postes de tir). Ce nouveau missile de moyenne portée (MMP) a pris du retard imputable, selon le ministère de la défense, à l’industriel. En juillet 2011, le comité ministériel d’investissement a confirmé la commande du MMP, levant une hypothèque très lourde pour MBDA qui avait engagé ses bureaux d’études sur ce programme sans garantie finale de l’État jusqu’à présent.

Dans l’attente, la France a acquis des missiles Javelin. D’une portée de 2 500 mètres, ce missile guidé par infrarouge pèse 18 kg, unité de tir incluse. Le contrat de 70 millions de dollars américains signé le 9 juillet 2010 à Washington, porte sur la livraison de 260 missiles et 76 lanceurs par Raytheon et Lockheed Martin. Ce système a été préféré au système concurrent SPIKE produit par l’israélien RAFAEL.

Le tableau suivant récapitule les crédits dévolus aux programmes Milan et Javelin depuis 2006.

Évolution des programmes MILAN et JAVELIN

(en millions d’euros)

   

Engagement

CP

Volume commandé

Volume livré

2006

PAP

0

0

0

0

RAP

0

0

0

0

2007

PAP

0

0

0

0

RAP

0

0

0

0

2008

PAP

0

0

0

0

RAP

0

0

0

0

2009

Milan

PAP

41,0

5,0

50 postes/

250 missiles

0

RAP

0,0

0,0

0

0

2010

Javelin

PAP

80,0

0,0

1er lot

0

RAP

64,5

48,5

76 postes/

260 missiles

48 postes/

260 missiles

2011

PAP

0,0

10,0

0

0

2012

MMP

PAP

375,0

18,9

(1)

(1)

Source : ministère de la défense.

● Programme franco-allemand développé par Euromissile associant MBDA et LFK depuis 1979, le missile antichar HOT a une portée de quatre kilomètres permettant à la plateforme d’où il est tiré, d’être hors de portée de la cible. À une vitesse de 20 m/s, les quatre kilomètres sont atteints en 17 secondes. En 1985, puis en 1998, ce missile a été rénové pour renforcer ses capacités de perforation face aux évolutions des blindages des cibles potentielles.

Ce missile air-sol équipe les hélicoptères Gazelle, Dauphin, Tigre dans la lutte antichar. Il a été employé notamment dans le cadre des opérations de la force Licorne en Côte d’Ivoire, en avril 2011, à partir d’hélicoptère Gazelle. Il peut être également en configuration sol-sol sur des VAB, des VCR, des AMX 10, grâce à des tourelles UTM 800 ou Mephisto conçues par MBDA et fabriquées par Nexter. Au total, l’armée de terre dispose en 2010 de 28 systèmes HOT.

18 pays ont acquis le missile HOT dans les deux modes (air-sol et sol-sol). En décembre 2010, le gouvernement libanais a annoncé être destinataire de 100 missiles HOT livrés par la France.

Autre missile antichar pour hélicoptère d’attaque, les Hellfire de l’américain Lockheed Martin sont développés depuis 1974 et existent aujourd’hui en diverses versions, notamment en terme de pénétration des cibles (char, bunker, voire hélicoptère en vol). Pesant 45 à 49 kg, il peut atteindre une cible jusqu’à 11 km. En sont équipés notamment les hélicoptères d’attaque américains Apache mais aussi l’Arabie Saoudite.

b) L’artillerie

● Le mortier tracté MO 120 mm Mle F1 peut tirer différents projectiles dont la portée oscille entre 6 et 13 kilomètres à une cadence moyenne de 6 coups par minute et une cadence maximale de 20 coups par minute. Six hommes sont nécessaires pour la mise en œuvre du mortier. Le taux de disponibilité du MO 120 est de 60 % en janvier 2011 sur un parc total de 192 mortiers.

● Artillerie de 155mm/52 calibres montée sur châssis de camion 6x6, le système CAESAR (camion équipé d’un système d’artillerie) est à la croisée des automoteurs d’artillerie et des canons tractés sans cumuler leurs handicaps respectifs. Ce véhicule se déplace à 85 km/h sur route et à 50 km/h sur les chemins. Tirant 6 coups par minutes (avec un emport de 18 coups), il a une portée de 4,5 à 40 kilomètres. Sa mise en batterie est réalisée en moins d’une minute. Il faut de trois à cinq hommes pour servir le système. Huit systèmes sont déployés en Afghanistan et cinq au Liban. Le canon CAESAR a donné pleine satisfaction aux forces en apportant une capacité de feux d’appui directs ou indirects.

Lancé en 2004 avec une cible initiale de 77 exemplaires, ce programme a été qualifié en 2008 et la première livraison est intervenue en juillet de la même année. Nexter Systems est en change du système d’armes (réalisé à Bourges) et Renault Trucks Defense du véhicule porteur (construit à Limoges), l’intégration s’effectuant à Roanne. Le contrat prévoit non seulement la livraison du système mais aussi son maintien en condition opérationnelle jusqu’en 2013. En 2010, 25 systèmes CAESAR ont été livrés à l’armée de terre, clôturant le programme dont le coût total s’élève à 339,18 millions d’euros comme le montre le tableau suivant.

Évolution du programme CAESAR

(en millions d’euros)

   

Engagement

CP

Volume commandé

Volume livré

2006

PAP

1,01

39,41

0

0

RAP

7,52

49,03

0

0

2007

PAP

1,46

35,89

0

0

RAP

0,03

42,40

0

0

2008

PAP

0,00

53,61

4

16

RAP

0,48

17,29

0

10

2009

PAP

34,00

54,72

4

34

RAP

20,71

70,46

4

38

2010

PAP

39,00

59,23

0

34

RAP

33,60

57,93

0

25

2011

PAP

5,73

1,97

0

4

2012

PAP

0,14

9,67

0

0

Source : ministère de la défense.

En 2010, il a été décidé de reporter à 2019 la deuxième tranche des CAESAR, ce qui ne devrait pas avoir de conséquence capacitaire immédiate. En revanche, l’armée de terre souligne que tout décalage supplémentaire risque de générer un risque important de rupture capacitaire à hauteur de 50 % des pièces d’artillerie compte tenu de l’obsolescence des AUF1 et TRF1 dès 2017. Ce report devrait en revanche poser des problèmes immédiats sur le plan industriel si Nexter n’obtient pas de marché à l’export lui permettant de maintenir sa chaîne de production.

La Thaïlande et l’Arabie Saoudite se sont portés acquéreurs du système CAESAR. Sur le marché mondial dans la catégorie « artillerie de 155 mm », on peut mentionner le Panzerhaubitze 2000 (PzH2000) de Krauss-Maffei-Wegmann qui présente une portée de plus de 55 km. De même calibre et portée, le Donar de Krauss-Maffei-Wegmann présente un poids moindre permettant son installation sur un châssis mobile.

● L’obus de 155 mm antichar à effet dirigé (ACED) ou BONUS (Bofor Nutating Shell) est la première munition antichar intelligente, destinée à détruire des chars, véhicules blindés légers et autres automoteurs d’artillerie par le toit, que les véhicules soient à l’arrêt ou en mouvement. Sa portée en 52 calibres est de 35 kilomètres. Chaque obus emporte deux doubles charges militaires antichars à effet dirigé, permettant de traiter deux cibles. La charge peut percer un blindage de 100 mm. L’objectif est la destruction à 15 kilomètres d’une batterie d’artillerie ou une compagnie de blindés légers fixes avec moins de 12 obus, d’une compagnie de blindés légers mobiles ou un escadron de chars fixes avec moins de 20 obus, d’un escadron de chars mobiles avec moins de 24 obus.

Le détecteur/déclencheur de cibles développé et fabriqué par Intertechnique est un détecteur passif multibande infrarouge équipé d’un altimètre permettant la détection de cibles ponctuelles (véhicule et engins blindés) et étendues (pistes, shelters…). Ses fonctions d’altimétrie/télémétrie lui permettent de déterminer le point d’impact optimal.

Programme mené en coopération avec la Suède, l’obus BONUS est fabriqué par Nexter et Bofors.

● Le lance-roquette unitaire (LRU) doit remplacer le lance-roquettes multiples (LRM) dont l’usage est interdit à la suite de la ratification par la France de la convention dite d’Oslo sur les armes à sous-munitions du 3 décembre 2008. En ratifiant cette convention internationale, la France s’est engagée à détruire ses stocks d’armes à sous-munitions, dont les roquettes M26 employées par le LRM. À cette fin, la commission nationale pour l’élimination des mines antipersonnel, créée à la suite de convention dite d’Ottawa sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel du 3 décembre 1997, a vu son champ de compétences étendu au suivi des obligations issues de la convention d’Oslo.

La France conservera un maximum de 500 armes à sous-munitions pour « la mise au point de techniques de détection, d’enlèvement ou de destruction des armes à sous-munitions et sous-munitions explosives ou pour le développement de contre-mesures […] et pour la formation à ces techniques » (184). Le service interarmées des munitions est l’échelon central en charge de la neutralisation, de l’enlèvement et de la destruction des explosifs. Pourront également intervenir sur ces armes la section technique de l’armée de terre, l’école supérieure et d’application du génie, l’école de plongée de la marine, la direction technique de la DGA, la direction du renseignement militaire et la DGSE.

Le système LRU se décompose en un lanceur équipé d’une conduite de tir et de roquettes GMLRS M31 à charges explosives unitaires permettant des tirs de précision avec des effets collatéraux réduits au maximum sans dégradation de leur efficacité. Sa portée est de 70 kilomètres de tout temps. Le dispositif de déclenchement de la charge militaire permet de graduer les effets sur la cible.

Le 8 septembre 2011, la DGA a commandé la transformation de 13 LRM en LRU à la société allemande Krauss Maffei Wegmann qui aura pour partenaires notamment Thales, Cassidian et SAGEM. La livraison est programmée pour 2014. 264 roquettes ont été commandées en 2009 à la société américaine Lockheed Martin.

Le tableau suivant récapitule les crédits dévolus au programme LRU depuis 2006 dont le coût total est estimé à 165 millions d’euros.

Évolution du programme LRU

(en millions d’euros)

   

Engagement

CP

Volume commandé

Volume livré

2006

PAP

0,00

0,00

0

0

RAP

0,00

0,00

0

0

2007

PAP

0,00

0,00

0

0

RAP

0,00

0,00

0

0

2008

PAP

0,00

0,00

0

0

RAP

0,00

0,00

0

0

2009

PAP

10,52

10,52

1 lanceur

250 roquettes

0 lanceur

0 roquette

RAP

29,29

5,21

4 lanceurs

252 roquettes

0 lanceur

0 roquette

2010

PAP

69,31

0,00

22 lanceurs

252 roquettes

0 lanceur

12 roquettes

RAP

0,00

5,65

0 lanceur

0 roquette

0 lanceur

0 roquette

2011

PAP

0,00

7,88

0 lanceur

0 roquette

0 lanceur

0 roquette

2012

PAP

8,18

48,34

13 lanceurs

0 roquette

0 lanceur

0 roquette

Source : ministère de la défense.

● Les différents travaux de prospective accordant à l’artillerie un rôle décisif dans les opérations militaires, des travaux de recherche autour de nouvelles armes sont en cours dans plusieurs États. Pour se protéger des roquettes tirées depuis la bande de Gaza, Israël met en œuvre l’IRON DOME. En 2011, à plusieurs reprises, ce système a détecté et détruit des roquettes.

MBDA Allemagne mène des travaux de recherche, sous l’égide de l’agence européenne de défense, pour la mise au point d’un laser destructeurs de roquettes. Ce laser C-RAM (Counter-rocket, artilery and mortar) ne nécessite aucune munition et opère avec une précision inégalée à la vitesse de la lumière. Un démonstrateur technologique est en cours de développement. Le laser peut également être employé pour lutter contre les EEI.

Mention doit également être faite du Railgu, ou canon électromagnétique, présenté comme le système d’arme du futur appelé à remplacer les systèmes d’artillerie traditionnels. Développé notamment par le centre de recherche de Dalgren de la marine américaine, ce canon aurait une portée de 370 kilomètres et ses obus pourraient atteindre la vitesse de Mach 5 grâce au champ électromagnétique interne au canon.

4. Quel avenir pour l’industrie française d’armement terrestre ?

a) Panorama de l’industrie française

Issu de la transformation de GIAT industries en société anonyme, le leader français de l’armement terrestre, Nexter, est devenu le 57e groupe industriel mondial de défense, selon le classement 2009 établi par le SIPRI.

Le groupe compte plusieurs filiales réparties en trois pôles : un pôle systèmes (Nexter Systems, Nexter Training, Cta International), un pôle équipements (Nexter Electronics, Nexter Mechanics, Nbc-Sys, Euro-Shelter, Optsys) et un pôle munitions (Nexter Munitions). Ses principaux produits sont le VBCI, le CAESAR, les munitions pour les chars et l’artillerie, les munitions de moyen calibre. Nexter développe également des systèmes de communications et des systèmes d’armes pour plateformes aériennes et navales.

Comptant 2 700 salariés, l’entreprise a un chiffre d’affaires consolidé de 1,1 milliard d’euros en 2010, à rapprocher des 887 millions d’euros réalisés en 2009 et des 579 millions d’euros de 2008. En revanche, le niveau de commandes enregistrées en 2010 s’établit à 601 millions d’euros dont 55 % pour la France. Ces commandes s’établissaient en 2009 à 1,3 milliard d’euros. « Au 31 décembre 2010, le carnet de commandes du groupe NEXTER s’élève à deux milliards d’euros, l’équivalent de 2,5 années d’activité » (185). Toutefois, la fin de la production du système d’artillerie CAESAR engendre pour le groupe une baisse d’activité notamment sur son site de Bourges dans le Cher, amenant la direction à présenter un plan de suppression de postes.

NEXTER n’est pas le seul acteur industriel français de l’armement terrestre. Alors que l’ex-GIAT se décrit plus comme systémier (c’est-à-dire développeur et fournisseur de systèmes d’arme), d’autres sociétés s’inscrivent plus dans une logique de plateformiste.

Il en va ainsi de Renault Trucks Defense : lorsqu’en 2001, Renault cède sa branche véhicule industriel au groupe suédois Volvo, la société française lui transfère également son activité de défense qui devient en 2002 Renault Trucks Defense. En 2010, la filiale de Volvo a réalisé un chiffre d’affaires de 300 millions d’euros dont 30 % à l’export. Renault Trucks Defense est installé sur plusieurs sites : Versailles (Yvelines) accueille son siège tandis que Limoges (Hautes-Vienne) est le centre de production de véhicules militaires. D’autres activités du groupe sont implantées à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), à Voisins le Bretonneux (Yvelines), Garchizy (Nièvre).

L’entreprise conçoit et fabrique des véhicules à roue destinés aux forces terrestres dans leurs missions de combat, de soutien, de commandement et de logistique. Un de ses produits phare demeure le VAB. La société participe également au programme VBCI avec NEXTER. S’appuyant sur son réseau de concessionnaires civils, Renault Truck Defense assure également la maintenance des véhicules tactiques et logistiques des armées (GBC 180, TRM 2000, TRM 10 000, VTL).

Basée à Marolle en Hurepoix (Essonne) et à Saint-Germain Laval (Loire), la société Panhard General Defense produit des véhicules à roues 4x4 de moins de 15 tonnes destinés au combat, au soutien, à l’appui ou au renseignement des forces terrestres. Parmi ses équipements phares figurent le véhicule blindé léger (VBL) et le petit véhicule protégé (PVP). En 2008, Panhard compte 335 salariés et son chiffre d’affaires en 2010 est de 108 millions d’euros. Pour son PDG, Christian MONS, « Panhard n’est pas à vendre, mais l’entreprise est disponible pour participer à une action de consolidation des acteurs français, que ce soit sous la forme d’une vente, d’une fusion, d’une combinaison, d’une joint-venture, d’un groupement d’intérêt économique (GIE) ou de tout autre dispositif. Avec un chiffre d’affaires de 100 millions d’euros, Panhard est en effet très au-dessous du seuil critique même si elle est concentrée sur une niche (les blindés légers). Faute de consolidation entre les acteurs français, les actionnaires finiront par vendre à des sociétés étrangères » (186).

Société de 2 000 salariés basée à Duppigheim dans le Bas-Rhin, Lohr a concentré ses activités défense au sein d’une filiale, Soframe (75 salariés). Son activité recouvre les véhicules de transport de différents tonnages, du véhicule léger (PVP) au porte chars, en passant notamment par des matériels spécifiques (matériel de franchissement, ponts d’assaut…). Soframe produit des véhicules légers (PVP) et des véhicules de logistique. Associée à l’italien Iveco, elle a remporté le marché des porteurs polyvalents terrestres, convoités notamment par Renault Trucks Defense. Sous-traitant de Nexter, elle a participé au programme CAESAR.

Filiale du groupe allemand TII, Nicolas Industrie, installée à Champs sur Yonne dans l’Yonne, est spécialisée dans le transport routier lourd et emploie 200 personnes avec un chiffre d’affaires de 42 millions d’euros orientés à 80 % à l’international. Il produit notamment le porte char SR PC 50.

b) Une concurrence forte

i. La concurrence allemande et américaine

L’industrie française d’armement terrestre doit faire face à une forte et puissante concurrence étrangère dominée par les Allemands et les Américains.

● Fondée en 1889 à Düsseldorf, la Rheinische Metallwaaren und Maschinenfabrik Actiengesellschaft (Rheinmetall) a réalisé en 2009 un chiffre d’affaire de deux milliards d’euros et emploie plus de 9 300 personnes. Déjà acteur majeur de l’industrie de défense allemande à la veille de la première guerre mondiale, notamment sur le secteur des munitions, Rheinmetall a diversifié sa production sous les différents régimes qui se sont succédé. Au lendemain de la seconde guerre mondiale et dans le cadre de la création de la Bundeswehr, Rheinmetall AG devenue Rheinmetall GmbH relance son activité de défense terrestre qui ne cessera de se développer et d’étendre sa gamme dans les décennies suivantes. À la fin des années 1970, la livraison des chars Léopard 2 à l’armée allemande marque le début d’une ère de prospérité pour le groupe allemand. En 2002, Rheinmetall organise ses activités autour de quatre secteurs (armements terrestres, défenses anti-aériennes, armes et munitions, électronique de défense) auxquels viendront s’ajouter la simulation et l’entraînement ainsi que la propulsion. En 2010, Rheinmetall AG et MAN Nutzfahrzeuge AG s’unissent pour créer Rheinmetall MAN Military Vehicles GmbH (RMMV), devenant un acteur mondial majeur sur les véhicules militaires à roues.

● Second mastodonte allemand de l’industrie de défense terrestre, Krauss-Maffei Wegmann, propriété de la famille Wegmann après la cession des parts de Siemens, réalise en 2009 un chiffre d’affaires de 1,2 milliard d’euros dont 70 % réalisés à l’export. Basée à Munich en Bavière, cette société est spécialisée dans les blindés avec pour produit phare le char Leopard, le char Puma, le blindé à roue Dingo. Implanté en Allemagne, aux Pays-Bas, en Grèce, à Singapour et aux États-Unis, Krauss-Maffei Wegmann compte 3 400 salariés. Le schéma suivant détaille l’organisation de cette société.

Organisation du groupe Krauss-Maffei

Source : www.kmweg.de.

En 2002, le Bundestag a approuvé le lancement d’un nouveau véhicule de combat d’infanterie, programme considéré comme crucial pour consolider l’industrie allemande de défense terrestre. D’un montant de 200 millions d’euros, le programme est attribué au consortium PSM GmbH composé à 50 % par Rheinmetall Landsysteme et Krauss-Maffei Wegmann.

● Géant industriel comptant plus de 90 000 salariés dans le monde, l’américain General Dynamics a créé une filiale européenne de l’armement terrestre, General Dynamics European Land Systems, qui a son siège à Vienne en Autriche. En Europe, GD compte 3 250 salariés dans 12 établissements répartis en Autriche, en Espagne, en Allemagne et en Suisse comme le montre le graphique ci-après.

Implantations européennes de General Dynamics

Source : www.gdels.com.

Basé à Madrid, Santa Barbara sistemas (GDSBS) compte 2 300 salariés en Espagne et en Allemagne. Cette société développe et produit des véhicules de combat terrestre, des véhicules amphibies, des munitions et des armes. En matière de véhicules blindés, elle a développé une stratégie de transfert de savoir-faire industriel à partir de programmes en coopération : dans les années 1970, non encore filiale de General Dynamics, cette société espagnole a produit les chars français AMX 30. Aujourd’hui, elle détient la licence des Leopard 2E, fer de lance du groupe allemand Krauss-Mafei pour équiper les forces espagnoles. Sur le segment des missiles, elle participe à différents programmes étrangers : HOT, MISTRAL, TOW, MILAN, ROLAND. Elle manufacture également l’obusier 155/52 APU SBT, canon de 155 mm.

GDELS Germany GmbH est spécialisé dans les ponts mobiles. La filiale autrichienne, GDELS Steyr, produit notamment des véhicules chenillés. L’antenne Suisse, GDELS Mowag basé à Kreuzlingen et comptant 800 salariés, fabrique des véhicules blindés à roue (EAGLE, DURO, PIRANHA). Filiale de General Dynamics, Axle Tech International, spécialisé notamment dans les essieux de véhicules lourds civils et militaires, dispose d’une unité française à Saint-Étienne dans la Loire.

● Depuis 1917, la société américaine OshKosh Corporation produit des véhicules lourds spécialisés dans la logistique et le soutien tant pour le secteur civil que pour la défense. Son chiffre d’affaire global est de 9,8 milliards de dollars américains. Outre les États-Unis, le groupe est implanté en Australie, en Chine, en France, en Belgique, en Roumanie et aux Pays-Bas. Il compte 12 600 salariés environ.

● BAE systems, branche armement terrestre du groupe anglo-américain BAE, a son siège aux États-Unis et regroupe 19 800 salariés. En 2009, son chiffre d’affaire s’élevait à 6,738 milliards de livres répartis comme le montre le graphique ci-après.

Chiffre d’affaires de BAE Systems

Source : www.baesystems.com.

Ses principaux clients sont les armées des États-Unis, du Royaume-Uni, de Suède et d’Afrique du Sud.

ii. Les autres concurrents

Le consortium italien Finmeccanica compte, parmi ses nombreuses entités, la société Oto Melara S.p.a. Fondée en 1905, rachetée par Finmeccanica en 1994, elle réalise en 2009 un chiffre d’affaires de 350 millions d’euros et compte 1 242 salariés.

92e groupe de défense mondial en 2009 selon le classement du SIPRI, le groupe finlandais PATRIA réalise un chiffre d’affaire de 624 millions d’euros, en forte baisse par rapport à 2008. En 2009, le groupe a consacré 18,5 millions d’euros à la R&D. Ses 3 410 employés se répartissent entre différentes unités dont les principales sont l’électronique de défense et l’armement terrestre (AMV). L’État finlandais détient 73,2 % du groupe, EADS possédant les 26,8 % restants.

Créé en 1891, le constructeur suédois de poids lourds Scania investit également le secteur de la défense et fournit de nombreuses armées européennes en porte chars, porte containers, dépanneurs et autres véhicules spécialisés. Le groupe compte 32 300 salariés dans le monde entier. Ses sites de production sont en Suède, en France (Angers), aux Pays-Bas, en Argentine, au Brésil, en Pologne et en Russie. Son chiffre d’affaire global est de 62 millions de couronnes suédoises.

Le groupe sud-africain Denel est une société de droit privée détenue par l’État sud-africain. Par ses filiales Denel Land Systems, PMP Denel, le groupe développe des programmes d’équipements destinés en premier lieu aux forces terrestres sud-africains puis au marché mondial. De l’arme légère aux véhicules de combat en passant par les systèmes d’artillerie, Denel est devenu un acteur majeur notamment dans les pays émergents.

North Industries Corporation (NORINCO) est un conglomérat public chinois ayant notamment une forte activité de développement et production d’armement terrestre.

c) L’avenir de l’industrie d’armement terrestre en France

Dans cet environnement concurrentiel, quel est l’avenir de l’industrie française d’armement terrestre ? Président du groupement des industries françaises de défense terrestre (GICAT), Christian Mons souligne la fragilité des sociétés qu’il représente : « les chiffres d’affaires de Nexter, Renault Trucks Defense (RTD) et Panhard cumulés hors munitions sont de l’ordre d’un milliard d’euros, mais aucune de ces entreprises ne dispose d’une taille significative par rapport à ses concurrents étrangers. Cette taille réduite se traduit par des capacités d’investissement insuffisantes, une perte de compétitivité et a des conséquences négatives pour l’ensemble du domaine terrestre et aéroterrestre. D’ailleurs, le chiffre d’affaires des 213 sociétés du GICAT équivaut à celui d’un seul de nos grands concurrents anglo-saxons – BAE Systems ou General Dynamics » (187).

Plusieurs options se présentent aux sociétés françaises. Elles peuvent constituer un consortium industriel français de l’armement terrestre. La réalisation du VBCI a fait travailler conjointement Nexter et Renault Trucks Defense, sans que les deux sociétés ne décident de se rapprocher plus encore. Opportunité manquée ? Cette stratégie exige, comme levier, le lancement d’un programme majeur d’équipement pour l’armée de terre, donnant à l’État les moyens politiques et financiers pour se faire rapprocher les sociétés françaises. Aujourd’hui, un tel programme n’existe pas. Scorpion aurait pu l’être mais ses difficultés et son éclatement en ont affaibli la capacité unificatrice. Les dissensions apparues au sein du groupement des industries françaises de défense terrestre (GICAT) menant Nexter à en boycotter les instances pendant trois ans soulignent le chemin à accomplir pour unifier la filière.

Un premier rapprochement entre Renault Trucks Defense et Panhard, plus modeste, apparaît aujourd’hui plus réaliste. Les deux sociétés sont sur des gammes de véhicules complémentaires et ont besoin l’une de l’autre pour conforter leur activité et rationaliser leur outil de production. Leur rapprochement serait un signal fort que l’État, actionnaire de Nexter, ne pourrait pas ignorer.

Une autre option constitue à intégrer un grand groupe français présent sur d’autres secteurs. Est ainsi évoquée l’intégration de Nexter dans Thales. En mai 2011, Luc Vigneron, PDG de Thales, précisait que « vis-à-vis de Nexter, la position de Thales dépendra des décisions du Gouvernement concernant les modes de consolidation dans l’armement terrestre en France et en Europe. Si dans le schéma qu’il retient, notre groupe peut trouver matière à synergies commerciales, organisationnelles et technologiques, cela peut être intéressant. […] Nous réalisons 500 millions d’euros de chiffre d’affaires dans le même domaine que Nexter, en France et en Belgique – avec respectivement TDA et sa filiale Forges de Zeebrugge – et surtout en Australie, dans des activités touchant aux blindés et aux munitions. Thales, sans être un acteur international majeur en la matière, n’est pas non plus négligeable. Je souhaite construire un groupe ayant un sens du point de vue industriel, pas une « grande SICAV de défense » » (188).

La troisième option serait d’opérer des rapprochements européens. La domination allemande n’autorise pas un axe franco-allemand. Il faut donc se tourner vers les groupes de moindre importance. À l’instar de l’option franco-française, de tels rapprochements ne peuvent se faire qu’autour d’un programme européen majeur. Tout comme pour la France, ce dernier n’existe pas actuellement.

Toute évolution du paysage industriel français en matière d’armement terrestre nécessitera de clarifier plusieurs points :

- la participation de l’État au capital de Nexter peut être un obstacle à un rapprochement européen voire français. L’entreprise est détenue à 100 % par l’État. Christian Mons indiquait au printemps 2011 que « des discussions ont lieu depuis longtemps entre les différents industriels français – Nexter, RTD, Panhard – mais il est difficile de discuter avec une entreprise entièrement publique comme Nexter, qui ne dispose d’aucune liberté capitalistique d’action. Nous n’avons pas avancé » (189). Cependant la présence de l’État au capital de la société n’a pas été un obstacle à un assainissement de ces comptes. Comme le souligne le ministre de la défense, « depuis 2004, le groupe public Nexter a mené un effort continu tendant à redresser sa situation économique et financière, afin de préserver les intérêts industriels français et de pouvoir prendre part, le moment venu, à la nécessaire consolidation du secteur de l’armement en Europe » (190;

- la stratégie du groupe suédois Volvo vis-à-vis de Renault Trucks Defense pourrait bloquer un regroupement français.

D. LES HÉLICOPTÈRES DE L’ARMÉE DE TERRE

Selon la LPM, « l’engagement des forces au contact nécessite le maintien d’une mobilité tactique assurée conjointement par les hélicoptères de manœuvre et les hélicoptères d’attaque. […] À l’horizon de 2020, l’ensemble des Tigre HAP et HAD aura été livré, tandis que la composante aérotransport aura été rénovée (Cougar) ou partiellement remplacée (70 % des NH90 livrés). L’ensemble de la flotte d’hélicoptères légers ou moyens sera progressivement remplacé à partir de 2015. Un programme global centré sur un hélicoptère (ou une famille d’hélicoptères) de la classe de 4 tonnes portera sur la livraison de 188 unités à partir de 2018. La rénovation des appareils les plus anciens permettra d’assurer la continuité du service jusqu’à cette échéance ».

Le tableau annexé à la loi de programmation militaire contredit ce texte en inscrivant à l’horizon 2020 la livraison de 71 NH90 TTH (terre) sur un total de 133 et de 98 NH 90 NFH (marine) sur un total de 160. Au final, à cette date seuls 61 % des appareils auront été livrés et non 70 %. De tels écarts ou imprécisions illustrent la faiblesse des documents programmatiques soumis au Parlement.

Les forces aéromobiles de l’armée de terre sont regroupées au sein de l’ALAT (aviation légère de l’armée de terre) qui se compose de trois régiments de combat : le 1er régiment d’hélicoptères de combat (RHC) de Phalsbourg en Moselle, le 3e RHC d’Étain dans le Meuse, le 5RHC de Pau dans les Pyrénées atlantiques et d’un régiment d’hélicoptères des forces spéciales, le 4RHFS de Pau. En 2011, l’ALAT opère 331 appareils en phase de renouvellement avec la mise en service progressive du TIGRE et du NH90.

La fourniture des heures de vol destinées à la formation initiale des équipages a été externalisée à la société Hélidax sur la base de Dax dans les Landes ; les formations tactiques et de spécialités s’effectuant au Luc dans le Var. Hélidax associe la société française DCI et l’espagnol INAER. Cette externalisation est exportable à d’autres écoles de formation et à d’autres forces aériennes. Selon Jean-Louis Rotrubin, PDG de DCI, « le succès d’Hélidax, dont le taux d’occupation des appareils atteint 100 % de la demande quotidienne de l’école, peut servir d’exemple pour d’autres externalisations à l’échelon national mais aussi pour de nouveaux marchés extérieurs militaires ou civils. Le partenariat public-privé de l’école de Dax démontre ainsi toute sa pertinence avec les revenus tiers qui viendront diminuer les coûts supportés par le ministère de la Défense » (191). Le Qatar a d’ores et déjà fait appel à DCI pour la formation de ses pilotes d’hélicoptères.

1. Les hélicoptères de reconnaissance et d’attaque

● Appareil développé à la fin des années 1960, la Gazelle se déplace à 240 km/h avec une autonomie de vol de 1 h 40. Les 173 exemplaires composant le parc actuel de l’armée de terre se déclinent en plusieurs versions selon leur armement comme le montre le tableau suivant.

Les gazelle de l’armée de terre

Version

Armement

Mission

Canon SA 341

Canon de 20 mm
portée maximale de 2000 mètres
cadence de 740 coups/mn

Appui feu au sol

Hot SA 342

4 missiles Hot
portée 4 000 mètres

Destruction de cible au sol

Mistral SA 342 L1

4 missiles Mistral
portée 6 000 mètres

Défense air-air

Source : ministère de la défense.

Longtemps seul hélicoptère d’attaque de l’armée de terre, il est intervenu et continue d’intervenir sur plusieurs théâtres d’opération à l’instar de la Côte d’Ivoire en avril 2011 et de la Libye à l’été 2011 où il a démontré ses capacités pour protéger les populations civiles contre des menaces militaires. La Force Licorne dispose de quatre Gazelle : le 4 avril 2011, elles ont tiré 24 missiles Hot, détruisant des véhicules légers type pick-up, des blindés légers et des chars. Malgré ses réelles qualités, la Gazelle demeure vulnérable à basse altitude face à des missiles sol-air de courte portée. Le taux de disponibilité des Gazelle s’établissait à 62 % en 2010.

● L’arrivée de l’hélicoptère d’attaque Tigre au sein de l’aviation légère de l’armée de terre a fait franchir à cette dernière un véritable saut capacitaire et technologique. Avec cet appareil, elle dispose désormais d’un équipement performant pouvant rivaliser technologiquement et opérationnellement avec les hélicoptères les plus modernes.

Programme franco-allemand sous l’égide de l’OCCAr, le Tigre a été lancé en 1988, dans un contexte géopolitique appelé rapidement à disparaître. La fin de la guerre froide aurait pu sonner le glas de ce programme naissant. Mais la nécessité impérieuse de remplacer les hélicoptères vieillissants de l’armée de terre et l’émergence de nouveaux théâtres d’opération faisant appel à des capacités d’appui et de protection proches des engagements ont sauvé le programme qui a fait la preuve de ses capacités inégalées en OPEX.

Cinq appareils sont actuellement déployés :

- depuis le 27 juillet 2009, trois Tigre HAP sont en permanence sur le théâtre afghan soit en appui des troupes au sol, soit en escorte des hélicoptères de manœuvre ;

- deux Tigre HAP ont été déployés sur un BPC au large des côtes libyennes à partir du 18 mai 2011.

Comme le montre le schéma ci-après, le Tigre est un appareil de 6 tonnes de masse maximale au décollage (en cours d’extension à 6,6 tonnes avec le HAD) avec ses systèmes embarqués. Il se déplace à une vitesse maximale de 280 km/h et affiche une autonomie de 2 h 30. Il peut parcourir 800 kilomètres, avec l’adjonction de réserves. Ses signatures optique, radar et infrarouge, sont rendues faibles grâce à son profil étroit, sa structure en composite et la dilution des flux chauds des turbines.

Les caractéristiques techniques du Tigre

Source : www.eurcopoter.com.

Son équipage se compose d’un pilote et d’un tireur. Leur positionnement en tandem, et non plus côte à côte, bouleverse les habitudes, notamment en termes de communication au cours des missions. L’armement du Tigre varie selon les versions. L’hélicoptère peut ainsi être doté d’un canon de 30 mm en tourelle de nez, de roquettes 68 mm (paniers de 12 et 22), de missiles Mistral, de missiles Hellfire 2 (uniquement sur les HAD, dont les premiers seront livrés en 2012) sur les versions françaises, d’une mitrailleuse 12.7, de missiles Stinger ou HOT sur la version allemande.

Plusieurs versions du Tigre ont été développées : UHT (appui-anti-char) pour l’Allemagne (80 exemplaires), HAP (appui-protection) et HAD (appui-destruction). Malgré ses difficultés budgétaires, l’Espagne s’est engagée pour 18 HAD et 6 HAP dont la remise à niveau en HAD est prévue. La commande française se décompose en 40 HAP et 40 HAD qui pourront converger vers un standard de flotte unique à l’horizon de 2020 lors de la prise en compte, dans la programmation, de leur adaptation au champ de bataille post 2020.

En 2010, le taux de disponibilité des Tigre s’établissait à 45 %. Au 20 juillet 2011, 32 appareils HAP ont été livrés, notamment au 5e RHC et au 4régiment d’hélicoptères des forces spéciales de Pau. La mise en vol du premier HAD français a eu lieu le 16 décembre 2010.

Le tableau suivant récapitule les crédits dévolus au programme Tigre depuis 2006.

Évolution du programme TIGRE

(en millions d’euros)

 

Engagement

CP

Volume commandé

Volume livré

2006

PAP

107,7

192,8

80

14

RAP

236,4

146,5

80

9

2007

PAP

100,1

196,5

80

15

RAP

98,2

160,9

80

14

2008

PAP

100,3

271,4

80

20

RAP

1 338,7

286,9

80

18

2009

PAP

537,5

263,7

80

28

RAP

453,1

226,6

80

23

2010

PAP

205,5

191,3

80

35

RAP

198,1

227,1

80

30

2011

PAP

269,4

216,9

80

36

2012

PAP

98,3

260,8

80

42

Source : ministère de la défense.

● À l’export, le Tigre a déjà été acquis par l’Australie (contrat de 22 ARH signé en 2001). L’hélicoptère doit compter avec une concurrence très forte : hélicoptériste européen concurrent, l’italien AgustaWestland propose le A-129 et le T-129. La Turquie a par exemple acquis 60 T-129. Les constructeurs américains dominent cependant le marché des hélicoptères d’attaque : BOEING produit l’AH 64 APACHE depuis 1984. Outre l’armée américaine, l’APACHE a été acquis, dans diverses versions, par le Royaume-Uni, la Grèce, les Pays-Bas, Israël, l’Arabie Saoudite, les Émirats arabes unis, le Koweït, l’Égypte, Singapour, le Japon. Cet appareil se déplace à une vitesse de croisière de 280 km/h et est armé de missiles Hellfire, d’un canon automatique de 30 mm et de roquettes de 70 mm. Les autres modèles américains présents sur le marché mondial sont l’AH-6i Little Bird (Boeing), le MD-530F (Mac Donnell Douglas) ou encore le AH-1F Cobra (Bell). Il convient de souligner que le Tigre a été engagé dans un délai particulièrement bref après sa première livraison, contrairement à l’Apache.

Héritage de la période soviétique, la Russie et l’Ukraine proposent également une large gamme d’hélicoptères d’attaque neufs ou d’occasion. Elles ont pour client notamment les anciennes républiques soviétiques, de nombreux pays d’Afrique subsaharienne mais aussi le Brésil, l’Algérie, la république tchèque, l’Indonésie…

De nouveaux concurrents s’annoncent : le WZ10 chinois et le LCH indien. Depuis 2006, le groupe aéronautique indien HAL développe un hélicoptère d’attaque, LCH (Light Combat Helicopter), livré à partir de 2014 aux forces indiennes. Cet hélicoptère d’attaque de 5,5 tonnes sera armé de missiles air-air, de canon de 20 mm afin de détruire les drones et petits aéronefs.

● Un troisième hélicoptère d’attaque de la classe 4 tonnes, dénommé aujourd’hui HC4, est appelé à entrer en service à la fin de la décennie, selon l’échéancier établi par la loi de programmation militaire 2009-2014. Ce programme interarmées d’hélicoptère polyvalent (notamment de combat) est de nature à offrir certaines perspectives, bien que limitées, aux bureaux d’études spécialisés dont le plan de charge s’est allégé avec l’entrée en phase de production des Tigre et NH90. Le HC4 est appelé à remplacer toute une série d’appareils (de la vieille Alouette III au Puma en passant par la Gazelle).

2. Les hélicoptères de manœuvre et d’assaut

Selon la LPM, « le NH 90 en version terrestre (tactical transport helicopter) constitue l’élément essentiel du renouvellement de la composante de transport aéromobile. 23 NH 90-TTH seront livrés entre 2011 et 2014, la cible de 133 demeurant inchangée. En parallèle, 24 Cougar seront rénovés pour prolonger leur durée de vie. Dans le cadre du plan de relance, l’acquisition de 5 hélicoptères de manœuvre EC 725 permettra de compléter la flotte des 14 hélicoptères Caracal en service ».

a) Le NH 90

● Hélicoptère de manœuvre européen destiné à remplacer les flottes européennes vieillissantes, le NH 90 est un hélicoptère dont le développement a été décrié à de nombreuses reprises mais qui est, aujourd’hui, très attendu par toutes les unités terrestres et marines s’appuyant sur les hélicoptères pour accomplir leurs missions. L’impatience des forces doit cependant être relativisée : les durées de développement de l’appareil entrent dans la norme observée pour les programmes étrangers d’hélicoptères récents (EH101, CH148 et CH53K en particulier).

Se déplaçant à une vitesse de croisière de 260 kilomètres/heure, le NH 90 a une autonomie de 5 heures lui permettant de parcourir 900 kilomètres. Des réservoirs supplémentaires de carburant peuvent lui être adjoints, lui conférant un rayon d’action supérieur ou une capacité d’emport accrue. Une telle endurance donne aux forces la possibilité d’intervenir sur un large territoire depuis une base judicieusement positionnée comme le montre le schéma suivant.

Rayon d’action du NH90

Source : www.nhindustries.com.

En version marine, cette endurance permet l’accomplissement de missions longues et à distance du bâtiment comme le montre le graphique ci-après.

Exemple de mission du NH90 version marine

Source : www.nhindustries.com.

Hélicoptère modulaire, le NH 90 est décliné en plusieurs versions au gré des nombreuses et (trop) variées exigences des États partenaires :

- NH 90 TTH (tactical transport helicopter) dont l’Allemagne a récemment commandé une déclinaison MEDEVAC (évacuation sanitaire) ;

- NH 90 NFH (NATO frigate helicopter) qui peut accomplir des missions de lutte anti-sous-marine, de lutte anti-navire, de surveillance maritime ou de secours en mer selon les équipements et systèmes embarqués.

Selon les variantes, les systèmes embarqués diffèrent, ce qui soulève des difficultés industrielles particulières. En outre, la coque elle-même peut avoir des dimensions variables. Les versions destinées aux forces suédoises ont une hauteur de cabine de 1,82 mètre contre 1,58 mètre pour toutes les autres versions.

Le premier vol du NH 90 dans sa version TTH France a eu lieu le 17 décembre 2010 à Marignane. Le premier exemplaire de série destinée à l’aviation légère de l’armée de terre doit être livré fin 2011.

Le NH90 TTH peut emporter dans sa cabine 20 hommes, 2,5 tonnes de matériel ou un petit véhicule comme le montre le schéma suivant.

Cabine du NH90

Source : www.nhindustries.com.

● Le tableau suivant récapitule les crédits dévolus au programme NH 90 depuis 2006.

Évolution du programme NH 90

(en millions d’euros)

 

Engagement

CP

Volume commandé

Volume livré

2006

PAP

38,8

109,6

0

0

RAP

966,3

28,9

27

0

2007

PAP

475,5

119,9

39

0

RAP

454,4

51,4

39

0

2008

PAP

616,7

190,9

61

0

RAP

645,8

160,4

61

0

2009

PAP

323,9

121,5

61

1

RAP

365,5

26,1

61

0

2010

PAP

136,8

295,4

61

4

RAP

137,1

376,5

61

3

2011

PAP

180,5

362,6

61

8

2012

PAP

841,6

457,3

 95

 15

Source : ministère de la défense.

● Un consortium européen spécifique, NHIndustries, a été créé pour le développement et la production des NH 90. Au sein de ce consortium, Eurocopter occupe une place prépondérante (62,5 %). AugustaWestland dispose de 32 % du capital. Le reliquat est détenu par Fokker Aerostructures. Le graphique suivant présente l’organisation du consortium.

Organisation du consortium NHIndustries

Source : www.nhindustries.com.

Grâce à sa modularité, le NH90 s’avère un réel succès commercial sur le marché mondial. Que ce soit en partenariat ou en vente direct, l’appareil équipe un grand nombre de forces à l’étranger. Au Moyen-Orient, Oman fut le premier à en disposer, dès l’été 2010 (en version TTH). L’Australie a signé pour 46 exemplaires produits localement.

b) Les autres hélicoptères

● Les EC 725 sont des hélicoptères de transport biturbines de la classe des 11 tonnes. En 2010, Eurocopter a enregistré un total de commandes de 45 Super Puma/Cougar EC225/EC725. Évoluant à une vitesse maximale de 260 km/h pour une autonomie affichée de 6 heures 30 de vol hors ravitaillement en vol, l’EC 725 peut accueillir, selon les missions, 29 fantassins ou 11 civières et 5 accompagnateurs.

Le Cougar (biturbines de la classe 9 tonnes) a une capacité d’emport voisine de celle de l’EC 725 Caracal mais sa protection est moindre. Ces deux appareils sont utilisés notamment par le régiment d’hélicoptères des forces spéciales, à l’instar de la mission menée au Niger en janvier 2011 visant à libérer deux otages français.

Appelés à demeurer actifs malgré la mise en service des NH90, les hélicoptères Cougar doivent subir une rénovation majeure. Cette rénovation touche à l’avionique, au système d’autoprotection, à l’adjonction d’un senseur électro-optique (FLIR) et à l’intégration du système d’information terminal de l’aviation légère de l’armée de terre. Le 26 octobre 2010, la DGA a notifié à Eurocopter un contrat de rénovation de quatre Cougar, trois de l’armée de terre et un de l’armée de l’air. La rénovation des autres appareils fait l’objet de tranches conditionnelles.

● Il convient de ne pas oublier le PUMA SA-330, même s’il a été mis un terme à sa production. L’armée de terre en compte encore 93 exemplaires. Hélicoptère de transport tactique de 7 tonnes, le PUMA SA-330 a une capacité d’emport de 5 civières ou 15 combattants. Il peut également transporter sous élingue une charge d’une tonne et demie. Son autonomie est de 2 heures, avec une vitesse de croisière de 240 km/h.

● Rares sont les pays fabriquant des hélicoptères de transport dits lourds. L’américain Boeing demeure le leader avec les diverses versions de Chinook, sans oublier son concurrent national Sikorsky (avec notamment le CH-53). La Russie conserve avec les hélicoptères de la société MIL une réelle capacité industrielle.

Le développement d’un programme européen d’hélicoptère lourd, Future Transport Helicopter (FTH) demeure encore théorique. Prenant appui sur la déclaration d’intention franco-germanique de 2007, l’agence européenne de défense s’est saisie du dossier, devenu programme dit de catégorie B en mai 2009, avec pour ambition la livraison d’un premier appareil à l’horizon 2020. Toutefois, le marché continental ne suffirait pas pour soutenir le développement d’un tel équipement de 30-40 tonnes. Une alliance avec d’autres puissances militaires est envisagée.

L’hélicoptère lourd n’a pas été pris en compte dans le cadre de la coopération franco-britannique. Les Britanniques demeurent fidèles au Chinook : malgré la diminution de ses crédits, le ministère britannique de la défense a décidé en août 2011 l’acquisition de 14 appareils pour un montant total d’un milliard de livres sterling, ce qui amènera sa flotte de Chinook à 60 appareils à l’horizon 2016.

3. Un secteur économique rude

● L’Europe peut se targuer de compter un des tout premiers acteurs mondiaux de l’industrie hélicoptériste, avec Eurocopter, filiale d’EADS. Cette société développe et produit des hélicoptères pour les marchés civils (pour lesquels elle est chef de file mondial) et militaires. Parmi ces derniers, on peut citer le NH 90 (terrestre et naval), le Tigre, le Cougar, l’EC 725, le Panther et le Fennec. En 2010, Eurocopter a livré 527 appareils (contre 558 en 2009) dont 28 NH90 et 15 Tigre. Les livraisons des EC725 pour l’armée brésilienne ont également débuté.

En 2010, son chiffre d’affaire s’est établi à 4,8 milliards d’euros, en hausse de 6 % par rapport à 2009. Il se répartit entre la livraison de nouveaux appareils (53 %), le soutien et les services (36 %) et le développement et autres activités (11 %).

Les marchés civils et militaires se révèlent très tendus et fort dépendants de la conjoncture économique et budgétaire. Les pays émergents sont désormais des cibles privilégiées pour assurer la croissance de la société. En 2010, la société a enregistré 50 annulations de commandes. Le montant des commandes s’est établi à 4,3 milliards d’euros ce qui correspond à 346 appareils (51 % civil, 49 % militaire). 73 % des commandes enregistrées sont destinées au marché export.

Eurocopter est implanté sur plusieurs sites : Marignane (Bouches-du-Rhône) accueille les services centraux, également présents à La Courneuve (Seine-Saint-Denis) et à Donauwörth (Bavière). Complètent ce dispositif les antennes de Kassel (Hesse), Ottobrunn (Bavière) et Albacete (Castille – Espagne). L’unité de la Courneuve de fabrication de pales d’hélicoptère est appelée à être transférée à Dugny (Seine-Saint-Denis).

Eurocopter compte également 26 filiales et participations dans le monde, liées au développement de ses activités à l’exportation comme le montre le schéma suivant.

Eurocopter dans le monde

Source : www.eurocopter.com.

Mention doit être faite du brésilien Helibras (Brésil), où sont fabriqués entre autres des Cougar, des Panther, des Écureuil, et d’Australian Aerospace qui produit notamment le NH90 et le Tigre pour les forces australiennes. American Eurocopter, implanté au Texas et dans le Mississipi, est le leader aux États-Unis en ayant 53 % du marché civil et 23 % du marché militaire, notamment grâce au 345 LUH (light utility helicopter) commandés par le département de la défense.

● Pour les années futures, une croissance du marché militaire des hélicoptères est anticipée pour plusieurs raisons : renouvellement des flottes existantes relativement âgées ; exigences opérationnelles accrues compte tenu de l’évolution des missions et de la configuration des théâtres d’opérations exposant les appareils à des conditions extrêmes.

Selon l’étude du cabinet Frost & Sullivan de juin 2011, les commandes militaires représenteront près de 60 % de la demande mondiale pour les dix prochaines années, générant un chiffre d’affaires de 200 milliards de dollars américains. Les services de maintenance constituent également des créneaux particulièrement lucratifs. Ce que confirme Lutz Bertling, PDG d’Eurocopter, estimant qu’un « bon équilibre entre les activités de production et de services permettra à Eurocopter de mieux résister aux aléas conjoncturels […]. Le développement du portefeuille de services d’Eurocopter est au cœur de la stratégie à long terme de notre groupe » (192). Ainsi, Eurocopter a acquis la société canadienne Vector Aerospace, spécialisée dans la maintenance d’hélicoptères civils et militaires. Cette opération s’élève à 460 millions d’euros.

Toutefois, l’étude du cabinet Frost & Sullivan précise qu’en « dépit la croissance attendue pour les hélicoptères militaires, l’industrie affronte des défis majeurs dont les coupes dans les budgets de défense dans certains marchés occidentaux traditionnellement importants mais aussi dans certains marchés émergents où les utilisateurs finaux peuvent être prudents en terme d’équipement » (193). Dans cette dernière catégorie, sont notamment visés le Brésil et l’Inde.

Dans ce contexte, Eurocopter doit faire face à une concurrence très rude. Il représente 15 % du marché mondial militaire derrière Russian Helicopter (23 %), Bell (21 %) et Sikorksy (15 %), mais devant Boeing (10 %) et AgustaWestland (8 %). Ces six sociétés, dont trois américaines, constituent les acteurs mondiaux de l’industrie des hélicoptères militaires. D’autres constructeurs à dimension régionale ou nationale sont également présents et peuvent potentiellement viser le marché mondial à l’instar du chinois Changhe Aircraft Industries. Dans cette lutte commerciale, les positions sont loin d’être acquises. Le cas de la Suède en est le symbole. Tout en ayant décidé d’acquérir l’hélicoptère de transport NH 90, avec des spécifications propres, la Suède a signé en janvier 2011 avec le groupe américain Sikorksy l’acquisition de 15 hélicoptères de transport Black Hawk pour 300 millions d’euros.

Pour Eurocopter, l’avenir passe notamment par l’innovation dont le symbole est le prototype X3 présenté au salon du Bourget. Dans le cadre du grand emprunt, 250 millions d’euros sont destinés au développement d’un nouvel appareil de 4 tonnes, le X4, et 300 millions d’euros aux technologies de l’hélicoptère du futur. Ces sommes bénéficieront à Eurocopter, à ses partenaires (Turbomeca, Thales, Sagem, Daher) et à leurs sous-traitants.

Toutefois, le domaine des technologiques militaires, et en particulier la pérennisation des compétences industrielles spécifiques requises par leurs intégrations, demeure marqué par la nécessité d’un regain de recherche qui prenne le relais des travaux de développement du TIGRE et du NH90, au plus tard à partir de 2014.

● Faut-il envisager une consolidation européenne avec son concurrent italien AgustaWestland ? Les deux hélicoptéristes européens sont présents sur de nombreux créneaux similaires. Avec le soutien affirmé du gouvernement italien, AgustaWestland a su profiter des fonds publics pour développer une offre concurrente à Eurocopter. Le procédé a donné lieu à un contentieux devant les juridictions européennes pour concurrence déloyale, sans qu’une décision claire n’ait été prise.

Tout en étant des concurrents extrêmement durs sur certains créneaux du marché des hélicoptères, AgustaWestland et Eurocopter peuvent jouer officiellement de concert. Pour le développement et la production des hélicoptères de transport NH90, les deux sociétés se sont jointes pour créer un consortium dédié, NHIndustries, auquel s’est également associé le néerlandais Fokker Aerostructures. Tout rapprochement entre les deux hélicoptéristes se traduirait par une rationalisation des capacités industrielles en mettant un terme aux doublons.

Si un tel rapprochement peut s’envisager sans douleur dans un contexte de croissance, il est plus difficile dans le contexte actuel de contraction des marchés. Rien ne sera possible sans atténuation des réflexes protectionnistes. Or, que ce soit en Italie, en Allemagne ou en France, un tel préalable apparaît purement théorique. Au sein même d’Eurocopter, les relations franco-allemandes demeurent complexes et le plan de charge des différentes entités industrielles de la société est examiné avec le souci d’un équilibre maintenu entre les deux rives du Rhin. Le chemin vers une consolidation de l’industrie hélicoptériste européenne apparaît encore bien long.

E. PROTECTION ET SAUVEGARDE

1. DETEC BIO et laboratoire P4

Au XXIe siècle, des hommes meurent encore de maladies infectieuses que l’opinion publique estime, à tort, éradiquées. Il en va ainsi de la peste dont la forme pulmonaire est la plus virulente. Cette dernière est, selon l’organisation mondiale de la santé, « causée par l’inhalation d’un aérosol de gouttelettes infectieuses et […] se transmet d’une personne à l’autre sans l’intervention de puces ou d’autres animaux. En l’absence de traitement, le taux de létalité est très élevé » (194). Le typhus à poux peut toujours causer des épidémies explosives dans des zones de surpeuplement, avec un taux de mortalité pouvant atteindre 40 %.

D’autres maladies s’avèrent particulièrement graves : les différentes fièvres hémorragiques (Ebola, Marburg, Crimée-Congo, vallée du Rift…) ont une issue mortelle dans plus d’un cas sur deux. La leishmaniose viscérale attaque des organes essentiels tels que le foie, les ganglions lymphatiques, la moelle épinière, provoquant la mort en l’absence de traitement.

Faire de ces maladies infectieuses une arme n’est pas une idée récente. L’histoire regorge de chefs de guerre affichant la volonté de combattre ses ennemis par l’épidémie. De même, chaque grande épidémie a donné lieu à des rumeurs sur leurs origines volontaires imputées à quelques puissants. Il ne faut ne pas sous-estimer la menace. L’arme biologique est une réalité contre laquelle l’État doit disposer d’un système de défense. Y compris contre des maladies officiellement éradiquées comme la variole dont des stocks de virus demeurent conservés dans des laboratoires hautement sécurisés.

« La défense biologique ne peut se concevoir qu’au niveau stratégique. En effet, de par la nature même des agents de guerre biologiques (virus, bactéries, toxines), la menace d’emploi de l’arme biologique est susceptible de modifier profondément le déroulement des opérations. Certaines situations extrêmes pourraient même conduire à un changement d’option stratégique. […] Une agression biologique peut faire intervenir un grand nombre d’agents ; dans une telle hypothèse, les délais entre l’exposition et l’apparition des premiers symptômes peuvent varier de quelques heures à plusieurs jours. Cette situation impose l’adoption de mesures permanentes complétées par des mesures spécifiques en cas d’attaque ou de présomption d’attaque. Les mesures permanentes recouvrent principalement la « détection d’alerte », qui a pour but de détecter la présence de germes ou de toxines avant la contamination des hommes, et la « détection de contrôle » qui vise à confirmer l’emploi d’agents B. En cas d’attaque ou de présomption d’attaque, le maintien des mesures de protection les plus élevées est impératif ; celles-ci peuvent être partiellement ou totalement levées en fonction des résultats de la détection de contrôle et d’identification » (195).

Le programme DETEC BIO est un système de détection et d’identification d’agents biologiques dans l’environnement. Il se compose en balises télé-opérées diffusant l’alerte dans les minutes suivant l’agression et en un système de prélèvement et d’analyse d’échantillons afin d’identifier l’agent biologique.

Peu de programmes similaires existent dans le monde dont le Joint biological Point Detection System (États-). Le RoyaumeUni a abandonné le programme Integrated biological detection system en raison du rapport particulièrement défavorable entre son coût et le service rendu. L’Allemagne, l’Italie et la Suède disposent de systèmes technologiquement moins poussés. La France se veut donc d’être en pointe, sans avoir pour autant cherché à développer une coopération franco-britannique ou européenne.

Le tableau suivant récapitule les crédits dévolus au programme DETEC BIO depuis 2006, pour un coût total de près de 60 millions d’euros.

Évolution du programme DETEC BIO

(en millions d’euros)

 

Engagement

CP

Volume commandé

Volume livré

2006

PAP

0

0

   

RAP

0

0

   

2007

PAP

19,6

2,7

   

RAP

0

0

   

2008

PAP

0

4,7

   

RAP

27,7

0,02

(1)

 

2009

PAP

14,9

9,1

0

 

RAP

0,06

7,3

   

2010

PAP

0,5

9,7

   

RAP

0

4,8

   

2011

PAP

26,6

11,8

 

 

2012

PAP

17,1

19,7

(2)

(1)

(1) Prototype pour évaluation technico-opérationnelle.

(2) Le prototype commandé dans le cadre des marchés notifiés en 2009 sera modifié à travers la commande faite en 2012 pour devenir l’un des trois systèmes opérationnels.

Source : ministère de la défense.

Ce programme a pour maître d’œuvre EADS, Nexter et Bertin Technologies. Le dossier de lancement de la réalisation a été approuvé en avril 2011, avec un retard de 13 mois sur le calendrier initial. La livraison du prototype DETECBIO v1 est prévue au deuxième trimestre 2012. La livraison des systèmes de série s’échelonnera de septembre 2013 à octobre 2014. La mise en service du système DETECBIO v1 est prévue en décembre 2013 ; celle du système DETECBIO v2 est envisagée en 2020.

Selon le rapport annuel de performances pour 2010, ce décalage est consécutif à « un retard industriel », formule consacrée à prendre avec les réserves d’usage, les industriels incriminés n’ayant pas de droit de réponse dans les documents budgétaires rédigés par l’État.

On peut déplorer que ce même document ne mentionne pas les investissements engagés par le centre d’essais « DGA maîtrise NRBC » pour évaluer le système. Cette évaluation exige une exposition des équipements aux agents transmetteurs dans un environnement hautement sécurisé. Le recours à un laboratoire P4 est donc nécessaire. Jusqu’à présent, la France ne dispose que d’un seul laboratoire P4, propriété des laboratoires Mérieux de Lyon. Cette infrastructure a été utilisée par les chercheurs du service de santé des armées spécialisés dans les maladies infectieuses. Avec le regroupement des unités de recherche du SSA à Brétigny sur Orge au sein de l’Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA), la construction d’un nouveau laboratoire P4 s’avère indispensable.

La raison budgétaire aurait dû amener le ministère de la défense à décider la réalisation d’un laboratoire P4 partagé entre la DGA et le SSA, d’autant plus que le centre d’essais de la DGA et l’IRBA ne sont distants que d’une dizaine de kilomètres. L’absence de décision au plus haut niveau du ministère aboutit à la réalisation de deux laboratoires sécurisés au profit exclusif du ministère de la défense en région parisienne. Un tel résultat est particulièrement déplorable et trahit un manque manifeste de rigueur budgétaire.

Mention doit également être faite des travaux menés par le CEA dans le cadre du programme interministériel de R&D NRBC/E dont le centre s’est vu confier la responsabilité par l’État en 2005. Ce programme a pour objectif « de développer de nouvelles méthodes sur les volets détection-intervention-réhabilitation, en mettant à profit les compétences et l’expertise de l’ensemble des pôles du CEA et en faisant appel aux compétences du tissu national de la recherche académique » (196). Dans ce cadre, ont été développées une balise DIRAD de détection radiologique ainsi qu’une bandelette de détection de toxines biologiques.

DGA, SSA et CEA mobilisent de nombreux moyens humains et technologiques dans la lutte NRBC. La rivalité, voire la concurrence, de ces différents organismes publics disperse l’effort budgétaire et ne crée pas les conditions favorables permettant une synergie entre les travaux menés dans les différents laboratoires engagés. Une rationalisation s’impose de façon urgente. Il ne s’agit pas de remettre en question les compétences et la valeur des chercheurs et ingénieurs intervenant dans la lutte NRBC mais de mettre un terme à la gabegie bureaucratique pour renforcer les moyens de recherche et d’expérimentation de l’Etat dans la lutte NRBC.

2. MORPHEE

Au cœur des combats évoluent les personnels du service de santé des armées qui ont déjà payé un lourd tribut, en Afghanistan notamment. Ces hommes, intégrés dans les unités combattantes, font preuve d’un courage remarquable pour venir porter les premiers secours aux fantassins blessés.

Question écrite n° 93771, publiée au journal officiel Assemblée nationale du 23 novembre 2010

M. André Wojciechowski interroge M. le ministre d’État, ministre de la défense et des anciens combattants, sur le nombre de blessés au combat recensés en opérations extérieures et en métropole sur la période début d’année 2009 à ce jour.

Réponse du ministre, publiée au journal officiel Assemblée nationale du 28 juin 2011

Depuis le 1er janvier 2009, la France déplore, à la date du 25 mai 2011, 133 blessés au combat recensés en opérations extérieures (OPEX) et 13 blessés recensés dans le cadre de l’accomplissement d’une mission intérieure. S’agissant des OPEX, 39 militaires ont été blessés en 2009 (38 en Afghanistan et 1 au Liban), 68 l’ont été en 2010, et 26 depuis le début de l’année 2011, tous sur le théâtre afghan, où la France mène un difficile combat contre le terrorisme, au sein de la Force internationale d’assistance à la sécurité. Par ailleurs, 7 militaires ont été blessés sur le territoire national, en 2009, et 6 autres l’ont été en 2010, du fait de l’opposant, dans le cadre de leur participation en Guyane à l’opération de lutte contre l’orpaillage illégal HARPIE.

Les premières heures s’avèrent en effet cruciales pour sauver les vies. Il est donc indispensable de disposer des personnels et matériels au plus près des opérations pour réduire au maximum le délai de prise en charge.

Au plus proche du terrain, des postes médicaux accueillent les blessés acheminés soit par hélicoptère, soit par véhicules blindés en configuration sanitaire. Chaque poste médical est composé d’un médecin, d’un infirmier et de cinq brancardiers secouristes.

Si une évacuation vers l’antenne chirurgicale est nécessaire, il peut être fait appel à des hélicoptères. L’antenne chirurgicale est aérostransportable. Elle peut être mise en place dans des bâtiments locaux ou sous tente en moins de trois heures. Elle comprend un bloc opératoire, une salle de réanimation et 12 lits d’hospitalisation. L’équipe médicale est composée de deux chirurgiens, un anesthésiste, 5 infirmiers et 3 aides soignants.

Pour les blessures plus graves, des hôpitaux mobiles de campagne (d’une capacité de 20 à 150 lits) sont projetés, généralement à proximité de piste d’aviation ou à bord de bâtiments de la marine nationale type BPC. Depuis juillet 2009, sur le site de l’aéroport de Kaboul, a été mis en place un hôpital médicochirurgical sous responsabilité française. 120 personnes (dont deux tiers de français) y travaillent autour de 3 blocs opératoires, un scanner, un laboratoire pour une quarantaine de lits.

Le schéma suivant présente la répartition des unités médicales en OPEX au printemps 2011.

Les unités médicales en OPEX (printemps 2011)

PM : poste médical ; HMC : hôpital médicochirurgical ; AC : antenne chirurgicale.

Source : www.defense.gouv.fr/sante.

Pour les cas les plus graves, exigeant une prise en charge par les hôpitaux des armées en métropole et donc un transfert aérien de plusieurs heures, a été développé le module MORPHEE, module de réanimation pour patient à haute élongation d’évacuation. MORPHEE peut être intégré dans un avion ravitailleur C-135 pour évacuer jusqu’à 12 blessés graves. Le module permet une prise en charge médicale de ces blessés comparable à celle existant dans une unité de soins intensifs d’un hôpital.

Une permanence opérationnelle est assurée exigeant la disponibilité immédiate d’une équipe médicale (4 médecins, 5 infirmiers, 2 convoyeurs de l’air et un médecin spécialiste selon la nature des blessures à traiter en vol). Un premier module a été mis en service en 2006 ; un second a été livré en juin 2011.

Il est à noter qu’aucun avion ou hélicoptère n’est en permanence dédié aux évacuations sanitaires. Celles-ci s’opèrent soit grâce au module MORPHEE, soit grâce à un aménagement des cabines pour accueillir des civières et les équipements médicaux nécessaires.

Cette absence d’aéronef dédié impose en contrepartie un délai de configuration de plusieurs heures selon les appareils (hélicoptères PUMA ou COUGAR, CN-235 CASA, C-160 TRANSALL, C-130 HERCULES, FALCON, AIRBUS de la flotte officielle, BOEING C-135), délai susceptible d’avoir des conséquences dramatiques. La nécessité de réduire de ce délai doit être prise en compte dans la conception des futurs A400M et autres MRTT.

Comme le souligne le général Elrik Irastorza, « s’il est un domaine auquel nous devons porter une attention toute particulière c’est bien celui du soutien santé de nos soldats en opérations. Je le dis très clairement : nous avons un service de santé tout à fait exceptionnel, très courageux dans l’action au plus près de nos soldats et d’une très grande compétence tout au long de la chaîne logistique. Si un jour il ne devait plus y avoir de praticiens de la chirurgie de guerre, cette chirurgie générale d’urgence en situation d’exception dans un environnement souvent dégradé dont les chirurgiens militaires seront bientôt, les seuls dépositaires, si un jour nous ne devions plus pouvoir compter sur une prise en charge échelonnée de bout en bout du rôle 1 au rôle 4, c’est-à-dire du ramassage aux hôpitaux en France, ce jour-là nous ne trouverons plus de soldats pour faire ce métier ! » (197).

3. Le centre NRBC

Les risques NRBC (nucléaire, radiologique, biologique et chimiques) sont réels. La prolifération nucléaire ne doit pas faire oublier les autres armes, biologiques et chimiques, également en nombre. Malgré les traités internationaux interdisant le recours à ce type d’armement, les arsenaux demeurent. Ainsi, le 2 juin 2011, Konstantin Kossatchev, président de la commission pour les affaires internationales de la Douma russe, a précisé que la Russie n’avait détruit que 50 % de ses 40 000 tonnes de substances toxiques, accusant un retard de plus de trois années sur le calendrier initial de destruction, en application de la convention multilatérale sur l’interdiction des armes chimiques (CIAC) du 13 janvier 1993.

Selon l’organisation pour l’interdiction des armes chimiques chargée de la mise en œuvre de la CIAC, 13 États ont déclarés des installations de fabrication d’armes chimiques, officiellement mises hors service : la Bosnie-Herzégovine, la Chine, les États-Unis, la Russie, la France, l’Inde, la Libye, le Japon, l’Iran, le Royaume-Uni, la Serbie ainsi qu’un autre État signataire non nommément désigné. Sept États signataires ont déclaré disposer d’armes chimiques : Albanie, États-Unis, Russie, Inde, Irak, Libye et un septième État signataire non nommément désigné. Seulement 62 % des stocks déclarés d’agents chimiques avaient été détruits au 30 septembre 2010 mais seulement 46 % des munitions et conteneurs chimiques.

Au vu du faible nombre d’États déclarant des armes chimiques et de la difficulté à détruire les stocks déclarés, on peut donc raisonnablement douter de l’efficacité de la CIAC à moyen terme. Ceci confirme la nécessité de disposer d’un dispositif national de détection et de protection NRBC.

Lors de l’inauguration de l’école nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers, le 17 mars 2011, le Président de la République a annoncé la création d’un centre civilo-militaire de formation et d’entraînement au risque NRBC et son installation à l’ENSOSP à Aix-en-Provence. Ce centre était inscrit dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008.

IV. —  LE MILIEU MARITIME

Pour Aristote, « il y a trois sortes d’hommes, les vivants, les morts et ceux qui vont sur la mer ». Chaque marin ne manque pas de rappeler les écrits ce texte, pour souligner la spécificité du milieu maritime, au même titre, mais Aristote ne pouvait l’anticiper, que les milieux aériens et spatiaux.

« Évoluant en toute liberté et sans contrainte juridique dans les eaux internationales, les forces maritimes peuvent être déployées soit de façon ostensible soit de façon discrète, et cela sans contrainte de durée. Les modes d’action vont de la simple collecte de renseignement ou d’actions de faible ampleur à la démonstration de force, par le déploiement d’un groupe amphibie ou d’un groupe aéronaval, ce dernier permettant de signifier toute la détermination dans la résolution d’une crise ou d’un conflit » (198).

Le développement des échanges par voie maritime et de l’exploration des fonds marins a eu pour corollaire le développement des moyens militaires maritimes pour préserver la souveraineté des États et pour garantir la sécurité des échanges. La marine nationale française figure parmi les sept plus grandes marines du monde comme le montre le tableau suivant.

Les forces navales militaires dans le monde

2010

Chine

États-Unis

France

Royaume
Uni

Inde

Japon

Russie

Tonnage

919 950

3 148 000

300 635

338 550

243 915

385 310

1 106 770

Âge moyen des bâtiments

13,4

20,67

19,8

23,17

26,8

11,8

23,5

Nombre d’hommes

200 000

331 000

42 300

35 000

53 500

45 000

120 000

Porte-aéronefs

0

11

1

2

2

1

&

SNLE-NG

4

52

6

7

1

0

19

Sous-marins classiques

46

0

0

0

14

22

22

Grands bâtiments de combat

69

112

16

25

21

41

33

Grands bâtiments amphibies

2

32

4

7

1

1

0

Grands bâtiments de soutien

8

115

4

12

3

5

6

Source : marine nationale.

Lors des opérations menées en Libye, plusieurs marines sont intervenues soit pour assurer le blocus des ports libyens, soit pour mener des attaques contre des objectifs militaires. Les marines françaises, britanniques et américaines ont été particulièrement sollicitées. La participation des navires et sous-marins italiens, turcs (cinq bâtiments) et chinois (avec la frégate Xuzhou) marque la volonté politique de nouvelles puissances maritimes de participer activement à des opérations navales internationales.

A. LES SYSTÈMES EMBARQUÉS DE DÉTECTION ET DE GUERRE ÉLECTRONIQUE

1. Les capacités optiques

Système de vision panoramique infrarouge sur 360°, VIGISCAN est une caméra effectuant un tour complet par seconde. Utilisée par des services de sécurité civile, elle est également embarquée à bord de navires à l’instar des BPC pour détecter de petits bateaux dans le cadre de la lutte contre la piraterie. VIGISCAN est développé par la société HGH Systèmes Infrarouges, PME installée à Ingy dans l’Essonne.

Viseur optronique gyrostabilisé, le VIGY 105 est destiné à toutes les catégories de bâtiments de surface y compris le porte-avions. Il assure de jour comme de nuit la protection du bâtiment contre les missiles subsoniques ou supersoniques, manœuvrant, à vol rasant ou à trajectoire plongeante. VIGY 105 est développé par Sagem.

L’IRST est un système de veille infrarouge embarqué à bord des FREMM pour des missions de veille et de poursuite de cibles. Il assure une couverture sur 360° grâce à ces 3 capteurs matriciels. L’IRST est développé par Thales.

Système optronique multifonctions, l’EOMS-NG combine un système de conduite de tir et un système de veille panoramique infrarouge « détecte et poursuit ». L’EOMS-NG est développé par Safran.

2. Les radars embarqués de surveillance aérienne

Radar de veille longue distance (400 km) bande D, destiné à la détection aérienne et de surface, le S 1850 M est embarqué notamment à bord des frégates Horizon. Il peut poursuivre jusqu’à un millier de cibles. Développé par BAE Systems et Thales Nederland, il est également destiné à la nouvelle génération de porte-avions britannique.

Radar multifonctions à balayage électronique en bande S embarqué à bord des FREMM, Herakles offre des capacités de surveillance panoramique, de détection, acquisition et poursuite de cibles en surface et dans les airs. Il peut poursuivre jusqu’à 200 objectifs dans un rayon de 200 kilomètres. Il participe également au guidage des missiles Aster. Ce radar est développé par Thales.

Plusieurs autres radars développés par Thales sont à bord des bâtiments de la marine nationale :

- le DRBJ 11 B, radar 3D à grande portée (300 kilomètres) et à balayage électronique destiné aux grands bâtiments de lutte antiaérienne et au porte-avions ;

- le radar bande S pulse Doppler avec antenne stabilisée. Ce DRBV 15 C assure la veille en surface et dans les airs (basse altitude) ainsi que la désignation d’objectif. Sa portée oscille entre 50 kilomètres (pour la détection des missiles) et 100 kilomètres (pour la détection des avions) ;

- le radar de veille-air DRBV 21 A équipant notamment les frégates de la classe Floréal. Sa portée est supérieure à 100 kilomètres ;

- le radar de veille lointaine pour bâtiments de moyen et fort tonnage comme le porte-avions, le DRBV 26 a une puissance d’émission en bande L lui conférant une capacité d’alerte précoce contre les attaques à haute altitude. Il est conçu pour fonctionner dans un environnement très perturbé. Sa portée va de 280 à plus de 360 kilomètres selon les versions ;

- le radar de veille tridimensionnelle équipant les BPC, le MRR-3D NG fournit une capacité de surveillance aérienne (jusqu’à 180 km de rayons) et de surface (jusqu’à l’horizon radar voire au-delà sous certaines conditions) à des fins de protection ou de poursuite. Il permet l’identification et la désignation d’objectifs.

Le E2C Hawkeye, fabriqué par Northrop Grumman, est le seul avion embarqué à bord de porte-avions apportant des capacités de détection avancée, de commandement et de contrôle. L’Hawkeye est doté de deux turbopropulseurs de 5 690 chevaux chacun lui permettant d’être catapulté malgré son poids (plus de 20 tonnes). Il est servi par équipage de 5 hommes dont deux pilotes et trois opérateurs des systèmes électroniques. Son rayon d’action est de 2 852 km à une vitesse de croisière de 500 km/h et une autonomie de 6 heures. Son radar AN/APS 145, implanté dans son rotodôme, permet une surveillance de l’espace aérien et maritime dans un rayon de 500 kilomètres. Les capacités radar sont complétées par un système d’écoute électronique AN/ANR 73

En service dans l’aéronavale depuis décembre 1998, la marine nationale en compte actuellement trois exemplaires constituant la flottille 4F. Elle « a pour mission principale, à partir d’un porte-avions d’assurer la sûreté d’une force navale contre les menaces aériennes et de surface grâce à ses capacités de détection, d’identification lointaine, de contrôle et de guidage des avions d’interception. Mais les Hawkeye permettent également d’élaborer la situation tactique avant une mission aérienne d’assaut contre des objectifs terrestres par exemple » (199).

Ces appareils doivent bénéficier d’une rénovation majeure, portant sur les systèmes de détection, de poursuite de cibles, d’identification, de traitement des données, de communication (liaison 16 notamment) et de navigation. Initialement programmée en 2009, cette opération a été reportée en raison du caractère tardif de l’offre financière consolidée.

3. Les sonars

Les frégates de lutte anti-sous-marine FREMM sont équipées de plusieurs sonars développés par Thales Underwater Systems :

- un sonar de coque UMS 4110, effectuant une surveillance panoramique permettant la détection, la localisation et la poursuite de cible. Ce sonar offre des capacités de surveillance anti-torpilles et de détection de mines. Il équipe également les frégates Horizon et F70 ;

- un sonar remorqué type 4249 composé d’un corps remorqué d’émission, surnommé le poisson, et d’une antenne linéaire de réception ATBF, de détection passive et d’alerte torpille.

Pour les sous-marins, le sonar est la pièce maîtresse leur permettant de se protéger et d’accomplir leur mission. Toutes leurs capacités de déplacement et d’attaques reposent sur le sonar. Les SNA de la classe Barracuda et les SNLE sont dotés du sonar intégré UMS 3000 développé et fabriqué par Thales Underwater Systems. LES SNLE disposent également et notamment d’un télémètre acoustique DUUX-5 et d’une antenne remorquée DSUV-61B à très basse fréquence longue d’un kilomètre. Les SNA de la classe Rubis embarquent un sonar multifonctions DMUX-20, un sonar remorqué ETBF DSUV-62 C et un sonar DUUG-7.

4. Les systèmes embarqués de guerre électronique

Pour la marine nationale, plusieurs systèmes de guerre électronique équipent les bâtiments de surface et les sous-marins :

- le brouilleur de radar ARBB 36 A assure la protection des bâtiments de combat contre les radars de veille et de désignation d’objectif, les radars de conduite de tir et les autodirecteurs électromagnétiques des missiles. Il est développé par Thales ;

- l’ARBR 21 est un détecteur de radar, identifiant les émissions électromagnétiques dans l’environnement du navire. Ce système est développé par Thales. Les SNLE et SNA ont un détecteur de radar ARUR-13 ;

- le système Sagaie offre aux navires une capacité de protection contre des menaces missiles par recours à des leurres électromagnétiques et infrarouges. Il est développé par EADS ;

- les frégates FREMM disposent d’un système de guerre électronique de dernière génération composé d’un système de capteurs ESM de surveillance et d’identification des menaces, d’un système de brouilleurs, d’un système d’interception et de localisation des émissions de communications. Cet ensemble est développé par SIGEN, société commune de Thales et d’Elettronica.

B. LES BÂTIMENTS DE PROJECTION

« Une opération amphibie est une action conduite à partir de la mer, mettant en œuvre des forces maritimes, terrestres et éventuellement aériennes, exécutée sur une côte adverse qui peut être tenue par des forces ennemies. Elle a pour objet le contrôle d’une « tête de plage » (beach head) à partir de laquelle se développeront les actions ultérieures. La tête de plage comprend une « zone de mise à terre » (landing site) constituée par une ou plusieurs plages, une plate-forme aéronautique et/ou une zone portuaire, ou, à défaut, une rade permettant d’acheminer les autres éléments de la force projetée.

Une telle opération implique la mise à terre de troupes, de véhicules et d’hélicoptères, avec leur logistique associée. La zone composée de la tête de plage et de la frange maritime où évoluent les forces engagées constitue « l’aire des objectifs de l’opération amphibie » (amphibious objective area ou AOA).

On distingue quatre catégories d’opération amphibie : le « débarquement » (« amphibious assault ») visant à mettre en place une force sur une côte potentiellement hostile, le « rembarquement » (amphibious withdrawal) visant à évacuer par voie maritime une force déployée sur une côte potentiellement hostile, la « manœuvre de déception » (amphibious demonstration) visant à induire l’ennemi en erreur et à placer ses forces en situation défavorable et le « va-et-vient » (amphibious raid) visant à effectuer un débarquement pour mener une action terrestre de durée limitée suivie d’un rembarquement planifié. […] Les « opérations en amont du débarquement »» (operations prior to arrival of advance force) sont menées par des unités n’appartenant pas à la force amphibie ATF (« amphibious task force »), avant l’arrivée de celle-ci dans l’AOA. L’un de leurs buts est le recueil de renseignements tactiques sur la zone de mise à terre et sur le dispositif de l’ennemi. Habituellement exécutées par des forces spéciales, elles sont généralement suivies d’un repli » (200).

Si la marine nationale joue un rôle crucial dans les opérations amphibies, il convient de mentionner l’expertise des unités de l’armée de terre qui débarquent sur les plages. Sont notamment spécialisées dans les opérations amphibies, la 6brigade légère blindée basée à Nîmes et la 9e brigade légère blindée de marine, basée à Poitiers.

1. Les BPC

Long de 199 mètres, large de 32 mètres, le bâtiment de projection et de commandement de la classe Mistral (BPC) est le second plus gros bâtiment en service dans la marine nationale après le porte-avions. Il déplace 21 500 tonnes à pleine charge.

Ses capacités d’emport confèrent à ce navire de multiples capacités opérationnelles. Son pont d’envol de 5 200 m2 peut accueillir simultanément jusqu’à 6 hélicoptères pour une capacité d’emport totale de 16 NH 90 ou Tigre dans son hangar dédié de 1 800 m2. Deux ponts de 650 m2 peuvent accueillir 60 véhicules blindés ou 13 chars Leclerc. Pour les opérations de débarquement, la capacité du radier (bassin intérieur) du navire permet la mise en œuvre de quatre CTM ou de deux EDA-R.

Le BPC peut également être un navire-hôpital de 69 lits et deux salles d’opération, une salle de radiologie. Cette infrastructure permanente peut être renforcée par un hôpital de campagne positionné dans le hangar hélicoptère.

Le schéma suivant présente l’organisation générale d’un BPC.

L’organisation d’un BPC

Source : www.defense.gouv.fr/marine.

160 hommes composent l’équipage du BPC, un chiffre relativement faible eu égard au tonnage du bâtiment. Selon le contre-amiral Emmanuel Carlier, sous-chef « plans et programmes » à l’état-major de la marine, « pour les BPC et les [transports de chaland de débarquement], les [rémunérations et charges sociales] d’un équipage représentent entre 20 % et 30 % du coût de possession global du bateau ». Réduire le format de l’équipage revient à réaliser de substantielles économies sur la durée de vie totale du bâtiment. Mais cela implique un recours massif à l’automatisation des systèmes. D’où l’interrogation du contre-amiral Carlier : « comment garantir que le marin et l’équipage sauront faire fonctionner leur bateau en fonctionnement dégradé, en particulier lorsque l’automate aura perdu la main ? » (201). Ceci d’autant plus que le marin n’est pas, à l’origine, un ingénieur… Mais, compte tenu de l’évolution des systèmes embarqués, il est fort probable que les critères de recrutement des futurs marins soient axés principalement sur leurs compétences techniques et non sur leurs appétences à la vie en équipage. Ce qui posera un problème sur la durée des missions.

Actuellement, la marine nationale dispose de deux BPC, le Mistral mis en service en 2006 et le Tonnerre en 2007. Le Dixmude, troisième exemplaire commandé dans le cadre du plan de relance de 2009, doit être remis à la Marine en 2012.

Le tableau suivant récapitule les crédits dévolus au programme BPC depuis 2006.

Évolution du programme BPC

(en millions d’euros)

 

Engagement

CP

Volume commandé

Volume livré

2006

PAP

   

0

0

RAP

   

0

0

2007

PAP

   

0

0

RAP

   

0

0

2008

PAP

   

0

0

RAP

   

0

0

2009

PAP

0

0

0

0

RAP

437,5

191,4

1

0

2010

PAP

0

0

0

0

RAP

0

124,8

0

0

2011

PAP

0

84,9

0

0

2012

PAP

0

31,6

0

1

Source : ministère de la défense.

Bâtiment ayant fait ses preuves dans différentes configurations (évacuation sanitaire au Liban, soutien opérationnel en Libye), le BPC suscite l’intérêt de nombreuses marines étrangères. Ses perspectives à l’export apparaissent positives, sa modularité étant son principal atout. Le 25 janvier 2011, à Saint-Nazaire, a été conclu l’accord franco-russe sur l’acquisition par la marine russe de 4 BPC. Cet accord se heurte cependant à des difficultés autour du niveau de transfert de technologies et au prix. Le 17 juin 2011, DNCS et Rosobonexport ont signé le contrat industriel. « Les deux premiers BPC seront construits en France avec la participation de la Russie (à concurrence de 20 % pour le premier et 40 % pour le deuxième). Le premier BPC sera livré dans un délai de 36 mois après l’entrée en vigueur du contrat, soit en 2014, le second en 2015. Le montant du contrat est de l’ordre de 1,12 milliard d’euros. Ce contrat inclut une coopération industrielle qui prévoit des transferts de technologies, notamment dans le domaine de la construction de coque, pour permettre aux chantiers de l’OSK de construire à terme deux BPC complémentaires en Russie sous licence de DCNS. Rosoboronexport agit comme entité contractante côté russe pour le compte de la Marine nationale, DCNS étant l’entité contractante côté français. DCNS interviendra pour la tranche ferme du contrat (c’est-à-dire la fabrication des deux premiers BPC), comme maître d’œuvre d’ensemble, la construction de la plate-forme étant sous-traitée au chantier STX France de Saint-Nazaire. Dans son ensemble, ce projet représente cinq millions d’heures de travail pour l’industrie française, soit 1 000 emplois créés ou maintenus pendant quatre ans » (202).

Cette vente suscite de vives inquiétudes de la part des États voisins de la Russie, tant sur sa façade occidentale que sur sa façade orientale. Ces inquiétudes portent sur l’usage potentiel de ces bâtiments à des fins offensives par la marine russe. Elles sont régulièrement entretenues par les déclarations d’officiers supérieurs russes à l’instar du général Nicolaï Makarov, chef d’état-major des forces armées, qui a précisé, le 25 février 2011, que la Russie n’excluait pas « qu’un ou deux Mistral soient affectés à la flotte du Pacifique en particulier pour régler les questions de sécurité des Kouriles » (203).

2. Les TCD

Avant la mise en service des BPC, la Marine nationale s’appuyait exclusivement sur ses deux bâtiments de transport de chalands de débarquement (TCD), basés à Toulon.

L’organisation d’un TCD

Source : www.defense.gouv.fr/marine.

En service actif depuis 1990 pour le Foudre et depuis 1998 pour le Sirocco, ces bâtiments de 12 000 tonnes, servis par un équipage de 224 hommes, disposent d’un radier de 122 mètres de long pour 14 m de large. Ce radier est immergeable sous trois mètres d’eau et permet la mise en œuvre de deux CDIC ou huit CTM.

Les capacités d’emport du TCD lui permettent d’embarquer jusqu’à quatre hélicoptères, 1 880 tonnes de fret, 416 passagers longue durée ou 2000 pour 72 heures. Il a une capacité de navire-hôpital avec 2 blocs opératoires, 51 lits, une salle de radiologie, un laboratoire d’analyse.

Il peut couvrir 11 000 milles nautiques à 15 nœuds de moyenne. Son système de défense est composé de missiles MISTRAL et de mitrailleuses 12.7.

3. Les autres bâtiments

Du nombre de chalands et engins de débarquement disponibles dépend la capacité des BPC et TCD à projeter hommes et matériels sur les rivages.

Les chalands de transport de matériel (CTM), actuellement en service, ont été fabriqués par les constructions mécaniques de Normandie dans les années quatre-vingt pour les derniers, succédant à une première génération datant des années soixante. Petit bâtiment déplaçant 150 tonnes, le CTM est long de 24 mètres. Il peut embarquer deux VAB. La marine nationale en dispose de 21 exemplaires.

La marine nationale dispose également de deux chalands de débarquement d’infanterie et de chars (CDIC), bâtiment de 750 tonnes à pleine charge, dont une « cuve » de 400 m2. Un CDIC peut transporter une compagnie d’infanterie avec quatre VAB, cinq VBL et 3 AMX 10 RC. À propulsion diesel, ils peuvent parcourir 1 000 milles nautiques à 10 nœuds. Servis par 18 hommes d’équipage, ils sont armés de deux canons de 20 mm et de 2 mitrailleuses 12.7. Ces chalands ont été mis en service en 1988 et en 1989.

Petit bâtiment de 726 tonnes, disposant d’une cuve de 228 m2 pouvant transporter 210 tonnes de matériels, les engins de débarquement d’infanterie et de chars EDIC sont en voie de désarmement ou de cession : le 19 janvier 2011, par un accord intergouvernemental, la France a cédé à titre gracieux à la marine sénégalaise l’EDIC Sabre, avec son armement. Ce transfert de propriété, effectif le 17 mai 2011, est accompagné d’une clause de non-réexportation. L’EDIC est servi par un équipage de 18 hommes et dispose d’un canon de 20 mm et de 2 mitrailleuses 12.7. Plus rapides et plus endurants que les CDIC, les EDIC peuvent franchir 1 800 milles nautiques à 12 nœuds.

Bâtiment destiné à remplacer les CDIC et EDIC, dérivé du Landing Catamaran (L-CAT), l’engin de débarquement amphibie rapide (EDA-R) est long de 30 mètres, large de 12 mètres lui permettant de transporter une charge maximale de 100 tonnes. Il peut ainsi débarquer 2 VBCI ou 6 VAB sur terre à partir d’un BPC. Ce bâtiment présente une bonne tenue à la mer et une rapidité de déplacement (25 nœuds à vide), permettant plusieurs usages tactiques alliant vitesse et discrétion.

Les EDA-R sont développés par la société CNIM à Boulogne-sur-Mer dans le Pas-de-Calais. Ils sont composés de deux coques et d’une plateforme centrale mobile. Lorsque la plateforme est en position haute, le bâtiment devient un catamaran pouvant évoluer plus vite et dans des eaux moins profondes que les chalands traditionnels. Cette coque novatrice est fabriquée par les chantiers navals SOCARENAM à Saint-Malo en Ille-et-Vilaine.

Dans le cadre du plan de relance, la DGA a notifié un contrat pour quatre exemplaires auxquels s’ajoute une tranche conditionnelle de 2 unités. Une seconde tranche conditionnelle de deux exemplaires est également envisagée.

L’accomplissement de ce contrat et de ses deux tranches conditionnelles (soit huit EDA-R) doit être rapproché du nombre de trois BPC en service ou construction.

Chaque BPC peut mettre en œuvre quatre chalands de CTM ou 2 Landing Craft Air Cushioned (LCAD), aéroglisseurs de débarquement dont la marine nationale ne dispose pas à la différence notamment des marines américaines et russes. Pour la projection des forces, l’aéroglisseur est un engin rapide et performant ; « sans rupture de charge, il multiplie les points d’entrée possibles et ne s’arrête pas à la plage pour déposer directement les véhicules sur un terrain dur (ce qui évite donc l’utilisation de tapis de plageage) » (204). Cependant, et ceci explique les réticences de la marine nationale, l’aéroglisseur n’évolue pas sur toutes les mers et a un coût opérationnel et de maintenance particulièrement élevé.

Les six unités commandos de la marine nationale disposent par ailleurs d’embarcations rapides semi-rigides. Le 11 mai 2011, la DGA a notifié à la société Zodiac International un marché visant la livraison à partir de 2014 de 20 embarcations commandos à usage multiple embarquables (ECUME). Ces embarcations de 9,30 mètres de long pour 3 mètres de large, peuvent atteindre la vitesse de 40 nœuds (75 km/h). Elles permettent la réalisation de raids nautiques, de prises d’assaut de bâtiments (dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, les trafics et la piraterie, notamment). Elles peuvent être larguées depuis des avions de transport pour des interventions urgentes.

C. LA FLOTTE DE SOUTIEN

« L’endurance d’une force navale en opérations lointaines ne peut lui être conférée que par un train d’escadre [bâtiments de soutien, de réparation et de ravitaillement en carburant, vivres et munitions] suffisant capable d’effectuer des rotations entre le groupe déployé et un point d’appui arrière, lui-même ravitaillé par la métropole et de réaliser les réparations de matériels indispensables pour la poursuite de la mission » (205).

La marine nationale dispose de deux pétroliers ravitailleurs type Durance, basés à Toulon aux caractéristiques similaires : la Meuse, admis au service actif en novembre 1980, et le Var, admis au service actif en janvier 1983. Longs de 157,20 mètres pour 21,20 mètres de large, ces bâtiments affichent un tirant d’eau de 8,65 mètres. Ils peuvent évoluer à 19 nœuds et leur autonomie est de 9 000 nautiques à 15 nœuds de moyenne. Leurs capacités d’emport lui permettent de fournir 1 300 tonnes de mazout, 8 400 tonnes de gazoles, 250 tonnes d’eau douce. Leur plage arrière permet d’accueillir un hélicoptère type Lynx. 160 hommes composent leur équipage. Le schéma suivant détaille les principales caractéristiques de ces navires.

Les pétroliers ravitailleurs de la marine

Source : www.defense.gouv.fr/marine.

La mutualisation de la flotte logistique, et notamment des pétroliers, est envisagée pour le renouvellement des pétroliers de la marine nationale. À l’automne 2010, le chef d’état-major de la marine confirme travailler avec plusieurs partenaires pour définir des besoins communs. La marine a « besoin de quatre ou cinq pétroliers. Nous sommes intéressés dans la définition d’un programme en commun avec un nombre suffisamment important de bateaux pour réduire les coûts unitaires. […] Comme ce type de bâtiment n’est pas armé, la convergence est plus facile à atteindre qu’avec des bâtiments armés » (206).

Le 24 mars 2011, l’agence européenne de défense a engagé une procédure de demande d’informations sur l’externalisation du ravitaillement en mer des bâtiments des forces navales engagées dans des opérations maritimes de l’Union Européenne. Elle estime à 20 000 m3 le besoin capacitaire annuel de ravitaillement pour la seule propulsion des bâtiments (donc hors carburants pour les aéronefs embarqués).

Selon les spécifications précisées par l’AED, le pétrolier doit être en mesure de parcourir au minimum 7 000 milles nautiques à une vitesse minimale de 12 nœuds. Son tirant d’eau doit lui permettre de traverser les canaux de Suez et Panama et d’accoster dans les principaux ports (d’où une longueur maximale de 195 mètres). Sa plateforme doit lui permettre d’accueillir un hélicoptère et ses cuves doivent pouvoir alimenter les navires en divers carburants : l’un pour leur propulsion et l’autre pour les aéronefs. Les équipages doivent être agréés par les forces, formés aux procédures militaires et être en mesure d’assurer un ravitaillement de jour comme de nuit, par une mer de force 5.

L’allemand TKMS développe un bâtiment ravitailleur Type 702 de la classe Berlin. Le groupe espagnol Navantia réalise également des ravitailleurs de la classe Cantabria. TKMS et Navantia sont en compétition pour fournir un bâtiment ravitailleur à la marine canadienne.

La marine nationale dispose également de deux bâtiments de commandement et de ravitaillement (BCR), la Marne et la Somme.

Le bâtiment de commandement et de ravitaillement

Source : www.defense.gouv.fr/marine.

Les bâtiments de la marine nationale n’accomplissent pas de missions de transport régulier de fret au profit des forces armées ultramarines ou en OPEX. Un contrat d’affrètement lie le ministère de la défense à la compagnie maritime nantaise qui met à disposition trois navires rouliers. En 2010, 13 trajets ont été effectués par ces bâtiments à destination de la Corse, des Antilles, de la façade occidentale de l’Afrique ou de l’Océan Indien (Djibouti, Réunion, Afghanistan, Abu Dhabi). Près de 45 000 tonnes de fret ont ainsi été transportées pour un coût estimé de 20,58 millions d’euros.

Les contrats liant le ministère à la compagnie maritime nantaise arrivant à échéance d’ici 2013, est envisagée la mise en œuvre d’un partenariat public-privé sur 30 ans. « L’objectif du ministère de la Défense serait d’acquérir une capacité supérieure à celle dont il dispose actuellement pour faire face à des pics d’activité. Sur un schéma de cinq navires, l’idée serait de consacrer trois navires aux besoins des forces françaises à 80 % de leur temps tandis qu’il serait utilisé à des fins civils pendant les 20 % restant. Les deux autres navires, non indispensables en temps de paix, seraient exploités à 100 % de leur temps sur le marché commercial, mais seront disponibles dans un délai de cinq à quinze jours en cas de crise. Grâce à leur utilisation civile, ces deux navires surnuméraires ne devraient rien coûter, ou presque, aux finances publiques, tout en constituant un confortable renfort en cas de conflit majeur. Les navires de transport ne sont pas considérés comme relevant du cœur de métier, et leur emploi exclut le fait qu’ils soient employés dans des opérations de vive force, en particulier en appui direct d’une opération amphibie. C’est la raison pour laquelle ils seront armés avec des équipages non pas militaires mais civils. Pour des questions de coût, ces bâtiments ne seront placés sous pavillon français de premier rang, ce qui aurait obligé le propriétaire à recourir à des équipages nationaux placés sous la législation française. Mais devant les difficultés soulevées par l’utilisation d’un pavillon de complaisance pour des navires réalisant des missions de souveraineté, c’est finalement le pavillon français du registre international (RIF) qui a été choisi » (207).

D. LES CAPACITÉS NAVALES D’ENGAGEMENT ET DE COMBAT

« Afin de conserver leur efficience, les forces maritimes s’entourent de techniques qui participent elles-mêmes à la visibilité de son action :

- la lutte anti-navires permet de s’affranchir de la menace de surface potentiellement agressive, d’interdire certaines voies de communication, de faire peser une menace dissuasive et d’infliger des pertes sur les moyens potentiellement adverses ;

- la lutte antiaérienne vise à obtenir le degré désiré de contrôle de l’espace aérien (situation air favorable, supériorité aérienne ou suprématie aérienne) sur l’adversaire potentiel pour une période donnée et dans une zone définie ;

- la lutte sous-marine vise à dénier l’emploi des sous-marins à l’adversaire et à participer grandement à la lutte de surface ;

- la lutte contre les mines vise à créer les conditions sûres de navigation près des côtes pour que la projection de forces puisse être réalisée à terre ;

- le soutien général permet aux forces maritimes d’entretenir leur aptitude à durer dans des environnements inhospitaliers (réparations, soutien santé, ravitaillement en pièces de rechange, en combustibles, en vivres) » (208).

1. Le porte-avions

● « En haute mer, le domaine de lutte maritime devient rapidement aéro-maritime en raison de la contiguïté du domaine de lutte maritime avec les couches basses du domaine de lutte aérospatial, et de la difficulté à mettre en œuvre des moyens aériens loin de la terre. Les modes d’action de la composante aéro-maritime s’inscrivent essentiellement dans le cadre de la résolution des crises et des conflits terrestres, par la prévention et la projection de puissance. Ils permettent aussi bien une démonstration modulée de la force que son emploi strictement adapté au besoin et pouvant être, si nécessaire, d’une grande intensité » (209).

Aujourd’hui, peu de marines peuvent afficher une capacité aéronavale. Les États-Unis disposent de la plus importante flotte. La Russie, la France, le Brésil possèdent un ou plusieurs porte-avions. Absente de ce club, la Chine a annoncé en juin 2010 la réalisation de son premier porte-avions, marquant un changement majeur dans la doctrine maritime militaire du géant asiatique. La marine chinoise utilise la coque d’un porte-avions russe inachevé, le Varyag, acquis en 1988. Ce bâtiment préfigurera le premier porte-avions 100 % chinois qui sera à propulsion nucléaire. Autre porte-avions russe, le Gorshokov est également en cours de modernisation au profit de la marine indienne pour une mise en service opérationnelle en 2013, au plus tôt. L’Inde ambitionne par la suite la construction domestique de trois autres porte-avions.

Disposer d’un porte-avions permet l’usage d’une force aérienne à partir des eaux internationales, libres de toute autorisation pour décoller et atterrir. Cependant les délais de mise en œuvre et la vitesse de déplacement ne permettent pas des actions ou réactions rapides. Le porte-avions offre donc au pouvoir politique et aux responsables militaires des capacités uniques qui ne permettent pourtant pas de faire l’économie d’une armée de l’air évoluant à partir de bases terrestres.

Dans le cadre de la Strategic Defense and Security Review publiée en octobre 2010, le gouvernement conservateur britannique a renoncé provisoirement à disposer d’une capacité aéronavale en prononçant le retrait de service immédiat du porte-avions HMS Ark Royal et en gelant la réalisation de deux nouveaux porte-avions décidés par le précédent gouvernement. Pour rappel, la Royal Navy disposait d’au moins un porte-avions depuis 1918.

Pour justifier cette décision particulièrement lourde et qui a donné lieu à une levée de boucliers outre-Manche, la SDSR d’octobre 2010 développe une longue analyse sur le besoin opérationnel en porte-avions. La mission principale de ceux-ci ne doit plus être la protection de bâtiments évoluant en haute mer et la lutte anti-sous-marine, mais la projection de puissance aérienne au-delà des 700 milles nautiques, vers la terre ou sur les mers. Les auteurs de la SDSR notent que les États-Unis et la France, à la différence du Royaume-Uni, opèrent d’ores et déjà ainsi.

Avec ce nouveau concept d’emploi, le Royaume-Uni considère qu’un seul porte-avions suffira pour répondre à ses besoins opérationnels. « Nous ne pouvons pas envisager maintenant des circonstances dans lesquelles le Royaume-Uni aurait besoin de l’échelle des capacités de frappe précédemment planifiées. Il y est peu probable que le nous fassions face à des adversaires dans des combats aériens de grande ampleur. Par contre, nous serons plus probablement engagés dans des opérations de précision » (210). Ce porte-avions devra s’intégrer dans des opérations interalliées. Ceci signifie l’abandon du décollage et de l’appontage verticaux des avions au profit de la catapulte employée par la France et les États-Unis. En résulte notamment une économie budgétaire importante en faisant converger les spécifications des avions de l’aéronavale avec celles de l’armée de l’air.

Ce nouveau concept d’emploi recompose le parc aérien embarqué. « La composition précise du parc aérien dépendra de la mission, permettant au porte-avions de soutenir une large gamme de missions incluant la projection d’un groupe de commandos marine ou un escadron de forces spéciales, le soutien à une crise humanitaire ou à l’évacuation de ressortissants britanniques » (211). Les avions de chasse ne sont plus la plus priorité. Aux 36 Harriers embarqués succéderont seulement 12 avions de chasse JSF auxquels viendront s’ajouter 12 hélicoptères de transport (Chinook ou Merlin) et huit hélicoptères d’attaque (Apache).

● Le porte-avions Charles-de-Gaulle est entré en service le 18 mai 2001. Déplaçant 37 000 tonnes (42 000 tonnes à pleine charge), ce bâtiment est long de 261,5 mètres pour une largeur de 64,36 mètres et un tirant d’air (hauteur depuis la surface) de 66,5 mètres. À titre de comparaison, le porte-avions américain Reagan, mis en service en 2003, déplace, à pleine charge, 86 000 tonnes. Le schéma suivant présente l’organisation générale du bâtiment.

Le porte-avions Charles de Gaulle

Source : www.defense.gouv.fr/marine.

La propulsion nucléaire du Charles-de-Gaulle lui confère, selon son commandant, le capitaine de vaisseau Jean-Philippe Rolland, autonomie et robustesse. « Nous avons gagné en autonomie […]. Il n’est pas nécessaire de ravitailler en carburant pour la propulsion du bâtiment. Nous avons donc gagné de la place pour l’armement des avions et le carburéacteur […]. Il existe aussi un avantage en termes de fiabilité, puisque la nature nucléaire de la propulsion et les exigences de sécurité qui l’accompagnent, aboutissent à une maintenance extrêmement scrupuleuse […] qui nous donne de la fiabilité, de la robustesse à la mer » (212).

La formation à l’appontage des pilotes s’effectue désormais sur la base aérienne d’Istres, à la suite de la fermeture de la base aéronavale de Nîmes Garons. À bord du Charles de Gaulle, peuvent embarquer jusqu’à 40 aéronefs (contre 90 pour le porte-avions américain Reagan) qui se répartissent comme suit :

- 12 Rafale Marine (sur un parc total de 29 pour l’aéronavale), entré en service opérationnel à partir de 2002. La capacité d’emport des Rafale est le triple de celle de leurs prédécesseurs, les Super Étendard. Deux flottilles de chasse de l’aéronavale opèrent à partir du Rafale : la 11F, activée sur Rafale le 19 septembre 2011, et la 12F, première unité disposant de l’appareil. Chaque trimestre, l’aéronavale réceptionne un nouveau Rafale Marine. Tout retard compromet la transformation des escadrilles sur cet appareil et exige la prolongation des Super Étendard dont le retrait définitif est programmé pour 2017 ;

- 20 Super Étendard (sur 34), dont le retrait de service est programmé pour 2015, date à laquelle la totalité du parc d’avions de chasse embarqués sera composée uniquement de Rafale. Développé par Dassault, le Super Étendard est entré en service en 1978. Depuis, plusieurs modernisations lui ont permis d’accroître ses capacités de combat et de renseignement. La flottille 17F sera l’ultime unité à évoluer sur cet appareil ;

- trois E2C Hawkeye (cf. supra).

Cinq hélicoptères complètent le parc aérien embarqué. Parmi ces hélicoptères, figure un Alouette III, appareil historique, destiné à assurer la récupération des équipages lors des opérations d’appontage et de catapultage.

L’aéronavale américaine dispose du F/A 18 Hornet de McDonnell Douglas (mis en service en 1983) et le F/A 18 Super Hornet de Boeing, mis en service en 1999. Le futur F-35 Joint Strike Fighter (cf. infra) est décliné en deux versions aéronavales : l’une à décollage court et atterrissage vertical pour le corps des marines (F-35 B) ; l’autre à décollage et appontage classique pour l’US Navy (F-35 C).

L’aéronavale russe ainsi que l’aéronavale indienne s’appuient notamment sur les MiG 29 K, mis en service en 1993, dont le rayon d’action, à basse altitude, est de 750 km et, à haute altitude, de 1 650 km. Le 23 juin 2011, un accident mortel d’un MiG29K a immobilisé au sol l’ensemble des aéronefs russes et indiens. Au cours de l’été 2010, l’Inde a opéré les premiers essais de son chasseur LCA destiné à opérer depuis un porte-avions. Cet appareil est développé par Aeronautial Development Agency et HAL avec pour objectif une livraison à la marine indienne en 2015.

Avant la décision du retrait de service de ses porte-avions, l’aéronavale britannique évoluait avec des Harrier. Partenaire du programme JSF, le Royaume-Uni visait initialement l’acquisition de F-35 B. Il a engagé des négociations pour convertir ses F-35 B en F-35 C compatibles avec les options retenues pour le futur porte-avions HMS Queen Elisabeth.

● Un porte-avions n’évolue pas seul. Il est accompagné ou escorté d’autres bâtiments, d’où l’expression de groupe aéronaval : des frégates antiaériennes, des frégates anti-sous-marines, des bâtiments de soutien dont un pétrolier ravitailleur, un sous-marin nucléaire d’attaque. La décision de construire un second porte-avions implique de mettre à disposition autant de bâtiments et leur équipage respectif. C’est une décision extrêmement structurante pour l’ensemble de la marine nationale.

Disposer d’un second porte-avions assurerait une permanence en mer de la capacité aéronavale. Avec un seul exemplaire, la France dispose du groupe aéronaval par intermittence, entre les périodes de révision programmées et celles imprévues liées à des pannes techniques. Le 13 octobre 2010, appareillant pour l’océan Indien, le porte-avions, alors au large de sa base de Toulon, a ainsi rencontré de nouvelles défaillances dans son système électrique, l’obligeant à rentrer à quai. L’amiral Pierre-François Forissier, chef d’état-major de la marine, reconnaît que « lorsque vous avez seulement un porte-avions cela signifie que vous n’avez pas une capacité permanente […]. Si nous disposions du budget nécessaire, il serait très utile que [la France et le Royaume-Uni] aient chacun un porte-avions national et disposent d’un porte-avions extra, moins onéreux et destiné à l’entraînement, pour un usage franco-britannique » (213).

Or, que ce soit en France ou au Royaume-Uni, les contraintes budgétaires ne permettent pas de développer un programme national d’une telle ampleur.

● En 1998, le Royaume-Uni décide de renouveler la flotte de ses 3 porte-avions de la classe Invincible, et des avions Harrier embarqués. Pour ces derniers, décision est prise en 2002 de rejoindre le programme américain JSF, choix qu’aujourd’hui le National Audit Office britannique estime ne pas être « le plus opérationnel, ni le plus rentable » (214) . L’architecture industrielle pour le bâtiment réunissait BAE Systems, Thales, Babcock Marine et le ministère de la défense. En 2007 est effectivement engagée la procédure pour la réalisation de deux porte-avions. Le contrat signé en 2008 s’élève à 5,24 milliards de livres alors que débute la crise économique et budgétaire qui heurte de plein fouet le Royaume-Uni. En 2010, la revue stratégique de défense et sécurité impose une cure d’austérité au ministère de la défense. Elle aboutit à ne pas armer un des deux porte-avions, compromis hasardeux entre les besoins capacitaires et les exigences budgétaires : en faisant ce choix le Royaume-Uni accepte de ne pas disposer de la capacité aéronavale avant la prochaine décennie.

Cette situation heurte les traditions navales outre-manche. Plusieurs anciens amiraux se sont émus, à plusieurs reprises et par voie de presse, de la perte de capacités du Royaume-Uni à défendre notamment l’archipel des Malouines convoité par l’Argentine. Les opérations en Libye ont également permis de souligner l’importance d’un groupe aéronaval. Le premier Lord de l’amirauté, l’amiral Mark Stanhope, soulignait devant la presse que l’abandon du HMS Ark Royal avait affaibli les capacités aériennes pour attaquer le régime libyen : « au lieu de nous déployer depuis Gioia del Colle, nous aurions été déployés en 20 minutes et non en une heure et demi. Ceci nous aurait conféré assurément quelques avantages ». Et d’ajouter qu’il « est moins coûteux de faire évoluer un avion depuis un porte-avions que depuis le sol » (215).

Face à ces critiques prononcés ouvertement ou à mots couverts, le ministre de la défense maintient fermement la ligne définie en 2010 en refusant de réviser les décisions prises dans le cadre de la revue stratégique de défense et sécurité. Dans son rapport consacré au devenir de la capacité aéronavale britannique, le National Audit Office note que « la décision [issue de la revue stratégique de défense et de sécurité] de placer les porte-avions de la classe Invincible hors service près d’une décennie avant l’entrée en service de nouveaux porte-avions assumait le risque que les forces armées puissent opérer sans porte-avions. Cette décision augmentera le défi lancé au Ministère de la défense d’entretenir un grand nombre de compétences opérationnelles parmi l’équipage des bâtiments avant que le nouveau porte-avions n’entre en service » (216).

Afin de préserver leurs capacités aéronavales pendant la décennie les séparant de leur futur porte-avions, les Britanniques ont souhaité intégrer la capacité aéronavale dans l’accord de défense franco-britannique. Il y est précisé que le Royaume-Uni a décidé d’installer des catapultes et des dispositifs d’arrêt sur son futur porte-avions opérationnel. Ceci permettra aux avions britanniques et français d’opérer à partir des porte-avions des deux pays. À partir d’abord d’une coopération sur un groupe maritime autour du porte-avions Charles de Gaulle, le Royaume-Uni et la France se doteront, d’ici le début des années 2020, de la capacité à déployer une force aéronavale d’attaque intégrée franco-britannique composée d’éléments des deux pays. Ceci permettra à la Royal Navy et à la marine française de travailler dans la plus étroite coordination pendant les 30 prochaines années.

Le partage capacitaire d’un porte-avions par deux forces aéronavales n’est pas inédit. Régulièrement, les équipages français se posent sur les porte-avions américains pour s’entraîner à d’éventuelles missions communes. Partager une plateforme ne constitue pas une atteinte à la souveraineté, selon l’amiral Pierre-François Forissier, « lorsque vous menez une attaque, c’est la nationalité de l’avion qui importe. Dès lors, potentiellement, à l’avenir, vous pourrez avoir un avion britannique opérant pour une mission britannique à partir d’une base française » (217).

2. Les frégates

● Au sein de la force d’action navale, la marine nationale dispose de frégates pour mener des missions de lutte antiaérienne, de lutte anti-sous-marine, de frappe dans la profondeur, de projection de puissance, de protection de la force océanique stratégique. Ces bâtiments, également appelés destroyers au sein d’autres marines, connaissent un regain d’intérêt dans le monde avec le développement des menaces maritimes. « Les frégates et leurs hélicoptères embarqués constituent l’ossature structurante d’une marine de haute mer. La frégate est le combattant naval de référence, le voltigeur de pointe, le fantassin des mers » (218).

Actuellement sont en service :

- deux frégates F 70 antiaériennes ;

- sept frégates F 70 anti-sous-marines ;

- une frégate F 67 anti-sous-marine ;

- cinq frégates de la classe Lafayette ;

- six frégates de surveillance Floréal ;

- neuf avisos ;

- deux frégates Horizon.

Alors que le précédent modèle d’armée 2015 envisageait une flotte de 26 frégates, le Livre blanc et la LPM fixent comme objectif 18 frégates dites de premier rang dont :

- deux frégates Horizon de défense antiaérienne (alors que l’objectif initial était de quatre) ;

- neuf frégates multimissions de lutte anti-sous-marine ASM ;

- deux frégates multimissions de défense antiaérienne FREDA ;

- cinq frégates de la classe Lafayette.

Si la modernisation de la flotte est indispensable, la réduction de son format soulève la question de la capacité de la marine nationale à accomplir l’intégralité de son contrat opérationnel. La phase actuelle de transition entre deux générations de bâtiments est particulièrement sensible : à l’automne 2010, le chef d’état-major de la marine reconnaît la sous-capacité opérationnelle de la marine en matière de lutte antiaérienne. « Depuis trois ans, nous avons seulement deux frégates de lutte antiaérienne pour un modèle qui en prévoyait quatre. Quand on a deux frégates antiaériennes, une est en maintenance, une est disponible. Cela signifie que l’on peut déployer qu’un seul groupe naval avec une défense antiaérienne. Dès lors, si on veut déployer le porte-avions et un groupe amphibie, jusqu’à l’entrée en service [des frégates de la classe Horizon] Forbin et Chevalier Paul, on ne peut en déployer qu’un seul » (219).

● Depuis 1988 pour la première et 1991 pour la seconde, deux frégates F 70 antiaériennes sont en service au sein de la marine nationale. « Nos vieilles frégates de défense aérienne ont été conçues pour des menaces aériennes et des missiles des années 1970. Il y a eu d’importants progrès depuis lors dans ces domaines, notamment pour les missiles en matière de furtivité et de manœuvrabilité. Lors des opérations au Liban en 2006, nous avons découvert que des groupes, comme le Hezbollah, étaient en mesure de tirer un missile anti-navire depuis un remorqueur » (220).

Bâtiment de 7 050 tonnes, longue de 150 mètres et se déplaçant à 29 nœuds en vitesse maximale, la frégate de défense aérienne HORIZON compte un équipage de 200 hommes. Son autonomie est de 7 000 milles nautiques à 18 nœuds. Son armement est constitué de 48 missiles antiaériens ASTER 15 ou 30 du système PAAMS (avec le radar de conduite de tir EMPAR), de 8 missiles anti-navires Exocet, de torpilles MU 90, de 2 canons de 76 mm et d’un hélicoptère NH 90. La frégate est dotée d’un radar de veille longue distance S1850 M, d’un dispositif de veille panoramique infrarouge et d’un sonar de coque TMS4110. Elle dispose également de détecteur/intercepteur radio et radar, brouilleurs électroniques et autres lance leurres.

Programme mené en coopération, la France et l’Italie ont commandé pour leur marine respective 2 frégates Horizon. Le contrat a été signé en octobre 2000. Le 14 octobre 2010, la frégate Forbin, première de la classe Horizon, a été admise au service actif ; le 10 juin 2011, c’est au tour de la frégate Chevalier Paul de l’être.

Le tableau suivant récapitule les crédits dévolus au programme depuis 2006 pour un coût total de 2,27 milliards d’euros.

Évolution du programme Frégates Horizon

(en millions d’euros)

 

Engagement

CP

Volume commandé

Volume livré

2006

PAP

65

90,8

   

RAP

61,4

44,9

   

2007

PAP

41,3

63

   

RAP

7

37,9

   

2008

PAP

4

133,4

 

1

RAP

28,2

40,5

 

1

2009

PAP

19,8

115

 

1

RAP

16,4

112

 

1

2010

PAP

11,7

128,2

   

RAP

16,7

111,8

 

 

2011

PAP

2,2

60,7

 

 

2012

PAP

3,4

22,2

 

 

Source : ministère de la défense.

Sur le plan industriel, la société HORIZON SAS a été constituée à parts égales entre DCNS et Orizzonte, filiale de Fincantieri et Finmeccanica. Les principaux sous-traitants sont MBDA, Thales, Marconi et Europaams.

● La lutte anti-sous-marine comprend « les opérations visant à empêcher les sous-marins ennemis de remplir leur mission. La protection anti-sous-marins d’une force repose sur une défense dans la profondeur et une coordination étroite entre les aéronefs de patrouille maritime, les hélicoptères, les bâtiments de surface et les sous-marins amis. Elle exige une connaissance précise et continue du milieu en particulier la bathythermie afin d’en exploiter tous les avantages » (221).

La marine nationale compte six frégates F 70 ASM mises en service entre 1979 et 1990. Bâtiments déplaçant 3 880 tonnes (4 830 tonnes à pleine charge), les F 70 ASM sont servies par un équipage de 244 hommes. Leur armement se compose de missiles exocet MM38 ou MM40 selon les versions, d’un système antiaérien Crotale, de missiles Mistral, de torpilles L5. 2 hélicoptères Lynx sont également embarqués. Les F70 ASM devraient être retirées du service en 2021.

Les frégates F70 ASM ont succédé aux frégates F 67 de lutte anti-sous-marine, développées et construites au début des années 1970. Une seule (sur un total de 3), la frégate De Grasse, demeure en service mais devrait être retirée du service en 2012. Le 16 juin 2011, la frégate Touraille est retirée du service, après 36 années en mer. Basée à Brest, la dernière frégate F 67 a notamment pour mission d’assurer la sécurité des SNLE. Bâtiment porte-hélicoptères (Lynx) déplaçant 4 650 tonnes (6 100 tonnes à pleine charge), elle a une autonomie de 45 jours, permettant de parcourir 4 500 milles nautiques à une vitesse moyenne de 18 nœuds. Elle est servie par un équipage de 298 hommes. Son armement est composé notamment de missiles Exocet, de torpilles L5 mod 4, d’un système Crotale, de canons de 100 mm et 20 mm. Cette frégate est équipée du système de lutte anti-sous-marine SLAM disposant d’un sonar remorqué actif à très basse fréquence.

● Mises en service entre 1996 et 2001 et toutes basées à Toulon, les cinq frégates de la classe Lafayette déplacent 3 200 tonnes (3 600 tonnes pleine charge) à 25 nœuds. 153 hommes composent son équipage. 25 commandos peuvent également être embarqués. Chaque frégate emporte 8 missiles Exocet, un système Crotale, une tourelle de 100 mm, deux canons de 20 mm. Elle a également à son bord un hélicoptère Panther. Justifiant leur tonnage modéré, la furtivité est une des qualités majeures de ces bâtiments de combat et de renseignement dont plusieurs exemplaires ont été acquis par l’Arabie Saoudite, Singapour ou encore Taïwan. Pour assurer le maintien en condition opérationnelle de ces frégates sur la période 2011-2015, la marine nationale a notifié un contrat à DCNS, pour un montant total de 60 millions d’euros. L’âge moyen des bâtiments est de 14 ans et leur retrait du service est à ce jour programmé pour 2031.

● La marine nationale compte six frégates de surveillance Floréal admises au service actif entre mai 1992 et mai 1994.

Bâtiments déplaçant 2 900 tonnes à pleine charge à une vitesse maximale de 20 nœuds, ces frégates ont une autonomie de 50 jours leur permettant d’assurer pleinement leur mission de l’espace maritime français sur tous les océans. Elles ont pour base Fort de France (frégates Ventôse, Germinal), Nouméa (frégate Vendémiaire), Port des Galets — île de la Réunion (frégates Floréal et Nivôse), Papeete (frégate Prairial).

Leur équipage de 83 hommes auxquels se joignent les sept hommes du détachement hélicoptère Panther, dispose d’un armement conséquent : missiles Exocet MM 38, missiles Mistral, canon antiaérien 100 mm, canon antiaérien 20 mm. La frégate peut également embarquer un commando de 25 hommes et deux Zodiac 10 places.

Selon les frégates, les systèmes électroniques à bord se composent d’un radar de veille-air DRBV 21 A, d’un radar de navigation DRBN-34, d’un détecteur de radar ARBR-16, d’un intercepteur SAIGON, d’un système de transmissions par satellite Syracuse et d’un système de télécommunications par satellite Inmarsat. Dédiés à la surveillance de surface, ces bâtiments ne sont pas dotés de sonar.

● Bâtiment de 142 mètres de long et large de 20 mètres, les frégates multimissions FREMM déplacent 6 000 tonnes à une vitesse maximale de 27 nœuds. Elles ont une autonomie de 6 000 milles nautiques à 15 nœuds.

108 hommes composent l’équipage d’une FREMM contre 230 pour les F 70. Cet effectif réduit s’intègre pleinement dans le nouveau format des armées mais implique de profonds changements. « L’équipage optimisé sera apte à conduire le bâtiment et combattre dans toutes les situations. Cependant, les premières analyses menées font apparaître que certaines charges habituellement dévolues à l’équipage ne pourront plus être intégralement assurées : le volume de maintenance et d’entretien courant à réaliser excédera ses capacités, la formation et l’entraînement du personnel à bord par compagnonnage devront être réalisés préalablement à l’embarquement ; l’entretien des superstructures, très gourmand en main-d’œuvre, nécessitera l’implication de moyens extérieurs et enfin la préparation des missions très spécifiques devra être confiée à des organismes spécialisés » (222).

En raison de la pluralité des capacités embarquées à bord des bâtiments et malgré une automatisation poussée, la spécialisation de ses personnels est particulièrement renforcée et peut constituer une vulnérabilité dont souffrent déjà les sous-marins confrontés à la faiblesse de leurs effectifs opérationnels sur certaines spécialités ou emplois dits critiques.

« Nonobstant leurs dominantes anti-sous-marine ou antiaérienne, les FREMM seront des bâtiments très polyvalents. Elles ont une vocation à être employées dans toutes les missions dévolues à la Marine : sûreté de la force océanique stratégique, escorte d’unités précieuses, embargo, sécurisation des axes maritimes, action de l’État en mer… » (223).

Pour accomplir la gamme très large de leurs missions opérationnelles, les FREMM disposeront de nombreux systèmes d’armes et de renseignement. Comme le montre le schéma ci-après, chaque FREMM disposera de :

- 16 missiles de croisières navals ou SCALP Naval pour la frappe en profondeur ;

- 16 ou 32 missiles Aster pour la lutte antiaérienne, selon la version retenue ;

- huit exocets MM 40 Block 3 pour la lutte anti-navire ;

- 19 torpilles MU 90 pour la lutte anti-sous-marine ;

- un hélicoptère NH 90 ;

- un canon de 76 mm et 4 mitrailleuses de 12,7 mm ;

- un radar Héraclès ;

- un système optronique de veille et de poursuite Artemis ;

- un système de conduite de tir optronique NAJIR MM ;

- une centrale de navigation numérique à gyrolasers Sigma 40 pour la mise en œuvre des MdCN ;

- un sonar de coque 4110 ;

- un sonar remorqué VDS 4249 ;

- un système de lance leurres NGDS ;

- un système de direction de combat SETIS.

Les équipements des FREMM

Source : www.elysee.fr.

Lancé en avril 2002, le programme FREMM est mené en coopération avec l’Italie, sous l’égide de l’OCCAr. Destinée à remplacer les bâtiments anciens de la marine nationale au fur et à mesure de leur désarmement, la commande française a évolué à la suite du Livre blanc et de la LPM. La commande initiale passée en 2005 prévoyait huit frégates de lutte anti-sous-marine (ASM) et neuf frégates d’actions vers la mer (AVT). En 2008, le format a été réduit à un total de 11 frégates : neuf ASM et deux de défense aérienne (FREDA). Les frégates AVT sont retirées du programme. En juillet 2010, dans le cadre de son programme d’assainissement budgétaire, l’Italie a annoncé réduire sa commande de FREMM de 10 à 6 et son intention de proposer les quatre autres sur le marché export.

Des 27 frégates franco-italiennes composant la commande totale initiale de 2005, il ne reste plus que 22 frégates (11 France, 6 Italie, 5 exports dont une seule a été conclue pour le Maroc). Le 18 avril 2011, ont débuté les essais en mer de la première FREMM au large de Lorient. La livraison est programmée pour l’été 2012. Brest sera le port d’attache de l’Aquitaine. L’admission au service actif est prévue pour 2013.

Pour le Maroc, l’acquisition d’une FREMM en mesure d’accomplir des missions en haute mer constitue un véritable saut capacitaire pour sa marine. Outre le contrat marocain, DCNS ambitionne de pouvoir exporter des FREMM vers la Grèce malgré la crise budgétaire. Le constructeur français doit également compter sur des offres concurrentes émanant notamment de l’allemand ThyssenKrupp Marine Systems (TKMS) qui réalise les nouvelles frégates F-125 de 7 000 tonnes, en partenariat avec Lürssen et Peenewerft, du britannique BAE, de l’espagnol Navantia, de l’américain General Dynamics. Les puissances émergentes ambitionnent de développer des bâtiments nationaux, réduisant un peu plus les prospects de DCNS. Ainsi, en septembre 2010, l’Inde a approuvé un programme de 6,5 milliards de dollars américains pour construire quatre destroyers furtifs de 6 800 tonnes dans le cadre du programme dénommé projet 15B. Produits à Bombay en collaboration pour certains systèmes d’armes avec les Israéliens, ces bâtiments pourront déployer des missiles à capacité nucléaire de 1 000 km de portée. Ce programme s’inscrit dans une large politique de renouvellement de la flotte indienne, principalement constituée de bâtiments vieillissants d’origine russes.

● La France a-t-elle la capacité budgétaire de mener de front les programmes Horizon et FREMM ? Pour la France, le programme FREMM est majeur sur le plan budgétaire. Son coût total est de 8,3 milliards d’euros. Le tableau ci-après représente les flux financiers liés depuis 2006.

Évolution du programme FREMM

(en millions d’euros)

 

Engagement

CP

Volume commandé

Volume livré

2006

PAP

23,3

199,3

0

0

RAP

23,3

403,6

0

0

2007

PAP

292,4

127,9

0

0

RAP

285,0

332,2

0

0

2008

PAP

53,0

182,2

0

0

RAP

36,9

388,4

0

0

2009

PAP

2 300,0

489,7

3

0

RAP

2 156,2

966,3

3

0

2010

PAP

149,1

387,4

0

0

RAP

97,8

384,9

0

0

2011

PAP

133,7

337,1

0

0

2012

PAP

2,3

556,7

0

1

Source : ministère de la défense.

La mission d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée nationale menée par Bernard Cazeneuve et Jean-Michel Fourgous en février 2008 notait dans son rapport le fort différentiel de prix unitaire des deux types de frégates : 900 millions d’euros pour les Horizon contre 400 millions d’euros pour les FREMM. Selon les rapporteurs, « la différence de coût entre les deux types de navire tient à l’absence d’effet série pour les frégates Horizon, mais aussi pour partie au fait que les deux frégates Horizon seront un peu plus volumineuses […] mais aussi mieux équipées notamment en matière de radar : elles disposeront en effet d’un radar de surveillance et d’un radar de conduite de tir qui seront situés assez haut sur la mer grâce à leurs dimensions généreuses ; les FREMM, quant à elles, ne seront équipées que d’un seul radar polyvalent placé moins haut, donc moins performant. En revanche, les systèmes d’armes de tous ces navires seront identiques » (224). Si l’on s’en tient à ce différentiel technologique, d’aucuns pourraient trouver la facture des systèmes radars un peu lourde puisqu’elle atteint 500 millions d’euros.

En conservant le programme Horizon, la marine nationale s’est privée de la capacité budgétaire d’acquérir quatre FREMM supplémentaires et d’économiser 200 millions d’euros, sans abandonner de capacités opérationnelles. Les FREMM dites FREDA assurent en effet des missions de défense aérienne normalement dévolues aux frégates Horizon.

L’argument mettant en avant la contrainte de la coopération industrielle n’est pas recevable puisque les deux bâtiments sont franco-italiens. Le programme FREMM obéit à un strict partage géographique franco-italien : DCNS construit les frégates destinées à la France ; Orrizonte Sistemi Navali, les bâtiments italiens. Thales, MBDA, Sagem, Eurotorp et Oto Melara sont les principaux sous-traitants du programme.

Chaque État, veillant jalousement à alimenter le carnet de commande de son industrie navale, aurait trouvé son compte dans une telle annulation et un report, même partiel, des crédits sur le programme FREMM. Le maintien du programme Horizon, antérieur de quelques années de celui des FREMM, a au contraire fragilisé budgétairement ce dernier, pourtant financièrement plus rentable car bénéficiant d’une réelle économie d’échelle.

Il aurait été utile que les militaires et les industriels fassent preuve de bon sens. Ils n’ont cependant pas été incités à s’inscrire dans cette logique, faute d’une impulsion politique. L’absence de décision est coupable car elle ne prémunit pas le programme d’arbitrages budgétaires négatifs. Les réductions se porteront en effet immanquablement sur les FREMM puisque les frégates Horizon sont déjà construites.

● En septembre 2002, la marine américaine lance un nouveau concept de bâtiment de combat destiné à protéger les zones côtières, le Littoral Combat Ship (LCS). Ce navire, faiblement armé, doit pouvoir accomplir des missions anti-navires, anti-sous-marines et anti-mines. Deux prototypes ont été réalisés, l’un par Lockheed Martin, l’autre par l’Australien Austal. Les deux sociétés se partagent à égalité la commande portant sur 20 bâtiments pour un montant total de 7 milliards de dollars américains.

La procédure retenue pour ce programme (acquisition auprès de deux sociétés concurrentes) est vivement critiquée, d’autant plus que des défaillances technologiques, des retards calendaires et des dérapages budgétaires jalonnent son développement.

3. La lutte anti-mines

« La guerre des mines comprend deux volets : la pose de mines et les actions entreprises pour contrer la menace des mines ennemies. En cas de menace, des actions doivent être entreprises en amont pour empêcher l’ennemi de poser des mines, actions qui peuvent comprendre l’attaque des plates-formes impliquées. En présence de mines, il est nécessaire de réduire les effets en employant des moyens spécialisés qui doivent permettre de dégager des voies de navigation sûres et de contourner les zones dangereuses. Ce domaine d’action comprend la mise en place de dispositifs réduisant la vulnérabilité intrinsèque des navires » (225).

La marine nationale compte 11 chasseurs de mines type tripartite (CMT), basés à Brest et à Toulon. Ces bâtiments sont le fruit d’un programme mené en coopération entre la France, les Pays-Bas et la Belgique. Le premier exemplaire affecté à la marine nationale est entré en service en avril 1984 (L’Eridan) ; le dernier (le Capricorne) a été acquis à la marine belge en 1997 après 10 années de service sous pavillon belge.

Ces navires déplacent 615 tonnes à pleine charge à une vitesse maximale de 15 nœuds. Leur coque spéciale est réalisée en composite verre et résine polyester. Ils disposent d’un radar Racal-Decca DRBN-38 et deux sonars : un DUBM-21 E (TSM 2022 Mk 3) et un sonar propulsé à immersion variable. Chaque chasseur de mines est servi par un équipage de 49 hommes.

Pour la neutralisation des mines, il est fait recours à des plongeurs démineurs ou à des poissons autopropulsés (PAP 104). Les plongeurs démineurs sont répartis en trois groupes (GPD) basés à Brest, Cherbourg et Toulon. Leur formation les autorise à intervenir jusqu’à 80 mètres de profondeur, sous oxygène pur. Les PAP sont des véhicules filoguidés disposant d’une caméra permettant l’identification de la mine et d’une cisaille explosive ou d’une charge explosive qu’ils peuvent placer à proximité. Ils peuvent intervenir jusqu’à 80 mètres de profondeur.

La LPM prévoit que « le système de lutte anti-mines futur (SLAMF) reposera sur des drones de surface et sous-marins, et sur des bâtiments bases. Ce projet fait l’objet d’une recherche de coopération au sein de l’Agence européenne de défense (AED). La livraison d’une première capacité est prévue vers 2018 ».

La lutte anti-mines est donc appelée à devenir un champ capacitaire réservé aux drones. Les bâtiments chasseurs de mines n’exposeront plus la vie de leur équipage dans des missions hautement périlleuses. Plusieurs projets sont en cours de développement et à des stades différents :

- le « drone porte drones » naval Espadon de lutte anti-mines en mer a été mis à l’eau le 8 décembre 2010, avant une première expérimentation en mer en 2011. Catamaran de 17 mètres pesant 25 tonnes, ce bâtiment sans pilote fait l’objet d’un programme d’études amont (PEA) confié à DCNS, Thales et ECA. Il est fabriqué par Pech’alu International ;

- parmi les drones susceptibles d’être embarqués à bord de l’Espadon figurera le drone Alister 100 de la société ECA qui doit être livré en 2012 à la marine nationale. Long de 2 mètres pour un poids maximum de 70 kg, ce drone évolue jusqu’à 100 mètres de la surface, voire 1 000 mètres selon l’option. Son autonomie est de 15 heures et sa vitesse maximale de 5 nœuds. Le schéma ci-après détaille ce matériel ;

Le drone Alister

Source : www.eca.fr.

- ECA a également développé des drones destructeurs de mines : le K-STER, vendu à plus de 300 exemplaires, dispose d’une tête pivotante attaquant tous types de mines en surface ou en eaux profondes ; le PAP MK5 est un véhicule filoguidé de près de 900 kg pouvant aller jusqu’à 300 mètres de profondeur, détruisant les mines par explosion d’une charge de 120 kg ou par cisaillement de l’orin.

La déclaration franco-britannique sur la coopération de défense et de sécurité du 2 novembre 2010 aborde la guerre contre les mines maritimes. La France et le Royaume-Uni vont harmoniser leurs « plans concernant les équipements et systèmes antimines. Ceci pourrait renforcer l’efficacité, assurer l’interopérabilité et contribuer à soutenir la base industrielle franco-britannique dans le secteur sous-marin. À cette fin, [ils mettront] en place en 2011 une équipe de projet commune pour définir les spécifications d’un prototype de système antimines ».

4. Les sous-marins d’attaque

●  « Les sous-marins, dont la vertu essentielle est la discrétion, sont aptes à la fois à la lutte anti-navires et à la lutte anti-sous-marine. Ils offrent une série d’options d’emploi stratégique et tactique et peuvent opérer dans des zones à haut risque où d’autres forces navales ne pourraient se maintenir pour réaliser, seuls et dans la durée, des opérations d’interdiction ou de contrôle des mers. Les sous-marins nucléaires d’attaque peuvent également, grâce à leur grande mobilité, renforcer les dispositifs aéronavals. Les sous-marins sont le plus souvent employés pour fournir des renseignements, donner l’alerte ou effectuer des reconnaissances préalablement au début des hostilités. Ils peuvent aussi être employés pour des frappes ponctuelles, du minage offensif ou des opérations spéciales. Ils sont particulièrement bien adaptés aux opérations d’interdiction et de surveillance discrète en amont d’une opération aéromaritime » (226).

La longue liste des États disposant ou programmant l’acquisition de sous-marins d’attaque atteste de l’importance de ce système d’armes, même si les marines ayant des sous-marins à propulsion nucléaire donc plus endurants sont peu nombreuses : Afrique du Sud, Algérie, Allemagne, Argentine, Australie, Brésil, Canada, Chili, Chine, Colombie, Corée du Sud, Danemark, Égypte, Équateur, États-Unis, Espagne, France, Grèce, Inde, Indonésie, Iran, Israël, Italie, Japon, Malaisie, Norvège, Pays-Bas, Pakistan, Pérou, Pologne, Portugal, Russie, Singapour, Suède, Thaïlande, Turquie, Venezuela et Vietnam.

Ce mouvement est appelé à se renforcer compte tenu des capacités opérationnelles spécifiques des sous-marins. « La présence d’un sous-marin change fondamentalement le contexte stratégique ou tactique d’un théâtre d’opérations. Invisible et partout à la fois, il fait peser une menace permanente et permet d’acquérir du renseignement au plus près des objectifs, y compris terrestres, le cas échéant en mettant des commandos à terre » (227). Les États ayant une façade maritime à défendre ne peuvent faire l’impasse de la capacité sous-marine. Pour Sten Tolgfors, ministre de la défense du royaume suédois, « les avions de chasse et les sous-marins sont des équipements vitaux pour la défense de la Suède. Nous n’avons pas des centaines de kilomètres de frontières terrestres pour lesquelles nous devons craindre. Nous avons des centaines de kilomètres de côtes à défendre » (228). Par ailleurs, malgré les contraintes pesant sur son budget, le ministère de la défense australien maintient son programme Future Submarines Project visant à remplacer la flotte actuelle de six sous-marins de la classe Collins par 12 sous-marins développés et construits par des chantiers navals locaux, pour une entrée en service à partir de 2030.

La France fait des SNA une priorité de sa programmation militaire. La LPM souligne que « les sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) apportent une contribution essentielle à la sûreté de la force océanique stratégique (FOST) et à la protection du groupe aéronaval. Ils participent également aux opérations spéciales, aux frappes dans la profondeur et à la maîtrise de l’espace aéro-maritime. Le programme des six SNA Barracuda fait l’objet d’une priorité dans la période de programmation pour une première livraison en 2017 ». Le nombre retenu de SNA est un plancher. Il ne laisse que peu de marge de manœuvre. Sur les six bâtiments, deux sont immobilisés en réparation, plus ou moins longues ; deux sont dédiés à la protection des SNLE dans le cadre de la dissuasion. Il ne reste que deux sous-marins pour mener des missions conventionnelles, dont la protection du groupe aéronaval. La France étant la deuxième puissance maritime au monde en terme de superficie, la fragilité de son outil de défense sous-marine est criante. Accroître le nombre de sous-marins impose en corollaire de recruter des hommes prêts à accomplir des missions exigeantes, dans un environnement contraint, isolés durant plusieurs mois de leurs proches. Un sous-marin est mis en œuvre alternativement par deux équipages. Cette réalité humaine est un élément particulièrement structurant.

● La marine nationale dispose actuellement de 6 sous-marins nucléaires d’attaque de la classe Rubis basés à Toulon. Le premier fut admis au service actif en février 1983, le dernier en juillet 1993. Déplaçant 2 670 tonnes en plongée, servi par un équipage de 68 hommes, ce bâtiment se déplace à 25 nœuds à une immersion maximale de 300 mètres. Son armement est composé de torpilles F17 mod 2 et de missiles Exocet SM-39. Son autonomie est de 60 jours. Chaque sous-marin est conçu pour accomplir 220 jours de mission par an. Mais, afin de ménager les sous-mariniers, chaque sous-marin se voit affecter deux équipages, rouge et bleu, qui alternent.

Successeurs des sous-marins de la classe Rubis, les six sous-marins nucléaires d’attaque de la classe Barracuda entreront en service actif entre décembre 2017 et mars 2028, avec une durée de vie opérationnelle estimée à 30 ans. Le premier de la série sera le Suffren, le second le Duguay-Trouin. Le 28 juin 2011, la DGA a commandé à DNCS et AREVA TA le troisième exemplaire.

Les caractéristiques de la classe Barracuda révèlent les progrès accomplis dans la conception des bâtiments par rapport à la classe Rubis. Bâtiment long de 99 mètres pour un diamètre de 8,8 mètres, il déplace 5 200 tonnes en plongée (immersion supérieure à 350 mètres), soit le double des Rubis. Le SNA Barracuda opère un véritable saut technologique dans sa catégorie, utilisant principalement les développements réalisés pour les SNLE, notamment pour la furtivité, la chaufferie nucléaire, le système de combat. Le périscope a laissé place à des mâts optroniques. L’armement du Barracuda est supérieur à celui du Rubis, en termes d’emport. Il sera en mesure de tirer des missiles de croisière Scalp Naval, la torpille lourde F21 et des missiles exocet SM39. Son équipage est composé de 60 hommes, soit 13 % de moins que ceux des Rubis. Ceci a permis une amélioration du confort des espaces de vie.

Le tableau ci-après représente les flux financiers liés au programme depuis 2006 avec un coût total de 8,6 milliards d’euros.

Évolution du programme Barracuda

(en millions d’euros)

 

Engagement

CP

Volume commandé

Volume livré

2006

PAP

188,5

159,1

1

0

RAP

1 074,6

29,62

1

0

2007

PAP

220,0

68,4

0

0

RAP

883,3

100,2

0

0

2008

PAP

253,6

330,4

0

0

RAP

1 000,2

293,5

0

0

2009

PAP

1 359,5

374,4

1

0

RAP

1 337,0

398,1

1

0

2010

PAP

95,7

463,8

0

0

RAP

51,5

454,8

0

0

2011

PAP

1 387,1

438,6

1

0

2012

PAP

38,0

621,1

0

0

Source : ministère de la défense.

● Programme mené en coopération entre la France, le Royaume-Uni et la Norvège, le système de secours de sous-marin NSRS (Nato submarine rescue system) a été admis au service actif en mars 2011. Ce mini-sous-marin de 27 tonnes pour 10 mètres de long est destiné à secourir les équipages des SNA. Il peut plonger jusqu’à 600 mètres de profondeur par une mer de force 6 (mer très forte). Il nécessite un équipage de 3 hommes (sans compter les personnels présents sur le navire mère) et peut embarquer jusqu’à 12 personnes. Pour préparer l’opération de sauvetage au sens strict, un robot ROV (Remote operated vehicle) expertise le sous-marin en difficulté et communique avec l’équipage. Il peut également transférer des vivres via le sas de sauvetage. Il peut attacher une ligne au sous-marin accidenté pour pouvoir le déplacer si nécessaire. Le mini sous-marin intervient ensuite en se positionnant sur le sas de secours. Pour éviter tout accident de décompression, généralement fatal, la pression extérieure est recréée à l’intérieur du mini sous-marin en laissant pénétrer de l’eau à hauteur des épaules (soit une pression d’environ 3 barres équivalant à une profondeur de 30 mètres). Les hommes secourus peuvent alors pénétrer dans le mini sous-marin et rejoindre le caisson de décompression embarqué. Basé en Écosse, le NSRS peut être transporté par avions de transport pour être sur zone au maximum en 72 heures. Pour sa mise en œuvre, il nécessite un bâtiment, « navire mère de l’opération de sauvetage », avec une plage arrière de 400 m2. Ce programme s’élève à 70 millions euros dont un tiers à la charge de la France. Le maître d’œuvre industriel du NSRS est Rolls-Royce Naval Marine.

● Le savoir-faire industriel de DCNS en matière de sous-marin est de notoriété mondiale. Toutefois, les bâtiments développés pour la marine nationale n’ont pas vocation à être exportés. Vendre un SNLE à une marine étrangère reviendrait à dévoiler une pièce maîtresse de la dissuasion française. Par ailleurs, la propulsion nucléaire est une technologie exigeant une formation poussée des équipages et que ne maîtrisent que de rares puissances navales. Aussi, pour accroître son chiffre d’affaires sur le marché mondial, DCNS s’appuie sur d’autres modèles, notamment le Scorpène acquis par le Chili, la Malaisie, l’Inde ou encore le Brésil. Bâtiment déplaçant 2010 tonnes en plongée, le sous-marin Scorpène est servi par un équipage de 30 à 45 hommes. À propulsion diesel, il affiche une vitesse en plongée supérieure à 20 nœuds et une profondeur d’immersion supérieure à 350 mètres. Torpilles et missiles Exocet SM-39 constituent son armement de base.

À l’instar des autres exportations d’armement, de tels contrats s’accompagnent d’un transfert de technologies au profit des chantiers navals locaux. C’est ainsi que le 16 juillet 2011 a débuté la construction du premier Scorpène brésilien sur les chantiers navals de Rio de Janeiro. À cette fin a été créée la société Itaguaï Construções Navais, détenue par le groupe Brésilien Odebrecht (59 %) et par DCNS (41 %).

Le précédent partenariat autour des Scorpène s’est terminé par un contentieux juridictionnel entre DCNS et le groupe espagnol Navantia. Initialement, DCNS (67 %) et Navantia (33 %) développaient conjointement le sous-marin, se partageant la charge industrielle des contrats signés à l’export. Ainsi, les chantiers navals de Cherbourg et de San Fernando (Andalousie) ont réalisé chacun un des deux sous-marins destinés au Chili. Mais les velléités d’indépendance de la société espagnole ont eu raison de la coopération. En 2003, Navantia décide de développer un nouveau sous-marin, le S-80, concurrent direct du Scorpène, en faisant appel pour son armement aux groupes américains Raytheon et Lockheed Martin. DCNS et son actionnaire privé, Thales, ne pouvaient que constater la rupture de la confiance. Le 15 novembre 2010, DCNS et Navantia ont mis un terme à leur alliance industrielle.

Le groupe allemand TKMS est le principal concurrent européen sur le segment des sous-marins conventionnels. Sa filiale, Howaldtswerke, est un des premiers constructeurs mondiaux, grâce notamment aux sous-marins classe 209 acquis par de nombreux pays étrangers (Chili, Afrique du Sud, Argentine, Brésil, Colombie, Corée du Sud, Équateur, Grèce, Inde, Indonésie, Pérou, Turquie, Venezuela). À l’instar des sociétés américaines, le Britannique BAE, spécialisé dans les sous-marins à propulsion nucléaire (Astute et Vanguard), est absent sur le marché mondial. La Russie, via les chantiers Komsomolsk / Nizhniy Novgorod, exporte des sous-marins de la classe Kilo à ses partenaires traditionnels (Algérie, Chine, Vietnam). Elle développe un nouveau système de propulsion en circuit fermé pour remplacer ses actuels sous-marins à propulsion diesel et diesel-électrique. Ce mode de propulsion offrira une plus grande autonomie en plongée et une meilleure capacité opérationnelle dans les zones côtières.

D’autres États disposent d’une capacité industrielle sous-marine, développée en partenariat avec des sociétés européennes : l’Australie, avec l’Australian Submarine Corporation ASC, la Corée via le géant Daewoo Shipbuilding and Marine Engineering DSME.

5. Le missile de croisière navale Scalp naval

● Lors des premières 24 heures des opérations internationales en Libye, en mars 2011, 124 missiles de croisières Tomahawk ont été tirés par les forces américaines et britanniques à partir de destroyers et de sous-marins. Ce chiffre élevé révèle, s’il en était encore besoin, la place désormais prise par ces systèmes d’armes, notamment dans les premières heures d’une opération. La capacité de frapper des centres de pouvoir ou de commandement, des infrastructures militaires ennemies, depuis des plateformes hors de portée des missiles défensifs, constitue un avantage opérationnel indéniable.

Aujourd’hui, la France ne dispose que de missiles de croisière aéroportés, les SCALP-EG, entrés en service en 2004. Leur dérivé naval, Scalp Naval ou MdCN (missile de croisière naval) est en phase terminale de développement. Le premier tir d’essai en configuration frégate a eu lieu en mai 2010. Le 8 juin 2011, le premier tir depuis une plateforme sous-marine du Scalp Naval a été un succès. L’intégration sur les sous-marins nucléaires d’attaques Barracuda doit intervenir à partir de 2017 et sur les FREMM dès 2013.

Le missile de croisière naval est un missile de longue portée (supérieure à 1 000 kilomètres). Il apporte une capacité de frappe dans la profondeur avec une précision métrique, limitant les dommages collatéraux. Sa charge militaire est de 250 kg. Son système de navigation s’appuie sur trois éléments :

- une centrale de navigation inertielle complétée par une corrélation altimétrique opérée par un module Terprom qui compare les mesures du radioaltimètre avec une carte numérisée embarquée ;

- un système satellitaire GPS de positionnement ;

- un autodirecteur infrarouge pour la phase de guidage terminal.

Ce programme prévoit 50 Scalp Naval pour la composante sous-marine (six sous-marins) et 150 pour les 9 FREMM. Son déploiement est donc très dépendant de la mise en service de ces plateformes. Mais avec 6 SNA et 9 FREMM dont les missions ne se limitent pas à l’emport du MdCN, la France dispose-t-elle d’un nombre suffisant de plateformes permettant d’exploiter de façon optimale la capacité dissuasive du missile ? Des interrogations subsistent donc par rapport au Scalp naval, programme d’un coût total de 1,13 milliard d’euros, et des capacités opérationnelles dont la Marine nationale ne manque pas de se targuer.

Le tableau ci-après retrace les flux financiers du programme depuis 2006.

Évolution du programme Missile de croisière naval

(en millions d’euros)

 

Engagement

CP

Volume commandé

Volume livré

2006

PAP

551,9

10,2

50

0

RAP

620,0

3,1

50

0

2007

PAP

29,7

34,0

50

0

RAP

7,3

33,0

0

0

2008

PAP

11,4

80,3

0

0

RAP

3,5

79,4

0

0

2009

PAP

480,0

97,4

150

0

RAP

363,3

95,8

150

0

2010

PAP

25,9

107,5

0

0

RAP

7,4

103,4

0

0

2011

PAP

0

66,5

0

0

2012

PAP

0

188,6

0

0

Source : ministère de la défense.

● Sur le plan mondial, on constate une volonté d’un nombre croissant d’États de disposer de missiles de croisière navals. Plusieurs systèmes sont en service. Aux États-Unis, le Tomahawk est développé depuis le milieu des années 1970, dont la dernière version, Block IV TAC TOM (Tactical Tomahawk), est lancée depuis des navires de surfaces. En Russie, à sa mise en service au milieu des années 1980, le missile subsonique de longue portée GRANAT (SS-N-21) avait une finalité nucléaire. Aujourd’hui, il dispose de charges conventionnelles. En Inde, le Brahmos, missile supersonique de moyenne portée, est destiné à des frappes au sol ainsi qu’à des frappes anti-navire. Il est entré en service en 2008. Missile subsonique de longue portée, le Nirbhay est en cours de développement au Pakistan, le missile subsonique de longue portée Haft 7 Babur est en production depuis 2005. En Chine, le missile de longue portée HN-2C est la déclinaison sous-marine du missile aéroporté HN-2. Subsonique et de moyenne portée, le missile C-602 est annoncé opérationnel depuis 2006. En Corée du Sud, le missile subsonique de moyenne portée, le Cheon Ryong est en développement depuis 2005. En Israël, le SLCM Popeye Turbo est un missile subsonique de longue portée dérivé d’un missile air/sol. De moyenne portée mais également subsonique, le Delilah SL, en service depuis 1995, a une double capacité (frappe au sol, anti-navire).

6. Les armements anti-navire et anti-sous-marin

La montée des tensions sur le partage et l’exploitation des espaces maritimes sur toutes les mers du monde ont conduit à un accroissement de la flotte mondiale de sous-marins et de navires de surface. En cas de menaces avérées, la destruction de bâtiments ennemis, qu’ils soient en surface ou en plongée, peut être décidée. Les missiles et torpilles employés à cette fin peuvent être tirés depuis un bâtiment de surface ou un sous-marin mais aussi depuis des aéronefs. « La lutte anti-navires comprend les actions entreprises contre les forces de surface ou la flotte marchande de l’ennemi en vue de les empêcher d’utiliser l’espace aéromaritime. Cette lutte nécessite de pouvoir détecter et engager rapidement les forces de surface adverses afin de contrecarrer leur action. Ces opérations peuvent être conduites par des aéronefs, des bâtiments de surface ou des sous-marins d’attaque agissant soit seuls soit au sein de dispositifs coordonnés. Le préavis et l’alerte à grande distance donnés par les sources de renseignement constituent un facteur important qui précède la détection initiale par les avions à long rayon d’action embarqués ou basés à terre, les hélicoptères embarqués ou les capteurs intégrés des navires. Une fois la menace détectée, sa composition et son dispositif sont déterminés avant de l’engager. Les vedettes et les petits patrouilleurs rapides employés par de nombreux pays peuvent constituer une menace diffuse qui doit être évaluée avec d’autant plus d’attention que les forces aéronavales sont désormais appelées à opérer de plus en plus souvent à proximité des côtes » (229).

● Dans la catégorie des armements anti-navire, le missile français Exocet, dans ses différentes versions, demeure un armement de haute qualité technologique. Développé au début des années 1970, il demeure, 40 années plus tard, en service au sein des forces armées de 35 pays. À chaque décennie correspond une génération d’Exocet présentant des capacités technologiques renforcées, notamment en portée de tir, en détection et discrimination de cibles et en guidage. Le succès de ce missile de longue portée tient beaucoup à sa capacité d’être utilisé à partir de plateformes différentes : aéronef (version AM), bâtiment de surface (MM) ou sous-marin (SM). Sa fonctionnalité « tire et oublie » combinée à sa longue portée confère un surcroît de sécurité à la plateforme de tir.

Le tableau suivant récapitule les différents armements actuellement employés par les forces françaises.

Les différentes générations de missiles Exocet

 

AM-39

SM-39

MM-40 Block 3

Plateforme de tir

Atlantique 2, Mirage, Rafale, Super Etendard, Cougar

Scorpène, SNA, SNLE

FREMM, HORIZON, F70, Avisos

Descriptif

 

Tir à partir des tubes lance-torpilles des sous-marins pour éjection hors de l’eau puis mise en configuration missile.

Tir contre des navires en surface ou des cibles côtières, depuis des navires ou des batteries côtières

Vitesse

300 m/s

300 m/s

 

Poids

655 kg

655 kg

1 150 kg

Portée

50-70 km

50 km

180 km

Source : ministère de la défense.

Lors du salon du Bourget de 2011, MBDA a dévoilé la maquette d’un projet de missile d’attaque maritime, Perseus, destiné à succéder à l’Exocet. Ce missile est susceptible de se déplacer à Mach 2 ou 3, selon l’altitude de vol, pour frapper une cible dans un rayon de 300 kilomètres.

Les missiles Exocet sont une des grandes réussites industrielles françaises. Pour preuve, leur succès à l’export malgré une réelle concurrence : l’américain Harpoon Block II mis en service en 2000, missile subsonique de courte portée ; le russe Sizzler (SS-N-27), missile subsonique de moyenne portée, mis en service dans les années quatre-vingt ; le russo-indien BrahMos qui a une portée de 290 km. D’autres États ambitionnent de se doter de capacités anti-navires nationales mais le développement d’un tel armement s’avère complexe, comme le démontrent les échecs répétés des essais du missile supersonique taïwanais Hsiung Feng III.

Le missile Exocet est cependant surdimensionné pour la lutte contre de petites embarcations. Selon la loi de programmation militaire 2009-2014, « un missile antinavires léger pour hélicoptère destiné au combat en zone littorale et au combat asymétrique sera acquis à l’horizon 2018 ». L’ANL a été inscrit dans l’accord de défense franco-britannique de novembre 2010 au titre des programmes devant consolider la base industrielle dans le secteur des missiles. Les premières études se fondent sur un missile tiré depuis un hélicoptère (NH90, Panther ou Sea Lynx) avec une portée de 20 kilomètres pour un poids de 110 kilogrammes et une charge militaire de 30 kilogrammes. La phase d’évaluation du missile par MBDA s’achève à l’automne 2011. L’entrée en service de l’ANL est envisagée pour 2015.

● La torpille légère de lutte anti-sous-marine MU 90 peut être tirée à partir des frégates (F70, Horizon, FREMM), des hélicoptères (Lynx, NH 90) et des avions Atlantique 2 de la marine nationale, soit d’une altitude allant de la surface à 900 mètres. Son lancement peut être effectué de tout temps, jusqu’à moins 26 degrés de température extérieure. Elle est longue de près de 3 mètres pour un poids de 317 kg, accessoires de lancement inclus. Son rayon d’action à vitesse maximale est de 10 kilomètres, porté à 23 kilomètres à vitesse minimale.

Programme franco-italien lancé en 1982, la maîtrise d’œuvre industrielle est confiée à un groupement européen d’intérêt économique créé en 1993, Eurotorp, réunissant les Français DCNS (26 %), Thales (24 %) et l’italien Wass, filiale de Finmeccanica spécialisée dans les torpilles et les systèmes de contre-mesures, (50 %). La MU90 est en service en France, en Italie, en Allemagne, en Pologne, au Danemark et en Australie. Pour la France, la LPM établit la cible à 300 unités.

Le tableau ci-après retrace les flux financiers du programme depuis 2006.

Évolution du programme Torpille MU 90

(en millions d’euros)

 

Engagement

CP

Volume commandé

Volume livré

2006

PAP

6,3

28,5

 

75

RAP

1,3

1,5

 

0

2007

PAP

0

21,1

 

75

RAP

0

9,4

 

50

2008

PAP

5,4

33,8

 

75

RAP

4,6

26,0

 

50

2009

PAP

0

29,7

 

75

RAP

3,5

18,9

 

75

2010

PAP

7,3

25,9

 

75

RAP

7,5

9,8

 

50

2011

PAP

0

9,6

 

25

2012

PAP

0

3,2

 

0

Source : ministère de la défense.

La torpille lourde F21 ou ARTEMIS doit succéder, à partir de 2015, à la torpille F17 mod2 actuellement en service sur les SNA et SNLE. Cette torpille est à la fois anti-sous-marine et anti-bâtiment de surface. En mode défensif ou offensif, elle peut être tirée à différentes profondeurs, d’un sous-marin ou d’un bâtiment de surface, et affiche un rayon d’action supérieur à 50 kilomètres. Elle se déplace à plus de 50 nœuds et est filoguidée. La tête acoustique de la torpille lui confère des capacités de sonar de veille et d’attaque. La conception préliminaire s’est achevée en juin 2009. La mise en service est attendue pour 2016. À terme, ce programme devrait se monter à 480 millions d’euros. Le tableau ci-après retrace les flux financiers du programme depuis 2006.

Évolution du programme Artemis

(en millions d’euros)

 

Engagement

CP

Volume commandé

Volume livré

2006

PAP

       

RAP

       

2007

PAP

15,0

0

   

RAP

0

0

   

2008

PAP

127,1

14,8

6

 

RAP

141,1

9,8

6

 

2009

PAP

8,0

43,8

   

RAP

7,0

32,9

   

2010

PAP

7,7

38,1

   

RAP

5,0

27,2

   

2011

PAP

159,5

28,5

   

2012

PAP

20,0

66,2

   

Source : ministère de la défense.

La maîtrise d’œuvre est assurée par DCNS. La production était initialement partagée entre DCNS et Wass. Ce partenariat qui devait se traduire par la création d’une société commune a échoué. En avril 2011, des négociations entre le constructeur français et Atlas Elektronik, filiale de l’allemand TKMS et d’EADS, seraient en cours pour poursuivre le développement de la F-21. Mais tant italien qu’allemand développent des systèmes similaires voire concurrents : Black Shark (Italie), DM2 A4 (Allemagne).

La Chine a développé un missile balistique anti-porte-avions : le DF-21 D ou Dong Feng. La portée maximale du missile est de près de 1 500 kilomètres. Ce missile confirme l’intérêt porté par les autorités chinoises aux enjeux maritimes, notamment pour s’assurer la suprématie navale en Mer de Chine et interdire la présence de forces aéronavales, principalement américaines. Ce nouveau missile constitue une surprise stratégique pour les États-Unis.

7. Les hélicoptères embarqués

L’embarquement d’hélicoptères à bord de bâtiments de la marine nationale permet d’accomplir de multiples missions. Outre le sauvetage en mer et la projection vers la terre de commandos, l’hélicoptère accroît les capacités de lutte anti-navire et anti-sous-marine des navires. Grâce au rayon d’action des hélicoptères embarqués, les bâtiments de la marine peuvent mener des attaques tout en demeurant hors de portée de des navires ennemis. Dans le cadre des missions de surveillance maritime, les radars embarqués à bord des hélicoptères renforcent les capacités des radars des bâtiments, agrandissant ainsi l’espace maritime sous contrôle. Le porte-avions mais aussi les frégates et certains bâtiments logistiques ont une capacité porte-hélicoptères.

L’Alouette III est l’hélicoptère historique de la marine nationale, utilisé pour les missions de secours, de lutte anti-navire et de lutte anti-sous-marine. Aujourd’hui, il demeure en service pour former les équipages mais aussi, à bord du porte-avions, pour porter secours aux équipages lors des phases de catapultage et d’apontage.

Le Dauphin est destiné aux missions de secours en mer et de surveillance des espaces maritimes. La Marine nationale dispose de 9 appareils. Se déplaçant à une vitesse maximale de 287 km/h, il peut parcourir 400 nautiques, pendant 4 heures. Son équipage de 3 hommes est complété par un plongeur afin de récupérer des naufragés. De la même classe que le Dauphin, également développé et produit par Eurocopter, l’AS.565 Panther est destiné à la lutte au-dessus de la surface, grâce à son armement air/mer et air/sol. Pesant 4,25 tonnes, cet hélicoptère est servi par trois hommes d’équipage, tout en embarquant 5 passagers. Il affiche une autonomie de 4 h 15, peut parcourir près de 800 kilomètres, avec une vitesse maximale de 287 km/h. Le 31 mai 2011, la marine nationale a réceptionné le premier hélicoptère PANTHER rénové au standard 2. Le parc total s’élève à 16 appareils. Cette rénovation porte notamment sur l’avionique et les systèmes de communications. Elle a fait l’objet d’un contrat de 61 millions d’euros, notifié en mai 2007 à Eurocopter (88,5 %) et au SIAé (11,5 %). Elle doit s’achever en 2016.

Successeur des Alouette III dans la lutte anti-sous-marine, le Lynx est engagé à partir des frégates F67 et F70. Entré en service à partir de 1979 au sein de la flottille 34F, il est armé de torpilles Mk46 ou MU 90. Il dispose d’un sonar DUAV-4 et d’un radar PRB-31. Son équipage est composé de trois hommes. « Le savoir-faire anti-sous-marin est difficile à acquérir. Dans le vol de nuit maritime, il n’y a pas de repères extérieurs, pas d’horizon, tout se fait aux instruments. C’est pour cela que piloter à 30 mètres au-dessus de l’eau, par nuit noire à 200 km/h, nécessite quatre ans d’entraînement » (230). Pour tout hélicoptère embarqué, outre l’équipage, sont également rattachés 10 techniciens. Hélicoptère de 4,8 tonnes à pleine charge, le Lynx a une autonomie de 2 h 30, lui permettant de parcourir 320 milles nautiques à une vitesse maximale de 150 nœuds.

Selon la LPM, « le NFH90 (NATO Frigate Helicopter) version combat remplacera le Lynx sur les frégates de nouvelle génération Horizon et FREMM à raison d’un hélicoptère par frégate. Le NFH90 participera aussi aux missions de sauvetage en mer dans sa version soutien ». La version marine de l’hélicoptère de transport NH 90, dénommé NFH ou Sea Caïman, dispose d’un kit de lutte anti-sous-marine composé d’un sonar trempé « Flash », d’un lanceur de bouées et d’une torpille MU 90. Il pourra être également équipé du futur missile anti-navire léger (ANL). Par rapport à la version terrestre, compte tenu des spécificités de l’environnement marin et de son embarquement à bord de bâtiment, « le Caïman intègre un système de pliage des pales automatiques, un harpon et une structure composite particulièrement adaptée à son exploitation en atmosphère saline » (231).

Trois exemplaires ont été livrés en 2010 à Hyères. À l’automne 2011, la flottille 33F de Landéoc constituera la première unité opérationnelle marine de NH90, afin d’assurer des missions de secours maritime et de contre-terrorisme maritime. L’embarquement des frégates, Horizon et FREMM notamment, est programmé pour fin 2012 avec l’entrée en service des bâtiments. Les BPC, porte-avions et pétroliers ravitailleurs peuvent également accueillir ces hélicoptères. 27 NTH ont été commandés avec un rythme de livraison établi à deux exemplaires par an jusqu’en 2021.

E. LES MISSIONS DE SURVEILLANCE ET DE SAUVEGARDE MARITIMES

La surveillance et la sauvegarde maritime constituent une mission majeure de la marine nationale. L’espace maritime français est le deuxième mondial par sa superficie. Les Antilles, Saint-Pierre et Miquelon, la Polynésie et les archipels de l’extrême sud de l’Océan Indien en expliquent l’ampleur.

Comme le souligne la stratégie nationale pour la mer et les océans de décembre 2009, « la crédibilité de la politique maritime de la France repose avant tout sur la capacité de l’État français à exercer ses responsabilités en mer » (232). À cette fin a été créée la fonction de garde-côtes sous la responsabilité du secrétaire général de la mer (233), rassemblant l’ensemble des administrations participant à la mission de sauvegarde en mer (défense, douanes, gendarmerie, police…). Ces services mettent en œuvre d’importants moyens. Outre ceux de la marine nationale décris ci-dessous, mention doit être faite notamment de ceux des services des douanes dépendants du ministère de l’économie : moyens aériens (12 avions biturbines dont deux Polmar et cinq hélicoptères) et moyens maritimes (deux patrouilleurs garde-côtes, 19 vedettes garde-côte, 16 vedettes de surveillance rapprochée). D’importants matériels de transmission et d’identification sont embarqués dans les différents véhicules des douanes dont des récepteurs AIS (automatic identification system), des systèmes d’identification optronique similaires à ceux embarqués dans des aéronefs ou bâtiments des forces armées.

Selon la stratégie nationale de 2009, le format souhaitable des moyens destinés à intervenir en mer sera traduit dans un schéma directeur élaboré par le secrétaire général de la mer. Ce schéma définira un format cible décliné en moyens génériques, assortis d’une disponibilité opérationnelle pour la fonction de garde-côtes, venant s’ajouter à la disponibilité opérationnelle propre à l’administration d’appartenance de l’équipement.

Ce schéma directeur doit permettre de mutualiser non seulement le soutien des moyens navals mais aussi l’acquisition de futurs bâtiments, la stratégie rappelant que « l’acquisition de vecteurs nouveaux qui serait envisagée pour répondre à une fonction nouvelle ne doit pas entraîner la création d’une flotte supplémentaire ».

La stratégie nationale pour la mer et les océans renforce donc les missions du secrétariat général de la mer, organisme créé par le décret du 22 novembre 1995 et placé sous l’autorité du Premier ministre. Un comité directeur de la fonction garde-côtes, présidé par le secrétaire général de la mer, réunit le chef d’état-major de la marine, le directeur général des douanes, le directeur général de la gendarmerie nationale, le directeur général de la police nationale, le directeur des affaires maritimes et le directeur de la sécurité civile. Ceci signifie que, pour certaines de ces missions, les moyens de la marine nationale sont potentiellement définis par un organisme non hiérarchiquement subordonné au ministre de la défense ou au chef d’état-major des armées. Il est encore prématuré de dresser un premier bilan, d’autant plus qu’en matière de nouveaux équipements, la Marine nationale réceptionne de nouveaux bâtiments et n’a pas à court terme de programmes en développement qu’elle devrait partager avec d’autres entités administratives.

Fort de cette stratégie nationale et en raison de l’étendue de son espace maritime, la France refuse à ce jour toute délégation des moyens de surveillance et sauvegarde à un organisme européen (garde-côtes européens…).

1. Les bâtiments de la marine nationale

La marine nationale compte 10 patrouilleurs P 400 dont les plus anciens sont en cours de désarmement : après 24 années de service actif, les patrouilleurs P 400 l’Audacieuse et la Boudeuse ont été retirés du service actif respectivement le 7 juin 2010 et le 1er septembre 2010. Ils sont condamnés depuis le 30 mai 2011 et deviennent les coques Q862 et Q863.

Au printemps 2011, c’est au tour des patrouilleurs La Railleuse et La Rieuse de quitter leur port d’attache pour rallier Brest en vue de leur désarmement. Certains P 400, dont la Rieuse, sont en cours de cession à des États étrangers, en l’occurrence le Kenya. Les bâtiments encore en service sont basés dans les territoires d’outre-mer et participent à des missions de service public et de surveillance des zones économiques exclusives.

Déplaçant 480 tonnes à pleine charge, ces navires longs de 54,8 mètres peuvent se déplacer jusqu’à 23 nœuds avec une autonomie de 21 jours. Ses capacités de défense sont relativement sommaires : deux mitrailleuses 7,62 mm et deux canons antiaériens (40 et 20 mm). 30 hommes composent son équipage. Ses capacités lui permettent d’embarquer 20 personnes supplémentaires.

À Papeete, pour assurer la mission de patrouille maritime, La Railleuse est remplacée par le patrouilleur de service public Arago, bâtiment déplaçant près de 1 000 tonnes à pleine charge à 15 nœuds et servi par un équipage de 30 hommes. Ce navire a une autonomie de 5 200 miles nautiques à 12 nœuds. C’est un ancien navire hydrographique de deuxième classe de type Lapérouse, transformé en patrouilleur en 2002.

À la Réunion, la Rieuse aura pour successeur à compter du 21 octobre 2011 le patrouilleur de service public le Malin. En novembre 2010, la DGA a notifié à la société Piriou Naval Services, basée à Concarneau dans le Finistère un contrat visant à transformer ce bâtiment de soutien en patrouilleur hauturier. Le navire a été réceptionné le 18 août 2011. Ancien bâtiment de pêche hondurien de 1 000 tonnes, il dispose de deux mitrailleuses 12.7.

À la fin 2011, la marine nationale doit réceptionner le premier patrouilleur hauturier de la classe Gowind développé par DCNS, l’Adroit. Bâtiment de 87 mètres déplaçant 1 000 tonnes, il dispose d’une propulsion diesel lui permettant d’évoluer à 21 nœuds pour une autonomie de 8 000 miles nautiques. Il peut ainsi mener une campagne de trois semaines. Son équipage est composé de 30 hommes. Il dispose d’une plate-forme pour hélicoptère et drone. Il peut mettre à l’eau des embarcations rapides de 11 mètres. Ce bâtiment est mis à disposition pour trois ans par l’industriel. Pour le chef d’état-major de la marine, « DCNS construit de son côté un nouveau patrouilleur sur ses fonds propres pour se développer dans les navires de petit tonnage […]. Nous prenons le navire, nous le mettons en œuvre, nous lui donnons le label marine nationale et nous acquérons une expérience à la mer sur ce type de bâtiment. C’est un accord gagnant-gagnant » (234). La Malaisie a d’ores et déjà manifesté son intérêt pour ce patrouilleur, confirmant la justesse de la stratégie de DCNS sur cette catégorie de bâtiment.

2. Les moyens aériens

Les capacités aériennes de surveillance maritime remplissent plusieurs missions : surveillance des eaux territoriales, lutte anti-sous-marines, protection des bâtiments en mer, soutien à des opérations antiterroristes et anti-pirateries… Ces missions de surveillance sont notamment assurées par les flottilles 21F en Méditerranée, 23F dans l’Atlantique, 24F notamment en Guyane et 25 F en Polynésie.

À la suite de la fermeture de la base aéronavale de Nîmes Garons dans le cadre de la refonte de la carte des implantations territoriales des forces, les Atlantique 2 de la flottille 21F ont été transférés à la flottille 23F, de la base aéronavale de Lann-Bihoué. Toutefois, un détachement d’Atlantique 2 est ponctuellement affecté sur la base de Hyères dans le Var pour accomplir des missions urgentes sur le front méditerranéen. « La réorganisation de la patrouille maritime ne diminue donc pas son spectre de missions mais les flottilles s’adaptent et s’organisent différemment pour travailler » (235).

L’Atlantique 2 ne peut pas opérer depuis le porte-avions. Dès lors, son recours loin de la métropole, impose de s’appuyer sur les bases françaises de Djibouti, Dakar, Libreville, Abu Dhabi ou encore N’Djamena. La fermeture de certaines de ces infrastructures est de nature à remettre en question les zones d’intervention de l’avion.

Implantée sur la base aérienne 190 de Faa’a en Polynésie avec un détachement à Tontouta en Nouvelle Calédonie, la flottille 25F de surveillance et d’intervention maritime couvre un des plus vastes espaces maritimes au monde.

Le rayon d’action de la flottille 25F

Source : www.defense.gouv/marine.

L’Atlantique 2 mène les missions classiques de patrouille maritime mais est également employé pour assurer la protection anti-sous-marine de la composante océanique de la dissuasion et du groupe aéronaval, pour lutter contre la piraterie… Enfin, son apport en terme de renseignement et d’appui terrestre a été largement relayé dans le cadre notamment des opérations menées par les forces spéciales dans le Sahel.

Afin de garantir la disponibilité des appareils jusqu’en 2030, une large rénovation des différents systèmes embarqués est engagée. 13 Atlantique 2 (sur un parc total de 22) sont en service opérationnel au sein de la Marine nationale. L’âge moyen des avions est de 20 ans et leur retrait du service doit intervenir à partir de 2032. Selon le capitaine de frégate Henri-Bénédict Trippier, « la ligne directrice de cette rénovation, c’est bel et bien de rester au meilleur niveau de performances dans la lutte anti-sous-marine. La sûreté de la dissuasion nucléaire en dépend. Pas de départ en mission des SNLE sans Atlantique 2 en l’air pour dégager la route… […] L’avion de patrouille maritime est aujourd’hui le meilleur vecteur pour la lutte anti-sous-marine, mais à l’horizon 2030, peut-être les drones de combat auront-ils suffisamment évolué pour prendre en charge tout ou partie de cette mission » (236).

À la suite de la révision stratégique de défense, le Royaume-Uni a prononcé le retrait avant même leur entrée en service des 9 Nimrod MR 4. Cette décision a donné lieu à une vive polémique sur la perte capacitaire entraînée par cette décision. Dans une lettre publique, d’anciens généraux et amiraux britanniques ont qualifié la mise au rebut des avions patrouilleurs de « folie » (237), estimant qu’une « large faille dans la sécurité britannique est ouverte » (238). D’autres analystes considèrent que le Royaume-Uni abandonne ainsi toute surveillance de la mer du Nord et de l’Atlantique Nord, laissant le champ libre aux sous-marins russes notamment. Pour remplacer les Nimrod, le ministère de la défense envisage de mobiliser des hélicoptères Merlin et des frégates Type 23 pour escorter les SNLE Trident dans leur phase de départ et de retour de mission. En terme budgétaire, le gouvernement britannique espère de ce retrait une économie de 2 milliards de livres sterling sur 10 ans. Toutefois, la destruction des appareils coûtera 200 millions de livres et BAE Systems recevra des compensations financières. Sous la pression des événements en Afrique du Nord en février-mars 2011, les autorités britanniques ont suspendu leur décision concernant les Nimrod.

Dassault Aviation et BAE se sont unis pour étudier la faisabilité d’un nouvel avion de patrouille maritime dénommé Mercure X. S’inscrivant dans la ligne de l’accord franco-britannique de l’automne 2010 tout en étant antérieur à sa signature, ce projet ambitionne de remplacer conjointement les Atlantique 2 français et les Nimrod MR 4 britanniques.

● Pour mener à bien ses différentes missions de surveillance, de sauvegarde, de secours et recherche, de transport sanitaire sur un territoire maritime égal à l’Europe, la flottille 25F dispose de cinq avions Falcon 200 Gardian dont seulement deux sont en service. En 2010, grâce à cet avion, 52 personnes ont été sauvées.

Cet avion, mis en service en 1981, est un biréacteur de 15 tonnes, dérivé de l’avion d’affaires de Dassault, capable de voler 2000 nautiques. Il est équipé d’un radar à compression d’impulsion, permettant de repérer de gros navires dans un rayon de 250 km. Il embarque des conteneurs SAR, kit de survie en mer avec radeau gonflable, destiné à être largué auprès de naufragés par une trappe.

L’équipage du Falcon 200 est composé de six hommes : un pilote, un chef de bord, un mécanicien de bord, un radio, deux radaristes-navigateurs.

Afin de renforcer les moyens aériens de surveillance et de sauvegarde maritime et renouveler un parc vieillissant, a été décidée la transformation des Falcon 50 de l’escadron de transport, d’entraînement et de calibration (ETEC) en aéronef Surmar. Plus lourd que le Gardian, le Falcon 50 Surmar est un triréacteur de 18,5 tonnes, pouvant parcourir 2 700 nautiques soit une autonomie de vol de 6 h 30. Pour mener ses missions maritimes, il est doté d’un radar Thales Ocean Master 100, d’un système de transmission Inmarsat C et d’un senseur électro-optique CHLIO. Il embarque également les conteneurs SAR, largables via une trappe réalisée spécialement. Les contraintes budgétaires pesant sur ce programme tendent à limiter l’ampleur technologique de cette modernisation.

Dassault et Thales constituent l’armature industrielle de ce programme de transformation. Les premiers Falcon 50 Surmar sont destinés, à compter de 2012, à la flottille 24F de la base aéronavale de Lann-Bihoué.

● Avec le retrait du service des hélicoptères Super-Frelon en avril 2010 et dans l’attente du NH90, la marine nationale devait faire face à un trou capacitaire pour assurer ses missions de secours en mer.

Commandés en décembre 2009 à Eurocopter, deux EC 225, version civile du Caracal, lui ont été livrés en avril 2010. Cette acquisition dans l’urgence de deux appareils civils a suscité des débats au sein même du ministère de la défense, comme en attestent les propos du chef d’état-major de la marine en octobre 2010. « Nous avions des inquiétudes concernant le relais entre le Super Frelon et le NH90 et malheureusement, la jonction entre ces deux programmes n’a pas été possible. J’ai pris la décision, contre certains avis, d’arrêter le Super Frelon avant qu’il n’accomplisse le vol de trop. Pour assurer la jonction, nous avons acheté deux hélicoptères EC225, primitivement destinés à une compagnie pétrolière – ce qui nous a permis de les mettre très rapidement en service » (239).

L’EC-225, hélicoptère de 11 tonnes, est capable d’aller secourir 6 personnes à une distance de 300 miles nautiques. La version civile est employée par les compagnies pétrolières pour desservir leurs plates-formes maritimes ainsi que pour le transport public de passagers.

F. L’INDUSTRIE NAVALE FRANÇAISE DE DÉFENSE À UN TOURNANT

Le Livre blanc dresse un portrait sans concession du paysage de l’industrie navale de défense. « L’industrie navale européenne a certes commencé à se restructurer progressivement. Mais, avec six grands maîtres d’œuvre qui gèrent plus de vingt chantiers navals importants, elle soutient difficilement la comparaison avec les États-Unis, où les restructurations des années 1990 ont conduit à rationaliser l’industrie navale autour de deux maîtres d’œuvre majeurs et de six chantiers » (240).

Pour Jean-Marie Poimboeuf, président GICAN, chaque groupe européen de construction navale, poussé par leur gouvernement national respectif, veut jouer le rôle de leader de la consolidation européenne. Le cas des sous-marins est symbolique : après le divorce entre le français DCNS et l’espagnol Navantia, un rapprochement entre DCNS et Thyssen Krupp Marine Systems Tkms s’avère aujourd’hui impossible, chacun revendiquant le leadership. Dans le secteur des sous-marins, « ThyssenKrupp se considère comme le champion européen et ne semble guère souhaiter de coopération avec DCNS. La seule proposition de coopération formulée voilà quelques années consistait à ce que DCNS se concentre sur la fabrication de sous-marins nucléaires et abandonne la construction de sous-marins classiques à ThyssenKrupp qui lui sous-traiterait la fabrication de coques. Cette proposition était tout à fait inacceptable et il ne semble pas que la situation ait beaucoup changé » (241).

Le paysage européen de l’industrie navale de défense est disparate : entre les sociétés fabricant strictement des plateformes (Navantia, Fincantieri) et celle s’affichant systémiers (DCNS, BAE, TKMS), des rapprochements s’avèrent difficiles d’autant plus que derrière chaque entreprise est soutenu un modèle économique national. Pour Jean-Marie Poimboeuf, « la coopération devrait être pragmatique. Elle devra se faire sur des points relativement modestes, commençant par des équipements communs qui ne posent pas de problèmes opérationnels quand ils sont partagés. […] Ce genre de coopération est tout à fait possible mais elle sera graduelle, pragmatique et basée sur des équipements qui ne posent aucun problème de confidentialité » (242).

Dans cet environnement, les sociétés françaises apparaissent fragiles. L’ancienne direction des chantiers navals de la DGA, devenue la société par actions DCNS, est l’opérateur historique et dominant de la construction navale française de défense. Son chiffre d’affaire en 2010 a été de 2,503 milliards d’euros et les prises de commandes se sont établies à 6,9 milliards d’euros. Navires de surface, sous-marins, torpilles et services constituent le cœur de métier de la société. Mais la baisse des budgets de défense l’oblige à rechercher de nouvelles activités, telles que l’exploitation énergétique marine.

DCNS emploie 12 500 personnes réparties sur plusieurs sites dont Lorient, Cherbourg, Toulon et Saint-Tropez. Détenue à 75 % par l’État et à 25 % par THALES, la société demeure très liée à l’État, non seulement pour son chiffre d’affaires, mais aussi dans sa gestion et dans le statut de certains de ses personnels, les ouvriers d’État. Une évolution du capital de DCNS est régulièrement envisagée. « L’opportunité pour Thales d’augmenter de 10 % sa prise de participation au capital de DCNS est une option qui peut être exercée jusqu’en mars 2012, conformément aux termes du pacte d’actionnaires conclu entre l’État (actionnaire majoritaire), Thales (25 % du capital) et l’actionnariat salarié (un peu plus de 1 % du capital). Cette hypothèse serait de nature à renforcer encore le partenariat et les synergies entre les deux groupes industriels de défense. Aucune autre évolution du capital de DCNS n’est actuellement à l’ordre du jour » (243).

Détenue à 66,6 % par STX Europe, filiale à 100 % du coréen STX Business Group, et à 33,4 % par l’État français (au travers du fonds stratégique d’investissement), STX France SA compte deux chantiers navals : Saint-Nazaire en Loire-Atlantique et Lorient dans le Morbihan. La société conçoit et fabrique des bâtiments civils (paquebot, navires techniques) et militaires (BPC, patrouilleurs…). Au 31 décembre 2009, la société comptait 2 386 salariés et affichait un chiffre d’affaires de 730 millions d’euros, contre 1,172 milliard d’euros en 2008. Inscrite dans un marché en crise et très concurrentiel, STX France a bénéficié du plan de relance en 2009 avec la commande du 3e BPC pour compenser l’absence de commandes civiles. L’exportation du BPC en Russie et le partage industriel qui en résulte apportent également des perspectives positives.

Piriou Naval Services, installé à Concarneau dans le Finistère, intervient sur les bâtiments de petit tonnage de la marine nationale. Elle assure ainsi le MCO des bâtiments écoles et des bâtiments d’instruction à la navigation de la marine nationale. En novembre 2010, elle s’est vue notifier un contrat pour la transformation du bâtiment de soutien le Malin en patrouilleur hauturier. Cette société a une activité civile développée autour des bâtiments de pêche et des navires de service (remorqueurs notamment).

Fondée en 1936, la société ECA est spécialisée dans la robotique pour la défense et des clients civils. Elle fournit notamment la Marine nationale en drone sous-marin de lutte anti-mines Alister. Du développement à la production, ECA mène une activité sur de petites séries. La société compte plusieurs filiales et implantations. Son siège social est à Toulon (Var) mais elle compte des établissements sur le plateau de Saclay (Essonne), à Montpellier (Hérault), à Brest (Finistère), Saint-Herblain (Loire-Atlantique), Salome (Nord) mais aussi à Singapour, Rio de Janeiro, Gènes, Weymouth (Royaume-Uni), Istanbul et aux États-Unis.

V. —  LA TROISIÈME DIMENSION

Depuis plusieurs millénaires, les opérations militaires ont fait de la suprématie terrestre l’alpha et l’oméga des stratégies. Avec les cités grecques de l’antiquité, la suprématie maritime est apparue cruciale, comme l’ont appris à leurs dépens les Spartiates. Mais il y a un plus d’un siècle que la troisième dimension a bouleversé les schémas classiques des guerres. Cela a commencé avec les aérostats et les pigeons voyageurs pour, ensuite, s’organiser autour de l’aviation et des armées de l’air.

Sans suprématie aérienne, sans la maîtrise du ciel, aucune opération militaire ne peut aujourd’hui aboutir. Par les airs, les forces armées se renseignent, observent, écoutent ; elles se transportent rapidement à des distances de plusieurs milliers de kilomètres et attaquent l’adversaire avec précision.

Les forces aériennes ne suffisent pas pour vaincre, mais elles sont indispensables. Dernière démonstration en date, la Libye où les rebelles au régime du colonel Kadhafi n’auraient pas emporté plusieurs batailles sans l’appui aérien de la France et du Royaume-Uni conduisant l’opération de l’OTAN.

A. LE SYSTÈME DE COMMANDEMENT ET CONDUITE DES OPÉRATIONS AÉRIENNES

● Mener des opérations aériennes exige une coordination étroite de tous les acteurs. Chaque armée dispose de moyens aériens, allant de l’hélicoptère à l’avion de transport en passant par le drone et l’avion de chasse. Ces moyens aériens sont généralement intégrés dans une coalition au sein de laquelle les forces aériennes des États partenaires sont également sollicitées. Enfin, la troisième dimension n’est pas l’exclusive des forces armées. Elle doit être partagée avec le trafic aérien civil commercial ou de loisir.

Les forces armées doivent disposer d’un système de surveillance aérienne et de commandement des moyens aériens qui doit remplir essentiellement trois missions :

- concevoir, préparer et conduire la campagne aérienne interarmées ;

- concevoir, organiser et conduire les actions de défense aérienne ;

- organiser l’espace aérien et coordonner l’emploi des zones par les différents utilisateurs.

Le système de commandement et conduite des opérations aériennes, SCCOA, fédère l’ensemble des systèmes rattachés à la troisième dimension : centres de commandement ou de conduite ; plates-formes aériennes ; centres de préparation ; radars et capteurs. Sa réalisation est incrémentale ; actuellement, la phase 3 est en cours. La phase 4 visera notamment l’intégration de SCCOA au système de commandement et de contrôle aérien de l’OTAN, l’ACCS.

Principaux gestionnaires du SCCOA, le commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA), basé à Balard, et le centre national des opérations aériennes (CNOA), basé à Lyon, sont en liaison permanente avec les cinq centres de détection et de contrôle (CDC) implanté sur la base 118 de Mont-de-Marsan, la BA 705 de Tours, la BA 901 de Drachenbronn dans le Bas-Rhin, la BA 142 de Lyon-Mont Verdun et la BA 943 de Nice. Leur nombre doit être ramené à trois (Lyon, Tours et un troisième), dans le cadre de la phase SCCOA 4. À ces centres fixes s’ajoutent, selon les besoins, des CDC mobiles.

Les contrôleurs aériens militaires sont formés au centre d’instruction du contrôle et de la défense aérienne (CICDA) sur la base de Mont-de-Marsan.

● La surveillance permanente de l’espace aérien fait appel aux capacités radars civils et militaires. L’armée de l’air dispose de plusieurs radars présentant des capacités variées.

Pour la haute altitude, elle met en œuvre les TRS 22XX, radars tridimensionnels à longue portée et à balayage électronique. Cet équipement dispose d’une antenne tournant à six tours / minute et sa portée est de 450 kilomètres. À ces radars s’ajoutent six radars de moyenne altitude TRS 2215, radars mobiles 3D. En 2009, la DGA a attribué à THALES RAYTHEON SYSTEMS le contrat de modernisation à mi-vie des radars TRS 22XX et TRS 2215, pour un montant de 70 millions d’euros.

Les autres radars tridimensionnels en service sont les radars PALMIER et ARES (Aerial Radar Echo System). Ils déterminent l’altitude, la distance et l’azimut de la cible détectée. Leur modernisation voire leur remplacement s’avère nécessaire, notamment pour les installations du quart sud-est de la métropole.

Le TRAC 2 400 est un radar bidimensionnel à longue portée et à balayage électronique, doté d’une antenne tournant à six tours/minute. Il détermine la distance et l’azimut de la cible.

Radar mobile de longue portée développé par Thales Raytheon Systems, le Ground Master 400 détecte des menaces évoluant à basse, moyenne et haute altitude, dans un rayon de 470 km : avions, drones, missiles… Il assure la protection de territoires spécifiques et des forces déployées. En février 2009, un contrat de 50 millions d’euros a été passé par la DGA au profit de l’armée de l’air pour la fourniture d’un système Ground Master 400 pour assurer la protection du centre spatial de Kourou (Guyane). En décembre 2010, ThalesRaytheonSystems a signé un contrat de 100 millions d’euros pour fournir aux forces allemandes six radars de défense aérienne Ground Master 400 digital 3D entre 2013 et 2015. Le Ground Master 200 a une portée de 250 km.

Pour la surveillance basse altitude, sont mis en œuvre les radars tactiques de basse altitude Aladin NGD (nouvelle génération durci), radars aérotransportables dont l’antenne effectue 12 tours/minute et la portée de 100 kilomètres. Le Centaure est un radar de basse altitude, panoramique primaire et secondaire à antenne tournante (12 tours/min) de longue portée (180 km). Les radars tactiques de basse altitude Aladin NGD disposent d’une antenne tournante (12 tours/min) pour une portée de 100 km. Ils sont aérotransportables pour servir sur des théâtres d’opération.

Pour les approches des bases aériennes, les escadrons des services de la circulation aérienne (ESCA) disposent de radars PAR-NG, successeurs des radars SPAR (slight precision approach radar), qui ont servi près d’un demi-siècle.

Les trois radars Satam de l’armée de l’air sont utilisés à proximité des champs de tir à des fins de trajectographie. Leur puissance et son impact sur leur environnement immédiat ont donné lieu à une enquête de la DGA. Cette enquête a porté sur le radar Satam implanté sur le territoire de la commune de Sommepy-Tahure dans la Marne. Le rapport établi à l’issue a mis en lumière un risque d’exposition à des rayonnements électromagnétiques et a amené à l’arrêt provisoire de l’installation. Les radars SATAM sont également utilisés pour la surveillance des objets et satellites évoluant sur l’orbite basse terrestre (cf. infra).

Les radars passifs, n’émettant aucune onde mais recueillant les signaux émis par d’autres antennes (type antenne FM, signal TV…) pour la détection d’objets, offrent de nouvelles perspectives : discrets car n’émettant aucune onde, ils sont particulièrement adaptés pour détecter de petits aéronefs volants (dont les ULM) à très basse altitude. En octobre 2010, le chef d’état-major de l’armée de l’armée de l’air indiquait que « l’achat de radars passifs est une innovation extrêmement utile : ils sont beaucoup plus performants que des radars qui émettent des ondes et surtout beaucoup moins coûteux. Nous avons déjà expérimenté le dispositif lors du dernier 14 juillet [2010] avec de belles promesses. D’autres pays, qui n’ont pas les moyens de se doter d’un système plus complet, l’ont déjà adopté et nous pourrons utilement nous appuyer sur leur expérience » (244). Le dispositif expérimenté lors de la fête nationale est le radar Homeland Alerter 100 (HA 100) développé en 2005 par Thales et l’ONERA. Le HA 100 a une portée de 100 kilomètres.

● À ces radars terrestres s’ajoutent les capacités radars des avions E-3F SDCA AWACS, Boeing 707 surmonté par un rotodôme de 9 tonnes. « Pour l’ennemi, l’E-3F SDCA est un avion qui a un radar, des systèmes d’écoute et des capteurs puissants. Son premier objectif sera de détruire ce type d’appareil […]. Si [l’avion] se fait abattre, cela signifie aussi qu’il n’y aura plus de détection aéroportée » (245). La détection aéroportée oriente les radars vers le sol. Elle n’est pas soumise au relief qui crée des zones d’ombres pour les radars terrestres. Tout aéronef évoluant dans le périmètre de détection d’un AWACS (rayon de 400 kilomètres) est immédiatement détecté.

Les quatre AWACS de l’armée de l’air sont opérés par l’escadron de détection et de commandement aéroporté (EDCA) de la base aérienne 702 d’Avord dans le Cher.

Airbus Military a présenté au salon du Bourget 2011 un C-295 doté d’un rotodôme. Ce prototype constitue une novation pour le constructeur européen qui élargit sa gamme d’aéronefs. Les principaux systèmes électroniques seront fournis par ELTA, filiale du groupe israélien IAI

● La synthèse des informations recueillies par les 48 radars civils et militaires s’effectue grâce au système de visualisation des informations de défense aérienne STRIDA. Connecté aux autres systèmes européens, STRIDA participe à la surveillance de 5 millions de kilomètres carrés. Cette mise en réseau est un des enseignements des attaques du 11 septembre. En transposant sur une carte de l’Europe les parcours effectués par les avions détournés le 11 septembre 2001, les autorités militaires ont constaté que plusieurs pays pouvaient être survolés avant que la réalité de l’attaque ne se fasse jour. Sans une bonne interopérabilité des systèmes européens de surveillance aérienne, les capacités de détection et d’alerte sont rapidement inopérantes.

Dans le cadre de la défense antimissile balistique, deux types de senseurs doivent être développés car complémentaires pour détecter toute attaque de missile balistique. Pour détecter des lancements de missiles et définir leur trajectoire, plusieurs satellites dotés de capteurs infrarouges sont nécessaires, satellites géostationnaires et satellites en orbite elliptiques. Ces équipements s’avèrent cependant peu efficaces pour détecter les missiles de courte portée.

Les radars d’alerte avancée et de poursuite constituent l’autre catégorie de senseurs. Radars extrêmement puissants et de longue portée (bande HF ou UHF), les radars d’alerte avancée sont fixes. Leur positionnement géographique constitue un facteur crucial de leur efficacité : le secteur mis sous surveillance doit non seulement être dans le rayon d’action du radar mais aussi non masqué par la courbure de la terre. Les radars de poursuite opèrent en bande S ou X, donnant ainsi la priorité à la fonction discrimination et conduite de tir.

À ce jour, la France ne dispose pas de système opérationnel. Le Livre blanc ouvre cependant la voie à des développements visant des capacités opérationnelles en 2015 pour les radars et en 2020 pour les satellites. « La France se dotera d’une capacité de détection et d’alerte avancée interopérable avec les moyens de nos alliés et partenaires. [… Cette capacité] reposera tout d’abord sur un démonstrateur radar à très longue portée débouchant sur l’obtention d’une première capacité opérationnelle en 2015. Dans le même temps, seront poursuivies les études permettant de lancer, si possible en coopération, un programme de détection et d’alerte à partir de l’espace. L’objectif est de disposer d’un système de détection et d’alerte spatial opérationnel en 2020 » (246). Cet échéancier a été confirmé par le ministre de la défense devant les sénateurs, en décembre 2010. Il a indiqué que ; « dans l’état actuel de la programmation, il faudra attendre l’horizon 2020, avec la mise en service du radar de détection et de poursuite et du système de commandement et de contrôle associé, pour que la France dispose d’une capacité antimissile autonome » (247).

Spirale (système préparatoire infrarouge pour l’alerte) est le démonstrateur du segment spatial de ce système. Composé de deux microsatellites, lancés par Ariane 5 le 12 février 2009, et d’un segment sol, Spirale effectue un recueil d’images à haute résolution infrarouge de fonds terrestres afin de démontrer les capacités de détection, poursuite et discrimination du futur système spatial d’alerte avancé. Les crédits affectés à ce démonstrateur sont inscrits au programme 144. Sur la période 2011-2014, 55 millions d’euros ont été programmés, pour un coût total de 120 millions d’euros.

Astrium est le maître d’œuvre pour la réalisation du démonstrateur et Thales Alenia Space le sous-traitant responsable du développement des microsatellites et de la caméra infrarouge. L’étape suivante, le passage du démonstrateur au programme, représente un coût supérieur. Pour François Auque, président d’Astrium, « il ne faut pas repousser indéfiniment l’échéance car plus on la repousse, plus on perd de la compétence » (248).

Le segment terrestre de détection est constitué d’un radar à très longue portée, le TLP.

B. LES CAPACITÉS AÉRIENNES DE RENSEIGNEMENT

La reconnaissance aérienne est la première mission confiée à l’aviation militaire dès sa création. Auparavant, la révolution française avait utilisé les capacités de la troisième dimension en créant en 1794 la première compagnie d’aérostiers militaires, utilisant des ballons captifs avec équipage embarqué. Napoléon Bonaparte y mit un terme avant que les gouvernements de la Troisième république n’en relancent l’usage militaire.

La première guerre mondiale et les conflits qui lui ont succédé n’ont pas démenti l’apport majeur de l’aviation dans la collecte du renseignement tactique et opérationnel. La guerre froide non plus.

« La troisième dimension est un milieu adapté à l’observation terrestre, la surveillance, la diffusion et l’interception des ondes électromagnétiques. Les capteurs modernes sont par ailleurs suffisamment diversifiés (vue directe, infrarouge, radar, capteurs électromagnétiques et sonores) pour s’affranchir des contraintes d’environnement et assurer la nécessaire complémentarité permettant de faire face à la complexité croissante des situations » (249).

Aujourd’hui, cette capacité s’appuie sur plusieurs technologies : des avions dédiés, des nacelles technologiques intégrées sur des avions multirôles, des drones ou avions sans pilote. Certains responsables militaires de la sécurité civile se sont récemment interrogés sur le recours aux ballons captifs pour reconnaître des zones dévastées à la suite d’une inondation, d’un tremblement de terre ou d’une catastrophe technologique. Loin d’être saugrenu, ce retour à une plateforme du passé s’appuie sur des exigences de mises en œuvre simple, rapide et ne nécessitant pas d’infrastructures dédiées.

Les technologies utilisées pour l’accomplissement des missions aériennes de renseignement et de reconnaissance sont particulièrement complexes et coûteuses. Les innovations dans ce domaine obéissent à un cycle relativement court, imposant un effort budgétaire conséquent pour éviter un décrochage technologique. Après la captation du renseignement, son analyse devient un champ de la course technologique. Ainsi, l’armée de l’air américaine souhaite que les prochains senseurs embarqués à bord de ses aéronefs (avions et drones) effectuent les premières analyses avant transmission des données aux analystes au sol.

Ces technologies constituent un élément crucial pour assurer la supériorité stratégique. Les opérations aériennes en Libye ont montré l’importance des missions de reconnaissance et renseignement pour désigner les objectifs à atteindre par les forces de l’OTAN. Le Livre blanc ne les a cependant pas retenues au titre des « priorités technologiques et industrielles des objectifs stratégiques de la sécurité nationale à l’horizon 2025 ». Toute dépendance extérieure sur la capacité de renseignement, que ce soit pour le recueil ou le traitement, est synonyme d’affaiblissements militaires et politiques.

Pour remplir ces missions cruciales, l’armée de l’air s’appuie sur un avion dédié exclusivement au renseignement (le Mirage F1) et sur différentes nacelles pouvant être intégrées sur des avions n’ayant pas pour seule finalité le recueil d’informations optiques ou électromagnétiques. Les drones constituent enfin une dernière famille de systèmes dévolue au renseignement.

1. Les avions et les systèmes associés

Famille d’appareil dont le premier exemplaire fut mis en service en 1974, les Mirage F1 ont été déclinés en plusieurs versions dont les actuels F1-CR, mis en service en 1981, destinés à des missions de reconnaissance basse altitude. À la veille de la fermeture de leur base de rattachement, la BA 112 de Reims, les Mirage F1 de l’escadron de reconnaissance 2/33 Savoie ont mené des missions de reconnaissance au-dessus de la Libye. L’escadron Savoie est transféré sur la base de Mont-de-Marsan dans les Landes.

Longue de plus de 4 mètres pour un poids de 400 kg, la nacelle ASTAC (analyseur superhétérodyne tactique) équipe les Mirage F1 depuis 1994 afin de détecter les radars adverses et préciser les contre-mesures nécessaires pour protéger les avions de chasse et autres bombardiers. Avec le retrait programmé des Mirage F1, l’intégration de cette nacelle sur Mirage 2000D et/ou le développement d’un nouveau système pour le Rafale sont en instance.

La nacelle RAPHAEL-TH (radar de photographie aérienne électronique à transmission hertzienne) offre une capacité radar de tous temps avec une portée maximale de 100 kilomètres. La nacelle de 5,8 mètres pèse 564 kg.

Embarquée sous Mirage F1CR, longue de 4,6 mètres pour un poids de 520 kg, la nacelle PRESTO emporte une caméra de type Oméra 33 (focale de 610 mm) prenant jusqu’à 350 prises de vue (5 images/seconde), uniquement de jour, à la verticale d’un objectif, d’une zone ou d’une route. Ces photographies prises depuis une moyenne ou haute altitude peuvent être effectuées manuellement par le pilote de l’avion ou automatiquement.

Les avions sont également dotés d’une caméra Oméra 40 pour des prises de vue panoramiques à basse altitude (800 clichés par mission à une cadence de 10 images / seconde) et de capteurs thermographiques infrarouges Super Cyclope, pour des missions diurnes et nocturnes à basse altitude.

Développée et produite par Thales Optronique SA, la nacelle RECO NG équipe les Rafale de l’armée de l’air et de l’aéronavale. De 5 mètres de long pour 80 cm de diamètre, elle pèse une tonne. Pour l’aéronovale, elle a été renforcée afin de résister aux chocs et pressions des décollages et apontages. Les Rafale de l’escadron 1/7 Provence de Saint-Dizier =, dotés de nacelle RECO NG, ont été déclarés opérationnels en novembre 2010 et ont été notamment employés lors des opérations menées en Libye en mars 2011. Selon le chef d’état-major de l’armée de l’air, « l’armée de l’air et la marine françaises ont fourni un grand nombre d’images à la coalition avec la nacelle RECO NG. Cela a été particulièrement apprécié par la coalition » (250).

La nacelle fonctionne de tous temps, de jour comme de nuit, grâce à ses capteurs fonctionnant dans le visible et dans l’infrarouge. Les deux capteurs sont utilisés simultanément pour affiner les prises de vue. Selon le lieutenant-colonel Rullière, commandant de l’escadron de chasse 1/7 Provence, « en superposant, pour un même site, une image en vision diurne et une autre prise en infrarouge, des éléments peuvent être découverts, comme la trace thermique d’un avion qui vient de décoller ou la présence d’hélicoptères dans des hangars » (251). Le schéma suivant présente les caractéristiques de cet équipement.

Le pod AREOS

Source : www.defense.gouv.fr.

L’avion peut évoluer à haute ou basse altitude, à grande voire très grande vitesse et viser une cible à courte ou grande distance. Les images stockées sur disque dur peuvent être transmises via une liaison de données directionnelle en bande Ku vers une station sol. Le tableau ci-après retrace les flux financiers du programme depuis 2006. Au total vingt nacelles ont été commandées pour 437,6 millions d’euros.

Évolution du programme RECO NG

(en millions d’euros)

 

Engagement

CP

Volume commandé

Volume livré

2006

PAP

(1)

(1)

(1)

(1)

RAP

(1)

(1)

(1)

(1)

2007

PAP

(1)

(1)

(1)

(1)

RAP

(1)

(1)

(1)

(1)

2008

PAP

(1)

(1)

(1)

(1)

RAP

(1)

(1)

(1)

(1)

2009

PAP

13,0

90,0

0

7

RAP

10,9

60,5

0

2

2010

PAP

4,4

37,2

0

6

RAP

3,9

38,0

0

6

2011

PAP

2,0

30,0

0

6

2012

PAP

0,8

23,1

0

7

(1) Information non disponible.

Source : ministère de la défense.

L’exportation de la nacelle RECO NG dépend pour beaucoup de l’exportation du Rafale. D’autres nacelles sont en service. Leur conception est fortement liée à la plateforme à laquelle elles sont destinées. Il en va ainsi de la nacelle Raptor (reconnaissance airborne pod for tornado) qui équipe les avions Tornado GR 4 de la Royal Air Force (Royaume-Uni). Ses capteurs (visible et infrarouge) peuvent détecter et identifier des cibles de jour comme de nuit, à hautes et basses altitudes. Les images ainsi captées sont transmises en temps réel à une base au sol. Ce système est produit par BF Goodrich Aerospace.

La nacelle DJRP (Digital Joint Reconnaissance Pod) est destinée aux Gripen des forces aériennes sud-africaines. Développée par Thales UK, cette nacelle de 2,3 mètres de long pour 45 cm de diamètre, dispose d’un scanneur infrarouge permettant des prises de vue à haute vitesse et basse altitude, d’une optique travaillant dans le visible à longue distance. Contrairement aux nacelles RECO-NG et Raptor, la DJRP ne dispose d’une liaison de données permettant la transmission au sol en temps réel des images captées stockées sur disque dur.

Existe également la nacelle DB 110 de l’américain Goodrich, que l’Arabie Saoudite a préférée par rapport RECO NG pour équiper ses avions de chasse de fabrication américaine.

2. Les drones

Les missions de renseignement connaissent une mutation technologique avec une implication sans cesse croissance des drones, aéronefs sans pilote embarqué. Popularisés récemment auprès du grand public, ces appareils ne sont cependant une invention récente. Les drones tactiques sont apparus dès les années 1960. Au cours des décennies, les capacités d’endurance et d’emport n’ont cessé de croître, permettant l’accomplissement de missions de plus en plus exigeantes. « Les drones ont été confrontés à deux défis majeurs : d’une part, l’impérieuse nécessité d’accélérer la vitesse de transmission des informations recueillies et les transformer en renseignement dans un délai suffisamment court pour le chef interarmes, et d’autre part, l’insertion dans la troisième dimension, espace fluide aux normes de sécurité exigeantes » (252).

Plusieurs catégories de drones existent. Les forces françaises apparaissent sous-équipées et les industriels peinent à faire émerger une filière technologique pérenne. Beaucoup d’espoirs se portent sur la coopération franco-britannique pour mettre un terme aux atermoiements.

● Première catégorie de drone, les HALE (haute altitude – longue endurance) sont destinés exclusivement à des missions de reconnaissance. En remplacement de ses célèbres avions U2 qui ont participé activement à la guerre froide, les États-Unis ont recours désormais au drone Global Hawk. Développé par Northrop Grumman, ce drone pèse 6,7 tonnes et a une envergure de 39,8 mètres. Sa grande autonomie lui permet d’évoluer à 18 kilomètres d’altitude pendant 32 heures soit un rayon d’action de 16 113 kilomètres pour une vitesse de 575 kilomètres/heure. Avec une charge utile de 1,3 tonne, il emporte des caméras, des capteurs infrarouges et des radars. Son coût unitaire, 100 millions de dollars américains est cependant vivement critiqué. Pour accroître l’autonomie de vol du drone, des essais sont menés pour effectuer des ravitaillements en vol entre deux Global Hawk. 33 millions de dollars sont consacrés à ce projet, Darpa KQ-X, mené en collaboration avec la NASA. L’achèvement des essais est prévu pour 2012. Le Global Hawk est au cœur du système de surveillance terrestre envisagé par l’OTAN. L’Alliance Ground Surveillance (AGS) est composé d’un segment air s’appuyant sur le Global Hawk équipé d’un radar à plates-formes multiples (MP-RTIP) et d’un système de liaisons de données grandes distances à large bande en visibilité directe et transhorizon. Outre le système de pilotage du drone, le segment sol sera composé d’un système de recueil, d’analyse et de transmission des données émises par le drone vers les unités ou le commandement. Ce programme a fait l’objet d’un mémorandum d’entente en septembre 2009, étape cruciale pour son acquisition future.

En 2010, les États-Unis ont procédé à des essais d’un véhicule spatial sans équipage, le X-37 B, pouvant revenir sur terre l’instar des navettes spatiales. Après 244 jours en orbite, cet appareil a atterri sur la base aérienne de Vandenberg en Californie. Ce « drone spatial » militaire laisse dubitatif quant aux objectifs recherchés par les États-Unis. Il ouvre la voie à une militarisation de l’espace et à des développements technologiques particulièrement novateurs.

● Les drones MALE (moyenne altitude – longue endurance) constituent la catégorie la plus stratégique. Leur apport aux forces en matière de renseignement est reconnu, notamment dans des zones difficiles et montagneuses comme en Afghanistan. De nombreux États aspirent à en disposer soit en développant leur propre système, soit en acquérant des exemplaires auprès des deux grands États développeurs de drones, les États-Unis et Israël.

L’armée de l’air dispose du système intérimaire de drones MALE (SIDM-Harfang) développé par EADS. Ce drone a une autonomie de 24 heures et peut évoluer à 230 km/h jusqu’à 9 700 mètres. Sa charge utile est de 200 kg. Il a été déployé à partir de février 2009 en Afghanistan où les conditions aérologiques sont particulièrement difficiles. Selon le chef d’état-major de l’armée de l’air, le recours au drone Harfang se fait « sur un rythme quotidien en Afghanistan. Il est très utile. [Le 25 juin 2011], nous avons été en mesure d’aller au-dessus du Hindu Kush, qui est à 7 700 mètres » (253). Toutefois, Gérard Longuet, ministre de la défense, a reconnu que l’une des deux faiblesses révélées par les opérations extérieures est l’absence de drone MALE « de qualité suffisante » (254)

Plusieurs projets sont en cours de développement en France et en Europe : le 14 mars 2011, Dassault et BAE ont signé un accord de coopération pour développer un drone MALE baptisé TELEMOS. BAE n’exclut pas d’ouvrir cette alliance à d’autres partenaires industriels. Chacune de ces sociétés avait jusqu’à présent développé des projets propres : le SDM pour Dassault (1 000 kg de charge utile, 36 heures d’autonomie à une vitesse maximale de 370 km/h et un plafond de 13 700 mètres) et le Mantis pour BAE (5 000 kg de charge utile, 24 heures d’autonomie à une vitesse maximale de 555 km/h et un plafond de 12 200 mètres). Le développement du Telemos est cependant soumis à l’engagement des États. En juin 2011, Éric Trappier, directeur Général International de Dassault Aviation, notait qu’il ne manquait plus « qu’une décision politique pour faire de cette dynamique le premier résultat concret du traité franco-britannique de coopération en matière de défense » (255). De son côté, EADS développe le projet Talarion avec l’Allemagne et l’Espagne. Ce drone MALE aurait une charge utile de 800 kg, pour une autonomie de 20 heures et une vitesse maximale de 55 km/h avec un plafond de 15 000 mètres.

Lors du conseil ministériel d’investissement (CMI) du 20 juillet 2011, le ministre de la défense a décidé l’acquisition d’une version « francisée » par Dassault Aviation du drone HERON TP de la société israélienne IAI. Ce drone sera acquis dans l’attente du Telemos. Devant la commission de la défense nationale de l’Assemblée nationale, Gérard Longuet, ministre de la défense, est revenu sur cette décision qui a jeté le trouble jusqu’au sein des forces. « S’agissant du drone MALE, nous avons retenu une solution intérimaire en nous appuyant sur un projet piloté pour l’essentiel par le groupe Dassault. Mon prédécesseur a par ailleurs ouvert, dans le cadre de l’accord franco-britannique du 2 novembre dernier, des perspectives bilatérales. Pour le Heron TP, nous nous engageons dans la voie d’une solution intérimaire permettant d’éviter une solution de continuité avec l’actuel Harfang, grâce à la coopération ancienne et renouvelée du groupe Dassault avec le groupe israélien IAI, qui est aussi responsable de la plateforme Harfang. Cet industriel a choisi de changer de partenaire : nous avons accompagné cette décision, considérant que l’implication très forte en France du bureau d’études de Dassault Aviation nous garantissait une réponse rapide pour la solution intérimaire. S’agissant de la relation avec le Royaume-Uni, il faut distinguer plusieurs objectifs : les Britanniques sont déterminés à fixer avec nous les capacités et les objectifs du drone MALE de long terme et nous avons constitué un groupe de travail permanent entre nos militaires. Mais nous aimerions leur faire comprendre que si nous arrivons à un accord de définition de produit, nous pourrions, dans le respect des directives européennes, ouvrir une négociation qui ne soit pas un appel d’offres mondial. Nous devons les convaincre que, dans notre conception du long terme, nous voulons avoir des fournisseurs européens en partant de ceux qui sont aujourd’hui les plus impliqués, ce qui nous garantirait avec sécurité la continuité de l’évolution du dispositif. Au contraire, un appel d’offres mondial pourrait nous conduire à sélectionner des fournisseurs performants sur l’instant et absents au rendez-vous en période d’évolution des fournitures ou de réparation. Quand on sait que l’un de nos rares Harfang envoyés en Afghanistan a été paralysé plus d’un an sur un problème touchant un équipement, on peut se poser la question de savoir s’il est raisonnable de travailler avec des prestataires qui ne sont pas sous les ordres du donneur d’ordre » (256).

Aucune donnée financière n’a été transmise à la représentation nationale sur cette solution intermédiaire. D’autres options, étrangères, ont été explorées tels que les différents drones Predator (notamment le MQ-9 Reaper) de l’américain General Atomics. Le tableau ci-après compare les capacités de ces matériels.

Comparaison des drones MALE

Classe

Charge utile

(en kg)

Autonomie

(en heures)

Vitesse maximale

(en km/h)

Plafond

(en mètres)

PREDATOR MQ-1

200

24

218

7 600

PREDATOR B MQ-9 REAPER

340

32

416

15 000

PREDATOR AVENGER

2 720

20

740

15 000

Source : ministère de la défense.

En Europe, existent également d’autres programmes : Thales UK, en coopération avec ELBIT, produit le Watchkeeper WK 450 au profit des forces britanniques ; l’italien Selex, filiale de Finmeccanica, développe un drone MAE (moyenne altitude endurant) Falco Evo dont le premier vol est envisagé pour 2012.

● Les drones tactiques sont les plus anciens en service. « L’armée de terre s’est décidée, dès le milieu des années 1960 pour une politique d’acquisition de drones permettant d’acquérir des renseignements de plus en plus précis, afin de fournir un appui adéquat aux unités de contact, et donc faciliter la prise de décision. […] Depuis les événements de l’ex-Yougoslavie, la priorité porte sur la détection des petits groupes, relativement discrets, en véhicules ou à pied, difficilement localisables » (257). Au plus près des forces, le drone tactique doit nécessiter le minimum d’infrastructure tant pour sa mise en œuvre que pour le recueil des données. Il appartient au 61régiment d’artillerie de Chaumont-Semoutiers en Haute-Marne de mettre en œuvre les drones tactiques de l’armée de terre parmi lesquels on peut mentionner :

- en service depuis 1993, le drone rapide CL 289 est lancé à partir d’un rail monté sur un véhicule TRM 10 000 et atterrit grâce à un parachute intégré. Sa vitesse de croisière est de 720 km/h à une altitude maximale de 3 000 m. Son autonomie de 30 minutes lui donne un rayon d’action de 400 kilomètres. L’aéronef emporte une caméra optique et un capteur infrarouge. Le 61e RA dispose de 3 batteries de drones. Le système a été développé par EADS Défense et Sécurité, avec pour maîtres d’œuvre industrielle le canadien Bombardier, Sagem et Dornier ;

- le drone de surveillance du champ de bataille Crécerelle, en service depuis 1995, a un rayon d’action de 50 kilomètres pour une autonomie de 3 heures. Il évolue à une vitesse de croisière de 150 km/h et à une altitude maximale de 3000 mètres. 2 systèmes sont actuellement en service. Chaque système compte 6 drones lancés à partir d’une catapulte pneumatique sur véhicule et une station sol pour le pilotage de l’aéronef et le recueil des données. Son retour sur terre s’effectue grâce à un parachutSur le plan industriel, SAGEM est le maître d’œuvre industriel du système Crécerelle. Il a développé la station sol et le système de transmission de données. L’architecture informatique est en revanche américaine (Silicon Graphics ; Hewlett Packard) et la conception de l’aéronef a été assurée par la société britannique Meggit Defense. Le véhicule porteur de la catapulte est conçu par les ateliers de constructions mécaniques de l’Atlantique (ACMAT) ;

- successeur du Crécerelle, le système de drones tactiques intérimaire (SDTI) est fabriqué par Sagem. D’un poids de 350 kg, le SDTI peut évoluer à 250 km/h pendant 5 heures dans un rayon de 80 km. Lancé à partir d’une catapulte, il recueille des images de jour et de nuit transmises aux forces au sol via des terminaux légers RVT (remote video terminal). Dans le cadre du plan de relance, trois SDTI ont été commandés en août 2009 pour 5 millions d’euros. Plusieurs exemplaires ont été détruits au cours des opérations menées en Afghanistan ;

- le SDTI doit être remplacé par le système de drone tactique (SDT). Le développement de ce nouveau système destiné à l’armée de terre se fait également en liaison avec la marine nationale ;

- les drones de reconnaissance au contact (DRAC) ont été livrés à l’armée de terre à partir de l’été 2008. Fabriqué par la société Survey Copter installée à Pierrelatte dans la Drôme, le DRAC a une portée de 10 kilomètres et une autonomie d’une heure. Il évolue à 90 km/h et peut détecter un homme à 700 mètres. À partir de 2010, les forces françaises engagées sur le théâtre afghan ont recours quotidiennement au DRAC. 25 exemplaires ont été perdus.

S’apparentant à de l’aéromodélisme mais dotés de technologies de pointe, les mini-drones tactiques sont expérimentés et utilisés notamment par les forces spéciales. Leur facilité d’emport, leur rapidité de déploiement et leur robustesse sont déterminantes. De même, le poids et l’encombrement de la station sol qui contrôle l’appareil, ne doivent pas constituer un handicap pour l’opérateur qui agit depuis le théâtre d’opération. Plusieurs drones ont été ou sont déployés :

- le Skylark et l’Orbiter, mini-drones de conception israélienne ;

- le Maverick a une envergure de 71 cm pour un poids de 1,2 kg dont 200 grammes de charge utile. Très discret, inaudible à 100 m, il a une autonomie de 45 minutes ;

- le Spy Arrow de Thales ;

- le mini-drones AquaWasp III tient dans une valise de la taille d’un gros ordinateur. Destiné aux commandos de marine, ce drone se pose par amerrissage et non atterrissage, limitant son intérêt interarmées.

Les drones à voilure tournante sont aux drones ce que les hélicoptères sont à l’aviation. Ils peuvent être déployés au profit des forces terrestres ou des forces navales. En Europe, plusieurs modèles sont sur le marché dominé par un appareil autrichien, le Camcopter S-100 de la société Schiebel qui a réalisé, en 2008 en collaboration avec DCNS, le premier appontage d’un drone sur un bâtiment de la Marine nationale. L’emport d’un drone à bord d’un navire nécessite un espace important tant pour les opérations de vol que pour les systèmes de contrôle. Les bâtiments actuellement en service, à l’exception des BPC et porte-avions, offrent une place insuffisante pour des drones embarquant des systèmes lourds d’observation avec une autonomie suffisante. La plateforme d’accueil détermine ici les caractéristiques du drone. Sur le plan industriel les PME françaises portent l’innovation. Les grands groupes de défense (Thales, Cassidian, DCNS) apportent leurs compétences pour adapter les drones aux plateformes en service. Ces systèmes restent pour le moment au stade du développement et du démonstrateur, les difficultés techniques restant nombreuses.

C. LES CAPACITÉS AÉRIENNES DE GUERRE ÉLECTRONIQUE

« Les aéronefs demeurent l’un des vecteurs privilégiés de la guerre électronique offensive. Les avions et autres UAV sont pénétrants, en accompagnement d’autres vecteurs ou isolés, ou hors de portée des défenses sol-air (stand off). Ils sont en mesure de brouiller, leurrer ou détruire nos réseaux de communication, entraînant la suppression de toute capacité d’appréciation de situation et la paralysie des structures de décision et de commandement » (258).

Pour assurer ses missions, l’escadron électronique aéroporté 00.054 Dunkerque dispose de C-160 G ou Transall Gabriel. À la différence de l’Awacs et du Hawkeye, le Transall Gabriel n’émet pas d’ondes pour repérer des cibles. La technologie embarquée lui permet d’être un avion « muet ».

Son équipage est composé de quatre hommes accompagnés de 9 à 14 techniciens. En raison des missions stratégiques menées à bord des C.160.G et de la sensibilité des appareils embarqués, les militaires servant au sein de l’escadron électronique aéroporté 00.054 Dunkerque sont placés sous la protection de l’article 39 sexies de la loi du 29 juillet 1881 garantissant l’anonymat des personnels.

Sur le plan industriel, Thales a fourni les équipements de guerre électronique.

Lors des opérations en Libye, en mars 2011, les États-Unis ont eu recours aux avions EA-18G Growler, variante du F-18 pour la guerre électronique. Cet appareil est équipé de systèmes de brouillage et de leurre des radars de conduite de tir adverses.

Des systèmes embarqués à bord des avions relèvent également de la guerre électronique en déjouant les dispositifs radars de défense aérienne et de conduite de tir. Le Rafale dispose du système d’auto-protection interne Spectra développé par Thales et MBDA. Ce système détecte, analyse et localise toutes les menaces aériennes et terrestres (radars, missiles, lasers). Il permet de mettre en œuvre des contre-mesures : brouillage électromagnétique, leurrage infrarouge et électromagnétique, manœuvres, et actions combinées. Sa mise en œuvre nécessite cependant de disposer du catalogue de toutes les menaces existantes afin de les intégrer dans le système pour en faciliter l’identification et la réplique. Les Mirage 2000 peuvent être équipés d’une nacelle de brouillage Barracuda/Barax et de lance leurres Phimat.

Enfin mention doit être faite de l’escadron électronique sol 21.054 de la BA 123 d’Orléans, unité de renseignement et de guerre électronique équipé de véhicules d’interception, de radiogoniométrie et de brouillage. Cet escadron est placé sous l’autorité du commandant des forces aérienne,

D. LES CAPACITÉS AÉRIENNES DE PROJECTION ET DE SOUTIEN

« La capacité de projection ne se résume pas à la manœuvre logistique qui vise à acheminer une charge offerte à une distance donnée dans les délais requis. La flotte d’avions qui la composent et les équipages qui la servent doit être en mesure d’engager la force armée, de l’appuyer, de la soutenir par des actions de transport, de largage, de ravitaillement en vol, au plus près et parfois au cœur des combats » (259).

Le Livre blanc fixe à 70 appareils de transport et 14 MRTT les capacités aériennes de projection. À ce format quantitatif, s’ajoute un objectif qualitatif. « Les efforts de modernisation porteront sur la capacité de mobilité stratégique et tactique qui sera portée à une élongation de 7 000 à 8 000 kilomètres » (260). L’ensemble des unités et moyens aériens de transport et de liaison est placé sous l’autorité de la brigade aérienne d’appui et de projection (BAAP). Aujourd’hui, les capacités aériennes françaises de projection et de soutien s’appuient sur plusieurs avions et hélicoptères.

1. Les avions de transport

Mis en service pour la première fois en 1967, le C-160 Transall est le résultat de la politique de réconciliation et de coopération franco-allemandes initiée et voulue par le général de Gaulle et le chancelier Adenauer. Avion de transport tactique pouvant embarquer 91 passagers, 60 parachutistes, 62 civières ou 16 tonnes de fret, cet avion se déplace à 515 km/h sur 4 400 kilomètres. Sa rusticité et sa motorisation lui permettent d’approcher les zones en « grande pente » (c’est-à-dire avec une inclinaison de 10-15° afin de se protéger de toute attaque sol-air) et d’atterrir en « posé d’assaut » sur des pistes courtes et rudimentaires. Il peut procéder à des largages à très basse altitude (jusqu’à trois mètres du sol) ou à très grande hauteur sous oxygène. Ces qualités opérationnelles ont été exploitées sur de nombreux théâtres, en Europe et ailleurs. La France en a possédé jusqu’à 75 exemplaires. Aujourd’hui, les Transall sont stationnés sur la base aérienne 123 d’Orléans Bricy (escadrons de transport Touraine et Poitou pour les forces spéciales) ainsi que sur la base aérienne 105 d’Évreux (escadrons de transport Béarn et Anjou). Plusieurs rénovations et modernisations ont été opérées sur ces appareils au fil des années mais le retrait du service est inéluctable. Les retards de l’A400M se traduisent par des coûts élevés de maintien en condition opérationnelle d’une flotte véritablement à bout de souffle mais qui a marqué plus de quatre décennies de l’aviation de transport militaire française.

Mis en service en décembre 1987, le C-130 Hercules de l’américain Lockheed Martin peut transporter 120 passagers ou 20 tonnes de fret. Il affiche une vitesse de croisière de 600 km/h et une autonomie lui permettant de parcourir 7 000 kilomètres. 11 C-130 sont en service au sein de l’escadron de transport Franche-Comté, stationné sur la base aérienne 123 d’Orléans Bricy. Le MC-130, version du C130 pour forces spéciales, permet le vol à basse altitude pour amener et récupérer les forces spéciales sur le théâtre d’opérations. Un exemplaire est en service au sein de l’escadron de transport Poitou dédié aux forces spéciales. En 2011, les États-Unis ont commandé à Lockheed Martin 15 exemplaires de la dernière version du MC-130, le Combat Shadow II.

Le CN-235, produit par l’espagnol Casa intégré à Airbus Military, est entré en service en 1991. Transportant 40 passagers ou 5 tonnes de fret, il peut parcourir 3 500 kilomètres à 460 km/h de moyenne. Avion de transport non armé, le CASA peut être doté cependant de capacités offensives, à l’instar de ce que réalise la société américaine ATK pour le compte de la Jordanie qui équipe l’avion de missiles Hellfire et de mitrailleuses. La totalité du parc de Casa CN 235 de l’armée de l’air française, hors moyens mis en œuvre en outre-mer, sera concentré sur la base aérienne 110 de Creil dans l’Oise avec l’escadron de transport Vercors.

Dans le cadre du partenariat stratégique conclu entre la France et le Brésil, la France envisage l’acquisition de KC 390, avion de transport du constructeur brésilien EMBRAER en cours de développement et dont le premier vol est envisagé pour 2014-2015. Le KC-390 peut transporter 80 hommes ou 23 tonnes de fret.

L’armée de l’air brésilienne souhaite disposer de 28 exemplaires de ce nouvel avion dont Embraer estime le potentiel sur le marché mondial à 700 unités. Plusieurs pays d’Amérique Latine souhaitent participer au programme KC-390 pour relancer leur industrie autochtone. Ainsi, l’argentin FADEA, société publique jusqu’en 1995, puis filiale de l’américain Lockeed Martin jusqu’en 2009, désormais société anonyme détenue par l’État argentin, s’interroge sur son positionnement industriel trop dépendant des commandes de l’armée de l’air argentine. En l’absence de perspective et de réelle innovation technologique, FADEA envisage devenir partenaire dans le programme KC-390. Outre l’Argentine, la Colombie et le Chili souhaitent s’intégrer au schéma industriel de ce programme qui devient un véritable emblème aéronautique régional auquel se sont également associés le Portugal et la République Tchèque. Ces accords de partenariat permettent à Embraer de disposer d’une clientèle quasi-captive sur ses autres équipements et donne au Brésil des perspectives quant au débouché commercial de son futur avion de chasse qu’il souhaite acquérir avec un fort transfert de technologie.

2. L’A400M

Le programme A400M est, pour le chef d’état-major de l’armée de l’air, la première priorité. Le vieillissement des Transall fait peser un risque de trou capacitaire en matière de transport aérien tactique.

Cet avion de 79 tonnes peut emporter 36,6 tonnes de fret, ou 11 parachutistes en équipement de combat ou, en configuration d’évacuation sanitaires, 66 brancards. Il se déplace à la vitesse de Mach 0,7 (850 km/h) et a une autonomie lui permettant de parcourir 8 700 kilomètres. Sa motorisation lui permet de décoller et d’atterrir sur des terrains courts et sommaires. Ravitaillable en vol, il peut également mener des missions de ravitaillement au profit d’autres aéronefs.

Le 7 avril 2011 a été signé à Séville (Espagne) l’avenant au contrat initial du programme A400M intégrant le surcoût de 5,2 milliards d’euros engendré par les difficultés techniques et technologiques de l’avion européen : 3,5 milliards seront pris en charge par les États. Initialement, le contrat prévoyait la livraison de 180 appareils pour un montant total de 20 milliards d’euros. Face aux retards, plusieurs États, à commencer par l’Allemagne, premier contributeur, ont décidé de réduire leur commande. Le programme s’établit désormais à 170 avions dont 50 pour la France (pour un montant de 8,4 milliards d’euros).

Le coût unitaire de l’A400M a considérablement augmenté, altérant ses chances de conquérir des marchés à l’export. L’objectif initial en matière d’exportation ciblait 300 unités. L’Afrique du Sud a ainsi renoncé à acquérir l’appareil, alors que la puissance africaine faisait figure de précurseur. À ce coût unitaire élevé s’ajoute, comme difficulté, la décision de l’Allemagne de mettre sur le marché 13 de ses 53 appareils acquis sur sa quote-part déjà réduite de 7 unités par rapport à la commande initiale. Le volume d’appareils à placer sur le marché export augmente donc alors que dans le même temps, les États partenaires manifestent une certaine réticence à conserver le volume de commandes sur lequel ils s’étaient initialement engagés. Dans ces conditions, la commercialisation s’avère très délicate à mener pour susciter la confiance des éventuels acquéreurs étrangers.

Le tableau ci-après retrace les flux financiers du programme depuis 2006.

Évolution du programme A400M

(en millions d’euros)

 

Engagement

CP

Volume commandé

Volume livré

2006

PAP

0,0

326,1

0

0

RAP

0,7

276,6

0

0

2007

PAP

110,0

389,3

0

0

RAP

3,6

369,4

0

0

2008

PAP

3,0

461,5

0

0

RAP

1,5

465,1

0

0

2009

PAP

674,3

407,2

0

0

RAP

179,5

379,4

0

0

2010

PAP

180,0

398,4

0

0

RAP

680,0

407,8

0

0

2011

PAP

232,7

331,5

0

0

2012

PAP

608,9

172,9

0

0

Source : ministère de la défense.

Le premier avion doit être livré à l’armée de l’air française en 2013. Le contrat initial mentionnait 2009. Sept autres devraient être livrés en 2014. La base aérienne 123 d’Orléans-Bricy dans le Loiret accueillera le premier escadron de transport doté de l’A400M. Ceci nécessite d’importants investissements d’infrastructures au sol.

La cadence industrielle devrait atteindre 2,5 avions par mois à compter de 2016. Les appareils livrés avant 2017 feront l’objet d’une remise à niveau technologique pour intégrer l’ensemble des fonctionnalités militaires.

Le soutien de l’A400M se fera également en coopération entre les États partenaires au programme. À l’occasion du salon du Bourget, a été annoncée la signature d’un accord cadre relatif au soutien en service de la flotte d’A400M. La définition contractuelle du soutien de l’appareil apparaît particulièrement complexe : aux multiples versions de l’appareil et au nombre des entreprises intervenant viennent s’ajouter des demandes nationales très diverses. Les négociations en cours entre les États clients et les industriels devront impérativement aboutir avant la livraison du premier appareil. L’incertitude actuelle confirme que les coûts de possession de l’appareil ne sont pas à ce jour maîtrisés. Signe des difficultés à conclure le contrat avec l’ensemble des partenaires au programme, l’accord de coopération franco-britannique consacre des développements spécifiques au soutien de l’avion de transport et à la formation des équipages. La coordination de la coopération multilatérale avec la coopération franco-britannique n’apparaît pas clairement et est susceptible de compliquer un dossier déjà particulièrement éprouvé.

Dans le même temps, la concurrence avance sur le marché international : Alenia, filiale du consortium italien Finmeccanica, et Lockeed Martin produisent le C-27J SPARTAN, avion pouvant transporter 46 parachutistes avec un rayon d’action maximal de 5 900 km. Parmi les acquéreurs de l’avion se trouvent l’Italie, les États-Unis, la Grèce, la Bulgarie, la Lituanie, la Roumanie, la Slovaquie et le Maroc.

L’Inde et la Russie ont créé en septembre 2010 un partenariat industriel pour la réalisation d’un avion de transport de 15-20 tonnes destiné aux forces aériennes indiennes et russes. À l’automne 2010, l’Inde a commandé à la Russie la livraison de 45 avions de transport.

3. La formation des équipages

Pour la formation des équipages des avions de transport, l’armée de l’air dispose sur la base aérienne d’Avord d’une flotte théorique de 30 XINGU.

Question écrite n° 82977 du 6 juillet 2010

M. François Cornut-Gentille interroge M. le ministre de la défense sur l’externalisation des avions de transport utilisés dans le cadre de certaines formations militaires. Que ce soit pour l’école de l’aviation de transport ou pour l’école de troupes aéroportées, les avions utilisés (Xingu, Transall) enregistrent des disponibilités faibles et des coûts de maintenance élevés en raison de l’ancienneté des parcs. Le recours à des sociétés privées mettant à disposition des avions de transport dans le cadre de cycles de formation est une alternative déjà utilisée notamment pour la formation des pilotes d’hélicoptère. Aussi, il lui demande de préciser les intentions du Gouvernement concernant l’externalisation des avions de transport utilisés dans le cadre de formations militaires.

Réponse du ministre de la défense publiée au Journal officiel, Assemblée nationale, du 7 septembre 2010

La formation des pilotes de transport est réalisée à partir d’une flotte de 30 Xingu. Ces appareils font actuellement l’objet d’un chantier de rénovation de leur avionique afin, d’une part de mettre ces aéronefs à hauteur des exigences de navigation dans les espaces aériens, d’autre part de permettre aux futurs élèves pilotes de transport de se familiariser aux cockpits modernes de type A400M ou multi rôle transport et tanker (MRTT). Dans la mesure où le potentiel de ces appareils permet d’estimer leur durée d’utilisation jusqu’à l’horizon 2020, il n’est pas prévu d’abandonner, à court terme, le Xingu au profit de moyens externalisés. Toutefois, un processus d’externalisation de l’ensemble de la maintenance de la flotte Xingu a été engagé pour aboutir à l’été 2011. Le transfert de responsabilité de l’armée de l’air vers l’industriel devra être effectif avant l’été 2012. Une externalisation totale des moyens aériens et du soutien de la flotte de transport école est envisagée à l’horizon 2018-2020, période estimée de transition entre le Xingu et son successeur. S’agissant des formations dispensées par l’école de troupes aéroportées, elles utilisent d’ores et déjà pour partie des moyens aériens externalisés. Ceux-ci soutiennent les activités spécifiques relatives aux sauts « à ouverture commandée » réalisés par des personnels très expérimentés et peu nombreux. Pour la formation au saut « à ouverture automatique », qui constitue le socle des compétences et de l’activité des parachutistes, les appareils militaires utilisés permettent de réaliser simultanément l’instruction des parachutistes et celle des équipages de transport de la flotte tactique de l’armée de l’air. Ce besoin d’entraînement conjoint ne permet donc pas d’externaliser les moyens déployés.

Conformément au calendrier indiqué en septembre 2011, a été attribué à la société ECATS, filiale d’EADS, le partenariat public-privé visant à la « mise à disposition d’heures de vol de Xingu et d’heures d’utilisation d’entraîneur pour la formation des pilotes de transport et d’heures de vol de Xingu pour des missions de liaison des armées ».

E. LES CAPACITÉS AÉRIENNES D’ENGAGEMENT ET DE COMBAT

« Schématiquement, trois niveaux de maîtrise de la troisième dimension sont identifiés :

- la situation aérienne favorable, dans laquelle l’effort aérien développé par un adversaire n’est pas en mesure de nuire au succès des opérations terrestres, aériennes et navales ;

- la supériorité aérienne, degré de maîtrise de l’espace aérien qui autorise la conduite d’opérations terrestres, maritimes et aériennes pendant une période donnée et à un endroit donné sans opposition majeure mettant en cause la réussite des opérations ;

- la suprématie aérienne, degré ultime de la supériorité aérienne, dans lequel aucune force aérienne adverse n’est en mesure d’intervenir efficacement contre les forces alliées » (261).

« L’appui aérien est l’ensemble des actions menées par des vecteurs aériens (aéronefs, drones, missiles) d’une composante au profit d’une autre composante agissant sur terre ou en mer pour obtenir un effet fixé sur un objectif de niveau opératif ou tactique, tout en recherchant un emploi optimisé des forces » (262). L’appui aérien peut aboutir à une frappe aérienne mais il peut consister également en appui renseignement, appui transport ou appui de guerre électronique. Ces trois dernières formes ont été étudiées précédemment.

L’appui aérien centré sur le feu a pour but de contribuer à la sécurisation des zones de déploiement des forces terrestres, maritimes ou aériennes, à l’intimidation de l’adversaire, au soutien immédiat d’unités engagées et/ou à la désorganisation du dispositif de l’ennemi.

Les actions offensives pour la supériorité aérienne visent les moyens aériens au sol (système de défense antiaérienne, radars, aérodromes, aéronefs, sites logistiques…).

« L’utilisation de la troisième dimension permet de bénéficier d’un effet de surprise dans toutes les actions menées. Les actions agressives menées depuis la troisième dimension sont le plus souvent focalisées, brèves et foudroyantes ; les systèmes d’armes modernes permettent un engagement d’une grande précision, par tous les temps.

De nombreux vecteurs sont en mesure d’infliger des dommages aux forces au sol ou en surface, à leur environnement opérationnel, aux installations civiles et militaires, aux populations. Ces vecteurs sont pour la plupart tout temps et capables d’actions de précision de jour comme de nuit.

Il s’agit notamment :

- des missiles balistiques, courte portée (moins de 300 km), de portée intermédiaire (entre 300 et 1 000 km) et à grande portée (plus de 1 000 km) ;

- des missiles de croisière ;

- des missiles tactiques, (par exemple anti-navires, antiradars, anti-pistes, etc.) dont la portée peut aller jusqu’à 100 km ;

- des avions, capables de délivrer en particulier des armements de précision à distance de sécurité ;

- des avions dits improprement « de transport » dans des missions d’appui-feu ;

- des hélicoptères ;

- des UAV, ULM et avions légers.

Tous ces engins sont caractérisés par des vitesses, des altitudes de vol, des surfaces équivalentes radar (SER) et des modes d’action très différents. Ils transportent une charge militaire classique ou NRBC, létale ou non, d’importance variable et dont les effets sont sensibles soit sur le personnel, soit sur les matériels, soit sur les constructions et infrastructures de toutes natures » (263).

1. Les avions de chasse

Le parc français d’avions de chasse reposera à l’horizon 2020 sur deux appareils : le Rafale et le Mirage 2000. Le Royaume-Uni conduit une approche similaire pour disposer en 2021 des seuls Eurofighter (ou Typhoon) et JSF. Une rationalisation du parc poussée à son maximum (c’est-à-dire reposant sur un seul appareil multirôle) présente des risques majeurs. Une défaillance technologique, une rupture d’approvisionnement en pièces de rechange ou une faille des systèmes face à des attaques de guerre électronique immobiliserait au sol l’armée de l’air. Pour éviter de fragiliser la capacité aérienne, le parc d’avion de chasse doit reposer au minimum sur deux types d’appareils.

a) Les Mirage

La famille des MIRAGE 2000 constitue le plus important parc d’avions de chasse de l’armée de l’air. Ces avions évoluent à Mach 2.2, à une altitude de 15 000 mètres. Outre les MIRAGE 2000-N dédiés à la dissuasion, ils se déclinent en quatre appareils comme le présente le tableau suivant.

Les versions du Mirage 2000

 

Mission

Mise en service

Escadrons

Date de retrait programmé

2000-B

Défense aérienne

1983

« île de France » (BA 115 Orange)

2020

2000-C

Défense aérienne

1983

« île de France » (BA 115 Orange), « Cambrésis » (BA 103 Cambrai)

2020

2000-5

Défense aérienne

1999

« Cigognes » (BA 116 Luxeuil)

2018

2000-D

Air/sol puis multirôle

1993

« Ardennes », « Champagne, « Navarre » (BA 133 Nancy)

Rénovation programmée

Source : ministère de la défense.

Des quatre appareils, les seuls 77 Mirage 2000D doivent faire l’objet d’une rénovation majeure et remplacer à partir de 2014, selon la LPM, les autres avions de chasse. L’armée de l’air doit s’appuyer à terme sur deux appareils : le Mirage 200D et le Rafale. Mais, lors des débats budgétaires de novembre 2010, le ministre de la défense confirmait le report de ce calendrier, indiquant que « si nous avons retardé la rénovation du Mirage 2000D, c’est parce qu’il a fallu augmenter les commandes de Rafale. […] Pour maintenir la chaîne de production du Rafale, nous devons en commander un par mois, soit onze par an. Nous avons dû trouver des crédits pour cela, ce qui a nécessité de retarder la rénovation du Mirage 2000D, puisque le Rafale arrivera plus rapidement dans les forces » (264). Contre l’avis du gouvernement, un amendement a été adopté visant à amorcer la rénovation des Mirage.

La famille des Mirage 2000 a connu un certain succès sur le marché de l’export. Cette dynamique nécessite de participer à la rénovation de ces appareils pour éviter une éviction de l’industrie française des marchés étrangers. D’où l’importance cruciale du contrat remporté par Thales, le 14 juillet 2011, visant à la modernisation de 51 Mirage 2000H/TH des forces aériennes indiennes, pour un montant évalué à 2,4 milliards de dollars américains. Cette modernisation s’accompagne d’un partenariat industriel avec le constructeur aéronautique indien HAL. Elle vise à prolonger de 20-25 ans la durée de vie des appareils acquis au milieu des années quatre-vingt. Ce contrat est une opportunité pour l’industrie française d’aéronautique et de défense d’établir des liens durables avec les autorités politiques et militaires indiennes ainsi qu’avec les industries du sous-continent. Thales, Dassault mais aussi MBDA ou encore Safran, sans oublier les PME plus spécialisées, doivent s’appuyer opportunément sur la modernisation des Mirage 2000 pour renforcer une présence française encore trop discrète en Inde.

b) Le Rafale

i. Le Rafale dans les forces françaises

Mis en service au sein de l’armée de l’air en 2006, le Rafale est un avion multirôles, en mesure d’accomplir des missions de défense et supériorité aérienne, de reconnaissance, d’assaut conventionnel et d’assaut stratégique.

Les capacités radar du Rafale seront renforcées avec le radar AESA (active electronically scanned aray) RBE 2 de Thales. Ce radar à antenne active dispose d’une portée accrue, de capacités de contre-mesures et de détection renforcées. Des essais en vol effectués à l’automne 2010 ont validé l’apport opérationnel de cet équipement qui sera intégré sur la tranche 4 de Rafale, 60 appareils livrés à l’armée de l’air à partir de 2013. Le Rafale sera alors le seul avion de chasse européen disposant d’un radar à antenne active.

Les tableaux suivants présentent l’évolution du parc de Rafale dans l’armée de l’air et dans l’aéronavale.

Évolution du parc Rafale

 

2008

2009

2010

2011

Air

Parc total

43

53

59

64

En service

33

32

55

64

Marine

Parc total

26

26

28

30

En service

10

11

17

20

Source : ministère de la défense.

Quatre Rafale ont été perdus depuis leur mise en service, coûtant la vie à trois pilotes : le premier lors d’un entraînement en décembre 2007 ; deux autres entrés en collision lors d’essais en vol en décembre 2009 ; le quatrième, le 28 novembre 2010, au large du Pakistan pour des problèmes techniques.

Le tableau ci-après retrace les flux financiers du programme Rafale depuis 2006.

Évolution du programme Rafale

(en millions d’euros)

 

Engagement

CP

Volume commandé

Volume livré

2006

PAP

751,5

1 635,5

0

14

RAP

842,3

1 935,1

8

15

2007

PAP

249,5

1 614,3

0

13

RAP

466,7

1 605,9

0

13

2008

PAP

793,1

1 265,7

8

14

RAP

1 045,3

1 430,9

8

14

2009

PAP

4 519,0

1 457,6

60

14

RAP

4 747,2

1 456,8

60

14

2010

PAP

1 000,0

986,3

0

11

RAP

654,5

1 053,1

0

11

2011

PAP

76,2

946,5

0

11

2012

PAP

66,6

1 362,8

0

11

Source : ministère de la défense.

Dassault Aviation est le maître d’œuvre industriel du Rafale avec pour motoriste Snecma (filiale du groupe Safran). Thales, Sagem et MBDA fournissent les systèmes électroniques et optroniques et les systèmes d’armes intégrés sur l’appareil.

Le MCO représente une part conséquence du coût du programme comme le montre le tableau suivant.

Évolution des crédits de MCO du Rafale

 

2010

2011

2012

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Air

PAP

159,828

145,145

192,908

115,716

160,680

168,651

RAP

233,400

105,334

       

Marine

PAP

82,326

65,251

81,051

55,312

48,103

79,238

RAP

63,400

89,702

       

Source : ministère de la défense.

ii. Le Rafale à l’export

L’exportation de l’appareil demeure cruciale pour sa soutenabilité industrielle et budgétaire. Plusieurs pays modernisant leur force aérienne sont potentiellement intéressés par cet avion, comme le Brésil. La procédure d’acquisition par l’Inde de 126 avions de chasse est en phase finale et oppose désormais le Rafale à l’Eurofighter. Les offres américaines (F-16 et F-18), russes (MIG-21) et suédoises (Gripen) ont été écartées. La Suisse envisage l’acquisition de 22 appareils, soit un marché estimé à plus de 5 milliards d’euros. Compte tenu du vieillissement de ses actuels F/A 18 et F-5 Tigre, l’armée de l’air helvète aspire à renouveler ses avions dès 2012.

La concurrence est vive sur le marché mondial. La tendance est cependant favorable aux avions multirôles au détriment des avions trop spécialisés (chasse, bombardiers, renseignement). L’Europe se présente désunie avec trois avions de chasse multirôles en compétition constante. Outre le Rafale, figure l’Eurofighter Typhoon, programme mené en coopération entre le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne. À l’origine, les quatre États envisagent l’acquisition de 472 appareils. Les difficultés budgétaires incitent cependant à une réduction de ce volume : le Royaume-Uni a réduit de 30 % sa commande initiale, passant de 232 à 160 appareils ; en juillet 2010, le ministre italien de la défense annonce que l’Italie n’acquerra 96 Eurofighter au lieu des 121 initialement envisagés, économisant ainsi près de 2 milliards euros ; l’Espagne envisage de son côté la cession de 12 appareils au Chili.

Conçues dans les années 1980 mais entrées en service au début des années 2000, les premières versions de l’appareil ont une pleine capacité air-air mais une capacité air-sol limitée. Pour les Britanniques, l’Eurofighter était initialement destiné à la supériorité aérienne au-dessus du Royaume-Uni et pour une opération dans les Malouines. Pour compenser le retrait des Jaguar en 2004, la Royal Air Force a dû renforcer les capacités air-sol de l’Eurofighter tout en conservant ses Tornado GR4. Les versions totalement polyvalentes de l’avion ne seront disponibles pour la Royal Air Force qu’en 2012.

Sur le plan industriel, ce programme associe EADS (46 %), BAE (33 %) et Finmeccanica (21 %). Dans un rapport rendu public en mars 2011, le National Audit Office britannique dénonce le doublement des coûts de développement du programme qui s’élève à 13,5 milliards de livres. Les estimations initiales étaient, selon le NAO, largement sous-estimées ; les procédures propres au programme en coopération et les défis technologiques ont également contribué à surenchérir la facture.

Troisième avion européen, le suédois SAAB JAS 39 Gripen est entré en service en 1997 au sein de l’armée de l’air suédoise. Son moteur développé par Volvo Aero Corporation est une version modifiée du F 404-400 de l’américain General Electric. Outre par la Suède (204 exemplaires), le Gripen a été acquis par l’Afrique du Sud (26), la République tchèque (14), la Hongrie (14), la Thaïlande (6). 31groupe mondial de défense en 2009, comptant 12 500 salariés, SAAB (Svenska Aeroplan Aktiebolaget) concentre son activité sur l’aéronautique et l’électronique de défense ainsi que sur les systèmes terrestres de défense. L’avion de chasse Gripen est le fer de lance du groupe qui est également partenaire à plusieurs programmes européens en coopération : missile METEOR, drone NEURON.

Ces avions européens doivent affronter la rude concurrence du F16 de l’américain Lockheed Martin. Avion multirôle le plus vendu au monde, il a été notamment acquis en Europe par la Belgique, le Danemark, la Grèce, l’Italie, la Norvège, les Pays-Bas ou encore la Pologne. Le F22 Raptor (Lockeed-Martin) a, par contre, une capacité air-air élargie à l’air-sol au fil des modernisations. L’offre américaine comprend également les avions produits par Boeing (F 15, F 18, F 22 Raptor).

c) Quel successeur pour le Rafale ?

De la réponse à cette question dépend l’avenir de l’industrie aéronautique de défense française et européenne.

L’avion de chasse dit de la 5e génération constitue un saut technologique important conférant des capacités militaires majeures. Les avions de cette génération visent à évoluer et à mener des engagements en vitesse supersonique pendant des périodes relativement longues, tout en présentant des qualités de furtivité radar et thermique accrues. Les États-Unis ont d’ores et déjà pris une longueur commerciale d’avance avec le F-35 Joint Strike Fighter (JSF) de Lockheed Martin. Pourtant ce programme apparaît comme un contre-exemple compte tenu des difficultés qu’il rencontre.

i. Le contre-exemple du JSF

● Un projet international ambitieux

Au milieu des années 1990, les États-Unis ont souhaité regrouper au sein d’un même programme plusieurs projets de remplacement d’avions de combat, cherchant à concevoir et produire un « avion de combat universel ». À la fin de l’année 1994, le concept d’avion de combat interarmées (ACI) est validé, son caractère interarmées devant faciliter la production et réduire les coûts, d’autant que le programme était ouvert à des partenaires étrangers et permettre ainsi la production de plusieurs milliers d’appareils. Contrairement aux programmes antérieurs, le prix final devait être un élément fixe : en cas de besoin supplémentaire, seuls les autres paramètres (calendrier de livraison, versions, nombre d’appareils commandés…) seraient corrigés. La phase de démonstration engagée en 1996 s’est terminée en 2001 après de très importantes difficultés techniques, l’avion de Boeing (X-32) n’ayant par exemple pas réussi à satisfaire tous les critères.

Les problèmes rencontrés lors de la phase de démonstration auraient dû inciter à beaucoup de prudence. Pourtant, comme le souligne le rapport du directeur parlementaire du budget du Canada, « aucun examen officiel n’a été entrepris pour évaluer les résultats de la [phase de démonstration du concept] et déterminer si les objectifs fixés pour l’ACI pouvaient être atteints, ou bien si d’autres solutions pourraient s’avérer plus rentables pour assurer le remplacement d’avions de combat » (265). De surcroît, seuls les prix des objectifs en matière de performance des systèmes ont été fixés, c’est-à-dire que le prix est redevenu un élément variable. L’appel d’offre pour l’avion désormais appelé F35 JSF (Joint Strike Fighter) a été remporté le 26 octobre 2001 par Lockheed Martin pour près de 19 milliards de dollars. Il comportait un calendrier particulièrement exigeant, les premières livraisons étant programmées pour 2008 avec une mise en service opérationnelle à partir de 2010.

Rapidement le programme a connu des revers conséquents entraînant même des phases d’arrêt comme par exemple en 2004 en ce qui concerne le poids de l’avion. Au final, le développement accumule cinq ans de retard avec des essais prolongés jusqu’en 2016. Néanmoins la production a commencé depuis 2008 alors même que les fondamentaux n’étaient ni stabilisés ni validés.

Huit pays ont manifesté leur intérêt pour le F-35 comme l’indique le tableau suivant.

Pays impliqués dans le programme F-35

Pays

Date d’entrée dans le programme

Investissement initial
(en millions de dollars américains)

Commande prévisionnelle
(nombre d’appareils)

Royaume-Uni

17 janvier 2001

2 000

138

Italie

24 juin 2002

1 000

131

Pays-Bas

17 juin 2002

800

85

Turquie

17 juin 2002

175

100

Canada

7 février 2002

150

65

Australie

31 octobre 2002

150

100

Danemark

28 mai 2002

125

48

Norvège

20 juin 2002

125

48

Source : www.jsf.mil et rapport du directeur parlementaire du budget du Canada (mars 2011).

Les premiers échanges ont été confirmés par un partenariat international en février 2007 qui définit modalités de production, de soutien et de développement subséquent. Toutefois, comme le souligne le rapport canadien, « aucun contrat final de production n’a encore été conclu, […] le volume d’achats par les partenaires internationaux et les forces armées américaines [restant] à confirmer » (266).

● Un programme à la dérive

Compte tenu de son importance stratégique et financière, le programme a fait l’objet d’une attention particulière du Congrès américain. Dans son rapport sur le budget pour 2012, la commission des forces armées de la Chambre des représentants a émis des réserves graves sur les modalités de conduite du programme F35, notamment en ce qui concerne son moteur. « Les rapports sur un autre moteur […] réalisés en 2007 par l’Institute for Defense Analyses, la cour des comptes américaine et le ministère de la défense soulignent tous les avantages de l’existence d’un programme concurrent : au-delà des aspects financiers, cela assure en effet une meilleure réactivité des industriels, une base industrielle plus robuste, améliore la préparation opérationnelle, assure de meilleurs performances pour le moteur et soutient l’innovation technologique ». La commission relève par ailleurs qu’au final « le seul JSF représentera 95 % de la capacité d’attaque rapide des États-Unis », exposant les armées à un risque fort puisqu’elles se trouveront dépendantes d’un seul type d’avion. Dès lors, elle estime qu’il est « opérationnellement risqué de n’avoir qu’un programme pour le moteur du F35 » alors qu’ordinairement les armées veillaient à disposer « de solutions alternatives […] de façon pouvoir s’appuyer sur d’autres équipements pour tenir le contrat opérationnel » si l’équipement principal rencontrait une difficulté technique. Un ancien responsable du programme F35 soulignait d’ailleurs que les choix faits pour cet appareil se sont trop focalisés sur « les enjeux financiers » et ont n’ont pas assez pris en compte « les risques opérationnels » (267). La cour des comptes américaine (United States Government Accountabilité Office) confirme cette analyse, relevant que malgré les efforts réalisés, il y a encore de « substantiels recoupements [à faire…] avant que les différentes versions ne soient définitivement arrêtées et avant que les performances ne soient vérifiées » (268). En d’autres termes, l’appareil est loin d’avoir atteint sa phase de maturité et certains observateurs s’interrogent même sur sa capacité à atteindre ses objectifs opérationnels.

Sur le plan financier, la dérive a été gravissime : en 2010, l’organe américain d’évaluation des coûts et des programmes a évoqué un surcoût de 90 %. Cette augmentation a toutefois été ramenée à un dépassement de 60 % grâce au report de l’acquisition de 122 appareils spécifiques qui devaient être produits en série limitée. Le directeur parlementaire du budget du Canada évalue le coût de propriété (269) final à 148,5 millions de dollars américains par avion. Il souligne cependant que ce chiffre est susceptible d’évoluer, le rythme ordinaire de production n’étant encore pas atteint et toutes les incertitudes n’étant pas encore levées. La cour des comptes américaine considère quant à elle que le coût unitaire moyen devrait atteindre 131,5 millions de dollars soit 96 millions d’euros, à supposer que 2 457 avions soient bien commandés (270).

Les difficultés du programme ont d’ailleurs fait l’objet d’une communication officielle du ministère de la défense au Congrès en application de l’amendement Nunn-McCurdy. En mars 2010, il a été ainsi confirmé que le calendrier d’essais et développement et d’évaluation serait prolongé de 13 mois. Sur le plan financier, le surcoût annoncé de 90 % du prix d’achat devrait être absorbé par le report d’acquisition d’appareils produits en série limitée. Grâce à ces informations, le Congrès a pu s’emparer du dossier ; il a par exemple confirmé le remplacement du directeur du programme en mai 2010.

L’AMENDEMENT NUNN MCCURDY

En 1982, le sénateur Sam Nunn et le représentant Dave McCurdy ont présenté un amendement à la loi régissant les acquisitions de défense. Il prévoit que si un programme dépasse 15 % de son coût initial, il doit être « recertifié », c’est-à-dire que le ministère de la défense doit confirmer que le programme est essentiel, que son coût est raisonnable et que la direction du programme assure un contrôle des dépenses. Le ministère doit également fournir au Congrès un projet alternatif pour répondre aux mêmes besoins dans les 60 jours suivant la constatation du dépassement. Ce projet doit comporter des éléments financiers précis.

Soucieuse de ne plus être distancée, la Russie a procédé en janvier 2010 au premier vol du Sukhoï T-50. En octobre 2010, l’Inde a annoncé la commande géante de 250 à 300 exemplaires, pour un montant évalué à 30 milliards de dollars américains

ii. Les choix européens

Côté européen, aucune décision n’a été prise concernant le successeur des avions actuellement en service. Plusieurs options sont ouvertes : le Rafale peut faire l’objet de programmes successifs de modernisation le faisant entrer dans la catégorie des avions de chasse dits de la 5e génération. Dans cette option, l’exportation de l’appareil est indispensable pour en assurer la soutenabilité budgétaire à moyen et long terme. À l’inverse, la décision peut être prise de développer un nouvel appareil. Dans ce cadre, la France a-t-elle les moyens de développer nationalement un nouvel appareil ? Dans la négative, la mise en œuvre d’un programme en coopération doit-elle s’opérer sur la base de l’accord franco-britannique ou dans un cadre élargi, au risque de réitérer les errements du programme Eurofighter ?

La LPM précise que « l’insertion de drones de combat dans les forces est envisagée au-delà de 2020 ». Aujourd’hui utilisés pour des missions de renseignement par les forces françaises, les drones sont donc appelés à élargir leur champ capacitaire. D’aucuns s’interrogent sur la coexistence de deux systèmes, l’un avec équipage embarqué, l’autre sans. Le second ne va-t-il pas évincer le premier ? Une telle évolution changerait fondamentalement la nature des missions militaires. Conscients des bouleversements qu’entraîne le recours à des drones armés, plusieurs États, dont la France, hésitent à franchir le pas. D’où l’intérêt porté aux prochaines générations de drones, dont les OPV, optionally piloted vehicle, aéronefs pouvant embarquer un pilote selon les besoins. Cette faculté permettrait l’intégration plus facile des drones dans les espaces aériens, notamment lors de leurs transferts ou pour des missions de combat.

Ce choix éminemment politique du successeur du Rafale structurera l’industrie aéronautique française de défense. Aujourd’hui, pour ce qui concerne les avions de chasse, cette industrie repose en France sur Dassault Aviation, détenue par la famille Dassault via le groupe industriel Marcel Dassault (50,55 %), EADS (46,32 %) et le public (3,13 %). En 2010, la société a enregistré un chiffre d’affaires de 4,187 milliards d’euros, en hausse de 22 % par rapport à 2009. Le marché de défense représente 23 % du chiffre d’affaire. Dassault Aviation compte 12 000 salariés dont les deux tiers sont en France (Saint-Cloud, Bordeaux). Le schéma suivant détaille l’organisation du groupe Dassault aviation.

Le groupe Dassault Aviation

Source : www.dassault-aviation.com.

Un avion de chasse est un concentré de technologies développées par d’autres groupes industriels : systèmes électroniques, systèmes optroniques et systèmes d’armes. Parmi les systémiers et équipementiers de l’aéronautique française, deux grands groupes internationaux se distinguent, Thales et Safran.

En 2010, le groupe d’électronique civile et militaire Thales a réalisé un chiffre d’affaire de 13,1 milliards d’euros, stable par rapport à 2009. La France est le premier pays client du groupe avec 25 % des ventes globales. Thales conçoit des systèmes de détection, de communication, d’aide à la prise de décision pour toutes les plateformes terrestres, navales et aériennes. Thales est ainsi n° 2 mondial pour les sonars, les radiocommunications tactiques militaires et n° 3 mondial en électronique navale, en radars de surface, en avionique. L’activité du groupe est duale : le secteur défense et le secteur civil sont égaux en proportion dans le chiffre d’affaire globale. L’activité civile (n° 3 mondial des satellites civils, leader mondial du contrôle du trafic aérien) permet des synergies (notamment en R&D) tout en atténuant l’impact des réductions budgétaires de défense en Europe, notamment. Les 35 000 salariés de Thales France sont répartis entre les régions Île-de-France, Aquitaine, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Rhône-Alpes, Centres, Pays de Loire et Bretagne.

Le Gouvernement souhaite procéder à un échange d’actifs entre Thales et le groupe Safran qui, avec ses principales filiales, Sagem, Turbomeca et Snecma, réalise un chiffre d’affaire en 2010 de 10,8 milliards d’euros, au sein duquel la défense ne représente que 12 % comme le montre le graphique suivant :

Répartition du chiffre d’affaire de Thales

Source : www.safran-group.com.

Comptant plus de 50 000 salariés dont 64 % sont en France, Safran est le leader mondial des moteurs d’avions civils, des turbines d’hélicoptères, des trains d’atterrissage, des commandes de vol pour hélicoptères ; n° 2 mondial des moteurs spatiaux ; n° 3 mondial de la navigation inertielle ; n° 4 mondial des moteurs d’avions militaires… L’échange d’actifs avec Thales viserait principalement à céder les activités purement militaires de Safran. La cession est délicate compte tenu de l’orientation à la baisse des investissements militaires.

2. Les Caracal

Les Caracal sont la dernière version d’EC 725 mis en service en 2006 au profit de l’armée de l’air, pour la CSAR (RESCO), et de l’armée de terre, pour les forces spéciales. Malgré une vitesse de pointe de 320 km/h, ils émettent une faible signature radar, acoustique et infrarouge indispensable pour les infiltrations sur les territoires hostiles. Pouvant être ravitaillés en vol, ils peuvent parcourir 800 kilomètres, distance importante au regard des performances des autres hélicoptères.

Le Caracal participe notamment aux missions de récupération des personnels isolés qui recouvrent différentes opérations :

- la mission de recherche et sauvetage au combat de personnel entraîné et équipé (RESCO), qui « s’adresse majoritairement aux équipages d’aéronefs et aux commandos. […] Chaque personnel appartenant à cette catégorie est préalablement classé suivant son degré d’entraînement et son niveau d’équipement lui permettant de faire face aux situations d’isolement » (271;

- la récupération de personnel non entraîné et/ou non équipé en situation d’isolement en milieu potentiellement hostile ;

- la récupération non conventionnelle, dont la mission nécessite la mise en œuvre de mode d’actions et de procédures spécifique avec un « niveau de risque que les autorités accepteront de prendre, soit par rapport à l’hostilité du contexte, soit par rapport au niveau de sensibilité de la mission (identité de la personne récupérée, otage…) » (272).

Une mission de récupération doit être menée de façon très réactive. Les chances de survie ou de non-arrestation du personnel isolé s’amenuisent rapidement. C’est pourquoi à chaque engagement de forces aériennes ou forces spéciales, une unité de récupération est prépositionnée au plus près pour intervenir immédiatement. De même, la discrétion et le secret qui entourent la localisation et les communications de la cible sont une garantie de succès de l’opération.

Une mission de récupération « comprend l’acquisition ou le maintien de la supériorité aérienne, la suppression ou la neutralisation des systèmes de défense ennemis, la pénétration en zone hostile des vecteurs de récupération sur le trajet le plus sécurisé possible, la récupération des rescapés et le retour en zone amie. L’exécution de la mission reste conditionnée à la localisation précise et à l’identification du ou des survivants.

Pour assurer la localisation, l’identification, la coordination, la protection et le sauvetage, une opération RESCO nécessite la mise en œuvre d’une force aérienne composée d’éléments pouvant provenir des forces terrestres, navales ou aériennes. Outre les vecteurs de récupération, le dispositif peut comprendre des vecteurs d’appui et de protection, des vecteurs de protection aérienne et des moyens de soutien opérationnel. [Les vecteurs de récupération] doivent pouvoir intervenir dans la profondeur du territoire hostile afin de localiser, identifier et récupérer le ou les rescapés. Ils opèrent par tout temps, de jour comme de nuit, avec des moyens de navigation discrets et autonomes et des systèmes d’autoprotection et d’autodéfense. La dernière phase d’identification et de récupération est assurée par des personnels embarqués à bord de ces vecteurs. Ils peuvent être amenés à participer à la sécurisation de la zone et à donner les soins d’urgence aux rescapés. À ce jour, l’hélicoptère capable de ravitailler en vol est le moyen le mieux adapté à cette mission » (273).

Les Caracal, et éventuellement les Cougar, n’évoluent cependant pas isolément. Ils sont appuyés pour la couverture aérienne par des Tigre et des avions radar du type Awacs.

Pour ces missions de récupération, le Caracal est équipé du système PLS (Personnal Locating System). Ce système s’appuie sur le système de navigation de l’appareil et des transmissions cryptées pour localiser les hommes en vue de leur embarquement.

Dans le cadre du plan de relance de l’économie en 2009, cinq hélicoptères Caracal ont été commandés à Eurocopter pour un montant total de 230 millions d’euros. Le 10 juin 2011, le premier exemplaire a été livré à l’armée de l’air. Les quatre autres doivent suivre d’ici le deuxième trimestre 2012, complétant la flotte des 14 Caracal livrés entre 2005 et 2007.

Ce contrat comprend aussi la mise à hauteur de la flotte existante pour certains des équipements (Système Electro Optique – SEO, Centrale de Navigation Inertielle – CNI, Système de Gestion des Vols) ainsi que du soutien initial (outillages et rechanges). Ces mises à hauteur débuteront en 2012. Compte tenu du traitement de certaines obsolescences, les deux premiers appareils seront livrés dans une configuration opérationnelle intermédiaire (ils seront disponibles en configuration finale post 2012, après remise à hauteur).

Le tableau ci-après retrace les flux financiers du programme Caracal depuis 2006.

Évolution du programme Caracal

(en millions d’euros)

 

Engagement

CP

Volume commandé

Volume livré

2006

PAP

0

0

0

0

RAP

0

0

0

0

2007

PAP

0

0

0

0

RAP

0

0

0

0

2008

PAP

0

0

0

0

RAP

0

0

0

0

2009

PAP

0

0

0

0

RAP

242,5

74,8

5

0

2010

PAP

0

0

0

0

RAP

15,9

87,1

5

0

2011

PAP

0

21,9

5

2

2012

PAP

5,3

31,6

5

5

Source : ministère de la défense.

Concurrent du UH-60 BLACK HAWK fabriqué par la société américaine SIKORSKY, le Caracal a été exporté, notamment au Brésil qui a réceptionné le 20 décembre 2010 les trois premiers EC 725 (sur un total de 50) fabriqué par la filiale d’Eurocopter, Helibras.

3. Les drones d’attaque

Dassault développe actuellement un démonstrateur technologique de drone d’attaque, le nEUROn. Ce projet a fait l’objet en février 2006 d’un contrat de maîtrise d’œuvre et de réalisation de ce démonstrateur. Ce programme européen réunit la France, la Suède, l’Italie, l’Espagne, la Grèce et la Suisse. Sur le plan industriel, autour du maître d’œuvre industriel Dassault, participent notamment Thales, Saab, Alenia, EADS Espagne, HAI et RUAG. Le défi technologique prioritaire de ce démonstrateur est sa furtivité.

Depuis 2007, Northrop Grumman développe le premier avion de chasse sans pilote, X-47B UCAS-D. Les premiers essais en vol doivent intervenir d’ici la fin de cette année et les tests à bord d’un porte-avions en 2013. Cet avion sans pilote doit pouvoir voler à 40 000 pieds pendant plus de six heures.

Israël Aerospace Industries propose plusieurs drones d’attaque comme le Harpy, conçu pour détruire les stations radars et qui a été vendu à la Chine, ou le Harop.

À l’automne 2010, l’Inde a procédé au premier essai de son drone d’attaque Rustom 1. Doté d’une charge utile de 75 kg, il affiche une autonomie de vol de 12 à 15 heures à une altitude de 7 500 mètres.

4. Les avions d’entraînement

Plusieurs avions concourent à la formation des pilotes de chasse. De nombreuses forces aériennes envisagent à court et moyen termes le renouvellement de leur flotte d’avions d’entraînement. La France a retiré du service en juillet 2009 les EMB-312F Tucano et envisage le retrait des Alpha-jet pour 2020. La Finlande souhaite remplacer 41 appareils d’entraînement HAWK (à partir de 2014) et 27 VINKA qui sont d’autres appareils de formation. Les États-Unis envisagent le remplacement des T 38, avions cinquantenaires fabriqués par Northrop. La Suède réfléchit également à cette question.

En février 2009, l’agence européenne de défense a lancé le programme d’avion européen d’entraînement, Advanced European Jet Pilot Training System (AEJPT). Le développement d’un avion d’entraînement en coopération impose d’harmoniser les cycles et modes de formation des pilotes afin de définir les capacités techniques des appareils. Le champ du programme dépasse largement la seule question de l’aéronef pour intégrer les infrastructures, le système de mission…

La capacité de l’AED à mener à terme ce programme dans des délais suffisamment courts pour être en phase avec les besoins opérationnels des différentes armées de l’air renouvelant leur parc est un véritable défi.

Dans l’attente de l’AEJPT, plusieurs avions d’entraînement sont sur le marché :

- le Super Tucano d’Embraer ;

- le M 346 de l’italien Alenia Aermacchi, acquis notamment par Singapour, les Émirats Arabes Unis ;

- le T 50 Golden Eagle produit conjointement par Korea Aerospace Industries et Lockheed Martin et exporté notamment en Indonésie ;

- le Hawk Jet Trainer de BAE dont 900 exemplaires sont en service au sein de près de 20 armées de l’air dans le monde. Il en existe une version modernisée, le Hawk Advanced Jet Trainer.

5. L’armement air-air

Dans le cadre de leurs missions de défense aérienne, les Mirage 2000 ainsi que les Super Étendard et les Rafale de l’aéronavale emportent des missiles Matra-Magic-2. Ces missiles air-air ont une portée de 8 kilomètres. Pesant près de 90 kilogrammes pour une longueur de 2,90 mètres, ils emportent une charge militaire de 12 kg.

Le MICA (missile d’interception, de combat et d’autodéfense) est l’armement principal du Rafale et du Mirage 2000-5 pour les missions air-air. Long de 3,1 mètres pour un poids de 112 kg, le missile MICA est doté d’un autodirecteur électromagnétique actif (EM) ou infrarouge (IR). Il a une capacité multicibles « tire-et-oublie ». Sa portée est de 100 kilomètres. Le MICA peut être également décliné dans une version surface/air : Vertical-Launch MICA.

En octobre 2010, le 1 000e missile MICA (sur 1 100 commandés) a été réceptionné par la DGA pour le compte de l’armée de l’air. Douze ans après le lancement du programme, les premiers exemplaires ont été livrés en décembre 1999, pour les MICA EM, et en mars 2005, pour les MICA IR. Le dernier des 540 MICA EM commandés pour l’armée de l’air a été livré en octobre 2008 ; la livraison du 570e et dernier MICA IR est programmée pour 2012. Les tests dits de vieillissement tendent à valider une durée de vie du missile de 13 années, contre 10 initialement prévus.

Le tableau ci-après retrace les flux financiers du programme MICA depuis 2006.

Évolution du programme MICA

(en millions d’euros)

 

Engagement

CP

Volume commandé

Volume livré

2006

PAP

64,2

121,9

130

278

RAP

99,5

110,3

130

216

2007

PAP

31,9

138,1

0

272

RAP

40,2

138,8

0

329

2008

PAP

22,8

86,5

0

70

RAP

17,7

96,5

0

45

2009

PAP

34,9

67,4

0

30

RAP

52,0

70,1

0

30

2010

PAP

24,1

65,3

0

110

RAP

6,9

71,2

0

130

2011

PAP

0,4

68,1

0

70

2012

PAP

0

11,7

0

10

Source : ministère de la défense.

Missile air/air de plus longue portée que le MICA, le missile METEOR (missile d’intervention à domaine élargi) est un programme mené en coopération entre la France, l’Allemagne, l’Italie, la Suède, l’Espagne et le Royaume-Uni dont l’agence d’armement (DE&S) en est le pilote. Sur le plan industriel, MBDA (Royaume-Uni, France, Italie) est associé à SAAB (Suède) et INMIZE (Espagne).

Pesant 200 kilogrammes, long de 3,65 mètres, doté d’un autodirecteur électromagnétique, ce missile peut prendre pour cible des avions, des drones ou des missiles de croisière. Évoluant de tout temps, sa longue portée (supérieure à 100 km) combinée à sa vitesse (propulsion par statoréacteur à carburant solide en phase de croisière lui permettant d’atteindre Mach 4) offre la plus large « no escape zone » de tous les systèmes de missiles air-air : la détection du lancement du METEOR par la cible ne lui permet pas de s’éloigner suffisamment pour éviter l’impact.

Le METEOR doit être intégré sur les trois avions chasse européens de dernière génération : Rafale, Eurofighter et Gripen. Il est également configuré pour une intégration sur le F-35 JSF américain.

Le 22 décembre 2010, la DGA a notifié à MBDA-UK, maître d’œuvre industriel, un contrat portant sur 200 missiles METEOR. Selon Patrick Tramier, directeur des programmes de MBDA, « l’un des enjeux importants de [2011] sera le programme Meteor sur lequel nous devons impérativement avancer fin de sécuriser sa qualification sol début 2012 » (274). L’armée de l’air doit réceptionner à partir de 2018 les premiers exemplaires, soit six ans après le Royaume-Uni et trois ans après la Suède.

Le tableau ci-après retrace les flux financiers du programme METEOR depuis 2006.

Crédits du programme METEOR

 

AE

CP

Volume

en millions d’euros courants

commandé

Livré

2006

PAP

*

*

*

*

RAP

*

*

*

*

2007

PAP

*

*

*

*

RAP

*

*

*

*

2008

PAP

*

*

*

*

RAP

*

*

*

*

2009

PAP

3,1

15,7

0

0

RAP

1,0

22,7

0

0

2010

PAP

313,3

9,5

200

0

RAP

317,6

10,6

200

0

2011

PAP

0,0

13,0

0

0

2012

PAP

0,0

1,0

0

0

Source : ministère de la défense.

Côté américain existent en missile air/air l’AIM-1é0C7 Amraam et l’AIM-9X.

6. L’armement air-sol

Plusieurs armements et munitions sont en service au sein de l’armée de l’air. Cette diversité est indispensable pour obtenir un résultat optimum sur le terrain compte tenu des objectifs et du contexte spécifiques.

Lors des opérations menées en Libye à partir de mars 2011, plusieurs missiles air/sol ont été tirés par les avions de chasse des différentes armées de l’air engagées. Ainsi, les Rafale français ont fait usage principalement d’AASM (à hauteur de 180 unités) et de missiles SCALP-EG, les Mirage 2000 de bombes à guidage laser, et les Tornado britanniques de missiles Brimstone contre des engins blindés.

● L’armement air-sol modulaire (AASM) est un système comprenant deux kits s’adaptant sur différents corps de bombe : un kit de guidage (GPS, infrarouge, laser) et un kit d’allonge de portée. La portée de l’AASM varie selon l’altitude de largage : 50 km en haute altitude ; 15 km en basse altitude. Le système peut traiter plusieurs cibles avec une précision inférieure à 10 mètres. En version guidage laser, la précision est inférieure au mètre.

Sont actuellement en service les versions guidage GPS et guidage GPS/infrarouge. Le guidage laser est en phase terminale d’essai, les livraisons aux forces devant intervenir en 2012. Le 21 avril 2011, au centre d’essais de missiles de Biscarosse, un ultime tir de qualification de l’AASM en version laser à partir d’un Rafale a été effectué sur une cible terrestre mobile avec succès. 15 kilomètres séparaient l’avion du véhicule.

L’AASM à guidage GPS a été employé en Afghanistan et lors des opérations en Libye pour détruire des radars, des pièces d’artillerie et des véhicules blindés. Plus d’une centaine de kits ont ainsi été tirés.

Chaque Rafale a une capacité d’emport de six AASM.

Le tableau ci-après retrace les flux financiers du programme dont le coût total est de 575 millions d’euros. La durée de vie du missile est estimée à 24 ans.

Évolution du programme AASM

(en millions d’euros)

 

Engagement

CP

Volume commandé

Volume livré

2006

PAP

21,6

34,0

0

16

RAP

15,9

17,3

0

0

2007

PAP

6,2

46,8

0

76

RAP

5,8

29,5

0

48

2008

PAP

32,0

31,4

0

240

RAP

12,3

30,0

0

88

2009

PAP

210,3

41,1

1 000

352

RAP

134,7

14,0

680

220

2010

PAP

29,5

30,9

168

274

RAP

34,3

26,9

0

212

2011

PAP

0,1

16,2

0

176

2012

PAP

0,0

37,6

64

228

Source : ministère de la défense.

Le Maroc a acquis des AASM. Le Pakistan se montre également intéressé.

● Le groupe américain Raytheon a développé plusieurs bombes à guidage laser Paveway. Certaines de ces bombes sont également à guidage GPS pour contourner la nécessité d’un temps clair indispensable pour la désignation laser. La précision de ces bombes est décamétrique. L’armée de l’air et l’aéronavale sont dotées de plusieurs types de bombes à guidée laser.

Les bombes GBU 12 Paveway II arment les Mirage 2000 et Super Étendard, ainsi que les F 16, F18, F117 ou encore Tornado. Les Jaguar et Mirage III étaient également certifiés pour leur emport.

Les Mirages 2000D peuvent également emporter des GBU 24 Paveway III. Ces bombes à guidage laser d’une tonne, ont une portée de 30 kilomètres. Outre les Mirage 2000, les Tornado, F 16, F18, F117 et les bombardiers B2 ou B52 sont certifiés pour emporter des GBU 24. Les Mirage 2000D emportent également des GBU 49 E-Paveway II à guidage mixte (laser et GPS), opérationnelles tout temps.

Afin d’éviter des dommages dits collatéraux lors de bombardements de cibles militaires au sol, l’armée de l’air française a utilisé, lors des opérations en Libye au printemps 2011, des bombes à guidage laser mais sans charge explosive : ces bombes dites d’entraînement ou encore « bombes béton » substituent à l’explosif de la résine dure. Leur capacité d’impact permet la destruction ou la neutralisation de chars, de sites de défense aérienne ou d’infrastructure de communication.

Les bombardiers furtifs américains B-2A ainsi que les F-16 de différentes armées de l’air disposent de bombes JDAM à guidage GPS.

● Afin de frapper en limitant les dommages collatéraux, les missiles air/sol et autres bombes à guidée laser doivent identifier précisément la cible. Cette identification peut se faire soit par intégration des coordonnées géographiques GPS, soit par « allumage » de la cible par laser.

Dans ce dernier cas, il peut être fait appel à des commandos projetés sur le théâtre d’opération dont la mission est de désigner la cible avec un laser. Cette désignation peut également être opérée à partir de nacelles montées sur des avions, limitant ainsi l’exposition des hommes à l’ennemi. L’armée de l’air emploie plusieurs types de nacelles de désignation.

La nacelle Damoclès, développée par Thales et intégrée sur MIRAGE 2000-5 et Rafale, peut opérer pour des missions de bombardements laser de jour et de nuit. Elle est dotée d’un capteur infrarouge lui permettant d’identifier et de désigner des cibles au sol pour les armes à guidage laser (GBU-12) mais aussi pour les armes recourant au GPS (AASM). La nacelle Damoclès est utilisée en Afghanistan et en Libye.

La nacelle PDLCT/S (pod de désignation laser caméra thermique) équipe les MIRAGE 2000D, notamment pour les missions nocturnes.

La nacelle ATLIS (automatic tracking and laser integration system), développée dans les années 1970, a une capacité exclusivement diurne. Elle a été mise en œuvre notamment sous Jaguar et Mirage F1 lors de la première guerre du Golfe et au Kosovo. Elle est encore utilisée sous MIRAGE 2000D, notamment dans le cadre des opérations dans le ciel libyen.

Des nacelles ont également été développées pour renforcer les capacités des drones. Le système Gordon Stare est destiné aux drones Reaper de l’armée de l’air américaine.

Le radar RBE2/AESA à balayage électronique et à antenne active, conçu par Thales, renforce les capacités des Rafale. À partir de 2013, avec cette technologie novatrice, l’avion disposera d’un système lui permettant en air-air, la détection et la poursuite automatique simultanées de nombreuses cibles aériennes à de très grandes distances, vers le bas ou vers le haut, en ambiance claire ou brouillée, et par tous les temps. Il aura également une capacité à poursuivre des cibles terrestres et navales. De plus, ce radar élabore en temps réel des cartes en trois dimensions pour le suivi de terrain automatique. Cette fonction unique au monde permet de survoler en toute sécurité des territoires insuffisamment cartographiés.

7. Les missiles de croisière

Un missile de croisière est « un aéronef non piloté, autopropulsé et autoguidé, utilisant la portance aérodynamique pendant son vol. Non récupérable, il est équipé d’une charge militaire destinée à frapper une cible pouvant être défendue ou durcie et éventuellement située dans la profondeur du territoire adverse. Les principales caractéristiques des missiles de croisière sont la portée, la précision, la robustesse du système de guidage (discrimination entre la cible et son environnement), la capacité de pénétration (« survivabilité ») et l’efficacité de la charge utile » (275).

L’engagement de missiles de croisière porte une dimension politique forte, compte tenu des effets militaires attendus de ces systèmes. « Les enseignements des engagements des deux dernières décennies soulignent la nécessité pour la France de pouvoir décider, planifier et mettre en œuvre, de manière autonome, une capacité nationale de projection de puissance, apte à couvrir deux besoins :

- faire peser une menace militaire sur les centres de gravité de l’adversaire de manière à infléchir sa volonté ;

- pouvoir frapper à grande distance, dans des délais maîtrisés et dès les premiers instants de la crise, de façon sélective et appropriée, les fonctions majeures adverses.

De par ses qualités intrinsèques (tir à distance de sécurité, pénétration, précision, etc.) et le large spectre de ses effets potentiels, le système « missile de croisière » constitue un outil particulièrement adapté à ces besoins. Il offre aux décideurs politiques et aux chefs militaires une grande flexibilité d’emploi associée à des effets maîtrisés, tout en bénéficiant d’une réduction des risques politiques découlant de l’absence d’empreinte au sol. Dans cette perspective, la France s’est dotée de missiles de croisière de types APACHE et SCALP EG. Elle entend poursuivre dans cette voie, notamment avec le missile de croisière naval, « en renforçant ses capacités de frappe de précision dans la profondeur à grande distance, en quantités significatives et sur plusieurs porteurs (aériens, navals voire terrestres) » (276).

Lors des opérations en Libye, les premiers tirs opérationnels des missiles SCALP-EG ont été réalisés par des Rafale de l’armée de l’air française. Onze missiles ont été tirés selon le ministre de la défense. Sept de ces missiles avaient pour cible l’aérodrome militaire d’Al Jufrah, situé à 250 kilomètres à l’intérieur du territoire libyen. Ils ont été tirés à partir de Mirage 2000D et de RAFALE, partis respectivement des bases de Nancy Ochey et de Saint-Dizier. Les Tornado britanniques ont également fait usage de missiles Storm Shadow.

L’armée de l’air dispose de deux types de missiles de croisières :

- emporté sous Mirage 2000D, le missile Apache (arme planante à charges éjectables), entré en service en 2002, a été conçu pour la destruction des pistes d’aérodromes adverses. Sa portée est de 100 kilomètres et il évolue à très basse altitude, à grande vitesse tout en affichant une faible signature radar ;

- programme franco-britannique moteur de la création de MBDA, le SCALP-EG (système de croisière à longue portée, emploi général), est entré en service en 2004 sur Rafale et Mirage 2000D. L’aéronavale l’utilise depuis 2009. La version britannique du missile est dénommée Storm Shadow. L’emploi de ce missile vise la destruction d’infrastructures durcies voire enterrées. Sa portée est supérieure à celle de l’Apache et sa précision est de l’ordre du mètre qui permet de limiter les effets collatéraux.

F. LA DÉFENSE AÉRIENNE

La protection de l’ensemble du territoire contre toute menace aérienne est techniquement impossible, compte tenu de son étendue, sous peine d’y consacrer l’intégralité des moyens militaires. D’où l’obligation de définir des sites prioritaires. « Le nombre et la nature des sites à défendre sont toujours le résultat d’un choix. Les cibles potentielles sont liées à la nature de l’agresseur, dont la logique doit être décryptée, à ses buts, aux voies qu’il emprunte pour les atteindre et à ses moyens. Sur le territoire national, les sites à protéger sont le plus souvent fixes et permanents : centres décisionnels, sites nucléaires, énergétiques, réseaux de communication ou de transport, villes ou rassemblements de population… Ponctuellement, les sites sur lesquels se déroulent des événements particuliers font l’objet de la mise en place d’un dispositif de sûreté aérienne pouvant comprendre des moyens surface-air. Sur un théâtre d’opération, les cibles potentielles sont les sites sur lesquels un adversaire est susceptible de faire porter son effort afin d’acquérir un avantage stratégique majeur ou de restreindre l’efficacité et la liberté d’action de la Force. Ce sont donc prioritairement les « centres de gravité » de la Force, de niveau stratégique ou opératif, puis les centres décisifs ou les points de cohérence. Il peut s’agir : des points de débarquement des unités, de la Force Opérationnelle Terrestre (FOT), des centres décisionnels, des bases aériennes, des forces navales, des centres ferroviaires, des ports, des centres de télécommunications, d’objectifs civils tels que villes, camps de réfugiés, colonnes de véhicules, sites énergétiques…

Le concept de défense aérienne repose sur deux volets : la défense de zone et la défense de point. La défense de zone a pour objet la destruction ou, tout au moins, la neutralisation d’une menace sans préjuger du ou des objectifs particulièrement visés. Ce type de défense vise également à dissuader l’adversaire potentiel de pénétrer dans l’espace aérien protégé (mise en œuvre de "no fly zone"). Compte tenu des volumes à protéger, la défense de zone est généralement confiée à des aéronefs, étant donné leur mobilité et leur allonge.

Cependant, lors de raids saturants, seule une destruction partielle sera recherchée afin de les désorganiser. La menace résiduelle est traitée par les moyens de défense surface-air des points sensibles.

La défense de point a pour objectif d’interdire en permanence des dommages irréversibles. Elle conjugue des moyens de protection passifs (camouflage, durcisement,..) et des moyens de défense surface-air.

La défense aérienne est définie comme « l’ensemble des mesures conçues pour supprimer ou réduire l’efficacité d’une action aérienne hostile ». Elle peut être passive (camouflage, dispersion, mise sous abris de cibles potentielles) ou active (recours à des aéronefs et autres systèmes d’armes pour supprimer ou réduire l’efficacité d’une action aérienne hostile). Dans ce dispositif défensif, la défense surface-air rassemble « l’ensemble des mesures menées à partir de terre ou de mer à l’encontre des vecteurs provenant de la troisième dimension en vue » (277).

La défense aérienne, dans ses différentes composantes, ne se résume pas au seul usage d’armes antiaériennes. Elle est une succession de plusieurs séquences dont le tir n’est que l’ultime étape. Sept phases apparaissent :

- la surveillance permanente de l’espace aérien ;

- la détection de tous les mouvements d’objets dans l’espace aérien sous surveillance ;

- l’identification des objets surveillés, et notamment la détermination de leur caractère éventuellement hostile ;

- la classification dans une des trois catégories (ami, ennemi, inconnu) déterminant la suite des décisions à prendre ;

- l’acquisition par le système d’armes adéquat de la localisation de la cible ;

- la poursuite de la cible par le système d’armes (localisation permanente et précise de la cible) ;

- le tir sur la cible en vue de sa destruction ou de sa neutralisation.

Ces différentes séquences font appel à des capacités particulières. Sur le plan technologique, elles exigent la mise en œuvre de radars de surveillance, de systèmes d’armes et de radars de poursuite de tir présentant des caractéristiques variables afin d’assurer une disponibilité de la défense aérienne en tout temps, en tout lieu et contre tous les types de menaces évoluant dans la troisième dimension.

Le recours aux ondes électromagnétiques pour la détection des menaces et la conduite de tir est un point de faiblesse majeur des systèmes de défense antiaérienne, cibles privilégiées des systèmes adverses de guerre électronique. Il convient donc de durcir les systèmes s’appuyant sur les ondes électromagnétiques et de diversifier les technologies employées. Ainsi, en matière de détection, l’observation directe par des hommes demeurera complémentaire des systèmes les plus sophistiqués.

1. La posture permanente de sûreté aérienne

L’espace aérien est divisé en différentes zones : les espaces aériens contrôlés, les zones réglementées, les zones dangereuses, les espaces aériens réservés à des usagers spécifiques pendant une durée déterminée (meeting aérien par exemple), les zones de ségrégation temporaire (TSA) et zones de ségrégation temporaire transfrontalières (CBA).

Le code de l’aviation civile confie conjointement au ministre de la défense et à celui chargé de l’aviation civile la responsabilité d’organiser l’espace aérien national et d’en réglementer l’utilisation. La direction de la sécurité de l’aviation civile de la direction générale de l’aviation civile est l’autorité de surveillance nationale. Au sein du ministère de la défense, les fonctions d’autorité de surveillance nationale sont exercées, pour le compte de la direction de la sécurité de l’aviation civile, par le directeur de la circulation aérienne militaire.

La surveillance du ciel ainsi que la capacité d’intervention s’appuient sur l’activation permanente d’un dispositif qui mobilise, sous l’autorité du centre national des opérations aériennes (CNOA), cinq centres de détection et de contrôle (CDC).

Des interventions sont possibles sur l’ensemble des aéronefs utilisant l’espace aérien français. Toutes les mesures actives de sûreté aérienne (MASA) leur sont applicables. Faisant appel à des moyens actifs (intercepteurs ou armement sol-air), ces mesures permettent de rechercher l’identité d’un aéronef, d’observer son comportement, de lui faire appliquer une obligation, une restriction ou une interdiction, de l’avertir (tir de semonce), voire de le détruire. Les modalités d’interception des aéronefs civils présentant une menace sont précisées par l’instruction ministérielle n° 3226/DEF/C34/CD du 12 octobre 1990 relative à la sûreté aérienne dont le contenu est classifié. L’autorisation d’ouverture du feu revient aux plus hautes autorités politiques.

Les moyens mis en œuvre par l’armée de l’air s’appuient en premier lieu sur les hélicoptères Fennec d’alerte MASA pour l’interception des petits aéronefs volant à basse altitude (1 000 mètres), et sur les avions de chasse pour les avions évoluant à moyenne et haute altitudes.

Appareils biturbines pouvant atteindre 225 km/h, les hélicoptères Fennec sont dédiés à des missions de défense aérienne, de recherche et de sauvetage. L’hélicoptère Fennec AS 555 MASA (mesures actives de sécurité aérienne) a pour mission d’intercepter tout aéronef lent n’ayant pas obtempéré aux avertissements radios. Après usage de panneaux ordonnant au pilote de l’aéronef le déroutage de son appareil, les personnels embarqués peuvent recourir à des tirs de semonce voire, en cas d’échec, de destruction sur instruction des autorités. Pour la surveillance de nuit, l’équipage dispose de jumelles à vision nocturne, de caméras thermiques et d’une caméra infrarouge Chlio ou Ultra 7000.

L’armée de l’air compte près de 40 Fennec, dont 22 exemplaires sont stationnés sur la base aérienne 115 d’Orange qui héberge également le centre d’instruction des équipages d’hélicoptères, implanté jusqu’à présent à Metz. « La formation tactique y sera dispensée dans des domaines aussi variés que le pilotage de combat, le vol en formation, le treuillage ou le vol en montagne ». Outre Orange, Villacoublay et Cayenne seront les deux autres bases accueillant des Fennec d’ici fin 2012. Cette concentration des appareils sur trois sites (contre dix en 2009) rationalise leur support technique. Orange deviendra ainsi le « pôle d’excellence des hélicoptères de l’armée de l’air » (278).

2. Les systèmes terrestres de la défense antiaérienne

Pour la défense sol-air de très courte portée, les armées disposent de plusieurs systèmes d’armes :

- un canon mobile bitube de 20 mm pour contrer les attaques aériennes diurne à basse et très basse altitude. Les deux canons mitrailleurs ont une cadence de 750 coups/minute pour une portée de 1 500 mètres. La conduite de tir est hydraulique ou manuelle. Deux hommes sont nécessaires pour sa mise en œuvre : le chef de pièce et le pointeur-tireur ;

- le système ASPIC doté de 4 missiles MISTRAL à guidage infrarouge et capacité « tire et oublie ». Monté sur des véhicules légers type Peugeot P4, le missile atteint une vitesse de Mach 2.5 pour une portée de 5 600 mètres et une altitude de 3 000 mètres. La mise en œuvre repose sur deux hommes, l’un pour le système au sens strict et le second pour l’acquisition de la cible ;

- le missile Mistral peut également être tiré à partir d’un poste de tir trépied doté d’un ensemble d’aide à la désignation d’objectif (EADO) et d’une caméra thermique. Il est servi par deux hommes, le chef de pièce et le tireur.

Le système d’arme courte portée tout temps Crotale Nouvelle Génération (NG) est destiné à la protection de sites sensibles permanents ou provisoires, militaires ou civils. Ses capacités radar lui permettent de détecter et suivre des cibles dans un rayon de 20 kilomètres. Son missile VT1 a une portée de 11 kilomètres, pour une altitude maximale de 6 000 mètres. Il atteint la vitesse de Mach 3.5 soit 4 284 km/h. Ce système, tracté par un camion TRM 10000, est aérotransportable

Le système de défense antiaérienne du corps de bataille et de défense des bases aériennes SAMP/T, également dénommé MAMBA, est entré dans une phase de livraison à destination d’unités de l’armée de l’air. Les premiers éléments ont été mis en service notamment sur les bases de Luxeuil et de Saint-Dizier. La totalité des 10 systèmes sera livrée en 2013. Outre des cibles conventionnelles, le système SAMP/T peut intercepter des missiles balistiques de théâtre tel que des SCUD. Un premier tir de qualification a été effectué le 18 octobre 2010.

Le tableau ci-après retrace les flux financiers du programme SAMP/T depuis 2006.

Évolution du programme SAMP/T

(en millions d’euros)

 

Engagement

CP

Volume commandé

Volume livré

2006

PAP

54,6

218,0

0/0

0/0

RAP

4,3

271,8

0/0

0/0

2007

PAP

329,8

313,2

4/200

1/40

RAP

309,0

327,3

4/200

0/2

2008

PAP

33,3

247,6

0/0

2/66

RAP

72,9

301,2

0/100

1/10

2009

PAP

133,7

301,7

0/0

3/84

RAP

82,0

306,2

0/0

1/0

2010

PAP

319,7

160,8

0/0

2/80

RAP

29,6

159,8

0/0

½

2011

PAP

323,9

130,0

0/0

2/80

2012

PAP

331,8

116,6

0/0

2/61

Source : ministère de la défense.

Sur le plan industriel, ce programme franco-italien intégré à l’OCCAR a été confié au GIE Eurosam regroupant Thales et MBDA.

En termes de munitions, le système utilise des missiles bi étage à vecteur terminal ASTER 30. Pesant 440 kg et mesurant 4,8 mètres, ce missile se déplace à plus de Mach 4. Sa portée est de 100 kilomètres. À titre comparatif, le missile américain sol-air Patriot peut atteindre une cible jusqu’à 160 km de distance et 24 km d’altitude à Mach 5. Développé au début des années soixante-dix et entré en service à partir de 1978, le système russe S-300 peut toucher une cible aérienne volant à 27 kilomètres d’altitudes jusqu’à 150 kilomètres de distance. Outre la Russie, sont dotés de ce système la Chine, Le Kazakhstan, l’Ukraine, la Biélorussie, la Bulgarie, la Slovaquie et la Grèce. Le système mobile S-400 a une portée pouvant aller jusqu’à 400 km et peut atteindre une cible à 30 km d’altitude. Chaque système propose 12 rampes de lancement en mesure de tirer 5 types de missiles de portées différentes. Le système S-500 est en cours de développement avec une mise en service envisagée en 2015. Il doit pouvoir atteindre une cible située dans l’espace extra-atmosphérique (40-50 km d’altitude). L’évolution future du missile Aster, l’Aster Block 2, vise une interception endoatmosphérique de très haute altitude.

Le guidage des missiles Aster employés par les systèmes SAMP/T, SAAM et PAAMS s’appuie sur le radar ARABEL (antenne radar à balayage électronique) fabriqué par Thales. C’est un radar mobile multifonctions bande X à balayage électronique de conduite de tir. Il peut être installé sur une plateforme terrestre ou navale.

Pour Luc Vigneron, PDG de Thales, « le système SAMP/T est la première brique de la DAMB de théâtre française. Dans sa capacité dite « block 1 », le SAMP/T dispose de performances exceptionnelles contre les cibles aériennes : aéronefs et missiles de croisière manœuvrant (sub et supersonique). Mais il est également prévu pour traiter les missiles balistiques de portée inférieure à 600 km. Mais pour cela, le système doit recevoir une désignation d’objectif du radar GS 1000, radar issu du PEA [programme d’études amont] M3R mais dont l’acquisition n’est pas prévue avant 2022.

La seconde étape serait la capacité dite « block 1 NT ». Il s’agirait d’une capacité identique à la capacité Block 1 contre les cibles aériennes ; d’une capacité consolidée contre les missiles de portée jusqu’à 600 km, enfin d’une capacité contre les missiles de portée entre 600 km et 1 000 km avec le radar GS 1000 comme radar de conduite de tir.

Enfin, la troisième et dernière étape serait la capacité block 2 qui inclurait la capacité Blok 1 NT, mais également celle contre les missiles balistiques jusqu’à 3 000 km, y compris manoeuvrants, avec des missiles dédiés antibalistiques (ASTER BLOCK 2) et un nouveau radar de conduite de tir (GS 1500) » (279).

3. Les systèmes navals de défense surface/air

Pour leur autodéfense antiaérienne de courte portée (13 kilomètres), les frégates anti-sous-marines, les frégates Lafayette et les F70 disposent du système Crotale EDIR (écartrométrie différentielle infrarouge).

Le porte-avions est doté du système d’autodéfense SAAM, destiné à contrer les attaques saturantes de missile manœuvrant, les avions de chasse et les avions de patrouille maritime. Ce système a pour munition le missile bi étage à vecteur terminal ASTER 15 d’une portée de 45 km. L’Aster 15 pèse 300 kg pour 4 mètres de longueurs. Le lanceur Sylver A 43 prend en charge 8 missiles.

La plupart des bâtiments de la marine ont également le système d’autodéfense Sadral (système d’autodéfense rapprochée antiaérienne léger) qui a recours aux missiles Mistral.

Embarqués sur les frégates de défense aérienne, les missiles SM1 Tartar ont une portée de 50 kilomètres. Ils pèsent 590 kg et emportent une charge militaire de 29 kg. Ils sont tirés à partir d’un barillet vertical de 40 missiles et s’appuie sur le radar de poursuite SPG-51C.

Système d’armes principal des frégates Horizon, le Principal Anti Air Missile System (PAAMS), est un programme mené en coopération entre la France, l’Italie et le Royaume-Uni depuis 1998. Il est destiné à équiper les frégates antiaériennes Horizon et T45 (sous dénomination SEA VIPER). Le premier tir d’essai d’un missile SEA VIPER à partir du destroyer T45 HMS Daring a été réalisé avec succès le 17 mai 2011.

Le tableau ci-après retrace les flux financiers du programme PAAMS depuis 2006.

Évolution du programme PAAMS

(en millions d’euros)

 

Engagement

CP

Volume commandé

Volume livré

2006

PAP

5,7

37,4

0/0

0/60

RAP

12,4

31,4

0/0

1/18

2007

PAP

6,1

39,3

0/0

0/10

RAP

33,6

67,8

0/0

0/24

2008

PAP

5,0

43,7

0/0

0/26

RAP

19,4

37,9

0/0

0/24

2009

PAP

15,6

88,1

0/0

0/44

RAP

21,4

67,1

0/0

0/0

2010

PAP

0,0

48,0

0/0

0/1

RAP

9,4

43,0

0/0

0/42

2011

PAP

1,9

19,0

0/0

0/30

2012

PAP

1,0

11,1

0/0

0/0

Source : ministère de la défense.

L’armement du PAAMS est constitué du module de lancement vertical Sylver de 8 missiles ASTER 15 et 30. Mais le système ne se résume pas à sa seule arme. Il est complété par plusieurs radars dont Arabel, un radar de veille longue portée et le radar European Multifunction Phased Array Radar (EMPAR), radar multifonctions bande C à antenne tournante (60 tours/min). Développé par Selex, filiale du groupe italien Finmeccanica, il équipera également les grands bâtiments type porte-aéronefs de la marine italienne. Les destroyers britanniques T45, également dotés du système PAAMS, s’appuieront pour cette capacité sur le radar multifonctions bi bandes E/F à antenne tournante (30 tours / minutes) Sampson, développé par Insyte, filiale de BAE.

Le PAAMS est susceptible d’intégrer le dispositif de défense antimissile balistique. Le 18 octobre 2010, l’interception d’un missile balistique par un Aster 30 a été réussie au centre d’essai DGA de Biscarosse. Le PAAMS viendrait ainsi compléter le système naval américain de défense antimissile balistique AEGIS. Cette intégration suppose cependant le développement d’une version renforcée des missiles Aster. Sans un tel programme, le seul missile naval mis en œuvre dans le cadre de la DAMB sera le SM-3 de l’américain Raytheon. Un tel monopole serait de nature à imposer les systèmes américains annexes embarqués de lanceur, de détection et de conduite de tir, appauvrissant l’industrie européenne en termes de compétences.

4. La consolidation franco-britannique en marche dans l’industrie missilière

Avec le groupe européen intégré MBDA, la France peut se targuer de compter l’un des leaders mondiaux de l’industrie missilière. Antoine Bouvier, PDG de MBDA, qualifie d’ailleurs sa société « d’Airbus des missiles ». MBDA est né du rapprochement progressif de plusieurs sociétés françaises, britanniques, italiennes et allemandes comme le montre le schéma ci-après.

Organisation du groupe MBDA

Source : www.mbda-systems.com.

Avec trois milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel (dont 50 % réalisés en France et 20 % à l’export), 10 000 salariés (dont 50 % en France), le groupe représente 20 % du marché mondial et 70 % de l’industrie européenne des missiles. MBDA est présent sur tous les créneaux de missiles terrestres, navals et aériens. Il est par ailleurs le maître d’œuvre du missile aéroporté nucléaire, ASMP-A.

À l’instar des industriels des autres secteurs de l’armement, MBDA est dans une phase de production, les programmes en développement étant marginaux. Selon Antoine Bouvier, « si l’on ne prend en compte que les programmes qui ont été décidés, nous ferons face à un véritable écroulement de la charge du bureau d’études. La part de développement relevant du programme 146 devrait en effet passer de 220 à 230 millions d’euros par an en moyenne entre 2008 et 2010 à 120 millions en 2012 et à moins de 40 millions en 2013 » (280). La pérennité de la filière missile est menacée, selon lui. D’autant plus que la société doit faire face à des concurrents américains performants, Raytheon et Lockeed-Martin, également présents sur toute la gamme des missiles. Mais à la différence du groupe européen, les deux firmes américaines peuvent s’appuyer sur un marché domestique puissant. MBDA doit quant à lui faire face à l’affaiblissement des budgets de défense en Europe, à des règles de concurrence ouvrant la porte à des concurrents extra-européens…

La réussite industrielle de MBDA, véritable entreprise européenne intégrée, a été reconnue par le traité franco-britannique de coopération en matière de défense. Soucieux de tisser des liens plus étroits entre les deux rives de la Manche en matière d’industrie de défense, Français et Britanniques ont fait du groupe missilier un exemple à suivre. La déclaration de novembre prévoit que les deux pays travaillent à « la mise en place d’un maître d’œuvre industriel européen unique et à la réalisation d’économie pouvant aller jusqu’à 30 %. […] La coopération dans ce secteur industriel [des missiles] servira de test pour des initiatives dans d’autres secteurs industriels ».

D’autres sociétés françaises participent à la filière missilière. En premier lieu, Safran a développé avec l’AASM un système de missiles original dont les tirs opérationnels en Libye ont démontré l’efficacité. Mais, l’activité missilière de Safran reste marginale. Cette branche du groupe ne peut fonder sa stratégie industrielle sur un seul produit, fût-t-il apprécié par les forces aériennes. Son devenir est à préciser notamment par le rapprochement avec d’autres sociétés.

Un premier pas a été franchi avec la SNPE. Par le décret n° 2010-1107 du 21 septembre 2010 signée par la ministre de l’économie (281), l’État a autorisé le transfert au secteur privé de la propriété de la société SNPE et de ses filiales. Ce texte autorise la reprise de la filiale SNPE matériaux énergétiques par Safran, rationalisant sous une seule entité le motoriste et le propergoliste des missiles et fusées (M51, Ariane…). Filiale de SNPE et de MBDA, Roxel est spécialisé dans la propulsion des missiles, notamment des Aster et des Exocet. Le graphique suivant rappelle l’organisation du groupe SNPE.

Organisation du groupe SNPE

Source : www.snpe.fr.

De nombreuses PME contribuent à fournir les forces aériennes en missiles et bombes, soit en tant que sous-traitantes, soit en tant que fournisseurs directs.

Leur situation demeure particulièrement fragile, à l’instar de la société des ateliers mécaniques de Pont-sur-Ambre dont l’activité dépend désormais des seules études amont allouées par la DGA. « La société des ateliers mécaniques de Pont-sur-Sambre (SAMP) est spécialisée dans la production de munitions embarquées sur aéronefs militaires français, essentiellement des corps de bombes de qualité supérieure au standard établi par l’OTAN. Le ministère de la défense et des anciens combattants a très largement soutenu la SAMP depuis plus de dix ans. En premier lieu, le ministère lui a attribué, à compter de 1999, une série de marchés successifs de fourniture de bombes d’aviation, en cotraitance avec le groupement EURENCO (European Energectia Corporation est un groupement de sociétés [SNPE, SAAP et Patria], spécialisé dans la production de poudres et d’explosifs à usage militaire). Par ailleurs, des soutiens à l’exportation, sous forme d’avances remboursables, lui ont été alloués afin de développer la commercialisation des bombes pénétrantes P 250 et d’un corps de bombe deux fois plus petit, dérivé de celui-ci. Ces produits innovants étant tous deux susceptibles d’être proposés à des pays alliés ou amis de la France, disposant de kits de guidage à haute précision. La direction générale de l’armement (DGA) a également attribué à la SAMP, le 5 décembre 2008, un contrat d’études amont d’un montant de 500 000 euros visant à évaluer les contraintes d’emploi du nouveau corps de bombe P 250 et à caractériser son apport à l’efficacité militaire du dispositif d’armement air-sol modulaire (AASM) dont est doté l’avion de combat Rafale. Dans cette même dynamique, la DGA a attribué à la SAMP (en cotraitance avec EURENCO), en 2009, le développement du programme d’études amont « amélioration des charges air/sol » (ACAS), d’une durée de trois ans et d’un montant total de 6 M euros (dont 3 M euros destinés à la SAMP). Ce programme permet au minimum à l’entreprise d’envisager le maintien des compétences de son bureau d’études jusqu’à sa fin. Enfin, le ministère de la défense et des anciens combattants a notifié à la SAMP, le 13 mai 2009, dans le cadre du plan de relance de l’économie, une commande de 1 200 corps de bombes de 250 kg de type MK 82. Cette commande est intervenue par anticipation des futurs besoins capacitaires des armées qui ne devaient être exprimés qu’à compter de 2014. Elle a été motivée par le souhait de soutenir l’activité de production de l’entreprise, de préserver une douzaine d’emplois dédiés, et de maintenir un savoir-faire de fabrication unique en Europe. À ce jour, compte tenu du niveau déjà très important des stocks de munitions détenus par les armées françaises, et malgré l’utilisation faite de ces corps de bombes sur le théâtre libyen notamment, aucun besoin de recomplètement n’est actuellement identifié. Le constat des difficultés croissantes que rencontre depuis plusieurs années la direction de la SAMP justifie a posteriori les appels répétés de la DGA lui recommandant de s’engager dans une procédure de diversification ou d’adossement à un industriel de la défense. Cette réforme structurelle lui aurait permis d’accéder rapidement à un plus large portefeuille de clientèle à l’exportation dont elle avait impérativement besoin, permettant ainsi de valoriser ses savoir-faire » (282).

L’accord franco-britannique renforce la place pivot de MBDA dans la filière missilière. Une consolidation des autres acteurs industriels français autour du groupe européen est indispensable pour préserver des compétences et des emplois.

G. LA DÉFENSE ANTI-MISSILES BALISTIQUES (DAMB)

Le concept stratégique de l’OTAN, adopté lors du sommet de Lisbonne de novembre 2010, fait de la défense antimissiles « un des éléments centraux de notre défense collective, qui contribue à la sécurité, indivisible, de l’Alliance ».

Ce système vise à se prémunir contre la prolifération balistique. Selon Antoine Bouvier, « les missiles [balistique] de théâtre se développent de plus en plus comme une alternative à l’aviation de combat, en particulier dans certains pays du Moyen Orient » (283. D’où une véritable course menée par de nombreux pays pour maîtriser tout le spectre technologique nécessaire pour détenir cette capacité militaire, apparue au cours de la seconde guerre mondiale avec les V1 et V2 allemands.

● Le missile Scud, dont l’opinion publique mondiale a découvert l’existence au cours de la première guerre du Golfe, repose sur une technologie rudimentaire développée dans les années 1950 (courte portée, mono étage, propulsion liquide). De nombreux États ont acquis ce missile pour procéder à des modernisations voire à des sauts technologiques permettant d’allonger la portée, de recourir à la propulsion solide, d’affiner la précision de frappe. Selon Ludovic Woets, directeur général de GEO-K, « jusqu’à la fin des années 1990, les capacités balistiques des pays proliférants s’appuyaient essentiellement sur des technologies dérivées des missiles de type Scud. Aujourd’hui, les axes de prolifération concernent le seuil technique du passage au bi étages, à la propulsion à poudre, à l’utilisation de missiles à têtes séparées et des aides à la pénétration » (284). Les progrès accomplis se manifestent notamment par le lancement de satellites, démontrant la maîtrise des technologies liées au lanceur à plusieurs étages. En février 2010, le premier satellite iranien a été placé sur orbite à partir d’un lanceur autochtone bi étages à propulsion liquide.

Auditionné par la mission d’information sénatoriale sur la DAMB en juin 2010, le directeur des affaires stratégiques du ministère de la défense soulignait que « le développement rapide des compétences en matière balistique notamment en Iran et en Corée du Nord ne peut plus être nié. Il traduit une maturation plus avancée que prévue des technologies dans le domaine de la courte et de la moyenne portée. […] Les Iraniens maîtrisent la séparation des étages avec l’utilisation de la propulsion solide, la réalisation d’un missile balistique intercontinental paraît à leur portée. Si, dès aujourd’hui, une partie de nos forces déployées en opérations extérieures et de nos points d’appui est vulnérable à la menace balistique, la France métropolitaine pourrait l’être à l’horizon 2020 » (285).

Deux États sont au cœur de la prolifération balistique par leurs programmes de recherche et le soutien qu’ils accordent à d’autres pour se doter de ces armes : la Corée du Nord qui dispose de missiles Nodong (portée : 2 000 km) et BM 25 (2 500 km) et l’Iran qui a développé plusieurs versions du SCUD (700 km), des missiles SHAHAB-3 (2 000 km) et possède des BM 25 Nord-Coréens. Les forces iraniennes ont effectué une démonstration de force en tirant 14 différents missiles lors d’un exercice militaire le 28 juin 2011.

Les conflits régionaux (indo-pakistanais ou au Moyen-Orient) et les tensions internationales autour des frontières terrestres et maritimes ne peuvent qu’attiser cette course à l’armement et la prolifération technologique qui l’accompagne.

Cependant, cette prolifération ne concerne aujourd’hui que les capacités de courte voire moyenne portée. La maîtrise de capacités intercontinentales requiert des compétences technologiques aujourd’hui maîtrisées que par un petit nombre d’États, mais, comme le rappelle le Livre blanc, « il est déjà clair que de nouvelles puissances disposeront dans les prochaines années de moyens opérationnels ayant une telle capacité. Compte tenu de la diffusion des technologies des vecteurs, cette probabilité croît avec le temps ». Le 27 juin 2011, les Iraniens ont diffusé les images d’un silo destiné au lancement de missiles à longue portée. Sans présager de la réalité de cette capacité balistique, l’intention politique est, quant à elle, clairement affirmée. Pour les auteurs du Livre blanc, la menace balistique doit être prise très au sérieux, d’autant plus qu’elle s’accroît. « D’ici 2025, la France et plusieurs pays européens se trouveront à portée de nouvelles capacités balistiques. Cette exposition directe, quelles que soient les intentions des gouvernements qui se dotent de ces capacités, constitue une donnée nouvelle à laquelle la France et l’Europe doivent être préparées » (286).

● La défense antimissile combine des senseurs chargés de détecter, discriminer et poursuivre les missiles et des intercepteurs chargés de les détruire. Ces deux systèmes sont combinés par un système de commandement et de contrôle afin de permettre aux responsables militaires et politiques de décider la destruction dans un délai très court, le vol d’un missile ne dépassant pas les 20 minutes.

La destruction du missile peut se faire soit par déclenchement d’une charge explosive ou nucléaire à proximité, soit par impact direct (hit to kill).

Cette destruction peut s’opérer soit à basse altitude (de 5 à 15 km), haute altitude (de 20 à 60 km), soit dans l’espace exo-atmosphérique (plus de 120 km d’altitude). L’altitude détermine le champ de protection couvert par le système antimissile : plus elle est élevée, plus le territoire protégé est vaste. L’altitude d’interception est également déterminée par les caractéristiques des cibles, les missiles de courte et moyenne portée ayant une trajectoire quasi exclusivement endoatmosphérique.

● Les États-Unis ont plusieurs longueurs d’avance sur la réalisation d’un système de défense antimissile, orienté dans un premier temps contre les capacités soviétiques puis contre les États proliférants. Des moyens budgétaires colossaux ont soutenu depuis plusieurs décennies ce programme.

Aujourd’hui, aucun autre État ne peut à lui seul se doter d’un tel système. Selon le rapport d’information de la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat de juillet 2011, un système national serait budgétairement insoutenable pour la France. Il en livre une estimation résumée dans le tableau suivant.

Le coût d’une DAMB française

Source : « La défense antimissile balistique », rapport d’information, Jacques Gautier, Xavier Pintat et Daniel Reiner, commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, Sénat, 6 juillet 2011.

La voie de la coopération doit donc être privilégiée. La France, tout en affirmant ses ambitions, affirme régulièrement sa volonté d’apporter sa ou ses contributions à un programme international. Trois options principales existent :

- un ralliement au programme américain, à l’instar du programme d’avion de chasse JSF. Les États-Unis demeurent les pilotes et principaux bénéficiaires technologiques et industriels de la coopération, avec, à terme, un appauvrissement des capacités technologiques des États partenaires. Le Japon en a fait l’amère expérience pour l’interception exoatmosphérique, selon Antoine Bouvier, PDG de MBDA, « le Japon, qui a coopéré avec [les États-Unis] n’a obtenu malgré une contribution financière très significative qu’une part industrielle faible et un contenu technologique limité. Ce type de coopération déséquilibrée entre partenaires inégaux tourne vite à la sous-traitance. Les progrès qui seraient requis pour coopérer sur un pied d’égalité ne sont à la portée ni de la France, ni même de l’Europe, en tout cas pas dans les enveloppes budgétaires envisagées jusqu’à présent »  (287);

- une contribution financière à un programme OTAN, l’Active Layered Theatre Ballistic Missile Defense (ALTBMD). Ce programme est estimé à 200 millions d’euros par an sur 10 ans, estimation jugée irréaliste par les industriels au regard des défis technologiques à relever. Ces chiffres sont à rapprocher des 9 milliards de dollars américains annuels dont est doté l’agence américaine Missile Defense Agency ;

- le développement de capacités nationales, niches technologiques, mises à disposition d’un ensemble plus vaste. Cette voie est de nature à préserver voire à développer les capacités nationales industrielles et technologiques et à assurer politiquement une réelle capacité d’influence. Comme le résume Antoine Bouvier, « en apportant une brique autonome et une vraie plus-value par rapport aux systèmes américains, nous gagnerions une capacité d’influence sur la conception et le fonctionnement du système, par exemple en matière de règles d’engagement. Cette contribution spécifique constitue à mes yeux la dernière opportunité pour se positionner sur la défense antimissile » (288). Ceci suppose un accord préalable de l’État et des industriels français sur les capacités à privilégier. MBDA, Thales, Safran et, dans une moindre mesure, Astrium travaillent sur un projet fédérateur technologique identifiant les briques technologiques sur lesquelles la France doit investir avant de participer à la défense antimissile. Des coopérations européennes (à l’instar du programme ASTER) sont également envisagées. L’intercepteur spatial, pour lequel aucun programme d’études amont n’a été lancé à ce jour, constitue un bon exemple de niche.

La France n’est pas dépourvue de compétences scientifiques pour le mettre au point. Selon Alain Charmeau, président d’Astrium Space Transportation, « nous avons déjà fait l’ATV qui est le véhicule qui a relié la station spatiale européenne à une vitesse de l’ordre de 28 000 km/h et avec une précision d’amarrage de l’ordre du centimètre. Donc, si nous savons faire l’ATV, nous savons faire ce type d’intercepteur » (289). Le coût de cet ambitieux projet technologique et capacitaire est estimé à un milliard d’euros.

Compte tenu de la charge budgétaire que constitue la dissuasion nucléaire et de la similarité des doctrines en œuvre, plusieurs voix, en France comme aux États-Unis ou en Allemagne, se sont élevées pour souligner le caractère concurrent de la défense antimissile et de la dissuasion. Selon elles, la défense antimissile constituerait un mode économe de dissuasion. Cette thèse tend cependant à confondre dans un même ensemble un système défensif (la défense antimissile) et un système offensif à vocation dissuasive (armement nucléaire). Ancien ministre de la défense, Jean-Pierre Chevènement s’est régulièrement interrogé sur la pertinence de mener les deux programmes de front. « Concernant la défense antimissile, on parle de complémentarité avec la dissuasion nucléaire, en faisant valoir que le glaive n’a jamais dispensé de se munir d’un bouclier, mais la véritable question tient aux arbitrages financiers qui seront nécessaires pour bâtir un tel système, dans un contexte budgétaire très contraint, et donc au risque d’affaiblir notre outil de dissuasion » (290).

La position des autorités françaises est cependant très clair : DAMB et dissuasion sont complémentaires et non substituables. Lors de la présentation du SNLE le Terrible à Cherbourg, le 21 mars 2008, le Président de la République a ainsi déclaré qu’afin « de préserver notre liberté d’action, des capacités de défense antimissile contre une frappe limitée pourraient être un complément utile à la dissuasion nucléaire, sans bien sûr s’y substituer. Ne perdons pas de vue qu’une défense antimissile ne sera jamais assez efficace pour préserver nos intérêts vitaux » (291).

Ces propos s’inscrivent dans la droite ligne de ceux prononcés par son prédécesseur à l’Île Longue, le 19 janvier 2006. Il précisait alors que « nul ne peut prétendre qu’une défense antimissiles suffit à contrer la menace représentée par des missiles balistiques. Aucun système défensif, aussi sophistiqué soit-il, ne peut être efficace à 100 %. Nous n’aurons jamais la garantie qu’il ne pourra être contourné. Fonder toute notre défense sur cette unique capacité inviterait, en réalité, nos adversaires à trouver d’autres moyens pour mettre en œuvre leurs armes nucléaires, chimiques ou bactériologiques. Un tel outil ne peut donc être considéré comme un substitut de la dissuasion. Mais il peut la compléter en diminuant nos vulnérabilités » (292).

Lors du sommet du 2 novembre 2010, France et Royaume-Uni ont également réaffirmé que « la défense antimissiles est un complément et non un substitut à la dissuasion » (293).

Toutefois, pour nombre d’intervenants industriels, il apparaît que ce programme n’est pas une priorité des forces et préfèrent orienter leurs crédits vers des équipements au calendrier plus serré.

VI. —  LE MILIEU SPATIAL

Dans un strict respect du droit international, consacrer des développements aux équipements militaires évoluant dans le milieu spatial est incongru : l’espace est juridiquement un milieu démilitarisé, tout comme le continent antarctique. Malgré les résolutions des Nations Unies et les traités internationaux interdisant l’installation dans l’espace extra-atmosphérique d’armements, l’espace est et demeure un enjeu militaire.

La conquête spatiale a été dirigée par des militaires pour asseoir le statut de puissance mondiale de l’URSS et des États-Unis. Les puissances nucléaires font de l’espace un point de passage de leurs missiles intercontinentaux. De plus en plus d’États ambitionnent et, pour beaucoup, effectuent des lancements de satellites d’observation et de communication, officiellement à des fins civiles mais sous le regard intéressé de leurs forces armées.

La militarisation de l’espace est devenue une réalité et un nouveau champ de bataille est apparu. Le 11 janvier 2007, la Chine a démontré sa capacité de détruire des satellites depuis le sol. Selon Alain Charmeau, président d’Astrium Space transportation, les armes antisatellites « sont beaucoup plus faciles à réaliser que les armes antimissiles. Un satellite, vous savez a priori où il se trouve, c’est-à-dire sur quelle orbite, à quelle vitesse et il n’en change pas ou peu » (294).

Cette fragilité des satellites, civils et militaires, oblige les autorités politiques et militaires à anticiper une défaillance des systèmes spatiaux provoquée par une puissance étrangère. Tout comme pour l’électricité, notre dépendance à l’égard des systèmes spatiaux dans la vie quotidienne, dans les échanges économiques et dans le fonctionnement des systèmes technologiques n’est qu’insuffisamment perçue. « Il n’est pas inutile de continuer à imprimer des cartes et à apprendre à s’orienter avec une boussole, de manière classique. Si on ne le fait pas, dans une vingtaine d’années, toute une génération devenue totalement spatio-dépendante sera à la merci de la moindre défaillance accidentelle ou provoquée des systèmes spatiaux. […] La résilience qu’il convient de développer consiste bien à apprendre à se passer de tout soutien spatial, au moins pour ce qui concerne les fonctions vitales d’un État » (295).

Dans ce contexte de militarisation accrue, certains États constituent des unités militaires spatiales. La France a créé en juillet 2010 le commandement interarmées de l’espace (CIE), directement rattaché au chef d’état-major des armées (296). Ce commandement « élabore la politique spatiale militaire », notamment en identifiant les besoins capacitaires spatiaux, en participant à la stratégie d’acquisition des équipements répondant à ses besoins. Il « commande les capacités spatiales militaires françaises et coordonne l’emploi des moyens nécessaires ». Une des missions du CIE est de veiller à « préserver la liberté d’exploration et d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique par les armées » et de proposer au chef d’état-major des armées « les modes d’action visant à limiter l’impact de l’emploi des capacités spatiales par des adversaires potentiels ». Cette création organique s’est accompagnée de la publication par le centre interarmées de concepts, de doctrines et d’expérimentations (CICDE) d’un concept interarmées sur « l’utilisation de l’espace à des fins de défense et de sécurité ». Dans ce document, est réaffirmé que « seule l’utilisation de satellites non agressifs, entrant dans le cadre de l’utilisation pacifique de l’espace, est prise en considération par la France » (297).

La France est donc encore loin d’une approche ouvertement militaire de l’espace à l’instar de la Russie qui dispose de « troupes spatiales », regroupant l’ensemble des moyens spatiaux militaires comme le montre le schéma suivant.

Les troupes spatiales russes

Source : www.visualrian.com.

Mention doit être faite du programme russe Sokol-Echelon dont l’objectif est d’équiper un avion lourd d’un laser destiné à mettre temporairement hors service les capacités d’observations de satellites de reconnaissance. Pointé sur les optiques du satellite, le laser aveugle les capteurs sans détruire la plateforme. Ces innovations technologiques sont de véritables défis lancés aux concepteurs des satellites et des systèmes embarqués qui devront disposer de capacités d’endurance voire de contre-mesures renforcés.

Le Livre blanc affiche des objectifs ambitieux pour renforcer les différentes capacités spatiales françaises. « Pour financer ces programmes, les crédits consacrés aux programmes spatiaux militaires, qui sont tombés à 380 millions d’euros en 2008, seront doublés en moyenne annuelle sur la période à venir ». Cet objectif a été confirmé par le ministre de la défense en séance publique. Il indiquait qu’il « faut en effet une politique spatiale ambitieuse, ce qui nécessite un doublement des crédits d’ici à 2020. Les crédits consacrés à l’espace représentent 400 millions d’euros, auxquels il faut ajouter 165 millions d’euros au titre de la recherche duale, qui servent à financer le CNES. En y ajoutant le développement des programmes MUSIS et CERES, les satellites infrarouges d’alerte avancée et la surveillance de l’espace – des programmes inscrits plutôt en deuxième partie de loi de programmation militaire, car il nous faut mener des recherches sur ces sujets, nous parvenons à un doublement des crédits des programmes spatiaux à l’issue de la deuxième loi de programmation militaire » (298).

A. LES CAPACITÉS DE COMMUNICATION

● Pour assurer les communications entre les centres de commandements et les forces projetées sur terre ou en mer, à plusieurs milliers de kilomètres de la métropole, la voie satellitaire est la plus rapide. Ce réseau s’appuie sur la constellation satellitaire Syracuse. La seconde génération de cette constellation ne sera plus opérationnelle en 2012. L’entrée en service de la troisième, Syracuse III, s’avère cruciale pour éviter une rupture capacitaire particulièrement paralysante pour les forces.

Syracuse III est composée de trois satellites dont les deux premiers sont en orbite, le troisième, franco-italien, SICRAL2 devant être lancé en 2013-2014. Ces trois satellites couvrent une zone allant du Golfe du Mexique à la mer de Chine. Le Pacifique, et donc la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie, en sont exclus et contraignent les forces à louer des fréquences satellitaires à des opérateurs étrangers lorsqu’elles opèrent sur cette zone.

Des stations sol terrestres et navales permettent aux forces d’accéder aux satellites. Les stations terrestres ont une antenne allant de 80 cm à 4,8 mètres selon les besoins et les capacités d’emport. Les stations navales, embarquées à bord des bâtiments de premier rang et sous-marins, ont une antenne allant de 40 cm à 2,6 mètres. Le débit des communications protégées est de 2 mégabits par seconde. En métropole, deux stations sol permettent l’interconnexion de SYRACUSE avec les réseaux d’infrastructure Socrate et le pilotage des satellites.

Thales Alenia Space et Thales Communication sont les maîtres d’œuvre de ce système. Selon la LPM, « le mode d’acquisition et de gestion des transmissions par satellite fera l’objet d’un appel d’offre en vue d’un partenariat public-privé ». Ce mode d’acquisition s’inspire de l’expérience britannique, Skynet 5, contrat de 3,7 milliards d’euros signé en 2003 entre le ministère britannique de la défense et la société Paradigm Secure Communications (groupe EADS) pour une durée de 15 ans (prolongée en 2010 jusqu’en 2022). Côté français, le produit de la cession de l’usufruit de la constellation Syracuse est estimé à 400 millions d’euros.

Dans sa communication à la commission des finances de l’Assemblée nationale sur « le coût et les bénéfices attendus de l’externalisation au sein ministère de la défense », la Cour des Comptes relève que l’opération Syracuse « soulève […] de nombreuses questions. La vente de l’usufruit d’un matériel déjà acquis par le ministère de la défense pour encaisser à court terme des fonds nécessaires au financement d’autres projets, le transfert très limité du risque sur l’opérateur et la nécessité d’ensuite louer les fréquences cédées soulèvent de nombreuses questions de principe et d’intérêt économique qui devront être examinées très attentivement. Dans un contexte budgétaire qui sera très contraint pour de nombreuses années, les processus d’externalisation ne sauraient être assimilés à de la « finance inventive » permettant de contourner temporairement les obstacles budgétaires. L’exemple britannique montre que la « respiration » n’est que temporaire et qu’arrive ensuite, assez rapidement, une contrainte budgétaire d’autant plus forte que l’État a perdu une part de son autonomie en multipliant des contrats longs et en se dépossédant de ses capacités internes, ce qui rend cette perte difficilement réversible » (299).

Le tableau suivant récapitule les flux financiers liés à Syracuse III depuis 2006.

Évolution du programme Syracuse III

(en millions d’euros)

 

Engagement

CP

Volume commandé

Volume livré

2006

PAP

214,82

240,05

106 stations

(cumul depuis 2003)

non déterminé

RAP

190,82

189,56

108 stations

(cumul depuis 2003)

6 stations

(cumul depuis 2003)

2007

PAP

236,45

208,96

144 stations

22 stations

RAP

190,82

189,56

138 stations

13 stations

2008

PAP

0,00

185,83

68 stations

80 stations

RAP

90,08

109,24

73 stations

(36 PLR2008

corrigé PLF2010)

55 stations

2009

PAP

229,40

31,49

60 stations

153 stations

RAP

274,47

144,82

42 stations

130 stations

2010

PAP

14,90

0,06

0 station

85 stations

RAP

0,00

93,98 (1)

2 stations

(0 PLR2010

corrigé PLF2012)

94 stations

2011

PAP

502,26

0,00 (2)

1 station

60 stations (3)

2012

PAP

0,00

0,00 (2)

2 stations

10 stations

(1) L’écart important entre PAP et RAP s’explique par l’absence de ressources externes en provenance du CAS « Fréquences ».

(2) Ressources attendues en provenance du CAS « Fréquences ».

(3) 53 stations dans le PLF 2012.

Source : ministère de la défense.

La similitude des besoins capacitaires et des dispositifs adoptés en France et au Royaume-Uni est susceptible d’ouvrir la voie à une coopération dans l’esprit de l’accord franco-britannique. Plusieurs tentatives de rapprochement ont déjà été initiées par la partie britannique (notamment au printemps 2007), sans que la partie française ait jugé utile de donner suite. Le contexte budgétaire et politique ayant évolué depuis, un nouvel examen de ce dossier semble aujourd’hui nécessaire.

● Il est difficile de passer sous silence les difficultés du programme spatial civil Galileo, système européen de géolocalisation par satellite. Actuellement, les systèmes d’armes et les instruments individuels de géolocalisation des forces armées européennes ont recours au système américain GPS. D’autres États ont mis en œuvre des systèmes équivalents à des stades plus ou moins avancés : Russie, Chine, Inde, Japon. Seule l’Europe est à ce jour dépourvue d’un tel système.

Cette dépendance technologique constitue une véritable faille dans la volonté de l’Europe de disposer d’un outil de défense autonome. Certains États s’en satisfont, d’autres non. L’agence spatiale européenne et la Commission européenne ont uni leurs forces pour développer le programme européen Galileo. En décembre 2005, un premier satellite expérimental, GIOVE A, est lancé, rejoint par GIOVE B en avril 2008. En janvier 2010, la commission européenne a confié à la société allemande OHB la réalisation des 14 premiers satellites de la constellation, pour un montant total de 566 millions d’euros. Le lancement des deux premiers satellites opérationnels (sur une cible totale de 30 !) à partir d’un lanceur Soyouz a été effectué en octobre 2011, les deux suivants devant être mis en orbite au cours du premier semestre 2012.

En janvier 2011, un surcoût de près de deux milliards d’euros est annoncé. La crise budgétaire qui heurte les économies européennes et les difficultés technologiques du programme font peser une sourde menace sur sa pérennité. D’autant plus que des obstacles juridiques sont encore à surmonter. En premier lieu, le contentieux avec la Chine au sujet des fréquences de Galileo. Dans son rapport d’étape de janvier 2011, la Commission européenne note que « concernant la Chine, la question de la couverture des fréquences est un problème majeur pour la sécurité de l’Union européenne et des États membres. Malgré l’implication des États membres et de la Commission, il n’a pas encore été résolu et une solution ne sera pas trouvée sans un soutien politique de ces acteurs et du Parlement européen » (300).

B. LES CAPACITÉS SPATIALES DE RENSEIGNEMENT

1. Le renseignement d’origine électromagnétique (ROEM)

« Le renseignement d’origine électromagnétique (ROEM en français, SIGINT en anglais) couvre l’ensemble des renseignements de nature opérationnelle ou technique, issus d’une interception non coopérative dans le spectre électromagnétique. Il permet de connaître l’organisation et les moyens de l’adversaire et de déceler ses activités ou ses intentions. Il est diffusé aux organismes d’exploitation pour être fusionné avec d’autres domaines (imagerie, renseignement humain). Élaboré dès le temps de paix et de façon permanente, il concourt notamment à la connaissance préalable des cibles sous leurs aspects électroniques (ordre de bataille électronique, concepts, caractéristiques techniques, etc.). Il constitue une base indispensable, non exclusive, pour la pleine efficacité de la GE mise en œuvre par les forces en enrichissant leurs bases de référence dans le cadre des mesures de soutien électronique » (301).

Mis en orbite en décembre 2004, le démonstrateur Essaim est une constellation de quatre microsatellites de la famille Myriade (120 kg). Développé par Thales Systèmes Aéroportés et Astrium, ce système dispose de deux stations sols : l’une à Toulouse pour la conduite satellitaire ; l’autre à Bruz en Ille-et-Vilaine pour le recueil et l’analyse des données. L’expérimentation technique devait durer initialement jusqu’en 2008. Elle a été prolongée jusqu’en octobre 2010, grâce à l’endurance des satellites et dans l’attente de son successeur, le démonstrateur Elisa, dont la mise en orbite a été plusieurs fois repoussée et ne devrait pas intervenir avant fin 2011. Selon la LPM, sa mise en service devait intervenir début 2010. Les crédits destinés à ces deux démonstrateurs sont inscrits au programme 144.

Cérès est le système auquel préparent ces démonstrateurs. Tout comme le programme Musis, Cérès est présenté par le coordonnateur national du renseignement comme un programme prioritaire mais « dont le calendrier devra être affiné » (302). La LPM prévoyait une mise en service opérationnelle en 2016. Cette échéance a été repoussée à 2020 « au titre des mesures d’économies de la période 2011-2013 ».

Ce système s’appuiera sur une constellation de trois à quatre satellites, d’un segment sol de contrôle et de plusieurs segments sols utilisateurs. Le coût du programme est évalué à 350 millions d’euros.

Cette opération a été proposée aux partenaires européens au titre de la coopération. Seules la Grèce et la Suède se sont portées volontaires. Mais la Suède s’est retirée pour des raisons budgétaires. Il est fort probable que la Grèce fasse de même.

2. Les capacités spatiales d’observation

L’imagerie spatiale a des usages multiples : lutte contre les pollutions maritimes, surveillance des frontières.

« Aujourd’hui, nos besoins en imagerie spatiale sont couverts par le programme Hélios 2, pour les images de très haute résolution dans le domaine visible et les images infrarouges, et par le complément d’images tout temps qu’apportent les échanges avec l’Allemagne et l’Italie, grâce, la première aux systèmes spatiaux SAR-Lupe (2007), la seconde au programme Cosmo-Skymed (2009). Un programme européen, MUSIS (Multiuser Satellite Imagery System), doit permettre de lancer la prochaine génération de capteurs spatiaux. La composante optique sera ainsi renforcée en 2015 par une capacité dite « de reconnaissance », c’est-à-dire de très haute résolution de l’image, ainsi qu’une capacité supérieure d’identification. Parallèlement, l’Allemagne et l’Italie ont prévu de développer leurs capacités radar. Afin d’éviter un risque de discontinuité correspondant à la fin de vie d’Hélios 2B, la réalisation de la composante optique du programme MUSIS sera entreprise par la France dès 2008 » (303).

● Constellation de deux satellites en orbite basse (700 kilomètres d’altitude), Hélios 2 est un programme mené en coopération avec la Belgique, l’Espagne, l’Italie et la Grèce. La France est cependant le chef de fil de ce programme, le CNES étant l’architecte d’ensemble et le maître d’ouvrage délégué de la composante spatiale. Thales Alenia Space et EADS Astrium ont été les maîtres d’œuvre tant du satellite que du segment sol.

Respectivement lancés en décembre 2004 et en décembre 2009, Hélios 2A et Hélios 2B se déplacent à 7 kilomètres par seconde. Ils emportent un instrument haute résolution nouvelle génération (HRZ : high resolution zoom), pesant 1124 kilogrammes et mis en œuvre par 290 télécommandes. Le HRZ délivre 250 télémesures. Les capteurs optiques opèrent dans la bande visible et l’infrarouge, permettant une observation de jour comme de nuit. La haute résolution de l’image est de quelques dizaines de centimètres.

Le tableau suivant récapitule les flux financiers liés à Hélios II depuis 2006.

Évolution du programme DETEC BIO

(en millions d’euros)

 

Engagement

CP

Volume commandé

Volume livré

2006

PAP

66,42

32,99

-

Réception au sol du second satellite Hélios IIB

RAP

30,26

31,28

-

Réception au sol du second satellite Hélios IIB

2007

PAP

77,66

58,94

-

-

RAP

27,32

17,40

-

-

2008

PAP

0,71

21,11

-

-

RAP

3,73

8,75

-

-

2009

PAP

6,40

22,36

-

Lancement du second satellite Hélios IIB

RAP

5,75

23,65

-

Lancement du second satellite Hélios IIB

2010

PAP

0,28

20,87

-

Réception du second satellite Hélios IIB après recette en orbite

RAP

0,27

11,89

-

Réception du second satellite Hélios IIB après recette en orbite

2011

PAP

7,10

4,29

-

-

2012

PAP

0,00

3,70

-

-

Source : ministère de la défense.

Le satellite HELIOS 1A de la précédente constellation demeure opérationnel mais offre une résolution d’image nettement moindre.

● En décembre 2010, la DGA a confié au CNES la maîtrise d’ouvrage des deux satellites devant succéder aux satellites Hélios 2 et s’intégrant dans le programme MUSIS (MUltinational Spacebased Imaging System for surveillance, reconnaissance and observation). La maîtrise d’œuvre est assurée par Astrium et les instruments optiques sont réalisés par Thales Alenia Space. Le contrat s’élève à 795 millions d’euros. En 2011, ce programme est entré dans la phase dite de définition.

La mise en orbite du premier exemplaire est envisagée pour fin 2016. Un troisième satellite est programmé en option, sous la condition de développement de coopérations européennes permettant de cofinancer son développement.

Selon Bernard Bajolet, coordonnateur national du renseignement, « il faudra procéder à des arbitrages concernant les investissements du ministère de la défense. Tous les projets ne pourront être conduits au même rythme. La priorité doit être accordée au programme Musis d’imagerie spatiale, domaine dans lequel nous ne pouvons plus nous permettre de retard » (304).

Musis doit remplacer à terme l’ensemble des composantes militaires ou duales opérationnelles ou en cours de réalisation : les systèmes optiques français Hélios et Pléiades, le système radar allemand SAR-Lupe et le système italien COSMO-SkyMed. Musis comprendrait dans son périmètre de coopération optimal :

- une composante spatiale optique haute et très haute résolution (CSO), réalisée sous responsabilité française et qui prendra la suite d’Hélios 2 ;

- une composante spatiale radar COSMO-Skymed seconde génération (CSG), réalisée sous responsabilité italienne et qui prendra la suite du système COSMO-Skymed ;

- une composante spatiale radar SARAH, réalisée sous responsabilité allemande et qui prendra la suite du système SAR-Lupe ;

- une composante spatiale optique champ large Ingenio sous responsabilité espagnole ;

- un programme commun fédérateur (FCP) permettant d’assurer une utilisation fédérée de ces différentes composantes.

La coopération européenne autour de Musis est en panne. Une lettre d’intention (LoI) exprimant l’intention de lancer le programme a été signée lors de la réunion ministérielle de l’AED du 10 novembre 2008 par l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, la France et la Grèce. L’Italie en 2009 et la Pologne en 2010 ont rejoint ce groupe.

Confié à l’OCCAr, ce programme a connu ses premières difficultés dès l’étude de conception portant sur la réalisation de segments sol utilisateurs multicapteurs génériques pour l’ensemble des pays. Les travaux démarrés dans un cadre à six pays ont été abandonnés, pour des questions de maîtrise du planning, au profit d’une coopération franco-italienne dédiée à la fédération CSO-CSG. Les autres partenaires n’ont pas encore signé un arrangement de coopération sur le projet CSO. Selon la DGA, « cette situation perdurera encore quelque temps », sans apporter de plus amples explications.

● Constellation composée de 4 satellites dont le premier a été lancé en juin 2007 et le dernier en novembre 2010, le programme italien COSMO SKYMED a une finalité civile et militaire. Il a été développé par Thales Alenia Space, pour le segment spatial, et Telespazio, pour les segments sols. Le radar SAR en bande X propose une résolution inférieure au mètre pour ses usages militaires. La France accède aux images radars en échange de transmission aux autorités italiennes d’images en provenance du satellite Hélios. La constellation a une durée de vie limitée (5 ans), nécessitant de réfléchir au système devant lui succéder à partir de 2015.

Comme le souligne le CICDE, « le manque de réactivité des procédures de lancement qui impose des prises de décisions à moyen et long terme pour déployer des systèmes dans l’espace » et « la capacité de manœuvre limitée des moyens déployés et leur sécurité mal maîtrisée » (305) constituent les points faibles des satellites. La lourdeur et la rareté des programmes satellitaires d’observation à des fins militaires contrastent avec les situations d’urgence que les forces ont à affronter. Ce décalage peut être particulièrement préjudiciable pour la réussite des opérations. Le recours à des moyens plus rudimentaires est de nature à combler, temporairement, l’absence ou la sous-capacité de satellites. De nombreuses PME, souvent en liaison avec des écoles d’ingénieurs, se sont spécialisées dans la réalisation de microsatellites d’observation. Les technologies embarquées et les lanceurs apparaissent très sommaires et sont souvent regardés avec condescendance. Or, ces microsatellites peuvent s’avérer cruciaux pour gérer des catastrophes naturelles ou évaluer une zone de combat dans l’urgence.

C. L’ACCÈS À L’ESPACE

Avec Ariane et le centre spatial de Kourou en Guyane, la France dispose des infrastructures et des lanceurs lui garantissant l’accès à l’espace. La pérennisation de l’une et de l’autre est cruciale pour ne pas dépendre de puissances étrangères, américaines, russes ou asiatiques, pour mettre en orbite basse ou géostationnaire des satellites.

Plusieurs acteurs concourent à la politique d’accès à l’espace : établissement public à caractère industriel et commercial, le centre national d’études spatiales (CNES) met en œuvre la politique spatiale de la France en liaison avec l’agence spatiale européenne (ESA). En 2010, le budget du CNES s’établissait à 1,865 milliard d’euros ; celui de l’ESA à 3,744 milliards d’euros. Le CNES est « autorité de conception » des lanceurs Ariane et du centre de Kourou dont il détient la propriété ; l’ESA assure la direction des programmes Ariane, finance la construction des installations spécifiques Ariane et finance partiellement le centre spatial. La société Arianespace (détenue à 34 % par le CNES, 30 % par Astrium et l’ensemble des sociétés européennes participant au programme Ariane 5) assure la commercialisation des trois lanceurs tirés depuis Kourou (Ariane, Soyouz, Vega). Son chiffre d’affaires en 2010 s’est établi à 897 millions d’euros.

Depuis le centre spatial européen, sont opérés les lancements des fusées Ariane 5, réalisées aux Mureaux (Yvelines) par Astrium, d’une capacité de 10 tonnes. Le programme Ariane permet de fortes synergies avec les programmes missiliers de la dissuasion nucléaire, principalement en ce qui concerne les bureaux d’études. Sans Ariane, il n’y aurait pas de M51, ou du moins, sans un effort budgétaire accru, difficilement soutenable. Aussi, dans l’intérêt de la dissuasion, le maintien d’un plan de charge suffisant sur le programme civil d’Ariane est nécessaire. Ceci suppose une cadence annuelle minimale de tirs. Actuellement, 6 à 7 tirs sont effectués chaque année, dont un seul au bénéfice de programmes gouvernementaux. La concurrence mondiale (Chine, Inde, Japon, États-Unis, Russe) est vive sur les lanceurs et pèse sur le plan de charge. Une cadence moindre fragiliserait la situation d’Arianespace, et en conséquence celle de l’industrie, déjà préoccupée par la diversification des lanceurs auxquels ont recours l’ESA et le CNES. En effet, le centre spatial compte désormais une base de lancement pour fusée SOYOUZ (3 tonnes) et une autre pour fusée VEGA (pour petits satellites en orbite basse). Si cette diversification trouve des justifications commerciales recevables, elle suscite des interrogations quant à la pérennité de la filière spatiale française. N’y avait-il pas place au développement de lanceurs de moyenne gamme en France plutôt que de faire appel aux stocks de lanceurs russes ?

D. LA SURVEILLANCE DE L’ESPACE

Les radars de surveillance de l’espace participent à la protection des capacités militaires d’écoute et d’observation spatiales sous la menace permanente d’actions hostiles visant à les brouiller ou à les détruire. Mais cette protection vise également les capacités civiles : les sociétés occidentales dépendent largement sur les technologiques satellitaires pour communiquer et se déplacer. Toute destruction ou neutralisation temporaire de satellites civils aurait des conséquences économiques et sociales majeures confinant au chaos.

La destruction peut provenir de l’espace par collision entre objets spatiaux ou de la terre par le recours à des missiles (le 11 janvier 2007, la Chine a procédé à la destruction d’un satellite grâce à un missile de portée intermédiaire ; en février 2008, les États-Unis ont fait de même avec un missile SM-3/AEGIS). Contre la première menace, les radars de surveillance permettent d’opérer des manœuvres d’évitement ; contre la seconde, les systèmes d’alerte avancée, fondés sur le démonstrateur spatial Spirale développé dans le cadre de la DAMB peuvent engager des actions de protection.

La surveillance de l’espace peut se décomposer en trois capacités : cartographie, identification, trajectographie. À ces capacités répondent des technologies radar distinctes. Dans son concept interarmées sur l’utilisation de l’utilisation de l’espace, le CICDE constate amèrement que « malgré une certaine complémentarité, les moyens dont dispose aujourd’hui l’Europe pour assurer le contrôle du milieu spatial sont parcellaires et peu coordonnés. Dans ce domaine, l’Europe reste dépendante des États-Unis d’Amérique qui sont les seuls à disposer d’une connaissance fine de la situation spatiale » (306).

Dans le cadre du programme SCCOA 4, la pérennisation du radar GRAVES (grand réseau adapté à la veille spatiale), seul radar français de surveillance de l’espace, est envisagée. Ce radar cartographie l’ensemble des objets (satellites et débris) en orbite basse autour de la terre (entre 400 et 1 000 kilomètres). Développé par l’ONERA et mis en service en 2005, il est composé d’un centre d’émission situé en Haute-Saône, d’un centre de réception dans les Alpes de Haute-Provence et d’un centre d’analyse à Paris. Pour l’orbite géostationnaire (36 000 kilomètres), le démonstrateur Oscegeane (Observation Spectrale et Caractérisation des satellites Géostationnaires), implanté à Nice, est en phase de validation. Ce système a été développé par un adjudant de l’armée de l’air, dans le cadre de mission pour le développement de l’innovation participative mis en place par l’état-major de l’armée de l’air.

Le radar GRAVES ne peut cependant pas identifier avec précision les objets en orbite. Le recours à un radar imageur est nécessaire. En Europe, seul le radar allemand TIRA apporte cette précision. Les radars embarqués à bord du bâtiment d’essais et de mesures Monge le permettraient mais étant dédiés à la mise au point des missiles de la dissuasion nucléaire française, leur mise à disposition pour d’autres missions relève de la course d’obstacles malgré un besoin réel et une sous-exploitation manifeste de l’équipement.

Les données recueillies par le radar GRAVES ne suffisent également pas à définir la trajectoire des objets en orbite. Le recours à des radars de tracking est nécessaire. À cette fin, l’armée de l’air a recours à ses radars SATAM. Leur orientation vers les orbites basses a permis de démontrer leur apport pour définir la trajectoire des objets spatiaux et donc engager, le cas échéant, des alertes collisions nécessitant le déroutement de satellites.

E. QUEL AVENIR POUR L’INDUSTRIE SPATIALE EUROPÉENNE ?

Deux groupes français intervenant sur les segments civils et militaires dominent l’industrie spatiale européenne : filiale à 100 % du groupe EADS, Astrium est basé principalement aux Mureaux (Yvelines) pour le développement et la réalisation des lanceurs et véhicules spatiaux (Ariane, ATV), et à Toulouse pour les satellites et services satellitaires. La société regroupe 15 000 salariés. Second acteur français, Thales Alenia Space (TAS) est une joint-venture entre Thales (67 %) et le groupe italien Finmeccanica (33 %). En 2010, son chiffre d’affaires est de deux milliards d’euros. Les 7 200 salariés sont, pour la France, principalement à Cannes (Alpes-Maritimes) et à Toulouse. TAS est reconnu notamment pour ses compétences en très haute résolution radar et optique.

Alors que la position dominante des deux groupes français semblait particulièrement stable, la réussite commerciale de la société allemande OHB sur le marché Galileo et des satellites météorologiques est venue troubler le panorama européen. Comptant 2 200 salariés, OHB réalise de petits satellites de basse altitude ou géostationnaires pour la navigation, les communications, l’observation de la terre ou à finalité scientifique. L’émergence de cette société souligne la fragmentation des acteurs industriels spatiaux qui doivent affronter la concurrence des géants américains Boeing et Lockheed Martin ainsi que celle venant de Russie, de Chine, du Japon et de l’Inde. Cependant, toute consolidation industrielle du secteur spatial en France et en Europe exige au préalable un éclaircissement des compétences respectives des organismes publics français intervenant sur le secteur (CNES et DGA) sans omettre les luttes de pouvoir à l’échelon européen entre la commission européenne et l’agence spatiale européenne.

En septembre 2010, à propos de l’avenir de l’industrie spatiale française, François Auque, PDG d’ASTRIUM, remarquait que « la taille d’une industrie spatiale d’un pays est directement proportionnelle à celle de son budget, car le marché est avant tout institutionnel. […] Il faut savoir ce que l’on veut. On ne soutient pas une industrie avec des mots » (307).

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. —  AUDITION DE M. GÉRARD LONGUET, MINISTRE DE LA DÉFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants, sur le projet de loi de finances pour 2012 (n° 3775), au cours de sa réunion du mardi 4 octobre 2011.

M. le président Guy Teissier. Nous recevons cet après-midi le ministre de la défense, M. Gérard Longuet, qui va nous détailler les principales lignes du projet de loi de finances (PLF).

Les crédits pour 2012 respectent les orientations de la loi de programmation militaire (LPM) et nous ne pouvons que nous en réjouir. Par ailleurs, les équipements restent une priorité ; vous nous ferez le point sur les livraisons.

Du côté des dépenses de personnel, je note l’achèvement de la revalorisation des grilles indiciaires des militaires et des dispositifs catégoriels pour les civils.

Cependant, j’ai des interrogations que vous allez sans doute lever. Il s’agit tout d’abord des recettes exceptionnelles : comment nous assurer qu’elles seront au rendez-vous en 2012 ? C’est un élément important puisqu’elles assurent l’équilibre global du modèle.

Du côté des équipements, j’observe que nous ne pouvons pas encore compter sur des exportations fermes pour le Rafale, ce qui conduit une nouvelle fois notre pays à compenser l’absence de commandes.

Enfin, je souhaite que vous nous confirmiez qu’en fin d’année le surcoût des opérations extérieures (OPEX) sera bien pris en charge par un financement interministériel, comme cela avait été convenu.

M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants. Ce budget s’inscrit dans une réflexion de long terme avec la loi de programmation militaire 2009-2014 comme cadre. Nous serons en 2012 dans la quatrième année de cette programmation, qui va d’ailleurs être réactualisée.

Mes prédécesseurs ont estimé important de mettre en place un système glissant intermédiaire au travers du budget triennal 2011-2013. Il a prévu une réduction nette de crédits de 1,3 milliard d’euros pour les trois années, soit, sur un total de 96 milliards, une réduction de l’ordre de 1 %.

Le projet de loi de finances pour 2012 respecte totalement cette orientation : avec un montant de 31,7 milliards d’euros hors pensions, la dotation pour l’an prochain est même supérieure de 100 millions d’euros à ce que le budget triennal programmait. Ce surplus résulte de l’application de la LPM qui prévoyait une actualisation des crédits consacrés aux carburants en raison de l’augmentation du prix du pétrole.

Le budget pour 2012 comporte 30,6 milliards de crédits budgétaires et 1,1 milliard de recettes exceptionnelles. Les dotations budgétaires augmentent de 480 millions d’euros, soit une hausse de 1,6 %, quand l’ensemble des ressources progresse de 550 millions d’euros, soit 1,8 %. Compte tenu d’une inflation prévue à 1,7 %, ce budget est stable en volume.

Les recettes exceptionnelles, qui consistent en des cessions d’actifs, se décomposent en 160 millions d’euros de produits de cessions immobilières et 900 millions d’euros de produits de cessions de fréquences. L’objectif est crédibilisé par le succès de la cession de la bande de fréquences opérée par l’autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) en septembre. Le montant final atteint 930 millions d’euros pour un prix de réserve de 700 millions d’euros.

Ce budget nous permettra de conserver deux priorités : l’équipement de nos forces et le financement des OPEX. Ainsi, l’agrégat équipement devrait passer de 16 à 16,5 milliards d’euros entre 2011 et 2012, soit une augmentation de 3 %.

Les études amont bénéficieront d’un flux proche de 700 millions d’euros et la part consacrée à la recherche et développement passera de 3,3 à 3,5 milliards d’euros. Ce budget préserve donc l’avenir, notamment celui de notre industrie de défense.

Le maintien en condition opérationnelle (MCO), qui accompagne le développement des équipements, enregistre une progression de 200 millions d’euros, soit 7,5 %, pour atteindre un montant de 2,75 milliards d’euros.

Par ailleurs, la mise en œuvre de programmes d’armement et l’arrivée de nouveaux matériels, notamment maritimes, exigent des efforts sur les infrastructures dont le budget est maintenu à 1,4 milliard d’euros.

J’en viens aux principales livraisons attendues en 2012. Pour le « commandement et maîtrise de l’information », c’est un avion spécialisé dans le recueil du renseignement électromagnétique et des stations de transmission de données par satellite.

S’agissant de l’engagement et du combat, il s’agit de la frégate multi-missions (FREMM) Aquitaine, de trois hélicoptères Caracal et de matériels bénéficiant de commandes pluriannuelles : 11 Rafale, six hélicoptères Tigre, 100 véhicules blindés de combat d’infanterie (VBCI) et 4 000 équipements FELIN.

Concernant la « projection-mobilité-soutien », je note tout d’abord que nos équipements ont fait la preuve de leurs qualités en Libye. Nous poursuivrons la modernisation avec la livraison de 200 petits véhicules protégés (PVP), de cinq avions de transport Casa 235, initialement commandés pour pallier le retard de l’A400M et qui ont aujourd’hui trouvé leur place notamment dans les unités parachutistes, et d’un bâtiment de projection et de commandement (BPC), le Dixmude. Nous avons d’ailleurs pu apprécier l’extrême utilité de cet équipement dans l’opération Harmattan où un BPC était engagé comme porte-hélicoptères.

Les commandes significatives pour 2012 concernent la rénovation de nos C135 pour le ravitaillement aérien, la poursuite de la réalisation des deux satellites MUSIS pour disposer d’une capacité de décision autonome et 34 NH90.

Ces commandes ont un impact sur l’industrie de défense française qui bénéficie de l’image favorable donnée par nos armées lors des trois engagements principaux de cette année.

S’agissant du financement des OPEX, nous avons accompli, grâce à l’implication de votre Commission, un progrès considérable puisqu’elles nous sont pour l’essentiel remboursées dans le cadre de la réserve de précaution interministérielle au lieu de faire l’objet de ponctions sur les crédits d’équipement.

Nous avons, à titre d’évaluation, maintenu à 630 millions d’euros la provision pour 2012. Celle-ci est certes insuffisante, mais nous cherchons à trouver en cours d’année de nouvelles recettes.

En 2011, nous aurons un surcoût lié à l’opération Harmattan évalué au 30 septembre entre 300 et 350 millions d’euros, le montant définitif dépendant des prochaines décisions sur le format et le calendrier.

Il est important de continuer à financer en 2011 le solde des surcoûts des OPEX sur la réserve de précaution interministérielle, comme cela a été fait en 2009 et 2010. Cette question fait l’objet de discussions interministérielles en fin d’année budgétaire, mais le Premier ministre m’a donné une assurance écrite en septembre sur ce point.

Enfin, je tiens à dire que la réforme profonde et de long terme de la défense commence à porter ses fruits. En 2011, au niveau local nous avons généralisé les bases de défense et, au niveau régional, nous avons mis en place la chaîne interarmées du soutien et des centres de service partagés, ce qui n’était pas facile.

Je vais d’ailleurs consacrer les prochaines semaines à huit déplacements régionaux pour rencontrer un grand nombre de responsables de la mise en œuvre des politiques de bases de défense. Je tiens à examiner les retours d’expérience, les difficultés, les solutions et les satisfactions que constatent les cadres du terrain dans l’application de la réforme.

Nous continuerons également à mettre l’accent sur l’accompagnement social des restructurations. Le plan d’accompagnement des restructurations (PAR) bénéficiera de 241 millions d’euros en 2012.

La poursuite de la mise en œuvre des programmes catégoriels fera l’objet l’an prochain d’une enveloppe de 90 millions d’euros qui permettra de financer la première annuité de la transposition de la revalorisation des grilles indiciaires de la catégorie B aux sous-officiers, sujet très important et sensible, ainsi que de consacrer 24 millions à la revalorisation des carrières des personnels civils. Cette enveloppe représente une part proportionnellement un peu plus importante que les 24 % correspondant aux personnels civils dans l’ensemble des personnels de la défense.

Nous maîtriserons notre masse salariale, avec un objectif de 11,6 milliards en 2012. Ce montant est inférieur à celui de 2011, qui s’élevait à 11,7 milliards, en raison de la réduction des effectifs organisée dans le cadre de la LPM.

S’agissant du regroupement des états-majors et de l’administration centrale à Balard, le contrat de partenariat signé en mai dernier démontre sur le plan financier que le projet est économique et supporte favorablement la comparaison avec la maîtrise d’ouvrage publique. Il est également moins coûteux que le maintien sur les actuels sites historiques pour les trente prochaines années et soutenable financièrement. Nous respectons le calendrier retenu.

En conclusion, le ministère est engagé à la fois dans une réforme difficile et sur le terrain. Ces deux engagements donnent aux agents de la défense, civils et militaires, un sentiment de fierté : celui de participer à un effort de modernisation. Cette réforme impose pour beaucoup des sujétions familiales lourdes, notamment en termes de mobilité et de déplacement géographique, mais cet effort est parfaitement accepté. En contrepartie, les personnels peuvent compter sur la continuité que le Parlement accorde aux crédits de la défense tels qu’ils ont été prévus dans le cadre de la LPM et révisés dans la programmation triennale.

Ce sérieux est aussi une forme de respect que l’on doit à des femmes et des hommes engagés principalement sur trois théâtres très difficiles et qui ont retenu l’attention de l’opinion publique : je pense à l’aboutissement heureux de l’opération Licorne, l’engagement significatif des trois armées dans l’opération Harmattan et la poursuite, dans des conditions difficiles mais maîtrisées, de notre intervention en Afghanistan.

Présenter un budget de continuité et de responsabilité est assurément l’hommage que le ministre de la défense doit à ses soldats : je le défends donc avec conviction.

Mme Françoise Hostalier. Je souhaite rendre hommage à nos gendarmes qui sont appelés à servir sur les théâtres extérieurs et notamment en Afghanistan. J’ai participé la semaine dernière avec Jean-Paul Anciaux à un stage de quatre jours à Sélestat et à La Courtine, où nous avons pu mesurer leur grande qualité et leur extrême professionnalisme. Leurs missions ne sont pas suffisamment connues ni mises à l’honneur.

Qu’en est-il de la reconnaissance de la campagne double pour les militaires ayant servi en Afghanistan ? Si la France n’est pas en guerre officiellement dans ce pays, les conditions dans lesquelles se battent nos soldats sont bien celles d’une guerre. De plus, la campagne double ayant été accordée aux militaires qui ont participé à la guerre du Golfe, il serait légitime qu’elle le soit aussi pour ceux qui sont déployés en Afghanistan.

M. Yves Vandewalle. Nous sommes satisfaits de voir que le Gouvernement respecte la trajectoire de la LPM : la continuité dans ce domaine est essentielle, en particulier s’agissant de l’effort d’équipement.

Cet été, vous avez pris une décision attendue sur les drones MALE. Pouvez-vous nous éclairer sur le choix du Heron TP, tant en ce qui concerne la satisfaction des besoins militaires que la politique industrielle sous-jacente ? Quelle est l’articulation entre cette solution d’attente et le futur drone MALE européen ? Quand le programme relatif à ce dernier sera-t-il lancé ?

M. le ministre. Nous avons pris l’engagement de défendre le principe de la campagne double pour les soldats ayant servi en OPEX en Afghanistan. Cela nécessitait deux décrets : un décret simple modifiant le code des pensions civiles et militaires de retraite : je l’ai signé le 23 septembre dernier, il est actuellement au contreseing de la ministre du budget et devrait être publié dans les quinze jours à venir ; il fallait également un décret spécifique pour l’Afghanistan qui devrait être adopté dans la foulée, pour une publication qui pourrait intervenir d’ici le 11 novembre et aura un effet rétroactif au 3 octobre 2001, début des opérations conduites par nos troupes dans ce pays.

S’agissant du drone MALE, nous avons retenu une solution intérimaire en nous appuyant sur un projet piloté pour l’essentiel par le groupe Dassault. Mon prédécesseur a par ailleurs ouvert, dans le cadre de l’accord franco-britannique du 2 novembre dernier, des perspectives bilatérales.

Pour le Heron TP, nous nous engageons dans la voie d’une solution intérimaire permettant d’éviter une solution de continuité avec l’actuel Harfang, grâce à la coopération ancienne et renouvelée du groupe Dassault avec le groupe israélien IAI, qui est aussi responsable de la plateforme Harfang. Cet industriel a choisi de changer de partenaire : nous avons accompagné cette décision, considérant que l’implication très forte en France du bureau d’études de Dassault Aviation nous garantissait une réponse rapide pour la solution intérimaire.

S’agissant de la relation avec le Royaume-Uni, il faut distinguer plusieurs objectifs : les Britanniques sont déterminés à fixer avec nous les capacités et les objectifs du drone MALE de long terme et nous avons constitué un groupe de travail permanent entre nos militaires. Mais nous aimerions leur faire comprendre que si nous arrivons à un accord de définition de produit, nous pourrions, dans le respect des directives européennes, ouvrir une négociation qui ne soit pas un appel d’offres mondial. Nous devons les convaincre que, dans notre conception du long terme, nous voulons avoir des fournisseurs européens en partant de ceux qui sont aujourd’hui les plus impliqués, ce qui nous garantirait avec sécurité la continuité de l’évolution du dispositif. Au contraire, un appel d’offres mondial pourrait nous conduire à sélectionner des fournisseurs performants sur l’instant et absents au rendez-vous en période d’évolution des fournitures ou de réparation.

Quand on sait que l’un de nos rares Harfang envoyés en Afghanistan a été paralysé plus d’un an sur un problème touchant un équipement, on peut se poser la question de savoir s’il est raisonnable de travailler avec des prestataires qui ne sont pas sous les ordres du donneur d’ordre.

Le deuxième objectif de cette coopération est de ne pas répéter la double filière Eurofighter-Rafale qui pouvait peut-être s’expliquer il y a encore vingt ans, mais qui serait incompréhensible aujourd’hui dans un système européen où tous les budgets nationaux sont contraints.

Il faut inciter les Britanniques à partager notre conception de la politique industrielle. Nous devrions y parvenir.

M. Bernard Cazeneuve. Le regroupement des administrations centrales du ministère à Balard pose une question juridique : le groupement d’entreprises qui gagné le concours au terme d’un dialogue compétitif a choisi de réaliser un projet qui pour l’heure n’est pas conforme au plan local d’urbanisme (PLU) de la ville de Paris. Il faut donc modifier le PLU. Vous avez engagé une procédure assez coercitive, sans doute très efficace, conduisant à mettre en place une enquête publique, au terme de laquelle le PLU sera modifié. Mais elle comporte un risque juridique puisque, si l’avis du commissaire enquêteur se révélait négatif, cette modification pourrait poser problème. Or les clauses contractuelles prévoient de lourdes conséquences financières pour l’État si la première pierre n’était pas posée en 2012. Ce risque juridique est-il maîtrisé ? S’il ne l’était pas, quel est le risque financier encouru par l’État ?

Du point de vue budgétaire, le montant des loyers que la défense devra verser au prestataire est de l’ordre de 150 millions d’euros TTC par an, ce qui représente au terme de la période environ 4,2 milliards d’euros, dont 800 millions d’euros de frais financiers, pour un investissement initial du prestataire privé de 700 millions. On peut comprendre que le projet puisse être intéressant en termes d’économies et de rationalisation du fonctionnement des états-majors, mais pour en être sûr, il faudrait avoir une idée de ce qu’aurait coûté cette rationalisation dans les emprises actuelles. Par ailleurs, les 150 millions d’euros de loyer couvrent des besoins pour un niveau d’effectifs sensiblement inférieurs à celui des actuels états-majors, ce qui tend à accroître le niveau de contribution par agent.

M. Jean-Claude Viollet. Je ne reviens pas sur la question des drones : j’ai déjà dit que le choix que vous avez fait était raisonnable sur le court, le moyen et le long terme.

Le Livre blanc prévoit que la France dispose de 300 avions de combat, dont 270 en ligne avec une flotte d’avions polyvalents Rafale et Mirage 2000 D rénovés. Cette rénovation a été reportée après 2013, mais l’an dernier, à l’initiative de notre Commission, le Parlement a adopté un amendement au PLF 2011 prévoyant l’intégration du pod ASTAC du Mirage F1CR sur le Mirage 2000 D. Il s’agissait de conserver, après le retrait du F1CR en 2014, cette capacité de renseignement électromagnétique utile pour l’entrée en premier. J’ai cru comprendre que la commande de ce transfert pourrait être passée d’ici la fin de l’année. Pouvez-vous nous confirmer cette bonne nouvelle ?

Par ailleurs, l’intervention en Libye nous a montré combien les ravitailleurs étaient inséparables de la projection de forces ; les forces aériennes stratégiques n’existeraient d’ailleurs pas sans ravitaillement en vol.

Or les premières livraisons de ravitailleurs étaient prévues à partir de 2010 : on parle maintenant de 2017 avec une commande en 2013. Encore faut-il préalablement définir le produit que l’on veut, lever les risques, en particulier définir les options de cabine : souhaite-t-on s’orienter vers le transport de fret, de passagers ou vers une formule mixte ? Désire-t-on une flotte homogène ou constituée de deux composantes ? Il me semble que les décisions en la matière devraient être prises avant la fin de cette année ou au tout début de 2012 pour tenir le calendrier.

Les sommes en cause sont relativement modestes : 10 millions d’euros pour le transfert du pod ASTAC et sans doute 20 millions pour la levée de risque pour les avions multirôles de ravitaillement en vol et de transport (MRTT).

Il serait également important de lancer les travaux d’infrastructures sur la base aérienne 125 d’Istres afin d’assurer l’accueil des MRTT. Ces travaux devraient probablement s’élever à plusieurs centaines de millions d’euros et tenir compte des diverses contraintes environnementales, techniques et budgétaires.

Entendez-vous mener rapidement ces travaux de définition et de levée de risque et permettre l’engagement des études sur ceux liés aux infrastructures ?

M. le ministre. Dans le projet « Balard », moins de 3 % de la surface construite dépasse du plafond fixé par le PLU. Il s’agit de trois cheminées destinées à la ventilation et au rafraîchissement du bâtiment par des méthodes naturelles. L’architecte a en effet souhaité construire un bâtiment respectueux de l’environnement et nous avons besoin pour cela de cheminées de 43 mètres de haut, soit 12 mètres de plus que le plafond. Le projet a été retenu à l’unanimité par une commission à laquelle participaient des représentants de la ville de Paris, y compris ceux des services d’architecture. Il n’y a pas eu d’objection de principe de la Ville au projet architectural.

Nous avons donc demandé une modification du PLU, partant du principe que la collectivité n’y ferait pas obstacle. Le maire de Paris ne m’a pas dit qu’il s’opposerait à cette modification, mais il n’a pas pu me dire dans quel délai il pourrait me répondre, considérant que le sujet était complexe, d’autant plus qu’il ouvre d’autres débats qui ne concernent en rien le ministère de la défense.

C’est la raison pour laquelle j’ai choisi de lancer la procédure de la déclaration de projet prévue par le nouvel article L. 300-6 du code de l’urbanisme qui reprend l’ancienne formule du programme d’intérêt général. J’en ai aussitôt averti le maire de Paris. Cette procédure garantit le respect des délais de réalisation de l’opération, sachant qu’il n’est pas possible de ralentir le projet sans en accroître le coût.

La déclaration de projet, dont le terme est prévu en février prochain, est sous le contrôle du préfet. Elle comprend une phase d’enquête qui devrait durer deux mois. Le préfet saisira ensuite la ville de Paris. En cas d’absence de réponse ou de désaccord, le préfet pourra modifier le PLU. Le projet est donc parfaitement compatible avec le calendrier initial.

Un deuxième point, moins important, concerne la mise en conformité du projet avec une servitude de garage à bus. En l’état actuel du projet, nous avons gardé la possibilité d’accueillir des autobus, qu’il s’agisse de ceux de la RATP ou d’autres organismes mais nous demandons la suppression de cette servitude dans le cadre de la déclaration de projet car cet aménagement a un coût alors même qu’il semble ne pas devoir être utilisé par une entreprise de transport.

Le coût de l’opération est complexe. J’ai autrefois présidé l’agence de financement des infrastructures de transport de France et lancé dans ce cadre une série d’études sur les partenariats publics-privés (PPP) concernant notamment des travaux routiers : les sommes auxquelles on aboutit dans un PPP lorsqu’on cumule les annuités apparaissent démesurées car elles additionnent le coût des travaux, de l’entretien et des frais financiers, qui ne sont jamais pris en compte par les maîtres d’ouvrages publics.

Le coût strico sensu de la construction dont la défense a besoin est d’environ 650 millions d’euros hors taxes, mais la construction du bâtiment ne représente que 35 % du coût de l’opération. Il faut y ajouter les systèmes d’information et de communication et les services de maintenance sur une période de trente ans et le fonctionnement des locaux qu’il s’agisse des fluides, de l’entretien, du chauffage, de la restauration, du contrôle ou de la sécurité. Il convient de distinguer ces différents postes dans le montant global de 4,2 milliards TTC, en considérant le coût hors taxes.

Le ministère a en effet l’intention de récupérer la TVA qu’il paye sur ces prestations par une compensation versée par le ministère du budget.

Si l’on cumule le coût de fonctionnement des emprises actuelles, que l’on considère l’économie liée à leur regroupement sur un seul site et la diminution d’environ 1 300 emplois qui en résulte, l’opération est économiquement équilibrée. En termes de trésorerie, elle rapportera à l’État au moins 600 millions d’euros grâce à la cession des emprises immobilières parisiennes. Ces recettes ne viendront pas financer le projet ; elles abonderont les crédits d’équipement en tant que recettes exceptionnelles.

Monsieur Viollet, vous avez parfaitement raison s’agissant de l’équipement des Mirages 2000 D : l’augmentation de 10 millions d’euros sur le programme 146 que vous avez votée permettra d’intégrer le pod ASTAC sur ces appareils. La direction générale de l’armement (DGA) a, pour un montant correspondant aux ressources dont elle dispose, préparé un contrat avec l’industrie dont la notification est prévue d’ici la fin de 2011.

En ce qui concerne les ravitailleurs, je prends l’engagement de faire en sorte que la levée de risque soit opérée lors du premier trimestre 2012.

M. Jean-Jacques Candelier. Le surcoût lié aux OPEX s’accroît, ce qui m’inquiète. Pour 2011, il devrait dépasser 1,2 milliard d’euros.

En Afghanistan, où nous sommes présents depuis 2001, nous nous enlisons. Au 16 septembre, nous enregistrions d’ailleurs 75 soldats tués.

En Libye, notre intervention dure depuis plus de sept mois et l’OTAN vient de la prolonger d’au moins trois mois. Khadafi est déchu, la quasi-totalité du territoire est sous l’emprise du conseil national de transition (CNT) qui vient d’installer son Gouvernement, mais les forces de l’OTAN s’acharnent par leurs bombardements sur Syrte et Bani Walid : les civils sont pris au piège, cloîtrés, en manque de nourriture et d’eau et sans accès aux premiers soins. On compte déjà plus de 25 000 morts dans ce conflit ; cela suffit ! On doit arrêter les bombardements intensifs et discuter avec l’adversaire, ou du moins ce qu’il en reste.

On parle par ailleurs de 10 000 missiles sol-air qui pourraient sortir de la Libye et tomber dans des mains dangereuses.

Quel est le coût de notre intervention dans ce pays ? Quelles sont les mesures prises pour éviter la disparition des stocks d’armements de Khadafi ?

M. Francis Hillmeyer. Au final, 51 bases de défense ont été créées en métropole : la réforme est-elle totalement achevée ? De nouveaux regroupements de sites sont-ils prévus, y compris au sein des bases existantes ?

M. le ministre. L’intervention en Libye se poursuivra tant qu’il y aura des risques d’affrontement entre les troupes ; à ce stade, il n’en reste que de façon résiduelle. Pour Syrte, il s’agit d’une affaire de quelques jours. Pour l’ensemble de la Libye, nous devrions régler cette question dans quelques semaines ; il ne s’agit plus que de traiter quelques points de résistance identifiés pouvant gêner les populations civiles.

Le coût de notre intervention au 30 septembre serait, je le répète, de l’ordre de 300 à 350 millions d’euros.

Nous n’avons pas encore d’informations complètes sur la dispersion des stocks d’armements de Khadafi, mais il est probable que nous aurons en Libye une dispersion comparable à celle que nous avons observée dans d’autres grands systèmes autoritaires lorsqu’ils s’effondrent : le matériel soviétique a inondé des pays politiquement instables pendant dix ans.

C’est la raison pour laquelle les États africains avec lesquels nous avons des accords de coopération nous demandent de les aider à organiser la surveillance et le contrôle des trafiquants de nature diverse qui pourraient en bénéficier.

Par ailleurs, en partenariat avec les États-Unis et le Royaume-Uni, nous réfléchissons à des actions innovantes afin d’identifier, grâce aux moyens de repérage les plus modernes, les circulations sur le territoire libyen et les outils de contrôle aux frontières. Pour ce dernier, une demande du nouveau Gouvernement libyen est nécessaire : nous n’avons pas à décider à sa place. Pour le reste, les moyens de surveillance seront employés au profit des pays voisins qui nous les demanderaient.

La généralisation des bases de défense date du début de cette année : il est un peu trop tôt pour en tirer des enseignements. Je suggère qu’on laisse à cette réforme le temps d’une certaine maturité avant d’envisager toute nouvelle étape. Il n’en demeure pas moins que les bases les plus petites sont les plus exposées, mais elles correspondent parfois à un isolement géographique qui justifie leur maintien.

Il conviendra de laisser aux responsables des bases et des états-majors le soin de tirer les leçons de cette première étape.

M. Philippe Vitel. L’armée est un des premiers recruteurs de l’État avec 22 000 recrutements prévus en 2012 qui sont la conséquence de nombreux départs anticipés.

Des mesures ont été prises pour fidéliser les jeunes engagés : ont-elles réellement un effet ? La proposition financière qui leur est faite au travers de la revalorisation des primes est-elle suffisante ?

Nous avons rejoint le commandement intégré de l’OTAN en 2009 : à combien estimez-vous le coût de notre participation aujourd’hui ? Une centaine de millions d’euros avait été envisagée pour 2014 : cette enveloppe est-elle respectée ?

Lorsque nous agissons sous mandat de l’ONU, nous recevons ultérieurement des remboursements. Qu’est-il prévu à cet égard pour l’opération Harmattan ?

M. Dominique Caillaud. Recrute-t-on les effectifs souhaités chaque année ? Certains secteurs sont-ils particulièrement déficitaires ; je pense notamment à l’armée de terre et aux hommes du rang. Les efforts sur la communication et la réinsertion à la fin des contrats sont-ils à la hauteur des besoins ?

Les sous-officiers représenteraient 34,5 % des effectifs contre 29,2 % pour les hommes du rang : ces proportions sont-elles durables ? Sont-elles liées à l’évolution des carrières ou aux problèmes de recrutement ?

M. le ministre. Notre objectif est de fidéliser les jeunes engagés. Les taux sont assez variables selon les unités : l’expérience montre que ce sont les plus exigeantes et les plus combattantes qui ont les taux les plus élevés et les plus ordinaires qui rencontrent le plus de difficultés.

La motivation financière joue certainement ; nous avons intérêt à favoriser ce facteur pour éviter de payer plusieurs fois des périodes de formation coûteuses qui grèvent le potentiel des unités, mais la dimension psychologique d’engagement personnel est peut-être plus importante.

Quant à la réintégration dans le cadre de l’OTAN, elle mobilise environ 900 postes permanents  et générera un coût de l’ordre de 80 millions d’euros par an à l’issue de la montée en puissance.

Les remboursements de l’ONU sont variables, lents et incertains. Nous tablons sur un montant de l’ordre de 70 millions d’euros pour cette année. L’opération Harmattan a été conduite par l’OTAN : elle n’est pas à l’initiative de l’ONU, même si celle-ci l’a autorisée. Elle ne donnera donc pas lieu à remboursement.

Certains recrutements sont en effet plus difficiles. Nous suivons attentivement le ratio entre les besoins et les candidatures : quand il descend en dessous de 2, nous estimons que les résultats ne sont pas satisfaisants. On observe une inégalité des demandes selon les armes, les régiments et les unités. Un effort de communication et d’explication doit être mené. La journée défense et citoyenneté (JDC) est importante à cet égard : c’est un bon vecteur d’information et de pédagogie.

La part relativement importante des sous-officiers dans les armées est la contrepartie de la fidélisation. Il en est ainsi pour les jeunes combattants qui font des efforts de formation pour obtenir des brevets et des qualifications. À La Courtine, par exemple, les gendarmes ont une certaine maturité et ressemblent à ceux que l’on peut voir dans nos brigades, même si la plupart viennent de la gendarmerie mobile.

M. Gérard Charasse. Après avoir reçu les grands axes de gestion et d’orientation de nos armées, je vous ai écrit en juillet dernier pour attirer votre attention sur l’avenir du détachement 277 de l’armée de l’air installé à Varennes-sur-Allier. Rattaché à une base de défense, le site devait fermer, puis cette fermeture a été reculée, Hervé Morin évoquant alors l’échéance de 2015. Il semble qu’on revienne aujourd’hui sur cette décision, au moins pour une partie de l’emprise. Pourriez-vous apporter aux 50 personnes en poste, ainsi qu’aux élus locaux, des précisions à ce sujet ?

M. Michel Voisin. Dans le cadre de l’opération Harmattan, nous avons utilisé un nombre important de munitions. Qu’en est-il du réapprovisionnement et de l’évolution des stocks ? Y a-t-il un risque en la matière ?

M. le ministre. Le site de Varennes-sur-Allier n’est pas remis en cause d’ici 2015.

Pour l’opération Harmattan, les avions ont largué 950 bombes et tiré 240 missiles air-sol, dont 15 SCALP et 225 A2SM. Les hélicoptères ont lancé 431 missiles HOT dont notre armée est dotée depuis des années. Pour la première fois depuis très longtemps, des frappes à terre ont également été délivrées par des bâtiments de la marine, soit 3 000 obus de 100 et 78 millimètres.

L’utilisation de ces munitions a respecté nos stocks, mais ils devront être recomplétés. Il n’y a pas de problème, sauf à ce que nous ayons rapidement besoin d’une grande quantité de munitions.

M. Michel Voisin. Compte tenu de l’obsolescence des munitions et de leur disparition programmée sur l’année, a-t-on préservé les stocks de munitions ?

M. le ministre. Les munitions font l’objet de péremptions et donnent lieu régulièrement à des destructions. Je ne peux à cet instant vous en donner les chiffres précis, le SCALP étant récent, il n’est pas concerné par ce problème, tout comme les A2SM ; la situation est différente pour les missiles HOT et les bombes.

M. Damien Meslot. Où en est-on du désengagement de nos troupes en Afghanistan ? Quelle économie peut-on en attendre sur le budget des OPEX en 2012 ?

Par ailleurs, où en sommes-nous de l’équipement de nos régiments en lance-roquettes unitaires (LRU) ?

M. Alain Moyne-Bressand. Dans un contexte financier et économique difficile, nous pouvons nous réjouir que le Président de la République et le Gouvernement aient soutenu ce budget qui correspond à la LPM et qui est en augmentation. Un pays qui a une armée forte se fait respecter ! Cet effort n’a pas toujours été de mise et je me félicite que la défense ne soit plus la variable d’ajustement qu’elle a pu être.

Nos interventions en Afghanistan et en Libye permettent de démontrer le professionnalisme et le savoir-faire de nos soldats. Je veux ici leur rendre hommage, avec une pensée particulière pour les gendarmes qui forment les policiers en Afghanistan. Pour m’être rendu dans ce pays, j’ai pu constater combien ils étaient appréciés et reconnus. Ces opérations montrent également la qualité et la performance de nos armements. En quoi favorisent-elles la promotion et la vente de nos productions, notamment en ce qui concerne les Rafale ou les navires ?

M. le ministre. Conformément aux engagements du Président de la République, la France opérera une réduction de ses effectifs en Afghanistan de façon proportionnelle à celle annoncée par les États-Unis, soit une diminution de l’ordre de 25 % d’ici la fin de l’année prochaine. Cela signifie que nous aurons sans doute retiré plus de 300 hommes d’ici la fin de l’année et un millier d’ici la fin 2012.

Ce retrait se traduira par un transfert d’autorité à l’armée afghane que nous allons accélérer avec la transition que nous appelons de nos vœux pour le district de Surobi. Nous pourrons ainsi réduire nos troupes sans affaiblir les positions plus difficiles et sans fragiliser les missions de consolidation et de sécurité en Kapisa et dans le secteur de Tagab. L’idée est de n’exposer personne et de regrouper les effectifs qui restent pour pouvoir faire face à toutes les éventualités.

Le LRU est une arme très importante, qui sera en dotation dès 2014 au premier régiment d’artillerie de Belfort. Au total, 26 lanceurs ont été commandés. Le système germano-américain, en partie sous-traité en France, est d’une grande précision, par tout temps avec une pénétration de 70 kilomètres, contre 30 kilomètres pour les canons Caesar actuellement utilisés.

La démonstration de nos forces sur les théâtres d’opérations constitue un avantage collatéral pour la promotion de nos armements. Le Rafale est compris pour ce qu’il apporte : la polyvalence, la maniabilité et le caractère opérationnel de tout son système d’armes ; on ne peut en dire autant des avions concurrents. Les 7,5 tonnes de chacun de ses deux réacteurs apparaissent largement suffisantes pour remplir ses missions.

Le Dubaï Air Show, qui a lieu fin novembre, sera l’occasion de mieux le faire connaître vis-à-vis de ceux qui ont, non seulement les moyens financiers, mais aussi les moyens humains et les systèmes pour l’utiliser. L’exemple de la Libye montre qu’il ne suffit pas d’entasser des armes : encore faut-il avoir le système de commandement et d’information correspondant et les raisons qui en justifient l’emploi.

Le bâtiment de projection et de commandement est assurément un matériel qui a fait ses preuves en Libye. La possibilité de placer des hélicoptères près d’un théâtre d’opérations et de favoriser le déploiement des forces aéro-terrestres va le rendre plus utile.

J’organise, dans la deuxième quinzaine de novembre, un colloque public concernant le retour d’expérience des personnes ayant participé à l’opération Harmattan sur l’usage des armes dont ils disposaient, voire sur les faiblesses qu’ils ont ressenties au regard des moyens qu’ils n’avaient pas. En l’espèce je pense notamment aux ravitailleurs et aux moyens ISR.

M. Alain Rousset. Dans l’accord franco-britannique du 2 novembre dernier, existe-t-il des cofinancements et des économies d’échelle possibles en matière de recherche et de développement, notamment sur les échanges de pratiques sur le laser mégajoule ?

Par ailleurs, les études amont relatives à la modernisation du missile M51 sont-elles budgétées ?

M. Philippe Folliot. Pour la première fois depuis neuf ans, nous avons eu les documents de présentation budgétaire au début de cette réunion, alors qu’auparavant nous les recevions directement, ce qui me semblait préférable.

Il ne faudrait pas que le « Balardgone » soit à terme l’arbre qui cache la forêt, car, dans nombre de régiments, les infrastructures sont vieillissantes et posent beaucoup de difficultés.

En Afghanistan, se pose la question des moyens d’accompagnement de notre retrait, notamment au regard des actions civilo-militaires. Or, dans les documents budgétaires, il n’y a rien sur le groupement interarmées des actions civilo-militaires (GIACM) ni sur les moyens de ces actions. Pouvez-vous nous rassurer sur ce point ?

M. le ministre. La coopération franco-britannique en matière de dissuasion est pertinente : elle concerne essentiellement le programme de simulation et se traduit concrètement par une présence britannique dans le centre du commissariat à l’énergie atomique (CEA) de Valduc.

En effet, l’installation de radiographie hydrodynamique à Valduc, dénommée EPURE, sera construite et exploitée conjointement, avec un partage des coûts et bénéfices à partir de 2015. Mais il n’y a pas de coopération spécifique sur le laser mégajoule.

Nous travaillons également en partenariat sur le problème des mines qui peuvent affecter les sorties des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins.

Vous avez raison de souligner que les infrastructures ne se limitent pas au siège ! L’objectif est bien d’héberger nos hommes et leurs équipements dans des conditions pertinentes : je constate un véritable effort dans ce domaine ; il faut certainement l’amplifier. Grâce aux déplacements dans les bases de défense, nous allons pouvoir faire un diagnostic et identifier les points faibles.

Les actions civilo-militaires en Afghanistan constituent un enjeu majeur. Il s’agit de savoir comment les rendre compatibles avec le retrait purement militaire. Nous y travaillons avec le ministre des affaires étrangères, le pilotage de cette action incombant traditionnellement à un diplomate. Nous aurons à faire des propositions dans ce domaine et je suis ouvert à ce que nous puissions avoir une réunion de votre Commission à la mi-novembre sur les modalités de sortie de ce théâtre.

Le sujet est très difficile : en dire trop peut conduire à donner des informations à des personnes qui peuvent les utiliser contre nous, mais ne pas dire à nos soldats et à ceux qui les accompagnent dans leurs actions civiles ce que nous attendons d’eux peut susciter une inquiétude, voire un désarroi.

Par ailleurs, j’estime que toute décision tactique doit être liée à celles touchant les actions civilo-militaires. Si l’on devait s’enfermer dans nos bases opérationnelles avancées (FOB), on casserait un travail de fond réalisé avec les populations civiles.

Les gendarmes que nous envoyons notamment en Kapisa ont pour mission d’expliquer à la police afghane le respect dû aux civils qui ne correspond peut-être pas tout à fait à la tradition locale. Le comportement des troupes locales doit être au diapason de ce que nous essayons de faire vis-à-vis des civils. La présence d’au moins 200 gendarmes sur place est une façon d’avoir ce lien avec eux.

C’est d’ailleurs ce que veulent casser les terroristes en essayant de rendre toute opération civile impossible : un attentat suicide après une shura tend à sanctionner une réunion des élus et notables locaux avec des militaires. Nous devons continuer à assurer la protection de ces consultations et convaincre nos partenaires afghans de l’intérêt de maintenir cette coopération entre civils et militaires. Cela sera de plus en plus nécessaire au fur et à mesure que nous nous retirerons.

M. Guillaume Garot. Où en sommes-nous de la mise en place des nouvelles bases de défense ? Quelles sont les économies effectivement réalisées dans ce cadre, puisque tel était l’un des objectifs de la réforme ?

Par ailleurs, où en sommes-nous des contrats de redynamisation des sites de défense et où en serons-nous en 2012 ? Quels sont les budgets prévus pour les mener à bien l’an prochain ?

Mme Patricia Adam. Je remercie les services du ministère et le cabinet car c’est la première fois depuis longtemps que nous disposons des documents de présentation budgétaire au moment d’auditionner le ministre.

Nous espérons que les recettes exceptionnelles prévues pour 2012 seront effectivement réalisées. Quel est le montant estimé des cessions immobilières et celui inscrit pour 2012, sachant qu’environ 1 milliard d’euros avait été prévu ?

En 2011, le budget du ministère de la défense a subi le plan de rigueur, ses crédits ayant été réduits de 3,5 %. Quelles lignes budgétaires ont été touchées et comment allons-nous le rééquilibrer ? Si nous ne modifions pas certaines prévisions en matière d’équipements, je crains que la « bosse » que nous avons connue il y a quelques années ne se reproduise.

Concernant le programme 212 et l’accueil des sous-marins nucléaires d’attaque (SNA) Barracuda, dont le premier devrait être livré en 2017, il est prévu 15 millions d’euros en 2012 pour des études de conception sur les trois sites de Toulon, Brest et Cherbourg, à la fois pour le port de base et pour l’entretien des six bâtiments. Quel montant sera investi sur ces trois sites en termes d’infrastructures ?

M. le ministre. L’expérience prouve que les nouvelles bases de défense recouvrent un potentiel d’économies de grande ampleur. À ma connaissance, ces économies restent potentielles à ce stade, dans la mesure où nous avons à organiser une mobilité coûteuse qui peut entraîner provisoirement des doubles emplois, et que par ailleurs les bases n’ont pas encore atteint leur rythme de croisière.

Les suppressions de postes liées à la mise en place des bases et à la mutualisation au niveau local de l’administration et du soutien pourraient s’élever à 10 000 postes sur l’ensemble de la période de mise en œuvre de la réforme. Au-delà des unités, des répercussions sont perceptibles sur les fonctions de soutien, qu’il s’agisse par exemple de la réduction du nombre de magasins de stockage, de la dissolution des cercles d’unités, du centre unique de gestion, de la densification et du regroupement des moyens informatiques des infrastructures, ou de la mutualisation du soutien à la formation, des moyens de transport et des moyens de gestion des ressources humaines.

Nous avons pu gérer à la fois une politique d’équipement en croissance et une politique salariale en légère décroissance. Cette dernière n’est pas proportionnée au nombre des effectifs supprimés, dans la mesure où l’on doit prendre en compte le glissement vieillesse technicité (GVT), une surqualification des personnels, des reports de départ à la retraite ainsi que les dépenses liées au chômage qui dépendent de la situation économique extérieure.

Peut-être pourrais-je vous apporter plus de précisions sur les économies réalisées après mes déplacements sur les bases.

La politique de redynamisation des sites de défense fonctionne bien. Une quarantaine de contrats de redynamisation devraient avoir été signés fin 2011 ; les cas les plus difficiles se trouvent dans les DOM-COM où le processus est moins avancé. Par ailleurs, 8 plans locaux de restructuration ont également été adoptés et la délégation aux restructurations travaille activement.

M. Guillaume Garot. Quel montant l’État consacre-t-il globalement aux mesures d’accompagnement ?

M. le ministre. Au total, environ 300 millions d’euros sont programmés pour une quarantaine de contrats prévus, avec un effet multiplicateur très variable selon les collectivités, certaines en profitant pour relancer des projets auxquels elles tiennent, d’autres recourant aux règles traditionnelles d’intervention pour le développement économique.

Les recettes exceptionnelles immobilières devraient s’élever à 150 millions d’euros en 2011 ainsi qu’en 2012. Nous prévoyons une augmentation en 2013, liée à la cession de l’îlot Saint-Germain et d’autres emprises parisiennes pour lesquelles nous avons programmé 700 millions d’euros.

Notre budget global n’est heureusement pas réduit de 3,5 % ! Nous avons été, au titre de la solidarité interministérielle sur les dépenses imprévues, taxés d’environ 300 millions d’euros en 2011, dont 230 millions d’euros pour les frégates de Taïwan et 70 millions pour le plan en faveur de l’emploi des jeunes. Cette baisse n’est pas associée à des mesures physiques dans la mesure où nous essayons de l’absorber grâce aux capacités de trésorerie du ministère. Pour le moment, nous n’avons pas été contraints de supprimer des dépenses d’équipement ou de fonctionnement significatives.

S’agissant des SNA Barracuda, un programme d’ensemble a été érigé pour prendre notamment en compte les infrastructures et la sûreté nucléaire. C’est la raison pour laquelle les études sont assez coûteuses, je confirme le chiffre que vous avez évoqué. Elles sont également longues, les SNA exigeant des précautions particulières en termes de sécurité. L’étude de conception ne devrait pas être lancée avant la fin 2012.

M. Christophe Guilloteau. Selon les régiments touchés par le retrait de nos troupes en Afghanistan, l’économie engendrée différera. Avez-vous fait une projection financière et, si oui, a-t-elle été intégrée au budget ?

M. Philippe Nauche. Il est normal qu’aucun bilan des bases de défense n’ait encore été dressé puisque le système se crée au fur et à mesure. Pour autant, quel système d’évaluation avez-vous mis en place pour suivre ce dossier ?

Certaines externalisations ont été rendues nécessaires par la diminution des effectifs. La réversibilité et la capacité à continuer à exercer des missions externalisées en cas de projection suscitent une inquiétude, certains craignant que l’on s’oriente vers le modèle britannique où l’externalisation a été poussée très loin. D’aucuns ont suggéré des systèmes mixtes, dans lesquels une part de l’externalisation serait prise en charge par des agents du ministère, ceux-ci pouvant être réutilisés en cas de projection. Quelle est votre position en la matière ?

Enfin, il était prévu cette année environ 1 milliard d’euros de recettes exceptionnelles, parmi lesquelles celles relatives aux fréquences. Je constate qu’elles figurent pourtant dans le budget 2012. Quel sort réserve-t-on dès lors aux recettes de 2011 non réalisées ?

M. le ministre. Pour l’Afghanistan, le retrait de la protection aérienne aurait certainement un impact plus important que celui des troupes terrestres, mais il serait dangereux de maintenir des troupes au sol sans couverture aérienne ! Je ne ferai pas un tel choix.

Nous devons donc gérer la réduction de nos effectifs : nous avons à cet égard été pris un peu de vitesse par l’annonce américaine, les États-Unis eux-mêmes ayant des problèmes considérables à opérer ce retrait. Si nous avons la possibilité, grâce au régime de transition en Surobi, de redéployer nos effectifs au sol, nous viendrons renforcer nos moyens en hélicoptères afin de mieux protéger nos soldats.

Il serait certes possible de prendre des dispositions sur la protection aérienne dans la mesure où il ne manque pas d’avions dans le ciel afghan, mais nous ne pouvons en décider seuls, les moyens aériens étant mutualisés. La négociation en la matière n’est pas encore complètement conduite et l’aspect financier n’a pas été évalué.

Par ailleurs, cette étude devra tenir compte des coûts de rapatriement pour le personnel et le matériel, sachant que dans certains cas, il conviendra de s’interroger sur la nécessité et les conditions du rapatriement.

L’état-major des armées est très attaché à la réforme des bases de défense et mesure tout à fait la nécessité d’une étude approfondie. Il a donc demandé à la direction des affaires financières et à la mission pour la coordination de la réforme (MCR) de conduire un groupe de travail spécifique intitulé « Aramis » qui doit présenter une identification des économies et des surcoûts résultant de cette mesure.

Je suis très prudent au sujet des externalisations. Rien d’important n’a été engagé dans ce domaine sous mon autorité, car je tiens à avoir au préalable les retours d’expériences des premières externalisations réalisées. Par ailleurs, on ne peut pas tout demander à un ministère et à ses agents qui font déjà beaucoup d’efforts de mobilité et de réadaptation. Lorsqu’une externalisation s’impose de façon évidente, je suis ouvert, mais quand ce n’est pas le cas, je n’en fais pas une priorité.

Mme Marguerite Lamour. Quel est l’état d’avancement du dossier de requalification en catégorie A des techniciens supérieurs d’études et de fabrication (TSEF) sur lequel j’ai déjà interrogé le ministère à plusieurs reprises ?

M. Patrice Calméjane. Je souhaite également rendre hommage à l’engagement particulier des hommes et des femmes composant votre ministère : j’ai eu de multiples occasions de constater leur savoir-faire et leur dévouement sur le terrain.

Lors du salon du Bourget, le Président de la République a annoncé, à l’occasion de la fermeture de la base aéronavale Dugny-Le Bourget, le transfert de l’établissement de La Courneuve consacré à la construction des pales d’hélicoptères en Seine-Saint-Denis pour éviter une délocalisation vers un pays du Sud ou l’Allemagne. Les opérations de cession nécessaire à ce projet se déroulent-elles conformément au calendrier annoncé ?

M. le ministre. Les opérations du Bourget se déroulent bien ; nous voulons réussir ce projet sous deux aspects. D’une part, il faut assurer l’accueil d’Eurocopter avec son transfert au sein de la Seine-Saint-Denis, permettant de consolider le site de destination et d’enclencher ce qui pourrait être la première pierre de la construction d’un pôle de compétence sur l’aéronautique. Pour cela le terrain du Bourget doit rester en activité, conformément à notre souhait et à la volonté d’aéroports de Paris (ADP) qui en a la responsabilité. Nous engageons d’autre part une rénovation du musée de l’air pour en faire, dans la magnifique aérogare de 1937 construite par l’architecte Georges Labro, un lieu d’accueil et de connaissance sur les capacités de l’aéronautique française. Nous allons injecter plus de 25 millions d’euros, les industriels partenaires fournissant quelque cinq millions d’euros.

En ce qui concerne les techniciens supérieurs d’études et de fabrication, le reclassement global et automatique en catégorie A n’a pas été retenu. Mais nous suivons 800 dossiers par an et un traitement individuel est assuré par les employeurs des personnels concernés. L’ensemble de la question devrait, au rythme actuel, être réglée dans les deux ans à venir.

II. —  AUDITION DE L’AMIRAL ÉDOUARD GUILLAUD, CHEF D’ÉTAT-MAJOR DES ARMÉES

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu l’amiral Édouard Guillaud, chef d’état-major des armées, sur le projet de loi de finances pour 2012 (n° 3775), au cours de sa réunion du mercredi 5 octobre 2011.

M. le président Guy Teissier. Je souhaite la bienvenue au chef d’état-major des armées, que nous recevons au lendemain de l’audition du ministre de la défense, M. Gérard Longuet, qui nous a présenté les grandes lignes de son budget pour 2012.

Il me paraît nécessaire de faire le point sur les opérations extérieures (OPEX) en cours, notamment en Afghanistan et en Libye, comme de nous réunir à nouveau, d’ici à la fin de l’année ou au début 2012, afin d’explorer les scénarii de retrait de nos forces dans le premier de ces pays.

Amiral Édouard Guillaud, chef d’état-major des armées. Je prévois, en effet, à côté des questions budgétaires, d’évoquer ces sujets et de vous présenter un tableau, le plus complet possible, de la situation actuelle et des perspectives de nos armées.

En guise de préambule, je voudrais mentionner deux chiffres, procéder au retour d’expérience de l’année opérationnelle que nous venons de vivre et formuler une observation sur notre histoire militaire.

Les deux chiffres proviennent d’un institut mondialement reconnu, le Stockholm International Peace Research Institute. Alors qu’en tactique, un schéma vaut mieux qu’un discours, en géopolitique, les chiffres valent mieux que de longs développements. Mais il faut moins s’intéresser à leurs indications brutes qu’aux tendances qu’ils dessinent.

Le premier nous montre qu’entre 2001 et 2010 l’augmentation des dépenses militaires dans le monde s’établit à 50 % en moyenne, dont 80 % pour l’Amérique du nord, 70 % pour l’Asie de l’est, principalement tirée par la Chine, et seulement 4 % pour l’Europe de l’ouest.

Sur la même période – c’est le deuxième chiffre –, la part des dépenses militaires de l’Europe de l’ouest est passée de 29 % des dépenses mondiales à 20 %. L’Europe désarme quand le monde réarme. Ce n’est pas une nouveauté. Mais, si elle devait se confirmer, voire s’amplifier, cette tendance serait lourde de conséquences pour notre avenir comme puissance capable de peser sur les affaires du monde.

La leçon que je tire de cette année opérationnelle très dense est qu’un outil de défense ne peut se concevoir simplement comme un potentiel en devenir : il est ou il n’est pas à un instant donné. Dès lors, le pouvoir politique, le chef des armées, le Gouvernement peuvent, ou non, l’engager.

Le maintien des capacités opérationnelles adaptées aux menaces constitue une exigence permanente.

Voici pour clore ce préambule, une observation que nous enseigne l’histoire : la guerre vient toujours trop tôt. Elle surprend. On commence en général à en connaître les contours essentiels lorsqu’elle est déjà déclenchée. Il est alors trop tard pour reconstruire un outil mieux adapté. La gestation d’un outil militaire dure environ quinze ans. Pourtant, il ne s’est écoulé que quatre ans entre Sadowa, en 1866, et Sedan, en 1870 ; que neuf ans entre l’affaire de Tanger, en 1905, et la bataille de la Marne, en 1914 ; que trois ans entre la remilitarisation de la Rhénanie, en 1936, et la chute de la Pologne, en 1939.

C’est pourquoi fournir à nos forces les hommes et les matériels les mieux adaptés aux engagements futurs tout en préservant l’outil de défense d’aujourd’hui est une nécessité. La difficulté consiste donc à combiner en permanence une vision de long terme avec les exigences et la réactivité qu’impose le court terme. Car le temps d’un programme d’armement n’est pas le temps d’une annualité budgétaire ou même d’une loi de programmation militaire (LPM) : il en faudrait plutôt trois.

Même s’il s’agit d’une évidence pour les membres de votre commission, le maintien de l’effort de défense doit rester une priorité.

De ce point de vue, l’année qui vient de s’écouler, depuis l’automne 2010 jusqu’à aujourd’hui, est très instructive. Nos forces armées ont été particulièrement sollicitées. Nous avons conduit plusieurs opérations majeures, simultanément et avec succès, tant sur le territoire national – avec la lutte conte les incendies, la fourniture de moyens de transport pour le fourrage, la lutte contre les catastrophes naturelles ou encore la lutte contre l’orpaillage clandestin – qu’à l’extérieur : en Côte d’Ivoire, en mars-avril 2011 ; en Libye où l’opération est – je l’espère – en voie d’achèvement ; au Liban, qui est l’engagement le plus délicat de nos forces – j’y reviendrai si vous le souhaitez – ; au Kosovo, qui a encore connu récemment des flambées de violence ; dans l’océan Indien avec des affaires de piraterie et d’enlèvements ; dans le Sahel et, bien sûr, en Afghanistan. Il s’agit d’autant de théâtres sur lesquels nos soldats portent la voix de la France et payent notre engagement de leur sang.

Sans revenir dans le détail sur l’ensemble de ces opérations, déjà abordées lors de mon audition du 29 juin dernier, je souhaite répondre aux demandes de votre président, en vous donnant un éclairage complémentaire et actualisé sur l’Afghanistan et sur la Libye.

En Afghanistan, l’année écoulée a été particulièrement éprouvante pour nos forces, avec des pertes importantes : 23 de nos soldats ont donné leur vie. Je voudrais, malgré tout, remettre en perspective notre présence là-bas et ne pas réduire le bilan de notre engagement au seul décompte de nos pertes. Dix ans après le début de notre intervention, est venu le temps du transfert des responsabilités de sécurité à l’armée nationale afghane. L’OTAN a pris le commandement de l’opération en 2003. Ses plans prévoyaient plusieurs phases, dont la quatrième est celle du transfert aux Afghans, que nous appelons la transition.

Il y a cinq ans, on ne comptait que 30 000 soldats et policiers afghans. Ils sont aujourd’hui 300 000. Cette évolution vaut pour l’ensemble du pays et, plus particulièrement, pour la zone française : 600 soldats et policiers il y a cinq ans, 3 000 aujourd’hui. Ces chiffres illustrent la réalité et le succès, dans le domaine militaire, des opérations de l’OTAN. Il n’a jamais été question de battre les insurgés « à l’ancienne » ni de transformer l’Afghanistan en havre de paix.

Notre premier objectif visait à ne pas laisser Al Qaïda planifier des opérations terroristes en toute impunité à partir de l’Afghanistan. Cela a été essentiellement le rôle des forces spéciales. On peut considérer que cet objectif est en passe d’être atteint avec la mort de Ben Laden, celle de Zawirah et autres chefs de l’insurrection.

Notre deuxième objectif consistait à former des forces afghanes suffisantes en nombre et autonomes pour assurer seules la sécurité du pays. Mais il ne s’agit évidemment pas du même niveau de sécurité que celui qui est en vigueur sur les Champs-Élysées.

Simultanément, nous devions contenir l’insurrection, puis la réduire à un niveau que peuvent gérer les forces de sécurité afghanes.

Nous avons, pour l’essentiel, rempli notre part de la feuille de route internationale. Il revient maintenant aux Afghans de prendre le relais. Au moment où je vous parle, se déroule une opération en Surobi, avant le transfert. La transition est désormais entre les mains du président Hamid Karzaï. Nous plaçons aujourd’hui les Afghans en situation de responsabilité. Leur armée nationale a déjà commencé à endosser la charge de la planification et de la conduite des opérations. Pour notre part, nous basculons progressivement des missions de contrôle de zone vers des missions d’appui et de soutien des forces afghanes. Ce qui a pour conséquences de réorganiser nos forces – nous n’aurons plus besoin des mêmes spécialistes – et de réduire notre vulnérabilité – nous n’irons plus dans les fonds de vallée. Dès 2009, nous avions réussi une première transition dans la ville de Kaboul, malgré des attentats très médiatisés. Les forces de sécurité afghanes n’ont pas besoin de nous pour assurer la sécurité de leur capitale.

Le Président de la République a décidé le désengagement d’un quart de notre contingent, soit 1 000 hommes sur 4 000 qui doivent rentrer avant le 31 décembre 2012. Cela commencera, dès la fin de ce mois, par une compagnie de combat et ses appuis, soit 200 hommes. D’ici décembre, encore 200 hommes rentreront, en tenant compte des besoins de la coalition, ce dont j’ai déjà discuté avec le nouveau chef de la Force internationale d’assistance et de sécurité (FIAS), le général John Allen. Nous réduirons nos effectifs d’une nouvelle tranche en mars prochain et nous achèverons notre désengagement partiel au cours du deuxième semestre 2012. Ceci dit, les choses évoluent au jour le jour, comme vous pouvez le constater avec l’assassinat du président Rabbani.

J’en viens à l’opération Harmattan en Libye, opération qui, je l’espère, va bientôt quitter la une des journaux. La France a été le moteur politique et l’un des trois moteurs militaires de la coalition, les deux autres étant britanniques et, dans une moindre mesure, américain. Notre implication politique conjuguée à notre engagement militaire nous a permis de peser directement et quotidiennement sur la définition de la stratégie de l’opération Unified Protector au sein de l’OTAN, exerçant un effet d’entraînement sur l’Alliance et sur les autres membres de la coalition, dont font également partie des pays tels que la Jordanie, le Qatar, les Émirats arabes unis. Je pense aussi au Maroc qui a installé des hôpitaux de campagne à la frontière entre la Tunisie et la Libye.

Faisant suite aux menaces de M. Kadhafi, dont la découverte de charniers a confirmé qu’elles n’étaient pas que des mots, nous avons réussi à faire cesser les exactions des forces de Kadhafi aux approches de Benghazi dès le 19 mars, puis très vite sur Misratah, enclave située de l’autre côté du golfe de Syrte. Aujourd’hui, il ne reste plus qu’une poche de résistance à Syrte ; la ville devrait tomber dans quelques jours. Quant à la ville de Bani Walid, totalement isolée, elle devrait tomber dans quelques semaines.

Nos armées ont participé à tous les volets de l’opération : l’embargo maritime, l’interdiction de survol du territoire libyen et la protection des populations – ce dernier volet étant celui qui a provoqué le plus de discussions diplomatiques.

De façon inédite et sans préavis, nous avons engagé nos trois armées, ainsi que toutes leurs composantes, soit plus de 40 aéronefs, 20 hélicoptères, une dizaine de bâtiments de combat et de soutien, dont le groupe aéronaval et un bâtiment de projection et de commandement (BPC). Au total, 25 bâtiments se sont succédé pendant sept mois pour assurer la permanence des opérations maritimes.

Les avions de l’armée de l’air et ceux de la marine ont réalisé environ 4 500 sorties, soit 20 000 heures de vol, représentant 25 % des sorties de la coalition – un vol de ravitailleur étant également considéré comme une sortie –, 35 % des missions offensives et 20 % des frappes avec plus de 750 objectifs militaires détruits. On compte encore aujourd’hui une vingtaine de sorties par jour.

De leur côté, les hélicoptères de l’aviation légère de l’armée de terre (ALAT), appuyé par deux hélicoptères de sauvetage relevant de l’armée de l’air – lesquels, heureusement, n’ont pas eu à intervenir jusqu’à présent – ont conduit une trentaine de raids et détruit 550 objectifs, soit 90 % des frappes de la coalition réalisées par les hélicoptères, les 10 % restant ayant été effectués par les hélicoptères Apaches britanniques.

Enfin, nos navires ont procédé avec succès à des tirs contre des cibles à terre, ce qui n’avait pas été fait depuis plusieurs dizaines d’années. Ils ont ainsi détruit des véhicules en mouvement mais ont également essuyé des tirs de canons et de missiles.

Au total, sans excès d’autosatisfaction, on peut affirmer que peu de pays auraient été capables et auraient eu la volonté de faire ce que nous avons fait cette année en Libye, en Côte d’Ivoire, sur le territoire national, ainsi qu’au Japon, où nous sommes intervenus lors du tsunami en envoyant des avions de transport stratégique pour évacuer nos compatriotes vers la Corée du Sud.

Ces engagements opérationnels appellent trois remarques.

Première remarque : la réactivité de notre chaîne décisionnelle, pas seulement militaire, a représenté un atout dans la gestion de crises. En discutant avec mes homologues italien, britannique, allemand ou américain, je constate que nous avons atteint une forme d’équilibre que peu de démocraties ont trouvée. Cela donne au chef des armées une grande capacité d’action tout en renforçant le contrôle parlementaire de nos engagements extérieurs. Sans cet équilibre, sans la décision du Président de la République, prise le 19 mars dernier, d’engager nos moyens aériens, les chars de Kadhafi seraient rentrés dans Benghazi ; je vous laisse imaginer les conséquences au vu des 50 corps calcinés trouvés dans un hangar à Tripoli.

Deuxième remarque : aucune armée, de l’air, de terre ou de mer, ne détient seule la capacité de résoudre une crise. C’est leur complémentarité et la combinaison de leurs moyens qui donne de l’efficacité à l’action militaire. C’est aussi leur niveau de préparation, d’entraînement et de réactivité qui permet d’agir vite et d’aller droit au but. Nous avons ainsi assisté au retour des opérations combinées, au sens où on l’entend depuis la Seconde Guerre mondiale, exigeant un mécanisme d’horlogerie que très peu de pays sont capables de réaliser. C’est la grande leçon de l’intervention en Libye.

Troisième remarque : il faut toujours se souvenir qu’une capacité ne se réduit jamais à des équipements. Elle s’adosse à une doctrine, à une organisation, à un soutien. Elle n’existe que parce que des soldats sont recrutés, formés et entraînés pour servir un système d’armes. C’est tout le sens du décret de 2009, préparé par mes deux prédécesseurs et qui donne au chef d’état-major des armées le pouvoir de mettre en cohérence les différents piliers qui structurent une capacité.

Tout cela montre la cohérence des efforts que nous avons consentis, et ces efforts nous ne devons pas les relâcher.

Nous avons d’abord consenti ces efforts en faveur des équipements, en particulier depuis cinq ans. Il ne s’agit pas seulement de l’entrée en service de matériels majeurs comme le Rafale, les véhicules blindés de combat d’infanterie (VBCI), ou les hélicoptères Tigre, il s’agit aussi des équipements acquis en urgence opérationnelle.

Ces efforts, ce sont aussi ceux consentis pour préserver notre activité de préparation opérationnelle, alors que la maîtrise des coûts d’entretien et des carburants reste un exercice toujours aussi difficile.

Ces efforts, ce sont enfin ceux consentis pour recruter et former.

Au cours de mes inspections je suis toujours frappé par le courage, la ténacité et l’abnégation qui habitent nos soldats. C’est pourquoi nous avons un devoir de reconnaissance à leur égard. Ce devoir de reconnaissance est notamment un des enjeux du mémorial OPEX, pour lequel je requiers votre soutien, ou encore de l’accompagnement des blessés et de leur famille. Ce sujet me tient à cœur. Il appelle la mobilisation non seulement du monde de la défense, mais aussi celle de la représentation nationale, et le soutien des Français. Le patriotisme et l’esprit de défense ne sont pas des vains mots mais une réalité d’aujourd’hui.

J’en arrive maintenant au projet de loi de finances pour 2012.

L’exécution de la LPM au cours des années 2009, 2010 et 2011 est conforme aux prévisions. Le bilan physico-financier de ces trois dernières années répond aux orientations stratégiques définies dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008. Nous assistons bien à la recapitalisation de notre outil de défense avec l’effort attendu sur la protection du combattant : des progrès substantiels ont été réalisés pour le renouvellement de nos équipements les plus anciens, voire les plus antiques. Le CAESAR le VBCI, les frégates antiaériennes témoignent de ce renouvellement. Tous ces nouveaux matériels sont aujourd’hui engagés en opérations. Le système du fantassin à équipements et liaisons intégrés (FELIN) sera opérationnel dans quelques jours avec l’arrivée en Afghanistan du 1er régiment d’infanterie, qui en est équipé.

L’effort réalisé en faveur de la fonction « connaissance et anticipation » s’est concrétisé par l’augmentation des effectifs et des moyens dédiés. Cela concerne notamment les nouvelles nacelles de reconnaissance et la rénovation des avions de renseignement électromagnétique C160 Gabriel.

De même, le segment « espace » a été renforcé avec le lancement d’HELIOS et le travail déjà engagé sur la génération suivante, ainsi qu’avec l’acquisition de nouvelles stations de télécommunication par satellite ou encore avec la création du commandement interarmées de l’espace.

Le projet de budget pour 2012, avec 31,7 milliards d’euros, dont 1,1 milliard de ressources exceptionnelles, préserve notre effort de défense en restant conforme à la programmation budgétaire triennale 2011-2013. Certes, nos moyens ont été « restreints » afin de participer à l’effort général de réduction du déficit du budget général, mais leur augmentation de 1,8 % par rapport à 2011 compense l’inflation et permet de poursuivre à la fois la transformation des armées et notre effort de recapitalisation.

En ce qui concerne la transformation des armées, quelques chiffres méritent d’être rappelés. Depuis 2009, 53 organismes majeurs ont été dissous et 25 organismes ont été transférés. Nous avons supprimé 30 000 postes sur les 54 000 réclamés au ministère de la défense au titre de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Dans le même temps, nous avons créé soixante bases de défense, cinq états-majors de soutien de défense, la direction de la sécurité aéronautique d’État, le commandement interarmées de l’espace et le commandement interarmées d’hélicoptères, cinq directions de soutien, l’inspection des armées et la direction de l’enseignement militaire supérieur. Nous nous sommes donc profondément réformés.

La dotation des bases de défense, initialement considérée comme trop faible, a été réajustée, y compris cette année, pour tenir compte de l’expérience de la gestion en cours, ce qui n’était pas le plus simple à négocier. Dans le même temps, notre organisation cible a été atteinte avec deux ans d’avance. Toutes les bases de défense étaient en place au 1er janvier de cette année et sont opérationnelles depuis l’été. Il n’existe pas beaucoup d’institutions en France qui ont réussi un pareil tour de force, tout en engageant, en permanence et en moyenne au cours de ces dernières années, 12 000 hommes sur neuf théâtres d’opérations distincts.

La fin des déflations programmées sera sans doute plus difficile à réaliser. J’ai une cible de réduction de 54 000 postes et j’ai aujourd’hui des difficultés à voir comment l’atteindre, notamment du fait de nouvelles décisions et de nouveaux besoins.

Malgré le coût d’accompagnement des restructurations et l’évolution des dépenses sociales, les crédits de rémunération vont continuer de diminuer car nous allons perdre 7 462 postes, représentant à eux seuls un quart des réductions des effectifs de l’État.

Parallèlement et comme prévu, 50 % des économies engendrées par ces déflations seront consacrées à la condition du personnel. Il s’agit d’une règle commune qui s’applique à tous les ministères et que la défense s’efforce d’observer depuis 2009.

Le 12 juillet dernier, on lisait dans un grand quotidien du soir : « Ministère de la Défense : vertu militaire ! » L’article se poursuivait par : « Le ministère de la Défense est un bon élève de la classe gouvernementale ». Mais cela ne s’est pas passé aussi facilement qu’il pourrait y paraître.

L’effort en faveur des équipements sera maintenu en 2012, à hauteur de 16,5 milliards d’euros, soit un niveau supérieur de 10 % à la moyenne de la LPM précédente, couvrant la période 2003-2008, qui était de 15 milliards d’euros.

Nous allons donc poursuivre notre politique d’investissement au profit de la fonction « connaissance et anticipation », grâce notamment à la mise en œuvre du programme de satellites MUSIS, successeur d’HELIOS.

Nous pourrons également améliorer les moyens du renseignement, grâce notamment à la livraison de sept nacelles de reconnaissance pour Rafale. Ces nacelles fournissent 40 % des images sur le théâtre libyen. Nous allons aussi commander des drones tactiques SDTI, appartenant à la gamme en dessous du système MALE, avant d’envisager, en liaison avec les Britanniques, un achat de nouveau matériel « sur étagère » mais d’origine française.

Les autres commandes concernent les missiles M51, la rénovation des avions de patrouille maritime et le renouvellement des avions de ravitaillement en vol qui constituent la capacité critique apportée par les Américains en Libye.

La protection des combattants restera une priorité grâce aux livraisons de véhicules de haute mobilité (VHM), d’une centaine de véhicules blindés de combat d’infanterie (VBCI), de 200 petits véhicules protégés (PVP), de 4 000 équipements FELIN, ainsi que de nouveaux missiles sol-air ASTER et MISTRAL rénovés.

Interviendra aussi la livraison du troisième BPC, actuellement en fin d’essais à Toulon, de cinq avions cargo Casa CN235, de huit hélicoptères NH90 et de quatre Cougar rénovés.

Nos forces recevront la première frégate multimissions, onze avions Rafale – seuil fixé par en liaison avec l’industrie –, six hélicoptères Tigre, des armements air-sol modulaires fournis par SAFRAN et MDBA qui ont prouvé leur extrême efficacité en Libye. Enfin, nous lancerons l’acquisition de missiles sol-sol de moyenne portée pour succéder au MILAN.

Cet effort d’équipement contribue naturellement à soutenir notre industrie de défense, avec l’emploi qu’elle génère ou préserve, à nous garantir une certaine autonomie stratégique et à promouvoir notre expertise technologique.

Mais, n’étant pas dans un monde parfait, il me faut signaler quelques points de vigilance. Certaines hypothèses ont évolué depuis l’élaboration de la LPM, de même que des faits nouveaux ont touché la programmation. Bonne surprise cette année, les ressources exceptionnelles arrivent enfin, pour 1,1 milliard d’euros, avec un retard jusqu’ici compensé par l’autorisation de consommer les reports de crédits, désormais tarie. J’espère que le mouvement engagé se poursuivra l’an prochain.

Il a aussi fallu financer des besoins non programmés. Je pense d’abord aux besoins opérationnels nouveaux liés à l’engagement de nos forces, lesquels ont impliqué des achats en urgence. À cela s’ajoutent la mise en œuvre d’engagements internationaux avec le renforcement de notre présence aux Émirats arabes unis, ou encore l’accélération de nos efforts pour contrer les menaces cybernétiques, qui se développent de façon exponentielle – certains grands groupes français, et même des ministères, ont déjà été attaqués - et nous contraignent à des investissements non programmés.

Je pense aussi aux surcoûts de transition liés à la transformation des armées.

Je pense enfin et surtout à notre contribution à l’effort de redressement des finances publiques – ce qui n’était pas prévu. Cette nouvelle trajectoire financière nous a obligés à accentuer la préparation opérationnelle différenciée, ce qui pourrait nous conduire à une armée à deux vitesses, écueil à éviter car destructeur pour le moral et risquant de priver, à un moment donné, le Gouvernement de moyens d’action. Nous avons donc décalé un certain nombre programmes d’armement, tout en préservant, sur le court terme, l’ensemble des programmes en cours.

À tout cela s’ajoutent les enjeux de la fin de gestion de l’année 2011 : l’exercice en cours montre d’abord que les ressources exceptionnelles de cessions de fréquences sont au rendez-vous, mais je souhaite que leur encaissement soit rapidement effectif ; la cotisation interministérielle relative à la condamnation de Thales dans le cadre de la vente des frégates à Taïwan nous a touchés à hauteur de 230 millions d’euros, soit tout de même 1,3 % des crédits d’équipement ; l’augmentation des cours du pétrole a démenti les hypothèses favorables du début de l’année ; le déficit de masse salariale de l’ordre de 70 millions d’euros.

Hors opération Harmattan, les surcoûts des OPEX se stabilisent par rapport aux années antérieures, pour un montant de l’ordre de 870 millions d’euros, contre 630 millions provisionnés et reconduits. Le coût de l’accroissement de la protection des forces déployées en Afghanistan a été compensé par une baisse des dépenses au Kosovo et pour Atalante.

Certains disent, notamment à Bercy, que nous coûtons cher. Mais si l’on fait une comparaison avec d’autres pays, il apparaît que nous sommes très bon marché.

S’agissant de l’opération Harmattan, les surcoûts au 30 septembre sont estimés entre 330 et 350 millions d’euros, ce qui conduit à une estimation de l’ordre de 430 si l’opération est prolongée jusqu’au 31 décembre. Mais nous assistons à une réduction du tempo des opérations ; aujourd’hui nous ne tirons plus que trois ou quatre bombes ou missiles par jour. La poche de Syrte devrait être bientôt réduite et il ne relève pas de notre mandat de combattre auprès du conseil national de transition libyen.

L’estimation totale des surcoûts OPEX devrait donc s’établir entre 1,2 et 1,3 milliard d’euros en 2011, ce qui signifie que la provision budgétaire devra bénéficier d’un abondement interministériel de l’ordre de 600 millions d’euros, à rapprocher des 630 millions d’euros de la loi de finances votée pour 2011.

En 2012, nous devrons aussi reconstituer certaines de nos capacités. Ainsi, l’opération Harmattan aura consommé environ 1 000 bombes, 600 missiles, 1 500 roquettes, sans compter des milliers d’obus de différents calibres. Il nous faut donc avancer ou compléter des opérations de maintenance pour redonner du potentiel à nos matériels, rattraper un certain nombre de retards pris en matière de qualification des pilotes les plus jeunes – les pilotes les plus expérimentés étant engagés dans des combats, ils ne peuvent participer à l’instruction.

L’année 2012 se présente donc correctement mais sera une année tendue, parce que nous attendons une deuxième tranche de recettes exceptionnelles résultant de la cession d’une autre gamme de fréquences, ainsi qu’un remboursement au titre des OPEX. Elle sera également tendue parce que la maîtrise de la masse salariale reste structurante dans ce que nous appelons « la manœuvre des ressources humaines ». Par exemple, l’allongement des durées de service consécutif à la réforme des retraites n’a pas été budgété et s’est traduit mécaniquement par certaines augmentations.

À long terme, l’atteinte des objectifs définis par l’actuel Livre blanc sera conditionnée par la trajectoire post 2013, déterminée par les travaux de programmation de 2012.

Le projet de loi de finances pour 2012 traduit une volonté politique de préserver notre outil de défense. Son exécution sera rendue difficile par les contraintes que j’ai évoquées mais aussi parce que l’année électorale amènera d’inévitables ajustements.

Les comparaisons internationales montrent que le Royaume-Uni consacre aujourd’hui à sa défense une part de sa richesse nationale plus importante que la nôtre : de l’ordre de 0,7 point de plus. En parité de pouvoir d’achat, les dépenses britanniques sont supérieures de plus d’un tiers aux dépenses françaises, pour 10 000 hommes présents sur deux théâtres d’opérations, contre 12 000 hommes sur neuf théâtres pour nous.

À titre d’exemple, les dépenses liées à l’intervention en Afghanistan et supportées par le trésor britannique, hors budget de la défense, s’élevaient en 2010 à 4,5 milliards de livres, soit pratiquement 5 milliards d’euros. Nous en sommes à 1,2 milliard d’euros sur l’ensemble des opérations mentionnées. En Libye, l’engagement opérationnel des forces françaises représente 120 % de l’engagement britannique, donc avec des coûts sensiblement inférieurs. Nous en tirons deux enseignements. Le premier est que nos armées sont particulièrement efficientes : elles présentent un bon rapport coût/efficacité, et la gestion globale du ministère est vertueuse. Notre rapport qualité/prix est à la hauteur des investissements que la Nation consent. Le deuxième est que notre effort de défense doit être soutenu : les comparaisons internationales contribuent à démontrer que nous ne disposons plus guère de marges de manœuvre.

Il existe un fort consensus sur la nécessité de conserver un outil militaire flexible, complet et cohérent. Je souhaite maintenant que les réponses de la Nation soient à la mesure de ce constat.

M. Bernard Cazeneuve. Le schéma sur lequel s’était engagé le Président de la République en 2008 reposait sur les économies engendrées par la suppression de 54 000 emplois pour 2,7 milliards d’euros, ainsi que sur un effort de 1 % supplémentaire destiné à alimenter le budget d’équipement à compter de 2012. Trois éléments sont intervenus depuis lors : la difficulté de maîtriser la masse salariale, qui ne permet pas d’assurer l’économie prévue ; une taxation supplémentaire d’un milliard d’euros ; le retard des recettes exceptionnelles. Dans ce contexte, comment pensez-vous pouvoir exécuter la LPM selon la programmation budgétaire triennale ?

M. Philippe Vitel. En 2012, il est prévu de supprimer 7 462 emplois, principalement dans le soutien. Or la suppression d’emplois dans le soutien implique nécessairement des mesures d’externalisation, qui elles-mêmes ont un coût. Dans ces conditions, quelle est la marge de manœuvre finalement dégagée ?

M. Christophe Guilloteau. Je constate, amiral, que vos chiffres ne sont pas toujours identiques à ceux fournis hier par le ministre de la défense, notamment concernant le départ d’Afghanistan.

Un récent rapport de la Cour des comptes indique que les services de communication des armées comptent environ 1 200 personnes. Ceux-ci produisent cinq publications différentes, celle de l’armée de l’air se vendant le mieux. Ne pourrait-on pas mutualiser les actions de communication et dégager ainsi quelques économies supplémentaires ou redéployer des personnels vers des fonctions strictement militaires ?

Amiral Édouard Guillaud. Monsieur Cazeneuve, l’augmentation de 1 % prévue à compter de 2012 a été victime des mesures du redressement des comptes de l’État, ce qui rend l’ensemble de la gestion beaucoup plus difficile. L’équipement des armées en souffre nécessairement. D’où l’importance du budget de 2013 : rattrapera-t-on le retard ou n’imputera-t-on la mesure qu’à compter de cet exercice ? Nous risquons de continuer à perdre des moyens et de ne pouvoir remplir tous les objectifs fixés, du moins aux dates prévues.

En dehors des vieilles recettes financières comme l’échelonnement, voire l’abandon, peut-on innover ? C’est dans ce but que je travaille avec notre partenaire britannique et que j’essaie de me rapprocher des Allemands. Mais la mutualisation des moyens se heurte toujours à quelques réalités politiques, comme les votes des uns et des autres au conseil de sécurité de l’ONU vous permettent de le constater, ou bien l’application de règles d’engagement différentes pour chaque nation. Il s’agit là de contraintes majeures.

Il faut aussi songer aux conséquences des mesures budgétaires sur nos bureaux d’études et sur le développement de notre industrie : il n’y aurait pas eu Ariane 5 sans le M45, ni Ariane 4 sans le M4, ni d’Airbus A320 à commandes électriques sans le Mirage 2000… Naturellement, le retour sur investissement des dépenses d’équipement militaire est difficile à quantifier.

Monsieur Vitel, l’externalisation se déroule beaucoup plus lentement que prévu, notamment parce que nous avons renoncé à certains dogmes. Elle s’avère productive dans certains cas, par exemple la maintenance des avions Xingu de la marine et de l’armée de l’air. Mais, compte tenu notamment des cahiers des charges, elle ne s’opère pas toujours facilement dans d’autres cas. Par exemple, l’externalisation de la fonction habillement et l’envoi de personnels civils sur des théâtres d’opérations ne se traitent pas de la même façon. C’est pourquoi, nous examinons la question au cas par cas. Là encore, notre rapprochement avec les Britanniques a été très intéressant : eux reconnaissent être allés trop loin, en termes pratiques, dans la voie de l’externalisation.

Les 7 462 emplois supprimés concernent en effet largement le soutien mais pas dans le but de les transférer au titre de l’externalisation. Celle-ci était censée dégager 16 000 postes supplémentaires, en plus des 54 000 supprimés au titre de la RGPP. Je reprends l’exemple de la maintenance des Xingu qui équivaut à 239 postes, dont 237 militaires et deux civils. Parmi les 239, une partie entrera dans le cadre des 16 000, une autre dans celui des 54 000. On espère obtenir un gain financier de 15 à 20 %.

Monsieur Guilloteau, la Cour des comptes calcule parfois de façon surprenante. Elle a considéré dans un même ensemble la communication institutionnelle du ministre, la communication interne aux armées ainsi que la communication externe de chaque armée. Sans doute des gains sont-ils à réaliser, mais certainement pas dans les proportions décrites par la Cour. De plus, examinée de près, la situation n’est pas si dramatique que certains le disent. N’oublions pas que les personnels relevant au ministère de la défense sont au nombre de 290 000.

Les organes de presse des armées contribuent au maintien du moral des troupes : Terre information magazine, Cols bleus et Air actualités sont essentiels pour cela. Vecteur de rayonnement extérieur, la presse des armées sert également de lien avec nos réservistes. Je ne saurais, aujourd’hui, répondre sans eux au contrat opérationnel dit « 10 000 hommes sur le territoire national » en cas de crise majeure.

M. Daniel Boisserie. Où en est la mise en place du système FELIN ? Combien d’unités en seront équipées en 2012 ? Quel bilan peut-on déjà en tirer ?

Les effectifs du service de la communication des armées augmenteraient de 4 %, alors que les effectifs combattants sont plutôt en diminution. Pour quelles raisons ?

Mme Patricia Adam. Vous avez, amiral, explicité les difficultés budgétaires que vont connaître les armées en 2012 et, plus encore, au cours des années suivantes, pour respecter les objectifs fixés par la LPM en matière d’effectifs comme d’équipements.

Pourriez-vous nous apporter des précisions sur la révision du Livre blanc, déterminante pour celle de la LPM, en tenant notamment compte des leçons tirées des OPEX ?

On parle beaucoup de la collaboration avec le Royaume-Uni, qui est peut-être l’État membre le plus eurosceptique. Qu’en est-il donc de la collaboration militaire avec les autres pays de l’Union, principalement avec l’Allemagne, sans laquelle l’indispensable Europe de la défense ne pourra voir le jour ?

M. Gilbert Le Bris. Le projet de budget pour 2012 envisage la préparation du prochain arrêt majeur du porte-avions Charles-de-Gaulle. Or, l’étude commandée en 2008 sur un éventuel deuxième porte-avions vient de s’achever. Une procédure de décision est-elle prévue à cet effet ? Les Britanniques vont, semble-t-il, renoncer à leur porte-avions Queen Elizabeth, actuellement en cours d’assemblage à Rosyth. Existe-t-il des synergies possibles avec notre allié ?

Amiral Édouard Guillaud. Monsieur Boisserie, à la fin de 2012, nous disposerons de 8 000 équipements FELIN, 4 000 devant être livrés au cours de l’année. Trois régiments sont déjà équipés en 2011, quatre supplémentaires le seront en 2012. Le premier déploiement opérationnel va avoir lieu en Afghanistan. Il faut savoir ne pas aller trop loin dans le domaine technologique et demeurer « rustiques » dans certaines conditions de combat. Nous étudions avec soin les moyens d’améliorer la protection de nos troupes.

Les personnels de communication augmentent en effet de 4 % mais seulement sur un millier d’agents – et non sur 290 000. Des améliorations sont certainement possibles dans ce domaine.

Madame Adam, l’élaboration du Livre blanc comporte trois phases : l’expertise du contexte géostratégique, la détermination de notre ambition politique nationale et la déclinaison des grands objectifs en LPM. La première phase a commencé, afin de dresser un état des lieux du monde. Depuis 2008, nous avons connu plusieurs surprises stratégiques, dont les révolutions arabes, la crise financière, l’émergence rapide de la Chine, la diffusion de l’instabilité de la bande sahélienne vers le sud. Il faut les prendre en compte. Le Livre blanc précédent avait sans doute sous-estimé les problèmes de l’outre mer et les aspects maritimes. Or, peu après sa publication, une crise en Guadeloupe puis l’explosion de la piraterie au large des côtes somaliennes sont survenues. Plusieurs groupes de travail consultent aujourd’hui des experts, y compris américains, britanniques, allemands, italiens et espagnols. Le secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale devrait remettre sa copie en décembre. La phase de réflexion politique s’ouvrira ultérieurement, après les prochaines élections législatives.

Je suis, moi aussi, convaincu que l’Europe militaire ne se limite pas au Royaume-Uni, mais aujourd’hui les autres pays n’en veulent pas. Pour l’instant, nous n’arrivons à progresser qu’avec les Britanniques. Je considère donc que l’Europe de la défense est en quelque sorte en hibernation, ce qui signifie qu’un réveil se produira un jour ou l’autre. J’attends donc le printemps européen, d’autant que tous mes homologues, notamment allemand, sont convaincus de sa nécessité, tout comme une partie des industriels.

Monsieur Le Bris, le deuxième arrêt technique majeur du porte-avions Charles-de-Gaulle, en 2016-2017, exige de prévoir déjà les approvisionnements à long terme, d’où la mention dans le projet de loi de finances pour 2012, et que l’on retrouvera pour les exercices suivants. Ce qui sous-tend la question du deuxième porte-avions. Cet équipement a prouvé son utilité en Libye, lors de la phase des frappes aériennes, préalablement à celle de l’intervention des hélicoptères. Les deux types d’intervention ont permis de « faire la différence » pour obtenir la chute d’un certain nombre de défenses. Un deuxième porte-avions serait le bienvenu mais l’équation budgétaire actuelle ne le permet pas. Nous avons étudié la possibilité de recourir au Queen Elizabeth, assemblé en Écosse. Mais celui-ci présente deux défauts : il a été construit en plusieurs morceaux par différents chantiers navals, ce qui rend son coût de revient supérieur de 30 à 40 % à celui de la fabrication dans un chantier français. En outre, il nécessiterait entre un milliard et un milliard et demi d’euros de modifications, notamment l’adaptation d’une partie de la coque pour installer des catapultes. Or la construction en France d’un porte-avions complet du même modèle coûterait entre 3 et 3,5 milliards d’euros. Sans même évoquer la question de sa propulsion.

J’ai également étudié un éventuel partage des avions ravitailleurs britanniques puisque nous entendons acheter le même modèle, Airbus 330. Mais l’opération n’est pas possible là encore pour des questions de coût.

M. Yves Fromion. Notre équipement en systèmes de renseignement semble un peu aléatoire. S’agissant du renseignement optique, la transition entre HELIOS et MUSIS, prévue en 2015 et 2016, soulève des interrogations, de même que, pour le renseignement électromagnétique, celle entre ELISA et le futur CERES, notamment pour des raisons financières. Du coup, certains évoquent un CERES à bas prix. Pouvez-vous nous fournir des précisions ?

M. Christian Ménard. Quel est le coût supplémentaire de l’opération Atalante ? Peut-on le partager avec les autres pays européens ? La France est certes généreuse mais il existe des limites.

M. Michel Voisin. La loi de professionnalisation de l’armée avait prévu que l’esprit de défense serait enseigné dans les établissements scolaires et qu’un rapport annuel serait remis au Parlement sur le sujet.

L’esprit de défense est également dévolu à la réserve citoyenne. Que pensez-vous des résultats obtenus à ce jour ? 38 000 postes sont prévus avec 20 jours d’activité par an au titre de la réserve opérationnelle. Quelle est la réalité ?

Amiral Édouard Guillaud. Monsieur Fromion, le projet MUSIS, à la fois électromagnétique et optique, de collaboration entre l’Allemagne, l’Italie et la France n’a pas fonctionné. Notre pays a décidé d’agir seul dans le domaine optique. Car nos satellites vont finir par tomber et il va falloir les remplacer. La porte n’est cependant pas fermée à une collaboration ultérieure, mais il faut pour cela une volonté politique multilatérale. La France y est prête. Elle l’a montré en dépassant la quote-part qui lui revenait.

Le renseignement d’origine électromagnétique est indispensable, non seulement pour les conflits en cours mais également pour notre autonomie stratégique. C’est aussi ce qui nous permet ainsi de discuter, presque à égalité, avec des nations plus puissantes. ELISA n’était qu’un démonstrateur, mais très profitable. Nous avons dû retarder CERES pour les raisons budgétaires déjà exposées. Comment le réaccélérer ? Nous avons effectivement étudié des formules à coût réduit mais leur gain financier s’avère très faible et la durée de vie des équipements est divisée presque par deux : quatre ans au lieu de sept. Nous ne poursuivrons donc pas dans cette voie.

La Commission européenne, comme l’ensemble de la technostructure bruxelloise, manifeste peu d’appétit pour tout ce qui est militaire. La question des coûts et des surcoûts, notamment ceux d’Atalante, monsieur Ménard, comme d’ailleurs celle de son utilité, est donc bien difficile à faire comprendre là-bas – même si cette opération sert à protéger le commerce international, donc européen.

Il existe cependant des motifs d’espoir. Ainsi, pour lutter contre la piraterie dans le golfe d’Aden, plusieurs opérations coexistent : de l’OTAN, de l’Union européenne, ainsi que des opérations bi ou multilatérales. Or, tous les pays européens privilégient Atalante, se retirant même de l’opération de l’OTAN, comme par exemple les Italiens et les Espagnols. Lors d’une récente réunion de l’OTAN à Séville, l’opération équivalente d’Atalante, appelée Ocean Shield, le diaporama présenté était celui de l’opération européenne et non celui de l’OTAN.

Je déplore moi aussi, monsieur Voisin, que le rapport annuel sur l’enseignement de l’esprit de défense ne soit pas au rendez-vous prévu.

Il existe deux types de réserves : les journées de réserve citoyenne ne sont pas soldées, alors que les réserves opérationnelles le sont. S’agissant de la réserve opérationnelle, l’objectif de la LPM est à terme de 40 000 postes à 25 jours d’activité par an. En 2011, nous sommes à 36 970 réservistes avec 21 jours de contrat. Pour certaines spécialités rares et quelques besoins ponctuels, les périodes peuvent être sensiblement supérieures. Je souhaiterais bien sûr disposer des financements permettant de porter la période moyenne à 25 ou à 30 jours. Mais nous devons couvrir un très large spectre d’activités, avec des moyens forcément encadrés.

M. Guillaume Garot. Dans le surcoût de 1,3 milliard des OPEX, 450 millions reviennent à Harmattan. Quel en est le détail ?

M. Damien Meslot. Pourquoi le Liban est-il, selon vos termes, le plus dur de nos engagements en OPEX ? Ce qui me surprend compte tenu de ce qui se passe en Afghanistan.

M. Philippe Folliot. Quelle est la nature des relations entre la défense et la gendarmerie, notamment en Afghanistan ? Les actions que nous menons au Kosovo ne relèvent-elles pas davantage de la gendarmerie mobile que de l’armée ?

Amiral Édouard Guillaud. S’agissant du coût des OPEX, monsieur Garot, les interventions s’élèvent à environ 40 millions d’euros dans l’ex Yougoslavie, à 90 millions au Tchad, à un peu moins de 80 millions au Liban, de 500 à 520 millions en Afghanistan, et pourraient atteindre 430 millions en Libye au 31 décembre prochain. Atalante représente une trentaine de millions et Licorne, en Côte d’Ivoire, 65 millions. Le reste des opérations coûte au total de l’ordre de 50 millions d’euros.

C’est en Afghanistan que notre engagement est le plus dur, monsieur Meslot, car nous y avons des blessés et des pertes, mais c’est au Liban qu’il est le plus difficile. La FINUL regroupe au sud Liban 12 000 hommes dans un espace réduit et dont la liberté d’action est difficile à garantir. La composition du gouvernement libanais et la présence du Hezbollah au sud Liban ne facilitent pas le maintien de cette liberté d’action de la force. Il arrive aujourd’hui qu’un maire décide que l’on ne peut plus traverser son village. Nos soldats – le troisième contingent sur place après ceux de l’Italie et de l’Indonésie – sont régulièrement menacés d’humiliation. La semaine dernière, un véhicule espagnol ayant dépassé de 500 m la zone de la FINUL a immédiatement été encerclé par des 4x4 aux vitres fumées ; des civils en armes en sont sortis et ont volé aux soldats leurs papiers, leurs cartes, leurs radios… effets qui leur ont été rendus cependant le lendemain. Une telle situation est insupportable, pour un grenadier voltigeur comme pour un général. Ces provocations mettent nos soldats sous pression réelle. Il me paraît donc urgent que l’ONU révise le concept stratégique de la présence des casques bleus au Liban, et je compte aborder ce point au département des opérations de maintien de la paix à l’ONU où je me rends dans quinze jours. L’essentiel est que l’armée libanaise joue pleinement son rôle ; nous sommes engagés à ses côtés, en insistant sur la formation.

Monsieur Folliot, nos rapports avec la gendarmerie sont excellents, particulièrement en Afghanistan, qui forme la police afghane dans la zone française et l’équivalent de notre gendarmerie mobile dans une école de la province aujourd’hui assez dangereuse du Wardak.

Au Kosovo, nous avons besoin à la fois de l’armée et de la gendarmerie. Les derniers incidents, à la frontière serbe, montrent que la mission de justice et de police (EULEX) de l’Union européenne est sous-dimensionnée en effectifs ; or, sur décision du ministère de l’intérieur, les gendarmes s’en sont retirés il y a un an.

Par ailleurs, nous fournissons la gendarmerie en matériel et en armes. Notre coopération se déroule parfaitement.

M. le président Guy Teissier. Compte tenu de la complexité de notre mission au Liban, comme des humiliations que subissent là-bas nos soldats, ne faut-il pas en redéfinir fondamentalement le sens ? Car à quoi servons-nous finalement ? S’il suffit d’un berger sur une chaise en formica pour arrêter des hommes de la FINUL, qui n’ont aucun droit, de quoi avons-nous l’air ? Nous avons déjà connu cela dans les Balkans.

Amiral Édouard Guillaud. C’est bien pour cela que la France a déjà réorganisé son dispositif. J’avais proposé au Président de la République de déployer différemment nos forces, auparavant éparpillées sur la moitié du territoire de la FINUL, afin de les utiliser en réserve du commandant de la force. Les Italiens, qui devraient prendre prochainement le commandement, partagent notre état d’esprit. Mais c’est le conseil de sécurité de l’ONU qui décide.

Il y a aussi la question des contributeurs. Le système des casques bleus présente l’avantage, pour certains pays, d’un per diem versé par l’ONU supérieur à la solde de leurs hommes. J’aborderai également ce point à New York.

M. le président Guy Teissier. Vous pouvez compter sur notre soutien à ce sujet.

M. Georges Mothron. Au cours des cinq derniers mois, dites-vous, l’Afghanistan a décuplé le nombre de ses policiers et de ses militaires. Vous vous êtes félicité de la qualité de la formation des soldats, mais seulement de celle-ci. Celle des policiers et des civils serait-elle moins bonne ?

M. Pascal Brindeau. La pertinence du calendrier de retrait de nos forces d’Afghanistan doit s’apprécier en cohérence avec celui des forces des autres pays engagés. Interviennent à la fois des éléments subjectifs, comme les campagnes présidentielles en France et aux États-Unis, et des éléments objectifs, comme notre capacité à transmettre des territoires sécurisés et celle de l’armée afghane à prendre le relais. L’assassinat du président Rabbani modifie considérablement les orientations stratégiques prises par le président Karzaï. L’Afghanistan a signé hier un partenariat stratégique avec l’Inde. Certains commentateurs prétendent que ce dernier pays pourrait à terme remplacer localement les États-Unis.

Que faut-il penser du problème des désertions et des intrusions talibanes au sein des forces afghanes ? De quels éléments d’information disposons-nous, pouvant avoir des incidences sur notre calendrier de retrait ?

M. Daniel Mach. La crise libyenne a fait apparaître une défaillance dans l’organisation de l’Europe. Comment y remédier ?

Comment s’opère, en Afghanistan, l’articulation entre les commandements des différentes forces de la coalition ?

Amiral Édouard Guillaud. Monsieur Mothron, la formation de l’armée et de la police afghanes est également satisfaisante, même si c’est un peu compliqué pour cette dernière. Cela dit, il existe plusieurs types de police : l’une ressemble un peu à notre gendarmerie, une autre est la police nationale, une troisième est locale. À une époque, une partie du gouvernement redoutait que celle-ci ne servît à reformer des milices comparables à ce que l’on avait connu lors de la prise du pouvoir par les Talibans, mais il s’agit plutôt de gardes champêtres locaux.

Monsieur Brindeau, l’annonce du président Obama sur les échéances du retrait d’Afghanistan allait très au-delà de toutes les hypothèses envisagées, ce qui a obligé les Américains à revoir leur calendrier. Dans son histoire, l’armée américaine a le plus souvent bénéficié des moyens qu’elle demandait pour atteindre l’effet recherché : il lui suffisait de présenter la facture pour qu’elle fût honorée. Dans le cas présent, les États-Unis ont dû changer de logique.

Le taux de désertion dans l’armée afghane a considérablement diminué : il était de l’ordre d’un tiers, par mois, il y cinq ou six ans ; il est maintenant inférieur à 10 % et tend à descendre vers 5 %. La principale raison de cette diminution du chiffre des désertions tient au doublement des soldes : la coalition a payé les hommes à peu près comme les payaient les Talibans, voire un peu plus, mécaniquement les désertions ont baissé.

Les questions qui se posent pour l’avenir portent notamment sur la soutenabilité financière du budget de la défense afghan, en particulier le paiement des soldes de 300 000 policiers et militaires – chiffre qui se situe dans la norme compte tenu de la taille du pays.

Le partenariat stratégique conclu avec l’Inde ne fait que prolonger la forte présence de ce pays en Afghanistan, auquel il fournit déjà un milliard de dollars par an. L’Inde inscrit évidemment son action dans le cadre de sa rivalité avec le Pakistan mais je ne crois pas que ce pays se substituera pour autant aux États-Unis. Si le Pakistan est bien l’une des clés de la région, l’Inde en est une autre, même si elle est d’importance moindre.

En Libye, monsieur Mach, la politique européenne de sécurité et de défense commune (PSDC) a incontestablement manqué l’occasion de jouer un rôle. Nous étions un certain nombre de pays, dont le Royaume-Uni, à estimer que la mise en œuvre de l’embargo maritime pouvait être assurée directement par l’Union européenne. Il suffisait de changer le pavillon des navires et d’augmenter de cinq membres l’état-major d’Atalante. L’OTAN et les États-Unis étaient d’accord. Mais la Haute représentante n’a pas saisi la balle et la microstructure militaire de l’Union a estimé que proposer cette solution ne ressortait pas de son mandat. Il ne faudrait pas manquer la prochaine occasion.

M. Michel Grall. Le président syrien Assad menace de faire bombarder Israël par le Hezbollah en cas d’attaque sur la Syrie. Croyez-vous à cette menace ? Quel en serait l’impact sur la FINUL et quel rôle celle-ci devrait alors jouer ?

M. Pierre Forgues. Vous avez rappelé les objectifs de l’intervention de la coalition en Afghanistan : éviter que ce pays ne devienne une base opérationnelle d’Al Qaïda, former une armée et une police capables d’assurer la sécurité du pays, enfin réduire la force des Talibans. Les deux premiers résultats seraient, selon vous, à peu près atteints. Quand vous parlez de la sécurité de l’Afghanistan, sans doute s’agit-il de sa seule sécurité intérieure : je ne crois pas que le pays soit menacé d’invasion en provenance de l’extérieur. En revanche, on peut se demander si la position des Talibans aura été réduite quand les forces de la coalition partiront.

M. Franck Gilard. Peut-on, ingénument sans doute, envisager que les Libyens nous remboursent une partie des frais engagés pour leur libération ?

Amiral Édouard Guillaud. Il est vrai, monsieur Gilard, que certains des pays intervenant en Libye ne voulaient pas toucher à l’approvisionnement des raffineries car les Britanniques s’étaient vu réclamer par le nouveau gouvernement irakien 1,5 milliard de livres au titre des dommages causés à la raffinerie de Bassora. Sans amalgame entre les deux interventions, je précise que la coalition a pris en compte soigneusement cette question des dommages à l’économie. Par ailleurs, nous obtiendrons un remboursement par les contrats que nos industries pourront emporter en Libye, avec l’aide de notre diplomatie.

Il est difficile, monsieur Grall, de savoir quel est le réel pouvoir d’Assad. Hier soir, au conseil de sécurité, la Chine et la Russie ont opposé leur veto à d’éventuelles sanctions contre la Syrie. Dans la région, la Turquie surveille ce qui se passe à Damas comme le lait sur le feu car elle craint la résurgence de l’irrédentisme kurde – encore 150 Kurdes ont été arrêtés hier – tandis qu’Israël se voit, peut-être à juste titre, comme une citadelle assiégée. La Syrie est un pays vaste, beaucoup plus peuplé et armé que la Libye, avec des forces loyales au régime actuel estimées à plus de 110 000 hommes – sans rapport avec le nombre des partisans de Kadhafi. La situation est vraiment compliquée.

Monsieur Forgues, les Talibans sont pachtounes à 90 %. Or, ce groupe ne représente que 35 à 40 % de la population afghane. Dans ce pays, comme au Liban, personne ne veut de recensement, en raison du caractère multi-ethnique de la population et d’une représentation fondée sur des données anciennes. Il est ainsi vraisemblable que les Pachtounes soient moins nombreux qu’ils ne le disent, affirmant constituer plus de 50 % de la population. En revanche, d’autres ethnies, telle que celle des Hazaras, comptent sans doute pour 15 % alors qu’on les crédite de 5 à 10 %. Un retour des Talibans impliquerait donc l’apparition de nouveaux foyers d’insécurité locale. Comme l’armée libanaise, l’armée afghane est faite, non pour la guerre aux frontières, mais pour la sécurité intérieure. Pendant longtemps, la structure de l’armée, comme celle des services de renseignement, était tadjik, ce qui provoquait des crispations avec les Pachtounes. M. Rabbani était un personnage emblématique, en tant qu’ancien président et ancien chef de guerre, mais il était tadjik.

M. Étienne Mourrut. Amiral, vous avez mis en évidence le déséquilibre des efforts de défense dans le monde au cours des dix dernières années. La montée de la puissance militaire de la Chine est certaine. Même si l’histoire ne se répète pas, les mêmes causes produisent les mêmes effets. Faut-il interpréter vos propos comme un constat ordinaire ou comme la prise de conscience d’un risque de conflit à ne pas négliger à moyen terme ?

Mme Michèle Alliot-Marie. Si je voulais provoquer un peu la Cour des comptes, je vous demanderais, amiral, si vous ne pensez pas qu’il conviendrait d’augmenter le budget de communication et d’information des armées dans un but opérationnel. Nous avons vu, en Irak, qu’on pouvait gagner la guerre sur le terrain et la perdre dans les médias. En Afghanistan, malgré les opérations civiles et militaires, nous rencontrons aussi quelques problèmes pour expliquer notre rôle à la population. Nous souffrons d’un déficit en la matière. Est-ce votre avis ? Quelles sont vos intentions ?

Amiral Édouard Guillaud. À M. Mourrut, je réponds que les deux interprétations sont bonnes. Je ne crois pas à un conflit direct avec la Chine. Mais, nous suivons attentivement les revendications de ce pays sur la mer de Chine méridionale, qui pourraient enclaver le Vietnam, Brunei, une partie de la Malaisie, les Philippines, la Thaïlande… La Chine recherche des ressources naturelles et développe ses ambitions. Sa démographie et les besoins de son industrie l’y conduisent naturellement. D’où la priorité donnée par l’Armée populaire de libération au développement de la marine, l’autre priorité étant l’espace.

Nous sommes certes à 10 000 km de Pékin. Mais les remous des tensions en mer de Chine méridionale se propageraient jusqu’à l’océan Indien. La France y possède la Réunion et ses voies d’approvisionnement l’empruntent. Nous serions donc forcément concernés. Face aux puissances américaine, chinoise et indienne, l’Europe apparaît morcelée, se livrant à ce qui, vu de Pékin, doit ressembler à des guerres picrocholines. Nous devons prendre garde à cette évolution. J’aimerais que la prise de conscience ait lieu suffisamment tôt.

En matière de communication, il est vrai, madame le ministre, que nous ne savons toujours pas nous vendre, et cela d’une façon générale, pas seulement pour les militaires. Le monde admire ce que nous avons fait en Côte d’Ivoire, où nous avons évité l’écueil de l’accusation de néocolonialisme et de retour de la « Françafrique ». Qui, en France, capitalise aujourd’hui sur ce succès ? Pour l’Afghanistan, on parle beaucoup plus de nos échecs que de nos succès. Nous avons donc d’énormes progrès à accomplir en matière de communication.

III. —  AUDITION DE M. LAURENT COLLET-BILLON, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL POUR L’ARMEMENT

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement, sur le projet de loi de finances pour 2012 (n° 3775), au cours de sa réunion du mercredi 5 octobre 2011.

M. le président Guy Teissier. Nous recevons M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement, à qui je souhaite la bienvenue.

Je voudrais à nouveau vous remercier pour l’accueil que vous nous avez réservé lors des universités d’été de la défense il y a quelques semaines. Nous avons tous pu apprécier le savoir-faire et les qualités humaines et technologiques de la direction générale de l’armement (DGA). Bien que la tradition de votre grande maison soit plutôt de rester dans l’ombre, il était opportun de mettre en lumière ce superbe outil de travail et de mieux faire comprendre sa position au sein du monde de la défense.

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement. Je vous remercie de m’avoir invité à intervenir dans le cadre de l’examen par votre commission du projet de budget pour 2012. Je vous remercie également, monsieur le président, pour vos propos aimables au sujet des universités d’été de la défense.

Je vous ferai tout d’abord un point de situation succinct de l’exécution du budget de l’année 2011. J’évoquerai ensuite le projet de loi de finances pour 2012 avant de dégager quelques perspectives pour les années ultérieures.

Dans la continuité de 2009 et de 2010, la DGA s’est attachée en 2011 à livrer les matériels demandés pour la modernisation de nos armées.

Les mesures décidées l’an dernier en programmation budgétaire triennale pour la réduction des déficits publics ont été mises en œuvre. Elles portent sur le décalage du lancement de quelques programmes futurs, sur des réductions de cible et sur des étalements de production.

Je commencerai par évoquer les livraisons, fondamentales dans un contexte d’engagement de nos forces. Pour la dissuasion, le calendrier est strictement respecté avec la poursuite des livraisons de missiles M51 et la livraison des derniers missiles ASMP-A.

Dans le domaine conventionnel, nous prévoyons la livraison, d’ici à la fin de l’année, de quatre hélicoptères NH90, dont le premier dans sa version terrestre (TTH), de cinq hélicoptères de combat Tigre, de plus de 4 000 équipements de fantassin FÉLIN, de 100 véhicules blindés de combat d’infanterie (VBCI), des missiles ASTER, Exocet MM40 et MICA rénovés ainsi que 11 avions Rafale. Je précise d’ailleurs que nous avons réceptionné cet été le centième Rafale.

La capacité de renseignement est renforcée par la rénovation d’un Transall Gabriel et l’arrivée de quatre nouvelles nacelles de reconnaissance RECO-NG.

Enfin, la livraison des téléphones cryptés TEOREM au Gouvernement et à différentes institutions et administrations a commencé, avec un peu de retard j’en conviens.

Globalement, l’exécution des marchés de production est satisfaisante et notre industrie donne une image positive, à l’exemple de Nexter qui livre ses VBCI de façon tout à fait convenable en termes de qualité et de délais.

Pour nos matériels, l’emploi en opérations extérieures (OPEX) reste l’épreuve de vérité. En Afghanistan, nous avons été amenés à engager en « urgence opérations » quelques améliorations pour la protection des combattants et l’interopérabilité avec nos alliés. L’opération Harmattan, en Libye, a montré l’efficacité de notre dispositif militaire ; l’effort que nous fournissons depuis de longues années porte maintenant ses fruits. Nous sommes capables d’entrer en premier sur un théâtre complexe, d’assurer le commandement de cette phase et de fonctionner au sein de l’OTAN. En l’espèce nous avons parfaitement collaboré avec nos partenaires britanniques et avons démontré l’efficacité globale de notre outil militaire et de nos systèmes d’armes. Le Rafale a par exemple tiré des missiles de croisière SCALP-EG avec une précision remarquable et a largué, avec le même succès, des armements air-sol modulaires (AASM) à guidage infrarouge. L’efficacité du Tigre a également été à la hauteur des espérances, en particulier pour les opérations nocturnes.

Cette opération fait aussi apparaître quelques insuffisances. Elles étaient prévisibles, dans la mesure où elles correspondent à des opérations différées en raison d’arbitrages budgétaires. Le problème le plus évident est celui des drones MALE. Le ministre de la défense a pris une décision durant l’été en vue de maintenir une capacité MALE à compter de 2014 et nous menons une action à plus long terme avec les Britanniques à l’horizon 2020. Des décisions concernant le ravitaillement en vol et le transport logistique avec l’avion multirôle de ravitaillement en vol et de transport (MRTT) sont également imminentes.

Pour ce qui est des commandes, l’année 2011 est en phase avec les prévisions, je ne m’y étendrai pas.

J’en viens à l’exécution budgétaire. Les engagements sur le programme 146, que je codirige avec l’amiral Édouard Guillaud, devraient s’établir à un peu plus de 8 milliards d’euros en fin d’année et le besoin de paiements à plus de 10 milliards. C’est une très bonne exécution. Le report de charges à la fin de 2011 est estimé à 1,7 milliard d’euros, soit environ deux mois de paiement. Nous prenons dès maintenant les précautions qui nous permettront de payer les entreprises les plus fragiles pendant la période de recouvrement allant de la fin de l’année au début de l’exécution budgétaire de 2012. C’est une dégradation par rapport au report de charges de la fin de 2010 qui était de 800 millions d’euros. Ce report pourrait toutefois être réduit à 1 milliard si nous disposons des ressources extrabudgétaires tirées de la vente des fréquences. Je note que les appels d’offres viennent d’être lancés et que les recettes escomptées sont supérieures à celles qui étaient inscrites dans les projets. L’important est que ces crédits soient mis à notre disposition à une date où ils seront encore employables, faute de quoi la gestion de la fin de l’année sera quelque peu délicate. Plus généralement, les recettes extrabudgétaires seront importantes pour l’exécution budgétaire de 2012.

En ce qui concerne les crédits de la DGA au sein du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense », le niveau d’engagement pour les études amont commandées à l’industrie est estimé à 700 millions d’euros à la fin de l’année. Un effort de plus de 50 millions d’euros est consenti en faveur des PME via notamment le dispositif de subvention RAPID (régime d’appui pour l’innovation duale). Il consiste à partager les frais avec l’industriel, notre participation servant d’effet de levier. Le délai entre le dépôt de projet et le versement des fonds est réduit à moins de six mois. Je compte développer encore ce dispositif dans les années qui viennent.

S’agissant des difficultés rencontrées dans l’exécution 2011, je me suis déjà exprimé sur le progiciel Chorus et chacun sait ce qu’il en est.

En matière de maîtrise des coûts et des délais dans la conduite des opérations d’armement, la tendance est à l’amélioration. Les objectifs devraient être tenus avec un taux de retard de 1,5 % sur les devis et de 2,25 mois sur les délais de réalisation. Je pense que finalement nous arriverons à passer en deçà du seuil des deux mois.

En ce qui concerne la réforme du ministère, nous avons quasiment tenu le calendrier de restructuration des activités de la DGA. Notre effectif à la fin de 2011 sera de moins de 11 000 personnels. Nous sommes en ligne avec les objectifs de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et fournissons le même effort que les armées sur ce plan.

Les redéploiements sont près d’être achevés sans rupture notable d’activité et en préservant l’essentiel de notre capital de compétences techniques. Nous apportons une vigilance particulière au reclassement des personnels qui ne souhaitent ou ne peuvent pas suivre ces redéploiements, avec une attention spécifique pour les sites d’Angers et de Vernon. Le format de 2014 que la RGPP a fixé à la DGA sera atteint. Nous arriverons alors à la limite d’optimisation : nous nous serons délestés de toutes les tâches de soutien, autant en matière d’administration du personnel qu’en matière de matériel, d’informatique ou d’infrastructures. Aller plus loin reviendrait à supprimer des capacités. En d’autres termes, il n’y aura plus aucune marge de manœuvre.

Pour ce qui concerne l’industrie, nous sommes enfin parvenus, au terme de dix ans d’efforts, à concrétiser la rationalisation de la filière de la propulsion solide avec le projet Héraklès. SNPE Matériaux énergétiques a rejoint Safran pour donner naissance au numéro deux mondial de la propulsion à poudre. Cela ouvre de nouvelles perspectives.

En revanche, les rationalisations entre Thales et Safran, abondamment commentées dans la presse, restent à faire. Cela étant, l’état actuel de nos finances et les perspectives de la compétition mondiale ne nous permettent pas de continuer à soutenir les filières industrielles indépendantes de deux sociétés. Il est impératif de constituer en France une filière optronique unique allant des composants de base aux équipements. Il en va de même pour la navigation ou pour les centrales inertielles.

Sur le plan européen, le traité de Lancaster House signé à la fin de 2010 définit une ambition très forte pour l’axe franco-britannique. Nous avons travaillé en 2011 à la construction des différents projets de coopération qui le sous-tendent, notamment dans le domaine aéronautique où cette coopération est structurante. Cette orientation n’est toutefois pas exclusive. Nous abordons ces sujets avec nos partenaires de façon très pragmatique.

Pour terminer le panorama de 2011, j’évoquerai brièvement les exportations. Nous assistons depuis l’été à une légère embellie avec la concrétisation de la vente de deux bâtiments de projection et de commandement (BPC) à la Russie. Elle s’accompagnera de transferts de technologie. Je me félicite également du contrat de rénovation des Mirage 2000 en Inde. Grâce à ces opérations, la prise de commande devrait atteindre de l’ordre de 7,5 milliards d’euros en fin d’année.

Ce montant ne prend pas en compte l’éventualité de contrats portant sur le Rafale. Les discussions avec certains pays sont actives : les Suisses ont relancé une procédure énergique à l’initiative du Parlement ; en Inde, nous sommes en compétition directe avec l’Eurofighter.

J’en viens au projet de loi de finances pour 2012 qui s’inscrit dans la ligne définie par la loi de programmation financière : tout en réalisant les mesures d’économie définies en 2010 par la programmation budgétaire triennale 2011-2013, il assure le maintien de l’effort en faveur de l’équipement des forces.

La prévision d’engagement pour le programme 146 est de l’ordre de 11,3 milliards d’euros. Les ressources budgétaires pour les paiements s’élèveront à 9,2 milliards d’euros, en hausse de 3,6 % par rapport à 2011, complétées par 800 millions de recettes extrabudgétaires tirées de la vente des fréquences. Si ces recettes venaient à manquer, le report de charges s’aggraverait d’autant et nous sortirions du domaine du soutenable.

La continuité prévaut également pour les études amont du programme 144. L’objectif d’engagement vers l’industrie est de 730 millions d’euros avec des crédits de paiement de 680 millions, toujours en comptant sur les ressources issues du CAS Fréquence.

Aujourd’hui une partie importante du budget des études amont contribue au soutien des bureaux d’étude, en particulier dans le domaine aéronautique compte tenu de l’absence d’exportation du Rafale. Si, comme nous le souhaitons, un grand contrat d’exportation se concrétise, nous serons amenés à revoir de façon radicale l’emploi de ces sommes, un tel contrat comprenant des développements qui viendront nourrir les bureaux d’études. Il y a de nombreux autres secteurs auxquels il faut venir en aide et nous devons continuer d’augmenter notre effort en faveur de l’innovation dans les PME, où notre intervention est particulièrement efficace. Ces entreprises doivent être d’autant plus accompagnées qu’elles manient le crédit d’impôt recherche avec moins d’aisance que les grands groupes.

En 2012 les commandes porteront très majoritairement sur la poursuite des programmes en cours : drones MALE intérimaires, bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers (BSAH), missiles de moyenne portée (MMP) devant remplacer les Milan et missiles anti-navire légers (ANL) dans le cadre d’une coopération franco-britannique.

Les livraisons se poursuivront avec onze Rafale, six Tigre, une frégate multimission (FREMM), cent VBCI, trois Caracal et des missiles pour les équiper. Seront également livrés, en matière de défense antiaérienne, deux systèmes SAMP/T (sol air moyenne portée/terre) et 61 missiles Aster. Nous continuons aussi notre effort pour la maîtrise de l’information avec un nouveau Transall Gabriel rénové, des pods de reconnaissance RECO-NG supplémentaires ainsi que divers systèmes d’information et de communication. Nos capacités de projection seront renforcées par un nouveau bâtiment de projection et de commandement (BPC), huit hélicoptères NH90 et cinq des avions CASA 235 qui assureront la transition avant les premières livraisons d’A400M.

Bien que le budget 2012 soit serré, il permet de maintenir l’effort d’équipement des armées ainsi qu’un effort significatif pour les études amont. Lorsque l’exécution d’un budget s’avère difficile à conduire, le chef d’état-major des armées et moi-même avons deux priorités : le respect scrupuleux des crédits de la dissuasion et des études amont. Les actions de réduction envisagées ne doivent en aucun cas pénaliser la préparation de l’avenir.

Du fait des échéances électorales, l’année 2012 aura un caractère particulier. Cela étant, un chantier est déjà ouvert pour préparer la révision du Livre blanc. La mise à jour du contexte est en cours, sous l’égide de M. Francis Delon. Cette révision sera suivie de la préparation de la prochaine loi de programmation militaire pour les années 2013-2018.

Aujourd’hui il y a peu de marges de manœuvre sur le programme 146 « Équipement des forces ». Les contrats passés sont globaux et nous engagent sur une longue durée. Leur renégociation est très risquée au plan financier : nous avons en effet demandé à nos industriels des efforts de productivité et, si nous revenons sur ces accords, nous devrons ensuite négocier le dos au mur, c’est-à-dire dans des conditions très défavorables.

Les commandes passées ne sont pas irréfléchies : elles correspondent aux besoins des forces. C’est le cas des onze frégates multimission, ou encore des six Barracuda, dont la production est prévue jusqu’à 2027. Il n’y a pas de marges calendaires dans ce domaine.

Par ailleurs, nous devons continuer à soutenir l’innovation et à préparer l’avenir. Si nous sacrifions les études amont, nous risquons d’en subir les conséquences dans cinq ou dix ans en nous trouvant contraints d’acheter à l’étranger. De tels achats peuvent être utiles dans des situations d’urgence. Nous n’avons pas hésité, par exemple, à nous procurer des véhicules Buffalo pour les opérations d’Afghanistan. Cette pratique ne doit cependant pas devenir la règle, d’autant que ce choix a des implications fortes sur l’emploi.

Il faudra faire des choix en fonction des critères de souveraineté communément admis aujourd’hui, de l’accès aux technologies, de la capacité industrielle à les réaliser et de notre volonté de les financer.

J’ajoute que certaines de nos exportations s’accompagnent de transferts de technologie. C’est le cas des BPC qui seront livrés à la Russie, ce sera peut-être celui des Rafale si nous concluons un marché avec le Brésil. Cela signifie que nous créons nos propres concurrents à une échéance de dix, quinze ou vingt ans, avec des taux horaires en vigueur dans ces pays beaucoup moins élevés. Si nous voulons conserver des capacités commerciales à l’échelle mondiale, il est impératif de maintenir un différentiel technologique, donc d’investir dans les études amont. C’est la seule manière de créer des emplois dans l’industrie d’armement en France.

M. le président Guy Teissier. Comment se répartiront les huit hélicoptères NH90 livrés en 2012 ?

M. Laurent Collet-Billon. Après une année essentiellement dédiée à la marine l’armée de terre recevra son premier appareil en toute fin d’année 2011 et 6 autres, sur les 8 prévus, suivront en 2012.

M. Damien Meslot. Le programme A400M semble suivre désormais un cours plus normal. Pourriez-vous faire le point sur son évolution et sa situation ?

Pouvez-vous également nous donner des éléments sur le programme de lance-roquettes unitaires (LRU). Confirmez-vous qu’une première livraison aura lieu en 2014 ?

M. Jacques Lamblin. Pourriez-vous détailler les axes possibles de soutien aux PME en matière d’innovation ?

Parmi les différentes versions du Rafale, il semblerait que le Rafale marine ne soit pas le plus adapté aux missions du futur. Faut-il d’ores et déjà envisager son évolution ou sa modernisation ?

M. Jean-Claude Viollet. J’aimerais également avoir des précisions sur l’état d’avancement du programme A400M. Un premier avion sera livré à l’armée de l’air au début de 2013. Sachant que les équipes des programmes actuels incluent des responsables du soutien en service, où en est-on de la mise en place du soutien de l’A400M dès son arrivée dans les forces, en particulier pour ce qui est du moteur ?

M. le président Guy Teissier. Si cela était possible, nous serions heureux de pouvoir effectuer un vol sur un A400M au début de l’année prochaine.

M. Laurent Collet-Billon. Nous allons essayer d’accéder à votre demande, étant entendu que les créneaux que nous pourrons vous proposer seront très contraints en raison du calendrier serré des essais en vol.

Le calendrier des appareils d’essai est totalement rempli jusqu’à 2013. Ces essais ont, de façon usuelle, fait apparaître des difficultés techniques dont le traitement est en cours. C’est le signe que ces essais sont utiles et efficaces.

L’équipe d’essais en vol de Toulouse est particulièrement remarquable. Je serais heureux que les membres de votre commission viennent constater son travail sur place.

Le prochain jalon important sera constitué par la certification civile de l’avion.

Concernant le soutien, les discussions avec les industriels sont plus que difficiles, aucune proposition n’étant à la hauteur de nos attentes. Nous avions prévu de passer en commun avec les Britanniques un contrat de soutien pour les premiers appareils reçus. Mais les livraisons françaises intervenant plus tôt, il sera difficile d’aboutir à temps. Je n’hésiterai donc pas, s’il le faut, à passer des commandes strictement dédiées au soutien des tout premiers appareils français.

Nous n’avons toujours pas de proposition satisfaisante de la part d’Airbus, notamment pour le moteur. J’ai fait savoir aux industriels que, sans contrat de soutien, je ne prendrai pas en compte les appareils et je ne les paierai pas.

À l’évidence, il faudra passer un grand contrat commun de soutien au niveau européen quand un nombre suffisant d’appareils seront en service. Les spécificités nationales ne doivent pas nous empêcher de mutualiser l’essentiel du soutien. Avant d’engager ce travail de longue haleine, il est urgent de trouver une solution pour les appareils que nous recevrons à partir de 2013.

Le LRU sera livré en 2014. La question qui restait en suspens avec l’Italie sur ce dossier est réglée et le contrat se déroule normalement.

Pour ce qui est de l’innovation et des PME, nous développons le dispositif RAPID et l’élargissons à titre expérimental aux entreprises de taille intermédiaire, c’est-à-dire les sociétés de plus de 250 salariés. Nous développons également nos partenariats avec le monde de la recherche, notamment avec l’agence nationale de la recherche, et nous examinons attentivement ce qu’il est possible de réaliser avec les laboratoires d’excellence des universités. Il s’agit de détecter les technologies émergentes et d’estimer la rapidité avec laquelle elles peuvent mûrir.

Nous agissons en étroite coordination avec la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services pour ce qui est des PME, et avec la direction générale de la recherche et de l’innovation pour ce qui est des laboratoires et du monde universitaire. Nous nous employons à améliorer le réseau pour gagner en efficacité et limiter la dispersion des crédits.

Nous connaissons bien les limites propres à la version marine du Rafale. Il n’en reste pas moins que c’est le même avion, doté des mêmes capacités opérationnelles et de la même efficacité globale. C’est de plus le seul avion naval, avec le F18 qui est aujourd’hui en fin de vie. Si le programme JSF (Joint Strike Fighter) naval tournait court, il pourrait même arriver que nos partenaires britanniques soient amenés à se rapprocher de nos industriels.

Quoi qu’il en soit, il ne faut négliger aucune piste d’exportation, même si c’est à long terme. Je suis par exemple persuadé que l’Inde et le Brésil se doteront de capacités aéronavales. Nous serons alors les seuls, avec les Américains, à proposer un avion navalisé puisque l’Eurofighter ne l’est pas.

M. Yves Fromion. Je vous sais gré du regard lucide que vous portez sur les sujets de votre ressort.

Vous avez évoqué la problématique de la cohérence entre nos capacités industrielles et technologiques et nos capacités budgétaires. En matière d’armement terrestre, tous les acteurs industriels protestent de leur bonne volonté les uns vis-à-vis des autres, qu’il s’agisse de Thales, Nexter, Renault véhicules industriels ou de Panhard. Or il ne se passe toujours rien ! Pour Nexter, il est difficile de tracer une perspective au-delà des programmes Caesar et VBCI. La puissance publique, qui possède 100 % du capital de cette société, a-t-elle l’intention de faire quelque chose ? Le bruit selon lequel on tirerait l’armement terrestre vers l’allemand Krauss-Maffei est-il fondé ? Cela reviendrait à associer une entreprise détenue par l’État à une société à capital familial. Est-ce envisageable ?

M. Alain Rousset. Nous sommes tous satisfaits que la situation se soit en partie débloquée pour ce qui est des drones MALE, mais qu’en est-il des drones tactiques ?

Pour le soutien à l’A400M, vous n’évoquez que Safran et Airbus. Selon vous, le soutien doit-il être assuré par les seuls constructeurs ? L’utilisation de moyens industriels étatiques ne permettrait-elle pas de faire baisser les coûts de soutien que proposent ces deux entreprises ?

La DGA s’intéresse-t-elle aux biocarburants ?

M. Christophe Guilloteau. Dans l’affaire des frégates livrées à Taïwan, la France est redevable de 600 millions d’euros dont 460 millions d’euros à la charge de l’État. Cela ne risque-t-il pas d’amputer certains programmes à venir ?

M. Laurent Collet-Billon. Le rapprochement entre Safran et Thales n’est ni un caprice de délégué général ni un caprice de ministre. Nous vivons dans un monde où l’investissement est de plus en plus rare et de plus en plus important. Ce contexte conduit nécessairement à la rationalisation de nos filières technologiques notamment dans les domaines de l’infrarouge et des centrales inertielles.

C’est un constat que nous partageons avec le ministère de l’économie : notre industrie est trop émiettée par rapport au reste de l’Europe. L’Italie dispose d’un champion unique avec Finmeccanica et au Royaume-Uni BAE Systems domine la situation, Rolls-Royce occupant un créneau très particulier. En Allemagne, le système est assez différent puisque l’industrie de défense se répartit entre les Länder. La France ne peut plus s’accorder le luxe de continuer à avoir plusieurs champions généralistes.

S’agissant du domaine terrestre, la rationalisation tarde à venir malgré les divers projets en lices.

Dans cette perspective, le programme VBMR (véhicules blindés multirôles) sera structurant. Sa mise en œuvre est urgente: les VAB (véhicules de l’avant blindé) utilisés en Afghanistan sont très sollicités. La question de la compétition au sujet de ce programme se posera sur le plan français et sur le plan européen. Le besoin des armées françaises est de 2 000 à 3 000 véhicules ce qui représentera un effort de l’ordre de 2 à 3 milliards d’euros. Nous demandons aux industriels de s’organiser pour remporter le marché, car il n’y aura qu’un seul vainqueur.

Pour ce qui est du soutien à l’A400M, l’usage est que le fabricant assure l’entretien jusqu’à ce que le matériel soit mature. Après cette période, nous pourrons envisager de faire prendre davantage de responsabilités à des réparateurs étatiques. Ils sont absolument nécessaires, d’autant que le marché du maintien en condition opérationnelle n’est pas forcément intéressant pour les industriels car trop réduit. À titre de comparaison, le volume de production et d’entretien des NH90 représente une part négligeable de l’activité d’Eurocopter en comparaison de la production d’hélicoptères civils.

M. François Coté, directeur des plans, des programmes et du budget. Les carburants de synthèse font l’objet de quelques essais, notamment sur le turboréacteur M88. La question des biocarburants est instruite et se situe dans une perspective de plus long terme de développement des sources d’énergie alternatives pour les véhicules et les systèmes.

M. Alain Rousset. L’armée américaine utilise beaucoup de biocarburants, ce qui permet tout à la fois de tirer le secteur et de bénéficier d’une importante source d’approvisionnement endogène. Notre politique industrielle aurait à y gagner.

M. Laurent Collet-Billon. Pour les drones tactiques, il faut distinguer deux segments : d’une part, le drone très tactique, comme le Skylark utilisé par les forces spéciales ou le drone de reconnaissance au contact (DRAC) utilisé par l’armée de terre, avec des variations de fiabilité et de disponibilité liées, de façon symptomatique, aux relèves de personnel ; d’autre part le drone d’un niveau de capacité supérieure qu’est le Watchkeeper. Nous étudions actuellement la possibilité d’acheter des exemplaires de cet appareil en remplacement du Sperwer, avec la perspective d’une mise en commun et d’un soutien partagé avec les Britanniques.

En matière de drones très tactiques, nous ne pouvons qu’encourager notre tissu industriel à proposer des appareils, sachant que si l’innovation est possible dans ce domaine, nous demandons à l’arrivée des productions de série et un soutien opérationnel qui peuvent se révéler lourds à mettre en œuvre.

Pour ce qui est de l’affaire des frégates de Taïwan, je constate que plusieurs ministères sont mis à contribution.

M. Philippe Vitel. Alors que vous menez un partenariat avec l’agence nationale de la recherche, quelle place accordez-vous aux projets de recherche et d’innovation émanant des pôles de compétitivité dans le domaine de la défense ?

Par ailleurs, où en est-on de la rationalisation des centres d’essais de la DGA prévue par la loi de programmation militaire ?

Mme Michèle Alliot-Marie. Sommes-nous dépendants de certains pays pour la production de composants sensibles ? Quels sont, le cas échéant, les types de dépendance, et vis-à-vis de quels pays ? Notre niveau de dépendance augmente-t-il ou diminue-t-il ?

M. Laurent Collet-Billon. La DGA est présente dans les pôles de compétitivité, avec un effort de 13 millions d’euros. L’effet de levier est considérable, raison pour laquelle nous poursuivons notre action malgré quelques vicissitudes. En particulier, les pôles mer, aéronautique et systèmes de systèmes fonctionnent bien. Je crois que nous y avons une influence positive dans la mesure où nous savons passer des contrats : nous pouvons expliquer comment et à quel moment il faut contractualiser et employer les crédits. Ces pôles sont donc très utiles même si leur nombre me semble un peu élevé.

M. Philippe Vitel. Il y aura un écrêtement naturel.

M. Laurent Collet-Billon. Parfois, le foisonnement d’initiatives nuit à l’efficacité de l’action publique et il devient difficile d’isoler les projets les plus pertinents.

Nous sommes encore soumis à des dépendances technologiques. Nous veillons cependant avec le plus grand soin au respect du principe de souveraineté nationale posé par le Livre blanc en matière de dissuasion, de cryptographie et de lutte informatique. La plupart de nos aéronefs présentent des adhérences avec le régime américain ITAR (International Traffic in Arms Regulation), mais nous nous employons à réduire le plus possible ces limitations. Nous avons engagé avec le Royaume-Uni et d’autres pays européens des discussions sur la constitution de filières exemptes de ces restrictions. Nous rencontrons une difficulté concrète avec les filières de composants puisqu’il ne reste plus qu’un fondeur en Europe, STMicroelectronics, et que les activités de défense ne demandent qu’une production très réduite. Nous explorons la solution consistant à s’approvisionner en composants programmables auprès d’industriels pouvant garantir la sécurité de la fabrication et assurer la réalisation de la programmation en France.

Devant ce défi, la DGA a considérablement renforcé son pôle « matériaux et composants » afin de renforcer son expertise. L’évolution de la réglementation française nous y incite également. Je pense par exemple à la réglementation récente contraignant l’utilisation des radionucléides.

S’agissant des centres d’essais, nous avons appliqué sans faille les dispositions de la RGPP en fermant le laboratoire de recherches balistiques et aérodynamiques (LRBA) de Vernon et en reclassant les personnels. À ce jour, il reste moins d’une quarantaine de personnes à reclasser. Nous fermons également l’établissement technique d’Angers (ETAS) et rattachons ses pistes d’essais à l’établissement de Bourges. Il reste, sur ce site, dix-sept personnes à reclasser. Nous avons aussi fermé l’établissement de Gâvres qui servait à des essais d’artillerie de marine, et nous avons transféré l’intégralité de ses activités à Bourges. Seules deux personnes ne sont pas encore reclassées.

L’ensemble des établissements a fait l’objet d’une restructuration volontariste sur la base des métiers. C’est ainsi qu’un établissement unique a la charge des essais de missiles à Biscarosse, dans l’île du Levant, ou à Saint-Médard-en-Jalles.

Au total, ces simplifications nous font passer de 15 à 9 établissements.

Je précise que nous ne fermons pas les centres par plaisir mais parce que nous avons estimé que les équipes qu’ils abritaient étaient de taille trop réduite pour gérer de façon efficace leur soutien et le maintien des compétences. Nous dynamisons fortement les établissements restants : celui de Bruz emploiera par exemple 1 200 personnes d’ici à 2015, dont une grande part d’ingénieurs.

IV. —  EXAMEN DES CRÉDITS

La Commission examine pour avis, sur le rapport de M. François Cornut-Gentille, les crédits de la mission « Défense » : « Équipement des forces - Dissuasion » pour 2012, au cours de sa réunion du mardi 26 octobre 2011/

Un débat suit l’exposé du rapporteur.

M. Daniel Boisserie. Le ministère de la défense devra verser 230 millions d’euros au titre des frégates de Taïwan. Que sait-on de la répartition de ce prélèvement ?

M. François Cornut-Gentille. Le ministre a indiqué qu’elle se fera en gestion, autrement dit, elle n’est pas encore déterminée.

M. Michel Voisin. Chaque année se répète le même discours selon lequel nos matériels sont obsolètes et ils voient à chaque fois leur durée de vie prolongée. Y’a-t-il une concordance entre la loi de programmation militaire (LPM) définie sur cinq ans et le plan prospectif à 30 ans qui oriente la politique de recherche et la stratégie à plus long terme ?

M. François Cornut-Gentille. Nous nous trouvons dans une phase de production de nouveaux matériels qui peut-être n’arrivent pas assez vite. Il s’agit d’un renouvellement sans précédent. Je vous transmettrai un tableau qui illustre l’accélération sans précédent des livraisons en fin de programmation. Cela supposera des efforts pour le soutien des nouveaux matériels.

*

* *

Conformément aux conclusions du rapporteur, la Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits du programme « Équipement des forces – dissuasion ».

*

* *

La Commission en vient à l’examen des amendements.

Elle est d’abord saisie de l’amendement II-DF 1 de MM. François Cornut-Gentille et Jean-Claude Viollet.

M. François Cornut-Gentille. En 2011, nous avions adopté un amendement prévoyant un système de location-vente pour trois Airbus MRT. Cette proposition a été finalement écartée car elle aurait conduit à reporter encore la signature du contrat pour les MRTT. En 2012, la levée de risque sur cette opération doit avoir lieu mais les crédits prévus semblent insuffisants. Je crois que personne ne conteste la nécessité d’avancer sur ce dossier. Nous proposons donc d’abonder les crédits inscrits pour la levée de risque de façon à éviter tout atermoiement.

M. Jean-Claude Viollet. Il s’agit bien de soutenir le ministre dans sa démarche. L’étude devrait être lancée au cours du premier trimestre pour durer toute l’année prochaine. Il serait ridicule de ne pas utiliser ce temps pour envisager toutes les options et pour traiter, dès maintenant, des matériels annexes permettant par exemple de faire du ravitailleur un système de contrôle et de commandement. Or en l’état, les crédits prévus ne permettent pas de réaliser une étude complète.

L’amendement que nous proposons est un signal fort. Il confirme par ailleurs notre attachement à un achat patrimonial pour ce type d’appareil. Je précise que les ravitailleurs étant un élément de notre dissuasion, nous pouvons éviter de soumettre ce programme aux procédures ordinaires d’appel d’offre. L’application de l’article 346 TFUE permettrait de passer un marché de gré à gré et de commander tout de suite des A330 qui ont des capacités meilleures que les Boeing.

Nous ne pouvons plus attendre : les appareils en service sont à bout de souffle. Je rappelle que la LPM prévoyait la livraison du premier MRTT en 2010 ! Aujourd’hui, dans le meilleur des cas, le premier appareil sera livré en 2018 !

M. François Cornut-Gentille. En Libye, 80 % des opérations de ravitaillement ont été assurés par des avions américains ! Nous ne sommes plus en mesure d’assurer nous-mêmes notre ravitaillement.

J’ajoute que nous finançons cette mesure par une réduction des crédits dévolus à la planification des moyens et à la conduite des opérations qui incluent notre participation à l’OTAN.

M. Philippe Nauche. Je trouve que cet amendement est le bienvenu et que le gage est tout à fait justifié. L’état-major des armées a d’ailleurs indiqué qu’il évalue le coût total de notre réintégration dans le commandement intégré de l’OTAN à 650 millions d’euros entre 2010 et 2015. Entre 2010 et 2011, notre participation a d’ailleurs augmenté de 14 %. N’est-ce pas raisonnable de mettre cette ligne à contribution dans la mesure où elle est la seule à progresser quand toutes les autres baissent ?

Mme Michèle Alliot-Marie. J’adhère au souhait des rapporteurs mais je suis gênée par le redéploiement des crédits qu’ils effectuent. Il faut arrêter de toujours prendre des crédits à la préparation et à l’emploi des forces ; le programme 178 est suffisamment contraint. Par ailleurs, la France ne décide pas du montant de sa contribution à l’OTAN. Réduire la ligne sera donc inopérant puisque nous devrons toujours honorer nos engagements internationaux. Avec ce gage, je crains que l’amendement ne serve finalement à rien.

M. Jean Michel. La dotation prévue pour l’OTAN n’est encore qu’une estimation. Le désengagement de l’Alliance en Afghanistan et en Libye devrait permettre de faire des économies. Il n’y a donc pas lieu de s’inquiéter.

Mme Michèle Alliot-Marie. La contribution de la France à l’OTAN est calculée en début d’année et nous n’avons aucune prise sur son montant.

M. Jean-Claude Viollet. Nous voulons que cette étude aboutisse, que le choix du mode d’acquisition soit arrêté et que la procédure d’acquisition puisse être lancée !

La ligne budgétaire sur laquelle nous prélevons la somme concerne le transport stratégique des forces pour 196 millions d’euros, les déplacements des états-majors pour 10 millions d’euros, les relations internationales OTAN-UE pour 83 millions d’euros et l’activité et l’entretien des forces pour 15 millions d’euros. Il me semble qu’il est possible de dégager 12 millions d’euros sur cet ensemble de façon à lancer une opération désormais vitale pour nos forces.

Il faut bien avoir à l’esprit que si les Américains avaient quitté le théâtre libyen pour d’autres opérations, nous aurions été contraints de rentrer chez nous ! Sans les ravitailleurs, on ne peut mener à bien aucune opération. Nous sommes donc dans l’obligation de proposer quelque chose. Je tiens à ce que notre Commission prenne position sur ce sujet et que nous ayons ce débat avec le ministre.

M. le président Guy Teissier. Je remercie le rapporteur d’avoir apporté ces précisions sur l’origine des crédits. Je pense que cet amendement vise essentiellement à attirer l’attention du ministre sur ce sujet.

M. Jean-Pierre Soisson. Cet amendement a le mérite d’ouvrir le débat et de permettre à la Commission de la défense de signaler les limites montrées par nos équipements au cours de l’opération en Libye.

Mme Michèle Alliot-Marie. Ce débat est naturellement bienvenu. Il rejoint la problématique du second porte-avions et la question de notre dépendance à l’égard d’autres puissances. Je m’interroge néanmoins sur l’opportunité de déposer un amendement qui remettrait en cause notre participation financière au budget de l’OTAN alors que nous y sommes tenus.

M. le président Guy Teissier. Le ministre décidera des suites qu’il veut donner à cet amendement.

M. Jean Michel. Je pense également qu’il appartient au ministre de prendre ses responsabilités. Les sommes en jeu paraissent tellement dérisoires par rapport aux enjeux. C’est la même question qui est posée pour le second porte-avions : allons-nous accepter d’avoir une défense à mi-temps, une armée qui ne serait pas prête à répondre certains jours ? Allons-nous revenir à l’ancienne paix de Dieu ?

La Commission adopte l’amendement n°II-DF1 puis elle examine l’amendement II-DF 2 de M. François Cornut-Gentille et Mme Marguerite Lamour

Mme Marguerite Lamour. Les deux pétroliers-ravitailleurs de la marine sont en service actif depuis près de trente ans. Le déploiement de forces à l’étranger et l’utilisation intensive du groupe aéronaval conduisent à un emploi soutenu de ces bâtiments dans des zones de combat. Ils conditionnent en effet la capacité de la marine à intervenir dans la durée et à grande distance de la métropole.

Pour éviter toute rupture capacitaire, il est nécessaire d’engager dès aujourd’hui les études pour envisager le remplacement ou la modernisation de ces navires.

De surcroît, ces bâtiments sont des monocoques, c’est-à-dire qu’ils ne sont plus conformes aux normes en vigueur. Au moindre incident, la France pourrait se voir reprocher ce point et s’expose donc à des risques forts. Nos alliés pourraient même s’opposer à ce que nous déployions ces navires dans des opérations internationales. Par ailleurs, au moindre incident, toute la flotte de ravitailleurs devra rester au port, limitant fortement la capacité d’action de la marine.

La Commission adopte l’amendement n°II-DF2.

*

* *

La Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Défense » ainsi modifiés.

*

* *

ANNEXES

ANNEXE I : RÉCAPITULATIF DES PRINCIPAUX ÉQUIPEMENTS DES ARMÉES

Source : ministère de la défense.

Équipement en service

Parc actuel

Cible 2020

Période de livraisons ou année de mise en service opérationnelle (MSO)

Age moyen

Retrait du service

Observations

Équipement futur

Date premières livraisons

Retrait du service

SNLE

4

4

1997 - 2010

 

2044

       

SNA de type « RUBIS »

6

6

1983 - 1993

24

2028

 

SNA de type BARRACUDA

2017

Post 2040

Porte-avions

1

1

MSO 2001

11

2041

Décision acquisition second PA en 2012

     

FDA type « Horizon »

2

2

2010 - 2011

1

2036

       

FAA F70

2

0

1988 - 1991

22

2018

 

FREMM

2012

2050

FASM F67

2

0

1974 - 1977

35

2012

FASM F70

6

1

1981 - 1990

27

2021

       

Frégate type « Lafayette »

5

5

1996 – 2001

14

2031

 

NCF

Post 2025

 

Frégates de surveillance

6

6

1992 - 1994

19

2024

 

Frégate NG

2023

Post 2050

Bâtiments guerre des mines

11

2

NS (308)

25

2021

Composante rénovée à partir de 2018 avec un système reposant sur l’emploi de drones et de bâtiments dédiés.

     

BPC de type « Mistral »

2

3

2006 – 2007

5

2037

       

TCD de type « Foudre »

2

1

1990 – 1998

18

2028

       

Patrouilleurs de haute mer

10

4

Non significatif

22

2022

Comprend P 400 et PSP

BATSIMAR

2017

2050

Pétrolier ravitailleur

4

4

1980 - 1990

26

2021

 

PR NG

2018

2050

Rafale M

30

48

MSO 2004

5

Post 2025

       

Super étendard

31

0

 

31

2015

       

Lynx

22

11

 

29

2021

       

NH 90

6

26

2010- 2021

1

Post 2025

       

Panther

16

16

 

16

Post 2025

       

Dauphin Pedro

3

3

 

22

2021

       
             

HC 4

2018

Post 2050

Hawkeye

3

3

1998 - 2004

11

Post 2025

Mise à niveau fonctionnelle à partir de 2015

E2D

Post 2025

 

ATL 2

22

22

MSO 91

20

2032

Traitement obsolescences à partir de fin 2011.

Rénovation à partir de 2017

     

LECLERC

254

254

1991 – 2007

14

2035

Rénovation à partir de 2019

     

AMX 10 RCR

256

292

2004 – 2010

27

2025

 

EBRC

2019

Post 2050

ERC 90 SAGAIE

160

0

MSO 1984

25

2020

Rénovation entre 2006 et 2010

VBCI

336

630

2007 - 2015

3

2050

Évolutions post 2022

     

VAB

3269

2823

1976 - 1992

31

2025

 

VBMR

2016

Post 2050

FELIN

22588

22588

2010 - 2015

1

ND (309)

Évolutions à partir de 2023

     

TIGRE

35

80

2005 - 2017

5

ND

       

CAESAR

77

141

2008 - 2011

3

Post 2025

       

PUMA

115

54

1969 - 1987

38

2025

 

NH 90 TTH

2011

 

COUGAR

23

23

Rénovation entre 2012 et 2015

22

2025

 

155 AUF1 TA

37

21

2004 - 2007

24

2021

 

EPA

2023

 

CAESAR

77

141

2008 - 2011

3

Post 2025

Seconde commande en 2017

     

Poste de tir MILAN

550

0

MSO 1974

32

2012

Acquisition de JAVELIN pour maintenir la capacité jusqu’à l’arrivée du MMP

MMP

2017

 

Poste de tir MISTRAL

220

220

NS

16

2025

Livraison missile rénové à partir de 2012

     

SDTI

19

35

2004 - 2011

7

2020

 

SDT

2017

 

RAFALE B

35

60

MSO 2006

5

ND

Livraisons jusqu’en 2025.

     

RAFALE C

29

68

MSO 2006

3

ND

     

Mirage 2000-5F

28

0

MSO 1999

22

2018

Modernisation entre 1998 et 2000

     

Mirage 2000 B

6

0

MSO 1985

18

2020

       

Mirage 2000 C

32

0

MSO 1983

19

2020

       

Mirage 2000 D

67

67

MSO 1993

14

2030

Rénovation à partir de 2018

     

Mirage F1 B

3

0

MSO 1980

29

2014

       

Mirage F1 CR

17

0

MSO 1983

26

2014

       

Mirage F1 CT

4

0

MSO 1992

30

2012

       

Harfang

4

4

MSO 2008

3

2014

Acquisition dès 2014 d’un système intermédiaire.

MALE

2020

2030

           

Développement FR-UK

Drone aérien de combat

2030

 

E 3-F (SDCA)

4

4

MSO 1990

20

ND

Rénovation en 2015

     

C 160 Gabriel

2

 

MSO 1988

22

2018

Remplacés dans le cadre de l’A 400M

     

C 135 FR

11

11

MSO 1962

49

2022

 

MRTT

2017

ND

KC 135 R

3

3

MSO 1998

47

2023

 

C 130

14

14

MSO 1987

25

2022

Remplacement post 2021 étudié

     

C 160

48

0

MSO 1967

35

 

Remplacés dans le cadre de l’A 400M

   

ND

             

A 400 M

2013 - 2024

 

CN 235

20

27

MSO 1993

13

2025

Remplacement par un avion cargo léger.

CAL

ND

 

EC 725 Caracal

8

11

MSO 2006

7

ND

       

Super Puma

7

6

MSO 1984

24

ND

       

Fennec

41

34

MSO 1990

20

2028

       

ANNEXE II : PRINCIPAUX MATÉRIELS DÉPLOYÉS HORS DE MÉTROPOLE

Source : ministère de la défense.

1. Opérations Onusiennes (l’utilisation des matériels fait l’objet d’une indemnisation par l’ONU).

OPERATION

TERRE

MARINE

AIR

DAMAN

75 VBL/VB2L

64 VAB

13 VBCI

15 PVP

4 CAESAR

20 TRM 10000 – 13 VTL

14 engins du Génie

5 VH SEA

3 PEB – 4 CLD

12 VH MANUTENTION

/

/

ONUCI

(Côte d’Ivoire)

7 VAB

10 GBC 8KT

13 VLTT P4

3 VHS SAN

/

/

2. Opérations sous engagement international hors ONU

OPERATION

TERRE

MARINE

AIR

HERACLES

PAMIR

EPIDOTE

(Afghanistan et Tadjikistan)

20 PVP

45 VBL/VB2L

13 AMX 10RC

8 VBCI

7 canons CAESAR

10 ARAVIS

418 VAB

74 camions

3 hélicoptères TIGRE

3 hélicoptères COUGAR

2 hélicoptères CARACAL

4 hélicoptères GAZELLE

2 BUFFALO

19 engins du Génie

7 drones

1 frégate ou un aviso

2 C.160

3 Mirage 2000 D

3 RAFALE

1 CARACAL

TRIDENT

(Kosovo)

43 VLTT P4

32 VBL/VB2L

4 VAB

4 VTL – 1 PEB

2 TRM 10000 – 3 VALMET

3 VH SEA

/

/

OUP (Libye)

/

1 aviso

/

ATALANTA

/

1 frégate

/

3. Opérations sous commandement national

OPERATION

TERRE

MARINE

AIR

CORYMBE

(Golfe de Guinée)

/

1 TCD/BPC ou 1 BPH ou 1 aviso

/

EPERVIER

(Tchad)

108 VLTT P4

111 VLRA

14 ERC90

23 VAB

54 TRM 2000

38 GBC

4 VTL – 5 TRM 10000

5 LOT 7 – 5 VH GENIE

16 VH SEA – 9 VH SIS

4 hélicoptères PUMA

/

3 Mirage 2000C

2 C.160

1 C.135FR

1 CN 235

LICORNE

(Côte d’Ivoire)

92 VLTT P4

28 VBL/VB2L

6 ERC90

35 VAB

24 VLRA

46 GBC

21 TRM 2000

11 VTL

3 TRM 10000

2 CLD –

1 GRUE LIEBHER

1 PEB – 3 MPG

3 VALMET

5 LOT 7

2 hélicoptères PUMA

/

1 hélicoptère FENNEC

HARMATTAN (Libye)

2 Tigre

4 Puma

12 Gazelle

1 BPC

2 Frégates

1 PR

1 SNA

1 ATL 2

5 Rafale

12 Mirage 2000

4 Mirage F1

3 C 135

4 E3F

2 Caracal

1 Puma

BOALI

(RCA)

18 VLTT P4

5 VAB

11 TRM 2000

2 GBC 8KT

4 GBC 180

/

/

4. Matériels français prêtés à des organisations internationales

OPERATION

TERRE

MARINE

AIR

MICOPAX (RCA)

8 VAB

15 TRM 2000

8 GBC 180

/

/

5. Matériels déployés dans les DOM-COM (forces de souveraineté)

DOM-COM

TERRE

MARINE

AIR

ANTILLES

18 P4

18 TRM 2000

5 GBC 180

4 VAB

1 VBL

2 FS

1 BATRAL

1 REMORQUEUR

1 PCG

1 PANTHER

1 AL III

3 CASA

2 PUMA

2 FENNEC

Nlle CALEDONIE

24 P4

26 TRM 2000

4 GBC 180

1 CCP10

1 FS

2 P 400

1 BATRAL

1 GARDIAN

3 CASA

4 PUMA

1 FENNEC

GUYANE

31 P4

26 TRM 2000

30 GBC 180

1 TRM 10000

9 VLRA

2 CCP10

7 BV 206

3 VAB

2 P400

2 VCSM

4 PUMA

3 FENNEC

1 TWIN OTTER

LA REUNION

MAYOTTE

13 P4

17 TRM 2000

7 GBC 180

1 TRM 2000

2 FS

1 P700

1 PAT

2 VCSM

1 BATRAL

1 CTM

1 PCG

2 PANTHER

2 C 160

2 FENNEC

POLYNESIE

19 P4

27 TRM 2000

10 GBC 180

1 FS

2 P400

4 REMORQUEURS

1 PCG

4 GARDIAN

1 AL III

2 CASA

1 SUPER PUMA

1 FENNEC

6. Matériels déployés dans les forces pré positionnées

PAYS

TERRE

MARINE

AIR

GABON

8 P4

4 TRM 2000

7 GBC 180

9 VLRA

4 VAB

/

2 C 160

4 PUMA

1 FENNEC

SENEGAL

5 P4

14 GBC 180

1 TRM 10000

9 VAB

1 ATL 2

1 C 160

1 FENNEC

E.A.U

/

/

3 RAFALE

3 M 2000

1 KC 135

DJIBOUTI

13 P4

3 TRM 1000

5 TRM 10000

11 GBC 180

1 VTL

9 VLRA 4X4

1 VLRA 6X6

3 SCANIA BENNE

2 BULDOZER

4 AMX 10 RC

2 TRF1

5 VAB

2 CTM

1 ATL 2

7 M 2000

1 C 160

2 PUMA

1 FENNEC

© Assemblée nationale

1 () Joseph S. Nye, « La puissance économique a-t-elle remplacé la puissance militaire ? », in Le Figaro, 24 juin 2011.

2 () Avis n° 2862 tome 7 de François Cornut-Gentille sur le projet de loi de finances initiale pour 2011, « Défense : équipement des forces – dissuasion », 14 octobre 2011.

3 () Les éléments figurant dans ce type d’encadré reprennent exactement les réponses transmises au rapporteur par le ministère, y compris en matière de mise en forme.

4 () Rapport d’information n° 3251 de Michel Grall sur la fin de vie des équipements militaires, 16 mars 2011.

5 () Rapport d’information n° 585 (2010-2011) de M. Robert Del Picchia, La fonction « anticipation stratégique » : quel renforcement depuis le Livre blanc ?, 8 juin 2011.

6 () Rapport d’information n° 349 (2010-2011) de M. Jacques Blanc, La sécurité des approvisionnements stratégiques de la France, 10 mars 2011.

7 () Rapport n° 3 718 sur le projet de loi de finances rectificative pour 2011, Gilles Carrez, Commission des finances, Assemblée nationale, 31 août 2011

8 () « Les perspectives de croissance économique se dégradent avec le ralentissement de la reprise », OCDE, 8 septembre 2011

9 () http://www.oecd.org/document/56/0,3746,fr_33873108_33873376_47448760_1_1_1_1,00.html.

10 () Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, Cour des comptes, juin 2011

11 () Organisme de placement collectif en valeurs mobilières.

12 () Rapport de la Cour des comptes, juin 2011, op. cit.

13 () Rapport n°2840 sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, Gilles Carrez, Commission des finances, Assemblée nationale, 5 octobre 2010

14 () « Crise et croissance : une stratégie pour la France », Rapport de Philippe Aghion, Gilbert Cette, Élie Cohen et Mathilde Lemoine, Conseil d’analyse économique, juin 2011

15 () Les sous-actions 7-34 « Communiquer – poste radio VHF 4génération (PR4G-VS4-IP) » et 7-38 « Renseigner, surveille, acquérir et reconnaître – HELIOS II » sont ainsi supprimées.

16 () Loi organique n° 2011-692 du 1er août 2011 relative aux lois de finances.

17 () Audition de M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement, par la Commission le 5 octobre 2011.

18 () Données arrêtées au 31 juillet 2011.

19 () Audition de M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants, par la Commission le 4 octobre 2011.

20 () Séance du 5 septembre 2011.

21 () L’agrégat traite des programmes Musis, melchior, PR4G, DNG3D, EPC, PPT, CAESAR, rénovation des AMX 10 RC, SCORPION étape 1, TIGRE, NH 90, Caracal, MMP, LRU, Felin, VBCI, Artemis, BPC, MU90, MDCN, PAAMS, FREMM, Barracuda, frégates Horizon, Reco NG, A400M, Rafale, MICA, MIDE, AASM, FSAF, Syracuse III, Helios II, Detecbio et des programmes de simulation pour la dissuasion.

22 () Alain Juppé et Michel Rocard, Investir pour l’avenir, priorités stratégiques d’investissement et emprunt national, 19 novembre 2009.

23 () Livre blanc…, op. cit.

24 () Audition de René Ricol, commissaire général à l’investissement, par la commission des finances du Sénat, 15 septembre 2010.

25 () Présentation du rapport de la mission d’information sur les PME et la défense devant la commission le 13 juillet 2011.

26 () Intervention dans le cadre du cercle Stratégia, 25 mai 2011

27 () Article 115 du code des marchés publics.

28 () Rapport sur les fonds souverains, Alain Demarolle, inspecteur des finances.

29 () Rapport d’information n° 3663 sur les PME et la défense de MM. Dominique Caillaud et Jean Michel, 13 juillet 2011.

30 () Rencontre économique franco-saoudienne, Riyad, 14 janvier 2008.

31 () Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, 2008

32 () Ibid.

33 () Conférence de presse, Hôtel Matignon, 27 juillet 2005

34 () Décret n° 2005-1739 du 30 décembre 2005 réglementant les relations financières avec l’étranger et portant application de l’article L. 151-3 du code monétaire et financier.

35 () Cité dans « L’idée de contrôler les investissements étrangers en Europe fait son chemin, malgré les critiques », Les Échos, 10 janvier 2011

36 () Livre blanc…, op. cit.

37 () Ibid.

38 () Rémy Thannberger, « Pourquoi il fait aider les petits industriels de l’armement », in Les Échos, 4 mai  2011

39 () Site internet du ministère néerlandais de la défense ; www.defensie.nl.

40 () Rapport d’information n° 3251 sur la fin de vie des équipements de militaires de M. Michel Grall, 16 mars 2011.

41 () « Paris et Moscou signent pour quatre Mistral dont deux fabriqués en Russie », AFP, 25 janvier 2011.

42 () Audition de Luc Vigneron, PDG de Thalès par la Commission le 24 mai 2011.

43 () Entretien au journal Les Échos, 30 juin 2010.

44 () Audition de Luc Vigneron, op. cit.

45 () « Les groupes aéronautiques français se mobilisent pour empêcher la fuite de leurs salariés chinois », La Tribune, 20 janvier 2011

46 () Réponse à la question écrite n° 91542, Journal officiel Assemblée nationale, 26 février 2011

47 () The code of conduct on offsets, Agence européenne de défense, Bruxelles, 24 octobre 2008

48 () Ibid.

49 () Entretien, Defensenews, 19 juillet 2010

50 () Ibid.

51 () Entretien au journal Les Échos, 4 avril 2011.

52 () Aman Pannu, « Global military market. Financial war clouds : driving new opportunities and business models », Frost & Sullivan, juin 2011.

53 () Décret n° 2011-1104 du 14 septembre 2011 relatif à la passation et à l’exécution des marchés publics de défense ou de sécurité

54 () Laurent Collet-Billon, « Il faut que les entreprises de défense se regroupent », Le Monde, 4 septembre 2011

55 () Propos introductif de la DIS.

56 () Philippe Aghion, Gilbert Cette, Élie Cohen et Mathilde Lemoine, Crise et croissance : une stratégie pour la France, Conseil d’analyse économique, juin 2011.

57 () « Arrêtons avec le déclinisme industriel », in L’Express, 6 avril 2011.

58 () Philippe Aghion…, Crise…, op. cit. .

59 () Rapport d’information n° 3251, op. cit.

60 () Rapport d’information n° 3663, op. cit.

61 () Philippe Aghion…, Crise…, op. cit. .

62 () Rapport au Président de la République en préambule au décret n° 61-306 du 5 avril 1961 fixant les attributions du ministre des armées.

63 () Ibid.

64 () Article 1er du décret n° 61-308 du 5 avril 1961.

65 () Instruction générale n° 125/DEF/EMA PLANS/COCA – n° 1516/DEF/DGA/DP/SDM du 26 mars 2010.

66 () Données valables pour l’année 2010.

67 () Article 3du décret n° 61-308 du 5 avril 1961.

68 () II de l’article 1er du décret n° 2004-963 du 9 septembre 2004 portant création du service à compétence nationale « Agence des participations de l’État ».

69 () En application du décret n° 2011-130 du 31 janvier 2011 modifiant le décret n° 2004-963 du 9 septembre 2004 portant création du service à compétence nationale « Agence des participations de l’État ».

70 () Article 2 du décret n° 2004-963 précité.

71 () Rapport d’information n° 3663, op. cit.

72 () Entretien au journal Les Échos, 4 avril 2011

73 () Rapport d’information n° 3663, op. cit.

74 () http://competitivite.gouv.fr/politique-des-poles/la-mise-en-oeuvre-de-la-politique-des-poles-depuis-2005-472.html.

75 () « Arrêtons avec le déclinisme industriel », entretien avec l’hebdomadaire L’Express, 6 avril 2011.

76 () Cité in « La moitié de l’industrie française dépend du Japon », Le Figaro économie, 29 mars 2011.

77 () International Traffic In Arms Regulations.

78 () Article 2 du décret n° 2011-100 du 24 janvier portant création du comité pour les métaux stratégiques (COMES).

79 () Livre blanc…, op. cit.

80 () Entretien au journal Les Échos, 30 juin 2010

81 () Livre blanc…, op. cit.

82 () Intervention dans le cadre du cercle Stratégia, 25 mai 2011.

83 () Audition par la Commission de Gérard Longuet, ministre de la défense, 3 mai 2011.

84 () Les diplômés peuvent rejoindre l’armée de terre, l’armée de l’air, la marine nationale, la gendarmerie nationale, le corps des ingénieurs de l’armement, celui des administrateurs de l’INSEE, le contrôle des assurances, le génie rural des eaux et forêts, le corps des ingénieurs des mines , les ponts et chaussées ou les télécommunications.

85 () Décret n° 2009-63 du 16 janvier 2009 portant statut particulier du corps des ingénieurs des mines.

86 () Décret n° 2009-1106 du 10 septembre 2009 portant statut particulier du corps des ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts.

87 () http://www.ax.polytechnique.edu/accueil/le-bureau-des-carrieres/le-bureau-des-carrieres-3565.kjsp?RF=1245335854699.

88 () Compte rendu de la 1e séance du 12 avril 2011, Assemblée nationale.

89 () Créée en 1794, l’école polytechnique avait vocation à donner à ses élèves une solide formation scientifique, appuyée sur les mathématiques, la physique et la chimie et les former pour entrer dans les écoles spéciales des services publics de l’État, comme l’École d’application de l’artillerie et du Génie, l’École des Mines ou celle des Ponts et Chaussées. En 1804, Napoléon lui donne un statut militaire qu’elle a conservé sauf entre 1817 et 1830.

90 () http://www.ensta-paristech.fr.

91 () www.isae.fr.

92 () La défense exerce la tutelle de Polytechnique depuis 1804, de l’école nationale supérieure des poudres depuis 1900, de SUPAÉRO depuis 1909, de l’école nationale supérieure de l’armement depuis 1936, de l’ENSICA depuis 1945 et de l’ENSIETA depuis 1971.

93 () Livre blanc…, op. cit.

94 () Sur un plan comptable, la Grèce a consacré 2,54 % de son PIB à sa défense. La dégradation de sa situation financière en 2010 et 2011 devrait cependant conduire à une diminution très forte de ce ratio.

95 () Décision 2011/411/PESC du Conseil du 12 juillet 2011 définissant le statut, le siège et les modalités de fonctionnement de l’agence européenne de défense et abrogeant l’action commune 2004/551/PESC.

96 () Ibid.

97 () Entretien, La Tribune, 6 juin 2011

98 () « Stratégie pour une industrie européenne de la défense plus forte et plus compétitive », Communication de la commission au Parlement européen, au Conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions, 5 décembre 2007

99 () « La participation de la France aux corps militaires européens permanents », rapport annuel de la Cour des Comptes, 2011.

100 () Déclaration conjointe, 7e sommet du Triangle de Weimar, Mettlach, 5 décembre 2006.

101 () « La conduite des programmes d’armement », rapport annuel de la Cour des Comptes, 2010.

102 () Yohann Droit, « L’European Fighter Aircraft : le rendez-vous manqué de la coopération aéronautique européenne 1978 – 1985 », in Histoire, Économie et Société, avril 2010.

103 () Stéphane Abrial, « Notre effort de défense doit être soutenu – Une planète conflictuelle non démilitarisée », in Le Monde, 14 septembre 2011.

104 () « Les États-Unis appellent l’OTAN à serrer les rangs face à la baisse des budgets », in L’Express, 5 octobre 2011.

105 () « La conduite des programmes d’armement », rapport annuel, Cour des Comptes, 2010

106 () Livre blanc…, op. cit.

107 () Strategic Defense and Security Review, Royaume-Uni, octobre 2010

108 () Ibid.

109 () Audition par la Commission le 18 mai 2011

110 () Étude d’impact sur le projet de loi du 23 février 2010 autorisant la ratification du traité entre la République française et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du nord relatif à des installations radiographiques et hydrodynamiques communes

111 () Préambule du traité, cité dans l’étude d’impact du projet de loi précité.

112 () Loi n° 2011-589 autorisant la ratification du traité entre la République française et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord relatif à des installations radiographiques et hydrodynamiques communes.

113 () Déclaration sur la coopération de défense et de sécurité ; source : www.elysee.fr

114 () Ibid.

115 () Audition par la Commission le 18 mai 2011.

116 () Ibid.

117 () Audition par la Commission le 24 mai 2011.

118 () Rapport annuel 2010 de Nexter.

119 () Audition par la Commission de Jean-Marie Poimboeuf, PDG de DCN, le 3 mai 2006.

120 () Audition par la Commission de Jean-Marie Poimboeuf, président du GICAN, le 2 mars 2011.

121 () La Tribune, 6 juin 2011.

122 () Intervention dans le cadre du cercle Stratégia, 25 mai 2011.

123 () Entretien, Defensenews, 26 juin 2011

124 () Entretien, Les Échos, 13 juillet 2011.

125 () « The truth is we couldn’t defend anything further than the other side of the Channel », Amiral Sandy Woodward, The Daily Mail, 14 juin 2011.

126 () Audition d’Antoine Bouvier le 18 mai 2011, op. cit.

127 () Iinstruction générale n° 125/DEF/EMA/PLANS/COCA – n° 1516/DEF/DGA/DP/SDM du 2 mars 2010.

128 () Ibid.

129 () Ibid.

130 () Allocution de l’amiral Édouard Guillaud, chef d’état-major des armées, ouverture de la 19e promotion de l’école de guerre, 12 septembre 2011.

131 () Général Elrick Irastorza, « Une armée de terre d’emploi », in Défense nationale n° 741, juin 2011.

132 () Projet annuel de performances pour 2011.

133 () Alinéa 335 du rapport annexé de la loi de programmation militaire pour les années 2009-2014.

134 () Arrêté du 25 mars 2011 portant création, organisation et fonctionnement du service interarmées des munitions.

135 () Instruction n° 1177/DEF/EMA/SLI relative à la politique interarmées d’acquisition de munitions dans les armées de terre, de mer, et de l’air, 29 janvier 2010.

136 () Ibid.

137 () Général Patrick Rouzeau, « Les hélicoptères dans l’armée de l’air », in Défense nationale n° 720, juin 2009.

138 () Arrêté du 11 août 2009 portant création du commandement interarmées des hélicoptères.

139 () Entretien, Defense news, 25 octobre 2010.

140 () Livre blanc…, op. cit.

141 () Audition de Patrick Pailloux, directeur général de l’ANSSI, par la Commission le 1er juin 2011.

142 () Elrick Irastorza, « Une armée de terre… », op. cit.

143 () Source : http://www.sipri.org/yearbook/2011/07.

144 () Livre blanc…, op. cit.

145 () Ibid.

146 () Ibid.

147 () Rapport d’information n° 3251, op. cit.

148 () Francis Gutman, « Pour la bombe », in Revue Défense nationale, juin 2010, n° 371, pp. 17 à 22.

149 () Strategic Defense and Security Review, octobre 2010.

150 () Le traité a été ratifié par le Parlement avec la loi n° 2011-589 du 26 mai 2011 autorisant la ratification du traité entre la République française et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord relatif à des installations radiographiques et hydrodynamiques communes.

151 () 7 de l’article 42 du Traité sur l’Union européenne.

152 () Audition de M. Laurent Collet-Billon le 5 octobre 2011, op. cit.

153 () Entretien, Defensenews, 26 juin 2011.

154 () « Delivering multi-role tanker aircraft capability », National Audit Office, 30 mars 2010.

155 () « Les externalisations dans le domaine de la défense », rapport d’information n° 3624 de la mission d’évaluation et de contrôle, Louis Giscard d’Estaing et Bernard Cazeneuve, rapporteurs, 5 juillet 2011.

156 () 2e séance du 4 novembre 2010.

157 () En application du nouveau traité START, le nombre de missile sera ramené à 20 mais le nombre de sous-marins restera identique.

158 () Ce classement est publié en ligne sur le site www.top500.org.

159 () Discours du Président de la République, Le Barp (Gironde), 14 octobre 2010.

160 () Instruction n° 566/DEF/DGA/DO/UM_TER relative aux missions et à l’organisation de l’unité de management « opérations d’armement terrestres » de la direction des opérations, 10 janvier 2011.

161 () Doctrine d’emploi des forces, PIA 00-200, septembre 2003.

162 () Livre blanc…, op. cit.

163 () www.defense.gouv.fr/terre

164 () Livre blanc…, op. cit.

165 () Cité par « Radiologicielle militaire : Thales prend son essor », Enjeux n° 301, février 2010, Afnor éditions.

166 () Doctrine d’emploi des forces, op. cit.

167 () Concept de guerre électronique, état-major des armées, PIA-03.164, 14 octobre 2008.

168 () Doctrine d’emploi des forces, op. cit.

169 () Organisation de la guerre électromagnétique, état-major des armées, PIA-03.361, 7 octobre 2008.

170 () Question au Gouvernement n° 2934, 3 février 2011.

171 () Général Elrick Irastorza, « Une armée de terre… », op. cit.

172 () Éditorial, Terre information magazine (TIM) n° 213, avril 2010.

173 () Général Elrick Irastorza, « Une armée de terre… », op. cit.

174 () Audition par la Commission du général Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées, 10 septembre 2008.

175 () « De nouveaux lance-flammes à roquettes pour l’armée de terre », Ria Novosti, 4 mars 2011.

176 () 5e  rencontres Terre-Défense, Assemblée nationale, 1er mars 2011.

177 () Chef de bataillon Devignon, « Le VBCI : outil de combat majeur d’une infanterie prête pour l’engagement », in Héraclès n° 39, juillet / août 2010.

178 () Ibid.

179 () Lieutenant-colonel Pinon, « L’emploi des blindés en zone urbaine : combien de tubes ? », in Héraclès n° 41, décembre 2010.

180 () Réponse à la question écrite n° 98 826, Journal officiel Assemblée nationale, 31 mai 2011.

181 () Audition par la Commission de Christian Mons, président du GICAT, 9 mars 2011.

182 () Réponse à la question écrite n° 98 826, Journal officiel Assemblée nationale, 31 mai 2011.

183 () Capitaine Tardy Joubert, « L’emploi de l’artillerie dans les opérations de contre-insurrection », in Héraclès n° 37, avril 2010.

184 () Décret n° 2011-737 du 28 juin 2011 pris pour l’application de la loi n° 2010-819 du 20 juillet 2010 tendant à l’élimination des armes à sous-munitions.

185 () Rapport annuel de Nexter.

186 () Audition par la Commission de Christian Mons, PDG de Panhard, 9 mars 2011.

187 () Audition par la Commission, 9 mars 2011, op. cit.

188 () Audition par la Commission de Luc Vigneron, PDG de Thales, 24 mai 2011.

189 () Audition par la Commission, 9 mars 2011, op. cit.

190 () Réponse du ministère de la défense à la question écrite n° 110278, Journal officiel, Assemblée nationale, 20 septembre 2011.

191 () Source : www.groupedci.com

192 () Entretien, La Tribune, 29 mars 2011.

193 () «Global military market. Financial war clouds : driving new opportunities and business models », Aman Pannu, Frost & Sullivan, juin 2011.

194 () www.who.int

195 () Doctrine d’emploi des forces, op. cit.

196 () Rapport annuel 2009 du CEA.

197 () 5e  rencontres Terre-défense, op. cit.

198 () Doctrine d’emploi des forces, op. cit.

199 () « Le Hawkeye, technologie de pointe », in Cols bleus n° 2 961, 11 décembre 2010.

200 () Doctrine d’emploi des forces, op. cit.

201 () 7e rencontres du naval de défense, Assemblée nationale, 8 décembre 2010.

202 () Réponse du secrétaire d’État au commerce extérieur à la question écrite n° 112 604, Journal officiel, Assemblée nationale, 20 septembre 2011.

203 () Cité par l’AFP, « La Russie pourrait déployer un navire de guerre Mistral aux Kouriles », 25 février 2011.

204 () « Les engins de débarquement amphibies », in Fantassins magazine n° 26, septembre 2011.

205 () Dossier d’information de la marine nationale.

206 () Entretien avec l’amiral Pierre-François Forissier, chef d’état-major de la marine, Defense News, 17 octobre 2010.

207 () Rapport d’information n° 3624 de la mission d’évaluation et de contrôle, op. cit.

208 () Doctrine d’emploi des forces, op. cit.

209 () Ibid.

210 () Ibid.

211 () Ibid.

212 () Entretien, Cols Bleus, 11 juin 2011.

213 () Entretien, The Daily Telegraph, 6 juin 2011.

214 () « Carrier Strike », National Audit Office, 7 juillet 2011.

215 () Cité par The Guardian, 1er juin 2011.

216 () « Carrier Strike », op. cit.

217 () Entretien, The Daily Telegraph, 6 juin 2011.

218 () Cols Bleus, n  29 72, 28 mai 2011.

219 () Entretien de l’amiral Pierre-François Forissier, chef d’état-major de la marine, Defense News, 17 octobre 2010.

220 () Ibid.

221 () Doctrine d’emploi des forces, op. cit.

222 () Cols bleus, n° 2 968, 26 mars 2011.

223 () Ibid.

224 () Rapport d’information n° 717 de la mission d’évaluation et de contrôle, « Le financement des projets d’équipement naval militaire », Bernard Cazeneuve et Jean-Michel Fourgous, rapporteurs, 13 février 2008.

225 () Doctrine d’emploi des forces, op. cit.

226 () Doctrine d’emploi des forces, op. cit.

227 () Capitaine de vaisseau Hervé Le Gall, « Le théâtre d’action des sous-marins nucléaires d’attaque s’est déplacé de la haute mer vers la terre », in Marine & océans, n°232, juillet-août-septembre 2011.

228 () « Sweden to boost high north air, naval defenses »,in Defense News, 2 décembre 2010

229 () Doctrine d’emploi des forces, op. cit.

230 () Entretien avec le Capitaine de Corvette Blanchard, Cols Bleus, n° 2 975, 9 juillet 2011.

231 () Cols Bleus, n° 2 968, 26 mars 2011.

232 () Livre Bleu « Stratégie nationale pour la mer et les océans », décembre 2009.

233 () Décret n° 2010-834 du 22 juillet 2010 relatif à la fonction de garde-côtes.

234 () « Hermès, un patrouilleur sans bourse délier pour la marine », Cols Bleus n° 2 959, 13 novembre 2010.

235 () Entretien avec le capitaine de vaisseau Lionel Mathieu, Cols bleus, 25 juin 2011.

236 () Entretien avec le capitaine de frégate Henri-Bénédict Trippier, Cols bleus, 15 octobre 2011.

237 () « The destruction of nine new Nimrod jets is folly », The Telegraph, 26 janvier 2011.

238 () « Russia will be delighted by Nimrod decision », The Telegraph, 27 janvier 2011.

239 () Audition par la Commission de l’amiral Pierre-François Forissier, chef d’état-major de la marine, 12 octobre 2010.

240 () Livre blanc…, op. cit.

241 () Audition par la Commission de Jean-Marie Poimboeuf, président du GICAN, 2 mars 2011.

242 () Entretien à Defense News, 11 octobre 2010.

243 () Réponse du ministre de la défense à la question écrite n° 103 471, Journal officiel, Assemblée nationale, 9 août 2011.

244 () Audition par la Commission du général Jean-Paul Paloméros, chef d’état-major de l’armée de l’air, 13 octobre 2010.

245 () « Contrôleurs de défense aérienne : missions en haute altitude », in Armées d’aujourd’hui, n° 355, novembre 2010.

246 () Livre blanc, op. cit.

247 () Séance du 9 décembre, Sénat.

248 () Cité in « Les conditions d’un engagement de la France dans la DAMB de l’OTAN », rapport d’information, commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, Sénat, 10 novembre 2010.

249 () Doctrine d’emploi des forces, op. cit.

250 () Entretien, Defense news, 26 juin 2011.

251 () www.defense.gouv.fr.

252 () Colonel Fabrice Jaouën, « Le drone tactique : élément de la puissance militaire », in Revue défense nationale, juin 2010, n° 731.

253 () Entretien, Defense news, 26 juin 2011.

254 () Audition par la Commission le 3 mai 2011.

255 () Conférence de presse du 8 juin 2011.

256 () Audition par la Commission de Gérard Longuet, ministre de la défense, 4 octobre 2011.

257 () Colonel Fabrice Jaouën, « Le drone tactique… », op. cit.

258 () Doctrine d’emploi des forces, op. cit.

259 () Général Jean-Pierre Martin et général Thierry Caspar-Fille-Lambie, « La projection par les airs, une mission au cœur des combats », in Défense nationale, n° 720, juin 2009.

260 () Livre blanc, op. cit.

261 () Concept interarmées de défense surface-air, PIA-03.122, 18 avril 2000.

262 () Concept national interarmées d’appui aérien, PIA n° 03-133, 3 juin 2005.

263 () Doctrine d’emploi des forces, op. cit.

264 () Séance du 4 novembre 2010, Assemblée nationale.

265 () Bureau du directeur parlementaire du budget du Canada, « Estimation de l’impact financier du projet d’achat d’avions de combat interarmées F-35 Lightning II », 10 mars 2011.

266 () Ibid.

267 () Traduction d’extraits du rapport budgétaire pour l’année fiscale 2012 de la commission des forces armées de la Chambre des représentants, 17 mai 2011.

268 () Rapport de la cour des comptes américaine sur le JSF, mars 2010.

269 () Le coût de propriété comprend le coût d’achat et le coût de maintenance en condition opérationnelle (préparation logistique initiale, exploitation et soutien ainsi que les révisions et les mises à niveau).

270 () Rapport de la cour des comptes américaine, op. cit.

271 () Concept interarmées de récupération de personnel isolé, PIA- 03.123, EMA, 6 janvier 2009.

272 () Ibid.

273 () Ibid.

274 () Vector Magazine, mars/avril 2011.

275 () Concept interarmées d’emploi des missiles de croisière, PIA-03.134, EMA, 31 mars 2010.

276 () Ibid.

277 () Concept interarmées de défense surface-air, PIA-03.122, 18 avril 2000.

278 () Air actualités n° 643, juillet-août 2011.

279 () Cité par le rapport d’information du Sénat, 10 novembre 2010, op. cit.

280 () Audition par la Commission, 18 mai 2011, op. cit.

281 () Décret n° 2010-1107 du 21 septembre 2010 autorisant le transfert au secteur privé de la propriété de la société SNPE et de ses filiales.

282 () Réponse du ministre de la défense à la question écrite n 105 446, Journal officiel, Assemblée nationale, 27 septembre 2011.

283 () Cité par le rapport d’information du Sénat, 10 novembre 2010, op. cit.

284 () « DAMB et contribution navale : quels enjeux ? », séminaire du CESM, 7 juin 2010.

285 () Cité par le rapport d’information du Sénat, 10 novembre 2010, op. cit.

286 () Livre blanc, op. cit.

287 () Cité par le rapport d’information du Sénat, 10 novembre 2010, op. cit.

288 () Ibid.

289 () Ibid.

290 () Ibid.

291 () Discours du Président de la République, Cherbourg, 21 mars 2008.

292 () Discours du Président de la République, Île Longue, 19 janvier 2006.

293 () Déclaration franco-britannique sur la coopération de défense et de sécurité du 2 novembre 2010.

294 () Cité par le rapport d’information du Sénat, 10 novembre 2010, op. cit.

295 () Colonel Jean-Luc Lefevre, « Vivre sans satellites », in Les cahiers de Mars, juin 2011 n°208.

296 () Arrêté du 7 juillet 2010 portant création du commandement interarmées de l’espace et modifiant l’arrêté du 16 février 2010 portant organisation de l’état-major des armées et fixant la liste des autorités et organismes directement subordonnés au chef d’état-major des armées.

297 () « L’utilisation de l’espace à des fins de défense et de sécurité », CIA – 3.3.10, CICDE, n° 197/DEF/CICDE/NP du 19 juillet 2010.

298 () Deuxième séance du 8 juin 2009, Assemblée nationale.

299 () Communication de la Cour des comptes à la commission des finances de l’Assemblée nationale sur « Le coût et les bénéfices attendus de l’externalisation au sein ministère de la défense » in rapport d’information n° 3141 « Le coût et les bénéfices attendus de l’externalisation au sein ministère de la défense », Louis Giscard d’Estaing, commission des finances, Assemblée nationale, 2 février 2011.

300 () « Mid-term review of the European satellite radio navigation programmes », rapport au Parlement et au Conseil, Commission européenne, 18 janvier 2011.

301 () Organisation de la guerre électromagnétique, état-major des armées, PIA-03.361, 7 octobre 2008.

302 () Audition par la Commission de Bernard Bajolet, coordonnateur national du renseignement, 26 janvier 2011.

303 () Livre blanc, op. cit.

304 () Audition du 26 janvier 2011, op. cit.

305 () « L’utilisation de l’espace… », op. cit.

306 () Ibid.

307 () Entretien au quotidien Les Échos, 6 septembre 2010.

308 () Non significatif.

309 () Non déterminée.