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N° 3810

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2011.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2012 (n° 3775),

TOME III

IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION

PAR M. Éric DIARD,

Député.

Voir le numéro : 3805 (annexe 27).

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2011 pour le présent projet de loi de finances.

À cette date, le ministère de l’Intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration avait transmis 91 réponses, soit 98,9 % des 92 questions posées. Ce pourcentage a été porté à 100 % avant l’examen des crédits en Commission.

INTRODUCTION 7

I. – L’IMMIGRATION, L’ASILE ET L’INTÉGRATION : DES DÉFIS MAJEURS DANS UN CONTEXTE DIFFICILE 11

A. LA NÉCESSITÉ DE MAÎTRISER DES FLUX MIGRATOIRES QUI S’INTENSIFIENT 11

1. Une forte pression migratoire aux frontières 11

a) Les stratégies évolutives des filières 11

b) L’impact du « printemps arabe » sur l’immigration irrégulière en France 12

2. Des résultats remarquables dans la lutte contre l’immigration clandestine 14

a) Les interpellations d’étrangers en situation irrégulière 15

b) Les refoulements à la frontière 15

c) La hausse des mesures d’éloignement effectivement exécutées au premier semestre 2011 16

d) Le démantèlement des filières 19

3. Un rééquilibrage de la nature des flux 20

a) Une immigration pour motifs professionnels mieux encadrée pour tenir compte des effets de la crise économique 20

b) Un léger recul de l’immigration familiale 22

c) L’attractivité de la France à l’égard des étudiants étrangers 23

B. UNE DEMANDE D’ASILE TRÈS DYNAMIQUE 25

1. Une tendance haussière qui se confirme en 2011 25

a) Une hausse continue depuis 2008 25

b) Les principaux pays d’origine 26

2. La France, deuxième pays d’accueil des demandeurs dans le monde 27

C. L’INTÉGRATION, COROLLAIRE D’UNE IMMIGRATION ACCEPTÉE ET APAISÉE 29

1. Le succès du contrat d’accueil et d’intégration 29

2. L’accès à la nationalité, aboutissement ultime du parcours d’intégration 31

a) Des acquisitions de la nationalité française en légère hausse en 2010 31

b) La généralisation des cérémonies d’accueil dans la citoyenneté française 32

c) La mise en œuvre des dispositions relatives au droit de la nationalité issue de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 33

II. – LES DOTATIONS POUR 2012 DE LA MISSION « IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION » : LA POURSUITE DES EFFORTS ENGAGÉS DEPUIS LE DÉBUT DE LA XIIIE LÉGISLATURE 34

A. UNE HAUSSE SIGNIFICATIVE DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2012 35

1. Des dotations supérieures aux prévisions de la loi de programmation des finances publiques 2011-2013 36

2. De forts besoins de financement constatés en exécution en 2011 37

B. LA FIN D’UN MINISTÈRE DE PLEIN EXERCICE, UN CHOIX QUI NE NUIT PAS À L’EFFICACITÉ 37

1. La conservation d’une administration d’état-major et d’une lisibilité budgétaire sur les questions d’immigration, d’asile et d’intégration 38

2. Le rattachement au ministère de l’Intérieur : une option cohérente sur le plan opérationnel 39

C. LA MAÎTRISE DE L’IMMIGRATION, VOLET TOUJOURS PRIORITAIRE 39

1. Les moyens affectés aux contrôles aux frontières 39

2. Un dispositif de rétention administrative dont la rénovation se poursuit 42

a) Les centres et locaux de rétention 42

b) L’assistance sanitaire et sociale aux personnes retenues 43

c) Un recours à la visioconférence et aux audiences délocalisées encore insuffisant 43

3. Des systèmes d’information et d’identification performants au service du contrôle et du suivi des flux migratoires 45

D. LA GARANTIE DU DROIT D’ASILE, UN DEVOIR AUX LOURDES INCIDENCES BUDGÉTAIRES 47

1. L’accueil des demandeurs, premier poste de dépense de la mission 47

a) Le réseau des centres d’accueil des demandeurs d’asile 48

b) Une sous-évaluation chronique des besoins de financement liés à l’allocation temporaire d’attente 50

c) Une revalorisation significative de la dotation prévue pour l’hébergement d’urgence 52

2. Les réformes engagées pour contenir les coûts 53

a) La régionalisation du premier accueil des demandeurs d’asile 54

b) Les efforts de l’Office français de protection des apatrides pour réduire la durée de traitement des dossiers 56

c) Le renforcement de la Cour nationale du droit d’asile en vue d’accélérer les procédures 57

E. L’INTÉGRATION ET L’ACCÈS À LA NATIONALITÉ, OBJECTIFS QUI DÉPENDENT MOINS DE FINANCEMENTS DIRECTS DE L’ÉTAT 60

1. Le rôle clé de l’Office français de l’immigration et de l’intégration dans l’accueil des immigrants 60

2. Le traitement des dossiers de naturalisation 63

EXAMEN EN COMMISSION 65

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS 91

SIGLES ET ABRÉVIATIONS 93

MESDAMES, MESSIEURS,

La XIIIe législature a été marquée par de profondes réformes de la politique française de l’immigration, de l’asile et de l’intégration, avec pour préoccupation permanente d’assurer un équilibre entre le respect de notre tradition d’accueil et d’intégration, d’une part, et la fermeté de la lutte contre l’immigration illégale, d’autre part. Fermeté et humanité sont les deux pans d’une même politique : c’est grâce à l’application rigoureuse des objectifs de lutte contre l’immigration clandestine que peut vivre la tradition d’accueil et d’intégration de la France.

Dès le début de son quinquennat, le Président de la République a fixé plusieurs priorités, dans le prolongement de son action en tant que ministre de l’Intérieur sous la précédente législature :

– le rééquilibrage entre l’immigration familiale et économique, au profit des flux professionnels favorables à l’économie française ;

– la création d’une administration centrale chargée de suivre l’ensemble du parcours d’un étranger candidat à l’immigration en France, depuis l’accueil au consulat jusqu’à l’intégration dans notre pays et l’éventuel accès à la nationalité française ;

– le renforcement de la lutte contre l’immigration illégale, au moyen notamment d’une augmentation du nombre d’éloignements effectivement réalisés et de l’intensification du démantèlement des filières et de la répression du travail clandestin ;

– la relance de la politique d’intégration, autour d’un contrat d’accueil et d’intégration plus contraignant et au contenu plus dense ;

– la promotion du développement solidaire et de la gestion concertée des flux migratoires, c’est-à-dire d’une politique migratoire fondée sur la coopération avec les pays d’origine ;

– la définition d’une politique de gestion des flux migratoires à l’échelon européen.

Fin 2011, à l’approche de la fin de la législature, le bilan qui peut être dressé démontre que des résultats tangibles ont été obtenus sur tous ces points.

La maîtrise de l’immigration familiale a été renforcée, dans le respect des engagements internationaux de la France et des principes républicains, grâce à l’introduction de nouvelles exigences dans notre législation, visant à favoriser l’intégration de ces migrants dans la société française. Le nombre de titres délivrés pour motif familial à des ressortissants de pays tiers à l’Union européenne et à l’Espace économique européen a ainsi nettement diminué entre 2007 et 2010 (- 6,08 %). Au cours de la même période, l’immigration économique a cru de 51,63 % et l’attractivité de notre territoire pour les étudiants étrangers a été considérablement renforcée (+ 28,1 %). Compte tenu des effets de la crise économique mondiale, il est cependant apparu nécessaire d’adapter le flux de l’immigration professionnelle aux évolutions du marché de l’emploi français, ce qui a été fait grâce une circulaire du ministre de l’Intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration et du ministre du Travail, de l’emploi et de la santé du 31 mai 2011 et à l’adoption, en août dernier, d’une liste plus circonscrite des métiers dits « en tension », pour l’exercice desquels la situation de l’emploi n’est pas opposée.

Entre 2007 et 2009, une administration d’état-major chargée de l’ensemble de la politique migratoire a été créée, en regroupant des administrations, des services et des prérogatives jusque-là éparpillées entre le ministère de l’Intérieur, le ministère des Affaires étrangères, le ministère des Affaires sociales et le ministère de la Justice. Cette administration, placée sous la tutelle du ministère de l’Immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire jusqu’en novembre 2010, est passée sous celle du ministère de l’Intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration à cette date. L’innovation constituée par le regroupement des administrations en charge de l’immigration au sein d’une structure unique a été pérennisée, dans le cadre d’un secrétariat général à l’immigration et à l’intégration, au périmètre inchangé.

La lutte contre l’immigration illégale s’est intensifiée, comme en atteste notamment la hausse considérable du nombre d’éloignements effectifs depuis le territoire métropolitain, qui est passé de 23 196 en 2007 à 28 026 en 2010 (soit + 20,86 %). En 2011, le ministre de l’Intérieur a revalorisé l’objectif fixé, en le portant à 30 000 éloignements. Les chiffres du premier semestre 2011 laissent présager que cet objectif sera atteint. Cela représenterait plus du triple du nombre d’éloignements réalisés en 2001 (9 227).

Le contrat d’accueil et d’intégration, rendu obligatoire à compter du 1er janvier 2007, a vu son contenu s’étoffer et, depuis 2003, ce sont plus de 612 000 personnes qui en ont bénéficié. Le nombre d’étrangers ayant obtenu un diplôme initial de langue française (DILF) dans ce cadre n’a cessé de croître (15 101 en 2009, contre 10 000 en 2008 et 2 900 en 2007).

Au 30 juin 2011, quinze accords de gestion concertée des flux migratoires ont été signés, renforçant la coopération de la France avec les pays signataires en matière d’organisation de la migration légale, de lutte contre l’immigration irrégulière et de synergie entre la migration et le développement. Les actions de développement solidaire se sont également développées, permettant de soutenir plusieurs projets d’aide au retour de migrants souhaitant se lancer dans des activités économiques.

La coopération européenne sur ces questions s’est aussi renforcée, comme le montre l’adoption, à l’unanimité des États membres, du Pacte européen sur l’immigration et l’asile, le 16 octobre 2008, durant la présidence française de l’Union européenne et les 29 mesures adoptées, à l’initiative de la France, lors du Conseil « Justice et affaires intérieures » des 25 et 26 février 2010 visant à renforcer la protection des frontières extérieures et à lutter contre l’immigration clandestine.

À travers ces évolutions, la France reste fidèle à sa tradition d’accueil et d’intégration : en 2010, 188 387 titres de séjours ont été délivrés à des ressortissants de pays tiers à l’Union européenne. Une part significative de ces étrangers a vocation à entrer dans la communauté nationale, comme le démontre le fait que, la même année, le nombre d’étrangers ayant obtenu la nationalité française – stade ultime de l’intégration – est de 143 275. Par ailleurs, la France pays reste, avec plus de 55 000 demandes en 2010, le second pays d’accueil des demandeurs d’asile dans le monde, derrière les États-Unis.

La mission « Immigration, asile et intégration », composée de deux programmes (« Immigration et asile » et « Intégration et accès à la nationalité française ») est la traduction budgétaire de ces orientations. En dépit du contexte budgétaire difficile dans lequel la mission s’inscrit, les montants demandés pour 2012 connaissent une revalorisation substantielle, de plus de 12 % par rapport à 2011. Cette hausse, qui conduira les dotations à excéder de 13,8 % en crédits de paiement ce qui était prévu dans le cadre de la programmation des finances publiques pour la période 2011-2013, résulte de la poursuite de l’augmentation de la demande d’asile adressée à notre pays. Celle-ci entraîne un accroissement significatif des dépenses liées à l’accueil des demandeurs d’asile et de forts besoins de financement.

Le principal enjeu budgétaire de la mission est incontestablement la réduction de la durée des procédures d’examen, par l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides et par la Cour nationale du droit d’asile, des demandes d’asile. Si la demande d’asile, qui est une donnée exogène, ne recule pas en 2012, seule cette réduction des délais permettra de maîtriser les dépenses liées à l’accueil des demandeurs. À cet égard, on ne peut que se féliciter des nouveaux recrutements prévus pour renforcer les moyens de ces deux instances, qui se combineront aux efforts de productivité déjà réalisés et à poursuivre. Ces recrutements démontrent que le Gouvernement, même dans un contexte budgétaire fortement contraint, sait accorder les moyens nécessaires à la poursuite des priorités de son action.

I. – L’IMMIGRATION, L’ASILE ET L’INTÉGRATION : DES DÉFIS MAJEURS DANS UN CONTEXTE DIFFICILE

Le contexte dans lequel s’inscrit la mission « Immigration, asile et intégration » en 2012 est difficile. D’une part, la nécessité de redresser les comptes publics impose de réduire les dépenses et donc de trouver de nouvelles sources d’économies. D’autre part, la part la plus importante des crédits de la mission correspond à des dépenses impératives, sur lesquelles l’État a peu de prise, liées au nombre de personnes sollicitant la reconnaissance du statut de réfugié dans notre pays. De plus, le contexte international et les bouleversements politiques intervenus sur la rive sud de la Méditerranée ont accru la pression migratoire à nos frontières, rendant inenvisageable que les moyens consacrés à la lutte contre l’immigration clandestine puissent être diminués.

A. LA NÉCESSITÉ DE MAÎTRISER DES FLUX MIGRATOIRES QUI S’INTENSIFIENT

Les filières et les flux d’immigration irrégulière constituent un défi évolutif, auquel l’action des services de lutte contre l’immigration clandestine a su s’adapter, comme l’attestent notamment les hausses importantes du nombre d’éloignements effectifs réalisés et des interpellations d’étrangers en situation irrégulière au premier semestre 2011.

1. Une forte pression migratoire aux frontières

a) Les stratégies évolutives des filières

La lutte contre les réseaux de trafiquants de migrants en 2009 et 2010 a mis en évidence une évolution du phénomène migratoire irrégulier organisé. Les clandestins et les réseaux de trafiquants de migrants ont en effet définitivement intégré l’idée que l’espace Schengen est une zone globale et non plus une juxtaposition d’États nations. Dorénavant les filières notamment indo-pakistanaises, vietnamiennes, chinoises et africaines ont recours à l’obtention de visas de n’importe quel État Schengen pour avoir un point d’entrée légal en Europe et pouvoir y évoluer sans crainte.

Ceci multiplie également les routes de mobilité sur le continent européen, faisant de la France dorénavant un carrefour des flux suivant des axes Sud-Nord/Nord-Sud et Est-Ouest/Ouest-Est. Ces flux croisés vers nos voisins limitrophes s’additionnent à ceux désormais établis vers le Royaume-Uni et les pays scandinaves.

Malgré les évolutions observées et son statut de zone de transit, la France demeure un pays choisi pour une installation durable. En outre, si de plus en plus de ressortissants de pays tiers parviennent à atteindre le territoire de façon légale, la question du maintien illégal reste un sujet de préoccupation. Le recours à des documents contrefaits ou falsifiés, les tentatives d’obtention indue de documents administratifs mais également divers stratagèmes comme le mariage de complaisance ou la fausse reconnaissance de paternité constituent des méthodes toujours largement utilisées.

Les réseaux d’aide à l’immigration irrégulière, suivant cette logique, ont de plus en plus recours à la recherche d’obtention indue de vrais documents administratifs de séjour et de voyage. Les réseaux fournissent à leurs « clients » des dossiers clé en main constitués de fausses attestations (certificat de naissance, mariage, travail, ressources, domicile, etc.) pour obtenir des visas authentiques à l’étranger, et, une fois sur le sol européen, des titres de séjour ou de nationalité authentiques. Le recours accru à ce mode opératoire complexifie la tâche des services étatiques qui se doivent de mener désormais des actions concertées.

b) L’impact du « printemps arabe » sur l’immigration irrégulière en France

Depuis le mois de février 2011, l’Italie est confrontée à un phénomène d’immigration massive par voie maritime, conséquence, principalement, des changements politiques intervenus récemment dans plusieurs pays du Maghreb et du Proche-Orient. Cet afflux massif n’est pas sans conséquence pour la France, une part importante de ces migrants ayant ensuite cherché à entrer sur notre territoire, via la frontière italo-française principalement.

• Des arrivées massives de ressortissants tunisiens en Italie

Entre le 1er janvier 2011 et fin septembre 2011, les autorités italiennes ont comptabilisé l’arrivée sur leurs côtes de 60 866 migrants clandestins dont 53 304 hommes, 3 465 femmes, et 4 097 mineurs (dont 3 822 non accompagnés). 28 006 d’entre eux sont des ressortissants tunisiens dont la grande majorité (23 310) sont arrivés entre les mois de février et le mois d’avril 2011.

À partir du mois de mai 2011, on a pu assister progressivement à un tarissement du flux des arrivées en provenance de Tunisie. Cette évolution est à mettre sur le compte de la signature, le 5 avril 2011, d’un accord entre les autorités italiennes et tunisiennes, au titre duquel ces dernières s’engageaient, d’une part, avec l’aide des autorités italiennes qui leur ont fourni des vedettes rapides, à patrouiller dans leurs eaux territoriales et à ramener vers leurs côtes les embarcations chargées de migrants et, d’autre part, à reprendre en charge, à raison de 60 personnes par jour, des migrants tunisiens interceptés à leur arrivée sur les côtes italiennes et rapatriés immédiatement par voie aérienne.

En revanche, depuis le mois d’août 2011, cette tendance s’est inversée et on observe une augmentation soutenue des débarquements de migrants (1 588 en août et 1 614 en septembre contre 267 en juillet). Mettant cette évolution sur le compte d’un relâchement dans la surveillance des eaux territoriales tunisiennes, pouvant s’expliquer en raison du ramadan, les autorités italiennes se sont montrées confiantes dans la mesure où l’accord a continué à être respecté par la partie tunisienne puisqu’elle a procédé à des interceptions et a pris charge des migrants rapatriés par voie aérienne depuis l’Italie. Ceci étant, trois semaines après la fin du ramadan, il était constaté le maintien d’un flux intense pouvant s’expliquer par une sous-adaptation du dispositif tunisien par rapport à une pression qui irait en s’accroissant et en se durcissant, comme pourraient le laisser penser les tensions survenues entre migrants et forces de l’ordre italiennes, le 21 septembre 2011, au centre d’accueil de Lampedusa.

Selon les autorités italiennes, l’origine de ces incidents serait la mise en œuvre d’un nouvel accord obtenu par les autorités italiennes, lors la rencontre italo-tunisienne qui s’est tenue le 12 septembre 2011, permettant l’augmentation des opérations de rapatriements de migrants clandestins tunisiens, sur la base de 10 vols hebdomadaires et de 100 citoyens tunisiens rapatriés par jour. Ce plan extraordinaire a été entériné pour une durée de 3 semaines, dont l’échéance était fixée le 6 octobre dernier, ce qui a permis le retour de 1 490 citoyens tunisiens supplémentaires vers la Tunisie. Il semblerait que cet accord extraordinaire de rapatriement ait entraîné un effet dissuasif sur les arrivées en provenance de Tunisie.

• Les conséquences migratoires pour la France

Ces arrivées massives ont entraîné, en France, une hausse considérable des interpellations de ressortissants tunisiens au cours du premier semestre 2011 (6 811, soit + 110,7 % par rapport à la totalité des interpellations de ressortissants tunisiens en 2010, qui s’est élevée à 3 232). Fin août 2011, ces interpellations s’élevaient à 10 674 ressortissants tunisiens pour l’ensemble du territoire métropolitain, dont 8 147 entre janvier et juillet 2011 dans les cinq départements frontaliers de l’Italie.

Pour faire face à cette situation, des coopérations étroites ont été mises en œuvre avec les autorités frontalières italiennes afin d’assurer la gestion des réadmissions dans les meilleurs délais (que ce soit à Modane, Vintimille, Chamonix ou Montgenèvre).

Sur le plan politique, ces événements ont entraîné certaines tensions entre la France et l’Italie, en raison de la décision des autorités italiennes de délivrer des titres de séjour provisoire aux ressortissants tunisiens arrivés illégalement.

Ces tensions bilatérales se sont apaisées lors du sommet franco-italien du 26 avril 2011, à l’issue duquel le Président de la République et le président du Conseil italien ont adressé au président de la Commission européenne un courrier commun. Ils y ont exprimé leur souhait qu’un ajustement des accords de Schengen soit opéré, afin de permettre un rétablissement temporaire des contrôles aux frontières intérieures en cas de difficultés exceptionnelles dans la gestion des frontières extérieures communes. L’ajustement souhaité ne constitue nullement une remise en cause du principe de libre circulation des personnes, qui est l’un des principaux acquis de l’Union et de la construction de l’espace Schengen, mais une simple révision des clauses de sauvegarde afin de faire face à des situations exceptionnelles.

La Commission européenne a déposé, le 19 septembre 2011, une proposition de règlement relative à la réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures dans des circonstances exceptionnelles (1). Cette proposition vise à réformer la procédure prévue dans le « code frontières Schengen » pour la réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures. Actuellement, le rétablissement des contrôles est possible en cas de menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure, selon deux procédures distinctes, l’une applicable en cas d’événements prévisibles, l’autre dans les cas nécessitant une action urgente. La Commission européenne propose d’y ajouter un motif et une procédure spécifique de rétablissement en cas de manquements graves persistants dans le contrôle aux frontières extérieures ou les procédures de retour. Si cet ajout est bienvenu, il n’en va pas de même de la proposition de « communautariser », en confiant la décision de rétablissement à la Commission elle-même, les procédures existantes en cas d’atteinte à l’ordre public ou à la sécurité intérieure. C’est pour cette raison que la commission des Affaires européennes de l’Assemblée nationale a déposé une proposition de résolution européenne portant avis motivé sur la conformité au principe de subsidiarité (2) de la proposition de règlement, précitée, qui a été considérée comme adoptée par la commission des Lois le 12 octobre dernier.

En ce qui concerne les arrivées en provenance de Libye (28 307 migrants principalement originaires de pays de la Corne de l’Afrique et des pays subsahariens ayant transité ou résidé dans ce pays), on relève depuis mi-août, un tarissement de ce flux, cette tendance étant sans nul doute liée à l’évolution du conflit dans ce pays et à l’effondrement du régime du colonel Kadhafi.

2. Des résultats remarquables dans la lutte contre l’immigration clandestine

L’efficacité des services de l’État en matière de contrôle des flux migratoires aux frontières peut être appréciée à travers trois catégories d’indicateurs :

– le nombre d’interpellations d’étrangers en situation irrégulière sur le territoire national, c’est-à-dire dépourvus de documents leur permettant de séjourner en France ;

– le nombre de refus d’admission sur le territoire français, retraçant les notifications d’interdiction d’accès au sol national adressées soit au moment de la présentation des intéressés à la frontière, soit à l’issue de leur placement en zone d’attente ;

– enfin, les mesures administratives ou judiciaires d’éloignement effectivement exécutées.

a) Les interpellations d’étrangers en situation irrégulière

En ce qui concerne le premier de ces indicateurs, les données chiffrées soulignent que le nombre d’interpellations a connu une forte hausse depuis 2004, pour aboutir à un niveau supérieur à 80 000 fin 2008. Un repli s’est amorcé en 2009 et s’est largement confirmé en 2010. L’essentiel des interpellations s’opérant dans les départements du Nord et de l’Est de la France, l’explication de ce recul est à rechercher dans les conséquences du démantèlement de la « jungle » à Calais. La pression migratoire dans cette région a diminué de moitié dans les mois qui ont suivi, sans que l’on observe un report quelconque dans les collectivités limitrophes ou vers la couronne parisienne.

Au premier semestre 2011, on observe cependant une augmentation de 13,4 % par rapport au premier semestre 2010. Si dans le Calaisis et le Nord, la pression migratoire continue de diminuer (- 7,4 %), la tendance est à la hausse au sein des zones Sud (+ 33 %) et Sud-est (+ 42,6 %). Cette augmentation est liée aux arrivées massives de ressortissants tunisiens, soulignée précédemment (+ 110,7 % par rapport à la totalité des interpellations en 2010) faisant suite aux événements politiques dans ce pays. Dans le classement par nationalités des étrangers interpellés en situation irrégulière, la nationalité tunisienne arrive ainsi largement en tête (6 811) au premier semestre 2011, devant la nationalité afghane (3 173), qui occupait la tête de ce classement depuis 2008.

ÉVOLUTION DU NOMBRE D’INTERPELLATIONS D’ÉTRANGERS
EN MÉTROPOLE EN SITUATION IRRÉGULIÈRE DEPUIS 2004

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

1er semestre 2011

44 545

63 681

67 130

69 879

82 557

77 413

58 010

33 282

Source : ministère de l’Intérieur – Direction centrale de la police aux frontières (DCPAF)

b) Les refoulements à la frontière

Le deuxième indicateur, relatif aux refus d’admission, a connu une évolution contrastée ces dernières années. Depuis 2006, il était dans une phase de diminution (sous réserve d’une légère reprise en 2008), y compris s’agissant des réadmissions simplifiées, qui concernent les renvois simples effectués, en vertu d’accords bilatéraux de réadmission, sans délai par les services de police, par délégation de l’autorité préfectorale sans qu’aucune formalité particulière ne soit mise en œuvre. Cette tendance baissière s’était accentuée en 2010, avec l’entrée de la Suisse dans l’espace Schengen, opérée en décembre 2008 pour la frontière terrestre et en mars 2009 pour la frontière aérienne. Cette évolution s’est cependant inversée au premier semestre 2011 (+ 6 %). Cette hausse touche toutes les frontières, la plus forte augmentation (+ 37 %) étant enregistrée sur le vecteur ferroviaire en provenance du Royaume-Uni.

ÉVOLUTION DES REFOULEMENTS À LA FRONTIÈRE EN MÉTROPOLE DEPUIS 2002

 

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

1er semestre 2011

Nombre de refus d’admission

26 787

20 278

20 893

23 542

21 235

16 374

17 628

15 819

10 456

5 205

Nombre de réadmissions simplifiées

16 156

11 945

12 339

12 379

12 892

10 219

11 844

11 178

9 255

6 263

Total

42 943

32 223

33 232

35 921

34 127

26 593

29 472

26 997

19 711

11 468

Source : ministère de l’Intérieur – direction centrale de la police aux frontières (DCPAF)

c) La hausse des mesures d’éloignement effectivement exécutées au premier semestre 2011

Depuis 2005, les mesures de reconduites effectives à la frontière (3) réalisées depuis la métropole sont passés de 19 841 mesures exécutées à 28 026 pour l’année 2010 (en baisse de 4,45 % par rapport aux 29 288 éloignements effectués en 2009). En 2001, 9 227 éloignements avaient été réalisés. On observe donc depuis dix ans une hausse de 203,7 % correspondant à plus qu’un triplement en dix ans. Au cours du premier semestre 2011, 14 751 reconduites ont été réalisées, contre 14 434 au cours de la même période en 2010 (+ 2,2 %).

L’objectif fixé pour 2010 (28 000 éloignements) a donc été légèrement dépassé. Il devrait en être de même, et plus largement, en 2011. Cet objectif a d’ailleurs été revu à la hausse par le ministre de l’Intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, M. Claude Guéant, qui a décidé de fixer à ses services une cible plus ambitieuse, en portant ce chiffre à 30 000 éloignements, en juillet 2011. Cela constituerait le meilleur résultat historiquement enregistré en matière d’éloignement.

L’objectif retenu pour l’année prochaine reste cependant identique à celui de 2011 (28 000) dans le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2012.

Le nombre de départs volontaires parmi ces mesures est en augmentation en 2010 (8 404) par rapport à 2009 (8 268). Cette tendance à la hausse se confirme au premier semestre 2011 (5 876 départs volontaires) et l’objectif fixé, à savoir que la part des retours volontaires représente 33 % des reconduites effectives à la frontière, devrait être atteint. En 2010, les Irakiens ont été les principaux bénéficiaires de l’aide au retour volontaire, suivis par les Chinois, les Russes, les Afghans et les Algériens. S’agissant de l’aide au retour humanitaire (qui concerne tous les étrangers en situation de dénuement et de grande précarité, y compris les ressortissants d’un État membre de l’Union européenne), les Roumains sont les principaux bénéficiaires, suivis par les Bulgares, les Brésiliens, les Russes, les Algériens et les Moldaves.

Néanmoins, un nombre trop élevé de mesures d’éloignement forcé reste inexécuté. En 2009, les 29 288 mesures exécutées ne représentent que 30,92 % des 94 693 mesures prononcées. En 2010, le taux d’exécution a connu une légère hausse, passant à 33,22 % (28 026 mesures exécutées sur 84 346 prononcées). Au premier semestre 2011, ce taux a légèrement fléchi et se situe à 29,49 % (14 751 mesures exécutées sur 50 008 prononcées).

Les causes de cette situation sont récurrentes et bien connues.

• La non-délivrance des laissez-passer consulaires

La première est la non-délivrance des laissez-passer consulaires (LPC), indispensables pour une réadmission des étrangers dépourvus de documents de voyage dans leur pays d’origine. Elle a représenté 33,8 % des échecs en 2009 et 35,51 % en 2010. Le taux global de délivrance de LPC, dans les délais utiles de la rétention, a été de 32,75 % en 2010, contre 31,29 % en 2009. En 2005, il était de 45,7 %. Au cours du premier semestre de 2011, ce taux de délivrance utile est de 27,60 %, contre 33,25 % à la même période de 2010.

Pour remédier à cette situation, une première piste consiste à négocier avec les pays concernés des accords de gestion concertée des flux migratoires. Une liste des pays dont les taux de délivrance de LPC ne sont pas jugés satisfaisants, pouvant faire l’objet de mesures de rétorsion, a également été adoptée. Huit pays (4) ont été inscrits sur cette liste, auxquels il a été rappelé la nécessité d’une réelle amélioration des taux de délivrance des LPC, sous peine d’un durcissement des contrôles par les autorités françaises dans la délivrance des visas à leurs ressortissants. Un premier train de mesures de rétorsion a été adopté à l’égard de sept des pays concernés, consistant en une réduction de 30 % du contingent de carburant détaxé alloué à leurs représentations diplomatiques et consulaires.

Une centralisation des demandes de délivrance pour certaines nationalités a également été mise en place, avec un suivi par des services spécialisés : l’unité centrale d’identification (UCI) de la direction centrale de la police aux frontières, qui centralise les demandes relatives à 38 pays, jusqu’à fin août 2010, puis 21 à compter de cette date, et le bureau du soutien opérationnel et du suivi du secrétariat général à l’immigration et à l’intégration, qui assure la gestion des demandes concernant l’Azerbaïdjan, le Kosovo, Haïti, la Côte d’Ivoire et la Russie. Les taux d’obtention des LPC dans les délais utiles sont significativement supérieurs pour les pays faisant l’objet de cette centralisation : le taux global pour les 21 pays suivis par l’UCI est de 42,15 % en 2010 et de 42,90 % au premier semestre 2011.

La troisième voie permettant de réduire cette cause d’échec est l’augmentation de la durée maximale durant laquelle un étranger peut être maintenu en rétention, qui a été portée de 32 à 45 jours par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité. Il est encore trop tôt pour constater les effets de cette modification sur le taux d’exécution des éloignements prononcés, mais ils devraient être significatifs.

• Les décisions juridictionnelles défavorables

La seconde des causes principales d’échec des éloignements résulte de décisions juridictionnelles défavorables, qu’il s’agisse de refus par le juge de la détention et des libertés de demandes de prolongation de rétention (27,2 % des causes d’échec en 2009, 35,59 % en 2010) ou d’annulations par le juge administratif de mesures ou décisions fixant le pays de renvoi (6,5 % des échecs en 2009, 5,9 % en 2010).

Sur ce point, la réforme du contentieux de l’éloignement opéré par la loi du 16 juin 2011 constitue une importante amélioration. Elle a mis fin à l’enchevêtrement des procédures administratives et judiciaires. Désormais, le juge administratif intervient avant le juge des libertés et de la détention. Le juge administratif dispose de cinq jours pour statuer sur la régularité du séjour, l’obligation de quitter le territoire, l’accord du bénéfice d’un retour volontaire, le placement en rétention administrative et l’interdiction de retour. Ce n’est qu’à l’issue de ce délai de cinq jours que le juge des libertés et de la détention est saisi pour se prononcer sur la validité de la rétention.

Une seconde voie consiste à assurer une meilleure représentation de l’État devant les juridictions administratives et judiciaires. À cette fin, des « pôles interservices éloignement » (PIE) ont été mis en place, à titre expérimental à compter du 1er janvier 2009, au bénéfice des préfectures plaçant des étrangers en situation irrégulière dans l’un des centres de rétention administrative suivants : Lille-Lesquin I et II, Lyon Saint-Exupéry, Saint-Jacques-de-la-Lande et Toulouse-Cornebarrieu. En 2010, trois préfectures supplémentaires ont été intégrées dans ce dispositif : la préfecture de la Moselle, la préfecture de la Seine-et-Marne et celle des Bouches-du-Rhône. Ces pôles visent, d’une part, à assurer une représentation systématique de l’État devant les juridictions judiciaires et administratives et, d’autre part, à améliorer la gestion opérationnelle de la reconduite. Le taux de performance, c’est-à-dire le rapport entre le nombre d’étrangers reconduits et le nombre d’étrangers en situation irrégulière placés en rétention administrative, des centres de rétention administrative dotés d’un PIE est sensiblement supérieur (42 %) à celui de l’ensemble des centres de rétention administrative (37 %), démontrant l’efficacité de ce dispositif.

• Les suites de l’arrêt El Dridi de la Cour de justice de l’Union européenne

En matière d’éloignement, il conviendra, par ailleurs, de suivre avec attention les conséquences de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 28 avril 2011, El Dridi (C-61/11 PPU). La Cour y a jugé que la législation italienne, qui prévoit l’infliction d’une peine d’emprisonnement à un ressortissant de pays tiers en séjour irrégulier pour le seul motif que celui-ci demeure, en violation d’un ordre de quitter le territoire de cet État membre dans un délai déterminé, sur ledit territoire sans motif justifié, est incompatible avec les articles 15 et 16 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (dite « directive retour »).

La portée de cet arrêt ayant fait l’objet d’interprétations divergentes de la part de diverses cours d’appel, le garde des Sceaux a adressé, le 12 mai 2011, une circulaire aux premiers présidents des cours d’appel et aux procureurs généraux près les cours d’appel, sur cette décision. Il y indique notamment que le placement en garde à vue sur le fondement de l’article L. 621-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers en France (CESEDA), qui fait de l’entrée et du séjour irrégulier un délit punissable d’un an d’emprisonnement d’une amende de 3 750 euros, n’est nullement remis en cause par cet arrêt, puisque cette incrimination est indépendante de toute décision d’éloignement. Par ailleurs, il y précise dans quels cas un placement en garde à vue reste possible sur le fondement de l’article L. 624-1 du même code (5).

La Cour de justice est cependant saisie, depuis le 27 juin 2011, d’une demande de décision préjudicielle présentée par la Cour d’appel de Paris, dans l’affaire Achghbabian/Préfet du Val de Marne (C-329/11), par laquelle la juridiction française demande à la Cour si les dispositions de la « directive retour » sont opposables à l’article L. 621-1 du CESEDA. La Cour, ayant accepté de statuer sur cette affaire selon la procédure accélérée, devrait rendre sa décision avant la fin de l’année 2011.

d) Le démantèlement des filières

Au cours de l’année 2010, 183 filières ont été démantelées. 147 l’ont été par la police aux frontières (26 par l’office central pour la répression de l’immigration irrégulière et de l’emploi d’étrangers sans titre [OCRIEST] et 121 par les services territoriaux), 28 par la gendarmerie nationale, 5 par la préfecture de police, et 3 par la police judiciaire. Ce résultat, qui permet d’approcher l’objectif annuel fixé par le ministère de l’Intérieur à 91,50 %, est en augmentation de 26 % par rapport aux 145 filières démantelées de 2009.

Au cours des six premiers mois de l’année 2011, 115 filières ont été démantelées : 102 l’ont été par la police aux frontières (18 par l’OCRIEST et 84 par les services territoriaux), 7 par la gendarmerie nationale et 6 par la préfecture de police.

3. Un rééquilibrage de la nature des flux

Depuis son élection en mai 2007, le Président de la République a assigné au Gouvernement l’objectif de rééquilibrer les flux migratoires à destination de la France, en faisant une plus large place à l’immigration pour motifs professionnels et aux étudiants étrangers. Ce rééquilibrage vise à adapter l’immigration légale aux besoins comme aux capacités d’accueil et d’intégration de la société française. Compte tenu des effets de la crise économique mondiale, il est apparu nécessaire, au cours des derniers mois, d’adapter le flux de l’immigration professionnelle aux évolutions du marché de l’emploi français. L’orientation fondamentale de rééquilibrage entre immigration professionnelle et familiale n’est cependant nullement remise en cause.

a) Une immigration pour motifs professionnels mieux encadrée pour tenir compte des effets de la crise économique

Les chiffres de l’immigration professionnelle montrent une diminution de la délivrance des cartes de séjour entre 2009 et 2010 puis une hausse en 2011.

Le total des titres délivrés pour l’immigration professionnelle atteint 22 826 en 2010 contre 23 759 en 2009, et 15 328 pour le premier semestre 2011 contre 13 077 pour la même période en 2010. Les données relatives à l’année en cours demeurent cependant provisoires.

Le pourcentage des étrangers admis au séjour au titre de l’immigration de travail, qui était de 21,4 % en 2008, a décru à 19 % en 2009, puis est reparti à la hausse en 2010, pour s’établir à 20 %. La prévision pour 2011 s’établit à 21 %.

La carte de séjour « compétences et talents » a été délivrée à 686 ressortissants étrangers en 2009 et 317 en 2010, soit une baisse significative de 54 %. Elle a concerné en premier lieu des projets de nature économique, en deuxième lieu artistique et en troisième lieu scientifique. La baisse constatée semble imputable principalement aux effets de la crise économique.

La carte « salarié en mission » a suivi une trajectoire différente de la carte « compétences et talents ». Elle a été délivrée à 1 989 ressortissants étrangers en 2009. Sur l’année 2010, 2 225 ressortissants étrangers en ont bénéficié, ce qui représente une progression de 11 %. Si on constate un ralentissement de la progression depuis 2008, après une hausse de 30 % entre 2008 et 2009, il est confirmé que cette carte satisfait les attentes des acteurs économiques. Les données provisoires pour 2011 montrent l’amorce d’une reprise avec une hausse de 24,9 % du nombre total de titres délivrés, en comparaison avec le premier semestre de l’année précédente (916 cartes en 2010 et 1 144 en 2011).

En revanche, la carte « saisonnier » a été nettement moins délivrée en 2010 qu’en 2009. 1 040 nouveaux étrangers en ont bénéficié, contre 2 167 en 2009, soit une baisse de 52 %. La tendance se confirme en 2011 avec 325 titres délivrés sur les six premiers mois, soit 36,3 % de moins que pour la même période en 2010. La diminution du nombre de titres délivrés s’explique par le fait que les employeurs agricoles recrutent habituellement les mêmes saisonniers d’année en année ; la majorité des cartes ayant été délivrées en 2008, le nombre de renouvellement des cartes « saisonniers » est par conséquent en très forte hausse en 2011 (+ 1 493,1%). Cet effet mécanique explique en partie les chiffres. Par ailleurs, l’ouverture totale du marché du travail accordée en 2008 aux ressortissants polonais, qui étaient la première nationalité pour ce motif de séjour, a contribué aux baisses constatées. Enfin, les saisonniers de nationalité roumaine, qui ont numériquement remplacé les saisonniers polonais, se voient délivrer des cartes de séjour « Communautés européennes » et non des cartes de séjour « saisonnier », ce qui accentue la baisse constatée.

Une carte de résident pour contribution économique exceptionnelle a été délivrée en 2010, dans le cadre du renouvellement de titre d’un étranger déjà présent sur le territoire français. Par ailleurs, plusieurs dossiers sont actuellement en cours d’instruction dans différentes préfectures.

L’ÉVOLUTION DE L’IMMIGRATION PROFESSIONNELLE DEPUIS 2004 (1)

MOTIFS

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Professionnel

14 128

14 479

14 470

18 119

28 089

23 759

22 826

Compétences et talents

5 (2)

183 (2)

364 (2)

317

Actif non salarié

488

681

804

1 100

980

620

848

Scientifique

1 274

1 318

1 404

1 594

1 956

2 251

2 277

Artiste

328

340

241

285

294

201

181

Salarié

7 121

7 567

7 479

11 210

16 678

16 791

16 041

Saisonnier ou temporaire

4 917

4 573

4 542

3 925

7 998

4 229

3 162

(1) Ressortissants des dix nouveaux États membres de l’Union européenne soumis à dispositions transitoires inclus.

(2) Premiers titres uniquement (hors renouvellements).

Le contexte de dégradation de la situation de l’emploi, en particulier pour les étrangers en situation régulière déjà présents sur le marché du travail (6) a conduit le Gouvernement à mettre en place, avec pragmatisme, des mesures visant à mieux encadrer l’immigration par le travail en France. La priorité donnée à la maîtrise de l’immigration professionnelle répond aussi à la nécessité de tenir compte des capacités d’accueil et d’intégration du pays. La priorité doit être donnée à l’insertion professionnelle des demandeurs d’emploi aujourd’hui présents sur notre territoire, qu’ils soient de nationalité française ou étrangère, dès lors qu’ils résident régulièrement en France.

Le nouveau dispositif ne constitue pas une remise en cause fondamentale, mais une adaptation nécessaire de la politique française dans le cadre mondial des migrations économiques. Cette maîtrise de l’immigration professionnelle se fait à droit constant, sans modifier les dispositions législatives et réglementaires.

Un rappel des règles existantes applicables aux étrangers souhaitant exercer une activité professionnelle salariée en France a été fait par le ministre de l’Intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration et le ministre du Travail, de l’emploi et de la santé, dans une circulaire relative à la maîtrise de l’immigration professionnelle du 31 mai 2011 adressée aux préfets de région et département. L’attention a été notamment portée sur une meilleure prise en compte par l’employeur de la main-d’œuvre nationale, européenne ou étrangère en situation régulière déjà présente sur le territoire français. Par ailleurs, une plus grande vigilance a été demandée s’agissant des procédures de changement de statut vers un motif de séjour professionnel concernant les étudiants étrangers. Ces différents rappels ont tous pour objectif d’éviter les détournements de procédures engendrés par l’attractivité du territoire.

Enfin, la liste des métiers dits « en tension », pour l’exercice desquels la situation de l’emploi n’est pas opposée, a été revue à la baisse. Il est en effet apparu que la liste établie en 2008 n’était plus adaptée aux réalités économiques actuelles. Après consultation des préfectures et des partenaires sociaux, une liste circonscrite à 14 métiers (7), au lieu de 30 précédemment, a fait l’objet d’un arrêté du ministre du Travail, de l’emploi et de la santé le 11 août 2011. Outre les 14 métiers de la liste nationale qui constituent le droit commun, les accords de gestion concertée des flux migratoires conclus entre la France et différents pays d’origine définissent des listes élargies de métiers en tension (8).

b) Un léger recul de l’immigration familiale

En 2010, l’immigration familiale a représenté 82 235 premiers titres de séjour délivrés à des ressortissants de pays tiers (hors Union européenne et espace économique européen), soit 43,65 % de la totalité des 188 387 premiers titres délivrés à des ressortissants de pays tiers en métropole. Elle a ainsi connu une diminution de 3,8 % par rapport à 2009. Entre 2007 et 2010, le recul est de 6,05 %.

Sur ce volume, les membres de familles de Français (conjoints de Français, parents d’enfants français, ascendants étrangers et enfants étrangers de Français) constituent la proportion la plus importante. L’an passé, ils étaient 49 132.

Viennent ensuite les flux issus du regroupement familial. En 2010, la procédure a concerné 15 589 ressortissants de pays tiers au total. Dans la grande majorité des dossiers qui leur étaient soumis (70,4 %), les préfets ont rendu des décisions favorables.

En dernier lieu, figurent les étrangers admis au titre de leurs liens personnels et familiaux en France, à l’égard desquels un refus de séjour porterait une atteinte disproportionnée à leur droit à mener leur vie privée et familiale. Ils ont représenté 17 514 étrangers l’année dernière.

ÉVOLUTION DES FLUX DE L’IMMIGRATION FAMILIALE ENTRE 2007 ET 2010,
CONSTATÉE SUR LA BASE DU NOMBRE DE TITRES DE SÉJOUR DÉLIVRÉS

Composantes de l’immigration familiale

2007

2008

2009

2010

Évolution 2007/2010

Familles de Français

49 767

48 833

52 960

49 132

- 1,27 %

Regroupement familial

18 950

17 304

15 166

15 589

- 17,73 %

Liens personnels et familiaux

18 820

15 540

17 360

17 514

- 6,9 %

TOTAL

87 537

83 464

85 486

82 235

- 6,05 %

N.B. : Données relatives aux ressortissants de pays tiers (hors Union européenne et Espace économique européen).

c) L’attractivité de la France à l’égard des étudiants étrangers

La France mène, tout particulièrement depuis la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration, une politique de renforcement de l’attractivité du territoire national à l’égard des étudiants étrangers. Le Président de la République, dans la lettre de mission du 31 mars 2009 qu’il avait adressée au ministre de l’Immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire, a ainsi fixé l’objectif d’accueillir au moins 50 000 étudiants étrangers chaque année, en veillant à diversifier ses sources de recrutement. Il a invité à viser un taux de 70 % dans les disciplines indispensables au développement économique et au bien-être des populations d’origine et à donner la priorité à leur retour dans leur pays d’origine, tout en garantissant la possibilité de circuler sans entrave entre celui-ci et la France. Cette politique se concentre désormais sur les étudiants hautement qualifiés, de niveau master et doctorat.

Ces objectifs fixés ont été largement atteints. Le nombre d’étudiants étrangers en France métropolitaine et dans les départements d’outre-mer a connu un essor considérable depuis la fin des années 1990. Entre 1998 et 2005, il a progressé de 74,8 %. Après avoir connu une légère baisse en 2006 et 2007, les effectifs ont progressé en 2008 (+ 1,9 %). Depuis cette date, le nombre d’étudiants étrangers s’accroît régulièrement (+ 4,8 % en 2010) pour atteindre, au 30 juin 2011, le nombre de 278 200, soit 12 % des effectifs étudiants. En flux, en 2009, 69 724 visas de long séjour pour études (dont 53 043 pour des études longues) ont été délivrés à des ressortissants étrangers et 52 654 titres de séjour ont été remis. En 2010, 72 735 visas de long séjour pour études (dont 65 222 pour des études longues) ont été délivrés et 58 794 titres de séjour ont été remis. Toutefois, au premier semestre 2011, le nombre de visas pour études délivrés (12 153) est en baisse de 5,1 % par rapport à la même période en 2010.

La contribution financière du budget de l’État à cet accueil est considérable, puisqu’elle est évaluée à 2,5 milliards d’euros, qui correspondent à la fois à la prise en charge des coûts réels des études suivies en France par les étudiants internationaux et aux avantages liés au statut d’étudiant dont ces derniers bénéficient au même titre que les nationaux.

Parmi les mesures adoptées pour soutenir l’attractivité de notre pays à l’égard des étudiants internationaux, il convient de souligner, en premier lieu, que le décret n° 2009-477 du 27 avril 2009 relatif à certaines catégories de visas en France d’une durée supérieure à trois mois dispense depuis le 1er juin 2009 les étudiants titulaires d’un visa de long séjour de solliciter un titre de séjour pendant la durée de validité de leur visa dans la limite d’une année.

En deuxième lieu, la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l’action extérieure de l’État a doté l’agence Campus France du statut d’établissement public. Cette transformation s’est accompagnée de la fusion du réseau à l’étranger des centres pour les études en France (CEF) et des bureaux de l’ancienne agence EduFrance. En 2011, 150 bureaux Campus France sont implantés dans 97 pays, permettant ainsi de renseigner et d’orienter les candidats étrangers à des études dans notre pays.

Enfin, en troisième lieu, il importe de rappeler que la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration a ouvert la possibilité pour les étudiants étrangers d’exercer, à titre accessoire, une activité professionnelle salariée dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle ; elle a également permis la délivrance d’une autorisation provisoire de séjour de six mois non renouvelable pour les étrangers ayant obtenu en France un diplôme au moins équivalent au master. Ce dernier dispositif est destiné à offrir une première expérience professionnelle dans la perspective d’un retour dans le pays d’origine et permet aux intéressés de chercher et, le cas échéant, d’exercer un emploi en relation avec leur formation et assorti d’une rémunération supérieure à 1,5 fois le salaire minimum. En 2009, 1 165 autorisations provisoires de séjour ont été délivrées dans ce cadre en 2009, contre 721 en 2008. En 2010, ce sont 1 739 autorisations provisoires de séjour qui ont été délivrées, principalement à des étudiants chinois (311), marocains (219) et gabonais (198). Compte tenu de l’impact sur le marché de l’emploi de la crise économique, le ministre de l’Intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration et le ministre du Travail, de l’emploi et de la santé ont cependant invité les préfets de région et de département à appliquer ce dispositif avec rigueur, dans la circulaire relative à la maîtrise de l’immigration professionnelle du 31 mai 2011.

B. UNE DEMANDE D’ASILE TRÈS DYNAMIQUE

Par définition, la France n’est pas en mesure de maîtriser le volume des demandes d’asile qui sont adressées à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui dépend principalement de la situation dans les pays d’origine. Or, la France ne peut s’exonérer de ses obligations à l’égard de ces étrangers qui sollicitent une protection internationale.

Depuis le début des années 2000, l’évolution du nombre de demandeurs d’asile est marquée par des variations fortes et contradictoires, qui rendent toute prévision budgétaire aléatoire.

1. Une tendance haussière qui se confirme en 2011

Le rythme d’augmentation de la demande d’asile ne semble pas en voie de se stabiliser en 2011. Il est entretenu par la hausse de la demande en provenance de certains pays d’origine, en particulier du Bangladesh dont les demandes ont plus que doublé par rapport à 2009.

a) Une hausse continue depuis 2008

Après une baisse observée de 2003 à 2007, la demande de protection internationale est en hausse depuis 2008 (+ 49 % sur trois ans). Ainsi, la demande de protection internationale globale (réexamens et mineurs accompagnants inclus) a augmenté de 20 % entre 2007 et 2008, de 12 % entre 2008 et 2009 et de 11 % entre 2009 et 2010. Cette augmentation de la demande se poursuit en 2011, la demande de protection internationale globale du premier semestre 2011 étant supérieure de 11 % à celle de la même période de 2010.

En 2010, l’Office de protection des réfugiés et des apatrides a ainsi enregistré 52 762 demandes de protection internationale (apatrides, réexamens et mineurs accompagnants compris). Cette augmentation est avant tout imputable à la hausse des premières demandes (+ 11 %) et des demandes de mineurs accompagnants (+ 25 %), les réexamens ayant diminué de 16 % par rapport à 2009. En 2010 comme en 2009, les premières demandes représentent 70 % de la demande globale. Comme les années précédentes, c’est au cours du quatrième semestre que le nombre moyen de demandes mensuelles enregistrées est le plus élevé (près de 3 900 en 2010).

La hausse constatée est largement supérieure aux prévisions sur lesquelles l’Office s’est fondé lors de l’élaboration du contrat d’objectifs et de moyens, signé entre l’État et l’OFPRA le 9 décembre 2008. Si une augmentation avait bien été envisagée pour les années 2009/2011 (+ 7 % en 2009, + 5 % en 2010, stabilisation en 2011), le rythme de cette croissance a été bien plus soutenu que prévu, et une stabilisation pour 2011 semble d’ores et déjà hautement improbable, démontrant la difficulté d’établir des prévisions fiables en ce qui concerne l’évolution de la demande de protection.

Au total, au 31 décembre 2010, la population placée sous la protection de l’Office est estimée à 160 518 personnes (hors mineurs accompagnants), dont 151 348 réfugiés, 8 039 personnes placées sous protection subsidiaire et 1 131 apatrides.

b) Les principaux pays d’origine

Depuis 2007, les deux principaux continents de provenance des demandeurs d’asile sont l’Europe et l’Afrique. Ces deux continents représentent entre 70 % et 75 % des demandes entre 2007 et 2011. Toutefois, c’est le nombre de demandeurs en provenance du continent asiatique qui connaît la plus forte progression en 2010 (+ 26 %).

Les dix principaux pays de provenance des demandeurs d’asile en 2010 sont identiques à ceux de 2009. Le Kosovo demeure le premier pays de provenance avec 3 267 premières demandes ; toutefois le rythme de progression (+ 7,2 %) est moindre que celui de l’année précédente (+ 70 %). Parmi les nationalités en augmentation, il convient de souligner la très forte croissance des Bangladais, deuxième pays de provenance en 2010, dont les demandes ont plus que doublé par rapport à 2009. Il s’agit d’une population jeune (âge moyen de 29 ans), quasi exclusivement masculine (3 % de femmes) et majoritairement célibataire. La hausse de la demande haïtienne (+ 21,6 %) est concentrée dans les départements français d’Amérique.

Parmi les dix principaux pays de provenance, trois sont orientés à la baisse en 2010 : le Sri Lanka (- 14 %), la Turquie (- 32 %) et l’Arménie (- 44 %). Pour ces deux derniers pays, la diminution de la demande trouve son explication dans leur inscription sur la liste des pays d’origine sûrs entre le 1er janvier et le 23 juillet 2010, date à laquelle ils ont été retirés de cette liste par décision du Conseil d’État.

PRINCIPALES ZONES DE PROVENANCE DES DEMANDEURS D’ASILE

Pays de provenance

2009

2010

Évolution 2010/2009

1er semestre 2011(1)

Kosovo

3 048

3 267

+ 7,2 %

1 272

Bangladesh

1 375

3 061

+ 122,6 %

1 965

République démocratique du Congo

2 113

2 616

+ 23,8 %

1 371

Russie

1 961

2 424

+ 23,6 %

1 041

Sri Lanka

2 617

2 265

- 13,5 %

1 262

Chine

1 542

1 805

+ 17,1 %

961

Guinée

1 455

1 712

+ 17,7 %

814

Haïti

1 234

1 500

+ 21,6 %

1 031

Arménie

2 297

1 278

- 44,4 %

1 231

Turquie

1 826

1 240

- 32,1 %

 

Autres pays

13 767

15 763

+ 14,5 %

8 788

Total

33 235

36 931

+ 11,1 %

20 629

(1) Données provisoires

La composition sociodémographique de la demande d’asile en 2010 reste à peu près identique à celle de l’année précédente.

La part des femmes, après avoir augmenté progressivement de 2001 à 2008 (elles représentaient 37,6 % des demandeurs en 2008 contre 36,5 % en 2007, 34,6 % en 2005 et 29,6 % en 2001), baisse pour la deuxième année consécutive, passant de 35,4 % en 2009 à 34,7 % en 2010. Cette tendance se confirme au premier semestre 2011, la part des femmes s’élevant à 33,6 %. Les nationalités pour lesquelles la part des femmes est nettement majoritaire sont les Maliennes, les Arméniennes, les Russes (en réalité des demandeuses d’origine tchétchène), les Dominicaines, les Péruviennes et les Chinoises.

L’âge moyen des demandeurs d’asile est de 31,9 ans.

2. La France, deuxième pays d’accueil des demandeurs dans le monde

En 2010, la France est le deuxième pays industrialisé destinataire des demandeurs de protection internationale au niveau mondial, derrière les États-Unis (avec plus de 55 500 demandes). L’Allemagne est en troisième position, avec 48 589 demandes enregistrées la même année, suivies par la Suède et le Canada. Ensemble, ces cinq pays accueillent plus de la moitié (56 %) de la totalité des demandes d’asile déposées dans les pays industrialisés. Les États-Unis et la France reçoivent trois demandes d’asile sur dix demandes déposées dans les pays industrialisés ; la France, à elle seule, reçoit une demande sur huit.

À l’issue du premier semestre 2011, les trois principaux pays destinataires demeurent les mêmes qu’en 2010.

En Europe, la France demeure, en 2010, le premier destinataire devant l’Allemagne et la Suède. Les évolutions sont cependant contrastées chez nos principaux partenaires européens : hausse en Allemagne (+ 25,1 %), en Suède (+ 31,5 %) et en Belgique (+ 16 %), baisse en Italie (- 55,4 %), au Royaume-Uni (- 28 %) et aux Pays-Bas (- 10,5 %) (9). La diminution est particulièrement marquée en Europe du Sud, où les demandes ont diminué de 33 % par rapport à 2009, avec un fort déclin à Malte, en Italie et en Grèce. Dans les pays nordiques, les augmentations au Danemark (+ 30 %) et en Suède ont été compensées par des déclins importants en Norvège (- 42 %) et en Finlande (- 32 %).

ÉVOLUTION DE LA DEMANDE D’ASILE DANS LES PRINCIPAUX PAYS EUROPÉENS ENTRE 2009 ET 2010

Au niveau mondial, la demande d’asile est globalement en baisse. Selon le dernier bilan statistique des demandes d’asile déposées en Europe dans les certains pays non européens établi par le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, publié le 25 mars 2011 (10), le nombre des demandeurs d’asile a diminué de moitié durant la dernière décennie. Au total, quelque 358 000 demandes d’asile ont ainsi été déposées en 2010 dans les 44 pays industrialisés étudiés (11), soit une baisse de 5 % par rapport à 2009 (378 360 demandes) et d’environ 42 % par rapport au niveau maximum de la décennie, qui avait été atteint en 2001, quand près de 620 000 demandes d’asile avaient été déposées. Selon le Haut Commissaire pour les réfugiés, M. António Guterres, « la dynamique globale de l’asile est en train de changer » et « le nombre de demandes d’asile dans les pays industrialisés est beaucoup plus bas qu’il y a dix ans tandis que les niveaux augmentent d’une année sur l’autre dans un tout petit nombre de pays ».

À ce stade, cette tendance globale à la baisse ne se fait pas observer en France. S’il se confirme au cours de l’année 2011 que notre pays, ainsi que quelques autres, reste en décalage avec cette évolution mondiale, il conviendra d’analyser les causes de ce décalage, qui pourrait être dû, au moins pour partie et parmi d’autres facteurs, à l’attractivité que représente la durée élevée des procédures. Selon le Haut Commissariat pour les réfugiés des Nations unies, les hausses constatées en France et en Allemagne seraient attribuables à un autre facteur, l’augmentation du nombre de demandeurs d’asile originaires de Serbie et de l’ex-République yougoslave de Macédoine, qui reposerait elle-même largement sur la levée de l’obligation de visa d’entrée dans l’Union européenne pour les ressortissants de ces deux pays depuis décembre 2009.

C. L’INTÉGRATION, COROLLAIRE D’UNE IMMIGRATION ACCEPTÉE ET APAISÉE

1. Le succès du contrat d’accueil et d’intégration

Le contrat d’accueil et d’intégration (CAI) constitue la première étape du parcours d’intégration des étrangers obtenant pour la première fois un titre de séjour les autorisant à s’installer durablement en France, c’est-à-dire exclusion faite des étudiants, des salariés en mission au sein d’un groupe ou d’une entreprise et des travailleurs saisonniers.

C’est la loi n° 2005-35 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale qui a fixé ses bases juridiques et décidé sa généralisation à l’ensemble du territoire national, effective depuis septembre 2006. La loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration a rendu obligatoire sa signature pour tout étranger primo-arrivant en France âgé d’au moins 16 ans. Enfin, aux termes de la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile, les parents d’enfants bénéficiaires du regroupement familial sont également tenus de s’engager contractuellement auprès de l’État et de suivre une formation sur leurs droits et leurs devoirs en France.

Depuis 2003, 612 065 personnes ont bénéficié du contrat d’accueil et d’intégration. En 2010, 101 355 contrats ont été signés contre 97 736 en 2009.

Les signataires du CAI en 2010 proviennent de plus de 150 pays : 38,3 % d’entre eux sont originaires du Maghreb (dont 15,7 % d’Algérie, 14,9 % du Maroc et 7,7 % de Tunisie), contre 37,2 % en 2009 ; 4,8 % sont originaires de Turquie ; les personnes issues d’Afrique sub-saharienne, notamment du Cameroun, de la République démocratique du Congo, du Congo Kinshasa, de Côte d’Ivoire, du Mali et du Sénégal représentent 16,33 % des signataires contre 17,89 % en 2009 ; les personnes originaires de Russie forment 2,3 % des signataires ; celles originaires de Chine populaire 2,9 %.

Les signataires sont majoritairement des femmes (54 % en 2010 contre 52 % en 2009). Le public signataire reste jeune : l’âge moyen constaté en 2010 est de 32,4 ans ; 83,5 % des signataires ont moins de 41 ans ; 56,5 % ont entre 26 et 40 ans ; les plus de 60 ans sont peu nombreux (1,1 %).

Les membres de familles de Français sont toujours largement majoritaires. Les signataires membres de familles de Français (conjoints, parents d’enfants français, ascendants ou enfants) représentent à eux seuls 50,9 % (48,8 % en 2009) des signataires contre 14,3 % (14,5 % en 2009) pour la catégorie liens personnels et familiaux, 6,8 % (9 % en 2009) pour les travailleurs, 9,2 % (8,5 % en 2009) pour les bénéficiaires du regroupement familial et 9,6 % (12,6 % en 2009) pour les réfugiés, apatrides et les membres de leur famille.

Dans leur grande majorité, les signataires du CAI sont, en 2009 comme dans les années précédentes, francophones ou ont une connaissance du français jugée suffisante lors de leur passage sur la plate-forme d’accueil de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) pour se voir dispensés de formation linguistique.

Les signataires ayant satisfait aux épreuves du test de connaissances orales et écrites en langue française passé lors de l’entretien avec l’auditeur de l’OFII, se voient remettre une attestation ministérielle de dispense de formation linguistique (AMDFL).

Les autres, ceux qui ont fait preuve d’un niveau insuffisant, soit 23,7 % des signataires du CAI en 2010, se voient prescrire une formation linguistique obligatoire, qui peut atteindre 400 heures. À l’issue de cette formation, ils sont inscrits à une session d’examen du diplôme initial de langue française (DILF), diplôme de l’Éducation nationale.

Ce diplôme, d’un niveau modeste (inférieur au premier niveau européen de compétence linguistique [niveau A.1] défini par le Conseil de l’Europe), constitue la première étape d’un parcours de certification des compétences en français langue étrangère. L’État prend en charge les frais de première présentation au DILF dans le cadre du CAI. Si le candidat échoue, il peut se représenter autant de fois que nécessaire, mais en candidat libre et à ses frais.

Au titre de 2011, l’enjeu est de mieux appréhender le parcours d’intégration des primo arrivants et d’améliorer le dispositif existant. À cet effet, les actions suivantes sont en cours :

– le ministère de l’Intérieur a lancé une étude sur l’intégration des primo-arrivants (ELIPA) sur la base de 6 000 signataires du CAI en trois vagues entre 2010 et 2013. Il s’agit d’une part d’évaluer, au moyen d’entretiens individuels avec les migrants, le dispositif d’accompagnement des migrants nouvellement arrivés en France, et d’autre part, d’appréhender leur parcours d’intégration dans ses diverses dimensions, linguistique, professionnelle et sociale. La seconde vague d’entretien a été lancée en 2011 ;

– un groupe de travail regroupant divers ministères, l’OFII et le Haut conseil à l’intégration, a été mis en place sur les valeurs de la République. L’objectif est de réaliser une base commune des concepts portant sur le contenu des valeurs de la République afin de faciliter leur connaissance et leur compréhension dans les divers outils pédagogiques ;

– en matière de formation linguistique, l’objectif est d’affiner l’offre de formation pour l’adapter, autant que faire se peut, aux compétences et parcours individuels des migrants, et permettre ainsi à certains signataires du CAI d’accéder directement au DELF A1, diplôme qui atteste d’un niveau de connaissance de langue française supérieur au DILF.

Les développements prévus pour 2012 seront consacrés à la consolidation des actions mises en œuvre en 2011. Toutefois, l’éventualité d’une généralisation des efforts pour élever le niveau des résultats des formations linguistiques impliquant un allongement des formations dépendrait d’une augmentation des capacités financières de l’OFII.

2. L’accès à la nationalité, aboutissement ultime du parcours d’intégration

Tous les étrangers en situation régulière n’ont pas vocation à devenir des ressortissants français, ne serait-ce qu’en raison de la volonté de nombre d’entre eux de retourner, à un moment ou un autre, dans leur pays d’origine. Il reste que la France reste une terre d’accueil, par définition ouverte à la perspective d’une entrée des étrangers les mieux intégrés – le code civil employant à dessein le terme d’« assimilation » – dans la communauté nationale.

a) Des acquisitions de la nationalité française en légère hausse en 2010

Les acquisitions, par démarche volontaire, de la nationalité française relèvent pour leur plus grande part, depuis novembre 2010, de la sous-direction de l’accès à la nationalité française de la direction de l’accueil de l’intégration et de la citoyenneté du ministère de l’Intérieur. Il s’agit des naturalisations et des réintégrations par décret et des déclarations de nationalité après mariage. Les autres déclarations acquisitives (pour les enfants étrangers nés et résidant en France souhaitant anticiper l’acquisition de la nationalité française entre 16 et 18 ans, par exemple) sont du ressort du ministère de la Justice.

En 2010, le nombre d’étrangers ayant obtenu la nationalité française est de 143 275, soit une augmentation de 5,5 % par rapport à l’année 2009, qui était elle-même en recul par rapport à 2008 (- 1,2 %). Cette croissance est liée notamment à une hausse sensible des acquisitions par mariage. Le flux reste cependant proche de la moyenne observée sur les dix dernières années (142 700). L’acquisition par décret reste le mode largement majoritaire (66 % des acquisitions).

ÉVOLUTION DE L’ACCÈS À LA NATIONALITÉ, DE 2000 À 2010

 

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

Acquisitions enregistrées (A+B)

141 456

121 631

122 839

139 939

165 140

151 677

145 315

129 426

135 117

133 479

140 820

A. Par décret (y compris effets collectifs)

77 478

64 595

64 086

77 111

99 387

101 601

87 878

70 095

91 918

91 948

94 573

Naturalisations

68 750

57 627

58 374

69 281

89 739

91 446

79 740

64 046

84 323

84 730

88 509

Réintégrations

8 728

6 968

5 712

7 830

9 648

10 155

8 138

6 049

7 595

7 218

6 064

B. Par déclaration

63 978

57 036

58 753

62 828

65 753

50 076

57 437

59 331

43 199

41 531

46 247

Mariage

26 057

23 994

26 351

30 922

34 440

21 527

29 276

30 989

16 213

16 355

21 923

Déclarations anticipées

35 883

31 071

30 282

29 419

29 872

27 258

26 881

26 945

25 639

23 771

23 086

Autres déclarations

2 038

1 971

2 120

2 487

1 441

1 291

1 280

1 397

1 347

1 405

1 238

C. Acquisitions sans formalité

8 570

5 917

5 258

4 710

3 705

2 966

2 553

2 576

2 335

2 363

2 455

Total des acquisitions

150 026

127 548

128 097

144 649

168 845

154 643

147 868

132 002

137 452

135 700

143 275

Source : ministère de l’Intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, SGII, « Infos migrations », n° 25, septembre 2011

En 2009, la France figure parmi les trois pays européens enregistrant le plus grand nombre d’acquisitions : elle se situe derrière le Royaume-Uni (260 000) et devant l’Allemagne (96 000). Ces trois pays représentent plus de la moitié des 776 000 nationalités octroyées par les 27 États membres de l’Union européenne en 2009. La France se situe dans la moyenne européenne si l’on considère le nombre d’acquisitions rapportées à la population totale (0,21 %). Le flux de nouveaux acquérants de la nationalité française représente 3,6 % de la population étrangère, soit un rapport sensiblement moins élevé que celui du Portugal (7,4 %) et de la Suède (5,4 %), mais nettement supérieur à ceux de l’Espagne (1,4 %) et de l’Allemagne (1,3 %).

b) La généralisation des cérémonies d’accueil dans la citoyenneté française

La loi du n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration a généralisé les cérémonies d’accueil dans la citoyenneté française, afin de souligner la solennité de cet événement à travers l’instauration d’une manifestation officielle en préfecture ou, après autorisation préfectorale, en mairie.

La grande majorité des préfectures organisent des cérémonies d’accueil dans la citoyenneté française. Ces cérémonies sont, dans la totalité des cas, organisées en préfecture et, complémentairement dans la moitié des départements, au niveau des sous-préfectures à un rythme adapté au nombre de personnes concernées. Dans 70 % des départements, le rythme retenu est trimestriel voire semestriel, tandis que dans 20 % des départements, les cérémonies sont mensuelles, voire hebdomadaires en ce qui concerne notamment la préfecture de police.

Les nouveaux Français ayant acquis la nationalité par voie de naturalisation sont systématiquement invités à participer aux cérémonies. Dans une grande majorité des départements, les nouveaux Français ayant acquis la nationalité par voie du mariage (déclaration) sont également invités, d’autant que les déclarants souscrivent désormais leur déclaration auprès de la préfecture depuis le 1er janvier 2010. Les jeunes majeurs, nés en France de parents étrangers et devenus Français, sont invités aux cérémonies dans une majorité de départements.

Un discours du préfet ou de son représentant est prévu dans la quasi-totalité des cas. Outre l’écoute de l’hymne national et la diffusion du film « Devenir Français » (6 minutes), le point d’orgue de chaque cérémonie est la remise du officielle du livret de nationalité. Ce livret contient, pour les naturalisés par décret, le décret de naturalisation et l’acte d’état civil français établi par le service central d’état civil du ministère des affaires étrangères. Pour l’ensemble des acquérants, il comporte un document rappelant les droits et les devoirs du citoyen français, le texte de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, les paroles de la Marseillaise et un extrait de la Constitution.

Votre rapporteur pour avis juge très satisfaisante la mise en œuvre de cette généralisation des cérémonies d’accueil dans la nationalité française. Il rappelle cependant que la mission d’information de l’Assemblée nationale sur le droit de la nationalité en France a constaté que l’organisation de ces cérémonies prenait des formes diverses sur le territoire national et qu’une clarification des autorités chargées de leur organisation serait souhaitable (12). La mission d’information a ainsi recommandé que ces cérémonies soient systématisées en transférant éventuellement aux communes la responsabilité de leur organisation et en formalisant leur déroulement.

c) La mise en œuvre des dispositions relatives au droit de la nationalité issue de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011

La loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité comporte plusieurs dispositions relatives à l’acquisition de la nationalité française. Elle a notamment prévu une voie d’accès à la nationalité facilitée, en réduisant la durée de résidence requise de cinq ans à deux ans, pour l’étranger qui présente un parcours exceptionnel d’intégration, apprécié au regard des activités menées ou des actions accomplies dans les domaines civique, scientifique, économique, culturel ou sportif. Elle a également créé une charte des droits et devoirs du citoyen français rappelant les principes, valeurs et symboles essentiels de la République française, dont la signature sera obligatoire pour les naturalisés français, et a modifié les conditions d’évaluation de la connaissance de la langue française pour les naturalisations et les acquisitions de la nationalité française par mariage.

À partir du 1er janvier 2012, les candidats à la nationalité française devront ainsi prouver, par un diplôme (13) ou une attestation (14), qu’ils maîtrisent le français au niveau « B1 oral », défini par le référentiel des langues utilisé en Europe. Ce niveau correspond à celui acquis en fin de scolarité obligatoire et permet de vivre de façon normale dans le pays et de participer à des conversations simples. Les modalités d’application de ces nouvelles dispositions ont été précisées par le décret n° 2011-1265 du 11 octobre 2011 relatif au niveau de connaissance de la langue française requis des postulants à la nationalité française au titre des articles 21-2 et 21-24 du code civil et à ses modalités d’évaluation et le décret n° 2011-1266 du 11 octobre 2011 relatif à la création d’un label qualité intitulé « Français langue d’intégration ».

La mise en œuvre de ces dispositions issue de la loi du 16 juin 2011, précitée, ne nécessite pas de dotation budgétaire complémentaire. En effet, les postulants à la nationalité française font déjà l’objet d’un entretien individuel en préfecture, afin d’évaluer leur degré d’assimilation à la communauté française. Par ailleurs, la remise de la charte des droits et devoirs du citoyen devrait représenter un coût négligeable, de l’ordre de 40 à 50 euros pour mille, soit une dépense supplémentaire de 5 000 à 6 000 euros, à prévoir en charge sur l’action « Naturalisation et accès à la nationalité » du programme « Intégration et accès à la nationalité française ».

II. – LES DOTATIONS POUR 2012 DE LA MISSION « IMMIGRATION, ASILE ET INTÉGRATION » : LA POURSUITE DES EFFORTS ENGAGÉS DEPUIS LE DÉBUT DE LA XIIIE LÉGISLATURE

Les dotations demandées en 2012 connaissent une hausse significative, liée principalement à la hausse continue de la demande d’asile et donc des dépenses liées à l’accueil des demandeurs. Cette revalorisation souligne à nouveau à quel point le principal enjeu budgétaire de la mission est la réduction des délais d’examen, par l’Office de protection des réfugiés et des apatrides et par la Cour nationale du droit d’asile, des demandes d’asile. La hausse des moyens de l’OFPRA et de la CNDA apparaît, dans ces conditions, pleinement justifiée, car elle permettra, à terme, de maîtriser les dépenses liées à l’accueil des demandeurs.

La structure de la mission reste identique à celle des années précédentes. La mission se compose de deux programmes, « Immigration et asile » et « Intégration et accès à la nationalité ».

Le premier de ces programmes, « Immigration et asile », accueille la part la plus importante des crédits au titre de l’action relative à la « Garantie de l’exercice du droit d’asile » (408,91 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, soit 64,7 % de l’ensemble des crédits). Les trois autres actions de ce programme (« Circulation des étrangers et politiques des visas » : 2,55 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement ; « Lutte contre l’immigration irrégulière » : 80,7 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement ; « Soutien » : 61,46 millions d’euros en autorisations d’engagement et 63,46 millions d’euros en crédits de paiement) représentent des montants plus modestes.

Les dotations budgétaires du second programme, « Intégration et accès à la nationalité », représentent 78,43 millions d’euros en autorisations d’engagement et 71,63 millions d’euros en crédits de paiement soit 12,40 % des autorisations d’engagement et 11,33 % des crédits de paiement de la mission. Ce programme se divise en quatre actions : « Actions nationales d’accueil des étrangers primo arrivants » (13,34 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement), « Actions d’intégration des étrangers en situation irrégulière », (41,78 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement), « Naturalisation et accès à la nationalité » (8,65 millions d’euros en autorisations d’engagement et 1,85 million d’euros en crédits de paiement) et « Action d’intégration des réfugiés » (14,66 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement).

Par ailleurs, il convient de rappeler que les crédits dévolus à la politique de concertation avec les pays d’émigration, notamment au moyen d’accords de gestion concertée des flux migratoires et de développement solidaire avec ces pays, ne relèvent pas de la présente mission, mais du programme « Développement solidaire et migrations » de la mission « Aide publique au développement ».

Les priorités retenues pour 2012, désormais définies par le ministre de l’Intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, ne diffèrent pas fondamentalement de celles de 2011 : maîtriser l’immigration, assurer la garantie du droit d’asile, et renforcer l’intégration des étrangers séjournant régulièrement sur notre territoire, laquelle peut mener jusqu’à l’accès à la nationalité française.

A. UNE HAUSSE SIGNIFICATIVE DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2012

Les crédits demandés pour 2012 s’élèvent à 632,05 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 631,95 millions d’euros en crédits de paiement, contre 563,72 millions d’euros en autorisations d’engagement et 561,47 millions d’euros en crédits de paiement en loi de finances initiales pour 2011. Les dotations demandées connaissent donc une hausse significative par rapport à 2011, de 12,12 % en autorisations d’engagement et de 12,55 % en crédits de paiement.

1. Des dotations supérieures aux prévisions de la loi de programmation des finances publiques 2011-2013

Ces dotations sont nettement supérieures à celles prévues par la loi de programmation des finances publiques n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 pour la période 2011-2013, qui prévoyait, en 2012, un montant de 548,57 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 555,27 millions d’euros en crédits de paiement (soit un dépassement, respectivement, de 83,48 millions et de 76,68 millions d’euros, représentant 15,21 % et 13,8 % des crédits prévus).

Ces écarts significatifs résultent, à titre principal, des modifications suivantes :

– une revalorisation de 44,91 millions d’euros, en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, de l’enveloppe prévue pour l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile a été demandée afin de tenir compte de la poursuite de la hausse de la demande d’asile constatée en 2011. Cette augmentation était indispensable, compte tenu des besoins de financement constatés à ce titre à la fin de cette année, de l’ordre de 33 millions d’euros ;

– une augmentation de 35,65 millions d’euros, en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, a été prévue pour l’allocation temporaire d’attente (ATA). Cette hausse est indispensable et bienvenue, du point de vue de la sincérité budgétaire : selon les données provisoires 2011, un déficit, en exécution, de plus de 120 millions d’euros est prévu au titre de l’ATA, qui fait l’objet de sous-dotations chroniques depuis plusieurs années, dans un contexte marqué par une hausse continue de la demande d’asile. Il est cependant permis de s’interroger sur le caractère suffisant de cette augmentation au regard des besoins prévisibles ;

– 6,8 millions d’euros en autorisations d’engagement ont dû être budgétés à la suite de la dénonciation du bail de l’immeuble abritant la sous-direction de l’accès à la nationalité française à Rezé. Le nouveau bail sera signé en juillet 2012 ; il est par conséquent nécessaire d’ouvrir, au titre de la loi de finances initiale pour 2012, sur le programme « Intégration et accès à la nationalité française », les autorisations d’engagement relatives à la totalité de la durée du bail, qui n’étaient pas prises en compte dans les dotations de la loi de programmation des finances publiques ;

– un transfert de 1,92 million d’euros a été opéré vers le programme « Conseil d’État et autres juridictions administratives » afin de financer les recrutements supplémentaires décidés dans le cadre du plan d’action relatif à la Cour nationale du droit d’asile.

La part essentielle (80,56 millions d’euros) de la revalorisation des dotations budgétaires concerne donc les dépenses liées à l’accueil des demandeurs d’asile et constitue la conséquence budgétaire de la hausse de la demande.

2. De forts besoins de financement constatés en exécution en 2011

Ce sont également ces dépenses qui ont entraîné les importants besoins de financement constatés au cours de l’exécution 2011. Ces besoins s’élèvent, pour le programme « Immigration et asile », à plus de 130 millions d’euros, résultant principalement des besoins relatifs à l’allocation temporaire d’attente, en plus des 50 millions d’euros déjà accordés par la loi de finances rectificative du 29 juillet 2011.

Les besoins complémentaires importants constatés, depuis 2008, en fin d’année sur ces deux postes de dépenses sont abondés, chaque année, par le reversement de la totalité de la mise en réserve du budget opérationnel de programme sur l’action « Garantie de l’exercice du droit d’asile », combiné, en fin d’exercice budgétaire, à l’obtention de crédits complémentaires dans le cadre d’un décret d’avance, voire d’une loi de finances rectificative.

Depuis 2008, les ouvertures de crédits complémentaires nécessaires pour faire face à l’augmentation de la demande d’asile ont ainsi été les suivantes : décret d’avance du 24 octobre 2008 : 36 millions d’euros ; décret d’avance du 9 novembre 2009 : 70,1 millions d’euros ; décret d’avance du 29 septembre 2010 : 60 millions d’euros ; loi de finances rectificative du 29 décembre 2010 : 55,34 millions d’euros ; loi de finances rectificative du 29 juillet 2011 : 50 millions d’euros. Le ministre de l’Intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration a annoncé, lors de son audition par la commission élargie ayant procédé à l’examen des crédits de la mission, le 25 octobre 2011, que la prochaine loi de finances rectificative ouvrirait 120 millions de crédits supplémentaires, afin de rembourser les sommes avancées par Pôle emploi au titre de l’allocation temporaire d’attente (ATA).

Dans ces conditions, la revalorisation des crédits pour 2012 constituait une nécessité. Si la hausse de la demande d’asile se poursuit au rythme actuel, il n’est cependant pas établi qu’elle se révèle adaptée aux besoins.

B. LA FIN D’UN MINISTÈRE DE PLEIN EXERCICE, UN CHOIX QUI NE NUIT PAS À L’EFFICACITÉ

La création du ministère de l’Immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement, décidée par le Président de la République en mai 2007, a constitué une réforme fondamentale de structure. Elle a placé au sein d’un seul ministère l’ensemble des administrations concernées par ces questions, autrefois dispersées entre le ministère de l’Intérieur, le ministère des Affaires étrangères, le ministère des Affaires sociales, le ministère de la Justice, voire le ministère de l’Économie et le ministère de l’Enseignement supérieur (15).

Lors du remaniement ministériel de novembre 2010, il a été décidé de supprimer le ministère de plein exercice créé en 2007 et de confier ses attributions au ministère de l’Intérieur. Ce changement n’a cependant nullement remis en cause l’innovation qui avait consisté à regrouper, pour la première fois en France, sous l’égide d’un seul ministère régalien, l’ensemble des services gérant l’intégralité du parcours d’un étranger candidat à l’immigration dans notre pays – de l’accueil au consulat jusqu’à l’intégration et l’éventuel accès à la nationalité française.

1. La conservation d’une administration d’état-major et d’une lisibilité budgétaire sur les questions d’immigration, d’asile et d’intégration

Le décret n° 2010-1444 du 25 novembre 2010 relatif aux attributions du ministre de l’Intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration a maintenu la configuration des services constituant le ministère de l’Immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire en vertu du décret d’attribution n° 2007-999 du 31 mai 2007 et du décret n° 2007-1891 du 26 décembre 2007 modifié portant organisation de l’administration centrale du ministère de l’Immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du codéveloppement.

Le rattachement organique au ministère de l’Intérieur des services de l’Immigration, de l’intégration et du développement solidaire s’est fait à périmètre et à structures constants, dans le cadre du secrétariat général à l’immigration et à l’intégration (SGII).

L’ensemble des services qui constituaient l’administration centrale du ministère de l’Immigration, de l’identité nationale et du codéveloppement créée en janvier 2008 – la direction de l’immigration, la direction de l’accueil, de l’intégration et de la citoyenneté, le service de l’asile, le service de la stratégie, le service de l’administration générale et des finances, le service des affaires européennes, le service des affaires internationales et du codéveloppement, la mission de la communication – et placés sous l’autorité du secrétaire général à l’immigration et à l’intégration, M. Stéphane Fratacci, ont ainsi été transférés au ministère de l’Intérieur.

Cette administration reste une administration de mission, par définition peu coûteuse, exerçant des fonctions de pilotage et de suivi stratégique, et non de gestion en propre de tous les services de l’État qui concourent à la mise en œuvre de la politique concernée. Les effectifs du Secrétariat général à l’immigration et à l’intégration restent par conséquent peu élevés : 587 équivalents temps plein en 2012 (dont 55 hauts fonctionnaires, 517 personnels administratifs et 15 personnels techniques), contre 612 en 2011. Cette diminution s’explique par la suppression de 11 emplois et une réduction de 20 emplois de cabinet, résultant de l’intégration du ministère de l’Immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire au sein du ministère de l’Intérieur. Les dépenses de personnel demandées pour 2012 (38,3 millions d’euros) sont par conséquent en diminution par rapport à celles ouvertes en loi de finances initiale pour 2011 (39,9 millions d’euros).

À juste titre, le rattachement au ministère de l’Intérieur n’a pas remis en cause l’existence d’une mission budgétaire distincte des quatre autres missions relevant de ce ministère, afin d’identifier clairement les enjeux budgétaires des politiques d’asile, d’immigration et d’intégration.

2. Le rattachement au ministère de l’Intérieur : une option cohérente sur le plan opérationnel

Le rattachement au ministère de l’Intérieur présente plusieurs avantages. Il signifie que la politique d’immigration, d’intégration et de développement solidaire connaît désormais un pilotage unique. Cette politique mobilisait, avant même ce transfert des services du secrétariat général à l’immigration et à l’intégration, de nombreux acteurs de ce ministère, tant au sein des préfectures que de la gendarmerie et de la police nationale. La coordination de l’ensemble de ces services sera mieux assurée sous l’égide d’un seul ministère, disposant désormais de tous les leviers de cette politique.

En outre, ce regroupement permet de rationaliser un certain nombre de procédures, notamment budgétaires et financières, et d’assurer une meilleure synergie des intervenants par rapport à la situation précédente qui faisait intervenir deux ministères régaliens. Il est, par exemple, bienvenu que la police aux frontières, qui constitue le fondement de la police de l’immigration en France, relève désormais du ministre responsable de l’immigration, tout en restant partie intégrante de la police nationale afin d’exploiter au mieux les synergies, en termes de gestion, avec les autres services spécialisés de la police nationale.

C. LA MAÎTRISE DE L’IMMIGRATION, VOLET TOUJOURS PRIORITAIRE

1. Les moyens affectés aux contrôles aux frontières

Les dotations inscrites sur le programme « Immigration et asile » de la présente mission ne financent pas les moyens humains, ni même une grande partie des moyens matériels mis en œuvre pour les contrôles aux frontières, qui relèvent essentiellement de la mission « Sécurité ». Elles contribuent cependant, indirectement, à leur action.

Sur les 157 points de passage frontaliers métropolitains recensés en France (106 aériens, 40 maritimes et 11 terrestres), 47 relèvent de la responsabilité de la police aux frontières (PAF) et 108 de celle des douanes. Deux points de passage frontaliers aériens (ceux d’Albert Bray, en Picardie, et de la Môle, dans le Var) ne sont pas encore attribués. Ces points de passage frontaliers sont en nombre important, et une réflexion est en cours afin d’en maîtriser l’évolution, dans une optique d’efficience des services de l’État.

Au 1er août 2011, la PAF employait 1 123 agents, répartis entre le siège et les services rattachés (881 agents, 8,8 % du total), des services territoriaux se décomposant entre 7 directions zonales, 2 directions implantées dans les aérodromes de Roissy et de Orly, et 38 directions départementales (8 011 agents au total, soit 88,8 %), ainsi que 4 directions à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française (1 123 agents, soit 11,2 %).

Au plan opérationnel, ces structures se répartissent en 59 services de la police aux frontières (46 en métropole et 13 en outre-mer), ainsi que 8 unités territoriales. En métropole, la PAF est présente dans tous les départements constituant une frontière terrestre à l’exception des Ardennes et de la Meuse (frontière belge), du Jura et du Territoire de Belfort (frontière suisse), des Alpes-de-Haute-Provence (frontière italienne). Concernant la frontière avec le Royaume-Uni, deux unités territoriales ont leur siège en territoire britannique, à Douvres et à Cheriton.

La DCPAF assure également la coordination des centres de coopération policière et douanière, au nombre de dix, répartis sur l’ensemble des frontières terrestres de la métropole.

Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, plusieurs services de la PAF ont été fermés : 7 directions départementales en 2009, 8 services et unités de la PAF en 2010. En 2011, la direction départementale de la PAF des Pyrénées-Atlantique a été réorganisée, avec la suppression de deux brigades mobiles de recherche. La PAF a également achevé en 2009 la reprise des centres de rétention administrative tenus par la sécurité publique (544 places). Elle a démarré en 2010, et poursuivi en 2011, la reprise des centres de rétention administrative tenus par la gendarmerie nationale (Mesnil-Amelot). En 2011, la PAF a repris de nombreuses missions : la mission d’escorte des reconduits à la frontière de la préfecture de police, le SPAF aéroportuaire de Biarritz, la mission des audits de l’IGPN, une unité judiciaire de la PAF a été créée à Pau et l’unité de coordination opérationnelle de lutte contre le trafic et l’exploitation des migrants (UCOLTEM).

Pour faciliter le travail de contrôle de ces services, la mission « Immigration, asile et intégration » cofinance des équipements importants.

C’est notamment le cas des bornes de lecture du traitement informatisé des données personnelles biométriques des demandeurs de visa (VISABIO), destinées à permettre une consultation des visas délivrés par l’ensemble des États de l’espace Schengen. Au 1er juillet 2011, 169 consulats (sur les 192 habilités à délivrer des visas, soit 88 %) disposent d’un équipement opérationnel installé aux guichets de leur service des visas permettant le recueil des données biométriques. Les déploiements réalisés ont permis de délivrer plus de 930 000 visas en 2010 (contre 700 000 en 2009). Plus de quatre millions de demandes de visa biométriques sont, à ce jour, enregistrées dans la base nationale VISABIO. Parallèlement, le déploiement de VISABIO sur le territoire national s’est poursuivi. Au 1er juillet 2011, 45 des 47 points de passage aux frontières extérieures tenus par la PAF sont équipés, et 35 des 107 points de passage tenus par les douanes le sont. 165 sites de la sécurité publique ainsi que 27 000 postes de travail de la gendarmerie nationale (sans équipement biométrique) sont actuellement dotés de VISABIO. Le système national VISABIO a été adapté pour se raccorder au système d’information sur les visas (VIS) européen, qui est entré en service, pour la zone des pays d’Afrique du Nord (de l’Egypte à la Mauritanie), le 11 octobre 2011. En 2010, le ministère de l’Immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire a contribué à hauteur de 3 millions d’euros au projet VISABIO, portant sa contribution entre 2009 et 2010 à 5,52 millions d’euros sur un coût total, jusqu’en 2010 inclus, de 23,92 millions. En 2012, la dotation demandée s’élève à 2,75 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement (soit les mêmes montants qu’en 2011). Ces crédits devraient permettre de faire évoluer le dispositif de recherche d’empreintes afin d’en augmenter la capacité de traitement au-delà de 6 millions. À ces montants s’ajoutent 2,56 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement pour les dépenses d’investissement relatives au « réseau mondial visa ». Ces dotations permettront de poursuivre le déploiement de la biométrie, notamment l’externalisation du recueil de données biométriques dans les consulats les plus importants, amorcée en 2010, et la mise en œuvre de la partie française du système d’information sur les visas européen (VIS) et son déploiement dans les points de passage aux frontières.

La mission « Immigration, asile et intégration » prend également directement en charge les dépenses de fonctionnement, autres que celles de personnel, relatives à l’éloignement forcé des migrants en situation irrégulière. Pour 2012, les dotations demandées à ce titre s’élèvent à 32,2 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, soit le même montant qu’en 2011.

Ce montant couvre principalement des frais de billetterie (avion de ligne commerciale, train ou bateau) ainsi que le coût de l’aéronef de type Beechcraft mobilisé à cette fin. L’évaluation de ces dépenses pour 2012 a été fondée sur un objectif de 28 000 éloignements, dont 33 % résultant de retours volontaires financés par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), soit 18 760 éloignements forcés à financer, avec un coût moyen estimé de 1 359 euros par éloignement. Aux 25,49 millions d’euros prévus à ce titre, s’ajoutent 6,7 millions d’euros destinés à financer des opérations annexes en lien avec la politique de lutte contre l’immigration irrégulière, notamment les accords de coopération policière, la prise en charge des non-admis et l’entretien des radars à Mayotte.

2. Un dispositif de rétention administrative dont la rénovation se poursuit

a) Les centres et locaux de rétention

Le nombre de places en centres de rétention administrative (CRA) est passé de 1 071 en juin 2005 à 1 730 au 31 juillet 2011. Le nombre de places prévu pour 2012 est de 2 063 places. Les crédits demandés pour le fonctionnement courant des CRA s’élèvent à 30,41 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, sur le fondement d’un coût journalier moyen de la rétention de 40,28 euros. Au 1er septembre 2011, 21 des 29 CRA étaient gérés par la direction centrale de la police aux frontières, conformément au transfert de cette gestion de la sécurité publique et de la gendarmerie à la DCPAF opéré dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, tandis que la direction de l’ordre public et de la circulation de la préfecture de police assurait la gestion des 4 centres implantés à Paris. La réforme des modes de gestion et d’organisation des CRA et la réduction de leurs coûts de gestion se poursuivra en 2012.

Un allongement de la durée moyenne de la rétention, envisageable compte tenu de l’augmentation de la durée maximale de rétention, portée de 32 à 45 jours par la loi n° 2001-672 du 16 juin 2011 relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, n’a pas été budgété, car ladite loi a également prévu, conformément à la « directive retour », que la rétention, mesure coercitive la plus importante, devait voir son usage limité en lui substituant d’autres solutions, comme l’assignation à résidence. L’impact financier de cet éventuel allongement serait donc compensé et, en tout état de cause, limité.

Les dépenses d’investissement – prises en charge par la mission « Immigration, asile et intégration » depuis le 1er janvier 2010 – prévues s’élèvent à 4,48 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 9,18 millions d’euros en crédits de paiement, contre 15,9 millions d’euros en autorisations d’engagement et 13,65 millions d’euros en crédits de paiement en 2011. Les opérations retenues pour 2011 concernaient la construction du CRA de Mayotte, la rénovation du CRA de Coquelles, situé dans le Pas-de-Calais, l’extension du secteur judiciaire de Roissy et l’installation d’un quatrième radar à Mayotte. La construction des centres du Mesnil Amelot 2 (120 places) et 3 (120 places) a également été achevée en 2011. Leurs mises en service sont intervenues respectivement en août et en septembre 2011. Le CRA de Bordeaux, fermé à la suite de son incendie volontaire en janvier 2009, a également rouvert en juin 2011, grâce aux travaux réalisés.

Par ailleurs, en 2010, 3 223 personnes ont été retenues dans des locaux de rétention administrative permanents, pour une durée moyenne de 27 heures, et 160 dans des locaux de rétention temporaires, pour une durée moyenne de 22 heures. Le nombre de locaux de rétention administrative a été réduit. Il est actuellement de 19 en métropole et de 4 en outre-mer.

b) L’assistance sanitaire et sociale aux personnes retenues

Les personnes retenues dans les CRA et dans les zones d’attente bénéficient d’une couverture sanitaire sur place et de prestations de soins. À cette fin, une convention passée entre le préfet responsable du CRA et un établissement public hospitalier voisin définit les modalités d’intervention du service public hospitalier dans cette structure. Dans les locaux de rétention administrative, l’article R. 553-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ne prévoit pas le même type d’accompagnement sanitaire, compte tenu de la limitation de la durée de placement à 48 heures. Toutefois, les personnes retenues en LRA bénéficient des soins médicaux nécessaires par la visite de médecins hospitaliers ou libéraux, dont les consultations sont prises en charge par l’État.

La dotation budgétaire demandée à ce titre pour 2012 est de 6,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.

Les personnes retenues dans les CRA bénéficient également d’un accompagnement social, consistant en des prestations d’accueil, d’information et de soutien destinées à permettre l’exercice effectif de leurs droits et préparer leur départ. À cet effet, le ministère en charge de l’immigration a conclu une convention avec plusieurs associations (l’ASSFAM (16), la CIMADE, France terre d’asile, Forum Réfugiés et l’Ordre de Malte), dans le cadre d’un marché public relatif à l’aide aux droits des étrangers retenus entré en vigueur le 1er janvier 2010. Le montant des crédits demandés pour 2012 est de 6,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Cette dotation inclut également les crédits relatifs à l’intervention de la Croix-Rouge sur la zone d’attente pour personnes en instance (ZAPI) de Roissy, qui fournit aux étrangers maintenus l’aide de première nécessité (produits d’hygiène, produits alimentaires et produits de puériculture) et un encadrement spécifique aux mineurs isolés.

c) Un recours à la visioconférence et aux audiences délocalisées encore insuffisant

La présentation des étrangers retenus devant les juridictions compétentes et l’OFPRA suppose des transferts, assortis d’escortes policières coûteuses. Selon l’évaluation transmise à votre rapporteur pour avis, le coût de ces escortes, calculé à partir des données d’activités transmises par les centres de rétention administratives pour l’année 2010 et incluant les frais de transport et de restauration ainsi que les rémunérations, représenterait 400 000 euros par an pour les escortes liées aux entretiens devant l’OFPRA et 12 millions d’euros par an pour les escortes liées aux transferts devant les juridictions (17). Ces transferts présentent également des inconvénients pour les personnes retenues : départs groupés tôt le matin, recours à la contention, longues attentes au tribunal de grande instance, heures de repas décalées, etc.

Pour diminuer les contraintes financières, matérielles et humaines de ces obligations, le législateur a autorisé la tenue d’audiences dans des salles à proximité immédiate des centres de rétention (article L. 552-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) ainsi que le recours à la visioconférence, sous réserve que les locaux utilisés soient spécialement aménagés à cet effet. La Cour de cassation, par trois arrêts rendus le 16 avril 2008 relatifs à des demandes de prolongation de rétention, a jugé que « la proximité immédiate exigée par l’article L. 552-1 du CESEDA est exclusive de l’aménagement spécial d’une salle d’audience dans l’enceinte d’un centre de rétention » (18).

Deux salles d’audience situées dans l’enceinte des centres de rétention administrative de Marseille et de Toulouse ont ainsi dû être fermées, et la salle d’audience située au sein du CRA de Nîmes n’a jamais été mise en service. Une nouvelle salle d’audience a cependant rouvert en mars 2009 à Marseille Canet, dans un bâtiment disponible à proximité du centre.

Le législateur, dans la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, a proposé de modifier l’article L. 552-1 du CESEDA afin d’autoriser que les salles d’audience puissent être situées au sein des centres, mais cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011, au motif qu’elle ne permettrait pas que les audiences soient publiques.

Seules les salles d’audience des CRA de Coquelles et du Marseille Canet sont donc actuellement utilisées.

Deux autres salles d’audience ont été créées, en accord avec le ministère de la Justice, à proximité du centre de rétention du Mesnil-Amelot. Elles constituent une annexe du tribunal de grande instance de Meaux. Il est regrettable qu’elles ne soient pas encore utilisées en raison de l’absence, d’une part, d’un accord entre le ministère de l’Intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration et le ministère de la Justice sur la répartition des coûts de fonctionnement afférents et, d’autre part, de l’affectation du personnel nécessaire par le ministère de la justice.

Il est également déplorable que l’espace judiciaire, d’une surface de 180 mètres carrés, créé en 2001 à proximité de la zone d’attente pour les personnes en instance (ZAPI) de Roissy en application de l’article L. 222-4 du CESEDA, n’ait jamais été utilisée du fait de l’opposition des magistrats du tribunal de grande instance de Bobigny. Un programme d’aménagement complémentaire, comprenant la création d’une deuxième salle d’audience, d’une salle de repos et de restauration et la réorganisation de certains bureaux, a été lancé afin de répondre aux attentes des magistrats concernés. Le coût de l’opération est 2,74 millions d’euros dont 2,1 millions d’euros pour les travaux, répartis entre le budget opérationnel de programme de la police nationale et celui de l’asile et de l’immigration. Le calendrier de réalisation prévoit une livraison en décembre 2012.

Par ailleurs, aucun centre de rétention n’a recours à la visioconférence pour la tenue des audiences devant le juge des libertés et de la détention, dans la mesure où les salles disposant de cet équipement sont situées dans l’enceinte des centres, ce qui n’est pas conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation du 16 avril 2008. En revanche, la visioconférence est utilisée dans plusieurs CRA, dans le cadre des entretiens avec l’OFPRA. Actuellement, 5 salles équipées de visioconférence existent dans les CRA de Lyon, Lille, Toulouse, Plaisir et Palaiseau. Seule la salle de Lyon est utilisée, celle de Toulouse sera opérationnelle dès le passage de la commission de sécurité. Deux hypothèses d’installation de salles d’audience équipées pour la visioconférence sont à l’étude : la première conduirait à l’installation de sept pôles en métropole (Lesquin, Metz, Lyon, Marseille, Toulouse, Rennes, Île-de-France) et la seconde à cette installation dans les 14 centres de rétention métropolitains gérés en 2010 par la police aux frontières. Le montant des investissements nécessaires varie entre 140 000 et 494 000 euros.

3. Des systèmes d’information et d’identification performants au service du contrôle et du suivi des flux migratoires

La mission « Immigration, asile et intégration » finance le développement d’une nouvelle version de l’application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (AGDREF), dite « AGDREF 2 ». L’application AGDREF, créée en 1993, permet de gérer les dossiers des ressortissants étrangers en France, depuis la demande de titres de séjour jusqu’à leur délivrance, de contrôler la régularité du séjour des étrangers et de produire des statistiques sur les flux migratoires. Elle comportait, en avril 2011, plus de 6,7 millions de dossiers individuels. Le projet de refonte de cette application, AGDREF 2, permettra notamment :

– le traitement interministériel des dossiers des étrangers par les préfectures, avec un périmètre étendu aux consulats, services de police et unités de gendarmerie, opérateurs de l’État (OFII, OFPRA), organismes sociaux, Pôle emploi et autres organismes dont la mission nécessite la vérification préalable de la régularité du séjour d’un étranger ;

– l’introduction de la biométrie à des fins de lutte contre la fraude, afin de tenir compte du règlement (CE) n° 380/2008 du Conseil du 18 avril 2008 modifiant le règlement (CE) n° 1030/2002 établissant un modèle uniforme de titre de séjour pour les ressortissants de pays tiers ;

– la constitution d’une base de données statistiques sur l’évolution des flux migratoires.

Les crédits prévus pour 2012 permettront de financer la maintenance des plates-formes d’exploitation et leurs évolutions nécessaires, le déploiement de l’application dans les préfectures, certaines sous-préfectures et les centres de rétention administrative, les opérations liées à la transition entre l’application actuelle et l’application future, en particulier la reprise des données.

L’enveloppe de 3,72 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 5,42 millions d’euros en crédits de paiement demandée pour 2012 permettra également de poursuivre la mise en place du système de comparaison des empreintes digitales aux fins de l’application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003, dit « Dublin II » (19). Le règlement (CE) n° 725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 portant création de ce système dénommé EURODAC a prévu que chaque État membre soit en mesure de collecter et transmettre à un fichier central situé au Luxembourg les empreintes digitales des demandeurs d’asile (catégorie 1), des ressortissants d’États tiers appréhendés à l’occasion du franchissement irrégulier d’une frontière extérieure (catégorie 2) et des étrangers interpellés en situation irrégulière sur son territoire (catégorie 3), afin de vérifier si les intéressés ne relèvent pas d’une demande d’asile dans un autre État de l’Union.

En France, le système EURODAC est opérationnel en préfectures depuis le 15 janvier 2003 pour les demandeurs d’asile (45 bornes installées sur le territoire métropolitain). En 2010, 37 774 relevés d’empreintes exploitables ont ainsi été effectués et 6 071 personnes ont été reconnues par la base de données. S’agissant des ressortissants d’États tiers appréhendés à l’occasion du franchissement irrégulier d’une frontière extérieure mais admis à pénétrer sur le territoire national, le système est mis en œuvre à Roissy depuis l’automne 2008. La plate-forme aéroportuaire d’Orly devrait être opérationnelle, avec un certain retard, au dernier trimestre 2011. Enfin, pour ce qui concerne l’extension aux étrangers interpellés en situation irrégulière sur le territoire, le dispositif poursuit une phase d’expérimentation dans neuf départements : dans le Pas-de-Calais depuis décembre 2005, dans cinq autres départements (Calvados, Haute-Garonne, Ille-et-Vilaine, Manche et Paris) depuis 2007, dans le Nord en 2008 et dans le Rhône et la Savoie en octobre 2010. En 2010, les 6 232 saisies d’empreintes ainsi effectuées ont donné lieu à 1 446 identifications positives, soit un pourcentage moyen de 23,2 %.

D. LA GARANTIE DU DROIT D’ASILE, UN DEVOIR AUX LOURDES INCIDENCES BUDGÉTAIRES

Le droit d’asile est un principe à valeur constitutionnelle énoncé par le quatrième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et rappelé par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 93-325 DC du 13 août 1993 sur la loi relative à la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étrangers en France. Il est garanti par la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et s’exerce dans le respect de la directive 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales d’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres et celui de la directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié (20).

Faire face à un tel impératif juridique a des conséquences budgétaires importantes. Plus de la moitié des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » sont consacrés à l’hébergement, à l’aide financière et au traitement des dossiers des demandeurs d’asile dans notre pays. Le projet de loi de finances pour 2012 consacre ainsi 408,9 millions d’euros, en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, à l’action « Garantie de l’exercice du droit d’asile » du programme « Immigration et asile », soit une augmentation de 24,7 % par rapport au montant des dotations ouvertes en loi de finances initiale pour 2011, qui s’élevait à 327,7 millions d’euros. Il est également prévu que ce montant soit complété, en 2012, par 5,5 millions d’euros au titre du rattachement de fonds de concours – l’action bénéficiant du fonds européen pour les réfugiés – et de l’attribution de produits.

1. L’accueil des demandeurs, premier poste de dépense de la mission

Conformément à sa tradition et à ses engagements internationaux, la France a mis en place un dispositif national d’accueil (DNA) spécialement dédié aux demandeurs d’asile et financé par des fonds publics. Cette prise en charge intervient sous la forme d’un hébergement accompagné en centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) ou, à défaut de place disponible en CADA, sous la forme du versement d’une prestation financière mensuelle, l’allocation temporaire d’attente (ATA) et, le cas échéant et en l’absence de toute autre solution, d’un hébergement dans des structures d’urgence.

a) Le réseau des centres d’accueil des demandeurs d’asile

L’hébergement dans les centres d’accueil des demandeurs d’asile (CADA) répond mieux que d’autres modes de prise en charge (accueil collectif, hôtels) aux normes minimales prévues par la directive 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003 relative à des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres.

• Le maintien d’un nombre important de places

Compte tenu de l’augmentation des besoins résultant de la forte croissance de la demande d’asile ces dernières années, l’État a fortement développé la capacité d’hébergement en CADA. Ainsi, en 9 ans, la capacité de places de CADA a quadruplé, passant de 5 282 places en 2001 à 21 410 places fin 2010.

En 2012, l’État financera 272 CADA (soit 21 410 places), deux centres de transit (246 places) et un centre d’accueil et d’orientation des mineurs isolés demandeurs d’asile (CAOMIDA, 33 places), soit un dispositif national d’accueil de 21 689 places (soit le même nombre qu’en 2010 et 2011). Ces centres, outre l’hébergement, offrent aux demandeurs d’asile des prestations d’accompagnement social et administratif. Les quatre premiers partenaires de l’État dans ce domaine (Adoma, AFTAM (21), France terre d’asile et Forum réfugiés) gèrent environ 50 % de ces places.

Au 30 juin 2011, 21 095 places étaient effectivement mobilisées, soit un taux d’occupation de 98,5 %.

Les dotations budgétaires demandées à ce titre pour 2012 s’élèvent à 194 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement (contre 199 millions d’euros en 2011).

• La rationalisation de la gestion des centres d’accueil

L’optimisation de ces dotations budgétaires dépend de la durée d’hébergement des demandeurs en CADA. Dès 2006, l’amélioration de la fluidité du dispositif a constitué une priorité. L’objectif consistant à accueillir la part la plus importante possible des demandeurs en CADA est cependant difficile à atteindre, dans un contexte marqué par une augmentation continue de la demande d’asile et l’allongement de la durée des procédures.

Le pourcentage de demandeurs éligibles à un hébergement en CADA effectivement hébergés en CADA, qui s’élevait à 46 % en 2006, tend ainsi à décroître et se situe à 37,8 % au 30 juin 2011. Ce taux est cependant supérieur à celui constaté à la fin de l’année 2010, qui était de 31,4 %. La durée moyenne d’hébergement tend également à s’accroître : elle était de 548 jours en 2007, 557 jours en 2008, 572 jours en 2009 et de 586 jours en 2010.

Cette augmentation de la durée moyenne d’hébergement s’explique, d’une part, par l’allongement des procédures d’instruction des demandes d’asile et, d’autre part, par la difficulté à trouver des solutions de sortie pour les personnes n’ayant plus leur place dans ces centres : au 30 juin 2011, 2,3 % des places étaient encore occupées par des réfugiés statutaires et 7,5 % par des déboutés.

ÉVOLUTION DES ADMISSIONS ET DES DÉLAIS DE SORTIE
DES DEMANDEURS D’ASILE EN CADA

 

Nombre d’admissions

Délai de sortie moyen des réfugiés et bénéficiaires de la protection subsidiaire

Délai de sortie moyen des déboutés

2007

11 509

205 jours (soit 6,8 mois)

208 jours (soit 6,9 mois)

2008

12 402

181 jours (soit 6,0 mois)

143 jours (soit 4,7 mois)

2009

12 326

168 jours (soit 5,6 mois)

110 jours (soit 3,6 mois)

2010

12 745

165 jours (soit 5,5 mois)

116 jours (soit 3,8 mois)

N.B. : Le délai de sortie est le délai s’écoulant entre la décision d’octroi ou de refus de la qualité de réfugié et la sortie du CADA.

Afin de favoriser la sortie des réfugiés occupant indûment des places en CADA, l’action de l’État se concentre sur l’ouverture de leurs droits sociaux, le Gouvernement ayant choisi de privilégier la prise en charge des réfugiés par des dispositifs de droit commun. L’État finance cependant 28 centres provisoires d’hébergement (CPH), répartis dans 26 départements, pour une capacité totale de 1 083 places. En complément de cette offre, un certain nombre de dispositifs alternatifs d’hébergement des réfugiés se sont développés au cours des dernières années, avec notamment le programme RELOREF (« rechercher un logement pour les réfugiés ») et le dispositif provisoire d’hébergement des réfugiés statutaires (DPHRS) de l’association France terre d’asile, et le programme ACCELAIR, porté par l’association Forum réfugiés dans le département du Rhône depuis 2002 et ayant vocation à s’étendre à l’ensemble du territoire métropolitain.

En ce qui concerne les déboutés, dont la présence en CADA est considérée comme indue après un délai d’un mois suivant la notification de la décision négative, la solution passe par une diligence plus grande des préfectures dans la mise à disposition d’un hébergement de droit commun en cas de régularisation et par une meilleure information sur le dispositif d’aide au retour volontaire mis en œuvre par l’Office français de l’immigration et de l’intégration.

Le prix de journée de l’hébergement d’un demandeur d’asile en CADA a baissé de 4,06 %, passant de 26,20 euros par jour en 2010 à 25,14 euros par jour en 2011. En 2012, le coût unitaire moyen devrait encore baisser de 2,78 %, pour s’établir à 24,44 euros (22). Ce coût moyen de référence est établi par agrégation des prix des places de CADA, des places de transit et du CAOMIDA. Il comprend l’hébergement, l’allocation mensuelle de subsistance et l’accompagnement social et administratif.

Ce coût moyen reflète cependant des disparités importantes d’un centre à l’autre. Les coûts varient notamment en fonction des publics accueillis (personnes isolées, couples avec enfants, parent seul avec enfant), du type d’hébergement (structures collectives ou ensemble d’appartements) et de la capacité d’hébergement (de 12 à 210 places). La composition des effectifs peut également varier en fonction des caractéristiques de l’établissement : les structures collectives, par exemple, doivent disposer d’animateurs, de personnels d’entretien, d’une animation des espaces collectifs et de veilleurs de nuit, ce qui n’est pas le cas dans les structures dispersées.

C’est pour ces raisons qu’une rationalisation de la gestion des centres d’accueil a été engagée dans le cadre de la seconde phrase de la révision générale des politiques publiques. Une mission d’audit a été confiée à l’Inspection générale des affaires sociales et au contrôle général économique et financier du ministère de l’Économie, des finances et de l’industrie. Le rapport, remis fin novembre 2010, a formulé une série de propositions destinées à dégager des pistes d’économies sur ces dépenses d’intervention. Un référentiel des coûts liés aux prestations des CADA est en cours d’élaboration, ainsi qu’une identification des bonnes pratiques en matière de qualité et de coûts. Ils devraient permettre d’harmoniser et d’optimiser la gestion des CADA en 2012 et de mettre au point un nouveau mode de budgétisation.

Par ailleurs, le déploiement du nouvel outil de gestion financière et budgétaire, Chorus, à compter du 1er janvier 2011 pour le secrétariat général à l’immigration et à l’intégration (SGII), a entraîné un retard dans le versement des dotations globales de financement destinées aux associations gestionnaires de CADA. Les retards constatés en début d’année sont inhérents à ce déploiement et ne devraient plus, selon le SGII, se reproduire à l’avenir.

b) Une sous-évaluation chronique des besoins de financement liés à l’allocation temporaire d’attente

Conformément à la directive 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003 relative aux normes minimales d’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres, une allocation temporaire d’attente (ATA), créée par la loi de finances initiale pour 2006, est versée aux demandeurs d’asile pendant toute la durée de la procédure d’instruction de leur demande, y compris en cas de recours devant la Cour nationale du droit d’asile. Au 30 juin 2011, 35 800 étrangers en bénéficiaient, dont 35 540 demandeurs d’asile, 241 bénéficiaires de la protection subsidiaire, 14 apatrides et 5 ressortissants étrangers bénéficiant disposant d’une autorisation provisoire de séjour en application de l’article L. 316-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

La gestion de l’ATA est confiée, y compris pour ce qui concerne son attribution ou la notification de son rejet, à Pôle emploi qui, pour ce faire, s’appuie toutefois sur les informations détenues par les services du ministère chargé de l’asile, l’OFII, l’OFPRA, les préfectures et les gestionnaires de CADA.

Conséquence de la diminution de la demande d’asile entre 2004 et 2007 et de l’accroissement, en parallèle, des capacités d’hébergement des CADA, le coût budgétaire de cette allocation a très nettement diminué jusqu’en 2008. Avec le regain des demandes adressées à l’OFPRA, cette tendance s’est logiquement inversée depuis.

ÉVOLUTION DU COÛT DE L’ALLOCATION TEMPORAIRE D’ATTENTE DEPUIS 2007

(en millions d’euros)

 

2007

2008

2009

2010

2011

Provisions en lois de finances

38

28

30

52,3

54

Exécution budgétaire

47,1

48

68,4

105

149

N.B. : Les montants indiqués correspondent au coût de l’ATA uniquement pour les publics bénéficiant d’une protection internationale.

La poursuite de l’augmentation de la demande d’asile en 2011 ne permet pas d’envisager une baisse significative du nombre de bénéficiaires. La durée de perception de l’allocation devrait toutefois diminuer, compte tenu des efforts engagés pour réduire les délais de traitement des demandes d’asile, à la fois à l’OFPRA et à la CNDA, et d’une meilleure rotation potentielle des places de CADA en découlant.

Le projet de loi de finances pour 2012 prévoit de porter la dotation budgétaire pour l’ATA à 89,65 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, contre 54 millions d’euros en 2011, soit une augmentation significative de 36,65 millions d’euros (+ 66 %). Ce financement est censé permettre le versement de l’allocation à 21 565 bénéficiaires pour une durée moyenne de douze mois et un montant de 10,99 euros par jour en 2012 (+ 1 ,65 % par rapport à 2011).

Comme les années précédentes, et en dépit de la revalorisation substantielle de la dotation prévue, le montant inscrit en loi de finances ne paraît pas de nature à répondre aux besoins prévisibles. L’exécution budgétaire pour 2011 a ainsi fait apparaître un déficit de plus de 95 millions d’euros, soit 175 % de la dotation initiale. Il paraît probable que les montants nécessaires au financement de l’ATA en 2012 seront au moins équivalents à ceux constatés en 2011, soit de l’ordre de 150 millions d’euros. En effet, la réduction des délais d’examen des demandes d’asile ne pourra, si elle se confirme, produire ses effets budgétaires qu’à la fin de l’année 2012.

Les montants prévus pour 2012 apparaissent d’autant plus sous-évalués qu’une extension des publics bénéficiant de l’ATA doit être envisagée. Dans un arrêt du 7 avril 2011, le Conseil d’État a annulé partiellement la circulaire interministérielle du 3 novembre 2009 relative à l’allocation temporaire d’attente : les demandeurs d’asile en procédure prioritaire relevant des 3° et 4° de l’article L. 741-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile peuvent dorénavant percevoir l’ATA. En outre, le Conseil d’État a posé à la Cour de justice de l’Union européenne une question préjudicielle visant à déterminer si les demandeurs d’asile « sous convocation Dublin » (23) relèvent de la directive européenne du 27 janvier 2003 relative aux normes minimales d’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres et si, par conséquent, ils doivent percevoir l’ATA (24).

Dans ce contexte, l’annonce, déjà évoquée, par le ministre de l’Intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, le 25 octobre 2011, que le Gouvernement demanderait l’ouverture de 120 millions d’euros supplémentaires dans le cadre d’un prochain projet de loi de finances rectificative, est bienvenue. Ces crédits serviront à verser à Pôle emploi les sommes qui lui sont dues par l’État au titre de l’ATA, dont elle assure la trésorerie.

c) Une revalorisation significative de la dotation prévue pour l’hébergement d’urgence

Le dispositif d’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile vise à accueillir, à titre transitoire, ceux qui ne peuvent bénéficier d’une place en CADA ainsi que, si nécessaire et pour une durée limitée, les personnes sortant de ces centres sans autre solution d’hébergement. Il permet en outre d’accueillir des demandeurs d’asile ne pouvant être hébergés en CADA ni se voir verser l’ATA, notamment ceux qui se trouvent placés en procédure prioritaire.

Face au flux de demandeurs d’asile depuis 2008, les crédits inscrits en loi de finances pour la prise en charge sociale des demandeurs d’asile se sont révélés très insuffisants. Cette sous-dotation a concerné tout particulièrement les crédits d’hébergement d’urgence qui font l’objet, depuis plusieurs années, d’abondements significatifs par redéploiements internes et/ou par décrets d’avance, voire par loi de finances rectificative.

En 2009, la dotation budgétaire votée en loi de finances initiale s’est ainsi élevée à 30 millions d’euros, alors que les crédits consommés ont atteint 72,8 millions d’euros. En 2010, 30 millions d’euros ont également été votés, pour une consommation de 112,1 millions d’euros. En 2011, l’enveloppe prévue a été substantiellement revalorisée, puisqu’elle a été portée à 40 millions d’euros (soit + 25 %). Le nombre total de places, qui était de 5 478 en 2010 (en hôtel ou en structures collectives, le plus souvent), en plus des 1 500 places gérées par la société d’économie mixte Adoma, a ainsi été porté à 7 365 en 2011, soit 387 places supplémentaires à l’année. En exécution, cet effort s’est cependant révélé insuffisant, confirmant la prévision formulée par votre rapporteur dans son avis budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2011 (25) : à la fin de l’année, les besoins de financement devraient s’élever à 33,35 millions d’euros en crédits de paiement.

Afin de tenir compte de cette situation, le montant de crédits d’hébergement d’urgence demandés dans le projet de loi de finances pour 2012 au titre de l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile a été largement revu à la hausse par rapport à 2011, puisqu’il atteint 90,91 millions d’euros (+ 50,9 millions d’euros, soit une hausse de 127,25 %), dont 10,46 millions d’euros au titre du dispositif à gestion nationale et 80,44 millions d’euros pour le dispositif à gestion déconcentrée. Le nombre de places financées sera porté à 1 756 pour le dispositif à gestion nationale et à 14 652 places pour le dispositif à gestion déconcentrée, avec un coût moyen journalier unitaire d’environ 15 euros.

Cette revalorisation bienvenue devrait permettre de responsabiliser davantage les services chargés de l’exécution des dépenses (secrétariats généraux chargés des affaires régionales, préfectures, directions régionales des affaires sanitaires et sociales et directions départementales de la cohésion sociale) : ils pourront contracter dans de meilleures conditions avec les opérateurs associatifs en charge notamment de l’hébergement hôtelier en remettant à plat à la fois les tarifs, afin d’en réduire les coûts, et les prestations offertes aux demandeurs d’asile pris en charge dans ces structures. En outre, la circulaire du ministre de l’Intérieur du 24 mai 2011 introduit de nouvelles modalités de pilotage des capacités déconcentrées d’hébergement d’urgence, afin notamment de mieux maîtriser les dépenses.

2. Les réformes engagées pour contenir les coûts

L’accueil des demandeurs d’asile constitue le principal enjeu budgétaire de la mission « Immigration, asile et intégration ». Sans remettre en cause les droits dont bénéficient les intéressés, il est indispensable d’optimiser les procédures concernées, afin d’en rationaliser les coûts. Outre la rationalisation de la gestion des CADA, déjà évoquée, plusieurs réformes ont été engagées en ce sens.

a) La régionalisation du premier accueil des demandeurs d’asile

•  La régionalisation de l’admission au séjour des demandeurs d’asile

La régionalisation de l’admission au séjour des demandeurs d’asile, mise en œuvre à titre expérimental en 2006, est étendue depuis le 1er mai 2010 à toutes les régions de métropole à l’exception de l’Ile-de-France et l’Alsace ainsi que de la collectivité territoriale de Corse en raison des spécificités locales.

Cette réforme donne compétence au préfet du département chef-lieu de région pour traiter les premières demandes d’asile et en fait l’unique « point d’entrée » de la région. Le dispositif concerne uniquement l’admission initiale au séjour des demandeurs d’asile. Afin de tenir compte de certaines spécificités locales, il a été décidé de créer soit des points d’entrée supplémentaires dans certaines régions (Midi-Pyrénées, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Pays de la Loire et Rhône-Alpes), soit de confier la compétence relative à l’examen de la demande d’admission au séjour à un autre préfet de département dans une même région (Picardie)

Depuis le 1er janvier 2010, l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) a la responsabilité de la mise en œuvre effective et du financement, dans chaque région, des modalités d’accueil et d’accompagnement des demandeurs d’asile. Ce transfert de compétence relève d’une logique politique forte, s’intégrant dans les missions de l’Office prévues à l’article L. 5223-1 du code du travail. Ainsi, une plate-forme d’accueil unique, dotée de moyens suffisants pour assurer le premier accueil des demandeurs d’asile issus de plusieurs départements, est dorénavant mise en place dans chaque département « point d’entrée » pour l’admission au séjour. Au total, pour 33 points d’entrée, le réseau des plates-formes compte 35 structures, Paris disposant de deux plates-formes et la structure du département de la Loire ayant été maintenue en raison des flux de la demande d’asile, bien que le département ne constitue pas un point d’entrée. La région Rhône-Alpes dispose ainsi de trois plates-formes. Trois régions disposent de deux plates-formes : Midi-Pyrénées, Pays de la Loire et Provence-Alpes-Côte d’Azur.

•  Les avantages de ce dispositif

Cette réforme favorise une plus grande spécialisation des agents des services des étrangers des préfectures dans l’application du règlement Dublin II (26). Elle permet également une économie dans le déploiement des bornes Eurodac.

À terme, le transfert à l’OFII du premier accueil des demandeurs d’asile doit viser une égalité de traitement des demandeurs d’asile et limiter les incitations aux mouvements secondaires entre les territoires. Pour ce faire, l’OFII a commandité un audit externe du dispositif qui permet de :

– définir un référentiel du service public de base du premier accueil relevant d’un financement par l’OFII. Il définit a contrario les prestations qui ne relèvent pas du service public du premier accueil ;

– préciser les prestations de premier accueil en termes de contenu, de conditions de réalisation et de modalités de contrôle du service fait ;

– concevoir un cadre juridique sécurisé garantissant une égalité de traitement des usagers et des opérateurs et accompagner l’OFII dans sa mise en œuvre dès le 1er janvier 2012.

•  Les difficultés rencontrées

L’expérimentation de la régionalisation de l’admission au séjour des demandeurs d’asile a fait l’objet d’un bilan complet s’agissant de la gestion administrative des dossiers et de l’offre d’hébergement.

Si certaines orientations avaient été proposées pour l’organisation administrative de l’admission au séjour des demandeurs d’asile, le bilan a toutefois mis en évidence l’existence de quelques disparités locales dans certains cas. Afin d’éviter une gestion différente de la demande d’asile en fonction du département, les règles de répartition des compétences entre le préfet de département chef-lieu de région et les préfets de département ont été confortées.

Ainsi, les préfets des départements demeurent compétents pour les demandes d’asile présentées par des étrangers dont une première demande a fait l’objet d’un rejet définitif, pour la décision de refus de séjour qui peut être prise, en application du dernier alinéa de l’article R. 742-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), à l’encontre de l’étranger qui ne peut justifier de l’enregistrement de sa demande d’asile par l’OFPRA au plus tard à l’expiration de la durée de validité de son autorisation provisoire de séjour, pour la délivrance et le renouvellement du récépissé prévu au premier alinéa de l’article R. 742-2 du CESEDA, ainsi que pour la mise en œuvre des articles R. 742-3 à R. 742-6 du même code à l’égard des étrangers domiciliés dans leur département.

Concernant l’accueil des demandeurs d’asile, certains des départements qui disposent d’un point d’entrée et d’une plate-forme constatent une concentration des flux de la demande d’asile.

Afin de permettre une meilleure répartition des demandeurs d’asile au sein d’une même région, il convient de mener la réforme de la régionalisation à son terme, concernant les aspects de prise en charge sociale. Il est en effet souhaitable que les préfets de région (ou, a minima et le cas échéant, les préfets des départements où se trouve une seconde plate-forme d’accueil) impulsent des mécanismes de mutualisation de l’ensemble des capacités d’hébergement des demandeurs d’asile, à la fois s’agissant des places de CADA et des places d’hébergement d’urgence.

C’est dans cette optique qu’a été publiée la circulaire du 24 mai 2011 relative au pilotage du dispositif d’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile financé sur le programme « Immigration et asile » (crédits déconcentrés).

•  Les effets de la réforme sur l’activité des associations

Jusqu’en 2007, le réseau des plates-formes comptait une soixantaine de structures ; leur nombre a été réduit afin de mettre en cohérence la cartographie du réseau avec celle de la régionalisation de l’admission au séjour des demandeurs d’asile. Les missions des plates-formes sont assurées soit directement par la direction territoriale de l’OFII, soit par des structures associatives subventionnées à cet effet par l’Office, soit conjointement par l’OFII et une association. Sur les 35 plates-formes, 24 sont associatives. Les associations devront prendre en compte, dès 2012, le nouveau référentiel des prestations mentionné ci-dessus.

b) Les efforts de l’Office français de protection des apatrides pour réduire la durée de traitement des dossiers

La poursuite de la hausse de la demande d’asile (+ 54 % en cumulé par rapport à 2008, + 11 % au premier semestre 2011 par rapport au premier semestre 2010) n’a pas permis à l’Office, en dépit de ses efforts de productivité, de résorber le stock des demandes de protection internationale en instance. Au 31 décembre 2010, l’OFPRA comptabilisait ainsi 18 800 demandes en instance, soit un accroissement de 4 000 dossiers par rapport au stock de l’année précédente. Ce stock est uniquement composé de premières demandes, le nombre de réexamens en instance (136) étant largement inférieur au flux moyen mensuel de réexamens en 2010 (391). Le surcroît d’activité de 6,5 % en 2010, à moyens constants, a permis de contenir l’augmentation du stock mais n’a pu suffire à faire face à la hausse de la demande (+ 11 % de premières demandes). Au 1er juin 2011, le nombre de dossiers en instance s’élève à plus de 21 000.

Pour faire face à cette situation et résorber les stocks, l’OFPRA a bénéficié, à compter du 1er janvier 2011, du recrutement de 30 officiers de protection supplémentaires, sur contrat initial de 18 mois, portant son plafond d’emplois à 442 équivalents temps plein (contre 421 en 2010, 412 en 2009, 462 en 2008 et 460 en 2007). Le nombre d’agents instructeurs a ainsi été porté de 106 équivalents temps plein en 2007 à 155 en 2011 et l’Office a rendu 22 045 décisions sur les cinq premiers mois de l’année, soit une hausse de 12,6 % par rapport à la même période en 2010. Compte tenu de la poursuite de la hausse de la demande d’asile, il a été décidé, dans le cadre du projet de loi de finances, de maintenir ce renfort de 30 officiers supplémentaires au-delà de la date initialement prévue, juin 2012, jusqu’à la mi-décembre 2012. Le coût de cette mesure est estimé à 1,85 million d’euros pour la période allant de janvier à mi-décembre 2012. Le ministre de l’Intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration a annoncé, lors de son audition par la commission élargie ayant procédé à l’examen des crédits de la mission, le 25 octobre 2011, que cet effort serait amplifié par le Gouvernement, par le dépôt d’un amendement au projet de loi de finances prévoyant de pérenniser les emplois des 30 officiers de protection supplémentaires et des 10 agents contractuels recrutés en 2011 et de créer 5 emplois d’officiers de protection supplémentaires.

Toutefois, les recrutements opérés n’ont pas encore permis d’enrayer la détérioration préoccupante des délais de traitement des dossiers. Le délai moyen d’examen par l’OFPRA est ainsi de 150 jours en 2011, soit une hausse de 5 jours par rapport à 2010 et un décalage de 25 jours par rapport à l’objectif fixé. En 2009, ce délai était de 118 jours. L’âge moyen du stock a, en revanche, connu une inversion de tendance : il est passé à 111 jours à la fin de 2011, contre 113 jours à la fin de l’année 2010. L’objectif fixé pour 2012 est de 130. Le nombre de dossiers traités dans l’année par équivalent temps plein d’agent instructeur reste relativement stable, à 385 dossiers, sous réserve d’un pic constaté en 2010, à 390 dossiers.

La subvention pour charge de service public prévue pour 2012 se monte à 34,35 millions d’euros, contre 34,5 millions d’euros en 2011, et les ressources propres de l’établissement à 0,22 million d’euros. Ces recettes ne seront pas suffisantes pour assurer l’équilibre budgétaire de l’opérateur, et un prélèvement de 0,74 million d’euros sur le fonds de roulement sera nécessaire.

Le contrat d’objectifs et de moyens signé entre l’État et l’Office le 9 décembre 2008, couvrant la période 2009-2011, sera prolongé d’un an, jusqu’au 31 décembre 2012, par avenant afin d’être renouvelé pour la période du prochain budget triennal par un nouveau contrat d’objectifs et de performance.

c) Le renforcement de la Cour nationale du droit d’asile en vue d’accélérer les procédures

L’ancienne commission de recours des réfugiés, devenue la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) en application de la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007, jouit désormais d’une autonomie statutaire et budgétaire totale par rapport à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, conformément à la loi de finances n° 2008-1425 pour 2009 et au décret n° 2008-1481 relatif à la Cour nationale du droit d’asile.

Rattachée au programme n° 165 de la mission « Conseil et contrôle de l’État », la CNDA devrait être dotée, par la loi de finances pour 2012, de 22,2 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 25,2 millions d’euros en crédits de paiement. Ses dotations connaissent donc une augmentation significative, de 18,5 % en autorisations d’engagement et de 22,8 % en crédits de paiement, par rapport à 2011. Cette hausse constitue la traduction budgétaire d’un plan de redressement vigoureux de la Cour, indispensable pour lui permettre de résorber son stock d’affaires en instance et de réduire les délais de jugement.

La Cour est compétente pour statuer sur les recours formés contre les décisions de l’OFPRA accordant ou refusant le bénéfice de l’asile, retirant ou mettant fin au bénéfice de l’asile, les recours en révision dans le cas où il est soutenu que la décision de la Cour a résulté d’une fraude, et les recours formés contre les décisions de l’Office portant rejet d’une demande de réexamen. Elle est organisée en onze divisions depuis le 1er septembre 2011 (dix avant cette date), composées de rapporteurs qui instruisent les dossiers et présidées, depuis septembre 2009, dans le cadre du rattachement de la gestion de la Cour au secrétariat général du Conseil d’État, par un magistrat permanent de l’ordre administratif ou judiciaire.

Les décisions juridictionnelles sont rendues par des formations de jugement (sections). Ces sections sont présidées par un magistrat de l’ordre administratif ou judiciaire ou de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes et comprennent deux assesseurs, vacataires. Ces assesseurs sont des personnalités qualifiées ; l’une est nommée par le vice-président du Conseil d’État sur proposition de l’un des ministres représentés au conseil d’administration de l’OFPRA, l’autre par le Haut Commissaire des Nations unies pour les réfugiés, sur avis conforme du vice-président du Conseil d’État.

•  Une détérioration préoccupante des délais de jugement à compter de 2009

Le nombre de recours, après avoir connu une baisse continue de 2005 à 2008, est reparti à la hausse en 2009. Cette reprise, liée à celle de la demande d’asile et à la persistance d’un taux élevé de recours contre les décisions de refus de l’OFPRA (83,9 % en 2010, 81,2 % en 2009), s’est confirmée en 2010 : la Cour a été saisie de 27 445 recours (soit une augmentation de près de 10 % par rapport à 2009) et a rendu 23 934 décisions (+ 19 % par rapport à 2009), soit un décalage d’environ 15 % entre le nombre de recours enregistrés et la capacité de jugement (27). Les prévisions pour 2011 font état de 36 500 recours, soit une nouvelle hausse très significative, de près d’un tiers par rapport à 2010.

Cette croissance du nombre de recours a eu pour conséquence un allongement de la durée moyenne de traitement des dossiers par la Cour, qui est passé d’un peu plus de dix mois fin 2008 à plus de quinze mois en 2009, alors que le Conseil d’État a fixé un objectif de six mois pour 2011.

ÉVOLUTION, ENTRE 2002 ET 2011, DE LA DURÉE MOYENNE
DE TRAITEMENT DES DOSSIERS PAR LA CNDA

 

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011 (1)

 

Recours

52 172

40 345

30 505

22 680

21 636

25 039

27 445

36 500

Délai de jugement

9 mois et 22 jours

9 mois et 12 jours

10 mois et 23 jours

10 mois et 1 jour

10 mois et 3 jours

15 mois et 12 jours

14 mois et 28 jours

9 mois

(1) Prévisions.

Cette détérioration s’est accompagnée d’une augmentation préoccupante du nombre de dossiers en instance de jugement : 29 776 en 2010, en augmentation de 9 % par rapport à 2009.

• Les effets positifs des recrutements effectués en 2010 et 2011

Cette situation a conduit le Conseil d’État à définir, au printemps 2010, un plan d’action, prévoyant notamment le recrutement de rapporteurs supplémentaires. Le nombre de rapporteurs a ainsi été porté à 95 à la fin de l’année 2010, contre 70 à la fin de l’année précédente. Ces recrutements ont permis de stabiliser les délais de jugement, et même d’amorcer leur réduction, le délai moyen étant passé sous la barre des 15 mois à la fin 2010, diminuant de 14 jours par rapport à 2009. À la fin du premier semestre 2011, le délai moyen de jugement, calculé en année glissante, c’est-à-dire entre juin 2010 et juin 2011, était de douze mois.

Il était initialement prévu d’amplifier cet effort par le recrutement de 20 nouveaux rapporteurs en 2011, 20 en 2012 et 10 en 2013 (soit un quasi-doublement du nombre de rapporteurs en quatre ans), avec pour objectif d’atteindre un délai de jugement de 6 mois en 2013.

Le Gouvernement a décidé, en janvier 2011, d’accélérer et d’accroître les recrutements programmés. En effet, l’amélioration prévue a paru trop progressive. De plus, l’OFPRA a lui-même obtenu des moyens humains supplémentaires pour procéder à la résorption de ses stocks de dossiers en cours d’instruction, qui devrait se traduire mécaniquement par une nouvelle augmentation du nombre de recours devant la CNDA. L’accroissement du nombre de recours lié à cette seule opération est estimé à environ 5 000 dossiers en 2011 et à 3 000 en 2012.

Pour faire face à cette situation, le Premier ministre a décidé un nouveau plan, consistant à anticiper et augmenter le plan précédent, en prévoyant le recrutement de 50 personnes en 2011 (dont 40 rapporteurs supplémentaires) et 15 en 2012. Le nombre de rapporteurs aura ainsi quasiment doublé en deux ans au lieu de quatre : 70 rapporteurs fin 2009, 135 fin 2011. En conséquence, le plafond d’emplois de la Cour a été porté à 318 équivalents temps plein en 2012. Le ministre de l’Intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration a annoncé, lors de son audition par la commission élargie ayant procédé à l’examen des crédits de la mission, le 25 octobre 2011, que ce plafond serait revu à la hausse par le Gouvernement, par le dépôt d’un amendement au projet de loi de finances prévoyant 15 emplois supplémentaires pour la CNDA en 2012.

Cette augmentation des recrutements devrait permettre de juger 38 000 affaires en 2011 (contre 24 000 en 2010) et 47 000 fin 2012, et d’atteindre un délai prévisible moyen de jugement de 9 mois dès la fin 2011 et de six mois dès la fin 2012.

Compte tenu, d’une part, de l’importance pour un demandeur d’asile de bonne foi de pouvoir bénéficier d’une décision rapide pour pouvoir vivre sous la protection de l’État et, d’autre part, de l’impact budgétaire positif de la réduction de la durée des procédures d’instruction, recours inclus, des demandes d’asile sur les dépenses liées à la prise en charge des demandeurs, les efforts financiers consentis apparaissent pleinement justifiés.

Par ailleurs, la Cour a poursuivi en 2011 et continuera en 2012 sa réorganisation interne, dans le but de donner plein effet aux moyens mis à sa disposition. La qualité des rôles d’audience devrait notamment être améliorée, sa complexité étant l’un des facteurs importants des renvois (dont le taux se maintient au-dessus de 28 % en 2010), lesquels retardent le jugement définitif des affaires. L’organisation du travail des avocats devrait également en être facilitée.

E. L’INTÉGRATION ET L’ACCÈS À LA NATIONALITÉ, OBJECTIFS QUI DÉPENDENT MOINS DE FINANCEMENTS DIRECTS DE L’ÉTAT

1. Le rôle clé de l’Office français de l’immigration et de l’intégration dans l’accueil des immigrants

Le comité de modernisation des politiques publiques a décidé, le 4 avril 2008, de créer un nouvel opérateur public compétent en matière d’immigration et d’intégration, afin de rationaliser les interventions respectives de l’ancienne agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) et de l’agence pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ACSE). Ce nouvel opérateur a été créé en plusieurs phases successives.

Dans un premier temps, la loi n° 2008-1425 de finances initiale pour 2009 a réformé le système des ressources propres de l’ANAEM pour remplacer les redevances qu’elle percevait par des taxes et supprimer les exonérations devenues obsolètes. Dans un second temps, l’article 67 de la loi n° 2009-313 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion a défini les compétences du nouvel opérateur en adjoignant aux missions de l’ANAEM les compétences de l’ACSE en matière d’intégration des migrants primo arrivants et de formation des étrangers à la langue française.

L’OFII a tenu son premier conseil d’administration le 22 avril 2009. L’ensemble des marchés de formation linguistique en faveur des étrangers est passé sous la compétence de l’office au 1er juillet 2009. De même, le décret n° 2009-331 du 25 mars 2009 a substitué dans tous les textes législatifs et réglementaires la nouvelle dénomination de l’opérateur à son ancien intitulé. Le 16 juillet 2010, un contrat d’objectifs et de performances a été signé entre l’OFII et l’ex ministère de l’Immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire.

L’OFII est chargé, sur l’ensemble du territoire, du service public de l’accueil des étrangers primo arrivants, titulaires d’un premier titre les autorisant à séjourner durablement en France. Il a également pour mission de participer à toutes actions administratives, sanitaires et sociales relatives :

– à l’entrée et au séjour d’une durée inférieure ou égale à trois mois des étrangers ;

– à l’accueil des demandeurs d’asile ;

– à l’introduction en France, au titre du regroupement familial, du mariage avec un Français ou en vue d’y effectuer un travail salarié, d’étrangers ressortissants de pays tiers à l’Union européenne ;

– au contrôle médical des étrangers admis à séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois ;

– au retour et à la réinsertion des étrangers dans leur pays d’origine ;

– à l’intégration en France des étrangers, pendant une période de cinq années au plus à compter de la délivrance d’un premier titre de séjour les autorisant à séjourner durablement en France ou, pour la mise en œuvre des dispositifs d’apprentissage de la langue française adaptés à leurs besoins, le cas échéant en partenariat avec d’autres opérateurs, quelle que soit la durée de leur séjour. Dans le cadre du parcours d’intégration, l’Office est ainsi chargé de la mise en œuvre du contrat d’accueil et d’intégration (CAI) et des dispositifs d’apprentissage de la langue française adaptés aux besoins d’intégration des personnes de nationalité étrangère. Les dépenses à ce titre sont liées au volume et à la structure de la population migrante (par exemple le niveau scolaire ou de connaissance du français de ces personnes).

L’opérateur dispose, pour mener cette politique, du réseau de plates-formes d’accueil régionales, et, en tant que de besoin, des plates-formes d’accueil infrarégionales.

Le budget 2011 de l’OFII est d’environ 175 millions d’euros. Après avoir bénéficié longtemps d’un fonds de roulement très excédentaire dont la reprise a permis de retarder de plusieurs années l’augmentation de ses recettes pour faire face à des dépenses nouvelles en matière d’intégration mais aussi d’asile ou d’aides au retour dans le pays d’origine, l’OFII a connu des tensions financières en termes de trésorerie à partir de 2009, qui ont nécessité une augmentation des taxes qui lui sont affectées en lois de finances initiales pour 2009, 2010 et 2011. Aujourd’hui, sa situation financière est stabilisée à flux de ressources et de dépenses constantes.

Ses activités sont ainsi financées en majeure partie par des ressources provenant de taxes affectées. Ces ressources sont complétées par une subvention pour charges de service public de 14,40 millions d’euros en 2011 et de 13,34 millions d’euros en 2012 au titre de ses missions liées à l’intégration et par d’autres subventions publiques, dont des fonds européens.

La diminution de la subvention par rapport aux exercices antérieurs s’inscrit dans le cadre des normes transversales d’évolution des dépenses publiques pour les années 2011-2013.

Enfin, dans le cadre de son budget triennal 2011-2013, l’OFII réalise des gains de productivité importants en termes d’effectifs, ce qui conduit à d’importantes mesures de restructuration internes et à un accompagnement financier des départs volontaires de personnels.

L’activité de l’OFII se rattache aux deux programmes de la mission « Immigration, asile et intégration ».

L’article 28 du projet de loi de finances pour 2012 prévoit de poursuivre le processus de réforme des taxes perçues par l’OFII engagé dans les lois de finances pour 2009 et 2011. À ce titre, il est proposé de :

– supprimer le régime fiscal favorable dont bénéficiait jusqu’à présent l’immigration professionnelle ;

– faire acquitter tout ou partie des taxes dès la demande du titre de séjour, de manière à responsabiliser le demandeur et améliorer le traitement d’ensemble du flux des demandes ;

– majorer le montant du droit de visa de régularisation de 220 euros à 340 euros ;

– supprimer la série spéciale de timbres fiscaux propre à l’OFII au bénéfice de la série de timbres ordinaires et apporter ainsi une simplification significative pour les usagers, les buralistes et les préfectures ;

– faciliter la lutte contre les infractions aux règles de l’emploi des étrangers, en améliorant la communication des procès-verbaux d'infractions et procéder simultanément à une coordination des références aux articles du code du travail dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Enfin l’article prévoit que l’ensemble de ces taxes sera désormais affecté à l’OFII dans la limite de 122 millions d’euros. Le produit des taxes au-delà de ce montant reviendra au budget de l’État.

2. Le traitement des dossiers de naturalisation

Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), le conseil de modernisation des politiques publiques a préconisé, le 12 décembre 2007, la suppression du double niveau d’instruction, par les préfectures et par l’administration centrale de l’ex ministère de l’Immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire, des dossiers de demande de naturalisation par décret, afin de réduire les délais d’instruction tout en préservant l’égalité de traitement. Sur le fondement des travaux préparatoires de la direction générale de la modernisation de l’État, il a été décidé que les décisions de naturalisation seraient toujours prises au niveau national par décret du Premier ministre, sur rapport du ministre en charge des naturalisations, mais sur proposition des préfets, et que les décisions défavorables seraient désormais prises par les préfets, mais transmises systématiquement à l’administration centrale, en vue de l’exercice par le ministre, en tant que de besoin, de son pouvoir hiérarchique.

Après une phase d’expérimentation réussie (28) de six mois dans 21 départements à compter du 1er janvier 2010, cette déconcentration du traitement des demandes de naturalisation a été généralisée, à compter du 1er juillet 2010, à l’ensemble du territoire national par le décret n° 2010-725 du 29 juin 2010 relatif aux décisions de naturalisation et de réintégration dans la nationalité française, dont les modalités d’application ont été précisées par une circulaire aux préfets du 27 juillet 2010.

Les résultats obtenus apparaissent très satisfaisants. Les délais de traitement ont été significativement réduits et sont passés, pour l’ensemble des préfectures, de 10,5 mois le 1er juillet 2010 à 6,5 mois le 1er juillet 2011. Le taux de réformation par le ministre responsable des propositions des préfets est resté stable, en moyenne inférieur à 5 % (4 % en 2011). Les stocks des demandes de naturalisation en attente de traitement sont en voie de résorption : ils sont passés, pour l’ensemble des préfectures, de 66 920 dossiers au 1er juillet 2009 à 41 263 dossiers au 1er juillet 2011, et de 40 528 dossiers au 1er janvier 2009 à 8 959 dossiers au 1er juillet 2011. en ce qui concerne la sous-direction de l’accès à la nationalité française.

Cette déconcentration a eu pour conséquence de transformer la sous-direction de l’accès à la nationalité française en une administration d’état-major, pilotant, contrôlant et évaluant le dispositif général, tout en conservant certaines activités de gestion : traitement des recours hiérarchiques et contentieux et élaboration des décrets de naturalisation. Il en a résulté une diminution de ses effectifs, ramenés de 156 équivalents temps plein en 2009 à 136 en 2011. Ces effectifs atteindront 126 équivalents temps plein fin 2012.

La dotation budgétaire demandée pour 2012 au titre de l’action « Naturalisation et accès à la nationalité » du programme « Intégration et accès à la nationalité française » s’élève à 8,65 millions d’euros en autorisations d’engagement (contre 1,9 million d’euros en 2011) et à 1,85 million d’euros en crédits de paiement (contre 1,9 million d’euros en 2011). Le montant élevé des autorisations d’engagement est lié à la renégociation du bail de l’immeuble hébergeant depuis 1987, à Rezé, près de Nantes, la sous-direction de l’accès à la nationalité française, qui impose de prévoir dès 2012 les autorisations afférentes aux neuf ans de la durée du nouveau bail (soit 6,8 millions d’euros). Une diminution significative du loyer, qui aura son plein effet en 2013, est attendue de cette renégociation.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 25 octobre 2011, la Commission procède, en commission élargie à l’ensemble des députés, dans les conditions fixées à l’article 120 du Règlement, à l’audition de M. Claude Guéant, ministre de l’Intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » pour 2012.

Mme Béatrice Pavy, présidente, suppléant M. Jérôme Cahuzac, président de la Commission des finances. Monsieur le ministre, je suis très heureuse de vous accueillir au nom de la Commission des finances, avec mes collègues François Rochebloine, de la Commission des affaires étrangères, et Jean-Luc Warsmann, président de la Commission des lois.

Nous sommes réunis en commission élargie afin de vous entendre sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » pour 2012.

Comme vous le savez, la procédure de la commission élargie est destinée à privilégier les échanges entre les ministres et les députés et, pour cela, elle donne la priorité aux questions et, naturellement, aux réponses que vous leur apporterez. Cette année, les débats seront chronométrés afin de respecter les durées arrêtées par la conférence des présidents – soit deux heures trente pour la mission « Immigration, asile et intégration ». Je rappelle à nos collègues que les rapporteurs disposeront de 5 minutes chacun et les autres députés de 2 minutes. Les auteurs de questions disposeront en outre, le cas échéant, d’un droit de suite.

M. le président Jean-Luc Warsmann. Monsieur le ministre, je suis heureux de vous accueillir au nom de la Commission des lois, avec laquelle vous avez maintenant l’habitude de travailler. Le sujet qui nous réunit cet après-midi est très suivi par notre commission. Les dotations de votre mission augmentent de 12 %, ce qui atteste de la priorité qu’on lui accorde dans un contexte budgétaire très tendu.

L’année dernière, j’avais notamment interrogé votre prédécesseur sur le renforcement des moyens de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et de la Cour nationale du droit d’asile. Le travail a été fait, mais ce renforcement a-t-il été suffisant pour ramener les délais dans des limites acceptables et éviter des attentes aussi fâcheuses pour les intéressés que pour l’application des textes.

Une autre question est celle de la coordination entre les différents pays européens qui subissent l’afflux d’immigrants. Celui-ci pose de nombreux problèmes et nous conduit à accueillir ces personnes dans des conditions très difficiles.

Mme Béatrice Pavy, présidente, rapporteure spéciale de la Commission des finances. Dans la période d’austérité budgétaire que nous traversons, les dotations de la mission « Immigration, asile, intégration » devraient progresser de plus de 12 % par rapport aux prévisions pour 2011. Les crédits atteindraient ainsi 632 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, auxquels s’ajoutent environ 160 millions d’euros mobilisés par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) au-delà des financements qu’il reçoit du budget de l’État. L’ensemble des moyens consacrés par plusieurs ministères à la politique de l’immigration représente au total un peu plus de 4,3 milliards d’euros en 2012

Quant à la mission, l’augmentation de ses moyens correspond pour près de 120 % à un rebasage nécessaire des crédits d’asile, régulièrement dépassés par la croissance forte et continue de la demande.

Le budget pour 2012 prolonge le renfort accordé à l’OFPRA, qui instruit les demandes d’asile, en maintenant l’emploi de 30 officiers de protection supplémentaires jusqu’au 15 décembre au lieu du 30 juin pour déstocker les dossiers en instance prolongée – on en compte encore 14 000 en septembre 2011. Il prévoit également le recrutement de nouveaux rapporteurs pour la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), dont le nombre aura déjà presque doublé depuis la fin 2010. Ces dispositions ont été prises afin de réduire les délais de traitement des demandes d’asile, qui ont dérivé, sous les afflux massifs de ces dernières années, pour atteindre en moyenne plus de 20 mois. Cela retarde la reconnaissance de situations qui justifient une protection et pèse lourdement sur les dépenses de prise en charge des demandeurs. Au rythme actuel des demandes d’asile, le renfort accordé à l’OFPRA ne lui permettra cependant de commencer à résorber son stock qu’à compter du milieu de l’année prochaine – à condition que la demande ne s’accélère pas encore. En attendant, les délais de traitement continuent à s’allonger.

Par ailleurs, l’activité de la CNDA ayant fortement augmenté grâce au doublement de ses équipes, mais aussi du fait de la hausse du nombre des décisions prises par l’OFPRA, cela nécessite une plus grande mobilisation des moyens de défense de l’Office devant la Cour. Or, celui-ci dit avoir atteint ses limites.

Ne serait-il pas dès lors envisageable d’accroître un peu plus ses moyens pour accélérer la reconquête du stock des dossiers en instance et maintenir sa capacité à accompagner les contentieux ? Ne faudrait-il pas pérenniser une partie an moins de ces renforts pour tenir compte d’une demande d’asile qui apparaît durablement soutenue ?

En second lieu, on assiste à une augmentation non négligeable du nombre des dossiers enregistrés dans les DOM-COM, qui étaient 2 541 en 2010 et atteignaient déjà le nombre de 1 680 à la fin du premier semestre de 2011. La pression serait particulièrement sensible à Mayotte et en Guyane. Quels moyens mettez-vous en œuvre pour que l’éloignement géographique n’aggrave pas les délais d’instruction de ces demandes ? Accessoirement, pouvez-vous préciser les délais moyens constatés à ce jour et le nombre des dossiers en instance ?

Ma troisième question concerne les dotations allouées aux dispositifs d’hébergement d’urgence et à l’allocation temporaire d’attente (ATA) dont peuvent bénéficier les demandeurs d’asile qui n’ont pu avoir accès aux centres d’accueil des demandeurs d’asile (CADA). Elles sont substantiellement rebasées par le projet de loi de finances pour 2012, avec une augmentation de 127 %, soit près de 91 millions d’euros, pour l’hébergement d’urgence, et de 66 %, soit presque 90 millions, pour l’ATA. Malgré cet effort budgétaire, les prévisions s’inscrivent très en deçà des consommations constatées en 2011 : les dépenses d’hébergement d’urgence financées par le programme 303 de la mission pourraient atteindre 135 millions et celles relevant de l’ATA, 137 millions, hors report de charges de 2010 sur 2011. Le différentiel est conséquent, malgré les économies attendues à tous les niveaux du dispositif.

Comment espérez-vous contenir ces dépenses au niveau proposé pour 2012, notamment pour ce qui concerne les nuitées hôtelières ? Comment sera financé le reliquat de 130 millions de prestations de l’ATA avancées par Pôle emploi ?

Quatrième question. Pour simplifier et accélérer cette étape, la compétence du traitement de l’admission au séjour des demandeurs d’asile a été donnée aux préfets du département chef-lieu de la région, ce qui en fait l’unique porte d’entrée de la région. Les modalités du premier accueil et de l’accompagnement des demandeurs d’asile ont été réformées en conséquence en adossant des plates-formes uniques à ces départements « points d’entrée ». Cette réorganisation a cependant favorisé une concentration des populations concernées sur lesdits départements, dont certains se sont trouvés débordés par les besoins de prise en charge sur leur territoire. Une circulaire du 24 mai 2011 a donc engagé les préfets de ces points d’entrée à « impulser des mécanismes de mutualisation de l’ensemble des capacités d’hébergement des demandeurs d’asile (...) afin de les répartir de manière équilibrée entre les départements d’une même région ».

J’ai personnellement constaté, à l’occasion de diverses rencontres, que cette régionalisation de la prise en charge est loin d’être aboutie – voire concrètement engagée. Je relève par ailleurs que le pourcentage des orientations vers les CADA effectuées au niveau national pour soulager les territoires les plus chargés est en diminution entre 2010 et 2011, alors que c’est le seul mécanisme permettant une péréquation interrégionale.

Quelles mesures prendrez-vous pour réaliser une véritable mutualisation de l’ensemble des capacités d’accueil des demandeurs d’asile, tant pour les places de CADA que pour les dispositifs d’hébergement d’urgence dédiés ? Comment pourrait-on mobiliser l’ensemble du territoire national en vue d’une répartition plus équilibrée de la prise en charge, quels que soient les points d’entrée ?

En cinquième lieu, le dispositif d’aide au retour volontaire tel qu’il est conçu, a été accepté comme une alternative par un tiers environ des personnes faisant l’objet d’une décision d’éloignement du territoire. Il apparaît cependant que les deux tiers des bénéficiaires en 2010 et plus de la moitié encore au premier semestre 2011 sont des ressortissants communautaires, qui pourront de plein droit revenir en France. On peut donc s’interroger sur l’efficacité d’une aide qui ne favorise en rien le retour durable dans le pays d’origine.

Comment l’utilisation de ces fonds pourrait-elle être optimisée ? Ne devrait-on pas les employer plutôt à des actions d’insertion, ou les réorienter vers les actions développées dans le cadre des accords relatifs à la gestion concertée des flux migratoires et au développement solidaire ?

Où en est, par ailleurs, la mise en place d’un régime européen commun du droit d’asile ?

Enfin, à quel niveau se situe la France en matière de prise en charge des demandeurs d’asile ?

M. Philippe Cochet, rapporteur pour avis de la Commission des affaires étrangères. Ayant assisté il y a quatre ans, en ma qualité de rapporteur pour avis de la Commission des affaires étrangères, à la création de la mission « Immigration, asile et intégration », je me réjouis des effets positifs de cette initiative et des progrès réalisés au cours des dernières années.

Il est vrai que l’augmentation de près de 50 % de la demande d’asile entre 2008 et 2010 a en partie caché l’amélioration très nette de l’efficacité de l’OFPRA et de la Cour nationale du droit d’asile mais, sans les progrès considérables réalisés, le système n’aurait pas supporté cette hausse de la demande.

L’asile n’est d’ailleurs pas le seul domaine où les choses se soient améliorées. Les nombreuses réformes réalisées par le Conseil de modernisation des politiques publiques dans les domaines d’action du Secrétariat général à l’immigration et à l’intégration sont déjà presque intégralement mises en œuvre.

Ma première question porte sur l’OFPRA : afin de lui permettre de réduire les stocks constitués en 2009 et 2010, il a été autorisé à recruter trente officiers de protection contractuels pour dix-huit mois à compter du 1er janvier 2011. La demande d’asile étant restée très dynamique cette année, il est prévu que ces contrats puissent être prolongés jusqu’à la mi-décembre 2012. Votre ministère a complété directement cet effort au moyen de dix agents supplémentaires depuis février dernier.

Le directeur général de l’OFPRA nous a indiqué que de nouveaux arbitrages venaient d’être rendus, qui lui permettraient de maintenir son plafond d’emplois à 440 équivalents temps plein (ETP) fin 2012 – alors qu’il aurait dû retomber à 410 –, et même à recruter des personnes supplémentaires. Comment le financement de ces postes sera-t-il assuré, alors que la subvention pour charges de service public de 34,35 millions inscrite au budget 2012 semblait à peine suffisante ?

Ma deuxième question concerne les aides au retour. Cet été, vous avez relevé de 28 à 30 000 l’objectif du nombre d’éloignements exécutés en 2011, en préconisant un recours plus fréquent aux retours volontaires, aidés par l’OFII. Vous avez notamment souhaité que cette solution soit systématiquement proposée aux déboutés du droit d’asile dans les centres d’accueil. Avez-vous pu observer les premiers effets de cette nouvelle orientation ? Le niveau des aides financières au retour vous paraît-il optimal ?

Ma dernière question porte sur les conditions de fonctionnement des nouveaux centres de rétention du Mesnil-Amelot, que j’ai visités début octobre. La fermeture de l’ancien centre de rétention administrative (CRA), devenu vétuste, et la construction d’une nouvelle structure – en l’espèce, ce sont d’ailleurs deux structures qui ont été construites – étaient nécessaires. Les nouveaux centres semblent bien conçus ; ils offrent toutes les garanties nécessaires aux personnes retenues, et de bonnes conditions de travail aux policiers.

Le CRA n° 2 a ouvert début août, le CRA n° 3 à la mi-septembre, avec un certain retard dû à des malfaçons et des choix malheureux. Leur bon fonctionnement se heurte néanmoins à des difficultés de trois types.

D’abord, l’hôpital de Meaux n’ayant pas été en mesure de fournir une seconde équipe médicale, celle du CRA n° 2 doit assurer aussi la prise en charge sanitaire des retenus du CRA n° 3, de sorte que les deux centres ne peuvent pas fonctionner à plus de la moitié de leur capacité. Quand ce problème sera-t-il résolu ?

Par ailleurs, deux salles d’audience ont été aménagées à quelques centaines de mètres des CRA, mais elles ne sont pas encore en service. C’est que le ministère de la justice ne veut pas, semble-t-il, assumer le coût de fonctionnement, bien qu’il s’agisse d’une antenne du tribunal de grande instance de Meaux. Ce problème est-il en voie de résolution ? Cache-t-il d’autres réticences, comme on en connaît par exemple à Roissy, où la salle d’audience de la zone d’attente n’a jamais été utilisée et devra être largement modifiée ?

Enfin, la Cimade, qui assure la mission d’aide à l’exercice des droits des retenus au CRA n° 2, a refusé de remplir cette fonction au CRA n° 3. Une solution temporaire a été trouvée, qui a consisté à réquisitionner le barreau de Meaux. Un nouvel appel d’offres a été lancé pour le lot constitué par les deux centres du Mesnil-Amelot. Le barreau de Meaux et la Cimade ont présenté des propositions : avez-vous choisi ? Le recours à des avocats, qui est une procédure inédite, a-t-il donné des résultats satisfaisants ? Si tant est que cette formule soit adoptée, pourra-t-elle être mise en place sur l’ensemble du territoire ?

M. Éric Diard, rapporteur pour avis de la Commission des lois. Ce budget démontre que le Gouvernement sait concilier les efforts nécessaires au redressement des finances de l’État avec la revalorisation des moyens indispensable pour atteindre ses priorités.

L’an prochain, les dotations consacrées à la mission « Immigration, asile et intégration » progresseront de plus de 12 %, ce qui est remarquable dans un contexte budgétaire aussi contraint. Cette augmentation résulte principalement, d’une part, de la revalorisation indispensable des crédits alloués à l’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile et à l’allocation temporaire d’attente ; et d’autre part, de recrutements destinés à renforcer les moyens de l’OFPRA et de la CNDA. Ceux-ci continueront ainsi de bénéficier du concours de 30 officiers de protection supplémentaires en 2012, et le nombre de rapporteurs à la Cour aura doublé en deux ans, passant de 70 en 2009 à 135 à la fin de cette année, auxquels s’ajouteront encore 15 rapporteurs en 2012. Je me félicite de ces efforts : si la demande d’asile ne recule pas en 2012, seule la réduction des délais d’instruction permettra de maîtriser les dépenses liées à l’accueil des demandeurs.

La France reste ainsi fidèle à sa tradition d’accueil et d’intégration. Dans le même temps, elle fait preuve de fermeté dans la lutte contre l’immigration clandestine. Les résultats dans ce domaine sont positifs, comme le démontre notamment la hausse du nombre d’éloignements effectifs, qui pourrait atteindre le nombre record de 30 000 cette année.

Le contrat d’accueil et d’intégration, qui a permis la mise en place de parcours d’intégration individualisés, et sa généralisation depuis la fin de 2006, est un succès. Les crédits qui lui sont consacrés ont logiquement augmenté. Néanmoins, ne faudrait-il pas réserver le bénéfice du bilan de compétences aux étrangers qui ont manifesté le souhait de travailler ? Pour les 39 % de bénéficiaires de ce bilan qui ne souhaitent pas travailler, il s’agit peut-être d’une dépense inutile.

Par ailleurs, le fait que les demandes d’asile adressées à la France se poursuivent, faisant de notre pays le deuxième pays d’accueil derrière les États-Unis, alors que la demande d’asile tend à baisser au niveau mondial, n’est-il pas le signe d’une attractivité supérieure de notre pays liée peut-être à la durée de nos procédures d’instruction ? Dans ces conditions, ne serait-il pas souhaitable d’accorder, dans votre action, la même priorité et la même visibilité à la réduction des délais d’examen des demandes d’asile qu’aux éloignements effectifs ? La réduction des délais me semble en effet essentielle : tout en permettant au demandeur de bonne foi de bénéficier d’une décision rapide qui le place sous la protection de l’État, elle permet aussi de maîtriser les dépenses liées à l’accueil des demandeurs et, à terme, de réduire l’attractivité de notre pays pour des filières qui détournent la procédure d’asile à leur profit.

S’agissant enfin de l’éloignement, pouvez-vous nous donner une évaluation des premiers effets de la réforme du contentieux de l’éloignement opérée par la loi du 16 juin 2011, entrée en vigueur le 18 juillet dernier ?

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Vous l’avez noté, madame Pavy, les crédits sont en augmentation, ce qui s’explique notamment par le fait que les dotations allouées à l’allocation temporaire d’attente sont rebasées par le projet de loi de finances. En outre, dans le cadre d’un projet de loi de finances rectificative, le Parlement devra se prononcer sur le versement à Pôle emploi des 120 millions qui ont été annoncés pour cette politique. Par ailleurs, nous mettons en place certains moyens techniques de gestion afin de rationaliser les coûts des CADA ou des CHRS, lesquels sont très différents selon les structures. Il n’est évidemment pas exclu que nous rencontrions des difficultés d’exécution, mais nous les traiterons comme à l’habitude. L’État finit toujours par payer ce qu’il doit !

L’ancien CRA du Mesnil-Amelot a été fermé pour être modernisé, mais deux nouveaux centres ont été ouverts respectivement en août et en septembre. La Cimade a accepté de s’occuper du CRA 2, mais pas du CRA 3 qui a été confié, par convention, au barreau de Meaux pour une période de trois mois. Il faudra évidemment trouver une solution pérenne à ces difficultés de gestion.

La circulaire du 24 mai 2011 a pour objet d’assurer une meilleure répartition sur le territoire des demandeurs d’asile. Il sera désormais possible d’avoir des domiciliations dans tous les départements, mais nous devons affirmer la règle selon laquelle c’est aux pouvoirs publics de répartir les demandeurs d’asile, de façon équilibrée, en fonction des disponibilités. Nous éviterons ainsi les regroupements par affinités qui affectent certains départements plus que d’autres.

Cela dit, le problème est d’abord celui de la masse des demandeurs d’asile. Nous assistons, en effet, à un phénomène très préoccupant et je pense, comme Éric Diard, que les imperfections de notre système rendent attractive la demande d’asile chez nous. Du fait de la longueur des délais de réponse – ils étaient encore de deux ans au premier semestre –, les demandeurs d’asile ont le temps de s’installer sur notre territoire. Et il est plus facile de reconduire ceux qui sont déboutés dans leur pays d’origine au terme de quelques mois qu’après deux ou trois ans passés ici. Nous devons régler cette situation. C’est pourquoi, après avoir augmenté de trente unités les effectifs de l’OFPRA et de la CNDA l’année dernière, le Gouvernement vous proposera un amendement visant à créer soixante emplois supplémentaires – dont une moitié servira à pérenniser les trente emplois de l’année dernière, l’autre moitié sera répartie entre l’OFPRA et la CNDA.

S’agissant des délais, le vice-président du Conseil d’État, qui assure la tutelle juridique de l’OFPRA et de la CNDA, m’a récemment assuré que, au milieu de l’année 2012, le total des délais requis par ces deux institutions serait inférieur à un an, ce qui nous placerait dans une situation comparable à celle des pays européens les plus performants. Je note que les pays les plus sollicités par les demandeurs d’asile sont évidemment ceux qui ont des délais longs. Durant les neuf premiers mois de cette année, le nombre des demandes d’asile a encore augmenté de 11 %. Cette situation remet en cause le droit d’asile lui-même. L’Union européenne en convient, et elle proposera, en 2012, une harmonisation des règles en la matière. C’est aussi l’opinion du Haut commissaire des Nations unies pour les réfugiés, M. Guterres, qui constate que l’afflux des demandes porte préjudice à ceux qui ont de vraies raisons de demander le droit d’asile. Celui-ci est trop souvent détourné pour constituer un canal d’immigration.

Afin de rationaliser les procédures, nous allons, avec le ministre des affaires étrangères, augmenter le nombre des pays dits sûrs. Le pouvoir de décision en la matière appartient au conseil d’administration de l’OFPRA, mais nous sommes à sa disposition pour lui fournir tous les éléments sur les pays dont nous suggérons qu’ils soient reconnus comme sûrs.

Le nombre de demandes d’asile augmente fortement outre-mer – 30 % environ cette année. En Guyane, les demandeurs sont surtout des Péruviens, des Équatoriens, des Haïtiens, et à Mayotte, principalement des Comoriens et des Malgaches. L’OFPRA se rend régulièrement en Guyane et à Mayotte. Quant à la CNDA, elle compte utiliser prochainement les nouveaux outils prévus par la loi du 16 juin dernier, la visio-conférence notamment, pour accélérer l’examen des dossiers.

M. Jean-Claude Guibal. La mission « Immigration, asile et intégration » se compose de deux programmes : le programme 303 « Immigration et asile » et le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française ». Cette mission est dotée de 632 millions de crédits, en augmentation de 12,1 % pour ce qui concerne les autorisations d’engagement et de 12,6 % pour les crédits de paiement. Cela devrait permettre de mieux maîtriser les dépenses afférentes, voire de faire des économies sur les budgets à venir.

Le premier axe du programme « Immigration et asile », dont le montant s’établit au total à 560 millions, est la lutte contre l’immigration irrégulière – 85,4 millions en crédits de paiement. L’objectif de 30 000 éloignements réalisés est maintenu.

Par ailleurs, le budget prévoit la poursuite du déploiement des systèmes d’information utiles pour lutter contre l’immigration irrégulière. Ainsi, le système VISABIO, qui permet de savoir si un ressortissant étranger a demandé et obtenu un visa, continuera à être déployé sur le territoire national, dans les services de police et de gendarmerie.

Le chantier de rénovation des centres de rétention administrative sera achevé en 2012. Leur capacité totale sera de 2 063 places en 2012. Des mesures de rationalisation permettront de réaliser des économies dans les dépenses d’escorte des étrangers placés en rétention – je pense à l’utilisation de la visio-conférence pour les présentations devant l’OFPRA.

Le second axe du programme 303 concerne l’accueil des demandeurs d’asile – 408 millions d’euros, dont 80 millions supplémentaires pour l’hébergement et l’allocation d’attente, afin de tenir compte de la hausse de la demande d’asile depuis 2008.

Parallèlement, des mesures sont prises pour réduire les délais de traitement des demandes. Les moyens humains de l’OFPRA et de la CNDA seront renforcés, afin de réduire le délai moyen d’examen des dossiers. On estime qu’une réduction d’un mois de ce délai moyen permet une économie annuelle de 10 à 15 millions sur les dépenses d’accueil des demandeurs.

D’autres mesures permettront de mieux maîtriser l’évolution de la demande d’asile, notamment en dissuadant les demandes infondées. La loi du 16 juin dernier a prévu, par exemple, le traitement selon une procédure particulière des dossiers des demandeurs qui dissimulent des informations à l’administration, ou fournissent sciemment des informations fausses ou tronquées.

Le programme « Intégration et accès à la nationalité française » est doté de 71,6 millions en crédits de paiement. Des mesures ambitieuses sont prévues pour assurer l’intégration des étrangers par la maîtrise de la langue française. Pour la phase de première intégration, d’une durée de cinq ans, le niveau recherché sera calé sur le niveau A1 du référentiel linguistique européen, plus élevé que le niveau actuel. À compter du 1er janvier 2012, on exigera des postulants à la nationalité française le niveau B1, c’est-à-dire celui atteint par un élève à la fin de sa scolarité au collège.

Monsieur le ministre, les budgets inscrits à cette mission ont-ils pour objet de faire face à une demande croissante de la part des migrants, ou au contraire de se donner les moyens de mieux maîtriser cette demande ? Plus généralement, s’inscrivent-ils à terme dans une politique d’évolution de notre code de la nationalité pour mieux prendre en compte les conséquences de la mondialisation sur les flux migratoires ?

Mme Sandrine Mazetier. Comme vous l’avez fait remarquer, madame la présidente, nous n’examinons que moins de 15 % des budgets consacrés à la politique transversale en matière migratoire. Pour le dernier projet de loi de finances de la législature, il eût été plus normal d’examiner l’ensemble de ces budgets !

Je concentrerai mon propos sur quelques points. Sachant que notre temps de parole serait extrêmement limité, j’ai en effet adressé au ministre, la semaine dernière, au nom du groupe socialiste, une série de questions.

Monsieur le ministre, quel est le coût du caractère erratique de la politique que vous menez depuis le début de la législature ? En 2007, était créé un ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du co-développement, qui a été absorbé, en fin d’année dernière, par le ministère de l’intérieur. Entre-temps a été créé un ministère d’état-major, avec des fonctionnaires de catégorie A, ce qui pèse sur les finances publiques. Il reste des traces du ministère de l’immigration d’ailleurs, puisque le ministère de l’intérieur est aujourd’hui le seul à disposer de deux secrétaires généraux.

Dans la lettre de mission adressée au ministre de l’immigration en 2007, il était rappelé que le cœur du projet présidentiel en la matière était de reconnaître l’intérêt pour la France et pour les pays d’origine d’autoriser un certain nombre d’immigrés à s’installer en France. Quant à votre prédécesseur, M. Hortefeux, on lui donnait pour objectif de faire en sorte que l’immigration économique représente 50 % du flux total des entrées à fin d’installation durable en France. Malgré les moyens impartis et l’affichage donné à cette politique, jamais ce taux n’a été atteint durant la législature. Au printemps dernier, vous avez donc unilatéralement décidé, monsieur le ministre, de baisser le nombre de titres de séjour pour motif professionnel – sans consulter ni la ministre de l’économie de l’époque, qui s’en était émue, ni le ministre de l’emploi, ni les partenaires sociaux. Je ne vois d’ailleurs pas très bien en quoi une telle décision pourrait limiter les flux qui sont restés constants durant la législature. L’immigration familiale serait-elle désormais privilégiée ? Nous n’avons rien contre, mais si tel est le cas, assumez-le clairement !

J’en viens au coût erratique des messages contradictoires que vous adressez. Dans la politique transversale, un peu plus de 4 milliards d’euros sont consacrés à la politique migratoire, dont près de 2 milliards affectés à l’accueil et la formation des étudiants étrangers. Or, au printemps dernier, vous avez publié une circulaire empêchant les étudiants étrangers de travailler à l’issue de leurs études – je rappelle que plus de 40 % des étudiants en doctorat sont étrangers. La Conférence des présidents d’université, les grandes écoles et plusieurs grands employeurs se sont élevés contre cette circulaire.

Je voudrais aussi vous interroger sur le coût systématiquement minoré de votre politique d’éloignement. Dans le projet annuel de performances que vous nous présentez, le coût unitaire d’un éloignement est estimé à un peu plus de 1 300 euros, alors qu’il est évalué à dix fois plus dans un rapport de l’Inspection générale de l’administration, qui dépend pourtant de vous, et à vingt fois plus par la Commission des finances du Sénat, du temps où celui-ci avait encore une majorité de droite.

Je terminerai par la non-prise en compte de l’impact de la loi du 16 juin relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité. Dans la mesure où cette loi allonge la durée de rétention, nous devrions observer une augmentation du budget d’accompagnement social, des dépenses sanitaires et de prise en charge de la santé des personnes retenues.

Je veux enfin souligner qu’il est désastreux que le temps de parole des intervenants soit limité à deux minutes pour ce dernier budget de la législature. Cela ne me semble pas de nature à éclairer ni la représentation nationale ni les Français !

Mme Béatrice Pavy, présidente. Vous avez pris six minutes.

M. Michel Hunault. Monsieur le ministre, ma question portera sur les moyens mis en œuvre pour lutter contre les filières d’immigration clandestine. Les trafics en tous genres prospèrent sur le dos de populations entières. Comment envisagez-vous de renforcer la lutte contre ces filières non seulement au plan national, mais également au plan européen car le problème dépasse largement le cadre de la France ?

M. Patrick Braouezec. Je déplore que nous examinions ces crédits en commission élargie, alors qu’une séance se tient dans l’hémicycle.

Si le projet de budget pour 2012 témoigne d’un effort de transparence, cela ne signifie pas pour autant une hausse réelle des crédits consacrés à l’asile et ne peut cacher une réalité beaucoup moins satisfaisante. Le budget consacré à l’asile passe de 296 millions en 2011 à 376 en 2012, soit 80 millions en plus. Mais si l’on analyse le budget 2010, on constate que cette augmentation ne permettra pas de traiter correctement les problèmes spécifiques à l’asile. En effet, la différence entre les crédits votés dans le budget 2010 et les 410 millions de crédits effectivement consommés est de 124,6 millions. L’augmentation de 80 millions n’est donc qu’un effet d’annonce de plus. Elle ne concerne que les prévisions budgétaires, et non les crédits réellement consacrés à l’accueil des demandeurs d’asile. Les associations intervenant dans ce domaine ne cessent d’ailleurs d’alerter les pouvoirs publics sur le nombre de demandeurs d’asile qui rejoignent les personnes à la rue, sans cesse plus nombreuses.

Pourquoi le ministère, qui admet que le CADA est le dispositif le mieux adapté aux personnes en quête de protection, entérine-t-il une baisse réelle du budget consacré aux CADA, et cela derrière une augmentation toute relative des budgets alloués aux mesures d’urgence ? Ce projet de loi de finances prévoit une nouvelle diminution des crédits CADA de près de 5 millions d’euros, après une baisse de 4 millions en 2011. Cette baisse aura des incidences sur les missions premières des CADA, elle touchera l’hébergement et l’accompagnement des demandeurs d’asile, ainsi que l’emploi qui, avec le nouveau taux d’encadrement, enregistrera la suppression de 500 à 700 ETP.

Des suppressions avaient déjà eu lieu, s’agissant des postes d’accompagnement dans les dispositifs d’hébergement d’urgence. Le texte prévoit un ETP pour dix à quinze résidents, au lieu de un pour dix résidents. De même, la part des personnels socio-éducatifs diminue.

Pour faire baisser le nombre des demandes d’asile, la tentation est grande de dissuader les étrangers d’en déposer une. Pour ce faire, en amont de l’OFPRA et de la CNDA, les préfets jouent un rôle important. En effet, les demandeurs d’asile doivent obligatoirement se rendre dans les préfectures pour faire enregistrer leur demande. Tous les préfets ne sont pas forcément compétents pour cette tâche, et des débordements ont eu lieu. Expérimentée d’abord dans deux régions, puis étendue à dix-sept autres, la « régionalisation » de l’admission au séjour consiste à confier à un ou à deux préfets la compétence d’autoriser ou non les demandeurs d’asile à séjourner dans une région donnée. Cela a pour conséquence de rallonger le délai et de placer les demandeurs d’asile dans des situations inégalitaires. Pourquoi cette réforme s’est-elle faite à effectifs constants ?

S’agissant de l’action 01 du programme 303, « Circulation des étrangers et politique des visas », il semble que le Gouvernement ait trouvé là le moyen de récupérer de l’argent sur le dos des migrants. Ainsi le montant du droit de visa de régularisation est-il passé de 220 euros à 340 euros pour « renforcer son caractère pédagogique » ! Mais le but réel est le financement de ce budget par les migrants eux-mêmes.

J’en viens au programme 104 : « Intégration et accès à la nationalité française ». À partir du 1er janvier 2012, les étrangers qui souhaiteront déposer une demande de naturalisation, par décret ou par mariage, devront faire concrètement la preuve qu’ils ont, à l’oral, une maîtrise de la langue française équivalente à celle d’une personne ayant été scolarisée jusqu’en fin de classe de troisième. Je vous renvoie, monsieur le ministre, au débat que nous avons eu récemment sur une télévision. Mais combien de nationaux n’ont pas aujourd’hui le niveau de troisième ! Ce nouveau dispositif aura un fort impact réducteur, et il commencera par exclure tous ceux, et surtout toutes celles, qui n’ont pas, ou peu, été scolarisés dans leur pays d’origine.

Je rappelle que le taux d’acceptation des demandes de naturalisation est certainement déjà tombé en dessous des 50 % alors qu’il était au-dessus de 70 % en moyenne ces trente dernières années.

Mme Béatrice Pavy, présidente. Avant d’entendre la réponse de M. le ministre aux orateurs des groupes, je tiens à préciser que les temps de parole ont été fixés en Conférence des présidents et que personne n’a manifesté son désaccord à ce moment-là. Quant à moi, je dois faire respecter cette organisation.

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Je voudrais commencer par corriger un oubli : j’ai omis tout à l’heure de répondre à M. Diard sur les questions d’éloignement. La loi relative à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, que vous avez votée cette année, permet en effet de reconduire plus facilement à la frontière les personnes en situation irrégulière. C’était d’ailleurs l’un des buts recherchés. J’ai ainsi fait passer à 30 000 l’objectif de 28 000 reconduites à la frontière, qui avait été fixé par mon prédécesseur, et si le rythme est maintenu au cours des mois qui viennent, nous aurons reconduit cette année dans leur pays d’origine 30 000 étrangers se trouvant chez nous en situation irrégulière.

Aux orateurs de gauche qui ont proposé des dépenses supplémentaires, je rappelle que le Gouvernement tient à la maîtrise des finances publiques et développe tous les moyens permettant de rationaliser la dépense, de la limiter à ce qui est nécessaire.

Mme Sandrine Mazetier. Deux secrétaires généraux pour un ministère, est-ce une économie !

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Je vous répondrai tout à l’heure.

M. Guibal a évoqué l’intérêt de VISABIO. Cette année, 50 % des visas sont biométrisés et vingt-deux consulats supplémentaires seront en mesure de distribuer des visas avec biométrie. Pour vérifier notamment si les personnes détentrices de visas sont bien celles auxquelles ils ont été accordés, 150 bornes de lecture ont été installées dans les différents services de police sur l’ensemble du territoire.

Vous êtes revenu sur l’importante question de l’hébergement. Je précise qu’entre le 10 octobre et le 10 novembre, l’OFII se rend systématiquement dans les CADA afin d’inciter les personnes déboutées de leur demande de droit d’asile à rentrer volontairement dans leur pays d’origine. Le même travail sera fait dans les CHRS de la région Île-de-France au cours du prochain mois de décembre.

S’agissant de la maîtrise du français, le Gouvernement renforce ses exigences. Des critiques ont été exprimées : quitte à passer pour un naïf, je trouve normal que quelqu’un qui prétend à la nationalité française sache parler français. Il est également important que les personnes venant chez nous pour une durée variable soient en possession d’un minimum de connaissances – différents niveaux sont envisagés. Ce sera le moyen pour elles de réussir leur insertion et celle de leurs enfants dans notre société.

Vous vouliez savoir, monsieur Guibal, si cette décision relevait d’une politique volontariste de l’État. Oui, le Gouvernement souhaite que les personnes immigrées se trouvant sur notre sol s’intègrent mieux et soient en mesure d’adopter nos règles, nos coutumes, notre façon de vivre. Je rappelle que près d’un quart des étrangers non ressortissants de l’Union européenne se trouvant dans notre pays sont actuellement au chômage, notamment parce qu’ils ne peuvent pas s’adapter facilement aux métiers même si un certain nombre d’actions sont conduites, y compris avec des soutiens financiers de la part du ministère de l’intérieur.

Madame Mazetier, vous avez dénoncé le coût de notre politique en matière d’immigration, celui-ci tenant, selon vous, à son caractère erratique. C’est vrai, nous avons deux secrétariats généraux. Vous devriez néanmoins vous féliciter que la structure ministérielle ait été simplifiée car cela permet d’économiser trente emplois. Le secrétariat général à l’immigration et à l’intégration est en fait une sorte de direction générale réunissant deux directions se consacrant l’une à l’immigration et à l’intégration, l’autre traitant du budget, de la gestion des ressources humaines et de l’organisation territoriale. Je vois mal comment nous pourrions nous passer de cette structure qui a fait ses preuves.

Vous avez par ailleurs dénoncé notre décision de réduire l’immigration de travail. Cette décision n’est pas aussi unilatérale que vous le prétendez. C’est un décret pris conjointement avec le ministre du travail, qui a réduit le nombre des secteurs d’activité en tension. En outre, ce décret a été soumis à l’appréciation des organisations syndicales qui ont pu faire valoir leur point de vue.

M. Alain Vidalies. Même le MEDEF était contre !

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Le MEDEF appréciera que vous preniez ses avis en compte. Mais la Fédération du bâtiment a confirmé qu’il était plus facile aujourd’hui de trouver sur le territoire les personnes dont elle avait besoin. Pourquoi devrions-nous importer des chômeurs ? Nous avons déjà 2,7 millions de demandeurs d’emploi et, chaque année, 110 000 actifs supplémentaires arrivent sur le marché du travail. Et nous avons les moyens d’ajuster l’offre à la demande : j’ai récemment visité, dans l’Oise, un centre de formation performant, qui faisait la démonstration qu’un demandeur d’emploi pouvait être réorienté vers un autre métier, le maîtriser et redémarrer ainsi dans la vie professionnelle.

S’agissant des étudiants et de la circulaire que j’ai co-signée avec Xavier Bertrand, je veux être très clair. L’arrivée d’étudiants est un élément important de l’immigration légale : cela représente 60 000 autorisations de séjour. La France est fière d’accueillir des étudiants qui viennent se former chez elle, de leur ouvrir l’accès à sa culture. Cela étant, les étudiants doivent étudier. Il n’est pas acceptable que les études fournissent un prétexte pour arriver de façon clandestine sur le marché du travail. Cela nous a conduits – c’est l’objet d’une circulaire conjointe avec le ministre de l’enseignement supérieur et le ministre des affaires étrangères – à rationaliser les relations avec les universités étrangères et à privilégier les formations de niveau supérieur, master ou doctorat. Cette circulaire a été contestée par un certain nombre de directeurs de grandes écoles et de présidents d’université. Il est vrai que des problèmes se sont posés : nous les réglons de façon pragmatique. Et, contrairement à ce que vous tentez de faire croire, il n’y a pas de diminution du nombre de passages du statut d’étudiant à celui de travailleur salarié – ce nombre a augmenté au contraire de 1 500 cette année.

Du reste, la fameuse circulaire ne fait que paraphraser, voire reproduire, une loi de la République datant de 2006, qui dispose que les étudiants étrangers auront le droit, au terme de leurs études, d’avoir un emploi pendant six mois afin de se familiariser avec la pratique professionnelle qui correspond à leur formation, cet emploi pouvant être pérennisé. Pour autant, la France n’entend pas siphonner les élites des pays en voie de développement. Après la polémique que certains ont cru bon de développer, j’ai d’ailleurs reçu un nombre important de messages d’encouragement de la part d’étudiants ou de professionnels étrangers me demandant de tenir bon.

S’agissant du coût de la politique d’éloignement, les deux milliards que vous avez mis en avant n’ont aucun fondement. Le coût réel est de l’ordre de 400 millions.

Mme Sandrine Mazetier. Ces deux milliards figurent dans le programme 150 au titre de l’accueil et de la formation d’étudiants étrangers. Or, la circulaire du 31 mai contredit cet objectif.

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Le coût individuel d’une reconduite forcée est de l’ordre de 6 000 euros, tandis que celui d’un départ volontaire est moins onéreux. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous essayons, avec l’OFII d’encourager les départs.

Vous avez ensuite évoqué l’insuffisance, selon vous, des crédits destinés aux centres de rétention, au motif que la durée de rétention a été portée de 32 à 45 jours. Je le répète, 45 jours est le délai maximal qui n’est utilisé que sous le contrôle du juge. Une autorisation du juge est d’ailleurs nécessaire pour aller au-delà de cinq jours. La durée moyenne de séjour reste de neuf à dix jours. Nous avons simplement voulu disposer du temps nécessaire pour délivrer les laissez-passer consulaires dans les pays insuffisamment organisés sur le plan de l’état civil.

M. Hunault a justement insisté sur la nécessité de lutter contre les filières de l’immigration. Ce sont en effet des filières criminelles ; et souvent à plusieurs titres : il y a l’introduction clandestine de personnes sur le territoire, et les sujétions imposées à ces personnes ensuite. Les opérations menées par la police ou la gendarmerie mettent souvent un terme à des situations insupportables. À Strasbourg, une filière organisait la vente de jeunes filles : 120 000 euros si elles étaient suffisamment habiles pour cambrioler, avec obligation pour elles de rembourser le prix de l’achat en un an !

Cette cruauté justifie qu’on se consacre avec beaucoup de vigueur à la lutte contre ces filières. En un an, les interpellations de passeurs et le démantèlement de filières ont augmenté de 10 % : 5 800 passeurs ont été interpellés et 183 filières démantelées.

M. Braouezec a regretté que les budgets destinés aux CADA soient en diminution. C’est parce que nous nous efforçons de rationaliser : le nombre de places demeure identique. Il reste que les CADA sont insuffisants pour accueillir tous les demandeurs d’asile et que les CHRS doivent prendre le relais, ce qui ne va pas sans poser de problèmes pour l’accueil de populations relevant traditionnellement de ces structures.

M. François Rochebloine, vice-président de la Commission des affaires étrangères. À combien estimez-vous, monsieur le ministre, le nombre de personnes en situation irrégulière sur notre territoire ? De quels pays viennent-elles ?

S’agissant de l’aide au retour, on sait que les Roms qui en font la demande ont tendance à revenir très rapidement en France. Quel est votre sentiment ?

M. Jacques Valax. Vous avez indiqué que les demandes d’asile dans leur ensemble avait augmenté d’environ 11 %. Or, les chiffres figurant dans le rapport font apparaître que les délais de traitement allaient augmenter en 2012 de 40 % – 130 jours contre 90 jours il y a deux ans et 125 jours l’année dernière. Comment expliquez-vous cette différence ?

La suppression du ministère de l’immigration permet d’économiser trente postes, nous avez-vous dit. Ne pourrait-on envisager une sorte de transfert puisque l’OFPRA a besoin de personnels supplémentaires ?

M. Jean-Claude Bouchet. Ce rendez-vous annuel est assurément utile, tant les questions de l’immigration, de l’asile de l’intégration préoccupent nos concitoyens.

La France accueille tous les ans de 300 à 400 000 nouveaux arrivants, quelque 200 000 personnes entrant de façon légale et autour de 150 000 de façon illégale. Le seul regroupement familial permet à presque 100 000 inactifs de s’installer durablement en France chaque année.

Dans ces conditions, notre pays doit maîtriser ses coûts migratoires, et cela suppose une lutte sans merci contre l’immigration illégale. Tout pays souverain a le droit de définir les modalités de venue et de résidence de populations étrangères sur son territoire. Les candidats à l’immigration qui ne se conforment pas à nos règles n’ont pas vocation à demeurer en France. Dès lors, nos concitoyens attendent de l’État qu’il s’évertue à faire respecter les règles posées par le législateur, en refoulant les étrangers en situation irrégulière ou en appliquant les décisions d’éloignement les concernant.

Que les étrangers en situation irrégulière aient commis ou non des actes hautement répréhensibles comme ceux qui ont récemment bouleversé l’opinion publique, la France ne doit pas tolérer qu’on bafoue les règles qu’elle a établies en matière d’entrée et de séjour des étrangers.

Grâce à la maîtrise des flux migratoires, nous permettons aux étrangers que nous accueillons de mieux s’intégrer, de s’approprier notre mode de vie et nos valeurs.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer que les crédits de cette mission seront suffisants pour permettre de lutter efficacement contre l’immigration clandestine ?

M. Daniel Goldberg. Mes questions porteront d’abord sur Mayotte, nouveau département français. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner un chiffrage, même approximatif, du budget consacré par notre pays à la lutte contre l’immigration irrégulière à Mayotte ? Mme Isabelle Debré, membre de l’ancienne majorité sénatoriale, l’avait estimé à 70 millions d’euros par an. Par ailleurs, le nouveau centre de rétention administrative devait faire partie des opérations retenues en 2011. Il ne verra finalement le jour qu’en 2014. Des crédits de paiement sont prévus à hauteur de 4 millions d’euros. L’engagement de 2014 sera-t-il tenu ? Dans son rapport, Mme Pavy précise que ce centre sera censé accueillir 60 personnes. Monsieur le ministre, prendrez-vous des engagements en ce sens ? Enfin, quels moyens donnera-t-on aux consulats de Moroni et d’Anjouan pour permettre une immigration de court séjour en direction de Mayotte ? Revoir la politique des visas éviterait les phénomènes déplorables que nous condamnons par ailleurs.

Je souhaiterais également vous interroger sur les procédures de naturalisation. Dans le bleu budgétaire, je note une contradiction entre les chiffres qui sont donnés page 77 et ceux qui figurent page 89 : dans le premier cas, on parle d’un délai de traitement de 331 jours, puis, suivant que les décisions sont favorables ou défavorables, d’un délai de 156 ou de 222 jours. Par ailleurs, il est fait état d’une durée d’examen des dossiers entre le moment où l’on donne le récépissé au demandeur et le jour où la décision est prise. Or, un délai important s’écoule entre le moment où l’étranger souhaite faire sa demande de naturalisation et celui où il peut déposer son dossier. Il faudrait donc mesurer la période qui s’étend entre la déclaration d’intention de l’étranger et la décision – favorable ou non – pour avoir une juste appréciation de cet indicateur. Ce serait intéressant, y compris dans le cadre de la procédure déconcentrée mise en place en 2010.

S’agissant enfin de la lutte contre les filières clandestines et ceux qu’on appelle à présent les facilitateurs – on parlait sous votre prédécesseur d’aidants –, les conjointes qui auront aidé par exemple le père de leurs enfants en situation irrégulière, verront-elles toujours leur demande de naturalisation ajournée ? Seront-elles considérées comme les facilitateurs dont vous venez de dénoncer le comportement ?

M. Bernard Carayon. Le fait de se maintenir de manière irrégulière sur notre territoire constitue un délit horriblement coûteux pour l’ensemble des contribuables. Vous avez estimé à 400 millions, monsieur le ministre, le coût des retours et des reconduites. Il est vrai que les estimations vont de un à neuf en la matière. Pouvez-vous préciser le coût des interpellations, gardes à vue et présentations au juges, le coût de la rétention en zone d’attente, le coût de la rétention en CRA ou LRA, les surcoûts dus aux recours, le coût des retours forcés ou aidés, les investissements pour les nouveaux locaux, et le coût de fonctionnement des CRA et LRA, qui constituent autant d’éléments du coût global des retours et des reconduites ?

Par ailleurs, quel est le coût relevant de la demande d’asile dans la mesure où un quart seulement des demandes aboutit ? Quel est le coût d’hébergement des déboutés ? Le coût d’investissement pour les demandeurs d’asile ? Le coût des activités de l’Office liées à l’immigration irrégulière ? Les coûts ministériels ? Le coût des plates-formes d’accueil ?

S’agissant des coûts liés au travail illégal, quel est celui des interpellations des étrangers sans titre de travail ? À combien s’élève le montant des amendes pour l’emploi d’étrangers sans titre non recouvrées ?

À combien estime-t-on la fraude à l’identité, qui touche tous les supports documentaires ? Dans les coûts sécuritaires, quelle est la part des frais de personnel liée à la délinquance d’origine étrangère ? Quelle part est imputable à la délinquance d’origine étrangère ?

Enfin, existe-t-il des subventions d’État accordées directement aux associations d’aide aux migrants en situation irrégulière ? Autrement dit, encourage-t-on le recours à des pratiques condamnées par la loi et condamnables par la morale républicaine ?

M. Jean-Pierre Dufau. En 2008, le Gouvernement avait fixé pour objectif l’accueil de 90 % des demandeurs d’asile en CADA pour 2011. Or, cet objectif a dû être revu à la baisse, à 70 % puis à 40 % . C’est l’aveu d’un échec ou d’une mauvaise appréciation. Le nombre de places en CADA est inchangé – 21 689 places. Cela signifie donc que deux tiers des demandeurs d’asile sont exclus des CADA, ce qui pose le problème de l’égalité de l’accès au droit. Vous mettez en avant la politique de rotation dans les places. Mais cela ne peut constituer une réponse à l’engorgement des centres. Face à cette situation, vous réduisez en outre les crédits de 199 à 194 millions, après une baisse équivalente l’année précédente. Drôle de façon de prendre en compte la réalité des faits !

Qualitativement, le décret du 20 juillet 2011 aggrave la situation, puisque vous diminuez le taux d’encadrement des accompagnants des demandeurs d’asile, qui passe de un pour dix à un pour quinze. Les personnels socio-éducatifs passeront à 50 %, contre 60 % antérieurement.

Bref, la politique mise en œuvre est mauvaise, tant quantitativement que qualitativement. Le budget est insuffisant, bien en deçà des objectifs, et très préoccupant quant aux conséquences qu’il aura sur les demandeurs d’asile.

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Monsieur Rochebloine, par définition, on ne peut faire le recensement des irréguliers. Je peux dire cependant que le nombre des bénéficiaires de l’aide médicale d’État s’élève à 210 000. Cela nous donne une indication intéressante, mais non exhaustive. Quant à la proportion de personnes en situation irrégulière quittant notre territoire de façon volontaire avec le bénéfice de l’aide au retour, elle est de l’ordre de 30 %.

Monsieur Valax, l’augmentation de 11 % du nombre des demandeurs d’asile porte sur les neuf premiers mois de l’année 2011 et ne peut donc pas correspondre aux indications figurant sur des documents qui traitent de périodes antérieures.

Monsieur Bouchet, on peut distinguer plusieurs types de regroupements familiaux. Au total, 80 000 personnes bénéficient chaque année d’une procédure ou d’une autre, 50 000 du fait d’un regroupement pour rejoindre un conjoint français, 15 000 pour rejoindre un conjoint étranger installé régulièrement sur notre territoire, et 15 000 au titre des liens personnels et familiaux. S’agissant du regroupement familial, qui permet à des conjoints étrangers de se retrouver sur notre territoire, le législateur a rendu la procédure plus rigoureuse, en prenant en compte notamment la réalité des ressources et les conditions de logement. De ce fait, le nombre des autorisations de séjour à ce titre a diminué en quelques années de 25 000 à 15 000. Pour les autres procédures, nous avons encore des progrès à faire.

Vous m’avez demandé si les crédits prévus pour lutter contre l’immigration illégale étaient suffisants : oui, ils le sont. L’an prochain, l’objectif de reconduite à la frontière de personnes en situation irrégulière sera, comme pour cette année, de l’ordre de 30 000.

Pour répondre à M. Goldberg, qui m’a interrogé sur Mayotte, 5 000 clandestins ont été renvoyés aux Comores en deux ans, ce qui traduit l’importance des flux. Le centre de rétention de Mayotte sera livré avant la fin 2014. Il permettra bien l’hébergement de 60 personnes.

Je ne puis vous répondre dans le détail sur les délais de la naturalisation, n’ayant pas de documents sous les yeux. Je puis cependant vous dire de façon certaine qu’ils se sont beaucoup raccourcis grâce à la procédure déconcentrée.

En ce qui concerne les aidants au regard de l’accès à la nationalité, la pratique est d’ajourner de trois à cinq ans les décisions en vue d’une naturalisation.

Je suis dans l’incapacité de répondre à toutes les questions de M. Carayon, mais je les juge très pertinentes. Il est légitime que la Commission des finances se les pose. Je m’efforcerai de vous apporter des réponses précises. Pour l’heure, je peux vous indiquer que le coût d’une journée de CADA s’élève à 25 euros et celui d’une journée en hébergement d’urgence à 15 euros. Quant à l’allocation temporaire, elle s’élève à 11 euros par jour et par personne.

Mme Béatrice Pavy, présidente. C’est moins cher à Paris qu’en province.

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Je précise que le ministère de l’intérieur n’accorde de subventions qu’à des associations qui gèrent par convention des établissements, qu’il s’agisse de CADA ou de CRA.

Enfin monsieur Dufau, les personnes hébergées en CHRS bénéficient aussi de l’allocation temporaire.

M. Lionnel Luca. Paradoxalement, ma question rejoint celle posée tout à l’heure par Mme Mazetier. Lors de sa campagne électorale, le président de la République avait clairement exprimé sa volonté de limiter le regroupement familial, voire de le réduire, au profit d’une immigration professionnelle. Cette politique a été mise en œuvre comme prévu au début du quinquennat. J’aimerais connaître ses résultats. La décision de réduire l’immigration professionnelle, prise cette année pour les raisons que vous avez rappelées, conduit à s’interroger sur le regroupement familial. N’est-ce pas une relative impossibilité de le réduire qui amène à se retourner contre l’immigration professionnelle ? Vous avez donné le nombre de 80 000 regroupements familiaux. Pensez-vous que l’on puisse en autoriser moins, notamment dans la dernière catégorie, celle des 15 000 personnes qui entrent en France au titre des liens personnels et familiaux, notion qui permet un certain nombre de fraudes ?

M. Étienne Pinte. Ma première question porte sur la circulaire du 31 mai concernant la maîtrise de l’immigration professionnelle, qui concerne en particulier les étudiants. Je reçois moi-même, depuis plusieurs années, des étudiants étrangers. Les uns ont la double nationalité, les autres non. Les premiers pourront donc rester sur le territoire national, mais pas les autres. N’est-ce pas quelque peu absurde ?

Le Québec ne fait pas de distinction entre ces deux catégories de personnes. Je crains donc que les étudiants souhaitant poursuivre leurs études en français ne se détournent de notre pays au profit du Québec, à moins qu’ils ne demandent la double nationalité.

C’est en tant que représentant de notre Assemblée au conseil d’administration de l’OFPRA que je vous poserai ma deuxième question. Il y a actuellement 21 000 places en CADA. Les demandeurs d’asile qui, faute de place, ne peuvent être accueillis dans un CADA le sont en CHRS, en centre d’hébergement d’urgence (CHU) ou à l’hôtel. Il n’est pas acceptable qu’il y ait ainsi deux catégories de demandeurs d’asile – ceux qui peuvent bénéficier d’un accompagnement spécifique dans les CADA et les autres. Le Gouvernement envisage t-il d’augmenter le nombre de places en CADA ?

Mme Béatrice Pavy, présidente. Il me semble que cela rejoint la question de M. Dufau.

M. Jean-Pierre Dufau. En effet. Je ne vous avais pas interrogé sur les CHRS, monsieur le ministre, mais sur les CADA.

M. Alain Vidalies. Permettez-moi de vous interroger, monsieur le ministre, sur la situation des mineurs étrangers. En la matière, il y a beaucoup d’écrits et peu d’actes – mais il est vrai que les réponses sont particulièrement délicates à mettre en œuvre. Un premier problème tient au fait que certaines collectivités locales se retrouvent seules à financer la prise en charge des mineurs étrangers, dont la répartition sur le territoire n’est pas égalitaire. Dans la mesure où cette question se pose à l’ensemble du pays, il appartient à l’État d’y apporter une réponse.

Le second problème est celui du traitement de ces enfants étrangers, notamment roumains. La situation juridique n’est plus la même depuis la décision du Conseil constitutionnel : un accord avec la Roumanie avait prévu de raccourcir les délais de procédure, le procureur prenant seul les décisions, sans intervention du juge des enfants ; mais le Conseil constitutionnel a jugé que cela n’était pas conforme à la Convention internationale des droits de l’enfant.

Quelles réponses pouvez-vous nous apporter, tant sur le financement de la protection de ces enfants que sur la nature des démarches entreprises, notamment avec les pays d’origine, pour permettre d’assurer leur retour dans le respect de leurs droits ?

M. Serge Janquin. Je vous interrogerai également sur les migrants mineurs. Il me semble que la question de la détermination de l’âge en cas d’incertitude mérite d’être abordée avec un peu plus d’humanité. Mais je voudrais surtout appeler votre attention sur la charge indue qui pèse sur certaines collectivités locales. Ce n’est pas parce que l’on est point d’entrée, point de sortie ou point de regroupement que l’on doit supporter toute la charge de ces enfants inégalement répartis sur le territoire national. Le président du conseil général du Pas-de-Calais vous a écrit pour vous dire le poids de cette dépense pour le département. Si la « jungle » de Calais a été fermée, elle a essaimé tout le long de l’autoroute À 26, et parmi ces migrants se trouvent un grand nombre d’enfants. Le département ne dispose pas des structures et du personnel suffisants pour les accueillir tous. J’ai cru comprendre que l’État entendait assumer cette mission de répartition, mais qu’en même temps, vous nous disiez qu’il fallait se rendre à la raison – ils sont groupés par pays sources. Qu’en est-il exactement ?

En tout état de cause, la prise en charge d’une politique d’État relève de la solidarité nationale, ou d’une forme de mutualisation, ou d’une combinaison des deux. On ne peut laisser les collectivités territoriales exposées à des risques financiers imprévisibles. J’attends une réponse précise et des engagements.

M. Henri Plagnol. Vous l’avez dit à plusieurs reprises, une meilleure maîtrise de la langue française est une des conditions d’une meilleure intégration. Le rapport relève des progrès, s’agissant des signataires du contrat d’accueil et d’intégration. C’est ce dispositif qui permet –depuis la loi du 20 novembre 2007 – qu’une formation linguistique soit dispensée aux membres de la famille, notamment aux parents qui bénéficient du regroupement familial. En revanche, bien peu est fait pour les personnes ayant migré avant l’adoption de la loi, si bien que les mères de famille, et surtout les enfants, n’ont pas accès à la langue française quand elle n’est pas leur langue maternelle. Ils arrivent donc à l’école avec un handicap, comme vous l’avez souligné ici même en répondant à une question d’actualité.

Cette question n’est pas du seul ressort de votre ministère. Mais puisque nous butons à la fois sur des problèmes sociaux et sur des problèmes financiers, pourquoi ne pas ériger l’accès des tout-petits – avant l’entrée en maternelle – à l’alphabétisation en langue française en cause nationale, en s’appuyant sur les nombreuses associations qui œuvrent déjà sur le terrain ? La bataille pour l’intégration des enfants est la clé de l’intégration des nouvelles générations.

M. Jean-Paul Lecoq. Vous cherchez, nous dites-vous, à faire la distinction entre vrais et faux étudiants. Pourquoi donc avoir procédé à des contrôles d’identité à l’entrée de l’université du Havre ? Par définition, ce n’est pas à l’université que vous trouverez de faux étudiants ! Je ne comprends pas cette opération, qui a suscité beaucoup d’émoi parmi les professeurs et les étudiants de l’université.

Par ailleurs, j’ai été contrôlé hier après-midi, à la descente de l’avion, rentrant de Tunisie où j’avais participé à la surveillance des élections. Comment sont choisis les avions qui feront l’objet d’un contrôle à la passerelle ? Je suis allé trois fois en Tunisie dans les deux derniers mois : à chaque fois, j’ai été contrôlé de la sorte à mon retour, ce qui ne se produit pas quand je reviens d’un autre pays.

Que deviennent d’ailleurs les personnes qui ne sont pas en situation régulière ? Combien sont-elles ? Comment cela se passe t-il lorsqu’elles souhaitent demander l’asile ?

Enfin, une immigration nouvelle nous arrivera dans les prochaines semaines avec les complices des régimes de Moubarak, Kadhafi ou Ben Ali. Sur quelle base accepterez-vous éventuellement de leur donner l’asile politique ? Certains ont-ils déjà été admis sur le territoire ? C’est évidemment plus facile lorsqu’on a de l’argent, qu’on maîtrise la langue française, voire qu’on possède une résidence en France !

Vous avez insisté sur la lutte contre la traite des êtres humains. Je vous félicite pour le travail qui a été accompli. Les victimes font-elles l’objet d’un traitement particulier par votre ministère ? Si oui, pouvez-vous nous en dire plus ?

M. François Loncle. Il y a en effet un double contrôle à Roissy, et ceux qui reviennent de pays du sud ont été témoins de scènes insupportables. Peut-être sont-elles dues au désordre souvent dénoncé dans la gestion des aéroports de Paris, mais elles donnent un image déplorable de notre pays aux gens qui arrivent pour la première fois en France : des files sont bloquées sur plusieurs dizaines de mètres, parfois sur la passerelle, en pleine chaleur parfois. Du temps de Mme Alliot-Marie, il m’est arrivé de téléphoner au ministère pour débloquer une situation insoutenable.

Il existe une incohérence dans la politique d’accords de gestion concertée des flux migratoires. Certains de ces accords bilatéraux ont été signés avec des pays plus qu’autoritaires, dont les dirigeants spolient leurs peuples –la république du Congo, le Gabon de la famille Bongo ou la Tunisie de M. Ben Ali. Or, vous ne faites pas de différence entre le traitement des pays démocratiques et celui de ces pays où les gens souffrent. Du reste, vous n’appliquez même pas ces accords : le plus ambitieux, signé avec la Tunisie de Ben Ali, prévoyait la venue régulière de 9 000 Tunisiens par an : vous n’avez délivré que 2 700 titres de séjour ! Dans son article 3, la France s’engageait à proposer son dispositif d’aide au retour volontaire aux ressortissants tunisiens en situation irrégulière faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français. Mais en pleine crise avec l’Italie, vous avez fait geler les demandes au retour volontaire, puis baisser le montant de l’aide. C’est déplorable.

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Monsieur Luca, je vous ai donné tout à l’heure le nombre des regroupements familiaux à proprement parler – qui concernent la venue en France de personnes de nationalité étrangère rejoignant un étranger qui séjourne régulièrement dans notre pays. Il est tombé de 25 à 15 000. S’agissant du rapprochement familial, entre une personne de nationalité étrangère et un conjoint français, on peut se montrer plus rigoureux dans le cadre du droit en vigueur. Je m’y efforce. Pour aller plus loin, .il faudrait modifier la loi.

L’immigration professionnelle avait en effet été considérée en 2007 comme l’un des éléments susceptibles de permettre d’accorder davantage d’autorisations de séjour. La situation de l’emploi dans notre pays et une analyse plus précise du marché du travail nous ont conduits à infléchir notre position. Nous nous sommes aperçus que la moitié des 30 secteurs dits en tension ne l’étaient pas, et qu’on pouvait parfaitement trouver sur le marché du travail français des personnes aptes à répondre aux offres d’emploi proposées. C’est vrai – pour l’essentiel – pour le secteur informatique, mais aussi pour les maçons.

Monsieur Pinte, vous avez critiqué une inégalité entre les étudiants possédant la double nationalité et les étudiants de nationalité étrangère. Je connais votre engagement et votre sensibilité aux problèmes humains. Mais il y a une grande différence entre ces deux catégories de personnes : certaines sont françaises, et il est donc normal de leur permettre de travailler en France ; s’agissant des autres, le pouvoir régalien est libre d’exercer ses compétences.

Je reviens par ailleurs sur une idée reçue. Désormais, le Canada réduit lui aussi ses possibilités d’immigration. J’ai rencontré il y a quelques semaines mon homologue canadien, et j’ai été très surpris de le voir s’aligner sur une politique encore plus restrictive que la nôtre, celle du Royaume-Uni.

Il y a une différence, monsieur Dufau, entre le CADA et le CHRS. Nous ne sommes pas restés inactifs, puisque nous avons aujourd’hui 21 000 places de CADA, contre 5 200 en 2001. Globalement, nous constatons cependant un engorgement du dispositif d’accueil, qui tient notamment à nos mauvaises performances en matière de traitement des demandes d’asile. La bonne solution consiste donc, comme nous le faisons cette année encore, à poursuivre les créations d’emplois à l’OFPRA et à la CNDA pour accélérer les délais de traitement.

M. Vidalies et M. Janquin ont évoqué la délicate question des mineurs étrangers, dont l’accueil représente une charge importante pour certaines collectivités locales, d’autant que la répartition géographique est inégale. Le ministère de la justice a ouvert une concertation avec les départements pour faire en sorte qu’elle devienne plus égalitaire. Là encore, la solution consiste à rechercher avec les pays d’origine les moyens de traiter le sort de ces mineurs isolés. Ainsi, de nombreux mineurs roumains, souvent exploités à des fins de délinquance dans des conditions sordides, sont présents sur notre territoire. Il s’agit de rendre ces enfants à leurs parents, ou à un service de protection de la jeunesse dans leur pays. Il est vrai que ces services n’étaient pas au niveau il y a quelques années, mais la Roumanie possède un système de protection de l’enfance conforme aux normes internationales. C’est la raison pour laquelle un magistrat roumain s’installera bientôt à Paris pour traiter ces situations, tandis qu’un magistrat français sera présent en Roumanie pour organiser les retours. Je précise que si j’ai parlé de rendre ces enfants à leurs parents, c’est que certains de ces enfants sont volés. De véritables mafias sont ici à l’œuvre, et nous devons mettre un terme à leurs agissements.

M. Plagnol est intervenu sur un thème qui m’est cher, celui de la langue. Le ministère y consacre 60 millions d’euros par an. Il est essentiel que les très jeunes enfants apprennent le français. Les sociologues et les experts en sciences de l’éducation que j’ai rencontrés ont été quasi unanimes pour dire que si la langue française n’était pas acquise aux alentours de deux ans, une sorte d’illettrisme définitif se créait.

M. Jean-Pierre Dufau. Vous pensez qu’un enfant qui ne parlerait pas une langue à l’âge de deux ans ne puisse plus l’apprendre par la suite ?

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Ce sont des personnes faisant autorité dans leur discipline qui le disent.

Mme Sandrine Mazetier. Nous serions curieux de savoir quels sont ces experts.

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Je vous indiquerai les ouvrages sur le sujet ainsi que les méthodes développées, notamment au Canada et en Allemagne. Chacun pourra en tout cas convenir, quel que soit l’âge sur lequel on s’accorde, qu’il est important d’acquérir au plus tôt la connaissance de la langue. Nous travaillons en ce sens, pour le bien de ces enfants, car cela facilitera leur éducation.

M. Jean-Pierre Dufau. Avec cette théorie, on ne pourrait plus apprendre une langue étrangère après trois ans !

Mme Sandrine Mazetier. Par cohérence, vous devriez être favorable, monsieur le ministre, à la scolarisation dès deux ans.

M. Henri Plagnol. Ces querelles sont stériles. L’apprentissage de la langue française est essentiel pour l’intégration des enfants.

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. C’est dans le même esprit qu’est organisé un enseignement du français pour les parents, de façon que ceux-ci puissent accompagner les enfants dans leur scolarité. Ces actions d’ouverture de l’école aux parents bénéficient cette année à quelque deux mille parents. J’ai assisté il y a quelques mois, en compagnie de Luc Chatel, à l’une de ces séances dans le Val d’Oise. C’était très émouvant. Il n’y avait que des femmes dont l’objectif était d’ailleurs non seulement de pouvoir ultérieurement suivre la scolarité de leurs enfants, mais aussi de devenir des femmes libres dans notre société, capables grâce à la connaissance de notre langue de se débrouiller dans la vie quotidienne et d’accéder à un emploi.

M. Jacques Alain Bénisti. Certains crédits des contrats urbains de cohésion sociale (CUCS) sont spécifiquement affectés à ces actions.

M. Claude Guéant, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration. Monsieur Lecoq, pourquoi des contrôles d’identité ont-ils été organisés aux portes de l’université du Havre ? Je n’en sais rien. Toujours est-il qu’ils ne peuvent avoir lieu que sur décision judiciaire : il faut une réquisition du procureur de la République.

Les contrôles aux passerelles d’avion sont organisés à l’initiative des services locaux de la police de l’air et des frontières. Les raisons peuvent en être diverses. Mais en toute hypothèse, les personnes ne sont jamais refoulées dans l’avion. Et dès qu’une demande d’asile est formulée, elle est instruite ; du reste, l’administration n’a pas compétence en matière d’octroi d’asile. Seule une juridiction peut accorder l’asile politique.

En ce qui concerne les personnes pouvant arriver de certaines dictatures récemment renversées, sachez que le droit s’applique à tous d’égale façon. Si ces personnes formulent une demande d’asile politique, celle-ci sera examinée. Et c’est l’OFPRA, dans un premier temps, la CNDA, ensuite, qui décideront, sans la moindre intervention du pouvoir politique.

En matière de lutte contre la traite des êtres humains, nous aidons les associations d’aide aux victimes. Diverses dispositions, dont l’une de caractère législatif, ont été prises dans le cas de la prostitution, afin de délivrer une autorisation de séjour tenant compte des risques encourus par les personnes.

Monsieur Loncle, les files d’attente dans les aéroports sont en effet regrettables. Il y a dans ces lieux un problème général de gestion des foules, puisque le problème se retrouve au niveau des portiques également. C’est d’ailleurs pourquoi nous développons, pour les voyageurs réguliers, notamment de l’Union européenne, des documents biométriques. Cela libère les policiers qui peuvent se consacrer davantage aux autres contrôles.

Il est vrai qu’un accord avait été signé avec la Tunisie en 2008, prévoyant d’une part que des Tunisiens viennent en France, d’autre part que notre pays aide des actions de développement et de formation en Tunisie. Cette aide devait avoir une contrepartie en matière de lutte contre l’immigration irrégulière de la part de la Tunisie. Nous l’attendons toujours. Pour notre part, nous avons beaucoup fait. Lorsque je me suis rendu en Tunisie après la « révolution du jasmin », j’ai constaté que divers centres de formation professionnelle avaient été ouverts dans le domaine du bâtiment, de la mécanique, des métiers de la mer, grâce aux financements du ministère de l’intérieur français. Nous avons également accueilli en France des stagiaires tunisiens dans certaines professions, en lien notamment avec le tourisme. Enfin, une autre action est en cours, très intéressante en ce qu’elle conjugue les intérêts des deux pays : nous accueillons en France des aides-soignants et des infirmiers tunisiens. Ces personnes, au niveau de formation très élevé, trouvent ainsi un emploi, en même temps que nous répondons à nos besoins en personnels de santé.

Mme Béatrice Pavy, présidente. Je vous remercie, monsieur le ministre, ainsi que tous ceux qui ont participé au débat. Nous en avons terminé avec cette commission élargie. Les trois commissions concernées vont maintenant procéder au vote des crédits de la mission.

Mme Sandrine Mazetier. Il était prévu que la commission élargie dure deux heures trente. Il reste donc encore vingt minutes. Le groupe SRC pouvait, en proportion de sa représentation, compter sur 20 % du temps de parole, soit trente minutes. Or, nous n’avons pu nous exprimer que vingt minutes. Par ailleurs, des collègues qui participent actuellement au débat dans l’hémicycle souhaitaient prendre part aux différents votes sur les crédits, à l’issue de la commission élargie. Ils ne le pourront pas parce que nous abordons ces votes plus tôt que prévu.

Mme Béatrice Pavy, présidente. Nous avons donné la parole à tous ceux qui le souhaitaient. Le ministre a pris le temps de répondre à chacun.

*

* *

À l’issue de l’audition de M. Claude Guéant, ministre de l’Intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, la Commission examine pour avis, sur le rapport de M. Éric Diard, les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » pour 2012.

Conformément aux conclusions de son rapporteur pour avis, la Commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » pour 2012.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
PAR LE RAPPORTEUR POUR AVIS

• Office français de l’immigration et de l’intégration

– M. Jean GODFROID, directeur général.

• Office français de protection des réfugiés et apatrides

– M. Jean-François CORDET, directeur général.

• Cour nationale du droit d’asile

– Mme Martine DENIS-LINTON, présidente.

• Ministère de l’Intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales et de l’immigration

Secrétariat général à l’immigration et à l’intégration

– M. Stéphane FRATACCI, secrétaire général ;

– Mme Brigitte FRESNAIS-CHAMAILLARD, chef du service de l’asile ;

– Mme Sylvie MOREAU, adjointe au directeur de l’accueil, de l’intégration et de la citoyenneté ;

– M. Alain CIROT, adjoint au chef du service des affaires générales et des finances.

Direction centrale de la police aux frontières

– M. Frédéric PERRIN, directeur central de la police aux frontières.

SIGLES ET ABRÉVIATIONS

ACSE : agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances 

ADLI : agents de développement local pour l’intégration 

ADOMA : société d’économie mixte, issue de l’ancienne Sonacotra 

ADP : attribution de produits 

AFNOR : association française de normalisation 

AGDREF : application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers 

ANAEM : agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations 

ANSP : agence nationale des services à la personne 

ASSFAM : association service social familial de migrants 

ATA : allocation temporaire d’attente 

CADA : centre d’accueil pour demandeurs d’asile 

CAI : contrat d’accueil et d’intégration 

CAOMIDA : centre d’accueil et d’orientation pour mineurs isolés demandeurs d’asile 

CIMADE : comité intermouvements auprès des évacués 

CNDA : cour nationale du droit d’asile 

CNHI : cité nationale de l’histoire de l’immigration 

CPH : centre provisoire d’hébergement des réfugiés 

CRA : centre de rétention administrative 

DILF : diplôme initial de langue française 

DNA : dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile 

ETPT : équivalents temps plein travaillés 

EURODAC : base de données européennes de reconnaissance des empreintes digitales 

FDC : fonds de concours 

GREGOIRE : projet de base de données à vocation interministérielle 

LAO : lieu d’accueil et d’orientation des mineurs étrangers isolés situé à Taverny 

LFI : loi de finances initiale 

LOLF : loi organique relative aux lois de finances (n° 2001-692, du 1er août 2001) 

LRA : locaux de rétention administrative 

MIIINDS : ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire 

OCRIEST : office central pour la répression de l’immigration irrégulière et l’emploi d’étrangers sans titre 

OFII : office français de l’immigration et de l’intégration 

OFPRA : office français de protection des réfugiés et apatrides 

PAF : police aux frontières 

PARAPHES : passage automatisé rapide aux frontières extérieures Schengen 

PARP : parcours de réussite professionnelle 

PIB : produit intérieur brut 

PIE : pôles interservices éloignement 

PLF : projet de loi de finances 

PRENAT : application informatique « préfectures /
naturalisations » 

PRIPI : programmes régionaux d’intégration des populations immigrées 

PTFTM : plan de traitement des foyers de travailleurs migrants 

RELORLEF : rechercher un logement pour les réfugiés 

RGPP : revue générale des politiques publiques 

URSSAF : unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales 

VISABIO : stations d’enrôlement biométrique 

VLS-TS : visa de long séjour dispensant de titre de séjour 

ZAPI : zone d’attente pour personnes en instance de Roissy.

© Assemblée nationale

1 () Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 562/2006 afin d’établir des règles communes relatives à la réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures dans des circonstances exceptionnelles.

2 () Proposition de résolution n° 3765.

3 () Sont comptabilisés les étrangers effectivement éloignés du territoire national (hors outre-mer), en application d’une mesure d’éloignement administrative (arrêté préfectoral de reconduite à la frontière, obligation de quitter le territoire français, expulsion, réadmission) ou judiciaire (interdiction temporaire ou définitive du territoire) et les retours volontaires.

4 () Angola, Bangladesh, Gabon, Mali, Pakistan, Sénégal, République démocratique du Congo et République du Congo.

5 () Un tel placement reste possible, d’une part, en cas de comportements de violence envers les personnes dépositaires de l’autorité publique ou de fraudes avérées et, d’autre part, en cas de comportements visant à faire échec à l’exécution forcée de la mesure d’éloignement par l’autorité administrative, lorsque a été préalablement mise en œuvre la mesure la plus coercitive prévue par la directive, c’est-à-dire le placement de l’étranger en rétention.

6 () Le taux de chômage des étrangers non ressortissants d’un État membre de l’Union européenne se maintient en effet à un niveau élevé (environ 23 % selon les statistiques de l’INSEE).

7 () Cadre de l’audit et du contrôle comptable, conduite d’équipement de fabrication de l’ameublement et du bois, conception et dessin produits mécanique, inspection de conformité, dessin BTP, marchandisage, ingénieur production et exploitation des systèmes d’information, conduite d’équipement de transformation du verre, téléconseil et télévente, pilotage d’unité élémentaire de production mécanique, conception et dessin de produits électriques et électroniques, intervention technique en méthodes et industrialisation, conduite d’équipement de production chimique et pharmaceutique, intervention technique en ameublement et bois.

8 () Bénin : 16 métiers ; Burkina Faso : 64 métiers ; Congo : 15 métiers ; Gabon : 9 métiers ; Maurice : 61 métiers ; Sénégal : 108 métiers ; Tunisie : 77 métiers.

9 () Office français de protection des réfugiés et apatrides, Rapport d’activité 2010, avril 2011, p.10.

10 () Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, Niveaux et tendances de l’asile dans les pays industrialisés en 2010, 25 mars 2011.

11 () Ces 44 pays industrialisés incluent les 27 États membres de l’Union européenne, ainsi que l’Albanie, l’Australie, la Bosnie-Herzégovine, le Canada, la Croatie, l’Islande, le Japon, la République de Corée, le Liechtenstein, le Monténégro, la Nouvelle Zélande, la Norvège, la Serbie, la Suisse, la Turquie, les Etats-Unis et l’ex-République yougoslave de Macédoine.

12 () Assemblée nationale, rapport d’information n° 3605 de M. Claude Goasguen sur le droit de la nationalité en France, 29 juin 2011.

13 () Diplôme français de niveau supérieur ou égal au brevet des collèges, délivré en France ou à l’étranger, ou le diplôme d’études en langue français (DELF) de niveau B1.

14 () Attestation délivrée par un organisme agréé par le ministère de l’Intérieur (le centre international d’études pédagogique, la chambre de commerce et d’industrie de Paris, l’université de Cambridge ou l’Education testing service).

15 () La délivrance des visas, la tutelle de l’OFPRA, le codéveloppement et la négociation des accords internationaux relatifs à l’asile et à l’immigration relevait du ministère des affaires étrangères ; le ministère des Affaires sociales était chargé, en concertation avec le ministère de l’Économie, de la définition des capacités d’accueil en fonction de la démographie et du marché du travail, de la délivrance des autorisations de travail, de l’accueil et de l’intégration des migrants légaux ; la délivrance des titres de séjour, le contrôle des frontières et la lutte contre l’immigration clandestine relevaient du ministère de l’Intérieur ; le ministère de la Justice était compétent pour l’état civil des étrangers et les naturalisations ; le ministère de la Santé suivait les problèmes de santé des étrangers et gérait l’aide médicale d’Etat ; le ministère de l’Enseignement supérieur était chargé de la politique d’accueil des étudiants étrangers.

16 () Association service social familial migrants.

17 () Les coûts d’investissement et de fonctionnement des salles d’audience et du recours à la visioconférence doivent être déduits de ces montants pour calculer les économies qui pourraient être réalisées par le biais d’un recours accru à ces salles d’audience et à la visioconférence.

18 () Civ. 1ère, 16 avril. 2008, pourvoi n° 06-20390, M. Nourddine X et autres c/ préfet des Bouches-du-Rhône ; pourvoi n° 06-20391, Mme Christina X et autres c/ préfet des Hautes-Alpes ; pourvoi n° 06-20978, M. Mehdi X et autres c/ préfet de Vaucluse.

19 ()  Règlement établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers.

20 () Des négociations au sein du Conseil de l’Union européenne visant à l’instauration, d’ici 2012 au plus tard, d’une procédure d’asile unique ont débuté à la suite de la présentation, le 23 octobre 2009, par la Commission européenne de sa proposition de refonte de la directive du Conseil du 1er décembre 2005 relative aux normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres (dite directive « procédure »). Ce texte poursuit un objectif d’harmonisation et d’amélioration des procédures en matière d’asile afin de garantir la cohérence des systèmes d’asile des États membres et d’éviter le phénomène de « supermarché européen de l’asile » (« asylum shopping ») exploité par les filières, consistant à choisir de déposer les demandes d’asile dans le pays offrant les meilleures conditions d’accueil. Ce texte a fait l’objet d’une première lecture au Parlement européen les 26 et 27 octobre 2011.

21 () Association pour l’accueil et la formation des travailleurs migrants.

22 () La baisse globale des crédits est cependant moins significative que la baisse du coût unitaire moyen, puisque l’année 2012 est une année bissextile.

23 ()Le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 (dit « Dublin II ») établit les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers. Un demandeur est « sous convocation Dublin » lorsque l’État saisi de la demande d’asile concernée décide de requérir un autre État membre, parce qu’il l’estime responsable de l’examen de cette demande.

24 () Affaire C-179/11, demande de décision préjudicielle présentée par le Conseil d’État le 18 avril 2011 dans l’affaire CIMADE, GISTI/ministre de l’Intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration.

25 () Avis n° 2863, tome 3, p. 43.

26 () Règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers.

27 () Le taux de couverture (nombre d’affaires jugées/nombre d’affaires enregistrées) a cependant atteint 105,3 % pour la période courant de septembre à décembre 2010.

28 () Les délais de traitement ont été réduits de manière significative dans les 21 départements concernés : quatre mois contre dix l’année précédente pour les décisions défavorables, cinq mois contre douze pour les décisions de naturalisation.