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N
° 3805

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 12 octobre 2011.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2012 (n° 3775),

PAR M. GILLES CARREZ,

Rapporteur Général,

Député.

——

ANNEXE N° 45

TRAVAIL ET EMPLOI


ACCOMPAGNEMENT DES MUTATIONS ÉCONOMIQUES

ET DÉVELOPPEMENT DE L’EMPLOI


FINANCEMENT NATIONAL DU DÉVELOPPEMENT
ET DE LA MODERNISATION DE L’APPRENTISSAGE

Rapporteur spécial : M. Christian ECKERT,

Député.

____

PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL 5

I.– UN PROGRAMME 103 FRAPPÉ PAR LA RIGUEUR DANS UNE PÉRIODE D’ACCÉLÉRATION DU CHÔMAGE 7

A.– UNE BAISSE DE 12 % EN AUTORISATIONS D’ENGAGEMENT ET EN CRÉDITS DE PAIEMENT 8

a) La suppression des dispositifs du Plan de relance 9

b) La suppression d’exonérations de charges sociales : un effort de rationalisation des niches sociales 9

B.– DES DÉPENSES FISCALES ET SOCIALES CONSIDÉRABLES ET MAL ÉVALUÉES 10

1.– Une dépense fiscale en augmentation continue 10

2.– De nombreuses exonérations de cotisations sociales compensées sur les crédits du programme n° 103 13

II.– LES POLITIQUES DE L’EMPLOI ET DE LA FORMATION SONT VICTIMES DE L’AUSTÉRITÉ 19

A.– UNE POLITIQUE DE L’EMPLOI DÉCONNECTÉE DE LA SITUATION DE L’EMPLOI 19

1.– le Gouvernement ne renonce pas à sa politique d’extinction des mesures d’âge 19

2.– Les outils de soutien à l’emploi sont imprudemment sous-dotés 21

a) La dotation globale de restructuration 21

b) Une diminution d’un quart des crédits consacrés à l’activité partielle 21

c) La mise en place d’un nouveau contrat de sécurisation professionnelle (CSP) : des crédits insuffisants pour un dispositif ambitieux 22

d) La réduction drastique des crédits consacrés aux conventions GPEC-EDEC 23

B.– LE DÉSENGAGEMENT PROGRESSIF DE L’ÉTAT DU CHAMP DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE 24

1.– Le détournement des excédents du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) au profit de l’État se poursuit en 2012 comme en 2011 24

a) L'État se retire de la prise en charge de la certification mise en oeuvre par l'AFPA 24

b) 200 millions d'euros sont « fléchés » vers l'Agence des services de paiement afin que celle-ci prenne en charge la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle 25

c) Pôle emploi reçoit 25 millions d’euros pour se substituer à l’État en matière de formation des demandeurs d’emploi 25

2.– Les actions en faveur de la formation voient leurs moyens fortement réduits 28

a) La reconnaissance des compétences acquises par les personnes n’est plus une priorité 28

b) Une subvention aux associations intervenant dans le champ de la formation professionnelle rognée 28

3.– Le développement de l’alternance est loin d’être décisif 28

a) Les effets de loi du 28 juillet 2011 ne se sont pas encore fait ressentir 29

b) L’absence de rebond des contrats d’apprentissage 29

c) Un effort relâché pour les contrats de professionnalisation 30

EXAMEN EN COMMISSION 33

Article 63 : Prélèvement sur le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) 39

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION 45

ANNEXE : LISTE DES AUDITIONS RÉALISÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL 49

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

Au 10 octobre 2011, 98 % des réponses étaient parvenues au Rapporteur spécial.

PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

Le projet de loi de finances pour 2012 fait apparaître une baisse de 12 % en autorisations d’engagement et crédits de paiement des crédits du programme 103 par rapport aux crédits inscrits en LFI 2011, soit une réduction de 550 millions d’euros.

Le Rapporteur spécial rappelle que la mission Travail et Emploi est celle qui connaît la plus forte baisse du budget de l’État, suivie par la mission Solidarité, insertion et égalité des chances.

Pour ce programme comme d’ailleurs pour l’ensemble de la mission, le Gouvernement, dans ce projet de budget 2012, semble en réalité avoir improvisé des coupes budgétaires, refusant de prendre la mesure de la crise économique et l’évolution préoccupante du marché du travail.

Le Rapporteur spécial appelle à relancer d’urgence l’effort budgétaire de la politique de l’emploi au cours de l’année 2012 afin de contenir l'accélération du chômage qui va être très forte comme l’attestent les derniers chiffres du chômage de septembre 2011.

Le projet de budget fait tout le contraire.

Les moyens consacrés à l’action 01 Anticipation et accompagnement des conséquences des mutations économiques sont, année après année, rognés. Le niveau atteint cette année est dérisoire avec une baisse de 19 % des crédits.

S’agissant du chômage partiel que, par un curieux renversement de sémantique on appelle « activité partielle », les crédits sont en forte baisse de 40 à 30 millions d’euros. L’exemple allemand si souvent mis en avant n’a pas été suivi.

Le budget poursuit le mouvement d’extinction des mesures d’âge, en dépit de la conjoncture qui plaide pour une réhabilitation au moins temporaire de ces dispositifs. Ainsi, les crédits finançant les préretraites progressives diminuent de moitié. La réforme des retraites et l’explosion du chômage des seniors auraient nécessité une approche différente.

L’action Développement de l’emploi connaît la baisse la plus importante du programme (– 49 %). Cette baisse résulte de la suppression dans la LFI 2011 de plusieurs niches sociales et de l’arrivée à échéance de l’aide à l’embauche pour les très petites entreprises, une des premières mesures du plan de relance.

Enfin, l’allocation équivalent retraite (AER) connaît une réduction drastique de ses crédits. L’extinction du dispositif antérieur à 2009 entraîne une réduction des besoins de financement à hauteur de 175,5 millions d’euros en 2012. Quant à l’AER réactivé en 2009 et 2010 (AER –Relance), si elle représentait encore plus de 250 millions d’euros en 2011, seuls 12,29 millions d’euros sont comptabilisés cette année pour financer le stock des entrées antérieures à 2011.

Le Rapporteur spécial s’étonne de ne trouver aucun crédit ouvert au titre de l’allocation transitoire de solidarité (ATS), qui doit constituer un prolongement de l’AER jusqu’en 2014 pour les chômeurs nés entre juillet 1951 et décembre 1953. La création de cette nouvelle allocation a pourtant été annoncée par le Gouvernement pour un coût estimé à 30 millions d’euros.

L’article 63 du présent projet propose un nouveau prélèvement du Gouvernement sur le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels de 300 millions d’euros en 2012, qui serait affecté à l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), à l’Agence de services et de paiements (ASP) et à Pôle emploi.

Le Rapporteur spécial regrette les contributions successives demandées au Fonds qui devient plus une enveloppe alimentée par des « cotisations obligatoires » qui s’apparentent à l’impôt indirect dans laquelle pioche le Gouvernement. De surcroît, le Parlement n’a aucun moyen de contrôle sur l’utilisation réellement faite par le Gouvernement du prélèvement opéré sur le fonds. Cette pratique de financement ne responsabilise pas le législateur dans la levée et l’utilisation de l’impôt. De tels financements extrabudgétaires en complément des crédits inscrits sur le programme n° 103 du budget de l’État doivent cesser.

En ce qui concerne Pôle Emploi, si sa subvention d’équilibre est inchangée, elle n’empêchera pas l’opérateur d’être déficitaire, en 2012 comme en 2011. Le Rapporteur spécial a étudié le recours par Pôle Emploi, aux opérateurs privés de placement (OPP), qui représente une part croissante (supérieure à 10 %) des dépenses d’intervention de l’opérateur, notamment pour les actions de soutien renforcé à certains publics. Les éléments recueillis par le Rapporteur spécial indiquent, sans contestation possible, des résultats inférieurs à ceux des agents de Pôle Emploi, pour des coûts largement supérieurs.

Concernant les contrats aidés, le Rapporteur spécial observe les effets négatifs de la politique de « stop and go », aussi bien sur le plan de la lisibilité budgétaire de l’État, que sur l’absence de perspectives dans la durée pour les publics comme pour les employeurs. Les contrats aidés non marchands sont moins efficaces comme levier pour rejoindre l’emploi durable, parce que les structures (associations ou administrations) ont rarement la possibilité de transformer ces postes en emplois pérennes. Le Rapporteur spécial considère que ce dispositif ne sera pas viable tant qu’il poursuivra deux objectifs inconciliables : soit l’ajustement des chiffres du chômage, soit l’insertion et le développement de nouveaux métiers durables.

I.– UN PROGRAMME 103 FRAPPÉ PAR LA RIGUEUR DANS UNE PÉRIODE D’ACCÉLÉRATION DU CHÔMAGE

Le Rapporteur spécial ne peut que constater la situation très préoccupante de l’emploi. Selon les derniers chiffres du ministère du Travail de septembre 2011, le nombre de demandeurs d’emploi sans activité en France métropolitaine est de 2,780 millions de personnes, soit 58 000 de plus en un an. Sur le seul mois de septembre, l’augmentation est de 26 000. La situation s’est nettement dégradée pour les seniors (plus de 50 ans) : pour la catégorie sans activité, leur nombre a progressé de 7,1 % sur le mois, et de 14,3 % sur l’année.

L’accélération de la montée du chômage est donc forte alors même que la menace de la récession se profile. Le budget prévu pour 2012 pour la mission Travail et Emploi ne tient pas compte de cette situation très inquiétante de l’emploi.

Les dotations de la mission Travail et emploi inscrites dans le projet de loi de finances pour 2012 s’inscrivent dans la logique de rigueur qui prévaut pour le présent projet de loi de finances. La mission Travail et emploi est la mission du budget général de l’État qui connaît la plus forte baisse de ses crédits : 12 % de diminution à périmètre courant. Pour 2012, les crédits de paiement demandés pour la mission s’élèvent à 7,835 milliards d’euros contre 9,245 milliards d’euros en 2011.

PART DES DIFFÉRENTS PROGRAMMES AU SEIN DE LA MISSION
TRAVAIL ET EMPLOI

A.– UNE BAISSE DE 12 % EN AUTORISATIONS D’ENGAGEMENT ET EN CRÉDITS DE PAIEMENT

La dotation du programme 103, qui connaît une baisse moyenne d’un peu plus de 12 % en autorisation d’engagement (AE) comme en crédits de paiement (CP), s’établit pour 2012 à hauteur de 3,9 milliards d’euros (en autorisation d’engagement et crédits de paiement). Comme le montre le tableau ci-après, les évolutions au sein de ce programme sont contrastées.

PRÉSENTATION ET ÉVOLUTION PAR ACTION DU PROGRAMME

Numéro et intitulé de l’action

AE
LFI 2011

AE
PLF 2012

Évolution

CP
LFI 2011

CP
PLF 2012

Évolution

103

Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi

 

01

Anticipation et accompagnement des conséquences des mutations économiques sur l’emploi

450 088 297

346 043 411

– 23,1 %

501 588 297

405 543 411

– 19,1 %

01-01

Anticipation des mutations et gestion active des ressources humaines

113 010 000

57 500 000

– 49,1 %

164 510 000

117 000 000

– 28,9 %

01-02

Implication des branches et des entreprises dans la prévention du licenciement et le reclassement des salariés

337 078 297

288 543 411

– 14,3 %

337 078 297

288 543 411

– 14,3 %

02

Amélioration de l’insertion dans l’emploi par
l’adaptation des qualifications et la reconnaissance des compétences

3 278 703 024

3 184 877 577

– 2,8 %

3 278 703 024

3 184 877 577

– 2,8 %

02-03

Reconnaissance des compétences acquises

21 486 000

20 958 044

– 2,45 %

21 486 000

20 958 044

– 2,45 %

02-04

Amélioration de l’accès
à la qualification par le développement de l’alternance
et de la certification

3 257 217 024

3 163 919 533

– 2,9 %

3 257 217 024

3 163 919 533

– 2,9 %

03

Développement de l’emploi

764 343 988

404 988 522

– 47 %

763 971 398

404 988 522

– 46,9 %

03-01

Baisse du coût du travail pour faciliter le développement de territoires et de secteurs à forts potentiels d’emploi

438 500 059

168 900 916

– 61,5 %

438 127 469

168 900 916

– 61,4 %

03-02

Promotion de l’activité

325 843 929

236 087 606

– 27,5 %

325 843 929

236 087 606

– 27,5 %

 

Totaux

4 493 135 309

3 935 909 510

– 12,4 %

4 544 262 719

3 995 409 510

– 12 %

Source : Projet annuel de performances, PLF 2012.

Alors que l’action 03 Développement de l’emploi accuse une baisse de presque 47 %, la diminution des crédits de l’action 02 Amélioration de l’insertion dans l’emploi par l’adaptation des qualifications et la reconnaissance des compétences, qui concentre 80 % des moyens du programme, est de 3 %.

Cette diminution s’explique en partie par la fin du Plan de relance à compter de l’exercice 2011, qui implique une baisse progressive des crédits destinés au financement de mesures dont la dépense ne s’éteint définitivement qu’en 2012.

Les évolutions les plus significatives du programme sont les suivantes :

ÉVOLUTIONS LES PLUS SIGNIFICATIVES DU PROGRAMME

(en millions d’euros)

Programme

Dispositifs

LFI 2011
AE

LFI 2011
CP

PLF 2012
AE

PLF 2012
CP

103

 

4 493 135 309

4 544 262 719

3 935 909 510

3 995 409 510

 

Alternance Relance

59 100 000

59 100 000

0

0

 

Promotion de l’emploi dans le secteur des services à la personne

153 428 210

153 428 210

0

0

 

Promotion de l’emploi dans le secteur HCR

40 420 509

40 420 509

0

0

 

ATPE

58 822 400

58 822 400

0

0

Total

 

11 357 165 194

10 743 409 937

9 352 418 019

9 363 406 365

Évolution PLF 2012/LFI
2011 en %
AE

Évolution PLF 2012/LFI
2011 en %
CP

Évolution en valeur
(PLF 2012/LFI 2011)
AE

Évolution en valeur
(PLF 2012/LFI 2011)
CP

– 13 %

– 13 %

– 603 103 798

– 594 731 208

– 100 %

– 100 %

– 59 100 000

– 59 100 000

– 100 %

– 100 %

– 153 428 210

– 153 428 210

– 100 %

– 100 %

– 40 420 509

– 40 420 509

– 100 %

- 100 %

– 58 822 400

– 58 822 400

– 18 %

– 13 %

– 2 004 747 175

– 1 380 003 572

a) La suppression des dispositifs du Plan de relance

La fin du Plan de relance n’entraîne l’arrêt des financements qu’à partir de l’exercice 2012 pour un certain nombre de dispositifs, dont les mesures Alternance (dispositif « zéro charge » pour le recrutement d’un apprenti, prime à l’embauche d’un apprenti supplémentaire, prime à l’embauche d’un jeune en contrat de professionnalisation) et l’aide à l’embauche dans les très petites entreprises (ATPE).

b) La suppression d’exonérations de charges sociales : un effort de rationalisation des niches sociales

L’impact le plus significatif résulte de la suppression en LFI 2011 d’un certain nombre d’exonérations de charges sociales, suppression qui atteint son plein effet au terme de l’exercice en cours. Les principales exonérations concernées sont :

– l’exonération de charges patronales de 15 points pour les particuliers employeurs dans le domaine des services à la personne ;

– l’allègement de charges pour les structures agréées dans le domaine des services à la personne ;

– la suppression de l’exonération de charges pour les plateaux-repas dont bénéficiaient les entreprises du secteur HCR.

Les plus fortes évolutions concernent donc les aides directes au secteur HCR mais également les services à la personne. D’autres écarts sont liés à la budgétisation des mesures de compensation d’exonération des cotisations sociales (en faveur des contrats d’apprentissage et des services à la personne agréés) ou de transfert vers la mission Plan de relance de l’économie (CTP).

En 2012, le périmètre est inchangé pour la première fois depuis plusieurs années. En 2011, les principaux effets de périmètre relatifs au programme 103 résultaient de la suppression de la mission Plan de relance de l’économie et par suite, du rattachement au programme 103 de certaines mesures Emploi du plan de relance initialement inscrites sur l’ancien programme 316.

Pour 2012, la structure du programme 103 n’est pas modifiée dans la mesure où aucun mouvement de transfert vers ou depuis d’autres programmes n’est à signaler. Le Rapporteur spécial qui avait dénoncé les contours flous de ce programme les années précédentes se félicite de cette stabilisation de la « maquette budgétaire ».

B.– DES DÉPENSES FISCALES ET SOCIALES CONSIDÉRABLES ET MAL ÉVALUÉES

1.– Une dépense fiscale en augmentation continue

Le coût total des dépenses fiscales rattachées au programme n° 103 atteint, cette année un montant supérieur de près de 60 % aux dotations du programme, avec 6,276 milliards d’euros en 2012 contre 6,236 milliards en 2011 et 6,047 milliards en 2010.

Le Rapporteur spécial souligne l’importance de la dépense fiscale en faveur du secteur des services à la personne et s’étonne de l’absence d’évaluation précise du nombre d’emplois créés dans le projet annuel de performances.

PRINCIPALES DÉPENSES FISCALES LIÉS AU PROGRAMME N° 103

(en millions d’euros)

Impôt

Libellé de la mesure

Montants

2010
Exécution

2011
Exécution

2012
Prévisions

Impôt sur le revenu

Crédit d'impôt au titre de l'emploi d'un salarié à domicile pour les contribuables exerçant une activité professionnelle ou demandeurs d'emploi depuis au moins trois mois

785

1 890

1 890

Impôt sur le revenu

Exonération d'impôt sur le revenu des heures (et jours) supplémentaires et des heures complémentaires de travail

1 390

1 400

1 400

Impôt sur le revenu

Réduction d'impôt au titre de l'emploi, par les particuliers, d'un salarié à domicile pour les contribuables n'exerçant pas une activité professionnelle ou demandeurs d'emploi depuis moins de trois mois

1 250

1 290

1 290

TVA

Exonération des services rendus aux personnes physiques par les associations agréées en application de l'article L. 7232-1 du code du travail.

700

720

730

Impôt sur le revenu et impôt sur les sociétés

Crédit d'impôt en faveur de l'apprentissage

430

470

470

Impôt sur le revenu

Exonération du salaire des apprentis

265

275

285

Dans la mission Travail et Emploi, les dépenses fiscales représentent 94 % des crédits de paiement. Cependant, malgré cette part importante et selon l’Inspection générale des Finances, la mission Travail et Emploi ne fait pas partie des six missions qui ont construit leur modèle d’intervention essentiellement sur les dépenses fiscales (Ville et logement, Économie, Outre-mer, Santé, Sport, Jeunesse et vie associative et Politique des territoires).

Sur la mission, les dépenses fiscales sont surtout liées aux services à la personne. Elles poursuivent de nombreux objectifs :

– créations d’emplois ;

– régularisation du travail dissimulé ;

– prise en charge des jeunes enfants et de la dépendance ;

– professionnalisation du secteur.

L’Inspection générale des Finances a fait une évaluation approfondie des dépenses fiscales et niches sociales relatives aux services à la personne dans son rapport de septembre 2011 (cf encadré). La revue d’évaluation a porté sur 446 dépenses fiscales et 55 niches sociales représentant un enjeu financier de près de 99 milliards d’euros et permet d’éclairer les Rapporteurs spéciaux pour l’efficience des dépenses fiscales et sociales rattachées à leur mission budgétaire.

SYNTHÈSE DE L’ÉVALUATION APPROFONDIE
SUR LES DÉPENSES FISCALES ET NICHES SOCIALES
RELATIVES AUX SERVICES À LA PERSONNE

Le secteur des services à la personne bénéficie d'un système d'aides qui s'est nettement enrichi depuis vingt ans. Aux premiers dispositifs concentrés sur les publics fragiles et la garde d'enfant se sont ainsi ajoutés des aides d'une portée générale comme la réduction d'impôt sur le revenu (1991), l'exonération de TVA pour les associations (1991), l'application du taux réduit de TVA pour les entreprises (1999) et la création du crédit d'impôt pour les ménages bi-actifs (2007). Outre l'exonération de cotisations patronales pour les particuliers fragiles (1987), de nouvelles aides sociales ont également été mises en place comme la possibilité de cotiser sur une assiette forfaitaire (1991) ou l'extension de l'exonération de cotisations patronales aux organismes prestataires pour des personnes fragiles (1999). Enfin, le plan de 2005 en faveur des services à la personne a, entre autres, étendu le champ du secteur, instauré le CESU bancaire et préfïnancé, et créé pour celui-ci une aide financière exonérée d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales.

Cette stratification des aides aboutit à un ensemble complexe recouvrant des logiques et finalités diverses. D'abord politique sociale d'aide aux familles en difficulté, puis de régularisation du travail non déclaré, elle fut progressivement et de façon complémentaire justifiée par des objectifs d'emploi : simple soutien à l'emploi peu qualifié, voire sortie par le haut avec des objectifs de professionnalisation du secteur en réponse à des défis sociodémographiques liés notamment au vieillissement de la population.

En croissance soutenue au cours des années 2000, le secteur représente actuellement 450 000 emplois en équivalent temps plein.

Les aides au secteur des services à la personne sont nombreuses (cinq principales dépenses fiscales et cinq niches sociales étudiées par la mission, auxquelles il faut ajouter quatre autres mesures fiscales et présentent des enjeux financiers élevés, avec plus de 6 milliards d’euros en 2009 (1). Par ailleurs, la dépense a été multipliée par deux en six ans et a connu une progression particulièrement rapide à partir de 2006. Au niveau des foyers utilisateurs, la dépense reste en moyenne très faible et concerne au premier titre les ménages aisés : ainsi, les foyers du plus haut décile de revenu perçoivent 70 % de la dépense fiscale totale alors qu'ils consomment « seulement » la moitié des services à domicile.

L'examen de ces aides et de leurs effets peut conduire à énoncer les éléments suivants d'évaluation :

– les aides relatives aux services à la personne semblent « sur-calibrées » par rapport à l'objectif de lutte contre le travail au noir ; ceci est notamment le fait de la possibilité de déclarer au forfait pour les emplois de gré-à-gré ;

– les aides, et notamment les exonérations fiscales, ont eu un impact positif sur l'emploi déclaré dans le secteur. Toutefois ces créations d'emploi incluent probablement en proportion importante des régularisations de travail au noir. Bien que difficilement estimable, l'effet sur l'emploi effectif apparaît donc nettement inférieur. L'efficacité de ces dispositifs pour l'emploi est plus faible que celle des allégements généraux de charges sur les bas salaires ; la hiérarchie est très nette pour ce qui est de l'effet d'une augmentation du plafond ; pour les « gros consommateurs », la demande de services à domicile semble en effet peu sensible aux aides ;

– les objectifs de politiques publiques dans le domaine de la garde d'enfant et de la dépendance ne peuvent être des critères pertinents pour calibrer des aides concernant l'ensemble du secteur des services à domicile. Ces aides transversales compliquent le pilotage de ces deux politiques spécifiques, dès lors que certains « nouveaux » services à la personne n'ont pas de caractère social particulier qui justifierait un soutien spécifique.

– le champ des services éligibles aux aides publiques s'est notablement élargi au fil des réformes, y compris à des activités ne correspondant pas à des besoins sociaux spécifiques, et entrant en concurrence avec des activités ordinaires non subventionnées (artisans, commerces de proximité). Une réflexion pourrait dès lors être engagée sur le périmètre des services à la personne, pouvant impliquer une limitation de ce périmètre par rapport à la situation actuelle ;

– l'exonération sociale « personnes fragiles » pour les personnes de 70 ans et plus ne semble reposer sur aucune justification propre, puisqu'elle coexiste avec une exonération ciblée sur les personnes dépendantes et que l'âge n'est pas un critère de dépendance en soi ;

– malgré l'introduction du crédit d'impôt, les exonérations fiscales ont des effets anti-redistributifs. Toutefois, les dispositifs fiscaux et sociaux soutiennent indirectement les emplois peu qualifiés.

SYNTHÈSE DES FICHES INDIVIDUELLES D'ÉVALUATION
– DÉPENSES FISCALES ET NICHES SOCIALES –

Type d’analyse

Mesures étudiées

Mesures qui ont pu être évaluées

Score moyen pondéré des mesures qui ont pu être évaluées

En nombre

10

10

1,0

En enjeux (M€)

5 864

5 864

1,5

Source : Comité d'évaluation. Les scores moyens ont été obtenus en rapportant le produit des scores obtenus par le nombre (ou les enjeux financiers) des mesures évaluées sur le nombre total (ou les total des enjeux financiers) de mesures évaluées.

2.– De nombreuses exonérations de cotisations sociales compensées sur les crédits du programme n° 103

Au titre de la sous-action 1 consacrée à la baisse du coût du travail de l’action 3, un total de quatre mesures d’exonération ciblées font l'objet d'une compensation à la Sécurité sociale sous la forme de crédits budgétaires inscrits sur le programme. Un certain nombre d’exonérations ont été supprimées

Le coût total de ces exonérations, en 2012, atteint 169 millions d'euros.

● La suppression de l’exonération des plateaux-repas servis dans les hôtels-cafés-restaurants (HCR)

Il s'agissait d'une exonération de l’avantage en nature dans les hôtels, cafés et restaurants, instituée par la loi de finances initiale pour 1998, qui concerne les cotisations patronales portant sur la partie de la rémunération constituée par l’avantage en nature repas. L’exonération est fixée forfaitairement à 28 % du minimum garanti par repas.

Le Rapporteur spécial s'était étonné, dans un précédent rapport, que cette exonération n’eût pas, comme les aides directes, été remise en cause après l'octroi d'un taux réduit de TVA au secteur HCR. Le Gouvernement lui paraissait surtout désireux de ménager la profession, dans l'espoir – qui confine à l'aveuglement – de leur arracher quelques concessions supplémentaires et, notamment, d'hypothétiques créations d'emplois.

La mesure a disparu dans le présent projet de loi de finances. Dans ses réponses aux questions budgétaires, le cabinet du ministre du Travail, de l’emploi et de la santé donne les explications suivantes : « Compte tenu de la baisse du taux de la taxe sur la valeur ajoutée dans la restauration sur les ventes à consommer sur place hors boissons alcoolisées applicable – en application de l’article 22 de la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques – cette réduction spécifique ne se justifiait plus. »

Si cette réaction ne peut qu’être saluée par le Rapporteur spécial, il considère néanmoins que la réduction de la TVA pour l’ensemble du secteur HCR reste inefficace et extrêmement coûteuse pour l’État.

● L’exonération de cotisations patronales liée aux organismes d’intérêt général situés dans les zones de revitalisation rurale (ZRR)

Cette exonération a été créée par la loi n° 2005-157 du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux (articles 15 et 16). Elle a été fermée à de nouveaux bénéficiaires en loi de financement de la Sécurité sociale 2008.

Elle bénéficie aux organismes habilités à recevoir des dons et versements ouvrant droit à réduction d’impôt visés au I de l’article 200 du code général des impôts (fondations et associations reconnues d’utilité publique, œuvres ou organismes d’intérêt général, établissements d’enseignement supérieur ou d’enseignement artistique, publics ou privés, à but non lucratif et agréés, associations culturelles ou de bienfaisance…) dont le siège social est en ZRR.

Elle consiste en une franchise de cotisations patronales de sécurité sociale, de cotisations FNAL et de versement transport dans la limite de 1,5 SMIC, sans plafond de rémunération et sans limite dans le temps.

Malgré le resserrement des conditions d’éligibilité à cette exonération en cours d’année (par une stricte interprétation de l’article 200 du code général des impôts), les crédits correspondants s’élèvent à 151,04 millions d’euros en 2012. Aucune explication ne figure dans le projet annuel de performance pour expliquer un tel dynamisme des crédits. Il s’agit de la plus forte augmentation de crédits de toute la mission Travail et emploi : + 148 % (de 60,7 à 151,7 millions d’euros).

● L’exonération de cotisations patronales à l’embauche du 2ème au 50ème salarié dans les zones de revitalisation rurale (ZRR)

Cette exonération, instituée par la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996, est d’une durée de 12 mois et porte sur les cotisations dues sur la fraction de la rémunération n’excédant pas 1,5 fois le montant du SMIC. Cette extension est portée sur la mission agriculture. À compter de 2008, l’exonération est dégressive entre 1,5 et 2,4 SMIC, et les cotisations d’accident du travail et de maladie professionnelle (AT/MP) ne sont plus exonérées.

Le coût budgétaire de cette mesure a été ramené à 45,08 millions d’euros en 2010, après une forte augmentation en 2009 du fait d'un nombre important de régularisations liées à des applications rétroactives de la mesure. Les crédits demandés pour 2012 sont de 17,67 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.

● Le Rapporteur spécial regrette la suppression en 2011 de deux exonérations liées aux services à la personne.

Certes, les particuliers employeurs bénéficient déjà d’avantages fiscaux non-négligeables : la réduction d’impôt prévue à l’article 199 sexdecies du code général des impôts de 50 % des sommes versées dans la limite d’un plafond de 6 000 euros par an, ou le crédit d’impôt de 50 % prévu au même article pour les frais de garde d’enfants hors du domicile et pour les personnes non imposables, le taux de TVA de 5,5 % en cas de recours à un organisme agréé de services à la personne et de diverses facilités offertes par l’utilisation du chèque emploi universel (CESU).

La suppression de deux exonérations (l’exonération de 15 points de cotisations patronales pour les particuliers employeurs déclarant leurs salariés au salaire réel, l’exonération totale de cotisations patronales de sécurité sociale des employés dont bénéficient les associations ou entreprises agréées de services à la personne) a permis à l’État de réaliser une économie de 373 millions d’euros.

Ces dispositifs ont été brutalement supprimés sans autre explication que leur coût pour l’État. L’équilibre même de nombreuses associations agréées a été très fragilisé par la disparition de l’exonération de cotisations patronales.

● L’exonération des cotisations sociales en zone franche Corse

Cette exonération spécifique mise en place par la loi n° 96-1143 du 26 décembre 1996 relative à la zone franche de Corse concerne les entreprises artisanales et commerciales de moins de 50 salariés. Son coût est modeste : 0,1 million d’euros.

● L’exonération applicable aux gains et rémunérations des correspondants locaux de presse

Cette exonération crée par la loi du 27 janvier 1993 couvre la moitié des cotisations d’assurance maladie et vieillesse. La compensation correspondante est inscrite pour 90 000 euros.

 L’exonération de cotisations d’emplois en bassins d’emploi à redynamiser

Cette exonération créée par l’article 130 de la loi de finances rectificative pour 2006 bénéficie aux employeurs des bassins d’emploi à redynamiser c'est-à-dire des territoires marqués par un fort taux de chômage et une déperdition de population et d’emplois.

Les crédits passent de 6,29 à 5,51 millions d’euros sans qu’aucune explication ne soit donnée par le PAP 2012.

● L’exonération de cotisations sociales en zone de restructuration de la défense (ZRD)

Instaurées par l'article 34 de la loi de finances rectificative pour 2008 (n° 2008-1443 du 30 décembre 2008), les zones de restructuration de la défense (ZRD) visent à accompagner les conséquences économiques de la réorganisation de la carte militaire, par le biais d’exonérations fiscales et sociales.

L'exonération sociale consiste en une franchise de cotisations patronales maladie, vieillesse et d’allocations familiales dans la limite de 1,4 SMIC. Au-delà, l’exonération est dégressive et devient nulle pour une rémunération égale ou supérieure à 2,4 SMIC. Sont concernés les salariés employés par une entreprise qui s’implante ou se crée dans une ZRD pour y exercer une nouvelle activité.

Les ZRD se répartissent en deux catégories selon le degré de difficulté économique que pourraient rencontrer les territoires concernés suite au départ de certaines installations militaires.

Dans les ZRD de première catégorie, sont classés les territoires les plus affectés par la réorganisation militaire, subissant la perte d’au moins cinquante emplois directs du fait de la réorganisation des unités militaires et couverts par un contrat de redynamisation de site de défense. Ces territoires doivent en outre répondre à l’un des critères suivants :

– un taux de chômage supérieur de trois points à la moyenne nationale ;

– une variation annuelle moyenne négative de la population entre les deux derniers recensements connus supérieure en valeur absolue à 0,15 % ;

– une variation annuelle moyenne négative de l’emploi total sur une période de trois ans supérieure en valeur absolue à 0,75 % ;

– un rapport entre la perte locale d’emplois directs du fait de la réorganisation des unités militaires sur le territoire national et la population salariée d’au moins 5 %.

Dans les ZRD de seconde catégorie, qui doivent être moins affectées par la réorganisation de la défense, l’exonération s’applique uniquement sur les périmètres laissés libres par les emprises militaires.

Comme toutes les mesures d'exonération ciblée, cette mesure fait l'objet d'une compensation de l'État grâce à l'inscription de crédits sur le programme n° 103, à hauteur de 43,50 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. La mesure a été financée pour la première fois en LFI 2011.

Le Rapporteur spécial s'étonne que les crédits correspondant à la compensation de l'exonération ZRD aient été inscrits sur le programme n° 103 – décidément, véritable variable d'ajustement de la mission Travail et emploi voire du budget de l'État – dans la mesure où existe une action n° 10 dans le programme n° 215 de la mission Défense.

● L’exonération liée au régime social des micro-entreprises

Le terme de « micro-entreprise » désigne une entreprise de petite taille qui est souvent le fait d’un entrepreneur individuel. Ce terme ne renvoie pas à un statut juridique de société, mais se réfère à un régime fiscal et une protection sociale dérogatoires.

L’article 53 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable, codifié à l’article L. 131-6-2 du code de la sécurité sociale, a créé, à compter du 1er janvier 2008, un « bouclier social » en faveur des travailleurs indépendants soumis au régime de la micro-entreprise qui plafonne la somme de leurs cotisations et contributions sociales à hauteur d’un certain pourcentage de leur chiffre d’affaires ou de leurs revenus non commerciaux.

Ces pourcentages ont été fixés par le décret n° 2007-966 du 15 mai 2007 pour le micro-BIC (qui concerne les commerçants et les artisans). Ils découlent directement du régime fiscal de la micro-entreprise, dans la mesure où est appliqué à la fraction du chiffre d’affaires représentative du résultat imposable dans le régime de la micro-entreprise un taux cumulé de cotisations et contributions sociales d’environ 49 %, soit :

– 14 % (48 % x 29 %) du chiffre d’affaires pour les activités commerciales ;

– et 24,6 % (49 % x 50 %) du chiffre d’affaires pour les activités artisanales et de services.

Le plafond ainsi défini s’applique à toutes les cotisations et contributions obligatoires de sécurité sociale, à l’exception des cotisations dues au titre du conjoint collaborateur et de la cotisation due au titre de la formation professionnelle.

L’exonération induite, le cas échéant, par ce plafonnement donne lieu, en application de l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, à compensation par l’État sur les crédits du programme n° 103.

L’article 1er de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie a introduit un régime spécifique de calcul et de libération des cotisations et contributions sociales au bénéfice des petits entrepreneurs indépendants, et plus particulièrement des auto-entrepreneurs tout juste créés.

Ces nouvelles dispositions ont abouti à abaisser les taux de prélèvement sur le chiffre d’affaires fixés dans le cadre du bouclier social et à généraliser, pour l’ensemble des entrepreneurs individuels assujettis au régime fiscal de la micro-entreprise, la possibilité d’opter pour le régime du versement libératoire de l’ensemble des cotisations et contributions sociales jusqu’alors réservée aux seules entreprises de moins de trois ans.

Cette réforme a instauré ainsi une totale proportionnalité des cotisations par rapport aux revenus pour les entrepreneurs tirant des bénéfices limités de leur activité.

Le développement du statut d’auto-entrepreneur a eu un effet très puissant sur le montant à compenser. Lors de l’examen au Parlement de ces dispositions, l’impact de la diminution du taux du prélèvement social global par rapport à celui du bouclier social sur les comptes des organismes de Sécurité sociale était évalué à environ 50 millions d’euros. Cette somme supplémentaire devant être compensée, le coût du régime micro-social pour l’État était estimé à 100 millions d’euros avant la réforme et à 150 millions d’euros, en année pleine, après.

Le coût a progressé rapidement en 2009, atteignant finalement 171,16 millions d’euros, en raison de l’entrée en vigueur de la loi de modernisation de l'économie du fait de deux mouvements complémentaires :

– l'abaissement des pourcentages du chiffre d'affaire libératoires des cotisations sociales a pour conséquence une perte de recettes pour la Sécurité sociale ;

– le relèvement des seuils de chiffre d’affaires permettant de bénéficier de cette mesure entraîne un élargissement du nombre de bénéficiaires potentiels.

Le montant à compenser a été évalué en 2011 à 246,40 millions d’euros. Cette augmentation considérable qui n’a pas été justement évaluée au préalable illustre le développement mal contrôlé du statut d’auto-entrepreneur.

Pour 2012, les crédits prévus visant à compenser l’exonération sont de 156,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. L’enveloppe est onc manifestement sous-calibrée. L’hypothèse de flux de nouveaux auto-entrepreneurs n’est pas réaliste. Le nombre d’auto-entrepreneurs croit de manière toujours plus importante chaque année depuis 2009.

II.– LES POLITIQUES DE L’EMPLOI ET DE LA FORMATION SONT VICTIMES DE L’AUSTÉRITÉ

Il est préoccupant de constater que le PLF pour 2012 opère, en pleine crise économique, une nouvelle réduction drastique des crédits consacrés à des dispositifs d'accompagnement comme le chômage partiel ou l'allocation équivalent retraite.

A.– UNE POLITIQUE DE L’EMPLOI DÉCONNECTÉE DE LA SITUATION DE L’EMPLOI

Les crédits de l’action 01 connaissent une baisse de 19,1 %. Le coût des dispositifs visant à anticiper et accompagner les conséquences des mutations économiques sur l’emploi est donc sévèrement resserré.

Les crédits d’intervention de l’action 01 passent ainsi de 469 millions d’euros en 2011 à 345,5 millions d’euros en 2012.

1.– le Gouvernement ne renonce pas à sa politique d’extinction des mesures d’âge

Le projet de loi de finances pour 2012 poursuit ainsi le mouvement de resserrement des conditions d’accès aux dispositifs de préretraites financés par l'État. Cette politique structurelle, conçue avant la crise, visait à relever les taux d’emplois des salariés de plus de 55 ans, dans le cadre du plan national d’action concerté pour l’emploi des seniors 2006-2010.

Conséquence de la diminution continue des entrées, les effectifs des préretraites ne cessent de diminuer : fin 2008, 62 400 salariés du secteur privé étaient en préretraite publique contre 222 100 en 1998.

Le Rapporteur spécial juge regrettable que, dans une conjoncture difficile, le Gouvernement n'ait pas privilégié le pragmatisme et se soit privé d'un outil conjoncturel efficace pour contenir le chômage.

 Les allocations spéciales du fonds national de l’emploi (ASFNE)

Les conventions d’ASFNE permettent, dans le cadre d’une procédure de licenciement économique et sur la base d’une convention entre l’État et une entreprise, d’assurer un revenu de remplacement à des salariés âgés d’au moins 57 ans (ou 56 ans par dérogation) dont l’emploi est supprimé et dont les perspectives de reclassement sont réduites, jusqu’à ce qu’ils aient pu faire valoir leurs droits à la retraite. L'État prend à sa charge la différence entre le coût des allocations et les financements des entreprises et de l’UNEDIC.

Les entrées en AS-FNE sont en chute libre, elles ont diminué de 70 % entre 2007 et 2010. L’instruction DGEFP n° 200/29 du 19 décembre 2007 a rappelé le caractère exceptionnel du recours à ce dispositif ; ainsi, 1 225 personnes y ont adhéré en 2010 (contre 2 182 en 2009).

Les crédits prévus en 2012, soit 49,60 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, financent le stock actuel de bénéficiaires et le flux très limité des entrées nouvelles. Il convient d’ajouter 0,5 million d’euros de frais de gestion versés à Pole emploi, gestionnaire de la mesure. En 2011, les crédits étaient de 76,35 millions d’euros et en 2010 de 113,12 millions d’euros.

 Les conventions de cessation d’activité de certains travailleurs salariés (CATS)

Elles ont été mises en place par décret n° 2000-105 du 9 février 2000. Leurs bénéficiaires perçoivent une allocation de cessation d'activité égale au minimum à 65 % de leur salaire brut antérieur et profitent d’une protection sociale jusqu'à leur retraite. Le dispositif est ouvert si un accord professionnel national sur la cessation d’activité (accord de branche) a été signé.

Depuis 2005, dans le cadre de la politique tendant à restreindre les dispositifs de préretraites, aucun nouvel accord national professionnel ne peut être conclu. Toutefois, les entreprises peuvent continuer à conclure des accords dans le cadre des accords nationaux existants. L'État peut, dans certains cas, participer au financement des allocations et prendre en charge les cotisations obligatoires de retraite complémentaire pour les salariés âgés de plus de 57 ans ayant travaillé pendant plus de 15 ans dans des conditions particulières de pénibilité ou ayant été reconnus travailleurs handicapés. L’accord de branche ou d’entreprise doit prévoir des engagements sur la fixation de la durée du travail à 35 heures et sur des dispositions relatives à la gestion prévisionnelle des emplois et compétences.

Là encore, les salariés bénéficiant du dispositif sont de moins en moins nombreux. Les entrées ont été divisées par trois entre 2007 et 2010. Les crédits demandés pour 2012 diminuent de 30 % par rapport à 2011.

 Les préretraites progressives (PRP)

Dans le cadre de l’objectif de relèvement des taux d’activité des salariés âgés de plus de 55 ans, la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites a prévu la fin de la possibilité de conclure des conventions de PRP à compter du 1er janvier 2005. La possibilité d’adhérer à une convention était ouverte pour deux ans. Les salariés qui ont adhéré à une convention de préretraite progressive reçoivent une allocation égale à 30 % de leur salaire brut de temps plein dans la limite du plafond de la sécurité sociale et 25 % pour la part de ce salaire excédant ce plafond dans la limite de 2 fois ce dernier.

L’État prend à sa charge la différence entre le coût des allocations et les financements des entreprises et de l’UNEDIC, soit 4,45 millions d’euros en 2012 contre 9 en 2011 et 18,7 en 2010.

2.– Les outils de soutien à l’emploi sont imprudemment sous-dotés

a) La dotation globale de restructuration

En complément, la dotation globale de restructuration créée en 1989 permet de prévenir les conséquences sociales des restructurations d’entreprises. Les différentes mesures qu’elle comporte sont destinées, d’une part, à éviter les licenciements (conventions de chômage partiel et actions de formation) et, d’autre part, à favoriser le reclassement des salariés dont le licenciement n’a pu être évité. Cette dotation globale est déconcentrée au niveau départemental pour permettre une gestion au plus près du terrain.

Le présent projet de loi de finances prévoit pour 2012 le même montant de crédits qu’en 2011, soit 3,5 millions d’euros. Néanmoins, le Rapporteur spécial note au sein de cette dotation un transfert entre le financement des cellules de reclassement, qui est divisé par cinq, et les conventions de formation et d’adaptation du Fonds national de l’emploi (FNE) qui bénéficient d’un coup de 10 millions d’euros.

b) Une diminution d’un quart des crédits consacrés à l’activité partielle

L’activité partielle est une aide aux entreprises en cas de retournement brutale de la conjoncture économique ou lors de difficultés exceptionnelles liées à ces fermetures pour travaux ou intempéries. Une allocation spécifique est avancée par l’entreprise aux salariés et remboursée par l’État.

Cette prise en charge est de 3,84 euros par heure de chômage partiel dans les entreprises de moins de 250 salariés et de 3,33 euros au-delà de ce seuil.

La prise en charge par l’État de l’activité partielle passe d’une dotation de 40 millions d’euros en 2011 à une dotation de 30 millions d’euros en 2012.

Cette prévision de dépenses n’est pas réaliste. Elle résulte d’une hypothèse d’amélioration de la conjoncture économique que n’importe quel observateur ne peut que réfuter. il est inconcevable que des hypothèses macroéconomiques trop optimistes contraignent, en cours d'année, les responsables du programme n° 103 à renflouer ce dispositif, si utile en période de crise, par redéploiement de moyens.

c) La mise en place d’un nouveau contrat de sécurisation professionnelle (CSP) : des crédits insuffisants pour un dispositif ambitieux

La loi n° 2011-893 du 28 juillet 2011 pour le développement de l'alternance et la sécurisation des parcours professionnels a instauré un contrat de sécurisation professionnelle (CSP), qui remplace la CRP et le CTP à la suite de l’accord national interprofessionnel du 31 mai 2011 relatif au CSP.

Comme la CRP ou le CTP, le CSP s'adresse aux salariés qui disposent des droits suffisants pour prétendre à l’allocation de retour à l’emploi (ARE) dont le licenciement économique est envisagé dans une entreprise non soumise à l'obligation de proposer un congé de reclassement.

En cas de défaut de proposition de l’employeur, Pôle emploi peut proposer le CSP au salarié qui vient s’inscrire comme demandeur d’emploi.

Le CSP, d'une durée maximale de 12 mois, a pour objet le suivi d'un parcours de sécurisation professionnelle pouvant comprendre des mesures d'accompagnement, des périodes de formation et des périodes de travail au sein d'entreprises ou d'organismes publics. Pendant la durée de ce contrat, et en dehors des périodes durant lesquelles il exerce une activité rémunérée, le titulaire du CSP, qui avait un an d’ancienneté dans son entreprise au moment de son licenciement, perçoit une « allocation de sécurisation professionnelle » égale à 80 % du salaire brut moyen perçu au cours des 12 mois précédant la conclusion du CSP.

L’employeur contribue au financement de l’allocation de sécurisation professionnelle (ASP) versée aux bénéficiaires en s’acquittant, auprès de l’institution d’assurance chômage compétente, du paiement d’une somme correspondant à l’indemnité de préavis de l’intéressé, dans la limite de 3 mois de salaire. L’Unedic finance l’ASR au-delà de la participation de l’employeur. Par ailleurs, pour tout bénéficiaire d’une convention de reclassement personnalisé, quelle que soit son ancienneté dans l’entreprise, l’employeur verse une participation au financement des prestations d’accompagnement et des aides au reclassement personnalisé. Cette participation financière est égale à une somme équivalente au montant de l’allocation de formation correspondant aux heures acquises par le salarié bénéficiaire de la convention de reclassement personnalisé au titre du droit individuel à la formation (DIF) et n’ayant pas donné lieu à utilisation.

L’État participe au financement des dépenses liées aux mesures d’accompagnement par reversement à Pôle Emploi d’un forfait de 800 euros. L’Unedic participe pour un montant équivalent. L’État prend également en charge la moitié du surcoût d’allocation par rapport à l’ARE pour les adhérents qui avaient entre 1 et 2 ans d’ancienneté dans leur entreprise au moment de leur licenciement.

Les crédits prévus pour 2012 au titre du contrat de sécurisation professionnelle (CSP) s’élèvent à 87,2 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Cette dotation est manifestement sous-calibrée pour financer à la fois l’accompagnement de 91 200 entrées dans le nouveau dispositif et les soldes des conventions de reclassement personnalisé ainsi que des contrats de transition professionnelle. Et ce d’autant que le PAP 2012 indique qu’il s’agira d’un accompagnement renforcé et donc coûteux : « le contrat de sécurisation professionnelle offrira aux salariés fragilisés un accompagnement individuel et personnalisé incluant des actions d’orientation, de formation, des périodes de travail, et, le cas échéant, des mesures d’appui social et psychologique ».

d) La réduction drastique des crédits consacrés aux conventions GPEC-EDEC

L’aide au conseil et à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, prévue par le décret n° 2007–101 du 25 janvier 2007, incite et aide les petites et moyennes entreprises à anticiper leurs besoins en matière de gestion des ressources humaines.

De plus, les organisations professionnelles ou interprofessionnelles peuvent mettre en oeuvre avec l’État, dans un cadre contractuel, les engagements de développement de l’emploi et des compétences (EDEC) pour anticiper et accompagner l’évolution des emplois et des qualifications.

L’objectif des accords ainsi conclus, qui peuvent être annuels ou pluriannuels, est d’anticiper les effets sur l’emploi des mutations économiques, de prévenir les risques d’inadaptation à l’emploi des actifs occupés et de répondre aux besoins de développement des compétences des salariés comme des entreprises.

En 2011, les crédits imputés pour les conventions GPEC-EDEC sont de 82,5 millions d’euros autorisations d’engagement et 134 millions d’euros en crédits de paiement.

En 2012, les besoins induits par les actions de GPEC/EDEC s’élèvent à 37,50 millions d’euros en autorisations d’engagement et 97,00 millions d’euros en crédits de paiement et doivent permettre de financer les accords déjà signés au niveau national et gérés au niveau national, soit 61 millions d’euros en crédits de paiement uniquement et les accords déjà signés et nouveaux accords relevant du niveau régional, soit 37,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et 36 millions d’euros en crédits de paiement.

Le projet annuel de performances ne donne aucune explication pour une telle baisse et contrairement à 2011, ne fournit pas le nombre de nouveaux contrats qui pourront être financés l’an prochain avec une enveloppe aussi restreinte.

B.– LE DÉSENGAGEMENT PROGRESSIF DE L’ÉTAT DU CHAMP DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE

1.– Le détournement des excédents du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) au profit de l’État se poursuit en 2012 comme en 2011

Le système français de formation professionnelle repose sur le principe de l’obligation légale de formation, chaque entreprise s’acquittant auprès de l’organisme collecteur agréé (OPCA) d’une participation destinée à la formation des salariés. Un pourcentage de la participation des employeurs est versé par les OPCA au fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. Ce fonds reçoit également, en recettes, les excédents des OPCA. Les dépenses du fonds portent sur le financement d’actions de formation professionnelle en faveur des publics prioritaires et l’organisation de la péréquation des fonds entre les OPCA.

L’article 63 du présent projet de loi de finances institue trois prélèvements sur le FPSPP et les affecte à trois organismes (Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, AFPA, Agence des services de paiement, ASP, et Pôle emploi) intervenant dans le champ de l’emploi et de la formation professionnelle. En 2011, le même type de prélèvement sur le FPSPP avait été effectué.

Le Rapporteur spécial note qu’en instaurant un prélèvement de 300 millions d’euros sur le FPSSP au profit de trois organismes, pour le financement de dispositifs qui font l’objet d’une subvention de l’État, l’article 63 réduit à due concurrence les dépenses de l’État relevant des programmes 102 et 103.

a) L'État se retire de la prise en charge de la certification mise en oeuvre par l'AFPA

Le ministère chargé de l’emploi développe une politique de certification au travers de 300 titres professionnels couvrant tous les secteurs professionnels (bâtiment, industrie, services).

Ces titres qui concernent chaque année environ 80 000 adultes permettent d’attester des compétences requises sur le marché du travail ; l’objectif étant de faciliter l’insertion de nouveaux professionnels ainsi repérés mais aussi de donner une nouvelle chance à des publics n’ayant pas eu de qualification reconnue à l’issue de leur formation initiale.

Le présent projet prévoit une subvention versée à l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), finançant à titre principal la politique de certification pour un montant prévisionnel de 1,594 million d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement pour 2012, afin de mettre notamment en oeuvre des prestations de service d’appui à la VAE, de professionnalisation de jurys de VAE et d’ingénierie. La participation de l’État diminue donc de manière spectaculaire puisqu’elle était en 2011 de 5,71 millions.

Un financement direct de l’AFPA par le fonds de parcours de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) est attendu à hauteur de 54,1 millions d’euros. Cette technique de financement s’apparente à une ressource extrabudgétaire, même si aucune somme ne transite par le budget de l’État. Elle permet néanmoins à ce dernier de réaliser une économie en se dégageant de cette dépense.

b) 200 millions d'euros sont « fléchés » vers l'Agence des services de paiement afin que celle-ci prenne en charge la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle

Les demandeurs d'emploi, inscrits sur la liste des demandeurs d'emploi, non bénéficiaires de l'allocation d'aide au retour à l'emploi, qui suivent une formation, peuvent bénéficier d'une rémunération par Pôle emploi, s'il s'agit d'une action de formation préalable au recrutement ou d'une action de formation conventionnée, ou de la part de la région ou de l'État, s'il s'agit d'une formation agréée par la région ou l'État.

Le montant de la rémunération varie selon la situation du demandeur d'emploi lors de son entrée en formation. Cette rémunération mensuelle est forfaitaire et exonérée de CSG et de CRDS. Elle est imposable.

La rémunération moyenne prise en charge est de 1 217 euros et le nombre potentiel de mois/stagiaires rémunérés au titre de ce dispositif est de 164 340.

L’État a assuré jusqu’à 2010 la rémunération des demandeurs d’emploi poursuivant une formation agréée, conformément aux articles L. 961-2 à L. 961-6 du code du travail, à hauteur de 208 millions d’euros en 2010, en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Cette dépense sera assurée en 2012 comme en 2011 par l’Agence de services et de paiement, déjà chargée de verser la rémunération pour le compte de l’État. La dotation est revue à la hausse par rapport à l’année dernière 200 millions contre 126 millions d’euros. Les crédits inscrits sur le programme au titre de ce dispositif sont donc nuls en 2012.

c) Pôle emploi reçoit 25 millions d’euros pour se substituer à l’État en matière de formation des demandeurs d’emploi

Le Gouvernement a créé, à titre transitoire pour les formations prescrites en 2009, une allocation en faveur des demandeurs d’emploi en formation (AFDEF).

Cette allocation, qui répond aux mêmes conditions d’octroi que l’ancienne AFF, est attribuée et versée par Pôle emploi.

En application de l’accord État-Fonds unique de péréquation du 21 avril 2009 sur la mise en oeuvre d’un dispositif exceptionnel de formation professionnelle en faveur du maintien de l’emploi et du développement des compétences, l’AFDEF est financée à parité par l’État dans le cadre du plan de relance et par le Fonds unique de péréquation.

L’État et le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) ont décidé de reconduire l’AFDEF en 2010 et se sont engagés, par accord du 15 mars 2010, à prendre en charge le financement de l’allocation servie aux demandeurs d’emploi s’engageant dans une action de formation en 2010, à hauteur de 160 millions d’euros sur la durée de la cohorte.

56,95 millions d’euros au titre des cohortes 2009 et 2010 sont inscrits dans le PPA 2012 qui précise en outre qu’un financement complémentaire à hauteur de 25 millions d’euros en autorisation d’engagement et en crédits de paiement par le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels est attendu.

En 2009 et 2010, l’AFDEF faisait l’objet d’un financement depuis le programme 316 de la mission Plan de relance de l’économie.

Le recours par Pôle Emploi aux opérateurs privés de placement (OPP) :
une pratique coûteuse et à l’efficacité contestable

Pôle Emploi a eu recours les trois dernières années aux OPP pour la mise en œuvre des dispositifs Trajectoire emploi (TRA) et Licenciés économiques (LEC). Ce recours a été conçu comme un outil de souplesse : utilisation pour des nouveaux dispositifs sur un public-cible (les licenciés économiques) et allègement de la charge de travail des conseillers lors de la fusion.

Une telle pratique a un coût élevé : 100 millions d’euros, soit 10 % des crédits d’intervention de Pôle Emploi. Ce montant est loin d’être négligeable. 52 000 demandeurs d’emploi en 2010 ont été suivis par les OPP.

Pôle Emploi a fait une enquête ayant pour objet l’évaluation qualitative sur le recours aux OPP. Le Rapporteur spécial en a eu connaissance et à partir de celle-ci et des auditions menées peut dresser d’ores et déjà quelques constats.

● Trois grandes familles d’OPP

– les OPP issus du secteur de l’outplacement qui étaient déjà présents lors de l’expérimentation menée en 200è-2008 par l’UNEDIC et l’ANPE ;

– les OPP issus des grandes entreprises de l’interim (Manpower, ADECCO ou Randstat Interim). Ces entreprises ont eu tendance à limiter le risque économique en créant des filiales intervenant spécifiquement sur ces marchés avec Pôle Emploi ;

– les OPP à dimension locale, issus de l’univers de la formation et de l’insertion. De plus petite taille, elles ont moins de coût fixe et bénéficient d’un savoir faire et d’un ancrage local.

Pour les TRA, les conseillers Pôle Emploi ont rapidement fait appel aux OPP pour alléger leur portefeuille. Ils ont orienté vers les OPP des demandeurs d’emploi en général inscrits depuis longtemps et pour lesquels un nouveau mode de prise en charge pouvait constituer une opportunité. Dans le cadre de LEC, les règles d’éligibilité, liées au statut de la personne, conditionnent l’entrée dans le dispositif CRP-CTP puis sa prise en charge par un OPP.

● Des méthodes de travail différentes

Aux yeux des bénéficiaires, l’accompagnement par les OPP semble plus personnalisé que celui mis en œuvre par les conseillers de Pole Emploi. L’attitude des consultants est vécue également comme étant plus empathique pour les demandeurs d’emploi qui se sentent davantage considérés.

L’investissement des OPP en direction des entreprises reste limité. La mobilisation directe des entreprises, la prospection en direction des entreprises pour rechercher des offres d’emplois, et la pénétration du « marché caché » sont faibles.

● Une plus grande efficacité de Pole Emploi en termes de retour à l’emploi

Pôle Emploi et les OPP ont des résultats très proches en termes de taux d’emploi pour les demandeurs d’emploi en accompagnement renforcé (TRA et CVE) : taux d’emploi de 52 % à 13 mois pour Pole Emploi et 49% pour les OPP. Pole Emploi obtient de meilleurs résultats quant au taux d’emplois durables (CDI, contrats de 6 mois et plus).

Pour les licenciés économiques, Pôle Emploi obtient des résultats supérieurs : taux d’emploi de 57 % à 13 mois contre 45 % pour les OPP.

● Des effets d’aubaine pour les OPP

Au vu de ces résultats et du fait que les OPP bénéficient de 50 % de leur rémunération dès l’entrée du chômeur dans la prise en charge, le Rapporteur spécial s’interroge sur les effets d’aubaine pour les OPP de tels marchés lancés par Pôle Emploi.

En effet, les OPP ont permis à Pole Emploi d’alléger la charge des conseillers pendant la durée des marchés. Il s’agit donc d’une sous-traitance de capacité et non d’une sous-traitance de spécialité comme cela avait été initialement présenté.

En effet, les OPP ont un coût élevé. il serait plus judicieux d’augmenter le nombre de conseillers de Pôle Emploi. Selon une étude comparative des agences de l’emploi dans les quatre plus grands pays européens, la France a le ratio conseiller chômeur le plus faible : 71 ETPT pour 10 000 chômeurs, soit la moitié qu’en Allemagne.

Se pose donc la question du positionnement respectif à moyen terme de Pôle Emploi et des OPP dans l’accompagnement renforcé des demandeurs d’emploi. Pôle Emploi pourrait avoir recours aux OPP dans le cadre d’une sous-traitance de spécialité, en considérant les opérateurs privés comme des experts sur un segment de la population en recherche d’emploi. Cela implique un changement de stratégie.

Il faudrait définir en amont les segments de population orientés vers un partenaire privé et sélectionner les OPP sur la base de leurs compétences spécifiques au regard des populations visées et en fonction des résultats escomptés.

2.– Les actions en faveur de la formation voient leurs moyens fortement réduits

Les lacunes de notre système de formation professionnelle sont connues. Le Rapporteur spécial en avait pointé les principaux défauts dans son rapport de 2009 et d’abord le fait que les sommes considérables consacrées à la formation professionnelle ne bénéficient pas aux personnes qui en ont le plus besoin.

a) La reconnaissance des compétences acquises par les personnes n’est plus une priorité

Instituée par la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale, la VAE permet de faire reconnaître son expérience notamment professionnelle ou liée à l’exercice de responsabilités syndicales, afin d’obtenir un diplôme, un titre ou un certificat de qualification professionnelle. Diplômes, titres et certificats sont ainsi accessibles grâce à l’expérience (et non uniquement par le biais de la formation initiale ou continue), selon d’autres modalités que l’examen.

Les axes de financement sont :

– la prise en charge de l’accès des demandeurs d’emploi par la VAE aux titres du ministère de l’emploi préparés dans les centres agréés ;

– le financement de la VAE des publics de premiers niveaux de certification, dans le cadre d'une politique territorialisée de prévention ou d'accompagnement des mutations économiques.

Les crédits sont stables de 2011 à 2012 ne laissant pas présager un essor de ce dispositif pourtant novateur.

b) Une subvention aux associations intervenant dans le champ de la formation professionnelle rognée

L’État subventionne différentes associations qui interviennent dans le champ de la formation professionnelle : l’institut national de formation et d'application du centre de culture ouvrière (INFA), l’association pour faciliter l’insertion des jeunes diplômés (AFIJ), l’ORT–France, l’association ouvrière des compagnons du devoir et du tour de France (AOCDTF), la fédération nationale compagnonnique des métiers du bâtiment (FNCMB) et le centre d'études supérieures industrielles (CESI).

En 2012, la subvention versée par l’État à ces associations diminue, sans compensation, à hauteur de 5 millions d’euros (de 27 à 22 millions d’euros).

3.– Le développement de l’alternance est loin d’être décisif

Le Président de la République a annoncé un plan national de développement de l’alternance le 1er mars 2011. Le présent projet ne relaie pas cette ambition affichée.

a) Les effets de loi du 28 juillet 2011 ne se sont pas encore fait ressentir

La loi du 28 juillet 2011 vise le développement de l'alternance et la sécurisation des parcours professionnels.

Cette réforme s’articule autour des points suivants :

– le développement de l’alternance par la création d’une carte « Étudiant des métiers », délivrée aux apprentis mais également aux jeunes en contrat de professionnalisation ;

– la possibilité de conclure un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation avec deux employeurs dans le cadre d’activités saisonnières ;

– l’ouverture de l’apprentissage aux entreprises de travail temporaire ;

– la prise en compte de la durée du contrat d’apprentissage dans la période d’essai s’il est suivi d’un CDD ou d’un contrat de travail temporaire ;

– la possibilité de renouveler un contrat de professionnalisation à durée déterminée dans certaines situations précises notamment lorsque ce renouvellement est justifié par la préparation d’une qualification supérieure ou complémentaire ;

– la création d’un service dématérialisé gratuit pour l’alternance.

b) L’absence de rebond des contrats d’apprentissage

Ils constituent le premier poste de dépense du programme n° 103.

Ces contrats ont pour but de permettre à leur bénéficiaire d’acquérir une qualification professionnelle sanctionnée par un diplôme ou un titre à finalité professionnelle, dans les conditions prévues à l’article L. 335–6 du code de l’éducation. Ils sont exonérés de cotisations et de contributions sociales ; l'État doit compenser cette perte de recettes pour la Sécurité sociale.

Les contrats d’apprentissage associent des enseignements généraux, théoriques et pratiques dispensés dans des centres de formation d’apprentis ou des sections d’apprentissage avec l’acquisition d’une compétence professionnelle par l’exercice en entreprise d’une ou plusieurs activités professionnelles en relation directe avec les qualifications préparées. Ils s’adressent à des jeunes âgés de seize ans à vingt-cinq ans. Il existe toutefois des dérogations comme pour les créateurs d’entreprise pour lesquels il n’y a pas de limite d’âge.

En 2012, les crédits demandés atteignent 1,33 milliard d’euros, soit une augmentation de 15 % par rapport à l’an dernier.

c) Un effort relâché pour les contrats de professionnalisation

DÉPENSES CONSACRÉES AU CONTRAT DE PROFESSIONNALISATION

(en millions d’euros)

Dépenses État

Exécution 2007

Exécution 2008

Exécution 2009

Exécution 2010

Prévisions 2011

Contrat professionnalisation

357,17

285,89

163,98

72,09

17,8

La dépense consacrée au contrat de professionnalisation a chuté en réalité depuis 2007.

En 2007 et 2008, la dépense comprend le coût des exonérations de cotisations patronales pour les contrats signés avec des demandeurs d’emplois de + 45 ans ainsi que les exonérations de cotisations patronales pour les contrats jeunes conclus avant le 1er janvier 2008.

Le budget alloué en 2009 (78,53 millions d’euros) ne couvre plus que la dépense liée aux contrats signés par les demandeurs d’emplois de + 45 ans ainsi que certaines exonérations (accidents de travail, maladies professionnelles ATMP) dont continuent de bénéficier les groupements d’employeurs dont l’activité principale est l’insertion par la qualification (réseau GEIQ).

En 2010, les crédits prévus pour les contrats de professionnalisation s’élèvent à 72,09 millions d’euros et couvrent les dépenses liées aux contrats conclus avec des demandeurs d’emploi de plus de 45 ans (stocks 2008, 2009, entrées 2010) ainsi que les exonérations ATMP dont bénéficient les jeunes de moins de 26 ans, embauchés par un GEIQ après le 31 décembre 2007. Une aide de l’État au financement de l’accompagnement personnalisé à l’emploi d’un montant de 686 euros par accompagnement et par an est versée aux GEIQ. Depuis le 1er janvier 2008, l’exonération spécifique pour les contrats jeunes ayant été supprimée, les employeurs qui recrutent des jeunes de 18 à 26 ans, peuvent bénéficier des allègements de cotisations patronales de droit commun à l’instar de ce qui se faisait déjà pour les adultes de 26 à 45 ans.

Dans le cadre du Plan de relance de l’économie, un objectif ambitieux a été annoncé en matière de développement de l’alternance : 320 000 apprentis au 1er juin 2009, 170 000 contrats de professionnalisation au 1er juin 2010.

À ce plan de relance de l’économie se sont ajoutées les mesures spécifiques « jeunes actifs », destinées à encourager la signature de contrats en alternance (exonérations supplémentaires en cas d’embauche d’apprentis, aides à l’emploi en cas d’embauche de jeunes de 16 à 26 ans en contrat de professionnalisation).

Ces mesures, prévues jusqu’au 1er juin 2010, ont été prolongées jusqu’au 31 décembre 2010. Au total 118 000 embauches ont bénéficié de cette aide, pour un montant de 139 millions d’euros (données Pôle emploi, août 2011).

DÉPENSES CONSACRÉES AU CONTRAT DE PROFESSIONNALISATION

Aides à l’emploi contrat de professionnalisation

Dépôt de la demande

Montant indicatif

Exonérations de cotisations sociales (plus de quarante-cinq ans)

DUE et DADS

Environ 400 euros pour une rémunération au SMIC (sur une base 35 heures)

Aide de l’État pour l’embauche de demandeurs d’emploi de 45 ans et plus

Pôle emploi

2 000 euros

Aide forfaitaire de l’UNEDIC à l’embauche de demandeur d’emploi d’au moins 26 ans

Pôle Emploi

200 par mois pendant 10 mois au maximum

Aide à l’embauche d’alternant supplémentaire de moins de 26 ans

Pôle emploi

Variable en fonction du salaire, entre 95 et 138 euros par mois

Exonérations au titre des AT/MP (GE organisant des parcours d’insertion et de qualification)

DUE et DADS

Variable en fonction du taux d’AT/MP

Aide de l’État aux groupements d’employeurs pour l’accompagnement personnalisé

DIRECCTE

686 euros par an et par accompagnement

Les contrats de professionnalisation qui bénéficient encore en 2012 d’exonérations spécifiques de cotisations sociales sont :

– les contrats de professionnalisation bénéficiant aux jeunes de moins de 26 ans ou aux demandeurs d’emploi de plus de 45 ans, embauchés par des groupements d’employeurs (GEIC) organisant des parcours d’insertion et de qualification après le 31 décembre 2007. L’exonération porte sur les cotisations patronales AT /MP.

– les contrats de professionnalisation bénéficiant aux demandeurs d’emplois de plus de 45 ans qui continuent à être exonérés de cotisations patronales d’assurances sociales (hors AT/MP) et d’allocations familiales.

En 2012, les crédits prévus pour les contrats de professionnalisation à 17,39 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement en légère baisse par rapport à 2011 (17,80 millions d’euros). Le Gouvernement préfère subir le ralentissement conjoncturel du contrat de professionnalisation plutôt que d’en renforcer les moyens.

En outre, concernant l’embauche des seniors, le Rapporteur spécial s’interroge sur l’absence de dotation pour l’aide à l’embauche senior créée par l’article 103 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites afin de compenser intégralement les charges patronales au niveau du SMIC puis, partiellement jusqu’à 1,6 SMIC en contrepartie de l’embauche d’un demandeur d’emploi de plus de 50 ans. Cette dotation qui devait faire l’objet d’un bilan détaillé avant le 31 décembre 2012 n’est plus mentionnée dans le projet annuel de performance pour 2012 , alors qu’une dotation de 50 millions d’euros figurait à ce titre dans le projet annuel de performances 2011.

*

* *

La conclusion est sans appel : les politiques de l'emploi n'ont pas pris la mesure de la crise et ne sont pas adaptées à l'évolution prévisible du marché du travail. Dans ces conditions, le Rapporteur spécial émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de cette mission.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa séance du jeudi 27 octobre 2011 à 9 heures, la Commission examine les crédits de la mission Travail et emploi.

Après la présentation du Rapporteur spécial, une discussion s’est engagée.

M. Jean-Louis Dumont. L’examen des crédits de la mission Travail et emploi prend un relief particulier alors que viennent d’être publiés de très mauvais chiffres sur l’évolution du nombre de demandeurs d’emploi. Si la recherche d’emploi est toujours une situation très difficile pour les personnes concernées, le cas des jeunes mérite une attention spécifique. La société peut-elle accepter de laisser des jeunes sans emploi, sans formation et, en définitive, sans réelle occupation sociale ? C’est une question que nous ne devrions pas traiter à partir de prismes idéologiques puisque des politiques spécifiques n’ont pas cessé d’être conduites en ce domaine depuis celles initiées par M. Raymond Barre.

Mme Chantal Brunel, Rapporteure spéciale. Je partage pleinement votre préoccupation et c’est pourquoi je vous présente deux amendements qui visent à amplifier l’effort en faveur des jeunes.

Le premier consiste à réduire les crédits affectés au financement des contrats d’autonomie, dont le coût est élevé – environ 9 000 euros par contrat – et l’efficacité, limitée, pour redéployer ces moyens sur le financement de contrats de professionnalisation supplémentaires. Mon second amendement tend à instaurer l’exonération totale de charges dans les entreprises de moins de dix salariés. Ce dispositif « zéro charges » a été appliqué pendant un an pour un coût estimé à 600 millions d’euros, sans ciblage des publics concernés. Il s’est révélé très efficace selon l’analyse du Conseil d’orientation pour l’emploi. Je vous propose de le reconduire, mais seulement pour les jeunes et les seniors de plus de 55 ans. J’attire, par ailleurs, l’attention de la Commission sur le fait que les moyens consacrés aux missions locales d’insertion, dont l’action est particulièrement efficace, sont globalement préservés par ce projet de budget.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’intitulé du paragraphe du projet de rapport écrit de notre Rapporteur spécial consacré aux maisons de l’emploi, « un outil contesté », me surprend. Ayant été présidente d’une maison de l’emploi, je suis convaincue que ces structures peuvent être très efficaces pour décliner localement la politique nationale de l’emploi. En revanche, je m’interroge sur l’opportunité d’ouvrir des crédits pour leur permettre de financer des investissements, que je suppose principalement immobiliers. Les maisons de l’emploi doivent rester des structures légères et réactives qui n’ont pas besoin d’être propriétaires de locaux et pourraient être accueillies dans les locaux de collectivités locales. Les crédits correspondants, soit 5 millions d’euros, me sembleraient mieux employés pour financer les dépenses de fonctionnement de ces structures.

Mme Chantal Brunel, Rapporteure spéciale. Il est proposé d’ouvrir 38 millions d’euros en crédits de paiement et en autorisation de paiement pour les dépenses de fonctionnement des maisons de l’emploi et 5 millions d’euros pour leurs dépenses d’investissement. Je partage votre analyse et il devrait effectivement envisager, à l’avenir, une modification de cette répartition des crédits.

Sur le fond, si l’intitulé évoqué peut effectivement apparaître un peu abrupt, il me semble que l’efficacité des maisons de l’emploi est très variable. Ayant cosigné, avec MM. Christian Eckert et Laurent Hénart, un amendement tendant à accroître leurs crédits de 15 millions d’euros, je suis évidemment soucieuse de ne pas contraindre de manière excessive l’action des maisons de l’emploi efficaces ; mais il me semble qu’une évaluation d’ensemble serait bienvenue.

Article 32 : Crédits du budget général – État B

La Commission examine un amendement n° II-CF 117 présenté par Mme Chantal Brunel, Rapporteure spéciale.

Mme Chantal Brunel, Rapporteure spéciale. Cet amendement a été évoqué dans mon rapport et lors de mon intervention. Il vise à instaurer une aide à l’embauche pour les entreprises de moins de dix salariés qui recrutent des jeunes de moins de 26 ans ou des seniors de plus de 55 ans. Il s’inspire de l’aide à l’embauche pour les très petites entreprises proposée dans le cadre du plan de relance qui avait très bien fonctionné tout en ciblant davantage le public visé afin d’éviter tout effet d’aubaine.

Cet amendement comportant un coût de l’ordre de 100 millions d’euros, je propose de le gager en supprimant un montant équivalent sur l’exonération de cotisations patronales liées aux organismes d’intérêt général situés dans les zones de revitalisation rurale. En effet le rapport de l’IGF a souligné le très faible impact de ce dispositif dont le coût de 151 millions d’euros prévu en 2012 est en hausse de 120 % par rapport à l’année dernière.

M. Yves Censi, Président. Je souhaiterais livrer à la Commission une réflexion personnelle. Si je reconnais l’intérêt du dispositif proposé par Mme Brunel, j’avoue ne pas comprendre que soit proposé à titre de compensation une annulation sur les crédits affectés aux zones de revitalisation rurale – les ZRR –. Je rappelle qu’il y a quelques années, nous avons accepté de renoncer à un certain nombre d’aides apportées aux territoires contre le maintien des ZRR. De nombreuses discussions ont eu lieu également l’année dernière et il a été soutenu à juste titre que les ZRR permettent une approche spécifique des besoins de certains territoires en matière de couverture médicale notamment. Il faut donc saluer le travail accompli sur ces territoires et que l’État ne peut lui-même assurer. Dans la période actuelle, diminuer l’exonération des ZRR constituerait donc une véritable saignée, très dommageable pour les territoires concernés.

M. Michel Bouvard. Je ne conteste pas l’idée d’accompagner l’embauche dans les entreprises de moins de dix salariés, notamment au profit des jeunes et des seniors. Le dispositif proposé par Mme Brunel me semble judicieux et opportun dans la situation actuelle du chômage.

Mais le gage proposé témoigne d’une imparfaite connaissance des besoins d’une partie du territoire national. Je rappelle qu’il y a trois ans une tentative de suppression du dispositif ZRR avait été repoussée à la suite de nombreuses réunions avec Michel Mercier. J’ai bien lu le rapport de l’IGF qui pointe notamment les effets d’aubaine du dispositif et l’absence d’incitation à la création d’emplois. Le problème est que, néanmoins, une suppression des ZRR entraînerait la chute des investissements hospitaliers, la baisse du nombre des structures médico-sociales ou d’autres institutions comme les foyers d’accueil pour les populations fragiles dans les zones rurales ou de montagne. Entamer le dispositif des ZRR pourrait mener à une régression de la situation de ces territoires alors même que nous constatons les conséquences de la désertification médicale et des problèmes de renouvellement générationnels des praticiens.

M. Yves Censi, Président. Quelle est la position de M. Christian Eckert, Rapporteur spécial compétent pour les crédits du programme dont l’amendement propose la réduction ?

M. Christian Eckert, Rapporteur spécial. Je partage l’avis de la majorité de mes collègues et je voterai également contre cet amendement. Je souhaiterais néanmoins recevoir une explication de la part du Gouvernement sur les raisons de l’augmentation des crédits accordés à cette mesure d’exonération des cotisations patronales.

Mme Marie-Christine Dalloz. J’estime qu’il convient d’avoir une très bonne connaissance des territoires pour évaluer le dispositif en faveur des ZRR. L’objectif de soutien des embauches des jeunes et des seniors est légitime car il existe une réelle préoccupation sur ce sujet. En revanche, le gage de cette mesure sur la mise à contribution des territoires ruraux doit être écarté. Certes le dispositif ZRR ne crée que peu d’emplois mais il permet d’en sauvegarder, ce qui est très important, car c’est sa vocation première.

M. Jean-Louis Dumont. En pratique, il arrive souvent que les services de l’État n’appliquent pas correctement la loi en matière d’exonérations dans les ZRR. Ce dernier dispositif est une bonne initiative et a créé une dynamique dans les territoires ruraux. Il crée en outre des ressources avec les cotisations versées par les personnes ainsi employées. Il existe peu de mesures en faveur des territoires ruraux, il faut sauvegarder celles qui existent.

M. Henri Nayrou. M. Woerth avait essayé de remettre en cause l’exonération en faveur des ZRR pour les services à la personne. Il avançait le fait que le dispositif coûtait 186 millions d’euros et que seulement 6 000 emplois avaient été créés. Il faut toutefois considérer les emplois, beaucoup plus nombreux, qui ont été sauvés.

M. Michel Diefenbacher. On constate une inversion de la tendance à la désertification des campagnes enclenchée depuis la révolution industrielle. De nouveau, les territoires ruraux gagnent des habitants. Pour assurer le développement des activités, tout accroissement des charges est à proscrire. Ceci dit, il demeure le problème du financement de la protection sociale, mais le débat ne peut être tranché à l’occasion de l’examen de cet amendement. 

M. Yves Censi, Président. Il existe deux grands types d’organismes d’intérêt général bénéficiaires : les associations d’aides à la personne, pour lesquelles il n’existe pas d’effet d’aubaine, et divers établissement publics, en particulier les centres hospitaliers, dont la facture est payée par l’assurance maladie.

Mme Chantal Brunel, Rapporteure spéciale. L’objectif est de mettre en place un dispositif d’exonération totale de charges au profit des jeunes et des seniors. Je présenterai l’amendement en séance avec un nouveau gage, pour ne pas remettre en cause la politique en faveur de la ruralité. J’observe néanmoins que le coût du dispositif ZRR passe de 60 millions d’euros à 151 millions d’euros sans qu’aucune explication soit donnée dans le PAP 2012 et qu’il a été pointé par le rapport de l’inspection des finances comme la niche sociale la moins efficiente en raison d’effets d’aubaine considérables.

M. Henri Emmanuelli. La mise en œuvre du dispositif de contrats aidés par les préfets pose problème. Par exemple, ils incitent à l’embauche de personnels dans les maisons de retraite. Or, ces emplois ont vocation à être pérennisés et la conséquence sera une hausse des tarifs.

Mme Chantal Brunel, Rapporteure spéciale. La Cour des comptes remarque que les contrats aidés dans le secteur non marchand débouchent rarement sur des embauches car leur durée est trop courte et ils ne sont généralement pas accompagnés de formations. Dans le secteur marchand en revanche, environ 70 % de ces contrats débouchent sur des embauches. Le dispositif « zéro charges » que je propose est donc plus efficace que de nombreux contrats aidés.

M. Henri Nayrou. Il faut prendre en compte les besoins d’aides dans certaines zones. Par exemple, il est préférable d’aider le maintien des personnes âgées à domicile plutôt que le recours aux maisons de retraite.

M. Yves Censi, Président. Tous les contrats aidés ne peuvent pas être jugés de la même manière. Ceux s’inscrivant dans une démarche d’insertion économique sont à privilégier.

La Commission rejette l’amendement n° II-CF 117.

La Commission examine l’amendement n° II-CF 115 présenté par M. Christian Eckert, Rapporteur spécial.

M. Christian Eckert, Rapporteur spécial. Cet amendement est destiné à rétablir l'allocation équivalent retraite – AER – qui vise à garantir aux personnes qui remplissent le nombre d’annuités donnant droit à une retraite à taux plein, sans avoir atteint la limite de l’âge légal, un minimum de revenu mensuel. Le Gouvernement a déjà reconduit à deux reprises ce dispositif. Toutefois, sa suppression a été annoncée récemment et devrait être mis en place un dispositif de substitution intitulé allocation transitoire de solidarité – ATS – qui présente l’inconvénient majeur de ne pas concerner l’ensemble des personnes qui bénéficiaient de l’AER. Par ailleurs, je constate qu’il n’y a pas de ligne budgétaire consacrée au financement de l’ATS. Par conséquent je propose de majorer de 50 millions d’euros les crédits de la sous-action Indemnisation des demandeurs d’emploi, dont une partie revient au financement de l’AER. Cette majoration de crédits est gagée par la suppression d’une somme d’un montant équivalent sur les exonérations liées au régime social des autoentrepreneurs.

L’amendement n° II-CF 115 est rejeté.

La commission examine l’amendement n° II-CF 116 présenté par M. Christian Eckert, rapporteur spécial.

M. Christian Eckert, Rapporteur spécial. Année après année, nous dénonçons le caractère extrêmement coûteux des contrats d’autonomie au regard des faibles résultats obtenus en termes de retour à l’emploi. 9 000 à 14 000 euros par an sont ainsi dépensés chaque année par contrat. Nous avions voté l’année dernière la suppression de ce dispositif qui fut rétabli par le Gouvernement. Or cette année les crédits destinés à ces contrats sont majorés. Nous demandons donc à nouveau qu’ils soient supprimés.

M. Yves Censi, Président. Quelle est la position de la Rapporteure spéciale, Mme Chantal Brunel ?

Mme Chantal Brunel, Rapporteure spéciale. Je donnerai un avis défavorable à cet amendement de suppression totale tout en reconnaissant que ces contrats coûtent très cher et que l’évaluation promise n’est pas concluante. Je propose donc à M. Eckert d’envisager, d’ici le débat en séance publique, un amendement de repli se bornant à abaisser le nombre de contrats prévus pour 2012 de 9 000 à 8 000, soit le nombre prévu pour l’année 2011.

L’amendement n° II-CF 116 est rejeté.

La Commission examine ensuite l’amendement n° II-CF 34 de M. Laurent Hénart.

M. Laurent Hénart. L’amendement a pour objet d’augmenter les crédits dévolus aux maisons de l’emploi. Le débat avait déjà eu lieu en loi de finances pour 2011. Créées par le plan de cohésion sociale, les maisons de l’emploi ont vu leurs missions recentrées par la seconde génération des contrats passés avec l’État, en vue notamment de prendre en compte la création de Pôle Emploi. Leurs missions concernent par exemple la gestion prévisionnelle des emplois ou l’orientation scolaire. Elles sont en voie de fusion avec les missions locales et d’autres structures et deviennent l’opérateur unique, commun à l’État et aux collectivités territoriales, en matière d’emploi. Avec la hausse du chômage et singulièrement du nombre de chômeurs de longue durée, Pôle Emploi se tourne vers les maisons de l’emploi pour assurer certaines missions, comme l’accompagnement des chômeurs de longue durée ou des parents isolés.

Mon amendement a pour objet de garantir l’engagement financier de l’État. Or, je constate que l’amendement de M. Eckert, comme un amendement adopté par la commission des Affaires sociales, prévoit une hausse de 15 millions d’euros des crédits. Je me rallie donc à l’amendement de M. Eckert et retire mon amendement.

M. Christian Eckert, Rapporteur spécial. Le montant de 15 millions d’euros est le fruit d’un consensus trouvé en commission des Affaires sociales. L’unité du Parlement sur le sujet permettrait de peser face au Gouvernement.

L’amendement II-CF 34 de M. Laurent Hénart est retiré.

La Commission examine ensuite l’amendement II-CF 114 de M. Eckert.

Mme Chantal Brunel, Rapporteure spéciale. Je suis favorable à cet amendement, et j’ajoute qu’une unanimité sur le sujet serait souhaitable.

L’amendement II-CF 114 de M. Eckert est adopté.

La Commission examine ensuite l’amendement II-CF 118 de Mme Chantal Brunel.

Mme Chantal Brunel, Rapporteure spéciale. L’amendement a pour objet de transférer 9 millions d’euros des contrats d’autonomie vers les contrats d’apprentissage, qui sont très efficaces pour les jeunes. Une telle proposition a déjà été faite l’an dernier.

L’amendement n° II-CF 118 de Mme Chantal Brunel est adopté.

La Commission adopte ensuite les crédits de la mission Travail et emploi ainsi modifiés.

Article 63

Prélèvement sur le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP)

Texte du projet de loi :

I.– Il est institué en 2012 trois prélèvements sur le fonds mentionné à l’article L. 6332-18 du code du travail :

1° Un prélèvement de 25 millions d'euros au bénéfice de l'institution nationale publique mentionnée à l'article L. 5312-1 du même code, affectés au financement de l’allocation en faveur des demandeurs d’emploi en formation ;

2° Un prélèvement de 75 millions d'euros au bénéfice de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes mentionnée au 3° de l'article L. 5311-2 du même code, dont 54 millions d’euros seront affectés à la mise en œuvre des titres professionnels délivrés par le ministère chargé de l'emploi conformément à l'article L. 335-6 du code de l'éducation et 21 millions d’euros affectés à la participation de l’association au service public de l’emploi ;

3° Un prélèvement de 200 millions d'euros au bénéfice de l'Agence de services et de paiement mentionnée à l'article L. 313-1 du code rural et de la pêche maritime destiné à financer la rémunération des stagiaires relevant des actions de formation, définie par les articles L. 6341-1 à L. 6341-7 du code du travail.

II.– Le versement de ce prélèvement est opéré en deux fois, avant le 31 janvier 2012 et avant le 31 juillet 2012. Le recouvrement, le contentieux, les garanties et les sanctions relatifs à ces prélèvements sont régis par les règles applicables en matière de taxe sur les salaires.

III.– Un décret pris après avis du fonds mentionné à l’article L. 6332-18 du code du travail précise les modalités de mise en œuvre des prélèvements ainsi établis.

Exposé des motifs du projet de loi :

Le présent article a pour objet de prélever une contribution de 300 M€, en 2012, sur le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) et d’affecter cette contribution à plusieurs organismes intervenant dans le champ de l’emploi et de la formation professionnelle. Les fonds ainsi prélevés contribueront au financement en 2012 de cette politique publique.

Le FPSPP, créé par la loi du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, est chargé à la fois de recueillir un pourcentage de la participation des employeurs à la formation professionnelle, ainsi que les excédents des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) au titre de la professionnalisation et du congé individuel de formation, de contribuer au financement d’actions de formation professionnelle et d’organiser la péréquation des sommes dédiées à la professionnalisation et au congé individuel de formation.

La contribution prélevée sur ce fonds sera affectée :

– à hauteur de 75 M€, à l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) pour le financement, notamment, de la mise en œuvre des titres professionnels du ministère de l’emploi ;

– à hauteur de 200 M€, à l’Agence de services et de paiements (ASP) pour le financement de la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle ;

– à hauteur de 25 M€, à Pôle emploi pour le financement de l’allocation en faveur des demandeurs d’emploi en formation (AFDEF).

Observations et décision de la Commission :

Le présent article institue trois prélèvements sur le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels et les affecte à trois organismes (Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, AFAP, Agence de services et de paiement, ASP, et Pôle emploi) intervenant dans le champ de l’emploi et de la formation professionnelle.

L’État a procédé au même prélèvement en 2011. Le Rapporteur spécial fera donc les mêmes observations que l’an dernier.

I.– LES PRÉLÈVEMENTS ENVISAGÉS TOTALISANT 300 MILLIONS D'EUROS RISQUENT DE DÉSTABILISER LE FONDS MIS EN PLACE PAR LA LOI DU 24 NOVEMBRE 2009

A.– LA LOI DU 24 NOVEMBRE 2009 VISAIT À SANCTUARISER LES FONDS DES OPCA

L’accord national interprofessionnel du 7 janvier 2009 sur le développement de la formation tout au long de la vie professionnelle, la professionnalisation et la sécurisation des parcours professionnels avait prévu la mise en place de moyens spécifiques pour assurer la qualification ou la requalification des salariés et des demandeurs d’emploi dont le déficit de formation fragilise l’entrée, le maintien ou le retour à l’emploi. Il prévoyait en particulier la création d’un fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. Ce fonds devait être alimenté par des contributions assises sur les contributions légales des entreprises au développement de la formation professionnelle continue.

Reprenant le cadre déjà tracé, l’article 18 de la loi n° 2009-1437 du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie a institué un Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) transposant ainsi l’accord du 7 janvier. Ce fonds paritaire, agréé par arrêté du 12 mars 2010, a remplacé le fonds unique de péréquation (FUP) chargé, avant l’intervention de la loi, de gérer, dans une logique de péréquation, les excédents financiers dont peuvent disposer les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) ainsi qu’une contribution comprise entre 5 % et 10 % des fonds collectés au titre de la professionnalisation. Codifiées aux articles L. 6332-18 à L. 6332-22-2 du code du travail, les missions du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels ont été élargies.

Le V de l'article 18 précise surtout – innovation importante introduite à l'initiative du rapporteur du Sénat, notre collègue Jean-Claude Carle – dans un nouvel article L. 6332-22-1 inséré dans le code du travail que « Les sommes dont dispose le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels au 31 décembre de chaque année constituent, l'année suivante, des ressources de ce fonds. ».

L'objectif de cette disposition était précisément d'éviter que les éventuels excédents du FPSPP puissent être mobilisés par l'État pour abonder son propre budget. En l'état, le présent article du projet de loi de finances méconnaît cette règle, remettant en cause le texte voté et l'intention du législateur.

B.– CES PRÉLÈVEMENTS DE 300 MILLIONS D'EUROS OBÉRERAIENT GRAVEMENT LA TRÉSORERIE DU FPSPP

Selon les informations recueillies par le Rapporteur spécial, les contributions à ce fonds sont estimées en 2011 à 640 millions d’euros – sur la base du taux de 13 % des contributions dues par les entreprises – auxquels il convient d’ajouter environ 50 millions d’euros au titre de produits complémentaires (disponibilités excédentaires des organismes collecteurs paritaires agréés, produits financiers, reversement du trésor public, produits divers…).

Les ressources du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels

Le financement du FPSPP provient de deux sources.

– d’une part le versement par les OPCA agréés au titre de la professionnalisation et du congé individuel de formation de disponibilités excédentaires pour un montant qui s’est élevé à 37 millions d’euros en 2009.

– d’autre part, une contribution égale au pourcentage maximum de 13 % des obligations légales de droit commun des employeurs au financement de la formation professionnelle continue (0,55 % de la masse salariale pour les employeurs de moins de dix salariés et 1,6 % pour les employeurs de dix salariés et plus).

Ce pourcentage a été appliqué également à la contribution de 1 % assise sur les rémunérations versées aux titulaires d’un contrat à durée déterminée par tous les employeurs pour contribuer au financement du congé individuel de formation des salariés en contrat à durée déterminée.

Le pourcentage a été fixé pour l’année 2011 à 10 % par arrêté du 6 décembre 2010 sur proposition des partenaires sociaux. Les sommes ainsi recueillies se sont élevées à 640 millions d’euros.

L’affectation des ressources est décidée de deux manières :

– L’accord des partenaires sociaux

Les ressources du fonds ont été affectées dans des conditions prévues par un accord conclu le 12 janvier 2010 entre les partenaires sociaux représentés. Cette affectation a pris en compte l’avis des représentants des organisations d’employeurs ne relevant pas des organisations représentatives au niveau interprofessionnel. Cette disposition vise à permettre l’expression d’un secteur qui contribue pour près de 20% au total des fonds collectés par les OPCA (professions agricoles, économie sociale, presse, métiers du spectacle, sanitaire et social non lucratif, salariés des professions libérales…).

– La convention cadre entre l’État et le FPSPP

La déclinaison de cet accord a fait l’objet d’une contractualisation sous la forme d’une convention cadre conclue entre l’État et le FPSPP en date du 15 mars 2010. Conformément à ces dispositions contractuelles, une annexe financière pour l’exercice 2011 a été signée le 18 janvier 2011 entre le ministre du Travail, de l’emploi et de la Santé, la ministre auprès du ministre du Travail, chargée de l’apprentissage et de la formation professionnelle et les responsables du Fonds paritaire.

Les documents prévisionnels établis par le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels font apparaître que celui-ci prévoit d'engager au titre de l’année 2011 près de 920 millions d'euros au titre de la convention cadre conclue entre l’État et le FPSPP.

Le Fonds doit par ailleurs faire face à 1,069 milliard d'euros d'engagements souscrits antérieurement au 1er janvier 2011 ; afin d'y faire face, celui-ci dispose du reliquat de ressources de l'exercice précédent, des nouvelles ressources de l'exercice, ainsi que divers produits annexes pour un montant total de 1,377 milliard d'euros.

Au 31 août 2011, au titre des trois conventions conclues avec l’État de 2009 à 2011 (21 avril 2009, 15 mars 2010 et 18 janvier 2011), sur le montant total des engagements effectivement constaté s’élevant à 1 158 millions d’euros, 176 millions ont été effectivement décaissés.

Le Rapporteur spécial s'inquiète de la situation financière du fonds qui pourrait se révéler extrêmement tendue sur l'exercice 2012, en particulier en fin d'année. Inévitablement, l'offre de formation financée par le fonds s'en ressentira, au détriment des salariés et des demandeurs d’emploi.

II.– EN ALIMENTANT DES ORGANISMES QUI REÇOIVENT, POUR LES DISPOSITIFS VISÉS, UNE SUBVENTION DE L’ÉTAT, CET ARTICLE ENGENDRE UNE DIMINUTION À DUE CONCURRENCE DES DÉPENSES DE L’ÉTAT EN 2011

A.– LE PRÉLÈVEMENT ENVISAGÉ PERMETTRAIT DE RÉDUIRE LES DÉPENSES DE L’ÉTAT RELEVANT DES PROGRAMMES N° 102 ET N° 103 DE LA MISSION TRAVAIL ET EMPLOI

Le présent article propose d'affecter les excédents du fonds de sécurisation des parcours professionnels, au financement de dépenses jusqu’alors assurées par l’État dans le domaine de la formation professionnelle pour un montant total de 300 millions d’euros, grâce à trois prélèvements distincts :

– aux termes de l'alinéa 2 (1° du I), une part de 25 millions d'euros sera affectée à Pôle emploi, afin de prendre en charge le financement de l’allocation en faveur des demandeurs d’emploi en formation ( AFDF) ;

– le deuxième prélèvement de 75 millions d'euros est prévu à l'alinéa 3 (2° du I) au bénéfice de l’AFPA. 54 millions d’euros permettront à l’AFPA de continuer à assurer la certification, c'est-à-dire la mise en œuvre des titres professionnels délivrés par le ministère chargé de l’emploi et 21 millions sont destinés à financer la participation de l’AFPA au service public de l’emploi ;

– l’'alinéa 4 (3° du I) affecte 200 millions d'euros vers l'Agence des services de paiement aux fins de rémunération des stagiaires de la formation professionnelle, auxquelles elle assure déjà le versement de leur rémunération pour le compte de l'État.

Celui-ci prend, en effet, en charge la rémunération des demandeurs d’emploi non indemnisés par le régime d’assurance chômage poursuivant une formation agréée par l’État conformément aux articles L. 6341-1 à L. 6341-8 du code du travail.

Le Rapporteur spécial observe que, sans la décision d'attribuer une recette extra budgétaire de 300 millions d'euros, les dotations finançant ces différents dispositifs, et donc le budget de la mission Travail et emploi, auraient été majorés d'un montant équivalent.

L'alinéa 5 prévoit expressément que la contribution du FPSPP soit perçue dans des délais qui ne mettent pas en difficulté la trésorerie du fonds, soit en deux fois, avant le 31 janvier 2012 et avant le 31 juillet 2012.

Enfin, l'alinéa 6 renvoie à un décret le soin de préciser les modalités de mise en œuvre de ces prélèvements. Celui-ci devra faire l'objet d'une consultation préalable du conseil d'administration du FPSPP.

B.– CET ARTIFICE EXTRA-BUDGÉTAIRE LAISSE ENTIÈRE LA QUESTION DU FINANCEMENT EN 2013 DE CES DISPOSITIFS

Avec le présent article, l'État réitère le prélèvement opéré l’an dernier sur le FPSPP que le Rapporteur spécial avait qualifié de « détournement ».

L’État renoue avec une habitude ancienne de mobilisation des fonds de la formation professionnelle, au mépris de l'autonomie des partenaires sociaux. Au cours des quatre derniers exercices, les fonds de la formation professionnelle ont fait l'objet de pas moins de trois prélèvements – tous exceptionnels – pour un montant total de 725 millions d'euros.

En 2007, renonçant sur la demande de la commission des Finances à lui affecter une part de la majoration de la taxe d'apprentissage, le Gouvernement avait déjà transféré à l'AFPA 175 millions d’euros prélevés sur le FUP et le Fonds de solidarité (article 145 de la loi n° 2006-1666 du 29 décembre 2006 de finances pour 2007).

L'année suivante, l'article 134 de la loi de finances pour 2008 (n° 2007-1822 du 24 décembre 2007) avait à nouveau institué un prélèvement de 200 millions d’euros sur le FUP, au profit du Fonds de solidarité, afin de financer l’allocation de fin de formation.

Aux termes de l’article 187 de la loi de finances initiale pour 2009 (n° 2008-1425 du 27 décembre 2008), un prélèvement exceptionnel de 50 millions d'euros au bénéfice de Centre national pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA) a été institué sur l’association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH) afin de financer les stagiaires handicapés de formation professionnelle.

Aux termes de l’article 207 de la loi de finances initiale pour 2011 n°2010-1658 du 29 décembre 2010, un prélèvement exceptionnel de 300 millions d’euros sur le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels au profit de Pole Emploi, l’AFPA et l’ASP.

Le présent article n'est donc qu'un épisode de plus dans une longue série de prélèvements. À chaque fois, la question de la pérennité de ces financements est posée avec acuité.

Faute de pouvoir opérer de tels prélèvements chaque année, ce que la trésorerie du Fonds ne supportera pas à terme, il faudra donc soit admettre la nécessité de consacrer davantage de crédits au travail et à l'emploi, en particulier en période de crise, soit retrancher lourdement dans les dépenses ainsi financées.

*

* *

La Commission examine un amendement II-CF 120 de M. Christian Eckert.

M. Christian Eckert, Rapporteur spécial. La pratique instituée par cet article ainsi que son contenu sont critiquables. Le fonds pour la sécurisation des parcours professionnels est alimenté par des cotisations obligatoires, que j’assimile à un impôt indirect. Le Gouvernement souhaite effectuer un prélèvement de 300 millions d’euros sur le fonds pour financer les politiques de l’État. Une telle pratique a déjà concerné les agences de l’eau et divers établissements publics. La conséquence est que le fonds devra revoir ses missions à la baisse ou augmenter ses cotisations. Sur le principe, un tel article met en cause la lisibilité budgétaire et la responsabilité du Parlement qui autorise la levée de l’impôt. Il est contraire à l’esprit de la LOLF.

La Commission rejette l’amendement n° II-CF 120 de M. Christian Eckert, puis elle adopte l’article 63 sans modification.

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

Amendement n° CF-34 présenté par M. Laurent Hénart

ARTICLE 32

État B

Mission « Travail et emploi »

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Accès et retour à l'emploi

22.000.000

 

22.000.000

 

Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

 

22.000.000

 

22.000.000

Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

 

0

 

0

Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail

 

0

 

0

TOTAUX

22.000.000

22.000.000

22.000.000

22.000.000

SOLDE

0

0

0

0

Amendement n° CF-114 présenté par M. Christian Eckert

ARTICLE 32

État B

Mission « Travail et emploi »

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :

(en euros)

Programmes

+

-

Accès et retour à l'emploi

15 000 000

0

Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

0

0

Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

0

0

Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail

0

15 000 000

TOTAUX

+ 15 000 000

- 15 000 000

SOLDE

0

Amendement n° CF-115 présenté par M. Christian Eckert

ARTICLE 32

État B

Mission « Travail et emploi »

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :

(en euros)

Programmes

+

-

Accès et retour à l'emploi

50 000 000

0

Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

0

- 50 000 000

Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

0

0

Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail

0

0

TOTAUX

+ 50 000 000

- 50 000 000

SOLDE

0

Amendement n° CF-116 présenté par M. Christian Eckert

ARTICLE 32

État B

Mission « Travail et emploi »

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :

(en euros)

Programmes

+

-

Accès et retour à l'emploi

0

49 000 000

Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

49 000 000

0

Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

0

0

Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail

0

0

TOTAUX

+ 49 000 000

- 49 000 000

SOLDE

0

Modifier ainsi les crédits de paiement :

(en euros)

Programmes

+

-

Accès et retour à l'emploi

0

46 000 000

Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

46 000 000

0

Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

0

0

Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail

0

0

TOTAUX

+ 46 000 000

- 46 000 000

SOLDE

0

Amendement n° CF-117 présenté par Mme Chantal Brunel

ARTICLE 32

État B

Mission « Travail et emploi »

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :

(en euros)

Programmes

+

-

Accès et retour à l'emploi

0

0

Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

0

- 100 000 000

Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

0

0

Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail

0

0

TOTAUX

0

- 100 000 000

SOLDE

- 100 000 000

Amendement n° CF-118 présenté par Mme Chantal Brunel

ARTICLE 32

État B

Mission « Travail et emploi »

Modifier ainsi les autorisations d’engagement et les crédits de paiement :

(en euros)

Programmes

+

-

Accès et retour à l'emploi

0

9 000 000

Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

9 000 000

0

Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

0

0

Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail

0

0

TOTAUX

+ 9 000 000

- 9 000 000

SOLDE

0

Amendement n° CF-120 présenté par M. Christian Eckert

ARTICLE 63

Supprimer le 2° du I de cet article

ANNEXE : LISTE DES AUDITIONS RÉALISÉES
PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Ministère du Travail, de l’emploi et de la Santé

Cabinet

M. Franck MOREL, directeur adjoint en charge du pole Travail-Emploi, M. Olivier VILLEMAGNE, conseiller budgétaire

Cour des comptes

Mme Évelyne RATTE, présidente de section de la 4ème chambre

Opérateurs

M. Christian CHARPY, directeur général de Pôle emploi.

© Assemblée nationale

1 () 3,8 milliards d’euros pour les dépenses fiscales et 2,2 milliards d’euros pour les dépenses sociales, auxquelles doit être ajoutée la possibilité de cotiser sur une base forfaitaire dans le cas de l'emploi de gré-à-gré (de l'ordre de 200 à 300 millions d’euros).