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N
° 3805

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2011

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2012 (n° 3775),

PAR M. GILLES CARREZ,

Rapporteur Général,

Député.

——

ANNEXE N° 48

PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE L’ÉTAT

AVANCES À DIVERS SERVICES DE L’ÉTAT
OU ORGANISMES GÉRANT DES SERVICES PUBLICS

Rapporteur spécial : M. Camille de ROCCA SERRA

Député

____

SYNTHÈSE 5

PREMIÈRE PARTIE : LA SITUATION FINANCIÈRE D’EDF ET AREVA 6

I.– LES DÉCISIONS DU CONSEIL DE POLITIQUE NUCLÉAIRE DU 21 FÉVRIER 2011 6

II.– LA SITUATION FINANCIÈRE D’AREVA 8

A.– LES CHOIX STRATÉGIQUES DE L’ENTREPRISE 8

B.– ANALYSE FINANCIÈRE DES COMPTES 10

1.– Une faible rentabilité opérationnelle 10

2.– Les pertes de l’activité « Réacteurs et services » compensées par les bénéfices des activités « Amont » et « Aval » 13

3.– Une structure financière en voie de rééquilibrage après plusieurs années d’investissement massif 14

C.– LES SURCOÛTS DE L’EPR FINLANDAIS 17

D.– L’ACQUISITION D’URAMIN 18

E.– LES PERSPECTIVES APRÈS FUKUSHIMA 20

III.– LA SITUATION FINANCIÈRE D’EDF 22

A.– ANALYSE FINANCIÈRE DES COMPTES 23

1.– Une rentabilité globalement satisfaisante 23

2.– Un endettement élevé mais soutenable 25

B.– LES INVESTISSEMENTS À VENIR DANS LE PARC NUCLÉAIRE FRANÇAIS 26

1.– Moderniser et garantir la sûreté du parc nucléaire français 27

2.– Prévoir le financement du démantèlement des centrales existantes et de la gestion des déchets 28

C.– LE DÉVELOPPEMENT À L’INTERNATIONAL 29

D.– LA QUESTION DU FINANCEMENT DU PROGRAMME D’INVESTISSEMENT 34

E.– LES INTERROGATIONS AUTOUR DU RACHAT D’EDF ÉNERGIES NOUVELLES 36

SECONDE PARTIE : ÉLÉMENTS BUDGÉTAIRES RELATIFS AUX COMPTES SPÉCIAUX SUIVIS PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL 39

I.– LE COMPTE D’AFFECTATION SPÉCIALE PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE L’ÉTAT 39

A.– UN COMPTE SOUS TENSION 39

B.– LE FONDS STRATÉGIQUE D’INVESTISSEMENT 41

1.– Un bilan globalement positif 42

2.– Un effort financier important 43

3.– La question des liens entre le Fonds stratégique d’investissement (FSI), la Caisse des dépôts (CDC) et Oséo. 44

C.– LA PERFORMANCE DES ENTREPRISES DU PÉRIMÈTRE DE L’APE 45

II.– LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS AVANCES À DIVERS SERVICES DE L’ÉTAT OU ORGANISMES GÉRANT LES SERVICES PUBLICS 47

EXAMEN EN COMMISSION 51

ANNEXE : AUDITIONS RÉALISÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL 57

L’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

Au 11 octobre 2011, 88 % des réponses étaient parvenues au Rapporteur spécial.

SYNTHÈSE

En réponse à la demande du bureau de la commission des Finances, le Rapporteur spécial livre une analyse de la situation financière et des perspectives d’Areva et d’EDF.

De 2007 à 1010, Areva a donné la priorité à la croissance dans la perspective d’un « renouveau du nucléaire » qui devait se traduire par une forte hausse de la demande sur l’ensemble des métiers couverts par le groupe. L’accident de Fukushima remet en cause cet horizon, au moins à court terme. Dans ce nouveau contexte, Areva va devoir d’autant mieux maîtriser ses coûts que les années passées ont été caractérisées par une faiblesse récurrente de sa rentabilité opérationnelle. Le groupe dispose néanmoins d’atouts pour passer ce cap, en particulier une structure financière qui semble apte à supporter des chocs financiers. À plus long terme, les perspectives commerciales du groupe pourraient s’améliorer et le modèle intégré du groupe constituera alors son meilleur atout pour répondre à la demande.

EDF se caractérise par une rentabilité solide et stable et par un endettement élevé mais soutenable. Si Areva est confronté à une réduction de ses perspectives de croissance, le défi d’EDF réside dans les investissements importants que le groupe devra financer dans les années à venir. À cet égard, la priorité du groupe doit résider dans la modernisation et l’amélioration de la sûreté du parc nucléaire français. Des tels investissements sont en effet nécessaires pour, à titre principal, assurer la protection des populations et, à titre subsidiaire, préserver l’image de sécurité associée à EDF et à l’ensemble de la filière nucléaire française.

Le Rapporteur spécial souligne par ailleurs les tensions budgétaires qui pèsent sur le compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État. Compte tenu de la dégradation des conditions de marché constatée depuis 2008, les recettes, principalement issues des cessions d’actifs, sont trop limitées pour couvrir les dépenses du compte. En conséquence, il est probable qu’une partie des fonds prévus pour l’augmentation de capital du fonds stratégique d’investissement (FSI) soit utilisée pour financer d’autres dépenses. Il semble toutefois que le fonds n’ait pas, à un horizon prévisible, besoin du versement d’une nouvelle tranche de fonds propres, ce qui laisserait un délai pour reconstituer la dotation qui lui est destinée. Une telle situation met néanmoins en lumière la tension à laquelle est soumis le compte ainsi que les contraintes financières pesant sur les interventions de l’État actionnaire.

PREMIÈRE PARTIE : LA SITUATION FINANCIÈRE D’EDF ET AREVA

Le Bureau de la commission des Finances a chargé le Rapporteur spécial en charge des participations de l’État ainsi que le Rapporteur spécial chargé de réaliser une étude de la situation financière d’Areva et d’EDF.

Le présent développement répond, en ce qui concerne le Rapporteur spécial chargé des participations de l’État, à la demande ainsi. Il est précédé d’une présentation des décisions de réorganisation de la filière nucléaire prises par le Conseil de politique nucléaire du 21 février 2011. Le Rapporteur spécial avait, l’an dernier, réalisé une présentation des problèmes rencontrés par cette filière et des évolutions décidées par le précédent Conseil du 28 juillet 2010. Le Conseil du 21 février dernier a précisé les modalités de mise en œuvre de ces décisions et offert un cadre stable à la filière nucléaire française.

La question de l’évolution de la filière nucléaire française dépasse largement la simple question de la bonne gestion par l’État de ses participations de 84,5 % dans EDF, 83,2 % dans Areva (1) et 35,9 % dans GDF-Suez. Elle touche également à la capacité de l’État à développer une industrie d’avenir et à renforcer la compétitivité de l’économie. Elle tient enfin aux conditions d’exercice de la politique étrangère de la France, qui bénéficie de l’indépendance énergétique associée au choix du nucléaire et peut utiliser l’offre des entreprises françaises du secteur comme un levier d’influence.

I.– LES DÉCISIONS DU CONSEIL DE POLITIQUE NUCLÉAIRE DU 21 FÉVRIER 2011

 Le Conseil de politique nucléaire du 28 juillet 2010 a décidé la mise en place d’un « partenariat stratégique » entre EDF et Areva, se traduisant par une sécurisation de l’approvisionnement d’EDF en combustible, le maintien de la capacité des deux entreprises à développer des partenariats avec d’autres industriels du secteur et le principe d’une désignation d’EDF comme architecte-ensemblier de la construction des nouvelles centrales nucléaires de fabrication française chaque fois que les besoins des clients le nécessitent.

Le Conseil a souligné, par ailleurs, la nécessité d’améliorer la compétitivité de l’EPR sur la base des retours d’expérience des chantiers en cours et appelé à la poursuite de la certification de l’Atmea, réacteur de moyenne puissance développé par Areva et Mitsubishi Heavy Industries en lien avec DGF-Suez, et à l’inclusion dans le projet d’EDF.

 Le Conseil de politique nucléaire du 21 février 2011 a confirmé les deux orientations ainsi définies et en a précisé les modalités de mise en œuvre.

Le partenariat stratégique entre EDF et Areva est défini comme un accord portant sur un travail commun d’optimisation de l’EPR, un renforcement des relations commerciales entre les deux entreprises et la poursuite de la conception commune de nouveaux produits, en particulier les réacteurs de moyenne puissance.

Le renforcement des liens commerciaux entre les deux entreprises devrait passer par des contrats de maintenance du parc nucléaire d’EDF et de fourniture de gros composants ainsi que par un contrat d’approvisionnement de long terme en uranium dès que l’activité minière d’Areva aura été filialisée. Les deux entreprises ont ainsi signé, au mois de septembre 2011, un contrat par lequel Areva se voit attribuer la plus grande part du renouvellement des générateurs de vapeur des centrales nucléaires d’EDF.

Selon les informations recueillies par le Rapporteur spécial, l’aboutissement des négociations sur la conception de réacteurs de moyenne puissance de troisième génération et l’implication d’EDF dans le développement de l’Atmea paraît, en revanche, encore lointain. Il semble que EDF accorde la préférence au travail mené avec un partenaire chinois – CGNPC – sur un réacteur de moyenne puissance de seconde génération – le CPR 1000 – dans le but de pénétrer le marché chinois.

Sur la question du développement sur le marché chinois, le Conseil de politique nucléaire a pourtant chargé l’administrateur général du Commissariat à l’énergie atomique de conduire des négociations en vue de nouer un partenariat global entre les entreprises françaises du nucléaire et leurs homologues chinoises. Les conclusions du Conseil mentionnent explicitement le développement d’un réacteur de moyenne puissance.

Le Conseil de politique nucléaire a également décidé la filialisation de l’activité minière d’Areva en vue de faciliter une augmentation de capital lui permettant de financer son développement. La recherche et l’exploitation d’uranium constituent en effet une activité qui nécessite d’importants capitaux. Selon les informations transmises au Rapporteur spécial, il est probable que des partenaires financiers ou des partenaires industriels cherchant à sécuriser leur approvisionnement en minerai puissent prendre une part dans cette activité.

Le Conseil de politique nucléaire n’a, en revanche, décidé qu’une mise à l’étude d’un projet de construction d’un Atmea en France. Il est toutefois vital pour ce réacteur – et pour GDF-Suez qui a participé à son développement – qu’un exemplaire soit construit sur le territoire national pour qu’il puisse être exporté.

EDF est le premier client d’Areva et représente 25 % de son chiffre d’affaires alors qu’Areva est le premier fournisseur d’EDF dans le nucléaire et lui fournit, par exemple, 44 % de ses achats de combustible en 2010. En apaisant les tensions entre les deux entreprises, les décisions du Conseil de politique nucléaire ont permis de ramener la relation unissant les deux entreprises sur une base rationnelle et efficace et de leur permettre d’aborder dans des bonnes conditions les défis auxquelles elles font face.

II.– LA SITUATION FINANCIÈRE D’AREVA

En réponse à la demande exprimée par le Bureau de la commission des Finances, le Rapporteur spécial propose, dans le développement suivant, une analyse de la situation financière d’Areva, de son évolution entre 2007 et 2010 et des perspectives du groupe.

A.– LES CHOIX STRATÉGIQUES DE L’ENTREPRISE

À titre liminaire, il convient de noter que l’analyse des comptes d’Areva sur les quatre années écoulées peut ne donner qu’une vision partielle de la performance de l’entreprise. Celle-ci commercialise des produits et poursuit des activités dont les cycles sont particulièrement longs – un réacteur nucléaire pouvant connaître une durée de vie de plusieurs dizaines d’années et une mine d’uranium pouvant être exploitées sur une période similaire. En conséquence, si elles sont regrettables, les pertes constatées sur la construction du premier EPR et sur l’acquisition d’Uramin ne pourront voir leur impact correctement évalué qu’avec un recul de plusieurs années – le coût associé à ces opérations pouvant être amorti sur un volume de ventes d’EPR ou une rentabilité de la mine plus ou moins importante.

Le Rapporteur spécial insiste également sur le fait qu’il est impossible de comparer les performances d’Areva et d’EDF. Les deux entreprises ont des activités différentes, caractérisées par un risque et un cycle de natures différentes, et agissent sur des marchés dont la pression concurrentielle peut varier.

En résumé, l’analyse des comptes d’Areva entre 2007 et 2010 doit se comprendre au regard de la stratégie adoptée par le groupe au cours de cette période. L’objectif était alors d’anticiper un « renouveau du nucléaire », c’est-à-dire une forte augmentation du recours à l’énergie nucléaire dans une perspective de hausse de la demande mondiale d’énergie et de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Sur cette base, Areva a eu suivi une stratégie volontariste de prises de parts de marché pour devenir un leader mondial du secteur et tenter de capter une grande part de la croissance attendue. Une telle approche s’est traduite par une hausse régulière et substantielle du carnet de commandes, de l’ordre de 19 % par an en moyenne entre fin 2006 et fin 2010.

Cette stratégie s’est également traduite par des prises de risque industriel. Ces prises de risque semblent bienvenues quand Areva obtient l’accès à une nouvelle technologie d’enrichissement d’uranium – par « ultracentrifugation » – développée par le consortium Urenco et permettant de diminuer fortement la consommation d’énergie – et donc le coût de l’enrichissement. Cette opération conduit à la construction de la future usine Georges Besse II qui utilisera cette technique.

En revanche, la prise de risque semble s’avérer coûteuse dans deux cas particuliers.

D’une part, la construction du premier EPR, en Finlande, s’accompagne de surcoûts et de retards importants, le montant provisionné des pertes à terminaison s’établissant à 2,6 milliards d’euros au 31 décembre 2010. Ce montant pourra encore évoluer, à la hausse comme à la baisse car les phases d’essai doivent encore être réalisées. Par ailleurs, des procédures contentieuses opposent le consortium mené par Areva et Siemens à leur client.

D’autre part, le rachat de la filiale minière Uramin s’est probablement fait à un prix trop élevé car le cours futur de l’uranium serait inférieur aux prévisions faites au moment de l’opération, les volumes de production initialement attendus pourraient ne pas être constatés et les investissements nécessaires à l’exploitation des mines pourraient être plus importants que prévu. Plus que la prise d’un risque industriel qui ne se révèle pas payant, ce sont les conditions de mise en œuvre de l’acquisition qui, dans ce cas particulier, sont critiquables. D’une part, une certaine précipitation semble entourer l’ensemble de réalisation d’un projet, au moment où des mouvements spéculatifs semblaient conduire les cours de l’uranium et des sociétés liées à ce minerai. D’autre part, les conditions posées par l’agence des participations de l’État, notamment l’entrée au capital de la société d’un partenaire industriel, ne seront pas respectées.

Les perspectives de court terme d’Areva se sont assombries à la suite de l’accident de Fukushima. Du fait de la sortie du nucléaire décidée en Allemagne, des pertes de chiffre d’affaires sont à prévoir. Par ailleurs, il est probable que des projets de construction de nouvelles centrales soient remis à plus tard. En conséquence, Areva va devoir revoir à la baisse ses investissements et diminuer ses coûts. La maîtrise des coûts est d’autant plus importante qu’Areva a pâti, au cours des dernières années, d’une faible rentabilité opérationnelle, en raison notamment d’une insuffisante maîtrise des dépenses, en particulier dans les fonctions support.

Les perspectives de long terme du groupe pourraient, en revanche, être meilleures. Les conditions qui avaient conduit à anticiper un renouveau du nucléaire demeurent – hausse de la demande mondiale d’énergie et besoin d’énergies décarbonées. De nombreux pays poursuivent l’exploitation d’énergie nucléaire – des pays émergents comme l’Inde ou la Chine mais également des pays européens comme le Royaume-Uni ou la Pologne. Areva sera en mesure de saisir ces opportunités si l’EPR s’avère compétitif face aux autres sources d’énergie. À cet égard, il est probable que son haut niveau de sûreté qui, hier, pouvait être considéré comme un surcoût inutile, sera demain un atout important.

B.– ANALYSE FINANCIÈRE DES COMPTES

1.– Une faible rentabilité opérationnelle

L’analyse de la rentabilité d’Areva appelle d’emblée une réserve importante. Deux des activités du groupe – mines et construction de réacteurs – sont caractérisées par des cycles particulièrement longs, ce qui doit conduire à relativiser l’analyse suivante, fondée sur les résultats des quatre derniers exercices clos. Les surcoûts générés par l’EPR finlandais et les provisions passées sur Uramin devront donc s’intégrer à l’ensemble de la durée de vie du produit et de la filiale pour en apprécier pleinement la portée.

● L’analyse du compte de résultat des exercices 2007 à 2010 montre d’abord un certain succès commercial du groupe Areva, dont et le chiffre d’affaires progresse, en moyenne, de 6,3 % par an sur la période. De fin 2006 à fin 2010, la croissance du carnet de commande ressort, quant à elle, à 19 %. Un tel constat semble traduire les effets de la stratégie alors menée par Areva, consistant à gagner des parts de marché pour aborder la période de renouveau du nucléaire dans les meilleures conditions.

Comme le montre le tableau ci-dessous, la progression régulière du chiffre d’affaires ne se retrouve pas dans l’évolution du résultat opérationnel. Même hors éléments non récurrents, l’objectif de moyen terme d’une marge opérationnelle de 10 %, fixé en 2006, n’a jamais été atteint.

RÉSULTAT OPÉRATIONNEL DU GROUPE AREVA

(en millions d’euros)

 

2007

2008

2009

2010

Résultat opérationnel

353

– 143

97

– 423

Marge opérationnelle

4,7 %

– 1,8 %

1,1 %

– 4,6 %

EPR Finlandais

– 293

– 749

– 550

– 367

Uramin

     

– 426

Georges Besse I

     

– 121

Ouverture de capital de filiales

 

191

381

19

Résultat opérationnel hors éléments non récurrents

646

415

266

472

Marge opérationnelle hors éléments non récurrents

8,5 %

5,1 %

3,2 %

5,2 %

Source : Areva.

● Trois raisons pourraient expliquer la faible rentabilité opérationnelle du groupe.

En premier lieu, la cession de la filiale de Transmission et Distribution (T&D) a privé le groupe d’une source de bénéfices importants et réguliers. Cette filiale présentait également la spécificité de mener des activités dont les cycles étaient plus courts que ceux du cœur de métier d’Areva. Elle permettait donc un lissage des résultats, qui était notamment utile pour absorber les pertes essuyées sur le premier EPR. Il apparaît néanmoins que, compte tenu de la volonté de l’État d’éviter une dilution trop prononcée de sa participation dans la société, une telle cession était inévitable pour réduire le besoin de cash du groupe et accroître ses capacités d’investissement. Elle faisait également sens en vue de recentrer Areva sur son cœur de métier et lui permettre ainsi de profiter pleinement de la croissance attendue du renouveau du nucléaire.

En second lieu, les surcoûts de l’EPR finlandais ont amputé de plus de 2,6 milliards d’euros les résultats du groupe entre 2005 et 2010. En d’autres termes, chaque année, une provision moyenne de l’ordre de 430 millions d’euros est venue amputer le résultat du groupe du fait de cette opération. En conséquence, les bénéfices dégagés par les activités « Amont » et « Aval » ainsi que les plus-values sur cessions d’actifs sont venus compenser les pertes de l’activité « Réacteurs et services », sans toutefois permettre de dégager un résultat opérationnel substantiel.

En 2010, se sont ajoutées aux surcoûts constatés sur Olkiluoto 3 deux nouvelles provisions pour risques et charges. La première est relative à la dépréciation des actifs miniers, à savoir Uramin, pour 426 millions d’euros. Par ailleurs, les conditions de l’accord passé avec EDF sur le prolongement jusqu’en 2012 de l’activité de l’usine Georges Besse I conduisent à passer une provision de 120 millions d’euros.

Hors éléments non récurrents, la marge opérationnelle du groupe Areva apparaît à un niveau correct, supérieur à 5 % trois années sur quatre. Elle apparaît néanmoins en repli de près de 5 points entre 2007 et 2009 et demeure à un niveau éloigné de l’objectif de 10 % initialement fixé pour 2012.

Enfin, selon les informations recueillies par le Rapporteur spécial, Areva pâtirait de frais généraux trop élevés et des coûts trop importants sur les fonctions support. Un tel constat a justifié la mise en œuvre, en 2010, d’un plan d’économies sur les frais généraux et commerciaux. Son rendement s’est établi à 80 millions d’euros en 2010, soit un niveau supérieur de 10 millions d’euros à la prévision, et devrait atteindre 270 millions d’euros à l’horizon de l’année 2012. La maîtrise des coûts n’aurait pas été la priorité du groupe au cours de cette période de croissance soutenue et ce biais pourrait handicaper Areva au moment où ses perspectives de croissance sont revues à la baisse.

● Au final, l’analyse des comptes d’Areva laisse penser qu’il existe une certaine fragilité de sa rentabilité opérationnelle. Alors que le groupe a connu une période de croissance constante de son chiffre d’affaires depuis 2007, ses faibles marges mettent le groupe en danger dès qu’un événement imprévu – par exemple, les surcoûts de l’EPR finlandais – le frappe. Dans l’hypothèse où la croissance du chiffre d’affaires devait ralentir, voire peut-être devenir négative, le groupe serait conduit à réaliser un effort particulier de redressement de sa rentabilité opérationnelle, qui passerait probablement par une maîtrise accrue des coûts. Compte tenu du nouveau contexte, l’objectif de 10 % de marge opérationnelle en 2012, fixé en 2012, a été levé au mois de juin dernier.

● Comme le montre le tableau ci-dessous, le résultat financier est également affecté de fortes variations liées en particulier à des plus ou moins values sur cessions d’actifs et à l’évolution des charges de désactualisation sur opérations de fin de cycle.

LE RÉSULTAT FINANCIER DU GROUPE AREVA

(en millions d’euros)

 

2007

2008

2009

2010

Résultat financier

118

6

187

– 314

dont coût de l'endettement financier net

– 33

– 69

– 113

– 158

dont cession RePower et autres

 

226

 

 

dont cession GDF-Suez et Total

 

 

380

 

dont cession Safran

 

 

 

200

dont cession STM

 

 

 

– 101

Source : documents de référence.

En lien avec le programme d’investissement du groupe et l’accroissement de la dette financière nette, le coût de l’endettement financier net est en constante augmentation sur la période, de 33 millions d’euros en 2007 à 158 millions d’euros en 2010. En 2010, il préempte près d’un tiers du résultat opérationnel hors éléments non récurrents, ce qui, pour des raisons développées plus bas, semble préoccupant.

On constate que les plus-values réalisées sur la cession des participations dans RePower, GDF-Suez, Total et Safran ont permis de compenser en partie l’impact des éléments non récurrents sur la rentabilité opérationnelle. Ces plus-values contribuent à expliquer le fait que le résultat net ressort à des niveaux satisfaisants, comme l’indique le tableau ci-dessous.

LE RÉSULTAT NET

(en millions d’euros)

 

2007

2008

2009

2010

Résultat net d’ensemble des entreprises intégrées

503

– 28

422

– 403

Quote-part dans les résultats des entreprises associées

148

156

– 152

153

Résultat net des entreprises cédées ou en cours de session

231

371

267

1 236

Résultat net

882

498

537

986

Source : documents de référence.

L’écart entre le résultat opérationnel, très fluctuant et en diminution sur la période, et le résultat net, stable et à un niveau élevé, est d’abord dû aux bénéfices des activités cédées ou en cours de cession, et plus particulièrement aux résultats de la filiale T&D et à la plus-value réalisée lors de sa cession en 2010. Rappelons que le périmètre des comptes analysés par le Rapporteur spécial exclut les activités cédées sur la période, en particulier T&D. Or, ces activités dégagent un revenu compris entre 200 et 400 millions d’euros et la cession de T&D permet à Areva de dégager, en 2010, une plus-value de l’ordre de 1,2 milliard d’euros.

Les résultats des entreprises associées, principalement Eramet, sont également substantiels, de l’ordre de 150 millions d’euros par an, hormis en 2009 où une perte de 152 millions d’euros est constatée.

Au final, Areva a dégagé, de 2007 à 2010, un résultat net positif et substantiel. Ce bon résultat est toutefois dû avant tout aux plus-values réalisées sur cessions d’actifs, et non pas à la performance opérationnelle du groupe.

2.– Les pertes de l’activité « Réacteurs et services » compensées par les bénéfices des activités « Amont » et « Aval »

L’analyse de la faible rentabilité opérationnelle d'Areva passe par celle de la répartition du profit entre secteurs d’activité.

Comme le montre le tableau ci-dessous, jusqu’en 2009, le business group « Réacteurs et services » n’a pas été en mesure de dégager un profit suffisant pour compenser les pertes du chantier finlandais. Les activités de transmission et de distribution jusqu’en 2008, de mines et amont jusqu’en 2009 et le secteur aval ont compensé, en partie ou en totalité, ces manques à gagner.

LA RÉPARTITION DU RÉSULTAT OPÉRATIONNEL PAR SECTEURS D’ACTIVITÉ

(en millions d’euros)

 

2007

2008

2009

2010

Mines-Amont

496

453

659

– 137

Réacteurs et services

– 180

– 678

– 573

– 251

Aval

203

261

235

280

Renouvelables

– 5

– 17

-

– 123

T&D

397

560

   

Source : Areva.

Jusqu’en 2009, le business group « Mines-Amont » dégage une marge opérationnelle substantielle, comprise entre 13,5 % et 19 %. En 2010 toutefois, la provision passée à la suite de l’acquisition d’Uramin vient grever son résultat de 426 millions d’euros et explique en grande partie la perte dégagée sur l’exercice.

Le secteur « Aval » apparaît comme une « vache à lait » en raison de la situation de quasi-monopole du groupe Areva sur ce segment de marché. Il dégage non seulement une marge opérationnelle substantielle, comprise entre 11,7 % et 16,4 % sur la période, mais, du fait de la nature de l’activité, dégage du capital qui peut être utilisé pour financer les besoins des autres secteurs.

Le business group « Réacteurs et services » affiche une rentabilité structurellement faible, probablement en raison des surcoûts du chantier de l’EPR finlandais.

Enfin, le business group « Énergies renouvelables » relève d’une activité en démarrage, nécessitant un investissement important sans que le retour ne soit encore suffisant pour couvrir ses coûts.

Au final, la faiblesse de la rentabilité opérationnelle s’explique largement par celle de l’activité « Réacteurs et services », en charge de la construction des réacteurs et de la fourniture de services associés, comme la maintenance ou le renouvellement des pièces les plus importantes. Il convient toutefois de relativiser l’analyse par secteurs d’activité car le modèle intégré d’Areva dégage d’importantes synergies entre activités – de nature technologique et commerciale principalement – et il n’est pas à exclure que les faibles marges sur l’activité « Réacteurs et services » soient la condition pour garantir la vente de l’ensemble des services associés – fourniture d’uranium, enrichissement, retraitement du combustible usagé.

3.– Une structure financière en voie de rééquilibrage après plusieurs années d’investissement massif

● Le tableau suivant récapitule les principaux indicateurs de solvabilité du groupe. Areva ne dispose pas d’une grande capacité à supporter un endettement élevé. Ses activités sont en effet caractérisées par des produits dont la conception est coûteuse et l’amortissement réalisable uniquement à long terme. Compte tenu du risque associé à ses activités, son endettement doit donc rester sous contrôle.

PRINCIPAUX INDICATEURS DE SOLVABILITÉ D’AREVA

 

2007

2008

2009

2010

Part de la dette financière nette dans les fonds propres

53,6%

75,4%

81,8%

38,3%

Dette financière nette/EBE

4,4

9,3

10,6

5,2

Couverture des intérêts

27,5

8,6

5,2

4,5

Source : Areva.

NB : la première ligne du tableau porte sur le rapport entre dette financière nette et fonds propres. Il doit être distingué de l’indicateur généralement utilisé par Areva et rapportant la dette financière nette à la somme de cette dette avec les fonds propres.

Comme l’indique le tableau ci-dessus, le groupe Areva connaît une évolution de sa structure financière caractérisée par une part croissante de l’endettement dans le financement de ses activités en 2008 et 2009 – la part de la dette financière nette atteignant 57,1 % en 2009. Elle est suivie d’une diminution en 2010, à 31 %. En effet, le groupe a d’abord lancé les investissements substantiels dans le but d’anticiper la hausse de la demande qui devait être associée à la période de renouveau du nucléaire. Dans un second temps, le plan de financement de ces investissements, décidé en 2009, a été mis en œuvre à compter de 2010 et a permis un rééquilibrage de la structure financière.

Le plan de financement, décidé lors du conseil de surveillance du 30 juin 2009, est composé de plusieurs éléments. La cession de la filiale de Transmission & Distribution (T&D) a ainsi non seulement permis une plus-value substantielle comme indiqué plus haut mais également permis de dégager de la trésorerie pour 3,1 milliards d’euros. La cession des participations minoritaires
– Total, GDF-Suez, Safran et STMicroelectronics – ont également été à l’origine de nouvelles ressources. Enfin, l’augmentation de capital réalisée au mois de décembre 2010 a permis un apport de 900 millions d’euros. Il était également prévu un plafonnement du taux de distribution à 25 % – ce taux ayant été inférieur à ce niveau en raison des résultats médiocres du groupe.

Si la part de la dette financière nette dans les fonds propres diminue en 2010, la mise en relation de la dette d’Areva avec sa capacité à produire des résultats – et donc à faire face à ses engagements – semble plus préoccupante et suscite des interrogations sur la soutenabilité de l’endettement du groupe.

D’une part, la dette financière nette représente, en 2010, 5,2 fois l’excédent brut d’exploitation. En d’autres termes, il faudrait plus de quatre ans pour le groupe pour résorber l’ensemble de sa dette s’il stoppait tout investissement ou distribution de dividendes.

D’autre part, la couverture des intérêts, qui rapporte l’excédent brut d’exploitation au coût de l’endettement financier net, reste relativement limitée en 2010, à 4,4. En d’autres termes, les charges liées à l’endettement du groupe absorbent près d’un quart de son excédent brut d’exploitation, c’est-à-dire de son résultat avant rémunération et dépréciation du capital. L’évolution des charges financières nettes, en forte augmentation sur la période comme indiqué plus haut, vient accréditer l’idée que la hausse de l’endettement d’Areva ampute une part croissante de son résultat.

Au final, les interrogations qui peuvent exister sur le niveau d’endettement du groupe sont directement liées à la faiblesse de sa rentabilité. Certes, la part de l’endettement dans le financement des activités reste maîtrisée et les dernières opérations de refinancement ont permis de rallonger la maturité moyenne de sa dette à 7,5 ans – un terme qui se rapproche de la durée de vie moyenne de ses actifs. Toutefois, du fait de leur relative faiblesse, les résultats du groupe sont en grande partie absorbés par la charge de la dette.

● Il semble néanmoins que la résilience de la structure financière d’Areva à d’éventuels chocs reste importante pour trois raisons.

En premier lieu, comme indiqué plus bas, les besoins d’investissements du groupe vont être probablement revus à la baisse, ce qui limitera le besoin de capital et donc d’endettement.

En deuxième lieu, Areva dispose d’une participation de 26 % dans Eramet, d’une valeur qui pourrait être de l’ordre de 1,5 milliard d’euros et dont la cession lui permettrait de renforcer son désendettement. Si cette participation est traitée comme un actif essentiellement financier par le groupe, il revêt, en revanche, pour l’État, un caractère stratégique qui requiert, le cas échéant, une cession à un acteur public – l’État s’il dégage les ressources nécessaires pour assurer une telle acquisition, le FSI bien qu’une telle acquisition soit d’une ampleur inhabituelle ou éventuellement la Caisse des dépôts.

Enfin, Areva dispose d’une capacité non négligeable à lever du capital. L’ouverture du capital de la structure de tête n’a pas été menée dans les montants initialement envisagés, à savoir 15 % du capital soit 2 milliards d’euros D’après les informations recueillies par le Rapporteur spécial, Areva n’aurait pas besoin, à court terme, d’une augmentation de capital. Toutefois, la réalisation complète de l’opération initialement prévue resterait probablement réalisable et les montants pouvant être levés pourraient atteindre 1,1 milliard d’euros. Par ailleurs, Areva devrait ouvrir dès l’an prochain le capital de sa filiale minière. Une telle voie paraît adéquate pour maintenir son contrôle sur l’exploitation de la filiale et développer son activité, tout en limitant son apport en capital et en partageant les risques.

● Si le bilan du groupe au 31 décembre 2010 suscite des interrogations, il convient de noter que la structure financière du groupe Areva devrait toutefois s’améliorer en 2011 en raison du dénouement du litige opposant Areva à Siemens. Rappelons que les deux entreprises étaient opposées sur les conditions de sortie de Siemens de leur filiale commune Areva NP, en charge de la conception et de la construction de réacteurs. Ayant exercé, en 2009, une option de vente sur sa participation de 34 % dans la société, Siemens s’est opposé à son partenaire français sur la valorisation de sa participation. Areva, de son côté, a soulevé une clause de non-concurrence liant Siemens qui s’est pourtant rapproché du russe Rosatom pour développer ses activités dans le secteur nucléaire.

Le tribunal arbitral a rendu, au premier semestre 2011, une sentence qui semble plutôt favorable à Areva. La valorisation de la participation de Siemens qu’Areva est contraint de racheter est fixée à 1,62 milliard d’euros, soit un niveau inférieur de 421 millions d’euros à ce qui avait été provisionné par le groupe français. En conséquence, le capital ainsi libéré permet une diminution à due concurrence de l’endettement d’Areva.

Par ailleurs, le non-respect de la clause de non-concurrence par Siemens a été constaté par le tribunal qui a condamné le groupe allemand à payer des pénalités d’un montant de 648 millions d’euros. La validité de cette clause au regard du droit de la concurrence doit encore être appréciée par la Commission européenne.

Au final, le dénouement du litige avec Siemens permet à Areva de diminuer son endettement d’environ un milliard d’euros.

À noter enfin que, conformément à la loi, Areva a intégralement provisionné les coûts de démantèlement de ses installations nucléaires et de gestion des déchets et a prévu la constitution d’actifs d’un montant suffisant pour y faire face.

C.– LES SURCOÛTS DE L’EPR FINLANDAIS

● Areva a conclu, en 2006, un contrat avec l’électricien finlandais TVO pour la construction du premier EPR par un consortium mené par Areva et Siemens. Au 31 décembre 2010, une nouvelle provision pour pertes à terminaison, de 367 millions d’euros, a été passée et porte le surcoût total assumé par Areva du fait de cette opération à 2,6 milliards d’euros. Comme indiqué dans la présentation de la rentabilité du groupe, les provisions successives qui ont été passées par le groupe ont largement entamé sa rentabilité opérationnelle au cours des dernières années.

L’issue de la construction de l’EPR d’Olkiluoto reste encore incertaine. Les phases d’essai, prévues en 2012, permettront de vérifier la performance du réacteur est conforme aux celles prévues dans le contrat. Dans le cas contraire, il n’est pas à exclure que de nouvelles provisions doivent être passées.

Par ailleurs, des procédures contentieuses opposent le consortium Areva-Siemens à leur client TVO. Le consortium a lancé une procédure d’arbitrage pour obtenir un dédommagement d’un milliard d’euros du fait d’une extension des délais et de surcoûts qui auraient été supportés par la faute de TVO. L’électricien finlandais, de son côté, souhaite percevoir des pénalités d’un montant de 1,4 milliard d’euros. Areva estime que cette démarche est sans fondement au regard du droit finlandais et n’a donc pas provisionné ce coût.

En définitive, le coût final de l’EPR finlandais reste encore largement incertain et pourrait être revu tant à la hausse qu’à la baisse.

● Il convient néanmoins de remarquer qu’il est difficile de tirer, à partir de cette opération finlandaise, quelque conclusion que ce soit sur la capacité d’Areva à assumer le rôle d’architecte-ensemblier ou sur celle de l’EPR à prouver sa rentabilité.

Areva a tenté de mener à bien, pour la première fois de son histoire, la construction de la totalité d’une centrale nucléaire et d’y jouer le rôle crucial d’architecte-ensemblier qui coordonne l’ensemble des entreprises intervenant sur le site. S’il est vrai que ce premier essai est manifestement un échec, il doit être relativisé pour deux raisons. D’une part, EDF, qui dispose d’une expérience historique dans ce domaine, rencontre également des problèmes de surcoûts et de rallongement des délais dans la construction de l’EPR de Flamanville. D’autre part, Areva a pâti de mauvaises relations avec son client TVO, ce qui n’a sans doute pas facilité la tâche du groupe français.

Il n’est pas impossible qu’Areva était conscient que le contrat initialement signé était un peu ambitieux en ce qui concerne le prix et la durée de réalisation. Toutefois, dans la perspective d’un printemps du nucléaire, il n’était peut-être pas absurde d’accepter une perte sur le premier produit tenant lieu de « démonstrateur » puis de capitaliser sur un premier exemple réussi pour assurer le succès commercial de l’EPR et ainsi amortir les coûts supportés sur le premier exemplaire. L’horizon d’un printemps du nucléaire s’étant partiellement estompé, il est à craindre que l’amortissement des coûts ainsi essuyés en Finlande soit plus long que prévu.

L’échec finlandais ne semble pas non plus pouvoir éclairer l’avenir de l’EPR. Il est vrai que des retards et des surcoûts dans sa construction mettent à mal sa compétitivité en renchérissant le coût initial de l’investissement. On constate toutefois que le chantier de Taishan en Chine se déroule comme prévu et que, dans ces conditions, l’EPR serait probablement compétitif.

D.– L’ACQUISITION D’URAMIN

Areva a acquis la société Uramin en 2007 pour 2,5 milliards d’euros. Uramin est alors une société minière « junior », créée deux ans auparavant et dont le principal actif est la concession de trois gisements d’uranium non encore exploités – à Trekkopje en Namibie, à Bakouma en Centrafrique et à Ryst Kuil en Afrique du Sud. Elle constitue donc un potentiel d’activités et son chiffre d’affaires est nul, tant en 2005 qu’en 2006.

Il semble aujourd’hui acquis que le prix d’acquisition d’Uramin était trop élevé et que les conditions de réalisation de l’opération n’ont pas été optimales. Par ailleurs, dans le contexte post-Fukushima, une telle opération pourrait avoir perdu une partie de son intérêt.

● Le prix d’acquisition d’Uramin – 2,5 milliards de dollars – et la rentabilité de l’investissement dépendent de plusieurs prévisions qui ont été revues à la suite de l’acquisition. Les estimations de production de certains gisements seraient inférieures à ce qui avait été anticipé au moment de l’acquisition
– l’estimation initiale de la production potentielle, de 90 000 tonnes, pourrait être réduite d’un tiers. Les investissements nécessaires à leur exploitation seraient, au contraire, plus importants que prévu, en raison notamment de questions de protection de l’environnement sur le site de Bakouma en Centrafrique. Enfin, certaines difficultés rencontrées dans la mise en exploitation des gisements auraient retardé l’entrée en production et, en repoussant dans le temps le moment de la perception des premiers revenus, se traduiraient par un coût.

Du fait de l’ensemble de ces éléments, il semble acquis que le prix d’acquisition était surévalué. Areva a constaté ce surcoût en passant une provision pour dépréciation de 426 millions d’euros au 31 décembre 2010. Elle est composée d’une provision de 300 millions d’euros justifiée par la baisse du prix de l’uranium à court terme et qui a été maintenue en raison des incertitudes sur la qualité et le niveau de ressources effectives des gisements, en particulier à Trekkopje en Namibie. S’y est ajoutée une provision de 126 millions d’euros pour tenir compte du rééchelonnement du planning d’investissements.

Il est probable que de nouvelles provisions soient passées au 31 décembre 2011. Il serait souhaitable que, plutôt que de procéder à une succession de provisions étalées sur plusieurs années, une provision globale couvrant l’intégralité de la dépréciation potentielle soit passée dès cette année.

● Les conditions de réalisation de l’opération semblent également ne pas avoir été optimales. Avec le recul, elles laissent penser qu’une certaine précipitation a entouré la réalisation de l’opération.

En premier lieu, l’acquisition a été réalisée à une époque où le cours « spot » de l’uranium atteignait un sommet historique, à plus de 120 dollars par livre. Les mouvements spéculatifs constatés sur le marché de l’uranium portaient également sur la valorisation des sociétés minières. Certes la valorisation intrinsèque de la société ne dépendait pas de ces prix de court terme mais des conditions tarifaires anticipées des contrats d’approvisionnement de long terme. Toutefois, il semble que ce niveau élevé du cours « spot » de l’uranium ait conduit à gonfler artificiellement la valorisation de la société et à renchérir le coût d’acquisition pour Areva.

En deuxième lieu, Areva n’aurait pas respecté les conditions posées par l’agence des participations de l’État au rachat d’Uramin. L’APE aurait en effet conditionné le rachat de la société à l’ouverture de son capital à un investisseur financier ou industriel, de façon à réduire le risque l’opération et à limiter l’apport en capital nécessaire au financement d’une opération représentant près d’un quart des fonds propres d’Areva. Le partenaire chinois qui avait été pressenti pour participer à cette opération a finalement posé des conditions trop strictes à sa participation. Le groupe français a donc dû porter l’intégralité de l’acquisition d’Uramin et du risque qui lui était associé. S’il ne peut lui être imputé la modification du rapport de forces au sein de la négociation, dû à la chute des cours spot de l’uranium, il peut, en revanche, lui être fait grief d’un certain manque de prévoyance dans une opération d’une ampleur aussi importante.

Enfin, selon les informations transmises au Rapporteur spécial, la procédure interne à Areva, applicable à la réalisation d’une telle opération, n’aurait pas été respectée. Plus précisément, le directoire de l’entreprise n’aurait pas été consulté sur l’opération qui aurait été présentée directement au conseil de surveillance.

● Au-delà du constat d’une opération discutable sur le plan financier, l’acquisition d’Uramin pourrait avoir perdu une partie de son intérêt stratégique dès lors que l’une des deux raisons principales qui avaient justifié l’achat a perdu de sa portée.

D’une part, les prévisions de production faites au moment de l’acquisition laissaient penser qu’Areva deviendrait le premier producteur d’uranium dès le début de la décennie 2010. Dans la perspective de renouveau du nucléaire, une telle évolution était alors jugée souhaitable pour bénéficier d’une position forte sur le marché et de bénéficier de la forte hausse anticipée de la demande d’uranium. La disparition, à un horizon prévisible, d’une telle perspective fait donc perdre à l’acquisition d’Uramin une partie de son intérêt et l’immobilisation de capital qu’elle entraîne perd une partie de sa justification.

D’autre part, l’acquisition d’Uramin répond à la volonté de diversification des sources de production d’uranium du groupe. Le groupe connaît alors des incertitudes sur l’avenir de la mine d’Imouraren au Niger ainsi qu’une inondation de sa mine canadienne dont l’exploitation est suspendue. Une telle justification garde aujourd’hui sa justification puisque la diversification du « risque » géopolitique demeure un objectif à poursuivre en matière minière.

● Au final, il semble acquis que l’acquisition d’Uramin s’est faite à un prix trop élevé, dans des conditions manifestement inadéquates et pour un intérêt stratégique qui s’est en partie estompé. Plus que la prise d’un risque industriel qui est la vocation d’être de l’entreprise, l’aspect critiquable de l’opération se trouve dans l’impréparation et la précipitation dans laquelle elle semble s’être déroulée.

Néanmoins, il convient de remarquer que la durée de vie d’un actif minier est étalée sur une longue période de temps et que la rentabilité de l’investissement pourrait être réelle à l’issue de cette durée de vie. De « bonnes surprises » – une remontée du prix de long terme de l’uranium, une exploitation plus aisée ou plus productive que prévu… – pourraient encore rattraper tout ou partie des coûts qui ont été engagés.

E.– LES PERSPECTIVES APRÈS FUKUSHIMA

L’ensemble de la stratégie d’Areva était fondé, jusqu’à présent, sur la perspective d’un renouveau du nucléaire. Le groupe avait pour objectif de gagner des parts de marché pour devenir le leader mondial du secteur et capter une grande part de la croissance attendue du marché.

● À court terme, l’accident de Fukushima remet en cause un tel scénario. Du fait de l’abandon de l’énergie nucléaire annoncé par l’Allemagne et du refus de l’Italie d’y recourir, Areva voit une partie de son chiffre d’affaires disparaître à terme ainsi qu’une opportunité de croissance qui ne se matérialisera pas. Par ailleurs, il semble probable que des projets de construction de centrales nucléaires soient remis, compte tenu du contexte créé par l’accident. Même si Areva tire 80 % de son chiffre d’affaires de services à la base installée et que le groupe n’est donc pas exposé au risque d’une chute brutale de son chiffre d’affaires, il voit néanmoins se réduire les perspectives de croissance qu’il anticipait avant l’accident de Fukushima.

En conséquence, le groupe Areva va probablement revoir à la baisse ses investissements et chercher à mieux maîtriser ses coûts. L’investissement dans une usine d’enrichissement d’uranium aux États-Unis – Eagle Rock – ne paraît plus prioritaire. Par ailleurs, dans l’hypothèse d’une faible croissance, voire d’une croissance négative, de son chiffre d’affaires, le groupe devra mieux maîtriser ses coûts qu’il ne l’avait fait au cours des dernières années. Il n’est pas impossible notamment que des économies sur les fonctions support ne soient à exclure.

Comme indiqué plus haut, le groupe Areva semble disposer de marges de manoeuvre financières suffisamment importantes pour faire face à une diminution profonde et durable de son activité.

Dans un tel contexte, l’apaisement des tensions avec son principal client, EDF, apparaît particulièrement bienvenu. Les contrats passés sur le renouvellement des générateurs de vapeur ou ceux qui devraient l’être prochainement, notamment sur l’approvisionnement en combustible, pourraient compenser partiellement les manques à gagner attendus à la suite de l’accident de Fukushima. Ils pourraient permettre, en particulier, d’éviter des fermetures de sites français qui devaient répondre à des commandes de nouveaux réacteurs nucléaires. Dans le nouvel environnement de marché qui s’est ouvert, Areva n’aurait pas pu se permettre de « se brouiller » durablement avec son principal client pour la simple raison que ses relais de croissance ont disparu à court terme et qu’EDF restera, pour encore plusieurs années, la principale source de revenus d’Areva.

● À long terme néanmoins, les perspectives de croissance du groupe pourraient demeurer et, si Areva a révisé à la baisse de 30 % sa prévision de croissance de la base installée nucléaire à l’horizon 2030, il anticipe toujours une croissance du marché de 50 %. Deux raisons expliqueraient une telle progression.

D’une part, si certains pays ont renoncé à l’énergie nucléaire, d’autres ont, en revanche, poursuivi leurs programmes de construction de nouvelles centrales. Parmi les pays émergents, les programmes chinois et indiens ne sont pas interrompus et pourraient tenir lieu de relais de croissance. En Europe, le projet d’EDF de construire quatre EPR au Royaume-Uni à l’horizon 2025 semble en bonne voie. D’autres pays européens, notamment les Pays-Bas et la Pologne, n’ont pas non plus renoncé à l’énergie nucléaire.

D’autre part, les fondamentaux sur lesquels reposait le printemps du nucléaire restent en partie valables. Ni les perspectives de hausse de la demande d’énergie à l’horizon 2050 ni l’impératif de réduire les émissions de dioxyde de carbone ne sont modifiées par l’accident de Fukushima. Toutefois, le surcroît de sûreté qui sera probablement attendu des installations nucléaires entraînera probablement des coûts supplémentaires dans la création d’installations nucléaires. La compétitivité de l’énergie nucléaire serait donc probablement réduite de ce fait.

À cet égard, il convient de remarquer que, paradoxalement, l’EPR pourrait bénéficier des exigences de sûreté renforcées requises dans le monde post-Fukushima. En effet, une partie des surcoûts qui le caractérise par rapport aux produits concurrents est due à des procédures et des dispositifs de sécurité plus poussés. Dans l’optique d’un renforcement des standards de sûreté, il pourrait donc constituer un atout dans la concurrence internationale.

● Au final, si les conséquences de l’accident de Fukushima ne sont pas encore précisément évaluées, il semble néanmoins acquis que la stratégie suivie par Areva au cours des dernières années, consistant en une stratégie volontariste de prise de parts de marché en vue de profiter pleinement de la hausse anticipée de la demande, ne semble plus adaptée. Plutôt qu’une croissance du chiffre d’affaires et du carnet de commandes, Areva devra désormais privilégier la maîtrise des coûts et la prudence dans la sélection des investissements.

III.– LA SITUATION FINANCIÈRE D’EDF

En réponse à la demande du Bureau de la commission des Finances, le Rapporteur spécial propose, dans le développement suivant, une analyse de la situation financière d’EDF, de son évolution depuis 2007 et des perspectives du groupe. Rappelons que, pour les raisons indiquées plus haut, une comparaison entre les comptes d’EDF et ceux d’Areva n’ont guère de sens.

En résumé, l’analyse des comptes du groupe EDF semble montrer que l’entreprise dégage une rentabilité opérationnelle d’un niveau relativement élevé et stable. Sa structure financière est caractérisée par un endettement relativement important mais soutenable.

Le Rapporteur spécial souhaite souligner le fait que le groupe EDF sera confronté, dans les années à venir, à d’importants investissements pour moderniser le parc nucléaire français et, parallèlement, pour mettre en œuvre sa stratégie de développement à l’international.

La priorité doit être donnée à la modernisation du parc nucléaire français et à l’amélioration de sa sûreté. De tels investissements relèvent d’un enjeu d’ordre public car ils conditionnent la sécurité des employés travaillant sur les sites et les populations qui vivent à proximité. Ils sont également protecteurs de l’intérêt social d’EDF, qui préserverait ainsi son avantage comparatif, et des perspectives commerciales de l’ensemble de la filière nucléaire française dont la réputation de sûreté est un atout dans la compétition internationale.

Le montant des investissements prévus en France n’est pas encore connu avec précision en raison des travaux d’amélioration de la sûreté qui pourraient être prochainement requis par l’autorité de sûreté nucléaire. Le Rapporteur spécial insiste sur le fait que les choix d’investissements en matière de sûreté doivent être fondés sur des critères techniques, et non financiers, de façon à garantir la sécurité la plus grande.

Pour réaliser l’ensemble de ces investissements, tant en France qu’à l’étranger, le groupe dispose de marges de manœuvre financières limitées par une génération de cash-flow par l’exploitation qui est déjà inférieure aux investissements réalisés et par l’impossibilité de procéder à des augmentations de capital qui ne pourrait être suivie par l’État et qui diluerait sa participation. En conséquence, EDF a prévu d’accroître, dans les années à venir, son endettement pour faire face à ces investissements.

Le groupe EDF, dont l’État détient 84 % du capital, exerce une activité qui relève d’un domaine quasi-régalien puisqu’elle touche à l’indépendance énergétique et à la protection des populations contre un risque industriel qui peut être potentiellement de grande ampleur. Il ne semble donc pas absurde que l’État soit vigilant sur les choix stratégiques faits par le groupe et qu’il les apprécie au regard d’impératifs qui dépassent la seule rentabilité de court terme de ses investissements.

A.– ANALYSE FINANCIÈRE DES COMPTES

1.– Une rentabilité globalement satisfaisante

Le graphique suivant retrace l’évolution des trois principaux indicateurs de la rentabilité d’EDF entre 2007 et 2010. En dépit de la crise économique, les marges restent satisfaisantes et les fondamentaux paraissent sains en dépit d’une année 2010 marquée par des provisions passées sur les activités internationales du groupe.

LA RENTABILITÉ D’EDF DE 2007 À 2010

(en % du chiffre d’affaires)

Source : calculs du Rapporteur spécial sur la base des documents de référence

Deux enseignements peuvent être tirés de l’analyse de la rentabilité du groupe entre 2007 et 2010.

● D’une part, le groupe semble disposer de fondamentaux sains. En dépit de la crise économique, l’excédent brut d’exploitation demeure robuste et la marge d’EBE reste à un niveau élevé, à environ 25 %. La marge nette – part du groupe – reste supérieure à 5 % de 2007 à 2009 et chute à 1 % en 2010 en raison de provisions passées sur des activités internationales. Les résultats du premier semestre 2011 semblent confirmer cette solidité en affichant une croissance organique de l’EBE de 6,2 % et une marge nette – part du groupe – qui, à 7,6 %, retrouverait un niveau proche de celui constaté avant-crise.

Ces résultats globalement satisfaisants sont obtenus en dépit de décisions publiques qui amputent les résultats du groupe. La prolongation du TaRTAM conduit à constater une provision de 380 millions d’euros en 2010. Surtout, la contribution au service public de l’électricité (CSPE) ampute de manière substantielle le résultat du groupe et le conduit à porter un besoin de financement et les frais financiers qui l’accompagnent en lieu et place de l’État.

Rappelons que la CSPE a pour objet principal de compenser à EDF le coût résultant du rachat, à un prix fixé réglementairement à un niveau supérieur à celui du marché, de la production d’électricité par des sources d’énergies renouvelables. Depuis 2009, les charges liées à ce dispositif ont fortement augmenté, du fait notamment du poids croissance de l’énergie photovoltaïque, alors que la compensation versée à EDF est restée stable. Il en a résulté des déficits annuels de plusieurs centaines millions d ‘euros par an depuis 2009 – venant dégrader à due concurrence le résultat de l’entreprise – et un déficit cumulé estimé à 2,8 milliards d’euros à fin 2011.

À l’initiative de nos collègues Jean Launay et Michel Diefenbacher, la loi de finances pour 2011 a prévu un dispositif permettant une résorption progressive jusqu’en 2015. Les coûts essuyés par EDF seraient donc compensés à cette date et l’entreprise bénéficierait, de 2013 à 2015, d’un excédent de produits venant améliorer son résultat.

Néanmoins, selon les informations transmises au Rapporteur spécial, les charges que les décisions publiques font porter sur EDF auraient eu tendance à croître sensiblement depuis la mise en œuvre de la réforme des marchés de l’énergie. La mise à contribution du groupe au titre de la poursuite de divers objectifs de politique publique – ouverture à la concurrence du marché, soutien aux énergies renouvelables – ne doit pas mettre à mal sa capacité à assumer les investissements substantiels qu’il est appelé à assumer dans les années à venir.

● D’autre part, une telle rentabilité est principalement assurée par les activités françaises qui génèrent 55,5 % du chiffre d’affaires mais 60,9 % de l’EBE en 2010. En d’autres termes, elles apparaissent plus rentables que les autres activités du groupe, notamment celles développées à l’international. La pérennité d’une telle situation n’est toutefois pas assurée dès lors que l’ouverture à la concurrence du marché français devrait probablement se traduire par des pertes de parts de marché et par une diminution de la rentabilité d’EDF qui serait liée à une éventuelle concurrence par les prix. Rappelons que l’impact de l’ouverture à la concurrence devrait être plus sensible que lors de la décennie 2000 en raison des dispositions de la loi NOME permettant l’accès des nouveaux entrants à la production d’énergie nucléaire d’EDF et de la réattribution, entre 2012 et 2015, de concessions hydroélectriques représentant 20 % de la production à partir de cette source d’énergie.

Le développement du groupe à l’international a, en revanche, justifié des provisions qui ont pesé sur les résultats du groupe et expliquent en grande partie la faible marge nette – 1 %. Le montant net d’impôt des provisions s’est établi à 1 042 millions d’euros sur les filiales américaines, 915 millions d’euros sur l’Italie et 395 millions d’euros sur le Royaume-Uni. Au total, ces provisions sont venues néanmoins amputer le résultat du groupe de près de 2,4 milliards d’euros en 2010. Le développement international du groupe fait l’objet d’une analyse plus bas.

2.– Un endettement élevé mais soutenable

Le tableau suivant récapitule les principaux indicateurs permettant d’apprécier l’endettement d’EDF.

L’ENDETTEMENT D’EDF ET SON IMPACT

 

2007

2008

2009

2010

Endettement financier net ramené aux fonds propres (part du groupe)

59,8 %

106,1 %

152,0 %

109,8 %

Dette financière nette/Excédent brut d’exploitation

1,1

1,7

2,4

2,1

Coût de l'endettement financier net (en % du chiffre d'affaires)

– 2,5 %

– 2,6 %

– 4,1 %

– 4,2 %

Coût de l'endettement financier net (en % de marge opérationnelle)

– 14,9 %

– 20,9 %

– 26,8 %

– 44,1 %

Source : calcul du Rapporteur spécial sur la base des documents de référence

L’analyse de ces indicateurs permet de tirer deux enseignements.

En premier lieu, la structure financière d’EDF s’est nettement dégradée de 2007 à 2009 en raison de son développement international. Alors que l’ensemble des indicateurs se détériore sensiblement en l’espace de deux ans, le groupe procède à des opérations de croissance externe aux États-Unis et au Royaume-Uni, qui expliquent la plus grande partie de la hausse de 30 milliards d’euros de l’endettement financier net entre 2007 et 2009 – ces opérations étant décrites plus bas.

En second lieu, en dépit de cet accroissement brutal de son endettement, la solvabilité du groupe ne semble pas être mise en danger. EDF dégage des résultats substantiels et réguliers qui l’autorisent à financer une part importante de son activité par endettement. Ainsi, le rapport entre dette financière nette et excédent brut d’exploitation reste à un niveau raisonnable, à 2,1 en 2010. En d’autres termes, l’ensemble de la dette nette du groupe pourrait être remboursé en un peu plus de deux ans du seul fait des flux de trésorerie générés par l’exploitation si EDF renonçait à tout investissement ou versement de dividende.

La solvabilité du groupe semble d’autant plus garantie qu’un mouvement de désendettement s’est engagé en 2010, avec la cession des réseaux de distribution d’électricité au Royaume-Uni et de la filiale allemande EnBW. Il semble s’être poursuivi au premier semestre 2011, avec un ratio dette financière nette/fonds propres ramené en deçà de 100 %, à 93,3 %.

Il convient néanmoins de noter qu’une telle diminution est en partie optique car liée à des raisons purement comptables et à la déconsolidation de RTE, en charge du réseau d’infrastructures de transport de l’électricité. Le groupe EDF a en effet constaté que, à la suite de la modification de la composition du conseil d’administration de cette société, il ne disposait plus d’influence notable au sein de l’entreprise. En conséquence, elle est consolidée, non plus selon la méthode de l’intégration globale, mais par mise en équivalence. L’ensemble des actifs et de la dette de RTE n’apparaît donc plus au bilan d’EDF – seule la valeur nette de la participation y émargeant. Cette évolution comptable a permis, de ce fait, une réduction automatique de l’endettement du groupe.

B.– LES INVESTISSEMENTS À VENIR DANS LE PARC NUCLÉAIRE FRANÇAIS

Le groupe EDF va faire face, en France, à d’importants investissements pour moderniser le parc nucléaire, accroître sa sûreté et assurer dès maintenant le financement du démantèlement des installations et de la gestion des déchets.

Le Rapporteur spécial estime que ces investissements sont la condition de la crédibilité du nucléaire et de son acceptabilité. Ils justifient d’ailleurs largement la fixation de l’ARENH à 42 euros, conformément au souhait d’EDF. Un tel niveau, s’il est inférieur au coût complet supporté par EDF, semble néanmoins suffisamment élevé pour lui permettre de réaliser les investissements nécessaires au maintien d’un haut niveau de sûreté.

En conséquence, ces investissements doivent être considérés comme absolument prioritaires et leur montant doit être calculé de manière fidèle et sincère. Un accident nucléaire serait une catastrophe sanitaire mais également un coup probablement définitif porté à la réputation de la filière nucléaire française, et au premier chef d’EDF. Dans ces conditions, il convient de rejeter les raisonnements à courte vue, qui consistent à réduire aujourd’hui les investissements pour prendre demain le risque d’un accident.

Les investissements prévus par EDF seraient d’un montant proche de 15 milliards d’euros jusqu’en 2015. Un tel montant ne prend pas en compte deux principaux aléas à la hausse liés à d’éventuelles exigences de l’ASN pour améliorer la sûreté des centrales et à une réévaluation du coût de gestion des déchets. Il convient de noter que d’autres aléas existent sur le montant prévisionnel des investissements à réaliser jusqu’en 2015, avec notamment les incertitudes sur le coût final de l’EPR de Flamanville.

1.– Moderniser et garantir la sûreté du parc nucléaire français

Le groupe EDF fait face à un montant important d’investissements à mener pour moderniser le parc nucléaire français, permettre la prolongation de sa durée de vie et accroître sa sûreté dans le contexte post-Fukushima.

● Le Rapporteur spécial estime que l’énergie nucléaire constitue la solution décarbonée la moins coûteuse et qu’elle doit être privilégiée. Toutefois, il est indispensable de réaliser l’ensemble des investissements nécessaires pour garantir un haut niveau de sûreté du parc nucléaire français.

La modernisation du parc nucléaire français peut passer par deux voies différentes. La première consiste à démanteler les centrales existantes pour les remplacer par de nouvelles centrales de troisième génération. La seconde passe par la prolongation de la durée de vie des centrales – qu’EDF souhaite voir passer de 40 ans à 60 ans. Cette dernière solution serait la plus économique car l’investissement serait largement inférieur à celui nécessaire à la construction de nouvelles tranches nucléaires tel que l’EPR de Flamanville. Cette solution présente également l’avantage, d’un point de vue financier, de repousser le moment du démantèlement des centrales et donc de limiter la valeur de ces opérations en euros d’aujourd’hui.

● Le Rapporteur spécial note néanmoins que la prolongation de la durée de vie des centrales ne pourra être acceptée qu’à la condition que l’ensemble des garanties de sûreté requises par l’autorité de sûreté nucléaire soit mis en œuvre. Rappelons que, à la suite de l’accident de Fukushima, l’ASN a été chargée de faire un point sur l’état de sûreté des installations nucléaires françaises et, le cas échéant, sur les voies et moyens de son amélioration. Les exploitants, EDF à titre principal, ont rendu, le 15 septembre dernier, un rapport sur l’état de chacune des installations dont ils ont la charge. L’ASN dispose d’un délai de deux mois pour émettre un avis sur la sûreté des centrales nucléaires et, le cas échéant, sur les travaux à engager pour l’améliorer. À titre d’exemple, il est probable que, tirant les leçons de l’accident de Fukushima, des moyens de répondre à une crise située en dehors des sites soient mis en place et que la mise en place de sources alternatives de refroidissement des réacteurs soit nécessaire.

En tant que plus ancienne centrale de France, la centrale de Fessenheim est souvent citée comme un site pouvant nécessiter des travaux. Selon les informations recueillies par le Rapporteur spécial, il serait nécessaire d’accroître l’épaisseur du radier de la centrale – la dalle de béton l’isolant de la terre – pour éviter une éventuelle contamination qui pourrait se propager au Rhin et polluer l’aval du fleuve. Il serait également requis d’assurer une source d’approvisionnement en eau alternative. Si l’ASN confirmait la nécessité de ces travaux, ils devront être réalisés.

La prolongation de la durée de vie des centrales est déjà anticipée par EDF qui calibre ses opérations de maintenance par rapport à un tel objectif. À titre d’exemple, les générateurs de vapeur qui sont en cours de changement devraient pouvoir être utilisés sur une durée de vie de 60 ans par centrale.

Dans l’attente d’une évaluation plus précise des surcoûts liés aux recommandations de l’ASN faisant suite à l’accident de Fukushima, le montant exact des investissements à réaliser en France pour moderniser le parc nucléaire est inconnu. Le programme d’investissements sur la période 2011-2015 reste donc inchangé et consiste en une augmentation des investissements dans la maintenance de 1,7 milliard d’euros en 2011 à environ 3,5 milliards d’euros en 2015, soit un investissement qui dépasserait probablement les 10 milliards d’euros sur la période.

2.– Prévoir le financement du démantèlement des centrales existantes et de la gestion des déchets

● La loi de programme du 28 juin 2006 a prévu que, à compter de l’année 2011, les exploitants d’installations nucléaires doivent couvrir par des actifs dédiés le montant prévisible des coûts de démantèlement des centrales et de gestion de déchets. Si Areva a rempli ses obligations dans les délais légaux, tel n’était pas le cas d’EDF dont les actifs dédiés, d’un montant de 15,8 milliards d’euros, ne couvraient que 87 % des provisions passées au 30 juin 2011, d’un montant total de 18,1 milliards d’euros.

Ce dernier montant est constitué de 9,5 milliards d’euros de provisions pour démantèlement des centrales REP, 6,5 milliards d’euros pour la gestion des déchets radioactifs, 1,7 milliard d’euros pour la déconstruction des centrales de première génération et 0,4 milliard d’euros pour la gestion du combustible usé du dernier cœur. Le portefeuille d’actifs dédiés est composé en fonction de critères légaux et réglementaires. Il contient, au 30 juin 2011, pour 6,9 milliards d’euros d’obligations, pour 6,5 milliards d’euros d’actions et, pour 2,3 milliards d’euros, 50 % de la participation dans RTE.

La loi NOME a repoussé cette date limite à mi-2016. Jusqu’à cette date, EDF a prévu de constituer pour 0,4 milliard d’euros d’actifs par an
– et 0,2 milliard d’euros en 2016. Au total, EDF devrait donc accroître son endettement d’environ 2,2 milliards d’euros pour satisfaire à cette obligation. Il semble qu’une telle évaluation soit une fourchette basse dans la mesure où elle ne semble pas prendre en compte le fait que les provisions augmentent chaque année spontanément du fait du rapprochement de la date de la dépense.

● Deux remarques doivent être faites sur les actifs ainsi dédiés et le montant des provisions passées.

D’une part, EDF a affecté, en 2010, 50 % de sa participation de 100 % dans RTE, en charge du réseau de transport d’électricité. Selon les informations transmises au Rapporteur spécial, EDF n’aurait pas à faire appel au capital de RTE pour financer les décaissements prévus selon les estimations d’évolution moyenne du portefeuille. Néanmoins, une telle affectation conduit le Rapporteur spécial à ne pas exclure que cette participation doive être cédée, à un horizon certes éloigné, pour financer le démantèlement des centrales en fin de vie et le retraitement des déchets.

Rappelons que la loi prévoit que RTE ne peut être détenu que par le secteur public et que, dans l’hypothèse où la participation de 50 % devait être cédée, une institution publique devra donc assurer la reprise de la société. Pour EDF, l’intérêt d’une telle affectation réside dans le fait que l’affectation de cette participation évaluée à 2,3 milliards d’euros lui évite d’accroître son endettement d’autant pour satisfaire aux obligations légales.

D’autre part, il convient de remarquer que les provisions de 18,1 milliards d’euros passées au 30 juin 2011 pourraient voir leur montant modifié. Selon les informations recueillies par le Rapporteur spécial, l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) estimerait le coût du stockage de long terme des déchets fortement radioactifs et à vie longue à un niveau supérieur à celui anticipé par EDF – qui l’estime à 6,5 milliards d’euros. À cet égard, de la même manière que la sûreté des installations doit reposer sur une approche technique et non financière, le Rapporteur spécial estime que la sûreté des installations de stockage de déchets, qui engage sur plusieurs milliers d’années, doit être une priorité.

En conséquence, il n’est pas impossible que le montant des provisions passées au titre de la gestion des déchets doive être revu à la hausse et entraîne une augmentation à due concurrence de l’endettement du groupe. Rappelons que ce coût dépend largement des hypothèses qui sous-tendent son évaluation. Le taux d’actualisation notamment, fixé par les autorités politiques, peut faire fortement varier le coût.

C.– LE DÉVELOPPEMENT À L’INTERNATIONAL

Le groupe EDF a pour objectif de réaliser la moitié de son chiffre d’affaires à l’international à l’horizon 2020. Un tel objectif représenterait une hausse de l’ordre de 5 points de la part de l’international dans les ventes et semble donc raisonnable. La stratégie suivie consiste à viser en priorité les pays dans lesquels l’entreprise peut développer son savoir-faire en matière nucléaire et passe par la prise de contrôle d’énergéticiens locaux.

La forte position dont bénéficie EDF sur le marché français permet au groupe de dégager des bénéfices substantiels et réguliers. Ces fonds sont, en partie, réinvestis dans le développement du groupe à l’international traduit principalement par l’acquisition de British Energy au Royaume-Uni et par le partenariat, aujourd’hui avorté, avec Constellation aux États-Unis.

Il semble que l’objectif de groupe soit d’anticiper des pertes de parts de marché dues à l’ouverture à la concurrence du marché français et de les compenser par le gain de parts de marché à l’international. La loi NOME a ainsi ouvert un quart de la production nucléaire du groupe à ses concurrents et 20 % de sa capacité de production hydroélectrique devrait faire l’objet, jusqu’en 2015, d’une procédure de réattribution en conformité avec les règles communautaires de concurrence. En conséquence, compte tenu de ces mesures tendant à accroître la concurrence sur le marché français de l’énergie, il semble inévitable qu’EDF perde des parts de marché. La recherche de relais de croissance et synergies à l’international fait donc sens pour préserver le volume d’activité du groupe et sa rentabilité.

À ce stade, la rentabilité des activités à l’international reste encore inférieure à celles menées en France, celles-ci représentant 55,5 % du chiffre d’affaires mais 60,9 % de l’excédent brut d’exploitation en 2010. À périmètre et taux de change constants, l’excédent brut d’exploitation à l’international diminue de 4,1 %, en raison probablement de l’arrêt non prévu de la centrale de Sizewell en Grande-Bretagne.

Par ailleurs, l’année 2010 a donné lieu à la constatation de provisions d’un montant total de 2,4 milliards d’euros du fait des opérations menées à l’étranger, principalement aux États-Unis et en Italie. Le développement international d’EDF peut donc rencontrer des obstacles ou des échecs. Le développement suivant a pour objet de faire un point sur les principales opérations de croissance externe dans des pays étrangers.

● Finalisé le 6 janvier 2009, le rachat de British Energy, au Royaume-Uni, constitue le principal élément du développement du « nouveau nucléaire », c’est-à-dire de la construction de nouvelles centrales – des EPR. D’après les informations recueillies par le Rapporteur spécial, une telle opération serait cruciale pour pérenniser le savoir-faire du groupe en matière nucléaire. Le Royaume-Uni offrirait la possibilité de construire quatre unités à un horizon d’une dizaine d’années. La compétence du groupe en la matière, notamment son savoir-faire d’architecte-ensemblier pour la construction de centrale et d’exploitant de centrales de 3ème génération, aurait donc l’opportunité de se renforcer, permettant ainsi la consolidation du principal avantage comparatif de groupe – son expérience dans le nucléaire. En ce sens, le principal actif de British Energy serait probablement la détention de terrains sur lesquels la construction de centrales nucléaires pourrait être envisageable.

L’opportunité de développer de nouvelles activités nucléaires au Royaume-Uni semble avoir été confirmée par la réaction du Gouvernement britannique à la suite de l’accident de Fukushima. Les pouvoirs publics ont en effet confirmé leur accord de principe sur la construction de nouvelles centrales nucléaires et, d’après les informations transmises au Rapporteur spécial, se seraient également engagés à accroître progressivement le prix du carbone, ce qui contribuerait à accroître la compétitivité de l’EPR face aux énergies fossiles. La première traduction en serait la fixation récente, par voie législative, d’un prix plancher du carbone. Elle a été complétée par le vote, le 18 juillet 2011, de la Déclaration nationale de politique nucléaire qui entérine la décision du Gouvernement de recourir à l’énergie nucléaire pour couvrir les besoins futurs d’énergie du pays.

L’acquisition de British Energy fait donc sens sur le plan stratégique et l’aléa réglementaire qui pèse sur cet investissement semble en voie de sécurisation. Il convient toutefois de remarquer que le pari pris par EDF s’accompagne d’un risque financier qui n’est pas négligeable.

EDF semble avoir acquis la société à un prix relativement élevé, à 765 pences par action alors que l’APE recommandait un prix de 750. British Energy représente un investissement de 12,6 milliards d’euros, soit un écart par rapport à la valeur comptable de ses actifs – un « goodwill » – de 5,3 milliards d’euros. Cette différence substantielle entre valeur d’acquisition et valeur de marché tient au fait qu’une grande partie de l’outil industriel de British Energy était amortie.

Selon les informations recueillies par le Rapporteur spécial, une telle différence se justifie par les avantages dont bénéficierait EDF du fait de la reprise de l’entreprise et qui ne ressortent pas, par définition, dans les comptes de British Energy avant acquisition. Trois éléments expliqueraient ce potentiel de valorisation de l’entreprise :

– les synergies avec le reste du groupe EDF – par exemple, dans le trading ou l’échange de bonnes pratiques en matière d’exploitation nucléaire – permettraient des économies évaluées à 1,1 milliard d’euros. L’objectif de 160 millions de livres fixé pour 2011 aurait été atteint avec un an d’avance ;

– l’extension de la durée de vie des centrales aujourd’hui détenues par British Energy entraînerait un surplus de résultats de l’ordre de 2,4 milliards d’euros. Selon les informations recueillies par le Rapporteur spécial, l’extension de cinq ans de la durée de vie des centrales de Heysham et Hartlepool, dont la fin de vie était initialement prévue en 2014, aurait été décidée, conformément aux hypothèses faites lors de l’acquisition. L’objectif de prolongation de 20 ans de la durée de vie de la centrale de Sizewell serait également envisageable ;

– enfin et surtout, la construction de nouveaux EPR en Grande-Bretagne
– le « nouveau nucléaire » – serait valorisée à 3,3 milliards d’euros.

Au final, selon EDF, la valeur actuelle nette qui pourrait être retirée de British Energy serait de l’ordre de 13,9 milliards d’euros, ce qui rendrait donc rentable l’investissement de 12,6 milliards d’euros réalisé.

On constate néanmoins que le risque principal auquel est exposé EDF est celui associé au « nouveau nucléaire ». L’investissement réalisé dans British Energy dépendra donc en grande partie, d’abord de la volonté des autorités britanniques de poursuivre le programme de construction de centrales nucléaires et, ensuite, de la compétitivité de l’EPR face aux autres sources d’énergie. Sur le premier point, le risque semble en réduction mais des revirements politiques ne sont pas à exclure. Sur le second point, aucun EPR n’étant en activité et le prix du carbone à l’horizon 2025 étant inconnu, sa compétitivité est encore largement inconnue.

Le bien-fondé de l’acquisition de British Energy ne sera donc vérifié qu’à un horizon temporel éloigné correspondant à l’éventuelle mise en service des premiers EPR appelés à être construits. EDF a donc pris, dans cette opération, un risque industriel qui l’engage sur une durée importante et qui pourrait déterminer en grande partie sa capacité à conserver, à long terme, son savoir-faire en matière nucléaire et son avantage comparatif sur le marché de la production d’énergie. L’acquisition est cohérente avec le cœur de métier du groupe et avec sa stratégie de développement à l’international.

● Mettant fin à un partenariat de trois ans, l’accord du 3 novembre 2010 entre EDF et Constellation Energy Group la tentative d’accès d’EDF au marché américain conclut sur une perte probable d’un milliard d’euros.

Entre 2007 et 2009, EDF et Constellation ont conclu plusieurs accords qui ont conduit le groupe français à prendre les quatre engagements suivants :

– une participation de 7,24 % au capital de Constellation ;

– une participation de 50 % dans Unistar, co-entreprise détenue avec Constellation, dont l’objectif est de mener un programme de construction de réacteurs nucléaires aux États-Unis ;

– une participation de 49,99 % dans Constellation Energy Nuclear Group (CENG), filiale de Constellation détenant les actifs nucléaires existant du groupe américain ;

– alors qu’à l’automne 2008, Constellation pâtissait de problèmes de liquidité, EDF s’est également engagé à acquérir, sur demande de Constellation et pour une durée de deux ans jusqu’au 31 décembre 2010, onze actifs non nucléaires – principalement des centrales à charbon – pour un montant maximum de 2 milliards d’euros.

La justification de ce dernier engagement suscite des interrogations. Il a, en tout état de cause, contribué à affaiblir la position d’EDF dans la négociation sur la rupture du partenariat.

Cette négociation a débouché le 3 novembre 2010. EDF cède une partie de ses actions dans Constellation, ramenant ainsi sa participation de 8,4 % à 7,2 %, et verse 140 millions d’euros au groupe américain. En contrepartie, Constellation cède sa participation dans Unistar, filiale appelée à développer le nouveau nucléaire aux États-Unis, et lui adjoint les terrains de Nine Mile Point et R.E. Ginna nécessaires à la construction de nouvelles centrales nucléaires. Constellation renonce également à son option de ventes des actifs non nucléaires.

Au final, EDF aura essuyé une perte de 1 milliard d’euros pour le seul bénéfice de la propriété des terrains nécessaires à la construction de nouveaux réacteurs nucléaires. Le résultat de ce développement aux États-Unis ne paraît donc guère positif.

Compte tenu de ces actifs fonciers, EDF pourrait poursuivre son développement aux États-Unis mais celui-ci est soumis à une double condition. D’une part, la loi américaine contraint le groupe français à exploiter l’énergie nucléaire avec un partenaire détenant la majorité du capital de la société qui est appelée à mener une telle activité. D’autre part, la compétitivité de l’EPR, notamment face aux gaz de schiste, ne semble pas établie à ce stade, ce qui repousse sine die tout projet d’investissement.

● Enfin, le développement du groupe EDF en Italie ne semble pas donner entière satisfaction pour trois raisons.

En premier lieu, à la suite d’un référendum au cours de l’année 2011, le principe d’un renouveau du nucléaire en Italie a été rejeté. Les projets de constructions de centrales nucléaires, en partenariat notamment avec Enel, sont donc abandonnés et ne paraissent pas pouvoir être remis à l’ordre du jour à un horizon prévisible. Le développement d’EDF en Italie perd donc une partie de son intérêt dès lors que le groupe ne peut ni exploiter ni entretenir son savoir-faire en matière nucléaire, qui le distingue de ses concurrents.

En deuxième lieu, le groupe a constaté, au 31 décembre 2010, des provisions d’un montant total de 915 millions d’euros, liées à ses activités italiennes. Une provision de 162 millions d’euros a été passée pour prendre en compte l’impact, sur la société Fenice, du non-renouvelement de certains contrats et de la baisse des prix et des volumes d’électricité. Le solde serait lié à des résultats d’Edison inférieurs aux prévisions, en raison notamment de la renégociation de ses contrats d’approvisionnement en gaz et de risques sur les activités de la société en Égypte.

Enfin, le groupe EDF est confronté à des obstacles dans la réalisation de son objectif de prise de contrôle d’Edison, deuxième énergéticien italien et dont il détient déjà une partie du capital. Un tel objectif est justifié par les synergies qui pourraient être réalisées avec le reste du groupe, notamment en matière de trading et de négociation des contrats d’approvisionnement en gaz. Toutefois, dans un contexte créé par des tentatives de prise de contrôle de plusieurs sociétés italiennes de premier plan par des investisseurs français, la société Delmi, co-actionnaire d’Edison et regroupant plusieurs villes italiennes, s’oppose à un tel projet. En l’absence d’accord, l’issue d’un tel conflit serait la mise aux enchères des actions d’Edison.

En somme, dans la perspective de l’atteinte d’un objectif de 50 % de chiffre d’affaires à l’international, le développement en Italie semble inévitable. Il a néanmoins perdu une partie de son intérêt dès lors qu’EDF ne sera probablement pas en mesure d’y exploiter son savoir-faire en matière nucléaire.

D.– LA QUESTION DU FINANCEMENT DU PROGRAMME D’INVESTISSEMENT

Le groupe EDF va donc faire face à d’importants investissements en France, dont il n’est pas impossible que le montant doive être revu à la hausse pour tirer les leçons de l’accident de Fukushima. Compte tenu de ses ambitions à l’international, il devra également financer son développement à l’étranger, probablement par acquisitions.

 Or, le financement d’un tel programme d’investissement est contraint par quatre éléments.

En premier lieu, alors que les investissements réalisés en 2010 seraient d’un montant inférieur à ceux qui sont appelés à être réalisés dans les années à venir, ils apparaissent, dès 2010, supérieurs aux flux de trésorerie générés par l’exploitation, pour 3,8 milliards d’euros. Avant même la montée en charge du programme d’investissements, ceux-ci apparaissent structurellement supérieurs à la capacité de financement dégagée par l’exploitation.

En deuxième lieu, il est peu probable que les flux de dividendes
– montant total des flux envers les actionnaires de 2,4 milliards d’euros en 2010 – connaissent une diminution dans les années à venir. Compte tenu de la situation financière de l’État, il est en effet probable que les remontées de dividendes demeurent substantielles pour contribuer à la réduction du déficit public. Le groupe prévoit d’ailleurs, jusqu’en 2015, un taux de distribution élevé, compris entre 55 % et 65 %.

En troisième lieu, l’hypothèse d’un financement du développement d’EDF par un recours à l’augmentation de capital semble exclue à un horizon prévisible. L’État, en effet, n’aurait probablement pas les moyens financiers requis pour suivre une telle augmentation de capital et, parallèlement, refuse de voir sa participation diluée (2). Le financement en fonds propres pourrait néanmoins être assuré par l’ouverture du capital de filiales, comme cela a été fait avec British Energy dans lequel l’espagnol Centrica a pris une participation de 20 % et ainsi facilité la réalisation de l’acquisition d’EDF. Une telle pratique est utile pour financer des investissements nécessitant d’importants capitaux et a également été utilisée par GDF-Suez, qui a ouvert le capital de sa filiale d’exploration-production, et pourrait l’être par Areva pour le financement de ses activités minières. Dès lors qu’EDF souhaite garder le contrôle opérationnel sur ses filiales et donc limiter la participation d’éventuels partenaires, une telle voie ne saurait toutefois pas répondre à l’ensemble des besoins de financement du groupe.

Du fait de ces trois éléments, il existe, dès 2010, une tendance à l’accroissement de l’endettement, qui devrait être renforcée avec la montée en charge du programme d’investissements. Le groupe a effectivement prévu un accroissement de son endettement qui, d’un montant représentant 2,1 fois l’excédent brut d’exploitation, pourrait atteindre, au maximum, 2,5 en 2015. Le poids de l’endettement, et probablement sa proportion par rapport aux fonds propres, sont donc appelés à augmenter jusqu’en 2015 et atteindraient un plafond qui limiterait leur capacité à financer le programme d’investissement.

● Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, le financement d’investissements non prévus, en particulier pour améliorer la sûreté des installations nucléaires françaises, pourrait encore être financé par deux autres voies.

D’une part, l’amélioration de sa rentabilité opérationnelle pourrait permettre un accroissement de l’excédent brut d’exploitation, des résultats et de la capacité à supporter l’endettement. À cet égard, l’augmentation du coefficient d’exploitation des réacteurs nucléaires du groupe apparaît centrale pour améliorer la performance du groupe. Par ailleurs la rentabilité opérationnelle du groupe pourrait être mécaniquement améliorée de plusieurs centaines de millions d’euros entre 2013 et 2015 du fait de l’excédent de compensation appelé à être versé pour résorber le déficit cumulé lié à la CSPE.

D’autre part, des cessions d’actifs pourraient, en dernier ressort, être opérées pour assurer le financement du groupe. Si elles devaient avoir lieu, il ne semble pas absurde qu’une entité comme RTE, dont une partie de la participation détenue par EDF a été affectée au financement de la fin de vie des centrales, soit en partie cédée à un acteur public.

Dans l’hypothèse où l’ensemble de ces éléments conduisait à constater que le programme d’investissements du groupe n’est pas entièrement financé, le groupe EDF serait conduit à faire des choix dans les investissements prévus.

À cet égard, le Rapporteur spécial estime que la priorité doit résider dans la modernisation du parc nucléaire français et dans l’amélioration de sa sûreté. Une telle priorité satisferait tant les impératifs de protection des populations que l’intérêt social de l’entreprise et le pouvoir d’achat futur des ménages. Au sein de cette activité quasi-régalienne qu’est l’exploitation d’installations nucléaires, la protection des salariés du groupe et des riverains de sites nucléaires doit être une priorité. L’intérêt de long terme du groupe – mais également de l’ensemble de la filière nucléaire française – est également de préserver un haut niveau de sûreté de ses installations nucléaires, qui constitue un avantage comparatif majeur dans la concurrence internationale. Enfin, les investissements en matière de sûreté sont absolument requis pour maintenir la part du nucléaire dans le mix énergétique et ainsi préserver un niveau de prix inférieur à la moyenne européenne, le pouvoir d’achat des ménages et la compétitivité des industries intensives en énergie.

E.– LES INTERROGATIONS AUTOUR DU RACHAT D’EDF ÉNERGIES NOUVELLES

Le rachat d’EDF Énergies nouvelles (EDF EN) a représenté un investissement de l’ordre de 1,5 milliard d’euros. Conformément à la ligne directrice suivie par EDF dans le cadre de ses acquisitions, l’objectif était d’assurer le contrôle du groupe sur une filiale centrale dans la diversification du groupe. L’opération menée par EDF met toutefois en lumière deux aspects contestables de sa stratégie.

● D’une part, EDF a pris une participation de 50 %, en 2000, dans cette entreprise dont le reste du capital était alors détenu par un investisseur privé. Le groupe a participé au développement de l’entreprise, en lui faisant notamment bénéficier de son nom à partir de 2004. Finalement, EDF rachète la part du public – 24,5 % du capital depuis l’introduction en Bourse en 2006 – et surtout celle de l’investisseur privé – 25,1 % du capital – qui profiterait ainsi d’une plus-value substantielle.

Certes les conditions de mise en œuvre de l’acquisition auraient été plutôt favorables à EDF. La prime payée par le groupe se serait établie à seulement 8 % par rapport aux derniers cours de Bourse – ceux-ci ayant néanmoins progressé d’environ 30 % depuis 2008. Par ailleurs, l’investisseur privé aurait été payé à hauteur de 50 % en titres EDF, ce qui aurait limité l’apport en cash du groupe.

Toutefois, la stratégie consistant à développer une activité pendant près d’une décennie pour être finalement conduit à la racheter à un prix relativement élevé pose question. Il semble, en particulier, qu’EDF n’ait pas suffisamment anticipé le potentiel de développement des énergies renouvelables et qu’en conséquence le groupe ait racheté EDF EN à un prix élevé, dû à l’engouement des investisseurs pour ce secteur en expansion et traduit par la hausse de 30 % de la valorisation boursière de la société entre 2008 et son rachat.

● D’autre part, d’après les informations recueillies par le Rapporteur spécial, le développement d’EDF EN ne s’accompagnerait pas de la constitution d’une filière industrielle des énergies renouvelables en France. La plupart des produits – et notamment des panneaux photovoltaïques – seraient acquis auprès de sous-traitants installés dans des pays à bas coûts. Compte tenu des perspectives de croissance du secteur et alors que l’Allemagne semble s’être engagée dans le développement d’une telle filière, il est regrettable que la principale entreprise française du secteur de l’énergie ne suive pas une voie similaire. Il n’existe pourtant pas de doute que les ingénieurs d’EDF, qui sont la force du groupe et qui ont développé, avec la filière nucléaire, une filière d’excellence, soient en mesure de relever un tel défi.

Au-delà du développement du groupe, le développement d’une telle filière apparaît crucial pour renforcer la compétitivité de l’économie française en mettant dès aujourd’hui en place les fondations d’un secteur qui pourrait dégager une importante valeur ajoutée d’ici quelques années.

Le Rapporteur spécial insiste donc sur le fait qu’EDF, société détenue à hauteur de 84 % par l’État et principal énergéticien français, ne saurait se contenter de préserver son avantage dans le nucléaire. Tant son intérêt que celui de l’ensemble de l’économie française réclament son développement dans le secteur des énergies renouvelables et la constitution, autour d’EDF EN, d’une filière industrielle propre à ce secteur.

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* *

SECONDE PARTIE : ÉLÉMENTS BUDGÉTAIRES RELATIFS AUX COMPTES SPÉCIAUX SUIVIS PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

I.– LE COMPTE D’AFFECTATION SPÉCIALE PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE L’ÉTAT

A.– UN COMPTE SOUS TENSION

Le compte d’affectation spéciale est caractérisé, depuis le début de l’année 2011, par une tension due à de faibles recettes qui doivent couvrir des dépenses inévitables. Compte tenu de cette situation, aucune recette ne devrait être affectée au désendettement en 2011 et il est probable qu’un tel cas de figure se reproduise en 2012.

Au cours de l’exercice 2011, comme en 2009 et en 2010, les cessions d’actifs se révèlent particulièrement difficiles à mettre en œuvre en raison de conditions de marché dégradées. Seules deux opérations ont ainsi été réalisées jusqu’à présent, pour des montants limités – cessions de 65,99 % de la participation de l’État dans l’agence pour la diffusion de l’information technologique pour 13,2 millions d’euros et vente des Thermes nationaux d’Aix-les-Bains pour 3 millions d’euros.

Ces recettes devraient être complétées d’ici à la fin de l’année par une réduction de capital de la Société nationale des poudres et explosifs (SNPE), pour 180 millions d’euros, faisant suite à la cession à Safran de sa filiale Matériaux énergétiques, et d’un boni de liquidation sur l’Entreprise minière et chimique (EMC), pour 50 millions d’euros.

En dépenses en revanche, le compte a supporté des dépenses relativement importantes. La libération de la première tranche de l’augmentation de capital de La Poste a mobilisé 466,67 millions d’euros en avril dernier. Les deux dernières libérations de l’augmentation de capital de la société française du tunnel routier du Fréjus (SFTRF) ont nécessité 165 millions d’euros. Enfin, les augmentations de capital des banques multilatérales de développement ont entraîné une dépense, désormais retracée sur le compte et non plus sur le budget général, de 26,1 millions d’euros. Une dépense supplémentaire à ce titre devrait être constatée avant la fin de l’année pour un montant de 30 millions d’euros.

Le tableau ci-après récapitule l’ensemble des opérations retracées sur le compte entre le 1er janvier et le 5 septembre 2011.

LES OPÉRATIONS RETRACÉES SUR LE COMPTE ENTRE LE 1ER JANVIER ET LE 5 SEPTEMBRE 2011

(en euros)

DÉPENSES EFFECTUÉES (PROGRAMME 731)

         

 

 

 

 

 

La Poste

 

Augmentation de capital

 

466 666 662,00

SFTRF

 

Augmentation de capital

 

165 000 000,00

Banques multilatérales de Développement

 

Augmentation de capital

 

26 132 054,75

FFT3

 

Appels de fonds

 

5 000 000,00

AIR France KLM

 

Retour de titres (ESA 2005)

 

2 440 033,39

Facilité Européenne Stabilité Financière

 

Augmentation de capital

 

2 037 669,34

Aéroports de Strasbourg et La Réunion

 

Augmentation de capital

 

177 598,00

SNPE Matériaux Energétiques

 

Achat d'actions

 

20,00

Divers

 

Frais soulte FT, achat de BSA La Poste à la CDC

 

55,92

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

TOTAL

 

 

 

667 454 093,40

         

RECETTES ENCAISSÉES

         

 

 

 

 

 

SGGP

 

Remontée de trésorerie

 

74 361 814,50

EMC

 

Remboursement d'avance d'actionnaire

 

70 000 000,00

ADIT

 

Cession d'actions

 

13 200 000,00

ERAP

 

Remontée de trésorerie

 

10 194 443,25

CDC

 

Fonds de capitaux risques

 

9 624 115,85

TNAB

 

cession d'actions

 

3 000 000,00

SEM Clichy

 

Boni de liquidation

 

578 629,45

Locasic

 

Boni de liquidation

 

51 879,71

Divers

 

DPS de l'IDES, rompus FT, DPS La Poste

 

582,98

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

TOTAL

 

 

 

181 011 465,74

Source : ministère de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi.

Compte tenu des informations transmises au Rapporteur spécial, les recettes totales du compte sur 2011 pourraient atteindre, au 31 décembre 2011, 248 millions d’euros et les dépenses 706,8 millions d’euros, soit un solde qui pourrait être négatif d’environ 460 millions d’euros. Il semble donc que le financement de ces dépenses ait non seulement absorbé l’ensemble du solde reporté courant, d’un montant de 303 millions d’euros au 1er janvier 2011, mais qu’il requiert également la mobilisation de la portion du solde reporté affecté à la poursuite des augmentations de capital du fonds stratégique d’investissement – 1 780 millions d’euros – et de la société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM) – 60 millions d’euros.

Compte tenu des critiques portées par la Cour des comptes sur la SOVAFIM, un délai dans la mise en œuvre de son augmentation de capital serait, sinon souhaitable, du moins dépourvu de conséquences irréparables.

Le FSI constitue, en revanche, un vecteur utile de l’intervention publique et du soutien à la compétitivité de l’économie. Il semble toutefois que le fonds n’ait pas, à un horizon prévisible, besoin du versement d’une nouvelle tranche de capital, ce qui laisserait un délai pour reconstituer la dotation qui lui est destinée. À noter que la libération de nouvelles tranches de capital devra être réalisée avant le 17 novembre 2014. S’il s’avère qu’à cette date, la totalité du capital n’a pas été libérée et que le fonds n’a pas besoin de ces financements supplémentaires, l’État ne serait plus tenu par son engagement et la dotation mise en réserve sur le compte pourrait être entièrement utilisée pour d’autres dépenses.

La mobilisation de cette portion du solde reporté, initialement « fléchée », est donc sans conséquence à court terme. Elle est néanmoins révélatrice de la tension à laquelle est soumis le compte et des contraintes financières pesant sur les interventions de l’État actionnaire.

Pour 2012, l’hypothèse conventionnelle de 5 milliards d’euros de dépenses et de recettes est formulée, comme chaque année, pour éviter de dévoiler les intentions de cessions de l’État actionnaire et d’affecter la valeur de ses participations.

Il est probable que la situation budgétaire soit, en 2012, aussi tendue qu’en 2011. Les conditions de marché ne devraient sans doute pas s’améliorer et les recettes issues de cessions d’actifs seraient limitées. En revanche, la poursuite de l’augmentation de capital de La Poste entraînerait une dépense de 467 millions d’euros et, en vue de financer le démantèlement des installations nucléaires du commissariat à l’énergie atomique, celui-ci cèderait à l’État une partie de sa participation dans Areva, pour 270 millions d’euros.

En conséquence, si elle est compréhensible au regard des contraintes pesant sur l’État actionnaire, la prévision d’un montant aussi élevé d’opérations budgétaires – 5 milliards d’euros – suscite une interrogation sur le respect du principe de sincérité, garant de la bonne information du Parlement.

Dans ce contexte, il n’est pas à exclure que l’État soit conduit à arbitrer entre un nouveau recours au solde censé être affecté à l’augmentation de capital du fonds stratégique d’investissement et des cessions d’actifs probablement réalisées dans de mauvaises conditions et pouvant générer des moins-values.

B.– LE FONDS STRATÉGIQUE D’INVESTISSEMENT

Alors que la situation budgétaire du compte tend à mobiliser une partie de la dotation prévue pour l’augmentation de capital du FSI, le Rapporteur spécial souhaite rappeler l’importance de cet instrument pour la compétitivité de l’économie.

1.– Un bilan globalement positif

Créé par l’État et la Caisse des dépôts (CDC) en 2009, le Fonds stratégique d’investissement (FSI) a vocation à apporter, au moyen de prises de participation minoritaires, des fonds propres aux entreprises dont le développement est jugé important pour la compétitivité de l’ensemble de l’économie.

Le fonds intervient soit directement auprès des entreprises, soit indirectement par le biais de fonds dédiés, créés par lui, ou du dispositif France investissement, géré par CDC Entreprises.

Sa décision d’investissement est motivée par une double exigence :

– celle de l’investisseur avisé, qui intègre la qualité du projet stratégique de l’entreprise, ses performances financières, les compétences de ses dirigeants, ainsi que des aspects sociaux, environnementaux et de gouvernance ;

– celle de l’intérêt collectif, qui comprend le rôle de l’entreprise dans sa filière, de même que son impact en termes d’emploi, d’innovation, d’attractivité du territoire et d’exposition internationale.

À fin juin 2011, le montant des interventions du FSI depuis sa création se chiffre à 4,4 milliards d’euros, dont 2,8 milliards d’euros d’investissements directs, 646 millions d’euros mis en oeuvre par les fonds dédiés et 1 milliard d’euros investi via le programme France Investissement. Le tableau ci-dessous récapitule les principales prises directes de participation effectuées par le FSI depuis le début de l’année, leur montant total s’établissant à 1,2 milliard d’euros.

PRINCIPAUX INVESTISSEMENTS DIRECTS RÉALISÉS PAR LE FONDS STRATÉGIQUE D’INVESTISSEMENT DE SEPTEMBRE 2010 À SEPTEMBRE 2011

(en millions d’euros)

Entreprise

Montant

Catégorie

Secteur

ST Microelectronics

696

Grande entreprise

Technologie

Alcan EP

44

Grande entreprise

Matières premières et chimie

Vallourec

39,6

Grande entreprise

Biens et services industriels

Bull

29

Grande entreprise

SSII et éditeurs

CGG Veritas

16,7

Grande entreprise

Énergie

Nexans

10

Grande entreprise

Biens et services industriels

SOITEC

80

ETI

Technologie

NGE

80

ETI

Biens et services industriels

Siclaé

50

ETI

Agro alimentaire et boissons

Altrad

46

ETI

Batiments et matériaux de construction

Mersen

40,7

ETI

Biens et services industriels

Source : ministère de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi.

Les modalités d’action du fonds sont contraintes par ses capacités financières. La force de frappe du FSI étant limitée, ses prises de participations demeurent relativement modestes. La multiplication d’opérations d’investissement peu élevées fait également peser le risque d’une dilution des moyens. Le FSI est ainsi présent de manière directe dans 64 entreprises ainsi que dans 165 entreprises via les fonds dédiés et 2 500 entreprises à travers son action régionale.

Les modalités d’intervention du fonds se distinguent par une certaine variété. Financé par le FSI et géré par CDC Entreprises, le programme France Investissement alimente lui-même 196 fonds, dont 73 régionaux. Outre ce fonds généraliste, plusieurs fonds dédiés ont également été créés par le FSI.

La gouvernance du fonds constitue un gage de son indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics. Un conseil d’administration, composé de 4 représentants des actionnaires – État et CDC et de 3 administrateurs indépendants, décide des opérations du fonds. À ses côtés, un comité d’orientation stratégique, constitué de personnalités de la société civile, développe la doctrine et veille à la cohérence de l’action du fonds.

2.– Un effort financier important

Le Fonds stratégique d’investissement (FSI) est détenu à hauteur de 51 % par la CDC et de 49 % par l’État. À sa création, le FSI a été doté d’un capital initial de 20 milliards d’euros, composé de 14 milliards d’euros de participations et de 6 milliards d’euros en numéraire. Sur ces 6 milliards d’euros, seuls 2,3 milliards ont été effectivement mis à la disposition du fonds. Les 3,7 milliards d’euros restants ont vocation à être libérés en fonction des besoins de financement d’ici à 2014.

Aux participations initiales apportées par les actionnaires se sont progressivement ajoutés les investissements réalisés par le FSI, portant le montant des participations à 16 milliards d’euros aujourd’hui. Par ailleurs, le Gouvernement a annoncé au mois de mars dernier son intention de doter le FSI d’un prêt à long terme de 1,5 milliard d’euros sur trois ans. 500 millions d’euros doivent être mis à la disposition du fonds dès 2011.

Au total, les capitaux propres du FSI s’élèvent à 21 milliards d’euros au 31 décembre 2010.

Les perspectives d’évolution des moyens financiers du FSI sont positives, du fait, d’une part, de la libération possible de 3,7 milliards d’euros supplémentaires d’ici à 2014, et d’autre part, des produits générés par les participations ainsi que des plus values réalisées sur leurs cessions. Pour 2010, les participations ont ainsi généré 626 millions d’euros et les plus-values sur les cessions, 96 millions d’euros. Au total, les plus-values latentes sur le portefeuille de titres sont estimées à 1,1 milliard d’euros à fin 2010.

Ce constat globalement positif doit toutefois être nuancé au regard de plusieurs évolutions.

Dans un contexte de volatilité des valeurs boursières, le montant des dividendes perçus par le FSI sur son portefeuille d’actifs cotés en Bourse pourrait être moins important qu’envisagé. Suite à la baisse de certaines valeurs durant l’été, le fonds pourrait enregistrer des moins-values latentes sur certains titres.

Par ailleurs, le dividende versé par le FSI à ses actionnaires est particulièrement élevé. Le 9 mai 2011, le conseil d’administration du FSI a annoncé le versement de 387 millions d’euros à ses actionnaires, dont 197,3 millions d'euros à la CDC et 189,6 millions d'euros à l'État, soit un taux de distribution de 60 %.

Enfin, les cessions de titres sont nécessairement contraintes. Le FSI étant un investisseur de long terme, les participations n’ont pas vocation à être cédées avant un certain temps, sauf à s’éloigner des principes d’intervention du fonds. Il est également dans l’intérêt du FSI de conserver certaines participations stratégiques qui, à défaut d’être cédées, génèrent des produits financiers.

3.– La question des liens entre le Fonds stratégique d’investissement (FSI), la Caisse des dépôts (CDC) et Oséo.

Annoncée fin septembre par le Premier ministre, la rationalisation des structures publiques de financement des PME est envisagée. Celle-ci pourrait conduire à la mise en place d’un guichet unique nommé « FSI-PME » avant la fin de l’année.

Trois structures publiques proposent aujourd’hui des services de financement aux PME : le FSI (investisseur en fonds propres), Oséo (banque publique des PME) et CDC Entreprises (spécialiste en activités de capital-investissement). Si ces trois institutions ont des rôles complémentaires et portent des projets communs, cette situation rend les dispositifs peu lisibles pour les PME et nuit à l’identification et à la valorisation des projets de développement les plus porteurs. Aussi la mise en place d’un guichet unique serait-elle bienvenue.

Une telle solution permettrait d’éviter une fusion entre ces structures tout en simplifiant l’accès des PME aux aides publiques. Bien que le FSI et Oséo s’adressent tous deux aux PME, leurs cœurs de métier sont en effet différents. Tandis que le FSI est un investisseur apportant des fonds propres, Oséo est une banque fournissant une aide à l’innovation, garantissant les concours bancaires et les interventions en fonds propres et assurant des actions de co-financement.

Le projet étant encore à un stade de réflexion, plusieurs questions restent en suspens. D’une part, il reste à délimiter le champ d’action du label. Le « FSI PME » pourrait se voir confier les opérations de financement en fonds propres des PME de moins de 10 millions d’euros. Les interventions plus importantes relèveraient directement du FSI, de même qu’Oséo continuerait de jouer son rôle de banque publique. D’autre part, il s’agit également de définir les moyens d’action du label. Le réseau de « FSI-PME » pourrait se fonder sur le maillage territorial de la société Avenir entreprises, présente à Paris et dans sept villes de région, et mobiliserait les directeurs régionaux de la CDC, délégués du FSI.

C.– LA PERFORMANCE DES ENTREPRISES DU PÉRIMÈTRE DE L’APE

Les objectifs de performance associés au programme 731 mesurent la performance et la santé financière des entreprises du périmètre suivi par l’Agence des participations de l’État. Dans l’ensemble, comme le Rapporteur spécial l’a noté à de nombreuses reprises, les entreprises du périmètre semblent avoir traversé la récession la plus profonde depuis 1945 sans avoir eu à affronter des risques notoires sur leur solvabilité ou leur liquidité. Seul Air France-KLM semble encore souffrir des conséquences de la crise et se trouve dans une situation difficile.

Le tableau suivant récapitule les objectifs de performance associés à l’objectif 1 du programme 731, portant sur la santé financière des entreprises du périmètre et à la valorisation du patrimoine de l’État.

LES INDICATEURS DE PERFORMANCE DE L’OBJECTIF 1 DU PROGRAMME 731

(en %)

 

2009

2010

Prévision initiale 2011

Prévision révisée 2011

Prévision 2012

1.1 Rentabilité opérationnelle des capitaux employés

8,1

7,4

>7

>9

>9

1.2 Rentabilité financière des capitaux propres

7,7

7,7

>7

>7,5

>7,5

1.3 Marge opérationnelle

10,6

8,3

>9

>8,5

9

1.4 Soutenabilité de l'endettement *

4,8

4

<5

<4

<4

1.5 Taux de distribution de dividendes

59,5

55,7

51,3

52,9

ND

* Dette financière nette / Excédent brut d’exploitation.

Globalement, l’évolution des indicateurs semble montrer une diminution de la rentabilité en 2010 suivie par un rebond, plus important que prévu, en 2011. La soutenabilité de l’endettement s’améliorerait de 2009 à 2011 et le taux de distribution serait certes en diminution sur cette période mais resterait à un niveau élevé.

En raison des contraintes de la consolidation comptable, les indicateurs de performance ne donnent toutefois qu’une vision approximative de la situation financière des entreprises du périmètre pour deux raisons.

D’une part, la consolidation des sociétés mises en équivalence
– Air France-KLM, Renault, GDF-Suez, EADS, Safran, France Télécom... – a un impact limité, au compte de résultat, au seul résultat net. Au bilan « consolidé », l’endettement de ces sociétés n’est pas repris et seule la valeur de la participation et les fonds propres y afférents sont inscrits. En conséquence, les résultats de ces sociétés n’ont qu’un impact sur l’indicateur 1.2 – qui est le seul à se fonder sur le résultat net – et n’en ont aucun sur les indicateurs 1.1, 1.3 et 1.4.

D’autre part, les variations des indicateurs de performance dépendent en grande partie de la situation financière d’EDF qui constitue la principale participation comptabilisée par intégration globale. Comme détaillé dans le développement en première partie du présent rapport, la baisse du résultat de l’entreprise et la diminution de son endettement en 2010 expliqueraient en grande partie l’évolution des indicateurs. Les prévisions pour 2011 et 2012 sont largement dépendantes du même facteur.

Une évaluation des résultats 2010 par secteur, désormais permise par les commentaires du projet annuel de performance, offre une vue un peu plus précise de la performance des entreprises du périmètre – des prévisions sectorielles pour 2011 et 2012 n’étant pas fournies par la documentation budgétaire.

En raison notamment de l’impact limité des résultats et de l’endettement des sociétés mises en équivalence, il apparaît toutefois que les indicateurs relatifs à chaque secteur dépendent en grande partie d’une société – la SNCF pour les transports, La Poste pour les services, EDF pour l’énergie, DCI et la SNPE pour la défense, RFF pour les infrastructures. L’analyse sectorielle de la performance revient donc largement à l’analyse de la situation financière de chacune de ces entreprises prépondérantes.

Le tableau ci-après offre une vue synthétique de l’évolution de la performance, en 2010, détaillée par secteurs d’activité.

ÉVOLUTION 2010 PAR RAPPORT À 2009 DES INDICATEURS DE PÊRFORMANCE
PAR SECTEUR

 

Rentabilité (indicateurs 1 à 3)

Endettement (indicateur 4)

En amélioration

Défense

Transports

Services

Médias

Énergie

Transports

Services

Médias

En dégradation

Infrastructures de transport

Énergie

Infrastructures de transport

Défense

Les secteurs sont définis comme suit :

– Industrie de défense : entités comptabilisées par intégration globale : DCI, DCNS, GIAT/Nexter, SNPE, Sogeade, Sogepa, TSA – Entités comptabilisées par mise en équivalence : Thalès (27,51 %), EADS (15,09 %), Safran (33,60 %) ;

– Infrastructures de Transport : entités comptabilisées par intégration globale : ADP, Aéroports de province (Bordeaux, Lyon, Nice, Toulouse et Montpellier), ATMB, SFTRF, CNA, Grands Ports Maritimes (du Havre, de Rouen, de Bordeaux, de Nantes, de Dunkerque, de Marseille), Ports autonomes (de Paris, de la Guadeloupe et de La Rochelle) et RFF – Entité comptabilisée par mise en équivalence : aéroport de Bâle-Mulhouse (50,00 %) ;

– Transport : entités comptabilisées par intégration globale : SNCF et RATP – Entité comptabilisée par mise en équivalence : Air France KLM (15,89 %) ;

– Énergie : Entités comptabilisées par intégration globale : AREVA et EDF – Entité comptabilisée par mise en équivalence : GDF Suez (36,47 %) ;

– Médias : Entités comptabilisées par intégration globale : ARTE, France Télévisions, Radio France, AEF ;

– Services : Entités comptabilisées par intégration globale : La Poste et Française des jeux – Entité comptabilisée par mise en équivalence : France Télécom (13,47 %).

Les principales améliorations à relever concernent le secteur des transports, tiré par la SNCF dont le résultat net augmente de 1,7 milliard d’euros en 2010 après la constatation d’une perte en 2009, et le secteur des médias – à savoir les entreprises de l’audiovisuel public –, qui bénéficie d’une amélioration globale de sa rentabilité. Le secteur des services dégage également une rentabilité en légère augmentation, en lien notamment avec la progression des résultats de La Poste. Les résultats des entreprises de la défense ressortent également en hausse en 2010. Ce secteur, qui se trouve en situation de trésorerie nette, voit cependant celle-ci légèrement diminuer.

Hors le cas du secteur de l’énergie exposé plus haut, la principale mauvaise performance provient du secteur des infrastructures de transport, et notamment des résultats de Réseau Ferré de France et de la hausse de son endettement. Alors que son bénéfice a diminué d’environ 100 millions d’euros, son endettement net ressort en hausse de l’ordre d’un milliard d’euros.

Compte tenu de l’absence de cessions d’actifs et d’affectation de recettes au désendettement en 2010 et probablement en 2011 et 2012, les indicateurs de performance associés à l’objectif 2 du programme 731 ainsi que ceux associés au programme 732 sont sans objet.

II.– LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS AVANCES À DIVERS SERVICES DE L’ÉTAT OU ORGANISMES GÉRANT LES SERVICES PUBLICS

La prévision pour 2012 du solde du compte Avances à divers services de l’État ou organismes gérant les services publics est négative, à – 125,5 millions d’euros. Comme chaque année depuis 2007, l’accroissement de l’endettement du budget annexe du contrôle et de l’exploitation aériens (BACEA) vis-à-vis de l’État explique le déséquilibre du compte. Comme le Rapporteur spécial a déjà eu l’occasion de le remarquer, le déséquilibre financier croissant du BACEA se traduit dans le présent compte, et non dans le budget annexe qui est présenté à l’équilibre.

Le tableau suivant illustre cette tendance.

LE SOLDE DU COMPTE DEPUIS 2009

(en millions d’euros)

 

2009

2010

LFI 2011

2012 (p)

Solde du compte

– 466,8

– 149,7**

– 20,2*

– 125,5

Solde P821

0

0

0

0

Solde P823

– 220,5

19,4

87,5*

2,4

Solde P824 (BACEA)

– 246,3

– 169,1

– 107,7

– 127,9

* La prévision de recettes associée au P823 anticipait le versement, en 2010, d’avances à l’autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) et à France AgriMer, qui devaient être remboursées en 2011 pour un montant total de 72,5 millions d’euros. Ces avances n’ont finalement pas été tirées et qu’en conséquence, le solde pour 2011 doit être diminué à due concurrence.

** Hors versement de 1,2 milliard d’euros dans le cadre des investissements d’avenir.

 Le programme 821 retrace l’octroi et le remboursement d’avances à l’agence de services et de paiement (ASP) en vue d’assurer le pré-financement des aides communautaires de la politique agricole commune. Même s’il représente la plus grande partie des crédits du compte, avec une prévision de 7,5 milliards d’euros en 2011 et 2012, il n’appelle pas de commentaire particulier, les avances étant systématiquement remboursées avant la fin de l’exercice.

 Le programme 823, qui retrace des avances à divers organismes de l’État, mérite une attention particulière. Les avances octroyées sur ce programme et non remboursées peuvent être assimilées à un contournement de la norme de dépense. Depuis 2006, de tels constats de pertes ont été passés par trois fois en loi de règlement – avances à l’OFIMER pour 47,6 millions d’euros, au CNASEA pour 22 millions d’euros et à l’ODEADOM pour 32,5 millions d’euros.

Le Rapporteur spécial a recommandé d’éviter de telles pratiques. L’exécution pour 2011 et la prévision pour 2012 semblent montrer qu’une telle recommandation serait respectée.

Pour 2011, l’AFITF rembourserait, comme prévu, 15 millions d’euros sur l’avance de 143 millions d’euros qui lui avait été octroyée en 2009. La prévision initiale intégrait, pour 72,5 millions d’euros, des remboursements d’avances qui devaient être accordées, en 2010, à France AgriMer et à l’autorité de régulation des transports ferroviaires (ARAF) et qui ne l’ont finalement pas été – hormis une avance de 0,8 million d’euros à l’ARAF qui a été remboursée en 2010. Aucune dépense ne serait supportée en 2011 sur le programme 823.

Le stock des avances accordées sur le programme 823 est détaillé dans le tableau suivant. Alors que le remboursement de l’avance à la Cité de la musique devait être assuré par la vente de la salle Pleyel, qui n’a finalement pas eu lieu, et que l’INRAP se trouve dans une situation financière dégradée, il n’est pas à exclure que ces deux avances doivent faire l’objet, à terme, d’un constat de perte.

STOCK D’AVANCES OCTROYÉES SUR LE PROGRAMME 823

(en millions d’euros)

Organisme

Montant à rembourser

Date prévisionnelle de remboursement au moment de l’octroi

FSN - CDC

1 200

2 septembre 2020

AFITF

143

15 décembre 2011

Cité de la Musique

58,1

31 décembre 2009

INRAP

15,5

Deux avances :

1er mars 2008 (8 M€)

20 décembre 2009 (7,5 M€)

Source : ministère de l’Économie, de l’industrie et de l’emploi.

Pour 2012, la prévision de dépense s’établit à 62,6 millions d’euros. 50 millions d’euros sont ouverts pour couvrir, comme chaque année, d’éventuels besoins qui apparaîtraient en exécution. 12,6 millions d’euros seraient affectés au financement des investissements des établissements français à l’étranger
– l’agence pour l’enseignement français à l’étranger, opérateur de l’État, ne pouvant plus s’endetter à plus d’un an du fait des dispositions de l’article 12 de la loi de programmation des finances publiques pour la période 2011-2014 interdisant une telle pratique.

La prévision de recettes inclut le remboursement des 50 millions d’euros prévus en cas de nécessité ainsi qu’un remboursement supplémentaire de 15 millions d’euros de l’AFITF. La dette de l’AFITF envers l’État s’établirait à 128 millions d’euros en 2012 et devrait être remboursée à compter de la mise en oeuvre de la taxe « poids lourds », en 2013.

 Le programme 824 retrace l’octroi et le remboursement d’avances au budget annexe du contrôle et de l’exploitation aériens (BACEA). Il explique le déséquilibre du compte prévu en 2012, avec une prévision de recettes de 122,4 millions d’euros et une estimation des dépenses à 250,3 millions d’euros. L’accroissement des besoins de financement du BACEA, qui n’est guère visible sur le budget annexe du fait de l’obligation d’équilibre, est traduit par le déficit du présent compte (3).

Le tableau détaillant les soldes associés à chaque programme du compte montre que l’endettement du BACEA envers l’État est en constante augmentation depuis 2009. Si les prévisions pour 2011 et 2012 étaient respectées, il augmenterait de 651 millions d’euros en quatre ans.

 La performance de la mission est jugée au regard du respect des règles juridiques encadrant l’octroi d’avances par l’État. À cet égard, deux remarques peuvent être faites.

D’une part, l’avance octroyée à l’AFITF ferait l’objet d’un rééchelonnement en 2012 de façon à la prolonger jusqu’à la mise en place de la taxe « poids lourds », qui devrait permettre à l’agence de rembourser sa dette.

D’autre part, comme le Rapporteur spécial a eu l’occasion de le remarquer, les indicateurs de performance associés aux avances octroyées au BACEA ne mettent pas en lumière le fait qu’elles sont en partie accordées pour rembourser des avances arrivant à échéance, ce qui revient à opérer à un renouvellement. Néanmoins, le projet annuel de performance précise désormais qu’un tel mécanisme de refinancement concerne ces avances. Une telle précision satisfait la recommandation formulée sur ce point par le Rapporteur spécial.

*

* *

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission procède ensuite à l’examen des comptes spéciaux Participations financières de l’État et Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics.

M. Camille de Rocca Serra, rapporteur spécial des comptes spéciaux Participations financières de l’État et Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics. Le Bureau de notre Commission m'a chargé lors de sa réunion du mois de juillet dernier de faire le point sur la situation financière d'Areva et d’EDF. J’y consacrerai donc l'essentiel de mon intervention.

En ce qui concerne Areva, les comptes entre 2007 et 2010 doivent être interprétés au regard de la stratégie adoptée par le groupe. L'objectif était alors d'anticiper un « renouveau du nucléaire », c'est-à-dire une forte augmentation du recours à l'énergie nucléaire dans une perspective de hausse de la demande mondiale d'énergie et de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Areva a alors suivi une politique volontariste de prises de parts de marché pour devenir un leader mondial du secteur en tentant de capter une grande part de la croissance attendue. Une telle approche s'est traduite par une hausse régulière et substantielle du carnet de commandes, de l'ordre de 3,5 % par an en moyenne pendant cette période. Elle a aussi conduit le groupe à prendre des risques industriels lui donnant accès, par exemple, à une nouvelle technique d'enrichissement d'uranium qui semble compétitive.

En revanche, deux échecs sont à déplorer.

D'une part, la construction du premier EPR en Finlande s'est accompagnée de surcoûts et a connu d’importants retards, le montant provisionné des pertes à terminaison s'établissant à 2,6 milliards d’euros au 31 décembre 2010. Il pourra d’ailleurs encore évoluer à la hausse ou à la baisse : outre que les phases d'essai doivent être encore réalisées, des procédures contentieuses opposent le consortium mené par Areva et Siemens à leur client.

D'autre part, le rachat de la filiale minière UraMin s'est probablement fait à un prix trop élevé. Les volumes de production initialement attendus pourraient ne pas être constatés, et les investissements nécessaires à l'exploitation des mines risquent quant à eux d’être plus importants que prévu. Plus que le risque industriel encouru, ce sont les conditions de l'acquisition qui sont critiquables : premièrement, une certaine précipitation semble avoir prévalu au moment où les cours de court terme de l'uranium atteignaient un pic historique ; deuxièmement, les conditions posées par l'Agence des participations de l'État (APE), notamment l'entrée au capital de la société d'un partenaire industriel – en l’occurrence, chinois, –, n’ont pas été respectées. Il est certes possible de comprendre qu’Areva, alors étroitement dépendant du Niger, ait cherché à diversifier ses approvisionnements mais il est à craindre que l’opacité du management n’ait pas permis à l’APE d’assurer un contrôle suffisamment étroit sur l’opération, le fait que les recommandations de l’APE n’aient pas été suivies constituant une prise de risque supplémentaire. À moyen et long terme, cet échec sera peut-être relativisé : outre que le cours de l’uranium pourrait remonter, il n’est pas exclu que certains gisements, notamment en Centrafrique, se révèlent plus intéressants. J’ajoute que les obstacles rencontrés ne concernent pas les seuls gisements. Des retards ont été pris dans la recherche de terrains, la construction d’une usine de « désalinisation » d’eau de mer, etc.

Les perspectives de court terme d'Areva se sont assombries à la suite de l'accident de Fukushima. L’entreprise devra revoir à la baisse ses investissements et diminuer ses coûts, la maîtrise de ces derniers étant d'autant plus importante qu'Areva a pâti, ces dernières années, d'une faible rentabilité opérationnelle due notamment à une insuffisante maîtrise des dépenses, en particulier dans les fonctions support.

En revanche, les perspectives de long terme du groupe pourraient être meilleures puisque les conditions qui avaient conduit à anticiper un renouveau du nucléaire demeurent, à savoir la hausse de la demande mondiale d'énergie et le besoin d’énergies décarbonées. D’ici à 2050, les besoins en électricité devraient en effet doubler en même temps qu’il conviendra de diviser par deux les rejets de CO2. De surcroît, de nombreux pays poursuivent l'exploitation de l’énergie nucléaire – Inde, Chine, Royaume-Uni ou Pologne – et Areva sera en mesure de saisir les opportunités si l'EPR se montre compétitif par rapport aux autres sources d'énergie. À cet égard, il est probable que son haut niveau de sûreté, considéré hier comme un surcoût inutile, se révélera demain en atout important. De plus, Areva est présente sur les bases installées et assure l’entretien permanent des centrales, ce qui lui assure un volume d’affaires important. Enfin, si Areva se positionne sur l’appel d’offres concernant l’éolien off-shore, elle trouvera là les moyens d’un développement futur.

En ce qui concerne EDF, l'analyse des comptes de 2007 à 2010 ne suscite pas d'inquiétude particulière : la rentabilité du groupe est élevée et stable, et son endettement, même s'il est en hausse, reste soutenable.

J’attire l'attention de la Commission sur les investissements nécessaires à la modernisation du parc nucléaire français. EDF souhaite porter la durée de vie des centrales de quarante à soixante ans et anticipe dans cette optique une hausse sensible de ses dépenses de maintenance, lesquelles pourraient atteindre 15 milliards entre 2011 et 2015. Les prolongations ne sauraient cependant être accordées qu'à la condition de garantir le plus haut niveau de sûreté possible et de tirer les leçons de l'accident de Fukushima. L’avis de l'Autorité de sûreté nucléaire sera rendu avant le 15 novembre prochain et ses recommandations devront être examinées avec beaucoup d'attention. Il doit être clair, dès maintenant, que les investissements en matière de sûreté seront prioritaires sur tous les autres : ils constituent en effet un enjeu d'ordre public car ils conditionnent la sécurité des employés travaillant sur les sites et celle des populations qui vivent à proximité. De surcroît, ils sont les garants de l'intérêt social d'EDF en préservant son avantage comparatif. Les perspectives commerciales de l'ensemble de la filière nucléaire française, dont la réputation de sûreté constitue un atout dans la compétition internationale, dépendent également de la qualité des installations nucléaires en France.

Les relations entre Areva et EDF se sont nettement améliorées : les deux entreprises, en effet, sont capables de renouer des contacts, de passer de nouveaux contrats et d’imaginer des partenariats, notamment dans le cadre de l’optimisation de l’EPR. Trois perspectives doivent être encore concrétisées : le codéveloppement d’un réacteur moyen éventuellement avec un partenaire chinois ; la formulation, par EDF, de propositions concernant ATMEA ; l’approvisionnement en uranium. Avec GDF-Suez, ces deux entreprises sont la clé de voûte de la filière nucléaire française.

La situation budgétaire du compte d'affectation spéciale Participations financières de l’État se caractérise par une forte tension. En raison des mauvaises conditions de marché, les cessions d'actifs sont difficiles à réaliser, ce qui limite les ressources. Une telle situation pourrait favoriser des débudgétisations via le recours à l’APE ou au Fonds stratégique d'investissement et, donc, porter atteinte à l'information du Parlement. Enfin, je note que, si la prévision conventionnelle de 5 milliards de recettes et de dépenses est reconduite comme chaque année, il est toutefois probable qu’en raison du manque prévisible de recettes, l'activité sur le compte sera limitée.

M. Marc Goua. Chargé d’une mission sur Areva – notamment UraMin – et EDF, conjointement avec M. le rapporteur spécial, je suis d’accord avec lui : la sécurisation de l’approvisionnement en uranium était nécessaire et nous avons en effet été confrontés à une augmentation vertigineuse du prix d’UraMin quelques semaines avant son achat. La participation d’Areva n’étant alors que de 5 %, la montée au capital n’aurait pas dû donner lieu à communication, même si UraMin a fait abondamment savoir par voie de presse qu’une transaction se préparait.

En revanche, je ne partage pas son sentiment quant à la précipitation qui aurait eu cours et au non suivi des recommandations de l’APE pour laquelle, je le rappelle, l’acquisition d’UraMin était « un grand jour pour la France ». Cette opération, il est vrai, a eu lieu entre le 7 et le 27 mai 2007, dans un singulier no man’s land… L’achat de deux EPR par la Chine, quant à lui, a en effet été conditionné à une prise de participation de ce pays à UraMin, laquelle ne s’est pas produite. Si la pression d’Areva, en l’occurrence, a sans doute été forte, l’accord tacite de l’APE n’en est pas moins réel. À cela s’ajoute qu’il a été récemment question de l’éventuelle fermeture de mines comprises dans l’achat d’UraMin, ce qui impliquera de passer un certain nombre de provisions.

Areva, depuis quelque temps, ne dispose plus de cash-flow, l’acquisition d’UraMin s’étant faite sans le renfort d’un groupe chinois et l’augmentation de capital n’ayant pas été à la hauteur de ce qui avait été demandé. De plus, la vente de T&D – en quelque sorte le bijou de la famille – témoigne que les besoins financiers de l’entreprise seront conséquents dans les prochains mois, voire, selon certains, bien plus tôt. Enfin, la baisse considérable des investissements due à la situation financière risque d’asphyxier encore plus vite l’entreprise.

L’accord entre EDF et Areva implique-t-il une prise de participation du premier au sein de la seconde avec une injection de fonds propres ? EDF entrera-t-il dans la filiale minière ou dans la totalité de l’entreprise ? Ce sont là autant de sujets d’inquiétude dès lors que certains clients d’Areva pourraient être tentés de ne pas favoriser ce qu’ils verraient comme un concurrent suite à l’« amalgame » des deux structures, puisque EDF est également un exploitant. Je souligne que 400 000 personnes, directement ou indirectement, sont concernées, et qu’il serait bon de mettre en place un dispositif profitable à cette filière.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je tiens tout d’abord à souligner l’excellent travail accompli par notre rapporteur spécial.

EDF a procédé à des opérations de croissance externe aux États-Unis et au Royaume-Uni qui semblent avoir déstabilisé sa ligne d’emprunts. De plus, le désendettement a bien été engagé depuis 2010, mais il s’explique par la cession de réseaux de distribution d’électricité au Royaume-Uni et à l’Allemagne. Ce type d’opérations ne pouvant se renouveler régulièrement, je m’inquiète des perspectives internationales de développement d’EDF : les connaît-on et peuvent-elles constituer, à terme, un danger ?

M. Jean-Louis Dumont, président. À deux reprises, le Parlement a voté des lois importantes sur le traitement des déchets de la filière nucléaire. La Meuse a été le seul département à accepter la présence d’un laboratoire – lequel fonctionne d’ailleurs parfaitement bien – en sachant que, s’il était possible de stocker les déchets en couches profondes, cela serait fait. La filière nucléaire a donc des obligations à son endroit, de même qu’à l’égard de la Haute-Marne, et les 30 millions que l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, l’ANDRA, leur a versés ne sont rien ! Je voudrais que la Commission mesure l’inquiétude de la population locale devant l’impact du changement de gouvernance sur les politiques de sécurité, et les risques encourus si, pour différentes raisons, les deux entreprises n’avaient plus les moyens de faire face à leurs responsabilités.

Puisque notre collègue a évoqué les réseaux de transport d’électricité, je considère que nous aurions intérêt à régler la question de la directive européenne le plus rapidement possible. J’avais d’ailleurs rédigé un rapport indiquant comment éviter la mainmise de prédateurs sur EDF en revenant à la loi de 1947, en faisant intervenir les collectivités locales et en donnant son indépendance à RTE. Aujourd'hui, les clients eux-mêmes se rendent compte des résultats négatifs de la situation.

J’insiste : il conviendra de rappeler à l’ensemble des entreprises de la filière nucléaire et électronucléaire les obligations qui sont les leurs. Les propos de M. Proglio en Meuse, au-delà de leur aspect un peu provocateur, ont beaucoup inquiété. Après Fukushima, il m’a semblé que les conceptions de la sécurité nucléaire entre l’ancienne gouvernance d’Areva et celle d’EDF étaient opposées. Des moyens doivent donc être débloqués, mais surtout un contrôle doit être exercé, en particulier sur EDF, afin de s’assurer que la sécurité demeure au cœur de ses métiers, comme c’était encore le cas dans un passé récent.

M. Camille de Rocca Serra, rapporteur spécial. Je partage votre sentiment, monsieur Goua, tout en le relativisant en ce qui concerne l’APE : nous étions dans une période faste où la gouvernance d’Areva favorisait le développement tous azimuts d’une entreprise qui est tout de même devenue l’une des principales au monde dans son domaine. Je crois avoir compris que ni l’APE ni le directoire d’Areva n’avaient bénéficié de toutes les informations nécessaires. Il n’en reste pas moins que les prix de l’uranium étaient alors très élevés et qu’il était possible de considérer que c’était là une bonne opération. Sans doute aurait-il été utile de prendre plus de recul, de disposer d’un plus grand nombre d’informations et de ne pas s’engager sans la présence d’un opérateur industriel. J’ajoute que les relations existant alors entre l’APE – qui critique aujourd’hui fortement cette opération – et Areva n’étaient pas excellentes. L’entreprise a vécu dans son monde mais, aujourd’hui, elle « revient sur terre » en acteur fondamental de la filière nucléaire française qui sait partager sa vision des choses avec d’autres. Je peux en témoigner après les récents entretiens que j’ai eus avec le nouveau directoire, lequel a bien compris les erreurs de l’ancienne gouvernance.

Par ailleurs, Areva peut encore procéder à une augmentation de capital et rien n’empêche – c’est une hypothèse – qu’EDF prenne des participations au sein de la filière minière. Quoi qu’il en soit, EDF et Areva discutent à nouveau. Areva explique les retards de l’EPR finlandais par l’absence d’un opérateur qui aurait disposé de la même expérience qu’EDF. Sur un plan international, elle est donc à la recherche de partenariats avec des opérateurs fiables et expérimentés.

M. Marc Goua. Areva assure qu’EDF a refusé un tel partenariat à Flamanville.

M. Camille de Rocca Serra, rapporteur spécial. Ce sont des propos qui ont moins cours aujourd’hui qu’il y a quelques mois. Le changement de ton est patent.

Pour passer de 45 % à 50 % du chiffre d’affaires à l’horizon de 2020, le développement d’EDF à l’international ne doit croître que de 5 points, ce qui est raisonnable. Si des critiques sont légitimes, notamment s’agissant de la situation aux États-Unis – encore qu’il faille, pour l’apprécier, dépasser la filière nucléaire stricto sensu –, les réussites n’en sont pas moins évidentes : je songe à British Energy – le positionnement d’EDF au Royaume-Uni est particulièrement important pour les marchés à venir.

EDF n’est plus aujourd’hui majoritaire au sein de RTE et il n’est pas impossible qu’à moyen terme elle cède sa participation pour financer le traitement des déchets et le démantèlement des centrales.

À ce propos, monsieur Dumont, EDF respectera les décisions qui seront prises par l’ANDRA même si elle juge en l’état que le projet retenu est trop onéreux. Soit elle fera une contre-proposition technique pour réaliser des économies tout en garantissant la sûreté à très long terme du traitement des déchets soit, je le répète, elle se ralliera au projet. L’audition de Mme la ministre Kosciusko-Morizet après Fukushima l’atteste : la France ne prolongera pas la durée de vie d’une centrale qui ne remplirait pas les conditions imposées, que ce soit à Fessenheim ou ailleurs. J’ajoute que le respect des mesures de sécurité de l’après-Fukushima constituera pour notre pays un réel avantage commercial, quel que soit le surcoût induit. Non seulement 400 000 emplois dépendent de cette filière, mais quelques dizaines de milliers d’autres pourraient être créés.

M. Jean-Louis Dumont, président. Je vous remercie pour ces réponses ainsi que pour l’excellence de votre rapport qui témoigne à quel point ces deux entreprises sont nécessaires à notre économie, doivent continuer à rayonner, à rapporter un peu d’argent et à créer des emplois. Il est bon, de temps en temps, de le rappeler, y compris aux gouvernants et aux dirigeants de ces entreprises, lesquels doivent être également à l’écoute et obéir à la loi.

Suivant l’avis favorable du rapporteur spécial, la Commission adopte les crédits du compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État, puis ceux du compte de concours financiers Avances à divers services de l’État ou organismes gérant des services publics.

M. Jean-Louis Dumont, président. Nous comptons donc sur vous, monsieur le rapporteur spécial, pour rappeler aux chefs d’entreprises qui se succèdent qu’ils ne doivent pas abandonner nos territoires.

Au cours de sa réunion du 24 octobre 2011, à 17 heures, la Commission adopte, conformément à l’avis favorable du Rapporteur spécial, les crédits des comptes spéciaux Participations financières de l’État et Avances à divers services de l’État ou organismes gérant les services publics.

ANNEXE : AUDITIONS RÉALISÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

– 7 septembre 2011 : M. François-Michel Gonnot, président du conseil d’administration de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), Mme Marie-Claude Dupuis, directrice générale, M. Thibaud Labalette, directeur des programmes

– 13 septembre 2011 : M. Jean-Dominique Comolli, commissaire aux participations de l’État, directeur général de l’Agence des participations de l’État (APE), Mme Astrid Milsan, sous-directrice, M. Élie Beauroy, secrétaire général

– 14 septembre 2011 : Mme Nathalie Kosciusko Morizet, ministre de l’Écologie, du développement durable, des transports et du logement

– 21 septembre 2011 : M. Éric Besson, ministre auprès du ministre de l’Économie, des finances et de l’industrie, chargé de l’Industrie, de l’énergie et de l’économie numérique

– 27 septembre 2011 : M. Bruno Bensasson, directeur de la stratégie et du développement durable de GDF-Suez, M. Henri Ducre, directeur général adjoint, directeur de la branche Énergie France, M. Éric Heitz, délégué aux relations avec le Parlement, direction des relations institutionnelles

– 4 octobre 2011 : M. Jean-Yves Gilet, directeur général du fonds stratégique d’investissement (FSI), M. Jean-Baptiste Marin-Lamellet, responsable des affaires publiques

– 18 octobre 2011 : M. Thomas Piquemal, directeur financier d’EDF,
M. Gérard Trouvé, directeur des affaires publiques

– 19 octobre 2011 : M. Jacques Gérault, directeur des affaires publiques d’Areva

Le Rapporteur spécial a également réalisé un contrôle sur pièces et sur place à l’Agence des participations de l’État le 4 octobre 2011.

© Assemblée nationale

1 () 10,2 % en direct et 73 % via le commissariat à l’énergie atomique (CEA).

2 () Rappelons également que l’article 24 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières prévoit que la participation de l’État ne peut être inférieure à 70 % du capital.

3 () Sur le déséquilibre financier du budget annexe, voir le rapport spécial n° 15 de M. Charles de Courson.