Le
Conseil constitutionnel a été saisi, le 27 mars 2009, par le Premier
ministre, conformément aux articles 46, alinéa 5, et 61, alinéa 1er,
de la Constitution, de la loi organique relative à l'application des
articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.
LE
CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la
Constitution, dans sa rédaction résultant de la loi constitutionnelle n°
2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve
République ;
Vu
l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique
sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la
loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 modifiée relative aux lois de
finances, notamment ses articles 34, 51 et 53 ;
Vu le
code de la sécurité sociale, notamment ses articles L.O. 111-3 et L.O.
111-4 ;
Vu les
observations présentées par soixante-dix-neuf députés et enregistrées le
25 mars 2009 ;
Vu les
observations du Gouvernement, enregistrées le 2 avril 2009 ;
Le
rapporteur ayant été entendu ;
- SUR
LES DISPOSITIONS RELEVANT DE L'ARTICLE 39 DE LA CONSTITUTION :
9.
Considérant que le chapitre II de la loi organique, qui comprend les
articles 7 à 12, est relatif, à l'exception de son article 12, aux règles
de présentation des projets de loi prévues par les troisième et quatrième
alinéas de l'article 39 de la Constitution ;
10.
Considérant qu'aux termes des troisième et quatrième alinéas de l'article
39 de la Constitution : " La présentation des projets de loi déposés
devant l'Assemblée nationale ou le Sénat répond aux conditions fixées par
la loi organique. - Les projets de loi ne peuvent être inscrits à l'ordre
du jour si la Conférence des présidents de la première assemblée saisie
constate que les règles fixées par la loi organique sont méconnues. En cas
de désaccord entre la Conférence des présidents et le Gouvernement, le
président de l'assemblée intéressée ou le Premier ministre peut saisir le
Conseil constitutionnel qui statue dans un délai de huit jours " ;
. En ce
qui concerne l'article 7 de la loi organique :
11.
Considérant que l'article 7 dispose que " les projets de loi sont précédés
de l'exposé de leurs motifs " ; qu'il consacre ainsi une tradition
républicaine qui a pour objet de présenter les principales
caractéristiques de ce projet et de mettre en valeur l'intérêt qui
s'attache à son adoption ; qu'il n'est pas contraire au troisième alinéa
de l'article 39 de la Constitution ;
. En ce
qui concerne l'article 8 de la loi organique :
- Quant
à l'alinéa 1er de l'article 8 :
12.
Considérant qu'en vertu du premier alinéa de l'article 8 de la loi
organique, les projets de loi font l'objet d'une étude d'impact " dès le
début de leur élaboration " ;
13.
Considérant que la compétence conférée par le troisième alinéa de
l'article 39 de la Constitution à la loi organique concerne la
présentation des projets de loi par le Gouvernement ; que, s'il était
loisible au législateur de subordonner, sous les réserves énoncées aux
articles 11 et 12 de la loi organique, l'inscription d'un projet de loi à
l'ordre du jour de la première assemblée saisie au dépôt d'une étude
d'impact et s'il appartient à la Conférence des présidents de cette
assemblée de constater que cette étude d'impact est conforme aux
prescriptions de l'article 8 de la loi organique, le législateur ne
pouvait demander au Gouvernement de justifier de la réalisation de cette
étude dès le début de l'élaboration des projets de loi ; que, par suite,
les mots : " dès le début de leur élaboration " insérés dans la première
phrase du premier alinéa de l'article 8 de la loi organique sont
contraires à la Constitution ;
- Quant
aux alinéas 2 à 11 de l'article 8 :
14.
Considérant que, dans ses alinéas 2 à 11, l'article 8 de la loi organique
détermine le contenu des documents qui doivent être déposés sur le bureau
de la première assemblée saisie en même temps que le projet de loi ;
qu'aux termes de ces dispositions :
" Ces
documents définissent les objectifs poursuivis par le projet de loi,
recensent les options possibles en dehors de l'intervention de règles de
droit nouvelles et exposent les motifs du recours à une nouvelle
législation.
" Ils exposent avec précision :
" -
l'articulation du projet de loi avec le droit européen en vigueur ou en
cours d'élaboration, et son impact sur l'ordre juridique interne ;
" -
l'état d'application du droit sur le territoire national dans le ou les
domaines visés par le projet de loi ;
" - les
modalités d'application dans le temps des dispositions envisagées, les
textes législatifs et réglementaires à abroger et les mesures transitoires
proposées ;
" - les
conditions d'application des dispositions envisagées dans les
collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution, en
Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques
françaises, en justifiant, le cas échéant, les adaptations proposées et
l'absence d'application des dispositions à certaines de ces collectivités
;
" -
l'évaluation des conséquences économiques, financières, sociales et
environnementales, ainsi que des coûts et bénéfices financiers attendus
des dispositions envisagées pour chaque catégorie d'administrations
publiques et de personnes physiques et morales intéressées, en indiquant
la méthode de calcul retenue ;
" -
l'évaluation des conséquences des dispositions envisagées sur l'emploi
public ;
" - les
consultations qui ont été menées avant la saisine du Conseil d'État ;
" - la
liste prévisionnelle des textes d'application nécessaires, leurs
orientations principales et le délai prévisionnel de leur publication " ;
15.
Considérant, en premier lieu, que l'élaboration d'études particulières
répondant à chacune des prescriptions de ces alinéas ne saurait être
exigée que pour autant que ces prescriptions ou l'une ou l'autre d'entre
elles trouvent effectivement à s'appliquer compte tenu de l'objet des
dispositions du projet de loi en cause ;
16.
Considérant, en deuxième lieu, qu'en tant qu'il comporte injonction au
Gouvernement d'informer le Parlement sur les orientations principales et
le délai prévisionnel de publication des dispositions réglementaires qu'il
doit prendre dans l'exercice de la compétence exclusive qu'il tient des
articles 13 et 21 de la Constitution, le dernier alinéa de l'article 8
méconnaît le principe de séparation des compétences du pouvoir législatif
et du pouvoir réglementaire ; que, dès lors, le membre de phrase : " ,
leurs orientations principales et le délai prévisionnel de leur
publication " est contraire à la Constitution ;
17.
Considérant, en dernier lieu, que, si, par suite des circonstances, tout
ou partie d'un document constituant l'étude d'impact d'un projet de loi
venait à être mis à la disposition de la première assemblée saisie de ce
projet après la date de dépôt de ce dernier, le Conseil constitutionnel
apprécierait, le cas échéant, le respect des dispositions précitées de
l'article 8 de la loi organique au regard des exigences de la continuité
de la vie de la Nation ;
18.
Considérant qu'il s'ensuit que, sous les réserves énoncées aux
considérants 15 et 17, le surplus de l'article 8 de la loi organique n'est
pas contraire à la Constitution ;
. En ce
qui concerne l'article 9 de la loi organique :
19.
Considérant que l'article 9 prévoit que la Conférence des présidents de
l'assemblée sur le bureau de laquelle un projet de loi a été déposé en
premier lieu doit se prononcer dans un délai de dix jours sur le respect
des prescriptions du chapitre II de la loi organique ; que ni la durée de
ce délai, ni les conditions, prévues par le deuxième alinéa de l'article
9, dans lesquelles ce délai est suspendu ne sont contraires au quatrième
alinéa de l'article 39 de la Constitution ;
. En ce
qui concerne l'article 10 de la loi organique :
20.
Considérant que l'article 10 de la loi organique insère dans l'ordonnance
du 7 novembre 1958 susvisée un chapitre III bis qui porte sur l'examen,
par le Conseil constitutionnel, des conditions de présentation des projets
de loi ; que ces dispositions, d'une part, prévoient que le Conseil
constitutionnel avise immédiatement de sa saisine le Premier ministre et
les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat et, d'autre part,
fixent les règles relatives à la notification et à la publication de ses
décisions ; qu'elles ne sont pas contraires au quatrième alinéa de
l'article 39 de la Constitution ;
. En ce
qui concerne l'article 11 de la loi organique :
21.
Considérant, en premier lieu, que le deuxième alinéa de l'article 11
dispose que les projets de loi tendant à autoriser le Gouvernement à
prendre par ordonnances des mesures qui sont normalement du domaine de la
loi doivent être accompagnés " des documents visés aux deuxième à septième
alinéas et à l'avant-dernier alinéa de l'article 8 " ; que cette
disposition ne saurait, sans méconnaître l'article 38 de la Constitution,
être interprétée comme imposant au Gouvernement de faire connaître au
Parlement la teneur des ordonnances qu'il entend prendre sur le fondement
de l'habilitation qu'il demande pour l'exécution de son programme ;
22.
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du troisième alinéa du même
article 11 : " Les dispositions des projets de loi prévoyant la
ratification d'ordonnances sont accompagnées, dès leur transmission au
Conseil d'État, d'une étude d'impact composée des documents visés aux huit
derniers alinéas de l'article 8. Ces documents sont déposés sur le bureau
de la première assemblée saisie en même temps que les projets de loi
comprenant les dispositions auxquelles ils se rapportent " ; que ce
troisième alinéa impose au Gouvernement de déposer devant la première
assemblée saisie, non l'étude d'impact des dispositions en cause, mais
celle des ordonnances précédemment prises en vertu des articles 38 ou 74-1
de la Constitution et entrées en vigueur " dès leur publication " ; qu'une
telle exigence, qui ne trouve pas son fondement dans l'article 39 de la
Constitution, méconnaît les prescriptions de ses articles 38 et 74-1 ;
que, par suite, le troisième alinéa de l'article 11 doit être déclaré
contraire à la Constitution ;
23.
Considérant, en troisième lieu, que le dernier alinéa de l'article 11 de
la loi organique dispose que le dépôt des projets de loi autorisant la
ratification ou l'approbation de traités ou d'accords internationaux doit
être accompagné " de documents précisant les objectifs poursuivis par les
traités ou accords, estimant leurs conséquences économiques, financières,
sociales et environnementales, analysant leurs effets sur l'ordre
juridique français et présentant l'historique des négociations, l'état des
signatures et des ratifications, ainsi que, le cas échéant, les réserves
ou déclarations interprétatives exprimées par la France " ;
24.
Considérant qu'aux termes de l'article 52 de la Constitution : " Le
Président de la République négocie et ratifie les traités... " ; que la
compétence pour négocier, conclure et approuver les accords internationaux
non soumis à ratification appartient au pouvoir exécutif ; que le seul
pouvoir reconnu au Parlement en matière de traités et d'accords
internationaux par la Constitution est celui d'en autoriser ou d'en
refuser la ratification ou l'approbation dans les cas mentionnés à
l'article 53 ;
25.
Considérant que la loi organique a prévu, pour la bonne information du
Parlement, que les projets de loi tendant à autoriser la ratification ou
l'approbation d'un traité ou d'un accord international doivent être
accompagnés, le cas échéant, des " réserves ou déclarations
interprétatives exprimées par la France " ; qu'elle a ainsi visé les
réserves exprimées avant le dépôt du projet de loi ; que, par suite, elle
ne porte pas atteinte à la liberté du pouvoir exécutif, à l'occasion de la
ratification d'un traité ou d'un accord, de déposer des réserves, de
renoncer à des réserves qu'il avait envisagé de déposer et dont il avait
informé le Parlement ou, après la ratification, de lever des réserves
qu'il aurait auparavant formulées ;
26.
Considérant que, sous la réserve énoncée au considérant 21, le surplus de
l'article 11 de la loi organique n'est pas contraire à la Constitution ;
- SUR LES DISPOSITIONS RELEVANT DES ARTICLES 47 ET 47-1 DE LA
CONSTITUTION :
27. Considérant qu'en vertu du premier alinéa des articles 47 et
47-1 de la Constitution, le Parlement vote les projets de loi de
finances et de loi de financement de la sécurité sociale " dans les
conditions prévues par une loi organique " ;
28. Considérant que l'article 12 de la loi organique complète les
articles 51 et 53 de la loi organique du 1er août 2001 susvisée
fixant la liste des documents qui doivent accompagner le dépôt du
projet de loi de finances de l'année ou d'un projet de loi de
finances rectificative ; qu'il fait de même pour l'article L.O.
111-4 du code de la sécurité sociale définissant les documents
joints aux projets de loi de financement de la sécurité sociale ;
qu'il exige, sans leur appliquer la procédure du quatrième alinéa de
l'article 39 de la Constitution, que les dispositions qui
n'appartiennent pas au domaine exclusif de ces projets de loi soient
accompagnées des documents visés aux dix derniers alinéas de
l'article 8 de la présente loi organique ;
29. Considérant que, sous la même réserve que celle énoncée au
considérant 17, ces dispositions ne sont pas contraires à la
Constitution ;
(...)
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Voir aussi :
-
Texte intégral de la décision n° 2009-579 DC du 9 avril 2009
-
Résolution modifiant
le Règlement de l'Assemblée nationale
-
Modernisation des
institutions de la Ve République
-
Congrès du 21 juillet 2008
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