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Commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Mercredi 4 juillet 2007

Séance de 15 heures

Compte rendu n° 02

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

– Audition commune avec la commission des finances, ouverte à la presse, de M. Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, sur le projet de loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat – n° 4. 2

– Examen pour avis du projet de loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat – n° 4 17

– Information relative à la commission 28

La commission a procédé à l’audition commune avec la commission des finances, de l’économie générale et du plan, ouverte à la presse, de M. Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, sur le projet de loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat – n° 4 (articles 1er et 8 à 11).

Après que les commissaires ont observé une minute de silence à la mémoire de Paul-Henri Cugnenc, député de l’Hérault, décédé la nuit précédente, le président Pierre Méhaignerie a donné la parole à M. Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté.

M. Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, a fait observer que les articles 8 à 11 du projet de loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat – si celui-ci est adopté – permettront d’expérimenter, dans des départements volontaires, un dispositif qui est le fruit du travail d’une commission ayant réuni, notamment, deux parlementaires, Mme Paulette Guinchard et M. Laurent Wauquiez, et des représentants des syndicats et des associations.

Cette commission cherchait à résoudre le problème de la pauvreté des enfants : comment réduire celle-ci en privilégiant le retour au travail des parents ? Elle a publié un rapport, qui contient une quinzaine de résolutions et qui relève une difficulté majeure : dans un certain nombre de cas, la possibilité de travailler ne permet pas de sortir de la pauvreté.

Pour les personnes qui bénéficient des minima sociaux, la sortie du système est coûteuse : par exemple, une personne bénéficiaire du revenu minimum d’insertion (RMI), qui perçoit environ 440 euros par mois et une allocation, si elle reprend un travail à mi-temps
– rémunéré à moins de 500 euros par mois –, ou si elle conclut un contrat d’avenir – dont la durée est plafonnée à vingt-six heures et qui est rémunéré à hauteur de 650 ou 700 euros par mois –, perdra le droit à certaines aides. Il devient alors presque rationnel de ne pas chercher à reprendre un travail. D’autres personnes, qui travaillent pourtant, vont se retrouver dans une situation de très grande pauvreté, d’où une certaine amertume.

Enfin, il existe de nombreuses situations intermédiaires : certains, en s’occupant de personnes âgées ou handicapées quelques demi-journées payées au Smic, par exemple quatre jours par semaine, percevraient ainsi 350 euros par mois. Mais comme cette somme est presque entièrement déduite de leurs prestations, ils ne gagneraient en fait pas un centime de plus que s’ils ne travaillaient pas.

Autre cas de figure : une personne bénéficiaire du RMI, qui avait eu l’opportunité de travailler pendant un été, a reçu ensuite une demande de remboursement de la caisse d’allocations familiales, qui avait recalculé la moyenne de ses revenus en prenant en compte ses revenus de l’été.

Il s’agit de répondre à ce genre de situations. Le dispositif proposé doit donc satisfaire à trois objectifs :

– Le premier est de garantir à toute personne qui reprend un travail que ses ressources vont augmenter, et cela dès la première heure travaillée, sans recréer de nouveaux effets de seuil, qu’il s’agisse d’un temps partiel ou d’un plein temps, et de façon durable. Les mécanismes existants permettent parfois de cumuler différents types de revenus, mais au bout d’un an, les ressources diminuent : l’effet en est évidemment délétère.

– Le deuxième objectif est de disposer d’une arme « anti-travailleurs pauvres ». Parfois, le temps de travail du salarié est contraint, sa qualification insuffisante et ses charges de famille telles qu’il se retrouve en dessous du seuil de pauvreté. Ainsi, sur un total de 2,5 millions de travailleurs pauvres, un tiers est constitué d’intermittents : il s’agit d’une pauvreté due à la précarité ; les situations de temps partiel subi correspondent au deuxième tiers : le plus souvent, des femmes sont concernées ; le troisième tiers est constitué de salariés travaillant à plein temps, avec des charges de famille importantes. Certaines armes ont été imaginées pour sortir ces travailleurs de la pauvreté au travail, à l’image de la prime pour l’emploi ou des négociations salariales. Mais la solidarité doit pouvoir compléter les revenus du travail.

– Le troisième objectif est de simplifier. Le code des droits contre l’exclusion, ouvrage de 800 pages, a recensé le nombre d’aides auxquelles un allocataire du RMI peut théoriquement prétendre : on en dénombre 51 ! Aucun allocataire ne peut effectivement prétendre à toutes et aucun spécialiste du droit social ne peut les connaître toutes. Toutefois elles existent, peuvent se neutraliser, disparaître, d’autant que certaines sont liées à un statut. Le système est donc d’une grande complexité.

À la complexité des aides s’ajoute la complexité des acteurs. Il y en a une douzaine : l’allocataire du RMI aura à faire au conseil général, au centre communal d’action sociale, à la caisse d’allocations familiales (CAF), à la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), à l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE), aux Assédic, à l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), etc. Le circuit pourra durer quelques mois avant que l’intéressé puisse faire valoir ses droits de façon effective et qu’on puisse lui parler de travail.

Il faut encore ajouter la complexité des situations. On a souvent classé les gens par catégories : allocataires du RMI, bénéficiaires de l’allocation de parent isolé, personnes relevant d’un autre dispositif ou minimum social, etc.

Ces situations sont difficiles pour les personnes concernées mais aussi pour celles qui sont censées les aider – services sociaux, entreprises, élus – et pour l’ensemble du pays, qui compte plus de situations de pauvreté qu’il ne devrait en dénombrer. Il faut remarquer également que les minima sociaux ont été conçus principalement pour ceux qui sont dans l’incapacité de travailler, et non pour ceux auxquels la société est incapable de procurer un travail leur permettant de vivre dignement.

C’est dans ce contexte qu’a été conçu le revenu de solidarité active. On passe de l’idée d’une allocation différentielle où les aides viennent compléter les revenus du travail, à celle selon laquelle les aides décroissent, mais moins vite que ne croissent les revenus du travail. Il est possible de faire un parallèle avec le bouclier qui concerne les salaires les plus élevés, où l’on fait en sorte de ne pas prélever plus qu’une certaine partie des revenus. Présentement, il se trouve que certains allocataires du RMI, qui reprennent un travail, se voient prélever 100 % de leur revenu supplémentaire. L’idée d’un bouclier consistera à garantir au bénéficiaire du RMI qui reprend un travail rémunéré à hauteur de 500 euros par mois qu’il conservera effectivement 60 % ou 70 % de cette somme, ce pourcentage restant à définir. Il reviendra ensuite aux différents services de recalculer les aides correspondantes.

Tel est le principe du RSA, conçu au départ par la commission précitée comme une prestation qui devait se substituer et non se rajouter au RMI, à l’allocation de parent isolé, aux primes et différents mécanismes d’intéressement, à la prime pour l’emploi et qui avait vocation à s’articuler ou se fondre avec l’allocation aux adultes handicapés (AAH) et l’allocation de solidarité spécifique (ASS). En effet, les problèmes que rencontrent les personnes handicapées sont équivalents à ceux que connaissent les allocataires du RMI : certaines, qui bénéficient de l’AAH, conviennent qu’elles auraient la possibilité de travailler à quart de temps mais qu’elles ne le font pas pour éviter qu’on ne déduise la rémunération correspondante du montant de leur allocation.

Il convient de simplifier les modalités de mise en œuvre de ces différentes primes, mais aussi certains droits connexes, qu’ils dépendent de l’État ou des collectivités locales. Les barèmes devraient être harmonisés et s’appliquer en fonction non des statuts des intéressés mais de leurs ressources. Des travaux parlementaires ont été menés en la matière aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat pour simplifier et rendre plus juste le dispositif.

Cela demande du temps et de nombreuses concertations sont requises : ces dispositifs sont gérés par des institutions et des collectivités différentes ainsi que des budgets différents ; ils sont enchevêtrés, mais ne peuvent être « détricotés » trop rapidement. D’où la nécessité de trouver une méthode évitant d’aller « dans le mur », sur le plan financier comme sur le plan opérationnel.

Sur le plan financier, il s’agit d’aider les gens à trouver un travail à la hauteur de leurs capacités et de ce qu’on peut leur offrir, mais aussi qui leur permette de s’en sortir. Le travail est conçu comme un socle fondamental. Si l’on fait disparaître les effets de seuil précédemment évoqués, il devrait être possible de permettre à certains de passer d’une situation où ils ne travaillent pas à une situation où ils travaillent – quitte à ce que ce soit à temps partiel dans un premier temps – et de permettre à d’autres, qui travaillent à temps partiel, de travailler à temps plein. Au total, le volume d’heures travaillées serait donc augmenté pour chacun. Cela devrait engendrer des économies en matière de prestations sociales. Cependant, pour permettre ces économies, il faut d’abord consentir à un certain investissement, établir les barèmes et la nature des prestations au bon niveau, sans déstabiliser, dans le même temps, d’autres dispositifs.

Sur le plan opérationnel, les personnes en difficulté rencontrent différentes catégories d’obstacles : les premiers sont liés à l’environnement économique, aux effets de seuil, à la conjoncture économique, à la situation de l’emploi ; les seconds sont liés à leurs propres difficultés, qu’elles concernent l’emploi, le logement, la formation, la santé, les transports, la garde des enfants, le surendettement, etc. Il est possible de déterminer douze ou quinze problèmes fréquents. La plupart des personnes en rencontrent trois ou quatre, qu’il faut traiter en même temps. Or les politiques publiques ne sont plus armées pour cela et ces personnes se trouvent renvoyées d’une administration à l’autre. Il convient donc de créer des dispositifs davantage centrés sur les personnes, plus réactifs, plus fluides et plus rapides. Pour cela, il faut mobiliser les différents services qui ont chacun à gérer leur propre dispositif. Opérationnellement, il est important de modifier les habitudes.

Le pari est double : miser sur la simplification des prestations, pour rendre plus fluide le dispositif institutionnel ; miser sur l’organisation d’expérimentations sur des territoires volontaires.

Le sujet a déjà été travaillé et certains effets de la loi n° 2006-339 du 23 mars 2006 relative au retour à l’emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux ont été mis en évidence. Sur le premier territoire où un travail a été réalisé – le département de l’Eure – il a été décidé qu’un jour donné, les nouveaux allocataires du RMI trouveraient en face d’eux les représentants de la caisse d’allocations familiales (CAF) et d’autres institutions ; qu’il faudrait non plus trois mois, mais trois jours pour mettre au point un contrat d’insertion ; que ces nouveaux allocataires du RMI pourraient bénéficier immédiatement de la couverture maladie universelle (CMU) ; que dès le premier jour, la question du travail serait évoquée, car l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE) était aussi présente, avec les offres d’emploi disponibles. Grâce à ce dispositif, le taux de conclusion de contrats d’insertion est ainsi passé de 30 % à 90 %.

Il est aujourd’hui proposé de travailler en deux étapes, en commençant par une étape expérimentale, consolidée et même considérablement renforcée par le présent texte. Elle permettrait de préparer et de faire vivre les expérimentations, tout en favorisant la concertation sur les choix à faire s’agissant de la grande réforme des minima sociaux. Cette phase comporte quatre éléments :

– Premièrement, dans les départements volontaires, sur la partie du territoire choisie comme lieu d’expérimentation, tous les allocataires du RMI ayant une activité pendant cette période – qu’ils la reprennent ou qu’ils en accroissent la durée – se verront garantir un revenu supérieur à celui qu’ils percevraient s’ils ne travaillaient pas ; et cela, sans distinctions entre les allocataires car le dispositif doit être simple et accessible à tout le monde.

– Deuxièmement, les bénéficiaires de l’allocation de parent isolé (API), qui ne bénéficient pas des mécanismes d’insertion, et sont souvent de futurs allocataires du RMI, devraient bénéficier d’un dispositif « miroir » de celui dont bénéficient les allocataires du RMI : en effet, les allocataires du RMI dépendent des conseils généraux, ceux de l’API de l’État. Il serait souhaitable que l’État puisse faire bénéficier les allocataires de l’API du revenu de solidarité sans que l’on attende qu’ils soient sortis du dispositif API.

– Troisièmement, l’État contribuera au financement de ces expérimentations. Les départements pionniers, qui avaient trouvé la démarche intéressante, se sont dits prêts à les financer eux-mêmes, en attendant des jours meilleurs. Mais dès lors que cette démarche s’inscrit dans une réforme globale – d’intérêt local mais aussi d’intérêt national –, il a semblé normal au gouvernement que l’État participe de tous les points de vue à ces programmes d’expérimentation, en particulier en mobilisant les différentes administrations ou les différents établissements publics qui relèvent de sa compétence, la réussite de ces expérimentations devenant l’un de leurs objectifs, en simplifiant juridiquement les dispositifs concernés et en prenant financièrement en charge une partie du surcoût.

– Quatrièmement, les conditions dans lesquelles les départements pourront se porter volontaires doivent être précisées. L’article 142 de la loi de finances pour 2007 a entrouvert la porte de ces expérimentations ; il a conduit dix-sept départements à s’engager dans cette démarche. Il est proposé à ces départements de compléter leur dossier d’ici au 30 septembre s’ils souhaitent bénéficier des modifications que pourrait adopter le Parlement avec le présent texte.

Il est prévu également que les départements qui n’ont pas été intéressés par le premier dispositif, mais qui le seraient par le dispositif renforcé, puissent s’inscrire d’ici au 30 septembre. Néanmoins, leur nombre sera limité à une dizaine. Au-delà, les départements prioritairement retenus seront ceux connaissant le plus de difficultés, et donc ayant le potentiel fiscal le plus faible. Reste à savoir si c’est le bon critère ; il sera possible d’en discuter. Cette phase d’expérimentation devrait durer trois ans, voire moins, si la réforme peut entrer en vigueur plus rapidement, peut-être dès la fin de l’année prochaine.

Telle est l’économie générale de ce dispositif, dont il sera bien sûr rendu compte de l’état d’avancement.

Un débat a suivi l’exposé du haut commissaire.

M. Dominique Tian, rapporteur pour avis, après avoir remercié le haut commissaire pour la précision de son intervention, a estimé que le dispositif proposé, fondé sur le principe de l’expérimentation, est simple à comprendre et très réactif, facile à mettre en place très rapidement. Il est cependant regrettable que le haut commissaire n’ait pas parlé davantage de la réforme des minima sociaux.

Par ailleurs, quels sont les fonds dont il pourra disposer ? Le nombre des personnes concernées étant évalué à 55 000 dans le dossier de présentation et le surcoût par personne étant estimé entre 1 000 et 1 200 euros, le coût total de l’expérimentation s’élèverait à au moins 55 millions d’euros. Le gouvernement doit rapidement préciser les moyens qui seront consacrés à la mesure.

Enfin, il serait souhaitable de profiter de l’évaluation qui sera faite du RSA pour l’élargir au RMI : quelles sont les personnes qui font appel au RMI, pourquoi certaines y restent des années, pourquoi certaines ne cherchent pas à en sortir, pourquoi certaines sont plus facilement employables que d’autres ? Refusent-elles toute activité ou ne peuvent-elles pas en prendre une ? Il convient d’aller plus loin dans cette évaluation des allocataires du RMI, qui représentent plus d’un million de personnes en France.

Le président Pierre Méhaignerie a demandé au haut commissaire d’évoquer des cas concrets. Quel sera, avec le RSA, le revenu d’une personne qui travaille à deux tiers de temps et qui n’a pas d’autres revenus ? Que sera-t-il pour une personne qui travaille 18 heures, mais qui travaille ailleurs, plus ou moins légalement ?

M. Gilles Carrez, rapporteur de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, après avoir appuyé la demande de présentation de cas concrets, a demandé si l’on pourrait prendre en compte, dans certaines expérimentations, les aides au logement, celles-ci pouvant représenter près du tiers des revenus des bénéficiaires de minima sociaux, et à peine moins que les allocations stricto sensu. La même question vaut pour la prime pour l’emploi.

Par ailleurs, l’optimisme du rapporteur pour avis doit être salué, car la mise en place du RSA ne sera sans doute pas si simple. Cela demandera beaucoup d’ingénierie sociale. Tout dépendra du degré d’organisation et de motivation des départements. Cela pose la question de la participation de ces derniers, et de leur choix. Le critère de priorité proposé pour choisir les départements candidats à l’expérimentation, s’ils étaient plus de dix, est le potentiel fiscal ; ce critère ne paraît pas le plus pertinent. La motivation vient souvent des avantages financiers. L’État est prêt à partager avec les départements les surcoûts. Mais jusqu’à quelle hauteur ? La moitié ou un peu plus ? Cela étant, le dispositif proposé est formidable et on ne peut qu’y adhérer. Il est très complémentaire de l’article 1er du texte, relatif aux heures supplémentaires. Cet article 1er concerne ceux qui ont un emploi et dont on désire valoriser le travail. Quant à ceux qui n’ont pas d’emploi mais qui en cherchent un, ils sont concernés par les derniers articles du texte.

M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l’économie générale et du plan, a également demandé des précisions sur les modalités de contribution de l’État aux dispositifs d’expérimentation, sur la répartition des coûts entre l’Etat, les départements et d’autres partenaires et sur le montant global de l’expérimentation, la généralisation du RSA étant évaluée entre 4 et 8 milliards d’euros.

Le haut commissaire a tout d’abord insisté sur la distinction à faire entre le dispositif cible, à savoir la future réforme déjà préfigurée, et les premières étapes expérimentales qui n’intéressent qu’une partie de la population concernée et certaines aides. Puis, en réponse aux intervenants, il a apporté les précisions suivantes :

– Il s’agit d’éviter, dans le dispositif cible, de recréer des effets de seuil et des iniquités après les avoir supprimés. D’où un dispositif relativement simple concernant toutes celles et tous ceux dont les ressources de travail sont inférieures à un certain niveau, compte tenu de leur situation de famille. Leur revenu pourrait être complété jusqu’à un niveau correspondant à peu près au seuil actuel de sortie de la prime pour l’emploi, qu’elles soient passées ou non par les minima sociaux. Encore faut-il déterminer à partir de quelle quantité de travail on ne doit plus être dans la pauvreté, ce qui relève d’une décision politique.

– Lorsque ce dispositif a été imaginé, son coût global a été estimé entre 6 et 8 milliards d’euros, tout compris, mais sans prendre en compte les effets d’économies induits qui sont liés à la reprise de travail ; or certains pays qui ont mis en œuvre des systèmes de même nature, comme le Canada ou d’autres pays anglo-saxons, se sont rendu compte que l’investissement initial était remboursé. Le travail sera repris et l’on procédera à certaines simulations, qui pourront être étayées par des travaux de terrain.

– Concernant l’expérimentation, des documents seront distribués aux commissaires. On y voit qu’une personne seule au RMI reçoit un peu moins de 400 euros par mois. Si elle se remet à travailler à quart de temps, elle reçoit actuellement, la première année, 514 euros. Dans le nouveau dispositif, elle passera de 514 à 564. Si elle est à mi-temps, elle recevra 740 euros, à trois quarts de temps 916 euros et à plein temps 1 112 euros.

Le président Pierre Méhaignerie a demandé si les personnes concernées conserveraient les avantages indirects liés au RMI.

Après avoir précisé qu’elles les conserveraient tant qu’elles percevront une fraction de RMI, le haut commissaire a poursuivi ses réponses :

– Effectivement la mise en place ne sera pas simple. Il faudra modifier les habitudes et un texte, un décret ou une circulaire ne sauraient suffire. Cependant la démarche proposée prend en compte cette complexité. On continuera ce que l’on a commencé à faire, c’est-à-dire à faire bouger les services publics : ceux qui se trouvent dans les départements concernés pourront témoigner qu’il se passe quelque chose et que l’on arrive à simplifier les procédures, à lever les préalables, sans s’arrêter au premier obstacle. L’accompagnement est également important et il faudra veiller à ce que l’État y consacre de l’argent. Ce n’est pas aux départements de redéployer des travailleurs sociaux pour assurer tout le travail d’animation, d’accompagnement, d’impulsion, de coordination, de simplification, etc. L’aller et retour entre le niveau local et le niveau national devra être fluide : on doit pouvoir y arriver.

– Les allocataires du RMI constituent des populations tout à fait hétérogènes de par leur situation familiale, leur âge, leurs problèmes. Ils n’ont en commun que le niveau de leurs ressources : moins de 450 euros par mois. Par exemple, il y a environ 60 000 bénéficiaires du RMI à Paris : 15 000 ou 20 000 appartiennent au secteur du spectacle, 3 000 ou 4 000 au secteur de la communication. Ils sont évidemment assez différents des personnes que l’on peut rencontrer à Louviers ou dans les zones rurales de la Côte d’Or. Pour autant, si on les aide à régler leurs problèmes, les uns et les autres partagent la même aspiration à occuper une place digne dans la société.

Il ne faut donc pas commencer par les cataloguer, mais faire en sorte que la logique des droits et des devoirs et des engagements réciproques soit mise en œuvre. Notre niveau d’exigence doit correspondre à ce que l’on peut demander aux personnes et ce que l’on peut leur offrir. Dans de nombreux endroits, les personnes n’ont pas été accompagnées pendant deux ou trois ans ; il n’est pas possible de leur dire que, demain matin, on va leur demander quelque chose. Il faut aussi que l’Etat et les différents services se mettent en mesure de les recevoir et de leur répondre.

L’année prochaine, on aura une idée plus claire des dispositifs adaptés. Certes, on peut prévoir une évaluation plus précise des allocataires, mais il faut se méfier des clichés car les parcours sont assez compliqués. Il est frappant de constater que ceux qui vivent de leur travail chez Emmaüs sont plutôt issus du tiers de bénéficiaires du RMI souvent jugés inaptes au travail. Voilà pourquoi il convient d’avancer avec prudence et se méfier des catalogages.

– S’agissant de la prise en charge et de la répartition des coûts entre les différents partenaires, il convient d’être le plus complet et le plus précis possible. On peut distinguer deux cas de figure. Celui des personnes qui reprennent un travail mais bénéficient actuellement d’un intéressement à la reprise d’activité insuffisant (parce que leur horaire mensuel de travail est inférieur à 78 heures) ou inexistant parce qu’ils sont titulaires d’un contrat d’avenir ou d’un contrat insertion-revenu minimum d’activité : pour cette catégorie-là, soit à peu près 20 % des bénéficiaires du RMI, le surcoût unitaire annuel du revenu de solidarité active serait, pour les départements volontaires, de 1 200 à 1 300 euros. Celui des personnes sortant de tout dispositif d’intéressement, actuellement, après un an de travail, ce qui est trop court : il faut éviter que les intéressés ne « replongent » et le surcoût est alors plus important, de l’ordre de 2 600 euros.

En moyenne, le surcoût unitaire serait un peu inférieur à 2 000 euros. Si on estime que 25 départements vont participer à l’expérimentation sur une partie de leur territoire, avec environ 3 000 allocataires du RMI chacun, cela fait 75 000 personnes concernées. Si 20 % d’entre eux bénéficient du RSA, soit 15 000, et si le coût moyen est de 2 000 euros sur l’année, cela fait un total de 30 millions d’euros.

L’Etat propose de prendre en charge la moitié de ce surcoût direct pour les départements, soit 15 millions d’euros, de financer la totalité de l’expérimentation parallèle sur l’API, ainsi que des travaux d’évaluation, d’ingénierie et d’accompagnement. Ainsi, sur une enveloppe globale qui ne devrait pas dépasser 25 millions d’euros, il y aurait : 15 à 17 millions de contribution aux départements ; 3,5 à 4 millions pour la prise en charge du RSA des bénéficiaires de l’API ; les 3 à 5 millions restants servant à prendre en charge l’accompagnement, l’ingénierie, l’évaluation, etc.

M. Denis Jacquat s’est déclaré favorable au RSA dans la mesure où le dispositif est expérimental et repose sur le volontariat des départements. Dans sa philosophie, le RSA rejoint le postulat selon lequel les revenus du travail doivent être supérieurs à ceux de l’assistance. Lors de l’institution du RMI, qui eut lieu dans la même salle de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, une grande discussion s’était instaurée sur son appellation : « RM » (revenu minimum) ou « RMI » (revenu minimum d’insertion) ? La majorité des commissaires de l’époque, estimant que ce revenu devait être un marchepied vers l’emploi pour les personnes qui en étaient éloignées, avait opté pour la seconde appellation. Or l’insertion professionnelle s’est révélée très difficile à réaliser. Certains allocataires du RMI exercent une activité annexe : travail au noir, voire travail à l’étranger dans les départements frontaliers. Il serait bon de revenir à l’esprit primitif du RMI, à savoir le donnant-donnant, c’est-à-dire qu’en échange du versement de l’aide, les personnes qui le peuvent effectuent une activité d’intérêt collectif. Où en est-on dans ce domaine ? Dans le cadre des grands projets de ville (GPV) des équipes pour l’insertion ont convoqué les bénéficiaires du RMI un par un et sont parvenues à leur trouver des activités.

Mme Martine Carrillon-Couvreur a demandé des précisions, premièrement, sur le financement du dispositif – quelle est la durée prévue de l’engagement financier de l’Etat ? Quelle sera la répartition des responsabilités entre celui-ci et les départements ? –, deuxièmement, sur la façon d’agir contre l’éparpillement des acteurs quand deux ministères et un haut commissariat sont concernés par la question de la pauvreté et, troisièmement, sur les publics concernés. N’y a-t-il pas un risque que le RSA ne profite qu’aux personnes les plus proches de l’emploi, et donc qu’il y ait une « dualisation » du public du RMI ? Comment répondre à la situation de l’ensemble de ces personnes, en particulier de celles qui sont les plus éloignées de l’emploi et qui se trouvent dans les situations les plus précaires ? Comment garantir que le RSA ne deviendra pas un instrument supplémentaire du traitement social du chômage partiel, l’ensemble des politiques d’aides financières et d’aide aux personnes n’étant pas « revisité » dans le cadre du projet de loi proposé ?

M. Jean-Pierre Brard, considérant que M. Martin Hirsch est un homme honorable, qui d’ailleurs n’a pas accepté d’être ministre, ce qui constitue une ligne de partage pour les ventres affamés qui étaient à l’affût de trois lentilles ministérielles, a craint qu’il ne soit le Henri Dunant du XXIe siècle, rappelant que cet humaniste suisse, effrayé par les conséquences de la guerre qu’il avait pu constater à Solferino, a été à l’origine de la création de la Croix-Rouge.

Puis, il a évoqué le problème des loyers, considérant que dans une commune comme Montreuil, les gens sont livrés, pieds et poings liés, à des aigrefins. Cette question fait-elle l’objet de réflexions ? Enfin, le parallèle ayant été fait entre les deux « boucliers », fiscal et social, il est intéressant de comparer les montants en cause – 15 milliards d’euros de cadeaux fiscaux d’un côté, 25 millions pour le RSA de l’autre : ce rapport de 1 à 600 entre ce qui est fait pour les pauvres et les riches permet de juger la politique du gouvernement actuel.

M. François Baroin a présenté les observations suivantes :

– Le critère retenu pour la sélection des départements candidats, à savoir le potentiel fiscal, est dangereux, surtout pour ceux qui ont été fortement touchés par les délocalisations, car cela va engendrer un dispositif quasiment commercialisé des personnes qui sont dans une grande pauvreté. Cela mérite une discussion sérieuse.

– Le RSA a plusieurs murs porteurs. L’un d’eux, sur lequel le peuple a reçu une assurance du Président de la République, porte sur la contractualisation des engagements réciproques, au regard de l’emploi, entre celui qui touche une allocation et l’État. Or, pour les bénéficiaires de l’API, il est prévu, à l’article 10, que ces engagements réciproques seront précisés par voie réglementaire ; un point aussi important ne peut être renvoyé à un texte réglementaires et doit être discuté dans l’hémicycle.

– Les maisons de l’emploi font désormais partie de la « tuyauterie » de la cohésion sociale. Certaines existent déjà, d’autres se mettent en place. Comment le dispositif du RSA va-t-il s’insérer dans ce contexte ?

M. Marcel Rogemont a d’abord indiqué que l’Agence nouvelle des solidarités actives estime à 30 % la fraction des bénéficiaires du RMI susceptibles de bénéficier du RSA. Qu’est-il prévu pour les 70 % restants ? Le coût du dispositif est important et l’engagement de l’État intéressant. Cependant, lorsque ont été lancés les contrats d’avenir, il était convenu qu’une moitié relèveraient de l’Etat, l’autre moitié du conseil général. Or, en Ille-et-Vilaine, le conseil général finance 71 % des contrats actuellement. Quelles assurances sont données qu’il y aura un financement pérenne et clair de l’État au moins pendant la période de l’expérimentation ?

Par ailleurs, si l’on comprend bien le dispositif, un travailleur à temps partiel qui ne gagne pas beaucoup d’argent doit d’abord percevoir le RMI pour bénéficier du RSA. N’est-on pas en train de créer de nouveaux effets de trappe de pauvreté et des injustices ? Enfin, l’expérimentation est prévue sur trois ans. Cela signifie-t-il qu’il n’y aura pas de généralisation du processus avant ?

Mme Marie-Anne Montchamp, tout en s’interrogeant sur le fait que l’allocation aux adultes handicapés (AAH) puisse être considérée comme un minimum social, a estimé que l’égalité des droits des personnes handicapées implique que ces dernières ne soient pas tenues à l’écart du dispositif proposé, d’autant que les mécanismes de compensation facilitent leur accès à l’emploi et que les entreprises adaptées qui sont censées accueillir ces personnes dans l’emploi ont des ressources limitées. Il apparaît d’autant plus important d’envisager une expérimentation ciblée sur le public handicapé que les progrès techniques font que même des personnes très lourdement handicapées peuvent, si elles le veulent, accéder à l’emploi.

Mme Marisol Touraine, saluant l’optimisme de M. Martin Hirsch, s’est cependant déclarée dubitative quant à la portée exacte du dispositif et a souhaité avoir des précisions sur les points suivants :

– Il semble y avoir une sorte de confusion entre ce que le haut commissaire a appelé le dispositif cible et le projet de loi proposé. Au moment où la loi étendra l’expérimentation à l’ensemble du territoire national, le public concerné sera-t-il toujours limité aux allocataires du RMI et de l’API ou bien couvrira-t-il l’ensemble des travailleurs pauvres ? Par ailleurs, comment une personne passant d’un mi-temps à deux tiers de temps ou à un temps plein peut-elle bénéficier du dispositif proposé s’il faut percevoir le RMI ?

– Quelle est la durée prévue pour le dispositif ? L’ensemble des conventions d’expérimentation seront-elles identiques, de même durée ?

– Le RSA ne donnant pas en soi un emploi, une coopération est attendue de la part des employeurs ; qu’en sera-t-il ?

– Plus généralement, enfin, la France est l’un des rares pays à avoir neuf minima sociaux. L’objectif est-il que le RSA se substitue, en partie, à ces derniers ou de créer un dispositif différent de lutte contre la pauvreté indépendamment de la question des minima sociaux ?

M. Charles de Courson, se fondant sur l’expérience de la Marne, département qui met en œuvre l’expérimentation prévue par l’article 142 de la loi de finances pour 2007, a estimé que le champ de l’expérimentation pourrait utilement être élargi à des dérogations à un certain nombre de dispositions du code du travail relatives, d’une part, au contrat d’avenir et, d’autre part, au contrat d’insertion-revenu minimum d’activité. Par ailleurs, serait-il possible d’intégrer au RSA expérimental la prime pour l’emploi – que tout le monde souhaite voir « branchée » sur la feuille de paye et non sur l’impôt – et d’autres droits connexes, comme les aides au logement, les exonérations de taxe d’habitation ? Enfin, ne serait-il pas souhaitable, comme cela était sur le point d’être voté en 1997, d’éclater l’API entre un RMI et une allocation d’insertion liée à la signature d’un contrat ? Le contrôle de cette aide pose en effet des problèmes.

M. Pierre Morange a insisté sur le fait que la complexité des situations, des acteurs et des aides impose une maîtrise de l’information et a rappelé que, à la suite des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de finances de la sécurité sociale, il a déposé un amendement, qui a été voté, tendant à établir un numéro d’identification – le NIR – commun à toutes les caisses sociales – congés payés, Assédic, ANPE, etc. –, figurant dans un fichier informatique commun et croisé avec le fichier du fisc. Cela permet à la fois d’améliorer le service rendu à chacun des assurés, de s’assurer qu’il n’y a pas détournement de l’argent public à vocation sanitaire et sociale et de constituer une base de données efficiente pour la mise en œuvre du dispositif proposé.

Mme Muriel Marland-Militello a souligné que, si la population des bénéficiaires du RMI est très hétérogène, celle des personnes chargées du soutien ne l’est pas moins, chacun défendant en outre son « pré carré ». Y aura-t-il un référent unique par allocataire du RMI, comme cela est en train de se mettre en place dans les maisons départementales des personnes handicapées, un tel référent étant le seul garant d’une simplification du système ?

M. Etienne Pinte a signalé que beaucoup de communes apportent des aides sociales en fonction des revenus des intéressés. Ces aides seront-elles prises en compte ? A défaut, il y aurait un risque que leur perte vienne amputer l’augmentation du revenu des personnes bénéficiant du RSA.

M. Gérard Bapt a indiqué que les aides des communes sont par définition dispersées et portent sur tous les aspects de la vie des allocataires du RMI et posé les questions suivantes :

– Quelles sont les compétences respectives de M. Martin Hirsch et de Mme Christine Lagarde ?

– Le milliard d’euros que les départements attendent de l’Etat au titre de la compensation du transfert du RMI pourra-t-il être honoré ?

– Par ailleurs, le projet de loi permet de réserver le RSA aux personnes résidant depuis six mois dans les départements concernés. Cela ne va-t-il pas à l’encontre du développement de la mobilité, dont l’insuffisance est souvent citée comme un frein à l’emploi, d’autant qu’une frontière départementale peut couper un même bassin d’emploi, voire une même communauté de communes située sur deux départements différents ?

M. Christophe Sirugue a observé que le RSA est un outil et qu’il ne crée pas d’emplois potentiels. Qu’est-il prévu pour que les entreprises s’impliquent en ce domaine ? Si le public concerné est celui qui se trouve le plus proche de l’emploi, ne peut-on pas considérer que le RSA relève de la mission du service public de l’emploi ? Pourquoi faut-il, dans ces conditions, qu’il y ait un surcoût financé par les collectivités départementales ? Concernant la substitution du RSA aux autres minima sociaux, cette éventualité est-elle à prévoir dans des délais courts ou ne sera-t-elle à considérer qu’au terme de l’expérimentation ?

Par ailleurs, l’ADF – l’Assemblée des départements de France – est plus que réservée sur la prise en compte du potentiel fiscal pour le choix des départements expérimentateurs. Des éléments à caractère démographique seraient préférables, comme le taux de bénéficiaires du RMI inclus dans le RSA dans la population totale.

Enfin, au regard de l’expérience, la question financière doit être abordée. Qu’en est-il en effet du milliard d’euros qui n’a pas été versé aux départements au titre de la compensation du transfert du RMI ? De même, M. Jean-Louis Borloo, alors qu’il appartenait au gouvernement de M. Dominique de Villepin, s’était engagé à ce que l’Etat finance les surcoûts afférents aux contrats d’avenir à hauteur de 12 % du montant d’un RMI de base : il n’en est plus question… Dans le présent projet de loi, pourquoi est-il écrit que l’Etat, pour 2007, « peut prévoir » – et non « prévoira » – la prise en charge d’une partie du coût de l’expérimentation mentionnée ? Pourquoi n’est-ce qu’une possibilité et pourquoi n’est-ce prévu que pour 2007 ?

M. Roland Muzeau a fait remarquer que, si le principe du RSA n’est pas contesté, il est loin de faire l’unanimité puisque l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (UNIOPSS), ATD Quart-Monde et Le Secours Catholique s’insurgent contre le fait que, pour la première fois, la question des revenus n’est pas prise en compte, estiment que c’est un retour en arrière très préoccupant et souhaitent qu’il y ait une concertation. Celle-ci semble difficile puisque le texte doit être discuté dans quelques jours. En outre, aucun bilan n’a été fourni sur la loi du 23 mars 2006 pour le retour à l’emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux, qui a institué des primes forfaitaires de 150 euros, de 225 euros et de 1 000 euros, selon les situations des personnes concernées. Il aurait été utile avant d’aborder la présente discussion.

Par ailleurs, comment éviter que le RSA n’encourage la multiplication des offres de travail à temps partiel, et leur corollaire, à savoir une pression sur les salaires et les grilles professionnelles ?

Enfin, la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (FNATH) proteste contre les propos tenus dans un autre cadre par le haut commissaire sur la couverture de santé au-delà d’un certain seuil et sur l’instauration d’une franchise d’une journée sur les arrêts de travail.

M. Benoist Apparu a demandé pourquoi les droits connexes, accordés par les collectivités territoriales comme par l’Etat, ne sont pas pris en compte dans l’expérimentation alors qu’ils jouent un rôle très important dans la comparaison des niveaux de vie entre allocataires sociaux et travailleurs. Même en dehors de cela, si le RSA avec reprise d’emploi à plein temps offre un niveau de revenu supérieur au SMIC, est-il légitime que les personnes au SMIC depuis cinq ou dix ans soient moins bien rémunérées que celles au RSA en sortie de RMI ?

M. Patrick Lebreton a approuvé le principe du retour à l’activité des allocataires de minima sociaux. Cependant, l’expérience des contrats d’avenir à La Réunion a montré les limites de cet exercice. Il est vrai que la situation y est particulière : la population active représente 308 956 personnes sur un total de 770 000 habitants ; le nombre de chômeurs atteint 93 900 et celui de bénéficiaires du RMI 73 000. Y aura-t-il un dispositif particulier pour l’outre-mer en matière de RSA ?

Le président Pierre Méhaignerie a tout d’abord rappelé que, selon les départements, le taux de signature des contrats d’insertion avec les bénéficiaires du RMI varie entre 10 et 90 %. La motivation et la mobilisation des acteurs locaux sont donc une condition essentielle de la réussite de toute politique dans ce domaine. S’agissant des personnes au RMI, les enquêtes montrent également que 30 %, gravement handicapées, ne reprendront pas le travail, 20 % sont des jeunes en attente d’un emploi qui ne demandent pas d’accompagnement particulier, et 40 % pourraient travailler. Pour ces dernières se pose le problème de la mobilisation puisque 400 000 offres d’emploi sont non pourvues.

M. Jacques Delors, dans le rapport qu’il a conduit dans le cadre du Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERC), a écrit que le problème français est que le salaire direct a peu augmenté ces dernières années, alors que le salaire social et différé est de plus en plus important. Comment faire en sorte que ce déséquilibre ne soit encore plus fort dans les prochaines années ? Le même rapport apprend que le quintile de la population française aux revenus les plus faibles voit, par les prestations, augmenter de 56 % son revenu, tandis que le quintile le plus aisé voit, par la fiscalité, son revenu diminuer de 21 %. Il faut remettre toutes ces données en perspective par rapport aux pays européens.

Enfin, dans l’analyse, souvent polémique, des relations entre les collectivités locales, notamment les départements, et l’État, deux vérités ne doivent pas être séparées. La première est que l’État transfère des responsabilités sans en donner toujours les moyens. La seconde – qu’il ne faut pas oublier – est qu’il prend de plus en plus en charge une partie importante des impôts locaux par les dégrèvements et exonérations qui lui sont imposés par le Parlement. Il faut arrêter d’accuser sans cesse l’État. La taxe d’habitation payée effectivement par les citoyens rapporte 11 milliards d’euros quand les dotations d’État aux collectivités, tout compris, s’élèvent à 79 milliards d’euros. Il est des vérités qu’il est bon de rappeler si l’on veut que les responsabilités soient tenues à tous les échelons.

Le haut commissaire a apporté les réponses suivantes aux intervenants :

– La question concernant le temps laissé à l’expérimentation avant la généralisation est liée à celle sur les disparités pouvant exister entre les situations. Lors d’une expérimentation, une population est concernée tandis que l’autre ne l’est pas. Cela est tolérable sur un temps pas trop long et pour un écart pas trop important. Il faut trouver une cote pas trop mal taillée. Avec une durée d’expérimentation de trois ans, un engagement de cette durée pourra être pris avec les personnes ; c’est nécessaire, il est impossible de demander aux gens de se mobiliser sur une période inférieure.

Cela ne signifie par pour autant que la réforme globale n’interviendra qu’après ce délai. Le Premier ministre et le Président de la République estiment qu’elle doit avoir lieu avant et envisagent de revenir devant le Parlement dans un an ou dix-huit mois avec pour objectif une application de la réforme au 1er janvier 2009. D’ici là, des éléments d’appréciation et d’évaluation pourront être recueillis. Des évolutions ont eu lieu au cours des derniers mois dans les premiers départements expérimentaux et peuvent déjà être mesurées. Des calages financiers et opérationnels seront disponibles. Deux cas de figure se présenteront alors : soit on considérera que les expérimentations doivent être poursuivies et les départements expérimentaux pourront continuer des règles différentes pendant les deux années suivantes, soit on considérera que la généralisation ne rend plus nécessaires les dérogations qui leur étaient appliquées et ils seront réintégrés dans le droit commun. La richesse des questions posées lors de la présente audition montre l’ampleur de la tâche à accomplir, surtout si l’on veut parvenir à un dispositif plus simple et plus cohérent.

– Pour ce qui concerne les allocataires de l’AAH, un certain nombre d’associations vont être reçues prochainement pour faire part de leur vision des choses. Si des dispositions peuvent être ajoutées dans le projet de loi sans trop de difficultés, cela donnera lieu à débat, mais il n’a pas été jugé bon d’inclure des mesures à ce sujet trop tôt dans le texte pour ne pas anticiper sur ces réunions et ne pas laisser les associations en dehors du processus.

– Le projet ne concerne que les allocataires du RMI et de l’API car ils sont dans des mécanismes dont on maîtrise et peut faire évoluer rapidement les paramètres, tandis qu’il est impossible d’inventer de toute pièce un dispositif d’ensemble pour les travailleurs pauvres. On a préféré ouvrir le chantier avec une expérimentation limitée et réfléchir en même temps à l’intégration future d’éléments comme la prime pour l’emploi, plutôt que de faire du bricolage qui ne fonctionnerait pas. Un examen de ce qui est jouable est prévu, sans préjugé. La seule expertise dont on dispose actuellement réside dans les différents rapports rédigés sur le sujet.

– Il en va de même pour les droits connexes et les prestations des communes. Il serait bon que, dans les départements volontaires, les communes concernées puissent s’impliquer, spontanément ou en se rattachant au département par une convention. Si, dans certains endroits, on parvient, de la région jusqu’à la commune, à « mettre au carré » les différentes prestations pour parvenir à une harmonisation – comme pour le transport en Île-de-France – ce sera utile pour les autres. On ne dispose pas d’une connaissance exhaustive des différentes prestations, d’où l’inutilité de pousser le Parlement à légiférer sur des terrains mal connus. En revanche, toute les informations que l’on pourra acquérir sur la manière dont les choses se passent dans les communes et sur les conséquences induites par certains changements et, notamment, par l’alignement de certains critères sur d’autres plus généraux seront utiles pour la suite. Cela permettra de déterminer si, dans le respect de l’autonomie des collectivités locales, une loi doit caler le dispositif ou s’il suffit de donner des lignes directrices aux communes. Ce sera un autre chantier important de l’année qui vient.

– Doit-on développer pour les allocataires du RMI des activités professionnelles d’intérêt collectif ? Le but du RSA est de permettre aux personnes percevant les minima sociaux de retrouver un vrai emploi avec un vrai salaire et une vraie protection sociale et, lorsque cette dernière n’est pas suffisante, de la compléter. Il n’est pas question de créer des dispositifs spécifiques dans lesquels elles n’auraient pas le statut de salarié, à la fois pour ne pas les rendre marginales à vie et pour ne pas faire de la concurrence déloyale vis-à-vis des salariés. C’est pourquoi le dispositif proposé se fonde sur un complément et un vrai travail de droit commun. Cela étant dit, d’autres points sont à envisager, notamment les articulations avec les contrats aidés. En concertation avec Mme Christine Lagarde, une uniformisation des différents contrats est à recherchée. La loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale permet déjà à des départements de faire des expérimentations sur une sorte de contrat unique d’insertion, attendu de longue date.

– Différents instruments permettent à un allocataire du RMI de pouvoir prétendre soit à un emploi sans aide, soit à un emploi avec le complément du RSA, soit à des emplois aidés bien « formatés », soit à d’autres dispositifs d’accompagnement plus spécialisés. On a fait trop de généralisations en se fixant pour objectif que 100 % des gens s’orientent dans telle direction alors qu’on n’était pas capable de suivre et les travailleurs sociaux se plaignent de ce que les textes législatifs, au lieu de les aider, ajoutent encore un instrument de plus.

Mais il s’agit de travailler pour 100 % des allocataires de minima sociaux. Il n’est pas question de se concentrer sur les 30 % les plus « employables ». Au demeurant, la dualisation dénoncée des bénéficiaires de minima sociaux, de même que les difficultés entre allocataires sociaux et travailleurs pauvres, qui envient certains de leurs avantages, existent déjà. Le RSA, qui s’intéresse aux charnières entre les allocataires de minima sociaux et les travailleurs pauvres, qui met de la fluidité entre les différents dispositifs et qui doit, si l’on travaille bien, faire en sorte qu’il n’y ait pas de différenciation entre la personne qui sera passée ou non par la « case » RMI, est un instrument anti-dualisation,  anti-lutte entre les travailleurs très pauvres et les pauvres qui, à l’heure actuelle, se livrent, sur les plans social et politique, une bataille terrible.

– L’accompagnement financier de l’Etat durera le temps de l’expérimentation. Le gouvernement verra avec l’Assemblée des départements de France, à l’aide des fichiers disponibles, si le chiffrage correspond bien et si l’enveloppe prévue permet de financer la moitié du surcoût. Quant à ce qui s’est passé au moment des transferts de compétences, le grand chantier sur les minima sociaux qui sera ouvert permettra de voir où en sont les compteurs. Il sera proposé d’avoir un regard indépendant sur les éléments de différends financiers entre l’Etat et les départements pour ne pas s’engager dans une réforme globale sans avoir traité les problèmes. Cela impose de s’y atteler dès la rentrée, ce qui sera proposé aux membres des deux commissions ainsi qu’au Premier ministre et au Président de la République.

– Le haut commissaire a pleinement la charge de la réforme des minima sociaux, en liaison avec le ministère de l’intérieur puisque les collectivités locales sont concernées. Par ailleurs, dans le décret d’attribution, qui pour une fois n’est pas sibyllin, il est clairement indiqué que le haut commissaire est en charge de la réforme des contrats aidés avec la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. A cela s’ajoutent des programmes de lutte contre la pauvreté et d’expérimentation et d’innovation sociales. De manière plus générale, il n’y a pas que deux départements ministériels et le haut commissariat qui s’occupent de pauvreté. Traiter le problème à la racine engage beaucoup plus de ministères.

– Si le critère du potentiel fiscal est considéré comme mauvais, il faut le changer, avec deux contraintes seulement : passer le crible du Conseil constitutionnel et empêcher que ne soit dépassé le nombre de dix départements volontaires nouveaux. Si la référence à la proportion d’allocataires du RMI semble plus appropriée, cela ne posera aucune difficulté.

– Il n’y a aucun inconvénient à ce que la question de la contractualisation des engagements des bénéficiaires de l’API soit précisée dans la loi plutôt que d’être renvoyée à un décret. Le législateur sera ainsi assuré de son effectivité.

– Le dispositif proposé a pour but non pas de créer de nouvelles institutions mais de se glisser dans les différentes institutions existantes, comme les maisons de l’emploi. Dans les départements volontaires, il n’est pas besoin d’envoyer avec accusé de réception des lettres avec entête du préfet pour réunir autour d’une même table les différentes institutions et les différents organismes. Il suffit de dire qu’on va se battre pour mettre en place des dispositifs de retour à l’emploi plus efficaces. Et quand on précise qu’il ne va pas y avoir un dispositif imposé d’en haut mais que l’on va partir des obstacles rencontrés sur le terrain, discuter avec les travailleurs sociaux, faire des groupes d’allocataires du RMI et prendre en compte les problèmes de mobilité, de santé et de garde d’enfant, il se passe quelque chose qui suscite une mobilisation. Les élus ont toute leur place dans cette procédure, à la fois en présentant des remontrances au gouvernement quand les choses n’avancent pas et en faisant en sorte que le dispositif puisse fonctionner dans leur département.

– Pour éviter que les entreprises ne se plaignent du nombre d’offres d’emploi restées insatisfaites et les allocataires du RMI de l’impossibilité d’avoir accès à ces emplois, il est procédé, dans les départements volontaires, à des distributions de questionnaires, à des mobilisations et à des engagements d’entreprises parallèlement à un accompagnement des allocataires du RMI afin de comprendre, en visant des populations restreintes, pourquoi tant d’emplois restent vacants. Les raisons peuvent être que les intéressés ne sont pas assez bien payés, qu’ils nécessitent une qualification ou encore que les problèmes de transport ne sont pas résolus.

– Les employeurs disent parfois être prêts à prendre des travailleurs non qualifiés mais ne le font pas si le déclenchement de la formation se fait deux ans après. Il faut donc démarcher les régions, les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) des fonds de la formation professionnelle, faire avancer les choses. Si l’on ne peut faire venir des entreprises nouvelles, il est possible de contribuer à la mise en place d’un environnement et de prestations plus favorables au retour à l’emploi et au besoin de main-d’œuvre.

– Le RSA risque-t-il d’accroître la précarité et le nombre d’emploi à temps partiel ? Ce sujet difficile a été débattu avec les syndicats et les associations, qui ne sont pas aussi négatives que le prétend M. Roland Muzeau, en particulier Le Secours Catholique et ATD Quart-Monde. L’UNIOPSS est plus éloignée de ces sujets, mais toutes seront consultées. Le risque, que l’on n’a pas le droit de prendre, est de maintenir des marches trop hautes qui laissent des gens en dehors du monde du travail. Quand la seule possibilité est de démarrer par un temps partiel, on n’a pas le droit de le refuser. Un travail de négociation sociale sera ensuite nécessaire pour éviter les dérives vers cette catégorie de travail. Cela fera l’objet d’un examen de près pendant l’année qui vient, afin de surmonter le problème du temps partiel qui est parfois aussi imposé par certains dispositifs publics obligeant à un horaire de travail fixé à vingt-six heures.

– Outre-mer, il existe un dispositif l’allocation de retour à l’activité (ARA) qui nécessitera peut-être l’institution d’un RSA-ARA.

– La condition de résidence d’une certaine durée dans les départements expérimentateurs est conçue pour éviter que des personnes ne déménagent pour profiter du RSA expérimental, plus attractif que le droit commun. La durée de résidence exigée ne pourra excéder six mois, mais rien n’empêchera un département de l’établir à quinze jours, un mois ou trois mois : ce n’est donc pas un obstacle à la mobilité.

– La question du logement devra naturellement être traitée. Un grand débat avait eu lieu dans la commission « Familles, vulnérabilité, pauvreté » sur l’intégration des aides au logement dans le RSA. Les acteurs du logement y étaient plutôt réfractaires et s’étaient déclarés plus favorables à une définition de l’articulation entre les deux aides, certains revenus sans RSA pouvant être inférieurs au loyer lui-même.

– S’agissant des indemnités journalières maladie, il faut rappeler qu’avec moins de trois ans d’ancienneté, dans le cas de certains contrats et dans les emplois de service d’aide à domicile, un travailleur ne bénéficie pas de la garantie de maintien du salaire. Le système social concourt ainsi à la précarité, à la dualisation. Certaines personnes qui travaillent se retrouvent, lorsqu’elles sont en congé maladie, avec des ressources inférieures au RMI. Il y a sans doute un rééquilibrage à rechercher entre les personnes pour lesquelles la couverture maladie peut fonctionner dès le premier jour à taux plein et celles qui peuvent rencontrer des difficultés de trois à onze jours, tout en plafonnant le reste à charge car certaines personnes peuvent avoir des dépenses de santé de plusieurs milliers d’euros.

– Enfin, la possibilité que le revenu d’un bénéficiaire de minimum social reprenant un emploi excède le SMIC existe déjà. En effet, dans le dispositif d’intéressement en vigueur, une personne au RMI qui reprend directement un emploi au SMIC à plein temps a, pendant les trois premiers mois, une possibilité de cumul intégral du RMI et du salaire, donc temporairement un revenu supérieur de plusieurs centaines d’euros supérieur au SMIC. Dans le RSA, il y aura un peu moins de cent euros d’écart, ce qui n’est pas insupportable pour un temps limité. Le but est que, à chaque fois, l’augmentation du travail se traduise vraiment par un surcroît de revenu. Toutes ces questions devront être remises à plat dans la réforme générale.

Le président Pierre Méhaignerie a cité le cas de la ville de Perpignan où l’on compte 7 000 bénéficiaires du RMI. Le maire de cette ville a fait remarquer qu’il aura beaucoup de difficulté, si au RMI viennent s’ajouter trois mois de travail dans le maraîchage, la viticulture ou le tourisme et, demain, le RSA, sans compter les droits connexes qui représentent souvent 300 ou 400 euros, pour trouver cinquante personnes pour occuper des emplois durables dans l’industrie ou le bâtiment ! Cette question est posée aux parlementaires dans toutes les réunions et doit recevoir une réponse alors que la main-d’œuvre va manquer dans de nombreux secteurs. Une expérimentation à l’échelle de Perpignan permettrait de voir comment éviter ces contournements.

Le haut commissaire a répondu qu’il serait intéressant de voir s’il est possible d’élaborer un dispositif adapté à une branche professionnelle en fonction d’un certain nombre d’engagements qu’elle serait capable de prendre et que le législateur pourrait, si nécessaire, fixer dans un texte. Dans un premier temps, il faut travailler avec les employeurs et les branches professionnelles, telles que le bâtiment, l’agroalimentaire et les transports pour voir ce qu’il est possible de faire en ce sens.

Le président Pierre Méhaignerie a remercié le haut commissaire pour ses nombreuses réponses aux députés présents.

*

Puis, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné, sur le rapport de M. Dominique Tian, le projet de loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat – n° 4.

La commission ayant évoqué de manière substantielle avec M. Martin Hirsch, haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, l’expérimentation du revenu de solidarité active, M. Dominique Tian, rapporteur pour avis, a considéré qu’il n’est pas besoin d’y revenir longuement, sinon pour rappeler que ces dispositions ne constituent, en tout état de cause, qu’un premier étage, à titre expérimental, d’une construction appelée à être encore plus ambitieuse.

L’autre question dont s’est saisie la commission est celle du nouveau dispositif d’exonérations fiscales et sociales au titre des heures supplémentaires travaillées. Ce dispositif a déjà longuement été décrit par Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, des finances et de l’emploi, lors de son audition par la commission des finances aujourd’hui même. À titre de rappel cependant, l’économie générale de l’article 1er du projet de loi peut être ainsi résumée.

L’objectif poursuivi consiste à favoriser la relance de l’économie en diminuant le coût du travail des entreprises tout en favorisant l’accroissement du revenu des salariés travaillant davantage. Le projet crée à cet effet un dispositif très complet, qui comporte plusieurs volets : une exonération fiscale applicable au revenu versé au titre de tout type de temps excédentaire travaillé ; des exonérations à la fois salariales et patronales au titre de ce même temps supplémentaire travaillé ; une refonte du mécanisme de calcul de l’allègement Fillon de manière à neutraliser l’effet négatif existant en cas d’heures supplémentaires travaillées.

La caractéristique principale de ces dispositions est qu’elles ont vocation à s’appliquer à l’ensemble des salariés. En outre, toutes les situations d’aménagement du temps de travail doivent être prises en compte. C’est ainsi que sont retenues les heures supplémentaires, mais aussi les heures choisies effectuées au-delà du contingent – soit le volume d’heures supplémentaires pouvant être effectuées chaque année par un salarié avec une simple information de l’inspecteur du travail –, ainsi que les heures complémentaires réalisées au-delà de l’horaire contractuel des salariés à temps partiel. Différents types d’aménagements du temps de travail sont visés, tels la modulation, le travail par cycle, l’organisation du temps de travail par attribution de journées ou demi-journées de repos, etc.

D’autres mécanismes visent à prévenir les effets d’optimisation, afin d’éviter les artifices consistant pour un employeur à limiter la durée du travail en faisant fictivement apparaître des heures supplémentaires ou complémentaires, par une sorte d’effet d’aubaine. Par ailleurs, le taux de majoration des heures supplémentaires dans les entreprises de vingt salariés au plus, qui était fixé jusqu’au 31 décembre 2008 à 10 %, est porté à 25 % dès le 1er octobre 2007 afin que l’ensemble des salariés bénéficie de la même majoration.

En conclusion, le rapporteur pour avis a souligné que, comme l’a rappelé la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi, en application de l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, l’État compensera intégralement les exonérations de cotisations de sécurité sociale aux régimes concernés.

Puis la commission est passée à l’examen des articles.

Avant l’article 1er

La commission a examiné un amendement de Mme Martine Billard disposant que le refus du salarié d’effectuer des heures supplémentaires à l’initiative de son employeur ne peut être considéré comme une faute ou un motif de licenciement.

Mme Danièle Hoffman-Rispal a souligné que ce nouveau régime d’heures supplémentaires s’appliquera également dans les petites et moyennes entreprises, et notamment aux femmes, majoritaires, par exemple, dans le petit commerce. Or les contraintes de la vie familiale ne sont pas prises en compte par le projet de loi. C’est pourquoi il est important d’éviter qu’un salarié qui refuserait d’effectuer des heures supplémentaires ne soit sanctionné par un licenciement.

M. Dominique Tian a précisé que ce projet de loi est principalement un texte portant création d’exonérations fiscales et sociales, non un projet tendant à réformer l’organisation du temps de travail : de ce fait, le présent amendement n’est pas très opportun. En tout état de cause, il existe en la matière des règles jurisprudentielles, à l’image de celle rappelée dans un arrêt du 20 mai 1997 par la chambre sociale de la Cour de Cassation, selon laquelle le refus d’exécuter des heures supplémentaires ne peut être considéré comme fautif lorsqu’il est exceptionnel et motivé par le fait que le salarié n’a pas été prévenu suffisamment tôt.

M. Michel Liebgott a contesté l’opportunité de la présente réforme, qui repose sur une logique d’individualisation des rapports entre l’employeur et le salarié, soulignant qu’il aurait été plus opportun de recourir à la signature d’accords de branche et de parvenir ainsi à un meilleur équilibre entre les différentes parties. Le rapport de forces est de fait déséquilibré dans l’entreprise : un salarié ne peut ni exiger, ni refuser de faire des heures supplémentaires.

Par ailleurs, on ne peut que déplorer l’absence d’étude d’impact de ce texte dans les différents secteurs économiques. En effet, il existe des secteurs d’activité chroniquement en sous-effectifs, comme le bâtiment. Mais en s’appliquant à tous les secteurs indifféremment, ce projet de loi risque de créer des comportements opportunistes, de la part d’entreprises qui n’ont pas nécessairement toujours besoin de telles incitations financières, en particulier là où les salariés effectuent déjà des heures supplémentaires. Les syndicats ne s’y sont d’ailleurs pas trompés, puisqu’ils se sont tous opposés à ce projet de loi, à l’exception de la CFTC, que ce soit à la Caisse nationale d’allocations familiales (CNAF), à la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) ou à la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV), .

Le rapporteur pour avis a rappelé que le recours aux heures supplémentaires est aujourd’hui déjà encadré : par exemple, le niveau du contingent par salarié est fixé à 220 heures par an et la durée hebdomadaire maximale du travail à quarante-huit heures.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission a rejeté l’amendement.

Pour les mêmes raisons, suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission a rejeté un amendement de Mme Martine Billard insérant le même dispositif dans le code rural.

Article 1er : Mesures destinées à favoriser l’augmentation de la durée moyenne du travail

La commission a examiné deux amendements de suppression de l’article, l’un de Mme Martine Billard et l’autre de M. Michel Liebgott.

M. Roland Muzeau a indiqué que le groupe de la Gauche démocrate et républicaine déposera également un amendement de suppression en séance publique.

Le rapporteur pour avis a souligné que la suppression de l’article vide de son sens le projet de loi, alors même que le dispositif prévu à l’article 1er est très attendu par les salariés.

Le président Pierre Méhaignerie a rappelé que ces amendements vont de fait contre la volonté des salariés et qu’on ne peut oublier qu’il existe aujourd’hui plus de 500 000 offres d’emplois non satisfaites.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission a rejeté les amendements.

Puis la commission a examiné un amendement de M. Michel Liebgott tendant à supprimer l’ensemble du nouveau dispositif d’exonération fiscale.

M. Michel Liebgott a rappelé que c’est la croissance qui crée des emplois, et non la loi. Le principal problème de la France résulte bien de la situation de chômage de nombreuses personnes, qui de plus ne trouvent plus d’emploi en contrat à durée indéterminée puisqu’aujourd’hui 75 % des embauches sont effectuées sur des emplois précaires. Ce projet de loi ne fait qu’ajouter à la précarité : les heures « normales » travaillées deviendront demain l’exception. Or la priorité, c’est bien la création d’emplois à durée indéterminée. Du reste, il est clair que ce projet de loi ne fait qu’anticiper sur d’autres dispositions à venir, comme la suppression du contrat à durée indéterminée avec la création d’un contrat unique.

Le rapporteur pour avis a estimé que l’opposition fait une erreur psychologique d’appréciation du texte. Les salariés veulent améliorer leur pouvoir d’achat et ils le disent. Ce projet de loi le leur permet : il est véritablement très attendu.

M. Michel Liebgott a rappelé que seuls quelque 40 % des salariés effectuent aujourd’hui des heures supplémentaires. On est donc loin des possibilités offertes par le contingent, fixé à 220 heures, à l’évidence sous-utilisé.

Le rapporteur pour avis a souligné que, pour les salariés, l’adoption du projet de loi se traduira par une meilleure rémunération.

Mme Danièle Hoffman-Rispal a rappelé qu’un premier texte a déjà, il y a deux ans, porté le contingent d’heures supplémentaires à 220 heures. On ne voit pas ce que ce nouveau projet peut apporter aux salariés, alors même que le pays souffre surtout du manque de croissance et que de très nombreux chômeurs ont besoin de travailler.

Le rapporteur pour avis a jugé inutile de refaire le débat sur les trente-cinq heures et réaffirmé la position très favorable des salariés à l’égard du projet de loi.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission a rejeté l’amendement.

La commission a adopté un amendement du rapporteur pour avis visant, dans un souci d’exhaustivité, à permettre aux salariés qui bénéficient du régime prévu à l’article L. 212-4-7 du code du travail, à savoir une réduction de la durée du travail sous forme d’une ou plusieurs périodes d’au moins une semaine en raison des besoins de leur vie familiale, de bénéficier des nouvelles exonérations. Les heures supplémentaires qu’ils effectuent sont en effet définies de manière spécifique au troisième alinéa de ce même article comme celles qui sont réalisées au-delà de la durée légale de trente-cinq heures ou, en cas d’application d’une convention ou d’un accord défini à l’article L. 212-8, comme celles qui sont effectuées au-delà des limitées fixées par cet accord.

La commission a ensuite adopté un amendement du rapporteur pour avis visant à permettre aux salariés travaillant dans les petites entreprises de vingt salariés ou moins selon la procédure de temps choisi, prévue au II de l’article 4 de la loi n° 2005-296 du 31 mars 2005 portant réforme de l’organisation du temps de travail dans l’entreprise, de bénéficier des nouvelles exonérations.

M. Marcel Rogemont et Mme  Marisol Touraine ont interrogé le rapporteur pour avis sur la compensation de ces exonérations s’agissant des contributions aux régimes complémentaires de retraite, tels les régimes de l’Association générale des institutions de retraite des cadres (AGIRC) et de l’Association des régimes de retraite complémentaire (ARRCO).

Le rapporteur pour avis a rappelé la teneur de l’exposé des motifs du projet de loi, selon lequel « en application de l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, l’État compensera les exonérations de cotisations de sécurité sociale aux régimes concernés ».

S’en rapportant aux propos de la ministre de l’économie, des finances et de l’emploi, le président Pierre Méhaignerie a indiqué que la compensation devrait être effective. Pour autant, il convient sans doute de s’assurer qu’elle le sera également pour les régimes complémentaires de retraite et ce point pourrait faire utilement l’objet d’une question adressée à la ministre en séance publique.

La commission a ensuite adopté un amendement du rapporteur pour avis visant à inclure dans le nouveau dispositif d’exonérations les salariés non cadres soumis à une convention de forfait horaire sur une base mensuelle.

La commission a examiné un amendement du rapporteur pour avis visant à clarifier la rédaction de la clause destinée à éviter les abus en matière de temps partiel. La formulation retenue par l’alinéa 21 de l’article 1er du projet de loi n’est pas très explicite : il s’agit donc de prévoir expressément que le dépassement de l’horaire fixé au contrat de travail à temps partiel ne peut donner lieu au bénéfice des nouvelles exonérations que s’il est régularisé du fait de l’inclusion de ce dépassement dans l’horaire prévu au contrat d’une part, et seulement pour une durée limitée d’autre part.

M. Michel Liebgott a reconnu la nécessité d’éviter ces abus, tout en estimant que l’amendement ne répond pas entièrement à la question posée par le développement du temps partiel. Ainsi, par exemple, dans la grande distribution, du fait des dispositions du présent projet de loi, les entreprises seront peut-être incitées à créer plus d’emplois, mais des emplois à temps partiel.

Le président Pierre Méhaignerie a rappelé qu’en matière d’heures complémentaires, il existe malgré tout la limite de droit commun égale au dixième de l’horaire prévu au contrat à temps partiel, volume d’heures pouvant être travaillées au-delà de l’horaire contractuel, mais qui ne peut être dépassé en l’absence d’accord collectif.

La commission a adopté l’amendement.

La commission a examiné un amendement de M. Michel Liebgott visant à supprimer les dispositions relatives aux nouvelles exonérations de cotisations de sécurité sociale sur les heures supplémentaires.

M. Michel Liebgott a souligné que cette disposition est de nature à creuser encore le déficit des régimes sociaux. Qui paiera en effet ? Sera-t-il fait appel à la TVA sociale et aux contribuables locaux ? Au moins avec la réduction du temps de travail et les emplois jeunes, on savait qu’une ressource serait libérée au fil de la mise en œuvre des dispositifs.

Evoquant une dynamique de confiance, une dynamique de croissance, le président Pierre Méhaignerie a toutefois concédé qu’il y a une part de pari ; comme le disait Edgar Faure : « Il y a des politiques sans chances, il n’y a pas de politiques sans risques »

Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, la commission a rejeté l’amendement.

La commission a adopté un amendement du rapporteur pour avis visant à préciser dans le texte de l’article 1er que l’ensemble des heures de travail excédentaire effectuées pourront bénéficier de la nouvelle déduction patronale, à la seule exception des heures complémentaires réalisées par les salariés à temps partiel, conformément à l’intention exprimée dans l’exposé des motifs du projet de loi et afin d’éviter tout abus dans le recours au temps partiel.

La commission a ensuite examiné un amendement de Mme Martine Billard supprimant l’alinéa 34 de l’article 1er, qui prévoit qu’une déduction forfaitaire est également applicable pour chaque jour de repos auquel renonce le salarié.

Le rapporteur pour avis a indiqué que la disposition visée concourt à favoriser une application équitable des dispositions du texte au profit de l’ensemble des situations de travail envisageables et donné un avis défavorable à l’adoption de l’amendement.

La commission a rejeté l’amendement.

La commission a examiné un amendement du rapporteur pour avis visant à établir clairement – en raison d’une ambiguïté sur cette question dans le texte du projet de loi – que la nouvelle déduction patronale est imputable sur l’ensemble de la rémunération des salariés concernés et non seulement au titre de l’heure supplémentaire visée.

Après que M. Roland Muzeau a jugé peu claire la rédaction proposée, M. Simon Renucci a déclaré que l’amendement est antinomique avec la perspective de l’ensemble du projet de loi, puisqu’il ne vise pas les seules heures excédentaires travaillées.

Le président Pierre Méhaignerie a souhaité qu’un travail soit mené avec la commission des finances pour préciser les termes de cet amendement.

Le rapporteur pour avis ayant indiqué que le gouvernement a exprimé son accord avec la proposition contenue dans l’amendement, la commission a adopté l’amendement.

La commission a examiné un amendement du rapporteur pour avis tendant à modifier plusieurs dispositions du code de la sécurité sociale afin de permettre le cumul de la nouvelle déduction forfaitaire de cotisations patronales au titre des heures supplémentaires avec les mesures d’exonération de cotisations patronales de sécurité sociale spécifiques déjà existantes.

Le président Pierre Méhaignerie a observé qu’il existe un grand nombre de systèmes d’exonération de cotisations patronales, en particulier sur la tranche de revenus comprise entre 1 et 1,4 Smic. Cette accumulation est quelque peu regrettable et s’explique par le fait que, pour ne pas faire apparaître un accroissement de la dépense publique, le Parlement a très souvent par le passé – toutes sensibilités politiques confondues – procédé à des réductions de recettes.

M. Roland Muzeau s’est interrogé sur la pertinence de cet amendement, notamment du point de vue de son impact financier. Combien va coûter le cumul ainsi proposé ? Ces cumuls finissent par ressembler à une prime, tant le niveau des déductions est élevé.

M. Michel Liebgott s’est élevé contre une pratique qui peut confiner à l’absurde. La presse s’est fait l’écho, dans la perspective de la discussion du présent projet de loi, de l’apparition de situations dans lesquelles les allègements pourraient être supérieurs au niveau des cotisations patronales.

Le rapporteur pour avis a rappelé que la possibilité de cumul de la nouvelle déduction patronale avec d’autres exonérations est déjà ouverte par le projet de loi. Le président Pierre Méhaignerie a indiqué que cette possibilité de cumul n’équivaut pas pour autant à un crédit. D’après les travaux du Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERC), la France, si elle se situe au dixième ou au onzième rang en matière de salaire direct parmi les quinze membres les plus anciens de l’Union européenne, se situe encore au deuxième ou au troisième rang s’agissant du coût horaire du travail, ce qui laisse des marges de manœuvre. Il serait donc erroné de parler de simples « cadeaux » successifs. Ce n’est pas sans conséquences lorsque l’on observe, par exemple, l’évolution du coût horaire du travail en Allemagne et les incidences en matière d’emploi.

Enfin, il a évoqué le souhait, exprimé devant lui, par le premier président de la Cour de cassation et le vice-président du Conseil d’État de procéder à une simplification des textes juridiques et des codes, et ce en concertation avec un comité parlementaire permanent, car une telle entreprise n’est pas réalisable à législation constante. Il est important d’alléger le poids des réglementations qui, au final, pénalise le pays.

M. Simon Renucci a déclaré mieux comprendre ainsi la portée de cet amendement, qui s’inscrit dans une succession de cadeaux fiscaux.

M. Roland Museau a évoqué la récente étude de la Cour des comptes relative aux différents dispositifs d’exonération et leur efficience toute relative, tout comme la prime pour l’emploi, en matière de création d’emplois.

La commission a adopté l’amendement.

Elle a également adopté un amendement du rapporteur pour avis visant à permettre le cumul de la déduction forfaitaire des cotisations patronales au titre des heures supplémentaires avec l’exonération des cotisations d’allocations familiales dues au titre de l’emploi des travailleurs agricoles occasionnels.

Puis la commission a donné un avis favorable à l’adoption de l’article 1er ainsi modifié.

Article 8 : Définition du revenu de solidarité active (RSA)

La commission a examiné un amendement du rapporteur pour avis de nouvelle rédaction de l’alinéa 1, visant à préciser que le RSA est établi afin de lutter contre la pauvreté au travail et à simplifier la formulation en disposant qu’il est destiné aux personnes qui exercent une activité professionnelle.

Le rapporteur pour avis a indiqué que cette rédaction est plus conforme à la philosophie sociale du projet de loi.

Mme Marisol Touraine a jugé que cet amendement est susceptible de faire croire que le public bénéficiaire du RSA comprend avant tout les travailleurs pauvres et non les personnes exerçant une activité et percevant des minima sociaux. La rédaction proposée peut remettre en question le champ d’application du projet de loi, ce qui serait très mal perçu par les personnes concernées et contredirait les objectifs qu’a exposés le Haut commissaire devant la commission.

Le rapporteur pour avis ayant observé que ce débat pourrait avoir lieu en séance si l’amendement était adopté, Mme Marisol Touraine a estimé préférable de s’en tenir à la rédaction du projet de loi.

M. Pierre Morange a observé que la rédaction du rapporteur pour avis met en lumière la philosophie du RSA sans pour autant en remettre en cause le périmètre.

Le président Pierre Méhaignerie a rappelé que ce projet de loi n’est que le premier étage d’une fusée qui, pour aller loin, devra déboucher sur une réforme d’ensemble des minima sociaux. Le but poursuivi est d’étudier et d’élaborer d’ici un an un continuum entre les différents minima que sont le RMI, le RSA, l’allocation de parent isolé, etc. et les revenus du travail jusqu’à 1,4 fois le SMIC environ. C’est dans cette perspective qu’il convient de se situer.

M. Georges Colombier a déclaré que cet amendement peut être adopté si le Haut commissaire y est favorable.

Mme Françoise Hostalier a fait part de son incompréhension devant l’exposé des motifs de l’amendement.

M. Etienne Pinte a jugé que faire référence à la pauvreté au travail laisse sous-entendre que la personne est au travail. Or le Haut commissaire a indiqué clairement qu’il faut concentrer l’attention sur ceux qui sortent du monde du travail.

Mme Marisol Touraine a souhaité revenir sur la discussion avec le Haut commissaire qu’elle a qualifié d’éclairante. En principe, les travailleurs pauvres ne sont pas concernés par le projet de loi. En revanche, les personnes directement concernées sont les titulaires du RMI et de l’allocation de parent isolé.

M. Christophe Sirugue a observé que l’article 8, dans la rédaction du projet, prévoit différents cas de figure d’accès au RSA – prise ou reprise d’un travail, exercice au accroissement d’une activité – et estimé qu’il ne faut pas restreindre cette liste.

Le rapporteur pour avis a alors proposé qu’il soit fait référence dans la rédaction de l’amendement aux personnes qui « exercent », mais aussi « reprennent » une activité professionnelle.

M. Pierre Morange, constatant un accord sur le périmètre du dispositif, a souhaité que celui-ci soit associé avec la philosophie qu’il défend.

Estimant que le RSA tel qu’il est proposé ne correspond pas à la notion de « pauvreté au travail », Mme Françoise Hostalier a proposé de supprimer les mots « au travail » après le mot « pauvreté » et de faire référence aux personnes bénéficiant d’un minimum social qui « exercent » ou « prennent » une activité professionnelle.

Le président Pierre Méhaignerie a souligné qu’il ne faut pas donner l’espoir que le projet de loi s’attache à régler la question des travailleurs pauvres. Ce texte ne vise que les bénéficiaires de certains minima sociaux. Il a proposé à la commission soit de reprendre la rédaction du projet de loi, soit de rectifier l’amendement du rapporteur pour avis en supprimant les mots « au travail » et en faisant référence au fait de reprendre une activité.

À l’issue de ce débat, le rapporteur pour avis a retiré l’amendement.

La commission a donné un avis favorable à l’adoption de l’article 8 sans modification, le groupe socialiste s’abstenant.

Article 9 : Expérimentation du RSA pour les bénéficiaires du revenu minimum d’insertion

La commission a adopté un amendement de précision du rapporteur pour avis visant à faire apparaître explicitement la durée de l’expérimentation du RSA, soit trois ans.

La commission a ensuite examiné deux amendements en discussion commune :

– le premier de Mme Martine Carrillon-Couvreur prévoyant que la convention mentionnée au IX de l’article 142 de la loi de finances pour 2007 doit prévoir la prise en charge par l’État du coût global de l’expérimentation ;

– le second du rapporteur pour avis précisant que la convention détermine les conditions de prise en charge par l’État d’une partie du coût de l’expérimentation.

Mme Martine Carrillon-Couvreur a jugé primordial que la politique de lutte contre les exclusions relève de la solidarité nationale. C’est pourquoi la création du RSA à titre expérimental dans certains départements doit être prise en charge directement par l’État.

Le rapporteur pour avis a tout d’abord convenu de la nécessité de clarifier la rédaction de cet article : en effet, il ne doit pas apparaître comme facultatif que les conventions conclues avec les départements déterminent les conditions de prise en charge par l’État d’une partie du coût de l’expérimentation, dès lors que le gouvernement s’y est engagé. Il n’y a cependant aucune raison que l’État finance intégralement ce dispositif, dans la mesure où les départements pourraient en bénéficier dans le cadre d’un contrat « gagnant-gagnant » ; le Haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, M. Martin Hirsch, s’est prononcé en faveur d’une prise en charge partielle de ce dispositif par l’État de l’ordre de 50 %.

Mme Marisol Touraine a jugé assez surprenant que les modalités de prise en charge financières de ce dispositif, qui s’inscrit pourtant dans le cadre d’une politique nationale, soient ainsi définies par voie conventionnelle, ce qui ne manquerait pas d’ouvrir la voie à de nombreux recours contentieux.

Le rapporteur pour avis a cependant rappelé que cette expérimentation se fonde sur les principes de volontariat et de contractualisation, donc de négociation avec les collectivités concernées.

Le président Pierre Méhaignerie a également mis en exergue l’intérêt que pourraient trouver les conseils généraux à participer à ce dispositif, dans la mesure où ils devraient pouvoir bénéficier d’une dotation globale qui pourrait être appelée à évoluer, alors que dans le même temps rien n’indique que le nombre de bénéficiaires du revenu minimum d’insertion (RMI) va diminuer, bien au contraire. À la lumière de l’expérience acquise à la suite de la mise en œuvre des lois de décentralisation, il n’y a en effet aucune raison de penser que les conseils généraux ne vont pas bénéficier de cette dynamique

Mme Danièle Hoffman-Rispal a cependant rappelé qu’alors même que la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales prévoit la compensation intégrale des transferts de charges aux collectivités locales, force est de constater que les conseils généraux ont aujourd’hui une créance sur l’État de plus d’un milliard d’euros au titre du RMI. L’expérimentation du RSA peut, certes, s’avérer intéressante à terme pour les conseils généraux. Il n’en demeure pas moins que les départements doivent aujourd’hui faire face à de nouvelles dépenses en augmentation et non compensées par l’État, du moins dans l’immédiat : il arrive donc logiquement un moment où les départements ne peuvent pas tout prendre en charge, a fortiori si ces charges ne sont pas compensées.

M. Christophe Sirugue a par ailleurs rappelé que l’expérimentation ne concerne qu’environ 55 000 personnes et qu’il est dès lors quelque peu excessif de faire des économies potentiellement générées pour les conseils généraux un argument décisif dans ce débat.

La commission a ensuite rejeté l’amendement de Mme Martine Carrillon-Couvreur, puis adopté celui du rapporteur pour avis.

La commission a examiné un amendement du rapporteur pour avis prévoyant que les documents d’évaluation qui seront produits en fin d’expérimentation comprendront une analyse des motifs pour lesquels les bénéficiaires du RMI éligibles à l’expérimentation n’ont pas accédé au RSA ou l’ont refusé, ainsi qu’une évaluation du nombre de personnes concernées.

Le rapporteur pour avis a jugé nécessaire que l’évaluation du dispositif ne porte pas seulement sur les personnes bénéficiant du RSA, mais sur l’ensemble des bénéficiaires du RMI dans les départements concernés, dont ceux qui n’accèderont pas au RSA, afin d’identifier les obstacles au retour à l’activité de ces personnes et améliorer ainsi l’information sur l’ensemble des bénéficiaires du RMI.

Le président Pierre Méhaignerie s’est toutefois interrogé sur l’efficacité du vecteur utilisé pour atteindre cet objectif, au regard du nombre déjà très élevé de rapports que le Parlement demande.

M. Roland Muzeau a déclaré partager ces interrogations concernant l’opportunité d’un tel rapport compte tenu du nombre de rapports jamais produits.

Le rapporteur pour avis a cependant précisé que l’amendement ne prévoit pas la transmission d’un nouveau rapport au Parlement, mais uniquement de compléter par un nouveau chapitre relatif aux bénéficiaires du RMI des rapports déjà prévus par la loi de finances pour 2007.

M. Marcel Rogemont a rappelé qu’une évaluation du nombre de bénéficiaires du RMI susceptibles d’accéder au RSA a déjà été établie par l’Agence nouvelle des solidarités actives. De surcroît, l’analyse des raisons pour lesquelles l’ensemble des bénéficiaires du RMI ne pourraient pas avoir accès au RSA ou l’ont refusé semble outrepasser, et de loin, le champ du présent projet de loi.

La commission a adopté l’amendement du rapporteur pour avis.

Elle a ensuite donné un avis favorable à l’adoption de l’article 9 ainsi modifié.

Article 10 : Expérimentation du RSA pour les bénéficiaires de l’allocation de parent isolé (API)

La commission a examiné un amendement du rapporteur pour avis tendant à préciser les modalités de l’insertion des bénéficiaires de l’API dans le cadre de l’expérimentation du RSA.

Le rapporteur pour avis a précisé que l’amendement prévoit la conclusion d’un contrat d’insertion entre, d’une part, les bénéficiaires de l’API et, d’autre part, l’État ou, le cas échéant des départements qui seraient volontaires pour cela, dans le cadre de la disposition légale qui prévoit déjà une faculté d’intervention de ces départements vis-à-vis de ce public. Il s’agit d’un premier élément de la réforme des minima sociaux.

M. Christophe Sirugue a fait part de ses interrogations concernant les conditions de participation de l’État au financement de cette mesure. L’instruction d’un contrat d’insertion représente un coût et les départements ne doivent pas se le voir imposer sans concertation.

Le rapporteur pour avis a rappelé les positions exprimées sur ce sujet par les membres du groupe socialiste, selon lesquels il n’est pas possible de laisser le système actuel inchangé.

M. Christophe Sirugue a fait part de son désaccord sur ce dernier point, dans la mesure où ce constat ne s’appliquait pas à cette question particulière mais à celle de l’ensemble des minima sociaux.

Le rapporteur pour avis a objecté que les départements n’auront pas l’obligation, mais uniquement la possibilité, de participer ou non à ce dispositif, sur la base du volontariat.

M. Christophe Sirugue a cependant renouvelé ses inquiétudes concernant les charges supplémentaires ainsi confiées aux conseils généraux pour la gestion de ce dispositif.

Le président Pierre Méhaignerie a souligné qu’il s’agit d’une expérimentation avec des départements volontaires pour lesquels il y aura des retombées positives.

M. Yanick Paternotte a estimé que les contrats d’insertion pourraient également permettre aux collectivités locales qui souhaiteraient s’engager dans cette expérimentation d’en obtenir un retour, des économies ultérieures. Surtout, au-delà des seuls aspects financiers, il s’agit là d’un problème social majeur avec une ardente obligation de répondre et d’avancer.

De manière plus générale, le président Pierre Méhaignerie a également rappelé que toutes les études réalisées par la commission des finances, de l’économie générale et du plan de l’Assemblée nationale ont montré que l’État donne plus aux collectivités locales qu’il ne prélève sur elles ; c’est le législateur qui, en multipliant les dégrèvements compensés d’impôts locaux, conduit l’Etat à accroître ses transferts aux collectivités. Dès lors, il serait bon de ne pas mettre en cause systématiquement l’Etat dans ses relations financières avec les collectivités, en accréditant ainsi des thèses qui sont infondées.

La commission a adopté l’amendement du rapporteur pour avis.

Puis, la commission a donné un avis favorable à l’adoption de l’article 10 ainsi modifié.

Article 11 : Eligibilité à l’expérimentation

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission a donné un avis favorable à l’adoption de l’article 11 sans modification.

M. Pierre Morange a salué le travail remarquable réalisé par le rapporteur pour avis dans des délais particulièrement serrés.

La commission a donné un avis favorable à l’ensemble du projet de loi ainsi modifié.

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Information relative à la commission

La commission a désigné M. Dominique Tian, rapporteur pour avis sur le projet de loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat – n° 4.