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Compte rendu

Commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Mercredi 12 septembre 2007

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 08

Présidence de Pierre Méhaignerie Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes, et de Mme Rollande Ruellan, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, sur le rapport d’application des lois de financement de la sécurité sociale. 2

– Informations relatives à la commission 19

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales, a procédé à l’audition, ouverte à la presse, de M. Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes, et de Mme Rollande Ruellan, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, sur le rapport annuel sur les lois de financement de la sécurité sociale.

Le président Pierre Méhaignerie a indiqué qu’après l’interruption de l’été, le programme de travail de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales s’annonce intense. L’audition du premier président de la Cour des comptes sera, à cet égard, le meilleur moyen de s’y préparer.

M. Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes, a commencé la présentation du rapport de la Cour sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale en soulignant que celui-ci porte sur 2006, première année de mise en œuvre de la loi organique du 2 août 2005. Cette loi comporte pour la Cour deux nouvelles obligations : prononcer un avis sur la cohérence des tableaux d’équilibre de l’exercice clos et produire un rapport de certification sur les comptes des caisses nationales et les comptes combinés des branches du régime général de l’exercice clos.

Le 19 juin dernier, le rapport de la Cour sur la certification a été présenté. En revanche, conformément à la loi organique, l’avis de la Cour sur la cohérence des tableaux d’équilibre prend place dans le présent rapport. La première partie de ce document, dont la présentation et le contenu ont été de ce fait légèrement modifiés, est consacrée aux comptes sociaux, tandis que la deuxième partie rend compte, comme les années précédentes, des autres missions confiées à la Cour sur la gestion des risques.

Le déficit des comptes pour 2006 reste élevé et le total des déficits cumulés ces dernières années continue de progresser de manière inquiétante. Comme l’an dernier à propos des comptes pour 2005, c’est un langage de vigilance inquiète que tiendra la Cour. En dépit d’une nouvelle diminution du déficit annuel global, celui-ci est resté très élevé alors même que la conjoncture économique a généré en 2006 une croissance significative des recettes, elles-mêmes dopées par des hausses de taux de cotisation et des recettes nouvelles non reconductibles. Les produits ont crû de 5,4 % pour l’ensemble des régimes, les charges augmentant de 4,5 %.

Seuls quelques chiffres significatifs seront mis en exergue, les préoccupations générales de la Cour sur la situation des finances sociales ayant déjà été exposées dans son rapport de juin dernier sur la situation et les perspectives des finances publiques.

Le déficit de l’ensemble des régimes obligatoires de base s’établit à 8 milliards d’euros, contre 11 milliards en 2005. Si l’on y ajoute le besoin de financement des fonds – fonds de solidarité vieillesse (FSV) et fonds de financement des prestations sociales agricoles (FFIPSA) –, il atteint 10,3 milliards d’euros, contre 14,4 milliards en 2005. Le seul régime général présente un résultat négatif de 8,7 milliards en 2006, contre 11 milliards en 2005. Toutes les branches du régime général demeurent déficitaires même si les branches maladie, famille et accidents du travail/maladies professionnelles réduisent leur déficit.

La branche maladie présente un déficit de 5,9 milliards. Celui-ci est inférieur aux prévisions de la loi de financement, grâce au dynamisme des recettes qui a plus que compensé le dépassement de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM).

La progression des dépenses relevant du champ de l’ONDAM a été, à périmètre constant, de 3,1 % tous régimes confondus – 3,3 % pour le régime général –, soit un taux inférieur à la hausse en valeur du produit intérieur brut. C’est un fait est assez rare pour être noté : ce taux est le plus bas constaté depuis 1997.

Néanmoins, malgré cette décélération et contrairement à ce que la Cour avait constaté pour 2005, l’ONDAM n’a pas été respecté en 2006. Il a été dépassé de 1,2 milliard d’euros, dépassement qui s’explique notamment par la sous-estimation de la base de calcul, la non-réalisation d’économies prévues sur les produits de santé et par l’accélération des dépenses de soins de ville au second semestre. L’ONDAM hospitalier ayant été respecté, le dépassement s’est en effet concentré sur les soins de ville. Il est vrai que l’objectif de dépenses hospitalières avait été fixé de manière plus réaliste que celui des soins de ville. Il faut ajouter que le respect de l’ONDAM hospitalier dissimule des évolutions contrastées, les dépenses des cliniques privées ayant, comme les années précédentes, augmenté plus que prévu.

L’accélération des dépenses au second semestre 2006, insuffisamment prise en compte dans la fixation des bases pour 2007, a rendu dès le départ la réalisation de l’ONDAM 2007 aléatoire. De ce fait, le comité d’alerte a constaté, le 29 juin dernier, un risque de dépassement de l’objectif de deux points sur les soins de ville, chiffré à 2 milliards d’euros. Le déficit de la branche passerait, selon la commission des comptes de juillet, de 3,9 à 6,7 milliards. C’est dire que les mesures de maîtrise en vigueur depuis 2004 ne suffisent pas pour assurer un retour à l’équilibre selon le calendrier prévu par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS), qui fixait l’échéance à 2009.

La situation de la branche vieillesse constitue un autre sujet d’inquiétude. Si le déficit pour 2006 s’est établi à un niveau proche de celui constaté en 2005, cette stabilisation est imputable au dynamisme général des recettes précédemment évoqué, la branche ayant bénéficié en outre d’une hausse de cotisations de 0,2 point. La forte progression des dépenses se poursuit : en juillet, la commission des comptes de la sécurité sociale a révisé à la hausse le déficit de la branche pour 2007, le portant de 3,5 à 4,7 milliards d’euros.

Au total, hors déficits repris par la CADES, les déficits inscrits dans les comptes du régime général et des fonds de financement s’élèvent à la fin de 2006 à 15,4 milliards d’euros. À l’horizon 2009, les prévisions inscrites en LFSS conduisent à un déficit cumulé de 40 milliards d’euros dans l’hypothèse économique basse, laquelle, on en conviendra, mérite d’être prise en considération. Ce total doit être majoré de 4 milliards résultant de la hausse de 8 à 12 milliards du déficit prévisionnel pour 2007 du régime général actualisé par la commission des comptes en juillet.

La Cour a insisté à plusieurs reprises sur la situation difficile des fonds de financement – FSV et FFIPSA – et sur le problème bien connu des dettes de l’État. Elle considère que le FSV a pour principal effet de dissimuler optiquement une partie du déficit de la branche vieillesse du régime général, auquel il faut ajouter le déficit du FSV pour avoir une vue exacte de la situation de la branche. L’amélioration de sa situation est conditionnée par la poursuite de la baisse du chômage. Quant au FFIPSA, il ne remplit pas sa mission et rien ne permet de croire à son redressement spontané. L’État ne se reconnaît pas l’obligation de doter ces deux fonds des moyens leur permettant de faire face à leurs obligations légales. Ceux-ci – et tout particulièrement le FFIPSA – sont placés dans une situation juridique que la Cour estime intenable.

Par ailleurs, la Cour prend acte de l’engagement du ministre chargé des comptes publics de payer les dettes de l’État. Le versement de 5,1 milliards d’euros annoncé pour l’automne devrait permettre d’éviter le dépassement du plafond d’autorisation d’emprunt, pourtant fixé par la LFSS pour 2007 à un niveau très élevé : 28 milliards d’euros. En effet, la situation de trésorerie du régime général, déjà fortement dégradée en 2006 puisqu’elle a été négative toute l’année, est tellement difficile en 2007 que, sans cette mesure, le plafond d’avances de 28 milliards aurait été dépassé. C’est dire que ces autorisations d’emprunt n’ont plus rien à voir avec des ajustements de trésorerie infraannuels, ce qui est pourtant leur raison d’être : elles servent à combler des déficits structurels croissants et génèrent une dépense d’intérêts également croissante sur laquelle il faut appeler l’attention. Les frais financiers du régime général, qui ont atteint 271 millions d’euros en 2006, seront ainsi de 700 millions en 2007 et devraient dépasser le milliard en 2008. Lorsque l’on sait le mal que l’on se donne pour réaliser des économies de 400 ou 500 millions, on peut mesurer tout ce que cette situation a de regrettable.

Quelles que soient les solutions que les pouvoirs publics retiendront pour combler ces déficits, la priorité absolue est d’éviter la constitution de nouveaux déficits en fixant des objectifs de dépenses et de recettes équilibrés et réalistes, tenant compte du contexte économique et accompagnés des mesures permettant de les atteindre. Faire reposer le rééquilibrage spontané des comptes sociaux sur l’amélioration de la croissance économique serait un pari risqué.

S’agissant des tableaux d’équilibre, il faut rappeler que, dès 1994, le législateur avait confié à la Cour la mission de présenter « une analyse de l’ensemble des comptes des régimes de sécurité sociale ». Mais cette mission, confirmée en 1996, ne pouvait être véritablement assurée avant la réforme des lois de financement de la sécurité sociale par la loi organique de 2005, dans la mesure où l’on ne disposait pas de données consolidées suffisamment fiables.

La notion de tableau d’équilibre est entièrement nouvelle, si bien que la portée de l’avis de la Cour est, en quelque sorte, sui generis. Il ne s’agit évidemment pas d’un exercice de certification, lequel ne peut porter que sur des comptes présentés par une personne morale, mais de tableaux établis par l’administration à partir des comptes des régimes qui sont agrégés par branche pour suivre le respect des objectifs votés.

Ces tableaux se composent, pour chaque branche de la sécurité sociale dans son ensemble, pour chaque branche du régime général ainsi que pour les deux fonds de financement FSV et FFIPSA, de trois lignes : produits, charges et résultat. Ce sont donc des comptes de résultat extrêmement simplifiés. Pour le même exercice 2006, le Parlement les aura votés trois fois : en prévisionnel dans la LFSS pour 2006, en prévisionnel ajusté dans la LFSS pour 2007 et en réalisé dans la LFSS pour 2008. C’est pour éclairer le vote des parlementaires que la loi organique a prévu l’intervention de la Cour.

Il convient de saluer le progrès incontestable que constitue cette démarche. Elle permet, par-delà la complexité du système de sécurité sociale due à la multiplicité des régimes, de connaître de manière claire la situation de chaque branche et de chaque fonds. Pour la première fois depuis que le Parlement adopte des lois de financement de la sécurité sociale, il a l’assurance que les agrégats votés en réalisation sont cohérents avec ceux qu’il a votés en objectifs. Ces tableaux rassemblent tous les flux répertoriés dans les comptes des organismes de sécurité sociale en neutralisant les écritures interbranches. La certification des comptes de tous les régimes à partir de 2009 renforcera cette assurance apportée au Parlement.

Cela dit, si la Cour a pu vérifier l’absence d’anomalies majeures et la permanence dans le temps des méthodes de construction des tableaux – permanence indispensable si l’on veut effectuer des comparaisons –, elle observe des limites au contrôle et à la traçabilité des processus de consolidation, ainsi que des incertitudes sur la ventilation des données entre les branches dans le cas des régimes gérant plusieurs branches.

La transmission tardive des tableaux d’équilibre qui figureront dans la prochaine LFSS a conduit la Cour à travailler sur des tableaux provisoires légèrement différents des tableaux définitifs. Cette situation constitue une sérieuse limitation à ses diligences et nécessite la mise en place d’un calendrier de transmission très strict, ce qui devrait être possible si les régimes respectent eux-mêmes les dates prévues pour transmettre leurs comptes définitifs et si les tableaux ne font pas l’objet de retraitements non justifiés. La Cour a formulé à ce propos des recommandations précises et sera très attentive à leur mise en œuvre.

Quoi qu’il en soit, la chambre du conseil, qui a voté l’ensemble du rapport ce matin même, a adopté également, par un vote spécial, l’avis consigné dans le rapport.

La deuxième partie du rapport est consacrée à la gestion des risques sociaux.

En ce qui concerne le contrôle des comités régionaux d’examen des comptes des organismes de sécurité sociale (COREC), dont la loi a prévu la suppression en 2008, il convient seulement de préciser que la Cour continuera à rendre compte au Parlement, conformément à la loi organique, des défaillances et des progrès dans la gestion des caisses, grâce à la mise en place d’un système d’alerte dont de premiers résultats sont présentés dans le rapport.

Il faut en revanche évoquer plus longuement l’étude portant sur les mécanismes qui réduisent l’assiette des prélèvements sociaux dans le régime général.

Les exonérations de cotisations sociales patronales font dans leur grande majorité – 24,2 milliards d’euros en 2007 – l’objet d’une compensation, sous forme désormais de recettes fiscales affectées. Outre la fraction des exonérations non compensées, il existe de nombreux autres dispositifs – dispensés de cotisations, de contribution sociale généralisée, etc. – qui amputent l’assiette des contributions sociales et qui ne donnent pas lieu à compensation. L’enjeu n’est pas seulement une perte de recettes pour le régime général, laquelle s’élève selon toute vraisemblance à plusieurs dizaines de milliards d’euros, il est aussi d’efficacité et d’équité : ces dispositifs génèrent de fortes distorsions d’effort contributif entre les entreprises selon leur taille et le bénéfice de certains d’entre eux revient à des catégories peu nombreuses et nullement défavorisées, comme les deux exemples suivants peuvent l’illustrer.

Il en est ainsi de l’exonération de la plus-value d’acquisition des stock-options. Qu’elles constituent un complément de salaire au versement différé ou une incitation à l’actionnariat, celles-ci doivent être considérées comme un revenu lié au travail et taxable à ce titre. La Cour a évalué le montant des stock-options distribuées en 2005 et les a valorisées en se référant au comportement des bénéficiaires, à des données macroéconomiques et à des hypothèses de durée de conservation. Sur la base d’une actualisation finale de la plus-value d’acquisition s’élevant à 8,5 milliards d’euros, la perte de recettes nette s’élèverait à environ 3 milliards d’euros pour 2005. Or les gains réalisés par les bénéficiaires sont souvent importants et concentrés sur un nombre restreint d’individus : les cinquante premiers bénéficiaires reçoivent près de 10 millions d’euros chacun, si bien que pour chacun d’entre eux le montant des cotisations manquantes dépasserait les 3 millions ; les mille premiers bénéficiaires touchent chacun une plus-value de plus de 500 000 euros, ce qui représente à chaque fois une cotisation manquante de près de 200 000 euros.

Autre exemple de ces niches sociales dont il est beaucoup question aujourd'hui, les indemnités de départ à la retraite ou de licenciement : elles sont également exonérées de cotisations, ce qui correspond à une perte de plus de 4 milliards d’euros. Dans ses recommandations, la Cour estime que la suppression peut être envisagée dans certains cas, mais que dans d’autres un plafonnement est souhaitable. La notion d’indemnité de licenciement recouvre des réalités très différentes, selon qu’elle est versée par exemple à un smicard licencié pour raisons économiques ou dans le cadre d’un « divorce à l’amiable » conclu par un cadre de très haut niveau, pour des sommes dont on connaît l’ampleur. Le principe de l’exonération découle de l’idée que l’indemnisation du préjudice moral ne doit pas être taxée, mais les montants accordés, qui sont parfois très élevés, vont souvent au-delà de cette motivation.

Dès lors, la Cour demande de supprimer ou à tout le moins de plafonner les pertes de recettes correspondant à ces deux dispositifs. Le principe devrait être celui de la neutralité du prélèvement social au regard des différentes formes de rémunération, qu’il s’agisse de salaires, de distribution de bénéfices ou d’actions. Enfin, elle réitère sa demande d’alignement des contributions des employeurs publics aux branches maladie et famille, la situation actuelle générant une inégalité de traitement peu justifiable avec les employeurs du secteur privé.

Pour ce qui est des dépenses, il faut évoquer en premier lieu les résultats de deux enquêtes portant sur l’hôpital, prévues dans le plan pluriannuel de contrôle demandé à la Cour par la loi. La Cour et les chambres régionales des comptes ont étudié dans un nombre significatif d’hôpitaux la fiabilité des comptes d’une part, la politique d’achat des médicaments d’autre part. Dans le contexte de la mise en place progressive de la tarification à l’activité (T2A), il s’agit là de deux sujets majeurs.

Les juridictions financières ont constaté que, pour des raisons de contrainte budgétaire, le respect des principes comptables dans les hôpitaux est très inégal. En particulier, la pratique consistant à dissimuler des déficits, voire des excédents, est assez répandue. Il en découle que les résultats comptables sont souvent dépourvus de sens et cette incertitude peut affecter la sincérité des comptes de l’assurance maladie. Enfin, la comptabilité analytique est peu répandue, ce qui est un frein important à la connaissance et à la maîtrise des coûts hospitaliers dans le contexte de la réforme du financement des hôpitaux.

L’achat de médicaments représente 10 % des charges des hôpitaux publics et croît fortement. La Cour constate, s’agissant des médicaments dont les prix sont libres et donc négociés dans le cadre d’appels d’offres, que ce poste n’est pas partout géré avec le professionnalisme nécessaire, les centrales d’achats et de référencements étant insuffisamment utilisées. La question de l’inscription sur une « liste en sus » des médicaments les plus chers soignant des pathologies graves – inscription qui donne lieu à un remboursement à 100 % par l’assurance maladie – doit être abordée avec prudence, l’usage de certains de ces médicaments pouvant être un facteur indirect d’économies. Il n’en demeure pas moins que l’on constate une certaine déresponsabilisation des établissements, d’autant que cette liste est sans doute fixée trop largement par l’administration.

Une partie importante du rapport est consacrée à un premier bilan partiel de la mise en œuvre de la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie.

S’agissant de la nouvelle gouvernance de l’assurance maladie, la Cour porte une appréciation positive sur la réorganisation des régimes d’assurance maladie, qu’il s’agisse du régime général ou de la création de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM). Elle préconise cependant d’accroître la cohérence des pouvoirs respectifs des caisses nationales et de l’UNCAM. Par ailleurs, tout en appréciant la cohérence du schéma de redistribution des responsabilités entre l’État, l’UNCAM et les autres acteurs que sont la Haute autorité de santé (HAS), le comité économique des produits de santé, le comité d’alerte ou le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, elle relève que la portée effective de ces transferts est encore limitée. L’association de l’union des régimes complémentaires à la décision n’est pas encore optimale.

Enfin, la Cour réitère et développe sa critique d’un trop large transfert de compétences aux professions de santé, à travers des conventions dont le champ a été élargi par la loi de 2004 à des questions qui relèvent manifestement de la compétence de l’État. Il s’agit notamment des différents aspects de l’organisation des soins sur le territoire. Le risque existe – et le rapport le démontre à propos de la démographie médicale, du parcours de soins et de la classification commune des actes médicaux – d’une subordination, au sein des négociations conventionnelles, des questions d’organisation des soins à des questions de revenus.

Autre réforme majeure introduite par la loi de 2004, le parcours de soins a fait l’objet d’une analyse approfondie qui a conduit la Cour à examiner au préalable tant les problèmes que pose la démographie médicale que la réalité des revenus des médecins.

En matière de démographie médicale, la Cour récuse toute idée de pénurie globale de médecins, actuelle ou pour un avenir proche. À l’horizon 2025, la densité, aujourd'hui de 340 médecins pour 100 000 habitants, devrait retomber à 283, soit le niveau de 1985. Le problème le plus important est la mauvaise répartition des médecins entre spécialités et entre territoires. La gestion du numerus clausus et des épreuves classantes nationales ne garantit pas la sortie d’un nombre suffisant de médecins généralistes, alors que c’est sur ceux-ci que repose essentiellement le dispositif du médecin traitant. La répartition sur le territoire n’est favorisée que par une multiplicité de dispositifs d’incitation positive à l’installation dans les zones sousmédicalisées, sans grand résultat. La Cour estime que des mesures plus énergiques, comportant jusqu’à des incitations négatives à l’installation dans les zones déjà bien dotées en médecins, devraient être adoptées, comme cela vient d’être prévu dans la convention des infirmières. À défaut, les inégalités d’accès aux soins s’aggraveront inéluctablement.

L’étude des rémunérations a révélé des lacunes importantes dans la connaissance des revenus totaux des médecins. Ces lacunes proviennent de la non-prise en compte dans les statistiques de la diversité de leurs revenus, lesquels peuvent également comprendre des salaires et des rémunérations provenant de leur regroupement, de plus en plus fréquent, au sein de sociétés d’exercice libéral. Si l’on ne considère que le revenu d’activité libérale connu des caisses, il apparaît que le pouvoir d’achat des médecins s’est accru entre 2000 et 2004 de 1,8 % par an pour les omnipraticiens et de 3,3 % pour les spécialistes. Cette évolution, comme l’a démontré l’INSEE, est plus favorable que celle qu’ont connue les salariés des secteurs privé et public.

La Cour a également examiné les dépassements d’honoraires, notamment ceux qui sont pratiqués par les médecins de secteur 2. Leur fréquence est variable selon les spécialités. Elle est par exemple de 80 % chez les chirurgiens, le niveau du dépassement pouvant atteindre entre trois et quatre fois le tarif opposable pour une proportion significative des actes. On peut se demander si l’on est encore ici dans le « tact » et la « mesure » prescrits par le code de déontologie. L’importance de ces dépassements met en cause, dans certaines zones et pour certaines spécialités, le principe fondamental d’égal accès aux soins, car le reste à charge qui en résulte pour les assurés peut être insupportable. Ainsi, en chirurgie urologique, il existe un monopole du secteur 2 dans vingt-sept départements correspondant à 20 % de la population française. Il semble à la Cour qu’une meilleure maîtrise des dépassements pourrait être envisagée.

L’accélération des gains de pouvoir d’achat des médecins ces dernières années s’explique par de nombreuses réformes ayant eu pour effet de majorer les tarifs, ou d’ajouter aux tarifs des rémunérations forfaitaires en contrepartie d’engagements dont la Cour a souligné, dans son rapport de 2005, qu’ils correspondent souvent à des obligations déjà prescrites par le code de déontologie. La Cour recommande à nouveau de s’interroger sur la coexistence des paiements à l’acte et au forfait.

Parmi les réformes expliquant la progression du pouvoir d’achat des médecins figure en premier lieu la refonte de la classification commune des actes médicaux, désormais gérée par les partenaires conventionnels. Alors que cette refonte aurait dû se faire à coût nul par redéploiement entre les spécialités, la Cour ne peut que constater qu’il en est résulté un coût net, les hausses de tarifs de certains actes n’étant pas compensées par des baisses suffisantes sur d’autres actes.

Le parcours de soins coordonné a également permis des augmentations de rémunération des médecins. Partant d’un objectif tout à fait important d’organisation du parcours des assurés dans le système de soins, sous le pilotage d’un médecin traitant désigné par l’assuré, la réforme a été mise en place rapidement et sans dégradation du service rendu par les caisses aux assurés. Cependant, alors que sur le plan des principes elle constituait une novation importante dans le fonctionnement de notre système, elle a dû intégrer des contraintes qui en ont limité l’impact et compliqué la compréhension. Ainsi, elle a dû respecter une stricte application des principes de la médecine libérale, notamment le paiement à l’acte et le libre choix pour le patient, et s’inscrire dans la continuité des pratiques antérieures. Ses modalités d’application ont été déléguées aux partenaires conventionnels, ce qui a eu souvent pour conséquence de faire prévaloir les préoccupations tarifaires des médecins.

Il en est résulté, d’une part, un maquis tarifaire illisible pour l’assuré, en raison de la prise en compte de préoccupations qui n’ont rien à voir avec le parcours de soins, notamment le rééquilibrage des revenus entre généralistes et spécialistes ; d’autre part, un coût non négligeable pour les assureurs publics et privés et pour les ménages : 384 millions d’euros en année pleine, auxquels s’ajoutent les mesures tarifaires de l’avenant de mars 2006, soit au total 755 millions d’euros en 2006.

Pour finir sur l’assurance maladie, la Cour a étudié le partage des données entre les systèmes d’information de santé, condition indispensable à la mise en place du dossier médical personnalisé. Elle en a conclu que les conditions ne sont pas encore réunies et que le ministère chargé de la santé doit mettre en place un pilotage stratégique fort entre les acteurs concernés et régler au plus vite les prérequis de l’identification des patients, des professionnels de santé, des normes et des standards indispensables à l’interopérabilité.

Dans le prolongement de travaux précédents sur la politique familiale, la Cour a par ailleurs examiné un ensemble d’aides publiques aux familles sous l’angle du bon usage des deniers publics et de la cohérence de leur utilisation par rapport aux deux finalités essentielles que sont la compensation partielle du coût de l’enfant et l’aide à la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle. Elle en a conclu que le système qui combine un impôt familialisé, des prestations familiales universelles ou faiblement modulées et des prestations ciblées peut paraître assez équilibré du point de vue de l’objectif de compensation du coût de l’enfant. Cependant, elle considère que plusieurs dépenses fiscales en faveur des familles, telles certaines demi-parts du quotient familial ou l’exonération d’impôt des majorations de pension pour enfant, peuvent donner matière à réflexion.

S’agissant de l’objectif de conciliation, elle a pointé des effets d’aubaine à l’occasion de la mise en place de la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) et des distorsions dans les taux d’effort des familles selon le mode de garde retenu. Ces taux d’effort sont souvent, de manière étonnante, inversement proportionnels aux revenus des familles, en raison de la faible amplitude de l’aide financière apportée par la collectivité selon que le ménage dispose par exemple d’un SMIC ou de cinq SMIC. Les données chiffrées figurent dans le rapport.

Enfin, la Cour rend compte de deux enquêtes correspondant à des demandes des assemblées parlementaires : l’une sur la consommation et la prescription des médicaments en ville, remise à la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) de l’Assemblée nationale, l’autre sur la protection sociale agricole, remise à la commission des affaires sociales du Sénat.

Partant du constat bien connu que la France présente un niveau de prescription et de consommation de médicaments supérieur à celui de ses voisins européens, générant des risques de iatrogénie et des dépenses fortement croissantes pour l’assurance maladie, elle s’est efforcée d’en déterminer les causes principales. Elle a relevé des critères insuffisamment sélectifs pour l’admission au remboursement, notamment en l’absence d’analyse médico-économique et d’évaluation des médicaments en utilisation réelle. Elle a noté en particulier que cette évaluation est insuffisamment transparente.

Au stade de la consommation, l’action sur les comportements des patients pâtit d’une information publique insuffisante tandis que le contrôle de l’information d’origine privée via l’internet n’est pas encore effectué. Au stade de la prescription par les médecins, la Cour est revenue sur l’absence de base publique et gratuite sur le médicament, sur l’insuffisance de la formation médicale initiale et continue en matière de médicament, cette dernière étant en outre essentiellement financée par l’industrie pharmaceutique. L’information des médecins en exercice passe encore principalement par la « visite médicale », dont l’encadrement prévu par la loi de 2004 est en cours de mise en place. Les efforts déployés par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), la HAS et la CNAMTS pour diffuser une information utilisable par les médecins doivent être à la fois renforcés et rationalisés. Au total, toutes ces insuffisances expliquent que l’action menée pour freiner la croissance de la dépense de médicaments dans le cadre de la démarche de maîtrise médicalisée n’a pas produit les effets souhaités.

Enfin, la Cour s’est penchée sur l’avenir du régime des exploitants agricoles, dont le financement est rendu problématique par l’incapacité du FFIPSA à apporter au régime les ressources dont il a besoin. Si la Cour ne conteste pas que le régime, en raison de sa situation démographique, a fortement besoin de la solidarité nationale et de celle des autres régimes, elle considère aussi que les exploitants agricoles doivent consentir un effort contributif raisonnable. Cela passe sans doute par la suppression des mesures qui ont pour effet de réduire l’assiette des cotisations, par la limitation de l’évasion provoquée par le recours croissant à la forme sociétaire, enfin par des procédures de recouvrement plus dynamiques de la part des caisses de la mutualité sociale agricole. La Cour a enfin estimé que des gains de productivité doivent être recherchés par la poursuite active de la réorganisation d’un réseau de caisses trop éclaté et le renforcement des pouvoirs de la caisse centrale sur le réseau, l’État abandonnant la conception peut-être trop extensive qu’il a actuellement de son rôle dans ce domaine. D’une manière générale, l’allègement des tâches des services de l’État et la responsabilisation des gestionnaires sont deux orientations fortes de la gestion publique.

Les sujets abordés dans ce rapport sont variés. Certains ont déjà fait l’objet, dans les rapports des années précédentes, de recommandations de la Cour, qui accorde beaucoup d’importance à leur suivi. C’est pourquoi, même si dans le rapport de cette année aucun chapitre particulier n’est consacré à ce suivi, pour chacun des thèmes traités sont rappelées, s’il y a lieu, les critiques et recommandations déjà formulées et le sort qui leur a été réservé.

La réflexion de la Cour se situe dans un contexte de forts déficits des comptes sociaux. Ses propositions visent à maîtriser les dépenses et à optimiser les recettes, objectifs qui doivent s’appliquer en permanence, et non par à-coups, à toutes les branches et à tous les régimes. Telles sont, les principales conclusions qui ressortent du rapport annuel sur la sécurité sociale de 2007.

Un débat a suivi l’exposé du premier président de la Cour des comptes.

Le président Pierre Méhaignerie a remercié le premier président de la Cour des comptes d’avoir accepté d’effectuer cette présentation le jour même – et non le lendemain, comme le veut la tradition – de l’adoption du rapport par la Cour.

M. Yves Bur, rapporteur pour l’équilibre général et les recettes, a souligné que cette présentation est un moment très attendu. Il est souhaitable que les conclusions et les recommandations de la Cour permettent aux parlementaires d’améliorer l’équilibre des finances sociales ainsi que le fonctionnement de chacune des branches.

S’agissant des niches sociales, la Cour s’est-elle penchée sur l’évaluation de l’impact des nombreuses exonérations en cause ? Estime-t-elle possible de procéder dans de brefs délais à des suppressions, ou à tout le moins à des plafonnements, ou faut-il considérer qu’un lissage dans le temps serait préférable, eu égard aux conséquences que de telles mesures pourraient avoir ?

La Cour a constaté un déséquilibre structurel des finances sociales. Est-elle en mesure de dresser des projections futures permettant d’envisager un retour à l’équilibre pour la branche famille, voire pour la branche vieillesse si l’on extrapole un transfert des cotisations de l’UNEDIC vers cette branche ? Un équilibre durable est-il possible sans recettes supplémentaires, notamment pour l’assurance maladie, dont on sait que les finances sont très dépendantes de la situation économique ?

La Cour a relevé que l’ONDAM pour 2007, déterminé à partir d’un ONDAM pour 2006 mal rebasé, est d’ores et déjà impossible à respecter, et que l’intervention du comité d’alerte est en quelque sorte déjà inscrite dans les chiffres votés lors de l’examen du dernier PLFSS. Quelles sont les contraintes qu’il conviendrait de se donner pour éviter de telles distorsions à l’avenir ?

Par ailleurs, peut-on conclure de la partie du rapport consacrée au médicament que la maîtrise médicalisée n’a pas répondu aux espoirs que l’on plaçait en elle lors de la réforme de 2004 ?

Enfin, la Cour a-t-elle le sentiment que les réformes de la gouvernance des hôpitaux peuvent apporter une amélioration de la situation dans ce secteur ? Ne convient-il pas, comme certains le recommandent, de revoir le statut de plusieurs acteurs de l’hôpital afin de lever ce qui pourrait constituer un frein à toute réforme ? Comment s’assurer que la tarification à l’activité correspond à son véritable objectif, qui est de permettre aux hôpitaux et aux régulateurs de réorganiser le tissu hospitalier en fonction de l’activité ?

Revenant sur les 23 milliards d’allègements de charges sociales sur les bas salaires, le président Pierre Méhaignerie a demandé si la fixation d’un barème définitif intégrant l’allègement des cotisations patronales sur les bas salaires, la prime pour l’emploi, ainsi que l’allègement futur résultant des mesures relatives aux heures supplémentaires, ne renforcerait pas l’efficacité du dispositif, en termes tant de compétitivité que de pouvoir d’achat. Ces 23 milliards se concentrent en effet sur les salaires compris entre 1 et 1,3 SMIC. Or, si l’on veut favoriser la compétitivité des entreprises soumises à la concurrence internationale, on doit prendre en considération les salaires compris entre 1,2 et 1,6 SMIC. En conséquence, ne conviendrait-il pas de répartir les allègements plus uniformément entre 1 et 1,6 SMIC ?

M. Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes, a apporté les réponses suivantes :

– Alors que les exonérations de cotisations au titre des mesures en faveur de l’emploi postérieures à 1994 donnent lieu à une compensation sous la forme d'une affectation d'impôts et taxes, les autres déductions constituent des pertes de recettes sèches pour la sécurité sociale. On en trouvera la liste, ainsi qu’une évaluation de leur incidence, dans le rapport. La critique de la Cour est double.

D’une part, ces dispositifs dont les entreprises bénéficient inégalement en fonction de leur taille sont une source de distorsion : les petites et les grandes entreprises en sont les principaux bénéficiaires potentiels, et les entreprises moyennes sont de ce fait placées dans une situation moins favorable. D’autre part, ces dispositifs sont inéquitables du point de vue des salariés car certains d'entre eux ne s’exercent qu’au profit d’un nombre très réduit de personnes : c'est le cas pour les stock-options, pour les mesures en faveur de certaines professions ou pour les avantages de départ à la retraite ou de licenciement. La Cour estime que ces derniers dispositifs devraient être revus. Cela vaut aussi pour les administrations publiques, dont la Cour a déjà demandé que les obligations sociales soient alignées sur celles du privé.

– La Cour n’est pas encore en mesure de répondre à la question du président Pierre Méhaignerie, car une étude très fine doit être menée sur ce sujet de grande importance, dont les incidences pourraient en effet être fortement positives.

– S’agissant des conditions de l’équilibre à l’avenir, un acte de courage est souhaitable dans l’élaboration de la loi de financement de la sécurité sociale pour que les deux plateaux de la balance – recettes et maîtrise des dépenses – se trouvent au même niveau sans mesures artificielles ou tentatives de dissimulation. La part d’erreur dans les distorsions mentionnées par M. Yves Bur semble assez réduite : on ne s’est pas toujours trompé, mais on a cherché à présenter un dispositif équilibré tout en évitant les mesures susceptibles de « mettre le feu » dans les hémicycles. La question est maintenant d’arriver à une opération de vérité en matière de lois de financement de la sécurité sociale : à défaut, l’effet de la LFSS ne sera que de produire du déficit chaque année. On peut revenir rapidement à l’équilibre, mais à condition de s’en donner les moyens.

– Les mesures de maîtrise comptable ont probablement fait leur temps, et les bienfaits de la maîtrise médicalisée – qui s’apparente parfois à une maîtrise comptable ne disant pas son nom – arriveront bientôt à leur terme. Il faudra alors revenir à un problème structurel essentiel : quelles sont les mesures à prendre pour assurer la compatibilité d’un système de distribution des soins fondé sur le principe de liberté et une prise en charge socialisée ? Des efforts seront nécessaires d’un côté ou de l’autre, à moins que l’on n’accepte qu’une part de la dépense publique se trouve de facto transférée.

– Ce n’est pas la Cour des comptes qui a été chargée d’étudier la TVA sociale, mais le Conseil économique et social. Il faut espérer que celui-ci réussira à produire et à voter un rapport, mais on se souvient du sort qui fut réservé à un projet de réforme de la sécurité sociale renvoyé au CES en 1988 : le Conseil estima au bout de quelques mois qu’il était dans l’incapacité de répondre à la question posée, aucune majorité ne se dégageant sur quelque proposition que ce fût.

Il n’en reste pas moins que nous sommes à un tournant et que l’on peut nourrir paradoxalement plus d’inquiétudes sur la faisabilité des réformes en matière d’assurance maladie qu’en matière de retraites.

Mme Rolande Ruellan, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, a confirmé que la maîtrise médicalisée n’avait pas répondu aux espoirs, d’autant que l’expression elle-même recouvre beaucoup de significations. Si on la considère comme une action sur le comportement des prescripteurs et des consommateurs, l’essentiel des gains en matière de médicament est venu des baisses de prix, du progrès des génériques et des déremboursements. Les éléments dont dispose la Cour laissent à penser que ce sont surtout les pharmaciens qui incitent à la consommation des génériques. Il reste peu de facteurs d’économies imputables à la maîtrise médicalisée dans le secteur du médicament. Le rapport relève que les outils en matière de consommation et de prescription ne sont pas suffisamment développés. Il reste du chemin à faire : toute action sur les comportements demande du temps et de la ténacité, et non pas le stop and go auquel on assiste trop souvent.

La Cour n’a pas encore examiné la réforme de la gouvernance de l’hôpital, mais elle l’a inscrite dans son programme, conformément à la loi, parmi plusieurs sujets qu’elle traitera dans les années à venir et dont elle rendra compte au Parlement. Il faut attendre que les établissements aient mis en place leurs pôles pour pouvoir évaluer les effets de ce dispositif : un rodage est nécessaire.

La Cour n’est pas revenue la question du statut des personnels hospitaliers, qu’elle avait étudiée antérieurement sans toutefois conclure que c’était là un frein à toute réforme. La tarification à l’activité a été traitée en profondeur l’année dernière. La Cour avait formulé des inquiétudes et des recommandations, faisant notamment état de ses doutes sur la convergence dans le délai prévu – sans remettre en cause, bien entendu, les objectifs : la T2A reste une très bonne réforme. Le risque d’inflation ne s’est pas concrétisé dans l’hôpital public, mais cela a été le cas dans les cliniques privées. Il faut donc rester vigilant.

M. Denis Jacquat, rapporteur pour l’assurance vieillesse, a posé les questions suivantes :

– La loi du 21 août 2003 a entendu dégager les moyens financiers permettant de garantir le maintien des systèmes de retraite par répartition jusqu'en 2020. La Cour des comptes considère-t-elle ces efforts comme insuffisants ? Quels devraient être les axes du rendez-vous de réforme de 2008 pour la Cour des comptes ?

– La Cour des comptes a-t-elle des préconisations quant à l'emploi des fonds placés auprès du Fonds de réserve pour les retraites (FRR) à partir de 2020 ?

– La loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 a réformé les régimes d'assurance vieillesse des professions de santé. Il reste à fixer les nouveaux paramètres financiers de chacun de ces cinq régimes. Les décrets ne sont pas encore publiés. Quelles sont les préconisations de la Cour des comptes ? L'application d'une cotisation d'ajustement non créatrice de droits à pension paraît-elle indispensable à la Cour ?

En réponse aux questions, M. Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes, a apporté les précisions suivantes.

– S’agissant du troisième point, la Cour a fait part de son analyse dans le rapport d’application des lois de financement de la sécurité sociale (RALFSS) pour 2005. Non informée des projets du gouvernement, elle ne peut les commenter. Sachant qu’ils existent, elle ne peut non plus les anticiper.

– S’agissant du premier point, la Cour examinera en vue de prochains rapports certains effets de la loi de 2003. Les mesures que celle-ci comportait allaient dans le bon sens en raison des perspectives démographiques. Mais les scenarii en fonction desquels les mesures ont été calibrées supposaient une baisse importante du chômage à l'horizon de 2010.

Les rendez vous de 2008, prévus par la loi, permettront sur la base des travaux du Conseil d’orientation des retraites (COR), de définir les mesures nouvelles à prendre. Si l'on veut garder aux retraites un niveau correct, il faudra probablement consentir des efforts sur l'âge de cessation d'activité. Mais pour poursuivre l'activité au-delà de soixante ans, encore faut-il être en activité à cet âge. Or le taux d'activité des seniors n'a pas progressé suffisamment. La mesure de départ anticipé en retraite avant soixante ans se révèle très coûteuse pour les régimes concernés. Elle permet à des personnes ayant des trimestres à faire valider avant l’âge de dix-huit ans accomplis d'anticiper leur départ, même s'il ne s'agit pas de salariés usés.

– Les axes à prévoir restent, d'une part, la prolongation de la durée d'assurance pour bénéficier du taux plein, avec toutes les mesures pour l'encourager et, d'autre part, le renforcement du caractère contributif des régimes, c'est-à-dire de la proportionnalité des droits à l'effort contributif. La Cour a ainsi proposé de revoir certains avantages, tels que les majorations de pension pour enfants. Mais ce n'est qu'un exemple parmi d’autres.

– S’agissant du FRR, la Cour se borne à constater chaque année qu’il n'est pas doté en fonction des objectifs qui ont présidé à sa création. Elle préconise de le doter de ressources plutôt que de consommer ses moyens actuels, ce qui donnerait un signal assez désastreux, car il s’agit du seul effort de prévoyance à long terme. Quant à dire ce qui se passera en 2020 …

M. Hervé Féron, rapporteur pour la branche famille, a posé plusieurs questions :

– Le 19 juin 2007, la Cour des comptes a rendu publique sa décision concluant à l'impossibilité de délivrer une opinion quant à la certification des comptes 2006 de la branche famille de la sécurité sociale. Quelles sont les raisons qui ont conduit à cette décision ? Il semble que la Cour ait relevé des insuffisances dans les contrôles internes relatifs aux droits des allocataires, ce qui conduirait les caisses d’allocations familiales (CAF) à verser des prestations indues. Quelles sont les préconisations de la Cour pour remédier à cette situation ? En quoi la création d'un fichier national des allocataires permettrait de limiter les risques de fraude ?

– Dans son rapport sur la certification des comptes, la Cour déplore l'existence de créances de la branche famille sur l'Etat antérieures à 2002, pour un montant de 332 millions d'euros et relatifs à des exonérations de cotisations sociales, sachant que le montant total des dettes de l'Etat vis-à-vis de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) atteignait, fin 2006, 1,4 milliard d'euros. Est-il possible de faire le point sur le niveau des dettes actuelles de l'Etat et sur ses engagements à les honorer ?

– Les dernières réformes de la politique familiale ont porté sur l'accueil du jeune enfant et sur le financement des modes de garde. Par contre, peu de mesures ont été adoptées pour aider les familles ayant des adolescents ou des jeunes adultes à charge. Quelles sont les recommandations de la Cour sur cette question ? Comment pourrait-on passer d’un système d’allocations aux parents de jeunes adultes à un système d’allocations versées au jeune adulte en formation, pour son autonomie et ses ressources ?

– Par ailleurs, la Cour des comptes a souligné à plusieurs reprises la nécessité d'harmoniser le niveau de financement public des différents modes de garde. Quels sont les inconvénients du système actuel ? Selon la Cour, quelles doivent être les responsabilités respectives des collectivités territoriales et des caisses d'allocations familiales pour l'organisation des modes de garde ?

– La Cour a-t-elle commencé à travailler sur le thème du service public de la petite enfance? A-t-elle des recommandations à faire sur l'optimisation des services de garde existants pour préparer la mise en place d'un droit opposable ?

M. Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes, a donné les réponses suivantes :

– La Cour a estimé qu'elle était dans l'impossibilité de certifier les comptes. Cela ne veut nullement dire que les comptes sont faux ou dépourvus de fiabilité. Cela signifie que la conjugaison de limitations aux vérifications de la Cour et d'incertitudes qui affectent les comptes ne permet pas à la Cour d'émettre une opinion, quelle qu'elle soit, de certification ou de refus de certification. Comme le prévoient les normes internationales d'audit auxquelles la Cour se réfère, il convient bien de distinguer l'impossibilité d'exprimer une opinion du refus pur et simple de certifier.

Les limitations, qualifiées par la Cour de « substantielles », tiennent aux déficiences importantes du contrôle interne, qui ne permettent pas, en amont de la comptabilisation, de sécuriser totalement les paiements et de détecter des indus. En effet, les informations sur les bénéficiaires et leurs ayants droit qui sont enregistrées dans les systèmes d'information sont lacunaires et les modalités de vérification de l'exacte déclaration de leurs ressources par les bénéficiaires sont loin d'apporter les garanties nécessaires. Le risque de paiements indus est donc fort, probablement plus de 3% des prestations versées, chiffre effectivement reconnu par la CNAF ; au demeurant, les travaux d'audit interne de la CNAF pour permettre de valider les comptes des caisses d'allocations familiales ont été notoirement insuffisants en 2006. Afin d'y remédier, la Cour a notamment recommandé d'améliorer les procédures de recoupement d'informations avec des entités externes, pour s'assurer des conditions d'éligibilité aux prestations légales et de créer un fichier national des allocataires.

Cette situation a enfin des conséquences directes sur la qualité des comptes, qui sont marqués en outre par trop d'incertitudes. Celles-ci concernent, d'une part, les opérations d'inventaire destinées à rattacher l'ensemble des charges à l'exercice, le montant des charges rattachées étant insuffisant, et, d'autre part, les modes de comptabilisation des cotisations d'assurance vieillesse des parents au foyer.

– À l'occasion de l'établissement de son bilan pour 2006, l'Etat a bien reconnu ses dettes à l'égard du régime général de sécurité sociale et donc notamment de la branche famille comme il est indiqué dans le rapport de certification de juin 2007. La Cour portera une attention toute particulière à la mise en œuvre de l'annonce par le ministre des comptes publics au Sénat en juillet dernier du remboursement par l'Etat, dès octobre 2007, de 5,1 milliards d’euros de dettes au régime général, et notamment de la quote-part destinée à la branche famille, sachant que dans les droits de la branche famille il faut distinguer les dettes fermes des produits à recevoir.

– La Cour a rappelé une situation vécue par bien des familles : le coût de l'enfant croît à mesure que celui-ci avance en âge, mais ces dépenses croissantes sont actuellement mal prises en compte par les prestations familiales. Il convient cependant de distinguer les améliorations qui pourraient être apportées à la situation des adolescents et celle des aides aux jeunes adultes. La Cour s'est prononcée en faveur d'une modulation de l'allocation de rentrée scolaire pour privilégier les enfants de seize à dix-huit ans, ainsi que pour des majorations pour âge plus fortes des prestations familiales en faveur des adolescents soit à quatorze ans soit à seize ans ; l'ensemble de ces mesures pouvant être financé par redéploiements. S'agissant des jeunes adultes, la Cour a indiqué que le sujet devait être appréhendé dans toute son ampleur, y compris les aides accordées aux étudiants. Le sujet n'a pas été étudié dans le cadre de ce rapport.

– La Cour n'a pas recommandé d'harmoniser le niveau de financement public mais plutôt de procéder à un réexamen du niveau de financement de chaque type de mode de garde. Elle a en effet constaté que les taux d'effort des familles ne correspondent pas à la hiérarchie des coûts pour la collectivité. Plus précisément, elle a préconisé de : moduler le montant de l'aide accordée pour la garde des enfants par les assistants maternels selon les CAF, dans la mesure où les salaires des assistants maternels sont très variables selon les zones géographiques ; relever le montant des participations familiales pour les crèches, afin que les familles acquittent une part plus substantielle du coût de fonctionnement de ces structures extrêmement coûteuses pour la collectivité ; moduler le niveau de financement public des différents modes de garde en fonction du niveau de revenu des ménages y recourant. Il apparaît en particulier que le niveau de financement public de la garde à domicile, toutes aides publiques confondues, peut être jugé excessif : pour les ménages les plus aisés (revenu supérieur à cinq SMIC) le coût pour la collectivité d'un enfant à domicile est supérieur au coût d'un enfant gardé en crèche. La mise en place de la PAJE a incontestablement engendré des effets d'aubaine.

– La Cour n'a pas examiné cette année la question des rôles respectifs de la branche famille et des collectivités territoriales en matière de garde collective, cette appréciation ayant été portée l'an dernier dans le cadre du RALFSS 2006. La Cour concluait les travaux qu'elle avait conduits sur l'action sociale de la branche en recommandant une meilleure maîtrise par les CAF des crédits destinés à financer les structures d'accueil des jeunes enfants soutenus et gérés par les communes ou les associations. Elle posait également la question de la pertinence de l'implication de l'action sociale de la branche famille dans l'organisation des loisirs des enfants et adolescents. Il lui apparaissait que la branche semblait dans ce secteur se substituer aux communes.

M. Jean-Marie Le Guen a souligné que la réforme de 2004 n’avait pas produit les effets escomptés. S’agissant de ce qu’il est convenu d’appeler la maîtrise médicalisée des dépenses de santé, des éléments structurels ont non pas retardé la mise en œuvre de la réforme, mais empêché son application. La situation des comptes sociaux est catastrophique et la dégradation du résultat, notamment celui de l’assurance maladie, ne saurait être contestée.

S’agissant de la gouvernance, il importe de doter l’assurance maladie d’organismes de pilotage stratégique et de réactivité. Cela étant, il n’était pas besoin d’attendre le rapport de la Cour des comptes pour mesurer l’importance des problèmes. Des signaux d’alerte auraient pu être analysés il y a déjà quelques mois et le comité d’alerte aurait donc pu être saisi en son temps. Certaines décisions prises au printemps dernier tendaient à laisser croire que les comptes de l’assurance maladie et les résultats de la maîtrise médicalisée permettaient des gestes appréciables en direction des professionnels de santé. Si les informations pertinentes avaient été connues en temps et en heure, des mesures plus efficaces auraient pu être prises. Dès lors, le débat électoral, pourtant riche, n’a pas pu porter, faute d’informations, sur la situation gravissime des comptes sociaux.

M. Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes, a rappelé que le comité d’alerte s’était réuni à plusieurs reprises en 2007, et avait lancé une alerte lorsque le seuil de 0,75 % a été franchi. Il convient de laisser à la nouvelle architecture le soin de faire ses preuves.

Il est permis d’être perplexe quant à la contribution que les travaux de la Cour doivent apporter aux débats publics. Il y aurait quelque contradiction, de la part du législateur, à reprocher à la Cour de ne pas avoir suffisamment contribué à un débat national récent tout en prévoyant, d’autre part, de limiter l’expression des chambres régionales sur les comptes des collectivités territoriales. La production des rapports des chambres régionales est suspendue quelques semaines avant les échéances électorales locales. Certains vont même parfois jusqu’à se demander s’il ne conviendrait pas de suspendre les rapports provisoires. Il est vrai que la sécurité sociale n’a pas été au centre du débat qu’a connu le pays au printemps denier, et cela se comprend. Tout le monde ne peut pas être héroïque.

M. Bernard Debré a souligné que des dépenses importantes étaient parfois oubliées. Certains petits hôpitaux de province, même s’ils jouent un rôle important du point de vue de l’emploi, délivrent parfois une médecine qui n’est pas tout à fait à la hauteur de ce que pourraient espérer les patients, faute de disposer du plateau technique nécessaire. Il serait bon que la Cour se penche sur ce grave problème. Les dépenses hospitalières représentent entre 48 et 52 % des dépenses d’assurance maladie. Au vu de la carte hospitalière, il y a à l’évidence des économies à faire. Certains petits hôpitaux pourraient être transformés en hôpitaux de moyen et long séjour, ou accueillir des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer.

S’agissant de l’établissement des jeunes médecins, des mesures d’incitation négatives ont été évoquées par la Cour. Cependant, des mesures d’incitation positives pourraient être envisagées.

En ce qui concerne les génériques, dont la vente est passée de 3 à 15 % des ventes de médicaments, il conviendrait que la Cour examine attentivement la politique des laboratoires pharmaceutiques, qui réagissent à l’apparition d’un médicament générique en mettant sur le marché d’un « me too », un médicament identique et trois fois plus cher, et ce en disposant d’une force de vente très importante.

S’agissant de la nouvelle gouvernance, l’instauration des pôles a montré son inefficacité. Elle a pour seul effet de confier aux médecins le soin de gérer la pénurie, ce que l’administration ne veut plus faire.

M. Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes, a précisé qu’il n’appartenait nullement à la Cour de porter une appréciation sur la qualité des soins et sur les risques d’accidents dans les petits hôpitaux. Néanmoins, elle a prévu de mener en 2008 une étude approfondie sur la restructuration hospitalière.

La politique des laboratoires a été évoquée dans les précédents rapports de la Cour. Le pays devra bien un jour ou l’autre arbitrer entre l’attention légitime qu’il porte à son industrie pharmaceutique et les besoins de la sécurité sociale.

S’agissant de l’installation des médecins, la Cour ne conteste pas que des mesures d’incitation positives soient possibles, mais celles qui existent n’ont pas produit d’effets. D’autres sont envisageables, mais il est permis de se demander si elles seront plus efficaces. La Cour a préconisé des mesures d’incitation négatives en s’inspirant du précédent que constituent les mesures prises s’agissant de la profession d’infirmier.

Mme Rolande Ruellan, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, a souligné que les incitations positives étaient nombreuses. Sans être négligeables, elles ne sont pas suffisantes, car les motivations des jeunes médecins ne sont pas seulement d’ordre financier. La question de leur installation doit être abordée en amont car il est frappant de constater que la répartition des postes correspond beaucoup plus à la situation des facultés de médecine qu’aux besoins des régions. Des incitations négatives, notamment en région parisienne, sont à l’évidence nécessaires. Il est possible, par exemple, de diminuer la prise en charge par les caisses des cotisations des médecins qui s’installent là où il y a déjà pléthore de médecins. L’idée d’un conventionnement sélectif a également été envisagée par la CNAM.

M. Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes, a insisté sur l’importance capitale que revêt l’installation de médecins dans les régions qui en ont besoin : d’une part, ils répondent à un besoin, et d’autre part, ils ne créeront pas de problèmes supplémentaires dans une zone où exercent déjà un trop grand nombre de médecins. En effet, lorsqu’un médecin s’y installe, il a tendance à vouloir être plus attractif que ses confrères, et il le fait en prenant des initiatives qui auront des conséquences pour l’assurance maladie.

M. Bernard Debré a souligné qu’il n’était pas du tout opposé aux mesures d’incitation. L’efficacité des mesures négatives est cependant incertaine, et il convient de rester attentif à la qualité des soins.

Le président Pierre Méhaignerie a souligné que, dans certains secteurs, la densité du nombre de médecins pose des problèmes inquiétants pour la collectivité.

M. Jean-Marie Le Guen a contesté la pertinence d’une approche quantitative de la démographie médicale. Le corps médical a beaucoup changé par rapport à ce qu’il était dans le passé, ne serait-ce qu’en raison de sa forte féminisation.

M. Marc Bernier a rappelé que la Cour, dans son rapport de certification des comptes du régime général de la sécurité sociale en 2006, avait insisté sur l’insuffisance, et parfois l’inexistence, du contrôle informatique du traitement des feuilles de soins. La création en 2006 par M. Xavier Bertrand, alors ministre chargé de la santé, d’un comité national de lutte contre les fraudes a peut-être porté des fruits. Qu’en est-il exactement ?

M. Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes, a indiqué que la Cour des comptes entendait contrôler en 2008 les suites qui ont été données aux observations qu’elle a formulées. Elle n’a pas évoqué ce problème dans son rapport de 2007 parce que les solutions demandent nécessairement du temps. Une appréciation portée dès 2007 aurait été sans doute négative, et elle l’aurait été injustement, car elle n’aurait pas donné l’idée du mouvement qui s’est enclenché.

M. Pierre Morange a rappelé que les amendements au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 avaient instauré un fichier informatique national, croisé avec un fichier multiple. Ces dispositions, votées en novembre 2006, devaient faire l’objet d’un décret, qui n’est toujours pas paru.

M. Christian Paul a relevé avec satisfaction la proposition faite par la Cour d’élargir l’assiette des prélèvements sociaux en y incluant les revenus des stock-options. C’est là une piste que le législateur ne pourra ignorer. C’est bien dans un effort de justice dans l’effort de contribution des Français qu’il faut rechercher une partie de la solution, qu’il s’agisse des comptes de l’assurance maladie ou de ceux du régime de retraite.

Un désert médical est en train de s’installer dans un certain nombre de territoires. Le problème ne touche plus seulement les zones rurales, mais aussi des villes, des quartiers, parfois des départements entiers, avec des conséquences sur l’organisation et l’efficience du système de soins, même à dépense constante. L’existence d’un désert médical produit également des effets pervers : on transporte plus de malades, on les soigne plus tardivement. Il est bon que la Cour ait mis l’accent sur l’inefficacité des incitations fiscales et financières, qui sont aujourd’hui totalement inefficaces, car les jeunes médecins s’installent en fonction d’un choix de vie, et non pas de choix fiscaux ou financiers.

La Cour a certes évoqué la possibilité d’introduire des incitations négatives, mais c’est la question de la liberté d’installation totale des médecins qui est aujourd’hui posée. Il sera sans doute nécessaire d’envisager des formes de régulation plus directives, voire une évolution du statut des médecins. La médecine salariée peut, par exemple, une partie de la solution à un problème qui constitue un véritable abandon de certaines populations. Des mesures vigoureuses sont nécessaires.

M. Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes, a remercié M. Christian Paul de son appréciation de la position prise par la Cour sur les niches sociales. S’agissant de la démographie médicale, la question de l’adaptation de la liberté d’installation doit être posée. La désertification médicale et les distorsions qui l’accompagnent sont un facteur d’aggravation non seulement de la situation sanitaire, mais aussi de celle des comptes sociaux.

Le président Pierre Méhaignerie a souligné que les maisons de santé, notamment dans les zones rurales, constituent également une solution au problème de la désertification. Puis, il a remercié le Premier président de la Cour des comptes d’avoir, par l’ampleur de ses travaux, fourni à la représentation nationale une base de travail particulièrement appréciable.

*

Informations relatives à la commission

La commission a désigné les membres de la mission d’information sur le dossier médical partagé :

– M. Jean-Pierre Door, président-rapporteur (UMP)

– M. Jean Bardet (UMP)

– M. Marc Bernier (UMP)

– Mme Jacqueline Fraysse (GDR)

– Mme Catherine Génisson (SRC)

– Mme Pascale Gruny (UMP)

– M. Michel Heinrich (UMP)

– M. Olivier Jardé (NC)

– M. Jean-Marie Le Guen (SRC)

– Mme Catherine Lemorton (SRC)

– M. Pierre Morange (UMP)

La commission a désigné les membres de la mission d’information sur les agences régionales de santé :

– M. Yves Bur, président-rapporteur (UMP)

– M. Philippe Boënnec (UMP)

– Mme Marie-Odile Bouillé (SRC)

– Mme Valérie Boyer (UMP)

– M. Hervé Gaymard (UMP)

– M. Maxime Gremetz (GDR)

– M. Jean-Luc Préel (NC)

– M. Guy Malherbe (UMP)

– M. Marcel Rogemont (SRC)

– M. Jean-Marie Rolland (UMP)

– M. Christophe Sirugue (SRC)

Le président Pierre Méhaignerie a indiqué que les missions d’information se réuniront le mercredi après-midi, le mardi après-midi et le mercredi matin étant réservés en priorité aux travaux de la commission et le jeudi matin aux travaux de la MECSS.