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Compte rendu

Commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Mardi 26 septembre 2007

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 11

Présidence de Pierre Méhaignerie Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Bertrand Fragonard, président du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, sur les travaux du Haut Conseil 2

– Informations relatives à la commission 18

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a procédé à l’audition, ouverte à la presse, de M. Bertrand Fragonard, président du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, sur les travaux du Haut Conseil.

Le président Pierre Méhaignerie s’est réjoui que la commission ait l’occasion d’accueillir pour la première fois M. Bertrand Fragonard, dont les qualités et les compétences sont connues de tous. Le rapport annuel du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance-maladie de juillet 2007 est de grande qualité et trace des pistes de réforme à moyen et à long terme, ce dont la France a le plus grand besoin. Ce rapport montre ainsi qu’un certain nombre de problèmes peuvent être réglés et qu’il ne faut pas désespérer.

M. Bertrand Fragonard, président du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, a souhaité faire un certain nombre d’observations sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), qu’il convient de replacer dans une perspective à moyen terme. Dans cet objectif, il est important de distinguer le volet financier des mesures plus structurantes, en particulier celles qui portent sur l’offre de soins.

On peut considérer que le volet financier va dans le bon sens. Ainsi, s’agissant des recettes, ce projet amorce de façon sérieuse le règlement du contentieux financier entre l’État et la sécurité sociale. En 2008, les recettes, en particulier sur le médicament, seront modérées d’autant que l’anticipation du calendrier du prélèvement social sur les dividendes est une mesure exceptionnelle qui ne saurait avoir d’effet pérenne. Les mesures globales sont assez cohérentes avec le souci d’augmenter le taux d’emploi des seniors. Dans l’ensemble, ce volet s’inscrit donc dans le prolongement des réflexions du Haut Conseil.

Des économies sont également prévues pour un total d’1,7 milliard d’euros, dont 850 millions au titre des franchises. Ainsi, les dépenses de soins restent globalement du même ordre de grandeur que les années précédentes, ce qui montre que le système n’est pour l’instant pas capable de dégager des marges de productivité à un rythme plus soutenu. Le montant de l’objectif national des dépenses de l'assurance maladie (ONDAM) semble par ailleurs raisonnable, même s’il faut bien évidemment tenir compte du fait que le sous-objectif de l’ONDAM consacré aux dépenses de soins de ville intègre l’impact de la franchise.

Tout cela laisse subsister un déficit élevé, même s’il convient de replacer des chiffres qui paraissent impressionnants dans une perspective historique : en effet, si la croissance des dépenses d’assurance maladie est de l’ordre de 3 à 4 % par an, encore faut-il rappeler qu’elle était de l’ordre de 8 % avant 2004. De plus, grâce à de nouvelles recettes, à la forte pression exercée l’an dernier sur les prix des médicaments et à l’augmentation de la contribution des assurés, on a désormais engagé un mouvement de réduction du déficit, même s’il l’on a dû reculer la date de retour à l’équilibre de la branche maladie. Ce mouvement ne résulte cependant pas uniquement d’une amélioration du système de santé et d’assurance maladie puisqu’il a fallu recourir à d’autres sources de financement.

Le PLFSS comporte un autre volet de mesures, qui semblent plus prometteuses et structurantes sur l’offre de soins. La première est l’option prise en matière d’installation des professionnels de santé. Même si les représentants des médecins ont exprimé un point de vue différent, le Haut Conseil a en effet pris une position assez nette concernant le fait que l’on ne peut plus se contenter de quelques incitations positives et qu’il convient à présent de se doter d’instruments conventionnels permettant de garantir une offre médicale plus cohérente.

La deuxième innovation, dont il conviendra de vérifier les effets, consiste à confier à la Haute autorité de santé (HAS) une mission d’expertise médico-économique. Il est vrai que dans le système de gouvernance actuel, on manque sans doute d’un lieu permettant à une autorité indépendante d’adosser ses recommandations sur une telle expertise. C’est un enjeu essentiel, notamment pour les affections de longue durée (ALD).

On progresse par ailleurs dans l’accompagnement des prescriptions. Si l’on continue sur la voie des mesures prises ces dernières années dans le cadre de la maîtrise médicalisée des dépenses, il serait bon que les pouvoirs publics dotent le régulateur de pouvoirs nouveaux, en particulier en étendant le système des ententes préalables. Le maniement de cet outil est toutefois extrêmement délicat car il touche à l’exercice médical. Toutefois, pouvoir adresser aux médecins un avertissement ferme permet de ramener une petite minorité d’entre eux vers des comportements de prescription plus appropriés. On verra si cet outil fera évoluer, par la voie conventionnelle, la prescription, notamment au sein du répertoire des groupes génériques.

D’autres dispositions du projet de loi permettent d’ouvrir le débat sur la mise en place de nouveaux modes d’organisation des soins de ville. Le texte demeure toutefois prudent, en évoquant des expérimentations conduites sur certains territoires. Certes, il ne faut pas bousculer les habitudes ancestrales, mais cela fait quand même un certain nombre d’années que l’on dit qu’il faut pouvoir changer les modes d’organisation, regrouper les professionnels, expérimenter des partages de compétences, aménager le mode de rémunération. Ces dispositions, qui s’inscrivent dans la droite lignée des travaux du Haut Conseil, sont donc assez prometteuses.

Il faut aussi mentionner l’option prise sur la mise en œuvre de la tarification à l’activité (T2A). C’est un sujet assez technique mais important pour la régulation. Le Haut Conseil a eu du mal à parvenir à un consensus sur la T2A. Chacun voit à la fois le côté structurant de la réforme et les risques qu’elle implique. Cependant, dès lors que le Parlement a retenu cette solution, il convient de la mettre en œuvre avec énergie. Le dispositif prévu dans le PLFSS ne porte que sur la convergence intrasectorielle dans le secteur public mais il rend incontestablement plus visible le schéma financier dans lequel les établissements doivent inscrire leur gestion. Ceux qui sont « perdants » avec la T2A vont ainsi réaliser qu’il est temps d’utiliser leurs marges de productivité.

On le voit, les mesures de ce PLFSS vont dans le bon sens et elles sont cohérentes avec les travaux du Haut Conseil, mais elles sont ouvertes puisqu’il s’agit pour une grande partie de dispositions cadres, qui renvoient à une expérimentation ou à une concertation ultérieure. L’avenir dira si l’application de ces mesures est à la hauteur de leurs ambitions.

En tout état de cause, il est d’autant plus important de prendre un bon virage qu’il s’agit en réalité de traiter des problèmes à moyen terme. C’est à ces derniers que le Haut Conseil a consacré l’essentiel de son travail cette année, en se demandant tout d’abord à quel niveau les dépenses de soins allaient se situer et si elles allaient augmenter aussi vite ou plus vite que le produit intérieur brut (PIB). Ensuite, s’il se confirme qu’elles croissent plus vite que le PIB, comment est-il possible de solvabiliser des contraintes financières s’aggravant au fil des ans ?

Considérant que la dépense de soins augmenterait certes moins rapidement qu’au cours de la période récente mais toujours sensiblement plus vite que le PIB, avec probablement un point d’écart, M. Bertrand Fragonard, président du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, a indiqué qu’au sein du Haut Conseil, le débat a été plus animé sur ce point qu’il ne l’avait imaginé. Pour rendre compte de la variété des points de vue, le Haut Conseil a ainsi écrit qu’un certain nombre de facteurs lourds tirent la dépense : vieillissement et, surtout, augmentation de la dépense par tête à tous les âges, en raison de l’évolution du recours au médecin, des prescriptions, des techniques hospitalières et du progrès médical. Qui plus est, dans le système actuel, la progression des personnes atteintes d’une ALD conduit à augmenter chaque année le taux de prise en charge par la sécurité sociale.

Toutefois, chacun sait aussi qu’il existe d’importantes marges de productivité latentes. Ainsi, il faudra bien casser la progression continuelle du nombre de recours au médecin par an, qui est passé de 5,4 à 9 en quelques années. Il faut donc voir comment mieux réguler ce système, y compris avec des modes alternatifs de rémunération. S’agissant du médicament, s’il convient évidemment de soutenir l’industrie française, ce qui est fait cette année avec le crédit d’impôt recherche, véritable ballon d’oxygène pour les laboratoires, le Haut Conseil continue à dire que les habitudes de prescription sont fâcheuses. Il pointe en particulier, depuis deux ans, le fait que les médecins continuent à prescrire en dehors du répertoire ce qui freine la progression de la pénétration des génériques.

C’est bien sûr le solde qui importe : les facteurs lourds d’augmentation seront-ils compensés par une plus grande utilisation des marges de productivité ? C’est un sujet difficile car il touche aux conditions de travail et de revenus de deux millions d’actifs. Le Haut Conseil a décidé de réfléchir sur un écart entre le PIB et la consommation de soins et biens médicaux (CSBM) de 0,5 à 1 point par an. Cela peut sembler faible par rapport à l’écart constaté les années précédentes mais, quand on part à 8 % du PIB, la somme des petites progressions annuelles est rapidement importante.

Avec cette estimation, si l’on ne veut pas toucher au taux de prise en charge, à moyen terme, c’est-à-dire en 2025, il faudrait consacrer entre 10 et 12 % de l’enrichissement total du pays au système d’assurance-maladie. Et si l’on entend stabiliser le taux de prélèvements obligatoires, c’est plus de 20 % de la marge disponible qu’il faudrait alors consacrer à l’assurance-maladie, ce qui pose un évident problème d’équilibre.

La première priorité doit donc être de lever le plus possible de marges de productivité sans toucher à l’égalité d’accès aux soins et à leur qualité. Par ailleurs, s’il y a un écart, la vocation de l’assurance-maladie est de le couvrir : il n’est pas question de « charcuter » un système essentiel pour la solidarité. Il faudra donc obligatoirement prévoir un volet recettes. Le Haut Conseil n’a pas compétence pour déterminer le bon système de financement mais il peut quand même observer des aberrations, en particulier quant à l’assiette du prélèvement social. Et si l’on veut éviter que les autres politiques publiques ne soient pénalisées, il faut avoir le courage au moins de stabiliser le taux de prise en charge par la sécurité sociale. Or ce taux a tendance à augmenter, tout simplement parce que le poids des actes exonérés de ticket modérateur, en particulier des ALD, progresse. Cela peut sembler paradoxal car les Français ont le sentiment d’être de moins en moins bien remboursés mais cette augmentation est réelle, à tel point que, tous les quatre ou cinq ans, on adopte un plan pour essayer de la limiter. Néanmoins tous les mécanismes, y compris la participation des assurés sous la forme de franchises prévue par le PLFSS pour 2008, ne font que compenser l’augmentation du taux de prise en charge.

On peut assumer cette situation mais on peut aussi vouloir la remettre en question en se donnant pour premier objectif de stabiliser le taux de prise en charge. C’est l’option qui a été retenue par les membres du Haut Conseil, à l’exception des représentants de la Confédération générale du travail (CGT). Il a même considéré qu’il fallait le réduire modérément mais sans toucher à l’égalité d’accès aux soins, qui fait partie du socle fondateur de la sécurité sociale.

C’est dans ce contexte que le Haut Conseil a étudié un certain nombre de mécanismes qui permettraient d’aménager les modalités de participation financière des assurés, en particulier par un système de franchise, une hausse du ticket modérateur ainsi que ce qui est devenu, sous l’impulsion du Haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, M. Martin Hirsch, le bouclier sanitaire.

Ainsi, on voit bien que l’on est engagé dans une course continuelle pour maîtriser les dépenses, que l’on peut améliorer le système actuel sans toucher aux fondamentaux mais il s’agit d’un art politique très difficile et que cela déterminera les choix lourds des années à venir : faudra-t-il assumer un écart significatif entre l’évolution des dépenses de santé et du PIB ou s’en tenir un écart modéré qui n’obligera pas à des choix trop douloureux en matière de financement ?

Un débat a suivi l’exposé de M. Bertrand Fragonard.

M. Yves Bur, rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 pour l’équilibre général et les recettes, a tout d’abord repris l’image d’une course permanente pour évoquer la difficulté de trouver les moyens de financer l’évolution des dépenses de la sécurité sociale. De ce point de vue, le Haut Conseil a eu le mérite de casser l’idée tabou, selon laquelle on serait irrémédiablement condamné à dépenser pour la santé entre 2 et 3 % de plus que le PIB, alors qu’il est au contraire possible de limiter ce différentiel.

S’agissant de la maîtrise médicalisée, peut-elle encore contribuer à un retour à l’équilibre de la branche maladie avec des mesures d’adaptation à court terme ? Ou bien a-t-elle épuisé ses effets, ce qui impliquerait d’engager dès maintenant des réformes structurelles telles qu’elles se profilent dans le PLFSS pour 2008 ? Par exemple, la nécessité d’assurer un meilleur suivi des ALD constitue un véritable enjeu pour la santé comme pour les finances publiques mais soulève plusieurs questions, en particulier sur le point de savoir s’il est envisageable de suivre activement les neuf millions de personnes atteintes d’une d’ALD ? De quelle façon la mise en place d’un parcours de soins plus cohérent permettrait-elle de participer au retour de la branche à l’équilibre ? Enfin, l’accélération du déploiement de la T2A suffira-t-elle à provoquer les restructurations que l’on peut en attendre ?

M. Denis Jacquat, rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 pour l’assurance vieillesse, s’est demandé si l’on n’était pas engagé pour de nombreuses années encore dans cette course perpétuelle… D’ailleurs, Mme Georgina Dufoix, lorsqu’elle était ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale, n’avait-elle pas dit que l’on ne parviendrait jamais à équilibrer les comptes de la sécurité sociale ? De plus, on parle beaucoup de la maîtrise médicalisée mais chaque médecin veut pratiquer la meilleure médecine avec le meilleur rapport qualité-prix et il est persuadé de le faire. Comment dès lors améliorer encore les choses dans ce domaine ?

S’agissant de la répartition des professionnels de santé sur l’ensemble du territoire, M. Bertrand Fragonard a fait état d’une résistance des représentants des professions médicales au Haut Conseil. Peut-il indiquer plus précisément quelles ont été leurs remarques ? En France, on fait des études de médecine par vocation mais aussi parce qu’on sait que l’on peut s’installer où on le souhaite. Imposer un lieu d’installation risque donc d’être très difficile.

Le président du Haut Conseil a également évoqué des d’habitudes de prescription « fâcheuses ». Or il semble que 60 % des dépenses de médicaments concernent des personnes atteintes d’une ALD et que 20 % des dépenses de médicaments délivrés en ville résultent de prescriptions hospitalières : quel est le sentiment du Haut Conseil à ce sujet ?

M. Jean-Marie Le Guen s’est demandé si l’architecture des structures qui portent la réflexion sur l’avenir du système de santé n’était pas défaillante. Ainsi, le Haut Conseil ne traite que des problématiques de l’assurance-maladie alors qu’il conviendrait de s’intéresser simultanément à l’amélioration de la santé des Français, à la garantie de l’accès aux soins et à la fonction de l’assurance-maladie. Ce qui fait défaut, c’est un endroit où l’on pourrait articuler la réflexion sur la politique de santé et l’analyse stratégique des moyens mis en œuvre. Et ce n’est pas la disposition du PLFSS visant à donner une compétence médico-sociale à la Haute autorité de santé (HAS) qui permettra d’y remédier.

Par ailleurs, si le Haut Conseil se prononce en faveur d’une stabilisation du taux de prélèvements obligatoires, la dégradation continue des comptes de l’assurance maladie, dont le déficit est supérieur à dix milliards d’euros depuis cinq ans, ne rend-elle pas inéluctable l’augmentation des prélèvements en 2008, par exemple, par le biais d’une hausse de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) ? Quelle est la position du Haut Conseil sur ce point ?

Le PLFSS comporte également quelques mesures intéressantes en ce qui concerne l’offre de soins et aborde même des sujets qui semblaient pourtant, il y a quelques mois encore, de véritables « versets sataniques » ! Il convient cependant de poursuivre la réflexion sur son volet financier. Le Haut Conseil est-il ainsi certain que les 850 millions d’euros prévus au titre des franchises seront effectivement perçus par l’assurance-maladie ? Faisant suite à l’intervention du comité d’alerte, le plan de redressement des comptes annoncé par le gouvernement en juillet dernier, suites aux propositions des caisses d’assurance maladie, sont-ils de nature à rapporter en 2007 et en 2008 les montants qui ont été annoncés ? Quelle est, selon le Haut Conseil, la fiabilité des mesures de maîtrise des dépenses annoncées par le gouvernement ?

En réponse aux différents intervenants, M. Bertrand Fragonard, président du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, a apporté les précisions suivantes :

– En premier lieu, la maîtrise médicalisée fonctionne dans le cadre conceptuel dans lequel elle a été inscrite. Le régulateur peut en effet exercer une influence sur les médecins, il peut leur rendre visite et leur rendre compte de leur manière de prescrire afin de la faire évoluer. La CNAM a fait des efforts considérables dans ce sens. Mais il s’agit à chaque fois de petits progrès et les résultats globaux ne sont donc pas spectaculaires. Peu importe : la maîtrise médicalisée donne des résultats et il faut donc continuer dans cette voie, ce qui n’exclut pas pour autant d’en poursuivre d’autres.

Il est vrai qu’un certain nombre de partenaires considèrent que les choses ne vont pas assez vite et qu’il faudrait que l’on change de paradigme. Mais pourquoi dédaigner la maîtrise médicalisée au motif qu’elle ne révolutionne pas les ordres de grandeur de la dépense ? Dès lors qu’il n’y a ni conventionnement sélectif, ni enveloppe fermée, ni maîtrise comptable, qui ne paraissent d’ailleurs pas souhaitables, il est de toute façon impossible d’obtenir des résultats spectaculaires.

Par exemple, dans le domaine du médicament, il est apparu au fil des ans que l’on n’a pas su convaincre les médecins, ni leur imposer de faire des efforts significatifs pour promouvoir davantage de génériques. Du coup, on a tout simplement fini par acheter les pharmaciens pour qu’ils fassent de la substitution en officine ! Actuellement, sous la pression disent-ils des laboratoires, les médecins prescrivent trop souvent hors du répertoire des groupes du répertoire, ce qui limite sensiblement l’impact de la progression importante de la pénétration des génériques au sein du répertoire. C’est pourquoi il avait été suggéré de baisser légèrement les prix des médicaments non inscrits au répertoire, mais il s’agit là d’un cheminement pour le moins oblique. On pourrait également imaginer de modifier les conditions de remboursement de médicaments relevant d’une même classe thérapeutique, par exemple sur le modèle allemand, mais le gouvernement a exclu d’adopter cette méthode lors de la réunion du Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) en février 2007, car il l’a jugée trop brutale pour un secteur industriel dont il souhaite soutenir le développement. Dans ces conditions, tout en réfléchissant bien sûr à des schémas alternatifs, il faut aller jusqu’au bout de la méthode de la maîtrise médicalisée.

– Le régulateur n’a pas pour ambition de suivre de près les bientôt 12 millions de personnes qui relèvent du régime des ALD. Il faut assumer le coût d’une meilleure prise en charge des malades chroniques, mais c’est un sujet très important car force est de constater que le concept d’ALD ne permet pas toujours de rendre compte de la situation de personnes atteintes d’affections chroniques et coûteuses. Il faudra donc progresser dans ce champ considérable d’amélioration du système actuel. La HAS doit engager cet automne la deuxième phase de sa réflexion à ce propos. Quant au fait que 60 % des dépenses de médicaments soient consacrées aux ALD, cela n’a rien de choquant : si des médicaments permettent d’améliorer ou de stabiliser l’état de santé de ces personnes, tant mieux !

– La T2A n’est pas un instrument magique. Tout dépend du taux pilote fixé pour ce poste au sein de l’ONDAM. Cette année, avec un taux légèrement inférieur en valeur à la croissance du PIB, la T2A garde sa valeur structurante. En effet, dès lors que l’on sait qu’un établissement rencontre une contrainte financière, on doit le réorganiser pour pouvoir tenir avec les moyens alloués. C’est cela la vertu de la T2A, c’est même son enjeu majeur, plus que la convergence intersectorielle, et c’est pour cela qu’il ne faut pas céder. Le plus important c’est que les hôpitaux aient une lisibilité budgétaire et qu’on leur donne les moyens de se moderniser.

– On peut dire que l’on va doucement vers l’équilibre des comptes de la branche maladie. Tous les gouvernements affirment qu’ils vont y parvenir et ces dernières années ils n’ont pas été trop desservis par la conjoncture, c’est-à-dire par l’évolution de la masse salariale qui avait été dramatique au début de la période 2002-2007, mais ils ne sont pas pour autant parvenus à l’équilibre puisqu’on est encore à 3 % de déficit. On peut certes parvenir rapidement à l’équilibre – il suffit pour cela de diminuer le taux de remboursement – mais outre que ce n’est pas évident sur le plan politique, le système actuel de prise en charge est assez cohérent et il remplit son office puisqu’il évite aux assurés de subir les plus grosses dépenses. Le Haut Conseil a d’ailleurs constaté que tout ce qui avait été fait récemment n’affectait pas en profondeur ce système.

Ce qui empêche un retour immédiat à l’équilibre, c’est, d’une part, la nécessité d’être très prudent quant au système de prise en charge et, d’autre part, le fait que l’on ne sait pas aller plus vite dans l’amélioration de l’offre de soins. Cela ne tient pas à un défaut de volonté politique – celle-ci n’a d’ailleurs pas manqué à l’ancien ministre de la santé et des solidarités, M. Xavier Bertrand, en particulier en ce qui concerne le prix des médicaments – mais tout simplement au fait que l’on a en face de soi deux millions d’actifs qui ont des intérêts à faire valoir en ce qui concerne leurs revenus mais aussi leurs outils et leurs conditions de travail. À chaque fois que l’État a voulu brusquer les choses, il s’en est mordu les doigts.

Le président Pierre Méhaignerie a fait observer que l’on est là au cœur du sujet. En effet, si on accepte l’idée d’une progression de 0,5 à 1 point des dépenses de santé au-dessus du PIB et que cette question se pose dans les mêmes termes pour les dépenses de l’assurance vieillesse, la dépendance et le secteur médico-social, alors cela signifie qu’il faut également accepter l’idée qu’il reste de moins en moins de marge de progression pour les dépenses de l’État et les collectivités locales, si l’on veut au moins stabiliser le taux de prélèvements obligatoires.

M. Bertrand Fragonard, président du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, a répondu qu’il considérait, à titre personnel, que l’on met aujourd’hui trop d’argent dans l’assurance-maladie, au regard du taux de prélèvements obligatoires que l’on juge cohérent. Il est par exemple regrettable que l’on n’ait pas fait davantage d’efforts en faveur de la politique du logement. Alors que l’on hésite à demander 850 millions d’euros aux ménages sous la forme de franchises, il faut en effet souligner que, depuis dix ans, le taux d’effort des ménages modestes pour se loger en dehors du parc des habitations à loyer modéré (HLM) a augmenté de 6 %. Il s’agit donc d’un problème social plus global et la discussion devrait être élargie, au lieu de se cantonner au secteur de l’assurance-maladie, qui est en concurrence avec d’autres besoins. Le Parlement et le gouvernement devront donc faire des choix et si, pour l’assurance-maladie, tenir un taux de progression de 0,5 % du PIB paraît crédible, cela manquera nécessairement à d’autres politiques.

Tous les gouvernements essaient de contenir la dépense publique de santé, ils y parviennent plus ou moins, mais il faut savoir que la France est moins généreuse que l’Allemagne en termes de prise en charge des dépenses d’assurance maladie, qui sont plafonnées à 2  % du revenu annuel brut outre-rhin. S’il existe un vrai problème d’équilibre des comptes, la priorité doit être d’améliorer l’offre de soins afin de ne jamais devoir choisir entre dérembourser à l’excès et lever des recettes qui ont un effet d’éviction. Or ce n’est pas facile car, à la différence des retraites, pour lesquelles c’est le gouvernement qui tient les manettes, pour l’assurance-maladie l’ordonnateur est ailleurs. Or faute d’être entré dans le débat de fond qui permettrait d’arbitrer entre toutes les fonctions nourries par les prélèvements, on se contente de répéter qu’il faut aller plus vite pour redresser les comptes de l’assurance-maladie et améliorer la qualité du système actuel et d’alimenter du même coup la frustration de ne pas pouvoir faire davantage dans d’autres domaines, par exemple la politique familiale. Le problème majeur n’est donc pas celui de l’assurance-maladie mais de la protection sociale dans son ensemble.

– M. Denis Jacquat a souligné à juste titre que les médecins font bien leur métier. Pour autant, ils peuvent améliorer leurs pratiques. Il faut qu’ils en acceptent l’idée, ce qui suppose peut-être que leurs représentants soient moins déchirés par les conflits syndicaux et surtout que l’on pousse les feux sur l’amélioration des pratiques médicales. Comment ne pas évoquer à ce propos la scandaleuse histoire de la formation médicale continue ?

Sans recourir à des méthodes par trop autoritaires, car il serait maladroit de contraindre les médecins, il est évident qu’il y a des marges de progression, par exemple en matière de prescription. L'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) essaie de pousser à ces évolutions, parfois de façon un peu rude, mais elle y est obligée car une bonne partie des médecins sont assez conservateurs. En ce qui concerne la répartition géographique, on comprend très bien que chacun souhaite s’installer là où il le veut, mais ce n’est pas le problème de l’assurance-maladie qui doit, avec les pouvoirs publics, garantir l’égal accès aux soins sur l’ensemble du territoire.

Dès lors, jusqu’où faut-il aller dans l’autorité ? Jusqu’ici on s’est contenté d’incitations financières, mais la réflexion doit se poursuivre car on ne saurait accepter que cette situation perdure, d’autant que les déséquilibres sont très lents à se résorber. Le Haut Conseil, qui se réjouit qu’un accord ait été signé par les infirmières, considère que l’on est dans le bon tempo, que l’on ne peut se contenter de laisser faire et que, si certains veulent s’installer là où il y a déjà beaucoup de médecins, on peut très bien les laisser faire mais, par exemple, sans les conventionner. Sans doute la négociation sera-t-elle chaotique mais l’on devrait parvenir à un accord.

– M. Jean-Marie Le Guen a sans doute raison de considérer que le champ de réflexion du Haut Conseil est trop limité et que l’on manque d’un lieu plus global pour traiter à la fois de l’assurance-maladie et de la politique de santé. En revanche, le Haut Conseil n’est pas organisé pour traiter une problématique plus générale.

– Le débat sur les missions de la Haute autorité de santé a eu lieu à l’occasion de sa création. Il était en particulier difficile de déterminer si elle devait être dotée d’une composante socio-économique. Toutefois, il ne faudrait pas que sa vocation d’expertise en la matière hypothèque son autorité pour dire la référence médicale. Sans doute vaut-il mieux la doter de cette compétence, dont disposent d’ailleurs ses homoloques au Royaume-Uni et en Allemagne – le National institute for clinical excellence (NICE) et l’Institut für Qualität und Wirtschaftlichkeit (IQWiG) – et vérifier ensuite que son exercice ne nuit ni à l’autorité ni à l’indépendance de la HAS.

Alors, y-a-t-il péril en la demeure ? Il est vrai qu’entre 2004 et 2008 on aura accumulé un déficit significatif, et donc le poids de la dette. Toutefois, dans la mesure où le déficit diminue, on peut espérer qu’il finira par se résorber. Concernant la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), le Parlement a eu raison de vouloir empêcher qu’un nouvel endettement éventuel n’allonge la durée d’amortissement de la dette, mais cela signifie que l’on sera sans doute conduit à augmenter la CRDS. Du moins ainsi, ce ne sont pas les petits-enfants de la génération actuelle qui paieront la dette de l’assurance-maladie car elle aura été amortie bien avant. Oui, il fallait stopper ce processus.

Fallait-il aller plus vite ? Ni le gouvernement ni le Parlement n’ont estimé possible de brusquer les choses en levant plus de recettes et en diminuant le taux de remboursement. Quel que soit, l’an prochain, le rapport entre la croissance des dépenses de santé et celle du PIB, ce qui importe c’est qu’on ne touche pas aux fondamentaux et que l’on n’ébranle pas, par exemple, la confiance que les Français placent dans leur médecin, qui constitue un élément majeur de notre système de santé.

Enfin, les estimations réalisées par le comité d’alerte paraissent fiables. C’est à tout le moins le cas pour les 850 millions d’économies prévues pour les franchises, sur un montant total de 1,7 milliard prévu par le PLFSS pour 2008. Il est en revanche très difficile d’évaluer précisément l’impact financier des autres mesures d’économies car cela dépendra largement de la réussite de la maîtrise médicalisée sur le médicament. Mais il n’y a pas de raison d’être sceptique a priori.

Mme Marisol Touraine a tout d’abord salué la qualité de la présentation de M. Bertrand Fragonard, en déclarant toutefois ne pas partager son appréciation plutôt positive portée sur le PLFSS. La question de la part des dépenses de santé par rapport à la croissance est essentielle, car il est clair qu’une personne de soixante ans aujourd’hui dépense plus que son père au même âge et son fils dépensera plus qu’elle demain. Existe-t-il une appréciation de l’impact de la croissance économique sur ce phénomène ? En d’autres termes, si nous retrouvions une croissance plus soutenue, jusqu’à quel point la préférence des Français pour la santé s’en trouverait-elle renforcée ?

Concernant l’organisation même du système de santé, nos concitoyens pensent à tort que leur taux de prise en charge décroît par rapport à un âge d’or mirifique mais certains de nos voisins européens sont beaucoup mieux pris en charge que nous en matière d’assurance-maladie. Dès lors, notre objectif doit-il être de maintenir notre taux de couverture actuel ou au contraire de l’améliorer, en s’inspirant par exemple du modèle allemand ? Est-ce d’ailleurs possible, dans le cadre de la maîtrise médicalisée des dépenses ?

M. Pierre Morange, coprésident de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, a félicité M. Bertrand Fragonard pour l’excellent rapport annuel du Haut Conseil, dont il ressort que le taux de prise en charge en France est assez élevé, puisqu’il atteint près de 80 %, mais aussi que la mise en place des réformes structurelles est lente et qu’en tout état de cause la situation de déséquilibre financier que nous connaissons aujourd’hui ne nous permet plus de reculer devant l’obstacle. Il est donc positif qu’un certain nombre de dispositions du PLFSS permettent d’avancer dans ce sens.

Il semble, d’autre part, qu’un milliard d’euros transféré des régimes de base vers les complémentaires corresponde à une augmentation des primes de mutuelles de l’ordre de 4 % : le Haut Conseil a-t-il évalué l’incidence que cela aurait sur les populations socialement défavorisées qui relèvent de la couverture maladie universelle complémentaire (CMUc) ? Faudrait-il relever le plafond de celle-ci pour que le principe de solidarité continue à s’appliquer ?

Parmi les pistes de réforme évoquées figure notamment le système de prise en charge allemand, qui consiste à plafonner le reste à charge des assurés en prenant en compte leurs revenus. Cela suppose toutefois la connaissance et la maîtrise de l’information, en d’autres termes une interopérabilité des systèmes d’information, dont on ne peut pas dire aujourd’hui qu’elle constitue la pierre angulaire de notre système de santé…

M. Pierre Morange, coprésident de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, a rappelé avoir été à l’initiative de l’adoption d’un amendement au PLFSS pour 2007 prévoyant la création d’un fichier informatique national afin précisément de permettre un échange d’informations entre les différentes branches, mais aussi avec les administrations fiscales. En effet, un plafonnement du reste à charge intégrant la notion de revenu nécessite par définition de connaître les ressources des assurés. S’inscrivant dans le prolongement des recommandations de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS), ces dispositions ont été inscrites dans la loi et pourtant les décrets d’application n’ont toujours pas été publiés. Dans l’éventualité où ils le seraient prochainement, dans quels délais ce fichier pourrait-il être pleinement opérationnel, compte tenu de l’urgence de la situation financière que connaît notre système de protection sociale ?

Mme Michèle Delaunay a estimé qu’aujourd’hui personne ne se choque du fait que l’implantation des pharmacies soit réglementée. On pourrait tout à fait concevoir le même numerus clausus géographique dans les territoires les plus attrayants, en particulier pour limiter un nombre trop élevé de médecins spécialistes, car cela génère une surconsommation médicale. Toutefois, on n’aurait pas réglé pour autant le problème des déserts médicaux.

En ce qui concerne les gains possibles de productivité, les transports médicaux n’ont pas été évoqués, alors que la consultation hospitalière peut coûter dix fois moins chère que le transport du patient, par exemple lorsqu’une personne se déplace de Périgueux à Bordeaux. Il conviendrait donc de réguler plus efficacement ce type de dépenses.

C’est également le cas dans le domaine du médicament. À titre d’exemple, près de 80 % du budget prévu pour les médicaments du centre de lutte contre le cancer de Bordeaux est concentré sur cinq molécules. Certes, ce type de molécules est très cher au début de leur commercialisation, mais maintenant certaines d’entre elles ne sont plus tout à fait nouvelles. Sans décider qu’elles sont tombées dans le domaine public, on pourrait considérer que, au bout d’un certain temps, les frais de recherche ont été amortis. À l’inverse, des molécules qui demeurent extrêmement utiles sont sorties de la pharmacopée pour la seule raison qu’elles ne sont plus assez chères et donc rentables ; ce fut le cas, l’année dernière, de l’Efudix pommade et de la Caryolysine. Cet état de fait mérite d’être dénoncé.

S’agissant du développement insuffisant des génériques, il n’y a pas que du mauvais vouloir de la part des médecins. Les génériques, parce qu’ils ont des noms très différents, avec des formes très différentes, sont sources de difficulté chez les personnes âgées qui ne reconnaissent plus les médicaments qu’elles prennent. Au demeurant, certaines firmes pharmaceutiques vendent à la fois le médicament de référence et le générique sous deux prix différents. C’est inacceptable.

Enfin, la meilleure source de productivité, c’est encore la santé et donc la politique de santé publique et la prévention. Par conséquent, on ira nécessairement dans le mur si l’on ne prend pas en compte cette dimension.

M. Marc Bernier a également félicité M. Bertrand Fragonard pour la qualité de sa présentation, qui a permis de poser le problème essentiel du niveau des dépenses de soins par rapport au PIB dans les années à venir. Un problème semble toutefois avoir été mis sous silence : la responsabilité et le comportement des assurés. Au cours des travaux de la mission d’information sur la prise en charge médicale des urgences, il était en effet apparu que près de 50 % des usagers se rendaient aux urgences de façon injustifiée et il est vrai que les conditions de prise en charge sont plus favorables pour l’assuré dans ce cas que lorsqu’il s’adresse à la médecine de ville. Une réponse doit donc être apportée sur ce point. L’existence de fraudes, et plus généralement d’abus dans le domaine de la protection sociale, pose également la question du comportement des assurés. Le Haut Conseil s’est-il penché sur ce problème ?

M. Christian Paul a posé trois séries de questions :

– Pour ce qui est des prélèvements obligatoires et devant l’ampleur de la dégradation des comptes de l’assurance-maladie, n’aurait-il pas été nécessaire, dès ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, d’aller, de façon courageuse et forte, vers un élargissement de l’assiette des cotisations sociales ? Selon la Cour des comptes, on peut en effet espérer un gain de l’ordre 3 milliards d’euros en réformant le dispositif des stock-options. On pourrait également s’intéresser à un certain nombre de niches sociales. Fallait-il dès lors s’engouffrer dans la voie des franchises, avec une espérance de gain de 850 millions d’euros, alors qu’il serait possible d’obtenir plusieurs milliards d’euros par des ressources supplémentaires qui ne remettraient pas en cause le principe de justice du prélèvement ?

– Concernant la T2A, il s’agit d’une façon d’allouer les moyens aux établissements hospitaliers qui peut-être défendue, mais ce qui est inquiétant, c’est sa généralisation brutale. Les prévisions des établissements seront singulièrement bousculées. Par ailleurs, on peut s’interroger à propos de la question de la productivité, qui est sans doute un mythe dans la mesure où de nombreux hôpitaux ont déjà fait, et depuis longtemps, des efforts dans ce sens et sont pourtant pratiquement tous aujourd’hui en situation de déficit.

Enfin, si l’on généralise ce mode de financement, certaines missions d’intérêt général ne seront plus assurées car la T2A ne les financera pas. Alors que le rapport de la mission d’information parlementaire sur les urgences médicales vient d’être évoqué – il est à espérer, d’ailleurs, que le gouvernement saura encore le trouver – on peut se demander comment il est possible de mailler le territoire en services d’urgence avec la proximité, la qualité et la sécurité nécessaires, si on les finance en fonction du nombre d’actes ? Cette observation vaut également pour un certain nombre de services de maternité. Il y a en effet plusieurs missions d’intérêt général qui doivent être assurées pour assurer l’accès de tous à des soins de qualité. De ce point de vue, on peut craindre que la généralisation, brutale, à 100 % de la T2A ne s’avère criminelle du point de vue des politiques publiques.

– Enfin, il y a dans le rapport du Haut Conseil des éléments très intéressants concernant la répartition géographique des médecins et le principe de liberté d’installation. Quels pourraient être les deux ou trois leviers principaux qui permettraient de mettre fin à certaines situations intolérables dues à une mauvaise répartition des professionnels de santé sur l’ensemble du territoire ? Le Haut Conseil a également évoqué le problème des filières de formation, en indiquant notamment qu’à l’issue de l’examen classant national, 40 % des postes offerts en médecine générale ne sont pas pourvus. Quel degré de coercition peut-on prôner ? Tout le monde sait que les incitations financières positives ou négatives n’ont pas de prise sur l’accélération de la désertification médicale. Qu’est-il dès lors urgent de faire ?

Mme Catherine Lemorton a regretté les propos tenus par le président du Haut Conseil, selon lequel les pharmaciens auraient été « achetés » pour promouvoir les génériques, en jugeant plus exact d’évoquer une politique d’incitation. En effet, on savait très bien à l’époque que le corps médical n’allait pas se lancer dans les médicaments génériques. Le gouvernement de M. Lionel. Jospin a donc décidé d’envoyer un signe aux pharmaciens, à travers le dispositif des marges arrière et il faut bien reconnaître que depuis lors plus d’un milliard d’euros d’économies ont été réalisés grâce aux génériques.

M. Yves Bur, rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour les recettes et l’équilibre général, a souligné que ces économies pour l’assurance maladie ont généré des gains au moins aussi importants pour les bénéficiaires de marges arrière.

Mme Catherine Lemorton a souligné que, s’il n’est pas question d’attaquer le corps médical, on observe cependant une différence de traitement réelle entre les professionnels de santé, à laquelle il faudra bien mettre fin. Par exemple, en 2003, les représentants des médecins ont signé une convention dans laquelle figurait le caractère non obligatoire de la permanence des soins, alors qu’un accord conventionnel prévoit aujourd’hui que toutes les pharmacies participent aux gardes, ce qui est d’ailleurs tout à fait normal. Autre exemple : les pharmacies se sont équipées de matériels informatiques et on leur a promis de les rembourser selon les dossiers télétransmis ; en revanche, on a d’abord envoyé un chèque aux médecins en les invitant simplement à s’équiper. Il faut dénoncer cette différence de traitement.

Par ailleurs, au-delà des économies générées, le développement des génériques a permis d’impulser un changement de comportements parmi les usagers du système de soins. Alors qu’il semble que l’on veuille revenir sur le dispositif des marges arrière, reste qu’il ne faudrait tout de même pas se contenter d’une politique d’incitation auprès des médecins, s’agissant par exemple de leur liberté d’installation, alors que les autres professionnels de santé se voient imposés des dispositifs contraignants, voire des sanctions financières.

Mme Catherine Génisson a jugé important d’adapter le système actuel et d’avoir pour cela une réflexion beaucoup plus globale en matière de santé. Il faudra bien un jour s’intéresser davantage à la santé publique, à la prévention et à la responsabilisation de nos concitoyens, tant des soignés que des soignants, et sortir de cette relation de culpabilisation individuelle et collective qui est entretenue aujourd’hui. Il s’agit là d’un enjeu majeur pour toute la chaîne de soins et la prise en charge de nos concitoyens, et cela aura une incidence majeure, y compris sur les affections de longue durée (ALD).

Par ailleurs, on ne peut que se réjouir que des sujets qui étaient tabous, il y a encore quelques semaines ou quelques mois, émergent désormais dans le débat public, comme la nécessité de remédier aux déséquilibres dans la répartition territoriale des professionnels de santé et de s’interroger pour cela sur le principe de liberté d’installation, ou encore la reconnaissance du travail effectué qui ne se fonderait plus uniquement sur la rémunération à l’acte, qui n’apparaît plus adaptée à certaines situations. Il serait également nécessaire de casser les logiques de fonctionnement des soignants, qui sont parfois très individualistes, et de renforcer la qualité des pratiques ainsi que les coopérations, entre les systèmes libéral et hospitalier, entre le secteurs privé et public, car il s’agit là d’un enjeu fondamental.

S’agissant de l’hôpital public, on est sans doute allé assez loin dans la recherche de gains de productivité mais il faudrait revoir de fond en comble son fonctionnement. Il a été fait référence à un rapport d’information parlementaire sur les urgences médicales, mais il serait également très judicieux de se souvenir de certaines orientations de l’excellent rapport d’information présenté, en mars 2003, par M. René Couanau sur l’organisation interne de l’hôpital.

M. Bertrand Fragonard, président du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, a apporté les précisions suivantes aux différents intervenants :

– Que se passera-t-il si la croissance est un peu plus forte qu’aujourd’hui ? Si l’on retient l’hypothèse d’une croissance tendancielle de 2,25 %, qui semble réaliste à moyen terme, les effets en seront positifs à tous égards, y compris pour l’assurance maladie. En effet, quand les recettes assises sur la richesse nationale progressent plus vite, la contrainte financière est naturellement moins forte. Pour autant, on perd une partie du surcroît de croissance, car, d’une certaine manière, lorsque la croissance va, tout va, et les dépenses continuent de progresser. La question qu’on doit se poser est donc la suivante : en cas de surplus de croissance, à quoi faut-il l’affecter ? À l’augmentation des dépenses de l’assurance-maladie ou au renforcement du pouvoir d’achat des ménages ?

– S’agissant du taux de prise en charge par l’assurance-maladie, la France fait partie des pays qui remboursent bien, mais elle ne figure pas pour autant parmi les champions en ce domaine, comme par exemple l’Allemagne. Faut-il dès lors s’aligner sur les pays plus généreux ? De toute façon, pour l’instant, force est de constater qu’il ne semble pas y avoir de marges de manœuvre dans ce sens : au reste, personne n’a encore proposé d’aligner le système actuel sur le régime local de l’Alsace-Moselle ! En effet, compte tenu de l’état actuel du système de santé et de la situation financière de l’assurance maladie mais aussi des collectivités territoriales et de l’État, il n’apparaît pas opportun aujourd’hui d’accroître encore le taux de prise en charge par l’assurance-maladie.

M. Yves Bur, rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour les recettes et l’équilibre général, a rappelé qu’en Alsace-Moselle les cotisations salariales sont plus élevées.

Le président Pierre Méhaignerie a abondé dans le sens du président du Haut Conseil, indiquant que l’ensemble de l’État-providence représente aujourd’hui 137 milliards d’euros et qu’on commence à dépasser la Suède, avec 24 prestations entre la naissance et la mort. Cela fait réfléchir quant à la compétitivité de l’économie dans un monde ouvert.

M. Bertrand Fragonard, président du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, a indiqué qu’à titre personnel, si des ressources financières étaient disponibles aujourd’hui, il choisirait de les affecter par priorité à l’amélioration de la politique du logement, en particulier pour les ménages en dehors des habitations à loyer modéré (HLM), ou encore pour engager une politique plus active de lutte contre la pauvreté. Au regard de ces enjeux, chaque euro qui semble inutilement dépensé pour l’assurance-maladie est comme un deuil. Puis, il a apporté les réponses suivantes :

– Il ne s’agit pas de dépenser moins mais mieux et il faudra bien un jour se confronter à la question suivante : en cas d’écart croissant entre les recettes et les dépenses, faut-il accepter d’augmenter les prélèvements pour maintenir le taux de prise en charge ? En tout état de cause, on se heurte à une limite évidente, qui est celle des principes fondamentaux de la sécurité sociale. En 2004, de nombreux partenaires syndicaux craignaient ainsi que le gouvernement de l’époque n’ait au fond qu’un seul but : déporter une grande partie des dépenses d’assurance maladie vers les complémentaires. À l’inverse, le consensus obtenu lors de la réforme de 2004 reposait sur l’idée d’un socle fondamental d’assurance-maladie solidaire. Cela étant, tout en respectant les principes fondamentaux du système actuel, on peut très bien aussi, de temps en temps, demander aux ménages une participation financière accrue aux dépenses de santé. Cela renvoie au problème de l’équité de l’effort demandé aux uns et aux autres.

– Il est vrai que chaque fois que l’on reporte des dépenses prises en charge par les régimes de base vers les complémentaires, cela se traduit par une augmentation des cotisations de ces dernières. Cela pose donc un problème pour les familles modestes, car la caractéristique des complémentaires, c’est qu’elles ne tarifient pas en fonction des revenus, mais en fonction du risque. Si les cotisations des complémentaires sont appelées à croître, elles pèseront donc surtout sur les ménages modestes et les personnes âgées. On est alors amené à mettre au point des mécanismes de compensation. À cet égard, la couverture maladie universelle complémentaire (CMUc) a été un grand progrès social. Il est toutefois regrettable que le dispositif d’aide au paiement d’une complémentaire santé (ACS), qui concerne les personnes dont les ressources sont juste au-dessus du plafond de la CMUc, ne fonctionne pas vraiment aujourd’hui, parce que les institutions qui sont en contact avec les populations concernées ne font pas d’effort suffisant pour populariser cette aide.

Ainsi, certains pensent qu’on pourrait reporter davantage de dépenses vers les complémentaires, mais ils seront automatiquement amenés à réfléchir à des mesures de compensation. Par exemple, la Mutualité Française pense que si les cotisations des complémentaires doivent augmenter, il faudra aider les ménages à prendre une assurance complémentaire. Toutefois, si, en consentant un effort sur les prélèvements obligatoires, on est obligé du même coup de faire du financement public des couvertures complémentaires, ce sera une opération de Gribouille ! Cela dit, on peut choisir d’autres dispositifs d’aides à la couverture complémentaire. Ce n’est pas absurde, mais il avait été estimé à l’époque que le schéma proposé par la Mutualité française coûterait 5 milliards d’euros, pour lequel on n’a pas aujourd’hui le moindre financement !

– Dans ce sens, la question du bouclier sanitaire va ouvrir un nouveau champ de réflexions : quelles formes doit prendre la participation financière des assurés aux dépenses de santé ? Doit-elle être la même dans toutes les configurations ou faut-il tenir compte du revenu ? C’est une question politique et sociale majeure. Dans quelques jours, le rapport réalisé sur ce sujet avec M. Raoul Briet sera rendu public et, sans trahir la confidentialité, on peut néanmoins dire que la mise en place d’un bouclier ne pourrait intervenir avant 2009 ou 2010. En effet, si l’on décide de faire une telle réforme, alors mieux vaut la faire bien plutôt que de façon précipitée.

– Concernant le numerus clausus, il est effectivement nécessaire de garantir une répartition plus équilibrée des professionnels de santé sur l’ensemble du territoire. On ne saurait en effet accepter que le principe de la liberté d’installation aboutisse d’un côté, à des déserts médicaux et, de l’autre, à des surconsommations. Si les incitations positives ne suffisent pas, il faudra bien en venir à d’autres mécanismes et, si les partenaires conventionnels échouent, il serait raisonnable que les pouvoirs publics reprennent la main.

– Pour ce qui est des transports sanitaires, dont les dépenses doivent effectivement être mieux maîtrisées, le PLFSS amorce une réforme que tous les directeurs de la Caise nationale d’assurance maladie (CNAM) ont plus ou moins tenté de favoriser, à savoir l’intégration des dépenses de transports à destination ou en provenance de l’hôpital dans une enveloppe budgétaire gérée par les établissements de santé.

– En ce qui concerne les médicaments, la France est tenue, comme les autres pays occidentaux, de respecter la durée de vie des brevets, mais il ne faut pas pour autant dépasser cette période de protection. Or il semble que la France ait fait un usage un peu excessif de la possibilité de la prolonger. Par ailleurs, le moment venu, une fois que les droits attachés au brevet ont expiré, il faut conduire une politique résolue de baisse des prix des médicaments. C’est d’ailleurs ce qui a été mis en œuvre par l’ancien ministre de la santé et des solidarités, M. Xavier Bertrand. Encore faut-il ensuite que les médecins prescrivent dans le répertoire des groupes génériques…

La France est le pays qui s’est mis le plus tard – notamment parce que les médecins n’ont pas voulu prescrire en dénomination commune internationale (DCI) – et le plus mal aux médicaments génériques. On a, non pas « acheté », mais payé les pharmaciens pour accélérer le dossier. Reste que l’on a dépassé la limite du raisonnable, avec l’accumulation de la marge officielle et des marges arrière. Le Haut Conseil a considéré que la politique de prix sur les génériques menée par le ministre précédent avait été en tous points remarquable. On peut discuter sur telle ou telle nuance, mais il est sûr que nous avons payé, tard et cher, quelque chose qui finit par rapporter des économies à l’assurance-maladie.

– Il est exact qu’une politique de santé mieux conduite, plus globalement envisagée, peut avoir des incidences sur l’assurance-maladie, tantôt positives, tantôt négatives. Si elles sont positives sur le plan de la santé et sur le plan financier, tant mieux. Si elles sont positives sur le plan de la santé et qu’elles coûtent de l’argent, alors il faut assumer ce coût, car cela n’aurait pas de sens de renoncer à des progrès.

– La question du comportement des assurés a été abordée dans le rapport du Haut Conseil. Dans notre pays, il est très difficile de responsabiliser les assurés. Jusqu’à présent, le système est tel que les conditions de remboursement et les taux de cotisations sont indépendants du comportement des assurés. Cependant si l’on veut modifier les choses, il faut être très prudent. Prenons l’exemple du nomadisme médical : on s’est aperçu que les personnes qui avaient si fréquemment recours aux médecins n’agissaient pas nécessairement par caprice et souhaitaient souvent être réassurés psychologiquement. Pour autant, il pourrait être utile de diminuer ou de supprimer le remboursement des consultations excédentaires s’inscrivant dans le cadre du nomadisme médical. Celui-ci est toutefois très difficile à mesurer et à apprécier et c’est pourquoi le Haut Conseil a estimé qu’une telle idée ne pouvait être retenue à ce stage. De la même manière, on peut considérer comme très saine la mesure consistant à dire que, pour bénéficier du tiers payant, il faut accepter de prendre des génériques. Dans le même sens, la mise en place du parcours de soins vise à modifier les comportements des assurés.

Par ailleurs, il faut lutter contre les abus et la fraude, tout simplement parce qu’elle est choquante mais il faut se garder de penser qu’elle est d’une telle ampleur qu’en agissant ainsi on règlerait tous les problèmes. Il faut là encore être très prudent et si l’on doit lutter contre la fraude des pauvres, il faut aussi lutter contre la fraude des riches.

– Aurait-il fallu élargir l’assiette des cotisations sociales plutôt que d’instituer des franchises ? On serait tenté de répondre : pourquoi pas les deux ? Le déficit est tout de même de 4 milliards, alors bien sûr on peut élargir l’assiette des cotisations. Cela renvoie cependant à la problématique générale des prélèvements obligatoires en France et il s’agit d’une question purement politique. À ce sujet, la Cour des comptes s’est contentée de dire qu’il y avait des éléments, dans l’assiette, qui nous laissaient perplexes, ce qui a d’ailleurs fâché beaucoup de monde : pourquoi les personnes âgées, à revenu identique, payent-elles moins de cotisation sociale généralisée (CSG) que les actifs ? Pourquoi les fonctionnaires payent-ils moins de cotisations au titre de l’assurance maladie que les salariés ? Il est donc permis de s’interroger sur un certain nombre de dispositions législatives qui prévoient de telles exonérations. C’est d’ailleurs pourquoi il convient de rester très vigilant sur la question de la compensation de ces exonérations.

– Des pistes existent, et elles sont connues. Il revient à présent aux parlementaires d’intervenir. Il est toutefois difficile de dire s’il est plus opportun d’augmenter ces prélèvements ou d’instituer des franchises. Tant qu’on n’y voit pas clair sur le long terme, il est compliqué d’y répondre. Certes, il peut être tentant d’adosser des politiques publiques sur des exonérations sociales ou fiscales mais il faut également surveiller l’assiette des prélèvements et se demander si ces exonérations sont toujours pertinentes ?

M. Christian Paul a estimé que le président du Haut Conseil est trop fin connaisseur du système de protection sociale pour ne pas faire la différence, en termes de ressources, entre les franchises et l’élargissement de l’assiette des cotisations sociales. En effet, les franchises sont acquittées par les malades, tandis que l’élargissement de l’assiette des contributions sociales, s’agissant par exemple des stock-options ou d’autres types de revenus, concerne l’ensemble des contributeurs, quelque soit leur état de santé, et fait intervenir une certaine dose de progressivité et de proportionnalité, ce qui confère au système un supplément d’âme que l’on ne peut ignorer.

M. Bertrand Fragonard, président du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, a observé que, dans le système des franchises, ce sont certes les malades qui paient pour les malades, mais il n’y a de franchise que s’il y a consommation de soins. Or pratiquement tout le monde va payer la franchise, hormis les personnes qui en sont exonérées, dans la mesure où chacun dans l’année, paiera quelques euros de médicaments. On n’est pas du tout dans la situation où une petite minorité de gens paierait une franchise forte. La caractéristique de la franchise est au contraire d’être acquittée par un grand nombre de personnes ; c’est d’ailleurs pourquoi il ne faut pas multiplier les exonérations.

Certains pensent qu’il faudrait au contraire augmenter la CSG. Cependant qu’est-ce qui ressemble le plus à la CSG, si ce n’est une franchise modulée sur les revenus ? On voit bien que derrière la question de savoir comment faire participer les assurés aux dépenses de santé se posent d’autres questions très complexes. Par ailleurs, au regard de leur faible montant, les franchises ne posent pas de problème au regard des principes fondamentaux de notre système de sécurité sociale.

– On ne peut pas parler d’une généralisation brutale de la T2A. Il a été décidé d’afficher la cible de 2012 en portant le taux de T2A à 100 %. Néanmoins on sait très bien que ce sont les coefficients correcteurs qui vont permettre de lisser l’évolution entre 2008 et 2012. De deux choses l’une : soit la T2A est bonne et on la fait sans barguigner, soit elle est mauvaise et on change. On est à 50 % dans les activités de médecine, chirurgie et d’obstétrique (MCO) par rapport aux dotations. Le gouvernement a affiché sa cible pour que les gens ne se fassent pas d’illusions : on prend un cap et l’on s’y tient. La discussion portera sur l’affinement des coefficients correcteurs. On peut considérer que l’enveloppe hospitalière traite correctement les missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation (MIGAC). Un certain nombre d’intervenants considèrent à cet égard que la générosité de certaines MIGAC est une manière oblique de contourner la T2A ; c’est le cas notamment de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP). Il s’agit d’un sujet complexe et, selon la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (DHOS), il n’y a au contraire ni abus, ni subventionnement indirect dans ce domaine.

– Il faut avoir autant de sollicitude pour les pharmaciens que pour les médecins. Il convient toutefois de noter qu’on a fait un choix lourd consistant à faire en sorte que, à tout moment, en tout lieu de France, pour n’importe quel médicament, il y ait une pharmacie disponible, avec un conseil avisé. Cela aboutit à des coûts de distribution plus élevés qu’à l’étranger et on procure ainsi aux pharmaciens un revenu net, qui semble tout à fait en phase avec leurs responsabilités. Est-ce toutefois raisonnable ? Faut-il baisser les coûts, choisir d’autres modes d’organisation ?

– Il est très délicat de modifier le principe du paiement à l’acte pour les professionnels médicaux, même si l’on peut admettre qu’il n’est pas toujours adapté. Nous verrons si les dispositions qui figurent dans le PLFSS à ce sujet produiront les effets attendus. Il faut espérer que oui. Pour ce qui est de l’individualisme des soignants, on peut penser que les jeunes médecins, qui ont d’autres aspirations et d’autres manières de penser, iront plus vite vers des solutions de coopération assez innovantes, à supposer qu’on donne vie à ces formules.

– Contrairement à ce que l’on entend, le fonctionnement de l’hôpital public est plutôt bon et celui-ci reçoit dans l’ensemble des moyens cohérents. Des marges de productivité existent cependant. Chaque fois qu’on fait une analyse entre les services des établissements de santé, on est frappé par la dispersion considérable des dépenses qui vont parfois de 1 à 3. Cela signifie que certains gèrent bien, et d’autres non.

Le président Pierre Méhaignerie a remercié M. Fragonard pour la qualité de son intervention.

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Information relative à la commission

La commission a désigné Mme Cécile Gallez, rapporteure sur le projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2007-613 du 26 avril 2007 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine du médicament.