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Compte rendu

Commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Mercredi 9 janvier 2008

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 22

Présidence de Pierre Méhaignerie Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Gérard Larcher, sénateur, président de la commission de concertation sur les missions de l’hôpital.

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a auditionné M. Gérard Larcher, sénateur, président de la commission de concertation sur les missions de l’hôpital au cours de sa séance du mercredi 9 janvier 2008.

Le président Pierre Méhaignerie a remercié M. Larcher, dont il a salué le pragmatisme et la compétence, d’avoir répondu à l’invitation de la commission afin de présenter une photographie du monde hospitalier et de dégager déjà quelques perspectives d’action, tout en souhaitant que cette mission ne débouche pas sur une énième réforme législative de l’hôpital.

M. Gérard Larcher a déclaré retrouver la commission des affaires culturelles avec une certaine forme de gourmandise, même si le sujet est quelque peu différent de ceux qu’il a traités pendant trois années, en qualité de ministre du travail, dans la même enceinte.

Le Président de la République lui a demandé, par lettre de mission du 12 octobre 2007, de conduire une large concertation sur les missions de l’hôpital auprès de l’ensemble des acteurs de santé en s’appuyant sur une commission chargée d’en assurer la synthèse. Il est ainsi assisté, outre cinq rapporteurs, par vingt-deux membres d’origines très diverses, ce qui assure un suivi complet du sujet.

La première phase des travaux, qui s’est achevée juste avant Noël, a été de dresser un état des lieux. Ce sont les résultats de cette première phase qui sont aujourd’hui présentés.

La commission de concertation a tout d’abord identifié les problèmes et mis en évidence les enjeux auxquels le monde hospitalier, quel que soit son statut public ou privé, est confronté à l’heure actuelle. Son but est de poser les bases d’une concertation à venir. Les auditions, qui ont commencé le 16 octobre 2007, vont se poursuivre jusqu’en février, pour aboutir, après des débats organisés dans cinq régions pilotes (Aquitaine, Lorraine, Nord-Pas-de-Calais, Haute-Normandie et Pays-de-Loire) à des conclusions dans les premiers jours d’avril.

Dans sa lettre de mission, le Président de la République a orienté les travaux sur cinq thèmes : améliorer la pertinence des recours à l’hôpital, renforcer le pilotage de l’hôpital, structurer le service hospitalier de territoire, améliorer l’attractivité pour les professionnels, dynamiser la recherche et l’enseignement. Avec l’accord du Président de la République et du Premier ministre, la commission a ajouté de sa propre initiative un sixième thème : le médico-social et l’articulation entre la médecine hospitalière, la médecine de ville et ce secteur.

– La première question sur laquelle la commission s’est interrogée concerne la façon d’améliorer la pertinence des recours à l’hôpital. Le problème est bien connu et le constat a été fait depuis longtemps : l’insuffisance de liens entre la médecine de ville et l’hôpital est un obstacle à la bonne organisation des soins. Trois exemples illustrent cette insuffisance de liens.

Le nombre de centenaires augmente et va continuer à augmenter. Or les personnes très âgées sont fragiles et toute rupture dans l’organisation de leur vie peut compromettre leur équilibre déjà précaire. Trop souvent, faute d’une bonne organisation, ces personnes sont envoyées à l’hôpital, non seulement sans que ce soit réellement nécessaire, mais surtout sans que l’hôpital soit prêt à les accueillir. Les urgentistes doivent se battre pour leur trouver un lit à l’hôpital en aval du service des urgences. Souvent ce lit n’est pas adapté à leur état et le service qui les accueille ne le fait qu’avec difficultés. Il s’ensuit un enchaînement délétère pour les personnes concernées, coûteux pour les finances de la sécurité sociale et source de tensions à l’intérieur du secteur hospitalier.

L’absence de liens entre la médecine hospitalière et la médecine libérale est également cause de mauvaise prise en charge des malades chroniques. Le nombre de ces malades augmente, en proportion des progrès des moyens thérapeutiques, qu’il s’agisse du diabète, de l’insuffisance rénale ou des maladies dégénératives. La bonne réponse pour ces personnes n’est pas une suite d’interventions ponctuelles et hachées en ville ou à l’hôpital mais l’organisation d’un réel suivi.

Il convient également de mentionner les personnes souffrant d’affections psychiatriques qui retournent périodiquement à l’hôpital parce qu’elles ne bénéficient pas d’un suivi en ville. L’hôpital, parce qu’il est la seule lumière allumée avec l’hôtel de police ou la compagnie de gendarmerie, est aussi le recours des personnes en situation d’exclusion, faute d’une meilleure organisation de leur prise en charge.

Tous ces problèmes non réglés aboutissent aux urgences hospitalières. À cela s’ajoute le fait que de nombreuses personnes vont aux urgences en lieu et place du médecin généraliste parce que, pour eux, c’est plus commode et qu’il n’y a pas besoin de faire une avance d’argent.

Concernant la médecine générale, les difficultés sont à venir : si la tendance n’est pas infléchie, le nombre de généralistes pourrait avoir baissé de 13% en 2025. La France resterait néanmoins en tête des pays de l’OCDE pour le taux de médicalisation. Il faut donc se garder de tout catastrophisme sur le sujet. Cela étant, les vocations pour la médecine générale ne sont pas au niveau des besoins, en particulier pour l’exercice classique en milieu rural et dans les quartiers urbains en difficulté.

La création des réseaux de santé, qui a fait l’objet en 2006 d’un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), est l’une des réponses au problème des liens entre la ville et l’hôpital. Néanmoins les réseaux n’ont, à ce jour, que très partiellement répondu à ce qu’on attendait d’eux. Une autre réponse est l’organisation de la filière gériatrique dans le cadre du plan urgence, mais celle-ci a été conçue comme trop étroitement hospitalière.

Il faut donc rechercher de nouvelles réponses. Celles-ci doivent répondre essentiellement à deux objectifs. Le premier est d’offrir à une nouvelle génération de professionnels – médecins comme non médecins – des conditions d’exercice qui les satisfassent. Il ne faut pas oublier que, depuis deux ans, plus de la moitié des médecins qui obtiennent leur diplôme sont des femmes, lesquelles aspirent à un nouveau mode d’organisation parce qu’elles ont des responsabilités familiales.

Mme Catherine Génisson a protesté en faisant remarquer que les femmes n’étaient pas les seules à souhaiter concilier vie professionnelle et vie familiale.

M. Gérard Larcher a répondu qu’il se bornait à relayer un souhait exprimé par les femmes qui ont été auditionnées par la commission.

Le second objectif est de favoriser, non seulement le « parcours du patient », mais aussi la prise en compte de l’environnement de la maladie, la prévention et l’éducation à la santé, la coordination avec les institutions sociales et médico-sociales et l’organisation des services à la personne. Les « maisons de santé » qui se mettent en place avec l’appui des collectivités décentralisées sont une amorce de réponse. Il faut réfléchir aux moyens d’en améliorer le modèle, pour qu’il réponde à la diversité des besoins, non seulement médicaux, mais aussi sociaux.

– La deuxième question sur laquelle la commission s’est penchée est celle du maillage territorial des activités hospitalières. Plusieurs points ont retenu son attention.

Le premier a été de savoir ce que l’on entend par « territoire ». L’ordonnance n° 2003-850 du 4 septembre 2003, portant simplification de l'organisation et du fonctionnement du système de santé ainsi que des procédures de création d'établissements ou de services sociaux ou médico-sociaux soumis à autorisation, a introduit dans le droit de la planification hospitalière la notion de territoire, autour de laquelle ont été construits les schémas régionaux d’organisation sanitaire (SROS) dès 2006. Il en est résulté, compte tenu de la diversité des régions françaises, une diversité de territoires se distinguant par leur taille comme par leur équipement hospitalier.

Il se dégage aujourd’hui une notion de territoire hospitalier organisé autour d’un établissement de référence, agrégation de plusieurs bassins de vie dans lesquels s’organisent des services de proximité. C’est dans ce cadre que doivent être définis, d’une part, le contenu exact de la notion de filière de soins, impliquant des parcours de soins pertinents tant en termes médicaux qu’économiques, notamment en matière gériatrique et, d’autre part, les schémas envisageables de restructuration des plateaux techniques, notamment chirurgicaux et obstétricaux dont l’activité n’est pas suffisante ou dans lesquels il n’y a plus d’équipe.

La recherche d’une plus grande cohérence dans l’organisation territoriale suppose de repenser les cadres institutionnels, notamment l’organisation des structures hospitalières publiques au niveau des territoires ainsi que les coopérations public-privé et les évolutions qu’elles pourraient connaître.

– Le troisième sujet de réflexion porte sur la nécessité de repenser le concept de service public hospitalier.

Il faut avoir conscience que la quasi-totalité des établissements de santé, quel que soit leur statut, participent d’un service à la population majoritairement financé par des fonds de solidarité publics.

La planification hospitalière et le régime des autorisations placent l’ensemble des établissements sur un pied d’égalité. L’harmonisation du système de financement par la tarification à l’activité a également rapproché la situation des différentes catégories d’établissements. L’ensemble des établissements publics et privés, qu’ils soient ou non à but lucratif, participent ainsi à une offre de services en santé qui a tous les caractères d’un service public. Il s’agit désormais de tirer les conséquences de ce constat. En particulier, il semble important de redéfinir précisément les conditions de fonctionnement des établissements privés.

Ces derniers suscitent l’intérêt de fonds d’investissement internationaux. Il est des régions, comme l’Auvergne, où 80 % de l’offre en chirurgie sont assurés par des établissements privés à but lucratif. On est en droit de se demander si les objectifs de rentabilité de ces fonds, pour légitimes qu’ils puissent être, sont compatibles avec les préoccupations du service public. S’ils vendaient tous un jour, l’établissement appellerait l’Etat et les régions au secours. Une régulation s’impose donc. C’est pourquoi une réflexion approfondie se révèle nécessaire sur le sujet.

La question des dépassements d’honoraires ne peut pas non plus être ignorée. Sur certains territoires, les praticiens en secteur 2 sont parfois les seuls à être présents dans certaines disciplines. Le délai pour accéder à un spécialiste peut aussi ne pas être le même, qu’il s’agisse d’un médecin pratiquant les dépassements ou non. Or le principe d’égalité des soins et d’accès aux soins a encore été réaffirmé par le Président de la République dans sa dernière conférence de presse du 8 janvier 2008. La question est clairement posée et appelle maintenant une réponse. Celle-ci n’est pas simple et ne peut en tout état de cause se borner à rétablir un seul secteur. Elle doit nécessairement prendre en compte la notion de service public, quel que soit le statut de l’établissement.

Les questions que la commission se pose sur ce point sont les suivantes : Quel est le contenu des missions de service public hospitalier ? Quelles contraintes les missions de service public doivent-elles impliquer, notamment en termes de tarifs pour les patients ? Quel peut être le cadre juridique pour le service public hospitalier si on inclut l’ensemble des établissements publics et privés dans une offre globale de soins à la population ?

– Le quatrième point examiné par la commission est celui de l’efficience de l’hôpital.

Cette question ne peut pas être ignorée. Les hospitaliers admettent qu’elle est légitime, mais ils demandent, pour l’hôpital public, un statut juridique mieux adapté, qui rapproche leurs conditions de fonctionnement de celles des établissements privés, qu’ils soient à but lucratif ou non.

Dans un établissement public, pour avoir un deuxième scanner dans le service d’IRM, il faut attendre au minimum – avec du vent dans les voiles – vingt-quatre mois, tandis que le délai est entre quatre et sept mois dans un établissement privé, à but lucratif ou non. Les établissements privés participant au service public hospitalier (PSPH) obéissent à une directive européenne sur la transparence financière tandis que les hôpitaux publics dépendent du code des marchés publics, ce qui fait que certains sont entravés alors que les autres s’adaptent très rapidement.

On doit également s’interroger sur la répartition des pouvoirs et des responsabilités à l’hôpital ainsi que sur le processus décisionnel. On peut aussi se demander si le statut des hôpitaux publics doit être identique indépendamment de leur taille. De l’hôpital local au centre hospitalier universitaire (CHU), le statut est actuellement strictement identique.

Enfin, les enjeux d’efficience et de qualité et l’impact d’une responsabilisation accrue incitent à préciser le rôle et les missions du régulateur, en l’occurrence la future Agence régionale de santé (ARS), notamment en termes de mécanismes d’accompagnement, d’incitation et de sanction.

La perte d’attractivité de l’hôpital public, en particulier pour les médecins, a également été l’objet de l’attention de la commission de concertation.

Toutes les personnalités auditionnées ont souligné la difficulté que rencontrent aujourd’hui les hôpitaux publics – ainsi que les hôpitaux privés sans but lucratif – à pourvoir des postes médicaux dans certaines spécialités, notamment en chirurgie et en radiologie. La chirurgie générale est un secteur sinistré dans l’hôpital public, notamment dans ce que l’on appelait jadis les hôpitaux généraux. La radiologie va poser un problème majeur au cours de la prochaine décennie : il n’y a plus de recrutement de radiologues publics. Les chefs de clinique eux-mêmes « traversent la rue » et s’en vont dans les établissements privés. Sans radiologue, sans imagerie, il ne peut pas y avoir de service d’urgences.

Un autre problème est le différentiel important de revenu entre un radiologue du secteur privé et un radiologue public, qu’il ait ou non un secteur libéral : la différence entre les revenus moyens des uns et des autres est après impôt de 350 % ! Il convient donc de revoir la classification commune des actes médicaux (CCAM) et le sujet sera ainsi analysé au cours de l’année 2008. La situation actuelle n’est d’ailleurs pas seulement liée à la différence de revenus, mais également à certaines lourdeurs et raideurs du mode d’organisation et à une absence de réactivité, qui finissent par décourager les bonnes volontés.

La situation actuelle est de nature à compromettre l’avenir de l’hôpital public, qui a perdu, au profit des établissements privés, une part importante de son activité de chirurgie et qui, si rien n’est fait, risque de voir encore diminuer son rôle dans la prise en charge chirurgicale.

Le benchmarking montre la gravité de la situation : il y a dix ans, 52 % de la chirurgie était publique. Ce taux est aujourd’hui inférieur à 38 %. Quand le taux sera tombé à 25 % et si on met de côté les CHU, il ne restera pas beaucoup de chirurgie à l’hôpital public, au point qu’il faudra aller dans le privé pour former des chirurgiens. Etant donné qu’il s’agit d’une école de professionnalisation et de compagnonnage, l’hôpital public sera dans l’impossibilité de former des chirurgiens, notamment dans le secteur de la chirurgie générale. De plus, comme le « temps d’incubation » d’un spécialiste est de quatorze années après le bac, les décisions qui seront prises aujourd’hui n’auront des conséquences visibles que dans quatorze ans.

Les personnes auditionnées ont souligné, non seulement la question du différentiel de rémunération, mais également et surtout celle du fonctionnement de l’hôpital, de ses lourdeurs et de ses problèmes d’organisation. Malgré une opinion positive portée par la population sur les métiers de la santé, nombre de professionnels soulignent un certain malaise. Il faut donc s’interroger sur les moyens de favoriser l’investissement et la performance personnels et collectifs. Cela vaut pour tous les personnels paramédicaux et tous les accompagnants du système hospitalier.

– Le cinquième et dernier thème d’étude confié par le Président de la République à la commission portait sur l’enseignement et la recherche.

La recherche médicale représente 30 % de l’ensemble des publications scientifiques françaises et plus de la moitié – soit 15 % – résultent des travaux des équipes hospitalo-universitaires. La recherche médicale est étroitement liée aux soins et à l’enseignement. Cette synergie – tout le monde en est d’accord – doit être préservée. Encore faut-il imaginer des parcours car les praticiens ne sont pas tous enseignants et chercheurs. La notion d’équipe est très importante dans le domaine médical.

La recherche hospitalière est confrontée à plusieurs difficultés : la complexité des procédures administratives, l’émiettement des sources de financement comme des structures de recherche médicale – contrairement à d’autres pays qui ont fédéré celles-ci – l’insuffisance des structures d’appui, le manque de visibilité du pilotage et une formation à la recherche hospitalière peu attractive.

Il y a une amorce d’organisation de la recherche au niveau régional et interrégional mais il convient d’aller plus loin en ce sens pour créer des pôles de recherche de taille plus importante. Cette orientation ne doit pas être contradictoire avec le souci d’élargir à des établissements non universitaires l’association à des programmes de recherche clinique. Le rôle de l’hôpital dit autrefois « général » reste important sur un certain nombre de programmes.

Les enjeux industriels et commerciaux des transferts technologiques en biologie, médicaments et dispositifs médicaux sont importants. Leur prise en compte devrait conduire à mieux assurer la protection de la propriété scientifique des hôpitaux, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui.

Concernant la formation, les CHU, en lien avec les universités, et les écoles de soignants sont des écoles professionnelles dont la valeur est reconnue et dont le point fort et irremplaçable est la formation auprès du patient.

Le système de formation comporte toutefois des insuffisances.

La plus évidente est la mauvaise prise en compte des besoins futurs en termes de compétences comme de répartition géographique, particulièrement pour les professions médicales. La densité médicale varie comme les ondes sismiques : elle part du CHU et s’affaiblit de plus en plus à mesure qu’on s’en éloigne.

L’insuffisance de la formation continue des médecins hospitaliers a également été soulignée. Elle trouve ses causes dans le manque de financement – les moyens octroyés actuellement ne permettent pas plus de deux jours de formation – et d’organisation, qui conduit les médecins à compléter leur formation grâce à des financements industriels orientés et inégaux entre spécialités.

L’absence de passerelles entre filières de formation est une autre faiblesse du système. La mise en place du LMD (licence, master, doctorat) doit être saisie comme un moyen d’introduire ces passerelles dans la formation initiale, mais aussi dans les parcours professionnels des professions médicales et des métiers de la santé. Il y a des pays où l’on devient médecin après avoir été infirmier et où on passe d’un secteur à l’autre.

Tels sont les résultats des travaux d’étape que la commission a conduits depuis deux mois et demi en procédant à plus de quarante auditions.

– Concernant le sixième thème que la commission de concertation a eu « l’outrecuidance » d’ajouter et que le Président de la République a bien voulu accepter, à savoir le médico-social, le travail nécessite d’être encore approfondi et des propositions seront faites par la commission au mois de février.

Fin mars, des réunions seront organisées dans les cinq régions pilotes déjà mentionnées et une étude spécifique sera également conduite concernant l’outre-mer car les réponses ne peuvent pas être tout à fait les mêmes qu’en métropole.

La première rédaction des propositions de la commission aura lieu début février. Les cinq réunions régionales débuteront après le 16 mars et seront l’occasion d’apprécier la manière dont les propositions de la commission seront reçues, de les préciser et de les ajuster. Une synthèse nationale sera ensuite réalisée et le rapport définitif sera remis au Président de la République avant la mi-avril, qui est le terme qui a été fixé à la mission.

Il n’est pas souhaitable, comme le président Pierre Méhaignerie l’a très justement souligné d’emblée, que les travaux de la commission produisent un immense texte de loi. De simples modifications du mode d’organisation ou de la réglementation suffiront bien souvent. Néanmoins, sur un certain nombre de points, il faudra sans doute des ajustements législatifs, qu’il s’agisse de la participation des établissements de santé privés au service public – notion sur laquelle il faudra être plus exigeant qu’aujourd’hui – ou de la notion d’établissement de territoire ou encore du régime des établissements publics de santé au regard, notamment, du code des marchés publics.

Le rapport d’étape de la commission de concertation a été adopté selon une formule assez proche en définitive d’un travail en commission parlementaire, c'est-à-dire après discussion d’amendements, rédaction d’une synthèse et vote sur celle-ci. Il ne se limite donc pas à exposer la vision du président de la commission mais reflète les avis de l’ensemble des membres.

Un débat a suivi l’exposé de l’orateur.

Le président Pierre Méhaignerie a demandé si les propositions de la commission présidée par M. Larcher s’articuleront avec le texte sur les agences régionales de santé dont l’examen pourrait avoir lieu avant l’été. Y aura-t-il un texte global ou deux textes séparés ?

M. Gérard Larcher a répondu que cette question dépasse ses compétences. Plusieurs travaux sont actuellement menés : états généraux de l'organisation de la santé (EGOS), dont le groupe permanent de concertation chargé de conduire les auditions est piloté par Mme Annie Podeur, directrice de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS), et le Professeur Yvon Berland ; mission du député André Flajolet sur les disparités territoriales des politiques de prévention sanitaire ; travail confié à M. Philippe Ritter sur les futures agences régionales de santé. Travaux auxquels il faut ajouter la revue générale des politiques publiques en matière de santé.

Il est bien entendu dans l’intérêt de tout le monde que ces travaux soient coordonnés, le tempo étant donné par la date de remise du rapport définitif de la commission au mois d’avril. Dans cet esprit, la commission de concertation organise ses réflexions en relation avec l’ensemble des travaux conduits.

Il ne s’agit pas de rédiger un énième rapport sur l’hôpital ou sur les urgences ; il y en a déjà d’excellents. Il s’agit de faire des propositions pragmatiques, concrètes pour répondre aux attentes et aux besoins des Français dans le respect des exigences de qualité et d’égalité. Les propositions de la commission se présenteront vraisemblablement sous la forme d’un ensemble global, pour partie réglementaire et pour partie législative.

M. Yves Bur a fait remarquer que tous les éléments évoqués dans le rapport d’étape de la commission sont sur la table depuis déjà bien longtemps. Qu’est-ce qui explique cet immobilisme qui aboutit à une baisse des parts de marché de l’hôpital public de 50 % à moins de 20 % ? Dans le cadre de la mission parlementaire sur les ARS qu’il préside, il s’est rendu en PACA, où il a eu le sentiment que les hôpitaux publics se faisaient de la concurrence entre eux alors qu’ils sont largement minoritaires dans le paysage. En Bourgogne, il s’est rendu compte que l’évolution de l’organisation hospitalière était bien en retard par rapport à d’autres régions. De nombreuses questions se posent.

Premièrement, comment peut-on améliorer le pilotage avec la mise en place d’une réelle organisation régionale de la santé ? Quels sont les outils – que la commission présidée par M. Larcher pourra peut-être concevoir – à mettre à la disposition des directeurs des agences régionales de santé pour qu’ils puissent réellement agir sur l’organisation et la qualité des soins ? Il faut que les travaux de la commission s’articulent avec ceux de la mission EGOS – États généraux de l’organisation de la santé –, notamment en ce qui concerne l’offre et l’organisation de soins primaires, si l’on veut peser sur la charge hospitalière et, notamment sur les urgences.

Deuxièmement, peut-on se contenter de la nouvelle gouvernance qui vient de s’installer, de manière encore incomplète, à l’hôpital au niveau des commissions exécutives et des pôles ? Le pilotage de ces derniers permettra-t-il une véritable prise de conscience de l’ensemble des équipes ?

Troisièmement, on estime à 20 % les séjours hospitaliers de personnes âgées non justifiés. Cela représente annuellement plus de 5 millions de journées d’hôpital et coûte 2 milliards d’euros, que l’on pourrait utiliser ailleurs, notamment dans le médico-social. Il faut absolument trouver un lien entre les deux secteurs.

Enfin, il ne faut pas négliger l’enseignement et la recherche. Ils sont fondamentaux pour garder une compétitivité dans le domaine médical au niveau mondial. Il n’y a pas d’industrie du médicament forte ni d’enseignement de qualité sans une recherche forte. Ce secteur contribue aussi à l’attractivité de l’hôpital.

Mme Catherine Génisson a remercié M. Larcher pour la clarté de son exposé et l’a félicité pour l’ajout d’un sixième thème d’étude consacré au médico-social.

Si la mise en place de réseaux est une des solutions pour prendre en charge les malades chroniques, leur fonctionnement et leur pérennisation posent beaucoup de problèmes actuellement. Dans le Nord-Pas-de-Calais, par exemple, les réseaux fonctionnent bien mais leur financement est problématique, ce qui menace leur pérennisation.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler insistait beaucoup sur le fait qu’on a souvent tendance à trop médicaliser la prise en charge des personnes âgées alors que les problèmes qu’elles rencontrent relèvent beaucoup plus du médico-social et de l’aménagement environnemental et sont même souvent d’ordre sociétal.

Le problème de la gouvernance à l’hôpital est vraiment central. Il a toujours existé un différentiel de revenus important entre privé et public mais ceux qui choisissaient de travailler à l’hôpital le faisaient parce que ce dernier offrait une attractivité et des conditions de travail autres. Ils y bénéficiaient, en particulier, d’une émulation et avaient accès à la fois à la recherche et à la formation. Or le manque de motivation de l’ensemble du personnel hospitalier est aujourd’hui flagrant.

Il est vraisemblable que la réforme actuelle de la gouvernance ne va pas aboutir. En effet, la mise en place de pôles est artificielle et ne correspond pas du tout à une logique de meilleur fonctionnement de l’hôpital. Il est fondamental de donner un coup de pied dans la termitière !

Les problèmes ne sont d’ailleurs pas seulement financiers. Ce qui est en cause, ce sont essentiellement les conditions de fonctionnement. Les personnels de l’hôpital ont l’impression d’avoir une chape de plomb sur la tête et de n’avoir aucune possibilité de prendre des responsabilités et d’innover. Si les délais sont très longs pour obtenir un nouvel équipement, ils sont tout aussi longs pour apporter des améliorations de fonctionnement, compte tenu du nombre de structures de concertation à mobiliser.

De plus, l’hôpital est soumis, au titre du principe de précaution, à toute une série de circulaires et de contraintes qui entraînent des heures de concertation et de consultations qui, souvent, n’aboutissent pas.

Jusqu’où la commission de concertation compte-t-elle aller pour définir un statut des établissements publics ? La mission parlementaire sur l'organisation interne de l'hôpital présentée par M. René Couanau – dont le rapport s’intitulait « Le désenchantement hospitalier » – s’était déjà posée en 2003 la question, mais n’avait pas été jusqu’au bout de ce qu’elle souhaitait proposer. Peut-être faut-il aujourd’hui, pour sauver l’hôpital public, avoir le courage politique d’aller assez loin sur ce sujet.

Dans le cadre de la réflexion sur la formation des professionnels médicaux et paramédicaux, il est également primordial d’intégrer la question non évoquée jusqu’ici des transferts et des délégations de compétences.

Il a été question du différentiel d’honoraires entre privé et public. Il faudra bien un jour réfléchir au fait que, au sein même de l’hôpital, si les compétences qualitatives des professionnels de santé sont les mêmes, leur investissement n’est pas identique. Un chirurgien, un anesthésiste, un obstétricien n’ont pas les mêmes contraintes que d’autres praticiens hospitaliers à l’intérieur de l’hôpital. Il y a là un tabou qu’il faudra un jour lever.

Si les coopérations public-privé sont fondamentales, les coopérations public-public le sont aussi. Comme l’hôpital public se sent très mal, il a tendance à se replier sur lui-même plutôt qu’à essayer d’élargir sa réflexion et d’être dans une logique de coopération. La définition de bassins de populations un peu élargie favoriserait cette dernière.

M. Denis Jacquat a remercié M. Gérard Larcher pour la clarté de son exposé. Celui-ci est très complet, actualise des problèmes connus et met bien en évidence que, si des mesures précises et bien ciblées ne sont pas prises rapidement, les situations évoquées se dégraderont encore. L’exemple de la prise en charge des personnes âgées est sur ce point symptomatique. Il est vraiment temps maintenant de passer des colloques, des actes et des publications à la réalité du terrain.

La sortie hospitalière doit également faire l’objet d’une réflexion. De nombreux facteurs – éclatement familial, taille des appartements – imposent qu’il y ait une transition rapide et adaptée pour permettre aux personnes hospitalisées en urgence de retourner chez elles.

La gouvernance des hôpitaux est un problème majeur. On se souvient que, alors qu’il avait été utilement proposé, dans un rapport d’Alain Calmat sur l’hôpital que le président du conseil d’administration des hôpitaux ne soit pas automatiquement le maire mais une personne désignée par celui-ci– et la mesure avait été adoptée à l’unanimité –, l’association des maires de France était intervenue pour s’y opposer. Il est vraiment impératif d’instituer une véritable gouvernance.

Il faut enfin se féliciter de l’initiative prise par M. Larcher d’ajouter, comme sixième thème de réflexion de la commission, le secteur médico-social.

M. Jean Leonetti a regretté la non-coopération, voire la compétition, qui existe entre le public et le privé et mis en garde contre le danger qu’il y a à confier des secteurs territoriaux entiers à une activité privée qui dépend aujourd’hui de fonds de pension, c’est-à-dire du lucratif pur. On ne pourra pas faire une réforme hospitalière s’il n’y a pas une couverture sanitaire publique – un « bouclier sanitaire public » – sur l’ensemble du territoire, à la base d’un véritable service public de santé.

Il n’y a pas, à proprement parler, de médecine libérale puisque toute la médecine est remboursée par des fonds publics. Le raisonnement doit donc être globalisé. Il ne peut en outre pas y avoir, d’un côté, des gens qui choisissent les secteurs d’activité les plus lucratifs et les moins pénibles et, de l’autre, des gens à qui on confie les tâches les plus difficiles. On ne peut pas demander à un hôpital qui fait tout, partout et tout le temps d’avoir les mêmes instruments de compétition qu’un secteur privé, en particulier à but purement lucratif.

Pour autant, s’il convient d’être favorable à la tarification à l’activité (T2A), il faut cependant redéfinir les missions d’intérêt général, qui englobent en particulier la prise en charge des situations de précarité, les filières médico-sociales, la couverture sanitaire de catastrophes naturelles et sanitaires, tous éléments qui seront toujours principalement confiés au secteur public. On peut dès lors imaginer qu’il y ait bien 100 % de T2A en convergence mais que subsistent des financements publics complémentaires pour certaines missions à définir. Si le secteur privé veut prendre en charge une partie de ces missions, il ne serait pas anormal qu’il puisse bénéficier, à ce moment-là, du même financement complémentaire.

Le deuxième point important est la gouvernance des hôpitaux. Ces derniers ont bénéficié de trop de liberté et de pas assez d’autonomie. Ils ont trop de liberté puisque chacun fait ce qu’il veut, ce qui aboutit à une concurrence public-public dans un marché qui se restreint. Il faudrait un pilotage unique, coordonné avec le secteur privé. Il est indispensable que chacun fasse non pas ce qu’il a envie, mais ce qui est utile et nécessaire à la population concernée. De ce point de vue, l’autonomie doit être favorisée, pour les raisons évoquées par M. Larcher et Mme Génisson. On ne pourra, en effet, conserver des jeunes médecins qui ont une pénibilité moindre et une rémunération triple dans le secteur public alors que, à quelques mètres de là, le secteur privé leur tend les bras. L’emploi de moyens coercitifs pour empêcher les gens de s’installer n’est en effet pas une solution.

Mme Génisson a posé le problème de manière pudique, mais il faut savoir qu’il y a, dans les hôpitaux, des médecins et des infirmiers qui travaillent très peu et d’autres qui travaillent beaucoup. On ne peut par ailleurs pas donner au secteur public les mêmes instruments qu’au secteur privé sans les accompagner des mêmes moyens d’adaptabilité, d’autonomie et de rémunération et de recrutement de médecins.

En fait, le secteur privé hospitalier a été un pis-aller. Il vaudrait mieux rémunérer aujourd’hui les médecins à leur activité plutôt que de le faire dans un système dichotomique dans lequel ils travaillent dans le secteur public puis, dans le même endroit, dans le secteur privé. La mise en place d’une rémunération globale qui tienne compte de l’activité au service du public constitue à cet égard une piste séduisante.

Il est important de mener une réflexion profonde sur les métiers de santé et de mettre en avant la complémentarité des filières. On ne peut pas, compte tenu de leur niveau de formation, laisser les infirmiers et les infirmières dans des rôles subalternes. Quand on compare les hôpitaux et les services privés, on se rend compte que les premiers ont beaucoup plus d’aides soignantes et beaucoup moins d’infirmières. Dans une gouvernance équilibrée, on devrait donner des responsabilités supplémentaires à des personnels qui sont plus que des simples aides à l’activité médicale et ne pas laisser faire les lits ou la toilette à des infirmières ce qui constitue un vrai gaspillage de compétences.

Voilà trois points importants : un bouclier sanitaire pour garantir aux Français l’égalité des soins publics sur l’ensemble du territoire, les mêmes instruments de compétition dans une évaluation régulière et honnête des hôpitaux, beaucoup plus d’autonomie des hôpitaux mais un pilotage unique qui permette une clarification et une cohérence avec les futures agences régionales de santé.

M. Jean-Marie Rolland a exprimé le sentiment que le secteur hospitalier est capable à la fois du pire et du meilleur. Les expériences vont d’une attente de plus de sept heures dans un service d’urgences d’un grand hôpital parisien pour une luxation d’épaule un 31 décembre à l’organisation d’actes de chirurgie cardiaque chez des enfants comprenant une thoracotomie dans la matinée, une journée de soins intensifs, deux jours de services hospitaliers suivis immédiatement d’une place en rééducation adaptée.

Il ne servira à rien de réformer la gouvernance de l’hôpital et les délégations de tâches si l’on n’organise pas le système primaire, c’est-à-dire le système de la médecine de ville. Comme cela a déjà été dit, l’optimisation du secteur médico-social et, notamment, des soins apportés aux personnes âgées, doit être un objectif prioritaire. À ce sujet, on peut mettre beaucoup d’espoir dans la mise en place des agences régionales de santé.

L’un des points importants est l’égalité de l’accès aux soins, notamment aux soins très spécialisés comme en cancérologie. Or la situation est très inégalitaire en France. Il faut trouver les moyens d’une meilleure coordination car le manque d’efficience du système est très préoccupant.

M. Jean-Pierre Door a remercié à son tour M. Larcher pour son rapport, qui vient utilement compléter celui qu’avait rédigé il y a quelques années M. René Couanau et qui reste totalement d’actualité. Il faut regretter qu’il n’ait pas été suffisamment pris en compte par les autorités et les pouvoirs publics.

Depuis trente ans, on a vu se créer dans le milieu hospitalier des difficultés, des changements de comportement, des mutations de tous les acteurs, qu’il s’agisse des patients, des professionnels de santé ou des personnels administratifs.

Même dans les secteurs ruraux ou semi-ruraux, le recours à l’hôpital est très fréquent et il y a embouteillage. Ce qu’on appelait dans le temps les « services portes » ont disparu. On fait maintenant la queue dans les services d’urgences où l’on passe par tous les examens. C’est là un défaut de la permanence des soins et de l’organisation des soins en ambulatoire. Des questions d’assurance, de responsabilité et « d’ouverture de parapluie » entraînent de la même façon un embouteillage préjudiciable dans les hôpitaux. Remédier à cet état de fait sera un enjeu majeur des États généraux de l’organisation de la santé.

Contrairement à ce que semble penser M. Jean Leonetti, les textes relatifs aux groupements de coopération sanitaire (GCS) ouvrent déjà la possibilité de partenariats et de complémentarités. Dans certains endroits, on a réussi à les mettre en place. Néanmoins, ces possibilités ne sont pas suffisamment exploitées et les secteurs public et privé s’opposent encore trop souvent. Le grand enjeu sera donc de mieux articuler ces deux systèmes car ils sont composés des mêmes professionnels de santé. Quel que soit l’hôpital, un médecin est un médecin et un patient est un patient, et les techniques médicales et les traitements restent les mêmes.

Il est important de redonner une spécificité à chaque secteur. Les centres hospitaliers universitaires (CHU) fonctionnent bien et obtiennent de bons résultats. En revanche, les centres hospitaliers régionaux (CHR) et les centres hospitaliers généraux (CHG) souffrent actuellement de faiblesses dans le domaine du recrutement, du pilotage et même de l’exercice de la médecine. Un maillage efficient doit donc être mis en place entre ces trois niveaux. Peut-être y a-t-il, en fait, trop d’étages, ce qui expliquerait le manque de professionnels de santé. Les internes vont davantage dans les CHU et CHR et jamais dans les CHG.

Enfin, il faut introduire plus de souplesse dans le pilotage. Il y a des difficultés d’articulation, des incompréhensions et des absences d’entente entre les commissions médicales d’établissement (CME) et les conseils d’administration (CA). Parfois, les professionnels de santé, chefs de service ou autres, s’attachent beaucoup plus à leur secteur médical qu’à l’activité de l’hôpital. Une meilleure articulation entre CME et CA est nécessaire, avec plus de souplesse et plus d’interdépendance.

M. Christian Paul a estimé que nombre d’hôpitaux sont aujourd’hui déstabilisés et que le désert médical ne fait que croître. S’il est possible d’adhérer globalement au diagnostic qui vient d’être posé, il convient cependant de noter que la restructuration de ce secteur s’accélère : la carte hospitalière est en train d’être considérablement modifiée, autrement plus que la carte judiciaire même si le phénomène suscite moins l’attention. Entre l’hyper concentration hospitalière qui ne cesse de s’accroître et l’immobilisme que personne ne défend, il reste à inventer un nouveau modèle et à définir une carte hospitalière idéale.

La commission de concertation présidée par M. Larcher favorisera-t-elle donc cette hyper concentration ou permettra-t-elle de promouvoir une carte hospitalière équilibrée où chaque maillon sera renforcé? Si les réseaux locaux ne fonctionnent pas bien, c’est qu’ils n’ont jamais été considérés comme étant vraiment partie prenante de la politique sanitaire et qu’ils n’ont jamais fait l’objet d’une véritable politique publique. Les hôpitaux de proximité sont les principales victimes de ces restructurations anarchiques ; une centaine de parlementaires ont d’ailleurs demandé un moratoire de quelques mois avant l’achèvement des travaux de la commission, des discussions étant nécessaires.

La France a besoin d’un véritable maillage territorial fondé sur des coopérations et doit se défaire de l’actuel « cannibalisme » qui sévit sous couvert de restructurations. M. Leonetti a eu raison d’évoquer des financements spécifiques pour les missions d’intérêts généraux des hôpitaux. La Fédération hospitalière de France (FHF) a elle-même insisté sur la nécessité de bénéficier de dotations de structures partout où des activités doivent être maintenues alors qu’il n’est par exemple pas possible de maintenir un service d’urgence dans un hôpital de proximité si la T2A est mécaniquement appliquée. Au fond, deux écoles s’affrontent : celle qui considère qu’il faut fermer un tiers des hôpitaux pour sauver les deux tiers restant ; celle qui estime nécessaire de travailler à un maillage équilibré du territoire.

M. Marcel Rogemont a tout d’abord souligné combien le travail de M. Larcher sort des sentiers battus. Il faut insister sur l’impérieuse nécessité de trouver un nouveau mode de gouvernance de l’hôpital public, notamment dans le cadre de la mise en place des futures agences régionales de santé (ARS). S’il est en outre essentiel, pour avoir une vision globale des problèmes, d’inclure la question médico-sociale dans les préoccupations de la mission, il convient néanmoins de veiller à ne pas entretenir une trop grande confusion avec le domaine sanitaire stricto sensu. Enfin, si la signification du sigle ARS est connue, qu’en est-il de celle d’ANS ?

M. Georges Colombier a rappelé qu’avec plusieurs de ses collègues il a rendu en 2007 un rapport d’information sur la prise en charge des urgences médicales à l’hôpital. Il y était notamment souligné, en matière gériatrique, combien il fallait revoir la manière dont les personnes âgées étaient prises en charge. Il est impératif qu’il soit tenu compte de cette réflexion dans les mois à venir.

M. Jean-Luc Préel a remercié M. Larcher pour le travail d’ores et déjà accompli, pour sa présentation à la fois claire et synthétique et pour les quelques pistes déjà évoquées. L’hôpital traverse une grave crise morale, organisationnelle et financière. La mission Couanau sur l'organisation interne de l'hôpital a déjà été évoquée, mais le problème essentiel de ce type de missions est de savoir ce qu’il adviendra de leurs préconisations. Sans doute, quoi qu’en dise le Président Pierre Méhaignerie, un travail législatif sera-t-il nécessaire.

Le fait que le financement des secteurs public et privé soit identique constitue-t-il une chance ou un danger pour l’émulation entre établissements ? Comment faire en sorte par ailleurs que les deux réseaux soient sur un pied d’égalité ? Tout le monde est d’accord pour considérer que la gouvernance de l’hôpital n’est pas satisfaisante et M. Leonetti a, sur ce plan, raison de demander une plus grande autonomie et une responsabilité accrue pour l’hôpital. Néanmoins, comment y parvenir ? Comment organiser les compétences entre le conseil d’administration, le directeur, l’ARH et, demain, l’ARS ? L’autonomie, c’est la responsabilité et le conseil d’administration doit être en partie responsable financièrement dès lors qu’il souhaite maintenir un certain nombre de services.

Le statut du personnel doit évoluer dans un sens contractuel, le statut unique n’étant pas satisfaisant pour le personnel médical. Il convient de prendre en compte la pénibilité du travail, la responsabilité et la motivation des différents acteurs. Sans doute le syndicat des praticiens hospitaliers manifestera-t-il son mécontentement mais il faut clairement afficher les objectifs.

Les établissements hospitaliers doivent fonctionner en réseaux : CHU, hôpital général dans chaque département, hôpitaux de proximité, lesquels doivent pouvoir accueillir les praticiens spécialistes libéraux afin de pratiquer par exemple des chimiothérapies, ce qui n’est pas toujours le cas aujourd’hui. Il faut tenir compte à la fois de la qualité des soins, de l’efficience et des pénuries qui affectent certaines spécialités.

Sur le plan de la formation, tout le monde s’accorde pour dénoncer le gâchis de la première année de médecine. La sélection uniquement scientifique est par ailleurs problématique alors qu’il conviendrait de tenir compte également des qualités humaines des futurs praticiens. Les rémunérations, quant à elles, ne devraient pas être uniquement élaborées à partir de la technicité des actes. Comment justifier des écarts considérables, par exemple entre radiologues et pédiatres ? Il faut revaloriser les actes intellectuels et la clinique mais également revoir le statut des professeurs des universités praticiens hospitaliers (PU-PH).

Enfin, les missions Larcher, Ritter, Berland aboutiront-elles à des conclusions uniques et à un unique projet de loi présenté au printemps ?

M. Claude Leteurtre a remercié M. Larcher pour son travail mais il a regretté l’absence de prise en considération du domaine de l’informatique médicale et hospitalière, où « le bordel est absolu », avec une absence de réelle coordination entre établissements publics, privés et la médecine libérale. Un travail de mise en ordre réglementaire et technique doit être impérativement accompli.

Quel avenir pour l’hôpital, plus particulièrement pour la chirurgie, alors que de plus en plus d’actes sont accomplis dans le secteur privé ? Faut-il une organisation pyramidale ou est-il préférable de réfléchir en fonction de l’aménagement du territoire ? Quelle est l’orientation préconisée par M. Larcher ?

Il faut par ailleurs résoudre le problème du statut du médecin afin de limiter les disparités entre secteurs public et privé.

La Fédération hospitalière de France (FHF) est certes favorable à la tarification à l’activité (T2A) et à la convergence mais les missions d’intérêt général ne doivent pas y être incluses.

Enfin, si la formation en chirurgie devait être accomplie à l’avenir exclusivement dans les établissements privés, le secteur hospitalier se porterait encore plus mal.

Mme Valérie Boyer a souligné combien la prise en charge des personnes en état de précarité est mauvaise, notamment dans le secteur hospitalier où la T2A n’en tient aucun compte. Cela constitue un élément important de la différence entre les secteurs public et privé.

Il est d’autre part notable que les coopérations les plus fructueuses se font entre les secteurs public et privé et non au sein du secteur public. Il faudra veiller, à ce propos, à ce que les hôpitaux publics ne se fassent pas concurrence entre eux. Par ailleurs, il est possible d’être optimiste sur l’avenir des pôles de santé dont la situation est plutôt satisfaisante même s’il faudra encore du temps pour que cette nouvelle organisation trouve son rythme de croisière.

S’il est heureux de prendre en considération la situation des médecins hospitaliers, il est en revanche regrettable que certains amendements plus particulièrement dédiés à cette question aient été rejetés dans le cadre de l’examen de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.

Comme l’a souligné M. Leonetti, la médecine française relève entièrement du domaine public du fait de son financement. Il importe de réfléchir à la question des assurances, et notamment celles des médecins, qui paradoxalement relèvent, elles, du secteur privé.

Enfin, il est dommage que la France « se tire une balle dans le pied » avec le système de numerus clausus : les étudiants sont en situation d’échec, alors que le manque de médecins est criant sur le territoire national mais également à l’étranger, où les médecins français pourraient contribuer au rayonnement de la nation. Ce système est aberrant. Il faut espérer que les ARS contribueront à régler ces difficultés de manière à ce que le modèle français de santé perdure et s’améliore.

M. Philippe Nauche a remercié M. Larcher pour son exposé, et a constaté, quoique n’ayant pas siégé pendant cinq ans, que les questions qui se posaient lors de la précédente législature sont toujours actuelles, l’hôpital public étant toujours dans une situation aussi grave.

Il importe de conférer plus de souplesse au statut hospitalier, mais certaines limites ne doivent pas être franchies, notamment s’agissant du statut des personnels non médicaux. Peut-on par ailleurs accepter que les actes chirurgicaux se fassent de moins en moins au sein de l’hôpital public ? S’agissant de la gouvernance, un certain nombre d’usines à gaz ont été mises en place. Des pôles ont ainsi été organisés pour satisfaire à des exigences exclusivement réglementaires.

Il importe également de réfléchir au rôle respectif des médecins, des directeurs, des cadres hospitaliers et des personnels paramédicaux. La polyvalence des fonctions – soins, enseignement, recherche, gestion de services ou de pôles – devrait favoriser la mise en place d’un système de contractualisation de manière à ce que ces missions successives puissent être plus facilement effectuées au cours d’une carrière. Il faut également concevoir des passerelles entre les différents métiers de la santé, et tout d’abord sur le plan de la formation, de manière à éviter le gâchis de la première année.

Il est inquiétant de constater que la carte sanitaire dépend de la démographie médicale et non de la politique de santé publique.

Proximité et efficience n’ont pas le même sens sur le plateau corrézien de Millevaches ou dans un arrondissement parisien : l’Assistance publique des hôpitaux de Paris (AP-HP), qui réalise un excellent travail, n’est pas nécessairement le seul mètre étalon pour le territoire national.

S’agissant enfin des personnes âgées, des passerelles avec le secteur médico-social sont nécessaires mais il faut pour cela que les différents modes de financements finissent enfin par converger. La France manque par ailleurs de moyens pour évaluer l’autonomie et les capacités cognitives de ces personnes : il faut donc trouver de nouvelles compétences spécifiques.

M. Philippe Boënnec a considéré que cette mission sur l’hôpital est particulièrement importante et tout particulièrement sa première phase consacrée à l’état des lieux : en l’occurrence, la situation du secteur médico-social est très inquiétante.

Qu’en sera-t-il de la deuxième phase, et notamment des différentes propositions qui seront formulées ? Soit il y aura une tentative d’harmonisation des structures existantes, soit la question fondamentale sera enfin posée : comment prendre en charge d’un point de vue sanitaire la population française en partant des besoins du terrain ? C’est là le seul moyen de résoudre globalement les problèmes qui se posent. Il faut un vrai projet qui doit être ensuite décliné auprès des secteurs public et privé, de la médecine de ville, des maisons de santé.

Qu’en sera-t-il, en outre, de la question essentielle de l’évaluation des politiques de santé ? Une mission exclusivement centrée sur le domaine hospitalier ne suffit peut-être pas, sachant qu’une politique cohérente ne peut reposer que sur une vision d’ensemble.

Une réforme très profonde est nécessaire faute de quoi il faudra s’inquiéter de la prise en charge sanitaire des Français dans les dix ans à venir.

Le président Pierre Méhaignerie a noté une assez grande convergence entre les différentes interventions, si l’on excepte un ou deux sujets spécifiques. Par ailleurs, il ne faut pas sombrer dans le catastrophisme : le pays a besoin de confiance et il est bon de fixer cinq ou six repères pour l’avenir. Ils témoigneront que tout est possible si l’on agit ensemble. Par ailleurs, le procès-verbal des travaux de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sera adressé aux membres de la commission de concertation.

M. Gérard Larcher a déclaré que ce dernier constituera un outil de discussion important et apporté les réponses suivantes :

– La lettre de mission implique une cohérence d’ensemble, l’hôpital étant au cœur du système de santé. Tout le monde était d’accord pour mettre en place la T2A. Les établissements publics qui ont de l’avenir s’en sortent fort bien avec ce système. On a déjà rajouté au sein des missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation (MIGAC) un certain nombre de missions, dont le traitement de la précarité. Pourtant, les résultats ne sont pas au rendez-vous. De même beaucoup d’argent a déjà été consacré aux urgences sans que la réponse soit à la hauteur des attentes. La convergence des tarifs implique par ailleurs la convergence des contraintes, dont celles de service public, notamment en ce qui concerne la permanence des soins ou les modes de traitement des différentes pathologies. Il est essentiel sur ce point de « revisiter » la notion de service public.

– S’agissant de la qualité des soins et du maillage du territoire, la France bénéficie du meilleur système d’urgences d’Europe, mais des inégalités n’en demeurent pas moins selon les pathologies. L’enjeu est bien de concilier qualité et proximité.

– Il est notable que le secteur privé s’est considérablement plus restructuré que le secteur public, notamment en raison de la logique immobilière d’un certain nombre de fonds de pension. Les collectivités territoriales évoluant, l’hôpital ne devrait-il pas s’organiser dans le cadre d’« établissements de territoire » référents ? Le but n’est pas de redessiner une carte hospitalière, mais de construire une logique qui utilisera les ARS comme des outils de contractualisation avec des objectifs et des réponses territoriales tout en tenant compte des notions d’autonomie et de responsabilité.

– La politique de santé est une décision politique majeure et il faut donc réaffirmer que ce n’est pas à l’assureur – Agence national de la santé (ANS) – de définir cette politique. C’est à la représentation nationale et à elle seule de dire quelle politique de santé elle souhaite.

– La permanence des soins (PDS) soulève le problème des relations entre les médecines de ville et hospitalière. Certaines unités de proximité d’accueil, de traitement et d’orientation des urgences (UPATOU) ne fonctionnent pas quand d’autres services qui ne disposent pas des moyens dévolus aux urgences, eux, fonctionnent. Certains services d’urgences procèdent à des tris de malades, d’autres non. Il faudra tenir compte de l’ensemble de ces situations.

– La question du statut des personnels se pose dans le secteur public mais aussi dans le privé. Dans le secteur privé à but lucratif, les médecins s’interrogent sur la compatibilité du respect de l’éthique médicale avec la prise en compte des contraintes financières. Faut-il donc créer une forme de gouvernance médicale dans ce secteur ? Quid de la rémunération des praticiens dans les hôpitaux privés sans but lucratif participant au service public hospitalier (PSPH) ? Il faudra également traiter les problèmes liés au secteur 2 : aujourd’hui, des personnes âgées s’endettent pour bénéficier d’une intervention. Qu’en est-il dans ces conditions de l’égalité d’accès aux soins ? Une part de la rémunération des praticiens devra sans doute être issue à terme de l’activité. S’agissant du fonctionnement des pôles, il est vrai que les situations sont inégales selon les endroits.

En conclusion, M. Gérard Larcher a résumé les thèmes qui seront développés par la commission de concertation : l’amélioration de la pertinence des recours à l’hôpital, la structuration des services hospitaliers de territoires en relation avec l’ARS, le pilotage de l’hôpital, l’attractivité pour les professionnels, l’enseignement et la recherche, l’articulation des soins avec le secteur médico-social et la médecine de ville, le rôle et la place des infirmières libérales. La commission de concertation demeure à la disposition de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales et toute contribution parlementaire à ses travaux sera la bienvenue.

M. le président a remercié M. Larcher pour la qualité de son intervention.

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Information relative à la commission

La commission a nommé M. Régis Juanico, correspondant européen, en remplacement de M. Marcel Rogement