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Compte rendu

Commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Mercredi 16 avril 2008

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 39

Présidence de Pierre Méhaignerie Président

– Table ronde sur les agences régionales de santé 2

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a organisé une table ronde sur les agences régionales de santé (ARS).

M. le président Pierre Méhaignerie : Je remercie très chaleureusement MM. Bertrand Fragonard, président du Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, Philippe Ritter, préfet honoraire, chef de la mission sur les agences régionales de santé, Frédéric Van Roeckehem, directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), Jean-Marie Bertrand, secrétaire général du ministère chargé de la santé, Philippe Josse, directeur du budget (ministère des finances), et Dominique Libault, directeur de la sécurité sociale (ministère de la santé), pour leur participation à ce débat et les invite à une liberté de parole.

Cette table ronde sur les ARS s’inscrit dans le prolongement des conclusions de la mission d’information sur les agences régionales de santé, présentées en février 2008 par M. Yves Bur, mission constituée de onze députés. La commission a jugé utile de compléter son information par l’audition des personnalités les mieux à même d’éclairer ses positions dans le futur débat.

Les grandes questions portent sur les points suivants : la nature des fonctions à confier aux ARS ; les deux scénarios d’organisation envisagés, encore qu’une synthèse soit peut être possible entre ces deux options ; l’autonomie de cette gouvernance régionale ; le rôle de l’État et de l’assurance maladie.

Les membres de la mission d’information ont été animés par une volonté de simplification des structures, de clarification des responsabilités et de lisibilité du pilotage, compte tenu de l’enjeu de la soutenabilité financière de l’évolution des dépenses.

M. Yves Bur : Le rapport d’information sur les ARS souligne la nécessité de réformer la gouvernance du système de santé, aujourd’hui piloté de manière segmentée, en tuyaux d’orgue, sans cohérence ni efficience. Un premier constat peut être tiré : les objectifs et les propositions du rapport semblent faire l’objet d’un large consensus. D’autre part, ces travaux ont bénéficié du soutien appuyé des administrations centrales. L’ensemble des acteurs attend de la régionalisation une meilleure efficacité de l’organisation territoriale du système de soins. Le Conseil de modernisation des politiques publiques du 4 avril dernier a retenu cette réforme dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP).

Nous sommes convenus qu’il faut conférer aux ARS un périmètre de compétences large, afin de mieux articuler les soins de ville, l’hôpital, le médicosocial et la santé publique. Il y va de la qualité des soins, de leur accessibilité pour tous nos concitoyens mais aussi de l’optimisation de la dépense publique.

Les modalités de la gestion du risque font débat. Compte tenu de la difficulté à contenir les déficits, la question n’est pas subalterne. Le maintien d’un haut niveau de solidarité face à la maladie dépend de la soutenabilité financière du système, ce qui requiert une régulation des dépenses et conduit, pour certaines prestations, à envisager des régimes de solidarité plus individualisés.

La problématique ne saurait être réduite à un antagonisme entre l’État et l’assurance maladie, même si les administrations centrales refusent a priori une gouvernance de type agence nationale de santé (ANS), essentiellement par crainte d’être dépassées par l’assurance maladie. Le débat déborde de notre commission ; le Gouvernement lui-même s’en est emparé.

En France, nous attendons toujours beaucoup des solutions organisationnelles. Les ARS semblent intéressantes mais ne constitueront pas le remède miracle. Je me méfie de la pensée unique qui nous est régulièrement administrée et des modèles d’organisation définitifs plaqués sur des réalités complexes. Plus clairement, je me méfie d’un modèle d’administration de la santé qu’aucun autre pays n’a choisi. La réponse aux problèmes sanitaires doit être apportée, plus près des Français et des territoires, mais cette réponse n’implique pas automatiquement une confusion entre organisation et régulation des risques. Aucun pays – ni l’Allemagne, ni la Grande-Bretagne, ni la Suède, ni le Danemark – n’a choisi de modèle aussi intégré ; tous ont conservé un certain degré de dissociation entre la fonction d’organisateur et celle de payeur. Comment s’assurer que la gestion du risque ne sera pas sacrifiée au profit des exigences d’organisation ?

Le rapport de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS), publié en janvier 2008 sur le contrôle des mesures prises dans le cadre du contrat de retour à l’équilibre financier (CREF) par des hôpitaux « perdants » à la tarification à l’activité (T2A) permet de mesurer les difficultés rencontrées par les administrations responsables pour imposer une meilleure efficience de la dépense au regard d’un pilotage « soft », voir absent.

Les contours du futur pilotage national ne sont pas clairs actuellement. Comment les acteurs de cette révolution administrative doivent-ils faire pour améliorer leur coopération ? Ne faut-il pas aller plus loin en créant une agence nationale de santé ou un conseil national de santé, au sein duquel l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, (UNCAM), pourrait se dissoudre ? Mais cela supposerait de tenir compte de la RGPP et d’engager une réflexion sur la future répartition des administrations centrales entre l’État stratège, l’État organisateur et l’État financeur.

La régionalisation ne sera pas un long fleuve tranquille. Pour passer du concept à la réalisation, il faudra gérer des hommes et des femmes, unifier des cultures administratives. En Bourgogne, par exemple, les représentants des directions DDASS et de la DRASS – les directions départementales et régionales des affaires sanitaires et sociales – ont fait état de leur soutien à la réforme tout en affichant une vision très étatiste et frileuse. En tout cas, il est clair que l’on ne fusionnera pas la culture de l’Etat et celle de l’assurance maladie par décret.

Les options que je défends dans le rapport d’information sur les ARS ne doivent pas être caricaturées. Il n’est pas question d’installer ou de maintenir deux pouvoirs au niveau régional. Il n’est pas question non plus d’exonérer l’assurance maladie des mesures réformatrices que l’État s’impose à lui-même. L’assurance maladie doit amplifier le mouvement actuel : départementaliser les caisses primaires départementales tout en conservant plusieurs établissements ; supprimer les unions régionales des caisses d’assurance maladie, les URCAM ; supprimer les caisses régionales d’assurance maladie, les CRAM, en intégrant dans les ARS leurs agents en charges de l’organisation ; créer des directions régionales de la gestion du risque.

J’ai entendu dire que le Conseil de modernisation des politiques publiques aurait définitivement tranché en faveur de la fusion intégrale sans laisser la moindre place au débat. La réalité qui ressort de la réunion du 4 avril est moins catégorique : la création des ARS doit se faire selon « un format large intégrant le médicosocial et associant État et assurance maladie » et il y aura une « possibilité de contractualisation entre les ARS et les caisses primaires d’assurance maladie ». Les mots ont un sens et il demeure donc bien plusieurs options possibles pour conjuguer les différentes possibilités de gestion.

Je mets à votre disposition plusieurs schémas synthétisant les différentes options de gestion du risque.

Au sommet de l’édifice, quel est le rôle du Parlement ? Le projet de loi de financement de la sécurité sociale, le PLFSS, a été dénaturé en perdant son essence financière ; le Parlement doit de nouveau prêter attention aux questions de régulation. Toutefois, concomitamment au PLFSS, il apparaît nécessaire de voter chaque année une loi d’organisation du système de santé, comme en Allemagne et dans d’autres pays, afin de régler finement le dispositif en fonction des difficultés. La dernière loi d’organisation de notre système de santé remonte à 2004 et il n’est plus possible aujourd’hui d’attendre aussi longtemps avant de se repencher sur des questions d’organisation de la santé. Le Parlement doit aussi être mieux éclairé sur la gouvernance nationale.

Concrètement, trois options sont possibles.

La première est défendue par le rapport de M. Philippe Ritter sur la création des ARS : la signature de conventions pour la gestion du risque entre l’ARS et les caisses primaires d’assurance maladie, la mutualité sociale agricole (MSA) et le régime social des indépendants (RSI). Mais cette intégration forte de la gestion du risque au niveau régional présente peut être le risque d’une double commande.

La deuxième option consiste à mettre sur pied une direction régionale de la gestion du risque, regroupant l’ensemble des services de l’assurance maladie et passant directement convention avec l’ARS, sous le regard attentif des instances de coordination nationales.

Troisième possibilité, cette direction régionale de la gestion du risque serait intégrée dans l’ARS et placée sous l’autorité directe de son directeur. Ce modèle intégré d’un pilotage au sein de l’ARS de l’ensemble de la politique de la gestion des risques satisferait à la fois les partisans d’un pilotage par l’ARS et ceux qui s’inquiètent légitimement d’un risque de déstabilisation de l’assurance maladie au moment même où elle entame une dynamique vertueuse.

Pour que les tâches essentielles d’organisation et de gestion du risque soient traitées conjointement, nous sommes condamnés à trouver des solutions pragmatiques. Un système qui échapperait à la maîtrise et à la régulation financière finirait par mettre, à terme, en cause la solidarité. C’est bien cela qu’il faut éviter !

M. Philippe Ritter : Les propositions de M. Bur rejoignent à bien des égards celles que j’ai moi-même formulées dans le cadre du rapport sur la création des ARS confié par la ministre de la santé et un large consensus semble donc se dessiner sur le sujet. Il est clair que les ARS ne doivent pas se résumer à des instances administratives supplémentaires mais améliorer réellement l’efficacité et l’efficience du système de santé au niveau territorial. Je suis parti de mon expérience de terrain, j’ai noué de nombreux contacts avec des acteurs locaux et j’ai été frappé par le soutien de la plupart de mes interlocuteurs à l’idée d’ARS détentrices d’un périmètre de compétences très large, pour mettre fin au cloisonnement actuel difficilement compréhensible des structures, des acteurs et des financements. La déconcentration des responsabilités au niveau régional avec une responsabilisation forte de l’autorité chargée du pilotage régional fait également consensus pour permettre une meilleure territorialisation des politiques de santé et assurer une meilleure maîtrise des coûts de l’assurance maladie.

Le débat porte essentiellement sur la question de la « gestion du risque », pour reprendre le vocabulaire de l’assurance maladie, c’est-à-dire en fait sur la régulation du système. De mon point de vue, réguler signifie à la fois organiser et maîtriser les dépenses. C’est pourquoi j’ai proposé que les ARS soient non seulement compétentes en matière d’organisation de l’offre de soins mais également responsabilisées sur des objectifs de maîtrise des dépenses. Les propos de M. Bur montrent que nos positions ne sont pas antagonistes et des pistes de synthèses ont même été esquissées.

Pour que le système fonctionne correctement, il me paraît essentiel de conjuguer les forces de l’État et de l’assurance maladie. Les agences régionales de l’hospitalisation, les ARH, quoique fragiles et légères, ont permis de faire travailler ensemble des services relevant de l’État et de l’assurance maladie. Conçues au départ comme des structures paritaires, elles ont dérivé au fil des ans en services extérieurs de la direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (DHOS) du ministère de la santé, ce qui a naturellement entraîné une méfiance de la part des autres directions d’administration centrale comme de l’assurance maladie. Les futurs directeurs des ARS devront être investis de responsabilités fortes et claires car une structure aussi légère que celles des ARH ne conviendrait pas pour mettre en cohérence l’ensemble des politiques de santé. Il faut revenir à l’esprit qui, en 1996, avait présidé à la création des ARH. Les ARS ne sauraient être conçues comme des structures agissant hors de l’assurance maladie voire contre elle ; elles ne pourront réussir que si les deux partenaires sont associés. Dès lors, la gestion du risque, loin d’être compromise, pourra s’épanouir. L’expérience montre – comme l’illustre notamment le dispositif de permanence des soins – que la séparation entre organisation de l’offre et maîtrise des dépenses conduit rarement à de bons résultats.

M. le président Pierre Méhaignerie : Puisque nous sommes entre nous, il n’est pas nécessaire de faire assaut de prudence ! N’hésitez pas à vous attaquer au noyau dur des difficultés !

M. Frédéric Van Roeckeghem : Je m’efforcerai de parler franchement afin de démontrer qu’il est effectivement crucial d’associer l’assurance maladie et l’État dans un objectif partagé d’amélioration de la soutenabilité du régime d’assurance maladie, afin que nos concitoyens soient mieux soignés sans qu’il soit nécessaire de recourir à des déremboursements ou à des prélèvements supplémentaires pénalisant dans le cadre de la concurrence internationale.

Les efforts accomplis conjointement par l’État et l’assurance maladie depuis 2004 ont permis de modifier la trajectoire que les services de l’État avaient anticipée : alors que le risque de déficit excédait 20 milliards d’euros pour 2007, les pertes, en exécution réelle, ont été contenues sous 5 milliards.

Sur les soins de ville, les efforts ont été conjugués, hormis un léger désaccord en mars 2007 sur le niveau et le rythme de revalorisation des rémunérations des professionnels de santé.

S’agissant de l’hôpital, force est de reconnaître que nous n’avons pas été aussi efficaces, notamment à cause de la séparation entre le rôle de gestionnaire des soins et d’opérateur de l’hôpital public qu’est l’Etat et la fonction de régulation. Tout le monde a un peu raison : la régulation doit intégrer certains aspects de l’organisation mais la gestion des établissements de santé n’est pas forcément une mission régalienne. La mise en place de la tarification à l’activité, la T2A, invite à réfléchir sur le mode de régulation à mettre en œuvre, d’autant que des évolutions européennes vont également s’imposer à nous. À terme, nous serons en effet obligés de justifier du financement des missions d’intérêt général et de leur réalité. L’Europe nous impose par ailleurs de plus en plus une certaine liberté de choix du patient. Dans le cadre du new public management, il faudra peut-être opérer une distinction entre l’organisation des établissements de soins et la régulation. Le rapport d’Yves Bur pose bien la question de la gestion du risque et il est effectivement sensé de s’interroger sur la façon de différencier les fonctions de gestion des établissements et les fonctions de régulation.

Le principal enjeu consiste, du point de vue de l’assurance maladie, à rendre soutenable notre système solidaire pour les années à venir. Même si les remboursements se concentrent de plus en plus sur les patients atteints de pathologies lourdes ou chroniques, le taux de prise en charge par l’assurance maladie est à peu près constant depuis quinze ans, aux alentours de 77 %. L’équilibre du système nécessite par conséquent un travail en amont sur l’efficience de la dépense de santé et le basculement d’une vision de dépenses par nature (combien faut-il donner à l’hôpital, aux cliniques, aux médecins …) vers une vision de dépenses par destination (comment évoluent les soins et leur coût par pathologies ? ). Cette révolution n’aura pas lieu sans un rapprochement entre la ville, l’hôpital et le médicosocial.

La gestion du risque ne pourra pas se déployer si nous ne recherchons pas une cohérence entre l’action sur les offreurs de soins et l’action sur les assurés. Les pays européens qui ont réussi à maîtriser leurs dépenses tout en améliorant la qualité des soins ont mis sur pied des organisations permettant aux choix microéconomiques de s’exprimer. Une opération comme « tiers payant contre génériques », qui a tout de même rapporté quelque 350 millions d’euros en trois ans, soit plus que le forfait de 18 €, n’aurait par exemple pas pu être mise en œuvre sans la participation des pharmaciens d’officine, des médecins, des caisses et des assurés. De la même façon, le dispositif du médecin traitant a nécessité une coordination entre médecins et assurés. La diminution très importante des arrêts de travail, qui a rapporté 1,3 milliard d’euros environ par rapport au point haut de 2003, a été également obtenue grâce à l’action des caisses en direction des assurés mais aussi grâce à l’adhésion des médecins de ville et des partenaires sociaux. Le contrôle des droits des assurés et la lutte contre la fraude sont autant d’exemples qui participent du renforcement de la gestion du risque.

Tous les résultats obtenus depuis 2004 ont permis de réduire le danger qui pesait sur la soutenabilité des régimes. Le redressement du régime général leur est imputable dans une large mesure. Je souhaite que la future réforme de l’organisation territoriale des soins sauvegarde ces acquis, préserve une dynamique positive dans l’ensemble du réseau de l’assurance maladie comme au sein de l’appareil d’État et provoque une addition des compétences, au détriment des oppositions stériles.

Comment faire ? Ce n’est certes pas simple ! Un équilibre doit d’abord être trouvé entre l’État et l’assurance maladie mais aussi entre le pilotage national, le pilotage régional et les actions locales. L’assurance maladie est aujourd’hui responsabilisée à deux niveaux. Premièrement, lorsque les objectifs fixés par le Gouvernement sont significativement dépassés, les régimes sont obligés de proposer des mesures, ce qui est extrêmement dissuasif. Deuxièmement, pour juguler la croissance des dépenses, il faut certes prévenir mais surtout organiser le recours aux soins, ce qui nécessite une mise en mouvement du patient, et accroître l’efficience de chacun des offreurs de soins. De ce point de vue, la T2A interpelle très fortement l’assurance maladie puisque les coûts facturés dans les établissements publics et dans les établissements privés ne sont pas homogènes et ces différences, qui sont certes parfois justifiées par des contraintes spécifiques pesant sur certains établissements de santé devront être un jour analysées soigneusement. Si nous avons une vision européenne, nous devons également anticiper la liberté qui sera donnée à nos concitoyens de choisir l’établissement où ils seront hospitalisés.

Au niveau national, la structuration que j’ai moi-même favorisée en 2004, notamment avec la mise en place du conseil de l’hospitalisation, ne s’est pas avérée optimale, à cause des antagonismes entre l’assurance maladie et la direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins, qui se sentait en quelque sorte agressée. Je suis persuadé que le Gouvernement trouvera la solution du pilotage national, peut-être en contractualisant par écrit. Je crois qu’il ne sera pas possible de réformer l’hôpital sans réfléchir à une contractualisation pluriannuelle qui donnerait aux ARS une feuille de route claire et correspondant aux anticipations opérées par le Parlement à travers l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM. Cela contribuerait à un pilotage national cohérent. J’exclus l’hypothèse d’une agence nationale de santé (ANS) évoquée par Yves Bur puisque le Gouvernement ne l’a pas retenue.

Au niveau régional, les opérations de gestion constituent l’interstice dans lequel les problèmes peuvent apparaître. Ne serait-il pas possible, dans les ARS, de mieux distinguer ce qui relève de la gestion des établissements (nominations, gestion des restructurations) et de la régulation ? Notre souhait est très clairement de participer positivement à la régulation.

L’efficacité de ces politiques dépendra aussi, comme le souligne justement le préfet Ritter, de la qualité de leur déploiement au niveau local. Même dans les établissements de santé, aucune gestion du risque n’est possible si les internes ne sont pas impliqués car ce sont eux qui prescrivent. La signature de contrats régionaux tenant compte des futures hiérarchisations des prescriptions établies par la HAS ne suffirait pas à faire évoluer les comportements des internes. Tous les pays qui ont avancé sur ces questions ont mis en œuvre des actions locales. Certains ont parié sur la mise en concurrence des offreurs de soins ; d’autres font intervenir leurs acteurs locaux, comme la Grande-Bretagne avec ses Primary Care Trusts, ou PCTs.

Le véritable enjeu est de trouver une réponse pour éviter le risque de double pilotage évoqué par Yves Bur. Le souci de l’assurance maladie est bien d’intégrer cette réforme et de trouver une réponse…

M. le président Pierre Méhaignerie : Quelle réponse ?

M. Frédéric Van Roeckeghem : Il faut que l’assurance maladie et l’ARS partagent très largement les objectifs régionaux, pourquoi pas en déclinant la contractualisation pluriannuelle nationale, et ces objectifs partagés doivent être intégrés dans des contrats locaux. Tout cela n’est pas simple…

Le contrôle médical pose également problème. Il a été organisé en pôles. Le pôle planification travaille par exemple en liaison avec les ARH mais il assume aussi localement le contrôle des prestations et des arrêts de travail. Là aussi, un effet de cohérence doit être recherché. Quant au risque accidents du travail, il pourrait être au choix, dans une même optique de cohérence, rapproché de la problématique des seniors ou au contraire de la problématique santé. Là comme ailleurs, il n’y a pas de réponse toute faite.

Quoi qu’il en soit, il faut continuer à travailler pour trouver une solution intermédiaire, faisant de la gestion du risque un souci partagé et maintenant les conventions nationales avec les acteurs de santé comme la ministre de la santé s’y est engagée. Le sujet de l’articulation entre les marges de manœuvre régionales et la convention nationale qui n’a pas encore été abordé devra être traité. Du côté de l’assurance maladie, nous avons la volonté très claire de participer positivement à cette réforme, dont la France a besoin ; il reste à dégager des consensus opérationnels.

M. le président Pierre Méhaignerie : Dans une étude du Centre d’étude des revenus et des coûts, le CERC, Jacques Delors déclarait déjà : « L’évolution des dépenses de santé, de vieillesse et de protection sociale en France continue de tirer vers le bas la part du revenu individuel immédiatement disponible au profit du revenu socialisé. » Nous aurons aussi ce débat à propos du revenu de solidarité active (RSA).

D’autre part, les systèmes centralisés, de par le monde, rendent l’âme l’un après l’autre. Le découpage des corporatismes nationaux en vingt petits morceaux décentralisés ne revient-il pas à dissoudre habilement les difficultés afin de faire passer les pilules ?

Enfin, nos partenaires européens constatent bien souvent que la France est sur-administrée et sous-organisée tandis que le président d’American Express déconseille toute installation en France du fait que tout y est trop compliqué ! Nous avons empilé les structures et complexifié les procédures. Il faut désormais avancer concrètement pour solutionner nos problèmes.

M. Jean-Marie Bertrand : J’ai pris mes fonctions de secrétaire général du ministère de la santé il y a seulement deux jours et demi. Je suis spécialement missionné pour mettre en place les ARS. Ma feuille de route comporte trois volets.

Premièrement, je dois finaliser la maquette des futures ARS, leur donner une consistance, les organiser, définir leurs outils, notamment les systèmes d’information, en partant de l’existant. Je connais un peu la situation puisque j’ai été directeur d’administration au ministère de la santé entre 1993 et 1998 et que j’ai acquis une expérience dans le domaine financier à la Cour des comptes. Au cours de ma carrière, j’ai eu trois occasions de mettre sur pied ou de modifier des réseaux déconcentrés : dans la recherche, lorsque j’étais secrétaire général du CNRS ; dans le chemin de fer, lorsque j’étais directeur général de Réseau ferré de France (RFF) puis en qualité de patron des DRASS et des DDASS.

Deuxièmement, lorsque les ARS entreront en activité, d’ici à un an, il faudra faire en sorte que leur organisation soit achevée et surtout que les hommes soient choisis.

Troisièmement, j’exerce un rôle d’animation et de coordination pour que les ARS fonctionnent. Il s’agit de mettre en place le pilotage national, d’une part, au sein de l’administration centrale du ministère (les attributions du secrétaire général de la santé vont être modifiées à cet effet) et, d’autre part, d’assurer la coordination avec l’assurance maladie.

Je ne sous-estime pas les aspects d’organisation. Mais la réussite de cette réforme constitue d’abord un défi managérial partagé entre le réseau de l’assurance maladie et les services centraux et déconcentrés de l’État.

M. le président Pierre Méhaignerie : Et comment comptez-vous gagner ce défi ?

M. Jean-Marie Bertrand : Nous devons marier des cultures : celles de l’État et de l’assurance maladie mais aussi celle de la régulation et celle de la santé publique, qui se côtoient mais sont fondamentalement différentes. Marier les cultures nécessite de les respecter tout en les faisant positiver sur un projet de nature à lever les blocages. Le rôle des chefs est précisément de dépasser les oppositions pour catalyser les énergies. Les ARS seront des institutions sui generis associant réellement l’assurance maladie et l’État. M. Bur a raison de souligner que le choix de l’échelon régional, le plus efficace pour avancer, constitue une originalité française.

Il est essentiel de tirer les enseignements du passé, notamment des ARH, qui ont marqué une étape très positive tout en n’aboutissant qu’à un demi-succès. En effet, la participation des deux partenaires n’a pas été équivalente. Nous ne devrons pas commettre la même erreur, en agissant seulement sur la « cuisine administrative ». La façon de gérer les hommes est déterminante : bien les choisir, leur donner des statuts et bâtir des carrières. Pour répondre à M. le président, il faut faire en sorte que les hommes travaillent mieux ensemble.

Les outils aussi sont essentiels. Le problème des systèmes d’information est majeur. Si la gestion du risque a progressé, le chemin qui reste à parcourir est considérable et il faut donc se doter d’outils afin d’analyser les informations disponibles. Cette question est prioritaire par rapport à la définition des organisations et il est heureux que Frédéric Van Roeckeghem partage cette préoccupation. Il reste à mettre en place une organisation, avec une contractualisation et des délégations. Une chose est sûre : si les systèmes d’information ne s’améliorent pas, ni l’une ni l’autre des parties ne pourra avancer.

La troisième condition de la réussite est la capacité à catalyser les énergies, à se caler sur les objectifs, à exercer une véritable animation. L’une des faiblesses majeures de l’administration centrale est le défaut de coordination entre directions partenaires, cette réalité est unanimement reconnue.

Une autre clé du succès est le professionnalisme dans la conduite des projets. Le management est un métier. Le système doit être gagnant-gagnant : toutes les parties doivent avoir en perspective un projet motivant et en tirer un bénéfice. L’ARS fait du reste l’objet d’un consensus large au sein des communautés de travail concernées.

Au stade où j’en suis, plusieurs abstractions demeurent mais je ne doute pas qu’elles seront levées dans une semaine, peut-être même à la fin de cette table ronde.

Le concept de gestion du risque doit notamment être précisé. Si nous commençons par définir nos objectifs exacts en la matière, des solutions managériales pourront être imaginées.

De même, les régulateurs et les opérateurs composent des catégories juridiques ou économiques distinctes mais, dans le système actuel, sur le terrain, cette dichotomie n’est pas claire pour les établissements de santé. Il faut donc démêler l’écheveau, progressivement et pragmatiquement, pour clarifier le paysage.

M. Dominique Libault : L’enjeu consiste à repenser et mieux articuler deux notions essentielles : la satisfaction des besoins de santé de la population et son accès effectif aux soins, qui se posent dans des termes nouveaux, notamment du fait de la démographie médicale ; la soutenabilité de l’assurance maladie, garante de la pérennité de l’assurance maladie. Les difficultés financières ne sont pas conjoncturelles mais bien structurelles : chaque année, à ressources constantes, nous devons trouver 2 à 3 milliards d’économies, pour compenser la dérive liée à l’augmentation de la demande. Il est irréaliste au regard de la situation des finances publiques et des autres besoins sociaux de penser que 2 ou 3 milliards d’euros supplémentaires peuvent être injectés chaque année dans le système.

La notion de gestion du risque est utilisée à tort et à travers. C’est Gilles Johanet, alors directeur de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, qui l’a mis en évidence au début des années quatre-vingt-dix, en partant du principe qu’il ne fallait plus seulement accroître les cotisations ou dérembourser mais également travailler sur l’efficience du système, dépenser mieux, ne plus être payeurs aveugles. La question, presque politique, qui a donné naissance au concept de maîtrise médicalisée, impose de repenser l’organisation des soins. Je pense que cette voie mérite d’être poursuivie et que la marge de progression reste énorme.

La problématique se pose aujourd’hui moins en termes de légitimité qu’en termes de professionnalisme et de bonne organisation. La légitimité de la gestion du risque a en effet été tranchée par le législateur avec les réformes de 1995 et de 2004. Au début des années quatre-vingt-dix, les partenaires sociaux revendiquaient l’assurance maladie comme étant de leur ressort. La réforme Juppé a clairement établi que le Parlement vote les grands objectifs de santé publique et d’assurance maladie à travers la loi de financement de la sécurité sociale. La loi de 2004 relative à l’assurance maladie en prévoyant que les partenaires sociaux ne négocient plus directement avec les professionnels de santé a été plus loin. Si les partenaires sociaux ne remettent plus fondamentalement en cause cette évolution, il n’en demeure pas moins qu’il faudra toujours leur accorder une place dans le système, notamment lorsqu’il s’agira d’examiner si les tarifs opposables pourront varier d’une région à l’autre, car c’est à eux qu’échoit le rôle de défendre les droits sociaux des assurés.

Notre système présente des carences d’organisation et je ne suis pas sûr que la France forme des organisateurs et des régulateurs de santé ; en tout cas, pas à l’ENA. Dans quels viviers les responsables des ARS seront-ils recrutés ? Pour être franc, je considère qu’un sous-préfet ne présente pas forcément le profil professionnel pour ce poste. Il existe quelques personnes, qui se sont formées sur le tas, mais pas tellement.

Certains sujets, en particulier la permanence des soins, peuvent être mieux gérés au niveau territorial, où il est plus facile de trouver les bons compromis et de travailler avec les acteurs. Ce n’est cependant pas le cas de tous les sujets. Conserver une organisation nationale pour l’assurance maladie ne me semble pas totalement absurde. Par exemple, la gestion du risque commence par le contrôle des droits et la lutte contre les fraudes, ce qui n’est pas simple. On évalue, par exemple, à 1 ou 1,5 million l’excédent de cartes Vitale en circulation et ce domaine de la lutte contre la fraude me semble relever du niveau national, ne serait-ce qu’en raison des systèmes d’information qu’il nécessite. Même si elle a tardé et si cela reste limité, l’assurance maladie s’est engagée dans la voie de la gestion du risque avec un certain professionnalisme, en mettant notamment en place ses délégués. Le pire serait de lui donner l’impression qu’elle doit se désinvestir et redevenir un payeur aveugle. À cet égard, les systèmes d’information, le data mining, si importants pour l’aide à la prise de décision opérationnelle, restent sous-utilisés et doivent être rénovés. Je suis donc totalement favorable à l’idée des ARS, mais ne lâchons pas la proie pour l’ombre !

Il faut aller beaucoup plus loin sur l’hôpital. Le bilan des ARH est mitigé. Elles ont plutôt investi dans les restructurations que dans la recherche de l’efficience de la gestion hospitalière. La part des dépenses de santé affectée à l’hôpital est beaucoup plus grande en France que dans les autres pays. Quelles sont les perspectives à dix ou vingt ans ? Il faut recentrer l’État sur sa fonction de stratège et confier la gestion à des opérateurs efficaces, qu’il s’agisse de professionnels territoriaux ou de l’assurance maladie.

Il restera une assurance maladie, chargée de négocier avec les professionnels de santé. La maîtrise médicalisée passe par un engagement des professionnels de santé et des leviers sont nécessaires, au niveau national, pour négocier et agir. Il faudra que la CNAMTS conserve une vraie autorité sur le réseau de l’assurance maladie, tout en établissant un plan régional de la gestion du risque, négocié entre l’ARS et les caisses primaires d’assurances maladie, les CPAM.

M. Philippe Josse : Étant moins spécialiste que les autres intervenants et ne présentant pas un bon profil de régulateur de santé, je m’en tiendrai à cinq messages.

Comme l’a justement rappelé M. Yves Bur, les solutions d’organisation sont importantes mais ne font pas tout. Elles ne doivent pas tenir lieu d’action concrète pour des priorités comme le redressement de l’assurance maladie, la maîtrise de la dépense de santé et le pilotage de l’ONDAM. Ces priorités passent par quatre types d’actions. Premièrement, l’évolution de la dépense hospitalière doit être infléchie ; j’ai d’ailleurs beaucoup apprécié l’analyse que contient le rapport de M. Bur sur les risques de l’« hospitalocentrisme » actuel. Deuxièmement, les efforts d’économie sous-jacents à l’ONDAM doivent être déclinés régionalement ; il va falloir recomposer l’offre sanitaire et tirer les conséquences des impulsions de la T2A. Troisièmement, le pilotage doit être davantage pluriannuel mais s’orienter aussi sur l’infra-annuel ; c’est tout le sens de la loi de 2004, avec la mise en place d’un comité d’alerte. Quatrièmement, les intégrations ville-hôpital, sanitaire-médicosocial et préventif-curatif doivent être améliorées.

À cet égard, les décisions prises lors du Conseil de modernisation des politiques public du 4 avril, avec notamment le projet de création des ARS, vont dans le bon sens. Les outils actuels de planification, rendus incompréhensibles par leur multiplicité, doivent être intégrés. Le véritable « bestiaire administratif » – les MRS, missions régionales de santé, les GRSP, groupements régionaux de santé publique, les URCAM, etc. – doit être simplifié grâce à l’intégration des structures, ce qui participera à la bonne gouvernance et au bon pilotage du système. Les divers financements doivent aussi être intégrés, par la fongibilisation des enveloppes allouées (MIGAC, fonds de prévention, facilitation de l’installation des professionnels) aux directeurs des ARS, lesquels bénéficieront d’une grande liberté de gestion.

Le débat ouvert par M. Bur est parfaitement légitime. Il faut absolument préserver l’acquis de la réforme de l’assurance maladie de 2004, qui a renforcé son pouvoir de régulation. Le ministère des comptes publics a été très vigilant sur ce point et les décisions du Conseil de modernisation des politiques public ne remettent pas cette orientation en cause, bien au contraire. L’un des deux scénarios de M. Bur et celui de M. Ritter me semblent commencer à converger. La solution retenue devra éviter d’opposer une logique d’offre, fondée sur la qualité, la permanence des soins et l’aménagement du territoire, et une logique de régulation, fondée sur une maîtrise purement arithmétique des dépenses, car l’une sans l’autre serait inopérante. Dès lors que la solution retenue est relativement intégrative, sans coopération nationale entre l’assurance maladie et l’État, le système ne fonctionnera pas.

Des gains de productivité sont encore possibles et les ARS pourront aider à les concrétiser. La remarque de Frédéric Van Roeckeghem sur les écarts de coûts entre les établissements de santé mérite d’être méditée. La proximité permettra des gains de productivité et d’efficience. La Mission nationale d’expertise et d’audit hospitalier, la MEAH, a livré des solutions concrètes sur les bonnes pratiques, qu’il ne reste plus qu’à mettre en œuvre concrètement. Pour enraciner les gains de productivité dans la pratique, nous avons collectivement intérêt à ce que les ARS diffèrent des ARH.

Enfin, il faut prendre rapidement les dernières décisions d’organisation. Il est souhaitable qu’elles soient aussi simples que possible afin de ne pas ralentir la dynamique de la réforme et l’action pour la maîtrise des dépenses de santé.

M. Bertrand Fragonard : S’agissant du champ et de l’ambition de la réforme, la nécessité d’une approche plus territorialisée couvrant l’ensemble du champ de la prévention jusqu’aux soins et au médicosocial fait consensus. L’un des mérites de la territorialisation est, comme l’a souligné le président Pierre Méhaignerie, d’éclater les conflits, d’expérimenter des schémas qu’il est impossible de faire passer d’emblée au niveau national, les systèmes y étant plus rigides. Pour que la territorialisation fonctionne, les ARS, comme l’a indiqué M. Frédéric Van Roeckeghem, doivent disposer de marges juridiques et d’enveloppes financières fongibles, le directeur du budget l’a dit. Un problème devra être traité avec beaucoup de sagesse : il faudra que les ARS puissent avancer prudemment mais résolument en ajustant localement les dispositifs conventionnels nationaux, malgré la sensibilité des syndicats professionnels sur ce point qui risquent d’exiger un accord ou un avis préalable.

Il est indéniable que l’intégration de la gestion du risque dans les ARS pose problème. L’approche la plus pragmatique doit donc s’imposer : il suffit de lister les actions des uns et des autres, d’une part, pour mettre en évidence le fait que des fonctions importantes ne sont occupées par personne et, d’autre part, pour déterminer qui est le mieux placé pour agir. Pourquoi serait-il par exemple absolument nécessaire de réorganiser le contrôle des indemnités journalières, profondément imbriqué dans le travail des caisses primaires ? De même, il n’y a aucune raison de bouleverser les procédures concernant les prescriptions des médecins car les efforts de l’assurance maladie dans ce domaine sont d’ores et déjà corrects. Il est préférable de consolider les progrès déjà réalisés plutôt que de tout restructurer !

L’enjeu majeur, pour les ARS, consiste à faire évoluer les établissements de santé, notamment les hôpitaux publics. Contrairement à la position de M. Frédéric Van Roeckeghem, il est nécessaire que les ARS prennent en main la totalité des leviers de l’organisation de l’hôpital. La T2A est déjà un bon outil qui amènera les gestionnaires à bouger sur le long terme, mais il faudra aussi que les ARS disposent des moyens humains leur permettant de suivre attentivement les établissements publics hospitaliers, sur l’ensemble des champs de la restructuration de l’offre et de la régulation.

Le cœur des missions des ARS, auxquelles il est souhaitable que l’assurance maladie participe pleinement, est l’amélioration de la gestion de l’hôpital public. Il s’agit de dégager les compétences humaines pour suivre, connaître, comprendre, analyser. Si les travaux de la MEAH sont très intéressants, il faut passer à la vitesse supérieure. Actuellement, la connaissance progresse, mais encore faut-il l’exploiter, en déduire des conséquences opérationnelles et s’en inspirer pour nouer un rapport contractuel avec les établissements publics. L’assurance maladie possède des atouts considérables. Elle est plus riche que l’État. Elle dispose d’un potentiel de médecins conseils davantage associés à la compréhension de l’efficience du système. Il serait évidemment absurde de faire éclater cet ensemble car le potentiel humain de l’assurance maladie ne pourrait alors être valorisé. Il est aussi souhaitable que l’État investisse davantage sur les fonctions stratégiques au lieu de s’engager trop exclusivement dans la gestion, comme le fait actuellement la DHOS. Les pistes de la RGPP sur la réorganisation du pôle État, y compris les unités périphériques, sont à cet égard essentielles. Il faut absolument que les ARS puissent trouver auprès des administrations centrales des références en terme de « parangonnage » de l’économie de l’hôpital. C’est un travail de ressources humaines. Toute la difficulté consistera à choisir des gens décidés à dépasser les schémas théoriques et à se coller aux problèmes.

Mme Catherine Génisson : J’insiste sur la nécessité d’apporter des correctifs régionaux afin de préserver l’égalité entre territoires.

Un consensus existe pour confier aux ARS un périmètre couvrant l’hôpital, le secteur libéral et le médicosocial ; toutefois, deux interrogations demeurent en ce qui concerne, d’une part, l’intégration de la prévention, avec la médecine scolaire et la médecine du travail, et, d’autre part, la fonction de veille des agences sanitaires qui n’a pas été encore abordée.

Il n’a pas non plus été question de la démocratie sanitaire ni de l’importance des conseils généraux mais aussi des conseils régionaux que la loi autorise déjà à entrer dans les ARH comme l’a fait la région Nord-Pas-de-Calais.

Le sujet central est celui de l’articulation entre organisation et gestion, l’assurance maladie revendiquant légitimement une compétence sur des fonctions spécifiques, notamment la régulation. Entre les deux schémas caricaturaux – la fusion ou la séparation –, sans doute faut-il s’astreindre à définir une troisième voie.

Sur ce sujet, les propositions de M. Van Roeckeghem sont intéressantes, avec une contractualisation aux niveaux national et régional, en laissant une latitude aux ARS pour appliquer des dispositifs dérogatoires, comme l’a préconisé M. Fragonard. Ce qui est sûr, c’est que le niveau local est fondamental pour agir.

Contrairement à ce qu’a laissé entendre M. Fragonard, l’assurance maladie ne peut être exclue de ce monument que constitue l’hôpital public.

M. Bertrand Fragonard : L’assurance maladie sera incluse dans l’ARS.

M. Frédéric Van Roeckeghem : Les responsables de la régulation du système hospitalier n’ont pas à s’occuper, par exemple, de la gestion courante de l’hôpital comme les nominations ou les mesures de mobilité, c’est-à-dire de ce qui relève de l’hôpital en tant qu’employeur local. S’ils étaient intégrés dans la boucle de décision de la gestion courante, ils risqueraient d’être atteintes par le syndrome de Stockholm !

Mme Catherine Génisson : J’ajoute qu’il est fondamental de contractualiser en reconnaissant le professionnalisme et les compétences de chacun.

Enfin, si de grosses différences de coûts sont effectivement constatées entre l’hôpital public et privé, il y a lieu de travailleur sur la séparation, largement artificielle, entre la T2A et les MIGAC, les missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation.

M. Jean-Pierre Door : Je remercie nos invités pour leurs interventions remarquables.

Le rapport d’André Flajolet sur les inégalités dans l’accès aux soins montre bien les inégalités territoriales, y compris selon les pathologies et les secteurs. Tout le monde a bien compris le bien-fondé de la territorialisation et admis qu’il faut s’orienter vers les ARS. Le périmètre de compétences retenu fait également consensus. L’objectif est de décloisonner le système et d’améliorer la stratégie en région.

Pouvons-nous réfléchir au périmètre géographique que couvrira chaque ARS ? Certaines régions ne comptant que quelques centaines de milliers d’habitants, est-il pertinent de créer une ARS par région ? Par ailleurs, les schémas interrégionaux d’organisation sanitaire, les SIOS, organisent certaines compétences – la neurochirurgie, la pédiatrie, les greffes – par interrégions. De tels liens interrégionaux pourront-ils être institués entre ARS ?

Que deviendront les caisses de sécurité sociale départementales et régionales, dont le coût avait fait l’objet du rapport n° 2680 de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale, la MECSS, sur l’organisation et le coût de gestion des branches de la sécurité sociale ? Seront-elles rapprochées ? Cela correspondrait bien à l’esprit de la RGPP.

Le dossier médical informatique ne doit pas être négligé dans la réflexion stratégique sur les ARS. L’informatisation des données de santé créera en effet un lien entre tous les acteurs.

Enfin, je suis content que M. Libault ait évoqué la possibilité de décliner le conventionnel national au niveau territorial. Cela permettrait d’inciter à l’installation des professionnels de santé, d’améliorer l’attractivité des territoires. Mais comment décliner le cadre conventionnel national sans se mettre à dos tous les corporatismes, si ce n’est en prenant comme argument l’amélioration de la qualité du travail ?

M. Jean-Luc Préel : Je suis très satisfait car je défends depuis longtemps le principe d’une régionalisation au travers des ARS et d’une vraie décentralisation, ce qui n’est pas encore le cas. Les objectifs sont de mieux mettre l’offre en adéquation avec les besoins, de revenir sur la séparation absurde, d’une part, entre prévention et soin, d’autre part, entre ville et hôpital, d’accentuer la fongibilité des enveloppes financières et d’instituer un responsable unique de la santé au niveau régional. Bref, il s’agit de simplifier le dispositif pour le rendre plus efficient et améliorer le service rendu à la population.

Autant le périmètre doit être large et intégrer les volets sanitaire et médicosocial, autant j’ai un doute pour ce qui concerne le handicap, qui implique de nombreuses structures associatives. Les ARS risqueraient de se trouver étouffées.

En revanche, pour résoudre les problèmes de démographie régionale, il est impératif que la formation des professionnels de santé soit intégrée dans ce périmètre, alors que ce point n’a pour l’instant pas encore été évoqué.

Plusieurs problèmes demeurent aujourd’hui sans réponse claire.

L’idée d’une agence nationale de santé, qui serait la moins mauvaise solution pour assurer un bouclage national, est-elle totalement abandonnée, ou bien le Parlement aura-t-il la possibilité de voter des amendements allant dans ce sens ?

Puisque la question des personnes est cruciale, je suggérerais que M. Frédéric Van Roeckeghem soit nommé directeur de cette agence nationale !

Il est important que l’assurance maladie, devenue une sorte d’agence atypique à forte coloration étatique, avec notamment un directeur nommé par le gouvernement, ait à sa disposition tous les moyens concernant la gestion du risque et fondamental qu’elle dispose du contrôle médical de l’ambulatoire et des établissements de santé. Il est déterminant, s’agissant de l’informatisation, que les ARS disposent par ailleurs de la gestion des données informatiques.

Pour assurer une véritable fongibilité, l’ONDAM doit être régionalisé sur la base de critères objectifs (morbidité, mortalité, richesse des régions) et géré par chaque ARS.

S’agissant de la démocratie sanitaire, les conférences régionales de santé doivent être réformées et remplacées par la création de vrais conseils régionaux de santé.

Enfin, il faut supprimer les doublons au niveau des DDASS, DRASS et URCAM et les structures obsolètes comme les GRSP. Il faut faire confiance au nouveau secrétaire général du ministère de la santé pour trancher ce nœud gordien !

M. Alain Néri : Je m’associe à la remarque de M. le président sur les empilements administratifs. A cet égard, la simplification des structures n’apparaît pas vraiment au travers des schémas distribués par M. Yves Bur ! Il importe aujourd’hui de définir une fois pour toutes les compétences respectives de l’État, des conseils régionaux et des conseils généraux. La loi de décentralisation de 1982 prévoyait la fin des subventions croisées ; or il n’y en a jamais eu autant qu’aujourd’hui ! Les élus locaux sont réduits à l’état de démarcheurs de subventions. Il est à craindre que le projet d’ARS ne cantonne encore les conseils régionaux et généraux au rôle de « guichet », ce qui devient de plus en plus insupportable pour les finances de nos collectivités. Les départements ne courent pas après les compétences, d’autant qu’elles ne sont jamais accompagnées de financements ; néanmoins, puisqu’ils s’occupent du médicosocial, il pourrait être envisagé de leur confier le dossier du handicap, à condition de leur en donner des moyens. L’essentiel est de savoir qui fait quoi. C’est une préoccupation concrète d’élu local qui rejoint les attentes des concitoyens qui ne comprennent pas toujours les réformes. Or sans compréhension, il n’y a pas d’adhésion possible !

M. Christian Paul : Je vais enfoncer le clou. Cette réforme représente une grande affaire pour la France et ne doit être réduite à un meccano administratif. Il s’agit véritablement d’une refonte du système de santé, qui doit être menée de manière démocratique.

Deux questions se posent : quels sont les buts ? qui décide quoi ? Le type d’organisation ne sera pas identique selon que le but sera exclusivement de maîtriser au mieux les dépenses de santé, de gérer le risque, ou bien aussi de garantir l’accès aux soins pour tous les Français sur l’ensemble du territoire national, dans tous les compartiments, depuis les soins hospitaliers très sophistiqués jusqu’à la médecine scolaire ou la médecine du travail, en passant bien sûr par la permanence des soins. En d’autres termes, il a beaucoup été question des relations entre l’État et l’assurance maladie mais pratiquement pas des autres partenaires des ARS : les collectivités locales, les conseils généraux, les régions et les différents services de l’État. Quels seront les partenaires des ARS, les mécanismes et les méthodes de travail ? Qui sera responsable des urgences ? Les préfets ou les ARS ? Les schémas régionaux d’organisation sanitaire, les SROS, seront-ils maintenus ? Des contrats seront-ils signés et avec qui ?

Les ARH – certaines ont été excellentes, d’autres très mauvaises – doivent servir d’expérience. Faire reposer tous les pouvoirs entre les mains de préfets sanitaires, à propos desquels toutes les garanties de recrutement ne seraient pas données et qui n’auraient pas de système de partenariat construit sur lequel s’appuyer, risquerait d’apporter de mauvaises solutions à l’impuissance publique.

Vous réfléchissez à la déconcentration mais la décentralisation semble sujet tabou. Si cela se confirme, nous rétablirons la bonne direction, sans doute avec le soutien d’un certain nombre de collègues de la majorité. Attention aux centralisations excessives. Ne substituons pas le jacobinisme régional au jacobinisme national, ne ratons pas cet exercice de réforme publique !

M. le président Pierre Méhaignerie : L’État, et pas seulement en France, gère de loin et mal, il est faible et parfois autoritaire. Les partenaires de l’assurance maladie doivent donc avoir un rôle majeur. Même si deux ou trois élus pourront représenter le médicosocial dans les conseils travaillant autour des ARS, le rôle le plus important doit échoir aux partenaires de l’assurance maladie, d’abord parce que leurs cotisations sont concernées.

Par ailleurs, un consensus politique avait été dégagé dans le passé pour expérimenter une enveloppe régionale, suivant les principes de liberté, de fongibilité et de capacité d’action. Pourquoi un objectif régional de dépenses d’assurance maladie (ORDAM) et une enveloppe globale n’ont dès lors pas encore été expérimentés au moins dans deux ou trois régions ?

M. Frédéric Van Roeckeghem : Depuis 2004, nous avons réduit les effectifs des caisses primaires de 9 %, trente organismes dépendent d’une direction commune et quatre couples de caisses primaires ont décidé de fusionner au 1er janvier 2010 : Brest et Quimper ; Rouen et Elbeuf ; Annonay et Privas ; Laon et Saint-Quentin. L’engagement pris en 2004 d’économiser 200 millions d’euros a été dépassé compte tenu de l’accélération des départs.

Le bouclage national est effectivement un sujet majeur qui relève d’un arbitrage du Gouvernement et du Parlement. À titre personnel, je me suis prononcé il y a bien longtemps. Un bouclage national fort résoudrait vraisemblablement une partie des problèmes : mise à disposition des données, cohérence entre les conventions nationales et régionales, accroissement de la déconcentration, avec pour contrepartie immédiate une décentralisation forte.

M. le président Pierre Méhaignerie : Déconcentration ou décentralisation ?

M. Frédéric Van Roeckeghem : C’est un sujet politique sur lequel il ne m’appartient pas d’émettre un avis. Aligner les responsabilités financières et politiques constitue un enjeu majeur. Il faut éviter que les décideurs échappent aux conséquences financières de leurs choix.

La question des enveloppes relève du domaine législatif. Si l’enveloppe n’est pas respectée, quelle est la sanction ? Il m’est arrivé de recevoir dans mon bureau le préfet, le directeur de caisse primaire et le représentant du syndicat de médecins dominant, qui réclamaient sans faillir l’augmentation à 450 euros de la rémunération du médecin pour la permanence des soins ! La décentralisation résout le problème car l’échelon responsable lève l’impôt pour financer les prestations. Si le système n’est pas décentralisé, il faut éviter que de telles situations se reproduisent.

L’ARS doit être pensée dans une gouvernance globale qui part de la loi de financement, clé de voûte du dispositif dans un régime déconcentré.

M. Philippe Josse : Quand j’ai parlé d’enveloppes fongibles et libres d’emploi, je visais toutes les dotations spécifiques et non l’ensemble de la dépense car cela nous conduirait à créer des objectifs régionaux de dépenses d’assurance maladie, des ORDAM. L’idée est très séduisante au premier abord mais cela serait difficile car les instruments de la régulation financière sont nationaux pour des motifs techniques (fixation des tarifs hospitaliers dans le cadre de la T2A) ou quasi constitutionnels (fixation des tarifs de la médecine de ville).

M. le président Pierre Méhaignerie : Le principe d’expérimentation étant désormais intégré dans la Constitution, il est désormais possible d’engager des expérimentations locales, y compris avec éventuellement des niveaux de remboursement différents.

M. Jean-Luc Préel : Aujourd’hui, il existe une enveloppe nationale pour la ville, une pour l’hôpital, une pour le médicosocial. L’ordonnance prescrite à la sortie de l’hôpital doit-elle être imputée sur la médecine de ville ou sur les dépenses d’hôpital. Comment monter un réseau si tout le monde ne travaille pas ensemble ? C’est pourquoi je préconise depuis longtemps un ONDAM régionalisé. Chaque région aurait son enveloppe à gérer, calculée sur la base de critères objectifs comme la morbidité, la mortalité et le niveau de richesses.

M. Philippe Josse : Cela irait pour des financements spécifiques mais pas pour la totalité du système.

M. Dominique Libault : La fongibilité ne fonctionne qu’avec des enveloppes limitatives. Or les assurés sociaux disposent d’un droit de tirage sur la médecine de ville dans le système actuel.

M. Yves Bur : Il faudra un jour effectuer un benchmarking pour mettre en évidence les différences entre régions même si le problème ne doit pas seulement être analysé d’un point de vue financier. Dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), un assuré coûte ainsi 130 % de plus qu’un assuré national !

M. le président Pierre Méhaignerie : Et tenir compte de l’expérience de nos voisins européens.

M. Simon Renucci : Je plaide pour l’égalité de traitement entre les territoires, contrairement à ce qui se passe en Italie, ou le Nord refuse de payer pour le Sud.

M. le président Pierre Méhaignerie : Mais certaines régions pourraient prendre davantage de responsabilités dans la maîtrise des dépenses.

M. Simon Renucci : La responsabilisation passe par la formation et l’information des citoyens, à commencer par les médecins. Une fois sortis de l’université, il est intolérable que les médecins n’assument plus les gardes à partir d’une certaine heure.

La maîtrise médicalisée tend à se transformer de manière intolérable en maîtrise financière et les personnes les plus pénalisées sont celles qui ont le plus de moyens. Nous allons vers un système à trois vitesses : ceux qui ont les moyens, ceux qui ne les ont pas et ceux qui ne les auront jamais.

L’égalité d’accès ; la responsabilisation de tous les acteurs ; l’évaluation des besoins, de la réponse aux besoins et de la santé publique sont des sujets cruciaux. L’unification de la prévention est également essentielle. Sur des maladies lourdes comme le diabète ou l’hypertension, qui coûtent très cher, une véritable révolution est nécessaire.

Je m’incline devant le travail réalisé par la mission d’information, qui trace des perspectives fantastiques pour gagner la bataille de la lisibilité, de l’efficacité et du devenir de la santé.

M. Philippe Ritter : Mon rapport s’inscrivait dans une perspective de large déconcentration plutôt que de décentralisation, et ce choix est réfléchi. En effet, à l’assemblée des départements de France comme à l’Association des régions de France, personne n’est vraiment demandeur d’une décentralisation de la santé. Cela dit, nous sommes conscients que les ARH se sont avérées trop technocratiques et qu’elles n’ont pas fait suffisamment participer les élus. Nous proposons donc bien d’introduire une démocratie sanitaire : l’articulation avec les conseils régionaux et surtout les conseils généraux sera l’un des piliers de la structuration et de la réussite des ARS. Il faudra également associer davantage les partenaires sociaux et les usagers.

En matière de simplification, nous proposons non pas d’ajouter un élément supplémentaire au millefeuille institutionnel mais de regrouper au sein de l’ARS des structures comme les ARH, les URCAM, les MRS et les GRSP. Quant aux services déconcentrés de l’État – les DDASS et les DRASS – la RGPP conduira à leur restructuration en profondeur. L’assurance maladie fera aussi évoluer sa structuration territoriale. Les responsabilités territoriales seront donc simplifiées et mieux identifiées.

S’agissant des compétences, nous proposons le regroupement de la demi-douzaine de documents de planification sanitaire actuellement juxtaposés. Une contractualisation nationale et régionale est essentielle pour l’efficience du système sanitaire comme pour la maîtrise des dépenses.

Sur des sujets comme la santé au travail, la santé scolaire, la veille et la sécurité sanitaires, les arbitrages n’ont pas encore été rendus. Il convient maintenant de négocier avec les partenaires. Il faut veiller à ne pas emboliser les ARS en accumulant leurs charges de gestion mais leur permettre au contraire d’assurer une cohérence régionale.

Les ARS ne résoudront pas tous les problèmes par miracle ; elles s’inscrivent dans un cadre plus général, incluant la restructuration hospitalière étudiée dans le rapport de la commission de concertation sur les missions de l’hôpital, présidée par M. Gérard Larcher. Sans restructuration en profondeur de la gouvernance hospitalière, les ARS ne pourront guère obtenir de résultats. Il en va de même pour le secteur de médecine de ville. Un ensemble cohérent sera soumis au Parlement, en tenant compte du rapport Larcher, des conclusions des états généraux de l’organisation de la santé – les EGOS – et du rapport d’André Flajolet sur les inégalités d’accès aux soins.

M. le président Pierre Méhaignerie : Il faut aller assez vite pour donner une cohérence au prochain PLFSS, qui sera une opération lourde et politiquement délicate.

M. Yves Bur : Après cette audition passionnante, nous y voyons plus clair. Nous mesurons mieux le chemin qui reste à parcourir pour aborder la phase de réalisation.

Pour optimiser la prise en charge du patient, il est indispensable d’améliorer le pilotage et l’organisation sanitaires. Tout le monde s’accorde sur un périmètre large mais une certaine souplesse est aussi nécessaire. Les ARS seront dotées d’une charpente législative inspirée des EGOS, du rapport Larcher et du rapport Flajolet, mais aussi de l’analyse de l’évolution des coûts.

La question du management, comme celle de l’inflation, est centrale ; des ARS aveugles n’amélioreraient nullement le pilotage. Il importe d’introduire dans le système une véritable culture de la responsabilité. Le rapport de l’IGAS sur les CREF et les réponses de la direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins, la DHOS, sont caricaturaux ; il reste à long chemin à parcourir, et nous y veillerons. Le secteur hospitalier est en déficit de 800 millions et la réorganisation, que les responsables de la Fédération des Hôpitaux de France (FHF) eux-mêmes appellent de leurs voeux concerne 20 000 personnes sur 800 000. N’importe quelle entreprise serait capable de s’atteler avec succès à une telle tâche. Seule manque la volonté politique de lâcher un peu la bride, de responsabiliser les acteurs à travers des feuilles de route claires et éventuellement de sanctionner en allant jusqu’au licenciement. Si nous conservons la culture actuelle, il est clair qu’il ne sera pas possible d’avancer !

La démocratie sanitaire est tout autant fondamentale. Il existe une triple légitimité : celle des élus, celle des organisations syndicales et celle des associations de patients. L’enjeu consiste à les combiner efficacement au niveau local. La tarification du médicosocial, par exemple, pourrait être déléguée aux conseils généraux, qui deviendraient les interlocuteurs uniques pour l’hébergement et le sanitaire.

Le schéma que je propose est certes complexe mais pas autant que le schéma actuel ! Des convergences se sont dégagées ce matin ; nous avons un peu progressé. Certaines structures parallèles perdureront, c’est évident. Il s’agit de faire collaborer les acteurs avec réalisme et efficacité.

M. le président Pierre Méhaignerie : Je vous remercie.