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Commission des affaires culturelles, familiales et sociales

Mercredi 25 juin 2008

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 52

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

– Présentation par Mme Rolande Ruellan, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, de la communication de la Cour sur l’intégration dans un barème des taux de cotisations patronales et des exonérations sur les bas salaires et sur les heures supplémentaires et examen du rapport d’information (M. Pierre Méhaignerie, rapporteur)

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu Mme Rolande Ruellan, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, sur la communication de la Cour sur l’intégration dans un barème de taux des cotisations patronales et des exonérations sur les bas salaires et sur les heures supplémentaires et a examiné le rapport d’information présenté par M. Pierre Méhaignerie.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales : Je remercie Mme Rolande Ruellan, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, d’avoir bien voulu répondre à notre invitation pour présenter l’enquête réalisée par la Cour sur l’intégration dans un barème des taux de cotisations patronales et des exonérations sur les bas salaires et sur les heures supplémentaires. Si la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a saisi la Cour de ce sujet, c’est que les allègements de charges représentent près de 33 milliards d’euros : 23 milliards sur les charges sociales patronales générales et spécifiques ; 4 milliards au titre de la prime pour l’emploi, qui équivaut à une exonération de charges sociales salariales ; 6 milliards d’allègement de charges pour les services à la personne, sous la forme de crédits d’impôt, de déductions fiscales ou d’allègements de cotisations. Pour aborder les problèmes du financement des régimes sociaux, de l’amélioration du pouvoir d’achat issu du salaire direct et de la réduction de l’endettement de l’État, il existe peut-être des marges de redéploiement de ces 33 milliards dans un objectif de lisibilité, d’efficacité et d’équité.

La question est également de savoir comment assurer une lisibilité aux entreprises en les préservant des changements incessants dans les allègements. C’est dans cette optique que nous avons parlé d’« échange » : réduction des allègements contre barémisation, c'est-à-dire sécurité pour le moyen et le long terme.

Mme Rolande Ruellan, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes : En septembre 2007, la commission des affaires culturelles a demandé à la Cour une étude sur la mise en place d'un nouveau barème progressif de cotisations patronales qui intégrerait les cotisations, les allégements ou exonérations de cotisations sur les bas salaires et la nouvelle réduction sur les heures supplémentaires. Nous avons dû préciser avec la commission le périmètre de cette étude car nous pensions que la prime pour l’emploi, qui est plutôt du domaine de l’impôt, ne pouvait pas s’intégrer dans ce schéma.

Les cotisations patronales au régime général représentent en 2008 environ 133 milliards d’euros et les allègements avoisinent les 25 milliards.

La Cour a eu évidemment conscience de la spécificité de votre requête, qui ne consiste pas en l'évaluation d'une politique ou d'une action en cours comme c’est ordinairement le cas : il s'agit plus ici d'une étude de faisabilité. Dès lors, la Cour a pris le parti de présenter les conditions et les effets d'une telle barémisation, en se gardant de discuter les motivations formulées par la commission dans sa lettre de demande. C’est à la commission qu’il appartiendra de conclure.

Le premier travail a consisté à identifier les principales questions qui pouvaient se poser.

La première question a trait à la définition des dispositifs qui sont liés à l'existence d'une cotisation et d'une exonération : droits des affiliés, champ du barème, modalités de prise en compte des exonérations des heures supplémentaires, possibilité de mettre en œuvre des conditionnalités, définition des exonérations ciblées. La deuxième question concerne le recouvrement et le contrôle. La troisième est relative aux conséquences de la barémisation sur le financement de la sécurité sociale.

Nous nous sommes ensuite efforcés d'apprécier les avantages et les inconvénients de la barémisation et de cerner les problèmes à trancher. La commission a certainement connaissance, par ailleurs, du rapport que l’inspection générale des finances et l’inspection générale des affaires sociales ont remis en 2006 et qui exprimait clairement une position, conformément à ce qui était demandé.

Il faut d'abord préciser que la barémisation ne concernerait que les cotisations au régime général et n’inclurait pas les autres cotisations patronales : régime complémentaire, chômage, etc. Or, même avec un taux de 0 % pour le régime général au niveau du SMIC, les cotisations patronales s’échelonnent, en fonction de la taille de l’entreprise, de 13,71 % à 17,76 %.

Deux solutions sont techniquement possibles : la mise en place d'un barème continu calculé selon une formule mathématique guère différente de celle qui permet de calculer les exonérations actuelles, ou un barème par tranches, « en marches d’escalier », qui a l’avantage d’afficher directement un taux pour chaque tranche de salaire mais présente l’inconvénient de provoquer des effets de seuil d’autant plus importants que les marches sont plus hautes.

Nous ne nous sommes pas appesantis sur cette question car d’autres sujets nous ont semblés plus importants.

Premièrement, les taux de cotisation ne sont pas tous proportionnels au revenu dans le système actuel. Dans la branche vieillesse, la cotisation est pour l’essentiel plafonnée, avec une petite portion – 1,6 point – déplafonnée. Au-dessus du plafond, l’Association des régimes de retraite complémentaire (ARRCO) prend le relais. De ce fait, un barème ne peut être complètement progressif pour le régime général. Il serait d'abord progressif, puis proportionnel, et enfin, au-delà du plafond, légèrement dégressif.

Deuxièmement, les exonérations ne sont pas identiques pour toutes les entreprises depuis qu'une distinction a été introduite entre moins de vingt salariés et vingt et plus. Unifier les deux systèmes aurait un coût soit pour les entreprises, soit pour l’État, selon le sens dans lequel se ferait l’unification.

Troisièmement, il faudrait traiter séparément chaque branche puisque les taux de cotisation sont établis branche par branche : cela reviendrait à établir deux barèmes par branche pour traiter les entreprises de moins de vingt salariés et celles de vingt et plus et, dans le cas de la retraite, quatre barèmes du fait de l’existence d’une cotisation plafonnée et d’une cotisation déplafonnée. Au total, à situation inchangée, il faudrait définir huit barèmes.

La question de l’exonération des heures supplémentaires ajoute un élément de complexité puisque cette exonération ne porte pas sur un niveau de salaire mais sur une durée de travail. Deux solutions sont envisageables : soit maintenir le système actuel d'une réduction forfaitaire qui s'imputerait sur les cotisations dues au titre du barème, soit exclure les heures supplémentaires de l'assiette soumise au barème. Dans ce dernier cas, il faudrait éviter que cela pénalise les affiliés : en effet, les exonérations existantes ne font pas perdre de droits aux affiliés parce qu’elles portent sur les cotisations patronales. La durée du travail servant de base à l’octroi de prestations se calcule à partir du montant des cotisations payées par le salarié. En d’autres termes, les exonérations de cotisations patronales n’ont pas d’incidence sur les droits. Or, dans la mesure où le régime des heures supplémentaires comporte également une exonération portant sur la cotisation salariale – ce qui constitue une nouveauté –, il faut veiller à ce cela reste sans conséquences pour le salarié.

De plus, l'adoption d'un barème comporte un certain nombre de risques. La Cour n’affirme pas qu’ils sont insurmontables mais il convient d’en mesurer le poids.

Il existe tout d’abord un risque juridique d'extension. Jusqu’à présent, les exonérations de cotisations ont eu pour finalité d’encourager l’emploi des personnes peu qualifiées et ont été limitées aux seuls salariés du secteur privé. Dès lors que l’on établit un barème, il n’existe plus de lien avec une politique d’emploi. La Cour consacre un long développement à ce problème et se réfère en particulier à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Il n’est pas du tout évident de démontrer que l’on peut, au sein d’un même régime, instituer un barème pour le secteur privé et conserver les cotisations dans leur forme actuelle pour les employeurs publics, les employeurs particuliers, etc. En outre, certains régimes de non-salariés sont alignés sur le régime général, avec un système de cotisations et de prestations identiques. Pourrions-nous « désaligner » ces régimes qui sont alignés depuis plus de trente ans ? Si l’on étend la barémisation à tous, on voit immédiatement le coût de la compensation par des impôts affectés que cela représenterait, et ce pour un objectif inexistant.

Il existe ensuite un risque de contrôle. Les cotisations sociales dans le régime général fonctionnent selon un mode déclaratif : l’employeur déclare les salaires et calcule lui-même les cotisations. Les URSSAF assurent un premier contrôle de cohérence globale en appliquant les taux de cotisation à la masse salariale déclarée et en comparant ce chiffre au montant payé par l'employeur. En revanche, le montant des exonérations, lui aussi calculé et déclaré par l'employeur, ne peut être véritablement contrôlé qu’en se rendant sur place. Le barème ferait disparaître toute possibilité de contrôle, y compris le contrôle de cohérence globale, puisque les taux varieraient en fonction du montant du salaire. Les déclarations actuelles se font en effet sur des ensembles globaux et il n’existe pas de déclaration nominative. Les URSSAF seraient donc passablement démunies, à moins que l’on ne modifie les bordereaux récapitulatifs des cotisations, ce qui suppose de changer les logiciels de paye.

Il faut rappeler à cet égard que la mise en application très rapide de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat – loi TEPA – n’a pas laissé le temps aux URSSAF et aux employeurs de s’adapter. Ni les imprimés administratifs ni les logiciels de paye n’étaient prêts.

La déclaration nominative fait partie des projets du groupement d'intérêt public « Modernisation des déclarations sociales ». Mais on ne peut espérer arriver à une solution opérationnelle avant 2011.

Il faut également aborder la question des conditionnalités. Tout récemment encore, le Premier ministre a envisagé de réduire de 10 % les exonérations de cotisations des entreprises qui n’ouvriraient pas de négociations salariales. Or un barème ne permet pas de poser des conditions. Comme on ne peut supprimer l’avantage consenti si la condition n’est pas remplie, il faut créer une sanction, par exemple sous la forme d’une majoration de cotisations.

Enfin, la barémisation présente un risque financier qui a donné lieu à des positions discordantes entre la direction du budget et la direction de la sécurité sociale. La première s’est déclarée satisfaite que la compensation par un panier d’impôts et taxes affectés vaille pour solde de tout compte ; la seconde s’est inquiétée du risque que la barémisation ferait peser sur l’identification du manque à gagner pour la sécurité sociale chaque année, et donc sur la compensation de la perte de cotisations dans ce contexte nouveau. Nous reproduisons ces points de vue dans notre document. La direction du budget a réalisé, à notre demande, une petite étude destinée à établir rétrospectivement ce qui se serait produit si l’on avait adopté ce mode de compensation dans les années passées. Il apparaît que l’évolution de la masse salariale et celle du panier fiscal auraient été globalement comparables. En revanche, le niveau des exonérations a évolué, ce qui s’est traduit par une perte supplémentaire de cotisations et a nécessité des recettes supplémentaires issues des impôts affectés.

Une barémisation suppose donc que l’on s’engage à ajuster le panier fiscal à toute modification du barème pour éviter les pertes de cotisations. La référence au SMIC – en fixant par exemple la sortie du barème à 1,6 SMIC – pose un autre problème : on sait en effet que la forte augmentation du SMIC ces dernières années a renchéri le coût des exonérations compensées.

La mise en place d'un barème soulève de nombreuses questions. Elle ne se heurte à aucune impossibilité absolue et l’on a déjà réalisé des choses plus compliquées. La question qu'il n'appartenait pas à la Cour de trancher – c’est au Parlement qu’il revient de le faire – est la suivante : le bénéficie attendu d'une barémisation est-il suffisant pour justifier une réforme aussi perturbatrice ?

Certes, la mise en place d'un barème constituerait une bonne occasion de simplifier de nombreux dispositifs existant : réunification du régime des exonérations quelle que soit la taille des entreprises, réduction du nombre d'exonérations ciblées, simplification du système d’exonération des heures supplémentaires, redéfinition du bordereau récapitulatif des cotisations, réduction du nombre d'impôts et taxes affectés… Cependant, même sans barémisation, toutes ces mesures de simplification restent très souhaitables.

La réforme que vous nous avez demandé d'étudier n'est pas une simple réforme technique. C'est un changement de norme très important qu’il faut considérer comme tel, avec toutes les conséquences que cela implique.

Je suis à votre disposition, ainsi que les auteurs de ce travail, M. André Gauron, président de section, et Mme Barbara Falk, auditrice, pour répondre à vos questions.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission : Je vous remercie de nous avoir ainsi éclairés, madame la présidente. La lisibilité que nous recherchons ne passe sans doute pas par la barémisation. Pourtant, vous l’avez dit vous-même, l’effort à réaliser est considérable. Une entreprise artisanale ou une PME qui paie des salaires proches du SMIC n’a en général aucune idée du taux de ses cotisations. Bien sûr, on nous affirme toujours que les charges sociales sont très lourdes, trop lourdes. Mais elles sont en réalité légères pour certaines entreprises et certains salaires – aux alentours de 15 %, avez-vous dit –, y compris par comparaison avec l’Europe, où la cotisation sociale patronale moyenne est de 32 %.

La Cour conclut à la nécessité d’établir huit barèmes. Elle soulève la question des heures supplémentaires. L’amélioration qu’apporterait la barémisation serait dont très relative. Le traumatisme pourrait même être considérable. Il nous faudra donc rechercher d’autres voies. En tout cas, celle-ci méritait d’être étudiée.

M. Yves Bur : La commission des affaires culturelles vient d’examiner le rapport de la mission d’information, commune avec la commission des finances, sur les exonérations de cotisations sociales. Ce rapport est une sorte de boîte à outils que nous mettons à la disposition du gouvernement. Le président Pierre Méhaignerie a eu raison de demander à la Cour des comptes de réaliser dans le même temps cette analyse qui nous permet d’y voir clair sur l’option, souvent évoquée et jamais approfondie, de la barémisation. Ce travail de grande qualité montre bien qu’il existe quelques avantages en termes de lisibilité et de pédagogie, alors que, comme l’a remarqué le président Pierre Méhaignerie, la plupart des chefs de petites entreprises ignorent l’effort considérable consenti pour alléger leurs charges.

Vous avez également considéré, madame la présidente, que la barémisation pourrait aboutir à la sacralisation des taux. À mon sens, ce n’est pas une garantie : il n’est pas du tout exclu qu’un gouvernement futur soit tenté à nouveau de jouer avec la mécanique des taux.

En outre, la barémisation ne s’étend pas à tous les dispositifs d’exonération. Ce n’est pas ainsi, par exemple, que l’on revisitera – comme c’est nécessaire – les exonérations ciblées.

Au-delà de la simple barémisation se pose le problème de la légitimité de telle ou telle contribution sociale. Nous avons par exemple débattu des différentes formes de valeur ajoutée. Autre question : quels sont les domaines qui relèvent de la responsabilité de l’entreprise et quels sont ceux qui n’en relèvent pas ? La santé, par exemple relève plutôt de la solidarité nationale, de même que la famille. On le voit, le débat sur la barémisation devrait s’inscrire dans la perspective globale d’une refonte du système.

Enfin, certains partenaires sociaux sont opposés à l’intégration des cotisations patronales et des exonérations dans un barème. Les représentants des cadres, notamment, estiment que l’on graverait ainsi dans le marbre la progressivité de la contribution, en particulier en matière de santé, et que cette progressivité pourrait se doubler d’une progressivité dans la contribution au paiement des soins via la mise en place du « bouclier sanitaire ».

Pour toutes ces raisons, la prudence est de mise. Ce chantier ne peut s’inscrire que dans un chantier global. Y sommes-nous prêts ? J’en doute fort. Le rapport d’information que nous avons adopté préconise de ne plus ouvrir de nouvelles niches sociales et de nouveaux dispositifs d’exonération mais, très rapidement, la cohérence de nos choix politiques sera mise à rude épreuve, ici même !

M. Jean-Luc Préel : S’agissant des exonérations compensées et des exonérations non compensées, un récent rapport de la Cour des comptes retrace le circuit un peu particulier qu’il a fallu suivre pour s’acquitter d’une dette de 5,2 milliards d’euros qui s’est d’ailleurs reconstituée en partie cette année. Comment envisager un financement plus logique des exonérations non compensées ?

Je m’interroge également sur la distinction entre cotisations salariales et patronales. Ne s’agit-il pas, tout simplement, de cotisations globales sur les salaires ?

Depuis longtemps, je soutiens que le financement de la retraite, ainsi que celui des accidents du travail et maladies professionnelles, relève des cotisations salariales et patronales mais qu’il est injustifié que celles-ci servent à financer la famille et la santé.

Pourquoi s’en tenir à l’idée d’une progressivité des cotisations ? Pourquoi ne pas instituer un taux unique sur la masse salariale ? Au moins, tout serait plus simple !

Pour faire baisser le coût du travail en France, on pourrait remplacer une partie des taxes sur les salaires par une taxe sur la consommation. Quelles seraient les conditions d’une évolution d’un taux vers l’autre ?

M. Maxime Gremetz : Outre cette étude sur l’éventualité de la mise en place d’un barème, c’est la Cour des comptes qui a fourni l’analyse la plus sérieuse concernant les aides et les exonérations. Dans ses deux rapports, elle a établi que l’argent public donné par ce biais ne contribue guère à la création d’emplois ; en revanche, les effets d’aubaine se multiplient pour ceux qui n’en ont pas besoin.

Pourquoi accorder des exonérations de cotisations ? À la création de la sécurité sociale, le financement de la solidarité reposait sur les richesses créées et se répartissait à taux égal entre cotisations patronales et cotisations salariales. Qu’en est-il actuellement ? Le taux des cotisations patronales a baissé. La justice voudrait que ces cotisations soient fonction, non de la masse salariale – ce qui est très injuste puisque ceux qui embauchent paient plus que ceux qui licencient ou délocalisent –, mais de la création d’emplois, de l’innovation, de l’investissement dans la formation des hommes.

En outre, qui dit exonération dit compensation. Nous devrions au contraire adopter une modulation des cotisations qui tiendrait compte des besoins exceptionnels des entreprises pour investir. La Cour a consacré un rapport aux aides des collectivités locales, qui se cumulent avec les exonérations, et a constaté que leur effet était minime. De toute façon, on ne peut réserver le même traitement aux grands groupes et aux petites et moyennes entreprises, dont il faut encourager le développement.

L’étude présentée aujourd'hui par la Cour est intéressante mais il serait utile d’aboutir à une véritable simplification permettant une lisibilité des retombées en termes d’emplois et de coûts.

Mme Rolande Ruellan : Ce sont les textes qui déterminent si les exonérations sont compensées ou non. Il arrive qu’il manque un peu d’argent pour les exonérations compensées. Sur les 5,2 milliards d’euros que vous évoquez, monsieur Préel, une partie concerne des insuffisances de compensation sur le budget de l’État. En effet, les exonérations ciblées sont compensées, lorsque cela est prévu, par des dotations budgétaires votées en loi de finances. C’est l’insuffisance de ces dotations, combinée à une insuffisance des crédits nécessaires au remboursement de prestations sociales telles que l’allocation de parent isolé ou l’allocation aux adultes handicapés, qui explique qu’une dette se soit constituée en 2007 et se reconstitue actuellement.

Il existe aussi d’autres exonérations que la loi n’a pas prévu de compenser. Elles ont souvent été mises en place avant 1994.

La question de M. Préel sur la distinction entre cotisations patronales et cotisations salariales est fort intéressante. Il est tentant de se dire que ce partage ne sert plus qu’à justifier le paritarisme et que, soixante ans après, il serait temps de revisiter ce monument français en considérant qu’il y a là un unique prélèvement sur salaire. Si, politiquement, on avait été en mesure de réaliser la fusion des cotisations, on aurait depuis longtemps substitué la contribution sociale généralisée à la cotisation dans les branches où celle-ci est la moins justifiée, à savoir les branches maladie et famille. Tant que l’on a pu remplacer des cotisations salariales par de la CSG, on l’a fait. On n’a tenté cette substitution qu’une seule fois pour les cotisations patronales, en 1991, et cela s’est révélé extrêmement compliqué : dans la mesure où la CSG met à contribution les ménages, il a fallu rendre aux salariés l’avantage consenti aux entreprises. Voilà pourquoi il existe 1,6 point de cotisation déplafonnée – initialement destinée à la branche famille – pour la branche retraite.

De plus, si l’on unifiait cotisations patronales et salariales, il faudrait réintroduire les cotisations patronales dans les prélèvements directs sur le salaire. Cela a toujours été considéré comme compliqué et incontrôlable – comment être certain que la cotisation patronale se retrouvera bien dans le salaire direct ? – et cela remet en cause le paritarisme. Dans l’idéal, la CSG financerait les branches famille et maladie, les cotisations financeraient les accidents du travail et la retraite.

M. André Gauron, président de section à la Cour des comptes : Même en cas d’accord entre les organisations patronales et syndicales, le système français ne contraindrait pas les entreprises à le respecter. Devant cette incertitude, personne ne veut prendre de risques

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission : Nous faisons donc notre deuil de la barémisation, tout en espérant que l’on s’attaquera aux énormes usines à gaz qui prospèrent dans notre système.

L’annexe 5 du document de la Cour comprend un tableau qui mériterait d’être mis en valeur auprès de nos compatriotes. Il fait apparaître en effet, à l’instar de l’étude du Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERC), que la France est au quatrième ou cinquième rang de l’Europe des quinze pour ce qui concerne le coût horaire du travail, mais que le poids des prestations sociales la fait reculer au dixième ou onzième rang pour ce qui est du salaire net reçu. Pour échapper aux cotisations, les entreprises et les collectivités ont de plus en plus tendance à recourir à l’intéressement et à la participation, à la distribution de CESU ou de tickets restaurant, etc., si bien que la différence s’accroît entre le salaire direct apparaissant à la dernière ligne de la feuille de paye et le salaire total comprenant ces prestations. Cela crée un sentiment de faible salaire que les chiffres ne confirment pas. Nous devrons faire œuvre de pédagogie à ce propos.

Quoi qu’il en soit, je remercie la Cour des comptes pour ce travail.

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La commission a autorisé, en application de l'article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d'information en vue de sa publication.