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Commission de la défense nationale et des forces armées

Mercredi 4 juillet 2007

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 2

Présidence de M. Guy Teissier, président

– Audition de M. Hervé Morin, ministre de la défense

– Informations relatives à la commission

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu M. Hervé Morin, ministre de la défense.

M. le président Guy Teissier, au nom de la commission de la défense nationale et des forces armées, a accueilli M. Hervé Morin, ministre de la défense, en rappelant que celui-ci faisait encore partie de la commission quelques semaines auparavant.

Il a ensuite évoqué les grands chantiers appelés à occuper la commission durant la législature : la préparation de la loi de programmation militaire (LPM), l’état des engagements financiers du ministère de la défense, la situation des troupes en opérations extérieures (OPEX), la préparation du projet de loi de finances, le projet de loi portant création d’une délégation parlementaire pour le renseignement, sans oublier les perspectives d’amélioration des pouvoirs de contrôle du Parlement dans le domaine de la défense. La commission de la défense créera des groupes de travail internes afin de réfléchir en amont à ces sujets.

Le président a souhaité savoir si les modalités de ces réformes étaient déjà envisagées et s’est félicité que le ministère ne voit pas d’objection au maintien de la mission d’information sur le contrôle de l’exécution des crédits de la défense.

M. Hervé Morin s’est dit honoré et ému d’être auditionné en qualité de ministre, après avoir occupé par le passé les fonctions d’administrateur de l’Assemblée nationale auprès de la commission de la défense puis de collaborateur de M. François Léotard au ministère de la défense. Il a rendu hommage au président de la commission pour le travail accompli durant la législature précédente, notamment la création d’un rendez-vous sur l’exécution de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), le lancement des universités d’été de la défense et la rédaction de plusieurs rapports qui ont fait date.

Il s’est déclaré partisan de relations extrêmement étroites avec la commission. Celle-ci doit pouvoir exercer un contrôle des deniers publics et s’affirmer comme lieu de proposition, de créativité, d’inventivité, afin de participer activement aux réformes dont la défense a besoin et aux immenses chantiers en cours.

Le ministre a précisé que son propos s’articulerait en trois points : la description de la situation actuelle, les perspectives et chantiers à venir et enfin la participation du ministère de la défense aux grandes actions du gouvernement.

Premier élément de l’état des lieux : le contexte stratégique et les grands enjeux.

Le contexte géostratégique est instable. De nouveaux acteurs dangereux émergent, qui ignorent les frontières nationales, comme les organisations terroristes et les mafias, qui peuvent d’ailleurs s’appuyer sur l’aide de certains États. La Russie, la Chine et l’Inde deviennent ou redeviennent des acteurs militaires majeurs ; le monde, plus généralement, se réarme, à l’exception notable de l’Europe. L’accès aux matières premières et aux sources d’énergie génère de fortes tensions et en générera de plus en plus.

Le contexte géopolitique est ainsi marqué par d’importants facteurs de déstabilisation : le terrorisme, la prolifération nucléaire, avec la Corée du Nord et l’Iran, et bien entendu la situation au Proche-Orient, avec le Liban et les territoires occupés. Enfin, les interrogations sur les finalités et le rôle de l’OTAN ainsi que les hésitations de la construction européenne peuvent également contribuer à l’instabilité de l’environnement.

Tout cela doit conduire la France à ne pas baisser la garde.

La comparaison avec les autres pays d’Europe et avec les États-Unis donne une juste idée de la situation de l’outil de défense français. La France consacre 1,92 % de son PIB à son effort de défense, contre 2,08 % pour la Grande-Bretagne et 3,8 % pour les États-Unis – plus de 4 % si l’on inclut les moyens déployés en Irak et en Afghanistan. L’Allemagne et l’Espagne sont autour de 1 %.

Les effectifs européens sont supérieurs aux effectifs américains – 1,816 million contre 1,366 million – mais, en matière d’équipement, le budget américain est deux fois et demi supérieur au budget global européen. Le déséquilibre est le même en matière de recherche et de développement : les États-Unis y consacrent 67 milliards d’euros, les Européens 11 milliards seulement. Dans l’Europe à vingt-sept, deux pays accomplissent 40 % de l’effort de défense : la Grande-Bretagne et la France.

Ainsi, alors que le reste du monde se réarme, l’Europe continue de considérer que la protection des États-Unis et de l’OTAN suffit.

Le ministre a ensuite rappelé les quatre missions des forces armées françaises.

Première mission, la dissuasion nucléaire. Le missile M51 – un deuxième tir récent a été couronné de succès – s’inscrit pleinement dans une dynamique de modernisation de la force de dissuasion. Les premiers M51, disponibles à partir de 2010, équiperont le quatrième sous-marin nucléaire lanceur d’engin de nouvelle génération (SNLE-NG). La composante aéroportée continuera à se moderniser : le missile air-sol moyenne portée amélioré (ASMPA), qui pourra être tiré du Rafale, entrera en service en 2009.

Deuxième mission, la préservation de la sécurité quotidienne des Français et des Européens. Au-delà de la posture permanente de sécurité, les armées participent à la sécurité générale du territoire en affectant en permanence 1 100 hommes à Vigipirate, qui a, dans le passé, mobilisé plus de 2 300 hommes. Les armées remplissent aussi des missions de service public et de renseignement. Au total, 40 000 personnes sont mobilisées chaque année à ces divers titres.

Troisième mission, la participation à la stabilité et à la solidarité internationale. La France déploie actuellement 12 000 soldats en OPEX, répartis essentiellement sur cinq théâtres : 2 100 en Asie Centrale – à Douchambé, à Kaboul et en mer d’Arabie –, 1 650 au Liban, 2 300 dans les Balkans, 2 900 en Côte-d’Ivoire et 1 150 au Tchad. Chaque année, 60 000 soldats, hommes et femmes, partent effectuer des missions sur ces théâtres. En outre, 23 000 militaires servent au sein des forces de souveraineté dans les départements et collectivités d’outre-mer ou au sein des forces prépositionnées dans certains pays d’Afrique.

Quatrième mission, la mise à disposition permanente de moyens réservés. Il s’agit d’assurer la sécurité des espaces européens et méditerranéens en participant à des actions de coopération et à des exercices interalliés dans le cadre de l’OTAN et de l’Union européenne. Le dispositif d’alerte permet de faire partir jusqu’à 5 000 soldats dans des délais de quelques heures à quelques jours. Le Corps de réaction rapide, certifié par l’OTAN, sera inauguré le 5 juillet 2007. Situé à Lille, il sera à la disposition de l’OTAN, de l’Union européenne ou de la France pour une opération nationale. Il permettra à la France d’assumer le rôle de nation-cadre dans une coalition, deux autres puissances seulement ayant cette capacité de monter un commandement multinational totalement interopérable : la Grande-Bretagne et les États-Unis.

Toujours au titre de l’état des lieux, le ministre a ensuite évoqué les contrats opérationnels résultant des scénarios d’engagement décrits dans le Livre blanc de 1994.

La France doit disposer d’une capacité d’engagement. A ce titre, l’armée de terre doit être en mesure d’engager soit jusqu’à 20 000 hommes sur plusieurs théâtres, soit plus de 50 000 hommes pour prendre part à un conflit majeur dans le cadre de l’Alliance atlantique. La marine nationale doit pouvoir notamment engager un groupe aéronaval et son accompagnement, dont des sous-marins nucléaires d’attaque. À ce contrat s’ajoutent le soutien de la force océanique stratégique et les missions permanentes de prévention et de protection en métropole et outre-mer. L’armée de l’air doit, quant à elle, être en mesure de projeter une centaine d’avions de combat, dont 75 peuvent être engagés dans une opération européenne, et les ravitailleurs associés ; une force aéroterrestre de réaction immédiate doit pouvoir être déployée à 5 000 kilomètres de la métropole en moins de soixante-douze heures.

S’agissant des capacités de commandement, notre armée doit pouvoir mener une opération aux niveaux stratégique, opératif et tactique en mettant à la disposition des membres de l’Union européenne ou d’une coalition ad hoc la structure d’accueil nécessaire ainsi que les moyens de communication associés.

Les capacités militaires de la France font actuellement l’objet d’un « diagnostic vérité » commandé par le Président de la République et le Premier ministre. On peut d’ores et déjà affirmer que, globalement, les armées remplissent leur contrat opérationnel, mais parfois au prix d’aménagements voire de fragilités dans certains domaines. Plusieurs matériels importants (AMX-10P, hélicoptères Puma et Superfrelon, avions Transall C160) sont ainsi prolongés jusqu’à l’extrême fin de leur durée d’utilisation. Les capacités en avions et hélicoptères de transport, en drones, en batellerie des bâtiments amphibies et en interopérabilité des systèmes de commandement sont par ailleurs insuffisantes. D’autres capacités ont enfin vu leur renouvellement étiré, de sorte que les marges calendaires sont désormais extrêmement réduites ; cela concerne en particulier les programmes des ravitailleurs et des sous-marins d’attaque.

Dans ce ministère, les hommes sont essentiels. L’armée est le premier recruteur du pays : elle embauche chaque année 30 000 soldats, souvent peu ou pas qualifiés. Les conditions du métier militaire ont profondément changé : les engagements à l’extérieur comme à l’intérieur se sont accrus et la Défense demande davantage de performance individuelle et collective à ses militaires professionnels. La sélection et l’adaptation continue à l’emploi constituent la règle pour les contractuels comme pour le personnel de carrière.

La réforme statutaire en cours va déboucher sur des statuts particuliers, qui ne pourront voir le jour avant le 1er janvier 2009, au terme d’une procédure interministérielle et d’un examen sous six mois par le Conseil d’État. De leur adoption dépendent la nouvelle grille indiciaire et la prise en compte des conclusions du haut comité d’évaluation de la condition militaire, qui a démontré une différence de rémunérations entre les fonctionnaires en tenue et les militaires. Ce chantier sera engagé dans le cadre de la future LPM.

Quant à la gendarmerie, il convient de réaffirmer qu’elle est une force armée et relève à ce titre de l’autorité du ministre de la défense. Elle obéit cependant au ministre de l’intérieur pour l’exercice de ses missions de sécurité intérieure et voit son budget élaboré et suivi conjointement par la Défense et l’Intérieur. Le statut militaire de gendarmes et leur double mission – sécurité et proximité – doivent être maintenus.

Le ministre a estimé que l’outil militaire français est adapté à la situation mais demeure fragile. Pour qu’il continue à remplir ses missions, il est nécessaire de maintenir l’effort de défense autour de 2 % du PIB. Cet engagement, pris par le Président de la République, sera respecté.

Il a ensuite exposé les perspectives actuellement ouvertes dans le domaine de la défense.

Un état des lieux complet des principales problématiques stratégiques, capacitaires, humaines, financières, organisationnelles et industrielles est actuellement en cours dans les états-majors. Il sera achevé à la mi-juillet et sera adressé au Président de la République et au Premier ministre. Plusieurs éléments peuvent cependant être déjà évoqués.

La professionnalisation des armées s’est traduite par une forte rigidité des dépenses de masse salariale, de fonctionnement et de maintien en condition opérationnelle (MCO). En conséquence, les effectifs atteints en 2007 seront sensiblement inférieurs à ceux prévus par la programmation – 20 000 civils et militaires en moins – et la part relative des crédits d’équipement s’établira à 35 % du budget, contre 45 % au milieu des années quatre-vingt-dix.

Outre le rattrapage des coupes opérées entre 1997 et 2002, qui se sont élevées à plus de 13 milliards d’euros, soit l’équivalent d’une annuité complète de crédits d’équipement, la LPM en cours a été perturbée par des ajustements significatifs destinés à faire face à des besoins supérieurs aux prévisions, notamment sur le MCO, le nucléaire et le Rafale.

Dans l’état actuel des prévisions du ministère, les crédits d’équipement annuels devraient passer d’une moyenne de 15,4 milliards d’euros entre 2003 et 2007 à une moyenne de 21,9 milliards d’euros entre 2009 et 2013, soit une augmentation de 42 % en volume. La pression sera donc particulièrement marquée à partir de 2009, avec une marche de 2,9 milliards d’euros, soit une progression de 17 % par rapport aux crédits prévus pour 2008. Ces chiffres résultent bien entendu d’une programmation volontariste, d’une situation idéale, mais ils illustrent aussi le phénomène bien connu du passage concomitant des phases d’étude et de développement aux phases de commande, de fabrication et de livraison pour de nombreux grands programmes structurants : frégates multimissions (FREMM), Rafale, A400M, véhicules blindés de combat d’infanterie (VBCI), hélicoptères Tigre et NH 90.

Avec comme référence le maintien de l’effort de défense autour de 2 % du PIB, il faudra probablement définir des priorités et effectuer des choix. C’est tout le sens des différents exercices qui seront lancés prochainement afin d’adapter l’outil de défense : Livre blanc, revue des programmes, LPM. Dans ce contexte, une reprise de la croissance économique serait accueillie comme une bouffée d’oxygène.

Le ministre a rappelé que l’actuel Livre blanc date de 1994. Le Président de la République a jugé que les évolutions constatées depuis cette date nécessitaient l’ouverture d’un véritable débat national sur les grandes orientations qui présideront à l’adaptation de l’outil de défense. Ce travail devra être interministériel, mené par une haute personnalité et le plus ouvert possible. Pourront par conséquent y être associés des personnalités de la société civile, des experts étrangers voire les autres gouvernements européens, selon des modalités qu’il reste à définir. La commission de rédaction du Livre blanc inclura des parlementaires de la majorité et de l’opposition, car la Nation tout entière est concernée.

Le Livre Blanc, qui sera achevé en début d’année prochaine, devra décrire avec réalisme les ambitions de la France au vu du contexte stratégique, des objectifs que le pays se fixe et des ressources qu’il entend consacrer à sa défense. Il précisera les missions assignées aux forces armées et intégrera d’emblée la dimension européenne.

Parallèlement, une analyse partagée sur les grands programmes d’armement et la cohérence physico-financière du modèle d’armée sera menée. Le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, a déclaré : « Notre outil militaire doit être musclé autour de nos objectifs de projection de forces et de dissuasion. […] Les choix que nous devrons assumer ne seront pas faciles. Il nous faudra quitter la logique traditionnelle de l’accumulation des exigences propres à chaque arme, pour mieux apprécier où sont les vrais besoins stratégiques, où sont les menaces de demain, où sont les enjeux industriels décisifs. »

Tout cela sera en principe soumis au Parlement, au printemps 2008, dans une LPM fixant les objectifs retenus et leur traduction budgétaire.

Évoquant ensuite l’Europe de la défense, le ministre a affirmé que, pour ne pas en être réduit à transférer aux États-Unis la responsabilité de sa sécurité, et donc de sa liberté, le continent européen doit se doter des moyens nécessaires à sa politique de défense. La France souhaite donner une dimension plus ambitieuse à l’Europe de la défense, tout en maintenant son engagement au sein de l’OTAN. Il s’agit d’élargir la dynamique des coopérations bilatérales avec la Grande-Bretagne, l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne à d’autres partenaires de l’Union et de permettre à davantage d’États membres de s’investir sur le terrain dans le cadre européen.

Le contexte est particulièrement favorable et ouvre une véritable « fenêtre de tir » :
la réussite du dernier sommet européen à Bruxelles a remis la France au cœur de la construction européenne ; le défilé des vingt-sept nations, le 14 juillet, sur les Champs-Élysées, constituera un symbole particulièrement fort ; la conclusion d’un nouveau traité institutionnel, normalement à la fin de l’année, ouvrira de nouvelles possibilités de coopérations renforcées ; enfin, la présidence française de l’Union au deuxième semestre 2008 est riche de perspectives.

La France pourrait prendre plusieurs initiatives : développer la capacité de planification militaire de l’Union européenne ; renforcer les opérations concrètes qui donnent corps à l’esprit de défense européen et favoriser les coopérations renforcées, en faisant par exemple en sorte que la force de gendarmerie européenne intervienne au Kosovo ou que l’opération à l’est du Tchad soit menée dans le cadre de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD) ; donner un nouveau souffle et une nouvelle ambition à l’Agence européenne de défense.

Le ministère de la défense est également prêt à contribuer à la relance du dialogue entre le nord et le sud de la Méditerranée dans le cadre de la future Union de la Méditerranée souhaitée par le Président de la République.

Le ministre a ensuite rappelé un autre enjeu essentiel pour la défense française : la nécessité, soulignée au salon du Bourget le 23 juin dernier par le Président de la République, d’une vraie politique industrielle européenne face à la concurrence des géants, notamment des États-Unis. « L’avenir est à une intégration européenne de l’industrie », a-t-il déclaré.

Les exportations d’armement explicitement autorisées doivent bénéficier d’un soutien déterminé de l’État, corollaire indispensable d’un contrôle rigoureux. Cela passe par l’établissement d’un plan national stratégique des exportations de défense, arrêté au plus haut niveau, et par la création d’une instance ayant pour objet de mobiliser et de coordonner les actions de soutien, comme pour Airbus ou les centrales nucléaires. Depuis le début des années 2000, les exportations d’armements ont chuté de 7 à 5 milliards d’euros par an, dans un contexte de réarmement et par conséquent de dynamisme des marchés. Un regain d’exportations réduirait les coûts sur les séries acquises par la France et rendrait éventuellement possibles certains ajustements commandés par la prochaine LPM sans faire souffrir l’industrie de défense. En parallèle, il serait souhaitable de simplifier dans toute la mesure du possible les procédures de contrôle, sur la base des recommandations figurant dans le rapport de M. Yves Fromion.

Enfin, un effort en recherche et technologie est nécessaire. Le développement et la mise au point de plusieurs matériels militaires majeurs – avions Rafale, hélicoptères Tigre, missiles stratégiques M51 – sont en passe d’être achevés, de sorte que l’effort financier se porte désormais sur la production. Une politique volontariste de recherche technologique est donc indispensable pour préserver le socle de compétence et l’activité des bureaux d’études. Cet effort doit notamment se concrétiser par des projets ambitieux de démonstrateurs technologiques en coopération européenne, qui amèneront à partager les coûts des programmes. A ce titre, la démarche suivie pour le démonstrateur de drone de combat Neuron pourrait servir d’exemple afin de ne pas multiplier les programmes relevant d’un même besoin, comme cela a été fait pour les trois avions de combats européens.

Le Gouvernement doit présenter à l’automne un projet de small business act à la française, qui permettrait aux PME d’accéder plus facilement aux commandes publiques, de développer leur recherche et d’obtenir des délais de paiement plus favorables. Le ministère de la défense entend être un acteur majeur de ce chantier, et se met à la disposition des chefs de petites et moyennes entreprises pour examiner leurs propositions.

Le ministre a enfin insisté sur la place de la défense au cœur de la Nation, et sur son rôle dans les politiques prioritaires du Gouvernement.

En matière d’égalité des chances, de promotion et de cohésion sociale tout d’abord, le ministère de la défense sera exemplaire. Avec 30 000 embauches par an, il est le premier recruteur de jeunes peu ou pas qualifiés. Des dispositifs réussissent déjà très bien, comme ceux du Centre d’information et de recrutement de l’armée de terre (CIRAT) de Saint-Denis ou de l’Etablissement public d’insertion de la défense (EPIDe) (créé dans le cadre du plan « Défense deuxième chance »), dont l’action sera rapidement renforcée.

Il est essentiel que les armées, à tous les niveaux, reflètent la diversité de la société française. Il y a un siècle, près de la moitié des élèves de l’École Polytechnique venait du monde ouvrier et paysan ; aujourd’hui, ils sont moins de 10 %. Des mesures seront donc présentées avant la fin de l’année pour que les meilleures écoles, avec l’appui des lycées militaires, deviennent des lieux où les jeunes issus de milieux défavorisés pourront trouver l’accueil et l’épanouissement nécessaires. Il n’est pas question de faire de la discrimination positive, dont le fondement est inégalitaire et ne correspond pas à la société française, mais de mener une vraie politique d’égalité des chances, qui ne s’adresse pas aux jeunes en fonction de la couleur de leur peau ou de leur nom mais corrige les inégalités sociales et donne leur chance aux jeunes originaires des banlieues ou des zones rurales comme à ceux issus des beaux quartiers.

A l’heure actuelle, 54 % des militaires sont contractuels. Le ministère réalise déjà un effort important pour la formation professionnelle et la reconversion des militaires dans la perspective du retour à la vie civile. Pour aller plus loin, un système de gestion prévisionnelle des ressources humaines sera mis en place, en collaboration avec les grandes entreprises du secteur privé, afin de s’adapter au mieux aux besoins du marché de l’emploi.

Le ministère de la défense sera également un acteur majeur d’un autre grand chantier gouvernemental, la politique de développement durable, même si l’idée n’est sans doute pas familière à tous les militaires. Dans cet esprit, les armées présenteront un plan dans la perspective du « Grenelle de l’environnement » qui doit se tenir à la rentrée. Elles disposent d’ailleurs d’espaces qui ont fait d’elles – souvent involontairement – l’un des grands protecteurs de la biodiversité. C’est ainsi que le Coussoul, dernière steppe de tout le bassin méditerranéen, située dans le périmètre de la base aérienne d’Istres, est l’un des rares lieux propices à la nidification des oiseaux migrateurs venant d’Afrique.

La défense, par le biais de ses commandes publiques, peut tout à fait participer au développement du secteur de l’éco-industrie. Elle peut également se montrer active en matière d’économies d’énergie et de protection de l’environnement, en recourant aux énergies renouvelables dans ses bases, ses casernes et ses bâtiments.

Le ministère de la défense participera bien évidemment à la réforme de l’État car de nombreuses économies y sont possibles. Cela passe par la suppression des structures redondantes, la mutualisation de moyens et éventuellement des externalisations. L’ensemble des fonctions du ministère sera examiné, avant le 31 décembre, par une commission composée du chef du contrôle général des armées, de représentants de l’état-major, du secrétariat général pour l’administration, mais aussi d’inspecteurs des finances et d’anciens grands patrons du secteur privé, qui pourront apporter leur expérience. Comme l’a annoncé le Président de la République, la moitié des économies réalisées sera réaffectée au ministère, soit pour améliorer la condition du personnel, soit pour équiper les forces.

Le ministre a ensuite affirmé sa volonté de construire un pôle universitaire et de recherche de haut niveau dans les domaines des questions stratégiques et de défense. Cela prendra du temps, mais il est indispensable de regrouper les initiatives de recherche dispersées sur le territoire, afin notamment d’être en mesure d’accueillir les chercheurs étrangers.

Enfin, le renforcement du rôle du Parlement devra également être effectif en matière de défense. D’ores et déjà, plusieurs avancées sont acquises puisque l’Assemblée se penchera dans les semaines à venir sur la création d’une délégation parlementaire au renseignement et que les parlementaires seront associés à la rédaction du Livre blanc et participeront au suivi de la LOLF. Au-delà, le Président de la République a évoqué l’idée que le Parlement approuve la présence et les modalités d’intervention des forces armées à l’étranger ; il conviendra de continuer à y réfléchir collectivement, dans la continuité des conclusions, intéressantes et modernes, du rapport d’information de M. François Lamy.

En conclusion, le ministre a affirmé que l’exécutif a besoin d’une commission de la défense et de rapporteurs qui jouent un vrai rôle d’analyse et d’expertise et qui exercent un contrôle réel sur l’usage des deniers publics. Ils doivent pousser non pas uniquement à l’augmentation des dépenses et au développement de nouveaux programmes mais à la réforme, à la remise en cause, à l’amélioration de la performance.

Le président Guy Teissier s’est félicité des directives données par le Ministre tout en soulignant la nécessité de respecter scrupuleusement la séparation entre l’exécutif et le législatif.

Il a rappelé que la commission de la défense s’apprête à créer quatre groupes de travail. Le premier sera consacré aux OPEX. Le deuxième s’intéressera au contrôle de l’exécution des crédits de la défense. Le troisième, qui portera sur la défense européenne, sera d’autant plus utile que les parlementaires se comprennent parfois mieux que les gouvernants. Le quatrième se penchera sur l’impérieuse nécessité de mieux vendre, de mieux exporter mais aussi de mieux fabriquer, ce qui passe par des regroupements européens. Les parlementaires n’ont pas à s’interdire de jouer le rôle d’agents commerciaux de l’industrie française, comme savent le faire leurs homologues anglo-saxons. Trois zones géographiques doivent dans ce cadre être privilégiées : l’Amérique du Sud, avec le Brésil et le Chili ; le Moyen-Orient et l’Asie du sud-est, avec le Pakistan, l’Inde et la Malaisie ; l’Europe.

Par ailleurs, il a estimé que si le Livre blanc présente des qualités, sa rigidité peut se révéler redoutable, car il établit un catalogue valable à l’instant précis mais qui reste figé par la suite. Pour que la France ne soit pas toujours en retard d’une guerre, le prochain Livre Blanc devrait donc être révisé tous les deux ans afin de vérifier si les programmes lancés, parfois quelques décennies auparavant, sont toujours utiles. Enfin, le ministère de la défense a devant lui une « bosse » d’investissements de 60 à 70 milliards qu’il pousse depuis bien longtemps ; il sera donc crucial de cibler les bons programmes.

Le président a terminé en interrogeant le ministre sur le respect des engagements financiers de la LPM dans la loi de finances pour 2008.

M. Hervé Morin a précisé que les discussions budgétaires étaient actuellement en cours à Matignon, mais que le budget serait sans doute conforme aux engagements financiers prévus pour le dernier exercice de la LPM, à l’exception des crédits de personnels, comme précédemment indiqué. Les difficultés commenceront en 2009.

M. Yves Fromion a relevé l’importance que le ministre accorde, à juste titre, aux exportations dans le domaine de la défense. Au-delà de la question de la balance commerciale, il est avéré que la France ne pourra plus produire de nouveaux équipements si elle n’en vend pas une part significative à l’étranger. Les suggestions qui ont été faites seront soumises à l’épreuve du temps, mais il convient d’aller de l’avant.

D’aucuns hésitent encore sur la nécessité d’aménager les procédures de contrôles, alors qu’elles sont indéniablement excessives et ne placent pas notre pays en bonne position. Les autorités de l’État doivent soutenir résolument les industriels et favoriser leur accès aux marchés : il bénéficieront ainsi de l’impulsion nécessaire et un signal fort sera adressé aux clients potentiels, qui attendent que l’on fasse preuve d’un esprit commerçant.

S’agissant des rapports entre défense et environnement, l’exemple de MBDA, numéro un mondial du missile, peut être évoqué. Un travail est engagé depuis deux ans pour accroître l’offre de l’entreprise en proposant aux acheteurs de missiles la possibilité de les déconstruire. En effet, une fois la « date de péremption » de ces équipements atteinte, de nombreux pays ne savent pas quoi en faire tant les opérations de déconstruction sont parfois complexes. Actuellement, donc, MBDA travaille avec Veolia sur un projet visant à donner cette possibilité à l’acheteur d’un Mica ou de tout autre missile. Le Gouvernement doit inciter les entreprises à aller jusqu’au bout dans ces démarches, qui constituent un « plus » sur le marché : la possibilité de reprise deviendra progressivement une exigence pour tout le monde.

Le ministre a observé que la question de la déconstruction se pose aussi pour les bateaux en fin de vie et a invité la commission à s’associer à la réflexion sur le sujet.

En matière d’exportations, il n’est pas choquant que le ministre de la défense soutienne les industriels français. Il ne s’agit pas de participer aux opérations de vente, car les entreprises sont bien plus compétentes en la matière, mais d’établir des liens humains : au-delà de la qualité des équipements, ce sont les relations que l’on a pu nouer avec tel ou tel décideur dans un pays donné – par exemple dans les pays arabes – qui importent. Chaque membre du Gouvernement, chaque membre de l’exécutif à son niveau, mais aussi les parlementaires, via les liens qu’ils peuvent entretenir avec leurs homologues, doivent y participer et considérer que c’est là une priorité absolue. On peut contribuer ainsi à réduire le coût des programmes et, le cas échéant, à « lisser les bosses ».

Il faut prendre ce sujet à bras-le-corps. Le fait, pour le ministre, de pouvoir être le VRP de l’industrie de défense n’est en rien choquant. Depuis cinquante ans, les efforts que la France a consentis lui ont permis de se doter d’une des industries les plus performantes au monde. Il serait dommage que, dans les décennies qui viennent, la France perde une partie de ses compétences faute d’avoir été capable de consentir les efforts nécessaires. Il faut tout faire pour maintenir cette excellence nationale au niveau mondial et, à cet égard, les exportations jouent un rôle majeur.

M. Jean-Claude Viollet s’est félicité que le ministre ait évoqué le chantier de la défense dans toutes ses dimensions. Il est inutile de revenir sur l’éternelle question de savoir si la loi de programmation militaire a été tenue ou non. On peut néanmoins constater que la « bosse » évoquée précédemment a été basculée sur l’autre versant, c'est-à-dire reportée sur la prochaine loi de programmation militaire.

Tout le monde s’accorde à constater la tension qui règne aujourd’hui tant sur les grands programmes que sur les rémunérations et les charges sociales, le maintien en condition opérationnelle, l’utilisation des forces et leur fonctionnement quotidien. Il est donc indispensable de repenser globalement l’outil de défense, ainsi que le ministre l’a proposé, en dressant un état des lieux et en procédant à une remise en perspective stratégique.

Les accords de défense, d’assistance technique ou de coopération militaire, que le ministre n’a pas évoqués, doivent également faire l’objet d’un examen. La France a des engagements européens ; elle en a aussi vis-à-vis de l’ONU et de l’OTAN, ainsi qu’en Afrique. La remise en perspective stratégique doit être l’occasion de faire le point sur ces engagements. Comme les travaux de M. François Lamy l’ont mis en évidence, il y a là de vraies pistes de réflexion, y compris s’agissant de nos amis africains.

En matière de programmes d’armement, la commission a déjà mené des travaux qui se sont déroulés dans un climat de confiance. La question du juste niveau technologique et de l’accroissement de la modularité doit être posée, car elle a un retentissement sur les coûts et sur notre capacité à l’export. Il convient également de poser la question du niveau compatible de disponibilité – et donc de la modulation capacitaire – ainsi que celle des coûts de possession (qui comprenne les frais d’acquisition, de fonctionnement et de démantèlement), pour quelque type de matériel que ce soit.

Il faut ensuite s’interroger sur la juste disponibilité des personnels, sur leur situation statutaire et sur la condition qui leur est faite, compte tenu de la pression à laquelle eux et leurs familles sont soumis.

S’agissant des industries, il faut enfin poser la question des regroupements. Des propositions sont annoncées pour favoriser les réseaux de PME-PMI qui contribuent à l’effort de défense : ceux-ci représentent de vrais gains potentiels, tout en contribuant à l’aménagement du territoire et au développement de l’économie et de l’emploi.

Le plan « Défense deuxième chance », dont le ministre a affirmé qu’il constituait une priorité, a été soutenu par l’opposition. Dans la région Poitou-Charentes, on attend l’ouverture de l’un de ces centres, mais la question qui se pose est celle des moyens. En 2007, les besoins avaient été évalués à 167 millions d’euros. 50 millions d’euros ont été inscrits au budget de l’emploi et l’on attend 10 millions du FSE, 43 millions du contrat d’accompagnement dans l’emploi et 3 à 4 millions de l’aide au logement, soit un total de moins de 110 millions. Lorsque le plan sera en pleine charge, le financement s’élèvera à environ 560 millions par an.

M. Jean-Claude Viollet a rappelé qu’il avait demandé au précédent ministre de la défense de développer rapidement l’action interministérielle sur ce sujet afin de mobiliser les financements et d’assurer le développement et la pérennité de ces outils. Ceux-ci sont utiles au pays ; ils peuvent l’être aussi à la défense. Néanmoins, les moyens doivent être rapidement consolidés.

En conclusion, il s’est dit favorable à la réforme juste, d’où qu’elle vienne, et résolu à la critique juste, pourvu qu’elle soit constructive. C’est dans cet état d’esprit qu’il entend poursuivre les travaux au sein de la commission.

M. Gilbert Le Bris a tout d’abord relevé avec satisfaction la volonté d’associer la représentation nationale à l’élaboration du Livre blanc, car les membres de la commission de la défense sont au moins aussi lucides que certaines personnes qui se proclament spécialistes en diverses matières. Le dernier Livre blanc, qui date de 1994, est évidemment périmé : de bipolaire, le monde est devenu multipolaire, avec le renouvellement des menaces terroristes ou encore l’armement croissant des pays émergents. En novembre 2006, devant la commission, le chef d’état-major des armées avait reconnu que le modèle d’armée 2015 n’était pas ce qu’il aurait dû être, par exemple en ce qui concerne la flotte d’hélicoptères de transport. Il est donc important que la commission, justement qualifiée par le ministre de « lieu de créativité », soit associée au Livre blanc.

Il convient à ce titre de procéder par ordre, en réfléchissant d’abord sur les grandes fonctions stratégiques et sur ce que l’on attend de notre défense, avant de poser les questions matérielles. En outre, le Livre blanc ne saurait constituer, à l’instar du Plan du général de Gaulle, une « ardente obligation », mais bien plutôt un « plan glissant » que l’on pourra aménager au fur et à mesure que les menaces évolueront, en évitant de rester figé sur une stratégie qui deviendrait rapidement obsolète.

En ce qui concerne les choix financiers, l’opposition a souvent dénoncé une certaine insincérité des budgets de la défense : ceux-ci donnaient l’impression de respecter la loi de programmation militaire, mais non sans illusion d’optique. D’une certaine manière, l’heure de vérité a sonné, notamment en matière de reports de crédits, d’ajustements budgétaires – que l’on pratiquait jusqu’à présent silencieusement –, d’étalements et de décalages de programmes. Dans Le Figaro du 30 juin 2007, le ministre a affirmé qu’il fallait établir des priorités et, si cela est nécessaire, arrêter ou retarder des programmes. Il conviendrait rapidement d’indiquer lesquels.

M. Hervé Morin a observé que l’analyse de M. Viollet au sujet du Livre blanc rejoignait la sienne : toutes ces réflexions devront en effet être menées, y compris sur les accords de défense. Il faut néanmoins noter que ces accords constituent une garantie pour le stationnement de nos forces et nous permettent de réagir lorsqu’il faut protéger nos ressortissants. C’est ainsi que la France est une des seules nations à pouvoir intervenir un peu partout en Afrique dans des délais extrêmement courts.

Quant aux établissements publics d’insertion de la défense – EPIDe –, ils sont financés par le ministère chargé des affaires sociales. Un effort considérable a toutefois été consenti au titre de la défense, puisque des ensembles immobiliers ont été mis à disposition pour l’équivalent de 50 millions d’euros.

Répondant ensuite à M. Le Bris, le ministre a estimé que c’est la première fois que les engagements d’une loi de programmation militaire sont aussi précisément tenus ; cela est d’ailleurs à mettre au crédit du précédent ministre. Certains programmes ont certes été sous-évalués et il a fallu faire face à des surcoûts importants, notamment en matière de nucléaire ou de maintien en condition opérationnelle. Des éléments non prévus à l’origine ont également été ajoutés à l’exécution, comme le financement patrimonial des frégates multi-missions. Il n’en reste pas moins que jamais une loi de programmation militaire n’a fait l’objet d’une exécution aussi scrupuleuse.

M. Philippe Vitel a remarqué que si le ministre a évoqué la nécessité impérieuse de parvenir le plus rapidement possible à une véritable intégration européenne de défense, il a également fait état de la volonté de nombreux pays européens de s’abriter derrière le bouclier des États-Unis par le moyen de l’OTAN – ces pays étant ceux qui sont le moins enclins à participer à l’effort financier nécessaire à la construction de l’Europe de la défense. Sur vingt-six pays de l’OTAN, vingt et un sont membres de l’Union européenne. Comment la France peut-elle concilier son rôle d’artisan de la construction de l’Europe de la défense et ses engagements vis-à-vis de l’OTAN ? Ne risque-t-elle pas de se retrouver en porte-à-faux ? Quelle action peut-elle mener à moyen et à long terme ?

M. Hervé Morin a répondu que ces réflexions seront menées dans le cadre de l’élaboration du Livre blanc. Au cours d’un récent entretien, il a tenu à réaffirmer au secrétaire général de l’OTAN qu’il n’existait pas une concurrence, mais une complémentarité entre l’OTAN et l’Union européenne. Lors de la réunion des ministres de la défense à Bruxelles, il s’est également opposé à ses collègues au sujet de la force de réaction rapide de l’OTAN – NRF – et de la définition de son rôle. Comme l’Europe est dans l’incapacité de constituer sa force de réserve stratégique, les pays de l’OTAN n’y mettant pas les moyens nécessaires, l’idée s’était fait jour que la NRF pourrait constituer un complément. Or la France souhaite que la NRF reste une force de première intervention, si bien qu’elle est apparue comme le pays qui empêchait toute avancée. Mais il ne s’agit pas de remplacer le vide par le vide !

Il faut rappeler un fois pour toute que la France est, avec la Grande-Bretagne, le meilleur élève de l’OTAN : elle lui affecte toujours la participation et les forces nécessaires. Pour autant, cette participation ne doit pas faire oublier l’objectif de construction de l’Europe de la défense, qui ne saurait se faire à vingt-sept. Elle se constituera à partir d’un noyau dur de pays ayant la volonté de s’engager dans ce processus et l’on retrouvera dans ce noyau les pays les plus anciennement engagés dans la construction européenne. Il faut persuader nos partenaires européens que le renforcement de l’état-major de planification au niveau européen n’est pas dirigé contre l’OTAN : c’est un instrument qui doit permettre à l’Europe de mener une opération solide au Kosovo ou au Tchad, par exemple. Lors des opérations en République démocratique du Congo, notre état-major de planification était « limite ». Il est regrettable et même dramatique, que beaucoup de ministres de la défense européens imputent les initiatives menées dans le cadre de l’Europe à une volonté d’affaiblir l’OTAN.

M. Bernard Cazeneuve a remercié le Ministre de la défense pour sa présentation exhaustive, qui permet d’avoir une première vision des orientations stratégiques qu’il souhaite faire prévaloir.

En ce qui concerne la loi de programmation militaire, le débat entre respect ou non-respect des engagements pris participe du jeu classique entre la majorité et l’opposition. Toutefois, on doit convenir que la loi de programmation en cours a donné lieu au lancement de nombreux programmes, dont certains, comme le ministre l’a reconnu, n’avaient pas été prévus initialement : ainsi le programme FREMM. D’autres ont été lancés avec retard : le premier sous-marin de la série Barracuda devait ainsi être livré en 2012 ; il ne le sera qu’en 2016. Ces quatre ans de retard tiennent notamment au fait que la marine nationale et DCN négocient de façon de plus en plus serrée les coûts de réalisation des matériels, ce que l’on ne saurait contester. Pour ce qui concerne la marine, tant le second porte-avions que le programme Barracuda sont stratégiques pour les établissements concernés. Le second porte-avions s’inscrit cependant dans le cadre d’une coopération avec les Britanniques aux contours et au périmètre aléatoires.

Parmi les programmes relatifs à la marine, quels sont ceux qui pourraient être revus ou dont le périmètre pourrait être révisé ? Une place est-elle réservée à cette réflexion dans le cadre du Livre blanc ? Quelle doit être la politique industrielle de DCN et quel regard le ministre porte-t-il sur la réforme, depuis longtemps engagée, de cet établissement ?

Enfin, il faut rappeler que les programmes ne font pas forcément les emplois dans les établissements, puisqu’ils peuvent donner lieu à la délocalisation de la production dans des pays à bas coût. Cela a été une tentation lors de la mise en œuvre du programme FREMM. C’est pourquoi les établissements de DCN souhaitent que la politique industrielle permette le maintien des emplois.

M. Hervé Morin a observé qu’il ne serait pas cohérent de répondre immédiatement sur les programmes « marine » ; la revue des programmes et l’élaboration du Livre blanc devant être un préalable à toute prise de décision. Le programme Barracuda est cependant déjà lancé, et il est peu probable que la France se prive de sous-marins nucléaires d’attaque, au regard des missions qui sont les siennes. Il n’en reste pas moins que les décisions du Président de la République ne seront pas rendues avant la revue capacitaire et l’achèvement du Livre blanc.

Il est clair que le travail est mené dans la perspective de réaliser le second porte-avions. Néanmoins, la décision définitive sera prise en fonction de l’état des discussions avec les Britanniques, mais aussi de la réflexion menée lors de la revue capacitaire et du Livre blanc. Les données du problème sont bien connues, et l’une au moins semble d’une évidence absolue : si on devait se limiter à construire un seul bâtiment, mieux aurait valu ne pas en construire du tout. En outre, l’ensemble aéronaval – coque, avions, flotte complémentaire – correspond à un investissement d’environ 8 milliards d’euros, tandis que le second porte-avions représente 2,3 à 2,5 milliards. L’investissement supplémentaire est donc relativement réduit par rapport à l’investissement initial, même s’il s’agit bien sûr de sommes considérables. Quoi qu’il en soit, les orientations fixées par le Président de la République sont de travailler dans la perspective de réaliser ce porte-avions, qui permettra de disposer d’une projection de puissance en permanence.

Le plan de charge de DCN est tout à fait satisfaisant et son évolution est positive. Par comparaison, GIAT s’est trouvée au bord de la faillite : on a énormément traîné, sous toutes les majorités, parce que l’on n’osait pas faire évoluer cette entreprise. Les mesures prises pour DCN devraient lui donner les moyens de faire partie des grandes entreprises navales européennes. D’autres évolutions ne sont pas à exclure car plusieurs acteurs sont présents au niveau européen, mais un pas considérable a été franchi. N’en déplaise à certains, l’évolution de DCN s’est faite dans le bon sens.

M. François Lamy s’est réjouit que le ministre ait mis en avant la question du contrôle parlementaire sur les OPEX : c’est un sujet que la commission prend à cœur et le président Teissier a appelé ce contrôle de ses vœux lors de sa réélection. Il a toutefois fait part de son inquiétude au sujet de l’opération actuellement menée en Afghanistan sous contrôle américain. Des précisions sur la base juridique de cette intervention seraient utiles. Quels sont les moyens engagés actuellement ; quels sont ceux qui pourraient l’être dans l’avenir et surtout, quelle est l’efficacité de cette opération ?

Le ministre a expliqué qu’un désengagement français aurait constitué un signal extrêmement négatif à l’égard des Etats-Unis et de l’ensemble des Européens participant à cette opération. On ne doit pas oublier que l’intervention a été menée à la suite du drame des Twin Towers. La présence française est concentrée pour l’essentiel à Kaboul, les avions étant basés à Douchanbé. A ce sujet, les pilotes de Rafale de retour d’Afghanistan ont souligné le comportement remarquable de l’avion et le saut technologique extraordinaire qu’il représente par rapport au Mirage.

Le Président de la République a clairement établi que les troupes n’avaient pas vocation à demeurer durablement en Afghanistan. L’objectif est de participer à la mise en place d’institutions afghanes capables d’assurer elles-mêmes la sécurité et la stabilité du pays. Un effort est donc consenti en ce sens pour renforcer la formation de l’armée afghane – des forces supplémentaires de formation seront envoyées dans quelques mois – et pour développer des programmes de coopération civile, par exemple en matière d’hôpitaux, d’écoles ou de collèges. Pour l’instant, quitter la FIAS serait montrer que l’on se désolidarise de l’ensemble des alliés européens et américains.

M. François Cornut-Gentille a, à son tour, souligné la convergence de vues entre le ministre et la commission par exemple sur la participation du Parlement à un meilleur suivi des OPEX ou sa contribution à la modernisation du ministère. Cette convergence sera très utile pour la rédaction du Livre blanc.

Il importe cependant de revenir sur la question de la revue de programmes. Certes, celle-ci n’est pas encore faite, mais la façon dont elle se déroulera déterminera peu ou prou la suite de la réflexion. Loin d’être un exercice anodin et technique, elle engagera lourdement l’élaboration du Livre blanc. Il serait donc intéressant d’avoir des indications sur le calendrier et la méthodologie retenue et de savoir si des objectifs financiers sont déjà fixés. Selon que l’approche sera strictement budgétaire ou non, les choses seront différentes. Des nombreuses revues de programmes menées par le passé, certaines ont été réussies, d’autres moins. Or les choix effectués conditionneront la suite.

Le ministre a confirmé que la revue de programmes n’était pas commencée et que la méthode à utiliser n’était pas définie. L’achèvement de l’état des lieux permettra d’obtenir une première perspective. Quant au calendrier de la revue de programmes, il devrait être parallèle à celui du Livre blanc. Ainsi, en fin d’année, lors de la rédaction définitive de ce document, on disposera d’une vision globale.

Aux yeux du Premier ministre, il s’agit avant tout d’une revue de programmes capacitaire, axée sur la cohérence opérationnelle, même si les aspects physico-financiers ne peuvent pas totalement être laissés de côté. On dénaturerait néanmoins l’exercice si l’on se contentait de ce dernier aspect.

Certains programmes, il faut le reconnaître, soulèvent des interrogations. Au salon du Bourget, par exemple, tous les industriels ont des drones à vendre, tous plus performants les uns que les autres. On ne pourra les satisfaire tous. Il convient donc avant tout d’effectuer une revue capacitaire et de cohérence opérationnelle de l’ensemble, en sachant que la France ne consacrera pas 4 % de son PIB à la défense.

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Informations relatives à la commission

— La commission a procédé à la nomination de ses rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances pour 2008.

Ont été nommés :

- Défense

• Environnement et prospective de la politique de défense : M. Yves Fromion

• Soutien et logistique interarmées : M. Philippe Folliot

• Forces terrestres : M. Jean-Louis Bernard

• Marine : Mme Marguerite Lamour

• Air : M. Jean-Claude Viollet

• Équipement des forces : M. François Cornut-Gentille

• Espace, communications, dissuasion : M. Michel Sainte-Marie

- Sécurité

• Gendarmerie nationale : M. Alain Moyne-Bressand

- Mémoire et liens entre la Nation et son armée

• Liens entre la Nation et son armée : M. Patrick Beaudoin

— La commission a nommé M. Yves Fromion rapporteur pour avis sur le projet de loi de portant création d’une délégation parlementaires au renseignement (n° 13).

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