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Commission de la défense nationale et des forces armées

Jeudi 11 octobre 2007

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 6

Présidence de M. Guy Teissier, président, puis de M. Michel Voisin, vice-président

– Audition de l’amiral Alain Oudot de Dainville, chef d’état–major de la marine, sur le projet de loi de finances pour 2008

Audition de l’amiral Alain Oudot de Dainville, chef d’état-major de la marine, sur le projet de loi de finances pour 2008

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu l’amiral Alain Oudot de Dainville, chef d’état-major de la marine, sur le projet de loi de finances pour 2008 (n° 189).

L’amiral Alain Oudot de Dainville, chef d’état-major de la marine, après avoir rappelé que le budget 2008 correspondait à une année de transition avant la mise en œuvre des décisions qui résulteront des différents travaux en cours, a souhaité faire une présentation succincte du cadre d’action de la marine avant de présenter à la commission un bilan de l’utilisation du budget de la marine en 2007 et de commenter les perspectives ouvertes par le projet de loi de finances.

A l’ère de la mondialisation et de l’interdépendance, l’intérêt stratégique des espaces maritimes se renforce. Il suffit de constater le développement de l’urbanisation côtière et des ensembles portuaires. Avec les délocalisations, les échanges par mer, tant énergétiques que de biens, connaissent une croissance deux fois plus élevée que la croissance mondiale. S’effectuant en flux tendus, ces échanges maritimes présentent de réelles vulnérabilités en cas d’interruption et peuvent aisément devenir la proie de terroristes. Le trafic régulier générant les trafics illicites, on assiste à une hausse des trafics illicites sur mer. Par ailleurs, la sensibilité accrue et légitime pour l’environnement concerne bien évidemment les mers et océans qui couvrent 70 % de notre planète.

La mer reste encore le seul espace de liberté, de transit, de déploiement et de positionnement d’où peut s’afficher et s’exprimer la puissance de manière permanente et modulable. Plus de 80 % des pays ayant une façade maritime, les rivages sont devenus les véritables frontières entre les États. La mer est à la fois ce lieu inviolable où patrouillent les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins et celui d’où le porte-avions peut sans contrainte lancer, à la demande, ses missions aériennes. De nombreuses puissances régionales, notamment en Asie (Inde, Chine, Japon, Malaisie), sont déjà ou veulent s’affirmer comme puissances navales.

Le chef d’état-major de la marine a estimé que la France, riche du deuxième espace maritime au monde et forte de ses responsabilités mondiales et européennes, doit disposer d’une stratégie maritime globale. Son volet militaire, la stratégie navale, repose sur une marine apte à intervenir dans le cadre de la défense ou celui de la sécurité. Ses missions couvrent un spectre très étendu allant de la dissuasion à la sécurité des personnes en mer. La marine nationale est donc une force océanique, polyvalente et équilibrée qui est un acteur majeur des missions de défense et de sécurité en mer. Pouvant se déployer sans contrainte, elle est présente sur tous les océans, à l’instar de ses homologues américaine et britannique. En métropole, elle s’est concentrée sur deux ports, Brest et Toulon, soit un par façade maritime.

L’amiral Oudot de Dainville a ensuite exposé la manière dont le budget voté pour 2007 a été utilisé au sein de la marine.

Pour ce qui concerne les missions de défense, la posture de dissuasion a été tenue sans discontinuité par les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE). Le savoir-faire de la composante aéroportée a été maintenu jusqu’à l’entrée en indisponibilité du Charles-de-Gaulle à l’été 2007. La crédibilité de la dissuasion repose sur les opérations de sûreté de zone menées au profit de la force océanique stratégique (FOST) par les sous-marins nucléaires d’attaque (SNA), les frégates de lutte anti-sous-marine, les aéronefs de patrouille maritime ainsi que les chasseurs de mines.

La participation de la marine à la lutte contre le terrorisme et l’insécurité se poursuit dans le nord de l’océan Indien, en étroite coopération avec les forces alliées. Elle contribue activement à préserver la liberté de circulation sur mer, en particulier dans les détroits d’Ormuz et de Bab El-Mandeb. Deux bâtiments et un avion de patrouille maritime sont déployés en permanence dans le cadre de l’opération Enduring Freedom /Héraclès-mer, la France étant le deuxième contributeur naval de la zone. Par ailleurs, un bâtiment français escortera dorénavant les navires du Programme alimentaire mondial aux abords des côtes somaliennes, où la piraterie a crû de plus de 50 % en un an.

Le groupe aéronaval s’est également déployé dans l’océan Indien pour la deuxième année consécutive, dans le cadre de l’opération Héraclès-Air/indien, de soutien à l’international security assistance force (ISAF). Ce déploiement a permis d’affirmer la continuité de notre présence aux côtés de nos alliés et a confirmé notre savoir-faire et notre interopérabilité tant pour l’action contre la terre que pour travailler avec les marines alliées. Pendant les trente jours d’opérations du groupe aérien au-dessus du territoire afghan, 370 missions aériennes de reconnaissance et d’appui au sol ont été réalisées. Plusieurs engagements offensifs ont été conduits et, pour la première fois, le Rafale marine dans sa version F2 (assaut contre la terre) a été engagé en opérations et a pu montrer ses exceptionnelles capacités opérationnelles au combat. Signe de la forte implication de la marine dans l’océan Indien, la France a exercé le commandement de la force maritime multinationale (Task Force 150) opérant entre la mer Rouge et le détroit d’Ormuz d’avril à août 2007. A ce moment là, sa présence a été renforcée par un bâtiment de commandement et un état-major embarqué.

Dans le golfe de Guinée, une capacité permanente de soutien, d’intervention et d’évacuation de ressortissants est maintenue. Constitué d’un bâtiment porte-hélicoptères et de détachements d’avions de patrouille maritime, ce dispositif agit en soutien de l’opération Licorne en Côte-d’Ivoire. Il contribue aussi au développement de la région en apportant une assistance aux marines riveraines. A l’intérieur des terres africaines, les commandos marine sont intervenus en 2007 dans le cadre d’opérations spéciales. Un aéronef de patrouille maritime a été déployé au Tchad jusqu’en mai 2007 en soutien des opérations terrestres.

Depuis l’été 2006, une frégate croise en permanence en Méditerranée au large du Liban. Travaillant en étroite coopération avec la force maritime des Nations Unies et les forces navales libanaises, ce navire permet de conserver une capacité d’évaluation autonome de la situation.

L’entretien de notre aptitude à coopérer avec les marines alliées ne s’est pas limité au seul théâtre de l’océan Indien. Ainsi, une frégate a été intégrée pendant deux mois au groupe aéronaval espagnol et un groupe d’action maritime composée de deux autres frégates et d’un SNA s’est déployé au large des côtes américaines. Il a participé à la phase de mise en condition opérationnelle du porte-avions américain Harry S. Truman. Enfin, fin juillet, deux Rafale et un Hawkeye ont apponté avec succès sur le porte-avions américain Enterprise, signe très fort de notre interopérabilité.

L’interopérabilité de la marine française avec l’OTAN est complète depuis la certification obtenue en 2006. L’admission au service actif des bâtiments de projection et de commandement (BPC) Mistral et Tonnerre a permis à la France d’accéder au tour de commandement de la force de réaction de l’OTAN, la Nato Response Force (NRF) et d’assurer, à ce titre, l’alerte du commandement de la composante amphibie au premier semestre 2007.

Le chef d’état-major de la marine a ensuite évoqué les missions de surveillance des zones maritimes, qui se sont poursuivies cette année sur toutes les mers du globe. Elles permettent de précieux recueils d’informations dans le cadre de la prévention des crises mais soutiennent également l’action diplomatique française. Au total, 35 navires sont quotidiennement à la mer, dont 28 déployés à plus de 300 nautiques de leur port d’attache pendant une durée supérieure à sept jours. En moyenne, quatre aéronefs de patrouille ou de surveillance maritime sont présents sur des théâtres extérieurs.

Il a rappelé que la sauvegarde maritime recouvre la contribution de la marine à la sécurité des Français. L’approche interministérielle mise en œuvre semble la plus à même de fédérer les capacités des administrations agissant en mer, la marine apportant ses capacités hauturières au dispositif. Les opérations de lutte contre les trafics nécessitent d’agir dans la profondeur, notamment à proximité de leur point de départ. L’approche française, par son décloisonnement et l’élimination des doublons, apparaît la plus pertinente et la plus économe. Les actions menées sont cependant fréquemment entravées par des problèmes juridiques tels que le droit du pavillon, le statut des migrants naufragés en mer ou la problématique de leur lieu de débarquement. La France doit être sur ces sujets une force de proposition, tout particulièrement dans la perspective de sa présidence de l’Union européenne.

Les trafics d’êtres humains auxquels la marine française est confrontée en mer de sont de véritables drames. Aucune donnée fiable n’est disponible sur le nombre de candidats à l’exil qui se noient au cours de leur traversée. Ces situations inhumaines concernent tant la Méditerranée que l’Afrique occidentale, l’océan Indien ou la mer des Caraïbes. En mai dernier, la frégate La Motte-Picquet a ainsi récupéré dix-huit cadavres en Méditerranée centrale qu’elle a ramenés à Toulon faute de pouvoir les déposer ailleurs.

Sur les côtes françaises, l’immigration clandestine par voie maritime concerne particulièrement la Guadeloupe et Mayotte. Sur cette île, la marine arme deux radars de veille et a intercepté au cours des neuf derniers mois 15 navires avec 440 migrants et passeurs (640 en 2006). La marine a également accru sa coopération avec l’agence européenne FRONTEX en s’engageant résolument dans des opérations « coup de poing » au profit d’États membres confrontés à l’immigration par voie de mer. Depuis octobre 2006, des avions de patrouille maritime ont participé à six opérations aux Canaries, à Malte, en Grèce et en Sardaigne.

Dans le domaine de la lutte contre le narcotrafic, la coopération interministérielle et internationale a permis de mener plusieurs opérations en Atlantique, Méditerranée et Manche. Fin 2006, une prise de plus de quatre tonnes de cocaïne a ainsi eu lieu sur le cargo Ciudad de Oviedo. Quatre navires ont été déroutés en 2007 mais il faut faire beaucoup plus, car le prix du gramme de cocaïne est deux fois moins élevé en France qu’aux États-Unis, ce qui témoigne de la prospérité des trafics.

La lutte contre la pêche illicite se poursuit. En Guyane, le nombre de contrevenants brésiliens a augmenté et leur violence s’est accrue. 62 interceptions ont eu lieu sur les neuf premiers mois de 2007, contre 18 sur la même période en 2006. En dépit d’une coopération active avec les autorités brésiliennes, de nouveaux modes d’action doivent être envisagés. Dans les Terres australes par contre, aucun contrevenant n’a été détecté depuis 2005. La combinaison de la surveillance par satellite et de patrouilles de navires, menées en coordination avec les Australiens, a porté ses fruits.

La lutte contre la pollution, quant à elle, ne se relâche pas. Si en 2006 un seul contrevenant a été dérouté, trois navires ont été surpris depuis le début de l’année et ont été déroutés vers Brest ou Toulon.

Les opérations de recherche et de sauvetage ont permis de sauver plus de 180 personnes sur les neuf premiers mois de l’année. En Polynésie, la marine a apporté un concours très actif aux opérations liées au crash du Twin-Otter entre Moorea et Papeete cet été et une catastrophe maritime majeure a été évitée de justesse en début d’année, lors de l’échouage provoqué du MSC Napoli, battant pavillon britannique. Si l’opération d’assistance franco-britannique avait échoué, ses 2 400 conteneurs flottant entre deux eaux auraient paralysé la Manche en sus des dégâts liés à la pollution.

Enfin, les marins et les moyens de la marine sont régulièrement engagés sur le territoire national dans le cadre des missions Vigipirate et Vigimer. Près de 200 marins sont ainsi déployés ou en alerte, en mer sur nos façades maritimes ou à terre comme à Marseille et Cherbourg, pour participer à la posture nationale de vigilance.

En parallèle des opérations proprement militaires, la sauvegarde maritime représente donc toujours une part importante de l’activité opérationnelle de la marine. Dans ce domaine de la lutte contre l’usage ou l’exploitation illicite des espaces maritimes, la marine accompagne la montée en puissance des agences européennes. Cependant, dans le souci d’économie des moyens, elle milite pour ne pas sectoriser les moyens par domaine de responsabilité d’agence.

L’amiral Oudot de Dainville a ensuite évoqué un autre chantier poursuivi en 2007, celui de la disponibilité des moyens. Le taux moyen de disponibilité technique des bâtiments est passé de 65 % en 2004 à 74 % en 2006 et devrait se maintenir à ce niveau cette année. Ce taux doit cependant être pondéré par la prise en compte de l’importance relative de la disponibilité des unités pour la marine.

Ce bon résultat est la conséquence de la réorganisation du maintien en condition opérationnelle (MCO) ces dernières années, tant dans l’industrie que du côté de l’État. Celle-ci a été marquée par la création du service de soutien de la flotte (SSF) en 2000 et le changement de statut de DCN en 2003. Ces évolutions ont permis de mettre en œuvre une politique de contractualisation associant pluri-annualité, mise en concurrence et responsabilisation des titulaires sur les résultats. La prochaine étape de modernisation de la maintenance doit porter sur deux axes : l’amélioration de la disponibilité des armes et des équipements et la poursuite de la mise en conformité des bâtiments avec la réglementation relative à l'environnement.

La première indisponibilité pour entretien et réparation (IPER) du porte-avions Charles-de-Gaulle vient de démarrer. C'est une opération très lourde et la durée de mise à disposition de l’industriel (15 mois) ne peut être réduite en raison des contraintes liées au respect de la sécurité nucléaire. Ce chantier représente un vrai défi industriel. Sa marge pour aléas (cinq semaines) est très faible au regard de ce qui est généralement pratiqué pour des chantiers qui sont réputés plus simples.

Pour le soutien des matériels de l'aéronautique navale, la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense (SIMMAD) poursuit ses efforts afin de réduire le coût et la charge de maintenance des aéronefs. En dépit d’une flotte vieillissante et des difficultés techniques et logistiques sur le moteur M88 du Rafale, la disponibilité des appareils de l'aéronautique navale s’est améliorée avec une stabilité des dépenses de MCO. Elle est passée, en moyenne, de 52 % en 2004 à 57 % au deuxième trimestre 2007. On assiste cependant à une diminution des stocks de rechanges qui, au vu des ressources allouées pour 2008, ne devrait pas être enrayée. A moyen terme, l’activité aérienne et la disponibilité des aéronefs ne pourront donc être maintenues à leur niveau actuel.

En ce qui concerne enfin les équipements, l’année 2007 a vu la livraison du BPC Tonnerre, après celle du Mistral fin 2006. D’ici la fin de l’année, sept Rafale de type F2 (capacités air/air et air/sol) seront livrés ainsi que 50 missiles PAAMS, 10 missiles Scalp/EG et 75 torpilles MU 90. Parmi les commandes passées, la première tranche conditionnelle du SMA de type Barracuda (pour 883 millions d’euros) est la plus importante.

Le chef d’état-major de la marine a ensuite abordé le projet de loi de finances, en regrettant que l’architecture en programmes du budget de la mission défense ne permette plus de présenter un budget complet et isolé correspondant au périmètre de la marine. La marine prend sa part dans la réalisation des objectifs plus globaux qui sont fixés. En tant que responsable de la cohérence de la marine, il doit s’assurer de l’harmonie des contributions des programmes budgétaires à la préparation et à l’emploi des forces navales, à leur équipement et à leur soutien.

Après plus d'une année d'expérience, la mise en œuvre de la LOLF s’avère une réelle incitation à piloter plus finement la masse salariale. Elle a permis d'engager une approche plus complète des dépenses et donc une meilleure perception de l'effet des politiques publiques. Cependant, elle a aussi introduit une réelle complexité dans les procédures budgétaires et comptables. Les surcharges administratives ont augmenté tant dans les travaux interministériels que dans ceux internes au ministère. Les responsables de l'emploi et de la gestion des crédits se sont appropriés la démarche de la performance, notamment au travers du pilotage par le dialogue de gestion. Pour autant, cela ne s’est pas traduit par une plus grande autonomie ni la mise en extinction des anciennes procédures. Force est de constater que les procédures ont été superposées plutôt que substituées les unes aux autres. Enfin, les souplesses accordées pour la gestion des crédits sont bridées par le découpage des programmes, marqué par une séparation entre crédits de fonctionnement et ceux d’investissement. De ce fait, la flexibilité attendue s’avère quasiment figée, les crédits de fonctionnement restant contraints par le caractère hautement obligatoire des dépenses et les mises en réserve.

Pour ses dotations budgétaires, la marine, comme les autres armées, ne dispose plus au sein de la mission « Défense » d'un périmètre clairement identifié. Les crédits alloués à son activité et au renouvellement de ses moyens sont répartis dans plusieurs programmes, dont les trois principaux sont « Préparation et emploi des forces » (178), « Équipement des forces » (146) et « Soutien de la politique de défense » (212).

En tant que « client », l’amiral Oudot de Dainville a souhaité présenter les attentes de la marine pour chacun de ces trois programmes.

Le programme « Préparation et emploi des forces » concerne la quasi-totalité des unités en service de la marine, réunies au sein de l’action « préparation des forces navales ». Cette action rassemble 91 % du personnel de la marine, dont 17 % de civils, avec la masse salariale afférente. Elle intègre les crédits de fonctionnement, dont ceux liés aux carburants, et les crédits d’entretien du matériel. Un budget opérationnel, correspondant à l’action « préparation des forces navales », est placé sous la responsabilité de gestion du major général de la marine.

La masse salariale allouée à l’action « préparation des forces navales » est de 2,7 milliards d’euros, dont 900 millions d’euros au titre des pensions. Les crédits de rémunération et de charges sociales (RCS) sont en augmentation de 57 millions d’euros pour la marine par rapport à la loi de finances 2007, alors même que le budget a été construit avec des réductions d'effectifs. L'augmentation est principalement liée aux corrections d'erreurs constatées après la construction budgétaire de 2006, premier budget construit en régime LOLF (pour 33 millions d’euros), le reste étant constitué d’une augmentation de la dotation sur le compte d’affectation spéciale des pensions. Les réductions d'effectifs décidées pour 2008 portent sur deux domaines. Tout d’abord, la transformation du service hydrographique et océanographique de la marine (SHOM) en établissement public administratif se traduit par un transfert de personnel (432 civils et 436 militaires) et de crédits (35 millions d’euros). Des suppressions de postes (52 civils et 305 militaires) ont également été décidées et devraient générer une économie en masse salariale de 7,7 millions d’euros. Les mesures catégorielles en faveur du personnel militaire s'élèvent, quant à elles, à 12 millions d’euros, dont 4 millions d’euros pour la dernière tranche du plan de la revalorisation de la condition militaire.

Les crédits alloués pour le fonctionnement et l’activité des forces navales représenteront 442 millions d’euros en 2008, soit une baisse de 12 millions d’euros par rapport à 2007. Un objectif de gains de productivité de l'ordre de 3 % est fixé. En fonction de l’évolution des cours des carburants et des coûts des prestations pour le fonctionnement courant, il pourra être nécessaire de réduire encore les dépenses de fonctionnement pour préserver l’activité des forces. La part relative des dépenses liées aux produits pétroliers augmente. Elle est passée de 12 % des crédits de fonctionnement en 2004 à 20 % en 2008 avec une hausse sur cette période de près de 140 % du cours du baril. Cependant, la marine a tiré parti de la fluctuation des cours du baril pour reconstituer ses réserves à coût maîtrisé. En 2006, ses stocks de gazole de navigation en métropole avaient atteint un niveau bas à près de 42 000 tonnes, la ressource financière disponible ayant été consacrée en priorité au maintien de l’activité. Début 2007, la marine a profité de la baisse des cours pour rehausser, à moindre coût, les niveaux des stocks à environ 70 000 tonnes, conformément aux objectifs fixés par l'état-major des armées.

Le chef d’état major de la marine a ensuite précisé que les crédits consacrés à l’entretien des équipements représenteront, en 2008, 1 078 millions d’euros en autorisations d’engagement et 1 117 millions d’euros en crédits de paiement. La dotation en crédits de paiement diminue très légèrement, de 10 millions d’euros, par rapport à 2007. Cette baisse, cohérente avec les projections de la loi de programmation militaire (LPM), est très visible sur les crédits d'entretien de la FOST. Ceux-ci affichent des moindres besoins pour l'année 2008 du fait de l'achèvement, en ce mois d'octobre, de l'IPER du SNLE-NG Le Téméraire. En ce qui concerne l'entretien de la flotte, la principale opération prévue en 2008 concerne l’IPER du porte-avions qui a débuté en septembre 2007. L'année prochaine verra également les arrêts techniques majeurs ou intermédiaires (d'une durée limitée à six mois) de trois SNA (Perle, Rubis et Émeraude). Les contrats « CAP 2005 » ont permis de stabiliser les dépenses de MCO naval à environ 800 millions d’euros par an depuis plusieurs années et 766 millions d’euros de crédits de paiement sont prévus au projet de loi de finances pour 2008. L’année 2008 sera une étape clef du MCO naval, avec la fin de ces contrats « CAP 2005 » et leur remplacement par les contrats « CAP 2008 ». Du succès de cette démarche dépend la pérennisation des principes de conduite du MCO dans un cadre global, pluriannuel et axé sur les résultats. Le maintien des ressources attribuées au MCO naval, garant d'une visibilité indispensable aux industriels, est l’une des conditions de cette inscription dans la durée.

Quant aux crédits d’entretien programmé des matériels aéronautiques, ils s'élèveront à 342 millions d’euros de crédits de paiement, en augmentation suite à un transfert de charges lié à la création du service industriel aéronautique (SIAé), qui intégrera des unités en charge du soutien et de l'entretien des aéronefs de la marine. La contrainte budgétaire reste cependant forte par rapport à l'ensemble des besoins et cette situation nécessitera de limiter l’activité aérienne et de reporter des marchés de réparation de rechanges.

L’amiral Oudot de Dainville a ensuite estimé que les crédits du programme « Équipement des forces » (146) permettraient la poursuite du renouvellement des moyens de la marine. Le budget 2008 a été construit de manière à assurer le déroulement normal des principaux programmes d'armement, en attendant les éventuelles inflexions déduites des travaux actuellement menés. Les opérations d'équipements de la marine sont ainsi dotées de 4 066 millions d’euros en autorisations d’engagement, dont 3 000 millions d’euros prévus et réservés pour le programme du deuxième porte-avions. Les efforts consentis pour la modernisation des moyens navals devraient donc pouvoir se poursuivre, conformément aux objectifs de la LPM 2003-2008.

Dans le domaine de la dissuasion, la construction du quatrième SNLE/NG Le Terrible progresse normalement. Sa présentation aux essais est toujours programmée début 2009. Hors dissuasion, la moitié des programmes de la marine est conduite en coopération européenne. Pour le deuxième porte-avions, la volonté est clairement affichée de réaliser ce bâtiment en commun avec le Royaume-Uni ; cette volonté se concrétise dans la conduite d’études qui ont permis de faire converger les besoins opérationnels des deux pays sur un dessin commun. Afin de maintenir une cohérence de calendrier entre ces deux programmes et de faciliter les accords entre industriels, il importe d'obtenir une décision à la fin de l’année 2007. Celle-ci sera en phase avec la conclusion des travaux, menés dans le cadre de la rédaction du prochain Livre blanc et de la revue des programmes. Les catapultes ont été commandées au printemps 2007.

Comme en 2007, l’année 2008 sera ponctuée d’événements importants pour la marine : la première frégate de défense aérienne de type Horizon, Le Forbin, sera admise au service actif ; sept Rafale de type F2 seront livrés et cette année verra également débuter la transformation de la flotte de Rafale F2 au standard F3.

En ce qui concerne enfin le programme 212 « Soutien politique de défense », placé sous la responsabilité du secrétaire général pour l’administration, 174 millions d’euros d’autorisations d’engagement seront destinés aux investissements de la marine en infrastructures, pyrotechnies comprises.

L’infrastructure participe à la cohérence globale de la marine. A cet effet, il est très important pour l’accomplissement de ses missions de défense de stabiliser les dotations budgétaires dans un domaine qui a besoin d'une visibilité pluriannuelle pour progresser. Depuis plusieurs années, la marine privilégie la réhabilitation de ses installations techniques portuaires et les modifications induites par les livraisons des programmes d'armement nouveaux. Tel est le cas de l’adaptation des installations de l’Île-Longue aux futurs missiles M51 ou de la livraison dans les bases de l’aéronavale de hangars pour l'accueil des hélicoptères NH 90. Les conditions de vie des marins à terre ne sont pas négligées pour autant et l'année 2008 permettra de poursuivre les travaux de rénovation et d'adaptation du casernement, afin d'offrir des hébergements aux standards de confort actuels dans les bases navales de Brest et de Toulon pour les célibataires. Le programme 212 consacre également 11 millions d’euros aux systèmes d’information et de gestion de la marine.

Le chef d’état major de la marine a souhaité terminer son propos en évoquant la principale richesse de la marine : ses hommes et ses femmes, civils et militaires. La politique de ressources humaines doit s’appuyer sur un juste équilibre entre recrutement, formation, fidélisation et reconversion.

Les contraintes de la vie embarquée et la mise en œuvre de moyens d’un haut niveau de technicité imposent à la marine de disposer en permanence d’un personnel jeune, compétent et motivé. Face à cet impératif, la marine doit rester attractive. C’est pour cela qu’elle propose à son personnel soit des carrières courtes dans lesquelles le retour à la vie civile est facilité, soit des carrières longues reposant sur des cursus professionnels adaptés et motivants. Afin de développer des compétences qui ne sont généralement pas disponibles dans le système éducatif, la marine assure également un effort très important de formation. Les carrières longues permettent de fidéliser des savoir-faire indispensables au fonctionnement des unités opérationnelles.

Aujourd’hui, le moral des marins est satisfaisant même s'il reste fragile. Il dépend avant tout de l'activité opérationnelle des unités. Le marin qui part en opérations, y compris au beau milieu des ses vacances, se sent utile et valorisé. Mais pour qu'il puisse participer aux opérations, son outil de travail (bateau, sous-marin ou avion), auquel le lie un lien viscéral, doit être correctement entretenu. L’importance accordée au MCO est donc primordiale pour le moral. De même, les personnels sont très attentifs à la modernisation de la marine et suivent avec attention les décisions en matière d’équipements. Mais si le marin a une passion professionnelle, la mer et son bâtiment, il a également une famille. Le soutien apporté à celle-ci et son pouvoir d'achat sont des éléments clés de son moral. Ceux-ci lui permettent de se concentrer sur sa mission. A ce propos, le travail effectué par les experts indépendants du haut comité d'évaluation de la condition militaire doit être souligné ; leur analyse est remarquable et leurs recommandations répondent aux attentes du personnel, qu'il convient de ne pas décevoir.

En conclusion, l’amiral Oudot de Dainville a estimé que l’une de ses principales occupations en tant que chef d’état-major est de maintenir la réactivité et l’efficacité opérationnelle de la marine face aux besoins croissants liés tant aux missions de défense que de sécurité. Alors qu’un chantier très important est engagé sur la politique de défense, il n’a pas souhaité esquisser formellement les grands axes d’évolution de la marine mais s’est dit prêt à répondre aux questions sur ce sujet.

Le président Guy Teissier, après avoir souhaité savoir dans quelles conditions l’entraînement des pilotes de l’aéronautique navale se poursuivrait compte tenu de l’absence actuelle de disponibilité de notre porte-avions, a informé les membres de la commission qu’un déplacement est programmé à Toulon, dans le courant du premier trimestre 2008, afin de visiter un BPC à l’invitation du chef d’état-major de la marine.

M. Yves Fromion a souhaité connaître le taux de disponibilité du Rafale, pour lequel le chef d’état-major a signalé des difficultés liées au moteur M88, ainsi que les conditions d’emploi et les bâtiments d’emport du futur missile Scalp-naval.

En matière de surveillance des approches maritimes, il s’est demandé si, compte tenu de l’évolution des missions de la marine dans ce domaine, les moyens aériens et navals actuels étaient suffisants et adaptés.

S’agissant de l’entraînement des pilotes de l’aéronavale, l’amiral Alain Oudot de Dainville a précisé que malgré l’absence de disponibilité du porte-avions Charles-de-Gaulle, les entraînements se poursuivraient pour les pilotes de Rafale F2 et d’Hawkeye sur les porte-avions américains, ceux-ci étant en effet interopérables avec ces aéronefs. Pour ce qui concerne le Super-Etendard, celui-ci ne peut être exploité qu’à partir de l’ex-porte-avions Foch qui appartient aujourd’hui à la marine brésilienne, sous le nom de Sao Paulo. Au printemps 2008, des sessions d’entraînement de nos pilotes sont étudiées tant sur le Sao Paulo que sur des porte-avions américains. Il n’est pas question de diminuer les entraînements des pilotes de chasse car cela pourrait remettre en cause la sécurité des vols. Actuellement, le temps annuel minimum d’entraînement est fixé à 180 heures pour un pilote qui apponte de jour et à 220 heures pour un pilote qui apponte de nuit. Si des choix sont à effectuer, on diminuera le nombre de pilotes à entraîner mais en aucun cas le nombre d’heures d’entraînement par pilote.

En ce qui concerne la disponibilité des Rafale, le taux de 57 % cité précédemment est un chiffre global qui concerne l’ensemble de l’aéronautique navale. Au premier semestre 2007, le Rafale a affiché un taux de disponibilité remarquable de 77 % dans le cadre de son emploi sur le porte-avions. Pour cet appareil, les problèmes sont essentiellement d’ordre logistique et portent sur les pièces de rechange du moteur ; l’objectif dans ce domaine est d’améliorer les flux d’approvisionnement.

Le Scalp, dans sa version navale, est un missile que beaucoup de marines du monde souhaitent acquérir du fait de sa polyvalence puisqu’il peut équiper autant les moyens « cachés » que sont les sous-marins que les moyens « ouverts » comme les frégates. Il garantit une véritable liberté d’action sur les océans et, en raison de sa grande précision de frappe, constitue un bon moyen de persuasion face à certains pays qui pourraient se montrer hostiles après l’échec d’opérations diplomatiques ou politiques. Ce missile, en version aérienne, équipe également le Rafale mais, dans ce cas, sa portée est inférieure. Sa mise en œuvre nécessite alors la présence d’un porte-avions qui, comme les frégates et sous-marins, dispose également de la liberté de mouvement.

Abordant la question de la surveillance maritime, l’amiral Oudot de Dainville a rappelé la multiplicité des missions demandées à la marine nationale dans ce domaine. Ainsi, celle-ci doit tout à la fois assurer la sécurité des bâtiments oeuvrant dans le cadre du Programme alimentaire mondial, participer en Méditerranée à la lutte contre l’immigration clandestine dans le cadre de l’agence européenne FRONTEX, assurer l’autorité de la France au large de la Guyane et répondre aux demandes préfectorales de surveillance aérienne aux Antilles ou à Mayotte, pour agir contre l’immigration illicite.

Face à toutes ces sollicitations, les moyens existent mais ne sont pas suffisants. Dans le domaine de la surveillance côtière, le système Spationav – système de surveillance qui relie les sémaphores – pourrait gagner en efficacité grâce à une interconnexion avec les autres dispositifs européens. S’agissant des moyens aériens de surveillance, certains appareils sont anciens, comme le Nord 262 dont le retrait du service est prévu en 2011, et les quatre Falcon 50 actuellement en service sont insuffisants pour assurer une présence outre-mer. Un cinquième Falcon serait particulièrement bienvenu aux Antilles, où il permettrait notamment de mieux lutter contre les narco-trafiquants. Quant aux navires, il convient de distinguer les patrouilleurs, limités aux missions de basse intensité en raison de leur faible rayon d’action et de leur absence de capacité « tous temps », et les frégates, capables d’assurer tant des missions de « haute intensité », de défense ou de sécurité, que des missions de surveillance maritime. Un tel emploi « dual » de nos frégates est rationnel et économique car il permet de profiter au maximum de leurs fonctions opérationnelles.

Mme Marguerite Lamour, rapporteur pour avis des crédits de la marine, est revenue sur plusieurs points d’importance évoqués par le chef d’état-major, tels que : l’exigence de permanence à la mer du groupe aéronaval, qui rend indispensable l’acquisition par la France d’un second porte-avions ; le respect du calendrier prévu pour les programmes FREMM et Barracuda ; le moral des troupes et les conditions de vie des marins, qui sont des éléments indissociables du bon fonctionnement de nos armées ; le caractère essentiel, bien que moins spectaculaire que les opérations extérieures ou la dissuasion, des opérations de sauvegarde maritime, exigeantes en moyens matériels et humains.

Elle a ensuite posé plusieurs questions sur les attentes de la marine suite au changement de statut de DCNS ; les perspectives de remplacement du navire école la Jeanne d’Arc, une externalisation par le biais de l’affrètement d’un bâtiment privé ayant été évoquée ; les difficultés de logement des marins à Toulon, en raison des prix de l’immobilier dans la région, et enfin les limites de l’interarmisation, qui ne doit pas aller jusqu’à gommer la spécificité des besoins de chaque armée.

Rappelant enfin la très grande diversité des métiers de la marine, qui entraîne des dépenses de formation considérables, elle a insisté sur l’importance, pour la marine, de la fidélisation de ses personnels.

L’amiral Oudot de Dainville a tout d’abord estimé que les programmes FREMM et Barracuda sont encore en phase de démarrage, ce qui n’emporte pas, pour le moment, d’échéances cruciales. La première frégate devrait être mise à l’eau en 2009 : ce n’est réellement qu’à partir de ce stade qu’on pourra constater si les échéances sont tenues.

Il a ensuite confirmé que l’élément humain demeure fondamental dans la marine. Le commandement est une activité d’une grande richesse, qui ne peut pas laisser de place à une gestion technocratique. En conservant cette proximité avec les hommes et les femmes qui composent les équipages, on peut décupler leurs capacités et les pousser à l’excellence. Des efforts considérables sont en effet nécessaires en matière de recrutement, qui connaît une forte concurrence avec le secteur civil. Hier, le ratio était de 3 candidats pour un poste ; il est aujourd’hui de 2,8. Pour garantir l’image d’excellence et l’attractivité de la marine, l’investissement dans la formation est indispensable, d’autant que la moyenne d’âge est de 27 ans. 275 millions d’euros ont ainsi été investis dans les formations en 2006, et 245 millions d’euros devraient l’être en 2007. Si les métiers sont nombreux dans la marine, il serait hors de propos d’abaisser la qualité de la formation garante de sécurité ; à titre d’exemple, l’état-major de la marine répond devant l’État de la sûreté de ses centrales nucléaires embarquées.

Les conditions de vie des familles de marins sont également un élément de fidélisation et l’encadrement doit y être attentif. La question de la mobilité est notamment sensible, car elle est souvent problématique pour l’emploi des conjoints. C’est pour cela que l’effort porte actuellement sur le rassemblement des personnels dans des bassins d’emploi afin de garantir un minimum de stabilité. Enfin, le suivi social constitue un volet important de la politique de gestion des personnels, notamment en matière de reconversion. Les marins ont une durée moyenne de service de 17 ans. Il est donc indispensable de leur proposer une politique de reconversion efficace, capable de leur ouvrir des perspectives d’emploi dans le civil et de réduire, du même coup, le montant des allocations de chômage versées par la marine, qui s’élève chaque année à 15 millions d’euros.

Le chef d’état-major a ensuite estimé qu’en matière de sauvegarde, la marine manquait d’un « sponsor ». Le ministère de la défense est plus sensible aux opérations strictement militaires qu’aux actions de sécurité qui nécessitent des équipements. On peut néanmoins espérer que la situation évolue puisque le Livre blanc est actuellement élaboré dans un esprit de continuum sécurité-défense. Il faut rappeler qu’il s’agit d’opérations qui sont toujours menées en coopération interministérielle ainsi que, de plus en plus souvent, à l’échelon international. Tout cela fonctionne de façon satisfaisante.

Beaucoup a été fait depuis la transformation du statut de DCN en 2003 mais les efforts doivent se poursuivre dans le sens du regroupement européen de l’industrie navale et du renforcement de ses capacités d’exportation. Pour asseoir une base financière à la hauteur de ses potentialités, DCNS ne peut se contenter d’avoir l’État français pour seul commanditaire. L’enjeu est d’autant plus grand que la concurrence dans le domaine de la construction navale se révèle toujours plus vivace.

L’amiral Oudot de Dainville a ensuite affirmé que la Jeanne d’Arc est une grande dame qui rend encore de bons et loyaux services tant à la formation des élèves officiers qu’en jouant un rôle de « vitrine » de la marine française à l’occasion de ses déplacements à l’étranger. Elle a cependant quarante-quatre ans, ce qui est considérable pour un bâtiment à vapeur. La question du recours à de nouveaux processus pour son remplacement est effectivement à l’étude.

Enfin, il a considéré que l’interarmisation est une réalité quotidienne sur l’ensemble des théâtres d’opération et est nécessaire aux échelons de décision. Mais sa cohérence passe par la complémentarité des cultures (terre, air, mer) et non par leur uniformatisation. Il restera toujours, pour chaque armée, des domaines spécifiques qui ne pourront pas être mis en commun, comme certaines formations. Par contre, dans ces domaines, la coopération européenne peut être génératrice d’économies. En matière de formation des officiers par exemple, la marine développe aujourd’hui la mise en place du concept ERASMUS, avec des échanges de sessions semestrielles entre les écoles navales des pays concernés. Des évolutions similaires mériteraient d’être étudiées pour celle des officiers mariniers.

M. Gilbert Le Bris s’est interrogé sur la date exacte prévue pour la prise de décision définitive de construction du deuxième porte-avions ainsi que sur le programme FREMM, pour lequel le projet de loi de finances reste singulièrement discret. Les conclusions du Livre blanc ne risquent-elles pas de sacrifier un certain nombre de ces bâtiments ?

Il a ensuite évoqué le manque de moyens en matière de sauvegarde maritime, tant sur le plan des équipements que des réglementations applicables. La situation est d’autant plus préoccupante que le tonnage des porte-containers ne cesse d’augmenter, ainsi que leur vitesse de navigation. Ainsi, dans la Manche, lors de l’incident du Napoli, il a fallu vingt-quatre heures pour connaître la teneur de la cargaison.

L’amiral Oudot de Dainville a précisé que la décision relative à la construction du second porte-avions devrait être prononcée d’ici mars 2008, la France n’étant pas le seul décisionnaire dans cette affaire puisqu’il s’agit d’un programme en coopération avec le Royaume-Uni.

Il a ensuite confirmé que le financement de la première tranche des FREMM est pour l’heure assuré, pour partie sur le budget de la défense et pour partie sur le budget général, par abondement spécifique en loi de finances rectificative (336 millions d’euros prévus en LFR 2007). Huit de ces bâtiments sont commandés de façon certaine ; seules les décisions relatives au format final de dix-sept navires appartiennent aux lendemains du Livre blanc ainsi qu’à la prochaine LPM.

En ce qui concerne la sauvegarde maritime, une réflexion doit effectivement être menée afin de prendre en compte les évolutions du transport maritime puisque l’on voit désormais des bâtiments de 12 000 boîtes naviguer à la vitesse de vingt nœuds. La marine n’est cependant pas inactive, puisqu’elle est présente au cluster maritime, qui réunit tous les acteurs concernés, et sait se faire entendre du Secrétariat général à la mer, qui est l’autorité interministérielle compétente en la matière. Au moment où l’Union européenne vient de rédiger un Livre bleu relatif à la politique maritime européenne, la France travaille activement pour améliorer le cadre juridique européen et mène également une action au sein de l’organisation maritime internationale (OMI) basée à Londres, où se prennent les décisions majeures en matière de commerce maritime mondial.

M. Bernard Cazeneuve a souligné que les réflexions sur la question des moyens de l’action de l’État en mer et sur celle de la sécurité maritime s’inscrivaient dans le cadre de deux exercices. Le premier est l’élaboration du Livre blanc, qui amènera à se pencher sur le dimensionnement du dispositif. Il convient à cet égard de maintenir la spécificité française de la coordination des actions par le préfet maritime, qui a fait la preuve de sa très grande efficacité notamment au regard du bilan des garde-côtes à l’anglo-saxonne, souvent surestimé. Le deuxième exercice en cours est constitué par le « Grenelle de l’environnement ». Quel rôle la marine y joue-t-elle et met-elle à profit ce rendez-vous politique pour faire des propositions d’amélioration de ses capacités, comme celles de lutte contre les pollutions en mer par exemple ?

Il a ensuite indiqué que face à certaines manifestations d’optimisme, il était enclin à partager la même prudence que le ministre de la défense sur les difficultés des arbitrages à venir en matière d’équipements. De ce point de vue, la marine n’a pas été la moins bien servie dans la LPM 2003-2008 et le programme FREMM a été lancé alors qu’il n’y figurait pas. Par contre, il est vrai que d’autres projets, formellement prévus, ont été engagés seulement en fin de programmation, comme les SNA Barracuda, ou sont encore en suspens, comme le second porte-avions. Que restera-t-il de ces projets lorsque les contraintes budgétaires auront fait leur œuvre ? Les inquiétudes en la matière sont d’autant plus fortes que la capacité d’imaginer de nouveaux concepts budgétaires reste grande, comme en témoignent les notions de provision d’autorisation d’engagement pour le deuxième porte-avions ou de tranches conditionnelles pour un programme déjà décidé comme le Barracuda.

M. Jacques Lamblin a souhaité connaître la part que représente l’entretien du Charles-de-Gaulle dans l’ensemble des crédits de MCO de la marine, ainsi que les différences des délais d’entretien selon le type de propulsion des bâtiments, classique ou nucléaire.

Après avoir relevé que le domaine maritime de la France dans l’océan Pacifique était considérable, il a souhaité savoir quelles menaces pesaient sur cette zone et quelles étaient les mesures prises pour y faire face.

La formation des élèves pilotes de l’aéronavale repose largement sur un partenariat avec l’US Navy, mais leur formation initiale est effectuée en commun avec l’armée de l’air. Quelle appréciation la marine porte-t-elle sur l’externalisation et le changement des appareils d’entraînement intervenus dans ce domaine ?

M. Philippe Vittel a souhaité savoir si la marine était inquiète pour l’avenir de son commissariat en raison de la mise en place de l’économat des armées. Où en est le dossier d’acquisition d’un quatrième avion Hawkeye ? Est-il exact que la décision de réaliser le MCO des SNA Barracuda à Brest a déjà été prise et que des travaux à cet effet sont en cours ? Après avoir rappelé l’échec de DCNS concernant l’exportation d’un BPC en Australie et les difficultés rencontrées pour le projet d’acquisition de sous-marins Scorpène par le Pakistan, il a demandé quelles étaient les actions que pouvait mener la marine pour soutenir davantage les exportations d’armement.

L’amiral Alain Oudot de Dainville a précisé que la marine avait formulé quatre propositions dans le cadre du « Grenelle de l’environnement ». Elles visent à améliorer la performance énergétique des bâtiments, à développer l’utilisation pour les véhicules de carburants alternatifs et biocarburants, à accroître la formation des personnels dans le domaine des questions environnementales et, enfin, à développer les outils du type « passeport vert » permettant de disposer d’une meilleure localisation des produits dangereux sur les navires.

Même si elles avaient alors la dénomination de frégates multimissions (FMM), les FREMM étaient bien prévues dans la LPM 2003-2008. Quant au retard constaté dans la commande des SNA Barracuda, il s’explique par des changements intervenus en 2003 en matière de réglementation sur la sécurité nucléaire, lesquels conduisent désormais à la validation préalable des études de sûreté par l’autorité de contrôle.

L’IPER du Charles-de-Gaulle représente un coût de 250 millions d’euros sur un total de crédits de MCO de 800 millions d’euros pour l’entretien de la flotte et de la FOST. Les exigences de sécurité nucléaire entraînent un allongement de la durée des opérations d’entretien et un renchérissement par rapport à un navire à propulsion classique.

Dans le Pacifique, la marine dispose de deux points d’appui, Nouméa et Tahiti. Les distances rendent la tâche difficile : compte tenu du pillage des ressources halieutiques, il serait nécessaire d’avoir également une présence plus soutenue à Clipperton.

L’externalisation de la formation initiale des pilotes à Cognac ne pose pas de problème à l’aéronavale ; l’essentiel réside dans les formations spécifiques dispensées par la suite grâce au partenariat avec l’US Navy.

La mise en place de l’économat des armées n’est pas une source d’inquiétude pour la marine ; seuls des projets plus globaux pourraient, à terme, poser problème.

S’agissant de l’acquisition d’un quatrième Hawkeye, la décision doit être prise très rapidement faute de quoi les Américains pourraient se tourner vers un autre client.

Aucune décision définitive n’a été prise à ce jour pour l’entretien des SNA Barracuda. Le choix devra être effectué impérativement avant 2010. En revanche, il est exact que des travaux sont réalisés à Brest, mais ils visent à répondre aux exigences de sûreté liées aux futurs essais en mer de bâtiments construits à Cherbourg.

Enfin, il a affirmé combien le soutien aux exportations lui tient personnellement à cœur. Les leçons de l’échec commercial subi en Australie devront être tirées. La marine a réalisé des efforts considérables dans ce dossier, avec notamment l’accueil du chef d’état-major de la marine australienne à bord du Mistral après les opérations d’évacuation de ressortissants étrangers du Liban durant l’été 2006. En 2007, la mission de représentation assurée par la marine est illustrée par l’envoi en Afrique du sud du Tonnerre, qui effectuera une escale en Chine en 2008. La marine soutient également activement d’autres projets.

Après avoir noté les tendances lourdes que constituent l’augmentation de la piraterie et la concentration des populations dans les zones littorales, M. Nicolas Dhuick a souhaité savoir si des réflexions étaient en cours pour se doter de matériels adaptés à ces réalités et capables de mener des opérations coup de poing, tels que des navires de tonnage réduit à haute vitesse.

M. Christophe Guilloteau a demandé si le fait de faire apponter des avions sur des bâtiments américains durant la période d’indisponibilité du Charles-de-Gaulle avait un coût.

M. Michel Voisin, président, s’est enquis du degré de coopération avec nos voisins européens en matière de lutte contre l’immigration clandestine, de même que de la qualité de la coopération avec l’armée de terre et la gendarmerie en Guyane sur ce même dossier.

L’amiral Alain Oudot de Dainville a considéré que l’avion restait encore le moyen d’intervention le plus rapide et le plus efficace pour des opérations ponctuelles, cette action pouvant éventuellement être complétée par des opérations spéciales menées à partir de sous-marins déjà sur zone. En tout état de cause, les navires à grande vitesse restent handicapés par une grande consommation de carburant qui limite leur rayon d’action. En matière de lutte contre le narcotrafic, l’instrument le plus adapté est l’hélicoptère embarqué, avec à son bord un tireur d’élite.

L’appontage sur les porte-avions américains est gratuit et le coût de ce type d’opération est limité à quelques opérations logistiques.

En ce qui concerne la lutte contre l’immigration clandestine, il a estimé que le principal problème résulte du statut des migrants qui, dès qu’ils sont recueillis sur un navire français, doivent être amenés sur le territoire français. Il est donc nécessaire de nouer des accords de partenariats avec des États étrangers permettant de disposer d’autres centres d’accueil. De manière plus générale, il existe dans ce domaine une grande complexité du fait des responsabilités partagées entre plusieurs agences de l’Union européenne. Une clarification juridique ainsi qu’une réforme de la gouvernance devront être opérées. En Guyane, la coopération entre les différents acteurs étatiques est excellente.

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