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Commission de la défense nationale et des forces armées

Mercredi 24 octobre 2007

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 11

Présidence de M. Guy Teissier, président

– Audition de M. François Lureau, délégué général pour l’armement, sur le projet de loi de finances pour 2008

Audition de M. François Lureau, délégué général pour l’armement, sur le projet de loi de finances pour 2008

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu M. François Lureau, délégué général pour l’armement, sur le projet de loi de finances pour 2008 (n° 189).

M. François Lureau a rappelé qu’il est coresponsable du programme 146 « Équipement des forces » et que la DGA est impliquée dans 3 des 5 actions du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense ». Présentant un rapide bilan de l’exécution du programme 146 pour l’année 2007, il a rappelé que l’objectif d’engagement initial pour cette année était de 10,1 milliards d’euros, dont 1,6 milliard d’euros de versement au Commissariat à l’énergie atomique (CEA). Du fait de l’actualisation annuelle de la programmation et d’une baisse des objectifs d’engagement dans l’attente des perspectives de la prochaine LPM, le programme 146 a fait l’objet d’une révision à 7,8 milliards d’euros. Au demeurant, les principales commandes ont été honorées. De son côté, l’objectif de paiement s’élève à 10,9 milliards d’euros avec une norme de dépense prévue de 8,2 milliards d’euros. Cependant, la norme de paiement, à un niveau qui pourrait être de l’ordre de 9,4 milliards d’euros (dont environ 1,2 milliard d’euros de versement au CEA), sera susceptible d’empêcher la consommation totale du montant prévu. Le report de charge du programme, qui s’élève à 1,5 milliard d’euros, devrait être cohérent avec les reports de crédits, d’un montant équivalent. Cela ne manquera pas néanmoins d’entraîner une limitation des paiements aux mois de novembre et décembre ; dans ces conditions, la DGA s’efforcera, comme les années précédentes, de régler prioritairement les factures dues aux PME et PMI afin de ne pas les pénaliser. Par ailleurs, cette situation implique le versement d’intérêts moratoires dont le montant pourrait être réduit si les reports de crédits ouverts en loi de règlement s’avèrent disponibles dès le mois de janvier 2008.

Évoquant les indicateurs de performance, le délégué général a considéré que l’indicateur de maîtrise des délais connaît une évolution annuelle satisfaisante avec une moyenne de retard inférieure à deux mois et demi de la part des industriels. Pour sa part, la maîtrise des coûts donne toute satisfaction pour la deuxième année consécutive, ces bons résultats étant notamment dus au recours aux contrats globaux qui donnent une bonne visibilité aux industriels. Enfin, la maîtrise du niveau des intérêts moratoires, qui dépend principalement de la bonne mise à disposition des crédits, a permis de contenir le montant acquitté en septembre 2007 à 14,7 millions d’euros, soit le ratio de 0,23 % % fixé par le projet annuel de performances. Le ratio à la fin 2007 devrait être inférieur à 0,23 %, la majeure partie des intérêts moratoires, liée aux conditions de fin de la gestion précédente et de reprise de gestion, étant réglée dans le courant du 1er semestre.

Le délégué général a indiqué que le budget pour 2008, de transition, se situe dans la continuité de ses prédécesseurs mais présente le programme 146 dans une nouvelle nomenclature, fondée sur la logique des systèmes de forces. Les montants inscrits pour les autorisations d’engagement (AE) s’élèvent à 8,9 milliards d’euros auxquels devrait s’ajouter un report de 2,9 milliards d’euros. Parmi les principales commandes attendues pour 2008, peuvent être mentionnés, outre la provision pour le deuxième porte-avions, 8 avions Rafale, 5 045 systèmes FELIN, 116 VBCI, 22 NH 90. Les ressources en crédits de paiement (CP) s’élèvent à 9,4 milliards d’euros auxquels devrait s’ajouter un report de 1,5 milliard d’euros. La stabilité du coût de l’activité de la DGA, piloté au sein d’un budget opérationnel de programme (BOP), témoigne de l’effort réalisé en gain de productivité, puisque les crédits gérés par la DGA sont passés de 8 à 10 milliards d’euros sur cette LPM, tout en intégrant les charges liées au regroupement des entités parisiennes.

Abordant le programme 144, le délégué général a rappelé que la part du budget de ce programme gérée par la DGA (soit 80 %) est constituée, à plus de 95 %, des crédits destinés aux études amont et aux subventions aux industriels et opérateurs de l’État. Avec un effort de 3,5 milliards d’euros, la France se place en deuxième position des pays membres de l’Union européenne, après le Royaume-Uni qui consacre 3,9 milliards d’euros à la recherche et au développement. Le niveau de commandes à l’industrie dépasse 700 millions d’euros depuis 2006, pour répondre aux ambitions affichées par la loi de programmation militaire. Cet effort qui se concrétise par un soutien accru à l’innovation et au renforcement de la recherche militaire et duale, sera légèrement réduit en 2008, avec un niveau d’engagement de 690 millions d’euros. Parmi les divers domaines couverts par la recherche peuvent être cités la science du vivant (soutien médical, protection radio-biologique des forces), les technologies de l’information et de la communication (démonstrateur ELINT, étude ESSOR sur la radiologicielle...) et les technologies spatiales (évolution du missile stratégique M 51). Le résultat de cet effort de recherche se quantifie grâce « taux de progression des capacités technologiques », un indicateur du plan annuel de performance du programme 144. De 47 % en 2006, ce taux devrait atteindre 52 % en 2007, avec un objectif de 58 % pour 2008.

Abordant les exportations d’armement pour lesquelles la DGA joue un rôle de soutien, M. François Lureau a évalué les perspectives de prises de commandes pour 2007 à plus de 5 milliards d’euros soit 34 % de plus qu’en 2005 tout en demeurant très nettement inférieures à celles du début de la décennie (7 milliards d’euros). Un objectif à 8 milliards d’euros demeure crédible. Après avoir évoqué les principaux contrats signés et à venir, il est revenu sur les causes de l’échec récent de la vente d’avions Rafale au Maroc en considérant que la DGA avait tenu son rôle et que l’industriel avait, dans un premier temps, établi un contrat d’un montant trop élevé. Il a précisé qu’il n’a jamais été question d’un contrat d’État à État puisqu’un tel instrument n’existe pas en France, cette question à elle seule constituant d’ailleurs un vrai sujet de réflexion. Il a indiqué que la responsabilité d’une telle offre commerciale relève de l’industriel. L’échec de la vente met également en lumière des pesanteurs étatiques. En tout état de cause, il démontre toute l’utilité du Comité interministériel pour les exportations de défense et de sécurité (CIEDES), cité par M. Yves Fromion dans son rapport sur les exportations françaises d’armement. L’exportation d’armement française nécessite une structure interministérielle car ni la DGA ni le ministère de la défense ne maîtrisent tous les aspects du processus. La DGA a par ailleurs présenté un plan stratégique à l’exportation mais il faut rappeler que, dans ce domaine, l’État décide, sous un angle politique, de l’opportunité d’exporter certains matériels ou technologies.

Revenant sur l’échec de la vente du Rafale au Maroc, le président Guy Teissier a fait part de sa déception, considérant que l’objectif de vendre ce matériel à un pays ami était pourtant parfaitement réaliste. Il a ensuite posé trois questions au délégué général pour l’armement.

Une réserve de 3 milliards d’euros a été affectée au deuxième porte-avions ; dans la situation d’expectative actuelle, quels sont les vrais obstacles à la réalisation de ce programme ? S’agit-il d’une question de prix, d’une question politique ou de problèmes industriels ?

En ce qui concerne le programme du missile M 51, il a observé qu’à ce jour cet armement n’est pas encore service et que des travaux importants sont programmés à l’Île Longue en vue de son installation sur les sous-marins. Est-il pertinent de déjà prévoir des phases d’évolution alors que sa force de frappe sera très largement satisfaisante ?

Après avoir rappelé le montant de la dotation affectée au maintien en condition opérationnelle des équipements (3,3 milliards d’euros en 2007), il s’est interrogé, puisque la volonté politique est au rendez-vous, sur les progrès susceptibles d’être réalisés en matière de disponibilité des matériels, celle-ci étant un problème récurrent sur le terrain en raison, le plus souvent, de questions d’approvisionnement. Une rationalisation est nécessaire car l’indisponibilité des matériels a un impact indéniable sur le moral et le savoir-faire des troupes. À ce sujet, il a évoqué l’exemple récent du 2e REI, contraint d’effectuer ses manœuvres avec des camions car tous ses chars sont actuellement immobilisés pour entretien chez GIAT.

S’agissant du deuxième porte-avions, M. François Lureau a fait valoir que la décision relève du Président de la République. Actuellement, les négociations sont en phase de finalisation avec les industriels et le Président de la République n’a pas souhaité prendre de décision avant les conclusions des travaux en cours sur le Livre blanc. De son côté, le Royaume-Uni se trouve à une étape un peu plus avancée que la France puisque les contrats sont négociés. Leurs notifications sont prévues en fin d’année, à l’issue de la réorganisation des chantiers navals britanniques et de leur regroupement au sein d’une seule entité industrielle.

Concernant le missile M 51, l’effort actuel porte sur son développement. Il s’agit d’une opération considérable et technologiquement difficile et, pour l’heure, les délais sont respectés. Deux essais en vol ont déjà été effectués et deux restent à faire. Il est prévu que le M 51.1 sera installé à bord du sous-marin Le Terrible en 2010 et que le M 51.2 sera opérationnel à l’horizon 2015.

Le programme d’étude amont sur l’évolution du missile stratégique, évoqué précédemment au titre du programme 144, est d’un montant de l’ordre de 100 millions d’euros. Il vise, d’une part, à étudier à long terme des évolutions possibles pour l’après M 51.2 et d’autre part, à maintenir les compétences au sein des industries concernées par le développement des lanceurs.

Après avoir rappelé que le MCO relève du programme 178, sous la responsabilité du chef d’état-major des armées, il a souligné que la situation est plus contrastée, puisqu’elle est satisfaisante en opérations, comme il avait pu le noter lors de ses déplacements au Kosovo ou en Côte-d’Ivoire. Bien que non directement impliquée dans le MCO, la DGA peut proposer quelques pistes d’améliorations car l’ensemble du système de soutien aux armées doit être repensé dans son fonctionnement global. Le soutien opérationnel, jugé satisfaisant, doit rester très réactif et au plus près des forces. En revanche, il est nécessaire de réfléchir à la répartition des activités de soutien dit industriel, telles que rénovations ou réparations lourdes, entre sites industriels de l’État et entreprises. Ceci a déjà été réalisé en partie pour les flottes navales de la marine et l’aéronautique des armées. Ainsi, la totalité des moyens de soutien industriel aéronautique étatique sera bientôt confiée à une entité spécifique gérée par l’armée de l’air, le SIAé : c’est grâce à un dispositif industriel plus ramassé que l’on pourra gagner en efficacité.

M. Yves Fromion a déclaré ne pas partager le point de vue du délégué général sur les causes de l’échec de la vente du Rafale. Une telle vente ne saurait être considérée comme de la seule responsabilité d’un industriel. Certes, il appartient à celui-ci de fixer les prix mais l’État demeure, dans de telles affaires, l’acteur principal. L’échec qui vient de survenir doit être imputé à l’État lui-même, quand bien même il est difficile de désigner tel ou tel responsable. Lors de la vente du F16 américain au Maroc, Mme Condoleezza Rice s’est personnellement impliquée ; il en a été de même avec le Premier ministre britannique, M. Tony Blair, qui ne s’est pas encombré de détails juridico-administratifs pour vendre l’Eurofighter à l’Arabie Saoudite. Par ailleurs, évoquant la récente vente de Mirages 2000 d’occasion au Brésil, il a souhaité connaître les conditions de l’opération et s’est demandé si elle pouvait servir d’exemple pour l’avenir. Il serait souhaitable d’aboutir à une gestion financière rationnelle de nos matériels sur le long terme, en envisageant par exemple, à la moitié de leur durée de vie et à l’issue de leur emploi dans nos forces, une rétrocession à des acheteurs potentiels, ce qui éviterait par exemple à la marine d’utiliser des hélicoptères de 45 ans d’âge.

S’interrogeant sur l’avenir de NEXTER, il a appelé de ses vœux la constitution d’une sorte de MBDA de l’armement terrestre. Cette solution paraît d’autant plus envisageable qu’aucun pays européen n’est capable aujourd’hui, à lui seul, d’investir dans l’industrie d’armement terrestre.

M. François Lureau a tout d’abord précisé que s’agissant du rôle prépondérant de l’industrie dans l’exportation, il avait évoqué la responsabilité de l’industrie pour l’élaboration de l’offre, et notamment son prix. Il s’est donc dit en plein accord avec les propos de M. Fromion. Il a indiqué que les Néerlandais sont les meilleurs exportateurs de matériels d’occasion. : ils cèdent leurs matériels dans des conditions satisfaisantes et peuvent disposer en permanence de matériels raisonnablement neufs. La vente de matériels d’occasion peut être intégrée dans un plan stratégique global d’exportation. Compte tenu du marché potentiel, ce sont environ deux milliards d’euros de ventes sur 10 ans qui pourraient être ainsi réalisées, qu’il s’agisse de Mirage 2000, de Rafale ou de FREMM. Une politique définie par l’État est cependant nécessaire, qui permette de proposer les matériels comprenant les rénovations ou modifications souhaitées par le client ; cette démarche a été mise en œuvre lors de la cession de Mirage 2000 au Brésil.

Le délégué général a estimé que la société NEXTER a considérablement assaini sa structure et est aujourd’hui rentable. Elle reste cependant vulnérable car son succès repose sur deux produits seulement, au demeurant excellents : le VBCI et le canon automoteur Caesar ; cette situation étant aggravée par le fait que les commandes de l’État représentent 75 % de ses ventes. Pour se consolider, NEXTER doit s’associer à d’autres entreprises et la réunion des compétences au sein d’une structure type « MBDA » de l’armement terrestre constitue une piste envisageable. Il faudrait cependant pour cela intéresser des partenaires implantés en Europe tels que General Dynamics, BAE Systems, Krauss-Maffei et Rheinmetall, susceptibles de constituer un groupe de trois ou quatre actionnaires dont la participation serait équilibrée. Cela dépend aussi des programmes susceptibles d’être développés. Aujourd’hui, le VBCI est en concurrence avec les véhicules américains Piranha de General Dynamics et néerlando-allemand Boxer dans le cadre d’un appel d’offres britannique. Si le VBCI est retenu, d’autres opportunités d’adossement pourront apparaître. En tout état de cause, NEXTER doit se rapprocher d’un groupe lui apportant des compétences système globales, afin de pouvoir élargir son offre.

Après avoir rappelé que la commande de 8 Rafale en 2008 correspond à un rattrapage de la feuille de route, M. Jean-Claude Viollet a souligné l’importance de la quatrième commande globale à venir qui revêt un aspect stratégique pour l’industriel ainsi que pour les perspectives à l’exportation.

Le programme A400M a contracté du retard ; quel est l’état d’avancement du programme MRTT ? La modélisation de l’appareil et son financement sont-ils arrêtés ?

Les drones constituent un sujet d’inquiétude, les SIDM sont attendus sur la base de Cognac où les infrastructures sont disponibles ; 3 appareils et 2 stations sol sont prévus. Quelles seraient les conséquences de leur utilisation en opération pour pallier le retard enregistré par le programme SDM, leur format actuel paraissant insuffisant ?

Alors que le premier missile Meteor devrait être produit en 2012, aucune commande française n’a été enregistrée à ce jour ; compte tenu des enjeux industriels et stratégiques, quelles sont les perspectives pour cet équipement ?

M. François Lureau a relevé que les choix relatifs aux futures commandes seraient définis dans le cadre de la prochaine LPM et qu’il ne lui appartenait pas de se prononcer sur ce sujet. La quatrième commande globale de Rafale est prévue pour 2009 ; le respect de cette échéance est important pour garantir la continuité de la production et la crédibilité de la France à l’exportation.

Quelques interrogations demeurent sur l’ampleur du retard du programme A400M. Malgré les compétences reconnues des intervenants, la grande complexité du développement d’un si puissant turbo-propulseur explique les difficultés. Un retard de livraison imposera le recours à des solutions palliatives telles les locations de moyens ou des mesures analogues à celles figurant dans le cadre du contrat SALIS. À la demande des nations clientes, des pressions sont exercées par l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement (OCCAR) sur le maître d’œuvre afin que les retards soient limités.

Environ 2,5 milliards d’euros seraient nécessaires pour financer le programme MRTT correspondant aux besoins constatés. Certes, la durée de vie des 11 ravitailleurs C-135 peut être prolongée jusqu’après l’année 2020, mais ce ne peut être le cas pour les 3 avions KC-135, en fin de vie. Deux modes d’acquisition sont à l’étude : un achat patrimonial qui représenterait un investissement initial significatif ou un achat en recourant à un contrat de partenariat, qui permettrait d’échelonner la dépense.

Les SIDM seront présents à Mont-de-Marsan à la fin de l’année 2007. Il est difficile d’apprécier dans quelle proportion leur nombre doit être augmenté dans l’attente du programme européen Advanced-UAV qui réunit l’Allemagne et l’Espagne, l’Italie rejoignant peut-être le groupe.

En ce qui concerne les missiles Meteor, seule la Grande-Bretagne a, dès le lancement du programme d’ailleurs, passé commande à ce jour. L’utilité d’équiper les avions de combat de missiles performants ne fait pas de doute ; les prix étant garantis par l’industriel jusqu’en 2010, il serait opportun de passer l’éventuelle commande avant cette date.

M. Michel Sainte-Marie s’est interrogé sur l’avenir des programmes spatiaux Musis et Galileo, ce dernier comportant une dimension militaire. Les industriels sont particulièrement inquiets dans la mesure où aucun projet défini ne semble actuellement arrêté alors que des choix stratégiques doivent être rapidement faits pour éviter toute disparition de capacités, compte tenu du délai incompressible de sept ans entre la prise de décision et la mise en service des matériels. Le mécontentement affiché de certains partenaires européens sur les retombées industrielles semble par ailleurs masquer des atermoiements et des hésitations plus profondes.

M. François Lureau a rappelé que Galileo est un système de navigation civile même s’il comporte des applications en termes de sécurité. Son développement qui devait être initialement pris en charge par des partenariats avec les industriels est finalement assuré par des financements communautaires, ce qui entraîne des difficultés de répartition des tâches entre les divers partenaires, chaque État souhaitant soutenir ses entreprises nationales. Malgré ces questions, la mise en place de ce programme a conduit l’ensemble des acteurs européens à prendre conscience de son utilité dans le domaine de la sécurité.

Le programme Musis doit remplacer, à l’horizon 2016 ou 2017, à la fois le satellite d’observation Hélios, dont la France a assuré la quasi-totalité du financement, et deux satellites radars, un allemand et un italien. À ce jour, six pays se sont déclarés intéressés et plusieurs scenarii de participation sont envisagés. La France a marqué sa préférence pour une coopération ambitieuse reposant sur une mise en commun des moyens qui porterait à la fois sur les satellites multifonctions et sur les systèmes au sol, l’ensemble étant financé en commun. Il pourrait également être envisagé de reconduire la solution actuelle, chaque pays se spécialisant sur un satellite, seuls les systèmes au sol étant mutualisés. Une étude a été commandée et les discussions actuellement engagées devraient aboutir avant la fin de l’année 2008. Pour éviter toute rupture capacitaire, une décision ferme devra être prise avant 2009, ce qui suppose notamment que ces impératifs soient financièrement pris en compte dans la prochaine loi de programmation militaire.

S’interrogeant sur l’Europe de la défense, M. Michel Grall a souhaité faire le point sur le fonctionnement de l’agence européenne de défense (AED) créée il y a trois ans.

Dans la mesure où l’équipement des forces représente la moitié des investissements de l’État, l’intérêt d’une mise en commun européen des équipements paraît indéniable. Il a donc souhaité connaître les éventuelles difficultés techniques ou juridiques qui font obstacle à cette possession commune.

M. François Lureau a jugé le bilan actuel de l’agence européenne de défense globalement satisfaisant. Elle a, en effet, permis d’établir l’ensemble des besoins capacitaires des forces à long terme, retracée dans un document, le Long Term Vision. Des efforts très significatifs ont été réalisés pour la recherche, comme par exemple le programme de protection des forces qui associe 19 pays et représente un budget de 55 millions d’euros. Par ailleurs, le code de bonne conduite mis en place par l’agence commence à produire ses effets ; il participe au nécessaire décloisonnement des marchés industriels européens et facilite les réflexions sur d’éventuels appels d’offres qui excèdent les cadres nationaux. En revanche, l’agence n’est pas pour le moment capable d’œuvrer à la mutualisation sur le développement des programmes. Une phase de préparation établissant l’organisation, les spécifications mais aussi le budget, pourrait être organisée pour chacun d’entre eux, permettant aux pays concernés de décider de leur éventuelle participation en toute connaissance de cause.

La mise en commun des moyens européens reste cependant très difficile à mettre en œuvre, elle ne peut se faire que très progressivement et avec beaucoup de pragmatisme. Le programme A400M constitue un premier champ d’expérimentation : les erreurs du programme Transall doivent être évitées et il convient d’harmoniser la gestion de configuration des avions pour maintenir une définition commune à l’ensemble des appareils. Il est également nécessaire de mutualiser le soutien et la formation des équipages et des personnels.

M. Yves Fromion a souligné l’importance d’une évolution commune des équipements développés en coopération, en particulier pour les hélicoptères NH 90. Les modernisations et les adaptations indispensables ne doivent pas conduire à ce que les modèles de chaque pays soient, in fine, totalement différents des appareils des pays partenaires.

M. François Lureau a insisté sur la nécessité de préserver la cohérence initiale entre les différentes versions nationales d’un même équipement tout en rappelant qu’il est difficile d’aller à l’encontre des armées qui souhaitent toutes préserver certaines spécificités. La France a d’ailleurs proposé à ses partenaires de mutualiser le soutien et la formation pour les NH 90 TTH, c’est-à-dire la version transport tactique. Pour sa part, l’Allemagne a d’ores et déjà fait des choix en ce qui concerne l’entretien de ces appareils, sans concertation avec ses partenaires européens. Seuls des engagements politiques forts dans le domaine de la coopération industrielle et militaire permettront de limiter ces dérives et assureront la pérennisation des investissements réalisés.

Le président Guy Teissier a rappelé que l’AED n’existait pas lors du lancement du programme NH 90 et qu’elle n’a donc pu assurer la coordination nécessaire entre les différents acteurs. À l’avenir, l’agence doit intervenir le plus en amont possible afin de rationaliser l’activité de soutien et de préserver un équilibre fonctionnel et opérationnel entre les différents pays.

M. François Lureau a précisé que le programme NH 90 est piloté par un organisme relevant de l’OTAN, la NATO Helicopter Management Agency (NAHEMA), sans lien avec l’agence européenne de défense. Il a dit partager l’analyse sur la nécessité d’une coopération et d’une harmonisation plus larges et a rappelé l’intérêt d’un pilotage par l’agence des phases de préparation des programmes, seules à même de limiter la multiplication des spécifications nationales.

——fpfp——