Accueil > Travaux en commission > Commission de la défense nationale et des forces armées > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission de la défense nationale et des forces armées

Mercredi 24 octobre 2007

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 12

Présidence de M. Guy Teissier, président

– Audition du général Stéphane Abrial, chef d’état-major de l’armée de l’air, sur le projet de loi de finances pour 2008

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu le général Stéphane Abrial, chef d’état-major de l’armée de l’air, sur le projet de loi de finances pour 2008 (n° 189).

Le général Stéphane Abrial, chef d’état-major de l’armée de l’air, a souhaité, en cette année de transition, présenter les différentes contributions de l’armée de l’air au service de la France, avant d’évoquer l’emploi des crédits qui lui ont été confiés en 2007 et les orientations que le projet de loi de finances 2008 retient pour son avenir.

Dans le contexte actuel de mondialisation et d’interactions généralisées, la troisième dimension rapproche les hommes. L’avion abolit les distances, le satellite apporte des moyens de communication et de navigation inégalés. Puisque 100 % de notre planète et de sa population baignent dans un environnement aérospatial, une stratégie globale dans ce milieu paraît indispensable. L’emploi de la troisième dimension est devenu essentiel pour la sécurité de nos concitoyens et son champ d’application ne cesse de croître : mobilité, communications, observation, surveillance d’événements particuliers, lutte contre les trafics en tout genre ou la pollution, protection de l’environnement, prévention des phénomènes météorologiques et des catastrophes naturelles – spécialement dans la France d’outre-mer –, participation à la recherche et au sauvetage de nos concitoyens...

Dans le domaine de la défense, la détention d’une puissance aérospatiale crédible est considérée comme stratégique par beaucoup. C’est ainsi que l’on voit, non sans inquiétude, de nombreux États étrangers s’équiper d’avions de chasse de dernière génération extrêmement performants. En cas de crise ou de conflit, certains d’entre eux pourraient menacer les intérêts de la France, voire son territoire, sa suprématie aérienne ou la sécurité des forces de surface. On peut aussi noter que la Russie a choisi de marquer son retour et sa détermination par la reprise des vols de ses bombardiers stratégiques qui viennent, comme au temps de la guerre froide, flirter avec les espaces nationaux des pays d’Europe de l’Ouest. Ces deux exemples montrent bien l’importance de la puissance aérienne en termes de statut.

Le général Stéphane Abrial a constaté que les opérations récentes, qu’elles soient humanitaires ou militaires, ont mis en évidence l’intérêt pour la France de disposer d’une force aérienne de haut niveau pour peser sur la scène internationale. Que ce soit pour soulager les souffrances des populations au Pakistan ou à la Nouvelle-Orléans, pour évacuer rapidement des ressortissants dans des pays éloignés ou pour réduire les moyens d’action d’un ennemi, les vecteurs aériens mettent en œuvre des capacités uniques qui répondent à des besoins à la fois politiques et militaires. De la dissuasion à la surveillance, la maîtrise garantie du milieu aérospatial est un atout majeur pour permettre à la Nation de tenir son rang. Il est souhaitable que cette notion soit reconnue dans la future loi de programmation militaire (LPM), qui transcrira en termes d’effort national l’ambition que le Livre blanc fixera pour la France.

Pour éclairer ses propos, il a évoqué quelques qualités spécifiques de la troisième dimension. Tout d’abord, toute action aérienne apporte un mélange de souplesse, de visibilité graduable et de réversibilité. La meilleure illustration en est certainement, au cœur de la sécurité et de la survie de notre Nation, la dissuasion nucléaire. Ces caractéristiques donnent à la composante aéroportée des atouts propres, différents de ceux de la composante sous-marine. C’est la complémentarité de ces deux ensembles qui garantit la crédibilité de notre outil de dissuasion. Cette mission d’exception revêt pour l’armée de l’air une priorité absolue. L’ensemble de la chaîne de commandement et d’exécution s’entraîne régulièrement lors d’exercices conduits avec la plus grande rigueur, pour être prêts à répondre à tout moment aux ordres du Président de la République.

Deuxièmement, l’action aérienne s’appuie sur la permanence et la capacité d’adaptation. Ainsi, dans le cadre de la sûreté aérienne du territoire, les appareils de l’armée de l’air décollent quotidiennement pour assurer la sécurité des Français et la souveraineté de l’État dans son espace aérien. Mi-octobre 2007, les avions de chasse ont déjà effectué environ 700 décollages sur alerte et 400 pour les hélicoptères. Cette mission demande un entraînement intensif, car il est essentiel que les équipages s’adaptent sans délai à l’environnement. Lorsque l’un des cinq hélicoptères, des huit Rafale ou Mirage en alerte dans le cadre de la posture permanente de sûreté décolle en moins de quelques minutes, le pilote est à la fois les yeux et le bras armé de l’État. Il doit être prêt à porter assistance, s’assurer de l’identité ou des intentions de certains aéronefs, interdire le survol d’une zone sensible, arraisonner un appareil détourné par un terroriste, voire pire. La capacité de l’armée de l’air à surveiller la troisième dimension s’étend aussi dans l’espace extra-atmosphérique. Les aviateurs mettent en œuvre le radar Graves qui observe les satellites en orbite basse et maintient à jour une base de données sur les paramètres orbitaux des mobiles détectés. Les applications sont nombreuses et contribuent à renforcer la souveraineté nationale. La France a pu ainsi évaluer de manière autonome, grâce à la précision des éléments recueillis, les conséquences du tir du missile chinois anti-satellite.

Troisièmement, la réactivité et la rapidité d’exécution sont intrinsèques à l’arme aérienne. Elles sont démontrées chaque jour par les appareils français situés sur le théâtre afghan. Les Mirage et, il y a encore peu de temps les Rafale, effectuent au quotidien des missions de présence, de reconnaissance ou de démonstration de force sans lesquelles la stabilisation du pays exigerait des moyens beaucoup plus importants. Ils luttent contre les Taliban, soit de manière autonome, soit en étroite coopération avec les troupes au sol et participent à la sécurité des soldats engagés. Ainsi, lorsque les troupes de surface sont assaillies, elles font appel à des appareils de la coalition qui viennent sur zone en quelques minutes afin de dissuader, ou bombarder si nécessaire, les adversaires. Sans cette réactivité, qui nécessite aussi de la permanence, un nombre bien supérieur d’hommes de toutes les armées serait en grand danger. La mise en place récente du dispositif des chasseurs à Kandahar vise à améliorer encore cette réactivité. Le dispositif interarmées est complété par des ravitailleurs en vol à Manas, qui sont indispensables pour garantir la permanence, et par deux C-160 à Douchanbé, qui fournissent un soutien logistique aux forces déployées sur place et un appui essentiel dans la capacité à durer.

Le chef d’état-major de l’armée de l’air a également cité l’exemple des hélicoptères EC-725 Caracal, rentrés en France mi-septembre après avoir marqué de leur empreinte leur séjour en Asie Centrale. A peine revenus de l’opération d’évacuation au Liban à l’été et l’automne 2006, ils ont en effet été déployés à Kaboul dès mi-décembre. Tous les acteurs se sont félicités de leur contribution sur le théâtre afghan. Parmi leurs faits d’armes, ils ont très largement contribué en août à la libération d’une otage allemande 24 heures seulement après son enlèvement. Deux jours plus tard, ces mêmes équipages ont récupéré en pleine zone de combats et exfiltré huit militaires italiens, dont deux grièvement blessés à la suite du crash de leur hélicoptère dans les montagnes.

L’ensemble de ces moyens répond parfaitement au « besoin d’agir vite et loin » qui a été rappelé par le Président de la République le 24 août dernier lors de son discours devant la commission du Livre blanc.

Le général Stéphane Abrial a ensuite évoqué l’allonge comme quatrième qualité de la troisième dimension. La partie de l’Afrique subsaharienne où la France est très impliquée, quasiment de Dakar à Djibouti et à Libreville, est tellement vaste qu’elle pourrait être vue comme la juxtaposition de nombreux théâtres qui nécessiteraient une grande quantité de points d’appui. Or l’armée de l’air démontre chaque jour qu’à partir d’une position centrale à N’Djamena, elle peut intervenir sur toute cette zone. Elle surveille régulièrement la frontière entre le Tchad et le Soudan ; elle est intervenue avec des avions et des commandos de l’air lors des deux derniers épisodes de crise en République Centrafricaine. Elle peut également agir sans contrainte sur d’autres lieux – comme en République Démocratique du Congo pendant l’opération de l’Union européenne sous mandat ONU pour la surveillance des élections – si le besoin s’en fait sentir, grâce au soutien des ravitailleurs en vol. Ses moyens de transport assurent la mobilité de ses troupes et participent au soutien sanitaire des populations isolées. Ainsi, avec moins de 400 personnes au sol à N’Djamena, six avions de chasse, trois avions de transport et un ravitailleur, l’armée de l’air offre à la France une capacité inégalable de rayonnement, de stabilisation et d’action pour la sécurité dans la région.

Au total, et au-delà du personnel et des appareils dédiés à la posture permanente de sûreté, ce sont quelque 3 500 aviateurs qui servent hors de métropole et mettent en œuvre environ 80 aéronefs (avions de chasse et de transport, hélicoptères, ravitailleurs). Si on analyse plus en profondeur les opérations auxquelles ils participent, on peut noter que l’armée de l’air offre à chaque fois, avec un rapport coût-efficacité inégalé, des ressources originales au profit des décideurs politiques ou des commandants de théâtre, fondées, tout à la fois, sur sa faible empreinte au sol, qui permet de mesurer au plus juste la quantité des moyens engagés, sur sa capacité à survoler, dans des délais extrêmement réduits et difficilement imaginables autrement, des lieux hors de portée de moyens plus classiques et sur la réversibilité et la graduation de l’action aérienne, qui permettent d’agir sur un spectre très large de missions et d’adapter le niveau de la force utilisée.

Le général Stéphane Abrial a estimé que les retours d’expérience des opérations montrent tout le bénéfice qui peut être tiré d’un bon usage de l’art de la guerre aérienne. En effet, bien intégré dans une manœuvre interarmées, il peut conférer un formidable avantage comparatif sur tout le spectre des missions. Les adversaires de la France qui ne peuvent opposer des moyens aériens performants l’ont bien compris, puisqu’ils refusent les affrontements décisifs et cherchent à survivre modestement pour durer. C’est le cas du Hezbollah au sud-Liban et des Taliban en Afghanistan, qui sacrifient leur propre mobilité pour se réfugier dans des grottes ou des souterrains.

Il a estimé important, pour préserver les capacités d’action de la France, de conserver cette aptitude, qui peut s’exercer aussi bien de manière indépendante qu’en coalition. Dans ce dernier cas, un élément important est la capacité de l’armée de l’air à œuvrer de concert, c’est à dire à être interopérable. La troisième dimension est certainement le domaine où le besoin d’interopérabilité s’est imposé naturellement, sans doute du fait de l’absence de toute frontière physique. Ainsi, même après 1967, les aviateurs français n’ont jamais cessé de travailler avec leurs homologues américains et européens de l’OTAN. Les armées de l’air utilisent des procédures communes, des standards communs, s’exercent régulièrement ensemble, au quotidien et dans de nombreux exercices majeurs. Les bénéfices de cet état de fait ont été flagrants dans le Golfe en 1990 et 91 et au Kosovo en 1999.

Le savoir-faire de l’armée de l’air française est apprécié au niveau européen, car les aviateurs français sont réputés pour leur expérience des opérations, leur capacité d’adaptation et leur désir d’innovation. Ce savoir-faire a été mis une nouvelle fois en évidence dans le cadre de l’opération Balto, destinée à assurer l’intégrité des approches aériennes des trois pays baltes, qui ne possèdent pas les moyens de faire respecter leur souveraineté dans les airs. Pendant quatre mois, d’avril à juillet, la France a déployé 122 personnes et quatre Mirage 2000 à Siaulai, en Lituanie, où cette formation était prête à faire décoller sur alerte en moins de quinze minutes deux avions de chasse armés. Des contrôleurs aériens baltes ont pu ainsi être formés aux techniques de l’interception.

Le chef d’état-major de l’armée de l’air a estimé que l’Union européenne était une dimension complémentaire à exploiter. En tant qu’européen convaincu, il partage avec ses homologues de l’Union européenne une même vision de l’emploi de l’arme aérienne. Ils sont tous désireux d’aller de l’avant. Après le succès des accords bilatéraux de défense aérienne avec les pays voisins, ils souhaitent étendre cette interopérabilité à d’autres domaines, comme la formation et le commandement. Des projets sont déjà bien avancés pour ce qui concerne la formation. L’école franco-belge de pilotes de chasse – AJeTS – qui a pris son essor depuis 2005, peut servir de référence au niveau européen. Un instructeur italien a ainsi rejoint la France en janvier 2007 et deux stagiaires allemands ont été formés cette année. La Grèce pourrait également être plus étroitement associée. Ce programme ouvre par ailleurs la voie à une initiative encore plus ambitieuse qui regroupe dix pays européens pour l’ensemble de la formation future des pilotes de chasse (AEJPT). L’École de l’aviation de transport d’Avord s’inscrit dans la même dynamique : des pilotes de transport belges et néerlandais sont formés indifféremment avec les élèves français.

Dans le domaine du commandement, qui est un véritable trait d’union entre les nations, il a estimé que l’expérience acquise au sein de l’European Airlift Center devait être utilisée pour constituer un commandement européen du transport aérien. L’armée de l’air française ouvre par ailleurs aux officiers étrangers ses structures fixes et déployables de commandement et de conduite des opérations aériennes. Enfin, le développement de projets nationaux comme le SCCOA, équivalent français de l’ACCS (Air Command and Control System) dans l’OTAN, prouve que les capacités européennes peuvent bénéficier des investissements faits par la France dans certains travaux menés par l’Alliance Atlantique. L’influence militaire de l’Union européenne dépend d’abord des ressources nationales des pays contributeurs et il convient de ne négliger aucune piste.

Le général Stéphane Abrial a ensuite présenté, au vu de l’exécution du budget 2007, la situation de l’armée de l’air et son avenir proche. Il a ainsi estimé qu’après une loi de programmation presque intégralement exécutée, l’effort entrepris par la Nation devait se poursuivre afin d’assurer le renouvellement des moyens d’action de l’État et la rentabilité des investissements réalisés jusqu’ici. L’armée de l’air s’est engagée ces dernières années, grâce aux choix politico-militaires précédents, dans le renouvellement de l’ensemble de ses équipements majeurs et dans une logique de forte réduction de format. En moins de vingt ans, de 1990 à 2008, elle passera ainsi de 600 avions de chasse à 300, diminution permise et compensée par une très grande polyvalence des nouveaux appareils.

C’est le cas du Rafale qui prouve chaque jour l’étendue de ses capacités et possède les performances et le système d’armes indispensables pour remplir tout le spectre des missions, de la dissuasion à la protection, en passant par la stabilisation et la maîtrise de l’espace aérien. Il faut le répéter, cet avion est particulièrement réussi et les Français peuvent en être fiers. C’est sans aucun doute le meilleur avion de chasse européen actuel, le seul en tout cas qui ait fait à ce jour ses preuves sur le champ de bataille. En quatre mois dans le ciel afghan, 550 heures de vol ont été réalisées, démontrant une amélioration capacitaire majeure par rapport aux Mirage 2000 et F1, avec une remarquable disponibilité. Ce retour d’expérience permet de cerner les différentes perspectives d’évolution de cet appareil.

Il a considéré que la polyvalence se retrouve également dans le transport aérien stratégique et tactique. Pour l’instant, la capacité de projection française représente le tiers de celle des britanniques et la moitié de celle des allemands, le tout étant loin de satisfaire les besoins européens. La prochaine génération d’avions de transport à base d’A400M et d’avions multirôles transport et ravitaillement MRTT est donc attendue avec impatience. La conjonction de la polyvalence de ces deux types d’appareils a permis de réduire les cibles initialement envisagées pour remplir les contrats opérationnels dévolus à l’armée de l’air. Pris séparément, il aurait fallu 62 A400M et 20 ravitailleurs en vol ; la complémentarité de leurs capacités a favorisé une diminution de la cible des A400M à 50 exemplaires et celle des ravitailleurs type MRTT à seulement une quinzaine. Ces avions devraient également remplacer les trois A310 et les deux A340 achetés en leasing, dont le deuxième exemplaire a été livré cette année.

L’arrivée à temps de l’ensemble de ces appareils polyvalents est essentielle car elle doit permettre de retirer du service des matériels anciens qui sont de plus en plus difficiles à entretenir et même, pour certains, à bout de souffle. Tout retard ou tout délai dans l’arrivée des avions modernes risque donc d’avoir des conséquences très sensibles en termes de capacités opérationnelles et de budget. L’armée de l’air serait contrainte de maintenir en ligne de vieilles flottes, ce qui se traduirait par des surcoûts inutiles pouvant grever des projets décisifs pour l’avenir.

En conséquence, le chef d’état-major de l’armée de l’air a souligné la nécessité que les livraisons de Rafale se poursuivent selon des cadences suffisamment élevées pour ne pas remettre en cause l’équilibre fragile entretenu pour le moment. Il a de même rappelé que l’armée de l’air avait presque consommé toutes ses marges de manœuvre sur la date d’arrivée de l’A400M. Elle est encore capable, moyennant quelques mesures palliatives, d’absorber un retard de 6 à 12 mois par rapport aux échéances prévues pour les premiers appareils, mais les nouvelles échéances annoncées pour l’A400M doivent être respectées. Les avions ravitailleurs, qui sont plus vieux que le Concorde, arrivent également en fin de vie. Ils vont certes bénéficier d’une rénovation opportune de leur équipement de vol pour respecter les exigences de plus en plus pressantes des normes de navigabilité, mais ces mesures n’auront pas d’effets sur l’état des cellules. Tout doit donc être mis en œuvre pour qu’une acquisition des premiers MRTT soit lancée au plus tôt.

Le MRTT et l’A400M sont deux exemples de programmes qui peuvent aider à un rapprochement européen. Le soutien du second est en particulier un sujet important, tant au plan de la visibilité européenne qu’en matière financière. Il ne faut pas réitérer ici les erreurs commises pour le Transall. C’est pourquoi des discussions sont en cours avec les principaux partenaires de la France afin de promouvoir une gestion commune de la configuration des avions et des pièces de rechange, de sorte que les appareils de toutes nations évoluent de la même manière dans le temps et que leur emploi puisse être aisément mutualisé. Néanmoins, dans ce domaine, force est de reconnaître que les logiques nationales et les enjeux industriels pèsent très lourd. La France devra trouver les arguments nécessaires, tant politiques que militaires, pour à la fois conserver sa maîtrise opérationnelle et développer la coopération européenne.

Le général Stéphane Abrial a ensuite affirmé qu’il fera tout son possible pour que le besoin en drones, absolument stratégique, soit pris en compte lors des prochaines échéances. Il s’agit d’un domaine où la France, qui était en avance sur le reste de l’Europe, accumule aujourd’hui un retard dramatique. C’est pourquoi l’arrivée dans les mois qui viennent, à Mont-de-Marsan, du SIDM (système intérimaire de drones male), composé de trois vecteurs et de deux stations de contrôle, est une source de satisfaction. Ce système, livré avec 5 années de retard par rapport au calendrier initial, offre une première capacité et ouvre de nouvelles perspectives aux armées. Les drones peuvent rester longtemps en vol et susciter de nouveaux modes d’action en assurant une véritable permanence, en occupant dans la durée l’espace aérien. Leur mise en réseau accroît l’efficacité de l’arme aérienne dans les conflits asymétriques.

Les drones sont également parfaitement adaptés à des missions interministérielles de surveillance de vastes étendues, de recherche de personnes disparues, de participation à la protection de l’environnement, de prévention… À terme, des tâches plus complexes pourront sûrement être confiées à ces engins pilotés à distance, quand les technologies et leur coût seront mieux maîtrisés. Des réflexions sont déjà engagées sur l’avenir des drones d’attaque, y compris de manière multinationale. C’est là un domaine où les Américains sont très en avance, ce qui peut préempter le marché européen. Cette capacité, qui occupera une grande place dans les armées de l’air de demain, peut néanmoins jouer un rôle intégrateur fort au niveau européen.

Enfin, le général Stéphane Abrial a évoqué les capacités de commandement des opérations aériennes, essentielles pour tenir sa place dans les coalitions. En Europe, seules la France et le Royaume-Uni présentent dans ce domaine une aptitude à la hauteur de leurs ambitions. L’armée de l’air a continué, cette année, sa montée en puissance pour acquérir une capacité à planifier et conduire des opérations aériennes de grande densité, d’environ 600 vols par jour, qui sera validée la semaine prochaine par l’exercice AIREX 07.

Il s’est donc, en résumé, déclaré favorable à une armée de l’air resserrée, modernisée et ouverte sur l’Europe. Au-delà des équipements évoqués, il a estimé que la rationalisation et l’optimisation devait également porter sur les structures de l’armée de l’air, naturellement organisée autour d’une logique de milieu.

En ce qui concerne les états-majors, le plan Air 2010 est quasiment arrivé à son terme. Les derniers textes réglementaires vont être publiés, permettant son application complète dès le 1er janvier 2008. Cette réforme a été particulièrement bien menée puisqu’elle a atteint 100 % de ses objectifs avec deux ans d’avance. Elle recueille l’adhésion du personnel, en particulier par la décentralisation qu’elle offre, et commence déjà à porter ses fruits, notamment dans le pilotage des projets et la préparation des opérations extérieures.

Dans le domaine de la maintenance, l’armée de l’air poursuit, dans la continuité de la création de la SIMMAD, une réforme profonde qui conduit à une nouvelle articulation en deux niveaux – opérationnel et industriel – au lieu de trois. Pour l’aspect industriel régalien, l’armée de l’air se prépare à accueillir, également au 1er janvier, l’ancien Service du Matériel de l’Aéronautique qui s’élargit en compétence et en volume et devient le Service Industriel de l’Aéronautique.

Enfin, pour ce qui est des implantations, le général Stéphane Abrial a estimé qu’il fallait en adapter le nombre aux missions permanentes confiées à l’armée de l’air et aux nouveaux formats. Un plan global est en préparation afin d’assurer, dans une perspective interarmées, une densification de certaines bases et le retrait de l’armée de l’air de certaines autres. Il s’agit bien de retrait et non de fermetures car d’autres entités, militaires ou civiles, publiques ou privées, pourront reprendre les structures que l’armée de l’air devra laisser.

Les hommes et les femmes travaillant dans les futures implantations seront largement impliqués dans la démarche de développement durable qui est en train de s’affirmer. Dès à présent, des mesures concrètes ont été prises sur différentes bases aériennes, comme la construction d’une aire à feux à gaz à Cazaux, l’utilisation de lampadaires solaires à Dijon ou le chauffage de différents bâtiments en s’appuyant sur le principe de géothermie à Bordeaux. La base d’Orléans, qui doit être rénovée pour accueillir l’A400M, a été choisie pour être la base pilote dans le domaine du développement durable. L’armée de l’air attend les conclusions du Grenelle de l’environnement pour définitivement diffuser sa politique générale en ce domaine. Elle inclura des mesures pour maîtriser la pollution dégagée par les bases aériennes vers l’atmosphère ou les sols environnants, pour assurer la gestion des déchets ou pour contrôler encore mieux les dépenses d’énergie.

Le chef d’état-major de l’armée de l’air a ensuite abordé le projet de loi de finances pour 2008 qui constitue, pour l’armée de l’air, une année de transition.

Il a tout d’abord présenté le programme 178 « Préparation et emploi des forces » qui réunit 93 % du personnel de l’armée de l’air. La masse salariale, qui s’élève à 3 232 millions d’euros, reste stable par rapport à 2007. Les mesures catégorielles en faveur du personnel militaire représentent 15,4 millions d’euros, dont 8,5 millions d’euros consacrés aux mesures indiciaires. Le plafond d’emploi autorisé en 2008 est de 55 163 militaires et 8 390 civils. La fermeture annoncée à l’été 2008 de certaines unités, d’un escadron de chasse et d’un escadron de défense sol-air, dans le cadre du rééquipement des unités opérationnelles, ainsi que la fin de vie des régions aériennes, expliquent la déflation d’effectifs qui s’élève à 522 personnes. La répartition de cette déflation entre les officiers, les sous-officiers et les militaires du rang respecte la politique du personnel décidée par l’armée de l’air, qui s’appuie sur un « repyramidage » entrepris depuis deux ans. La recherche d’efficience a en effet incité à recentrer les sous-officiers sur leur rôle d’encadrement intermédiaire et de haute technicité, tout en confiant aux militaires techniciens de l’air l’ensemble des tâches d’exécution.

Les hommes et les femmes de l’armée de l’air, toutes catégories confondues, sont tous solidaires pour s’impliquer largement dans le plan d’action « égalité des chances » du ministère de la défense. Le lycée militaire de Grenoble, les écoles de sous-officiers et d’officiers et une base aérienne expérimentale développent ainsi des initiatives concrètes au profit des jeunes français issus de familles défavorisées pour soutenir la mixité sociale dans les armées.

Pour ce qui est du maintien en condition opérationnelle (MCO), depuis 2002, la disponibilité globale des aéronefs de l’armée de l’air est passée de 50 % à 65 % grâce aux efforts financiers et de rationalisation entrepris. La disponibilité en opérations extérieures atteint plus de 90 %, y compris pour le Rafale. D’un point de vue financier, les crédits de paiement alloués pour le MCO restent stables avec une valeur d’environ 1 100 millions d’euros en 2008. Ce montant doit permettre, tout en respectant les engagements du retour à l’équilibre de la SIMMAD, fixé pour 2009, de mettre en ligne le nombre d’appareils nécessaires à la réalisation de l’activité aérienne.

Le niveau de l’activité aérienne reste pour le général Stéphane Abrial une priorité car elle est gage d’efficacité, de crédibilité et de sécurité des vols. Il a estimé que ce niveau devrait être sensiblement maintenu en 2008 (239 000 heures de vol au total) pour atteindre les objectifs fixés, soit 180 heures de vol pour les pilotes de chasse, 200 heures de vol pour les pilotes d’hélicoptère et environ 300 pour les pilotes de transport.

En ce qui concerne le carburant opérationnel, le besoin final de financement en 2006 a pu être satisfait par une levée de réserves et un financement complémentaire du BOP OPEX. Ce procédé sera reproduit en 2007 et probablement en 2008. Si ce type de gestion n’a pour l’instant pas grevé l’activité aérienne, il pourrait avoir des conséquences importantes sur le budget de fonctionnement compte tenu de la hausse continue du baril de pétrole, heureusement compensée par la hausse de l’euro.

En ce qui concerne justement les OPEX, dont le financement relève aussi du programme 178, le volume du « surcoût Air » est estimé à 101,37 millions d’euros pour 2007. Il provient pour moitié des dépenses liées aux rémunérations et pour l’autre moitié des dépenses de fonctionnement, d’alimentation, de carburant et de MCO du matériel.

Le chef d’état-major s’est ensuite attaché à commenter le programme 146 « Équipement des forces » et a estimé que, dans ce domaine, le principal objectif à atteindre est le financement des équipements indispensables pour faire échec aux adversaires de la France, en l’air ou en surface, et pour mettre à profit la liberté d’action que ses armées obtiennent ainsi. Cet objectif est partiellement atteint, avec un montant d’autorisations d’engagement concernant l’armée de l’air de 1 288 millions d’euros.

La commande globale de 60 Rafale (Air plus Marine) qui devait être passée en 2008 est repoussée. Cependant, huit avions seront commandés, dont six pour l’armée de l’air, ce qui permettra de compléter la commande réalisée en 2004 à hauteur de 59 appareils. Sept exemplaires supplémentaires de Rafale seront également livrés en 2008 ; ces appareils sont essentiels à la montée en puissance du second escadron, qui sera le premier à vocation nucléaire. La livraison de 160 bombes propulsées de précision AASM et de 60 missiles Mica permettra également de consolider sensiblement les capacités de l’armée de l’air.

Il a enfin commenté l’évolution du programme 212, qui correspond au « Soutien de la politique de défense », avec 121 millions d’euros d’autorisations d’engagement « Air », notamment pour les projets liés à l’infrastructure et l’informatique. En ce qui concerne l’infrastructure, l’armée de l’air poursuit le processus de modernisation de ses capacités d’hébergement sur les bases aériennes, en construisant ou en rénovant depuis 2002 des chambres individuelles de 16 m² comprenant un espace repos, un bureau, des rangements et des sanitaires complets. Le confort qu’elles offrent participe de manière sensible à l’entretien du moral sur les bases aériennes. 80 % du parc ont été modernisés à ce jour et 2008 verra la rénovation de la tour principale du site de Balard (750 chambres), la construction d’un bâtiment cadres-célibataires à Bordeaux et la transformation d’un bâtiment hébergeant auparavant des appelés à Orléans. En revanche, l’état de l’infrastructure opérationnelle est préoccupante et devra, à l’avenir, bénéficier d’une forte priorité.

Pour les affaires liées à l’informatique, l’armée de l’air disposera en 2008 des crédits nécessaires pour financer ses diverses initiatives. Les programmes majeurs, comme Orchestra pour les ressources humaines ou Louvois et Scapin pour les finances, ont pu être financés en 2007 et les crédits 2008, qui se montent à 6,5 millions d’euros de crédits de paiement, devraient être suffisants pour faire face aux engagements.

En conclusion, le général Stéphane Abrial a relevé avec satisfaction les efforts importants que la Nation a entrepris pour se doter d’un outil aérien performant, à la pointe de la modernité. Les aviateurs s’efforcent d’employer au mieux les crédits qui leurs sont accordés. L’armée de l’air évolue et a une vision assez claire de son destin. S’inscrivant totalement dans l’action interarmées et la coopération européenne, elle a entrepris une vaste transformation de son organisation, qui doit continuer à être soutenue à l’heure où les premiers bénéfices en sont retirés. En cette période de grandes réformes, ce soutien est particulièrement nécessaire pour maintenir le moral du personnel de l’armée de l’air. Ces hommes et ces femmes, civils et militaires, constituent son bien le plus précieux et beaucoup d’efforts sont déployés pour leur recrutement, leur formation, leur fidélisation et leur reconversion. Leur moral, actuellement, est bon mais fragile, cette fragilité étant liée à un certain nombre de facteurs.

Le premier est l’importance de l’activité opérationnelle, qui permet à chacun de toucher du doigt le sens de son engagement. Vient ensuite la qualité de l’outil de travail, qui procure, par sa modernité et sa disponibilité, une fierté légitime et une forte motivation. Les conditions de travail sont également essentielles, et c’est pour cela qu’il faut demeurer vigilant sur le montant des crédits alloués pour l’ensemble des postes qui participent à leur amélioration. Des mesures fortes devront être prises pour enrayer dans l’avenir leur lente dégradation.

Parmi les causes de fragilité du moral, figurent également les conditions de vie puisque, comme le disait récemment le Secrétaire à l’US Air Force, si l’armée recrute et forme des aviateurs, ce sont des familles qu’elle doit fidéliser. Les enquêtes menées montrent d’ailleurs depuis peu que la qualité de la vie familiale prend petit à petit le pas sur la vie professionnelle. Dans ce domaine, il faut rendre hommage aux travaux du Haut comité d’évaluation de la condition militaire, qui a eu un retentissement très fort chez les personnels mais qui a également suscité des attentes qui ne peuvent pas être déçues.

Enfin, le chef d’état-major de l’armée de l’air a mentionné, de manière sans doute plus conjoncturelle, l’ensemble des réformes en cours : la transformation de l’armée de l’air, la révision générale des politiques publiques, la préparation du Livre blanc, la révision des implantations et bientôt la LPM sont autant de chantiers qui pèsent sur les personnels à un rythme soutenu. Il a rappelé que les aviateurs ont toujours appliqué avec enthousiasme les mesures décidées pour améliorer les performances de l’armée de l’air et a tenu à souligner la force de leur engagement et le sens du devoir dont ils font preuve en permanence. Il est donc aujourd’hui indispensable qu’ils puissent saisir le bien fondé de ces réformes et en mesurer concrètement les effets bénéfiques.

Le président Guy Teissier s’est félicité de la progression très sensible du taux de disponibilité des matériels et a interrogé le chef d’état-major sur les tensions en matière de recrutement et de fidélisation des personnels éventuellement constatées dans l’armée de l’air.

Les lacunes en matière de transport stratégique sont un sujet de préoccupation constant et ce d’autant plus que les opérations extérieures ont tendance à s’accumuler, comme en témoigne la mise en place d’une force européenne au Tchad. La location de deux A340 ne suffit pas aujourd’hui à pallier les insuffisances et les retards du programme A400M, qui atteindront au minimum six mois et très probablement davantage. Lors de son audition par la commission aujourd’hui même, le délégué général pour l’armement a confirmé que les problèmes de réalisation du moteur étaient à l’origine de ce retard. Il faut néanmoins être compréhensif car sa construction associe quatre industriels et il s’agit d’une innovation technologique importante, puisqu’il constituera le turbopropulseur le plus puissant au monde. Après avoir rappelé que les premiers essais en vol prévus à Istres durant l’été 2008 sont très attendus, le président Guy Teissier a demandé quel est l’impact du retard sur les capacités de l’armée de l’air et quelles mesures palliatives ont été adoptées pour y faire face.

Il a également relevé l’hommage rendu au Rafale puis s’est interrogé sur les raisons du transfert de la flotte de combat française de la base de Douchanbé vers celle de Kandahar, ainsi que sur la nature et la fréquence des missions assignées à ces appareils en Afghanistan.

Le général Stéphane Abrial a indiqué que l’armée de l’air ne connaissait pas de réels problèmes de recrutement ou de fidélisation. Pour le recrutement, le ratio entre candidats et postes disponibles reste de huit pour un s’agissant du personnel navigant, certes en légère baisse mais sans incidence sur la qualité de la ressource, tandis qu’il s’établit à six pour un pour les officiers sous contrat et à plus de quatre pour un pour les sous-officiers. Les problèmes rencontrés restent limités à des secteurs d’activité soumis à une forte concurrence du secteur civil et à une spécialité un peu particulière, comme celle des fusiliers commandos. En ce qui concerne la fidélisation, il n’y a pas aujourd’hui de véritable difficulté mais selon toute probabilité, la croissance prévisible de l’aviation civile dans les prochaines années conduira à une augmentation des flux de départs des personnels navigants. Enfin, il a rappelé que l’armée de l’air était féminisée à hauteur de 20 %.

Un effort tout particulier est consenti en faveur du MCO en opérations, ce qui se traduit par un taux de disponibilité des appareils déployés de 90 à 95 %, mais cet effort pèse en retour sur le taux de disponibilité général des matériels stationnés en métropole.

Les lacunes dans le domaine du transport aérien stratégique sont indiscutables et s’expliquent par l’âge très avancé des principaux matériels, seulement partiellement compensé par les quelques Airbus achetés ou loués. Les contrats opérationnels fixés par le chef d’état-major des armées pour la projection sont respectés s’agissant des personnels mais ne sont remplis qu’à hauteur de 40 % pour le fret. Ce résultat souligne l’urgence des programmes MRTT et A400M. Le retard de ce dernier peut être absorbé pendant une durée n’excédant pas six mois à un an, en prolongeant la durée d’utilisation des Transall. Au-delà de cette marge, il faudrait redonner du potentiel à des appareils dont la fin de vie était programmée, ce qui serait extrêmement coûteux. Les Transall français se caractérisent par leur usure beaucoup plus prononcée que celle des Transall allemands, qui ont été deux fois moins utilisés et dans des conditions moins pénalisantes pour les structures des appareils.

Répondant à une question du président Guy Teissier sur le rachat éventuel de Transall allemands d’occasion, le général Stéphane Abrial a indiqué que les avions étaient certes identiques à l’origine mais que la gestion des évolutions des deux flottes a été totalement divergente si bien que les appareils sont désormais dissemblables à plus de 60 %. En cas d’acquisition par la France, il serait nécessaire de créer une chaîne logistique spécifique, ce qui aurait un coût exorbitant. La mise en œuvre de l’accord SALIS permet de son côté une certaine mutualisation des moyens de transport à l’échelle européenne mais elle atteint rapidement ses limites en cas de crise importante. Pour combler le trou capacitaire, il pourrait être envisagé de louer des appareils C17 dans le cadre du consortium associant plusieurs pays de l’OTAN, mais cette solution n’est pas vraiment satisfaisante. Cet appareil dispose certes d’une capacité d’emport trois fois supérieure à celle de l’A400M, mais son coût d’exploitation l’est également, ce qui ne permet pas d’économie. De plus, son gabarit de soute n’est pas plus grand que celui de l’avion européen, ce qui signifie qu’il faudrait continuer à recourir à l’affrètement d’Antonov pour les charges très volumineuses. Enfin, les États membres de l’OTAN qui ont choisi cette voie se sont engagés pour trente ans. L’armée de l’air s’adaptera donc à la situation, même si cela est difficile et entraîne des difficultés pour la gestion des équipages.

Le général Stéphane Abrial a ensuite confirmé que le Rafale donne entière satisfaction, surtout si on le compare à son principal concurrent européen. En Afghanistan, les avions déployés ont demandé 12 heures d’entretien par heure de vol, contre 11 heures pour les Mirage 2000. C’est un résultat remarquable si l’on considère que les premiers sont en service depuis un an tandis que la maintenance des seconds s’appuie sur vingt-cinq ans d’expérience ; il prouve la qualité du concept de maintenance du Rafale.

Le déploiement d’appareils de combat à Kandahar vise à améliorer l’efficacité au travers du partage des tâches de soutien avec nos alliés et à garantir une meilleure réactivité en se rapprochant des zones d’opérations. L’évolution du dispositif a permis de rapatrier une cinquantaine de personnes ainsi qu’un des deux ravitailleurs stationnés à Manas. Un détachement reste présent à Douchanbé pour le soutien logistique. Les missions assurées par nos forces vont de la présence en vol au tir de munitions de précision, soit de manière autonome en cas de détection d’objectifs le justifiant, soit à la demande des forces engagées au sol, qu’elles soient afghanes ou appartiennent à la coalition. Dans le cas d’une demande d’appui aérien, une attention toute particulière est portée à l’analyse de la situation et aux conséquences d’une frappe. Dans bien des cas, une démonstration de puissance à basse altitude suffit à faire comprendre aux assaillants qu’il vaut mieux renoncer. Les appareils français assurent de quatre à six vols par jour et un à deux tirs ont lieu chaque semaine.

M. Jean-Claude Viollet a rappelé que la commande de huit Rafale qui doit intervenir en 2008 ne fait que rattraper le décalage d’une partie de la commande globale passée en 2004. Le passage du standard F2 au standard F3 devrait permettre au deuxième escadron de Rafale, opérationnel en 2009, d’être intégré dans la dissuasion nucléaire en 2010. Toutefois, le report de la quatrième commande globale de 60 appareils conduit à s’interroger sur l’avenir du troisième escadron et plus globalement sur les conséquences d’un tel étalement pour les industriels, pour les exportations et pour les forces. Dans pareille hypothèse, l’armée de l’air serait notamment contrainte de prolonger la durée de vie du Mirage 2000, ce qui nécessiterait une hausse conséquente des dépenses de MCO. La LPM doit donc prioritairement clarifier l’objectif réel pour les Rafale, les récentes déconvenues à l’exportation ne devant nullement remettre en cause la cible définie initialement.

Il a ensuite évoqué les avions de transport et les ravitailleurs actuellement en service qui, âgés et fortement sollicités, ne permettent pas de remplir dans de bonnes conditions les missions assignées à la force de réaction rapide. Le retard du programme A400M ne fait qu’aggraver ce déficit capacitaire. En ce qui concerne les ravitailleurs, il est urgent de déterminer les modalités d’acquisition du futur MRTT, qu’il s’agisse d’un achat patrimonial ou d’une solution partenariale. Face à l’urgence des besoins, ne serait-il pas pertinent de procéder dans un premier temps à un nombre réduit d’acquisitions avant de mettre en place un contrat partenarial à plus long terme ?

Il a souhaité faire le point sur le programme de drones SIDM qui enregistre à ce jour un retard de cinq ans, ce qui conduit certains pays européens à préférer acheter des systèmes Prédator. Le futur système de drone Male connaît un tel retard qu’il semble désormais envisagé d’utiliser le SIDM sur des théâtres d’opérations mais une telle évolution ne se fera pas sans investissement supplémentaire.

Se félicitant des commandes de missiles prévues en 2008, il a néanmoins fait valoir qu’aucune décision de long terme n’était prise et que l’absence d’une commande ferme de missiles Meteor pèserait nécessairement sur les capacités des avions de combat, aussi perfectionnés soient-ils.

Un effort de rationalisation de la maintenance et de l’entretien est actuellement en cours avec la création du service industriel aéronautique, sa mise en service effective étant prévue le 1er janvier 2008. Cette date sera-t-elle respectée ? L’ensemble des textes fondateurs ont-ils été publiés ? Cette création ouvre-t-elle des pistes de réflexion en matière d’interarmisation au-delà du seul cadre aéronaval, voire sur le plan européen, notamment pour le soutien des A400M et des NH 90 ?

Le plan « Air 2010 » met en place une réorganisation des superstructures de l’armée de l’air à compter du 1er janvier 2008 et doit être suivie d’une remise à plat du schéma d’implantation des bases aériennes. Quels seront l’importance, le calendrier et les critères de choix de cette réorganisation territoriale ?

Le général Stéphane Abrial a jugé nécessaire la commande de Rafale en 2009. Si la commande n’est pas passée, la montée en puissance au-delà du troisième escadron sera très fortement contrainte. Compte tenu des impératifs de formation, d’affectation ou de fonctionnement, il est indispensable de disposer d’un nombre suffisant d’appareils et de respecter le calendrier de livraisons. Tout retard nécessiterait de prolonger les appareils actuellement en fin de vie, ce qui générerait un fort surcoût de maintien en condition opérationnelle et limiterait les capacités opérationnelles de l’armée de l’air. Au vu de l’âge avancé et de l’usure de certains matériels, la sécurité des personnels pourrait en outre être amoindrie. Enfin, les précédents ralentissements de la cadence de livraisons ont montré que la production passait alors d’un stade industriel à un stade artisanal, la qualité des appareils livrés étant extrêmement variable d’un avion à l’autre.

En ce qui concerne les ravitailleurs, seuls deux appareils répondent aux besoins actuels : l’Airbus A330 et le Boeing 767, avec des caractéristiques et des capacités différentes. Ce programme connaît aujourd’hui un problème de financement. Une acquisition patrimoniale poserait moins un problème d’autorisations d’engagements que de crédits de paiement. À l’inverse, la solution partenariale permettrait de lisser les paiements mais imposerait de dégager initialement une masse considérable d’autorisations d’engagement. Ces appareils participant à la dissuasion nucléaire, il convient par ailleurs de s’interroger sur l’opportunité de leur possession par un partenaire privé. En tout état de cause, l’âge et l’usure de la flotte exigent qu’une solution rapide soit trouvée, le remplacement des trois plus vieux C 135 ne pouvant être reporté après 2011.

Le chef d’état-major de l’armée de l’air a ensuite confirmé que les difficultés rencontrées pour le développement d’un programme européen de drones de surveillance n’étaient pas encore surmontées. La France, l’Allemagne et l’Espagne, partenaires au sein du projet Advanced UAV, s’accordent en effet sur la nécessité du besoin mais il reste à le définir précisément. Pendant ce temps, les produits américains conquièrent le marché européen. Néanmoins, ces difficultés ne doivent pas conduire à l’abandon de ces technologies, stratégiques pour l’avenir, et même si plusieurs pays européens ont choisi de s’équiper d’appareils américains, le développement d’un programme européen de drone de surveillance doit se poursuivre car la France aurait des difficultés à assumer seule l’ensemble de l’effort nécessaire.

Concernant les missiles, les Mica qui équipent aujourd’hui certains Mirage 2000 et les Rafale donnent entière satisfaction mais ne permettent pas de faire face à de nouveaux systèmes d’armes ayant des portées à trois chiffres. Seul le missile Meteor permettra de rétablir la parité des armements. La cible de 300 missiles Meteor reste maintenue même si la France n’a pas encore passé commande, contrairement au Royaume-Uni.

Il a ensuite confirmé que le service industriel aéronautique, organisme de l’armée de l’air à vocation interarmées dont le comité de direction sera co-présidé par le délégué général à l’armement et par le chef d’état-major des armées, prendra en charge la maintenance étatique de niveau industriel de toutes les flottes aéronautiques à compter du 1er janvier 2008.

Concernant « Air 2010 », l’essentiel des textes réglementaires nécessaires au démarrage en début d’année 2008 a été publié. Cette réorganisation des superstructures va effectivement être suivie d’une réflexion sur l’organisation territoriale de l’armée de l’air, qui apparaît relativement surdimensionnée et doit être densifiée. Les études préalables prendront en compte la qualité des infrastructures, l’insertion de la base dans les réseaux de l’armée de l’air, sa position géographique mais aussi la situation socio-économique des différents bassins d’implantation. Les propositions de l’armée de l’air seront ensuite examinées au niveau interarmées avant de faire l’objet d’arbitrages ministériels et interministériels. Le regroupement de certaines unités peut permettre à d’autres services du ministère de la défense, voire à d’autres services de l’État, comme les douanes ou la sécurité civile, de disposer d’infrastructures conséquentes et de plates-formes étendues. Le général Stéphane Abrial a estimé qu’une annonce globale de l’ensemble de la réorganisation serait nécessaire pour donner à tout le personnel mais aussi aux différents partenaires une vision de long terme. En tout état de cause, il a souhaité qu’un délai minimum de deux ans soit observé entre l’annonce d’une fermeture et son exécution.

M. Nicolas Dhuicq a observé qu’à l’inverse des États-Unis, la France n’avait pas développé de systèmes de destruction des défenses anti-aériennes adverses pour ses avions de combat et a souhaité connaître les raisons de ce choix. Il a également posé une question sur les capacités françaises de protection anti-balistique. Il a enfin remarqué que le futur A400M ne permettra pas l’emport de charges particulièrement lourdes telles que des chars Leclerc.

Le général Stéphane Abrial a précisé que la France a, depuis longtemps, privilégié le développement de systèmes d’autoprotection de ses appareils, qui réduisent le besoin de systèmes de destruction des défenses anti-aériennes. Dans cette logique, il a rappelé la nécessité d’engager rapidement une réflexion sur les brouilleurs offensifs.

La composante sol-air a récemment été réorganisée : les systèmes de missiles à très courte portée relèvent désormais de l’armée de terre alors que les systèmes de moyenne portée (SAMP-T) ont été rattachés à l’armée de l’air. La priorité va à la protection des forces en OPEX. En effet, ces forces sont vulnérables aux attaques par missiles balistiques de courte portée. Par contre, affronter une menace balistique longue portée supposerait un système de défense plus complet dont la France ne dispose pas. Le développement d’un tel outil est envisageable mais n’est pas actuellement une priorité.

Le transport d’un char Leclerc ne figure pas dans le contrat opérationnel de projection de la Force de réaction immédiate. D’autres pays ont d’ailleurs tendance à alléger leurs charges aérotransportables. L’envoi du char sur un théâtre d’opération pourra néanmoins se faire par mer, les nouveaux BPC étant en mesure de les transporter.

M. Michel Grall a souligné l’exemplarité du programme A400M, modèle de coopération européenne pour un matériel stratégique indispensable. Il a souhaité savoir sur quels leviers, techniques, industriels ou politiques, il convenait de porter l’effort pour améliorer encore la mutualisation des équipements au niveau européen.

Le général Stéphane Abrial a considéré que l’expression d’un besoin capacitaire commun était le préalable indispensable à tout programme de coopération européenne. Le programme A400M a bénéficié d’une concordance des besoins et des calendriers d’une dizaine de nations, ce qui est exceptionnel. Pour encadrer l’étude des besoins communs, une structure est néanmoins nécessaire et l’Agence européenne de défense peut jouer ce rôle essentiel. Il convient également que les différentes armées se disciplinent afin de ne pas faire surgir trop d’exigences divergentes. Une volonté commune doit ensuite perdurer tout au long de la vie de l’appareil et, pour cela, une volonté politique forte est nécessaire. La formation, les choix opérationnels et le soutien doivent obéir à cette démarche de coopération. Il importera, sur le programme A400M, de ne pas reproduire l’erreur commise avec les Transall. Enfin, il semble préférable que les industriels mettent leur compétence au service du programme commun plutôt que de chercher à acquérir celles détenues par leurs partenaires.

Après avoir souligné les efforts consentis pour maintenir la qualité de l’armée de l’air dans un contexte budgétaire contraint, M. Yves Fromion a fait remarquer le peu de place qu’occupait l’espace dans les différentes auditions budgétaires menées par la commission. L’absence d’affichage clair du positionnement de l’espace dans les forces armées et de désignation d’un responsable est préjudiciable. Afin d’assurer une identification de cet enjeu majeur, il convient d’en attribuer la responsabilité soit au chef d’état-major de l’armée de l’air soit à une personnalité placée auprès du chef d’état-major des armées.

Le général Abrial a rappelé qu’en France, l’espace relève du CEMA. Seule la surveillance de l’espace est de la responsabilité de l’armée de l’air. Il a considéré qu’il faut se placer dans une logique de fournisseur de service. Ainsi, aujourd’hui, tout le monde bénéficie des informations du GPS, mais, personne ne se soucie de savoir qui gère la constellation de satellites.

Le chef d’état-major a abordé l’importance de l’espace virtuel. Un commandement du cyberespace a récemment été créé au sein de l’US Air Force. La défense peut légitimement se préoccuper de ce domaine car ses systèmes sont vulnérables aux « cyberattaques » ; elle doit donc s’en protéger et être en mesure de riposter par des actions de même nature.

——fpfp——