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Commission de la défense nationale et des forces armées

Mercredi 16 janvier 2008

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 18

Présidence de M. Guy Teissier, président

– Table ronde, dans le cadre du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, avec des élèves officiers des grandes écoles (école spéciale militaire de Saint-Cyr, école navale, école de l’air, école polytechnique, école des officiers de la gendarmerie).

Table ronde, dans le cadre du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, avec des élèves officiers des grandes écoles (école militaire de Saint-Cyr, école navale, école de l’air, école polytechnique, école des officiers de la gendarmerie).

En préambule, le président Guy Teissier a rappelé avoir souhaité organiser des rencontres plus informelles avec les futurs cadres des armées pour alimenter la réflexion portée par la commission du Livre blanc. Après avoir entendu des stagiaires du collège interarmées de défense, la commission accueille des élèves des grandes écoles militaires. Il leur a demandé de se présenter et d’indiquer les raisons de leur engagement dans les forces armées.

Après deux années de classes préparatoires, le lieutenant Céline Le Guern a intégré l’école de l’air de Salon-de-Provence, où elle a notamment suivi une formation d’officier de renseignement, avant de rejoindre l’école des officiers de la gendarmerie nationale. Elle souhaite servir dans une des unités en charge de la sécurité routière.

Le sous-lieutenant Emmanuel de Beauregard a indiqué se destiner à une carrière de personnel navigant, si possible en tant que pilote de chasse. Actuellement élève en troisième année à l’école de l’air, il est rattaché au centre d’instruction au sol du personnel navigant.

L’élève ingénieur Edern Alizon est entré à l’école polytechnique en 2005, après deux années de classe préparatoire scientifique. Même si elle n’est plus une école strictement militaire, l’école polytechnique reste sous la tutelle du ministère de la défense et tous les élèves français ont un statut militaire durant leur scolarité. À ce titre, au cours de sa première année, il a suivi une formation de huit mois au sein de la marine nationale, comprenant un premier stage en école et un second dans les unités. Il a précisé être un des deux polytechniciens de sa promotion à vouloir poursuivre une carrière militaire, son choix s’étant porté sur l’armée de l’air, dans l’espoir de devenir pilote de chasse.

Élève à l’école navale, l’enseigne de vaisseau Benoît Rénié a indiqué s’être assez tôt destiné à une carrière militaire, avec l’objectif de devenir officier sur des bâtiments de surface de la marine nationale.

Le sous-lieutenant Thomas Gauvin a intégré en 2005 l’école spéciale militaire de Saint-Cyr après deux années de classe préparatoire littéraire. Dans le cadre de sa scolarité au sein de la filière « relations internationales », il a pu participer à deux stages au sein des forces, effectuer des exercices en Angleterre et en Allemagne et bénéficier d’un programme d’échange d’un semestre avec le Massachusetts Institute of Technology (MIT) de Boston. Il espère pouvoir intégrer l’année prochaine une unité opérationnelle d’infanterie et en particulier le régiment de chasseurs parachutistes.

Le président Guy Teissier les a invités à présenter leurs réflexions sur l’avenir des armées.

Le lieutenant Céline Le Guern a souligné l’imbrication entre les enjeux de défense et de sécurité, appuyant sa démonstration sur l’exemple du terrorisme qui représente une menace sur le territoire national et peut conduire à un engagement de forces sur des théâtres extérieurs. Elle a insisté sur l’importance d’une gestion de long terme des engagements dépassant l’intervention initiale de pacification ou de stabilisation. Force de sécurité publique, la gendarmerie est en mesure d’apporter aux armées le renfort nécessaire pour ce type de missions, l’usage de la violence sur ordre laissant la place à la force au service du droit.

Considérant que les conflits actuels ne menacent pas directement le territoire national, elle a appelé à une meilleure lisibilité des engagements militaires pour éviter toute accusation d’ingérence ou de néo-colonialisme.

En ce qui concerne les enjeux spécifiques de la défense, elle a estimé indispensable de préserver la force de dissuasion, gage de la crédibilité internationale de la France.

Le sous-lieutenant Emmanuel de Beauregard a considéré que le contexte budgétaire rend des rationalisations nécessaires à la fois sur le territoire national et en opérations. Compte tenu de la complémentarité des moyens à la disposition des armées, la dimension interarmées doit désormais prévaloir sur tous les théâtres.

Il s’est interrogé sur la capacité de la France à faire face à tous les conflits et a appelé à la construction d’une Europe de la défense organisée autour d’un objectif commun de stabilisation et de maintien de la paix dans le monde. Les divergences politiques existantes doivent pour cela être aplanies et des efforts entrepris pour développer les coopérations actuelles. La France doit néanmoins préserver son autonomie stratégique grâce à la dissuasion qui ne doit pas abandonner la composante aérienne.

Conscient que la dégradation des finances publiques nécessite de procéder à des rationalisations, il a rappelé l’importance du facteur humain pour les armées. Pour maintenir les liens entre les armées et la nation, pour fédérer et fidéliser les militaires, il importe de maintenir un niveau élevé de formation, garantie de l’efficacité opérationnelle des forces. Les équipements doivent également être adaptés aux missions confiées aux armées et rester à la pointe de la technologie.

Même si les missions de la défense apparaissent relativement stables et centrées autour de la protection du territoire et des intérêts nationaux, l’élève ingénieur Edern Alizon a estimé que les armées seront de plus en plus amenées à intervenir sur des théâtres d’opérations extérieures. En effet, les menaces auxquelles la France pourrait être confrontée trouvent leurs sources dans des zones d’instabilité en dehors du continent européen et il convient de les traiter le plus en amont possible. La dissuasion permet certes de prémunir la France contre toute attaque étatique, mais elle est inopérante face à des risques plus diffus comme le terrorisme.

Alors que notre pays joue encore un rôle moteur sur la scène internationale, il a fait valoir que sa politique internationale doit s’appuyer sur des moyens matériels et humains conséquents. Quels efforts la France est-elle prête à consentir pour assurer sa position mondiale ?

L’Europe de la défense ne semble pas encore en mesure de prendre à sa charge des missions d’importance mais elle doit progresser. Les moyens des armées étant la préoccupation majeure des pays membres de l’Union, une mutualisation des moyens et des coûts, notamment en matière d’armement, pourrait permettre de fédérer les énergies et rassembleraient les États sur des réalisations concrètes.

Il s’est enfin dit confiant dans la capacité de l’armée à gérer ses ressources humaines et à assumer son rôle social.

L’enseigne de vaisseau Benoît Renié a fait valoir que les conflits auxquels la France fait face ne sont plus des conflits interétatiques et qu’ils interviennent sur des théâtres de plus en plus éloignés de la métropole. Il a souligné que la France doit conforter sa position internationale grâce à un outil de défense adapté même si des efforts plus importants doivent être faits pour développer la politique communautaire de défense et de sécurité.

Les capacités de projection dimensionnant souvent les interventions extérieures, des progrès doivent être accomplis en matière d’interarmisation tant nationalement qu’au sein de l’Union européenne pour éviter qu’un seul pays, ou une seule armée, ne prenne à sa charge l’ensemble des efforts nécessaires. À ce titre, la marine nationale doit jouer un rôle moteur, assurant une présence permanente et pouvant intervenir sur l’ensemble du globe. Plus globalement elle est aujourd’hui chargée d’assurer la sécurité des voies maritimes par lesquelles transitent 80 % des approvisionnements européens, les équipements mis à sa disposition devant être suffisants et adaptés à ces missions.

Même si l’instabilité internationale conduit à l’émergence de nouvelles menaces, le sous-lieutenant Thomas Gauvin n’a pas exclu la possibilité d’une menace majeure sur le territoire national dans les dix ou quinze ans à venir. À cet égard, la défense est un enjeu stratégique essentiel pour la France, qu’il s’agisse d’assurer une bonne protection du territoire et de la population, d’asseoir sa position internationale, ou de bâtir, avec l’Allemagne et le Royaume-Uni, une Europe de la défense forte et crédible.

Dans cette perspective, l’armée française devra être une armée de projection, pleinement tournée vers l’opérationnel, et capable de remplir des missions de combat, d’interposition et de protection. L’armée de terre est au cœur de ce triptyque ; elle assure d’ailleurs aujourd’hui 80 % des opérations extérieures. Pour assurer la relève des forces déployées et parce que la stabilisation d’un théâtre demande du temps, elle doit disposer d’au moins 80 000 hommes. En outre, les unités stationnées en métropole jouent un rôle économique et social significatif, participant parfois à des missions de sécurité civile.

Le matériel doit être d’une part, adapté aux missions de combat comme aux missions de sécurité, et d’autre part, polyvalent et interopérable, tant sur un plan interarmées que sur un plan européen ou international. Toute opération se faisant désormais dans un cadre coopératif, une attention particulière doit être portée à l’interarmisation, et ce, dès la formation initiale.

Définissant le métier d’officier autour des fonctions de cadre au service de la nation, de chef et de formateur, il a insisté sur la spécificité du métier militaire, particulièrement exigeant psychologiquement, physiquement ou intellectuellement.

Il a enfin attiré l’attention de la commission sur la nécessité de disposer des moyens nécessaires pour préparer et fidéliser les militaires. Outre des mesures salariales qui prendraient plus en compte les écarts de rémunération avec des civils disposant de qualifications équivalentes, une amélioration de la lisibilité de la politique de défense permettrait de revaloriser le rôle social des soldats et concourrait à l’attractivité des armées.

Le président Guy Teissier a relevé que les intervenants avaient en commun le souci de servir leur pays et sa population, qu’ils avaient inscrit leur avenir dans le cadre d’une défense européenne, et qu’ils avaient rappelé le rôle crucial de la dissuasion pour assurer la place internationale de la France. Il s’est en revanche étonné que la question de l’OTAN n’ait pas été davantage abordée, non plus que celle de la condition militaire. Il leur a enfin demandé comment ils jugeaient la formation reçue dans les écoles militaires.

Le sous-lieutenant Emmanuel de Beauregard a regretté qu’il n’y ait pas davantage d’échanges avec les écoles européennes ou avec d’autres écoles militaires françaises, l’interamisation ou la coopération internationale lui apparaissant souvent réduites à une dimension purement théorique.

Le lieutenant Céline Le Guern a tenu à relativiser cette analyse, le cursus de pilote au sein de l’école de l’air étant assez particulier. Des stages à l’étranger sont en effet prévus pour les personnels au sol de l’armée de l’air.

Elle a, quant à elle, déploré que les enseignements de sciences politiques, de relations internationales ou d’économie, dispensés lors de sa formation d’officier de renseignement, ne soient pas accessibles à tous les élèves dans la mesure où ils permettent de développer une appréhension plus globale des enjeux de la défense et de la sécurité ; la plupart des élèves étant issus de classes préparatoires scientifiques, ils n’ont reçu jusqu’alors qu’une formation scientifique.

L’enseigne de vaisseau Benoît Rénié a indiqué que l’école navale est une école scientifique qui collabore avec les différentes écoles scientifiques de Bretagne, mais également une école maritime militaire associée à ses équivalents européens ou internationaux. Chaque année des échanges ont lieu entre les écoles navales, deux élèves français étudiant par exemple à l’académie américaine d’Annapolis, un en Italie et un en Espagne. De même, des échanges ont lieu avec des écoles françaises, comme par exemple un séminaire commun avec HEC.

L’école navale formant avant tout des spécialistes du monde maritime, une place réduite est réservée à la formation géopolitique. La première partie de carrières des officiers est principalement tournée vers des responsabilités opérationnelles et fait appel à des compétences pointues plus qu’à une compréhension générale des enjeux internationaux. Ce n’est qu’au moment d’accéder à des postes de commandement, après avoir suivi les enseignements du collège interarmées de défense, que la géopolitique prend toute son importance.

Le sous-lieutenant Thomas Gauvin a souligné que la dimension européenne était pleinement intégrée à tous les cours dispensés à l’école militaire spéciale de Saint-Cyr qui entretient par ailleurs des échanges avec d’autres écoles militaires. Il a indiqué avoir ainsi participé à un exercice avec des élèves de l’école britannique de Sandhurst. De même, les élèves peuvent obtenir un brevet de parachutisme dans une autre armée. Chaque année, une rencontre est organisée entre l’école spéciale militaire de Saint-Cyr, l’académie royale militaire de Sandhurst et l’académie militaire allemande : les élèves sont répartis à part égale dans chaque école et, pendant une semaine, suivent des cours communs et participent à des tournois sportifs.

Il a par ailleurs salué la pertinence de la formation. Délivrée sur trois ans, elle permet aux élèves de mûrir leur comportement, et d’approfondir leurs connaissances des forces. La dimension géopolitique y tient une place importante, ce qui permet aux soldats de comprendre la complexité de l’environnement. Sur le plan militaire, les élèves travaillent sur l’ensemble des missions du spectre opérationnel et le volet d’aguerrissement concourre à une formation concrète de l’officier.

L’élève ingénieur Edern Alizon a précisé que l’école polytechnique insiste sur la pluridisciplinarité de ses enseignements en intégrant par exemple des cours de communication ou des séminaires sur la musique ou les arts. Le caractère militaire lui semble primordial même si l’école forme plus de civils que de militaires et que l’abandon du statut militaire est parfois évoqué.

Répondant au président Guy Teissier qui l’interrogeait sur le statut militaire de la gendarmerie, le lieutenant Céline Le Guern a fait valoir que la plupart des opérations extérieures nécessitent l’intervention d’une force de sécurité publique. Même si le théâtre est stabilisé, les combats peuvent à tout moment reprendre, empêchant le déploiement d’une force civile. La gendarmerie qui associe compétences en matière de sécurité et statut militaire est donc parfaitement adaptée à pareille mission.

Elle a également souligné que le statut militaire impose aux gendarmes une disponibilité et une réactivité auxquelles ne sont pas soumises les forces civiles de sécurité.

S’appuyant sur l’exemple des attentats du 11 septembre 2001, M. Christophe Guilloteau a refusé d’écarter la possibilité d’une menace sur le territoire national. Partageant par ailleurs l’engagement des élèves officiers en faveur d’une Europe de la défense, il leur a demandé comment ils l’envisagent et s’ils envisagent de servir sous commandement étranger.

Le sous-lieutenant Thomas Gauvin a insisté sur la nécessité de préserver la spécificité de chaque armée, notamment au niveau tactique. En revanche une coordination interarmées et internationale semble souhaitable à des échelons supérieurs comme par exemple dans un état-major opérationnel.

L’enseigne de vaisseau Benoît Rénié a souligné que la plupart des bâtiments de la marine nationale interviennent en opérations extérieures sous commandement étranger, qu’il soit européen ou américain.

Après avoir rappelé que le premier Livre blanc élaboré en 1972, était centré sur la dissuasion, que le deuxième, adopté en 1994, traitait davantage de la projection, M. Gilbert Le Bris a demandé aux élèves officiers quel thème leur semble devoir structurer le Livre blanc actuellement en cours de rédaction.

Les grands programmes d’armement s’inscrivant dans des cycles longs allant de 15 à 30 ans, un programme lancé maintenant ne sera opérationnel que lorsque les élèves officiers d’aujourd’hui accéderont à des postes de commandement. À cet horizon, de quels équipements souhaiteront-ils disposer ?

L’enseigne de vaisseau Benoît Rénié a marqué son souhait de disposer de bâtiments en nombre suffisant pour assurer une présence française sur toutes les mers. Pour garantir une présence maritime permanente et pour assurer des capacités de projection, un deuxième porte-avions apparaît nécessaire ; pour maintenir le niveau d’intervention sur des théâtres éloignés, les armées doivent disposer de frégates multimissions et de frégates Horizon ; pour assurer la place internationale de la France, la dissuasion assurée par les sous-marins nucléaires doit enfin être pérennisée.

Pour ce qui est du troisième Livre blanc il a vocation à définir la politique de défense et de sécurité de la France en insistant sur sa dimension européenne.

Le sous-lieutenant Emmanuel de Beauregard a insisté sur l’importance de la construction d’une défense européenne, élément central selon lui du futur Livre blanc. Elle conditionne en effet toute rationalisation ou tout réflexion d’ampleur sur le format des armées nationales. S’agissant des programmes d’armement, il a marqué son attachement à l’A400M et au Rafale, espérant pouvoir piloter ces avions.

Le lieutenant Céline Le Guern a estimé primordial de développer le renseignement interarmées et interalliés pour déjouer les menaces, notamment les menaces terroristes, et limiter en amont les crises.

En termes d’équipements, il importe que la gendarmerie nationale maintienne un niveau technologique élevé pour être à même de lutter contre les contrevenants qui disposent aujourd’hui d’appareils informatiques ou de télécommunication de dernière génération. Tout recul budgétaire en ce domaine serait lourd de conséquences et nuirait gravement à l’efficacité des unités.

Le président Guy Teissier a partagé son analyse, des moyens importants devant être consacrés au renseignement et en particulier au renseignement humain, trop longtemps négligé. Des efforts sont également à faire pour la recherche et le développement qui contribuent à l’efficacité de la police scientifique mais qui profitent souvent à l’ensemble de la population.

L’élève ingénieur Edern Alizon a mis l’accent sur les gains qu’apporterait une mutualisation européenne des programmes d’armement, permettant une diminution des coûts et participant plus globalement à la construction d’une politique européenne de la défense. Pour assurer l’interopérabilité avec nos alliés, doit être maintenu un haut niveau technologique, garantie de la crédibilité et de l’efficacité des interventions françaises.

Le sous-lieutenant Thomas Gauvin a estimé que le prochain Livre blanc doit tenir compte de l’évolution du contexte géopolitique et définir précisément les missions assignées aux armées. Il a insisté sur la nécessité d’associer les équipements lourds aux équipements individuels, ces derniers étant souvent peu adaptés aux besoins, contraignant les soldats à s’équiper par eux-mêmes. Les équipements lourds doivent, quant à eux, mieux intégrer la dimension urbaine des combats et assurer une meilleure protection balistique.

Répondant au président Guy Teissier, il a souligné la qualité et l’importance du programme FELIN.

M. Michel Voisin a souhaité connaître la position des élèves officiers sur la place respective de l’OTAN et de l’Europe de la défense compte tenu de la compatibilité des matériels, de l’organisation industrielle actuelle et de la place des États-Unis dans le monde.

Il s’est également interrogé sur la qualification juridique d’un acte de terrorisme, contre la Tour Eiffel par exemple : constituerait-il un acte de guerre ?

Le lieutenant Céline Le Guern a distingué les actes de guerre des faits criminels. L’assimilation d’un crime à un acte de guerre aurait des conséquences lourdes, ne serait-ce que parce que les criminels devraient alors être traités selon le droit de la guerre et non selon les lois pénales ordinaires.

Pour l’élève ingénieur Edern Alizon, défense européenne et OTAN ne sont pas incompatibles, la généralisation des normes de l’OTAN contribuant même à l’interopérabilité des armées européennes. Il a toutefois insisté sur le besoin de développer des programmes d’armement européens, source d’autonomie par rapport aux matériels américains.

Le sous-lieutenant Thomas Gauvin a estimé que la compatibilité des deux structures est intimement liée à l’évolution de la posture stratégique américaine dans le monde. L’émergence d’une politique européenne de défense semble, quant à elle, se heurter à une absence de définition stratégique, préalable indispensable à toute réalisation physique ou à toute mutualisation de programme d’armement.

Constatant souvent un décalage entre les moyens et les missions des armées, M. Francis Hillmeyer s’est interrogé sur la réalité de l’effort national en matière de défense. Il a également marqué son intérêt pour les programmes d’échange internationaux, en particulier avec des universités américaines comme le MIT.

Le sous-lieutenant Thomas Gauvin a relevé qu’il existe un écart non négligeable entre la protection de la France sur le plan international et les moyens mis à la disposition de sa défense, les difficultés se cristallisant souvent autour de l’insuffisante disponibilité opérationnelle des équipements.

Lors de son stage au MIT de Boston, il a eu l’occasion d’être associé à des travaux de recherche menés par des civils et des militaires qui s’interrogeaient sur les évolutions de l’armée de terre américaine pour s’adapter aux nouveaux théâtres d’opérations et aux nouvelles conditions d’engagement comme par exemple la lutte contre les insurrections. Parfaitement intégré à l’équipe, il a apprécié la liberté des échanges et a constaté que les militaires françaises étaient tenus en grande estime par leurs homologues étrangers.

Le président Guy Teissier a indiqué que son récent déplacement en Afghanistan lui a permis de constater l’enthousiasme et le respect pour les troupes françaises du général américain commandant les forces alliées.

M. Christian Ménard s’est demandé si les risques de conflits en France et en Europe ne sont pas sous-estimés. Il a par ailleurs interrogé les élèves officiers sur les échanges entretenus avec des pays extérieurs à l’Union européenne. Comment s’organisent ces coopérations et qu’apportent-elles aux élèves ?

Le lieutenant Céline Le Guern a regretté que les conflits européens n’occupent pas une place plus importante dans sa formation. En ce qui concerne les échanges internationaux, ils permettent aux forces de sécurité publique de partager leurs expériences et ouvrent des pistes de réflexion particulièrement intéressantes.

Comme l’a rappelé l’enseigne de vaisseau Benoît Rénié, l’école navale accueille de nombreux étudiants étrangers dans le cadre d’échanges avec d’autres académies militaires. Ces programmes assurent une ouverture intellectuelle et permettent de nouer des liens professionnels et personnels avec des militaires étrangers, pouvant faciliter des coopérations futures. Pour ce qui est des conflits européens, leur appréhension relève plus de réflexions personnelles que d’un enseignement formalisé.

Le sous-lieutenant Thomas Gauvin a mis en avant les liens entre l’école spéciale militaire de Saint-Cyr et les écoles militaires africaines. Les armées françaises sont amenées à intervenir de plus en plus fréquemment en Afrique, notamment pour des missions de stabilisation, souvent en renfort ou en association avec des armées africaines. Les liens d’amitié et de solidarité tissés lors des échanges académiques sont alors particulièrement appréciables. Outre les coopérations avec les pays africains, des relations sont nouées avec les pays asiatiques ou avec les États-Unis.

Considérant que les conflits à venir seront de plus en plus imprévisibles, les formations délivrées à l’école spéciale militaire de Saint-Cyr n’écartent nullement l’hypothèse de nouveaux conflits européens.

Pour l’élève ingénieur Edern Alizon, l’école polytechnique s’apparente plus à une école d’ingénieurs civils qu’à une école militaire en ce qui concerne les échanges internationaux, chaque promotion comptant un quart d’étudiants étrangers.

Le sous-lieutenant Emmanuel de Beauregard a indiqué que les échanges internationaux sont très développés au sein de l’école de l’air au-delà des seuls pays européens. Ils s’organisent essentiellement autour de stages de trois à six mois.

Revenant sur l’interarmisation, M. Philippe Folliot s’est demandé comment elle est ressentie dans les écoles militaires et si elle occupe une place suffisante. Au cours de leur carrière, leur semble-t-il possible, voire souhaitable, de changer d’armée ?

L’enseigne de vaisseau Benoît Rénié s’est déclaré convaincu qu’il faudrait une formation interarmées dès l’école mais qu’elle ne doit pas porter atteinte à la spécificité de chaque formation, des échanges entre les écoles existant déjà, à l’image du séminaire annuel des grandes écoles militaires (SIGEM). Reprenant l’analyse de l’ancien chef d’état-major des armées Henri Bentégeat, il a estimé que la spécialisation initiale constitue un socle sur lequel un officier peut ensuite développer des compétences interarmées. La dimension interarmées lui apparaît donc certes nécessaire mais relever plus d’une formation complémentaire, comme celle du collège interarmées de défense, que d’enseignements délivrés en école.

Le sous-lieutenant Emmanuel de Beauregard a précisé que toutes les formations de l’école de l’air insistent fortement sur la dimension interarmées, tous les retours d’expérience montrant l’insuffisance de la formation initiale à ce sujet. Il a déploré que les échanges entre les écoles restent limités à des manifestations ponctuelles, aucun élément commun ne fédérant les spécialistes de chaque armée.

Le lieutenant Céline Le Guern a souligné l’écart entre la sensibilisation permanente à l’interarmisation et l’absence de formations qui lui sont spécifiquement dédiées. Pour mieux travailler avec les autres armées, une connaissance minimale de leur organisation, de leurs méthodes et de leur fonctionnement semble pourtant indispensable.

Quant au changement d’armée, il reste possible pour les officiers subalternes mais reste rare.

M. Pierre Frogier a demandé aux élèves officiers s’ils considèrent nécessaire de préserver une présence militaire dans tous les territoires d’outre-mer ou si une présence militaire continentale suffirait à la France pour assumer son rôle de puissance internationale.

Le sous-lieutenant Thomas Gauvin a fait valoir que les forces militaires déployées dans les territoires d’outre-mer sont garantes de la protection du territoire et des populations. Par ailleurs, il convient de maintenir des troupes pré-positionnées dans le monde, gage de réactivité et d’efficacité sur les théâtres d’opérations extérieures.

L’enseigne de vaisseau Benoît Rénié a relevé que la présence ultramarine de la France lui assure une stature internationale qu’elle perdrait en se concentrant sur le seul territoire métropolitain.

L’élève ingénieur Edern Alizon a partagé cette analyse, considérant que la sécurisation des voies maritimes d’approvisionnement impose une présence militaire sur l’ensemble du globe.

M. Jacques Lamblin a mis l’accent sur le lien armée-nation : est-il menacé par la professionnalisation des armées ? Comment le maintenir ?

Le lieutenant Céline Le Guern a relevé que les gendarmes sont amenés à intervenir quotidiennement au contact de la population avec laquelle ils doivent entretenir des liens de confiance et de respect mutuels. La professionnalisation n’a pas remis en cause ces liens mais a nécessité de nouveaux progrès de communication, ne serait-ce que pour expliquer la spécificité du métier militaire. De même, un effort d’information doit être fait sur les avantages accordés aux militaires, souvent perçus comme des privilèges, alors qu’ils sont la contrepartie d’une obligation de disponibilité et de réactivité.

Le sous-lieutenant Thomas Gauvin a regretté que les missions des forces armées ne soient pas assez lisibles alors qu’elles contribuent à la cohésion et à la mixité sociale, recrutant massivement et dans tous les milieux socioprofessionnels. La communication doit donc être améliorée ; elle pourrait utilement s’appuyer sur les réserves, véritable vitrine de l’institution.

En réponse au président Guy Teissier qui s’interrogeait sur la place accordée aux réserves dans les formations initiales, le sous-lieutenant Emmanuel de Beauregard a souligné l’étanchéité entre les formations d’élèves officier et celles des réservistes. Ces derniers peuvent pourtant utilement contribuer à expliquer aux civils la spécificité et l’exigence du métier militaire et assurer ainsi une meilleure reconnaissance sociale et professionnelle des militaires.

L’enseigne de vaisseau Benoît Rénié a reconnu qu’il n’y avait guère de communication, dans les écoles militaires, entre l’armée d’active et la réserve.

Pour ce qui est de l’armée de terre, le sous-lieutenant Thomas Gauvin a précisé que les formations des officiers de réserve se déroulent au sein de l’école spéciale militaire de Saint-Cyr, permettant ainsi aux militaires d’active et aux réservistes de se rencontrer et de tisser des liens.

Le lieutenant Céline Le Guern a remarqué le statut particulier de la réserve dans la gendarmerie, assurant les mêmes missions que les militaires d’active, et ce dans toutes les unités. Parfaitement intégrés, ils constituent une ressource désormais indispensable notamment pour faire face à des évènements saisonniers.

M. Jean-Claude Viollet a considéré que le lien entre défense et sécurité devra constituer la colonne vertébrale du prochain Livre blanc.

Alors que sont à l’étude de nombreuses restructurations, voire le regroupement de tous les états-majors au sein d’un « Pentagone à la française », serait-il envisageable de regrouper toutes les écoles militaires au sein d’une seule et même académie militaire ?

En ce qui concerne la situation des militaires et le lien entre la nation et son armée comment les élèves officiers se sentent-ils socialement intégrés ? Estiment-ils nécessaire de faire évoluer leurs droits civiques et politiques ?

Pour le lieutenant Céline Le Guern, le regroupement de toutes les écoles militaires au sein d’une seule académie nuirait à la spécificité de chaque armée. Même si l’interamisation doit occuper une place plus importante, il convient de préserver le cœur de métier de chacune. Elle a par ailleurs relevé que la gendarmerie nationale apparaît à ce jour parfaitement intégrée dans la société.

Après avoir également écarté l’hypothèse d’un regroupement des écoles militaires, l’enseigne de vaisseau Benoît Rénié a insisté sur les difficultés initiales découlant de la professionnalisation, même si les militaires semblent désormais bien intégrés dans la société.

En réponse au président Guy Teissier, le sous-lieutenant Thomas Gauvin a témoigné de l’incompréhension de son entourage en ce qui concerne son orientation professionnelle. Les missions de la défense sont souvent méconnues, faute d’une prise de conscience des risques auxquels la France est exposée.

L’enseigne de vaisseau Benoît Rénié a ajouté être fréquemment interrogé sur la formation qu’il reçoit et sur le contenu exact du métier militaire, les civils manquant souvent d’informations à ce sujet.

L’élève ingénieur Edern Alizon a souligné que le partage d’une culture militaire permet aux élèves de l’école polytechnique de mieux appréhender les missions des armées. Même si peu d’élèves poursuivent une carrière militaire, leur choix est bien compris et accepté. Il a par ailleurs indiqué que malgré quelques velléités, la dimension militaire de l’école ne semble pas aujourd’hui remise en question, les élèves témoignant de l’intérêt des formations militaires comme le stage à Barcelonnette par exemple.

Le sous-lieutenant Emmanuel de Beauregard a reconnu que son engagement militaire fait l’objet de nombreuses interrogations, notamment au vu de l’écart de rémunération, à qualifications égales, entre les armées et le civil. Les missions des armées sont souvent mal comprises et mal perçues, notamment en ce qui concerne la présence française en Afrique.

——fpfp——