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Commission de la défense nationale et des forces armées

Mercredi 30 janvier 2008

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 19

Présidence de M. Guy Teissier, président

– Examen du rapport d’information sur l’aéromobilité (MM. Alain Marty, Michel Sordi et Jean-Claude Viollet, rapporteurs)

– Examen du projet de loi (n° 12) ratifiant l’ordonnance n° 2005-883 du 2 août 2005 relative à la mise en place au sein des institutions de la défense d’un dispositif d’accompagnement à l’insertion sociale et professionnelle des jeunes en difficulté et l’ordonnance n° 2007-465 du 29 mars 2007 relative au personnel militaire modifiant et complétant la partie législative du code de la défense et le code civil et portant diverses dispositions relatives à la défense (M. Patrick Beaudouin, rapporteur)

Aéromobilité (rapport d’information)

La commission de la défense nationale et des forces armées a examiné le rapport d’information de MM. Alain Marty, Michel Sordi et Jean-Claude Viollet sur l’aéromobilité.

M. Alain Marty, rapporteur, a indiqué que la multiplication des engagements français à travers le monde a révélé des difficultés croissantes pour assurer le transport vers les théâtres d’opérations ou pour garantir des capacités de déplacement au sein des théâtres. Après les alertes répétées des chefs d’états-majors, une évaluation de la situation de l’aéromobilité des armées a paru nécessaire.

Une approche large des problématiques a été privilégiée, le champ d’étude incluant les armées, la gendarmerie nationale ainsi que les unités de la défense et de la sécurité civiles. Le rapport s’est intéressé tant aux moyens de projection des forces (personnels et matériels) qu’aux moyens de ravitaillement et d’action opérationnelle. Il concerne donc à la fois les hélicoptères, les avions de transport et les ravitailleurs. Au vu de l’importance de la mutualisation, l’accent a également été mis sur les coopérations nationales, européennes ou internationales.

À l’occasion des déplacements et des auditions, les rapporteurs ont été frappés par la volonté et l’implication de tous les personnels. Avec des moyens souvent réduits, ils s’efforcent de répondre aux demandes des autorités avec un maximum d’efficacité et de professionnalisme. Pour cela, ils sont amenés à faire des sacrifices par exemple sur le plan des conditions de travail ou sur celui de la rémunération ; il convient de les apprécier à leur juste valeur. Le rapporteur a indiqué qu’il avait pu ainsi, lors d’un déplacement au Tchad, constater l’excellence du travail de maintenance assuré par les militaires déployés.

La situation de l’aéromobilité française est critique : les moyens ne sont plus à la hauteur des ambitions de la France. Un déficit capacitaire semble inévitable, mais il peut être limité si notre pays procède dès aujourd’hui à des choix conséquents.

Il a fait valoir le caractère indispensable des moyens aéromobiles pour tous les théâtres d’opérations tant intérieures qu’extérieures. La doctrine d’emploi des appareils est fondée sur la complémentarité des forces : avec l’appui des ravitailleurs, les avions de transport assurent la projection sur les théâtres de moyens de transport tactique ou de moyens de protection et de secours. Les avions et les hélicoptères déployés sont sollicités en permanence : sur le territoire national, les hélicoptères de la gendarmerie et de la sécurité civile assurent au quotidien la protection et la sécurité de nos concitoyens que ce soit pour des opérations de secours ou pour des missions de police comme par exemple la recherche d’enfants disparus. Les forces aériennes de gendarmerie sont ainsi intervenues plus de 30 fois par jour en 2006. Outre-mer, les appareils sont garants de la permanence de forces de souveraineté dans des zones qui ne peuvent pas être atteintes par des moyens terrestres comme en Polynésie ou en Guyane.

Le besoin se fait plus encore nettement sentir hors du territoire national. L’éloignement des théâtres d’opérations exige en effet de disposer de forces de projection suffisantes. Les spécificités des théâtres imposent également de disposer d’appareils modernes capables d’opérer en zone de haute montagne comme en Afghanistan, ou de sécuriser de larges espaces comme en Côte-d’Ivoire. De nouveaux besoins de transport apparaissent par ailleurs, notamment en ce qui concerne les unités de la sécurité civile amenées à intervenir en cas de catastrophe naturelle ou sanitaire à l’exemple de la lutte contre l’épidémie de Chikungunya sur l’île de la Réunion.

Ces besoins sont difficiles à satisfaire avec un parc d’aéronefs en fin de vie et aux capacités opérationnelles de plus en plus limitées. Les Transall ont plus de 40 ans et leur taux de disponibilité opérationnelle est à peine de 60 %. Les 124 hélicoptères de manœuvre Puma ont, quant à eux, une disponibilité inférieure à 50 %. L’âge moyen des appareils explique que les opérations de maintenance soient de plus en plus longues et coûteuses. Pour les ravitailleurs, le coût de fonctionnement pour une heure de vol avoisine les 18 000 euros. L’heure de vol du Transall revient à 8 500 euros et celle du Puma à 7 000 euros. Le maintien en conditions opérationnelles (MCO) de ces trois types d’appareils coûte chaque année 463 millions d’euros. L’entrée en service de nouveaux matériels ne devrait pas réduire ces coûts, l’heure de vol d’une Gazelle revenant actuellement à 2 200 euros quand l’heure de vol du Tigre coûte plus de 7 000 euros.

M. Michel Sordi, rapporteur, a indiqué que des programmes de remplacement des équipements ont certes été lancés, mais qu’ils ne permettront pas d’éviter un déficit capacitaire important à partir de 2009, lequel devrait se prolonger au moins jusqu’en 2015.

Pour compenser la vétusté du parc, les armées ont tenté d’initier des programmes de rénovation afin de garantir au moins l’interopérabilité des matériels. Les améliorations partielles ne permettant pas aux Puma de correspondre aux nouvelles normes internationales de l’aviation civile, ils ne seront plus autorisés en 2010 à voler dans l’espace aérien international et ne pourront plus être déployés que pour des opérations à caractère exceptionnel et exclusivement sous contrôle militaire. Un programme de rénovation pourrait leur permettre de continuer à voler, mais il n’est, à ce jour, ni programmé, ni budgété. En 2010, l’armée de terre ne pourra déployer que 20 hélicoptères de manœuvre contre près de 120 aujourd’hui. Même si tous les engagements contractuels sont respectés, compte tenu des délais de livraison du NH 90, il faudra attendre 2018 pour retrouver un niveau capacitaire équivalent.

M. Michel Sordi a jugé également critique la situation des avions de transport et des ravitailleurs. Le programme A400M devrait certes permettre de remplacer les Transall en fin de vie mais les retards cumulés diffèrent les livraisons ; la mise en service opérationnel du premier appareil ne doit intervenir qu’en 2010 voire 2011. À terme, l’armée de l’air devrait disposer de 50 A400M. Leur nombre a été revu à la baisse, compte tenu du renfort des avions multi-rôles (MRTT) qui pourront assurer à la fois des missions de transport et de ravitaillement. Une réflexion sur le programme MRTT a été lancée en avril 2007 pour décider du mode d’acquisition (achat ou partenariat public-privé) mais aucun choix n’a encore été arrêté.

Les difficultés de l’aéromobilité s’expliquent donc principalement par l’état du parc, mais elles sont aggravées par l’insuffisante coopération entre les services de l’État et avec nos partenaires étrangers. Sur le plan opérationnel, les moyens sont encore trop marqués par une culture propre à chaque armée ou à chaque service. Il est surprenant que la direction de la défense et de la sécurité civile appelle à un cloisonnement des missions, s’estimant seule légitime à intervenir pour secourir des personnes. Au-delà de bonnes pratiques locales, des efforts doivent être engagés nationalement pour gagner en efficacité et en rationalité, à l’image de ce qui existe actuellement entre la police et la gendarmerie nationales. Les appareils militaires sont également marqués par une spécialisation forte, limitant l’interchangeabilité des équipages et des appareils.

Le rapporteur a appelé à la poursuite et à la généralisation des efforts en ce domaine, citant l’exemple du groupement interarmées d’hélicoptères (GIH) ou du centre multimodal de transports (CMT). Organisme à vocation interarmées dont les moyens relèvent pour deux tiers de l’armée de terre et pour le dernier tiers de l’armée de l’air, appelé à travailler au profit de la gendarmerie, le GIH est un modèle d’interarmisation tant par le niveau d’intégration qui lui est demandé que par les résultats qu’il obtient. L’interopérabilité a progressé et désormais hommes et appareils sont interchangeables : des équipages de l’armée de l’air peuvent voler sur des appareils de l’armée de terre et inversement. Cette adaptation garantit l’efficacité du dispositif : peu importe le type d’appareil disponible, le GIH est en mesure de répondre aux demandes. De même, le centre multimodal de transports assure désormais la coordination interarmées des transports et des transits pour les opérations initiales et, à l’été 2009, il prendra en charge l’ensemble des opérations de transport et de transit.

Il a également souhaité que ces efforts nationaux s’inscrivent dans une démarche européenne et internationale de mutualisation et de coopération. Des avancées existent mais elles se limitent à la formation initiale des pilotes. Les programmes NH 90 et A400M ont certes été menés de manière conjointe avec un effort initial pour développer des engins similaires et limiter les spécificités nationales, mais il n’a pas été possible de préserver l’idée d’origine : le NH 90 compte par exemple aujourd’hui 23 versions différentes. De même, le soutien de l’A400M sera assuré par chaque pays, aucun partenaire n’acceptant de renoncer à ses moyens nationaux de maintenance.

M. Jean-Claude Viollet, rapporteur, a estimé que la situation de l’aéromobilité française impose d’opérer des choix immédiats pour préserver, autant que faire se peut, nos capacités opérationnelles. Compte tenu du déficit capacitaire qui ne peut être évité, les ambitions internationales de la France doivent être redéfinies, au moins temporairement. Avec seulement 20 hélicoptères en parc en 2010, la France ne pourra plus déployer ses forces sur autant de théâtres. La construction d’une défense européenne devrait mener à une mutualisation communautaire permettant de maintenir une présence internationale tout en relâchant la pression exercée sur les forces françaises.

Cette implication internationale impose également aux militaires des rotations de plus en plus fréquentes. Ce besoin opérationnel mérite d’être pris en compte dans la réflexion sur le format des armées : il n’est pas possible d’intervenir hors du territoire sans disposer de ressources au moins quatre à cinq fois supérieures. Outre leur nombre, une attention particulière doit être portée aux conditions de travail et de rémunération des personnels projetés. Pour la maintenance, les armées souffrent en effet d’une concurrence accrue du secteur privé et peinent à recruter et à fidéliser des mécaniciens et des chefs d’équipe.

Face à ces difficultés de maintenance et de gestion des parcs, le rapporteur s’est interrogé sur l’intérêt des systèmes innovants de gestion. Les externalisations et les partenariats public-privé permettent aux armées de se recentrer sur leur cœur de métier en confiant à des prestataires privés des missions qui ne conditionnent pas les capacités opérationnelles. Toute nouvelle externalisation pourrait utilement s’inspirer de la procédure de dialogue compétitif mise en place sur la base de Cognac afin d’établir précisément le rôle de chaque partenaire pour éviter que l’externalisation soit présentée comme un retrait des armées ou comme un désaveu des unités en charge des activités finalement confiées à un prestataire privé. L’externalisation a cependant des limites : les activités à caractère opérationnel doivent être exercées par les militaires. À Cognac, seules les activités de soutien ont été confiées à un partenaire privé, les missions de formation des pilotes et de sécurité en vol continuant à être assurés par des moniteurs militaires.

À l’instar du contrat de partenariat signé pour l’école de Dax, d’autres missions, actuellement assurées par les armées et qui ne relèvent pas directement du cadre opérationnel, pourraient également être prises en charge par des partenaires privés. Le Royaume-Uni a par exemple choisi d’externaliser sa flotte de ravitailleurs multi-rôles au travers d’un contrat de partenariat d’une durée prévue de 27 ans. Ce système ne doit toutefois pas être érigé en dogme : chaque contrat doit faire l’objet d’une analyse financière et opérationnelle très fine.

Une réflexion doit enfin être engagée sur la gestion de la fin de vie des parcs. Les coûts de fonctionnement sont particulièrement élevés en début et en fin de vie, suivant une évolution en forme de « U ». Mener des appareils au terme de leurs capacités conduit donc à une augmentation nécessaire des frais de maintenance alors qu’ils pourraient être progressivement remplacés, alimentant le marché de l’occasion. Les parcs seraient ainsi constamment renouvelés, évitant les changements brutaux auxquels les armées sont aujourd’hui confrontées et qui concernent tous les équipement au même moment. Cela permettrait également de lisser les coûts et de maintenir un effort constant en matière de recherche, de développement et de production.

En conclusion, il a jugé la situation de l’aéromobilité française très préoccupante. Sans céder à l’alarmisme, il est admis que le déficit capacitaire ne pourra plus être évité, mais il pourra se limiter si des engagements forts sont pris dès aujourd’hui. Pour cela, il est impératif que les commandes prévues soient effectivement livrées, que les options soient confirmées, que les arbitrages programmés pour le MRTT interviennent cette année, et que la rationalisation des structures améliore la mutualisation des moyens. Quoi qu’il en soit, dans un contexte de multiplication et de diversification des crises, la préservation des capacités opérationnelles des forces passe par un effort en matière d’aéromobilité.

Le président Guy Teissier a jugé le contenu du rapport particulièrement préoccupant, notamment pour les Puma dont la rénovation n’est ni prévue, ni budgétée. Le décalage des livraisons de NH 90 est également problématique, alors même que cette question avait déjà été évoquée en 2002 avec le précédent ministre de la défense.

Il s’est ensuite interrogé sur la priorité donnée aux programmes de cohérence opérationnelle, qui permettent notamment d’assurer la communication entre les aéronefs et sur les difficultés juridiques et financières que pourrait poser la mise à disposition d’heures de vol par un prestataire privé.

M. Jean-Claude Viollet, rapporteur, a indiqué que le programme « SATURN » a été lancé en 2002 afin d’assurer la communication entre les aéronefs. Cependant, faute de crédits, ce dispositif n’a été installé que sur un nombre réduit d’hélicoptères de l’aviation légère de l’armée de terre (ALAT). En la matière, ce ne sont pas les moyens techniques qui font défaut, mais bien les moyens budgétaires. Il a par ailleurs rappelé que les « petits » programmes de cohérence opérationnelle conditionnent la capacité et la sécurité des forces.

Il a ensuite estimé qu’au vu de l’urgence de la situation actuelle, le recours à des partenariats public-privé ne pouvait systématiquement être écarté. Cette solution doit néanmoins être envisagée avec précaution, tant pour des raisons juridiques que pour des raisons de réversibilité, et doit s’accompagner d’un dialogue compétitif afin que personne ne soit perdant, ni la défense, ni les industriels.

Ne souhaitant pas de solutions trop systématiques, M. Alain Marty, rapporteur, a fait valoir que si les appareils déployés en opérations doivent bien évidemment demeurer sous contrôle militaire, on peut s’interroger sur la propriété publique des MRTT. Pour ce qui est des avions de transport, le besoin est aujourd’hui évalué à 50 A400M complétés par 14 à 17 MRTT selon le modèle retenu. Il convient de trouver la meilleure solution juridique et financière possible pour répondre rapidement à cette nécessité, des contrats de mise à disposition pouvant permettre d’alléger la contrainte financière.

Le président Guy Tessier a alors suggéré une solution mixte pour les MRTT, l’armée acquerrant les appareils indispensables à son activité et ayant recours à un complément privé en fonction de ses besoins opérationnels. Cela permettrait d’éviter des immobilisations coûteuses et non justifiées par un besoin continu.

M. Alain Marty, rapporteur, a adhéré à cette solution, en rappelant qu’un dispositif de ce type existe pour les transports lourds, avec les contrats SALIS et ATARES qui permettent de disposer d’un droit de tirage pour des heures de vol de gros porteurs.

Évoquant les débats sur le coût de MCO des avions Crusader, M. Michel Voisin a rappelé que les carences capacitaires en matière d’aéromobilité ne sont pas nouvelles. Il a ensuite souligné que la gestion d’un parc d’équipements, quels qu’ils soient, doit, en bonne logique comptable, intégrer son coût d’amortissement, ce qui semble avoir fait défaut en l’espèce.

M. Alain Marty, rapporteur, a estimé qu’une telle gestion de parc serait inacceptable dans une entreprise privée et aurait très certainement été sanctionnée.

M. Jean Michel a regretté que ces problèmes aient été dissimulés pendant des années, faisant aujourd’hui apparaître une crise d’une ampleur insoupçonnée. Les commandes n’ont pas été passées suffisamment tôt, notamment pour les NH 90, ce qui conduit à un déficit capacitaire impossible à combler. De même, pour l’A400M, de nouveaux retards semblent se profiler, alors que les Transall sont à bout de souffle depuis dix ans et que la sécurité des troupes n’est plus assurée de façon satisfaisante.

Il a fait valoir que les difficultés rencontrées pour disposer des matériels nécessaires en opérations extérieures, comme au Tchad ou en Afghanistan, placent de facto la France dans une situation de dépendance à l’égard des États-unis. La diplomatie et la situation de notre pays dans le monde s’en trouvent pénalisées. Il est très regrettable que la France ne fasse plus l’effort nécessaire pour disposer d’une défense digne de ce nom et qu’il n’existe plus de volonté politique en la matière, quel que soit le gouvernement. Pourtant, chaque fois que notre pays a eu la volonté de réaliser les investissements nécessaires à sa défense, cela a été bénéfique à la nation toute entière.

Le président Guy Tessier a rappelé que, dès 2002, la commission avait insisté sur l’importance du programme NH 90.

M. Alain Marty, rapporteur, a relativisé la comparaison avec des acteurs du secteur privé, les armées ayant dû renouveler l’ensemble de leurs parcs au même moment. Tous les domaines sont concernés, qu’il s’agisse des avions Rafale ou des chars Leclerc dont l’utilité au regard du contexte actuel des conflits peut faire débat. L’aéromobilité constituant un élément indispensable à la conduite des OPEX, tout déficit capacitaire poserait nécessairement la question de la présence française sur certains théâtres d’opérations extérieures et pourrait conduire la France à réduire sa présence internationale. La dernière loi de programmation militaire a été globalement respectée, même si des efforts d’investissement restent encore à faire dans certains domaines. Un outil de défense complet et suffisamment équipé garantit la place de la France dans le monde. La commission de la défense peut jouer un rôle dans la nécessaire prise en compte par nos concitoyens du coût qu’il implique.

M. Jacques Lamblin s’est déclaré effaré des coûts de MCO évoqués par les rapporteurs et observé que l’utilisation de matériels au-delà de l’usure se révèle toujours plus coûteuse qu’un renouvellement programmé et étalé. Aujourd’hui beaucoup de matériels doivent être remplacés au même moment. Dans un contexte budgétaire dégradé, il faut soit privilégier certains équipements au détriment des autres, soit étaler le renouvellement de chaque matériel. Se pose également la question du financement pour lequel diverses pistes peuvent être envisagées telles le partenariat public-privé ou le leasing par exemple. Toutes ces solutions doivent faire l’objet d’une réflexion sans tabou. En tout état de cause, les dépenses actuellement engagées pèsent sur le budget de la défense pour un résultat peu convainquant, avec des conséquences négatives sur les cahiers des charges des industriels.

Le président Guy Teissier a tempéré cette dernière assertion en considérant que les industriels ne font pas état de difficultés à remplir leurs carnets de commande.

M. Jean-Claude Viollet, rapporteur, a précisé que la réforme en cours de normes comptables de l’État devrait permettre d’intégrer l’amortissement dans les budgets de tous les ministères. En matière d’aéromobilité, le tableau ne doit pas être noirci à l’excès et l’on peut saluer des initiatives telles le GIH, la SIAÉ ou le centre multimodal de transport. Il a précisé que les 463 millions d’euros de MCO ne concernent que les Transall, les ravitailleurs C 135 et les Puma. Le coût d’entretien annuel des ravitailleurs apparaît aujourd’hui égal à celui d’un appareil neuf. Le Tigre et le NH 90 sont complémentaires sur le terrain, comme le sont le Leclerc, le VBCI et le Tigre. Mettant en garde contre toute tentation de favoriser un programme plus qu’un autre, il a souhaité que la commission de la défense rejette l’approche strictement comptable de ces questions qui ne pourrait que conduire à aggraver les difficultés actuelles.

Reprenant ces propos, Mme Patricia Adam a considéré que la commission de la défense se devait, alors qu’elle est représentée au sein de la commission pour le Livre blanc, d’être informée en amont des travaux de la révision générale des politiques publiques (RGPP), afin d’éviter que les questions de défense ne soient traitées sous le seul angle comptable au détriment de l’opérationnel. Évoquant la lettre adressée par le chef d’état-major de l’armée de terre au chef d’état-major des armées, elle a estimé que l’état de déshérence de certains matériels mettait en danger la vie des hommes. Elle a enfin souhaité revenir sur l’articulation entre le secteur civil et le secteur militaire dans le domaine de la sécurité.

M. Jean-Claude Viollet, rapporteur, a fait état des réticences du directeur de la défense et de la sécurité civiles à voir les gendarmes assurer des missions de la sécurité civile notamment en haute montagne. Ce cloisonnement apparaît inadapté d’autant que les moyens sont clairement complémentaires. Par ailleurs, certaines missions nécessitent la présence d’officiers de police judiciaire, justifiant encore la participation des gendarmes. De même, pour les interventions dites « Go fast », de poursuite de voitures rapides en effraction, le recours à l’hélicoptère est indispensable, faute de véhicules adaptés. On peut aussi regretter que la RGPP semble condamner la création de bases aériennes pour la gendarmerie alors que ces ouvertures, qui améliorent le maillage territorial et qui se font avec un nombre constant d’appareils, répondent à de véritables nécessités opérationnelles.

Le président Guy Teissier a approuvé ces propos en considérant qu’il était contre-productif de dupliquer l’existant et qu’il convenait, au contraire, de mutualiser les moyens.

M. Michel Voisin a vivement regretté l’attitude du secours civil à l’endroit de la gendarmerie alors que les gendarmes sont des professionnels unanimement reconnus pour le sauvetage en montagne.

M. Francis Hillmeyer a observé que l’existence de 23 versions différentes de NH 90 risque de peser sur le coût d’exploitation comme ce fut le cas avec les chars Leclerc. Les exigences d’emploi ne justifient pourtant pas l’existence de ces nombreuses variantes.

Rappelant que la France et l’Allemagne s’étaient initialement équipées de Transall identiques, M. Alain Marty, rapporteur, a observé que les flottes des deux pays ont divergé du fait des différences d’emploi au point qu’aujourd’hui la France ne peut pas utiliser les appareils allemands. Cet exemple montre l’importance de la mutualisation, y compris pour l’entretien et l’évolution des matériels. Le nombre de versions comme celui des modes d’emploi doit être limité au maximum.

M. Jean-Claude Viollet, rapporteur, a remarqué que la convergence des besoins relève de la compétence de l’agence européenne de défense. Pour dépasser les limites actuelles, la construction de l’Europe de la défense doit donc être poursuivie.

Il a relevé que les problèmes rencontrés dans certains programmes résultent de l’organisation industrielle voulue par les États qui ont souhaité associer des entreprises aux cultures ou aux compétences parfois incompatibles.

Évoquant les différents volumes de cellule des NH 90, il a considéré que les convergences de besoin doivent être examinées dès le lancement des projets. Il appartient ensuite de limiter les dérives des programmes en responsabilisant davantage les différents acteurs.

M. Christian Ménard s’est interrogé sur les possibilités d’externalisation et sur leurs limites.

M. Jean-Claude Viollet, rapporteur, s’est félicité du dialogue compétitif engagé entre l’armée de l’air, la DGA et l’industriel pour la remise aux normes des avions Epsilon, la fourniture d’heures de vol sur Grob et la mise à disposition de simulateurs de vol sur la base de Cognac. La procédure est apparue performante et sans incidence sur les délais d’obtention des prestations. La formation des pilotes et la sécurité des vols restent du ressort des militaires. L’exemple de cette base école n’est peut-être pas systématiquement transposable mais le principe du dialogue compétitif doit être repris et considéré comme une des solutions aux difficultés de l’aéromobilité.

M. Michel Sordi a signalé qu’en 2007, les forces aériennes de gendarmerie ont effectué plus de 306 interventions par appareil et que le maillage territorial de ces unités leur permet d’atteindre tout point du territoire en moins de 30 minutes de vol.

M. Michel Voisin s’est interrogé sur l’opportunité de publier le rapport d’information qu’il a jugé alarmiste et qui participerait à un certain défaitisme ambiant.

Le président Guy Teissier a observé qu’il relève de la responsabilité du Parlement de faire état de la situation réelle, même si elle apparaît difficile.

Mme Patricia Adam a souligné que le rapport constitue une base de travail très utile et qu’il alimente les réflexions en cours. Quoi qu’il en soit, il est urgent de renforcer les moyens de l’armée de terre, et en particulier ceux de l’ALAT.

M. Dominique Caillaud a suggéré que la commission entende de nouveau le chef d’état-major de l’armée de terre pour faire le point sur les difficultés de son armée.

M. Jean-Claude Viollet, rapporteur, a estimé qu’il appartient aux parlementaires, plutôt qu’aux militaires, de soulever certaines difficultés. Le fait que ces derniers s’expriment, montre que le point de rupture est atteint. Il a considéré que la publication du rapport sera politiquement utile et devrait permettre de faire émerger des solutions pour sortir de la crise.

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La commission a décidé, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

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Accompagnement à l’insertion sociale et professionnelle des jeunes en difficulté (rapport)

La commission de la défense nationale et des forces armées a examiné, sur le rapport de M. Patrick Beaudouin, le projet de loi (n° 12) ratifiant l’ordonnance n° 2005-883 du 2 août 2005 relative à la mise en place au sein des institutions de la défense d’un dispositif d’accompagnement à l’insertion sociale et professionnelle des jeunes en difficulté et l’ordonnance n° 2007-465 du 29 mars 2007 relative au personnel militaire modifiant et complétant la partie législative du code de la défense et le code civil et portant diverses dispositions relatives à la défense.

M. Patrick Beaudouin, rapporteur, a précisé que le projet de loi soumis à l’examen de la commission de la défense procède à la ratification de deux ordonnances et modifie diverses dispositions du code de la défense et du code civil.

Le premier article ratifie l’ordonnance du 2 août 2005 qui a créé le dispositif « défense deuxième chance » en s’inspirant du modèle du service militaire existant outre-mer. Ce programme vise à réinsérer socialement et professionnellement des jeunes âgés de 18 à 21 ans sans emploi, ni qualification ni diplôme. Pour cela a été institué l’établissement public d’insertion de la défense (EPIDe) rattaché aux ministères de la défense et de l’emploi et financé par les crédits du plan de cohésion sociale.

Après deux ans de fonctionnement, un certain nombre d’adaptations peuvent sembler nécessaires comme par exemple l’extension du dispositif aux volontaires âgés de plus de 21 ans mais de moins de 23 ans. De même, une réflexion doit être menée sur les conditions de cumul d’une pension militaire de retraite et d’une rémunération versée par l’EPIDe, les anciens militaires rencontrant certaines difficultés pour être embauchés durablement par cet établissement. La qualification fiscale reconnue à l’indemnité versée aux volontaires doit également être révisée pour éviter qu’elle n’entre dans le champ des revenus pris en compte pour l’attribution des prestations familiales. Ces deux points devraient faire l’objet d’amendements du Gouvernement en séance publique.

Il a rappelé avoir manifesté, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2008, des inquiétudes sur la viabilité du dispositif et ses moyens de fonctionnement. Ces préoccupations ont été entendues : l’établissement disposera en 2008 d’un budget de fonctionnement de 85,3 millions d’euros, ce qui représente une augmentation de 33,5 millions d’euros par rapport aux crédits prévus. En outre, un audit sur ses conditions de fonctionnement sera lancé pour procéder aux rééquilibrages nécessaires comme par exemple l’introduction du ministère du logement dans ses organismes de tutelle.

L’avenir du dispositif semble donc assuré même s’il convient de rester vigilant pour, à chaque budget, donner à ce programme innovant les moyens de ses ambitions.

L’article 2 du projet de loi ratifie l’ordonnance du 29 mars 2005 relative au personnel militaire qui modifie et complète la partie législative du code de la défense et le code civil. Il s’agit de procéder aux adaptations rendues nécessaires par les dernières évolutions législatives qui concernent principalement le statut des militaires et la réserve. La montée en puissance de la réserve opérationnelle justifie en effet la codification des dispositions qui la concernent.

Des améliorations apparaissent possibles, notamment pour permettre aux réservistes d’être employés par des organismes de l’État qui ne sont pas placés sous la tutelle du ministère de la défense comme par exemple le secrétariat général de la défense nationale (SGDN). De même, pour le moment, les réservistes ne peuvent être mis à la disposition d’organisations internationales, qu’il s’agisse par exemple des Nations-Unies ou de l’Union européenne.

L’article 3 du projet de loi procède à des modifications rédactionnelles du code de la défense pour corriger des erreurs dans la rédaction initiale ou pour adapter le code aux évolutions législatives. Il prend ainsi en compte les évolutions relatives au cumul d’activité, au dispositif d’allocation chômage, au pouvoir disciplinaire des autorités de tutelle ainsi qu’aux statuts des officiers supérieurs des services de santé.

L’article 4 modifie l’article 96-1 du code civil en étendant le bénéfice le mariage par procuration actuellement réservé aux militaires. En cas de « causes graves » et après l’autorisation « du garde des sceaux, ministre de la justice, et […] du ministre de la défense », les militaires sont autorisés à se marier par procuration dès lors que le consentement au mariage a été constaté par un officier d’état civil ou par une autorité consulaire. La rédaction actuelle du code exclut du champ les marins et les civils qui sont employés par les armées alors qu’ils sont soumis aux mêmes impératifs que les militaires. Le présent article étend donc le bénéfice de cette procédure aux personnes employées à la suite des armées ou embarquées à bord des bâtiments de l’État et aux marins de l’État.

L’article 5 corrige une erreur de renvoi dans le code du service national. Les volontaires ayant signé un contrat dans le cadre du dispositif « défense deuxième chance » voient ainsi leur allocation mensuelle maintenue en cas de congé de maladie, de maternité ou d'adoption, ou d'incapacité temporaire de travail liée à un accident ou en cas de maladie survenue par le fait ou à l’occasion de leur volontariat.

L’article 6 abroge des dispositions devenues obsolètes ou inutiles du fait de la codification ou de l’évolution législative.

L’article 7 étend enfin l’application des dispositions des autres articles à Mayotte, aux îles Wallis et Futuna, à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et aux Terres australes et antarctiques françaises.

En conclusion, sous réserve de ses amendements, le rapporteur a invité la commission à donner un avis favorable à l’adoption de ce projet de loi.

La commission a alors procédé à l’examen des articles du projet de loi.

Article premier : Ratification de l’ordonnance n° 2005-883 du 2 août 2005 instaurant au sein des institutions de la défense le dispositif « défense deuxième chance » pour les jeunes en difficulté.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 2 : Ratification de l’ordonnance n° 2007-465 du 29 mars 2007 relative au personnel militaire.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 3 : Modifications de la partie législative du code de la défense.

La commission a adopté trois amendements rédactionnels présentés par le rapporteur.

Elle a ensuite adopté l’article 3 ainsi modifié.

Après l’article 3 :

Le rapporteur a présenté un amendement autorisant les réservistes ayant souscrit un engagement dans la réserve à être employés par des organismes de l’État ou par des organisations internationales qui ne sont pas placés sous la tutelle du ministre de la défense mais qui concourent à la défense de la nation comme par exemple le SGDN.

Après que M. Jean Michel a émis des réserves sur la possibilité de mettre des réservistes opérationnels à la disposition de l’OTAN, la commission a adopté cet amendement.

Article 4 : Modification de l’article 96-1 du code civil relatif au mariage par procuration des militaires.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 5 : Modification de renvoi dans le code du service national.

La commission a adopté cet article sans modification.

Après l’article 5 :

La commission a ensuite examiné un amendement du rapporteur étendant le bénéfice du dispositif « défense deuxième chance » aux jeunes âgés de 22 ans révolus. Pour éviter que les volontaires ne soient tentés d’intégrer directement un système d’assistance dès leur sortie du dispositif « défense deuxième chance », il avait été initialement choisi de le réserver aux seuls volontaires de moins de 21 ans. Ces jeunes peuvent rester au plus 24 mois dans les centres et sortent à l’âge maximal de 23 ans, deux années les séparant alors de l’âge minimal pour pouvoir bénéficier du RMI.

Après deux ans de fonctionnement et au vu des demandes et des résultats engrangés, il semble souhaitable d’ouvrir cette formation à des jeunes âgés de 22 ans révolus. À leur sortie, ils auraient donc 24 ans au plus, une année les séparant encore de l’âge minimal pour bénéficier du RMI.

Le rapporteur a précisé que cette mesure n’aurait aucun impact sur les besoins de fonctionnement de l’établissement public d’insertion de la défense car elle intervient avec un nombre de places fixe. Seul le panel de recrutement serait élargi pour répondre aux demandes des jeunes et pour diversifier le profil des candidats.

La commission a adopté cet amendement.

Article 6 : Abrogation de dispositions obsolètes.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 7 : Applicabilité aux collectivités d’outre mer et en Nouvelle Calédonie.

La commission a adopté cet article sans modification.

La commission a alors adopté l’ensemble du projet de loi ainsi modifié.