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Commission de la défense nationale et des forces armées

Mardi 13 mai 2008

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 28

Présidence de M. Michel Voisin, vice-président

– Examen, pour avis, du projet de loi constitutionnelle (n° 820) de modernisation des institutions de la Ve République (M. Guy Teissier, rapporteur)

Modernisation des institutions de la Ve République (avis)

La commission de la défense nationale et des forces armées a examiné, pour avis, sur le rapport de M. Guy Teissier, le projet de loi projet de loi constitutionnelle (n° 820) de modernisation des institutions de la Ve République.

M. Guy Teissier, rapporteur, a estimé que le projet de loi soumis à l’examen pour avis de la commission vient heureusement renforcer les pouvoirs du Parlement, singulièrement limités dans le domaine de la défense, la Constitution organisant la prééminence du chef de l’État, chef des armées. Tout au long de la Ve République, cette prééminence ne s’est pas démentie, qu’il s’agisse de la décision de recourir aux forces armées ou de la définition des objectifs et des moyens de la politique de défense, laquelle relève très largement dans les faits des conseils de défense présidés par le chef de l’État. Les épisodes de cohabitation ont certes conduit à un certain partage des responsabilités entre le Premier ministre et le Président de la République, mais le texte même de la Constitution et l’existence d’un certain consensus sur les questions de défense n’ont pas conduit à modifier substantiellement l’équilibre des institutions.

La commission de la défense s’est saisie pour avis de quatre des articles du projet de loi, dont le plus important est l’article 13, relatif à l’information et au contrôle du Parlement sur les interventions militaires à l’étranger.

Il complète l’article 35 de la Constitution prévoyant l’autorisation par le Parlement de la déclaration de guerre, dont la Ve République n’a jamais eu à faire usage. À l’occasion de l’engagement des forces françaises dans la « guerre du Golfe » en 1991, le Gouvernement avait engagé sa responsabilité sur le fondement de l’article 49, premier alinéa, de la Constitution. Aucune disposition particulière ne prévoit de procédure d’information ou de contrôle du Parlement sur les opérations conduites à l’étranger, alors même que celles-ci constituent désormais une mission essentielle des forces armées. Cette situation constitue une anomalie au regard de la pratique des autres grandes démocraties. Par ailleurs, les enjeux budgétaires significatifs représentés par les opérations extérieures (OPEX) appellent une légitimation parlementaire. Nombreuses ont été les réflexions tendant à rééquilibrer les pouvoirs du Parlement et du Président de la République. Le rapporteur a rendu hommage au rapport d’information réalisé en 2000 par M. François Lamy et a évoqué les travaux plus récents du comité constitutionnel, présidé par M. Édouard Balladur, qui ont largement inspiré le présent projet de loi.

Le dispositif proposé est double : il vise à mieux informer le Parlement et lui donne les moyens de contrôler les OPEX.

Le texte prévoit ainsi que le Gouvernement informe dans les délais les plus brefs le Parlement des interventions des forces armées à l’étranger. Le rapporteur a souhaité mieux encadrer dans le temps cette obligation d’information en prévoyant qu’elle se fera, au plus tard, sous huit jours après le déclenchement de l’intervention concernée.

Après avoir souligné que les modalités de cette information dépendront de la nature et de l’ampleur des opérations, il a indiqué que, selon le texte, elle « peut donner lieu à un débat qui n’est suivi d’aucun vote », l’inscription de ce débat en séance publique relevant désormais de la conférence des Présidents. Le Parlement ne délivrera donc pas d’autorisation a priori de déclenchement de l’intervention extérieure, contrairement à ce qui est pratiqué en Allemagne et en Espagne.

Lorsque la durée de l’intervention excède six mois, le Gouvernement soumet sa prolongation à l’autorisation du Parlement. Ce délai peut paraître bien long et pourrait être utilement ramené à quatre mois, ce qui correspondrait d’ailleurs à la période de relève des troupes en OPEX. Au demeurant, si l’une de celle-ci venait à se prolonger très au-delà de ce délai, ce qui est actuellement bien souvent le cas, le Parlement, en application des nouvelles mesures de fixation de l’ordre du jour, aura toujours le loisir d’organiser un nouveau débat concernant son déroulement. Par ailleurs, le Gouvernement devrait, par un amendement, fixer au 1er janvier 2009 l’entrée en vigueur de l’article 13, ce qui le conduira à demander l’autorisation de prolonger toutes les OPEX en cours depuis plus de six mois à cette date. Enfin, il est prévu qu’en cas de désaccord du Sénat, l’Assemblée nationale statue de façon définitive.

Le rapporteur est ensuite revenu sur les autres articles dont la commission s’est saisie.

L’article 5 crée une procédure d’encadrement de l’utilisation de l’article 16 de la Constitution. Celui-ci n’a été mis en œuvre qu’une fois, au cours de la guerre d’Algérie. À l’époque, le principal reproche qui lui fut fait a précisément porté sur la longueur du délai pendant lequel il a été appliqué, du 23 avril au 29 septembre 1961. Rappelant que le comité présidé par M. Édouard Balladur a estimé justifié le maintien de dispositions d’exception, le rapporteur a indiqué que le projet de loi propose qu’au terme de trente jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels, le Conseil constitutionnel puisse être saisi par les présidents des assemblées, soixante députés ou soixante sénateurs. La saisine a pour fin d’apprécier si les conditions de recours à l’article 16 demeurent réunies et reste possible autant de fois que nécessaire, compte tenu de l’évolution de la situation. Le Conseil constitutionnel doit alors se prononcer dans les délais les plus brefs par un avis public, ce qui constitue une garantie supplémentaire pour les libertés publiques.

L’article 8 modifie l’article 21 de la Constitution afin de procéder à une répartition différente des rôles respectifs au sommet de l’Exécutif dans le domaine de la défense. Ainsi, le Premier ministre ne serait plus « responsable de la défense nationale », sa fonction se limitant désormais à la mise en œuvre des décisions prises par le Président de la République dans le cadre des conseils et comités supérieurs de la défense nationale. Le rapporteur s’est montré réservé sur cette disposition, considérant que le partage des tâches entre Président et Premier ministre a fait ses preuves. La nécessité d’une concentration accrue des pouvoirs du Président n’est pas établie, d’autant que la Constitution accorde une prééminence indiscutable au chef de l’État, chef des armées.

L’article 11 tient compte de la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel afin de pouvoir continuer à utiliser l’indispensable outil que constituent les lois de programmation militaire.

Conscient de l’importance d’une information accrue du Parlement sur les accords de défense, le rapporteur a tenu à rappeler qu’ils ne font pas partie des accords internationaux énumérés à l’article 53 de la Constitution, et n’ont pas à être ratifiés ou approuvés en vertu d’une loi. L’information du Parlement à leur sujet est restée d’autant plus parcellaire que nombre d’entre eux comprennent des clauses confidentielles. Au regard de l’importance de ce type d’engagement international, susceptible d’entraîner nos forces dans des interventions armées en raison de clauses d’aide et d’assistance, une évolution est particulièrement souhaitable, ne serait-ce que pour mettre fin à des soupçons injustifiés. Tant M. François Lamy que le comité présidé par M. Édouard Balladur se sont préoccupés de cette situation. Les avancées devraient être facilitées grâce au souhait formulé par le Président de la République de discuter avec tous les partenaires africains concernés de l’adaptation des accords de défense aux réalités actuelles. Le principe de transparence devrait également devenir la norme en la matière, ces accords ayant désormais vocation à être intégralement publiés. Le rapporteur a indiqué avoir saisi le Premier ministre de cette question par courrier et a proposé de faire état de cette question en séance publique.

Enfin, il a conclu son propos en indiquant que le projet de loi constitue un bon texte qui modernise sans la dénaturer notre Constitution et confère au Parlement des prérogatives jusque-là inédites, particulièrement dans le domaine de la défense nationale.

La commission a ensuite procédé à l’examen des articles du projet de loi.

Article 5 : renforcement du rôle du Parlement et du Conseil constitutionnel en cas d’application de l’article 16 de la Constitution

Le rapporteur a précisé que cet article prévoit que le Conseil constitutionnel pourra, après trente jours d’exercice des pouvoirs exceptionnels, être saisi par les présidents des assemblées, soixante députés ou soixante sénateurs, afin d’apprécier si les conditions de mise en œuvre de l’article 16 demeurent réunies. En outre, le Conseil pourra, de sa propre initiative, se prononcer sur le bien-fondé du maintien des pouvoirs d’exception au-delà d’une durée de soixante jours. En conséquence, il a donné un avis favorable à son adoption.

M. Jean Michel a rappelé que l’article 16 figure dans la Constitution en raison des événements survenus en France entre mai et juillet 1940 et qu’il a connu une seule application au moment de la guerre d’Algérie, à la suite du putsch des généraux en 1961. Tout le problème est que la mise en œuvre de l’article est conditionnée par l’interruption du fonctionnement régulier des institutions : il semble donc incohérent de prévoir une réunion du Conseil constitutionnel dans ce contexte. En cas d’occupation du territoire, par exemple, un tel dispositif aurait du mal à s’appliquer.

M. Yves Fromion s’est interrogé sur l’articulation des dispositions de l’article 16 avec les engagements européens de la France dans le cadre de la politique européenne de sécurité et de défense, le traité de Lisbonne comportant notamment une clause de solidarité liant les différents États membres. Pour que l’article 16 puisse être mis en application, est-il nécessaire que la menace porte directement sur le territoire national ou bien suffirait-il qu’un des États membres de l’Union soit en danger ?

M. François Lamy a évoqué, dans le même esprit, les engagements figurant à l’article 5 du Traité de l’Atlantique Nord.

Le rapporteur a rappelé que la rédaction actuelle de l’article 16 soumet sa mise en œuvre à des conditions cumulatives. En effet, il faut, tout à la fois, que « les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux » soient menacées d’une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels soit interrompu, ce qui encadre nettement le dispositif.

M. Damien Meslot a estimé que la mise en œuvre de l’article 16 constitue avant tout une prérogative du Président de la République : c’est à lui de juger si les conditions sont réunies, en fonction des évènements.

M. Gilbert Le Bris a considéré que les dispositions de l’article 16 avaient été largement inspirées par la volonté de remédier à la paralysie institutionnelle constatée sous la IVe République, en permettant l’utilisation de moyens particuliers adaptés aux circonstances. Sa mise en œuvre relève effectivement avant tout de l’appréciation du Président de la République. L’alternative est donc de supprimer l’article 16 ou de l’accepter comme un pouvoir particulier confié au Président de la République.

M. Bernard Cazeneuve a souligné que l’importance de l’appréciation du Président de la République ne devait pas empêcher le Parlement de jouer tout son rôle dans le contrôle de ce qui demeure un pouvoir exorbitant du droit commun constitutionnel. Il est du devoir de la représentation nationale de s’intéresser de près aux conditions de mise en œuvre de l’article 16 et, en cela, le dispositif proposé par le projet de loi est satisfaisant.

M. Philippe Dhuicq a ajouté que la remise en cause éventuelle de l’article 16 pouvait être dangereuse en diminuant l’effectivité de la dissuasion nucléaire.

Le rapporteur a rappelé que le débat ne portait pas sur la suppression de l’article 16 mais bien sur l’encadrement de son usage, ce qui constitue indéniablement une avancée.

M. Jean-Jacques Candelier a estimé, au nom du groupe de la gauche démocrate et républicaine (GDR), que les dispositions prévues par le projet de loi pour encadrer l’article 16 étaient insuffisantes. Celui-ci devrait être supprimé car il est dangereux de confier tous les pouvoirs à un seul homme.

M. François Lamy a expliqué que, dans l’attente d’avancées sur d’autres points à l’occasion des débats des différentes commissions saisies du projet de loi, le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche (SRC) s’abstiendra à ce stade sur les différents articles examinés par la commission, même s’il souhaite pouvoir être en mesure d’émettre finalement un vote favorable.

La commission a émis un avis favorable à l’adoption de cet article sans modification.

Article 8 : modification des attributions du Premier ministre en matière de défense nationale

Le rapporteur a rappelé que cet article modifie l’article 21 de la Constitution s’agissant de la répartition des pouvoirs entre le Président de la République et le Premier ministre dans le domaine de la défense nationale. Le Premier ministre ne serait plus « responsable de la défense nationale » mais chargé de « mettre en œuvre les décisions prises au titre de l’article 15 », c’est-à-dire essentiellement celles prises au sein des conseils de défense. Il a rappelé ses réserves sur la modification de l’équilibre actuel et a donné un avis défavorable à l’adoption de l’article, indiquant que le rapporteur de la commission des lois, saisie au fond, proposerait sa suppression.

M. Bernard Cazeneuve a considéré que la position du rapporteur était encore plus prudente que l’abstention globale du groupe SRC, tout en soulignant que ce dernier souhaitait également que la répartition actuelle des pouvoirs entre le Président de la République et le Premier ministre en matière de défense ne soit pas modifiée. La garantie d’une suppression de l’article 8 pourrait contribuer à l’évolution du groupe socialiste vers un vote positif.

Le rapporteur a précisé qu’il était défavorable à l’adoption de l’article, ce qui constitue une position plus tranchée que la simple abstention.

M. Jean Michel a souligné les contradictions du dispositif proposé, qui confirme le Président de la République comme chef des armées et unique décideur et retire au Premier ministre la responsabilité de la défense nationale, alors même que lui seul peut être mis en cause par le Parlement. Encore une fois, l’exercice d’un véritable contrôle en cas de dysfonctionnement des institutions apparaît bien difficile. La préservation du système actuel est donc d’autant plus souhaitable qu’elle offre une souplesse d’application selon les circonstances politiques.

M. Jean-Jacques Candelier a fait valoir que le projet de loi retire toute prérogative au Gouvernement en matière de défense nationale, le Premier ministre ne faisant qu’appliquer les décisions prises par le Président de la République. La responsabilité de l’ensemble de la politique du pays doit incomber au Gouvernement, responsable devant le Parlement, et il n’est pas souhaitable de donner trop de pouvoirs à un seul homme. Qui peut dire quelle serait la situation actuelle de la France vis-à-vis du bourbier irakien si l’actuel Président de la République avait été aux affaires plus tôt ?

Rappelant l’opposition du général de Gaulle et des constituants à l’instauration d’un domaine réservé pour le Président de la République en matière de défense et de politique étrangère, M. Bernard Cazeneuve a approuvé l’analyse du rapporteur privilégiant l’équilibre actuel des pouvoirs. La nouvelle rédaction du texte induirait en effet une présidentialisation de la défense nationale et un recul du rôle du Parlement, celui-ci ne pouvant plus mettre en cause la responsabilité du Gouvernement dans ce domaine, et ce alors même que le Président pourrait désormais s’exprimer devant les assemblées. Il a donc appelé le rapporteur à aller au bout de la logique en déposant un amendement de suppression de cet article.

Le rapporteur a précisé qu’un avis défavorable a le même effet qu’un amendement de suppression.

M. Bernard Cazeneuve l’a reconnu mais a souligné la différence de portée politique de ces deux approches.

La commission a émis un avis défavorable à l’adoption de cet article.

Article 11 : élargissement du champ des lois de programmation

Le rapporteur a rappelé que cet article modifie l’article 34 de la Constitution afin de prendre en compte la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Il étend le champ des lois de programmation au-delà des seuls domaines économique et social, permettant ainsi le vote de lois de programme notamment dans le domaine militaire.

La commission a émis un avis favorable à l’adoption de cet article sans modification.

Article 13 : information et contrôle du Parlement dans le domaine des opérations militaires conduites à l’étranger

Le rapporteur a estimé qu’il s’agit de l’élément le plus important de la réforme constitutionnelle en matière de défense. L’article 13 du projet de loi crée en effet une procédure de contrôle parlementaire des OPEX en complétant l’article 35 de la Constitution. Le Gouvernement doit tout d’abord informer le Parlement des interventions des forces armées à l’étranger « dans les délais les plus brefs », l’information transmise au Parlement pouvant donner lieu à un débat qui n’est suivi d’aucun vote. Ensuite, la prolongation des opérations au-delà de six mois doit faire l’objet d’une autorisation.

M. Jean-Jacques Candelier a rappelé qu’aux termes de l’article 35 de la Constitution, le Parlement autorise la déclaration de guerre. Il est nécessaire qu’il autorise désormais les opérations extérieures. La politique du fait accompli en ce qui concerne le renforcement de la présence militaire en Afghanistan constitue à cet égard un déni de démocratie. Le projet de loi va dans le bon sens, même s’il ne propose que des avancées insuffisantes. Un délai significativement plus court, de l’ordre de quelques jours, devrait être prévu pour l’autorisation des opérations.

M. François Lamy s’est félicité de l’évolution des esprits dans le domaine du contrôle des opérations extérieures depuis la XIe législature. Il a souligné qu’il importe de donner aux engagements militaires français la plus grande légitimité, sans pour autant peser sur les impératifs opérationnels. Le Parlement doit pouvoir contrôler les OPEX, leur déclenchement restant de la seule compétence du Président de la République. Bien que le projet de loi mette en place un dispositif satisfaisant sur le principe, il n’en reste pas moins qu’il faut, d’une part, améliorer les modalités d’information du Parlement et, d’autre part, réduire le délai dans lequel un vote intervient.

M. Philippe Folliot a considéré que le cadre institutionnel actuel a montré ses limites et que le projet de loi propose des avancées très positives. Il a souhaité une position unanime de la commission de la défense, estimant qu’un consensus permettrait de renforcer la portée symbolique et pratique de ces dispositions, tout en améliorant la perception des travaux du Parlement par la communauté militaire.

M. Damien Meslot a estimé que la situation actuelle est incompatible avec le bon fonctionnement d’institutions démocratiques modernes. Le projet de loi est donc un progrès certain, même si sa formulation peut paraître parfois incertaine, la notion de « délais les plus brefs » pouvant ainsi laisser place à l’interprétation. Il convient d’en améliorer la rédaction sans pour autant faire peser des contraintes excessives sur les forces déployées.

Après avoir également marqué son approbation face aux avancées du texte, M. Christophe Guilloteau a jugé nécessaire l’apport de précisions sur les délais d’information, huit jours apparaissant comme une solution raisonnable.

M. Michel Voisin, président, s’est interrogé sur les modalités de l’information du Parlement en cas d’opération urgente, comme l’évacuation de ressortissants.

La commission a ensuite examiné trois amendements :

– le premier, présenté par les membres du groupe SRC, prévoyant, tout d’abord, que le Gouvernement informe le Parlement de toute intervention dans les trois jours, en précisant les objectifs poursuivis et les effectifs engagés ; ensuite, que le Parlement se prononce par un vote dans les deux semaines ; et, enfin, que la prolongation des opérations est également autorisée au-delà de six mois ;

– le deuxième, présenté par le rapporteur, visant à encadrer le délai d’information ;

– le troisième, présenté par le rapporteur, visant à ramener de six à quatre mois le délai au terme duquel le Gouvernement doit soumettre la prolongation de l’opération à l’autorisation du Parlement.

Le rapporteur a tout d’abord présenté son amendement précisant que l’information du Parlement sur une intervention extérieure doit intervenir au plus tard dans un délai de huit jours, faisant observer que ce délai avait d’ailleurs été retenu en 1993 par le Comité consultatif pour la révision de la Constitution, dit Comité Vedel.

M. Bernard Cazeneuve a reconnu que la rédaction du projet de loi est certes la plus souple et répond le mieux aux contraintes opérationnelles, mais a estimé qu’elle donne au Gouvernement une marge de manœuvre excessive, incompatible avec le renforcement du rôle du Parlement. Il a donc exposé l’amendement des membres du groupe SRC ramenant le délai à trois jours, de façon à éviter que l’information ne soit fournie après la fin de l’opération s’il s’agit d’une intervention de courte durée, comme dans le cas de l’évacuation de ressortissants par des forces prépositionnées. En tout état de cause, il convient de garantir par un délai précis la rapidité de l’information. Celle-ci doit par ailleurs faire état des objectifs poursuivis et des effectifs engagés. L’amendement propose également d’organiser un vote dans les quinze jours suivant l’information du Parlement, ce qui n’est pas exagéré au regard des pouvoirs dont disposent les parlements dans les autres grandes démocraties.

M. Michel Voisin, président, a fait part de ses réserves sur ce dispositif, considérant que les situations d’urgence ne permettent pas toujours d’organiser un débat en séance publique dans un délai aussi bref.

Le rapporteur a rappelé que certaines opérations particulièrement délicates nécessitent la plus grande discrétion. L’organisation d’un débat public peut être préjudiciable, le caractère confidentiel étant une des clés de la réussite de l’intervention.

Approuvant l’analyse du rapporteur, M. Yves Fromion a indiqué que certaines opérations, comme la libération d’otages, ne peuvent être immédiatement rendues publiques.

Il s’est interrogé sur les modalités d’information du Parlement : s’il s’agit de le réunir alors qu’il n’est pas en session, le délai de trois jours est manifestement trop court. Par souci de bien faire, on risque sans doute de mettre en place un dispositif inapplicable. Le texte proposé, prévoyant une information dans les délais les plus brefs, paraît donc suffisant, le Parlement et le Gouvernement étant capables de dialoguer.

M. Jean-Jacques Candelier s’est déclaré favorable au délai de huit jours pour l’information du Parlement, l’estimant raisonnable. En revanche, le délai de six mois au-delà duquel la prolongation doit être autorisée par le Parlement est excessif.

M. François Lamy a rappelé que seules les nouvelles opérations extérieures devront faire l’objet d’une information du Parlement. La prolongation ou le renforcement d’interventions déjà engagées ne nécessitent pas de nouvelle information. Ainsi, les activités ayant lieu au Tchad dans le cadre de l’opération Épervier, engagée depuis 1986, ne rentrent pas dans le champ de l’article 13, pas plus que l’envoi de 700 hommes supplémentaires en Afghanistan. En revanche, seraient concernées des opérations changeant de nature, comme la participation de la France à la FINUL renforcée, ou entièrement nouvelles, comme au Rwanda en 1994. Il importera donc de définir avec précision la notion d’opération extérieure pour déterminer celles qui doivent faire l’objet d’une information du Parlement.

S’agissant des délais d’information, il n’est certainement pas impossible de réunir le Parlement dans les trois jours s’il doit se prononcer sur une question importante. Le vrai problème réside dans la nature des informations transmises. De ce point de vue, l’amendement présenté par les membres du groupe SRC impose au Gouvernement d’indiquer au Parlement quels sont les objectifs poursuivis et les effectifs engagés. De la sorte, même des opérations brèves, pour évacuer des ressortissants par exemple, devront faire l’objet d’une information précise et complète du Parlement, permettant ainsi d’apprécier par la suite si celles-ci ont changé de nature, comme cela a pu être le cas au Rwanda.

M. Michel Voisin, président, a rappelé que lors de l’engagement de troupes au Rwanda en 1994, le Gouvernement avait indiqué appliquer les accords de coopération en vigueur et s’était refusé à donner plus ample explication.

M. Jean-Louis Bernard a souligné que, par-delà les discussions sur les délais précis d’information du Parlement, il convient de ne pas paralyser l’action du Gouvernement en cas de crise, l’exemple allemand étant instructif à cet égard. Compte tenu des contraintes liées à la réunion du Parlement, le délai de huit jours est le plus raisonnable.

M. Philippe Folliot a fait part de sa crainte que les parlementaires continuent à être informés en premier lieu par les médias. Il est essentiel qu’un débat puisse être organisé et que chaque groupe parlementaire puisse s’exprimer, quel que soit le délai envisagé. La nature de l’information fournie sera certainement liée aux modalités retenues : assez générale dans le cadre d’une séance publique, mais plus précise dans le cadre d’une réunion de la commission de la défense, par exemple.

M. François Lamy a rappelé que l’exigence d’une autorisation préalable du Parlement aurait également pu être envisagée, la consultation de celui-ci ne pouvant en aucun cas être considérée comme une perte de temps. Tel n’a cependant pas été le choix du groupe SRC, qui a volontairement inscrit ses propositions dans le cadre proposé par le projet de loi, mais avec la ferme volonté de voir renforcé le contrôle effectivement exercé. Le dispositif du Gouvernement n’est pas suffisamment précis sur les délais d’information, tout en exposant nos troupes à une incertitude juridique en retenant un délai de six mois pour l’intervention d’un vote.

M. Bernard Cazeneuve a observé que l’équilibre des institutions repose sur une double souveraineté : celle du Président de la République et celle de la représentation nationale, chacune étant équivalente et procédant du suffrage universel. Sur des questions aussi importantes et quel que soit le volume d’engagement des troupes, il serait anormal de rompre l’égalité entre ces deux pôles. Le Gouvernement doit pouvoir décider, tout comme le Parlement doit pouvoir autoriser.

S’agissant des inquiétudes sur une éventuelle divergence entre le Président et le Parlement, il convient d’en limiter la portée : le principe majoritaire continuera à s’appliquer et l’opposition sait faire preuve de responsabilité.

M. François Lamy a précisé que si l’amendement du groupe SRC prévoit un délai de trois jours pour l’information du Parlement, la formulation reste suffisamment générale, comme dans le texte initial, pour pouvoir adapter les modalités de cette information au cas par cas. Ensuite, l’amendement propose un vote dans les quinze jours, afin de conférer rapidement toute leur légitimité aux opérations. Enfin, au bout de six mois, le Gouvernement devra demander la prolongation des opérations au Parlement. Le Parlement ne serait ainsi amené à se prononcer par un vote qu’à deux reprises pour une opération donnée. L’expérience montre que, quel que soit le Gouvernement en place, on ne peut plus se satisfaire de débats sans vote.

Le rapporteur a tenu à rappeler que, si des propositions de revalorisation du rôle du Parlement ont été formulées depuis longtemps, c’est au Gouvernement actuel que revient le mérite d’une réforme de grande ampleur. On peut certes toujours réclamer davantage de contrôle. Au demeurant, si l’on suit jusqu’au bout l’argumentation sur les légitimités équivalentes du Président et du Parlement, on risque de s’engager vers un système plus présidentiel que parlementaire. Pour des raisons opérationnelles, il n’est pas souhaitable d’organiser trop tôt un vote d’autorisation des interventions. Dans bien des cas, les opérations sont terminées en trois mois, comme en témoigne l’opération Artémis, menée conjointement avec l’Allemagne en République démocratique du Congo.

La question posée porte avant tout sur les délais d’autorisation de prolongation. Il est légitime que le Parlement se prononce lorsque les opérations s’installent dans la durée, soit généralement lorsque la première relève est mise en place au bout de quatre mois.

Il a souligné que, si le projet de loi prévoit que l’autorisation de prolongation vaut pour toute la durée ultérieure de l’opération, les nouvelles modalités de partage de l’ordre du jour permettront d’organiser ultérieurement des débats sur le déroulement d’opérations dont la prolongation a été autorisée, si les circonstances l’exigent.

M. François Lamy a rappelé que si ses propositions n’avaient pu trouver une traduction législative, c’était parce que le gouvernement de Lionel Jospin avait renoncé à une réforme faute de consensus politique. L’opposition d’alors avait en effet considéré qu’il n’appartenait pas au Parlement de contrôler les OPEX.

Il s’est par ailleurs interrogé sur la pertinence d’un décalage temporel entre la décision du Président de la République d’engager des forces et le vote du Parlement pour autoriser une éventuelle prolongation de l’opération au-delà d’un délai de quatre ou six mois. Même si le délai de quatre mois proposé par le rapporteur correspond à une réalité opérationnelle, celle de la relève, il n’apparaît satisfaisant ni sur le plan juridique, ni sur le plan politique. Il importe de donner le plus rapidement possible aux diverses opérations la légitimité que confère un vote du Parlement. Le projet de loi entretient la communauté militaire dans une relative incertitude : si le Parlement vote contre la prolongation de l’opération, il en délégitimise rétroactivement les premiers mois.

Reprenant l’analyse du rapporteur sur la capacité du Parlement de débattre sur les opérations extérieures, M. Bernard Cazeneuve a observé que l’existence dans la Constitution d’une procédure spécifique pour les OPEX pourrait faire obstacle à ce que le Parlement use de ses prérogatives ordinaires en la matière. Il a donc demandé au rapporteur de préciser quel serait le fondement juridique d’un tel débat.

Le rapporteur a répondu que l’article 22 du projet de loi prévoit que le Parlement est maître de la moitié de son ordre de jour. Il pourra donc organiser un débat sur tel ou tel engagement militaire extérieur, même si sa prolongation a déjà été autorisée.

M. Jean Michel a relevé que, quelles que soient les nouvelles attributions du Parlement, elles ne permettront pas d’organiser des votes réguliers sur la prolongation à long terme des OPEX. Alors que certaines opérations peuvent durer plusieurs dizaines d’années, elles ne feront de fait l’objet que d’une seule autorisation initiale de prolongation.

Il a par ailleurs fait valoir que l’obligation d’information prévue dans le présent article n’oblige le Gouvernement ni à réunir le Parlement, ni à organiser un débat public. L’amendement du rapporteur précisant le délai d’information est donc insuffisamment contraignant.

Le rapporteur a mis en garde contre les dérives vers une forme de vote préalable au déclenchement des interventions militaires. L’exemple allemand doit être médité : les contraintes constitutionnelles sur l’emploi des forces ne sont pas étrangères au retard de la participation de l’Allemagne à l’EUFOR au Tchad. La mise en place d’un système de contrôle parlementaire trop contraignant conduirait nécessairement à affaiblir nos capacités opérationnelles et ne prendrait pas en considération les spécificités des responsabilités militaires et internationales de la France.

M. François Lamy a fait observer que l’amendement des membres du groupe SRC ne fait état d’aucun vote préalable et ne prévoit qu’un vote a posteriori, le déclenchement des opérations restant de la seule responsabilité du Président de la République. Il a par ailleurs estimé raisonnable qu’un débat soit organisé quinze jours après l’information du Parlement.

Le rapporteur s’est déclaré opposé à ce délai de quinze jours, ne serait-ce que parce que les troupes mettent parfois du temps à être déployées. La décision de participer à la FINUL renforcée a ainsi été prise en août 2006 et les forces n’ont été effectivement déployées que deux mois plus tard.

La commission a rejeté l’amendement présenté par les membres du groupe SRC. Puis elle a adopté les deux amendements présentés par le rapporteur.

Elle a ensuite émis un avis favorable à l’adoption de l’article 13 ainsi modifié.

——fpfp——