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Commission de la défense nationale et des forces armées

Mardi 10 juin 2008

Séance de 17 heures 30

Compte rendu n° 32

Présidence de M. Miche Voisin, vice-président, puis de M. Guy Teissier, président

– Audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, sur l’avenir de la gendarmerie

– Informations relatives à la commission

Audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, sur l’avenir de la gendarmerie

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, sur l’avenir de la gendarmerie.

M. Michel Voisin, président, a évoqué le projet de loi en cours portant sur la gendarmerie qui à la fois pérennise le modèle français de dualisme des forces de sécurité en maintenant le statut militaire de la gendarmerie et procède à de profonds changements. Il a souhaité en connaître les principales dispositions ainsi que leurs incidences budgétaires. Il a interrogé la ministre sur le régime particulier de soldes et d’indemnités instauré au profit des gendarmes, estimant qu’il suscitera certainement des attentes chez les autres militaires. Enfin, il a relevé les mouvements récents tendant à une plus grande expression des gendarmes qui susciteront également des interrogations sur l’organisation désormais particulière de l’arme.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, a rappelé, en préambule, que la gendarmerie représente 105 000 personnes déployées sur tout le territoire national, en métropole comme en outre-mer, garantissant un maillage territorial gage d’une présence rassurante pour la population. C’est une force militaire capable d’intervenir, en temps de paix, de crise et de guerre.

Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur s’inscrit dans un processus lancé en 2002, année au cours de laquelle le ministre de l’Intérieur est devenu responsable de l’emploi de la gendarmerie pour ses missions non militaires.

Le redéploiement des forces de police et de gendarmerie sur le territoire, en particulier en milieu périurbain, a permis de donner plus de cohérence à leur action tout en rationalisant les coûts. La création des communautés de brigades menée par le ministre de la défense a marqué une nouvelle étape dans la rationalisation de l’organisation de la gendarmerie et dans le renforcement de sa présence sur le terrain.

Les résultats obtenus dans la lutte contre la délinquance ont démontré le bien-fondé de cette démarche. La délinquance avait augmenté de 15 % entre 1997 et 2002. Elle a reculé de 14 % entre 2002 et 2007.

Depuis mai 2007, les ministères de l’intérieur et de la défense définissent conjointement les moyens budgétaires de la gendarmerie et en assurent le suivi. Ils procèdent aux nominations ou les proposent de manière concertée. La décision de rattachement organique et budgétaire de la gendarmerie au ministère de l’intérieur s’inscrit dans ce cadre. Le projet de loi portant sur la gendarmerie qui sera présenté à l’automne au Parlement concrétisera ce rapprochement.

Cette décision a suscité des interrogations chez les gendarmes et les élus, attachés, comme tous les Français, à la gendarmerie nationale.

La ministre a souligné que le transfert de tutelle organique et budgétaire de la gendarmerie ne remet pas en cause son identité militaire. La police et la gendarmerie seront placées sous l’autorité du même ministre mais il ne s’agit en aucun cas d’une fusion. La gendarmerie garde son autonomie au ministère de l’intérieur. Un programme budgétaire « gendarmerie nationale » au sein de la mission sécurité, devenue ministérielle, sera maintenu.

Le rapprochement facilitera les mutualisations entre les forces de gendarmerie et de police. Cet objectif sera décliné dans le projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure. Les formations de plongeurs, des équipes cynophiles et de perfectionnement du maintien de l’ordre seront concernées. La police ne dispose pas de centre d’entraînement en zone urbaine ; elle pourra utiliser le centre national des forces de gendarmerie de Saint-Astier. La mutualisation de certaines fonctions de soutien comme la réparation automobile permettra de ne pas multiplier le nombre de garages. La mise à disposition de la police des hélicoptères de la gendarmerie évitera de créer une deuxième flotte très coûteuse à l’achat comme en entretien. Le rapprochement améliorera l’efficacité de l’action au service de la protection des Français, tout en diminuant les coûts.

Les modalités du transfert sont déjà bien avancées. Le ministère de la défense continuera d’assurer certaines prestations de soutien au profit de la gendarmerie en particulier en matière de formation, de paiement de la solde, de soutien sanitaire, d’immobilier ou d’action sociale. Ces prestations donneront lieu à des conventions entre les deux ministères concernés.

Mme Michèle Alliot-Marie a dit son souhait qu’à l’occasion de ce transfert, la parité globale soit vérifiée entre policiers et gendarmes sans que soit remise en cause celle entre les gendarmes et les militaires des armées. Un groupe de travail « Intérieur/Défense » a d’ailleurs été chargé de déterminer les conditions de cette parité globale entre policiers et gendarmes en tenant compte des spécificités de chacune des forces. Elle doit prendre en compte la rémunération et le déroulement des carrières, les conditions d’activité et les mesures d’accompagnement propres à l’exercice de ses missions par chacune des deux forces, dans le respect de leur statut.

Les engagements en cours, comme le protocole corps et carrière pour la police ou le plan d’adaptation des grades aux responsabilités exercées pour la gendarmerie, doivent être honorés.

La ministre a tenu à souligner combien l’appréciation de cette parité globale était complexe. En tout état de cause, les travaux font l’objet d’une intense concertation. Le rapport des deux directeurs généraux de la police et de la gendarmerie présentant les résultats de leurs travaux et leurs propositions a été soumis pour examen à des personnalités extérieures. Leurs conclusions seront présentées à l’avis du conseil de la fonction militaire-gendarmerie, avec l’accord de M. Hervé Morin, ainsi qu’aux organisations syndicales de la police. La possibilité pour un gendarme de devenir policier, et réciproquement, constituera une des meilleures illustrations de la parité entre les deux forces.

Le rapprochement de la police et de la gendarmerie apportera un nouvel élan à l’action dans le domaine de la sécurité mais il ne se fera pas au détriment de l’identité de la gendarmerie nationale.

La future loi sur la gendarmerie garantira la pérennité de son caractère militaire et la préservation de ses compétences. Son ancrage au sein des forces armées, avec les valeurs propres à cette institution, sera affirmé. Le ministre de la défense conservera ses prérogatives liées au statut en matière de missions militaires et de discipline. Le ministre de l’intérieur sera, quant à lui, responsable de l’emploi, de l’organisation, des objectifs fixés et des moyens attribués à la gendarmerie nationale.

Mme Michèle Alliot-Marie a affirmé que le maintien d’une force de sécurité à statut militaire est une nécessité pour la France, en rappelant que le statut militaire implique un engagement volontaire et personnel. Il comporte des sujétions et des obligations, comme celle d’occupation du logement, qui seront inscrites dans la loi et ont pour but de garantir la disponibilité des gendarmes au service de la sécurité des Français ainsi que le maillage du territoire.

Le maintien de l’ancrage militaire de la gendarmerie auquel ses personnels sont attachés se traduira par un ensemble de dispositions très concrètes. Le recrutement et la formation initiale permettront de poursuivre la diffusion du modèle militaire et de ses valeurs dans la gendarmerie. À ce titre, le maintien du recrutement d’officiers à la sortie des grandes écoles militaires est essentiel. Les gendarmes resteront au sein du Conseil supérieur de la fonction militaire (CSFM), leur statut militaire imposant en effet qu’ils continuent à participer aux instances de concertation spécifiques aux forces militaires.

Le président Guy Teissier a confirmé la nécessité de moderniser et d’adapter l’organisation de la gendarmerie qui, pour l’essentiel, remonte à 1903. Différentes mesures techniques, comme la fin du principe de réquisition, s’imposaient. Mais des préoccupations demeurent sur la pérennité du statut militaire des gendarmes et certaines dispositions du projet de loi renforcent ces interrogations. Il en est ainsi de l’article 6, qui prévoit une grille de rémunération distincte de celle des autres militaires, et de l’article 7, qui transfère au ministère de l’intérieur la gestion des ressources humaines, à l’exception des sanctions disciplinaires. Depuis les mouvements de contestation de 2001, chacun sait qu’il existe chez certains gendarmes une volonté d’émancipation de la tutelle militaire, comme en témoigne la création récente d’une association quasi professionnelle, ce qui est interdit par leur statut. Ce mouvement a entraîné, en réaction, une exaspération des autres militaires, qui a pu aller jusqu’à un rejet des gendarmes. Il faut donc prendre garde à cette tendance centrifuge en confortant le statut militaire de la gendarmerie.

Il s’est ensuite interrogé sur les modalités de la participation future des gendarmes au CSFM.

Attachée à la dualité des forces de sécurité, la ministre a précisé qu’elle était totalement opposée au fait que les gendarmes perdent leur statut militaire. Les tensions existantes s’expliquent notamment par la crainte que les gendarmes obtiennent des avantages supérieurs à ceux des autres armées. C’est pourquoi il est absolument nécessaire d’assurer une double parité, tant entre la gendarmerie et la police qu’entre la gendarmerie et les autres forces armées. Mais il ne pourra s’agir, dans les deux cas, que d’une parité globale car les contraintes de chacun sont différentes.

Elle a ensuite insisté sur le fait que le maintien de la gendarmerie dans le statut militaire est un combat à long terme, qui concerne également les parlementaires, car un texte de loi ne peut en aucun cas figer l’avenir. Elle a rappelé avoir veillé, pour sa part, à ce que certaines compétences continuent à relever du ministère de la défense justement pour préserver le statut militaire. Les sanctions en font partie. Ainsi, les huit gendarmes qui avaient fondé une association à caractère syndical ont été sommés de démissionner de cette association, ce qu'ils ont tous fait. La loi de 2005 portant statut général des militaires a permis de faire de véritables progrès en matière de droit d’expression, mais il existe certaines limites qui doivent être respectées.

Par ailleurs, il est normal que les gendarmes, dépourvus de représentation syndicale, continuent de participer au CSFM, comme le prévoit leur statut. Toutes les suggestions de la commission destinées à garantir le statut militaire des gendarmes sont les bienvenues et pourront être reprises sous forme d’amendements.

La ministre a ensuite rappelé, comme en témoigne le Livre blanc, l’instabilité croissante du contexte géostratégique et l’interpénétration des risques intérieurs et extérieurs. Ainsi, les phénomènes de terrorisme, de trafics de drogue et d’armes, de criminalité organisée – portant par exemple sur les vols de métaux –, et de cybercriminalité que doivent affronter les policiers et les gendarmes sur le territoire national sont désormais fortement liés aux menaces extérieures. C’est pour cette raison que le Livre blanc prévoit une continuité d’action entre toutes les forces qui concourent à la sécurité du territoire, qu’elles soient civiles ou militaires. Néanmoins, les différents savoir-faire doivent absolument être préservés afin de garantir une capacité d’action optimale.

Le président Guy Teissier a approuvé cette volonté d’instaurer un lien entre les forces de l’intérieur et celles de l’extérieur et s’est félicité que le Livre blanc consacre cette continuité de la défense et de la sécurité nationale, comme l’avaient préconisé, il y a quelques années, les Universités d’été de la défense organisées par la commission.

Il a estimé que les inquiétudes ne portent pas sur les objectifs d’utilisation stratégique de la gendarmerie mais bien sur les différences des conditions d’exercice du métier militaire. C’est notamment le cas en matière de promotion et de carrières : le PAGRE, modèle d’ascenseur social, a incontestablement constitué un progrès mais son principe est un facteur de déséquilibre par rapport à la situation des militaires des autres armes.

M. Michel Voisin a souligné que les différences entre gendarmes et policiers ne manqueraient pas de générer des tensions et des revendications, notamment en matière d’horaires, d’astreintes, de situation des conjoints et de droit d’expression. Il s’est ensuite interrogé sur les effets du rapprochement pour les missions spécifiquement militaires de la gendarmerie, dans le domaine nucléaire notamment.

Mme Michèle Alliot-Marie a réaffirmé que les différences d’avantages et de contraintes statutaires seraient appréciées de façon globale. Ainsi, on peut considérer que le logement constitue pour les gendarmes une contrepartie des astreintes. Afin d’éviter toute frustration, chaque militaire ou fonctionnaire aura la possibilité de passer d’une force à l’autre.

Pour répondre aux difficultés d’emploi des conjoints de gendarmes, notamment en zones rurales ou difficiles, il a été demandé aux directions générales de la police et de la gendarmerie de recenser les postes administratifs qui sont aujourd’hui occupés par des personnels en tenue et qui pourraient être confiés à des conjoints de gendarmes. Cela permettrait, en outre, de remettre les personnels en uniforme sur le terrain. L’étude est actuellement en cours sur l’ensemble du territoire et une première expérience a été lancée en Seine Saint Denis, dans le cadre du plan de fidélisation et de cohésion mis en place dans ce département.

Elle a ensuite souligné qu’en matière d’expression, les militaires, depuis la révision de leur statut en 2005, disposent des mêmes droits que l’ensemble des agents de la fonction publique et sont comme eux soumis à l’obligation de réserve. La seule spécificité consiste dans l’absence de syndicat et il n’est pas envisagé de revenir là-dessus.

Enfin, le rapprochement de la police et de la gendarmerie sera sans conséquence sur les missions strictement militaires, telles que la sécurité des armements nucléaires, qui demeureront sous l'autorité du ministre de la défense.

M. Jean-Claude Viollet a rappelé que l’organisation de la gendarmerie a récemment fait l’objet de profondes réformes et que son maillage territorial constitue en quelque sorte son système d’arme. Il est nécessaire de maintenir ce dernier au niveau pertinent, avec les effectifs qui y sont associés, pour garantir l’accomplissement des missions. Continuer à confier à un militaire la direction générale de la gendarmerie est un gage du maintien du caractère militaire de son statut. S’il est exact qu’une forme d’équilibre existe entre policiers et gendarmes, les premiers voyant leur temps de travail encadré tandis que les astreintes des seconds sont compensées par la concession de logement par nécessité absolue de service, il conviendra cependant de gérer avec prudence la coexistence de deux dialogues sociaux reposant sur des bases très différentes. Et la question d’une évolution des modalités de ce dialogue au sein de la gendarmerie se posera inévitablement. La commission de la défense a toujours été très attachée au suivi du budget de la gendarmerie ainsi qu’au débat sur les évolutions de cette dernière, parfois qualifiée de « quatrième armée », voire d’« armée de la loi », au sein de l’ensemble des forces armées. Il faut poursuivre dans cette voie.

Mme Michèle Alliot-Marie a précisé que les rumeurs concernant une révision de grande ampleur de l’actuel maillage territorial de la gendarmerie sont totalement infondées. Celui-ci correspond en effet à une spécificité de la gendarmerie et à une nécessité pour l’accomplissement de ses missions de prévention, de renseignement et d’action quotidienne. Plus généralement, la présence de la gendarmerie sur le territoire contribue à rassurer nos concitoyens. Des adaptations devront toutefois être conduites pour tenir compte des évolutions démographiques.

Elle a ensuite souligné avoir personnellement œuvré pour que le poste de directeur général de la gendarmerie soit une nouvelle fois confié à un militaire, comme elle l’avait également fait pour que celui de directeur général de la police nationale échoie à un policier. Cependant, prévoir dans la loi que la direction de la gendarmerie revienne à un militaire représenterait une rigidité inutile. S’agissant des différences entre police et gendarmerie en matière de dialogue social, l’absence de syndicat au sein de cette dernière doit être compensée par une hiérarchie plus accessible et plus proche des préoccupations des personnels. Quelle que soit la formule retenue à l’avenir par la commission de la défense pour suivre les questions concernant la gendarmerie, le ministre de l’intérieur aura toujours plaisir à venir s’exprimer devant elle pour les évoquer. Des auditions communes avec d’autres commissions pourraient également constituer une voie intéressante.

Le président Guy Teissier a indiqué que la solution de la commission élargie avait été retenue pour l’examen du projet de loi de finances pour 2008 et que la commission de la défense serait saisie, soit au fond, soit pour avis, des divers textes concernant la gendarmerie.

M. Philippe Folliot a considéré que le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur constitue par nature un sujet délicat tant il touche à son essence profonde de force de police à statut militaire, depuis toujours écartelée entre l’armée de terre et la police nationale. La difficulté provient aussi du fait que l’une des forces de la gendarmerie réside dans sa stabilité, dont témoigne l’ancienneté du texte fondateur de 1903. Il faut donc être particulièrement vigilant sur les conséquences à moyen terme des évolutions législatives, et surtout éviter le passage à un statut civil, comme cela a été le cas en Belgique. L’ancrage militaire de la gendarmerie devra sans doute être accentué dans le futur projet de loi. Pour le moment, aucun élément n’y figure qui assure le maintien des conditions particulières d’usage des armes par la gendarmerie. La récente affaire survenue à Draguignan montre pourtant combien il serait dangereux de remettre en cause les différences juridiques existant entre police et gendarmerie sur ce point, tout particulièrement au regard du message qui serait alors adressé aux délinquants. Par ailleurs, il conviendra de veiller à ce que l’article 3 du projet de loi prévoyant de confier les unités de gendarmerie pour emploi aux préfets ne conduise pas à un transfert d’autorité au détriment des commandants d’unités.

Mme Michèle Alliot-Marie a estimé que la vigilance sur le caractère militaire du statut de la gendarmerie devra s’exercer de manière permanente à l’avenir, et pas seulement à l’occasion de l’examen du projet de loi. La création de la force de gendarmerie européenne s’est d’ailleurs pour partie inscrite dans cette perspective, puisque la participation des gendarmes à des opérations militaires à l’extérieur contribue à les ancrer durablement dans l’univers militaire. Ces missions sont très appréciées par les gendarmes eux-mêmes et il serait utile de réfléchir à une réforme du déroulement des carrières des officiers de gendarmerie afin de faire des OPEX un point de passage obligatoire.

S’agissant de la question de l’usage des armes, il existe effectivement deux cadres juridiques différents, la police étant cantonnée à un usage relevant strictement de la légitime défense tandis que les gendarmes disposent de règles particulières liées à leur qualité de militaires. La ministre s’est déclarée défavorable à une remise en cause de ces dispositions.

Après que M. Jean-Pierre Soisson eut estimé à son tour qu’une telle remise en cause conduirait in fine à celle du statut militaire, Mme Michèle Alliot-Marie a jugé également nécessaire de prendre en considération les conséquences subies par les personnes ayant fait usage de leur arme en service et de veiller à améliorer leur protection juridique. Le fait que la première mise en examen dans le cas de l’évènement survenu à Draguignan ait retenu la qualification d’homicide volontaire est choquant et il conviendra de suivre de très près les suites judiciaires de cette affaire.

Le projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie procède à une modification de la loi du 3 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions en précisant que les responsables locaux des services et unités sont placés sous l’autorité du préfet pour l’exécution de leurs missions et lui rendent compte du déroulement de celles-ci. Il s’agit simplement d’un alignement du droit sur la pratique. On peut relever sur ce point que le projet de Livre blanc propose de conférer aux préfets de zones de défense d’importants pouvoirs pour utiliser au mieux les ressources disponibles en cas de crise.

Après avoir approuvé les principales dispositions du futur projet de loi qui modernisent la collaboration entre la police et la gendarmerie, M. Alain Moyne-Bressand a souhaité que soient accentuées les mesures d’économie de moyens et de formation. Il a rappelé l’attachement des gendarmes au statut militaire et souligné leurs attentes en la matière. La notion de sécurité intérieure a beaucoup évolué, ce qui appelle des changements importants dans leur situation et la poursuite de l’effort de coordination des deux forces. Il a estimé que la commission de la défense n’était pas suffisamment tenue au fait de l’organisation policière, suggérant qu’elle devienne la commission de la défense et de la sécurité intérieure. Enfin, il s’est interrogé sur la réorganisation de la carte de la gendarmerie.

La ministre a signalé que, pour la première fois, ce mardi, s’est tenu un exercice de grande ampleur simulant la prise de 240 otages au Stade de France, qui a réuni le GIGN et le RAID. À cette occasion, elle a pu constater l'adhésion des deux unités à ce travail commun. Cet entraînement répond au besoin opérationnel d’intervention conjointe des deux unités en cas de crise majeure.

La réorganisation de la carte doit tenir compte des évolutions démographiques. Par souci d’efficacité, chacune des deux forces doit être utilisée au mieux de ses compétences.

M. Jean-Pierre Soisson a considéré que les deux piliers de l’État sont le corps préfectoral et la gendarmerie. Le malaise est flagrant chez les jeunes gendarmes, partagés entre le souhait de bénéficier des avantages des policiers tout en conservant ceux liés au statut militaire. Ce faisant, ils favorisent une évolution susceptible de leur être contraire. Le rôle des politiques est délicat puisqu’il s’agit d’accompagner un mouvement en cours mais dont l’issue n’est pas connue à ce jour.

La ministre a tempéré cette inquiétude en prenant pour exemple la guardia civil espagnole, corps militaire placé sous l’autorité du ministre de l’intérieur. Le malaise constaté chez les jeunes gendarmes s’explique par le fait qu’ils ne sont plus préparés au milieu dans lequel ils travaillent. En effet, auparavant recrutés en milieu rural, ils sont aujourd’hui massivement issus du milieu urbain. Aussi, les populations, comme les élus locaux, se plaignent de ne plus les rencontrer. Or, cette présence au sein des populations doit demeurer la signature de la gendarmerie : elle est indispensable, particulièrement dans le domaine du renseignement, afin de faire face aux risques terroristes. La situation dans les zones rurales isolées est plus difficile du fait du vieillissement de la population et de la disparition des commerces. La question du pouvoir d’achat dans ces zones reste problématique compte tenu des difficultés d’insertion professionnelle des épouses. De même, l’éloignement géographique complique la scolarisation des enfants dans le secondaire.

Mme Patricia Adam s’est inquiétée d’avoir constaté, à la consultation des documents relatifs à la RGPP, que le maillage territorial de la gendarmerie n’est déterminé que par défaut au regard des zones que la police ne couvre pas. Elle a également fait part de ses craintes devant la possibilité, évoquée par le ministre, du changement de corps entre gendarmerie et police : un tel mouvement ne préfigure-t-il pas la fin de la gendarmerie ? Cette inquiétude est d’autant plus vive que les zones urbaines croissent, alors que les zones rurales périclitent.

Les documents préparatoires au Livre blanc sur la défense mentionnent la transformation de 6 000 postes de gendarmes en emplois civils et de soutien, probablement moins bien rémunérés. Ces postes sont-ils susceptibles d’être occupés par les conjoints ? En ce qui concerne la force de gendarmerie européenne, dont l’excellence est démontrée, elle s’est interrogée sur l’accroissement du nombre et de l’ampleur de ses missions potentielles. Dans le cadre de la multiplication d’OPEX visant au maintien de la paix, le rôle de la gendarmerie ne saurait que croître : cette évolution est incompatible avec un amoindrissement des spécificités et des effectifs de cette arme au profit de la police.

Au sujet de la répartition des compétences, la ministre a précisé que les zones rurales et périurbaines relèvent de la gendarmerie –  celle-ci y disposant d’une véritable spécificité en matière de renseignement – et les zones urbaines de la police. Les évolutions démographiques se manifestent dans les deux sens, avec des grandes villes de plus en plus importantes et des petites villes qui, en perdant leur population, retournent vers le milieu rural. Il s'agit d'adapter notre dispositif à ces évolutions tout en conservant un maillage territorial.

Elle a ensuite confirmé que le projet de la LOPPSI prévoit la création de 6 000 postes de soutien, ce qui permettra de renforcer la présence sur le terrain du personnel en uniforme. Il n’est par normal que le taux de civils dans la gendarmerie soit aujourd’hui inférieur à 2 %. Les remplacements se feront au même niveau, pour les mêmes tâches et dans les mêmes conditions d’emploi. Les postes transformés permettront également d’embaucher des conjoints de gendarmes, pour lesquels il faudra néanmoins prévoir des modalités contractuelles spécifiques afin de permettre les mutations futures.

Elle a enfin estimé que la FGE ne devrait pas manquer d’effectifs, d’autant que le passage en OPEX des officiers et sous-officiers est considéré comme une priorité. L’aptitude à participer à des actions internationales est essentielle, tant pour la police que la gendarmerie. Le développement des expériences professionnelles à l’étranger favorise l'acquisition de certaines capacités, notamment linguistiques.

M. Gérard Charasse a estimé que les jeunes gendarmes, d’origine urbaine, sont souvent mal adaptés à leur lieu d’exercice, le plus souvent rural. En outre, ils sont trop poussés à « faire du chiffre », au détriment du dialogue et de la prévention.

La ministre a rappelé que le métier des gendarmes, comme d’ailleurs des policiers, n’est pas seulement de faire de la prévention mais aussi et en premier lieu de sanctionner les infractions. Par contre, ils doivent effectivement s’attacher à développer les contacts avec la population, essentiels pour leur mission de renseignement. Quant aux chiffres, ils ne sont pas un indicateur de rendement mais permettent de suivre l’évolution des différents problèmes. Ainsi aujourd’hui, si ceux de la délinquance globale et des violences aux personnes sont en baisse, on observe en zone rurale un accroissement des vols de métaux, des escroqueries par Internet ou encore des contrefaçons de carte bancaire. Il faut mettre en garde les populations sur ces phénomènes. Les violences sexuelles et intrafamiliales sont également en hausse mais l’on peut penser que cela s’explique par le fait que les victimes viennent davantage porter plainte aujourd'hui. Au-delà de la baisse des pourcentages, c’est la diminution du nombre de victimes qui importe.

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Informations relatives à la commission

La commission a procédé à la nomination de ses rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances pour 2009.

Ont été nommés :

- Défense

• Environnement et prospective de la politique de défense : M. Yves Fromion

• Soutien et logistique interarmées : M. Philippe Folliot

• Forces terrestres : M. Jean-Louis Bernard

• Marine : Mme Marguerite Lamour

• Air : M. Jean-Claude Viollet

• Équipement des forces : M. François Cornut-Gentille

• Espace, communications, dissuasion : M. Michel Sainte-Marie

- Sécurité

• Gendarmerie nationale : M. Alain Moyne-Bressand

- Mémoire et liens entre la Nation et son armée

• Liens entre la Nation et son armée : M. Patrick Beaudouin

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