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Commission de la défense nationale et des forces armées

Mardi 30 septembre 2008

Séance de 15 heures

Compte rendu n° 42

Présidence de M. Guy Teissier, président

– Audition de M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État auprès du ministre de la défense, chargé de la défense et des anciens combattants, sur le projet de loi de finances pour 2009

Audition de M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État auprès du ministre de la défense, chargé de la défense et des anciens combattants, sur le projet de loi de finances pour 2009.

La séance est ouverte à quinze heures

M. le président Guy Teissier. Mes chers collègues, je suis très heureux d’accueillir Jean-Marie Bockel, que je remercie d’avoir bien voulu participer à l’université d’été de la Défense, qui s’est tenue à Saint-Malo le mois dernier. Bien que la commission de la défense ne soit pas directement chargée des Anciens combattants, nous allons, au cours de cette première rencontre, évoquer leur situation et notamment les perspectives d’évolution de leurs pensions en 2009. Le budget des Anciens combattants est aujourd’hui confié à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, mais j’espère que la nouvelle répartition des compétences nous l’attribuera dès l’an prochain, conformément aux souhaits des Anciens combattants.

Nous allons également évoquer les crédits affectés aux questions de mémoire et au programme « Liens entre la Nation et son armée » qui intéressent vivement notre rapporteur pour avis Patrick Beaudouin.

Enfin je tiens à votre disposition le compte rendu de la mission que j’ai effectuée en Afghanistan avec trois membres de notre commission et de la commission des affaires étrangères. Nous aurons l’occasion d’en débattre avec M. Pierre Lellouche et M. François Lamy que j’ai chargés d’une mission sur ce sujet et qui se trouvent actuellement en Afghanistan.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État chargé de la défense et des anciens combattants. J’ai été très heureux de participer à l’université d’été de la défense de Saint-Malo, que je considère comme un rendez-vous incontournable.

Pourquoi le budget des Anciens combattants n’incombe-t-il pas à la commission de la défense ? Si, dans des pays de traditions différentes, les vétérans relèvent du secteur social, en France le lien entre les Anciens combattants et la défense nationale est évident. Je ne verrai que des avantages à ce que leur budget soit confié à votre commission : le rapprochement des deux budgets permettrait de gagner en lisibilité et en simplicité.

J’en viens au budget des Anciens combattants. Le programme 169 « Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » et le programme 167 « Liens entre la Nation et son armée » du projet de loi de finances pour 2009 s’élèvent à 3,42 milliards d’euros, en diminution de 105,5 millions d’euros, soit 3 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2008. Cette baisse relative, due aux évolutions démographiques, recèle en réalité de réelles progressions de la dotation par pensionné et des principaux postes d’intervention et de fonctionnement.

Ce projet de budget permet tout d’abord de préserver le droit à reconnaissance et à réparation dû au monde combattant, mais aussi d’augmenter de façon substantielle les subventions de fonctionnement de l’Office national des Anciens combattants (ONAC) et de l’Institut national des Invalides (INI); ainsi que les crédits affectés aux travaux d’entretien des sépultures de guerre et à la rénovation des hauts lieux de mémoire, ce qui est particulièrement opportun cette année marquée par le quatre-vingt dixième anniversaire de la fin de la grande guerre. Malgré sa réorganisation, le programme 167 « Liens entre la Nation et son armée » voit ses crédits préservés. Le budget reconduit enfin la masse budgétaire affectée à la réserve militaire, soit 92 millions d’euros, dont 76 millions pour les rémunérations et charges sociales.

Dans le contexte économique et financier que nous connaissons, ce budget préserve l’essentiel et permet d’aborder dans de bonnes conditions la délicate phase de restructuration de la direction du service national et de la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale qui, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, va disparaître au profit des directions départementales de l’ONAC, ce qui ne manquera pas d’entraîner quelques suppressions de postes. Je reviendrai plus en détail sur ce sujet qui me tient particulièrement à cœur.

Dans ses grandes lignes, le programme 169 reconduit et consolide les prestations dues aux Anciens combattants. Ainsi, les crédits nécessaires à la décristallisation des pensions militaires d’invalidité (PMI) et des pensions de réversion sont reconduits automatiquement. La dotation intègre par ailleurs les crédits nécessaires à l’attribution de pensions aux veuves dont les droits ont été décristallisés en 2007, au titre des entrées de 2008 et de 2009. Avec une hypothèse de 3 500 entrées dans le dispositif, le coût total de la mesure est évalué à 24 millions d’euros.

S’agissant de la retraite du combattant, pour la troisième année consécutive, les sorties excèderont les entrées, ce qui permet de diminuer la dotation de 11 millions d’euros tout en prenant en compte 10 000 entrées dont la plupart bénéficieront d’un rappel sur deux ou trois ans. Enfin, 30 millions d’euros financeront en année pleine la revalorisation de 37 à 39 du nombre de points d’indice de la retraite du combattant au 1er juillet 2008.

Une provision de 20 millions d’euros est inscrite au titre du rapport constant, ce qui représente 15 millions pour les pensions militaires d’invalidité (PMI) et 5 millions pour la retraite du combattant ; afin de financer les revalorisations du point d’indice de pension qui interviendront en 2008 et 2009, conformément aux évolutions des rémunérations publiques.

Avec un crédit de 15,525 millions d’euros, les rentes mutualistes augmentent de 6,86 %, ce qui permettra de prendre en compte de nouveaux bénéficiaires issus de la quatrième génération du feu et de rebaser des crédits de la loi de finances initiale pour 2008, qui s’avèrent insuffisants à hauteur de 4,7 millions d’euros.

Dans la perspective de la révision générale des politiques publiques (RGPP), les établissements publics que sont l’ONAC et l’INI sont confortés dans leurs missions. La subvention d’action sociale de l’ONAC atteint 19,1 millions d’euros, dont une enveloppe de 5 millions pour la mise en œuvre du dispositif d’allocation différentielle pour les conjoints survivants qui, comme vous le savez, est une question très sensible à laquelle les associations sont très attentives. Quant à la subvention de fonctionnement de l’ONAC, elle s’élève à 40,07 millions d’euros. Cette dotation, en hausse de 3,6 %, soit de 1,42 million d’euros, permettra à l’office de développer ses capacités informatiques et d’assurer la mise à niveau de son contrôle de gestion, la RGPP en faisant progressivement l’opérateur unique de proximité du monde combattant.

Outre la subvention de fonctionnement de 8,85 millions d’euros, l’INI bénéficie d’une subvention d’investissement de 2 millions pour poursuivre les travaux de mise en sécurité de ses installations. Avec un budget de 10,85 millions en 2009, l’institution confirme ainsi sa vocation d’accueil des plus grands invalides et ses capacités d’expertise en matière de handicap.

L’entretien des lieux de mémoire reçoit une dotation supplémentaire de 244 000 euros afin de renouveler les matériels et équipements, d’améliorer l’entretien général et de poursuivre les opérations engagées en 2008 sur les tombes de la guerre de 1914-1918. Les crédits de la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives qui relèvent désormais du programme 212 de la mission « Défense » contribuent également à ces actions.

Le programme 169 comporte toutefois certaines diminutions inéluctables du fait de la baisse tendancielle du nombre des bénéficiaires. Ainsi, les crédits affectés aux PMI diminuent de 94 millions d’euros pour 325 000 personnes, soit 20 000 bénéficiaires en moins ; ceux de la retraite du combattant baissent de 11 millions d’euros pour 1,39 million de bénéficiaires, soit une baisse de 45 000 personnes ; enfin, avec 5 000 bénéficiaires en moins, soit 77 000 personnes, les soins gratuits seront amputés de 7 millions d’euros.

L’enveloppe du programme 169 permet toutefois d’augmenter de 2,46 % la dotation par pensionné. Le tendanciel budgétaire triannuel 2009-2011, en dépit de diminutions liées à la baisse du nombre des prestataires, reste donc acceptable.

J’en viens aux crédits du programme 167 « Liens entre la Nation et son armée » qui assurent le financement de la journée d’appel de préparation (JAPD) à la défense et des moyens affectés à la politique de mémoire.

Les crédits affectés à la JAPD, en progression de 0,46 %, s’élèvent à 157 millions d’euros, finançant les besoins de fonctionnement de la direction du service national (DSN) et des organismes qui lui sont rattachés. C’est en 2009 que va débuter la réorganisation de la DSN visant à optimiser les structures de soutien et les structures déconcentrées en supprimant un échelon intermédiaire et en recentrant l’action de l’ensemble de la chaîne sur la mission JAPD, ce qui permettra une économie de 200 emplois. Ces restructurations permettront d’accueillir dans de bonnes conditions chaque année 780 000 jeunes Français.

Les crédits affectés à la politique de mémoire progressent de 800 000 euros. Bien qu’ils soient affectés par une réorganisation budgétaire visant à regrouper les actions de communication et de promotion du patrimoine culturel dans le programme 212 « Soutien de la politique de défense », nous allons continuer à mener des actions très concrètes, notamment en faveur du Musée de l’Armée.

Mise à part cette évolution de périmètre, les crédits de la politique de mémoire affichent une baisse apparente de 2,2 millions d’euros, qui s’explique par la sortie du budget 2009 des 3 millions d’euros provisionnés au titre de la création de la fondation pour la mémoire de la guerre d’Algérie, de Tunisie et du Maroc ainsi que par l’augmentation de 800 000 euros des crédits dédiés aux travaux d’entretien des sépultures de guerre.

M. le président Guy Teissier. Il est vrai, monsieur le secrétaire d’État, que la RGPP devrait avoir d’importantes conséquences territoriales avec un reformatage des effectifs de nos armées et en particulier de l’armée de terre. Dans ce cadre, il me semble d’autant plus nécessaire de renforcer la réserve qui permet de compenser, au moins partiellement, certaines suppressions de postes. Or, mon attention est trop souvent attirée sur les difficultés que rencontrent des fonctionnaires, notamment des policiers, qui se voient refuser l’autorisation de partir en périodes de réserve. Je trouve cela aberrant s’agissant de fonctionnaires de l’État et je pense qu’il serait bon de rappeler aux employeurs leur obligation de libérer les réservistes, qu’il s’agisse d’officiers, de sous-officiers ou d’hommes du rang.

Par ailleurs, il est regrettable que nous manquions de crédits pour permettre aux réservistes de remplir leurs missions, car ils sont très appréciés, que ce soit en Côte d’Ivoire, en Afghanistan ou au Tchad. Je ne citerai que l’exemple des réservistes du service de santé des armées qui, en remplaçant sur le terrain les personnels d’active, facilitent les relèves et assurent la continuité du service.

Vous dites vouloir porter de vingt à vingt-cinq jours la durée annuelle moyenne d’engagement par réserviste d’ici à 2011, mais je n’en vois pas la transcription financière dans le projet de budget. Cela me semble pourtant essentiel à l’heure où nous réduisons le format de nos armées et où il importe de renforcer les relations entre notre pays et son armée. J’en veux pour preuve la ferveur témoignée à nos soldats après les récents événements survenus en Afghanistan.

M. le secrétaire d’État. Je suis personnellement très engagé en faveur de la réserve, qui a pris une importance nouvelle avec la professionnalisation des armées. Je rappelle que notre pays compte actuellement 60 000 réservistes, gendarmerie comprise, et qu’il faudrait en ajouter 20 000, voire 30 000 pour atteindre nos objectifs. Une évolution culturelle forte s’est faite : les états-majors ont désormais compris que sans l’apport des réservistes, les forces opérationnelles ne fonctionneraient pas. Aujourd’hui, l’attrait du volontariat est très fort, et la professionnalisation des armées n’a pas retiré à nos concitoyens la volonté de s’engager. Je note que, précédemment, les officiers représentaient 40 % du total des réservistes ; la tendance s’est aujourd’hui inversée, les effectifs étant désormais équilibrés sur le plan des responsabilités et des compétences. Je reconnais volontiers que les réservistes ont encore du mal à se libérer pour remplir leurs missions. Parmi les 3 à 4 % de réservistes déployés en opérations extérieures, certains ont même décidé de démissionner pour pouvoir partir en opérations

La réserve constitue certes un enjeu financier, mais il nous appartient également d’en faire un enjeu de communication et d’organisation. Très bien perçue aujourd’hui sur un plan culturel, la réserve ne doit plus être la variable d’ajustement du budget. Je souhaite donc qu’à partir de 2010, une partie des économies réalisées grâce à la RGPP soient affectée à la réserve, et je me battrai pour faire passer ce message, d’autant que c’est un domaine où l’on peut faire beaucoup avec peu de crédits. Pour cela, je souhaite renforcer l’identification des lignes budgétaires pour mieux les protéger et ainsi arriver à augmenter le nombre de jours effectués par les réservistes.

La gouvernance de la réserve peut être améliorée. Le conseil supérieur de la réserve ne peut seul répondre à ce besoin même si son personnel et son secrétariat font preuve de beaucoup de qualités et de motivation. Il serait intéressant de créer en une sorte d’inspection générale de la réserve, avec à sa tête une personnalité ayant une véritable autorité, qui serait un référent permanent et qui pourrait peut-être se voir épaulée par un réserviste.

J’en viens au gel des crédits. Sur ce point, les torts sont partagés. Dans le système actuel, si l’état-major des armées gèle les crédits le 1er septembre, c’est pour éviter une surcompensation qui ferait exploser le budget. Cette logique montre bien l’inanité du système actuel. Un certain nombre de responsables, devant la baisse du nombre des réservistes, se sont émus de cette situation et nous avons obtenu que chaque situation soit examinée.

Plus globalement, j’ai demandé avant l’été à l’état-major des armées de me faire des propositions réalistes et cohérentes pour assurer la montée en puissance des réserves. Il me remettra son rapport à la fin de l’année et je ne manquerai de vous le présenter.

M. Patrick Beaudouin. Après les événements survenus en Afghanistan le 18 août, le dispositif d’indemnisation en faveur des conjoints des soldats décédés a-t-il été initié ?

Si le monde combattant se réjouit de la progression des pensions pour les veuves, la revalorisation de la retraite du combattant n’évolue pas dans le projet de budget pour 2009. La programmation budgétaire triannuelle tiendra-t-elle compte des marges de manœuvre dégagées par la diminution du nombre de pensionnés pour financer cette promesse du Président de la République ?

Par ailleurs, la diminution des niches fiscales fait l’objet de nombreux débats au Parlement comme au Gouvernement. Le dispositif des retraites mutualistes du combattant est-il concerné par cette mesure ?

J’en viens au lien entre la Nation et son armée. Pour ce qui concerne les réserves, l’objectif initial de 68 500 contrats a été ramené à 63 250 en 2008, soit 8 % de moins : pourquoi une telle baisse ? Le Livre blanc évoque la nécessité « de constituer, à côté des réserves opérationnelles, correspondant aux filières de métiers, un dispositif interministériel de renfort opérationnel pour la gestion des crises ». Quel plan d’action allez-vous mettre en œuvre pour remplir cet objectif ? Selon le Livre blanc, la réserve citoyenne « pâtit d’un manque de visibilité et de clarté des objectifs qui lui sont assignés ». Comment comptez-vous y remédier ? En quoi « la perméabilité entre réserves citoyennes et opérationnelles » que vous évoquez dans votre document budgétaire peut-elle y concourir ?

Quel regard portez-vous sur la mise en œuvre du Livre blanc et la mise en place de la révision générale des politiques publiques ? Les conséquences pratiques de la diminution des implantations militaires ne vont-elles pas peser sur l’organisation et le financement des JAPD, qui concernent 780 000 jeunes ? Je pense par exemple à la fermeture du 18e régiment de transmissions de Caen qui accueille actuellement les JAPD.

J’évoquerai maintenant la lisibilité de la politique publique. Le transfert des crédits relatifs à la Délégation à l’information et à la communication de la défense (DICoD), au Service historique de la défense et aux musées vers le programme 212 me semble motivé par une logique gestionnaire qui rend moins lisible la politique en faveur du lien armée-Nation alors que nous avions au contraire recommandé d’en renforcer l’identification. Quelle est votre position sur ces modifications substantielles ? Plus globalement, quel est l’avenir de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » ?

En quoi la répartition des crédits de la mémoire entre les programmes 167, 169 et 212 assure-t-elle la cohérence de votre action ?

Enfin, dans le cadre de la montée en puissance de l’ONAC, le contrat d’objectifs et de moyens est-il en cours de rédaction ? Si oui, quand pourra-t-il être signé ?

M. Christophe Guilloteau. Le Président de la République avait souhaité porter l’indice de référence de la retraite du combattant à 48 points d’indice d’ici à 2012. Cette hausse a été commencée l’année dernière et il aurait été pertinent de poursuivre l’augmentation cette année, ce qui aurait été très apprécié des Anciens combattants.

M. le président Guy Teissier. Je ne peux que rejoindre cette analyse, d’autant plus que la stagnation ne permet même pas de préserver leur pouvoir d’achat.

M. le secrétaire d’État. Les engagements qui ont été pris sont très clairs. Mon prédécesseur a fait évoluer les choses à un rythme régulier. Il serait possible de faire un effort très douloureux en 2009 en mobilisant toutes les sources de financement possibles, en espérant trouver des recettes plus stables l’année prochaine. Ce raisonnement est clairement incompatible avec la nouvelle programmation budgétaire à trois ans. Je suis bien évidemment favorable au fond à cette mesure, et je défends ardemment le monde combattant, mais une avancée sur ce thème me semble difficile. Comme je l’ai déjà indiqué au ministre du budget, cette mesure est éminemment symbolique et il serait regrettable, même dans un contexte budgétaire rigoureux, de ne pas l’adopter. Je ne pense pas que les seuls effets de la démographie suffiront à satisfaire le monde combattant. Je compte sur vous pour faire en sorte qu’il le soit !

M. le président Guy Teissier. Les parlementaires sont prêts à dialoguer, certains pour tenir les engagements du Président de la République, d’autres pour satisfaire les attentes des Anciens combattants. Si nous prenons du retard cette année, c’est ensuite une augmentation de 2,5 % par an qui sera nécessaire pour tenir les engagements du Président de la République !

M. le secrétaire d’État. Avec un point d’indice représentant 20 millions d’euros en année pleine et un contexte plus rude aujourd’hui que l’an dernier, il me semble difficile de procéder à une hausse annuelle de 2 points, même en tenant compte de la diminution du nombre de bénéficiaires. Je vais toutefois poursuivre le dialogue, en toute loyauté, avec mes collègues du Gouvernement.

J’en viens au dispositif mis en œuvre pour les militaires décédés en Afghanistan. Outre le droit à une sépulture perpétuelle, leurs familles percevront un capital décès ainsi qu’une allocation complémentaire et elles bénéficieront de différentes mesures en faveur des conjoints et des enfants. Sachez que tout ce qu’il est possible de faire a été fait.

La question des niches fiscales relève des attributions de mon collègue Éric Woerth, mais je peux toutefois vous dire que rien n’a été décidé concernant la rente mutualiste. Personne, au Gouvernement, ne souhaite maltraiter le monde combattant.

J’en viens à la réserve et au dispositif de gestion des crises. Selon le Livre blanc, la réserve pourrait exprimer son potentiel au sein d’une cellule interministérielle de renforts opérationnels. L’état-major doit me faire deux propositions sur la manière dont il pourrait être associé à la gestion des crises. Le secrétariat général de la défense nationale doit également engager une réflexion sur ce point.

Le Livre blanc nous invite par ailleurs à réfléchir à la perméabilité entre la réserve opérationnelle et la réserve citoyenne, qui apporte beaucoup sur le terrain et contribue au lien armée-Nation. C’est pourquoi je vais prochainement mandater le Conseil supérieur de la réserve sur l’évolution des missions de la réserve qui devrait par ailleurs faire l’objet d’un débat lors de l’assemblée générale du 15 octobre prochain.

Sur un plan budgétaire, en passant de 68 500 à 63 250 volontaires et en portant à 23 le nombre de jours de réserve, nous maintenons un niveau d’activité satisfaisant dans l’attente de l’affectation des économies générées par la RGPP.

Quant à l’impact de la réorganisation territoriale du ministère sur la JAPD, dont tout le monde reconnaît le rôle positif, il nous faudra développer de nouvelles solutions, avec peut-être des partenariats. Dans cet objectif, il importe que nous puissions compter sur une prise de conscience générale de l’importance de cette journée.

S’agissant de la mémoire, ma philosophie est la suivante : alors que nous sommes en train de passer du souvenir à l’Histoire, la mémoire partagée est un élément de cohésion nationale et concerne tous nos concitoyens, quelle que soit leur origine. Au niveau européen, la mémoire est fondée sur le fait que des personnes ont perdu la vie pour défendre des valeurs communes. C’est une question délicate, j’en conviens, mais il faut la poser pour que s’impose à tous la nécessité de moderniser notre outil de défense. C’est une question extrêmement importante, sur laquelle nous ne pouvons nous permettre de baisser la garde.

Le projet de contrat d’objectifs et de moyens qui sera soumis au conseil d’administration de l’ONAC en janvier 2009 devrait confirmer l’office dans ses missions de mémoire, de solidarité et de reconnaissance du monde combattant et des victimes de guerre et l’engager à poursuivre dans la voie de la professionnalisation.

M. François-Michel Gonnot. Le jeu de rôle auquel nous nous livrons à propos de la retraite du combattant ne me satisfait pas. Depuis plusieurs années, le Gouvernement se présente devant le Parlement en arguant d’un budget contraint pour ne pas procéder à la hausse prévue. Sous la pression des Anciens combattants, il finit par accepter de donner ce que pourtant il avait promis, mais au prix d’une véritable guerre d’usure dont personne ne sort gagnant.

Monsieur le secrétaire d’État, vous êtes responsable de la politique concernant les harkis, ne serait-ce qu’en tant qu’ordonnateur des crédits. Que pouvez-vous nous dire sur ces crédits, qui sont parmi les plus opaques de notre République ?

La région Picardie compte plusieurs centaines de réservistes, mais les régiments basés dans cette région sont appelés à déménager : dans deux ans, il n’y aura plus aucune unité de l’armée de terre. À quelles unités les réservistes seront-ils rattachés ? Comment pourront-ils effectuer des missions sans unité et sans infrastructures ?

S’agissant de l’Afghanistan et de l’embuscade dont ont été victimes les soldats français, un certain nombre de militaires souhaitent que l’on décerne la médaille militaire à ces soldats morts au combat qui ont d’ores et déjà reçu la Légion d’honneur des mains du Président de la République.

M. Jean-Claude Beaulieu. Je voudrais revenir sur le service de santé des armées. Participant chaque année à des opérations extérieures, je peux témoigner des difficultés du service de santé, tant en OPEX que sur le territoire national. Certains militaires ont par exemple passé huit mois au Tchad. Outre les problèmes familiaux, cette absence affecte leur milieu professionnel car souvent, faute de personnels, ces médecins spécialistes et ces infirmiers ne sont pas remplacés en métropole, désorganisant gravement le fonctionnement des hôpitaux militaires.

Ne pourrions-nous pas intégrer ces spécialistes dans les équipes de réserve, ce qui leur permettrait à la fois de partir en OPEX et d’assurer la continuité du service public ? Ce serait une véritable évolution culturelle. Le système actuel n’est pas satisfaisant et le service de santé des armées manque de perspectives. Un engagement dans la réserve pourrait intéresser de jeunes agrégés. Il faut développer l’information dans les facultés de médecine et les écoles d’infirmières, les étudiants ne souscrivant pas de contrats, faute de connaître cette possibilité. J’ajoute que dans la mesure où ils soignent la population, les membres du service de santé des armées sont très perçus à l’étranger et n’ont aucun problème de sécurité.

En revanche, j’ai été frappé de constater que la population afghane reçoit très peu de soins de la part du service de santé de l’armée. Pourtant, lorsqu’une armée veut s’intégrer, elle dispose de deux atouts : l’éducation et la santé.

M. Jean-Jacques Candelier. Votre budget, monsieur le secrétaire d’État, diminue de 105 millions d’euros, soit 3 % de moins que l’année précédente. Malgré la baisse du nombre des Anciens combattants, je ne pense pas qu’il pourra satisfaire leurs revendications légitimes. Un budget constant aurait été indispensable, et soyez assuré que nous vous ferons part de nos remarques dans l’hémicycle !

M. le président Guy Teissier. Monsieur Beaulieu, lors de mon dernier déplacement en Afghanistan j’ai vu des médecins français prodiguer des soins à de nombreux Afghans, y compris à un taliban, respectant en cela la tradition de l’armée française de soigner tous les blessés. À l’hôpital français, la foule était nombreuse, chaque matin, pour recevoir des soins. Si les services de santé des armées n’interviennent pas systématiquement, c’est pour éviter de déstabiliser les médecins afghans, au demeurant très compétents, et pour éviter que la population ne vienne se faire soigner gratuitement par les Français, au détriment des médecins locaux. Le service de santé se limite donc à des interventions d’urgence, de chirurgie et de traumatologie.

M. Jean-Claude Beaulieu. Je ne remets pas en cause la compétence des médecins afghans, dont certains travaillent en collaboration avec nos hôpitaux. Nous avons reçu des ophtalmologistes à Lyon, et le directeur de l’hôpital militaire afghan est d’ailleurs un agrégé formé au Val-de-Grâce !

M. le secrétaire d’État. M. Gonnot, vous dites regretter le jeu de rôle : j’ai moi-même souhaité que les choses se passent différemment. Si Bercy a surestimé les marges de manœuvre dues aux effets de la démographie, c’est sans doute par pure décence. Il n’en va pas autrement lorsqu’on décide d’augmenter significativement l’allocation différentielle pour le conjoint survivant.

M. Jacques Desallangre. C’est que 50 % des crédits étaient consommés !

M. le secrétaire d’État. Certes, mais il est normal que l’État ait des marges de manœuvre et tout aussi normal qu’il les surestime. Vous dites que nous avons toujours les mêmes débats, mais je vous rappelle que nous avons porté l’indice de 33 à 39 points, ce qui représente 120 millions supplémentaires chaque année, soit 18,75 %, et ce depuis 2006 !

S’agissant des harkis, ou plus précisément des enfants de harkis, la responsabilité incombe à la mission interministérielle aux rapatriés. Cette question a une dimension psychologique et morale. Le Président de la République a promis aux harkis aide et reconnaissance. Sur un plan purement matériel, on peut citer la loi de 2008, le plan emploi-harkis annoncé par le Président de la République, le passeport pour l’emploi ainsi que l’amendement que j’ai défendu étant le bénéfice des emplois réservés aux enfants de harkis. Toutes ces mesures sont intéressantes, mais elles ont, à mes yeux, un défaut : pour des personnes que l’Histoire a maltraitées, l’aide, pour ne pas parler d’assistance, attachée à leur statut peut être ressentie comme une malédiction. D’ailleurs, les enfants de harkis ne s’y réfèrent plus systématiquement. C’est pourquoi j’évoque la dimension morale de cette situation, tout en maintenant les dispositifs nécessaires. Telle est ma réponse politique à votre question.

Pour les réservistes, il est vrai qu’il est préférable d’être à proximité d’un régiment, mais les réservistes sont facilement mobiles. En Allemagne, les réservistes sont par exemple fréquemment amenés à se déplacer de plusieurs centaines de kilomètres. Les réserves françaises ne permettent pas encore d’organiser facilement cette mobilité, il nous appartient donc de faire un effort en termes de moyens et d’organisation.

Vous avez évoqué la médaille militaire. J’étais présent lors du retour en France des dépouilles des soldats tués en Afghanistan qui ont reçu, à titre posthume et en présence du Premier ministre, la croix de la valeur militaire. Si vous considérez que ce n’est pas suffisant, je suis prêt à y réfléchir.

À propos des médecins qui vivent l’expérience extraordinaire de la réserve, vous avez raison, monsieur Beaulieu : il faut susciter des vocations. Nous trouverons les moyens nécessaires, compte tenu du rôle des médecins dans le maillage territorial.

Monsieur Candelier, sans ouvrir toutes les boîtes de Pandore, ce qui coûterait plusieurs milliards d’euros, nous essaierons dans ce budget de vous satisfaire. Convenez-en, il n’est pas choquant de prendre en compte la diminution de la démographie pour conserver des marges de manœuvres suffisantes. Ce budget ne réglera pas tous les problèmes dont souffre la retraite du combattant, mais nous essaierons de trouver un bon compromis. Nous n’avons pas évoqué la question des orphelins, mais je rendrai bientôt publics certains éléments du rapport établi à la demande de M. Marleix.

M. le président Guy Teissier. J’ai été très choqué, lors de la journée nationale des harkis, de constater l’absence de clairon. De ce fait, nous n’avons pu entendre la sonnerie aux morts. Une telle indigence montre à quel point nos communes manquent de moyens. Pourquoi ne pas faire appel aux réservistes, qui seraient ravis de participer à ces cérémonies ? Au Canada, les fanfares sont composées de réservistes, et les garde-côtes de la marine nationale sont tous des réservistes ! Il serait d’autant plus intéressant de faire appel aux réservistes que nous voulons renforcer le lien armée-Nation.

La séance est levée à seize heures trente.

——fpfp——