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Commission de la défense nationale et des forces armées

Mercredi 8 octobre 2008

Séance de 11 heures 30

Compte rendu n° 6

Présidence de M. Guy Teissier, Président

– Audition du Général Roland Gilles, directeur général de la gendarmerie nationale, sur le projet de loi de finances pour 2009

Audition du Général Roland Gilles, directeur général de la gendarmerie nationale, sur le projet de loi de finances pour 2009

La séance est ouverte à onze heures trente

M. le président Guy Teissier. J’ai le grand plaisir d’accueillir maintenant le général Roland Gilles, nouveau directeur général de la gendarmerie nationale, que nous connaissons depuis longtemps.

Cette audition sera consacrée aux crédits dont disposera la gendarmerie en 2009, sachant que celle-ci sera placée sous l’autorité du ministère de l’intérieur à compter du 1er janvier prochain, sans toutefois perdre sa spécificité militaire, à laquelle nous sommes tous ici très attachés.

Vous détaillerez les évolutions des crédits de paiement et des autorisations d’engagement.

Au-delà des aspects strictement budgétaires, j’aimerais que vous nous disiez quelques mots de l’éventuelle révision des implantations sur le territoire national.

Par ailleurs, le futur projet de loi relatif à la gendarmerie sera examiné fin octobre au Sénat puis fin novembre à l’Assemblée. Peut-être pourrez-vous aussi l’évoquer.

Notre rapporteur pour avis, M. Alain Moyne-Bressand, vous interrogera sans doute plus avant sur tous ces sujets.

M. le général Roland Gilles. Je suis ravi de m’exprimer devant vous, dans le cadre de mes nouvelles fonctions, à propos du projet de budget de la gendarmerie pour 2009 mais également, en cette période sensible de transition, du passage de la tutelle organique du ministère de la défense au ministère de l’intérieur et du futur projet de loi sur la gendarmerie – c’est capital car le précédent texte législatif date de 1798.

En 2009, la gendarmerie nationale connaîtra des mutations notables. Les défis à relever ne manqueront pas, à commencer par celui du maintien du statut militaire et de la culture militaire. Au 1er janvier 2009, si le projet de loi déposé est adopté, la gendarmerie sera placée sous l’autorité du ministère de l’intérieur. Le Président de la République l’a annoncé solennellement à la Grande Arche de la Défense, le 29 novembre 2007, devant 1 800 gendarmes et policiers. Ce projet de loi vise un subtil équilibre entre, d’une part, le respect de l’identité de l’arme et son attachement à la communauté militaire et, d’autre part, son intégration au ministère de l’intérieur, qui renforcera les liens fonctionnels avec la police nationale.

Dans cet équilibre, le ministère de la défense conservera des attributions à l’endroit de la gendarmerie ainsi que des ressources budgétaires, ayant notamment trait aux gendarmeries spécialisées – gendarmerie maritime, gendarmerie de l’air, gendarmerie de l’armement et gendarmerie de la sécurité des armements nucléaires. De la même manière, le ministère de la défense continuera de soutenir la gendarmerie dans différents domaines traditionnels. Le 25 juillet dernier, les deux ministres ont signé un accord-cadre sur ces soutiens, comportant trente-cinq protocoles particuliers.

Nous devrons être particulièrement attentifs à la recherche d’un équilibre dans cette nouvelle posture institutionnelle. Le placement de la gendarmerie sous l’autorité du ministre de l’intérieur est une mesure nécessaire qui permettra, d’une part, de renforcer la cohérence de la mission sécurité et, d’autre part, de franchir un nouveau cap dans la coordination opérationnelle avec la police amorcée depuis 2002 et dans la mutualisation des outils. L’intégration d’une force armée dans un ministère civil nécessite toutefois des mesures d’ajustement. La spécificité de la gendarmerie ne doit pas faire obstacle à une intégration harmonieuse dans son nouvel environnement mais, dans le même temps, elle doit être suffisamment prise en compte pour que son caractère militaire, sa culture propre et ce qui fait son efficacité opérationnelle soient préservés.

L’année 2009 sera également charnière sur le plan budgétaire. Le projet de loi de finances pour 2009 illustre tout d’abord la participation de la gendarmerie à l’effort gouvernemental de maîtrise des dépenses publiques. Il nous appartiendra de faire en sorte que cet effort s’effectue en pérennisant la qualité du service public de sécurité rendu à tous nos concitoyens. En 2009, nous mettrons en œuvre des réformes permettant à la gendarmerie de remplir son contrat opérationnel. Nous devons être présents au rendez-vous qui nous est fixé.

Le bilan 2007 de la gendarmerie est intéressant et mérite d’être souligné.

La tendance observée depuis 2002 en matière de lutte contre la délinquance s’est confirmée pour la gendarmerie : dans nos zones de compétence, la baisse de la délinquance générale s’est accentuée, avec un recul de 2,2 % des faits délictueux enregistrés. La baisse, depuis 2002, atteint 15,1 %. Nous nous rapprochons tangentiellement du seuil symbolique du million de faits délictuels, soit le niveau atteint en 2000.

La régularité dans le temps de cette évolution est à mettre en parallèle avec le maintien de nos indicateurs d’activité. Ainsi, notre taux global d’élucidation des affaires est de 41,1 %, niveau pratiquement équivalent à celui de l’année passée. Cet été, la gendarmerie s’est illustrée dans la résolution d’affaires d’homicides emblématiques qui ont ému l’opinion publique, en particulier celle du petit Valentin. Le taux d’élucidation a même progressé pour la délinquance de proximité ; dans ce domaine, il atteint désormais 15,7 % alors que ces faits – notamment les cambriolages – demeurent les plus difficiles à résoudre et les plus durement ressentis par nos concitoyens.

Le travail d’initiative des gendarmes – aller chercher les délinquants sans attendre un dépôt de plainte – a continué de progresser : plus 0,4 %. Cette évolution résulte notamment de l’implication accrue des gendarmes dans la lutte contre les infractions à la législation sur les étrangers avec 2335 faits supplémentaires constatés, soit une hausse de 30,7% par rapport à 2006.

Le nombre de gardes à vue a progressé de 6,2 %. Corrélativement, le nombre de personnes mises en cause par des enquêtes de la gendarmerie et incarcérées a crû de 2,4 %.

Ces évolutions illustrent l’engagement du gendarme sur le terrain. Elles traduisent une performance accrue de l’institution dans son travail de lutte contre la délinquance, obtenue grâce à de nouveaux outils législatifs et une meilleure disponibilité des moyens technologiques modernes.

La gendarmerie a aussi obtenu de très bons résultats en matière de lutte contre l’insécurité routière. Le nombre des tués sur les routes situées en zone de gendarmerie a diminué de 8,5 %. Celui des blessés et des accidents corporels sont également en repli, respectivement de 4,7 % et 4,9 %. Au total, 113 vies ont été épargnées en 2007 et 2 436 depuis 2002 ; autant de drames familiaux en moins. Les résultats du mois dernier sont encore positifs, avec une baisse de 25 % du nombre des tués. Les actions préventives et répressives engagées depuis plusieurs années ont modifié les comportements ; les résultats obtenus illustrent leur efficacité.

Au-delà des bons résultats enregistrés, il convient de souligner que l’évolution de notre institution s’est poursuivie.

Nous cherchons à construire un outil pour traiter les vulnérabilités majeures que notre pays pourrait connaître. À cet effet, nous avons intégré au sein du nouveau groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), deux unités qui cohabitaient auparavant avec le GIGN originel au sein du groupement de sécurité et d’intervention de la gendarmerie : l’escadron parachutiste d’intervention de la gendarmerie nationale, l’EPIGN, et le groupe de sécurité de la Présidence de la République, le GSPR. Avec cet ensemble aggloméré, nous disposons aujourd’hui d’une force de près de 400 gendarmes passant tous par le moule de la formation à l’intervention. Nous pouvions naguère faire monter à l’assaut 60 à 70 gendarmes ; aujourd’hui, en cas de prise d’otages de masse, plus de 250 personnels, formés à l’identique et possédant la même capacité d’intervention, seraient disponibles.

L’année écoulée a également été riche en termes de réflexions : nous avons participé aux travaux du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale ; nous avons été audités dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, la RGPP.

Le projet de loi de finances pour 2009 s’inscrit dans le cadre de la politique générale de maîtrise des dépenses publiques ; nous participerons à cet effort gouvernemental et collectif.

En 2009, le plafond d’emplois de la gendarmerie est de 99 509 équivalents temps plein (ETP), soit une baisse de 1 625 ETP sous l’effet de deux phénomènes. D’abord, nous participons à l’effort collectif de non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, soit 1 246 ETP en moins – 771 suppressions nettes et 475 au titre de l’extension en année pleine des mesures décidées en 2008. En outre, des transferts d’effectifs sont prévus, majoritairement au profit de programmes du ministère de la défense : au total, 379 ETP sont concernés, dont les 298 ETP de la gendarmerie de l’armement transférés du programme 152 au programme 146, dont le directeur de programme est le délégué général pour l’armement et 48 ETP de la gendarmerie de la sécurité des armements nucléaires. En 2009, nous poursuivrons le mouvement interne, amorcé cette année, de recentrage, par transformation d’emplois, des gendarmes sur leur cœur de métier. Historiquement, la gendarmerie était monolithique, avec un statut unique, y compris pour les fonctions non opérationnelles – soutien, administration et logistique. En 1997, par souci d’économie, nous avons créé un corps de soutien, alimenté par substitution d’emplois, de manière à réserver le statut de gendarme aux fonctions opérationnelles. Depuis, les fonctions de back-office ont vocation à être tenues par des militaires du corps de soutien ou par des personnels civils, ce qui est bien plus rationnel et économique. En effet, le militaire sous statut de gendarme coûte plus cher : il est logé par nécessité absolue de service et perçoit une indemnité de sujétion spéciale de police. Ainsi, 600 postes d’officiers et de sous-officiers de gendarmerie affectés en état-major central ou régional seront transformés en 300 postes d’officiers du corps technique et administratif et de sous-officiers du corps de soutien, auxquels s’ajoutent 300 postes de personnels civils. À compter du 1er janvier 2009, nos personnels civils seront recrutés par le ministère de l’intérieur mais nous conserverons nos personnels civils déjà intégrés. Ce plan global de transformation de postes s’échelonnera sur dix ans. À échéance, la gendarmerie comptera 6 000 militaires du corps de soutien et 6 000 civils, pour respectivement 4 500 et 2 000 aujourd’hui.

Les rémunérations et charges sociales, hors pensions, progresseront en raison de l’hypothèse retenue d’augmentation de 0,8 % du point d’indice de la fonction publique et de la mise en œuvre de mesures catégorielles. Dans le contexte actuel d’économies, ces mesures sont essentielles pour garantir la sérénité du gendarme. Lorsque le Président de la République a annoncé que la gendarmerie rejoindrait le ministère de l’intérieur, en corollaire, il a manifesté la volonté que le gendarme conserve son statut militaire et que la condition du gendarme soit équilibrée par rapport à celle du policier. Le rapport sur la parité globale police-gendarmerie, remis au Gouvernement après validation par les deux directeurs généraux, exprime à cet égard plusieurs préconisations dont deux sont prises en compte dans ce projet de budget.

Premièrement, un effort indiciaire sera réalisé au profit des gendarmes, officiers comme sous-officiers, en prenant comme référence l’application du plan corps et carrières de la police nationale, qui arrivera à échéance en 2012. L’objectif est de parvenir à un équilibre global d’ici 2012. Après « bleuissement » par Matignon fin novembre 2007, le Gouvernement a même étendu le principe de nouvelles grilles à l’ensemble de la communauté militaire. Il n’y a donc pas de disjonction entre les armées et la gendarmerie. Le ministère de la défense prévoit de réaliser ces grilles dans les trois ans à venir. La première annuité pour la gendarmerie figure dans ce projet de budget, à hauteur de 11,4 millions d’euros.

Deuxièmement, des mesures catégorielles doivent quelque peu accélérer le rythme de carrière du gendarme, notamment en repyramidant le corps des sous-officiers. Ce rééquilibrage par rapport à la police nationale passe par une révision de la cible physique du plan d’adaptation des grades aux responsabilités exercées, le PAGRE, engagé en 2005. Un effort financier de 20 millions d’euros est proposé pour financer l’annuité 2009. La mise en œuvre du PAGRE doit s’achever en 2012, ce qui est cohérent avec la poursuite des objectifs assignés par le chef de l’Etat dans le cadre de la parité globale entre la gendarmerie et la police.

Comme je l’ai dit à Mme la ministre, outre la nécessité de disposer des moyens de remplir notre mission au profit de nos concitoyens, une des priorités consiste à garantir la sérénité des gendarmes en rééquilibrant leur condition par rapport à celle des policiers.

Les crédits de fonctionnement s’élèveront à 988 millions d’euros avant transfert de 54 millions d’euros principalement au titre de la compensatoire SNCF. La loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, la future LOPPSI, nous fait bénéficier d’un « resoclage » de 30 millions d’euros en fonctionnement.

Au total, la hausse de nos crédits de fonctionnement s’élève à 77 millions d’euros. L’effort est notable compte tenu de la progression des dépenses de l’État mais contraint au regard de l’évolution des missions nouvelles qui nous sont confiées – en métropole, outre-mer et à l’étranger – ou à l’évolution de coûts sur lesquels nous n’avons aucune prise, notamment celui des carburants. L’exemple de l’opération Harpie, conduite cette année en Guyane, est symptomatique : elle a coûté 3 millions d’euros dont 1,5 million d’euros de surcoût ; si nous la reconduisons – et c’est probable –, cela nous coûtera à nouveau 3 millions d’euros sur six mois. De surcroît, je ne suis pas sûr que la levée de la réserve dont nous avons bénéficié en exécution depuis 2006 soit acquise en 2009. Optiquement, la hausse des crédits est de 77 millions d’euros, mais nous serons soumis à des contraintes.

Les crédits de fonctionnement alloués hors fonctionnement courant s’élèveront à 61 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 65 millions d’euros en crédits de paiement, ce qui nous permettra d’acquérir du matériel nécessaire à la sécurité de nos gendarmes : nouvelles tenues de maintien de l’ordre, équipements de protection individuels et munitions pour les armes à létalité réduite.

Les crédits d’investissement, hors AOT – autorisations d’occupation temporaire –, s’élèveront à 288 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 311 millions d’euros en crédits de paiement. Ils nous permettront de renouveler une partie des matériels atteints par les critères de réforme, notamment les véhicules, et de poursuivre l’acquisition de matériels améliorant la protection de nos personnels : visières pare-balles pour casque de maintien de l’ordre et gilets pare-balles.

De plus, 7,3 millions d’euros seront affectés à la vidéoprotection et 3,1 millions d’euros à l’acquisition de lecteurs automatiques de plaques d’immatriculation, les LAPI.

En outre, nous améliorerons la qualité de la relation avec nos concitoyens en déployant des téléservices au profit des usagers pour un montant de 2 millions d’euros et en dématérialisant les contraventions des quatre premières classes pour un montant de 1,5 million d’euros. Dans le même esprit, les brigades de gendarmerie de dix départements expérimentent une boîte aux lettres Internet qui offre aux citoyens la possibilité de contacter la gendarmerie et d'obtenir des réponses à leurs questions ; les premiers retours de ce nouveau mode de communication sont bons. Quant au pré-dépôt de plainte en ligne, qui fera gagner du temps aux plaignants comme aux forces de l’ordre, il sera expérimenté dans deux départements.

Les principaux programmes d’infrastructure permettront de poursuivre les opérations de maintenance et de construction, avec la mise en chantier de 382 équivalents unités logements, EUL, et une opération sous financement AOT concernant une caserne située à Mulhouse et comprenant 70 EUL.

Le projet de loi de finances pour 2009 pour le programme 152 sera le premier rattaché au ministère de l’intérieur ; cette évolution constitue un changement majeur pour notre institution. L’année qui s’annonce sera aussi celle de la mise en place de nombreuses réformes. Nous nous emploierons à faire en sorte que les bons résultats engrangés en 2007 et 2008 se confirment.

M. le président Guy Teissier. Ne craignez-vous pas que des tiraillements apparaissent entre les gendarmes affectés à des missions strictement militaires et ceux affectés à des missions de nature plus policière ?

M. Alain Moyne-Bressand. Nous nous félicitons que le Président de la République ait à nouveau nommé un général à la direction générale de la gendarmerie nationale, ce qui, avant le général Parayre, n’avait plus été le cas depuis très longtemps.

Je vous félicite au passage pour l’efficacité de notre gendarmerie dans l’affaire du petit Valentin, qui s’est produite dans ma région.

Un journal a dernièrement annoncé des fermetures de casernes. S’agit-il d’une fuite organisée ou d’une nouvelle farfelue ? De telles informations par voie de presse produisent toujours de l’émoi dans nos campagnes, surtout lorsque les parlementaires ne sont pas au courant.

Le rattachement fonctionnel et organique de la gendarmerie au ministère de l’intérieur provoque le transfert de la responsabilité de l’essentiel des crédits. Des unités spécialisées de la gendarmerie, comme la gendarmerie de l’armement, demeurent toutefois dans le périmètre défense. Quelle est la traduction budgétaire de cette situation et quels sont les montants concernés ?

Certains soutiens – soutien sanitaire, entretien des hélicoptères – seront assurés par la défense ou en partenariat avec elle. Donneront-ils lieu à des transferts budgétaires ? Comment seront-ils réorganisés ou redéfinis ?

Le projet de budget intègre également diverses mesures concernant les personnels ou les équipements liées à la future LOPPSI. Le Parlement n’est pas encore saisi de ce texte. Or, le projet de budget en tient compte. Quand sera-t-il examiné ?

En matière d’équipements, aucun crédit n’est prévu pour le renouvellement des blindés ni pour l’affermissement de la tranche prévisionnelle d’hélicoptères. Tout le monde s’accorde à dire que les blindés de la gendarmerie, utiles en opérations extérieures et outre-mer, sont à bout de souffle. D’ailleurs, un blindé basé à la Réunion ayant été projeté à Mayotte en mars dernier, ne serait-il pas opportun de fixer un certain nombre de ces équipements sur ce territoire ? Le format des moyens en hélicoptères de la gendarmerie, dont l’intérêt n’est plus à démontrer, a été établi pour répondre aux besoins tout en tenant compte des contraintes techniques et réglementaires. De plus, un protocole permet de mettre un certain nombre d’heures de vol à la disposition de la police. Comment répondre aux besoins si l’équipement en appareils biturbines est différé ?

M. Michel Voisin. Je suis inquiet quant au maintien du statut militaire des gendarmes. En matière d’ordre public, la gendarmerie est employée sur réquisition. Placer les gendarmes sous la compétence du préfet entraînera une rupture de la chaîne de subordination. Par ailleurs, la comparaison entre policiers et gendarmes mènera inéluctablement, à terme, à l’instauration d’un système de représentation des gendarmes. Je doute sérieusement de la pérennité du statut militaire des gendarmes.

Un décret de l’été 2004 prévoit que les élus locaux, notamment les maires, soient informés de ce qui se passe dans leur commune. On dit souvent que ce texte n’est pas respecté mais je mettrai un bémol : pour les sapeurs-pompiers, c’est pareil.

M. Christian Ménard. Quand la décision concernant les écoles de gendarmerie sera-t-elle rendue publique ? Quelles seront les conséquences financières de cette restructuration, sachant que l’activité des quelques écoles restantes doublera ?

Pourquoi le GIGN n’est-il pas intervenu dans l’affaire du Carré d’As, alors qu’il l’avait fait dans celle du Ponant ?

M. le général Roland Gilles. Je vous remercie, monsieur Moyne-Bressand, pour votre hommage à la gendarmerie à propos de l’affaire du petit Valentin. Même si nous sommes encore en échec en ce qui concerne le petit Antoine, à Issoire, nous avons récemment résolu cinq lourdes affaires d’homicide, chacune en moins d’une semaine, au terme d’un travail d’investigation énorme et au moyen de techniques comme la recherche et l’analyse d’ADN.

L’identité du gendarme est au cœur de nos préoccupations. Je dois effectuer ce transfert vers le ministère de l’intérieur en faisant en sorte que, au-delà du 1er janvier 2009, la gendarmerie continue de remplir sa mission avec efficacité et le gendarme ne ressente pas d’état d’âme. La solde n’est du reste pas le seul élément contribuant à la sérénité et à l’épanouissement du gendarme.

Les gendarmes se sentent confortés par les propos du Président de la République selon lesquels la dualité à la française des forces de sécurité doit perdurer, chacune des deux forces étant appelée à conserver son identité. Le gendarme n’éprouve pas de grande crainte, sous réserve que deux conditions soient réunies : il doit disposer de moyens de fonctionnement suffisants pour répondre aux sollicitations du public ; son engagement doit être reconnu à travers un rééquilibrage de sa condition par rapport à celle du policier.

La continuité de la gendarmerie sera conditionnée par la future loi. Plus de 200 ans après la loi ancienne, il vous reviendra de définir ce que sera la gendarmerie de demain. Dans le projet de loi, les principaux piliers du temple sont réunis dans un corps d’articles ramassé. Le premier article tend à confirmer que la gendarmerie est une force armée, ce qui implique réactivité et capacité à monter en puissance, y compris dans les enquêtes judiciaires. Notre doctrine d’engagement pour le traitement en temps de paix des grands rassemblements de foule est un héritage de la communauté militaire. Un autre article tend à statuer sur les responsabilités des ministres à l’endroit de la gendarmerie. À ce titre, la mission judiciaire, qui représente 40 % de l’activité de la gendarmerie, n’est pas neutre.

Nous devons prendre en compte les évolutions de la société et de la mentalité des gendarmes. La gendarmerie ne survivrait pas à la création de syndicats car la communauté militaire est une et indivisible. Il n’en demeure pas moins que la concertation interne doit évoluer et, avec le général Parayre, nous nous y sommes employés. Chaque gendarme, lorsqu’il allume son ordinateur, se voit proposer des espaces de dialogue avec la direction générale sur l’intranet, et des colonels et des généraux valident des réponses au quotidien ; c’est une innovation à l’échelle de toute la fonction publique. Je suis également en discussion avec les deux ministres en vue de faire évoluer les instances de concertation. Le ministre de l’intérieur, chargé du budget, devra exercer sa responsabilité devant les gendarmes. La présidence du CFMG, le Conseil de la fonction militaire de la gendarmerie, doit être réexaminée. Si nous avons l’intelligence de faire jouer la concertation, nous avons en main tous les ingrédients pour que la gendarmerie ait de l’avenir.

S’agissant des restructurations, je vous assure que je n’ai organisé aucune fuite dans la presse. Peut-être évoquez-vous une note interne de Matignon au sujet des écoles de la gendarmerie. Mme Alliot-Marie, en plein accord avec Matignon, annoncera dans quelques jours les décisions concernant le format de nos écoles. Celui-ci est trop important depuis que, à la suite de la chute du Mur de Berlin, dans les années 90-95, nous avons récupéré des garnisons, des écoles, abandonnées par nos camarades des forces armées. La RGPP nous impose de fermer trois ou quatre établissements, sans pour autant mettre en échec nos besoins de formation.

Compte tenu de la politique des effectifs envisagée pour les trois prochaines années – transformations d’emplois, davantage de personnels civils, davantage de personnels du corps de soutien, moins de gendarmes –, nos flux de recrutement vont baisser, passant de 3 000 à 1 750 sous-officiers, avant de remonter à 3 000 à partir de 2013. Mme Alliot-Marie annoncera en fin de semaine ou la semaine prochaine la liste des écoles ayant vocation à être fermées. D’ailleurs, ces fermetures permettront, par redéploiement des personnels, d’absorber en partie la réduction imposée des effectifs pour 2009.

Une caractéristique essentielle de la gendarmerie, son maillage territorial, ne sera pas touchée. Aucun de ses principes d’organisation et de fonctionnement n’est remis en cause. Des ajustements ont toujours été opérés et il n’est pas question d’aller au-delà aujourd’hui. Pour récupérer des effectifs, je propose à Mme Alliot-Marie d’obtenir des gains partout où c’est possible, notamment en identifiant des gardes statiques inutiles, qui immobilisent plusieurs centaines de gendarmes. Après le général Parayre, je suis parti à l’assaut des bénéficiaires de ces gardes, avec de bons résultats. Au ministère de la défense, M. Morin s’est défait d’une bonne partie des gendarmes qui assuraient la garde de l’hôtel de Brienne, en externalisant la prestation et en recourant à la vidéosurveillance. Le Conseil constitutionnel a accepté de rémunérer ses sept ETP sur ses fonds propres. Il en est de même pour l’hôtel de Castries. La garde de l’îlot Saint-Germain a été réduite des trois quarts. En ce qui concerne le Palais du Luxembourg et le Palais Bourbon, nous sommes en discussions !

M. le président Guy Teissier. Je propose que vous répondiez à M. Moyne-Bressand par écrit, de manière à ce que mes autres collègues puissent vous interroger.

M. Christophe Guilloteau. Si vous ne pouvez pas répondre à ma question aujourd’hui, j’aimerais que vous le fassiez par écrit. Des investissements significatifs sont prévus à Issy-les-Moulineaux mais aussi dans le Rhône. Le cabinet du ministre m’a confirmé hier que l’appel d’offres a retenu un petit groupement d’entreprises mais il est regrettable qu’une société australienne qui subit la crise boursière soit choisie comme support financier d’un projet de 450 millions d’euros. Vous n’êtes peut-être pas le mieux placé pour répondre mais ne pensez-vous pas que vos amis du génie, dans cette affaire, vous ont fait un mauvais procès ?

M. le général Roland Gilles. Je prends note de votre question. Le comité de pilotage s’est réuni il y a quinze jours ou trois semaines. Une réponse écrite vous sera transmise.

M. Patrick Beaudouin. Je vous poserai trois questions à propos du lien armée-Nation.

En 2008, le nombre de réservistes du ministère de la défense baissera. Votre projet de budget prévoit que le nombre de réservistes de la gendarmerie passera de 25 000 à 26 000 en 2009, avec une dotation chutant de 49 à 41 millions. Comment comptez-vous faire ?

En juillet, dans une interview au Figaro, vous évoquiez l’augmentation des populations à sécuriser par la gendarmerie – passant de 23 millions en 1975 à 35 millions en 2015 – et l’utilisation de l’Internet ainsi que l’expérimentation d’un portail virtuel afin de rechercher le maximum de productivité avec des effectifs stables. Pouvez-vous nous en dire un mot ?

Quelles conséquences tirez-vous de l’extension du contenu de la JAPD, la journée d’appel de préparation à la défense, à la sécurité intérieure ? Un certain nombre de sites vont fermer. Le directeur du service national envisage de se tourner vers l’éducation nationale mais aussi éventuellement vers la gendarmerie. Qu’en pensez-vous ?

M. le général Roland Gilles. À propos de la JAPD, je vous propose de vous adresser une réponse écrite à très brève échéance.

S’agissant des réservistes, la politique et les objectifs sont inchangés. Dans les départements, les réservistes apportent un plus important. Le montant de 41 millions représente une reconduction nominale des crédits alloués en 2008 pour faire travailler nos réservistes, dont le nombre passera de 25 000 à 26 000. Nous voulons maintenir l’attrait pour la réserve, ne pas décourager ceux qui frappent à notre porte, quitte à réduire un peu le nombre annuel de jours d’activité par réserviste.

La gendarmerie virtuelle constitue une aptitude nouvelle offerte aux usagers internautes, en lien avec toutes les brigades de gendarmerie, indépendamment du pré-dépôt de plainte en ligne.

Compte tenu des autorisations d’engagement et des crédits de paiement dont nous disposerons dans les deux ou trois prochaines années, nous devons différer la réalisation des deux programmes concernant les hélicoptères et les engins blindés.

Nous ne pouvons confirmer la tranche conditionnelle de vingt-cinq EC-135 mais il n’y aura pas de préjudice opérationnel car nous ferons durer plus longtemps l’entretien de nos Écureuils, dont la possibilité de renouvellement sera repoussée à 2011 voire au-delà.

Concernant les engins blindés, utilisés à l’interface de missions policières et militaires dans le haut du spectre de la crise, je n’ai pas la possibilité budgétaire de confirmer un marché qui était envisagé à brève échéance ; je dois le reporter d’au moins trois années et conserver en état de fonctionnement, au sein de pôles de disponibilité de ces matériels, une cinquantaine de véhicules blindés à roues de la gendarmerie (VBRG), actuellement déployés en Nouvelle-Calédonie, en Corse, à Satory et au Kosovo. Pour la Géorgie, avec l’aide de l’armée de terre, nous avons bénéficié pour nos quarante-cinq gendarmes d’une dizaine de petits véhicules protégés.

Ces deux programmes sont donc différés mais notre capacité opérationnelle est maintenue.

M. Jean-Claude Viollet. Je ne reviendrai pas sur les questionnements relatifs à la chaîne de commandement et au maintien de la pleine opérationnalité de la gendarmerie, tant dans sa mission défense que dans sa mission sécurité. Ce n’est pas seulement une question de statut. Il nous faudra être vigilants.

Vous avez évoqué des réflexions en cours concernant le format des écoles et le nombre d’escadrons de gendarmerie mobile, voire le nombre de brigades territoriales. Il faut jouer cartes sur table. La réforme est sans doute nécessaire mais, pour passer, elle doit être non pas subie ou consentie mais partagée. Cela vaut pour l’institution elle-même mais aussi pour les territoires.

S’agissant des hélicoptères, il se dit que le ministère de l’intérieur réfléchit à la mutualisation des moyens, voilure tournante, qu’ils soient bleu, blanc ou rouge. La commission de la défense doit être vigilante en ce qui concerne le maintien du contrat opérationnel correspondant aux missions gendarmerie. Veillons à ce que le parc ne soit pas cannibalisé pour d’autres usages.

M. le général Roland Gilles. Le ministère de l’intérieur dispose d’une flotte bleue et d’une flotte rouge. Il a été acté que leurs vocations sont différenciées : la flotte rouge joue un rôle de secours en première intention ; la flotte bleue, la nôtre, a une mission de sécurité. En 2007, la gendarmerie a effectué 17 000 heures de vol pour répondre aux besoins en matière de sécurité. La police nationale ne possédant pas un seul aéronef, nous lui avons ouvert un premier droit de tirage de 300 heures en 2007 puis de 800 heures en 2008. Les crédits d’entretien nous permettraient d’aller jusqu’à 20 000 heures de vol environ. Avec la sécurité civile, nous suivons un principe de non-fongibilité des deux flottes afin de ne pas mélanger les identités, de ne pas risquer un brouillage entre missions et de ne pas devoir démonter en permanence les équipements complémentaires de secours ou de police, ce qui détériorerait le matériel et réduirait notre réactivité. Il n’en demeure pas moins qu’un rouge, en deuxième intention, peut prêter assistance à un bleu.

M. Philippe Folliot. J’espère que l’intégration de la gendarmerie au sein du ministère de l’intérieur permettra de résoudre le problème des secours en montagne en zone gendarmerie, dans lesquels interviennent aussi la sécurité civile et les CRS.

En ce qui concerne le spectre des moyens d’intervention, que deviennent les pelotons d’intervention interrégionaux de gendarmerie (PI2G), et les groupes des pelotons mobiles (GPM) ? Plus généralement, quel sera le dimensionnement de la gendarmerie mobile ? Le nombre d’escadrons supprimés sera-t-il plutôt de huit ou de quinze ?

M. le général Roland Gilles. Même si chacun s’efforce d’occuper le terrain et de valoriser sa présence, l’architecture des secours en montagne n’est pas remise en cause, j’en discutais encore avant-hier avec le directeur de la sécurité civile. Conformément à la tradition, la gendarmerie assure aux côtés des autres services de l’État le secours dans les deux massifs montagneux, Alpes – avec exclusivité sur le Mont Blanc – et Pyrénées. Nous avons simplement abandonné la présence d’un hélicoptère en renfort saisonnier hivernal et estival sur quatre sites, la sécurité civile prenant le relais.

Les PI2G d’Orange et de Toulouse offrent une posture de sécurité très forte à proximité des centrales nucléaires ; ces unités sont prépositionnées de manière à pallier, le cas échéant, le délai d’arrivée du GIGN.

Nous devons faire face à une réduction des effectifs des escadrons mobiles et des brigades territoriales. Il s'agira notamment de donner suite à la décision du comité interministériel de la RGPP de transférer, d’ici deux ou trois ans, la charge des centres de rétention administrative de la gendarmerie vers la police aux frontières, ce qui libérera 853 ETP, soit sept escadrons.

Au-delà, je répète que le principe du maillage territorial et sa densité n’ont pas à être revus.

M. le président Guy Teissier. Je vous serais reconnaissant de répondre par écrit aux deux collègues qui vous ont posé des questions nécessitant un peu de recul. Je vous remercie.

La séance est levée à douze heures cinquante

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