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Commission de la défense nationale et des forces armées

Mercredi 15 octobre 2008

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 9

Présidence de M. Philippe Vitel, vice-président, puis de M. Guy Teissier, président

– Audition des représentants des syndicats des personnels civils de la défense, sur le projet de loi de finances
pour 2009

Audition des représentants des syndicats des personnels civils de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2009

La séance est ouverte à dix heures

M. Philippe Vitel, remplaçant le président Guy Teissier. Mes chers collègues, nous accueillons aujourd’hui, pour cette première audition de la matinée, les représentants des syndicats des personnels civils de la défense, à qui je souhaite la bienvenue au nom des membres de la commission.

Cette année, nous nous livrons à un exercice particulier : nous examinons non seulement le projet de loi de finances pour 2009, mais aussi la loi de programmation des finances publiques, désormais organisée selon un rythme triennal. En outre, les décisions que nous devons prendre devront s’articuler avec les dispositions de la loi de programmation militaire, dont nous espérons pouvoir examiner le projet avant d’attaquer la discussion budgétaire. Le Président de la République et le Gouvernement se sont engagés en ce sens.

Le projet de budget pour 2009 tire les premières conséquences des préconisations du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Il tient également compte de la réorganisation du ministère de la défense effectuée dans le cadre de la révision générale des politiques publiques. En effet, la diminution des effectifs qui en résulte devrait s’accompagner d’une revalorisation de la condition des personnels de défense, qu’ils soient civils ou militaires.

M. le président Guy Teissier. Sans attendre, je donne la parole à M. Goulm, représentant de Force ouvrière.

M. Gilles Goulm. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, merci de nous recevoir. Permettez-nous tout d’abord de noter que ce projet de budget s’inscrit dans une période particulièrement difficile pour les personnels de la défense – qu’ils soient civils ou militaires, d’ailleurs. En effet, l’application de la révision générale des politiques publiques se traduit par 54 000 suppressions d’emplois. En outre, dans le cadre du Livre blanc rendu public le 24 juillet, le ministre a précisé, le 31 juillet, le nombre de sites – plus de trois cents – concernés par une fermeture ou une réorganisation d’ici à 2012. Une fois de plus, la composante civile est touchée, puisqu’elle devrait connaître à terme environ 20 000 suppressions d’emplois. Or, en l’espace de douze ans, ses effectifs sont déjà passés de 145 000 à 72 000 personnes. M. Morin a eu beau déclarer, lors de sa rencontre avec les organisations syndicales, que le ministère était récompensé de ses efforts, les suppressions de postes sont donc, à ce jour, la seule « récompense » qu’entrevoient les personnels civils.

Nous sommes particulièrement dubitatifs en ce qui concerne la réalisation du budget 2009, dans la mesure où il ne pouvait être tenu compte, lors de son élaboration, de l’actuelle crise financière. Ainsi, pour atteindre l’équilibre, le ministère a inscrit une recette exceptionnelle de 1,6 milliard d’euros, dont 1 milliard issu de la vente d’actifs immobiliers et 600 millions de celle d’une fréquence hertzienne. Nous sommes dans l’expectative, le Président de la République ayant déjà déclaré qu’un effort serait réalisé en faveur de la cession d’immobiliers pour l’euro symbolique. Comment le ministère de la défense pourrait-il donc vendre, dès 2009, pour 1 milliard d’euros d’actifs immobiliers ? Cela paraît impossible, d’autant que l’on ignore encore quels seront les actifs concernés. On ne peut donc espérer cette recette avant 2010 ou 2011.

M. le président Guy Teissier. Pardonnez-moi de vous interrompre, mais comment justifiez-vous ce raisonnement ?

M. Gilles Goulm. Connaissant la mécanique budgétaire de notre pays, il est difficile d’imaginer que le ministère de la défense puisse se voir rétrocéder, dès 2009, le fruit de ventes immobilières réalisées la même année – d’autant qu’elles n’ont pas encore commencé. Dans de pareils cas, l’État bénéficie du fruit de ces ventes un an, voire deux ans après qu’elles ont été conclues.

M. le président Guy Teissier. Je vous donnerai une réponse.

M. Gilles Goulm. Depuis des années, nous dénonçons le déséquilibre entre effectifs militaires et civils sur les fonctions de soutien. Cependant, et en dépit de nos revendications répétées, nous n’avions pas connaissance de chiffres précis en la matière : ils n’apparaissaient pas dans les documents de préparation budgétaire. Mais nous savons aujourd’hui que la révision générale des politiques publiques concerne 188 000 personnes, dont 72 000 personnels civils – en deçà de la masse salariale inscrite au budget 2008. Or la RGPP ne concerne que le soutien, l’opérationnel relevant du Livre blanc. Il en résulte que 116 000 militaires sont positionnés sur des fonctions de soutien, ce qui, dans une armée professionnelle, constitue une hérésie. Nous connaissons les origines d’une telle situation : la professionnalisation ne s’est pas effectuée dans les meilleures conditions, et les armées ont dû remplir leurs missions avec les agents qu’on leur permettait de recruter, c’est-à-dire, en règle générale, du personnel militaire et non civil.

Bien entendu, nous ne disons pas qu’il faut supprimer un nombre encore plus grand de postes militaires. Nous sommes en revanche prêts à discuter de reconversions – y compris internes – de postes militaires en postes civils. Quoi qu’il en soit, le budget pour 2009 est loin de permettre de rétablir l’équilibre entre ces deux composantes. Le ministre nous dit que 60 % des effectifs du ministère étaient positionnés sur des fonctions de soutien, ce qu’aucune entreprise ne pourrait supporter. Soit. Mais il oublie que 65 % de ces effectifs sont des militaires, dont une part n’est jamais envoyée en opération extérieure. Nous réclamons depuis plusieurs années un bilan sur cette question : qu’est-ce qui relève exactement du soutien opérationnel, d’une part, et du soutien aux Forces, d’autre part – lequel doit, à notre sens, être effectué par des personnels civils – ?

Enfin, le projet de budget pour 2009 remet à l’ordre du jour l’interdiction d’embaucher des ouvriers d’État, ce qui ne peut nous satisfaire. Nous savons que la mécanique de la LOLF implique pour l’État de consacrer à ses équivalents temps plein la masse salariale la plus contrainte possible – c’est-à-dire, pour être clair, de payer le moins possible ses salariés. Nous sommes donc loin des discours s’attachant à prendre en compte le pouvoir d’achat des personnels. Il est regrettable que M. Morin ne fasse pas comme son prédécesseur, qui avait permis l’embauche d’ouvriers d’État afin de prendre en compte la technicité du ministère.

Ma conclusion portera principalement sur le Livre blanc, dont nous savons qu’il aura des conséquences importantes sur la réalisation des programmes – je pense notamment au report de la commande d’un deuxième porte-avions. Nous sommes inquiets, notamment s’agissant de l’avenir d’entreprises telles que la DCNS et Nexter. Bien sûr, il ne nous appartient pas de juger la politique de défense de la France. Mais le ministre doit rassurer les personnels de la défense, notamment au sujet du plan de charge de ces deux établissements.

M. le président Guy Teissier. S’agissant de la DCNS, je pense qu’il n’y a pas d’inquiétude à avoir. Il est vrai que nous n’avons aucune certitude au sujet du deuxième porte-avions : on ne nous dit pas que le projet est abandonné, mais pas non plus qu’il sera réalisé. Vous oubliez cependant que le marché des FREMM et des sous-marins Scorpène reste très porteur, notamment à l’export. En outre, le plan de charge est normal en ce qui concerne le Barracuda. J’ai justement rencontré hier le ministre pour discuter de problèmes industriels et d’exportation. Je ne peux pas parler des prospects en cours, mais je peux vous assurer qu’il n’y a pas lieu d’être inquiet.

S’agissant de Nexter, la situation est plus compliquée, je le reconnais. Reste que la société fait l’objet de convoitises de la part d’industriels nationaux ou européens en vue d’éventuelles alliances. La mariée n’est donc pas si laide ! En outre, le canon CAESAR fait partie de ce qui se fait de mieux en matière d’artillerie, et on peut s’attendre à ce qu’il connaisse également un grand succès à l’export. Enfin, Nexter tente de diversifier sa gamme en matière de véhicules blindés. L’entreprise a certes connu un moment difficile, mais l’État l’a bien aidée, notamment en décidant de doter l’armée du canon CAESAR dès l’année 2009, alors que la loi de programmation ne le prévoyait pas.

En ce qui concerne les ventes d’actifs immobiliers, je ne sais pas si le ministère pourra capitaliser la totalité de la somme prévue dès l’année 2009. Mais il dispose d’avoirs facilement valorisables – je pense notamment au foncier, bâti ou non bâti, situé à Paris ou dans la région parisienne, où il existe une forte demande. Un établissement financier s’occupera du portage des opérations. Il est réconfortant de savoir que, par mesure dérogatoire, les sommes obtenues ne subiront ni gel, ni report, et seront donc entièrement consacrées à la défense nationale. Nous pourrions dès lors être satisfaits si au moins la moitié du milliard prévu est encaissé par le ministère en 2009.

M. Bernard Cazeneuve. Votre raisonnement, monsieur le président, repose sur des éléments dont nous ne disposons pas. En tout état de cause, nous ne partageons pas tous votre optimisme.

Ainsi, vous évoquez pour la DCNS une perspective de commandes florissantes à l’exportation. Certes, des contrats portant sur des sous-marins – et comprenant à 85 % des transferts de technologie – sont en cours de négociation. Ils apporteront les devises que cette entreprise, qui tend à devenir hautement capitalistique, est en droit d’attendre. Mais la question des organisations syndicales – et la nôtre – porte sur l’emploi. Les plans de charge par établissement ont justement été présentés devant le comité d’entreprise de la DCNS, et plusieurs scénarios d’étalement des programmes ont été envisagés. Le programme Barracuda, par exemple, est confirmé par le Livre blanc, mais on sait qu’il a déjà pris six mois de retard. Or, quel que soit le scénario retenu – une commande tous les deux ans, tous les deux ans et demi ou tous les trois ans –, cet étalement aura des conséquences sur l’emploi dans les établissements. Il ne s’agit pas de dramatiser la situation, mais d’observer les faits, qui sont incontestables.

Par ailleurs, s’agissant de la vente des actifs pour un milliard d’euros, il reste à savoir dans quelle situation la crise que nous vivons laissera le marché immobilier, et dans quelles conditions seront négociés ces actifs.

M. le président Guy Teissier. Vous ne pouvez pas opposer ces arguments, mon cher collègue. Il s’agit de facteurs purement extérieurs, que nous ne pouvons pas maîtriser.

La parole est au représentant de la CFDT.

M. Jean-Jacques Manach. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, lors de notre audition par votre commission l’an passé, nous étions, comme dirait un marin, dans le pot au noir. Depuis, les affaires se sont précisées par la publication du Livre blanc, document bâti sur des considérations financières issues de la RGPP. Ce cheminement, qui a conduit le Premier ministre à présenter la nouvelle carte militaire le 24 juillet, s’est fait sans concertation sérieuse avec les organisations syndicales ni avec les agents qu’elles représentent.

Partant de ce constat, nous ne pouvons qu’apporter une analyse a posteriori, et elle sera sans complaisance. Nous l’avons dit et redit à maintes reprises : la CFDT est favorable à la modernisation de nos politiques publiques. Mais encore faudrait-il que celles-ci soient définies et construites avec ceux qui les mettent en œuvre, ce qui est loin d’être le cas.

En ce qui concerne l’aspect capacitaire, en voyant les hommes politiques si prompts à trouver des centaines de milliards d’euros pour sauver un système financier bancal, je ne peux m’empêcher de penser à nos soldats, qui subissent les déficits accumulés par des années de négligence. Certaines comparaisons font mal. Cet aspect des choses, soyez-en assurés, ne manquera pas d’être relevé par ceux qui garantissent chaque jour notre sécurité – même si, par nature, ils n’ont pas la parole.

La recherche effrénée d’économies de bouts de chandelle entraîne des situations surréalistes ; le ministère en est conduit à externaliser à tout va, perdant ainsi sa richesse humaine. J’y reviendrai.

Après les multiples restructurations des années passées, ce nouveau plan fait plus que tailler dans nos capacités : il en attaque le cœur, la partie dite opérationnelle de nos moyens. Celle-ci se réduit de plus en plus, au nom d’une logique que même la Grande Bretagne commence à abandonner, devant les surcoûts de plus de 30 % qu’elle entraîne pour certaines fonctions.

J’attire aussi votre attention sur le montant affecté aux OPEX qui, chaque année, est sous-évalué afin de faire rentrer le budget dans l’épure fixée par Bercy. L’année 2009 ne fera sans doute pas exception à la règle : comme chaque année, le surcoût sera dilué, dans le fonctionnement ou dans les programmes.

Pour ce qui ne relève pas de l’opérationnel, je ne prendrai qu’un exemple, celui de l’habillement. Dans ce domaine, l’État nie sa responsabilité sociale, car les uniformes sont fabriqués au Sri Lanka via une société belge, laquelle foule du pied les conventions fondamentales de l’OIT. Lorsque nous vous avons interpellé il y a deux ans sur ce problème, cela ne vous a pas ému outre mesure. Ce silence n’a pu qu’encourager ce patron voyou, puisqu’après avoir licencié 518 salariés, il s’acharne maintenant sur leurs représentants syndicaux. Une fois de plus, monsieur le président, nous vous demandons de faire cesser ces pratiques intolérables.

J’en viens maintenant à la RGPP, ou plutôt à ses objectifs de réduction d’emploi. Nous sommes bien loin de ses ambitions initiales consistant à revoir des politiques publiques afin de les moderniser et de les adapter aux besoins de nos concitoyens et de la nation.

La RGPP, aujourd’hui, c’est le non-remplacement d’un départ de fonctionnaire sur deux et l’externalisation maximale. C’est ainsi que le chiffre de 54 000 suppressions d’emplois – hors externalisations, s’entend – s’est retrouvé dans le Livre blanc. Les informations que nous avons pu recueillir révèlent pourtant l’impossibilité d’atteindre cet objectif, car le gouffre est énorme entre l’exercice comptable que représente l’audit RGPP et la réalité des faits. Cette obstination à atteindre un objectif inatteignable fait courir à notre appareil de défense un risque maximal. Elle aura des conséquences désastreuses, irrémédiables.

Ce projet apparaît de plus en plus comme un exercice hasardeux, car les coûts induits par les restructurations n’ont vraisemblablement pas été mesurés à leur juste niveau. Comme le prouvent les comparatifs que nous avons pu faire sur plusieurs établissements, au final, les gains espérés se transformeront très probablement en surcoûts.

Il est illusoire de croire que, demain, la suppression de 54 000 emplois au ministère de la défense dégagera des marges de manœuvre significatives pour la réalisation des équipements. Et ce n’est pas la future loi de programmation militaire qui nous fera changer d’avis : nous en avons trop connu qui n’étaient pas respectées. Je sais ce que vous allez nous répondre : cette fois-ci, ce ne sera pas la même chose. Mais c’est exactement ce que nous avons entendu les fois précédentes. Je ne fais pas ici le procès de votre bonne foi ; je mets simplement en exergue la fragilité d’un dispositif reposant sur les gains illusoires d’une pseudo-modernisation et d’une politique dans laquelle le dogme a pris le pas sur le rationnel et le pragmatisme.

Quant au dispositif d’accompagnement social, nous ne pouvons qu’être choqués par son caractère inégalitaire. En outre, si les mesures d’accompagnement social ont été « bleuies » par Matignon, leur réalisation reste conditionnée, entre autres, par le vote de la loi de programmation militaire. Compte tenu du calendrier parlementaire, nous doutons de la possibilité de les mettre en œuvre dès 2009.

Au-delà des mesures financières, nous attirons votre attention sur l’absence d’un reclassement cohérent des personnels civils au sein du ministère. Là encore, une véritable modernisation aurait dû se traduire par la mise en place d’une politique de gestion des emplois et des compétences, afin d’éviter l’exacerbation des corporatismes et la captation d’emplois de soutien non opérationnels par des militaires dont ce n’est pourtant pas le métier.

Dans ce domaine également, il faudra nous expliquer la logique de gain financier qui inspire votre politique, dès lors que l’on intègre, par exemple, le coût des pensions.

De même, dans un ministère dont l’objectif affiché est de parvenir à 40 % d’activité de soutien, comment arrive-t-on à une proportion d’un civil pour plus de trois militaires ? Où est la logique RGPP là-dedans ?

Il est vrai que le calendrier adopté pour la réforme ne s’embarrasse guère de telles considérations. Pour autant, cette frénésie à faire du chiffre entraînera son retour de bâton. Déjà, vous avez pu mesurer l’hostilité des personnels, qui ont manifesté le 11 octobre dans les rues de Paris. Mais vous aurez également à expliquer, en tant qu’élus de la représentation nationale, ce qui vous aura amené à voter un budget synonyme de moins de défense – et non de mieux de défense, comme cela devrait être le cas.

Le budget de la défense s’inscrit de fait dans la loi de programmation militaire. Or non seulement celle-ci n’a pas été examinée mais, pire, personne ne connaît son contenu ni quelles en seront les conséquences pour les ressources humaines du ministère de la défense. À lui seul, un tel manque de prospective ne peut que nous amener à juger négativement ce projet de budget.

M. le président Guy Teissier. La parole est au représentant de la CGT.

M. Yannick Malenfant. Cette traditionnelle audition se déroule dans un contexte inédit, puisque les crises financières et sociales dominent les esprits des salariés, et notamment ceux de la défense.

Le plan de sauvetage annoncé par le Président de la République, et que vous venez de voter, renforce encore un peu plus la logique des marchés financiers, dans laquelle le mal profond que nous subissons prend pourtant sa source. Ce plan ne traite pas des vrais problèmes économiques et sociaux ; il risque même de réduire les possibilités d’intervention de l’État dans un contexte où l’activité économique s’affaiblit et où les plans de licenciement se multiplient.

Nous tenons à le réaffirmer : cette crise financière résulte de la profonde récession sociale qui dure déjà depuis de nombreuses années. Pour en sortir, il faut promouvoir l’investissement productif, la formation professionnelle et l’emploi stable et bien rémunéré.

Depuis notre dernière audition devant cette commission, il y a un an, le Président de la République a présenté son fameux Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Ce document propose une nouvelle organisation de la défense, notamment à travers la réforme de l’ordonnance de 1959. C’est une refonte du code de la défense nationale avec l’adaptation du futur code de la sécurité intérieure.

Les institutions créées – tel le Conseil national du renseignement – sont toutes placées plus ou moins directement sous le contrôle du chef des armées. Nous dénonçons cette présidentialisation des fonctions clefs de la défense et de la sécurité nationale au détriment des ministères de tutelle.

L’été 2008 a été marqué par l’aggravation du climat international. Aujourd’hui, ce sont les armes qui parlent au détriment de solutions politiques et diplomatiques. Pourtant, il n’y a qu’à constater l’enlisement de la coalition américaine en Irak pour se convaincre que la guerre n’est pas la solution. Or, avec l’envoi de troupes françaises supplémentaires en Afghanistan, nul ne peut plus ignorer que notre pays est en guerre. Nicolas Sarkozy – et le Parlement, au travers d’un vote récent – ont donc choisi la voie de l’affrontement et d’une guerre impérialiste conduite sous la bannière américaine de l’OTAN.

La politique atlantiste de M. Sarkozy met gravement en péril le maintien et la recherche de la paix, le besoin de coexistence pacifique et d’amitié entre les peuples. Elle prépare en outre le terrain de la réintégration de la France dans la structure militaire intégrée de l’OTAN – une réintégration qui n’est pas porteuse d’idées pacifistes. La France s’honorerait plutôt à agir pour la dissolution de l’OTAN, vestige de la guerre froide, et à développer au contraire une culture de paix.

Le vendredi 26 septembre, pendant près d’une heure trente, le ministre de la défense a présenté aux fédérations syndicales le projet de loi de finances 2009 pour notre ministère. À cette occasion, Hervé Morin s’est montré égal à lui-même en le qualifiant de « très bon budget ». Mais pour la CGT, nous sommes loin, très loin du compte.

Comme vous le savez, ce projet de budget 2009 apparaît en hausse si l’on prend en compte les recettes exceptionnelles, issues de la vente de fréquences électromagnétiques, et surtout de la vente d’actifs immobiliers sur fond de regroupement du ministère à Balard. Les locaux parisiens du ministère seraient ainsi vendus à une société immobilière qui aurait ensuite la charge de les vendre pour son propre compte. Concrètement, il s’agit d’hypothéquer le ministère pour mieux équilibrer son budget. Cette prétendue hausse n’est donc due qu’à la vente de bijoux de famille et à des spéculations immobilières, ce qui est totalement scandaleux. Combien de casernes faudra-t-il fermer pour financer ce budget, alors que le conseil des ministres de ce lundi propose aux communes de les acquérir pour l’euro symbolique ?

Les orientations avancées dans le Livre blanc sont confirmées dans ce projet de budget pour 2009 : redéploiement territorial en bases de défense, renforcement du renseignement, augmentation des crédits pour l’espace et la dissuasion nucléaire.

Une part importante des crédits reste consacrée aux opérations extérieures. La France est en effet engagée dans une trentaine d’OPEX, et on observe chaque année un surcoût par rapport au budget prévisionnel. Ainsi, en 2008, les OPEX devraient avoir un coût de 833 millions d’euros, soit presque le double des 460 millions prévus. Dans le projet de budget pour 2009, elles sont provisionnées à hauteur de 510 millions d’euros, somme qui nous paraît un minimum compte tenu du vote récent du Parlement sur notre engagement en Afghanistan. La différence sera inévitablement prise sur d’autres programmes, sur l’équipement, comme cela se faisait par le passé, ou sur la masse salariale. Allez-vous vraiment voter un budget dont vous savez pertinemment qu’il n’est pas réaliste ?

Ce budget confirme aussi l’engagement de la France dans l’OTAN : la contribution financière de notre pays en faveur de l’organisation progresse de près de 10 %.

Enfin, la dissuasion nucléaire occupe une place encore plus importante – 23 % – dans des crédits d’équipement pourtant déjà en hausse. Elle représente un total de 3,90 milliards d’euros, soit presque 10 millions d’euros par jour. La CGT tient à dénoncer cette politique, car ce n’est pas la dissuasion qui protégera les militaires engagés en OPEX. Contrairement à ce que prétend le Président de la République, la dissuasion nucléaire n’est pas une assurance-vie pour la France.

D’ores et déjà, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale préconise l’étalement de nombreux programmes majeurs – Rafale, Barracuda, FREMM, sans parler du deuxième porte-avions. Une fois encore, les salariés de ces industries seront les premières victimes de ces orientations. Qu’en sera-t-il avec la loi de programmation militaire ?

Nous ne pouvons que dénoncer l’accélération du transfert des activités de maîtrise d’œuvre industrielle de l’État vers les entreprises, notamment en ce qui concerne le MCO, ainsi que la limitation des réalisations industrielles faites en régie interne étatique.

De même, nous ne pouvons qu’être inquiets sur l’avenir de DCNS, notamment suite à la volonté manifestée par le président Sarkozy de rapprocher DCNS des chantiers STX de Saint-Nazaire et au souhait du ministre de remplacer M. Poimbeuf par M. Boissier, ancien PDG des Chantiers. DCNS n’est pas à brader, pas plus que NEXTER ni SNPE, en dépit du projet élyséen Héraclès.

Il est donc urgent que l’on réponde positivement à notre revendication d’une conférence ministérielle sur les enjeux industriels.

Alors que le Livre blanc prétend donner un rôle plus important au Parlement, la loi de programmation militaire devrait être validée par le conseil des ministres le 29 octobre, ne laissant aux parlementaires qu’une semaine pour l’examiner avant le vote du budget, fixé au 7 novembre. Quelle démocratie !

Une fois de plus, le projet de budget valide la suppression de milliers d’emplois au sein de notre ministère. De 79 194 civils en 2008, on passe à 75 478 civils pour 2009. Et ce n’est pas le transfert des 1 700 civils de la gendarmerie à l’intérieur qui comble ce fossé – encore moins si l’on prend en compte la fermeture des écoles de gendarmerie récemment annoncée par la ministre de l’intérieur. Les 1 200 recrutements annoncés sont en réalité, pour la moitié d’entre eux, des transformations d’emplois, notamment de personnels militaires en personnels civils. Mais c’est tout l’art du ministre de faire gonfler les chiffres.

Il s’agit donc bel et bien d’un budget de rigueur, dans la lignée de ceux des années précédentes. D’ailleurs, les mesures d’amélioration de la condition des personnels civils sont, elles aussi, en baisse par rapport aux années précédentes. En matière de recrutement comme de conditions sociales, aucune mesure n’est programmée dans ce budget pour les ouvriers de l’État, qui, je vous le rappelle, représentent plus d’un tiers des effectifs civils de la défense. Seules les mesures de restructurations – donc relatives à la casse des établissements et de l’emploi – sont plus nombreuses.

Après les manifestations régionales du 18 juin, plusieurs milliers de salariés du ministère et des sociétés nationales ont manifesté dans les rues de Paris le 11 octobre, pour dire « non » au plan Morin et « non » à la casse de notre outil de défense. Les salariés de la défense rejettent les 54 000 suppressions d’emplois, motivées par une simple logique comptable ; ils rejettent la nouvelle carte militaire, mais aussi les orientations prises dans le cadre de la RGPP : nouvelles suppressions d’emplois, mise en place des bases de défense, externalisations.

Si ce budget devait être voté en l’état, ce sont plusieurs départements qui perdraient toute présence militaire. Déjà, la nouvelle carte militaire fait perdre plus de 1 000 emplois à vingt-cinq départements. Et à travers ces orientations, c’est le soutien aux forces qui est touché en priorité.

On encourage par ailleurs la participation de civils aux OPEX. Ainsi, à Gien, on a sollicité un civil pour monter des réchauffeurs de gas-oil sur les AMX 10 en Afghanistan. La CGT tient à réaffirmer son opposition à l’envoi de civils en OPEX, tout comme elle dénonce le recours à des sociétés militaires privées, qui risque pourtant de se développer avec la casse de nos établissements de défense nationale.

Depuis le 30 septembre, notre syndicat consulte les salariés sur le plan de restructurations du ministère annoncé le 24 juillet 2008. Une soixantaine de référendums ont déjà eu lieu dans autant de sites représentant environ 24 000 personnels. D’autres sont prévus dans les jours qui viennent. Or, à ce jour, plus de 94 % des salariés consultés ont répondu « non » au plan Morin-Sarkozy. C’est dire à quel point les personnels rejettent ce véritable massacre.

M. le président Guy Teissier. Toujours au nom de l’UNSA, la parole est maintenant à M. Jean-Yves Placenti.

M. Jean-Yves Placenti. Je ne reviendrai pas sur ce qu’ont dit avant moi mes confrères, qu’il s’agisse de la réalisation du budget, des ressources exceptionnelles ou de la sous-évaluation des OPEX – un problème récurrent depuis plusieurs années, en dépit des progrès réalisés.

L’UNSA-défense s’est permis d’envoyer, il y a quelques jours, au ministre une lettre ouverte dont je citerai certains extraits. Elle résume le sentiment général de notre organisation et ses attentes en ce qui concerne le budget de la défense pour 2009. Nous tenions à faire part au ministre de deux ou trois réflexions, dans l’espoir que, contrairement à ce qui s’est passé cette année, elles ne restent pas lettres mortes lors de la préparation du projet de budget 2010. Ces réflexions tournent autour des trois thèmes que l’UNSA-Défense a l’habitude d’aborder devant les responsables de la politique de défense : l’emploi, l’emploi des crédits et l’emploi des personnels.

L’UNSA-Défense n’a pas caché à M. Morin le peu d’enthousiasme des personnels à l’issue des annonces faites cet été. Je crains qu’il faille maintenant lui faire part de l’amertume des personnels civils que l’on pousse dehors afin de faire de la place aux militaires réintégrés dans les cadres civils de la défense. L’UNSA-Défense comprend très bien que le ministère de la défense ait des devoirs envers ses personnels militaires, et elle serait très mal placée pour tenir un discours tendant à condamner la politique volontaire de reconversion menée au profit des militaires. Au contraire : c’est une politique tellement remarquable que le ministre serait bien inspiré de l’étendre à tous ses personnels. Mais il n’apparaît pas sain de développer un jeu de chaises musicales qui a pour effet de marginaliser encore plus cette minorité que constitue la composante civile de l’administration de la défense, et d’en fragiliser la gestion.

Le ministre ne peut ignorer que les mesures de reclassement prises en faveur des militaires, pour justifiées qu’elles soient, sonnent comme des privilèges exorbitants dès lors que l’ensemble des agents de son département n’en bénéficie pas. Ainsi, pour prendre un exemple, pourquoi l’accession de sous-officiers à des postes d’encadrement supérieur serait-elle possible, dès lors que les intéressés détiennent un niveau de qualification jugé suffisant, alors qu’elle reste fermée pour les employés et les cadres de maîtrise civils disposant des mêmes qualifications ?

Pour ce qui la concerne, l’UNSA-Défense ne peut partager une conception de la réforme qui passe obligatoirement par une réduction homothétique des composantes civiles et militaires de nos armées et services. Comme vous le savez, depuis la LOLF, la maîtrise de la masse salariale importe plus que les effectifs. Après quelques passes d’armes et combats d’arrière-garde, l’administration a été contrainte d’admettre que les personnels civils sous statut coûtent moins cher que les personnels militaires – de l’ordre de 20 à 30 %. Moyennant quoi, pour préserver la paix sociale des états-majors, qui, plus que tout, détermine les grands équilibres de la défense, notre ministre continue à donner son quitus pour que les fonctions de soutien administratif soient assurées par des personnels militaires, dont une bonne partie n’aura jamais de vocation opérationnelle. Il s’apprête ainsi à confier à des militaires le commandement de quatre-vingt-sept bases de défense sur quatre-vingt-dix, et les informations dont l’UNSA-Défense dispose laissent penser que l’encadrement de ces services de soutien sera assuré par une majorité de militaires, laissant aux civils les tâches d’exécution. Au lieu de déployer une politique volontariste de promotion de la réserve parmi les personnels civils de la défense, on continue à donner aux états-majors l’illusion de régner sur des bataillons de militaires – de plus en plus administratifs, hélas ! – en échange de la réduction du format des unités de combat.

L’UNSA-Défense est persuadée que l’avenir de nos armées est lié à la dynamisation de leur composante civile, et non à la vision passéiste et corporatiste qui a seule droit de cité dans les états-majors – et donc au ministère.

Ainsi, pour l’UNSA-Défense, l’emploi public ne saurait être l’ennemi des réformes. En revanche, une inflexion des habitudes doit être donnée, qui ne pourra venir que du pouvoir politique.

Il appartient donc au ministre de la défense de mettre en œuvre cette réforme pour que les armées et services de notre ministère s’ouvrent, grâce aux économies dégagées par la réduction des effectifs militaires de soutien et la montée en puissance corrélative de la composante civile, les marges de manœuvre budgétaires nécessaires au maintien de la condition opérationnelle de nos forces.

On a vu couler bien des larmes de crocodile ces dernières semaines, lorsque dix de nos soldats ont subi, en Afghanistan, les dommages collatéraux de la politique menée depuis des années. Pour notre part, nous dénonçons depuis plus de dix ans la gabegie qui règne dans ce ministère. Au lieu d’équiper ses forces, on préfère développer les corps administratifs que l’on peuple de militaires, et ce pour un coût faramineux. Aujourd’hui, alors que dix de nos soldats se sont fait tuer, on pleure parce que l’on n’a pas été capable de les équiper. C’est d’une indécence ignoble.

M. le président Guy Teissier. L’indécence est partagée.

La parole est au représentant de la CGC.

M. Jean-François Munoz. Comme nous l’avions déjà expliqué en juillet, Défense-CGC est taxée depuis de nombreuses années, à tort, d’antimilitarisme primaire. Mais que constatons-nous après les annonces ministérielles du 24 juillet ? Si le concept de base de défense – quatre-vingt-cinq à quatre-vingt-dix unités d’ici à 2014 – va effectivement permettre d’améliorer la condition militaire sur les quatre points évoqués par le Haut comité d’évaluation – stabilité professionnelle, travail du conjoint, scolarité des enfants et accession à la propriété–, les personnels civils des sites transférés ou dissous vont, en revanche, connaître un véritable bouleversement de leur vie familiale et professionnelle. Le tribut payé par les personnels civils est encore trop lourd : 18 % de postes supprimés contre 13 % pour les militaires. En cas de refus de mobilité géographique, les civils connaîtront les pires difficultés à retrouver du travail dans leur bassin d’emploi, puisque la RGPP, appliquée aux trois fonctions publiques, réduit sérieusement leur horizon. D’ailleurs, quelle confiance accorder au ministère de la défense, lorsque celui-ci s’avère incapable d’aider les trente directeurs de la DSPRS à réaffecter leurs personnels avant la date fatidique du 1er janvier 2010 ?

Pendant ce temps, nos collègues militaires bénéficient non seulement des règles classiques de reclassement, mais aussi de mesures spéciales permettant de reprendre des postes civils au ministère. Notons que ces 400 à 500 postes annuels réservés aux militaires font passer la déflation civile de 13 000 à 16 000. Les 3 000 de différence, c’est justement la déflation de la DGA qui s’étalera sur six ans – laquelle va beaucoup peiner à recaser mes 200 collègues angevins, ainsi que les 200 ou 300 concernés sur les sites de Vernon, Brest et Gâvres à la fin des six ans.

La même inégalité de traitement s’observe s’agissant des mesures sociales. Les fonctionnaires et agents non titulaires verront ainsi les primes et indemnités qui leur seront éventuellement versées soumises intégralement à l’impôt sur le revenu.

Que dire du délai de cinq ans devant séparer la date effective de la démission et celle à partir de laquelle le fonctionnaire peut éventuellement liquider une pension de retraite pour bénéficier de l’indemnité de départ volontaire (IDV) ? Cette condition est scandaleuse, et nous demandons que le délai soit ramené à deux ans.

Sur les mesures de restructuration annoncées, Défense-CGC revendique d’obtenir sans délai la copie des arrêtés d’application concernant la prime de restructuration de service et l’IDV. Nous souhaitons également que les arrêtés dressant la liste des établissements restructurés paraissent dès maintenant. Une parution rapide de ces textes est nécessaire pour que les agents « restructurés » bénéficient des mesures d’accompagnement. Certains services commencent déjà à demander aux agents de bouger, ce qui risque de les exclure du dispositif présentement envisagé.

Bien entendu, nous demandons que tous les agents civils touchés par une restructuration soient systématiquement bénéficiaires des mesures d’accompagnement et qu’aucun service du ministère ne cherche – comme cela s’est déjà vu – à éluder le paiement des indemnités auxquelles les agents aspirent.

Nous demandons également que les postes transférés d’un établissement à un autre dans le cadre d’une restructuration soient ouverts, au moins pour un temps, aux seuls agents qui occupaient ces postes dans leur établissement d’origine.

Par ailleurs, nous demandons que les cadres civils ne soient pas délogés de leurs postes ou déclassés hiérarchiquement afin de favoriser un militaire qui arrive dans leur établissement, comme cela s’est trop souvent vu au cours des quinze dernières années.

Enfin, nous demandons que le ministère de la défense mette en place des mesures spécifiques pour les agents non titulaires en CDD. En effet, les textes interministériels les excluent délibérément, ce qui va conduire inévitablement à des situations difficiles. Même si le DRH de la DGA envisage un traitement spécial pour les cinquante CDD restructurés, comment accepter que l’ensemble des 2000 ingénieurs et 200 techniciens ICT ne bénéficient que de 1,5 % d’augmentation dans le cadre du budget 2009 ?

Défense-CGC refuse la suppression massive de civils de niveau trois – ouvriers et employés – et de niveau deux – techniciens et agents de maîtrise – au profit de militaires non opérationnels dans le soutien.

Nous ne réclamons pas de crédits supplémentaires, mais nous proposons au contraire des économies : en renonçant à la formation intensive de tous ces militaires de soutien non opérationnels – qui, de surcroît, doivent être reconvertis en fin de parcours ; en cessant le recrutement d’officiers sous contrats, linguistes, juristes, financiers ou chargés des ressources humaines, dont les spécialités relèvent des corps de fonctionnaires civils les plus courants ; en dégraissant le mammouth de la formation – les 23 000 formateurs civils et militaires des écoles terre, air, mer, alors que la DGA fermera les sites de Lorient (9 personnels), cédera le site de Latresnes (50 personnes) en 2009, vendra les implantations de Villebon et transférera Bourges en 2011 ; en arrêtant les affectations de complaisance, créées dans le but essentiel de permettre la perception de primes et d’indemnités par des personnels militaires – base de chasse sans avion pour justifier une prime de vol, service mis sous terre pour justifier la prime sous béton  ; enfin, en abandonnant les postes hiérarchiques tenus par des militaires des armes dans les services de soutien non projetables – SSF, SIMMAD, SIAé.

En conclusion, Défense-CGC demande une « civilianisation » à outrance, pour mieux rebondir dans dix ans et permettre aux 130 000 militaires opérationnels – 30 000 combattants et 100 000 en soutien opérationnel projetable – de disposer de matériels de pointe et bien entretenus, comme le préconise le Livre blanc. Actuellement, c’est l’inverse qui est envisagé : plus de civils en OPEX, et la suppression d’unités de combat.

M. le président Guy Teissier. La parole est maintenant à M. Yves Naudin, secrétaire général de la CFTC.

M. Yves Naudin. Samedi dernier, le 11 octobre, 7 000 agents civils de la défense, soit environ 10 % de l’effectif, se sont retrouvés, à l’appel de tous les syndicats ici réunis, pour manifester leur vive inquiétude à propos du quatrième plan de restructuration annoncé par M. Morin. Un certain ministre parlait en son temps de « dégraisser le mammouth ». Votre majorité et celles qui ont précédé ont effectivement dégraissé, c’est-à-dire amputé notre ministère de la moitié de ses effectifs en douze ans. Comme nous le scandions samedi à Paris, « on a assez donné ».

Monsieur le président, nous vous avons faxé trois questions avant cette réunion. Premièrement, depuis le temps – six ans – que vous exercez cette fonction, seriez-vous capable de nous dire le nombre d’amendements que les membres de la commission de la défense ont pu porter sur les projets de loi de finances à la suite des audiences budgétaires auxquelles les organisations syndicales ont participé ? En bref, avez-vous le sentiment que tout cela sert à quelque chose ?

Deuxièmement, où en êtes-vous pour ce qui est du projet de loi de programmation militaire 2009-2013, et quelles en seront les principales novations ? Je rappelle qu’à ce jour, M. « je sais tout et je décide de tout au plan budgétaire », c’est-à-dire le chef d’état-major des armées, n’a toujours pas daigné rencontrer nos organisations syndicales. Je ne sais pas si vous l’avez déjà auditionné. Avez-vous osé l’interpeller sur ce point ? Le ferez-vous cette année ? Le ministre, quant à lui, commence à nous écouter : il a prévu de demander au major général de son état-major de nous recevoir.

Troisièmement, êtes-vous bien conscient que le Gouvernement que vous soutenez vient de commettre une injustice flagrante, via son ministère des comptes publics et de la fonction publique ? Comment expliquera-t-il, le moment venu, devant les cours administratives, pourquoi il a accordé par décret l’exonération fiscale des pécules ou IDV en cas de restructuration pour les seuls personnels militaires et ouvriers de l’État, et non pour les agents fonctionnaires et contractuels de l’État ? Pour tous, nous demandons l’équité par le haut. Si encore ces fonctionnaires et ces contractuels, les éternels dindons de la farce budgétaire, bénéficiaient d’une augmentation programmée de leurs salaires en 2008 de plus de 3,14 %, comme leurs chers collègues ouvriers de l’État ! Mais non, votre majorité soutient une généreuse augmentation unilatérale de l’indice de la fonction publique, s’élevant à 0,8 %, avec une GIPA, une garantie individuelle du pouvoir d’achat, qui ne concerne que 20 % des personnels – et parmi eux peu de catégories C. Elle soutient des taux d’avancement « promus-promouvables » encore insuffisants pour certains corps. Et il en sera de même pour les années à venir. Circulez, il n’y a plus rien à négocier ! Et je ne parle pas des promesses du candidat Sarkozy, qu’il s’agisse de « travailler plus pour gagner plus » – nous n’étions pas demandeurs – ou du non-remplacement d’un agent partant en retraite sur deux.

Cette augmentation de 0,8 % est à rapprocher de l’estimation du taux d’inflation sur laquelle a été construit le budget pour 2009, ainsi que de l’hypothèse retenue pour 2008.

Pendant ce temps – et cela ne plaira pas à tous ceux qui m’écoutent –, on voit circuler sur Internet un mini-diaporama évoquant la fausse réforme du régime spécial des parlementaires des deux chambres, ainsi que tous les menus avantages dont bénéficient ces derniers, pour un montant d’environ 120 millions d’euros, sans compter les 400 000 euros sur cinq ans que perçoivent tous les députés non réélus ni les 20 % de leur indemnité qu’ils touchent à vie ! La droite comme la gauche, pour une fois sans faire de bruit, ont voté toutes ces mesures à l’unanimité. La CFTC-Défense demande qu’une réforme soit entreprise sans délai pour réduire le budget de fonctionnement du Sénat. Nous attendons votre réponse, au moment où un grand nombre de nos concitoyens voient leur pouvoir d’achat se réduire chaque jour comme peau de chagrin. Et ce n’est pas la crise financière qui va arranger les choses.

En parallèle, au ministère, on nous présente – afin d’occuper les organisations syndicales – un projet de plan d’accompagnement des restructurations, le PAR, doté en 2009 de 140 millions d’euros. Ce plan ficelé d’avance est insuffisant sur certains aspects.

L’ensemble des syndicats, à part deux, regrette les conditions dans lesquelles votre majorité a ratifié les nouvelles règles de la représentativité syndicale dans le secteur marchand, comme bientôt vous le ferez dans le secteur public. Là aussi, vous êtes coresponsables.

Nous avons apprécié d’être reçus pour la première fois, le 8 juillet, par la nouvelle mission d’information confiée à M. Cazeneuve et M. Cornut-Gentille et consacrée à la réorganisation du ministère. Mais depuis, plus de nouvelles. Il y a pourtant tant de choses à dire, non seulement au sujet des annonces faites pendant l’été, mais aussi au sujet de la construction dans notre dos des maquettes en personnels des futures bases de défense, qui font la part belle aux personnels militaires, au détriment, en particulier, du personnel civil d’encadrement.

Venons-en maintenant rapidement au projet de loi de finances pour 2009 et, pour une fois, feuilletons-le à l’envers. En ce qui concerne le secrétariat d’État aux anciens combattants, nous notons que M. Jean-Marie Bockel n’a pas froid aux yeux : il emploie abondamment l’acronyme RGPP, lui dédiant plusieurs paragraphes, ce que n’a pas osé faire notre ministre. Pouvez-vous néanmoins nous expliquer pourquoi, au programme 167 « Liens entre la nation et son armée », on passe de 165 millions d’euros en 2008 à 162 millions en 2011 ?

L’IHEDN vient d’évoquer, lors d’un séminaire des anciens auditeurs, la possibilité de créer un jour un service civique. Pourquoi n’a-t-on pas évoqué le rapport remis par Luc Ferry au Président de la République ? Quel est votre sentiment à ce sujet ?

En ce qui concerne le budget de la mission « Défense », je commencerai par le chapitre 4, « Des équipements au service des missions ». L’engagement accru en faveur des équipements est conforme au Livre blanc : un peu plus de 10 % de hausse, soit 17 milliards d’euros contre 15,4 milliards. Notre syndicat s’en satisfait, bien que l’on reste très discret quant à nos contrats MCO.

J’en viens au chapitre 3, « Les femmes et les hommes au cœur de la défense ». Le plafond ministériel des emplois autorisés – PMEA – s’élevait pour le personnel civil à 79 194 en 2008. Il ne sera plus que de 75 478 en 2009, soit 24 % des effectifs. Ces 3 716 postes en moins se traduisent par une diminution, hors pensions, de la masse salariale, qui passe de 3 033 millions d’euros en 2008 à 2 931,6 millions d’euros en 2009. Contrairement à ce que nous a dit le ministre, on ne retrouve pas cette proportion de 24 % dans les mesures en faveur des personnels : les personnels civils représentent 16,85 %.

Par ailleurs, nous vous demandons que soit inscrite à l’ordre du jour parlementaire la question du réemploi des friches immobilières militaires dues aux restructurations, afin d’associer à toute mesure de mobilité imposée à des personnels de la fonction publique une politique d’attribution de logements sociaux. Mesdames et messieurs les élus locaux, vous êtes directement concernés par cette proposition ; nous aimerions vous entendre à ce sujet.

Dans cette perspective, nous avons demandé au ministre de la défense, le 26 septembre, de nous dresser un bilan transparent – pour une fois – des transactions que traite la mission de réalisation des affaires immobilières de la défense, la MRAI, ce qu’il a bien voulu accepter.

Au sujet du chapitre 2, « Des moyens pour assurer la sécurité des Français et faire progresser la paix et l’Europe de la défense », nous réitérons mot pour mot la question que nous avons posée l’année dernière : n’y aurait-il pas lieu de concrétiser un accord politique au niveau des vingt-trois autres pays européens, afin de mutualiser ces efforts importants traditionnellement consentis par notre pays et par le Royaume-Uni et d’en répartir le coût plus équitablement ? En dépit des déclarations du Président de la République sur ce sujet, nous sommes déçus que la présidence européenne n’ait pas, au nom de ces arguments, remis en cause le strict respect des critères de Maastricht.

Autre question fondamentale : vous êtes-vous interrogés sur les montants de TVA que nous doit le ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique en raison des nombreuses externalisations passées ?

Enfin, le chapitre 1 concerne la mise en œuvre des conclusions du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Le PLF n’évoque aucune trajectoire financière de restitution des crédits économisés sur le dos des agents partant en retraite et non remplacés. Selon le candidat Sarkozy, ces mesures devaient pourtant entraîner un gain de pouvoir d’achat. Wait and see

Que pouvez-vous dire du rapport d’analyse de la performance de 2007, que vous avez examiné ?

Pour finir, je note qu’il aurait été bienvenu de faire figurer, sur la couverture des documents budgétaires, la photo d’un civil, afin de confirmer aux 77 000 rescapés des restructurations qu’ils ont toujours leur place dans ce ministère.

M. le président Guy Teissier. Ce n’est pas nous qui prenons les photos ni ne concevons les maquettes de ces documents.

M. Christophe Guilloteau. Ce sont sûrement des civils !

M. le président Guy Teissier. Nous avons entendu beaucoup de choses ; des choses intéressantes, d’autres qui le sont un peu moins, beaucoup de provocations pour certains, des approximations pour d’autres, des contrevérités, voire de la désinformation… Bref, on a tout eu, mais cela fait partie du jeu.

Il me reste peu de temps pour apporter des réponses aux vraies questions de fond que vous avez soulevées. En ce qui concerne l’utilité de nos rencontres, les membres de la commission de la défense veillent au respect de l’ensemble des engagements pris en faveur des personnels. L’audition des représentants des syndicats des personnels civils constitue un élément d’alerte particulièrement utile et enrichit le débat année après année. La Commission a ainsi régulièrement alerté les responsables du ministère sur la politique menée à l’égard des personnels civils et, plus généralement, sur l’ensemble des problématiques touchant aux rémunérations et aux conditions de travail.

Par ailleurs, lorsqu’un sujet présente une actualité particulière, la Commission crée une mission d’information, comme celle que vous avez évoquée, consacrée au suivi de la réforme du ministère et confiée à M. Cazeneuve et à M. Cornut-Gentille. Vous vous étonnez de ne pas les avoir revus, monsieur Naudin, mais je ne vois pas quand cela aurait été possible, à moins qu’ils ne passent l’été avec vous ! Je crois savoir, cependant, qu’une rencontre est prévue prochainement. M. Cazeneuve voudra sans doute vous répondre sur ce point.

C’est vrai, le Parlement a d’ores et déjà examiné les textes donnant droit au versement de pécules dans le cadre des restructurations de la fonction publique. Toutefois, les mesures d’accompagnement ne sont pas encore définitivement fixées à ce stade, la loi de programmation militaire devant en arrêter le contenu exact. La commission reste très attentive à ces questions et veillera à ce que la LPM intègre des mesures suffisantes, sans écarter les personnels civils du bénéfice de la défiscalisation.

Il convient cependant de souligner deux points. D’une part, les personnels du ministère de la défense, et en particulier les ouvriers d’État, jouissent déjà d’un régime très favorable, dont les députés, par exemple, ne bénéficient pas ; leurs indemnités de départ volontaires sont conséquentes et ne sont pas soumises à l’impôt sur le revenu. D’autre part, le Parlement a encouragé et soutenu toutes les mesures d’amélioration de la condition des personnels, qu’il s’agisse, par exemple, du plan « petite enfance » ou des aides pour le logement. En 2009, 15 millions d’euros supplémentaires seront par ailleurs attribués aux personnels civils, ce qui permettra la requalification des emplois d’adjoints administratifs – catégorie C –, des secrétaires administratifs – catégorie B – et des secrétaires administratifs attachés en catégorie A. Est également prévue la refonte des régimes indemnitaires.

En ce qui concerne la préparation de la loi de programmation militaire, il va sans dire que les organisations syndicales seront consultées. Le projet devrait être déposé prochainement sur le bureau de l’Assemblée nationale.

Vous nous demandez si nous avons rencontré le chef d’état-major des armées. La réponse est évidemment oui. Cependant, le président de la commission de la défense ne saurait lui intimer l’ordre de rencontrer les syndicats. Le chef d’état-major des armées sait ce qu’il a à faire, et s’il ne vous a pas rencontrés, c’est son problème, pas le nôtre.

Quant à l’évolution du programme 167, consacré au lien entre la nation et son armée, elle est surtout due au changement du périmètre budgétaire.

Je précise que la mission d’information que nous avons créée pour étudier la mise en œuvre et le suivi de la réorganisation du ministère de la défense s’intéresse aussi aux questions relatives au personnel et à l’aménagement du territoire. Les rapporteurs nous présenteront des rapports d’étape qui concernent l’ensemble des problèmes que vous avez soulevés.

M. Munoz a évoqué l’emploi de spécialistes. Ces derniers sont particulièrement utiles dans les armées, notamment en OPEX. Dès lors, la réserve révèle toute son utilité, puisqu’elle permet à des civils d’exercer temporairement des fonctions militaires. Dans ce domaine, la France est en retard, au contraire d’autres pays. Il faut dire que la réserve n’avait pas la même utilité à l’époque de la conscription. Il en va tout autrement avec la professionnalisation : dans ce contexte, développer la réserve serait rendre un service aussi bien aux armées qu’aux réservistes eux-mêmes, qui font souvent preuve de beaucoup de volonté.

M. Munoz demande également la publication des textes sur les mesures d’accompagnement. Il est vrai qu’ils ne sont pas tous publiés, faute de base légale. C’est la LPM qui fixera tous ces dispositifs.

Vous dites, monsieur Placenti, qu’aucun civil ne bénéficie d’une responsabilité comparable à celle d’un commandant de base de défense. C’est vrai, puisque toutes ces unités sont commandées par des militaires. Mais il est tout à fait envisageable que des civils occupent de plus en plus des responsabilités sur le soutien – et ils se les voient proposer. La création de bases de défense met plutôt en valeur des compétences civiles. Mais le vrai problème, pour les civils, est celui de la mobilité.

Après un long discours dont nous avons l’habitude – parce qu’il n’a pas changé depuis longtemps –, le représentant de la CGT a abordé des questions de fond, comme celle de l’identification budgétaire des OPEX. Mais celle-ci est possible grâce à un amendement adopté lors de l’examen de la dernière loi de programmation militaire, à l’initiative de votre serviteur ! Le budget des OPEX, qui était à l’origine de 100 millions d’euros, atteindra 510 millions d’euros en 2009. C’est donc un véritable progrès. Bien sûr, cette budgétisation est imparfaite, mais elle l’est par nature. Qui peut nous dire ce qui se passera l’année prochaine ? Imaginons que des élections aient lieu en Côte d’Ivoire et que le pays soit stabilisé : aurions-nous intérêt à maintenir le dispositif Licorne ? Certainement pas. D’une manière générale, je trouve que les OPEX sont trop dispersées sur la planète. Il conviendrait donc de hiérarchiser le dispositif.

Monsieur Manach, la commission a été très attentive à la logique d’ensemble de la réforme, d’où la création de la mission d’information déjà citée, dont les deux rapporteurs suivent toutes ces questions avec beaucoup de minutie. Rien ne s’oppose à ce qu’ils organisent une réunion afin de vous présenter un compte rendu d’étape.

De même, l’état-major suit avec beaucoup d’attention la question de l’habillement. Vous avez parlé de « patron voyou », ce qui est une accusation grave. Nous avons donc posé la question au général Irastorza, chef d’état-major de l’armée de terre : c’est une entreprise française qui fabrique les treillis.

M. Jean-Jacques Manach. Non, belge : Il s’agit de l’entreprise GP Garments.

M. le président Guy Teissier. Le général nous a parlé de l’entreprise Boyer. Nous l’auditionnons cet après-midi : nous pourrons donc lui poser la question à nouveau.

M. Jean-Jacques Manach. L’entreprise dont je parle, et qui a procédé à 518 licenciements et envoyé 37 militants syndicaux devant les tribunaux, fabrique des uniformes pour l’armée de terre ou pour l’armée de l’air.

M. le président Guy Teissier. Cela tombe bien : nous allons également recevoir le général Abrial, chef d’état-major de l’armée de l’air.

Par ailleurs, monsieur Manach, le Livre blanc et la RGPP sont deux exercices complètement différents. Le premier est une boussole mise entre les mains du chef des armées, c’est-à-dire le Président de la République. Elle fixe un cap. Ce n’est pas un exercice financier, même si ses conclusions ont évidemment des conséquences sur les finances. L’aspect financier, lui, relève de la RGPP, qui vise à rationaliser les implantations et à gagner en efficacité opérationnelle.

À ce propos, monsieur Munoz, vous avez évoqué la suppression de régiments opérationnels. Lesquels ?

M. Jean-François Munoz. J’ai parlé d’unités de combat.

M. le président Guy Teissier. C’est pire !

M. Jean-François Munoz. Puisque vous vous apprêtez à recevoir le général Irastorza, demandez-lui s’il a bien lu le Livre blanc, parce que celui-ci évoque la nécessité de réorganiser les régiments de parachutistes, notamment les RPIMa.

M. Christophe Guilloteau. Réorganiser, ce n’est pas supprimer !

M. Jean-François Munoz. Or le général Irastorza fait sur ce point une lecture personnelle du Livre blanc.

M. le président Guy Teissier. Est-ce que cela ne s’appelle pas de la manipulation, monsieur Munoz ? Vous avez parlé de suppression de régiments opérationnels, mais je n’en vois aucune.

Je le répète : le Livre blanc a fait des préconisations. Ce ne sont pas les Tables de la Loi.

Il est vrai que s’agissant, par exemple, du 2e RPIMa situé à la Réunion, on peut se demander s’il ne pourrait pas être simplement un régiment d’infanterie de marine, et non un régiment parachutiste. Je pense que c’est à cela que le Livre blanc faisait allusion. Mais en ce qui concerne les autres RPIMa, l’expérience de l’Afghanistan n’incite pas à les réorganiser.

M. Jean-Claude Viollet. Je regrette que nous ne disposions pas de plus de temps pour nos échanges, compte tenu du nombre de questions posées et d’organisations présentes.

J’ai toujours eu plaisir à rencontrer les organisations syndicales – j’ai été moi-même longtemps permanent syndical –, mais, aujourd’hui, j’éprouve un peu de peine, notamment après avoir entendu les propos de M. Naudin sur la situation des parlementaires.

M. Jean Michel. C’est du populisme.

M. Jean-Claude Viollet. Il faut faire attention à ce que l’on dit, surtout lorsque l’on est en situation de responsabilité. Je suis prêt à participer au débat sur la situation des parlementaires, y compris en public. Je suis député depuis onze ans, et en début comme en fin de mandat, je remets à la presse ma déclaration de patrimoine pour une éventuelle publication. Je suis donc prêt à participer au débat, mais je vous demande de ne pas faire de caricature, et surtout de ne pas prendre pour argent comptant ce qui circule sur Internet. En effet, ce que vous avez dit est faux et constitue une véritable attaque contre la démocratie.

Par ailleurs, la situation en Afghanistan, la dissuasion nucléaire, la politique de notre pays vis-à-vis de l’Europe ou de l’OTAN sont des questions de fond sur lesquelles un débat serait non seulement intéressant, mais également nécessaire. Nous n’en avons malheureusement pas le temps. Mais c’est le rôle des parlementaires de porter ce débat. Je le dis d’autant plus facilement qu’en ce qui concerne l’Afghanistan, je n’ai pas suivi la position de mon groupe. Je suis prêt à défendre publiquement mon point de vue, là où vous le souhaiterez. Je suis à votre disposition, à condition de laisser de côté la caricature et d’aller au fond des choses.

J’en viens enfin à la réforme du ministère de la défense, dont la portée générale, l’incidence sur le volume et la structure des forces, sur l’équipement, sur la situation des personnels civils, sur le maintien en condition opérationnelle et de soutien, entre autres, nous obligent, nous, parlementaires, à nous montrer particulièrement vigilants sur la façon dont elle est conduite. En particulier, nous devons nous intéresser aux économies promises, afin de vérifier qu’elles sont au rendez-vous et qu’elles seront bien réinvesties, comme l’engagement en a été pris, en faveur de la défense et d’elle seulement. Mon sentiment est qu’il ne faut pas opposer, dans cette affaire, les services étatiques et la possibilité d’une externalisation : l’un et l’autre sont des outils dans la caisse. Le problème est d’utiliser l’outil de la meilleure façon possible, en fonction de l’objectif poursuivi.

Ainsi, j’ai soutenu l’externalisation pour ce qui est de la base aérienne de Cognac, située dans mon département. Le bilan qui en est tiré aujourd’hui est positif, pour les forces comme pour l’industriel. Il faut dire que cette externalisation a été réalisée dans des conditions particulières, au terme d’un dialogue serré entre les deux parties. De même, au bout de neuf mois d’existence, le SIAé s’avère une vraie réussite, qu’il nous faut conforter – ce qui n’est pas garanti, compte tenu des orientations en cours. Les parlementaires doivent soutenir ce service, qui est au rendez-vous de l’excellence, du résultat en termes opérationnels, de la disponibilité et de la réduction des coûts.

Ces deux solutions donnent des résultats ; je ne veux donc pas les opposer, mais je veux rechercher, point par point, la meilleure réponse qui peut être offerte sur les plans économique, social, ou opérationnel en matière de défense. Qu’ils travaillent dans l’industrie ou pour l’État, les salariés tiennent à leur emploi. Et il est parfois possible de développer en complémentarité, par le biais d’un cercle vertueux, l’industrie et les services de l’État. Dans ce but, nous devons travailler encore davantage sur la mise en œuvre de la réforme, y compris en ce qui concerne l’équilibre entre emplois militaires et emplois civils. C’est une véritable question, qu’il faut aborder sans tabou.

M. le président Guy Teissier. Pour accéder à votre demande, notre prochaine rencontre durera deux heures au lieu d’une heure et demie.

M. Bernard Cazeneuve. Je souhaite apporter des précisions sur la mission d’information sur la mise en œuvre et le suivi de la réorganisation du ministère de la défense, notamment sur les auditions auxquelles elle procède, sur ses méthodes de travail et son calendrier.

Il s’agit d’une mission au long cours, dans le droit-fil de la réforme du ministère de la défense que nous sommes chargés de suivre. Nous allons travailler pendant les cinq années qui viennent au contrôle de l’exécutif sur les réformes en cours, et nous rendrons régulièrement des rapports d’étape. Nous avons procédé à l’audition de l’ensemble des responsables militaires et administratifs et nous avons adressé aux ministères de la défense et de l’aménagement du territoire des questionnaires extrêmement détaillés, afin notamment de vérifier si les économies budgétaires attendues sont bien au rendez-vous, si nous avons la garantie qu’elles seront réinvesties dans les équipements, et si les mesures sociales d’accompagnement et les mesures d’accompagnement des territoires sont bien évaluées à leur juste mesure. Ces questionnaires nous ont été retournés par l’administration il y a quelques jours, mais nous ne jugeons pas les réponses satisfaisantes. Une rencontre est donc prévue avec les cabinets des deux ministères. Lorsque nous aurons approfondi la totalité du dossier, nous rendrons à la Commission de la défense un rapport d’étape qui comprendra une première série d’interrogations et de propositions qui enrichiront utilement le débat lors de l’examen de la loi de programmation militaire.

Nous avons demandé à auditionner la totalité des organisations syndicales au mois de juillet. Certaines ont souhaité l’être après que le ministère a rendu publics ses arbitrages. Ces derniers étant désormais connus, nous avons proposé aux organisations de les rencontrer à nouveau dans quelques jours.

Enfin, j’ai longuement reçu les organisations syndicales qui le souhaitaient – telle l’UNSA il y a quelques semaines. Je me tiens à votre disposition et je suis tout à fait d’accord pour vous faire connaître le rapport d’étape que nous aurons présenté devant la commission de la défense. Je comprends votre impatience, mais il serait injuste que celle-ci se transforme en critique à notre égard.

M. Christophe Guilloteau. Je ne regrette pas d’être venu ce matin pour vous écouter mais j’avoue avoir entendu des choses qui me gênent.

Je suis un fonctionnaire qui a mal tourné : je suis devenu député. J’ai donc laissé mes avantages de fonctionnaire pour me faire élire. Je suis un élu comme vous, à ceci près que je le suis par environ 120 000 personnes, ce qui n’est pas toujours le cas des représentants syndicaux.

J’ai entendu parler de « guerre impérialiste ». Je suggère à l’auteur de ces propos d’employer sa délégation syndicale pour donner aux Talibans des leçons en matière de droit social – et surtout sur la façon de traiter les femmes. On ne peut pas, en cas d’attentat, défiler en France le crêpe noir à la boutonnière et prétendre par ailleurs que notre pays mène une guerre impérialiste en Afghanistan. Je rappelle que nous y sommes à la demande des Afghans eux-mêmes.

De même, on laisse entendre que nos soldats seraient morts en raison d’un manque de matériel. Ce n’est pas du tout le langage que j’ai entendu sur place : j’ai rencontré en Afghanistan des jeunes gens très fiers de la mission qu’ils accomplissent. Ils sont là par engagement, sans aucun sentiment de revanche ou d’amertume.

Enfin, si les parlementaires ont autant d’avantages, je vous invite à le devenir : c’est facile, tout le monde peut être élu. Il ne vous reste que quatre ans à attendre. Personnellement, je suis ici depuis dimanche soir et je ne repartirai que jeudi soir. Cette nuit, j’ai travaillé jusqu’à trois heures du matin. J’ajoute que je gagne 5 200 euros ; certains fonctionnaires gagnent bien plus que moi. Je ne me plains pas : j’ai souhaité cette situation. Et pour ce qui est de la retraite, neuf députés touchent une pension moins importante que celle qu’ils auraient perçue s’ils avaient conservé leur profession. En outre, cette retraite vient des parlementaires eux-mêmes, par le biais de leurs propres cotisations. C’est pourquoi je trouve infamants certains des propos qui ont été tenus. Remarquez, dans de nombreux pays – en Afghanistan par exemple –, la population aimerait pouvoir tenir ce genre de propos face à des parlementaires...

Mme Françoise Olivier-Coupeau. Je suis de l’avis de mes collègues : la caricature ne sert personne.

Je suis moi-même issue du milieu syndical et j’ai le plus grand respect pour vos organisations, mais je n’ai pas non plus l’habitude de mâcher mes mots. J’avoue avoir été déçue par ce que nous avons entendu ce matin. J’ai trouvé notamment qu’il n’y avait pas assez de propositions – faute de temps, peut-être. Je le dis depuis le début : la RGPP est une réforme un peu trop technocratique, qui n’a pas suffisamment pris en compte les hommes et les femmes, qu’ils soient civils ou militaires. Je le regrette vivement.

Un député – qui n’est pas nécessairement un élu local ; personnellement, je suis contre le cumul –, c’est aussi une interface. C’est quelqu’un qui, dans sa circonscription, peut ouvrir des portes et proposer des solutions. Dès lors que vous avez constaté un problème, une carence – car c’est aussi le rôle des organisations syndicales –, n’hésitez pas à venir nous voir, vous ou vos représentants locaux, par exemple pour étudier le moyen de reclasser les 78 employés du GERBAM. J’aimerais que l’on soit plus constructif. N’hésitez donc pas à faire appel à nous : nous sommes là pour ça, notamment pour tenter d’atténuer les effets négatifs de la RGPP.

M. Jean-Jacques Candelier. Tout à l’heure, monsieur le président, vous avez parlé de provocation. J’en ferai une : en discutant avec nos concitoyens, je constate aujourd’hui, un an après l’élection présidentielle, que très peu de gens ont voté pour Nicolas Sarkozy. Il n’y a pourtant pas eu de bourrages d’urne – du moins pas partout !

J’ai entendu les réquisitoires des uns et des autres. Ils sont assez réalistes, mais comme l’a dit notre collègue, il n’y a pas assez de propositions, peut-être parce que nous n’avons pas eu suffisamment de temps.

Vos inquiétudes sont légitimes : des choix sont à revoir, et nous ferons tout pour amender la copie du ministre lors de l’examen du budget de la défense.

Enfin, je suis prêt à discuter avec vous de mes indemnités de fonction et de l’usage que j’en fais : en tant qu’élu communiste, j’en verse plus de la moitié à mon parti, et ce depuis des années.

M. le président Guy Teissier. Nous sommes tous d’accord sur ce point : il nous faut plus de temps afin de mieux débattre. Nous ferons mieux la prochaine fois, je m’y engage.

La séance est levée à onze heures cinquante-cinq

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