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Commission de la défense nationale et des forces armées

Mercredi 15 octobre 2008

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 11

Présidence de M. Guy Teissier, Président

– Audition du général Elrick Irastorza, chef d’état–major de l’armée de terre, sur le projet de loi de finances pour 2009

Audition du Général Elrick Irastorza, chef d’état-major de l’armée de terre, sur le projet de loi de finances pour 2009

La séance est ouverte à seize heures trente

M. le président Guy Teissier. Nous entendons aujourd’hui le général Elrick Irastorza, chef d’état-major de l’armée de terre.

Mon général, c’est la première fois que nous vous accueillons. Vous allez nous présenter les crédits qui seront dévolus l’année prochaine à l’armée de terre. Nous savons le budget contraint, mais nous connaissons aussi les besoins et les carences observés, par exemple en matière d’aéromobilité – même s’il m’a été récemment confirmé que les Tigre seraient opérationnels pour le premier trimestre de l’année prochaine. Vous nous expliquerez comment vous comptez faire face à ces difficultés.

Vous avez été commandant de la force Licorne en Côte-d’Ivoire et vous êtes donc particulièrement au fait de la situation de nos opérations extérieures. Vous pourrez, sur les OPEX, nous donner le point de vue de l’armée de terre, qui est bien évidemment l’armée la plus concernée. Pouvez-vous nous indiquer si nos forces doivent rester en si grand nombre en Côte-d’Ivoire, au Liban mais aussi au Tchad ou en Bosnie, où nous avons encore quelques centaines d’hommes ? Je m’interroge, je l’avoue, sur une éventuelle révision du champ de nos interventions.

M. le général d’armée Elrick Irastorza, chef d’état-major de l’armée de terre. Je vous remercie de l’opportunité que la commission de la défense offre chaque automne au chef d’état-major de l’armée de terre de pouvoir vous faire un point de situation. Je vais vous donner mes éléments d’appréciation sur le projet de loi de finances 2009, que j’estime globalement satisfaisant.

Depuis cette rentrée 2008, l’armée de terre s’est engagée dans une réorganisation de grande ampleur, qui était devenue indispensable à moins de vouloir faire perdurer, au prix d’un « inexorable déclassement militaire », des dysfonctionnements clairement identifiés. L’enjeu de cette réforme consiste, à enveloppe budgétaire durablement périmétrée au plus juste, à retrouver des marges de manœuvre pour financer et soutenir nos équipements et pour améliorer la condition militaire de nos hommes.

Cette manœuvre doit être perçue comme le prolongement de la professionnalisation engagée en 1996. Rappeler quelques caractéristiques de celle-ci ne peut que faciliter la compréhension des problématiques auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui.

Ce fut d’abord une vaste manœuvre de personnel puisque, avec un peu plus de 230 000 militaires, l’armée de terre pesait à l’époque ce que pèsent aujourd’hui les trois armées. Mais la déflation de l’encadrement qui aurait dû s’ensuivre fut incomplète faute d’un dispositif d’accompagnement suffisamment robuste. Notre taux d’encadrement est donc passé de 32 % à 48 %, ce qui nous permettait, globalement, de rallier les normes de la plupart des armées occidentales équivalentes ; cependant, le pyramidage était imparfait.

Ce fut ensuite une réorganisation territoriale d’ampleur. Toutefois, une orientation très simple avait alors présidé à la conduite de cette opération : maintenir, dans une logique d’aménagement du territoire, un maillage géographique important en dé-densifiant un certain nombre de garnisons voire de régiments. Mais le passage par ces quelques dysfonctionnements était sans doute inévitable pour faire accepter, puis conduire et in fine réussir la professionnalisation.

Avant de rentrer dans le vif du sujet, j’aimerais souligner quelques ordres de grandeur qui permettent de mieux mettre en perspective la nécessité des réformes engagées. Notre masse salariale, pensions comprises, s’élève à 7,5 milliards d’euros, soit 81 % du budget opérationnel de programme (BOP) de l’armée de terre. Avec 800 millions d’euros, dont 23 millions d’euros de ressources exceptionnelles, enveloppe que j’estime au demeurant suffisante, le fonctionnement courant et les activités représentent un peu plus de 10 % de cette masse, tandis que l’entraînement, c'est-à-dire notre cœur de métier, ne représente, lui, que 75 millions d’euros, soit 1 % de cette masse salariale, ce qui constitue en revanche un plancher.

Une fois payés les salaires, le principal poste de dépense du BOP Terre est l’entretien programmé des matériels avec 604 millions d’euros, soit 340 millions d’euros pour l’entretien programmé des matériels (EPM) terrestres et 264 millions d’euros pour l’entretien programmé des hélicoptères, ce qui marque bien l’effort soutenu consenti depuis quelques années dans ce domaine. Mais avec sept régiments sur 99, les quatre régiments de chars Leclerc et les trois régiments d’hélicoptères de combat, qui consomment à eux seuls 60 % de ces crédits, l’inflation des coûts devient de plus en plus préoccupante.

Ces quelques chiffres vous montrent que nous n’avons pas de marges de manœuvre, sauf à ne plus s’entraîner, et que les réformes sont nécessaires pour nous redonner un peu de souplesse. C’est ce que je souhaite à présent mettre en évidence en revenant sur les éléments de contexte et en abordant successivement la réorganisation, la « manœuvre » des ressources humaines, les équipements et la préparation opérationnelle de l’armée de terre.

L’été a été difficile. Le drame de Carcassonne a mis en lumière un certain nombre de dysfonctionnements dans la gestion des munitions et de manquements impardonnables aux règles les plus élémentaires de sécurité. L’armée de terre assume collectivement ses responsabilités et en tirera toutes les conséquences, notamment en matière de contrôle des munitions, mais il est impératif que les officiers puissent disposer des prérogatives légales leur permettant de prévenir ce type de dysfonctionnement.

L’annonce des restructurations a ensuite déchaîné passions et rancœurs dans la population et chez certains élus, mais aussi chez certains de nos militaires tout autant attachés à leur ville de garnison qu’à leur régiment.

La mort de nos dix camarades dans la vallée d’Uzbeen a rappelé à nos concitoyens, et parfois dans nos propres rangs, que, derrière les vocables toujours trompeurs et galvaudés d’opérations d’aide au retour à la paix, de stabilisation ou de normalisation, se cachaient de véritables opérations de guerre avec tout ce que cela comporte, et surtout qu’une fois choisi ce métier, on ne choisit plus ses missions. Mais elle a aussi rappelé que toute opération militaire comporte un volet médiatique qui va bien au-delà de la simple relation des faits et devient partie intégrante du conflit, fût-ce au prix de dommages collatéraux pour nos familles et nos soldats en opérations ou en cycle de préparation opérationnelle.

Après cette période difficile, les temps ne sont plus aux doutes et aux atermoiements, mais à l’action, et tous les officiers en situation de commandement, des généraux aux chefs de corps, ont reçu leur feuille de route pour la conduite du changement.

La nouvelle organisation retenue n’a qu’une ambition : donner à l’armée de terre les moyens humains et techniques d’emporter la décision là où elle sera engagée, le plus souvent en coalition, européenne notamment.

Conformément aux directives du Livre blanc, les forces terrestres potentiellement projetables représenteront environ 88 000 hommes, forces qui seront organisées en huit brigades interarmes (deux de décision, quatre multi-rôles et deux d’engagement d’urgence), soutenues par trois brigades spécialisées dans le renseignement, le soutien logistique, les transmissions et l’appui au commandement. Il convient d’y ajouter les forces spéciales et les unités d’hélicoptères, qui feront l’objet d’un rattachement particulier au commandement des forces terrestres.

L’armée de terre s’est engagée dans un plan de restructuration ambitieux qui poursuit trois objectifs : améliorer le caractère opérationnel de l’outil de défense en regroupant notamment les unités qui doivent s’entraîner ensemble, c’est-à-dire les brigades de renseignement ainsi que les forces spéciales ; rationaliser, notamment par la mise en place de bases de défense, un déploiement aujourd’hui très dispersé ; optimiser les soutiens courants par leur mutualisation. Cette réorganisation se traduira à l’horizon 2012 par la dissolution de 18 régiments, l’abandon de 30 garnisons et la réorganisation fonctionnelle de la totalité des formations restantes, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques.

Cette démarche de restructurations est ambitieuse mais nécessaire pour réduire nos frais de fonctionnement courant. Nous aurons besoin d’utiliser toutes les ressources disponibles pour mener à bien nos réformes. Je relève que les coûts liés aux restructurations tout comme l’application de politiques gouvernementales jugées prioritaires, comme le plan égalité des chances ou le plan développement durable, seront en principe couverts par l'apport de ressources exceptionnelles : 23 millions pour le BOP 178 et plus de 63 % de la ressource accordée du programme 212 « Soutien de la politique de défense ». C’est bien cet apport qui permettra à l'armée de terre de conduire le changement.

La manœuvre RH impactera pratiquement toutes les formations de l’armée de terre, concernera directement près de 50 000 personnels militaires et civils, soit par des départs de l’institution, soit par des mutations, et touchera 15 000 conjoints et 28 000 enfants. L’armée de terre perdra par an environ 3 600 personnes (2 800 militaires et 800 civils). En fin de cycle, ses effectifs s’élèveront à 121 000 hommes, soit une réduction de 24 450 militaires et civils. À ces effectifs il convient d’ajouter les militaires en kaki servant hors de l’armée de terre.

Pour mener à bien cette déflation nous disposons de trois leviers : les non-recrutements, les non-renouvellements de contrat et les départs volontaires et naturels. Je privilégie bien évidemment les deux derniers en espérant que, dans une conjoncture difficile, le nombre de départs sera conforme à nos prévisions grâce à la mise en place de mesures d’incitation et d’accompagnement. À cet égard, je souligne que le dispositif des pécules me semble pour partie lié au vote de la loi de programmation militaire, alors qu’il nous faudrait le mettre en œuvre dès le début de 2009 pour en tirer d’emblée un maximum d’effet pour ce qui est de la masse salariale. Enfin, il est bien évident que si les mécanismes d’intégration dans les fonctions publiques de notre personnel souhaitant y poursuivre leur vie professionnelle ne fonctionnent pas bien, nous aurons du mal à tenir nos objectifs.

L’impératif de jeunesse est un principe-clé dans une armée professionnelle composée à 72 % de contractuels à carrières courtes, voire très courtes. Pour maintenir une moyenne d’âge des militaires compatible avec la disponibilité opérationnelle que nous attendons tous, nous devons en permanence régénérer nos effectifs et donc recruter. C’est l’une de mes préoccupations majeures : si nous limitons voire stoppons nos flux d’entrée, notre système vieillira et s’effondrera sur lui-même faute de combattants jeunes.

En ce qui concerne le financement de la masse salariale, j’estime que nous aurons très probablement un déficit de fin de gestion en 2009 du fait d’un sous-soclage structurel lors de l’entrée en LOLF, que j’évalue aujourd’hui à près de 60 millions d’euros, et d’une divergence d’appréciation qui reste à évaluer sur le glissement vieillesse technicité. Si tel devait être le cas, il est impératif que ce problème ne trouve pas sa solution dans une augmentation brutale d’une déflation déjà bien délicate à mettre en œuvre sans trop porter atteinte aux capacités opérationnelles de l’armée de terre ou à son moral. Il me parait donc souhaitable que le tempo de la déflation soit sanctuarisé en effectifs dans la prochaine loi de programmation militaire.

J’en viens maintenant aux équipements. Le projet de loi de finances est très encourageant pour les livraisons et les commandes d’équipements majeurs. L’année 2009 sera marquée par trois commandes majeures – deux en fait, car l’une d’entre elles constitue le report d’une année précédente : 332 véhicules blindés de combat d’infanterie (VBCI), 16 000 équipements FELIN et 22 hélicoptères NH90, ce qui explique l’augmentation substantielle de notre enveloppe en autorisations d’engagement. Je souligne également les commandes de 50 drones tactiques supplémentaires, de 53 véhicules haute mobilité, des 50 premiers porteurs polyvalents terrestres (PPT), de 232 petits véhicules protégés et du premier lance-roquette unitaire (LRU). Il est clair que ces commandes viennent compenser les choix opérés au cours de la loi de programmation militaire précédente. J’en déduis que, conformément aux orientations du Livre blanc, nous bénéficions d’un effort significatif qui devrait nous permettre de poursuivre la régénération de nos principales capacités de combat.

Je souligne également que nous allons prendre livraison d’équipements bien adaptés à nos engagements actuels. Ils nous permettront de combattre avec la puissance de feu et la précision requises, tout en garantissant un maximum de protection à nos soldats : 96 VBCI, 2 749 FELIN, 34 canons CAESAR et 8 hélicoptères Tigre seront ainsi mis en service dans les forces en 2009.

Je ne veux pas oublier les systèmes d’information et de communication (SIC) dont la livraison nous permettra de poursuivre la numérisation de l’espace de bataille. Nous recevrons 56 systèmes d’information régimentaires (SIR) et 1 600 postes de radio de quatrième génération (PR4G), qui sont désormais indispensables à la mise en convergence sur le terrain de nos capacités interarmes, interarmées et interalliées. J’estime, par ailleurs, que pour mieux contrer les dernières technologies de téléphonie civile, conservées par nécessité sur la plupart de nos théâtres dans le cadre du règlement global des crises, il conviendrait de donner une impulsion plus soutenue à la guerre électronique de contact.

Les programmes à effets majeurs devraient donc être au rendez-vous, mais il est essentiel que les petites opérations de cohérence, par essence plus morcelées, ne s’en trouvent ni écrasées ni évincées pour autant.

L’augmentation de 8 % du budget de l’entretien programmé des matériels devrait nous permettre, avec 604 millions d’euros, de conserver une disponibilité technique des matériels en opérations supérieure à 90 %, et suffisante en métropole pour préserver un niveau d’entraînement compatible avec le respect de nos contrats opérationnels. La création à l’été prochain, pour un fonctionnement nominal au 1er janvier 2010, des nouvelles structures de maîtrise d’ouvrage déléguée, la structure interarmées de maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (la SIMMT), c’est-à-dire le pendant terrestre de la SIMMAD et de maîtrise d’œuvre, le service de la maintenance industriel terrestre (SMITER), le pendant du SIAé, et le commandement de la maintenance terrestre (COMMT), rattaché au commandement des forces terrestres, nous permettra d’amorcer une rationalisation en profondeur de nos structures de maintenance. La poursuite de la montée en puissance de la politique d’emploi et de gestion des parcs (PEGP) devrait nous permettre de contenir les coûts croissants du maintien en condition opérationnelle (MCO) en limitant au plus juste le volume et le rythme d’emploi des parcs utilisés à l’entraînement.

Les crédits d’entretien programmé des personnels, soit 135 millions d’euros, doivent prendre en compte les besoins croissants de nos hommes sur les théâtres, notamment dans le domaine de la protection par des améliorations ciblées. Mais, en raison d’une enveloppe constante, je suis contraint de conduire une politique de différenciation des paquetages – par théâtre ou par type de formation – et de renoncement à certains effets d’uniforme.

L’engagement opérationnel et la préparation de cet engagement opérationnel sont notre seule raison d’être. Avec 10 250 hommes en opérations, 4 250 en missions de présence et de souveraineté de courte durée, 5 750 en alerte Guépard en permanence et environ un millier déployés sur le territoire national dans le cadre de Vigipirate, l’armée de terre est clairement une armée d’emploi et surtout une armée employée, qui fournit 80 % des effectifs engagés en opérations. Nos hommes combattent au quotidien en Afghanistan, avec plus de 40 accrochages depuis le début du mois d’août. L’abondement supplémentaire du budget opérationnel de programme consacré aux opérations extérieures (BOP OPEX) de 50 millions d’euros permettra d’alléger une contrainte du préfinancement qui pèse lourdement sur la gestion en fin d’exercice.

Le rythme de renouvellement de notre personnel et la complexité de nos engagements, quelle qu’en soit l’intensité, nous imposent un effort incompressible de formation initiale puis d’entraînement. Nos bataillons sont bien entraînés et sont dotés des meilleurs équipements dont nous disposons. Grâce à la procédure de l’adaptation réactive mise au point en 2007, nous avons pu consacrer depuis début 2008 près de 116 millions d’euros supplémentaires à la protection et à la puissance de feu de nos hommes en Afghanistan. Cet effort sera poursuivi en 2009 mais, à ressources financières constantes, il est bien évident que l’effort ne profitera qu’à ceux qui en ont un besoin impératif ; il est impossible de faire autrement.

Je relève que, pour le projet de loi de finances 2009, l’augmentation de plus de 4,5 millions d’euros des ressources en carburant opérationnel devrait nous permettre de maintenir à un niveau seuil les ressources consacrées à la formation et à l’entraînement des forces, soit 73 millions d’euros, hors carburant, et de poursuivre cette politique de différenciation ciblée. De la même façon qu’il n’y aura plus d’égalité devant le paquetage, il n’y aura plus d’égalité devant la formation opérationnelle avant l’engagement : tout est lié au niveau de la crise dans laquelle les forces sont engagées. Je reste vigilant sur les ressources consacrées à la préparation opérationnelle, qui ne peuvent plus servir de variable d’ajustement compte tenu du niveau plancher atteint, et je propose qu’elles soient sanctuarisées dans la future loi de programmation militaire.

En conclusion, je veux vous rappeler que la fin de gestion 2008 conditionnera inévitablement le bon démarrage de l’année 2009 et surtout les réformes qu’il faut mettre en œuvre sans tarder. Tout dépendra donc des arbitrages qui seront rendus concernant la levée des réserves législatives et le remboursement des dépenses engagées pour la conduite des opérations extérieures.

L’armée de terre, je le réaffirme, s’inscrit résolument dans une démarche de réforme active, consciente qu’elle doit participer à l’effort de l’État de réduction de la dette. Simultanément, nos hommes doivent pouvoir bénéficier de ce qu’il y a de mieux lorsqu’ils vont remplir, au péril de leur vie, les missions qui leur sont confiées. En soulignant l’effort à faire au profit des forces terrestres au cours de la prochaine LPM, le Livre blanc ne dit rien d’autre.

Je vous remercie de votre attention et je suis prêt à répondre aux questions que vous voudrez bien me poser, en espérant que la crise épargnera notre pays.

M. le président Guy Teissier. Je vous remercie, mon général, de cet exposé très complet.

Les crash programs, ou programmes d’équipement d’urgence, ont permis à nos armées, notamment en Afghanistan, d’obtenir très rapidement les équipements dont elles avaient besoin. Toutefois, nous nous interrogeons sur le fait que l’armée de terre a probablement éprouvé en amont des difficultés pour évaluer précisément ses besoins pour le combat à haute intensité. Pouvez-vous nous apporter des éclaircissements ?

Ensuite, à la suite du constat fait par le haut comité d’évaluation de la condition militaire, selon lesquels les rémunérations des officiers n’étaient pas au niveau adéquat par rapport aux responsabilités qu’ils exerçaient, une revalorisation a été décidée à partir de 2009. Quelles sont les catégories d’officiers concernées ?

M. le général d’armée Elrick Irastorza, chef d’état-major de l’armée de terre. Lorsque nous nous engageons sur une crise, quelle que soit son intensité et la façon dont elle est dénommée, il y a toujours le risque de véritables actions de guerre. Il est donc très difficile d’anticiper ce qui va se passer. Les missions sont évaluées par l’état-major des armées. Je prépare les moyens qui me sont demandés, notamment en termes d’entraînement sur les matériels, compte tenu du niveau d’engagement tel que nous le pressentons.

Pour ce qui concerne l’engagement en Afghanistan, nos bataillons ont d’abord été déployés dans la région de Kaboul, dans la plaine de Chamali où les combats étaient d’intensité toute relative. Pour ce qui concerne la vallée de la Kapisa, nous avons, après avoir analysé les risques, équipé le bataillon engagé avec ce que nous avions de mieux. Cela dit, il faut trier les demandes ; si nous les satisfaisons toutes, nous courons le risque d’assister à une explosion des demandes.

En Afghanistan, la France a 2 400 soldats, dont les deux tiers, soit 1 800 personnels, ont vocation à combattre sur le terrain. Ces derniers ont bénéficié d’une dotation complémentaire au titre de l’adaptation réactive, de 9 millions d’euros pour les petits équipements, de plus de 108 millions d’euros pour les équipements lourds, et de 900 tonnes de munitions, soit une demi-tonne de munitions par soldat engagé sur le terrain. On ne peut pas dire que nous n’avons pas pris en compte un certain nombre de données. Nous avons engagé nos soldats avec le meilleur de ce que nous avons. Bien évidemment, en fonction de la zone de combat, le matériel le mieux adapté n’est pas le même : le VBCI convient bien pour la plaine de Chamali (ou pour le Liban), mais pas pour les chemins de fond de vallée, plus faciles pour le véhicule de l’avant blindé (VAB).

J’en viens à la préparation opérationnelle des forces liée au concept d’adaptation réactive. S’agissant par exemple des tourelleaux télé-opérés, les premiers utilisateurs seront formés par l’industriel ; puis il leur appartiendra ensuite de former leurs camarades. Il en est de même pour les Buffalo. Tout en essayant de préserver l’homogénéité de nos bataillons, nous nous efforçons de former les hommes dans de bonnes conditions, de façon à ce qu’ils puissent utiliser tous les types de matériels.

Aujourd’hui, la grille indiciaire des lieutenants-colonels va de 651 à 783 ; elle va passer de 716 à 963, ce qui accroît significativement leur rémunération en fin de carrière. La grille indiciaire qui va du grade de sous-lieutenant à celui de lieutenant-colonel s’échelonne de 349 à 783 ; elle va passer de 356 à 963, soit un gain de 173 points. La grille indiciaire des colonels voit son indice plancher augmenter de 783 à 801, tandis que son indice plafond reste le même à 1058. Toutefois, on accèdera plus rapidement aux échelles lettres, donc à des rémunérations plus élevées.

M. Jean-Louis Bernard, rapporteur pour avis des crédits de l’armée de terre. Je vous remercie, mon général, de l’entretien que vous m’avez accordé la semaine dernière en ma qualité de rapporteur et des réponses que vous avez apportées à mes questions.

L’an dernier, j’avais émis quelques critiques sur le budget de l’armée de terre. Aujourd’hui, vous vous déclarez globalement satisfait, ce qui est intéressant.

Cette année, l’armée de terre et plus globalement l’opinion publique ont été marquées par deux éléments : les graves événements de Carcassonne et ceux d’Afghanistan. Leur traitement médiatique a sans doute été excessif, mais on ne peut faire abstraction de ce qui s’est passé.

Vous êtes très attaché à la protection de vos hommes : le calendrier de commandes et de livraisons du programme FELIN, qui permet une protection complète de nos soldats, correspond-il à vos souhaits ?

La numérisation de l’espace de bataille est-elle un avantage pour l’armée de terre ? N’est-ce pas aussi une priorité ?

La réduction du format de l’armée de terre aura des conséquences, y compris sur le moral des troupes. Quelles mesures convient-il de prendre pour éviter, sinon un démoralisation, en tout cas une démobilisation ?

Pensez-vous être en mesure d’assurer le recrutement des militaires du rang dans les années qui viennent ?

La diminution du nombre de militaires s’accompagnera inévitablement de celle du nombre de gradés. Ne convient-il pas de réviser dès maintenant le nombre d’officiers formés à l’école spéciale militaire de Saint-Cyr ?

M. le général d’armée Elrick Irastorza, chef d’état-major de l’armée de terre. FELIN est un système complexe, ce qui ne signifie pas compliqué. Pour son évaluation, le bon sens des soldats apporte une partie des réponses à nos interrogations. Lorsqu’on leur demande s’ils envisageraient de ne pas en être dotés, face à des adversaires qui en seraient équipés, leur réponse est négative ; c’est déjà un élément de réponse. Le fusil FAMAS FELIN est une meilleure arme que le FAMAS classique. Le système d’optique intégrée est excellent et il remplace plusieurs systèmes actuellement utilisés. Le système de protection FELIN est très couvrant, et assure, par le biais de plaques amovibles, une protection de niveau quatre sur l’avant de la cage thoracique, de niveau trois sur l’arrière, et une protection pare-éclats sur les côtés. Tout système de protection est un compromis entre la surface couverte et l’épaisseur de la protection. Le gilet pare-balles américain Paraclet, dont disposent les forces spéciales et nos bataillons en Kapisa, assure une protection de niveau quatre, mais il est moins couvrant et plus lourd que celui que nous utilisons actuellement.

S’agissant du système de liaisons intégrées de FELIN, il faut être particulièrement exigeant envers l’industriel. Il en va de même des moyens de vision nocturne. La lunette initialement proposée était tout juste équivalente à notre actuelle OB70, ce qui était inacceptable. Nous avons obtenu de l’industriel qu’il intègre un modèle plus performant.

Je regrette aussi que le programme FELIN ait suscité des doutes chez nos soldats pour des raisons d’ordre vestimentaire, tenant à la fois à la coupe des treillis ou à la qualité des chaussures fournies. De son côté, l’armée de terre a fait réaliser un treillis taillé comme elle le souhaitait et que j’appelle le treillis T3 qui n’est pas tout à fait le treillis FELIN, et que nous mettons en place en Afghanistan à la satisfaction générale. En conclusion, FELIN est un système dont l’armée de terre a besoin, et elle en conduira l’évaluation technico-opérationnelle à son terme, sans concessions, comme nous l’avons fait jusqu’à présent.

En matière de numérisation, nous sommes aujourd’hui dans une logique de moyens comptés. Il faut bien distinguer les moyens de télécommunications comme par exemple les satellites, qui seront toujours nécessaires, des moyens à terre qui permettent d’échanger à la voix, ou par transmissions de données. Cela dit, dans le cadre de la gestion globale des crises, nous sommes obligés de préserver les moyens civils de communication. Or, aujourd’hui, un téléphone portable permet à un ennemi installé dans la vallée de la Kapisa de transmettre à un camarade installé en embuscade dix kilomètres plus loin des photos d’un convoi. Les systèmes civils aux infrastructures lourdes fournissent des services d’une qualité quasiment meilleure que celle que peut fournir la numérisation à laquelle nous aspirons et qui doit relever d’un système autonome. Nous devons pouvoir fournir aux chefs sur le terrain des cartes renseignées avec la position des amis et des ennemis ou des photos en temps réel. Les forces spéciales bénéficient actuellement d’un tel dispositif, mais il sera bientôt banal de l’utiliser. Nous sommes aujourd’hui à la croisée des chemins en ce domaine : soit nous suivons les armées qui comptent et qui développent ce type de technologie, soit nous devenons une infanterie de supplétifs. Comme nous en avons fait l’expérience en Côte-d’Ivoire, avec des moyens comptés, nous pouvons occuper plus de terrain et dans de meilleures conditions opérationnelles.

Si nous renonçons à cette technologie, nous n’aurons plus le même modèle d’armée de terre, avec les conséquences qui en découleront en matière de recrutement : nous n’attireront plus les jeunes qui sont particulièrement sensibles à la qualité de l’équipement et aux nouvelles technologies avec lesquelles ils ont grandi.

Vous dites que je suis satisfait du budget. Je lis les journaux, je connais la situation du pays : comment pourrais-je demander 100 millions supplémentaires ? Je suis responsable. Nous n’aurons pas l’armée de nos rêves mais celle de nos moyens, des moyens qui sont adaptés aux missions qu’on lui donne.

En ce qui concerne les mesures d’accompagnement, je rappelle que le pécule est versé en deux fois, deux tiers au moment du départ, puis un tiers un an plus tard au moment où l’ancien militaire retrouve un emploi. Compte tenu de la situation économique actuelle, il y a de réelles inquiétudes sur la possibilité de toucher ce dernier tiers. Le dispositif devrait être arrimé à la prochaine loi de programmation militaire, de façon à ce que, dès le début de l’année prochaine, les armées puissent disposer d’éléments tangibles pour amorcer la gestion 2009

M. le président Guy Teissier. Selon le ministre, le projet de loi de programmation militaire devrait être déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale au début du moins de novembre.

M. Michel Grall. Les crédits nécessaires aux opérations extérieures (OPEX) sont aujourd’hui prélevés en partie sur les crédits d’équipement des forces. Cela peut-il perdurer ou faut-il il déjà reconsidérer une partie de notre présence militaire sur certains théâtres d’opération ?

En ce qui concerne la gestion des crises, l’approche qui est développée est une approche globale, qui combine des actions militaires, civiles, économiques et diplomatiques. Des réflexions à ce sujet sont en cours, aussi bien au sein de notre pays que dans l’OTAN. Quelle est la position de l’armée de terre sur ce thème ?

Enfin, pouvez vous nous présenter un rapide bilan des opérations d’externalisation au sein de l’armée de terre, aussi bien en France qu’en opérations extérieures ?

M. Christophe Guilloteau. Vous avez indiqué que 60 % des dépenses de maintenance de l’armée de terre étaient consacrées aux régiments de combat, notamment ceux équipés de chars Leclerc. Cette orientation est-elle justifiée ? Au Liban, on a l’impression à la fois que les déplacements des chars Leclerc sont contraints et que leur puissance de feu est surdimensionnée. Alors que le Président de la République déploie tous ses efforts pour instaurer la paix dans cette partie du monde, on le sentiment que si un de ces chars tirait un obus, il y déclencherait l’apocalypse.

Nous sommes engagés dans de nombreuses OPEX, y compris en Europe. Le rôle de la France est-il d’être le gendarme de l’Europe. Doit-on être aussi présents au Tchad ?

Enfin, vous avez dit qu’il fallait renoncer à certains effets d’uniforme. Pourriez vous préciser ce que vous entendez par là ?

M. le général d’armée Elrick Irastorza, chef d’état-major de l’armée de terre. Le chef d’état-major de l’armée de terre est un fournisseur de moyens entraînés et équipés pour le chef d’état-major des armées. Même si je n’ai pas à me prononcer sur l’opportunité et le nombre des opérations, j’ai demandé la suppression, le plus rapidement possible, d’un certain nombre de missions de courte durée, de souveraineté et de présence. Cela allégera les coûts et me donnera un peu de souplesse pour la planification. En fonction de l’évolution des situations, il faudra par la suite procéder à d’autres allégements. En Côte-d’Ivoire, en réduisant et en ramassant le dispositif en place, nous avons réduit la « surdispersion » caractérisée par des élongations considérables et des missions très compliquées, notamment pour les hélicoptères. Pour les autres opérations, l’évolution du dispositif dépend de l’ONU et de l’implication de l’Union européenne.

Je n’ai de cesse de dire à l’ensemble de l’armée de terre que, tout au long du processus de réduction des effectifs, j’aurai besoin de tous les personnels pour assumer le plan de charge. Certains régiments seront dissous alors même que des militaires en relevant seront en opérations extérieures. En tout cas, il faut faire baisser la pression sur les opérations pour faciliter la conduite du changement. Un régiment dont la dissolution a été prononcée restera debout jusqu’au bout.

L’approche globale requiert deux conditions : une supériorité militaire et une volonté de chacune des parties de vouloir sortir de la crise. Or, cette volonté n’est pas toujours partagée : en Afghanistan, par exemple, une partie des citoyens ne veut pas de cette globalisation, ne veut pas que les populations soient soignées, que des écoles soient construites ou que des pompes soient installées. Nous sommes donc par exemple obligés d’insérer nos actions civilo-militaires dans le cadre de nos opérations militaires.

En ce qui concerne l’externalisation, l’opération la plus emblématique est celle de Dax. Nous pensons qu’elle aura les effets attendus. Toutefois, il faut une contrepartie car l’externalisation coûte cher. Actuellement, la réduction complémentaire de 16 000 hommes prévue au titre de l’externalisation est hors du schéma de déflation. Si l’on veut avancer dans cette voie, il faut que l’externalisation soit financée prioritairement grâce aux gains de masse salariale.

Le problème de l’externalisation, c’est la rigidification des contrats. L’armée de terre a passé des contrats similaires à des contrats d’externalisation, par exemple, pour le soutien post-production du char Leclerc ou, avec Renault trucks, pour la fourniture à cinq jours de pièces de camions. Ces contrats ont un coût et, avec le temps, ils deviennent un élément fixe du budget de l’armée de terre. Arrivera le jour où il faudra les renouveler et lancer de nouveaux appels d’offre : que se passera-t-il si les entreprises qui sont capables d’assurer les services fournis jusqu’alors ne sont plus candidates ? La politique d’externalisation doit donc être conduite dans des métiers sans spécificité militaire et elle doit être menée avec une attention particulière.

Compte tenu de sa puissance de feu, le char Leclerc est une arme dissuasive au plan militaire et au plan politique. Il a aussi un coût : j’ai donc demandé que son usage soit limité au strict nécessaire ; si une patrouille peut être assurée avec un seul char, il n’est pas nécessaire d’en envoyer trois. Cette année, l’armée de terre dispose de crédits pour 14000 heures de fonctionnement moteur pour 140 chars Leclerc ; soit 100 heures par an et par char, soit dix heures par mois ou deux heures par semaine. Ce coût horaire de fonctionnement n’évoluera pas : on peut espérer disposer au mieux de 26 000 heures pour 255 chars, y compris ceux des écoles.

J’ajoute que les chars Leclerc qui sont en opérations extérieures consomment le potentiel des chars Leclerc qui restent sur le territoire national. De plus, il faut savoir que, quand on engage un matériel, celui-ci tombe en panne : statistiquement, un char Leclerc, qui est un système d’armes très complexe, tombe en panne au bout de 36 heures de fonctionnement.

M. le président Guy Teissier. Lors d’un déplacement au Liban, nous avons été surpris de voir que ces engins doivent circuler sur une piste spéciale, pour ne pas abîmer la route. Je note aussi que les chars Leclerc n’empêchent pas la violation de la souveraineté libanaise. En conséquence, si les envoyer a pu constituer un signal fort de la fermeté de la France, on peut se demander si leur maintien est encore justifié aujourd’hui.

M. le général d’armée Elrick Irastorza, chef d’état-major de l’armée de terre. La question reste de savoir si l’ambiance est au calme parce que la France est là ou si le calme justifie qu’elle puisse s’en aller. Cette appréciation relève des autorités politiques.

La politique d’emploi et de gestion des parcs, parfois décriée, permet de mettre très rapidement sous cocon un certain nombre de chars. Dans les régiments, un à deux escadrons sont conservés au titre de la préparation opérationnelle courante tandis que d’autres sont positionnés sur les camps pour l’entraînement. Mais les unités peuvent être engagées en opérations à partir des parcs d’alerte.

S’agissant des effets d’uniforme, j’ai pris, il y a deux ans, la décision d’arrêter la production des brodequins de marche à jambière attenante, les rangers. Nos forces doivent être dotées de chaussures adaptées à leurs missions. J’ai également décidé que les dotations se feraient désormais en fonction des affectations. À cette fin, le système d’achat par carte a été verrouillé. De même le remplacement du manteau et de l’imperméable par un trois-quart a été abandonné. Enfin, les militaires du rang ayant des carrières très courtes, la question de certaines tenues se pose : percevoir une tenue de sortie dont on aura l’usage une fois par an n’est peut-être pas indispensable. En revanche, les soldats sont très attentifs à être bien équipés pour partir en opération. Des économies ont été réalisées sur ce plan : le camouflage du tricot de corps coûtait par exemple 800 000 euros par an. Quant à la réalisation du treillis FELIN par un industriel étranger, elle semble rencontrer quelques difficultés. En revanche, il n’y a aucun problème pour le treillis T3 en coton qui est fabriqué par une entreprise française.

Responsable du recrutement de 2000 à 2002, je connais les difficultés et la complexité de ce métier. L’armée de terre est composée à 72 % de contractuels. Tous les militaires du rang sont contractuels. 60 % d’entre eux ont le BEP ou le CAP, 20 % n’ont aucun diplôme et 20 % ont un niveau supérieur au BEP ou au CAP. Le recrutement reste fragile et il est soumis aux aléas de la conjoncture.

Le drame de cet été en Afghanistan n’a pas influencé sensiblement le niveau de recrutement. Il semble néanmoins que certains jeunes renoncent au dernier moment à s’engager, souvent sous l’influence de leurs parents. À l’inverse, les jeunes qui s’engagent avec la volonté de partir en opérations et qui ne partent pas, le prennent mal.

La physionomie de l’armée de terre a changé, en particulier pour ce qui concerne le recrutement des officiers : elle ne dispose plus des aspirants du contingent, qui constituaient une ressource de très grande qualité. Aujourd’hui, les officiers de qualité ne peuvent être que des officiers de recrutement direct. S’agissant du recrutement semi-direct, il est de plus en plus difficile de trouver de jeunes sergents qui veulent préparer l’école militaire interarmes (EMIA) ; les effectifs de cette école ne cessent de chuter. Le volume des officiers bien formés diminue et ne peut pas être compensé par une montée en puissance des officiers contractuels, qui n’ont ni la même formation ni le même état d’esprit initial.

L’encadrement des unités de combat doit comporter au moins pour moitié des officiers de carrière. Avec 80 régiments, nous devons pouvoir disposer annuellement de 125 Saint-Cyriens, dont nous ferons, selon des règles connues, 75 à 80 colonels et 25 officiers généraux, sachant que l’armée de terre va, d’ici à 2014, réduire de 30 le nombre de ses officiers généraux.

M. Yves Fromion. Vous avez évoqué la question de l’usage par les talibans des réseaux de téléphonie mobile civils pour le combat opérationnel. Que faudrait-il faire pour lutter contre cela ?

M. le général d’armée Elrick Irastorza, chef d’état-major de l’armée de terre. Quand une section entre dans une vallée de type afghan, elle peut avoir le sentiment qu’elle est inhabitée. La détection d’une émission constitue alors une information précieuse. Pour cela, il faut mettre en place un système de guerre électronique de l’avant. Nous devons développer ce type de capacités, qui ne doivent pas être trop onéreuses.

M. Yves Fromion. Je partage ce point de vue. Aujourd’hui, la tendance est de considérer qu’un équipement sophistiqué est un équipement fragile. Je ne le crois pas : sophistication ne signifie pas fragilité. Dans une guerre asymétrique, la haute technologie est une nécessité pour parvenir à une parité opérationnelle sur le terrain. Nos armées doivent disposer de tels équipements, robustes et opérationnels, qui les maintiennent au niveau de nos alliés occidentaux.

M. Jean-Claude Viollet. On a souvent entendu dire que l’atteinte de l’objectif nominal repose sur la mobilisation des ressources exceptionnelles. Je trouve cela inquiétant, et cette inquiétude est, je crois, partagée par l’ensemble de la commission. Dire que le minimum sera atteint seulement si on a des ressources exceptionnelles m’inquiète, surtout quand on connaît leur origine, à savoir la réalisation d’actifs immobiliers et la vente de fréquences.

On parle de mise sous cocon des matériels. À ma connaissance, cela ne s’applique pas pour les appareils à voilure tournante. Dans le rapport d’information sur l’aéromobilité qu’Alain Marty, Michel Sordi et moi-même avons réalisé, nous avons constaté un déficit capacitaire en 2010, où seuls 20 hélicoptères de manœuvre voleront. Or le premier hélicoptère NH 90 n’arrivera qu’en 2011, avec une remontée en capacité seulement en 2018. Ce constat s’est-il amélioré ou dégradé ? Peut-on faire quelque chose en urgence pour retrouver un minimum de capacité en matière d’aéromobilité, notamment d’hélicoptères de manœuvre ? Si ce n’est pas possible, il faut en tirer les conséquences en matière opérationnelle.

M. le général d’armée Elrick Irastorza, chef d’état-major de l’armée de terre. J’ai décidé l’arrêt de vol d’un certain nombre de Gazelle, mais cela ne résout pas le problème des hélicoptères de manœuvre. La transition se fera pour partie avec les Caracal et les Cougar rénovés et nos derniers Puma, pour autant que l’on continuera à les entretenir. L’une des difficultés est la hausse prévisible des coûts de maintien en condition opérationnelle. L’effort en matière de MCO sur l’ensemble de la période devrait passer pour l’EPM terre et air de 604 millions d’euros à 658 millions d’euros en 2011 et à 678 millions d’euros en 2014. S’agissant des hélicoptères, le coût est actuellement de 220 millions par an, mais nous assistons à une véritable envolée du prix des pièces. Nous allons gérer au mieux le parc mais nous serons contraints d’arrêter un certain nombre de machines.

La question de l’entraînement des équipages d’hélicoptères est par ailleurs incontournable, notamment pour les pilotes et les équipages qui volent de nuit. J’ajoute qu’un quart des heures sur simulateur sont validées et que, inévitablement, les pilotes de Tigre effectueront une partie de leurs heures de vol sur Gazelle. Nous enverrons aussi les pilotes voler à Dax sur le potentiel du contrat qui n’aura pas été utilisé en formation, ce qui permettra de rentabiliser et d’optimiser au mieux ce contrat.

Enfin, il est vrai qu’il est préoccupant que la livraison du premier NH 90 n’intervienne qu’en 2011.

M. le président Guy Teissier. Je vous remercie, mon général, pour votre présentation.

La séance est levée à 18 heures

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