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Commission de la défense nationale et des forces armées

Mardi 21 octobre 2008

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 12

Présidence de M. Guy Teissier, Président

– Audition du général Stéphane Abrial, chef d’état–major de l’armée de l’air, sur le projet de loi de finances pour 2009

– Information relative à la commission

Audition du Général Stéphane Abrial, chef d’état-major de l’armée de l’air, sur le projet de loi de finances pour 2009

La séance est ouverte à dix-sept heures

M. le président Guy Teissier. Mes chers collègues, nous accueillons le général Stéphane Abrial, chef d’état-major de l’armée de l’air, à qui je souhaite la bienvenue en notre nom à tous.

Certains d’entre nous ont déjà eu l’occasion, en juillet dernier, de débattre avec lui des problèmes spécifiques à l’armée de l’air, en particulier de l’effort très important de restructuration qu’elle va devoir réaliser puisqu’elle porte sur 30 % de ses bases en France métropolitaine. Nous connaissons aussi les difficultés opérationnelles auxquelles elle est confrontée, difficultés qui risquent d’être encore accentuées par le nouveau retard de l’A400M.

Vous nous ferez le point, mon général, sur ces différents sujets en nous détaillant par ailleurs l’évolution des crédits pour 2009, première année de la future loi de programmation militaire.

Général Stéphane Abrial, chef d’état-major de l’armée de l’air. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, c’est avec fierté et plaisir que je m'exprime devant vous pour la troisième fois en tant que chef d'état-major de l'armée de l'air afin de vous rendre compte de l'engagement des aviateurs au service de la Nation.

L’année 2008 est particulière puisque l'exécution de la loi de programmation militaire (LPM) 2003-2008 se termine, tandis que nous préparons un autre exercice qui va s'étendre de 2009 à 2014. Après avoir évoqué ce que l'armée de l'air accomplit chaque jour au profit de nos concitoyens, je vous ferai un bilan rapide de la précédente LPM et vous présenterai les enjeux liés au projet de loi de finances (PLF) pour 2009 en termes d’équipements, de mise en condition opérationnelle de nos matériels, ainsi que l’impact, y compris sur le plan humain, de la rationalisation de très grande ampleur que nous allons mettre en œuvre. Je m'en tiendrai évidemment aux domaines liés à mes attributions, sous l'autorité du chef d'état-major des armées. Vous comprendrez donc que mes appréciations se porteront principalement sur la cohérence organique de l'armée de l'air.

Les contributions de l'armée de l'air au service des autorités politiques et militaires ou de nos concitoyens sont très variées. L’usage de la troisième dimension peut être une alternative à des méthodes plus classiques pour traiter les crises. Ce sont ainsi des avions de reconnaissance qui ont ramené les preuves de la présence de missiles balistiques à Cuba en 1962. Ce sont des avions militaires de transport qui ont assuré un pont aérien vers Berlin en 1948 et évité tout risque d'accrochage au sol entre les convois de ravitaillement et les troupes soviétiques. L'armée de l'air joue en fait un rôle essentiel en incarnant le volet militaire de la puissance aérienne, qui participe elle-même à la puissance globale et au rayonnement d'un pays. Mais la contribution de l'armée de l'air s'inscrit également quotidiennement dans la stratégie de défense et de sécurité nationale. Elle intervient sur l'ensemble des théâtres d'opération où nos armées sont impliquées. Elle participe aux différentes missions qui mobilisent les moyens militaires.

Depuis octobre 1964, des avions équipés d'armement nucléaire sont prêts à décoller si nos intérêts vitaux venaient à être menacés. Premier pilier historiquement mis en œuvre dans notre triade nationale, la composante pilotée offre des capacités uniques au sein de notre outil de dissuasion : profils de vol différents s'adaptant en permanence aux modes d'actions défensifs adverses ; rappel possible jusqu'au dernier moment laissant la place à d'ultimes négociations ; précision extrême ; sanctuarisation de notre territoire. Tous ces effets sont obtenus à un coût relativement faible au sein du système de dissuasion français.

Toujours sur notre territoire, nous contribuons à la sécurité de nos concitoyens. Nous mobilisons ainsi de très nombreux moyens pour la sûreté de l'espace aérien, garantissant sa souveraineté et la liberté d'action de l'État. Nous maintenons en permanence en alerte jusqu'à 12 avions de chasse sur 6 bases, et jusqu'à 4 patrouilles de 2 hélicoptères dans le cadre de la posture permanente de sûreté – la PPS –, ce qui mobilise vingt-quatre heures sur vingt-quatre environ 1000 personnes. Nos avions de chasse décollent en moyenne 1 500 fois par an pour veiller sur le ciel de France. Par ailleurs, environ 130 opérations de recherche et sauvetage sont déclenchées annuellement en France : elles sauvent en moyenne une vingtaine de personnes, victimes d'accidents aériens civils ou militaires.

À l'étranger, nos moyens sont engagés en Afrique depuis une trentaine d'années. Nous disposons de 5 avions de transport au Tchad et en Côte-d'Ivoire et de 6 avions de chasse soutenus par un ravitailleur à N'Djamena, qui peuvent intervenir sur toute l'Afrique centrale. Nous participons actuellement à l'EUFOR avec l'ensemble de nos moyens prépositionnés.

Les événements tragiques du 18 août ont aussi mis en avant notre engagement en Afghanistan. Les hélicoptères Caracal ont acheminé renforts, secours et équipements pendant la majeure partie des combats dans la vallée d'Uzbeen tout en évacuant les victimes. De nombreuses actions de ce type, bien que beaucoup moins intenses, se sont déjà produites. Nous intervenons en effet depuis plus de six ans en Asie Centrale avec nos hélicoptères, nos avions de transport, de ravitaillement, de chasse ou nos forces spéciales qui ont d'ailleurs effectué un travail aussi remarquable que discret. L'activité y est très soutenue. Nos Rafale et nos Mirage 2000D basés à Kandahar accomplissent quotidiennement des missions de renseignement, de protection de convois, de surveillance de zones et d'itinéraires, ou de démonstration de forces et, quand c'est nécessaire, d'attaques d'objectifs désignés par les troupes de la coalition sous le feu ennemi. Le couple avion de chasse/troupes au sol est devenu incontournable en Afghanistan du sud et de l’est. Les équipages de transport assurent un flux logistique indispensable pour fournir en matériels et denrées les unités françaises présentes en Afghanistan et usent parfois de techniques originales comme l'aérolargage à haute altitude pour livrer les fournitures qu'ils emportent. Comme au Tchad, un nombre limité d'hommes met en œuvre une dizaine d'appareils capables d'intervenir sur un théâtre étendu. Nous pouvons ainsi, avec une empreinte au sol réduite à moins de 500 personnes, rayonner aisément et faire valoir notre influence sur toute une région en nous appuyant sur une base servant de hub, telle Douchanbe en Asie centrale qui dessert des ramifications : Kaboul et Kandahar.

Au total, et au-delà du personnel et des appareils dédiés à la posture permanente de sûreté, ce sont quelque 3 500 aviateurs qui servent hors de métropole et mettent en œuvre environ 80 machines, qu’il s’agisse d’avions de chasse ou de transport, d’hélicoptères ou de ravitailleurs.

Notre efficacité en opération s'explique notamment par le fait que les priorités fixées par l'armée de l'air dans le cadre de la loi de programmation militaire 2003-2008 ont été globalement atteintes. Le taux d'exécution budgétaire de la LPM au travers des lois de finances successives est de l'ordre de 99 %. Ce résultat, qui paraît remarquable, ne doit cependant pas masquer une certaine faiblesse du volume des autorisations d'engagement dans le bilan provisoire 2003-2007, qui nous a contraints de retarder la modernisation de nos flottes en faisant peser de fortes contraintes organiques sur le maintien en condition de certains avions anciens.

Les marges de manœuvre sur les programmes de l'armée de l'air sont aujourd'hui très faibles, du fait des mesures déjà prises lors des arbitrages budgétaires précédents, du caractère inéluctable des dépenses à venir ou des engagements liés aux programmes développés dans le cadre de la construction européenne.

Des incertitudes pèsent sur la fin de gestion 2008 qui peut se révéler délicate. Pour l'armée de l'air, le plafonnement des engagements se traduira probablement par une limitation des commandes de 2008 aux environs des 1,9 milliards d’euros – contre un montant initial de 2,2 milliards – incluant 280 millions d’euros destinés aux avions à usage gouvernemental. Nous avons fait le choix incontournable cette année de préserver les programmes liés à la modernisation de notre outil de combat aérien. Notre cohérence globale en souffre, avec des ressources moindres accordées à l’entraînement, à la simulation ou à la mise aux normes de l’Organisation de l’aviation civile internationale de certains aéronefs.

Aussi, malgré tous les efforts déjà largement consentis par la Nation et la conjoncture financière défavorable, est-il nécessaire d'assurer fin 2008 une sortie de gestion à l'équilibre du programme 146, tout en préservant le dernier montant des engagements fixé. En cas contraire, le risque serait grand que la future LPM soit fragilisée avant même son vote, alors qu'elle constitue le premier pas essentiel vers le modèle de défense du nouveau Livre blanc. Il me semble, de ce point de vue, nécessaire de repenser d'une manière globale le traitement en gestion des aléas financiers du ministère de la défense, notamment la prise en compte des surcoûts OPEX et du carburant opérationnel. Ce traitement n’est pas satisfaisant puisque, jusqu’à présent, il vient ponctionner les ressources du programme 146.

Pour autant, nous avons l'opportunité de bénéficier d'un nouvel élan avec une stratégie de défense et de sécurité nationale redéfinie, de nouveaux processus inspirés par la révision générale des politiques publiques et une loi de programmation militaire en cours de construction.

Le Livre blanc, comme vous le savez, définit précisément le format de l'armée de l'air pour les années à venir. Dans ses grandes lignes, il prévoit que la composante aérienne de combat sera modernisée pour disposer d'un parc homogène de 300 avions de combat de type Rafale et Mirage 2000D modernisés, dont 270 en ligne. L’armée de l’air assurera la mise en œuvre de la composante aéroportée de dissuasion, avec 2 escadrons nucléaires et une capacité de ravitaillement associée. Une infrastructure radar adaptée, qui comprendra des avions radar de type AWACS ou Hawkeye de la marine, sera employée pour la surveillance et le contrôle du territoire national. Enfin, la flotte d'avions de ravitaillement et de transport comprendra une quinzaine d'appareils de type MRTT (avion multirôle transport-ravitaillement) et environ 70 avions de transport.

L'élaboration de ce format adapté à nos contrats opérationnels a notamment correspondu à l'application de deux principes. Le premier est que la qualité permet d'économiser sur la quantité. Il vaut mieux disposer d'un avion possédant le système d'arme conçu pour délivrer un armement précis dans un environnement urbain que de plusieurs avions, moins bien équipés et seulement capables de tirer des bombes dont les trajectoires balistiques sont plus aléatoires. Nous sommes ainsi en mesure de détruire l'objectif assigné tout en limitant fortement les risques de dommages collatéraux.

La logique est la même pour le combat aérien. Nous constatons que des matériels russes de quatrième génération très performants et polyvalents, comme le Sukhoï 30, s'exportent de plus en plus. Ces avions équipent les grandes puissances comme la Chine ou l'Inde, voire des puissances régionales comme l'Éthiopie, ou l'Algérie qui disposera à terme d'une trentaine d'exemplaires ravitaillables en vol. La Russie a parallèlement choisi de marquer son mécontentement face aux dernières initiatives américaines en laissant, comme au temps de la guerre froide, ses bombardiers stratégiques flirter avec les espaces nationaux des pays d'Europe de l'Ouest. Des modes d'action ressurgissent, que l'on pensait révolus.

Notre expérience du combat nous a appris que le talent et la bravoure ne peuvent complètement compenser une infériorité technologique. Tous ceux qui, comme moi, suivent les grands prix de Formule 1 comprennent l'importance, quelle que soit la qualité des hommes, de posséder un matériel plus performant que celui de ses adversaires pour asseoir sa supériorité. Il en va de même dans le ciel. Lors d'une interception, celui qui peut voir plus loin que son opposant et déclencher ses feux plus tôt part avec un avantage comparatif très appréciable. Le fait de disposer d'avions plus efficaces, mais en nombre réduit, permet également de réaliser des gains significatifs dans le domaine de la logistique, que ce soit dans le volume de mécaniciens nécessaires pour les entretenir ou dans l'achat de pièces de rechange, par exemple.

Le second principe qui a guidé nos pas dans l'élaboration de ce format est celui de la polyvalence des vecteurs. Nous pouvons là encore réaliser des économies d'échelle sans diminuer nos performances. En cas de crise, il n'est plus nécessaire de projeter différents types d'avions spécialisés chacun dans une seule mission. Une seule flotte d'avions suffit, dont la panoplie d'emport ou la cargaison peuvent varier. Là encore, la chaîne logistique est largement simplifiée, avec tous les avantages que cela peut procurer.

Dans cet environnement, vous comprendrez l'importance que revêt le PLF 2009 pour l'armée de l'air, afin de poursuivre convenablement la modernisation de nos équipements. Les moyens alloués pour 2009 évoluent en cohérence avec les décisions du comité de modernisation des politiques publiques. Ils sanctionnent également différentes priorités inscrites dans le Livre blanc : renouvellement des radars de détection haute et moyenne altitude, contractualisation du soutien et des outils de formation de l'A400M, commande globale de 60 Rafale, lancement de l'opération de mise à niveau des Mirage 2000D et rénovation mi-vie des avions radars AWACS. Je soutiens évidemment fortement tous ces choix.

Je suis particulièrement satisfait d'obtenir les ressources permettant de remettre à niveau notre flotte de Mirage 2000D tandis que la commande des Rafale assure la modernisation de nos capacités. Cet avion a démontré ses excellentes performances opérationnelles au cours de deux campagnes de quatre mois en Afghanistan en 2007 et en 2008, ainsi que lors des exercices internationaux de grande ampleur organisés en Europe, au Moyen-Orient ou aux États-Unis. Il a fait chaque fois forte impression et il a largement concrétisé tous les espoirs que nous placions en lui.

Une nouvelle version du Rafale est qualifiée depuis le 1er juillet 2008. Ce standard F3 ajoute aux capacités initiales la possibilité de tir du missile nucléaire stratégique ASMPA – air-sol moyenne portée amélioré – et du missile anti-navire AM39, ainsi qu’une capacité de reconnaissance de nouvelle génération avec la nacelle que nous appelons Reco NG. Ce nouveau standard est désormais disponible sur les avions sortant d'usine. Le « retrofit » des appareils déjà livrés en standard F2 vers le standard F3 a par ailleurs débuté et se poursuivra jusqu'au début 2010.

Fin 2008, le deuxième escadron Rafale débutera sa transformation sur la base aérienne de Saint-Dizier. Les nouvelles capacités du standard F3, hors missile ASMPA, devraient être déclarées opérationnelles en 2009. Il faudra attendre mi-2010 pour la capacité nucléaire.

Aujourd'hui, en raison des nombreux décalages dus aux régulations financières récurrentes, 42 avions Rafale ont été livrés à l'armée de l'air au lieu des 57 prévus. Une commande intermédiaire de 8 appareils est prévue pour fin 2008. La prochaine commande globale de 60 avions inscrite au PLF 2009 est donc la bienvenue. Je ne saurais trop insister sur le fait que ces commandes sont indispensables pour que l'armée de l'air soit en mesure de remplir les contrats opérationnels qui lui ont été fixés et que la cadence de production en est un paramètre capital.

La situation pour l'aviation de transport peut également être améliorée. L'A400M est destiné à remplacer la flotte de transport tactique de Cl60 et de Cl30. Il doit également compléter la capacité de ravitaillement en vol sur le théâtre. Cinquante avions ont été commandés par la France. Comme vous le savez, le temps presse car nos valeureux Transall sont désormais à bout de souffle. La vétusté de la flotte est de plus en plus prononcée. Le petit-fils d'un des premiers membres d'équipage du Transall dans les années soixante pourrait tout à fait piloter le même avion que son grand-père !

Le respect des nouveaux contrats est dans ce contexte de plus en plus difficile à tenir. L'armée de l'air doit par exemple être capable de projeter en cinq jours, à 7 000 ou 8 000 kilomètres, une force de réaction immédiate composée de 2 200 hommes et de plus de 3 000 tonnes de matériel. Nous pouvons aujourd'hui projeter la totalité du personnel, mais seulement le tiers environ du matériel prévu. Et, dans l'attente de l'arrivée de l’A400M, ce chiffre va décroître lentement au fur et à mesure du retrait des Transall. C'est pourquoi nous espérons que la plupart des difficultés liées au développement de l'avion seront rapidement levées. Nous savons maintenant que la première livraison dépassera un retard d'un an ; des solutions intermédiaires sont étudiées pour maintenir nos capacités et continuer à assurer un flux logistique entre nos troupes déployées et la métropole. Je suis donc avec beaucoup d'attention l'évolution du programme A400M.

La problématique de l'A400M est par ailleurs étroitement liée à celle du MRTT. Nous avons considéré nos besoins dans les deux cas selon le principe de juste suffisance, en jouant de la polyvalence des deux vecteurs et de leur complémentarité. Une telle approche nous a permis de réduire les cibles initialement envisagées si nous avions considéré le cas des deux avions séparément. Ainsi, 14 MRTT remplaceront 19 appareils : la flotte actuelle de C135, dont les plus vieux exemplaires ont été construits en 1962, ainsi que les trois A310 et les deux A340. Tout décalage de ce programme, ajouté à la faible disponibilité de la flotte C135, ferait peser un risque croissant de rupture des capacités stratégiques de ravitaillement en vol et d'évacuation sanitaire.

Outre les vecteurs aériens traditionnels, l'armée de l'air s'engage avec enthousiasme dans l'ère de la robotisation. L'intérêt des drones s'est définitivement imposé lors des affrontements en Irak et en Afghanistan. Armés ou de reconnaissance, ils sont devenus indispensables sur le champ de bataille. Ils satisfont au besoin de permanence, que les avions ou les hélicoptères ne peuvent honorer qu'avec le soutien de ravitailleurs spécialisés. Les opportunités sont très nombreuses.

D'un point de vue militaire, le couple drone/avion de chasse forme une combinaison désormais redoutable. En Afghanistan cet hiver, un Mirage 2000D a frappé de nuit avec une bombe guidée laser des insurgés qui profitaient de l'obscurité pour poser un dispositif explosif improvisé. Ces hommes avaient été repérés en toute discrétion grâce aux capteurs infrarouges d'un drone. Un attentat a ainsi été empêché grâce à des moyens exclusivement aériens, qui montrent leur complémentarité avec le dispositif terrestre.

D'un point de vue interministériel, les applications des drones sont aussi très nombreuses. Les différentes charges utiles qui peuvent être emportées permettent de remplir des missions aussi variées que la protection d'événements sensibles – comme des sommets internationaux ou la visite du Pape –, la prévention de trafics illicites, la détection d'incendies de forêt ou de pollution, entre autres. À ce titre, le drone symbolise le rapprochement des affaires de défense et de sécurité.

Le programme SIDM (Système intérimaire de drone MALE), contractualisé avec la société EADS en août 2001 pour l'acquisition et le soutien d'un système de 3 drones et de 2 stations de contrôle au sol, arrive enfin à terme après cinq années de retard dues aux difficultés rencontrées par l'industriel. Ce système intérimaire est conçu pour offrir une première capacité de surveillance et de désignation d'objectif. À l'horizon 2015, il doit être remplacé par un système de drone MALE plus robuste. La livraison officielle à l'armée de l'air du SIDM sera réalisée ce mois-ci à Mont-de-Marsan. L'expérimentation du système et l'entraînement du personnel opérateur et technicien vont pouvoir débuter. Ils s'effectueront très vite sur le théâtre afghan où le système devrait commencer à évoluer début 2009. Des négociations sont en cours avec EADS pour l'acquisition d'une plateforme supplémentaire et la contractualisation d’un MCO (maintien en condition opérationnelle) couvrant une activité opérationnelle jusqu’en 2016.

Si la modernisation de nos équipements est indispensable, elle ne suffit cependant pas pour assurer notre efficacité sur le champ de bataille. Nous devons être capables de nous entraîner, de répéter régulièrement nos gammes sur les équipements performants que nous possédons pour en exploiter tous les aspects, pour adapter nos tactiques. Mais pour s'entraîner, il faut que les matériels soient disponibles ! Vous n'ignorez pas tous les efforts qui ont été faits dans le domaine du MCO. De grandes réformes ont été menées dans le soutien aéronautique avec la création de nombreuses structures comme la Structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la Défense, la SIMMAD, le Commandement du soutien des forces aériennes au sein de l’armée de l’air, le CSFA, le Service industriel de l’aéronautique, le SIAé, créé au 1er janvier, le tout en moins de dix ans. De même, nous avons réduit de trois à deux les niveaux de maintenance des aéronefs, rationalisant largement notre approche dans ce domaine. Nous disposons ainsi d'une véritable expertise aéronautique étatique qu'il importe de préserver pour conserver un niveau de connaissance technique face aux industriels, orienter l'activité en fonction des priorités opérationnelles ou encore garder un savoir-faire pour les flottes anciennes.

Les résultats de ces réformes peuvent être appréciés aujourd'hui. Nous avons pu stabiliser puis faire progresser la disponibilité qui atteint désormais 95 % sur les théâtres extérieurs. En revanche, le taux de disponibilité en métropole reste de l'ordre de 60 % depuis trois ans. Ce niveau est tout juste suffisant pour assurer sereinement la préparation de nos forces.

Par ailleurs, malgré une forte contraction du format des flottes et le maintien des niveaux actuels des crédits de MCO sur la prochaine LPM, la disponibilité ne devrait pas progresser.

Nous constatons en effet une tendance à la dérive des coûts de rechange et de tarification des prestations industrielles pour nos flottes d'aéronefs, qu'elles soient anciennes ou récentes. Le besoin en ressources augmente aussi significativement pour certains matériels d'information et de communication aéronautiques ou sol-air. Enfin, la restauration et le maintien à niveau des stocks de rechanges, dont la situation continue de se dégrader, nécessiteront probablement un effort financier supplémentaire.

Nos efforts de productivité ne touchent pas que le soutien aéronautique. Nous sommes conscients que nous devons mettre en œuvre tous les processus possibles de rationalisation. La RGPP a fixé des objectifs dans ce cadre qui impactent fortement l’armée de l’air, mais qui sont nécessaires pour adapter notre empreinte sur le territoire compte tenu de la diminution du nombre d'unités de combat ou de transport. L'objectif qui nous a été fixé est de dissoudre 8 bases au cours des quatre prochaines années. Nous possédons actuellement 37 bases en métropole : ce nombre devrait passer à 29 en 2012. Les bases restantes seront densifiées, le nombre moyen d'avions passant de 30 à 40 pour chaque plate-forme. Les effectifs vont être réduits mécaniquement. Nous devrions perdre 15 900 personnes en six ans et l'armée de l'air devrait comprendre 50 000 hommes en 2014. Cela correspond à une diminution de 25 % par rapport aux effectifs actuels. De fait, le nombre moyen d'aviateurs par base passera de 1 600 à environ 2 000.

Le plan « Air 2010 », décidé dès 2000 par les autorités de l'armée de l'air, nous avait permis d'anticiper ces réformes nécessaires en modernisant nos structures devenues très complexes, avec de trop nombreux commandements. L'armée de l'air est ainsi passée d'une logique de segmentation du territoire et des responsabilités à une logique de cohérence globale et de décentralisation. Ce projet a rassemblé des familles de métiers, en parfaite adéquation avec les trois grandes fonctions qui caractérisent l'action des forces – préparer, opérer et soutenir – et avec les deux principales fonctions transverses que sont les ressources humaines et le soutien administratif et financier. Cette réorganisation a permis à l'armée de l'air d’être une force de propositions lors des premiers travaux de la RGPP et de servir de base aux réorganisations envisagées selon la même logique de recherche d'efficacité opérationnelle.

Le plan de restructuration du ministère de la défense et de l'armée de l'air s'accompagne également de l'optimisation de l'administration générale et du soutien commun. Un commandement interarmées du soutien est créé, ainsi que des bases de défense, pour pourvoir à ces tâches. Les bases aériennes transféreront ainsi leurs attributions dans le domaine de l'administration générale et du soutien commun au « groupement de soutien des bases de défense » et se recentreront sur leurs missions opérationnelles et de préparation des forces. Ce transfert sera progressif sur la période. Il débutera en 2009 par l'expérimentation de 11 bases de défense dont 4 commandées par des aviateurs : Creil, Avord, Nancy et Djibouti.

L'armée de l'air s'inscrit totalement dans la démarche de rationalisation et de mutualisation interarmées qui, grâce à une bonne communication interne, est parfaitement comprise et acceptée par les aviateurs. Ceux-ci ont bien saisi les trois axes de la réforme : modernisation des équipements, amélioration des conditions de travail, amélioration des conditions de vie.

Néanmoins, et légitimement, chacun s’interroge sur son propre avenir. C’est pourquoi l’accompagnement humain de la réforme revêt, pour moi, une importance capitale. L’adhésion des hommes est primordiale. Les efforts qui leur sont demandés sont très importants et tous les responsables doivent veiller à ce que ces efforts soient reconnus et à ce que les attentes ne soient pas déçues. Dans un environnement évolutif qui placera tout spécialement l’armée de l’air sous tension, le sort des hommes et des femmes que la Nation nous confie doit être au cœur de notre démarche. Je constate cette année une certaine baisse de moral qui peut s’expliquer par la forte attente générée par les différentes annonces contenues dans le Livre blanc et par la mise en œuvre de la RGPP. Le personnel souhaite des informations concrètes concernant les modalités de mise en œuvre des restructurations et leur impact humain : mesures d’accompagnement social, gestion des ressources humaines concernant les bases qui fermeront ainsi que les spécialités plus particulièrement touchées. Des préoccupations récurrentes s’ajoutent à ces inquiétudes : baisse du pouvoir d’achat, matériel vieillissant, impact de la mobilité sur la vie familiale. Le personnel a le sentiment que, sur ces points, les avancées sont rares, et une certaine lassitude devient perceptible.

Un doute s’installe par ailleurs quant au pouvoir d’action des instances de concertation et à la capacité de l’institution à défendre les intérêts individuels et collectifs. S’agissant du personnel civil, l’absence de perspective de carrière et la stagnation des rémunérations constituent les principaux sujets de préoccupation.

L’intérêt pour la mission et la fierté de défendre les valeurs de la Nation demeurent en revanche de réels motifs de satisfaction et ils contribuent à l’effort engagé par tous pour la réussite des missions qui sont assignées à l’armée de l’air. Cependant, pour l’ensemble des domaines mentionnés, le personnel attend des améliorations, considérées comme un juste retour de la Nation au regard du dévouement manifesté et des sacrifices consentis, notamment sur le plan familial.

M. le président Guy Teissier. Merci, mon général, de cet exposé très complet, tant sur le plan humain que sur le plan technique. Je souhaiterais vous poser deux questions en complément.

Tout d’abord, quelles solutions envisagez-vous pour pallier le retard de l’A400M ?

Le secrétaire général de l’administration nous a indiqué par ailleurs que le PLF prévoyait 14,5 millions d’euros pour les infrastructures destinées à accueillir cet appareil. Quel sera l’impact du retard sur cette opération ?

Général Stéphane Abrial, chef d’état-major de l’armée de l’air. La grosse difficulté que je rencontre tient à ce que j’ai déjà fait entrer les Transall dans une gestion de fin de vie. Selon un calendrier bien établi, les deux premiers A400M devaient arriver au second semestre 2009 – quand un militaire dit « second semestre », il pense début juillet, alors qu’un industriel pense fin décembre. À l’heure actuelle, le retard annoncé d’un an risque bien d’être doublé ; j’espère que cela n’ira pas au-delà. Il faut donc que je régénère du potentiel sur Transall que j’avais laissé doucement s’éteindre, et cela a un coût. Par ailleurs, il faut compenser le trou capacitaire lié à ce retard. Or il n’y a pas de marge dans le budget pour 2009 et je pense qu’il n’y en aura pas beaucoup dans le projet de LPM. Si le retard se confirme, il faut donc trouver le moyen de dégager des crédits sur ce programme afin d’envisager des mesures palliatives, lesquelles pourraient, dans le cadre d’une négociation bien comprise, s’appuyer sur les pénalités auxquelles l’industriel doit faire face.

Notre flotte de Transall et d’Hercules servant principalement à faire du transport tactique, nous avons un besoin évident d’accroître notre capacité de transport stratégique et aussi d’être en mesure de transporter sur de courtes distances des « petits » volumes. Le transport stratégique pourrait être réalisé par des appareils du type A330, quitte à les transformer ensuite en ravitailleurs. À l’autre bout du spectre, on pourrait utiliser des cargos légers – prêtés, acquis ou loués – pour compléter la flotte de 19 CASA 235 dont l’armée de l’air dispose actuellement. Ces avions permettraient de faire de l’aéromobilité de théâtre et d’effectuer des missions remplies actuellement par des Transall, alors que ces derniers ne sont pas utilisés à plein et qu’ils ne vont pas au bout de leur allonge. On dégagerait ainsi du potentiel Transall au bénéfice des armées et de la manœuvre globale aéroterrestre. Voilà le type de solution que je propose au chef d’état-major des armées.

En ce qui concerne les délais de livraison de l’A400M, l’industriel lui-même ne se prononce pas. Le problème principal tient à la motorisation. Il n’y a plus de date fixée pour le premier vol, ni a fortiori pour la livraison des premiers exemplaires. Mon premier impératif est d’obtenir une date. Si c’est une affaire de quelques mois, je continuerai à faire du mieux que je peux avec ce que j’ai. Au-delà, il faudra prendre d’autres mesures.

S’agissant de la base d’Orléans, sur laquelle nous avons prévu de regrouper l’ensemble des A400M qui resteront sous contrôle national – des démarches ont été engagées avec nos partenaires européens pour créer une unité multinationale qui pourrait être stationnée ailleurs –, nous avons entrepris sa rénovation de fond en comble selon un démarche de développement durable afin d’en faire une base modèle et moderne. Comme le chantier a déjà pris du retard, les délais de livraison de l’A400M n’auront pas de conséquence sur les travaux d’infrastructure. Au contraire, cela nous permettra de garantir aux équipages une infrastructure moderne au bon moment. Pour l’heure, nous n’avons pas à reconsidérer le planning des travaux. Toutefois, si les délais de livraison de l’A400M devaient dépasser ceux qui font l’objet de mes craintes d’aujourd'hui, le calendrier serait évidemment révisé.

M. le président Guy Teissier. Pourriez-vous nous rappeler le nombre de Rafale qui vous ont été livrés ?

Général Stéphane Abrial, chef d’état-major de l’armée de l’air. Nous aurons reçu 42 Rafale au 31 décembre 2008, alors que 57 étaient prévus.

M. le président Guy Teissier. Sur les 60 appareils qui doivent être commandés en 2009, combien seront destinés respectivement à l’armée de l’air et à l’aéronavale ?

Général Stéphane Abrial, chef d’état-major de l’armée de l’air. Nous attendons en 2009 la livraison de 14 Rafale : 12 pour l’armée de l’air, 2 pour l’aéronavale. Pour la commande passée en 2009, qui sera livrée à partir de 2011, la répartition n’est pas encore fixée ; elle devrait l’être dans les six prochains mois au vu des études sur le vieillissement des flottes en service – Mirage F1, Mirage 2000 pour l’air ; Super Étendard pour l’aéronavale – et d’un critère complémentaire : l’exportation. Si la France réussit à vendre des Rafale à l’étranger, les premiers appareils produits seront des biplaces. Or il n’y a pas de biplace en standard marine, si bien que les appareils seront prélevés sur les chaînes de l’armée de l’air. La ventilation ne peut donc pas se décider aujourd'hui. Elle devra l’être, pour la première partie de la commande, avant l’été 2009, sachant que le constructeur nous a fait savoir qu’il avait besoin d’un préavis d’un peu moins de trois ans.

M. Jean-Claude Viollet, rapporteur pour avis. Je ne reviens pas sur le problème des cadences de livraison du Rafale, ni sur le « retrofit » de Mirage 2000D ou le traitement des obsolescences.

En ce qui concerne l’aviation de combat, la question du missile METEOR reste posée. Le Rafale est un bon avion, mais avec le METEOR il pourra asseoir sa suprématie sur l’ensemble des avions de combat existant à ce jour. Or on est toujours en panne de commande. De plus, on entend dire que cela compromettrait l’exportation des Rafale dans la mesure où l’Eurofighter et le Grippen seraient équipés d’un tel missile.

Le fabricant de l’A400M doit absolument surmonter les difficultés auxquelles il est confronté, mais cela risque d’être long et ce ne sera pas sans conséquence pour lui, avec des pénalités, voire une révision de prix, qui est, il me semble, indexé sur le PIB des pays acheteurs. J’en déduis que l’armée est en meilleure position pour négocier des solutions de remplacement telles que l’utilisation d’A330 en version cargo, qui seraient ensuite « retrofittés » en MRTT, par exemple dans le cadre d’un partenariat public-privé entre le SIAé et l’industriel. Le CASA pourrait également se révéler un complément utile.

En revanche, je suis plus inquiet pour le MRTT. Aucune décision n’a été prise alors qu’elle était annoncée pour le milieu de l’année 2008. Or il est urgent de décider car les C135FR sont très usés. Les KC135 le sont moins, mais on ne peut pas les déployer à l’international. Nous sommes donc au pied du mur.

J’en viens aux drones. Le SIDM aurait, selon l’industriel, été livré en mai 2008. Pour m’être rendu au centre d’expérimentation aérienne militaire de Mont-de-Marsan, je sais que ce drone en est encore au stade des mises au point, qui nécessitent l’intervention de l’industriel. Le déploiement en Afghanistan sera un test de vérification, y compris pour le dégivrage. Mais, comme ce déploiement n’était pas prévu, se pose le problème des pièces de rechange et des systèmes supplémentaires éventuels. Sauf erreur de ma part, la fin de vie de cet équipement était prévue vers 2016. Or l’Advanced UAV – le remplaçant – est attendu vers 2020, voire plus tard. Comment faire la soudure ? Nous avons une offre sur la table, certes avec un autre type d’appareil, mais à un coût moindre. Comment envisagez-vous le montage du programme SDM ? Le ministre de la défense a déclaré qu’il avait signé avec ses collègues allemand et espagnol une déclaration d’intérêt tripartite pour l’Advanced UAV, mais qu’elle n’était pas totalement engageante. Notre commission pourrait faire œuvre utile sur la question avant que la décision ne soit prise. L’enjeu n’est pas mince : il se compte en milliards d’euros.

La contrainte budgétaire doit nous rendre encore plus attentifs à la dépense, à toute la dépense. Je ne nie pas la nécessité de remplacer certain parc d’avions, ni l’urgence qui s’y attache. Toutefois, il aurait fallu choisir entre les urgences ; or cela ne paraît pas être le cas. Le processus de préemption de crédits auquel nous assistons ne semble pas de bonne politique s’agissant d’un budget de la défense qui reste contraint, avec des exigences opérationnelles fortes. Tout le monde aura compris que je veux parler du renouvellement du parc d’avions gouvernemental.

Général Stéphane Abrial, chef d’état-major de l’armée de l’air. Le METEOR, programme franco-britannique, est l’une des clefs de notre coopération depuis de nombreuses années. Il s’agit à mes yeux d’un élément indispensable de la panoplie d’armement dont doit disposer le Rafale. À l’époque où le programme Rafale était encore dans les limbes et émergeait difficilement, l’armée de l’air a dû se concentrer sur les armements indispensables à court terme : c’est pour cette raison que, pour le combat air-air, il n’est pour le moment équipé que des missiles MICA.

Toutes les armées du monde se dotent aujourd'hui d’appareils de combat aérien à très longue portée. Le METEOR équipera l’Eurofighter et le Grippen. Quant à l’industrie russe, elle monte ce type de missile à très longue portée sur le Sukhoï 30, qui est vendu assez largement, y compris à des pays qui ne sont pas très loin du nôtre. Pour tenir son rang, le Rafale a besoin du METEOR qui préservera l’efficacité de l’armée de l’air dans les années 2020 et au-delà. Pour être exporté, le Rafale doit impérativement proposer cette option, sous peine d’être rapidement écarté au profit de ses concurrents.

Le développement et la production d’un certain nombre de missiles seront inscrits dans la LPM, le Rafale devant être équipé à la fin de la prochaine décennie, aux alentours de 2018. Cette échéance est acceptable dès lors que le développement a bien eu lieu en amont et que la situation internationale ne se dégrade pas. Si la situation sécuritaire venait à évoluer dans le mauvais sens, il faudrait alors envisager d’accélérer la fabrication de ces missiles.

Pour trouver une solution palliative au retard de l’A400M, l’armée de l’air n’est absolument pas opposée au partenariat public-privé (PPP). Une telle démarche est également envisagée pour le MRTT. Mais ce type de financement doit être examiné avec prudence car l’expérience britannique n’est pas très encourageante. Peut-être pourrons-nous apprendre d’eux et éviter de nous heurter aux mêmes écueils. Ce qui est certain, c’est que, plus le temps passe, plus les appareils vieillissent. Je dois donc payer très cher le maintien en condition opérationnelle du parc existant dont le coût à l’heure de vol augmente. Je dois aussi engager des remises à niveau pour permettre à ces avions de répondre aux exigences de la circulation aérienne civile qui s’accroissent d’année en année. Je dois changer les équipements de bord pour qu’ils puissent être acceptés, ne serait-ce que dans les phases de transit vers un théâtre ou un autre durant lesquelles nos appareils de combat sont ravitaillés. Dès que la décision sera prise, il faudra remplacer très vite les tout premiers MRTT. Or j’ai des doutes sur notre capacité à mettre en place un PPP dans les délais nécessaires, au moins pour les trois premiers appareils. Il faudra vraisemblablement les acheter. En revanche, pour le reste de la flotte, un dispositif de type PPP peut être envisagé – en tout cas, l’armée de l’air s’inscrit dans cette perspective. L’appel d’offres n’est pas encore lancé, et nous avons le choix entre l’Airbus A330 – qui répondrait aux besoins avec 14 appareils – et le Boeing 767 – pour lequel il faudrait 16 appareils, car il a une capacité moindre.

S’agissant des drones, le SIDM a été initialement conçu pour acquérir de l’expérience, mais absolument pas pour aller au combat – le I de cet acronyme signifie en effet intérimaire. Mais, du fait du retard et de la situation internationale, nous sommes obligés de l’utiliser en Afghanistan. La mise en service opérationnelle sera donc réalisée en ambiance réelle. Les Américains ont adopté la même démarche avec le Predator B, qui est allé directement de l’usine au théâtre afghan. Nous allons faire la même chose, avec une difficulté : comme il s’agissait d’un dispositif intérimaire, les contrats initiaux ne prévoyaient pas le maintien en condition opérationnelle, qui est une nécessité s’il y a des opérations réelles. Globalement, nous n’avions acheté que trois systèmes. Or l’expérience de nos alliés prouve qu’il s’agit d’appareils consommables. Si on les utilise beaucoup, ils ne suffiront sans doute pas, d’où notre demande d’une quatrième plateforme.

Leur fin de vie est prévue pour 2015-2016 et ces systèmes ne pourront pas être prolongés très longtemps. Il faut donc éviter tout risque de rupture capacitaire. Deux projets sont actuellement sur la table : l’Advanced UAV, qui intéresse aussi nos camarades allemands et espagnols, et un projet concurrent porté par les sociétés Dassault, Thales et Indra sur la base d’un appareil israélien. Si aucune de ces deux pistes n’aboutit, nous n’aurons pas d’autre choix que d’acheter sur étagère des produits soit israéliens, soit, plus vraisemblablement, compte tenu des contraintes d’interopérabilité et de compatibilité, américains.

M. Michel Voisin. Au moment des événements douloureux d’Afghanistan, on a beaucoup parlé de tirs fratricides causés par un défaut de communication entre les appareils et les forces au sol. J’avais déjà entendu parler d’un tel problème quelques mois plus tôt. Y a-t-il effectivement des lacunes dans les moyens de communication ? Et comment les combler ?

Par ailleurs, la réduction des effectifs induite par la mise en œuvre de la RGPP et par l’application du Livre Blanc aura-t-elle des conséquences sur les effectifs des écoles militaires ?

M. Damien Meslot. Le théâtre afghan a mis en évidence l’importance des drones. Pourriez-vous détailler les différents systèmes de drones dont nous disposons d’ores et déjà ? Nos industriels seront-ils capables de répondre aux besoins immédiats de nos armées sur les théâtres d’opérations extérieures ?

Général Stéphane Abrial, chef d’état-major de l’armée de l’air. Je m’inscris en faux contre ce qui a été dit ou écrit à propos des tirs fratricides. Il n’y en a pas eu le 18 août dernier. En revanche, et ce n’est pas surprenant, il y a eu perception de tirs fratricides : quand on est caché derrière un rocher, sous le feu de l’ennemi, que l’on entend le sifflement des obus de 30 millimètres tirés par l’avion qui survole et qu’on les voit éclater cinquante mètres plus loin, on a l’impression qu’ils auraient pu vous toucher. Mais ce n’a pas été le cas : les pilotes américains savaient ce qu’ils faisaient. Le meilleur moyen d’éviter les tirs fratricides, ce sont les règles d’engagement : elles sont extrêmement précises et imposent au pilote de valider tout l’environnement de l’affrontement sur lequel on lui a demandé d’intervenir. La procédure est toujours du même type : les troupes engagées au sol font une demande de soutien aérien qui est transmise suivant toute la chaîne opérationnelle jusqu’aux organes de décision, lesquels affectent les appareils les plus aptes en fonction de la distance à parcourir, du carburant nécessaire et des munitions embarquées. À partir de là, s’établit un dialogue très serré entre ceux qui sont au sol et l’équipage en vol afin de déterminer avec exactitude où se trouvent les troupes ennemies, les troupes amies, les habitations, entre autres.

Afin d’être optimisé, ce dialogue s’appuie sur la présence d’équipes interarmées de contrôle avancé intégrées aux troupes au sol : formées d’aviateurs placés sous l’autorité du commandant des troupes au sol, elles sont composées d’un officier, de deux ou trois sous-officiers et de deux soldats chargés de protéger le groupe. Ces hommes sont chargés de s’assurer que la vision de l’affrontement est la même au sol et en l’air. Les équipages en vol ont tous une liste extrêmement contraignante de règles d’engagement qui définissent les conditions dans lesquelles ils peuvent tirer : ce n’est que quand toutes les conditions requises sont réunies que les équipages peuvent ouvrir le feu de manière à éviter les dommages collatéraux et les tirs fratricides.

M. Michel Voisin. D’après ce que j’ai entendu dire, il y aurait des lacunes de liaison entre les équipages et les hommes au sol.

Général Stéphane Abrial, chef d’état-major de l’armée de l’air. Je ne sais pas s’il y a des lacunes, mais nous sommes en phase de progrès. Nous apprenons en opérant. Il n’y a pas de difficulté dans les liaisons radio, ni dans la transmission d’images fixes. En revanche, s’agissant des appareils français, il y a des difficultés en matière de transmission vidéo. La possession d’images vidéo en temps réel est totalement nouvelle sur les théâtres d’opération. Pour nous, c’était inenvisageable il y a seulement un an. Les Américains sont en avance sur nous en ce domaine, et, même si les refus sont exceptionnels, certaines forces au sol américaines n’acceptent l’engagement d’avions que s’ils sont équipés de vidéo. En tout cas, l’absence de vidéo ne doit pas empêcher d’apporter un soutien aux forces au sol. Le système français, basé sur des photos, présente l’inconvénient de ne pas fournir d’images mobiles mais a l’avantage de permettre l’échange entre le pilote et l’équipe au sol d’images parfaitement renseignées : tout est dessiné et on connaît exactement la situation tactique. On peut, en outre, extraire des coordonnées de ces photos. Cela étant, les deux systèmes sont compatibles. Nous sommes en train d’acquérir quelques systèmes de transmission vidéo et, en parallèle, les Américains essaient de voir comment ils pourraient intégrer nos systèmes qui apportent autre chose.

Oui, les réductions de format auront des conséquences sur les effectifs des écoles militaires. Jusqu’à l’année dernière, l’armée de l’air recrutait 3 500 personnes par an, ce qui ne sera plus le cas. Pour ma part, j’estime impératif de ne pas descendre en dessous d’un seuil de 2 000 personnes, afin de ne pas obérer la pyramide des âges ainsi que les équilibres entre les spécialités ou les grades. Bien entendu, la réduction des effectifs de l’armée de l’air aura des conséquences sur le nombre des élèves entrant dans les écoles, mais cette réduction jouera principalement sur le recrutement des militaires du rang et des sous-officiers. La baisse sera plus faible pour les officiers car nous avons un besoin croissant d’officiers supérieurs, si possible brevetés d’état-major, pour faire face à l’accroissement du nombre des postes en interarmées, en interministériel et à l’international.

Pour la surveillance sur le théâtre, la gamme des drones va du satellite jusqu’au drone de sac à dos – ou drone de poche –, avec, au milieu de tout cela, l’avion de reconnaissance. On distingue quatre grands groupes.

Il y a tout d’abord le drone stratégique de très haute altitude, que les Américains sont les seuls à posséder. L’Allemagne envisage d’en acheter, tandis que la France estime que le couple satellite/avion lui permet de s’en affranchir.

Ensuite il y a les drones MALE – moyenne altitude, longue endurance – comme le SIDM, dont l’armée de l’air a la responsabilité. Pour les Américains, c’est le Predator.

On passe au drone tactique comme le SDTI – système de drone tactique intérimaire – qui est mis en œuvre par l’armée de terre et qui est fabriqué par Safran-Sagem. Dénommé Sperwer, ce système a été déployé au Kosovo et est en cours de déploiement en Afghanistan.

Enfin, il existe des mini-drones, dont le plus connu est le DRAC, qui est lancé à la main par un soldat au sol.

Plus le drone est important, plus il va loin, vole longtemps et emporte de capteurs. Le SIDM peut rester en vol près de vingt-quatre heures, opérer à 1 000 kilomètres et emporter des capteurs optiques, infrarouges, radar. Il présente l’énorme avantage de pouvoir être équipé de communications satellitaires, ce qui est indispensable en environnement montagneux. Les catégories plus légères, comme le SDTI, n’emportent que des moyens de communication à portée visuelle. Le drone doit alors rester proche de sa base ou monter suffisamment haut pour rester en portée radio.

Le drone a été conçu à des fins d’observation mais on a vite essayé de l’équiper d’armements. Toutes les armées du monde travaillent à cette possibilité. Ainsi, le Predator B a la même capacité d’emport d’armement qu’un avion de combat A10, le fameux tueur de char. L’évolution n’a pas pris plus de cinq ans alors qu’il a fallu un siècle à l’aéronautique pour évoluer. En ce moment, les Américains disposent de 120 Predator, l’équivalent des SIDM, qui « tournent » en permanence sur 34 orbites actives au-dessus de l’Irak et de l’Afghanistan. Chaque orbite nécessite un, deux, voire trois drones.

M. Jean Michel. Mon général, vous vous êtes félicité des réalisations du budget de 2009, tout en vous inquiétant des arbitrages de fin d’année 2008 et de possibles gels de crédits. Vous avez aussi rappelé que les dotations d’équipement, qui s’élevaient à 2,2 milliards d’euros, ne seront utilisées qu’à hauteur de 1,9 milliard – et encore cette somme inclut-elle la commande des avions à vocation gouvernementale. Quel est donc le montant qui sera réellement engagé par rapport à la loi de finance initiale ?

M. Yves Fromion. La France n’est pas le seul pays concerné par les retards de l’A400M. Des solutions palliatives collectives, notamment communautaires, et partant moins onéreuses, sont-elles envisageables ? Dans le Livre blanc, il est prévu de confier à l’armée de l’air une responsabilité éminente en matière spatiale, sous l’autorité d’un commandement placé auprès du chef d’état-major des armées. Quelles en sont les implications ?

Général Stéphane Abrial, chef d’état-major de l’armée de l’air. Je rappelle que je n’ai plus la maîtrise de ces dotations, puisque le programme 146 est un programme interarmées. Les sommes citées sont une tentative pour reconstruire une dotation air, selon la nomenclature d’autrefois. Je suis donc mal placé pour vous dire ce qui va me revenir. La conséquence immédiate des réserves sera le retard ou l’étalement de certains programmes. Quant aux arbitrages qui vont être effectués, ils dépassent ma responsabilité.

Nous ne sommes pas les seuls touchés par le retard de l’A400M, mais les Allemands et les Britanniques disposent de plus de temps que nous pour attendre. Les seconds se sont déjà rééquipés avec des C17 américains, qu’ils ont loués ou achetés, et des Hercule de dernière génération, les C130J. Ils disposent donc d’une capacité de transport. Les premiers ont des Transall qui ont volé moins que les nôtres, et davantage à moyenne altitude, ce qui est moins éprouvant pour les structures ; ils ont donc, eux aussi, du temps devant eux. Nous sommes en conséquence les seuls à devoir faire face à l’urgence.

Parmi les solutions collectives, nous avons dû écarter le rachat de Transall aux Allemands à cause de la divergence des appareils après quarante ans d’utilisation. En revanche, dans la mesure où nos camarades allemands n’augmentent pas leur participation à la gestion de crise, une mise en commun plus poussée sous forme de location d’heures de vol est par exemple envisageable, à l’instar de ce que nous faisons avec la Suisse en échangeant des heures de vol sur simulateur contre des heures de vol sur hélicoptère. Cela fait partie d’une piste de réflexion que j’ai avec mon homologue allemand, mais je n’ai pas le sentiment que cela nous permettra de combler suffisamment le déficit capacitaire que va créer le retard de l’A400M. En tout cas, c’est une solution que nous envisageons avec beaucoup d’attention.

Aujourd'hui, l’armée de l’air est chargée, par le décret de 1975, de la surveillance de l’espace aérien et, depuis la modification de ce décret en 1994, de l’espace tout court. Pour ce faire, elle a créé au sein du commandement de la défense aérienne et des opérations aériennes (CDAOA) une cellule de stratégie et une cellule de conduite. Elle met en œuvre un outil : le radar Graves, développé par l’ONERA, dont les antennes émettrices sont situées près de Dijon et les antennes réceptrices à Apt. Ce radar permet de surveiller tous les mobiles en orbite basse, c’est-à-dire entre 400 et 600 kilomètres d’altitude. Cette surveillance concerne aussi bien tout ce qui a un intérêt militaire, notamment les satellites d’observation, que les débris et permet également d’éviter les risques d’abordage. À mon avis, l’état d’esprit, le mode d’organisation et d’action d’une salle d’opérations spatiales sont quasiment les mêmes que ceux d’une salle d’opérations aériennes. Cette vision de l’espace existe au sein du CDAOA et celui-ci est tout à fait à même de mener cette mission si elle lui est confiée.

M. Christophe Guilloteau. Les renforts d’hélicoptère et de drones annoncés par le ministre sont-ils arrivés en Afghanistan ? Par ailleurs, le chef d’état-major de l’armée de terre a évoqué les problèmes rencontrés par les drones en altitude. Sont-ils aujourd'hui réglés ?

Général Stéphane Abrial, chef d’état-major de l’armée de l’air. À votre première question, la réponse est oui : le troisième Caracal est arrivé sur le théâtre le 5 octobre. Désormais, la moitié de ma flotte, qui compte 6 appareils, est déployée, ce qui rend l’entraînement à Cazaux relativement difficile, mais les équipages font face. L’armée de terre a envoyé des Gazelle en complément, conformément à ce qui avait été demandé.

En ce qui concerne les drones, il faut distinguer selon les catégories. Les drones stratégiques, comme le Global Hawk américain, peuvent survoler le monde entier. Ceux de niveau opératif, tels que le SIDM ou le Predator, volent sur un théâtre complet – l’Afghanistan ou l’Irak. Les drones tactiques type SDTI sont du niveau brigade. Quant à ceux qu’on lance à la main, comme les DRAC, ils relèvent du régiment. La répartition géographique des drones dépend donc de leur mission. Les DRAC ou SDTI doivent être co-localisés avec les forces de surface qui vont les utiliser. En revanche, un drone comme le SIDM peut gérer l’ensemble du théâtre : nous cherchons donc à le placer là ou nous pourrons l’utiliser au maximum, c'est-à-dire en l’insérant dans la chaîne de surveillance aérienne du théâtre, là où toutes les communications sont présentes et où toutes les liaisons, y compris la fibre optique, sont branchées. Il faut que chacun puisse utiliser l’ensemble des capacités du système quand il sera en opération. Concrètement, c’est quelque part au cœur de l’Afghanistan – la base de Douchanbe serait beaucoup trop éloignée.

Quant aux difficultés rencontrées en altitude, ce sont celles que posent tous les véhicules motorisés. Plus le moteur est puissant, plus on peut aller vite et haut. Il est évident qu’un DRAC ne passera pas un col ; il n’est pas fait pour ça. Le SDTI montera en altitude, mais beaucoup moins haut que le SIDM. Et tous, conformément aux règles de base de l’aérodynamique, monteront d’autant moins haut qu’il fait plus chaud, l’air étant moins porteur.

M. Alain Rousset. J’ai été très sensible, mon général, à votre préoccupation quant au risque de décalage technologique. Le retard dans la mise au point des moteurs de grosse puissance de l’A400M nous rend dépendants.

S’agissant des radars, vous avez indiqué que nous étions en phase d’acquisition. Sachant qu’il faut une quinzaine d’années pour préparer un radar, j’aimerais savoir où nous en sommes pour les équipements radars en 2015-2020 ? La DGA a fait des propositions ; la décision doit être prise rapidement pour éviter tout retard.

En matière de drone, il faudra aussi se décider bientôt et choisir entre Thales, EADS ou Safran. Vous avez des propositions de PPP, un peu à la mode anglaise, qui permettent à un industriel de fournir un dispositif dont il s’assure la maintenance et dont vous avez le commandement. Ne serait-il pas temps de faire un choix pour étoffer notre stock de trois drones ? Par ailleurs, le maintien en condition opérationnelle repose sur la capacité opérationnelle, mais aussi sur la préparation et la formation des aviateurs, des ingénieurs et des techniciens.

Enfin, que ferez-vous si la mise au point du moteur qui équipera l’A400M accuse un retard de trois ans ?

M. Francis Hillmeyer. L’analyse du Livre blanc par le général Abrial semble positive. Mais, avec 25 % de personnel en moins, l’armée de l’air restera-t-elle aussi efficace et opérationnelle ? Les moyens technologiques modernes permettent-ils de compenser cette réduction ?

Général Stéphane Abrial, chef d’état-major de l’armée de l’air. Notre système de surveillance et de détection est en phase de modernisation globale. La gamme de radars en service a pris de l’âge et il faut la remplacer en ayant une meilleure couverture à une altitude de plus en plus basse, de façon à renforcer la sécurité en métropole. Tout cela sera pris en compte dans la loi de programmation militaire. Les études en vue d’un remplacement à partir de 2015 devraient aboutir. Nous travaillons avec les industriels.

Pour les drones, nous recevons des offres à la fois sollicitées et spontanées. Je recherche du matériel qui réponde à mon attente opérationnelle mais la décision devra s’inscrire dans le cadre national d’une politique industrielle. La France estime-t-elle qu’elle doit posséder un savoir-faire dans ce domaine ? Si oui, la solution doit-elle être nationale ou européenne ? Dans le cas contraire, l’offre actuelle est-elle satisfaisante, compte tenu du risque de captation monopolistique du marché ? Pour le moment, nous étudions en parallèle la proposition concernant l’Advanced UAV – qui a fait l’objet d’une déclaration d’intérêt franco-germano-espagnole – et celle de Dassault-Thales-Indra sur une base israélienne. Il n’y aura pas de décision avant le printemps 2009, c'est-à-dire avant la fin de la phase de réduction de risques sur le programme Advanced UAV ; à cette date, nous pourrons comparer les deux programmes.

M. le président Guy Teissier. Avez-vous connaissance de l’offre d’une petite société française, Flying Robots ?

Général Stéphane Abrial, chef d’état-major de l’armée de l’air. J’en ai entendu parler, et ce que je sais me fait dire qu’elle ne correspond pas aux besoins de l’armée de l’air, dans la mesure où il ne s’agit pas de drones de types SIDM ou Predator.

Dans ce domaine aussi, je suis très ouvert à des partenariats avec l’industrie. En ce moment, un industriel français propose un drone tactique. L’offre qui est sur la table mérite apparemment d’être étudiée, mais cela relève de la responsabilité de mon camarade de l’armée de terre et non de la mienne.

En ce qui concerne le personnel, la qualification dans le domaine de l’aéronautique est un réel souci. Nous avons besoin de monde, mais nous ne sommes pas seuls sur le marché. Les prévisions des industriels et des compagnies aériennes, au moins avant la crise, laissent augurer d’une concurrence forte. L’éducation nationale n’étant pas en mesure de fournir suffisamment de personnes qualifiées pour satisfaire les besoins dans le domaine de l’aéronautique, je crains fort, si la crise économique ne ralentit pas l’activité, de passer mon temps à former des gens qui, aussitôt qu’ils seront au niveau, partiront dans l’industrie. J’ai un besoin impératif de personnel bien formé, tant militaire que civil (ceux-ci notamment au sein du SIAé, outil indispensable pour assurer le continuum du MCO entre les industriels et les opérationnels). Les qualifications requises sont lourdes et longues à acquérir.

Plus généralement, nous allons bel et bien perdre 25 % des effectifs en six ans, et c’est un réel choc psychologique au sein de l’armée de l’air. Je ressens l’obligation morale, tout à la fois de mieux traiter qu’aujourd’hui ceux qui vont rester dans nos rangs et de bien accompagner ceux qui auraient souhaité rester parmi nous mais seront obligés d’envisager une deuxième carrière à l’extérieur.

Serons-nous moins efficaces pour autant ? Je ne le crois pas. D’abord, nous ne remplaçons pas des hommes par de la technologie, mais nous réduisons nos équipements grâce à elle. Ensuite, une fraction importante de la réduction proviendra automatiquement de la fermeture de certaines bases, le reste résultant de la rationalisation et des mutualisations prescrites par la RGPP. Nous allons faire plus de choses en commun, en interarmées : nous commençons à réviser l’ensemble de nos processus de manière à éliminer les doublons, les redondances et les sous-emplois éventuels. Mais c’est une démarche extrêmement compliquée. Il s’agit là du volet le plus périlleux de la réforme parce que les comportements humains sont imprévisibles. La manière dont nous allons traiter et accompagner le personnel est cruciale pour la réussite de la réforme. Il faut que je parvienne à piloter les départs en fonction des besoins de l’armée de l’air de demain. Cela demande un effort constant du commandement de l’armée de l’air : c’est le cœur de la réussite de l’exercice.

Si le délai de livraison de l’A400M atteint trois ans, il faudra examiner les solutions collectives envisageables et prévoir des mesures palliatives en négociant avec l’industriel. Il conviendra de déterminer de quels types d’appareils nous devrons nous doter et sous quelle forme – acquisition, leasing – afin de conserver une capacité de transport minimale. Ce sera très difficile.

M. le président Guy Teissier. Le ministre nous a dit qu’il ferait jouer les clauses de pénalités, mais cela ne résout pas la question de fond.

Il ne me reste plus, mon général, qu’à vous remercier.

La séance est levée à 18 heures 30

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Information relative à la commission

La commission a nommé Mme Patricia Adam, MM. Patrick Beaudouin et Yves Fromion, rapporteurs d’information sur l’exécution de la loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008.

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