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Commission de la défense nationale et des forces armées

Mercredi 3 décembre 2008

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 20

Présidence de M. Guy Teissier, président, puis de M. Michel Voisin, vice-président

– Examen pour avis du projet de loi de finances rectificative pour 2008 (n° 1266) (M. Jacques Lamblin, rapporteur)

Examen pour avis du projet de loi de finances rectificative pour 2008 (n° 1266)

La séance est ouverte à neuf heures trente

M. le président Guy Teissier. La commission de la défense nationale et des forces armées s’est saisie pour avis du projet de loi de finances rectificative pour 2008, plusieurs de ses dispositions intéressant la défense. Notre rapporteur va nous présenter l’économie générale de ces articles que nous examinerons ensuite un par un.

M. Jacques Lamblin, rapporteur pour avis. L’exécution budgétaire 2008 revêt un caractère particulier pour le ministère de la défense dans la mesure où il s’agit d’une année charnière, achevant la programmation entamée en 2003 et préfigurant en même temps l’entrée dans la prochaine loi de programmation militaire 2009-2014. L’année a également été marquée par de profonds bouleversements géopolitiques essentiellement liés au terrorisme, les derniers évènements de Bombay le prouvent d’ailleurs bien. De même, le contexte économique s’est dégradé comme le montre la volatilité des cours du pétrole qui n’est pas sans incidence sur les dépenses d’approvisionnement en produits pétroliers pour les armées.

Pour autant, dans ce contexte difficile, je tiens à souligner que l’exécution 2008 du budget du ministère de la défense est globalement satisfaisante puisque la réserve sera intégralement levée et que le ministère pourra consommer tous les crédits prévus en loi de finances initiale. Il faut toutefois procéder à un certain nombre d’ajustements pour tenir compte du contexte.

J’en viens au projet de loi de finances qui comporte quatre articles intéressant particulièrement la défense.

Les articles 12 et 13 procèdent respectivement à des ouvertures et des annulations d’autorisations d’engagement (AE) et de crédits de paiement (CP). Au titre des ouvertures, le budget du programme 178 « Préparation et emploi des forces » de la mission Défense est abondé de 57 millions d’euros pour les AE. S’agissant des annulations, la mission voit ses AE réduites à hauteur de 2 127 millions d’euros, soit 151 millions d’euros au titre du programme 212 « Soutien de la politique de la défense » et 1 976 millions d’euros au titre du programme 146 « Équipement des forces ». Dans le même temps, 360 millions d’euros de CP du programme 146 sont annulés.

Plus globalement, les ajustements auxquels procèdent ces deux articles intègrent les modifications de gestion qui ont permis de financer le surcoût dû aux opérations extérieures (OPEX). Ce surcoût est à ce jour estimé à 852 millions pour l’année 2008.

L’article 16 est une mesure technique consistant à augmenter de 50 millions d’euros l’autorisation de découvert du compte de commerce « Approvisionnement des armées en produits pétroliers », pour la porter à 125 millions d’euros. Cette modification répond à des difficultés conjoncturelles du service des essences des armées, liées à l’envolée du cours des produits pétroliers et à la délicate reconstitution des stocks de carburant.

Enfin, l’article 19 instaure un mécanisme d’aides fiscales au profit des zones de restructurations de défense.

Après avoir présenté les grands traits de ces quatre articles, je souhaite insister sur plusieurs points saillants.

Il convient de rappeler que certaines AE provisionnées dans la loi de finances initiale pour 2008 sont devenues sans objet : il s’agit en particulier des 3 milliards d’euros destinés au second porte-avions. La décision de son éventuelle construction étant reportée, il apparaît nécessaire de les supprimer, gagnant ainsi en lisibilité et évitant d’aggraver artificiellement et inutilement les reports de crédits non consommés les années antérieures. En exécution, 312 millions d’euros ont déjà été annulés.

La totalité de la somme restante n’est pas pour autant annulée, le ministère ayant constaté qu’il lui reste à honorer des engagements au profit du commissariat à l’énergie atomique (CEA) à hauteur de 779 millions d’euros. Depuis 2007, la subvention que le ministère verse au CEA est calculée au strict nécessaire et ne permet de financer les engagements antérieurs. Le ministère a donc choisi de profiter de l’annulation des 3 milliards d’AE du second porte-avions pour corriger cet écart. L’effort au profit du CEA est néanmoins réparti sur plusieurs programmes, le programme 178 participant à hauteur de 57 millions d’euros, grâce à autant d’ouvertures, et le programme 212 à hauteur de 11 millions d’euros, grâce à une moindre annulation d’AE. En conséquence, le montant net des annulations d’AE est ramené à moins de 2 milliards d’euros pour le programme 146 et à 2,1 milliards pour l’ensemble de la mission. La différence s’explique par le report à 2009 du projet d’externalisation pour la construction des nouveaux locaux de l’école nationale supérieure de techniques avancées (ENSTA) et par la non affectation d’AE diverses sur le programme 212.

Je tiens également à vous apporter des éléments sur le mode de financement des OPEX. Les dernières estimations font état d’un surcoût total de 852 millions d’euros en 2008, soit 377 millions d’euros de plus que la dotation initiale de 475 millions d’euros. Il convient toutefois de déduire du surcoût le remboursement de l’ONU pour 34 millions d’euros et les dépenses d’équipement (titre 5) qui ne sont jamais remboursées et qui représentent 30 millions d’euros. Par ailleurs, en cours d’exécution, le ministère a réussi à dégager 92 millions d’euros, par un effort sur le programme 178 et par une augmentation temporaire du découvert du compte de commerce du SEA.

Le besoin réel de financement n’est donc que de 221 millions d’euros qui est couvert par l’annulation de 172 millions d’euros de crédits d’équipement, et par un abondement de près de 49 millions d’euros par les ministères civils au titre de la réserve interministérielle.

C’est la première fois que les ministères civils participent directement au financement des opérations extérieures, anticipant en cela les dispositions de la prochaine loi de programmation militaire. Dans un contexte budgétaire contraint, il est remarquable que le ministère de la défense bénéficie d’une enveloppe complémentaire de 49 millions d’euros prélevés sur l’ensemble des autres missions.

Je veux aussi rappeler qu’à l’avenir le financement des OPEX par redéploiement des crédits d’équipement tendra à s’amenuiser puisque le projet de loi de programmation militaire (LPM) 2009-2014 prévoit, d’une part, d’augmenter la dotation initiale de 60 millions d’euros en 2010 et en 2011 et, d’autre part, que l’éventuel surcoût résiduel sera pris en charge par la réserve interministérielle. Il n’en reste pas moins qu’il me semble indispensable d’engager une réflexion sur la hiérarchisation des OPEX, ne serait-ce que pour limiter leur coûteuse dispersion.

M. Gilbert Le Bris. Quelles ont été les sommes effectivement engagées par le ministère de la défense au titre du deuxième porte-avions (PA2) ?

M. Jacques Lamblin, rapporteur pour avis. Les 3 milliards d’euros qui sont annulés sont des autorisations d’engagement, c'est-à-dire de simples autorisations à signer des contrats. La décision ayant été reportée, ces sommes n’ont pas été consommées. Je ne dispose en revanche d’aucun élément sur les montants qui ont été réellement engagés au titre des études préliminaires.

M. Jean-Pierre Soisson. Dans le cadre de la mission d’information sur le contrôle de l’exécution des crédits du ministère de la défense, le directeur du budget a fait une présentation assez claire des implications du projet de loi de finances rectificative, insistant notamment sur le report de la décision concernant le deuxième porte-avions et sur le financement des OPEX. Le projet qui nous est soumis correspond en tous points à ce qui nous a été expliqué. J’ajoute toutefois que s’il faut se féliciter du mécanisme de financement interministériel des OPEX, il ne reste pas moins primordial de se pencher sur les conditions financière de notre participation à des opérations internationales en général et à des opérations européennes en particulier. Il ne faudrait pas que la France, qui fournit déjà un effort humain et matériel important, prenne à sa charge une part excessive de ces opérations. Nous devons veiller à ce que la charge financière soit mieux répartie entre les différents partenaires.

M. Jean-Claude Viollet. Je me félicite de cette amorce de financement interministériel, mais je tiens à souligner que c’est la mission Défense qui supporte encore l’essentiel du financement des OPEX, avec des efforts de gestion et une annulation de crédits d’équipement.

Par ailleurs, la commission de la défense doit disposer de tous les éléments lui permettant d’apprécier les conditions dans lesquelles a été décidé le report du choix concernant le second porte-avions. Quelles ont été les dépenses effectivement engagées ? Quels ont été les bénéficiaires des études qui ont été menées ? Quel était l’état d’avancement du programme ?

M. le président Guy Teissier. Je propose que notre rapporteur poursuive ses investigations sur ce thème et nous fasse partager le fruit de ses recherches lors d’une prochaine réunion.

M. Bernard Cazeneuve. Dans le cadre du rapport d'information que j’ai présenté avec M. Jean-Michel Fourgous en conclusion des travaux de la mission d'évaluation et de contrôle (MEC) sur le financement des projets d'équipement naval militaire, nous avions évalué à 250 millions d’euros le surcoût de la coopération avec les Britanniques pour le deuxième porte-avions, c'est-à-dire que la France a financé le « design » du modèle choisi par le Royaume-Uni. Ces études amont ont en effet été menées alors que notre pays avait renoncé à la propulsion nucléaire au profit de la solution britannique de la propulsion classique, qui ne correspondait pourtant pas à nos besoins. Nous nous sommes engagés sur une fausse voie et nous devons pouvoir établir les faits en toute transparence.

Par ailleurs, j’aimerais que le rapporteur puisse nous apporter des précisions sur le programme FREMM dont le financement devait être partagé entre le ministère de la défense pour 13/19e de son montant et le ministère chargé du budget pour le restant. Ce partage tient-il toujours ? Je vous rappelle que la loi de finances rectificative pour 2007 n’avait pas prévu le financement de la part revenant à la charge du budget. Faute de traduction budgétaire réelle, c’est tout le modèle décrit par le Président de la République qui risque de s’effondrer.

M. le président Guy Teissier. En ce qui concerne le second porte-avions, il me faut rappeler que, lors du lancement des études, la commission avait rendu un rapport sur ce sujet qui examinait notamment la question de la propulsion. Le choix de la coopération avec le Royaume-Uni constituait, il faut le dire, une décision forte du président de la République qui entendait à la fois l’ériger en symbole de la coopération européenne et réaliser des économies. Au final, ni le porte-avions ni les économies ne sont au rendez-vous. Je ne doute pas que la mission d’information sur l’exécution de la loi de programmation militaire 2003-2008 examinera ce point avec attention, ce qui devrait utilement éclairer les travaux sur la prochaine loi de programmation.

M. Michel Voisin. Il faut conserver à l’esprit que l’arrêt d’un programme n’est jamais total. Il existe toujours des structures qui continuent à le gérer. S’agissant du projet de porte-avions, des équipes poursuivent encore leurs études. Lorsque l’on analyse le coût d’un programme, il ne faut donc pas oublier les coûts induits par son arrêt.

M. le président Guy Teissier. La gestion de la fin des programmes est une question importante que j’ai évoquée avec le Président de la République. De ce point de vue, le programme d’achat d’obus Bonus est intéressant. Il s’agit d’obus conçus pour atteindre les moteurs des chars dans l’hypothèse d’une guerre avec le pacte de Varsovie. Le contexte ayant radicalement changé, il me semble que l’on aurait pu modifier la commande avant de livrer 3 700 pièces que nous devons stocker aujourd’hui.

M. Jacques Lamblin, rapporteur pour avis. En ce qui concerne la facturation des prestations par l’Union européenne, un certain nombre d’interrogations ont pu apparaître, le sommes demandées étant parfois importantes, ce qui conduit l’état-major des armées à engager un examen minutieux des méthodes de calcul.

S’agissant de la construction d’un second porte-avions, la décision du Président de la République de reporter la décision en 2011-2012 retire tout intérêt à l’inscription des autorisations d’engagement correspondantes. Cela ne présage pas de la décision qui sera finalement prise, mais il faudra certainement réactualiser les études.

Enfin, sur le programme FREMM, le financement devrait être revu dans le cadre de la prochaine normalisation.

M. Jean-Louis Bernard. Lors de l’audition du directeur du budget par la mission d’information sur le contrôle de l’exécution des crédits de la défense, il a été précisé que l’enveloppe globale consacrée au programme FREMM serait réduite, les commandes passant de 17 appareils à 11, mais que, dans le même temps, leur coût unitaire devait dépasser les 388 millions d’euros initialement prévus.

M. Bernard Cazeneuve. Dans le cadre de notre mission d’information sur la mise en œuvre et le suivi de la réorganisation du ministère de la défense, nous avons rencontré le directeur du budget qui nous a indiqué qu’il n’a jamais été question d’un changement dans le mode de financement des FREMM. Or cela fait maintenant deux ans que les 6/19e ne sont pas inscrits dans les budgets d’équipement. Faut-il y voir une volonté de remettre en cause ce programme, ce qui me semblerait particulièrement grave ?

La commission a ensuite procédé à l’examen des articles du projet de loi.

Article 12 : budget général : ouverture de crédits supplémentaires

La commission a émis un avis favorable à l’adoption de cet article sans modification.

Article 13 : budget général : annulation de crédits

La commission a émis un avis favorable à l’adoption de cet article sans modification.

Article 16 : comptes de commerce : autorisation de découvert supplémentaire

M. Jacques Lamblin, rapporteur pour avis. L’article 16 modifie l’autorisation de découvert du compte de commerce du service des essences des armées (SEA), qui passe ainsi de 75 à 125 millions d’euros. Cette autorisation de découvert complète la dotation initiale du SEA de 700 millions d’euros. Comme vous le savez, le prix du pétrole a connu d’importantes fluctuations en 2008. Je précise que les approvisionnements du SEA sont assurés par un système de couverture qui, malgré son coût, a permis de faire des économies en 2008. Aujourd’hui, alors que les prix du pétrole ont fortement diminué, le SEA doit néanmoins pouvoir reconstituer ses stocks, ce qu’il ne peut faire qu’en dégradant temporairement l’équilibre de son compte de commerce, un retour à l’équilibre étant prévu dans le courant de l’année 2009. J’ajoute que cette modification ne fait qu’anticiper les dispositions de la loi de finances initiale pour 2009.

La commission a émis un avis favorable à l’adoption de cet article sans modification.

Article 19 : instauration d’aides fiscales dans les zones de restructuration de la défense

M. Jacques Lamblin, rapporteur pour avis. L’article 19 vise à instaurer des aides fiscales dans les zones de restructuration de la défense (ZRD) complétant le plan d’accompagnement des restructurations annoncé par le Premier ministre. Le projet de loi crée deux catégories de territoires qui bénéficient de deux types d’aides. Je souligne que ces deux dispositifs sont exclusifs l’un de l’autre. Les premiers, éligibles aux contrats de redynamisation de sites de défense (CRSD), sont ceux où les fermetures de site ont un impact très fort au niveau du bassin d’emploi. Pour être éligibles aux aides fiscales, ils doivent de plus satisfaire un critère complémentaire fondé sur le contexte socio-économique du bassin (taux de chômage, évolution de la démographie, évolution de l’emploi). La deuxième catégorie de territoires concerne les communes touchées par la perte de plus de 50 emplois à cause des restructurations mais qui ne répondent pas aux critères supplémentaires que je viens de présenter.

Pour la première catégorie de territoires, le projet de loi prévoit une exonération d’impôt sur le revenu pour les entreprises imposables au titre des bénéfices industriels et commerciaux, et d’impôt sur les sociétés pour les entreprises ayant une activité non commerciale. Ces exonérations sont totales pendant cinq ans, puis dégressives pendant deux ans. Ces dispositions ne concernent que les entreprises qui s’installent ou qui se développent dans ces zones. En outre, pour les nouveaux emplois créés, une exonération des charges patronales est prévue, totale pendant trois ans, de 60 % l’année suivante et de 40 % la cinquième et dernière année.

Enfin, le projet de loi donne la possibilité aux collectivités territoriales de compléter ces aides en exonérant pendant cinq ans les contribuables de taxe professionnelle et de taxe foncière sur les propriétés bâties. Je précise que cette exonération, si elle est décidée, est totale, les collectivités n’ayant pas la possibilité de la moduler.

Pour la seconde catégorie de territoires, le projet de loi prévoit pour les micros entreprises artisanales et commerciales qui maintiennent leur activité dans la zone un crédit d’impôt à hauteur de 500 euros par an et par salarié, et ce, pendant trois ans.

L’analyse du dispositif a fait apparaître une faiblesse de rédaction que je vous propose de corriger, sans que cela n’ait d’incidence sur la mise en œuvre du dispositif. Le texte évoque en effet l’impact de la réorganisation des « unités militaires ». Or, tous les sites concernés par les restructurations ne sont pas militaires, certains relevant par exemple du secrétariat général pour l’administration ou de la délégation générale pour l’armement. Je vous propose donc deux amendements corrigeant cette omission.

M. Bernard Cazeneuve. Le secrétaire d’État chargé de l’aménagement du territoire a indiqué qu’une enveloppe de 320 millions d’euros serait consacrée à l’accompagnement des restructurations. Les mesures fiscales que vous avez décrites viennent-elles s’ajouter à cette enveloppe ?

Je considère par ailleurs que proposer aux collectivités territoriales déjà touchées par les restructurations, et donc affectées par une diminution de leurs revenus fiscaux, de prendre à leur charge des exonérations d’impôts est particulièrement injuste. Je regrette qu’aucun amendement n’ait été déposé pour corriger ce mécanisme.

Je souhaite enfin revenir sur le seuil de 50 suppressions de postes. Je crains qu’il ne soit particulièrement difficile à manier, compte tenu du décalage que nous constatons entre les éléments fournis par le ministère et la réalité des suppressions de postes constatée sur le terrain. Comment peut-on être certain que la détermination du seuil ne conduira pas à écarter, sans justification, certains territoires du dispositif fiscal ?

M. Jean-Pierre Soisson. Le dispositif est très complexe. Il tend à modifier la loi portant sur l’aménagement du territoire en créant une nouvelle catégorie de territoires, les « zones de restructuration de la défense ». Il manifeste la volonté du Gouvernement de venir en aide aux collectivités territoriales ainsi qu’aux personnels touchés par les restructurations mais sa lecture sera difficile pour les élus locaux qui auront à en connaître. De plus, il me semble que les exonérations de taxe professionnelle et fiscales doivent être compensées par l’État pour garantir la viabilité du dispositif.

M. Jean-Claude Viollet. L’ensemble des effets collatéraux des restructurations doivent être pris en compte. Or, les élus locaux ont d’importantes difficultés à obtenir des données fiables au-delà des premiers éléments très partiels qui leur ont été fournis. Je note par exemple que toutes les suppressions d’emploi liées à la mise en œuvre des bases se défense ne figurent pas dans les documents disponibles. De ce fait, certaines zones géographiques qui n’atteignent pas aujourd’hui le seuil des 50 emplois directs perdus sont susceptibles d’être en réalité concernées. Il conviendra de rester vigilant quant aux effets amplificateurs possibles. Nous ne pouvons pas limiter notre attention aux seules entités civiles et militaires de la défense ; nous devons avoir une approche économique globale de l’impact des réorganisations.

Mme Patricia Adam. Il est souvent difficile d’appréhender la réalité des économies réalisées grâce aux restructurations. Pour atteindre les objectifs fixés, d’importantes dépenses d’investissements sont d’ailleurs souvent nécessaires. La nature des emplois et les fonctions des entités restructurées ne sont pas prises en compte par l’approche strictement comptable qui semble avoir présidé à cette réforme. Les élus manquent d’éléments clairs et les informations transmises ne sont pas conformes à ce qui a été annoncé.

M. Alain Rousset. Je fais actuellement réaliser une étude pour évaluer la pertinence des réorganisations annoncées au regard des objectifs fixés par le Livre blanc, notamment en ce qui concerne les personnels. La réforme peut potentiellement avoir des effets importants sur des domaines stratégiques comme la dissuasion ou les capacités d’essais en vol.Des éclaircissements doivent être apportés dans les meilleurs délais sur ces points.

S’agissant de la reconversion de sites de la défense, la mise en place du dispositif s’inscrit dans un contexte de crise économique. Une réflexion est en cours sur les aides à finalité régionale dont les zones d’éligibilité se réduisent, le Gouvernement s’interrogeant sur un éventuel retour au zonage antérieur afin d’augmenter l’attractivité de ces aides. Il serait opportun d’étudier les possibilités de classement des zones de restructuration de la défense en zone à finalité régionale afin de les faire bénéficier de ces aides.

M. Michel Voisin, président. Les rapporteurs sur le projet de loi de programmation militaire évaluent actuellement son adéquation au regard des conclusions du Livre blanc.

M. Jacques Lamblin, rapporteur pour avis. Les aides fiscales viennent bien en complément de l’enveloppe de 320 millions d’euros. Même si je partage vos interrogations sur la non compensation des mesures d’exonération de taxe professionnelle et de taxe foncière, il faut en relativiser l’ampleur. Selon les éléments qui m’ont été fournis, les dépenses fiscales représentent un manque à gagner total de 672 millions dont seulement 44 millions d’euros à la charge des collectivités territoriales. Au demeurant, il ne s’agit que d’une option, les collectivités territoriales ne sont pas contraintes par le dispositif.

M. Gilbert Lebris. Les collectivités territoriales sont donc doublement perdantes : elles doivent faire face aux conséquences économiques et sociales des restructurations et on leur demande de payer un tribut supplémentaire en réduisant leurs ressources propres. Je propose d’amender le dispositif pour éviter aux collectivités d’avoir à prendre en charge ce surcoût.

M. Michel Voisin. Le dispositif est facultatif, rappelons-le. Il n’y a pas d’obligation.

M. Bernard Cazeneuve. Le modèle économique de la réforme prévoit de dégager quelque 3,5 milliards d’économie sur la période 2009-2014. Pour atteindre ce niveau d’économie, il faut financer des mesures d’accompagnement des personnels à hauteur de 900 millions d’euros, le surcoût de la remise à niveau des infrastructures avant cession qui s’élève à 1,2 milliard d’euros et désormais le montant des dépenses fiscales introduites par ce dispositif soit plus de 650 millions d’euros. Je m’interroge donc très sérieusement sur la soutenabilité du modèle et sur la capacité réelle du ministère à dégager des ressources supplémentaires pour financer les équipements.

M. Alain Marty. Mon département est particulièrement touché par les restructurations et pourtant il me semble qu’il est indispensable de procéder à la réorganisation de nos unités. Notre modèle militaire n’étant plus adapté à nos besoins, il est nécessaire de redéfinir un format cohérent tant en effectifs qu’en implantation territoriale.

Pour autant, la présentation du dispositif me paraît importante mais il me semble qu’il apparaîtra surtout comme un effort supplémentaire demandé aux collectivités locales du fait de la non compensation des exonérations d’impôts locaux alors qu’il s’agit bien d’un complément aux mesures déjà annoncées en faveur des zones touchées par les restructurations.

M. Jacques Lamblin, rapporteur pour avis. Je rappelle que la loi de finances initiale pour 2009 a créé un mécanisme permettant de stabiliser la dotation globale de fonctionnement des collectivités touchées par les restructurations. Il est doté de 5 millions d’euros dès l’année prochaine et de 25 millions d’euros d’ici à 2011.

S’agissant de l’effet de seuil, je souligne que la loi garantit au contraire une relative souplesse puisque le bénéfice des aides fiscales est subordonné à l’existence d’un dispositif spécifique d’accompagnement, c'est-à-dire un plan ou un contrat de redynamisation. Or les critères pour relever de ces dispositifs sont déterminés par voie réglementaire, ce qui permettra au Gouvernement d’adapter, si besoin était, le dispositif en cours d’exécution.

S’agissant des économies attendues, il ne faut pas tirer des conclusions trop hâtives sur leur caractère proprement aléatoire.

La commission a adopté deux amendements présentés par le rapporteur, visant à prendre en compte les suppressions d’emploi découlant de la restructuration des entités civiles du ministère de la défense.

Elle a ensuite émis un avis favorable à l’adoption de l’article 19 ainsi modifié.

La séance est levée à dix heures quarante-cinq

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