Accueil > Travaux en commission > Commission de la défense nationale et des forces armées > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission de la défense nationale et des forces armées

Mardi 13 janvier 2009

Séance de 17 heures 15

Compte rendu n° 23

Présidence de M. Guy Teissier, Président

– Audition du général d’armée Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées, dans le cadre du projet de loi (n° 1216) relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014

Audition du général d’armée Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées, dans le cadre du le projet de loi (n° 1216) relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014

La séance est ouverte à dix-sept heures quinze

M. le président Guy Teissier. Nous accueillons le général d’armée Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées – CEMA –, à qui je présente mes vœux les plus chaleureux pour 2009, en espérant que nos armées connaîtront également une bonne année.

Nous avons désigné MM. Patrick Beaudouin et Yves Fromion rapporteurs du projet de loi de programmation militaire – LPM – pour les années 2009 à 2014, et nous poursuivons avec vous, mon général, notre cycle d’auditions tendant à éclairer les diverses dispositions de ce texte d’un genre un peu nouveau, puisqu’il fixe les grands axes de notre défense pour cette période, mais propose également des orientations pour les années 2015 à 2020. De même contient-il « diverses dispositions concernant la défense », qui traitent aussi bien des sociétés SNPE et DCNS que des modalités de cession des installations de la défense ou des mesures relatives au secret de la défense nationale.

Nous allons nous concentrer avec vous sur les aspects défense, d’autant que le plan de relance adopté par l’Assemblée nationale prévoit près de 2,4 milliards d’euros supplémentaires pour la défense, dont 1,4 milliard pour les équipements. J’attends quelques précisions sur ce sujet.

M. le général d’armée Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées. Je vous remercie pour vos vœux, que je sais sincères. Les armées françaises comptent sur le Parlement pour les soutenir dans les combats difficiles qu’elles mènent dans tous les domaines.

L’exercice dans lequel nous sommes engagés est d’une complexité extrême. La LPM 2009-2014 marque le lancement d’une réforme délicate qui nécessitera beaucoup de constance et un travail considérable d’adaptation de la part de nos armées. Face aux difficultés économiques auxquelles nous sommes confrontées, nous avons conscience que l’effort financier consenti par la nation est important, mais il n’est que la traduction des objectifs qui nous ont été fixés.

Aux difficultés habituellement liées à la construction toujours délicate d’une loi de programmation militaire sont venues s’ajouter de nouvelles inflexions.

N’oublions pas tout d’abord que nous avons dû partir des acquis de la précédente LPM, dont l’économie générale reposait sur les engagements forts énoncés lors de la professionnalisation des armées, en 1996. Nous avons par conséquent établi une nouvelle planification en tirant le meilleur parti des efforts consentis et des réformes dans lesquelles nous étions d’ores et déjà engagés.

Nous avons ensuite pris en compte les orientations capacitaires des fonctions stratégiques déclinées dans les conclusions du Livre blanc.

Nous avons par ailleurs tiré aussi complètement que possible toutes les conséquences des réformes liées à la RGPP, la révision générale des politiques publiques, réformes de grande ampleur dont la mise en œuvre conditionne l’obtention des ressources inscrites dans cette LPM.

Enfin, nous avons intégré les conclusions des retours d’expérience de nos engagements opérationnels les plus récents.

Ne perdons pas de vue que cette LPM accompagne une transformation majeure de notre outil de défense, au moment même où nos armées sont engagées dans des missions difficiles, marquées par le retour des opérations de guerre. J’ai coutume de dire qu’au-delà des travaux qui nous mobilisent, les affaires continuent. Au moment où je vous parle, 13 000 soldats français sont engagés en missions extérieures, 35 000 participent aux missions de présence et de souveraineté, et près de 2 000 sont engagés dans les missions quotidiennes de sûreté du territoire national. Dans cette période de mutation, il est essentiel de conserver à l’esprit que disposer d’armées opérationnelles demeure la raison d’être de notre ministère.

Avant de répondre à vos questions, j’aborderai successivement trois points : les objectifs de cette LPM, son contenu, puis les points qui me préoccupent.

Première programmation « tout titre », portant sur l’ensemble de la mission « Défense » hors pensions, la LPM 2009-2014 est la traduction physique et financière de la volonté forte exprimée par le Président de la République en matière de défense.

Elle maintient la France parmi les puissances, peu nombreuses, capables d’assurer leur sécurité et d’appuyer leur diplomatie sur des capacités militaires crédibles. Prenant acte du caractère multinational de nos opérations, mais aussi de notre ambition pour l’Europe et l’Alliance atlantique, elle tire toutes les conséquences des enjeux qui découlent de la mondialisation.

Elle prolonge de façon très significative l’effort de recapitalisation de notre outil de défense entamé lors de la précédente LPM. Vous le savez, la LPM 1997-2002 avait été marquée par la mise en œuvre de la professionnalisation des armées ; il s’agissait de la première étape de la réforme de notre outil de défense. La LPM qui vient de s’achever était pour sa part tournée vers quatre objectifs prioritaires : la consolidation de la professionnalisation, le renforcement de nos capacités en engagement extérieur, la restauration de la disponibilité technique des matériels et la modernisation de nos forces. Elle a permis de lancer de nombreux programmes d’armement, désormais en phase de production ou prêts à y entrer.

En procédant à une nouvelle analyse de notre environnement international, la commission du Livre blanc a proposé au Président de la République des contrats opérationnels, dont découlent de nouvelles priorités en matière capacitaire. Conjuguées à une économie de moyens rendue possible par la réforme et la réduction des formats des armées, ces nouvelles priorités s’inscrivent désormais dans une trajectoire financière plus cohérente.

L’objectif principal de cette LPM est d’organiser la transformation de nos forces, sous-tendue par de nouveaux contrats opérationnels, tout en garantissant en permanence l’efficacité de l’outil militaire. Elle poursuit et adapte la modernisation de nos forces avec une priorité accordée à la fonction connaissance et anticipation. Elle est également marquée par le maintien de la fonction dissuasion et par l’effort consacré à la fonction intervention. Ce dernier se traduira par le renforcement de la protection des forces terrestres et l’amélioration de la disponibilité des matériels les plus utilisés en opérations.

La priorité donnée à la fonction connaissance et anticipation se traduira par un doublement des budgets alloués au domaine spatial. L’objectif est bien d’accroître notre autonomie de décision, qui repose sur la maîtrise de l’information et la capacité d’appréciation des situations.

Tout en poursuivant les opérations en cours de réalisation, l’effort consacré à cette nouvelle fonction se traduira, en particulier, par la préparation et le lancement d’opérations lourdes, dont les premiers effets sont attendus à partir de 2015. Il s’agit des systèmes satellitaires MUSIS – Multinational space-based imaging system – et CERES – Capacité de renseignement électromagnétique spatial – ainsi que des programmes liés aux drones MALE – Moyenne altitude longue endurance –, et tactiques. Cette dynamique se traduira également par un renforcement des effectifs et une rationalisation de la chaîne de renseignement.

Le rôle dévolu à la fonction dissuasion est conforté. Maintenue à un niveau de stricte suffisance, elle demeure naturellement un fondement essentiel de notre stratégie. Au cours de la période 2009-2014, l’effort portera sur la modernisation de ses deux composantes, avec la mise en service d’un quatrième sous-marin lanceur d’engins de nouvelle génération et la livraison des missiles M51 et ASMP/A Air-sol moyenne portée. Cet effort portera également sur la préparation de l’avenir avec la poursuite du développement du programme de simulation.

Pour la fonction intervention, l’effort sera porté sur la modernisation de l’outil de combat aéroterrestre, la modernisation progressive de l’outil de combat aérien, la projection et la mobilité, les appuis et la frappe dans la profondeur, ainsi que les structures de commandement et le renseignement. Il s’agira également de renforcer la protection des combattants et des zones de stationnement.

Le processus de renouvellement et de modernisation des moyens de combat et de frappe à distance qui a été engagé dans les trois milieux – terrestre, aérien et maritime – sera poursuivi de façon soutenue. Cet effort s’est déjà traduit par le début de livraison des programmes VBCI Véhicule blindé de combat d’infanterie –, Rafale, AASM Armement air/sol modulaire , Tigre, Frégates Horizon, canons Caesar Camion équipé d’un système d’artillerie et torpilles MU90.

Les études de définition des équipements à venir ont pris en compte les nouveaux besoins liés à la mobilité sur les théâtres, aux engagements dans les zones urbaines ou d’accès difficile et à la maîtrise des effets par l’acquisition de munitions de précision. Elles déboucheront sur la mise en service de nouveaux matériels comme les NH90, qui constitueront l’élément essentiel de renouvellement de la composante de transport tactique aéromobile. Elles concerneront également la composante maritime, avec la poursuite des programmes FREMM Frégate multimissions et Barracuda. Elles toucheront également le domaine aéronautique avec la rénovation des Mirage 2000D. Pour les deux autres fonctions stratégiques, il s’agira essentiellement de recentrer notre dispositif de prévention et de développer nos capacités de protection de la population et du territoire national.

À la fin de la période, notre capacité d’appréciation autonome des situations sera nettement renforcée. Ainsi, cinq brigades terrestres seront entièrement numérisées, gage d’une efficacité opérationnelle accrue et d’une meilleure capacité à s’intégrer dans les dispositifs interarmées et interalliés. Enfin, la proportion d’armes concourant à la frappe de précision sera doublée et cette capacité sera diversifiée grâce à l’équipement de missiles de croisière sur les FREMM et, ultérieurement, sur les Barracuda, ainsi qu’à la mise en œuvre de l’AASM sur le Rafale.

Dans la période 2015-2020, dont les orientations capacitaires sont déjà intégrées à la présente LPM, l’accent sera porté sur la poursuite de la modernisation des forces terrestres, avec la livraison des successeurs des AMX 10RC et des VAB Véhicules de l’avant blindé dont l’emploi intensif en opérations accélère l’usure. C’est ce que nous appelons les blindés multirôles et de reconnaissance. L’effort portera également sur la modernisation des capacités des avions de combat, sur la poursuite du renouvellement de la flotte de surface, notamment pour les capacités amphibies et de projection maritime, et sur l’acquisition des premiers moyens dédiés à l’alerte avancée.

Avec 185 milliards d’euros de crédits de paiement consacrés à la mission « Défense », hors charges et pensions, la LPM respecte intégralement le cadrage financier du Livre blanc en y incluant une part de recettes exceptionnelles. Elle se traduit, hors plan de relance, par une hausse de 5,4 % des moyens financiers consacrés à la défense dès 2009.

Premièrement, elle intègre de façon équilibrée l’ensemble des composantes qui définissent une capacité militaire : les effectifs, le fonctionnement, l’entraînement, les équipements et les munitions.

L’activité et le fonctionnement des armées recevront 11,2 milliards d’euros. Ces crédits diminuent par rapport à la période précédente, dans la mesure où ils intègrent dès à présent la réduction des effectifs et les gains attendus de la réforme en cours. Ils permettent par conséquent de maintenir nos objectifs annuels d’activité en cohérence avec les standards d’entraînement de l’OTAN. Le respect de ces standards est essentiel car il garantit le niveau de préparation des forces ainsi que le moral et la cohésion des hommes.

La masse salariale, hors pensions, est dotée de 63 milliards d’euros. Cette somme intègre également la diminution attendue des effectifs. Elle permettra, en particulier, de poursuivre le plan d’amélioration de la condition du personnel.

L’équipement des forces est doté de 101 milliards d’euros. En 2009, ces crédits représentent 16,6 milliards d’euros. Ils augmenteront de 9 % au-delà de l’inflation théorique jusqu’en 2014, pour atteindre 18 milliards d’euros en fin de LPM. Puis cette croissance se poursuivra chaque année pour atteindre 20,2 milliards d’euros en 2020.

Deuxièmement, un effort notable est consenti en début de période avec la mobilisation de recettes exceptionnelles, à hauteur de 3,7 milliards d’euros, dont près de 90 % nous seront attribués au cours des trois premières années de la LPM.

Troisièmement, les économies dégagées par la mise en œuvre de la réforme sont entièrement réutilisées au profit de la défense : pour le personnel civil et militaire, par des mesures d’amélioration de la condition du personnel, qui se traduiront, en particulier, par une revalorisation des rémunérations ; pour les équipements, avec un gain estimé de 6 milliards d’euros pour l’ensemble de la période.

Le plan de relance économique donne une impulsion favorable à cette LPM. Il bénéficie aux programmes à effet majeur, grâce à l’acquisition d’hélicoptères EC 725 Caracal et d’un troisième bâtiment de projection et de commandement, dont la livraison n’était prévue que dans la prochaine LPM. Il permet d’atténuer les conséquences des reports ou des réductions des cadences de livraison initialement envisagées, en particulier pour les programmes liés au VBCI, au Rafale et au PVP – le Petit véhicule protégé. Enfin, ce plan, dont je comprends qu’il constitue une avance sur les crédits des deux prochaines LPM, à l’exception de deux Caracal et de quinze Aravis, permet d’acquérir de nouveaux matériels en urgence opérationnelle : quinze véhicules blindés pour l’Afghanistan, ainsi que des munitions destinées à l’artillerie, à l’hélicoptère Tigre et à l’aviation de combat. Il participe également à l’amélioration du MCO à travers l’achat de pièces de rechange, en particulier pour les matériels aéronautiques.

Au total, cette LPM représente un effort important au profit des équipements, qui se concrétise par la priorité accordée aux programmes à effet majeur et par l’amplification de l’effort concernant le MCO, en augmentation de 8 % en moyenne sur 2009-2014 par rapport à 2008. Elle permet d’accompagner, au moyen de son volet social, la réorganisation des armées, qui se traduira, en particulier, par la réduction de nos formats, l’optimisation de nos soutiens et le redéploiement de nos implantations militaires.

Telle qu’elle apparaît, cette LPM permet de remplir les objectifs qui nous ont été fixés.

Pour autant, l’exercice dans lequel nous sommes engagés est complexe. Il dépend essentiellement du succès de la manœuvre des ressources humaines qu’il nous appartient de conduire au cours des sept prochaines années. Par ailleurs, la trajectoire financière dessinée se situe au plus juste des moyens permettant d’atteindre les objectifs qui nous sont assignés. C’est pourquoi nous devrons accepter dans certains cas des réductions de capacités, qui ne devraient rester que temporaires. Elles toucheront le transport aérien ; le combat aéroterrestre, avec le nécessaire maintien en service d’une partie des VAB et la diminution de notre capacité à tirer des missiles à longue portée à partir d’hélicoptères ; la composante navale, qui sera durablement sous l’objectif dans le domaine des frégates, des hélicoptères embarqués et des missiles anti-navires, et la composante du combat aérien, où la polyvalence des Mirage 2000D ne sera pas réalisée avant 2018 ou 2019. Dans ces conditions, la cible finale des objectifs du Livre blanc ne pourra être atteinte dans son intégralité qu’à l’horizon 2023-2025.

L’exercice financier est donc tendu. Tout écart nous poserait de facto de grandes difficultés. Plusieurs points me préoccupent particulièrement.

Le solde de gestion 2008, point d’entrée du budget 2009 et par conséquent de la nouvelle LPM, se traduit par une encoche de 700 millions d’euros, qui, je l’espère, sera la dernière.

La réalisation de cette LPM dépendra en grande partie de la volonté des industriels d’inscrire leurs coûts de production et de MCO dans une perspective raisonnable et donc supportable. À cet égard, la crise économique actuelle laisse peser bien des incertitudes.

Le succès de la réforme en cours et l’obtention des gains financiers attendus reposent sur la manœuvre des ressources humaines. Cette réforme sera d’une ampleur inégalée. Durant les six prochaines années, notre format sera réduit de 17 %, la cible de nos trois armées passant en 2014-2015 à 225 000 hommes et femmes, dont 192 600 militaires. L’effort de déflation sera trois fois supérieur à celui que nous avons connu pendant la période de professionnalisation. Sur la base d’un ratio de 75 % de militaires pour 25 % de civils, nous allons ainsi diminuer nos effectifs de 4 000 officiers, 18 000 sous-officiers, 18 200 militaires du rang et 13 500 civils. L’effort portera essentiellement sur les soutiens, qui représentent 75 % de ces déflations.

Pour ne pas tarir la source de recrutement des militaires, essentielle à la satisfaction des exigences opérationnelles, cette manœuvre nécessite la mise en œuvre efficace des mécanismes d’accompagnement du flux de départs. Dans un contexte marqué par de nouvelles tensions sur le marché de l’emploi, cela suppose, d’une part, que des mesures de reclassement dans la fonction publique soient mises en œuvre dans des conditions optimales, d’autre part, que des mesures attractives d’accompagnement au départ soient obtenues et, enfin, que les engagements en matière de masse salariale soient respectés.

Les ressources planifiées en LPM doivent se concrétiser, en particulier en ce qui concerne les recettes exceptionnelles.

Des incertitudes lourdes continuent de peser sur certains programmes d’armement. C’est le cas, notamment, de l’A400M. Le retard que connaît le développement de cet appareil risque en effet de prolonger de façon inquiétante notre déficit en capacité de transport aérien.

Il conviendra de veiller aux conditions de remboursement des sommes avancées dans le cadre du plan de relance économique. Il s’agit en effet de ne pas fragiliser la cohérence capacitaire établie sur l’ensemble des deux LPM, qui englobent la période couverte par le Livre blanc.

Ces facteurs de succès ne dépendent pas du seul volontarisme et encore moins de la gouvernance du ministère de la défense. Ils relèvent, vous en conviendrez, d’une véritable mobilisation entre les ministères et au sein de la fonction publique. Ils réclament également le soutien sans faille de la représentation nationale, afin de nous donner, année après année, les moyens en masse salariale nous permettant de tenir nos engagements en effectifs. Mon expérience dans le domaine incite à la plus grande vigilance.

Cette LPM va accompagner la transformation considérable de nos armées que nous avons entreprise. Nos engagements opérationnels se poursuivent et sont de plus en plus durs. Il est essentiel de veiller à ce que les armées disposent des moyens de relever les défis qui s’imposent à notre pays. Face à cette transformation, l’attente des armées est très forte. Elle est à la hauteur des efforts qui seront demandés. Il est donc primordial que cette réforme reçoive l’appui de tous, en particulier de la représentation nationale, dont le rôle, pour ce qui concerne le respect des moyens engagés, sera essentiel.

M. le président Guy Teissier. Pour que la RGPP aboutisse, il conviendra que la manœuvre des ressources humaines réussisse. En ce début d’année, les armées enregistrent-elles déjà des demandes de départ ?

Par ailleurs, la prise en compte des drones dans la LPM est-elle à la hauteur des enjeux ?

M. le général d’armée Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées. Le succès des opérations reposera essentiellement sur la maîtrise du flux des départs. Il convient de veiller à conserver dans nos rangs le personnel détenant des spécialités indispensables à notre engagement au maintien de nos capacités opérationnelles. La manœuvre en étant à ses débuts, il est prématuré de tirer des conclusions définitives.

Il existe deux sortes de départs : ceux qui ne bénéficient d’aucune aide, c’est-à-dire la « respiration habituelle » et ceux qui sont aidés pour la « surventilation de la déflation ». Nous ne percevons pas de mouvement de fond de ralentissement du nombre de départs sans aide, que pourrait provoquer un éventuel effet d’aubaine. Nous avons cependant des craintes, eu égard au durcissement prévisible du marché de l’emploi. S’agissant des départs aidés, il faut distinguer deux catégories : les reconversions dans les fonctions publiques, avec 1 100 mouvements par an prévus vers la fonction publique d’État et les départs avec versement d’un pécule, qu’il est prévu de servir à 1 150 militaires cette année.

En ce qui concerne les drones, les SDTI – Systèmes de drones tactiques intérimaires – se révèlent performants pour appuyer la manœuvre d’infanterie. De même, les nouvelles fonctions comme le ROEM – Renseignement d’origine électromagnétique – sont désormais parfaitement intégrées par nos jeunes officiers. Encore faut-il que nous ayons les moyens humains et financiers de les déployer sur les théâtres d’opération. L’enjeu consiste à acquérir de l’information et à la faire parvenir à celui qui décide, c’est-à-dire bien souvent le chef de section ou le commandant de compagnie.

La France a choisi de s’appuyer sur son industrie nationale plutôt que d’acquérir sur étagères des drones israéliens ou américains. Nous disposons donc de SDTI et de DRAC – Drones de renseignement au contact – et nous aurons bientôt les SIDM – Systèmes intérimaires de drone MALE. La LPM prévoit les moyens financiers d’un soutien technique en la matière de même qu’une provision pour l’acquisition sur étagères de moyens complémentaires ou de remplacement, qui pourront être adaptés au fil des ans, et, enfin, le lancement des programmes d’équipement de la génération suivante, notamment le drone MALE et les drones tactiques terrestres ou embarqués.

M. le président Guy Teissier. Lors de notre mission en Afghanistan, nous avons constaté qu’il manquait quelques hélicoptères d’appui. Des hélicoptères Gazelle sont arrivés mais il s’agit de matériels anciens. Nous attendons impatiemment la livraison des Tigre, censés être des machines redoutables et qui font actuellement des circonvolutions dans le ciel béarnais. Confirmez-vous leur arrivée incessamment sur le théâtre afghan ?

M. le général d’armée Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées. Je n’ai pas à confirmer une décision qui n’a pas été prise.

M. le président Guy Teissier. S’agit-il d’une infirmation ?

M. le général d’armée Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées. Compte tenu de l’évolution de la situation en Afghanistan, il a été décidé d’y déployer des équipements supplémentaires, notamment des drones, des hélicoptères – Caracal et Gazelle – et des VAB pour le ROEM. Nous aurions probablement envoyé des Tigre si nous en avions disposé. Nous verrons le moment venu s’il y a lieu de compléter les équipements déployés. La décision appartient au Président de la République et à lui seul.

M. le président Guy Teissier. Vous nous avez demandé votre soutien et, ordinairement, nous vous l’accordons. Votre réponse n’est pourtant guère satisfaisante. Nous comprenons mal que des sommes aussi importantes soient engagées en faveur du Tigre si c’est pour hésiter à l’envoyer sur un théâtre d’opération où la France en a besoin, d’une part parce qu’il est plus fiable que les Gazelle, d’autre part parce qu’un matériel déjà éprouvé par nos armées serait plus aisé à commercialiser. Mais je comprends que la décision n’est pas de votre ressort.

M. le général d’armée Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées. Tous vos arguments sont justes mais je ne fais que répondre précisément à votre question. L’efficacité du Tigre est démontrée et il serait paradoxal que d’autres pays en déploient avant nous sur le théâtre afghan, mais le conseil restreint et le Parlement n’ont pas décidé d’envoyer des Gazelle en attendant que les Tigre soient disponibles.

M. le président Guy Teissier. C’est pourtant ce qui a été dit.

M. le général d’armée Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées. Pas par le Gouvernement.

M. le président Guy Teissier. Si.

M. le général d’armée Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées. En tout cas, ce n’est pas le souvenir que j’ai du conseil restreint. Il n’en demeure pas moins que la question du remplacement des Gazelle par les Tigre se posera.

Nombre de nos matériels, quoique très coûteux, ne sont pas toujours déployés, soit pour des raisons diplomatiques, soit pour des raisons politiques. Je rappelle qu’une armée mobilise des capitaux dans l’éventualité d’événements dont nous souhaitons qu’ils ne se produisent pas.

M. Yves Fromion. Je suis surpris que la décision d’envoyer des Tigre incombe au Président de la République et non au CEMA. Le Tigre n’est guère qu’un super-Caracal. Ce n’est tout de même pas la force de dissuasion nucléaire !

M. le général d’armée Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées. Sur le plan politique, l’important est la balance des effectifs : la France va-t-elle ou non accroître sa participation en Afghanistan ? C’est en cela que je dois peser mes décisions au trébuchet, pour ne pas délivrer des messages contraires à ceux du Président de la République. La décision de substituer des Tigre aux Gazelle peut parfaitement être prise par le CEMA, mais j’appelle votre attention sur le caractère extrêmement sensible des mouvements qui s’opèrent sur le théâtre afghan.

M. Yves Fromion. Cette réponse-ci me satisfait.

La réforme de notre dispositif militaire, notamment le reformatage des unités, va induire des dépenses assez élevées. Ce coût a-t-il été intégré dans la LPM ou bien pèsera-t-il comme un poids mort ?

L’intégration de la totalité de la mission « Défense » dans la LPM constitue une assurance pour les armées, mais aussi un facteur de rigidité. Disposerez-vous de marges de manœuvre pour faire face à des situations nouvelles ?

Comment le pilotage du programme 146 s’articule-t-il entre l’état-major et la DGA – la délégation générale pour l’armement ?

L’armée de terre n’a pas été la mieux traitée par la dernière LPM : faute de programmes emblématiques, elle a souvent joué le rôle de variable d’ajustement. Comment sanctuariser ses dépenses et ses programmes de cohérence opérationnelle – PCO –, qui passent souvent à la trappe ?

M. Patrick Beaudouin. L’exécution de la précédente LPM s’est traduite par un décalage entre les effectifs des armées et la dotation en masse salariale. Le projet de LPM remédie-t-il à ce problème ?

Les objectifs fixés en matière d’opérations extérieures – OPEX –, qui nécessitent une préparation opérationnelle de nos troupes, sont-ils réalistes pour les trois armées ?

La nouvelle gouvernance issue du décret de 2005 permettra-t-elle d’éviter les étalements ou retards considérables pris dans le développement des programmes ?

Enfin, le projet de LPM prévoit que les accords de défense fassent l’objet d’une information au Parlement, mais la rédaction du texte est assez sibylline. Pouvez-vous nous donner des éclaircissements à ce propos ?

M. le général d’armée Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées. Les coûts de la réforme ont été intégrés. La loi prévoit que 2,5 milliards seront consacrés aux restructurations, dont 1 milliard d’euros pour la manœuvre des ressources humaines, notamment aux incitations au départ, et que 1,2 milliard d’euros sera consacré aux restructurations d’infrastructures. La France a des ambitions fortes. Les moyens financiers engagés doivent par conséquent en être à la hauteur. Nos ambitions militaires sont souvent financées au plus juste et nos marges de manœuvre extrêmement réduites. Il y a, par exemple, matière à inquiétude en ce qui concerne le financement de notre pleine participation à l’OTAN. Quant au coût des restructurations, il n’est pas connu précisément. Les objectifs chiffrés de la RGPP, passés au crible du terrain, sont-ils réalistes ? L’effort d’intégration des coûts est indéniable mais tout a été calculé au plus juste.

La question rituelle de la gouvernance me plonge toujours dans des abîmes de réflexion. L’amélioration de la gouvernance du ministère ne changera rien aux grands problèmes de la défense, notamment à celui du suivi des programmes d’armement. Les retards de l’A400M, par exemple, ne sont pas imputables à notre gouvernance ; c’est à l’évidence un problème de politique industrielle au sein de l’entreprise concernée. On peut toujours affirmer que telle responsabilité devrait échoir à telle autorité plutôt qu’à telle autre. En vérité, les choses iraient beaucoup mieux si le nombre d’acteurs intervenant sur ces sujets était réduit. Les difficultés de gestion des programmes ne seront pas réglées par des changements de gouvernance, mais si les crédits prévus sont au rendez-vous des budgets de la défense. Au demeurant, en matière de crédits d’investissement, la France est beaucoup plus performante que ses partenaires, à commencer par les États-Unis, et le ministère de la défense français est l’un des plus efficaces dans ses contrôles. Enfin, il convient de conserver à l’esprit que le ministère de la défense conduit des opérations de guerre.

Le débat sur le copilotage du programme 146 a été tranché. Le CEMA est seul en mesure de dire au ministre ce dont les armées ont besoin et le délégué général pour l’armement est le seul à détenir les compétences pour négocier avec les industriels. C’est ce qui explique ce copilotage, qui fonctionne parfaitement.

M. Yves Fromion. Lorsqu’un programme rencontre des difficultés, l’habitude française est de réduire la cible alors que, à l’étranger, ce sont parfois les spécifications, la technicité et le coût unitaire qui sont réexaminés, afin d’entrer dans l’enveloppe quantitative.

M. le général d’armée Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées. Ce n’est pas vrai. En France, nous essayons toujours de sauver le programme en l’étalant, en fonction de critères qui ne sont pas forcément liés à l’emploi opérationnel. Mais les militaires ont une responsabilité forte sur les spécificités réclamées. Placer ces affaires sous l’autorité unique du CEMA est positif car un militaire peut enfin décider d’arrêter une dérive, ce qui était impossible auparavant.

Le Livre blanc établit dans un de ses chapitres qu’il convient de privilégier les programmes de l’armée de terre. Notre présence en Afghanistan nous conduit à préserver les PCO. Mais, au final, cette priorité n’est pas si visible car certains programmes aéronautiques ou nucléaires gardent une place extrêmement importante dans nos investissements. L’aspect financier n’est pas le seul critère pour apprécier nos efforts au profit de l’armée de terre.

M. le contre-amiral Jean-Marc Brulez. La LPM a séquencé les efforts en trois temps : les programmes lancés depuis un moment, notamment le VBCI ; la protection individuelle et collective des combattants, avec en particulier les surblindages et le renouvellement des matériels lourds de l’armée de terre – l’AMX 10RC et le VAB –, ce qui représente un investissement important.

M. le général d’armée Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées. Dans la prochaine LPM, hors dissuasion, 25 % des crédits d’investissement seront consacrés aux PCO. De ce point de vue, le copilotage du programme 146 prend toute sa valeur. Lors de l’avant-dernier comité directeur du programme, j’ai dû m’engager pour que l’on ne touche pas aux PCO de l’armée de terre.

En ce qui concerne la préparation des soldats, je relève que plus personne ne conteste que nos troupes envoyées en Afghanistan sont bien entraînées, qu’il s’agisse des soldats du 8e RPIMA, qui sont de retour, du 27e BCA, ou de ceux du 1er RI, du 13e BCA et du 3e RIMA, qui sont sur le départ. Vous pourriez demander ce qu’il en pense au général David McKiernan, qui commande la FIAS – la Force internationale d’assistance à la sécurité.

M. Michel Voisin. Les modifications de l’A400M réclamées par les différents pays par rapport à la commande globale de l’OCCAR – l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement – reportent encore la fin du programme d’environ un an. Notre flotte de transport est en fin de vie. Si la livraison de l’A400M continue d’être décalée dans le temps, comment nos armées compenseront-elles ce déficit capacitaire ?

Par ailleurs, quelle programmation est prévue pour les effectifs de réserve ?

M. Jean-Claude Viollet. Le SDTI et le SIDM sont des systèmes intérimaires ; des problèmes de soutien et de commandes complémentaires se poseront donc lorsqu’ils deviendront opérationnels. Vous avez évoqué des achats sur étagères. Quels engagements financiers la LPM contient-elle, d’une part pour les systèmes déjà déployés, d’autre part pour des achats sur étagères ?

Quelques matériels – je pense aux chars et aux hélicoptères de combat – consomment l’essentiel de l’enveloppe de MCO. Des décisions ont-elles été prises en la matière ?

Le projet de « Pentagone à la française » est inscrit dans la LPM et l’on dit même qu’il devrait être opérationnel fin 2013. Faut-il en attendre de réelles économies ? Où en est la préfiguration ? Quelle enveloppe financière est prévue ? Pour réussir la réforme ambitieuse en cours, le bâti est-il prioritaire ? Ne convient-il pas de faire porter les efforts sur les équipements et les hommes qui les servent ?

Les personnels doivent être respectés. Or, dans le cadre de la refonte des régimes spéciaux, il est question de remettre en cause le régime de sécurité sociale des militaires. J’ignore si cette opération est susceptible de dégager des économies substantielles, mais la prudence s’impose. Il faudrait que nous disposions de toutes les informations nécessaires afin d’émettre un avis.

J’ai cru que le ministère de la défense était déterminé à défendre son régime, qui organise toute l’action sociale des armées. Dans cette phase de changement intense, je désapprouverais la fragilisation d’un système qui a démontré sa capacité à s’adapter.

M. le général d’armée Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées. La vraie cause du retard de l’A400M est le pilotage industriel par EADS, en particulier pour la mise au point du moteur confié à quatre constructeurs qui se sont regroupés. Il ne suffit pas de peindre un avion civil en kaki pour en faire un avion militaire. Un avion militaire est destiné à faire la guerre, ce qui requiert certaines spécifications.

M. le contre-amiral Jean-Marc Brulez. Nous travaillons désormais sur la base de délais mieux définis après avoir été reportés. Nous réfléchissons au moyen de pallier le retard de l’A400M en attendant que les délais soient résorbés.

M. le général d’armée Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées. Instruits par l’histoire récente, nous anticipons afin de ne pas être pris au dépourvu.

M. Yves Fromion. Faut-il comprendre qu’il y aura cinq ans de retard ?

M. le général d’armée Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées. Ce n’est pas ce que j’ai dit.

M. le contre-amiral Jean-Marc Brulez. Nous avons deux besoins qui font appel à des caractéristiques très différentes : le transport à long rayon d’action et les opérations militaires internes à un théâtre. Nous recourons déjà à des affrètements pour le transport à long rayon d’action. Pour les opérations internes à un théâtre, la flotte de Transall peut faire l’objet de mesures de gestion au quotidien afin de conserver son potentiel le plus longtemps possible. En engageant un peu de dépenses, nous prolongeons la durée de vie des cellules.

Année après année, nous mesurons l’écart entre le besoin courant des opérations et le matériel à notre disposition. Des appareils du même type existent sur le marché – C130, Casa 295 ou Casa 235 – et nous pouvons rechercher une capacité de transport soit de manière patrimoniale, soit en leasing avec option d’achat, soit avec des affrètements.

M. le général de brigade Philippe Chalmel. Le Livre blanc nous a invités à orienter la réflexion dans deux directions : l’évolution de la réserve militaire et le service de défense, c’est-à-dire la façon dont l’État s’organise en cas de crise grave et prolongée sur le territoire. Nous avons découpé notre étude en trois parties.

Premièrement, le secrétariat d’État chargé de la défense et des anciens combattants nous a mandatés pour nous pencher sur l’évolution de la réserve opérationnelle dans les missions extérieures. Le rapport d’étape sera soumis cette semaine à la signature du CEMA. Il ouvre des perspectives de « resoclage » de nos besoins, sachant que trois curseurs doivent être considérés pour prendre le pouls de la réserve : les effectifs, le coût de la journée et le nombre d’ESR – Engagement à servir dans la réserve – annuels signés.

Deuxièmement, nous avons aussi demandé à être mandatés sur le sujet de la réserve citoyenne. Nous pensons également obtenir un premier rapport d’étape dans les semaines à venir.

Troisièmement, nous avons demandé que le SGDN – secrétariat général de la défense nationale – soit mandaté pour conduire une véritable réflexion sur le contrat opérationnel et sur l’utilisation de notre réserve au sein des réserves interministérielles des fonctions publiques en uniforme, en lien étroit avec le ministère de l’intérieur.

Ces trois dossiers devraient déboucher, dans les mois qui viennent, sur une remise à plat et sur de nouveaux objectifs.

M. le général d’armée Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées. S’agissant des drones, la France a développé une politique qui s’appuie sur une segmentation, avec des satellites pour l’observation régulière. Elle a abandonné l’option des drones HALE – Haute altitude longue endurance – mais développé les drones MALE et les nacelles embarquées sur aéronef pour des missions ciblées sur les théâtres, ainsi que les drones tactiques agissant en temps réel ou presque au profit des opérations en cours.

Les forces disposent de quatre systèmes. D’une part, le SDTI et le SIDM, systèmes intérimaires dont l’emploi en opérations a débuté et se poursuit. Le déploiement du SIDM dans trois secteurs aériens est prévu au premier trimestre 2009. D’autre part, le mini-drone DRAC, qui sera déployé au deuxième trimestre 2009. Enfin, le CL-289, qui est déployé au Tchad depuis 2008. À ce stade, un complément par ordre de service ne se révèle pas indispensable à court terme pour l’Afghanistan, mais cette solution ne doit pas être oubliée.

La LPM prévoit les ressources nécessaires pour poursuivre l’introduction opérationnelle des drones intérimaires, avec l’acquisition d’un vecteur SIDM supplémentaire et du complément de soutien de la totalité du système pour 136 millions d’euros sur la période 2009-2016, sur la base d’un taux d’activité de 2 000 heures par an. La capacité intérimaire des drones tactiques sera soutenue au moins jusqu’en 2011, à raison de 15 millions d’euros par an.

La LPM prévoit également d’acquérir une capacité supplémentaire significative sur étagères pour pallier la réduction de la capacité intérimaire ou une augmentation du nombre de missions. La DGA estime le coût de cette mesure à 30 millions d’euros par an pour une offre de service d’un système MALE de type Predator B et de 15 millions d’euros par an pour celle d’un système actif technique correspondant à l’offre Hermès 450 de Thalès.

La LPM prévoit enfin de développer la génération suivante, éventuellement en coopération européenne. Le coût de la capacité MALE pérenne est estimé pour 2016 à 493 millions d’euros, provisionnés dans la deuxième LPM. Le choix sera arrêté mi 2009. La capacité pérenne de drones tactiques prévue pour 2016 est évaluée à 88 millions d’euros sur la période 2009-2014, à 340 millions d’euros sur la période 2015-2020 pour les SDTI et à 20 millions d’euros pour la nouvelle génération de mini-drones DRAC NG – nouvelle génération.

Deux options existent pour la capacité tactique de 2016 : soit le recours aux mêmes véhicules aériens pour les besoins terrestres et maritimes, ce qui paraît peu compatible avec une mise en service en 2016, soit l’adaptation a minima des solutions sur étagères aux premières livraisons des systèmes terrestres en 2016, les drones maritimes à voilure tournante, moins matures, étant mis en service en 2020.

La question du MCO est difficile. Le SIAé – Service industriel de l’aéronautique – créé il y a un an, ne couvre que 5 % des dépenses, mais il a fait économiser 370 millions d’euros. Cela prouve que nous ne sommes pas restés les bras croisés et que les réformes de gouvernance, de structures, de mises en commun portent leurs fruits. Outre la réduction des formats, qui nous aide évidemment à maîtriser les coûts, nous prenons des mesures extrêmement énergiques : une centaine de chars seront placés sous cocon ; des avions et des navires seront retirés du service par anticipation ; des contrats de performance seront signés.

Le « Pentagone à la française » est une excellente idée. En regroupant sur un même site les différents acteurs des questions de défense, il favorisera indiscutablement le dialogue au sein du ministère. Un administrateur de l’Assemblée nationale en disponibilité conduit l’affaire avec énergie et compétence. Le site de Balard accueillera environ 9 500 personnes. Le projet implique de construire des bâtiments neufs dans la parcelle ouest, de rénover des bâtiments anciens dans la parcelle est, de repenser les modes de fonctionnement des différentes entités de l’échelon central et de procurer aux personnels des conditions modernes et fonctionnelles ainsi que l’accès à des services de qualité.

C’est l’occasion de faire un geste architectural fort, d’une part parce que le projet est situé à Paris, d’autre part parce qu’il concerne la défense. Il serait inconvenant de ne pas accomplir un geste comparable à celui consenti naguère en faveur du ministère de l’économie et des finances à Bercy. Le bouclage financier sera compliqué, mais nous devons faire preuve d’ambition. Ce projet est estimé à 1 milliard d’euros, dans le cadre d’un partenariat public-privé. La phase d’élaboration s’achèvera en juillet. De 2009 à 2011, se dérouleront les phases de consultation, de conception, de choix de l’opérateur, d’étude puis de mise au point du projet. Le projet sera réalisé d’octobre 2011 à mars 2014.

J’observe avec inquiétude toutes les décisions banalisant la condition militaire, auxquelles participent parfois les militaires eux-mêmes, en externalisant tout ce qui peut l’être. Toutes ces démarches ne sont pas contestables, mais il convient d’être prudent. Depuis la suppression de la justice militaire, l’exceptionnalité de l’action militaire sur le terrain est souvent mal prise en compte par les juridictions civiles. Les tentatives de suppression de la médecine militaire ont heureusement avorté – les Britanniques l’ont faite et s’en mordent les doigts. Les dépenses à bon compte ont été supprimées alors que les spécificités du déploiement des forces à l’étranger nécessitent des modes de financement particuliers, parfois dérogatoires aux régimes généraux. Une réforme des paiements est en cours. Et c’est maintenant la sécurité sociale militaire qui est contestée.

N’oublions pas que l’armée existe pour les coups durs : il faut être assuré que, le moment venu, les militaires se sacrifieront pour leur pays, ce qui suppose des règles de vie particulières. Derrière cette banalisation se trouve l’idée que nous sommes définitivement à l’abri de la guerre. En tant que CEMA, cela me préoccupe beaucoup.

M. Philippe Folliot. Au vu de l’excellence du service de santé des armées, je souscris pleinement à cette analyse. Et je puis témoigner, en tant que député de Castres, de l’efficacité dont les armées ont fait preuve dans l’accompagnement social des familles touchées par l’accident du 18 août.

Lors du prochain sommet de l’OTAN, il pourrait être décidé que la France rejoigne son commandement intégré. Combien de militaires seraient concernés ? Pour quel coût ? La LPM envisage-t-elle cette hypothèse ?

Mme Patricia Adam. La LPM est déjà caduque, compte tenu du plan de relance, mais également des recettes perdues si les ventes de fréquence hertziennes prévues ne se font pas. Ce texte doit donc déjà être corrigé. Que comptez-vous faire avant la présentation du texte devant l’Assemblée, en principe au mois de mars ?

Par ailleurs, avez-vous le pouvoir hiérarchique réel de contrôler l’exécution du titre 5 et du programme 146 ?

Les LPM se sont systématiquement heurtées à l’écueil de la dérive des coûts, qui atteint 30 à 50 % voire davantage selon les programmes. Nous certifiez-vous que ce ne sera pas le cas cette fois-ci ?

M. le général d’armée Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées. Nous ne rejoignons pas le commandement intégré de l’OTAN, mais nous allons y participer pleinement, sous réserve que le Président de la République confirme la décision, ce qui semble vraisemblable. Compte tenu du poids militaire de la France dans l’Alliance et de sa participation aux opérations, nous devons revendiquer un positionnement équivalent à celui du Royaume-Uni pour les postes de responsabilité dans les états-majors, c’est-à-dire environ vingt-six étoiles, contre deux aujourd’hui, sachant qu’une étoile est en principe accompagnée d’une cinquantaine d’hommes. Cette opération doit être financée par la masse salariale prévue dans la LPM. Je rappelle au passage que le Parlement sera amené à débattre de la question.

Une LPM n’est ni une maquette ni l’accolement de cinq ou six budgets successifs, mais la définition aussi précise que possible d’une politique militaire sur laquelle s’engagent le Président de la République et le Gouvernement, avec l’aval du Parlement. Il n’est pas choquant que la LPM vive. Elle connaît d’ores et déjà, c’est vrai, un événement important avec le plan de relance. Je ne dirai pas qu’elle est caduque, mais qu’elle vit.

Avant la maîtrise des coûts, l’important est le respect des obligations contenues dans la loi. La performance de la LPM 1997-2002, par exemple, a été obérée par les bourrages successifs, c’est-à-dire l’introduction dans l’enveloppe de dépenses imprévues qui ont décalé les programmes : dès le premier budget, sous le premier gouvernement Juppé, 2 milliards de francs du BCRD – le budget civil de recherche et développement – ont été glissés dans l’enveloppe. Jusqu’en 2002, 3 milliards de francs disparaissaient chaque année de programmes au profit des OPEX. Ce non-respect de la parole de l’État nourrit la dérive des coûts.

Par ailleurs, une LPM est élaborée sur la base de l’évaluation du coût des programmes d’armement, avant les négociations réelles. Il faut admettre l’existence d’un delta entre les hypothèses de départ et la réalité des coûts. Nous avons d’ailleurs parfois de bonnes surprises qui équilibrent l’ensemble.

Surtout, les LPM ont tout de même permis à la cinquième République de maintenir des capacités militaires dont nous n’avons pas à rougir et qui assurent une certaine cohérence entre la voix de la France sur la scène internationale et l’outil militaire qui la soutient, avec notamment une capacité de dissuasion. Tout n’est certes pas parfait, mais nombre de nos collègues étrangers nous envient ce système, qui joue un rôle efficace de garde-fou.

Mme Patricia Adam. Sur toute la durée de la LPM précédente, le Parlement n’a reçu que trois rapports annuels.

M. le général d’armée Jean-Louis Georgelin, chef d’état-major des armées. Je suis responsable devant le ministre de la préparation de la LPM. Je ne saurais revendiquer des pouvoirs qui ne sont pas les miens, mais le CEMA est seul à posséder une vision globale et synthétique concernant l’ensemble des constituants de la LPM, y compris les personnels puisqu’il a sous ses ordres 95 % des militaires et 89 % des civils du ministère de la défense.

Quoi qu’il en soit, parmi les nouveaux outils de gouvernance, le comité ministériel des investissements est présenté comme une innovation importante pour améliorer le suivi des programmes d’armement.

La séance est levée à dix-huit heures cinquante-cinq

——fpfp——