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Commission de la défense nationale et des forces armées

Mercredi 14 janvier 2009

Séance de 16 heures 30

Compte rendu n° 26

Présidence de M. Guy Teissier, Président

– Audition de M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement, dans le cadre du projet de loi (n° 1216) relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014

Audition de M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement, dans le cadre du projet de loi (n° 1216) relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014

La séance est ouverte à seize heures trente

M. le président Guy Teissier. Je suis très heureux d’accueillir M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement, qui va nous présenter les dispositions du projet de loi de programmation militaire (LPM).

Le ministre, lorsqu’il est venu nous présenter le texte le 25 novembre dernier, nous a assuré qu’il était cohérent, global et sincère. Et de fait, les efforts sur l’aéromobilité ou les nouvelles dispositions relatives aux opérations extérieures (OPEX) prouvent que le Gouvernement a pris la mesure des difficultés actuelles.

Mais des problèmes de fond demeurent, comme l’ont clairement mis en exergue nos trois rapporteurs sur l’exécution de la LPM 2003-2008 : des retards dans certains programmes, la sous-estimation des coûts et la trop grande sophistication qui augmente considérablement les dépenses de maintien en condition opérationnelle (MCO). Une bonne partie de ces difficultés vous concernent en votre qualité de délégué général, notamment tout ce qui a trait aux relations avec les industriels.

Sur le plan purement financier, je m’interroge sur les petits programmes de cohérence opérationnelle de l’armée de terre, si utiles et qui sont quelquefois la cause de tant de retards. Par ailleurs, il semble que le plan de relance va permettre d’accélérer certaines commandes. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur ce point ?

Enfin, les crédits consacrés à la recherche sont-ils suffisants ?

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement. Je suis très heureux de pouvoir m’exprimer devant votre commission. Vous connaissez le contexte d’élaboration de la LPM qui s’inscrit dans la continuité des travaux du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et qui tire parti de l’expérience de la LPM précédente.

Le Livre blanc est décliné dans un certain nombre de dispositions figurant dans le projet de loi de programmation militaire, notamment ce qui concerne la réforme des armées et de l’administration du ministère de la défense. Dans le cadre budgétaire global de 377 milliards d’euros d’ici à 2020, le projet de loi prévoit, pour les équipements des forces, une moyenne annuelle de 10,6 milliards d’euros en valeur 2008, ce qui reflète un effort significatif en comparaison des 9,4 milliards d’euros de la loi de finances initiale pour 2008.

Au vu des aléas de la programmation précédente, nous voulons une LPM beaucoup plus robuste, ce qui nécessite de nous inscrire dans une durée plus longue. Pour ce faire, les travaux de préparation de la LPM 2009-2014 ont été réalisés avec un éclairage jusqu’à l’horizon 2020, afin de s’assurer de la cohérence de nos actions, les programmes d’armement dépassant largement la durée d’une seule LPM. Entre la genèse d’un programme et le retrait des équipements du service, il s’écoule très fréquemment plus de 40 ans.

Autre novation importante, la nouvelle LPM couvre l’ensemble du périmètre du ministère, ce qui doit permettre une action cohérente entre l’équipement des forces, leur entraînement et le maintien en condition opérationnelle. Je rappelle que les précédentes programmations ne concernaient que les dépenses d’équipement.

J’en viens aux grandes lignes de la programmation. S’agissant de l’équipement des forces, la LPM a été construite dans un objectif de renforcement dans les domaines de la dissuasion, de la connaissance et de l’anticipation et de la protection.

Le domaine de la dissuasion, avec le maintien et l’adaptation des composantes océanique et aérienne, se présente sous des augures tout à fait favorables. Notre programme de missiles balistiques se déroule de manière tout à fait remarquable : le quatrième sous-marin lanceur d’engins (SNLE) de nouvelle génération, directement équipé du M51, sera bien mis en service en 2010, respectant parfaitement le calendrier prévisionnel. Nous poursuivrons d’ailleurs nos efforts dans ce domaine avec la deuxième version du missile, le M 51.2. Le missile ASMPA connaît, lui aussi, des essais d’évaluation technique et opérationnelle sur différents avions très positifs.

La LPM met l’accent sur la connaissance et l’anticipation avec le lancement de nombreux programmes qu’il s’agisse du programme satellitaire en coopération MUSIS pour l’observation, des programmes de géolocalisation ou de la poursuite des actions sur les drones.

Pour la protection, je citerai en particulier le lancement de la réalisation du programme d’alerte avancée.

En outre, au sein de la fonction stratégique « intervention », on retrouve la plupart des grands programmes d’armement assurant la remise à niveau et la modernisation des moyens de combat de nos forces armées. Sont notamment concernés le transport aérien stratégique et tactique, l’aviation de combat ou la maîtrise du milieu sous-marin. Il s’agit des grands programmes comme le VBCI, FELIN, les porteurs polyvalents terrestres (PPT), le Tigre, le canon Caesar, le NH 90, le Rafale, les FREMM et le Barracuda. Je souligne que le plan de relance maintient pendant deux années supplémentaires la cadence de production des VBCI, initialement réduite par la LPM.

S’agissant de la préparation de l’avenir, il faut noter que la DGA est responsable de 80 % des crédits du programme 144 « Environnement et prospective de la défense ». Destinées intégralement à l’industrie et aux organismes de recherche, ces sommes constituent un enjeu majeur pour le tissu industriel, en particulier les PME, pour les laboratoires de recherche et pour les universités, avec lesquels nous sommes de plus en plus liés. J’aurais certes préféré que les crédits d’études amont connaissent la hausse que nous avions préconisée pour atteindre un milliard d’euros d’ici à la fin de la LPM. Ces dépenses permettent en effet de manière très directe de soutenir des bureaux d’études, de lancer des démonstrateurs technologiques, c’est-à-dire de maintenir nos capacités, d’alimenter des PME innovantes et d’attirer les compétences utiles à la défense. Le plan de relance accorde heureusement 110 millions d’euros supplémentaires aux dépenses de recherche et technologie qui soutiennent notre tissu industriel, nos capacités technologiques et nos emplois.

Les axes d’effort pour les études amont prennent en compte les priorités du Livre blanc. Pour la dissuasion, nous préparons le futur sous-marin qui sera mis en service opérationnel à l’horizon de 2030. Nous continuons d’explorer les différentes technologies et les différents systèmes permettant de meilleurs renseignements sur le champ de bataille. Nous travaillons également sur les moyens de protection des forces, notamment pour les véhicules actuellement utilisés. Ils portent à la fois sur la protection mécanique avec le blindage et sur les moyens électro-magnétiques avec le brouillage. Nous étudions également les systèmes d’intervention de façon à rendre nos missiles de plus en plus précis et de plus en plus puissants.

Nous avons également une composante recherche duale (hors enveloppe LPM), d’un montant de 200 millions d’euros par an destinés au centre nationale d’études spatiales (CNES) et au commissariat à l’énergie atomique (CEA). Notre relation avec ces organismes est très satisfaisante, les préoccupations de la défense étant désormais bien prises en compte. Le CNES consacre par exemple une part de ses crédits à des technologies qui contribuent directement au renseignement.

Je me félicite également de notre participation à une dizaine de pôles de compétitivité. Les sommes investies sont modestes, mais elles bénéficient aux PME intervenant dans des domaines qui nous intéressent beaucoup, avec un effet de levier extrêmement positif.

Trois points me paraissent par ailleurs contribuer à l’équilibre de la prochaine LPM : la négociation avec l’industrie de nouveaux calendriers et de nouvelles cadences pour la livraison des principaux équipements, une meilleure gestion des risques susceptibles d’affecter les programmes d’armement et la réussite des exportations.

La négociation avec l’industrie est bien avancée. Sur les programmes Barracuda, FELIN, NH90 et FSAF (famille de missiles sol-air futurs), elle est quasiment achevée. Les avenants doivent encore être notifiés aux l’industriels, mais très peu de divergences subsistent sur les prix ou sur le calendrier.

La négociation sur les FREMM n’est pas tout à fait terminée. Dans le contrat que nous sommes en train de préparer avec DCNS, nous devons en particulier décider de la manière de prendre en compte les perspectives d’exportation de ce bateau.

La négociation paraît en revanche bloquée pour le Tigre et le VBCI. Dans le cas du Tigre, nous pensons tirer parti, le moment venu, des possibilités d’exportations vers certains pays. Pour le VBCI, grâce au plan de relance, nous disposons de deux années supplémentaires pour négocier. Il n’est en effet pas prévu de baisser la cadence du VBCI pendant les années 2009 et 2010 et nous mettrons ce délai à profit pour rechercher les voies de négociations possibles avec Nexter. Je note que ce programme a d’importantes possibilités d’exportation, notamment vers l’Arabie Saoudite.

Dans le cas de MBDA, la situation est à peu près maîtrisée. Une discussion globale reste néanmoins à mener pour nous assurer de la sécurisation dans la durée des compétences stratégiques de l’entreprise.

S’agissant du Rafale, nous avons besoin de concrétiser deux projets majeurs d’exportation d’ici à 2014. Les négociations sont lancées de manière très active dans plusieurs pays, les EAU et la Libye en tout premier lieu. Des discussions sont également en cours avec le Brésil. Nous sommes aussi prêts à parler du Rafale avec la Grèce si elle le souhaite.

M. Bernard Deflesselles. Et la Suisse ?

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement. L’évaluation de l’avion a eu lieu et nous restons en lice dans le cadre de la compétition en cours.

J’en viens maintenant à la gestion des incertitudes et des risques.

Au-delà de la concrétisation des contrats à l’exportation, nous devons nous préoccuper de la maîtrise par nos industriels du bon déroulement des programmes. Il me semble que nous ne devons pas hésiter à interrompre des opérations qui sont très mal engagées. Je ne dis pas cela pour un programme en particulier.

Nous devons être attentifs aux ressources budgétaires et extra-budgétaires prévues par la LPM. Nous avons l’habitude de voir les crédits d’équipements servir de variable d’ajustement, pour les besoins des OPEX notamment. Nous progressons heureusement dans la budgétisation des OPEX.

S’agissant de l’effectivité des recettes extrabudgétaires, les cessions immobilières et la vente de fréquences à des opérateurs de télécommunications ne seront pas facilités par le ralentissement économique actuel.

Le lien entre les exportations et la LPM doit être souligné. Pour 2008, le montant des prises de commandes devrait être conforme à l’objectif de six milliards d’euros. Le déplacement du Président de la République au Brésil s’est conclu par la signature d’un très important contrat de ventes d’hélicoptères, déjà entré en vigueur, et d’un contrat de sous-marins qui entrera en vigueur dans les semaines à venir. D’autres contrats significatifs portent sur les avions MRTT (avions multirôle de transport et de ravitaillement en vol) pour l’Arabie Saoudite ainsi que sur les FSTA (future strategic tanker aricraft) au Royaume-Uni. Notre dispositif d’exportation a été, je le rappelle, notablement renforcé grâce aux recommandations d’un membre de cette commission, qui se sont traduites par la création de la commission interministérielle pour les exportations de défense et de sécurité (CIEDES) devenue, depuis son élargissement aux contrats civils, la commission interministérielle d’appui aux contrats internationaux CIACI.

Il existe un rapport étroit et direct entre la réforme du ministère de la défense et la réussite de la loi de programmation militaire, puisque les économies réalisées en titre 2 seront réinjectées dans l’équipement des forces. À ce titre, l’ensemble du ministère est concerné par des actions de modernisation des armées.

L’effectif de la DGA passera de 13 500 personnes en 2009 à 10 000 personnes en 2014, avec des redéploiements touchant notamment le laboratoire de recherches balistiques et aérodynamiques (LRBA) de Vernon, l’établissement technique (ETAS) d’Angers, le groupe d’études sous-marines de l’Atlantique (GESMA) de Brest, le groupe d’études et de recherches en balistique (GERBAM) de Lorient ; s’y ajoute le transfert du centre d’études de Gramat vers le CEA.

Nous veillons à ce que ces ajustements de périmètres soient réalisés dans la plus grande transparence possible avec les organisations syndicales que je rencontre très fréquemment. En matière de ressources humaines, nous leur faisons partager les informations que nous considérons comme extrêmement sensibles, c’est-à-dire portant sur les métiers qui correspondent aux technologies que nous voulons préserver au sein de la DGA. Ce nécessaire redéploiement doit également contribuer au renforcement de notre expertise technique, nécessaire à notre fonction de maîtrise d’ouvrage.

Nous aurons donc à négocier, dans le cadre de la prochaine LPM, nombre de contrats de grands programmes, d’autant plus que plusieurs contrats d’exportation sont maintenant des contrats conclus entre gouvernements, donc impliquant directement la DGA.

En 2009, nous passerons plus de 20 milliards de commandes à l’industrie, c’est dire l’effort qui sera consenti dans ce domaine. Ce montant se déduit des prévisions de la LPM avec plusieurs grands contrats pluriannuels au titre du Rafale, des FREMM ou du VBCI, mais tient aussi au plan de relance. Cela donnera de la visibilité et des marges de manœuvre à l’industrie, lui permettant de continuer à s’adapter à un environnement actuellement très difficile. Je pense que les effets du plan de relance seront forts et rapides, comme escompté : plusieurs actions très immédiates ont été décidées, avec notamment la commande d’un nouveau bâtiment de projection et de commandement (BPC) qui n’était prévue que dans la deuxième LPM. D’autres équipements, comme le VBCI, ne connaîtront pas l’étalement des livraisons initialement prévu. Je l’ai dit, nos études amont sont renforcées. Nous achetons également cinq Caracal, hélicoptères dont l’efficacité sur les théâtres d’opérations extérieures n’est plus à démontrer. Il ne nous reste qu’à déterminer la date de livraison avec l’industriel qui réorganise actuellement ses chaînes de production. Le plan de relance ajoute aussi la commande de deux Rafale supplémentaires sur la durée de la programmation.

Nous cherchons à maintenir les compétences de notre tissu industriel, préservant ainsi les emplois liés à ces technologies. Nous voulons renforcer et rendre plus transparent le dialogue avec notre industrie et affermir la compétence du ministère de la défense sur le plan technique. Nous avons toujours présente à l’esprit la nécessité de continuer à construire l’Europe de l’armement, de manière pragmatique et très réaliste.

M. le président Guy Teissier. Merci pour cet exposé concis et très intéressant.

Ce matin, nous avons reçu les représentants des syndicats de la société nationale des poudres et explosifs (SNPE). J’aimerais connaître la position de la DGA sur l’avenir de la SNPE et sur son éventuelle privatisation.

Vous avez fait allusion au plan de relance et aux 2,4 milliards d’euros du volet défense qui comprend la commande de plusieurs matériels. Pensez-vous que les industriels sollicités, et notamment EADS, seront en mesure de nous livrer en temps et en heure, alors qu’ils rencontrent déjà des difficultés pour livrer les Tigre, sans parler des NH90 ? Avez-vous pris en compte cette surcharge pour les industriels ?

Vous avez laissé entendre qu’il fallait quelquefois savoir arrêter certains programmes lorsqu’ils sont mal engagés ou qu’ils ne correspondent plus aux besoins. Je me félicite de cette analyse, d’autant que nous nous sommes également interrogés sur la gestion de fin de vie des programmes. À ce jour, êtes-vous en mesure de nous dire quels programmes vous imaginez arrêter ? Pourriez-vous chiffrer approximativement les économies qui seraient alors réalisées ?

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement. En ce qui concerne la SNPE, je rappelle que le projet Herakles, c’est-à-dire la prise de participation de Safran dans la filiale SNPE matériaux énergétiques à hauteur de 51 %, a été lancé il y a plus de dix ans. Cette opération a été relancée l’été dernier à l’initiative du Président de la République. L’achat par Safran permet d’intégrer dans un même groupe la fabrication du corps du propulseur et le propergol solide. Cette perspective est intéressante dans la mesure où ce type d’ensemble est un constituant primordial, en particulier pour les missiles balistiques et les missiles tactiques et il nous appartient d’entretenir et préserver les compétences dans ce domaine. C’est un des enjeux du dossier. De plus il faut s’interroger sur l’avenir des autres composantes du groupe, en particulier dans le domaine de la chimie civile. Se pose également la question d’EURENCO et de la filiale munitionnaire.

Plusieurs autres dossiers industriels sont en passe d’aboutir. Je pense notamment à Thales qui va prochainement devoir compter avec un actionnaire qui entendra exercer pleinement son rôle. Je tiens également à signaler que nous souhaitons éviter les duplications de technologie entre Thales et Safran.

Le paysage industriel va beaucoup évoluer ces prochaines années à cause de la compétition internationale et de la réduction du nombre d’opérateurs.

S’agissant du plan de relance, nous nous assurerons de la tenue des délais sur le Caracal. Pour les autres matériels, je suis convaincu que l’accélération des commandes ou les efforts supplémentaires se traduiront rapidement sur le plan industriel. Le plan de relance va par exemple permettre la survie d’une PME dans le Nord qui fabrique des corps de bombe pour l’AASM (armement air-sol modulaire). De même, l’achat de jumelles infrarouges ou la commande de blindés auront un impact direct, ces programmes étant à cycle très court. En ce qui concerne le Caracal, nous avons engagé le dialogue avec Eurocopter pour voir comment l’appareil pourrait être rapidement disponible, eu égard aux besoins des forces en opération. Cet équipement sert également à l’aéronautique navale comme outil de substitution du Super Frelon. Tous les industriels sont informés de ce qu’ils doivent faire et ils devraient prendre les dispositions nécessaires au lancement des productions.

Nous allons également essayer d’accélérer le programme des munitions d’artillerie pour les fantassins, en particulier pour que le canon Caesar dispose au plus vite de munitions lui permettant de tirer à une distance de 40 kilomètres.

Vous m’avez interrogé sur l’arrêt éventuel de certains programmes. Lorsque les retards s’accumulent tellement qu’au final, les systèmes seraient mis en service plusieurs années après la date initialement prévue, la question peut se poser. Ces systèmes sont alors obsolètes, tout l’environnement ayant par ailleurs évolué, qu’il s’agisse des autres matériels, de la doctrine d’emploi ou des besoins.

D’une manière générale, les programmes d’armement mal engagés sont démotivants pour l’industriel et pour l’administration. Le redressement est alors très difficile et très onéreux pour l’État et pour les industriels. Avant de lancer un programme, il faut le préparer très soigneusement, vérifier la disponibilité des technologies et des techniques et faire le nécessaire en matière de vérification avec des démonstrateurs. Dans le domaine spatial, nous avons par exemple mis en œuvre des démonstrateurs de renseignement électromagnétique et nous allons bientôt lancer des démonstrateurs de satellite d’alerte : ils sont très performants et présentent un rapport coût efficacité très convaincant. Ils valident tous les principes du dispositif avant d’engager une dépense douze à quinze fois supérieure correspondant au coût d’un programme complet.

M. Yves Fromion. Je souhaiterais revenir sur la privatisation de la SNPE. Dans le rapport sur l’industrie européenne de défense que j’ai rendu au Premier ministre, j’ai soutenu cette opération. Au terme de la présidence française de l’Union européenne, je suis plus que jamais convaincu que l’Europe de l’armement se fera comme l’Europe de l’espace : la France devra être le socle à partir duquel l’édifice se construira. Pour cela, nous devons avoir un dispositif industriel national cohérent, de façon à fédérer l’ensemble de nos partenaires autour de nos capacités. Je considère qu’aujourd’hui la SNPE n’est pas en mesure de relever ce défi et que, si nous n’agissons pas, nous finirons par perdre notre avantage en la matière, quitte à voir ce domaine stratégique passer aux mains d’entreprises étrangères à l’Union européenne.

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement. Je suis très préoccupé par un point : nous avons une filière de missiles balistiques avec un ensemble lié à leur propulsion. Aujourd’hui cette filière au sens large concerne principalement EADS, Safran, la SNPE et un certain nombre d’équipementiers comme Thales ou Sagem. C’est quasiment le ministère de la défense qui supporte les compétences et les savoir-faire des bureaux d’études des missiles balistiques sans que les lanceurs apportent une quelconque contribution. Sur ce point, la relève en matière de lanceurs spatiaux civils ne me paraît pas assurée.

M. Yves Fromion. Dans les lois de programmation antérieures, l’armée de terre n’a pas été très bien traitée, non seulement dans ses équipements majeurs, à l’exception du char Leclerc, mais aussi dans tous ses programmes de cohérence opérationnelle. Comment arriver à les préserver dans la prochaine loi de programmation militaire ?

Lorsque M. Joël Le Theule était ministre de la défense, il avait décidé que la recherche serait sanctuarisée dans le budget de la défense, en fixant un taux minimum du budget de la défense, 5 % il me semble, consacré aux études amont. Sans aller jusque là, ne pensez-vous pas qu’il convient que le ministère de la défense s’impose un montant minimal pour la recherche afin d’éviter que ces crédits ne fassent l’objet de régulations en cours d’exécution ?

La sophistication des équipements est souvent présentée comme une dérive inquiétante des programmes d’armement. A-t-on aujourd’hui les moyens d’imposer des limites plus raisonnables aux militaires mais aussi aux industriels et aux concepteurs ?

Vous avez évoqué la situation du bureau d’études de MBDA. Dans la mesure où il s’agit d’une entreprise très européenne, comment nos partenaires britanniques ou italiens peuvent-ils participer au maintien de l’activité du bureau d’études ?

Vous avez souligné l’intérêt d’avoir deux lois de programmation, tous les acteurs gagnant ainsi en visibilité. Il me semble que le modèle d’armée 2015 participait déjà de ce principe dans la précédente LPM : comment s’assurer que cette nouvelle programmation ne connaîtra pas les mêmes avanies et que ce qui est prévu avant 2014 ne sera pas reporté à une date ultérieure ?

M. Patrick Beaudoin. En présentant notre rapport d’information sur l’exécution de la LPM 2003-2008, Mme Patricia Adam, M. Yves Fromion et moi-même avons insisté sur les limites du suivi technique et financier. Pouvez-vous faire le point des moyens dont dispose la DGA pour suivre la nouvelle LPM et nous dire si le pilotage du programme 146 « Équipement des forces » actuellement partagé entre le délégué général et le chef d’état-major des armées apporte suffisamment de clarté et de cohérence ?

Nous nous sommes également interrogés sur l’évaluation initiale du coût des programmes. La Cour des comptes a eu l’idée d’inscrire dans la LPM une provision pour risque permettant de prendre en charge tout dérapage financier d’une opération. Cette suggestion serait-elle de nature à limiter les ajustements constatés conduisant, au final, à renoncer à certains programmes ? Cela vous semble-t-il judicieux, sachant que cette marge permettrait éventuellement de faire face plus facilement à des besoins nouveaux ?

À plusieurs reprises, vous avez fait état de vos inquiétudes quant au recrutement et à la fidélisation des personnels, en particulier des ingénieurs, indispensables à la bonne qualité de nos programmes, au suivi et à la recherche. Quel regard portez-vous sur cet enjeu ?

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement. Les grands programmes de l’armée de terre sont préservés et notamment le VBCI, le Tigre, FELIN ou le NH 90. Pour ce dernier, nous avons d’ailleurs procédé à la commande de 22 appareils TTH (version terrestre) à la fin de l’année 2008, conformément aux engagements du ministre de la défense. La situation des petits programmes de cohérence opérationnelle est plus tendue. Nous sommes convaincus de leur importance, car ces programmes, en apparence mineurs, peuvent être essentiels pour le bon fonctionnement des armées. Nous en avons de multiples exemples.

M. Yves Fromion. Lors de notre déplacement à Nîmes, nous avons découvert que pour économiser le potentiel de certains véhicules du régiment, les armées n’hésitent pas à faire venir des camions de Clermont-Ferrand ! Autrement dit, ils ne peuvent pas se servir des camions stationnés dans le hangar de Nîmes pour ne pas les user en cas de besoin ! Cette pratique me semble aberrante, coûteuse et démobilisante !

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement. Je ne suis pas chargé de la gestion du parc de l’armée de terre. On peut se poser la question en l’espèce de savoir s’il ne serait pas intéressant d’utiliser des équipements civils. L’affrètement ne serait-il pas plus pertinent dans le cas que vous évoquez ?

Par ailleurs, nous travaillons actuellement au lancement du porteur polyvalent terrestre, c’est-à-dire un camion adapté aux besoins militaires en opération extérieure grâce notamment à sa cabine blindée. Ce type d’équipement fait actuellement défaut et nous devons acheter des kits de surblindage qui ne répondent que partiellement aux besoins.

Nous cherchons à limiter la complexité des équipements. Nous sommes soutenus par les armées sur ce point – le CEMAT est par exemple totalement sur cette ligne.

Je veillerai personnellement à ce que la DGA s’assure de résultats tangibles et concrets pour les forces à des échéances proches et privilégie des démarches incrémentales dont le résultat est visible plutôt que des programmes à long terme trop sophistiqués. Aujourd’hui la recherche de consensus peut conduire à trouver une sortie « par le haut » et donc à complexifier inutilement les programmes. J’attache beaucoup d’importance à une démarche très pragmatique : pour les besoins de communication entre véhicules, nous devons par exemple avoir une vision claire à un horizon de deux ans. Il ne se sert à rien de travailler sur des prévisions à trop long terme dans ce domaine, mieux vaut avoir des résultats concrets et améliorer chaque version du matériel. À force de rechercher le matériel parfait, on aboutit à une impasse et les armées ne dispose d’aucun équipement.

Je pense que nous serons aidés par la réforme de l’administration du ministère qui vise à rapprocher de plus en plus les centres d’essais de la DGA des centres d’expérimentation des armées. Le retour opérationnel servira alors directement aux programmes d’armement.

S’agissant de la recherche, je ne suis pas vraiment favorable à l’instauration d’un pourcentage ; je préférerais que soit fixé un montant minimal. Il faut pouvoir engager les crédits en tenant compte du niveau d’activité des bureaux d’études ; inutile de les surcharger inutilement quand les programmes d’armement leur donnent suffisamment de travail.

M. Yves Fromion. Ma question portait sur les moyens d’augmenter les dépenses au profit de la recherche et des études amont.

M. le président Guy Teissier. Ne pourrait-on pas, comme pour les OPEX, fixer une dotation annuelle minimale, quitte à l’abonder en cas de besoin ?

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement. Je précise que la LPM prévoit une augmentation sensible des crédits consacrés à la recherche qui vont passer de 629 millions d’euros en 2009 pour atteindre 714 millions d’euros en 2014.

En ce qui concerne MBDA, nous travaillons en lien avec le Royaume-Uni pour déterminer comment entretenir les compétences de l’entreprise, les capacités de MBDA étant principalement localisées en France et au Royaume-Uni.

J’en viens aux outils du suivi de la LPM. La DGA dispose déjà d’un certain nombre d’outils méthodologiques qui lui sont propres comme le système d’information des programmes (SIPROG). Nous allons également nous doter des systèmes d’information et de gestion du ministère du budget. La création du comité ministériel d’investissement présidé par le ministre s’accompagnera de la création d’un comité financier auquel sera associé Bercy. Cette transparence sera bénéfique mais exigeante.

En ce qui concerne la réforme de la fonction financière de la défense, le secrétaire général pour l’administration a engagé une profonde réflexion et je ne vois que des avantages à une plus grande transparence financière.

S’agissant de l’idée de la Cour des comptes de créer une provision dans la LPM, plus encore que son existence, la manière dont elle pourrait être mise en œuvre me paraît déterminante. Des dérives pourraient être possibles.

S’agissant de la fidélisation des ingénieurs, le ralentissement économique actuel de certains secteurs nous aide beaucoup. Les jeunes diplômés qui avaient privilégié une formation plus financière ne trouvant plus d’emploi, ils reviennent à des filières techniques classiques qui intéressent la DGA. En revanche, le contexte ne change rien à la problématique globale : le besoin d’ingénieurs dans notre pays est criant et le système de formation n’en fournit pas un nombre suffisant. Plusieurs chantiers très importants sont en cours autour du plateau de Palaiseau et de l’école nationale supérieure des ingénieurs des études et techniques d’armement (ENSIETA) de Brest, mais ils ne règleront pas l’ensemble du problème. Nous essayons de mettre en avant le fait que nous offrons des emplois particulièrement intéressants, donnant assez rapidement accès à des responsabilités, mais aussi à la connaissance de technologies de pointe dans des domaines d’excellence. Les ingénieurs peuvent largement se former au sein de la DGA, acquérant une expérience très recherchée par les entreprises privées. De fait, nombre de nos ingénieurs sont débauchés après une dizaine d’années à la DGA, l’écart de rémunérations apparaissant alors nettement. En début de carrière, les salaires de la DGA restent en revanche suffisamment attractifs.

M. François Cornut-Gentille. Quelle comparaison est-il possible d’établir avec le Royaume-Uni en ce qui concerne notre effort de défense ?

Vous avez appelé à davantage de pragmatisme dans la coopération européenne. Que faut-il changer et dans quels domaines ? Cela implique-t-il de s’interroger également sur les méthodes de travail ?

Mme Patricia Adam. Dans la LPM 2003-2008, la non-livraison d’un certain nombre de matériels a conduit à une augmentation très importante du MCO, la durée de vie des équipements en service devant être prolongée au-delà ce qui était prévu. Ces dépenses diminueront-elles dans la prochaine LPM grâce aux livraisons de matériels ? Les structures de maintenance ont beaucoup changé avec la création du service de soutien de la flotte pour la Marine, de la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense (SIMMAD) ou du service industriel de l’aéronautique (SIAé). Ces efforts suffiront-ils à limiter la hausse des coûts de maintenance ?

En ce qui concerne le NH 90, où en sont les commandes ? N’est-il pas surprenant que la France ait tardé à s’engager alors qu’elle a financé l’essentiel du développement de cet appareil ? Ce retard sera-t-il rattrapé dans la prochaine LPM ?

Selon la Cour des comptes, les coûts moyens des programmes de la précédente LPM ont été de 20 à 30 % supérieurs aux estimations. Pour le programme FELIN, le dépassement serait de 121 % ! La nouvelle organisation de vos services vous donnera-t-elle les moyens de réellement contrôler l’estimation de ces coûts avant la prise de la commande comme nous l’espérons ? Dans ce domaine nous attendons beaucoup du comité ministériel d’investissement et du comité financier.

Les crédits consommés pour le second porte-avions sont estimés à environ 250 millions d’euros. Pour autant, nous ne connaissons pas le montant des dépenses faites par la DGA pour ce programme.

Concernant les FREMM, le financement innovant promis, avec la participation du ministère du budget, n’a pas été respecté. Pouvons-nous espérer qu’il le sera dans la prochaine LPM ?

Je veux enfin aborder la question des restructurations. J’ai le sentiment que nombre de mesures relèvent d’une approche strictement comptable et font fi du maintien des compétences ou de l’enjeu économique local. Pour le GESMA de Brest, nous avons par exemple démontré que certains transferts n’étaient pas possibles pour des raisons purement techniques. Je ne crois pas que tous les éléments aient été pris en compte et je m’interroge sur les conséquences de ces réorganisations qui ne généreront pas forcément d’économies par ailleurs.

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement. Le budget britannique de la défense est légèrement supérieur au budget français. Nos deux pays réalisent deux tiers de l’effort de défense européen. Les britanniques ont mis l’accent sur les dépenses pour urgence opérationnelle avec un budget d’environ 700 millions de livres sterling en 2008. Pour autant, le Royaume-Uni n’est pas mesure de procéder à un plan de relance grâce aux industries de défense, beaucoup des capacités productives ayant été délocalisées. Face à cette difficulté, ils cherchent à se réindustrialiser et sont pour cela très volontaristes en matière de coopération. Ce contexte nous est favorable et nous devons en tirer parti pour faire avancer la coopération franco-britannique en matière d’armement.

Pour renforcer le pragmatisme de l’Europe de la défense, il est indispensable de transformer l’agence européenne de défense (AED) en un lieu de conception et de développement des nouveaux programmes. La participation volontaire des pays se fait à hauteur de leurs moyens financiers, industriels et technologiques. Cela permettra de voir si ces débuts de programmes recueillent une adhésion suffisante pour envisager leur développement et leur production. Plusieurs domaines d’entente semblent émerger comme par exemple le système de lutte contre les mines ou la surveillance maritime : de nombreux pays ont en effet des intérêts communs dans ces domaines. La France a déjà indiqué à l’AED que les années à venir seraient déterminantes pour sa crédibilité et qu’elle doit s’affirmer si elle ne veut pas disparaître.

Les crédits de MCO ne devraient pas baisser avec l’entrée en service de nouveaux matériels.

En ce qui concerne le NH 90, le développement de la version navale semble en bonne voie de stabilisation : le radar fonctionne désormais convenablement, tout comme le système de lutte anti-sous-marine.

M. Philippe Jost, directeur « plans, budget et gestion » de la délégation générale pour l’armement. Les NH90 naval sont commandés de longue date, mais il y a des difficultés de livraison qui viennent d’être évoquées. Les NH90 terrestre ont fait l’objet de deux commandes : une de 12 appareils en 2007 et une commande récente de 22 appareils. Une autre commande de 34 engins est prévue dans la LPM, les 68 derniers hélicoptères devant être commandés ultérieurement. Les livraisons devraient commencer en 2011

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement. Il semble que la direction d’Eurocopter a pris conscience des limites de sa production. Ils ont pour cela engagé un réaménagement de leur chaîne et réfléchissent à nouer de nouveaux partenariats pour produire dans de meilleures conditions. Ils ont également mesuré la nécessité de disposer d’un tissu de sous-traitants performants.

M. Philippe Jost, directeur « plans, budget et gestion » de la délégation générale pour l’armement. Comme le montrent les indicateurs du programme 146, au stade de la réalisation, nous avons une assez bonne maîtrise des devis. Il est en revanche difficile d’évaluer très en amont le coût réel des programmes. Nous avons parfois connu des difficultés dans les estimations antérieures à la réalisation, notamment pour les FREMM et le Barracuda pour lesquels les devis étaient trop volontaristes. Ce fut également le cas pour FELIN.

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement. Pour le deuxième porte-avions, 232 millions d’euros ont été consommés. Nous avons dû payer des droits d’accès au dossier des porte-avions britanniques, en avance par rapport au nôtre. Le reste de l’argent a été injecté dans l’industrie française.

M. Philippe Jost, directeur « plans, budget et gestion » de la délégation générale pour l’armement. Le versement complet des droits était soumis à la réalisation effective du programme. Comme nous y avons renoncé, nous n’aurons pas à payer d’autres droits d’accès.

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement. S’agissant des FREMM, le mécanisme de la loi de finances rectificative est supprimé et les crédits sont intégralement inscrits dans la LPM. Les FREMM entrent donc dans un cadre normal sur le plan du financement.

Sur le déménagement du GESMA, nous cherchons à maintenir les compétences en matière de lutte sous-marine sur le Brest. Je puis vous assurer que je veille à préserver un équilibre satisfaisant entre les pôles de Brest et de Toulon.

Mme Patricia Adam. Ma question n’était pas d’opposer Brest à Toulon. Dans le cadre de la RGPP, l’État a voulu rationaliser, diminuer des coûts redondants, en particulier dans le domaine des ressources humaines et de la gestion, ce qui est somme toute normal. Heureusement, les discussions saines et intelligentes entre la DGA et les différents acteurs ont permis d’analyser les conditions de réalisation les meilleures possibles pour tout le monde, dans l’intérêt de l’État – et pas seulement dans celui des bassins concernés, Brest ou Toulon.

Je voulais simplement dire que ces redéploiements se sont beaucoup faits sur papier. J’ai vraiment le sentiment que les décisions ont été prises un peu rapidement et que, une fois lancées, il fallait les voir aboutir, alors que, rationnellement parlant, elles n’étaient pas spécialement utiles. Pourtant, sur le pôle mer de Toulon et celui de Brest, beaucoup de rapprochements s’opèrent entre nos industriels – la DGA faisant le pont entre l’ensemble des acteurs –, mais aussi dans le domaine de la recherche, sans compter la présence des deux grandes entreprises que sont DCNS et Thales. Toutes ces structures travaillent en parfaite complémentarité. Je ne fais pas de reproche à la DGA car elle a bien réglé le dossier en amont, mais je trouve dommage que des décisions de ce type aient été prises un peu à la hâte dans le cadre de la RGPP, sans véritable discussion avec les acteurs économiques locaux dont les éléments d’appréciation sont pertinents.

M. Bernard Deflesselles. À quel montant considérez-vous que les crédits consacrés à la recherche devraient être portés ? Quel sera l’impact éventuel du manque sur les programmes à venir ?

Comme vous l’avez souligné, la durée de vie d’un programme d’armement dépasse largement une seule loi de programmation militaire. Comment avez-vous construit les projections allant jusqu’en 2020 ? Sur quelles prévisions financières, budgétaires et technologiques ce modèle repose-t-il ?

Mme Marguerite Lamour. Vous avez parlé du troisième BPC et de sa date de construction avancée dans le cadre du plan de relance. Je souligne que ce plan n’a d’intérêt que si les crédits sont effectivement réinjectés dans les bassins d’emploi en difficulté. À Brest, les représentants de l’industrie de défense s’inquiètent car, pour les deux premières constructions de BPC, un montage avait partagé la charge de travail entre les Chantiers de l’Atlantique et Brest. Est-il prématuré d’imaginer que le portage du troisième BPC reprendra ce type schéma ? Si ce n’était pas le cas, ce serait particulièrement handicapant pour le site de Brest.

En ce qui concerne l’avenir du GESMA, j’avais été rassurée, le partage entre les sites de Brest et de Toulon ayant été fait intelligemment et en préservant les compétences propres à chaque bassin. Sur les 103 personnels qui composent le GESMA, une quarantaine demeure avec des missions dans le cadre de la guerre des mines en lien avec la branche sous-marine.

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement. Les crédits de la recherche s’élèveront, en 2009, à 647 millions d’euros en crédits de paiement et augmenteront constamment pour atteindre 721 millions en 2014. Cette somme ne sera pas suffisante pour couvrir tous les besoins et nous examinons précisément ce que nous devons faire dans certains domaines, en particulier en ce qui concerne les équipements électroniques aéroportés qu’il s’agisse des radars ou des contre-mesures électroniques.

Pour ce qui est de l’abandon de certaines opérations faute de crédits, aucune liste ne peut être arrêtée, beaucoup d’éléments étant liés à l’état de la coopération bilatérale avec le Royaume-Uni. En l’absence de partenariat, nous devrons faire des choix douloureux.

Pour établir le modèle d’ici à 2020, nous disposons de l’enveloppe globale de 377 milliards d’euros fixée par le Président de la République. Sur la période, il y a beaucoup de programmes déjà lancés dont nous connaissons le coût. L’évaluation du prix d’un satellite d’alerte avancée bénéficierait par exemple de l’expertise des études amont déjà engagées. Le fait de maîtriser la technologie de l’immense majorité de nos matériels nous permet d’en apprécier l’évolution et de contrôler leur développement avec sérénité. Les marges d’incertitude sont donc relativement limitées d’ici à 2020.

Concernant le troisième BPC, des discussions sont actuellement ouvertes avec les industriels. Bien entendu, les compétences des deux sites concernés seront respectées, DCNS devant capitaliser son expertise notamment dans le domaine des systèmes de combat, compétence clé de l’entreprise. Je tiens d’ailleurs à signaler que nos partenaires singapouriens ont fait part de leur admiration pour les frégates que la France leur a vendues.

M. le président Guy Teissier. Pourriez-vous nous donner des éléments sur l’état d’avancement du programme A400M ?

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement. Nous sommes très préoccupés par le retard annoncé par EADS. L’OCCAR mène actuellement, avec le concours des États, une revue du programme afin d’évaluer la situation technique et la capacité de management industriel. Des décisions sur le programme seront à prendre, avec nos partenaires, au printemps. Il faut aussi continuer à étudier des solutions palliatives, compte tenu de l’impact des retards sur nos capacités opérationnelles.

M. Bernard Deflesselles. Ces retards sont dramatiques non seulement pour nos transports de troupes, mais aussi parce ce programme constitue un symbole de la coopération européen. Nous parcourons encore les pays pour expliquer qu’il faut faire l’Europe de la défense et que nous réussirons grâce aux programmes !

M. le président Guy Teissier. Pour faire face aux besoins, est-il envisageable d’acheter des Transall aux Allemands même si leurs appareils diffèrent beaucoup des nôtres ?

M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l’armement. Cette option ne me semble pas à privilégier : les deux parcs ont totalement divergé du point de vue de l’avionique, de la documentation et des modalités d’emploi.

La séance est levée à dix-huit heures quinze

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