Accueil > Travaux en commission > Commission de la défense nationale et des forces armées > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission de la défense nationale et des forces armées

Mercredi 7 juillet 2010

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 39

Présidence de Guy Teissier, président

–– Audition du médecin général des armées Gérard Nédellec, directeur central du service de santé des armées

La séance est ouverte à dix heures.

Audition du médecin général des armées Gérard Nédellec, directeur central du service de santé des armées.

M. le président Guy Teissier. Mes chers collègues, nous avons le plaisir d’accueillir le médecin général des armées Gérard Nédellec, directeur central du service de santé des armées (SSA). Il est accompagné du médecin général inspecteur Christian Bouat, du médecin en chef Éric Darré et du lieutenant-colonel Olivier Bayle.

Mon général, vous avez été nommé au poste de directeur du service de santé des armées le 1er octobre dernier, à la suite d’une brillante carrière qui vous a notamment conduit à la tête de l’hôpital d’instruction des armées Sainte-Anne de Toulon.

Cette audition nous donne l’occasion de mettre en avant le rôle fondamental du SSA. Méconnu dans notre pays, ce service est pourtant l’un des plus performants au monde. Votre présence au quotidien, en France comme sur les théâtres d’opération, est fondamentale pour le moral de nos troupes. Le fait de savoir près d’eux des infirmiers et des médecins est pour nos soldats un gage de sécurité. À bord des sous-marins, le médecin assure une sorte de veille permanente pour soutenir le moral des membres de l’équipage. C’est pourquoi nous devons veiller à préserver l’excellence des personnels et des équipements du service.

Vous nous présenterez le fonctionnement du SSA, son évolution depuis l’adoption du Livre blanc, ainsi que sa contribution aux services extérieurs. Je souhaite que vous abordiez également la question de la féminisation de ses personnels.

La presse a récemment mis en cause le fonctionnement des hôpitaux militaires en s’appuyant sur un projet de rapport de la Cour des comptes qui semble très critique. Pouvez-vous nous éclairer sur les griefs de la Cour et la façon dont votre service entend y répondre ?

Plus généralement, comment préserver à l’avenir la spécificité de la médecine militaire ?

M. le général Gérard Nédellec, directeur central du service de santé des armées. Monsieur le président, je vous remercie pour la façon dont vous avez présenté le service de santé des armées.

Mesdames, messieurs les députés, avant de répondre aux questions que vous souhaiteriez me poser, je voudrais replacer le service de santé des armées dans son environnement tel que nous le percevons et le vivons au quotidien.

Les textes législatifs et réglementaires relatifs au SSA décrivent son double engagement, et cette mission duale a été clairement affirmée dans le plan stratégique élaboré en 2006 : soutien des forces et concours au service public.

Néanmoins, pour paraphraser le chef d'état-major de l'armée de terre, qui, dans l’un de ses derniers messages, affirme « le soutien opérationnel : notre seule raison d’être », je voudrais aujourd’hui affirmer devant vous que « notre seule raison d'être est le soutien des opérations et le soutien opérationnel des forces ».

C’est la raison pour laquelle je commencerai mon exposé par ce volet opérationnel avant d’aborder la transformation dans laquelle s’est engagé le service depuis un an. Puis j’apporterai quelques éléments d'appréciation au regard de certaines analyses de la performance du service de santé des armées et de son implication dans le service public.

La finalité du SSA est de soutenir les forces françaises déployées en opérations extérieures. Il est dimensionné pour répondre aux contrats opérationnels issus du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

Des quatre hypothèses génériques d’emploi des forces, la plus contraignante est l’hypothèse H3, qui lui impose, en sus du contrat de protection de 10 000 hommes – posture permanente de sécurité – et d’une force de 5 000 hommes – pour les opérations d’évacuation de ressortissants ou humanitaires –, de soutenir 30 000 hommes, deux bases aériennes projetées et un groupe aéronaval.

Pour le chef d’état-major des armées, détenir un SSA qui peut soutenir les forces dans son scénario le plus « dimensionnant », c'est garantir sa liberté d’action, c’est-à-dire sa capacité à engager des forces sans devoir faire appel à d’autres nations pour son soutien médical.

Ainsi, dans les conditions du scénario H3, le SSA doit être en mesure de déployer 190 postes médicaux, 8 antennes chirurgicales, 4 groupements médico-chirurgicaux, 2 hôpitaux médico-chirurgicaux et un élément chirurgical embarqué pour le soutien du groupe aéronaval. Par ailleurs, ces structures doivent être commandées et ravitaillées.

Un système d’évacuations aéromédicales doit pouvoir être projeté pour évacuer les blessés vers une structure hospitalière de théâtre puis de métropole. Ainsi est constituée une chaîne de santé assurant la prise en charge médicalisée des blessés depuis leur relève, sur le lieu même de la blessure, jusqu'à leur traitement définitif dans un hôpital d’instruction des armées en métropole.

À ce jour, la France reste l’un des deux pays européens, avec l’Allemagne, toujours soumise aux contraintes de la conscription, capable de déployer une chaîne médicale complète.

En ce qui concerne les opérations extérieures, l’engagement opérationnel est resté soutenu en 2009. Même si certains théâtres ont évolué de manière significative, ce qui s’est traduit par la réduction du volume des forces françaises, le théâtre afghan s’est renforcé. Le nombre de blessés pris en charge par la chaîne de santé a été identique à celui de 2008, ce qui témoigne de l’intensité de l’engagement des forces et de l’impérieuse nécessité de disposer d’un soutien médical performant. Il y a quelques jours, nous avons eu deux blessés très graves et un mort.

En Côte d’Ivoire, le recentrage de la force Licorne sur Abidjan a permis de fermer l’antenne chirurgicale.

Au Tchad et en République centrafricaine, le transfert d’autorité de l’EUFOR vers la MINURCAT a conduit à un désengagement de la France et à la fermeture de l’antenne chirurgicale de Birao. Présents au Tchad depuis 1986, les éléments français de l’opération Epervier, déployés sur N’Djamena, Abéché et Faya Largeau, restent en place avec leur soutien médical dédié.

Au large de Djibouti, l’opération Atalanta de l’Union européenne est soutenue par le
groupement médico-chirurgical (GMC) Bouffard de Djibouti. La formation des militaires somaliens a débuté en Ouganda et est soutenue par un poste médical français.

En Europe, le départ de la majorité du détachement français de Bosnie a entraîné la fermeture du « rôle 1 » d’Astrée. Le SSA aura été présent dix-huit ans en Bosnie. Le passage en Deterrent présence (force de dissuasion) de la KFOR au Kosovo à compter du 31 janvier 2010, avec une réduction de moitié du contingent français, a conduit à la fermeture du GMC de Plana en octobre. Le nombre de postes médicaux déployés est également réduit en proportion.

L'opération Daman, au Liban, est la seule qui n’a subi, pour le SSA, aucun mouvement d’effectifs.

En Afghanistan, le recentrage des troupes françaises en Kapisa et Surobi pour former la Task Force La Fayette nous a amené à adapter notre dispositif médical. Enfin, à la demande de l’OTAN, le service assure depuis le 8 juillet 2009 le rôle de lead nation du nouvel hôpital de l’aéroport de Kaboul (KAIA). Remplaçant le GMC français de Warehouse, l’hôpital militaire de campagne (HMC) KAIA est reconnu comme un « rôle 3 » par l’OTAN depuis le 1er décembre 2009. En 2009, près de 200 militaires français ont été pris en charge par cette structure chirurgicale française avant d’être évacués en France. Cette structure a assumé 3 630 journées d’hospitalisation pour 426 interventions chirurgicales. Pour les consultations médicales spécialisées, l’HMC KAIA a accueilli 4 128 militaires de la coalition et 2 254 civils afghans.

Les capacités du SSA sont également sollicitées pour des missions intérieures. Le service possède une capacité à traiter les blessés irradiés et radio-contaminés. Les hôpitaux d’instruction des armées sont concernés par différents plans : le plan PIRATOX (risque chimique) avec les modules de décontamination pré-hospitaliers des 9 hôpitaux d’instruction des armées (HIA), les centres d’accueil des contaminés chimiques (CA2C) dans 5 HIA, les modules de contrôle des contaminés chimiques (MC3) dans 2 HIA ; le plan BIOTOX (risque biologique) avec les laboratoires de sécurité biologique de niveau 3 dans l’ensemble des HIA ; le plan PIRATOME (risque nucléaire et radiologique) avec les centres de traitement des blessés radio-contaminés (CTBRC) dans 6 HIA.

Outre ces compétences, le SSA assure aussi la production de produits de santé comme les comprimés d’iodure de potassium – pour les accidents de centrale nucléaire – ou d’Oseltamivir – pour la grippe A (H1N1). Les établissements du SSA sont pris en compte dans les trois directives nationales de sécurité du ministère de la santé – veille et alerte sanitaires, établissements de santé, produits de santé.

Enfin, le SSA participe au renfort des moyens de secours civils sur le territoire national, comme ce fut le cas pour le dernier sommet de l’OTAN à Strasbourg en 2009 et pour la récente pandémie grippale – 8 288 vacations de médecins et infirmiers dans les centres départementaux de vaccination.

Au total, 1 347 personnels du service de santé des armées ont été engagés sur les théâtres d’opérations en 2009, soit 33 % de moins qu’en 2008, dans le droit-fil du niveau d’engagement des armées. En instantané, 42 postes médicaux – terre, air, mer et gendarmerie –, 4 équipes MEDEVAC HM (évacuation sanitaire) et 2 équipes chirurgicales sont désormais déployés. En moyenne, 4 % des personnels en opérations extérieures appartiennent à la fonction santé, proportion stable au fil des années. Ce chiffre monte cependant à 6 % pour le théâtre afghan. La fermeture des trois « rôles 2 » – Birao, Abidjan et Plana – a permis de réduire significativement l'effort demandé aux hôpitaux. Le nombre d’équipes chirurgicales projetées est passé de 38 en 2008 à 18 en 2009. L’année 2010 a vu le passage des mandats à trois mois pour les unités médicales opérationnelles de niveaux 2 et 3, contre deux mois auparavant.

Reflet de notre engagement opérationnel au profit des militaires français, 63 évacuations médicales stratégiques ont été réalisées en 2009, soit autant qu’en 2008, où il y avait eu deux évacuations stratégiques avec le système Morphée. Par ailleurs, 796 RAPASAN (rapatriements sanitaires) ont été réalisés en 2009.

La diminution récente de l’engagement des forces en OPEX ne doit pas masquer la réalité des opérations françaises de ces dix dernières années. Au début des années 2000, 16 500 hommes étaient déployés. En 2006, le SSA déployait encore simultanément huit structures chirurgicales en opérations. À ce jour, environ 10 000 hommes sont répartis sur 25 opérations.

Ainsi, depuis 2005, le SSA aura déployé dans les différentes opérations extérieures 18 hôpitaux, où auront servi 151 équipes chirurgicales. J’ajoute que 1 148 médecins d’unité se sont relayés pour assurer la prise en charge des malades et des blessés.

En moyenne, chaque année, environ 3 000 interventions chirurgicales sont réalisées, dont 80 % au profit de la population locale. En moyenne, le service de santé des armées réalise deux rapatriements sanitaires par jour et une évacuation médicale stratégique par semaine – avec un médecin et, le plus souvent, un réanimateur.

J’en viens à la transformation du SSA. De l’audit particulier de la fonction de santé réalisé dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), le service de santé des armées a pu identifier des « espaces » de rationalisation. Anticipé dès 2005 dans le cadre de réflexions entreprises sur le plan stratégique du SSA, ce mouvement de réforme se traduit par des ajustements de la fonction de santé, en parfaite cohérence avec la démarche de mutualisation entreprise depuis plusieurs années – centres médicaux interarmées, directions régionales interarmées – et les objectifs de sa carte stratégique.

Dans cette période délicate de transformation, le maintien d’un service de santé performant et adapté aux missions des armées reste une exigence d’importance capitale.

Cette transformation vise à améliorer la performance du service en renforçant et en adaptant ses compétences exclusives dont la responsabilité ne peut être déléguée et qui ont trait au domaine médical dans sa globalité. Elle permettra d’offrir une meilleure réponse aux besoins des forces en orientant plus clairement toutes les composantes du service vers sa finalité d’emploi opérationnel et d’améliorer la contribution du SSA à la satisfaction des besoins de la sécurité nationale en faisant de ce service un instrument particulier de l’outil de défense au service des politiques nationale et internationale.

Cette démarche ambitieuse de transformation se traduit par plusieurs axes de réorganisation ou de refondation touchant toutes les fonctionnalités du service.

La mise en œuvre de la réforme de l’organisation des armées a imposé le transfert au SSA de la maîtrise des différents moyens d’action découlant de sa responsabilité et nécessaires à l’accomplissement de ses missions opérationnelles de soutien en matière de santé. L’instauration des bases de défense expérimentales a pour conséquence la nécessaire réorganisation du soutien médical des forces. Ces évolutions se sont ainsi traduites par une concentration des moyens du service et une optimisation de leur emploi dont l’interarmisation est la condition nécessaire.

Ainsi, les centres médicaux de base de défense expérimentale deviennent des formations organiques du SSA, subordonnées aux échelons intermédiaires du service territorialement compétents. Les moyens en personnel et en matériel sont regroupés dans ces centres médicaux et leurs antennes.

Cette démarche vise à rationaliser les conditions du soutien médical en utilisant au mieux la ressource existante et en offrant ainsi une plus grande souplesse d’emploi grâce au regroupement de moyens précieux, employés dans une logique « interarmées », tout en consacrant une attention particulière à la prise en compte des spécificités de chaque armée, le service maintenant par ailleurs ses missions de soutien au profit de la gendarmerie nationale.

La première préoccupation du service concerne le maintien de la qualité de la préparation médicale des unités et de leur soutien opérationnel, sur les théâtres extérieurs comme sur le territoire national, en optimisant le fonctionnement des centres médicaux, malgré les resserrements imposés par la révision générale des politiques publiques. Les premiers retours d’expériences à l’issue des six premiers mois de fonctionnement et les rapports d’audit des centres médicaux soulignent que les activités de la fonction de santé dans le domaine du soutien des forces sont parfaitement maîtrisées.

L’organisation de la formation initiale des praticiens des armées est refondée, d’une part, pour délivrer une meilleure qualité de formation et, d’autre part, pour s’adapter aux évolutions de la réforme de l’enseignement supérieur et de la recherche – réforme « licence-master-doctorat ». L’objectif est d’obtenir, comme aujourd’hui, un taux de succès significativement plus élevé que celui de la population générale des étudiants, en particulier en médecine. Il s’agit également de renforcer et d’améliorer les formations propres aux armées, tant dans leurs volets « technique » que de préparation au « métier d’officier ». Cette refondation s’accompagne du recentrage de la formation initiale des praticiens sur un seul site permettant ainsi le renforcement, par l’optimisation des moyens mis à la disposition des élèves, de la qualité et du niveau de l’enseignement dispensé. Cela se traduira in fine par une meilleure adaptation de nos praticiens à la réalité de leurs conditions d’exercice.

Une démarche d’adaptation de la recherche du SSA avait été initiée en 2001 sous la forme d’une fédération, avec l’objectif d’optimiser son fonctionnement. Malgré certains progrès, de nombreuses imperfections ont cependant persisté, inhérentes à la dispersion des hommes et des structures, comme le montraient les audits des programmes opérationnels. La taille critique de certaines équipes, des redondances thématiques, des travaux éloignés de la mission, des duplications matérielles et le poids des services de soutien similaires empêchaient tout gain d’efficience. Les démarches entreprises dans le cadre de la révision générale des politiques publiques ont permis de mettre en œuvre la refondation de la recherche pour en faire un outil plus opérationnel et mieux identifié au profit de la défense et de la sécurité nationale. La recherche biomédicale dans les armées sera ainsi rassemblée sur le site de Brétigny, au sein d’un pôle modernisé unique : l’institut de recherche biomédicale des armées. Ce nouveau dispositif resserré permettra d’apporter, spécifiquement et avec une réactivité adaptée, une meilleure réponse aux besoins de la défense dans les domaines NRBC, des facteurs humains, de l’adaptation de l’opérateur aux systèmes d’armes et du soutien médico-chirurgical des forces. Cette nouvelle organisation prendra en compte les nécessités de transversalité, de synergie et de partage des compétences pour lui assurer un rayonnement national et international, en cohérence avec les autres acteurs de la défense et les partenaires publics et privés.

La rationalisation du dispositif de ravitaillement sanitaire est poursuivie avec un resserrement sur trois pôles, l’effort portant sur l’externalisation des activités hors du cœur de métier, la centralisation de la fonction achats du cœur de métier – en réorientant les achats hors de ce périmètre spécifique vers l’administration générale et le soutien commun (AGSC) pris en charge par le commandement interarmées des soutiens, et l’optimisation des capacités de stockage.

Cette fonction est essentielle pour l’équipement en dotations médicales des unités médicales opérationnelles, le fonctionnement courant des formations et établissements de soins du service, la constitution des stocks nationaux dans le cadre de la participation à la lutte contre les menaces sanitaires terroristes ou naturelles de grande ampleur de type pandémie.

L'organisation du ravitaillement sanitaire à la fin des restructurations reposera sur une chaîne resserrée plus performante, en ce qui concerne tant sa dimension opérationnelle que la qualité du service rendu à ses clients et partenaires.

Enfin, pour ce qui concerne le système hospitalier militaire, le schéma national d’organisation des soins est revu afin de mieux répondre aux exigences croissantes de l’engagement opérationnel et de s’adapter au cadre normatif de la tarification à l’activité. À ce titre, le service redistribue ses ressources lui permettant d’augmenter les spécialités projetables tout en préservant les grands équilibres de spécialités indispensables au bon fonctionnement de ses structures hospitalières. Les populations paramédicales et soignantes seront renforcées par rapport aux populations respectivement médicales et non-soignantes. Des services seront regroupés selon des logiques médico-économiques ou environnementales. Les structures elles-mêmes seront adaptées afin d’atteindre la dimension leur permettant d’optimiser leurs coûts fixes. Ainsi, le besoin opérationnel des forces sera mieux satisfait tout en répondant à une logique de performance économique dépendant des bassins de clientèle et résultant essentiellement du passage des établissements hospitaliers des armées à la tarification à l’activité depuis le 1er janvier 2009.

L’ancrage militaire du service dans le périmètre de responsabilité du chef d’état-major des armées – le directeur central répond devant lui de sa mission de soutien médical des forces – constitue le fondement de la transformation du SSA. Cette situation n’est toutefois pas exclusive des responsabilités que le directeur tient directement du ministre, auquel il rend compte de l’administration de son service ainsi que de la dimension interministérielle de ses missions.

Il s’agit toutefois d’une transformation particulière au sein de la défense en ce sens qu’elle fait porter l’effort non pas sur les effectifs – le format n’ayant pas vocation à changer, malgré la réduction du format des armées – mais sur l’aspect qualitatif de la fonction « santé ». Cette transformation permet néanmoins de dégager des économies au terme de la réforme, reflétant ainsi les efforts de regroupement et de rationalisation.

Dans cette réforme, un soin particulier est apporté à l’amélioration des conditions d’exercice et de la pratique médicale dans les armées, tout en conservant au lien particulier qui unit le service aux armées son caractère fondateur.

Par ailleurs, la mise en place de nouveaux dispositifs plus concentrés vise à développer des interactions avec d’autres acteurs en dehors du ministère, en particulier les établissements de santé publique, hospitaliers ou de réponse aux urgences sanitaires de grande ampleur, ou encore les acteurs de la recherche nationale.

Dans ce contexte de profondes mutations, le service a été audité par la Cour des comptes, qui s’est principalement appuyée sur les données des années antérieures pour ses travaux. La Cour développe son argumentation à partir d’un postulat exactement contraire aux principes évoqués jusqu’ici : pour elle, l’existence des hôpitaux des armées ne se justifierait que par leur seule participation au service public hospitalier. Or, les hôpitaux des armées sont une composante militaire à part entière dont le concours du service public hospitalier permet de maintenir au plus haut niveau la compétence de leurs équipes chirurgicales, tout en atténuant leur coût de possession.

Les formations de l’ensemble hospitalier militaire doivent bien être considérées comme des outils sans véritable équivalent dans le secteur public, dès lors qu’elles sont les seules à pouvoir dériver des structures de soutien médical opérationnel en assurant l’entretien des compétences. Certes, leur coût de possession est amorti par leur participation aux missions de service public, mais elles satisfont, dans leur bassin de clientèle, un besoin de santé qui peut, en effet, être jugé opportun, en ce sens qu’il procède d’un intérêt général bien compris, mais certainement pas opportuniste.

De fait, le contrat opérationnel constitue bien le facteur « dimensionnant » des différentes composantes du service et les missions qui en découlent sont effectivement définies et « priorisées » par l’état-major des armées.

L’exemple français constitue donc un système original et équilibré dont la pertinence a été souvent soulignée.

Les constats de sous-activité de l’ensemble hospitalier militaire comparé à des structures civiles, présentées comme équivalentes en termes de capacité et d’effectifs, dominent le rapport et donnent une impression, partiale parce que partielle, d’acceptation résignée que le service ne peut admettre. En effet, l’approche de la Cour se fonde sur un postulat inexact, considérant que les HIA sont des hôpitaux généralistes classiques, c’est-à-dire en tous points comparables en termes de clientèle et d’activité, de structures de charges, de typologie statutaire et professionnelle, alors qu’ils sont différents pour chacun de ces points.

Cette qualification appelle quelques compléments d’information.

La première observation touche au mode de présentation comptable. Le SSA bénéficie d’un compte de gestion dont le résultat, par principe, est nul puisque les services « producteurs » du ministère n’ont pas vocation à dégager un bénéfice ou une perte. Il s’agit bien, dans le concours des HIA au service public, de contribuer à une atténuation du coût de possession de l’outil pour la défense.

Par ailleurs, la typologie des recettes n’est pas homogène avec celle de la santé publique. Aux activités médicales classiques, il convient d’ajouter un certain nombre de prestations régaliennes, souvent, il est vrai, mal comptabilisées ou non valorisées, comme par exemple l’enseignement, les missions d’expertise et de représentation du service. Il faut en outre souligner que, pour répondre à ses spécificités opérationnelles, le service oriente volontairement l’activité de ses hôpitaux vers les activités de type MCO – médecine, chirurgie, obstétrique – même si cela le prive de certaines activités plus rentables. Les activités de MCO représentent 86 % de l'activité des HIA, contre 56 % dans les hôpitaux publics. Cette orientation de l’activité se justifie par le recrutement propre qu’elle induit, nécessaire au maintien des qualifications techniques de ses praticiens.

Enfin, l’impact des OPEX sur l’activité des HIA ne doit pas être sous-estimé. La contribution hospitalière au soutien des OPEX, qui se situe au cœur de la mission du service, est présentée comme marginale – 2 % des praticiens et 4 % du personnel paramédical – et potentiellement compensée par le faible taux d’absentéisme du personnel sous statut militaire. Ces chiffres, qui rendent compte de l’impact en « instantané » des OPEX sur l’ensemble des personnels des HIA, ne doivent pas occulter une autre réalité : l’impact particulier des OPEX sur la population spécifique représentée par les équipes chirurgicales. La participation de ces équipes, à la fois concernées par un sous-effectif conjoncturel mais également au cœur de l’activité hospitalière, s’élève à 25 % dans certains HIA. Ainsi, au cours de la période concernée par l’audit de la Cour, ce sont entre 29 et 38 équipes chirurgicales qui se sont succédé chaque année sur les quatre à sept théâtres d’opérations majeures auxquelles participait la France.

Néanmoins, certaines pistes d’amélioration de l’efficience du service sont étudiées, et c’est en ce sens que le SSA s’est pleinement inscrit dans la dynamique interministérielle insufflée par la RGPP en se fixant un plan d’action à moyen et long termes, touchant l’ensemble de ses composantes, guidé par des principes d’amélioration de sa performance intrinsèque au profit des forces.

M. Jean-Claude Beaulieu. Je vous remercie, mon général, d’avoir permis à la représentation nationale de faire le point sur le service de santé des armées et son action. Le seul reproche que l’on puisse vous faire est peut-être un excès de timidité dans les différents rôles que vous assumez.

Le rapport de la Cour des comptes suscite une certaine inquiétude au sein des hôpitaux militaires car il vise leur gouvernance, voire leur autonomie par rapport au service public hospitalier. Je pense que les uns et les autres doivent agir en complémentarité, tant sur le plan des soins que de la recherche et de l’enseignement. Le service de santé des armées est en pleine mutation, ce qui devrait répondre à l’attente de la Cour.

Au cours des opérations extérieures (OPEX) auxquelles j’ai participé, en particulier en Bosnie, j’ai souvent constaté que les soins offerts à la population souffraient d’un manque d’organisation. Les populations locales, en Afrique en particulier, attendent beaucoup de notre action, mais l’autorité administrative de tutelle se montre parfois réticente, s’interrogeant sur le financement des soins. Pourtant, dans ces pays où règnent la misère et la guerre, la France a un rôle fondamental à jouer. Sur le terrain, les OPEX manquent parfois de flexibilité, de réactivité et de souplesse, en particulier sur les questions d’approvisionnement.

Le recours aux réservistes vous aiderait à gérer les personnels qualifiés – chirurgiens, anesthésistes – lorsque ceux-ci quittent les hôpitaux de métropole pour rejoindre les théâtres d’opérations extérieures. Ne peut-on pas mieux les intégrer au système hospitalier du service de santé des armées ?

M. Philippe Nauche. Ma question porte sur la gestion hospitalière. Si j’ai bien compris, la Cour des comptes considère que les hôpitaux militaires sont d’abord des hôpitaux publics tandis que vous, vous estimez que leur mission première est militaire, l’hôpital public n’étant qu’un moyen de solvabiliser l’ensemble. Il serait intéressant de connaître la part de l’activité de ces établissements qui relève de missions de service public – les MIGAC – et celle qui relève de la tarification à l’activité. Par exemple, les missions de recherche et de formation sont-elles formalisées dans les hôpitaux d’instruction des armées ? Où en êtes-vous de votre analyse contradictoire par rapport à celle de la Cour ?

Quelle est la part de vos programmes de recherche affectée au développement de la télémédecine ?

Ma dernière question concerne la pharmacie centrale des armées. Dans le cadre de la rationalisation des dépenses, cet établissement performant devrait être regroupé sur un seul site, situé à Orléans, ce qui suppose la fermeture de l’établissement de Chartres. Or, celui-ci a connu de lourds investissements il y a sept ou huit ans et il est considéré par la Haute autorité de santé comme l’outil le plus performant de France en matière de stockage et de distribution des médicaments. Le fait d’abandonner un outil performant pour le reconstruire quelques kilomètres plus loin, pour un coût compris entre 20 et 30 millions d’euros, ne me semble pas correspondre à une logique de rationalisation.

M. le général Gérard Nédellec. Les neuf hôpitaux d’instruction des armées, situés à Toulon, Marseille, Bordeaux, Brest, Metz, Lyon, auxquels s’ajoutent, en région parisienne, l’hôpital Percy de Clamart, le Val-de-Grâce et l’hôpital Bégin de Saint-Mandé, ce qui représente une capacité hospitalière d’environ 2 800 lits, sont des établissements militaires qui dispensent à la fois des soins et un enseignement.

Nous considérons au SSA que le ministre de la défense et le chef d’état-major des armées doivent pouvoir disposer d’un outil parfaitement réactif. C’est la raison pour laquelle il est indispensable de maintenir à ces établissements une gouvernance centralisée, sans pour autant interdire aux médecins chefs de collaborer avec les établissements de leur région d’emprise et d’avoir des discussions de haut niveau avec les agences régionales de santé (ARS).

Cette précision vient d’être confirmée par la publication au Journal officiel, le 6 juillet, de l’arrêté conjoint signé par le ministère de la santé, représentée par Annie Podeur, directrice générale de l’offre des soins, et par moi-même, représentant le ministre de la défense. Cet arrêté conjoint, qui nous tient à cœur, définit le concours du service hospitalier militaire au service public en précisant ce que les hôpitaux militaires offrent en termes de capacités hospitalières et d’équipements, mais également, depuis le précédent arrêté conjoint, en termes d’activités. Nous signerons très prochainement, je l’espère, un protocole pluriannuel d’objectifs et de moyens qui nous permettra d’engager une discussion argumentée et suivie avec le ministère de la santé. Il ne peut s’agir d’un contrat d’objectifs car il ne nous est pas possible de signer un contrat avec la santé publique du fait du risque que cela présenterait en cas de crise. Car si le nombre des opérations extérieures diminue actuellement, nous ne savons pas ce que nous réserve l’avenir et il n’est pas imaginable, pour nous, de ne pouvoir répondre aux demandes du ministère de la défense et du chef d’état-major des armées parce que nous aurions contractualisé de façon trop rigide notre engagement au profit de la santé publique. Il est donc indispensable que nous conservions une autorité suffisante sur l’organisation de nos hôpitaux.

Nous collaborons avec les agences régionales de santé, dont nous saluons l’existence, car, dans les régions, la place des hôpitaux d’instruction des armées est indiscutable et indiscutée. Toutefois, nous ne pouvons laisser au directeur de l’ARS le pouvoir, si tant est qu’il en ait la volonté, d’orienter l’activité de l’un des hôpitaux dans un sens qui le distancierait des autres. Nous continuons à penser qu’il faut conserver aux hôpitaux d’instruction une gouvernance centralisée, même si nous donnons de plus en plus de marges de manœuvre aux médecins chefs, qui participent d’ailleurs aux réunions des conférences sanitaires de territoire.

Depuis le 1er janvier 2009, les hôpitaux d’instruction des armées, au même titre que les hôpitaux publics, sont soumis à la tarification à l’activité (T2A) pour les activités qui en relèvent ; celles qui ne relèvent pas encore de la T2A, comme la psychiatrie et la rééducation, bénéficient de la dotation annuelle de financement résiduel. Nous bénéficions également – mais à un niveau qui ne nous paraît pas satisfaisant – de MIGAC et de MERRI (missions d’enseignement, de recherche, de référence et d’innovation) pour ce qui concerne l’enseignement, la recherche et l’innovation. Tout cela a été discuté, évalué et contractualisé avec le ministère de la santé.

Les chiffres que nous étudions depuis près d’un an et demi montrent que ce passage s’est fait dans des conditions très satisfaisantes. Nous avons dépassé nos objectifs, tant en termes d’activités que de financements. Les hôpitaux paraissent suivre la même trajectoire, et il est tout à fait probable que nous parviendrons à une augmentation de l’ordre de 5 % cette année. Ce résultat doit cependant être tempéré par l’effet positif observé dans les établissements publics, lié à l’amélioration de la performance de la codification, au moment du passage à la T2A.

Selon vous, nous serions trop timides et trop discrets : nous le sommes au même titre que les praticiens des hôpitaux, qui sont habitués à bien travailler mais pas à en faire état. Les activités doivent être parfaitement décrites. Désormais, au sein des hôpitaux militaires, chaque praticien identifie son activité, et la T2A a des effets bénéfiques, comme elle en a eu dans les autres établissements. Nous sommes encore en phase de croissance, mais nous avons bon espoir que ces effets se poursuivent cette année et en 2011.

Nous ne pourrons pas indéfiniment augmenter notre activité, sauf à diminuer celle des établissements voisins – et ce n’est pas ce que nous voulons. Par ailleurs, nous sommes tenus de respecter l’objectif national des dépenses d’assurance maladie fixé par le ministère de la santé et nous ne pourrons pas indéfiniment augmenter nos recettes. Si nous voulons améliorer encore notre performance, nous devons nous attacher à réduire au maximum les coûts de nos établissements, qui sont inévitablement supérieurs à ceux des autres compte tenu de leur dispersion – qui, je le rappelle, a été voulue pour répondre de façon plus efficace aux sollicitations du ministère de la défense lors des opérations extérieures. Dans ce cas, en effet, il est plus facile, plus efficace et moins dangereux de répartir la pression sur plusieurs établissements hospitaliers plutôt que de priver un seul établissement de ses équipes chirurgicales. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous souhaitons maintenir nos neuf établissements.

J’en viens à l’engagement du SSA dans l’enseignement et la recherche. Nous disposons d’un corps de 180 professeurs agrégés qui dispensent leur enseignement, dans diverses disciplines, auprès des internes militaires – depuis 2004, les étudiants en médecine de l’école de Lyon, et jusqu’à l’année dernière de Bordeaux, passent les épreuves nationales pour suivre une formation en internat – mais également des internes civils, car nous tenons à ce que nos services soient reconnus par l’université. Chacun de nos hôpitaux accueille en moyenne 7 ou 8 internes de spécialité venant de la faculté. En revanche, en accord avec les présidents et les doyens des facultés d’origine, nous n’accueillons pas d’interne en médecine générale, pour qui nos services paraissent pourtant très attractifs, car les hôpitaux publics souffrent du manque de généralistes.

Quant à l’aide médicale à la population dans le cadre des opérations extérieures, c’est une tradition française, mais elle nécessite d’être encadrée, et cela pour plusieurs raisons : ne pas déstabiliser le tissu sanitaire local et ne pas impacter trop lourdement les budgets que nous lui consacrons. Au Tchad, par exemple, où notre activité est importante du fait de l’ancienneté de notre implantation, nous avons été obligés d’encadrer notre aide à la population en l’intégrant à l’action globale de nos forces. Notre activité médicale au profit de la population se poursuit également en Afghanistan.

Le recours aux réservistes est une pratique courante – ils représentent 1,7 % des effectifs du SSA et interviennent essentiellement dans les hôpitaux pour remplacer le personnel qui participe à des opérations extérieures. Ils nous rendent des services incontestables. Un réserviste effectue en moyenne trois semaines d’activité, soit 280 équivalents temps plein. Ainsi, 6,5 % des journées OPEX de médecins ont été réalisées par des réservistes, et ce chiffre est de 50 % pour les vétérinaires et les dentistes.

M. Bernard Cazeneuve. La réforme du ministère de la défense et la RGPP ont-elles engendré des économies ? Quels ont été leurs effets sur l’évolution des effectifs du SSA ?

Vous prônez la concentration des moyens de recherche. Pourtant, quelques structures, en particulier la DGA, ont souffert d’importantes pertes de compétences dues au fait qu’un certain nombre de chercheurs refusent de se déplacer. Êtes-vous confrontés au même problème ?

Mme Françoise Hostalier. La féminisation des services médicaux des armées pose-t-elle des problèmes, en raison notamment des déplacements en OPEX ?

Nous savons que pour assurer les premiers secours aux blessés, les Américains les évacuent vers l’hôpital alors que nous préférons les soigner sur place. J’ai cru comprendre que, sur ce point, la formation des militaires était imparfaite. Quelle est l’orientation suivie en matière de secours aux blessés ?

M. le général Gérard Nédellec. Monsieur Nauche, la télémédecine entre bien dans le cadre de la recherche, mais elle ne fera pas partie des recherches qui seront effectuées à Brétigny. Nous disposons déjà de la possibilité de transmettre des images grâce au projet ISSAN – Infostructure Santé. Cet objectif d’état-major, soutenu par la direction générale de l’armement, vise à augmenter notre capacité de télétransmission et de télémédecine. Deux postes, à Djibouti et en Afghanistan, sont d’ores et déjà équipés. Mais il n’est nullement question de télé-opérations, de chirurgie à distance, pas plus que de robots téléguidés.

J’en viens au regroupement des sites à Orléans dans le cadre de la transformation de notre système de ravitaillement. L’établissement de Chartres sera en effet déplacé car, malgré une rénovation réussie, il ne permet plus la moindre extension. Or nous avons besoin de capacités de stockage supplémentaires destinées au SSA, au ministère de la défense, mais également à la santé publique. En outre, nous subissons de fortes pressions locales pour rétrocéder cet établissement à la municipalité… Ce déplacement à Orléans permettra de faire l’économie de 39 personnes, qui compensera le coût de la reconstruction du site. Selon nos évaluations, nous pourrions parvenir à un équilibre budgétaire entre 2012 et 2013. Encore une fois, nous faisons le choix de regrouper nos forces pour être plus efficaces.

Sur le plan des effectifs, le gain de cette transformation pourrait être de l’ordre de 520 personnes, réparties sur quatre composantes du service, les hôpitaux n’étant pas concernés par la déflation des effectifs.

Nous disposons actuellement d’un centre de recherche à Grenoble et de divers instituts – Brétigny, Marseille et Toulon. Il est prévu de regrouper en 2013 ces quatre établissements de recherche sur le site de Brétigny-sur-Orge pour faire face à la dispersion des équipes et à la redondance des thématiques et des personnels. Comme nous l’avons fait pour les hôpitaux, nous assumons notre choix de centraliser l’administration dans le secteur de la recherche.

Pourquoi Brétigny ? Parce qu’il s’agit déjà d’un site militaire, ce qui en facilitera la surveillance, et que nous pourrons récupérer des constructions existantes. Dans le cadre de la refondation de la recherche, il est prévu de construire un laboratoire de sécurité biologique de niveau 4. Enfin, la commune de Brétigny est située sur un axe regroupant des établissements de recherche de très haut niveau – le centre d’études du Bouchet, le CEA, l’École Polytechnique, l’INRA… – ce qui permettra à nos chercheurs, même si leur priorité demeure la recherche au profit de la défense, de s’inclure dans la recherche nationale.

Le risque pour les personnels est réel. Certains d’entre eux, notamment les plus anciens, très impliqués dans le tissu local, ne voudront pas venir à Brétigny. Nous en avons conscience, c’est la raison pour laquelle nous nous consacrons depuis quelques mois au recrutement de chercheurs civils. La direction des ressources humaines du ministère (DRH-MD) nous a aidés en nous permettant de leur offrir un bon niveau de rémunération et un profil de carrière suffisamment attractif pour les fidéliser. Le plan de ralliement de la recherche se déroule donc de façon satisfaisante.

Nous sommes très attentifs au devenir du site de Grenoble où se concentraient un grand nombre de chercheurs, mais il aurait, lui aussi, nécessité d’importants travaux. Seul le site de Brétigny nous permettra d’accueillir l’ensemble des chercheurs et 250 personnes supplémentaires.

La féminisation des services de santé des armées pose question – je ne dis pas qu’elle pose problème. L’armée française est la plus féminisée de toutes les armées européennes, et le SSA ne fait pas exception. Le taux de féminisation au sein du corps des médecins est de l’ordre de 20 % – mais il dépasse les 50 % à l’entrée à l’école. Nul doute qu’il augmentera au cours des dix prochaines années. Les études qui ont été réalisées montrent que les femmes ont une carrière plus courte que les hommes, de deux ans en moyenne, et qu’elles partent moins en OPEX – plus de deux fois moins que les hommes –, ce qui s’explique par des raisons d’ordre physiologique.

Nous devons réfléchir à cette situation. Le SSA a proposé il y a quelques années d’adapter l’activité des militaires aux femmes, au moins au sein des hôpitaux, par le biais de services à temps incomplet. Cela n’a pas été accepté par l’état-major des armées, mais nous reposerons la question car nombre de femmes médecins qui nous quittent resteraient si nous étions en mesure de leur offrir de meilleures conditions d’emploi.

Nous n’avons pas de problèmes majeurs s’agissant des médecins, mais nous restons très attentifs à leur égard. J’ajoute que l’inspecteur général du SSA va prochainement présenter une étude sur la féminisation au ministre de la défense.

Les professions paramédicales sont très féminisées – 69 % des infirmiers sont des femmes. Cela ne pose généralement pas de problèmes, sauf en Afghanistan pour les personnels des OMLT. Ceux-ci étant intégrés aux forces afghanes, la présence des femmes n’y est pas tolérée, et nous avons rencontré des difficultés pour réaliser les postes d’infirmiers.

En ce qui concerne la formation aux soins des combattants et des militaires, nous avons mis en place il y a deux ans deux formations : la première, dite « sauvetage au combat de niveau 1 » (SC1) est destinée à tous les militaires et comporte des spécificités militaires ; la seconde, dite « sauvetage au combat de niveau 2 » (SC2), destinée aux personnels plus qualifiés, leur apprend les gestes d’urgence qui relèvent théoriquement, en métropole, de la compétence d’un infirmier, voire d’un médecin. Ces formations, qui par exemple apprennent aux militaires à poser une perfusion, ne seront jamais utilisées en France : ce sont fondamentalement des formations de premiers secours, réservées aux situations d’exception rencontrées en opérations extérieures. Elles ont permis d’améliorer considérablement la qualité et le soutien que nous offrons aux militaires, qui le reconnaissent volontiers. Le général Lecerf, commandant des forces terrestres, que nous avons rencontré il y a trois semaines à Lille, s’en est tellement félicité que nous lui avons fait une proposition : dans certaines circonstances très précises et en OMLT, les infirmiers pourront être remplacés par des aides-soignants ou des brancardiers secouristes ayant suivi une formation de type SC2. Pour cela, nous allons augmenter la durée de cette formation, la portant de cinq jours à quatre semaines.

Nous n’adhérerons pas pour autant à la vision américaine, car nous sommes persuadés que le soutien médical doit toujours se faire au plus près du blessé.

Mme Patricia Adam. Vous dites que l’aménagement du site de Grenoble aurait nécessité de lourds investissements. Celui de Brétigny exigera sans doute des investissements plus lourds encore. Je ne suis pas de Grenoble, mais je suis certaine que les Grenoblois auraient été ravis d’accueillir le SSA.

M. le président Guy Teissier. Les Marseillais aussi !

Mme Patricia Adam. Cela vaut aussi pour Brest et Toulon. J’ajoute qu’en matière de recherche, la proximité géographique n’est pas indispensable. Les outils technologiques dont nous disposons aujourd’hui permettent de travailler n’importe où.

Les neuf hôpitaux militaires sont-ils suffisants ? Dans un contexte de restrictions budgétaires et de RGPP, a-t-on prévu d’en supprimer un, voire plusieurs ?

Quelles sont les spécificités de chacun de ces hôpitaux ?

Parmi les hôpitaux situés à l’étranger, lesquels pourraient être fermés ?

M. Damien Meslot. La pénurie de médecins que nous commençons à ressentir en France vous pose-t-elle des problèmes de recrutement ?

Comment se passe la coopération avec les services des armées alliées sur le théâtre des opérations extérieures, notamment en cas de pertes ?

M. le général Gérard Nédellec. Le format actuel est de neuf hôpitaux, et nous n’envisageons aucune fermeture. Je ne vous dirai pas que nous n’en avons pas étudié la possibilité. Il est évident que dans le contexte actuel de difficultés budgétaires et de réduction éventuelle du format des armées, le SSA se doit de s’interroger. Même si les armées sont moins nombreuses et moins engagées, nous ne souhaitons pas que nos choix soient dictés par de pures considérations économiques. Nos hôpitaux ont été construits sur la base de notre contrat opérationnel. Si l’état-major des armées revoit ce dernier, nous remettrons naturellement en question notre format hospitalier, mais ce n’est actuellement pas le cas.

Nous n’avons plus le moindre hôpital à l’étranger. Le seul qui subsistait était celui de Djibouti, qui n’est plus un hôpital mais un groupement médico-chirurgical, et, à ce titre, il n’est pas soumis à la tarification à l’activité. Les accords de défense sont en cours de renégociation avec l’État djiboutien, et nous dépendrons des décisions politiques locales. L’établissement, qui fonctionne dans de bonnes conditions économiques, apporte un soutien réel aux alliés et aux forces présentes dans cette zone – notamment pour participer à la lutte contre la piraterie. Nous avons passé des protocoles d’accord avec les différentes nations concernées.

La coopération avec nos alliés est satisfaisante, en particulier en Afghanistan – en témoigne le rôle leader de la France dans la réussite de l’HMC KAIA, qui regroupe neuf nationalités. Si l’on excepte la barrière de la langue, qui peut parfois poser des problèmes, et dès lors que nous avons pris conscience que chaque nation envisage de façon différente la responsabilisation des personnels médicaux, la coopération se déroule de façon satisfaisante. Sur le terrain, le « ramassage » d’un blessé par le personnel d’une autre nation se fait sans difficulté.

Nous n’avons pas de problèmes de recrutement. Cette année encore, nous avons eu un reçu pour douze candidats, et le taux de succès au concours de fin de première année à Lyon est de 60 %. Le recrutement de 150 élèves par an nous permet de couvrir l’ensemble de nos forces. Le déficit en praticiens est de l’ordre de 7 % environ. S’agissant des infirmiers, il n’y a pas de difficultés majeures, sauf en région parisienne.

M. Yves Vandewalle. Je n’interviendrai pas car M. Meslot a déjà posé la question que je souhaitais poser.

Mme Françoise Briand. Il en va de même pour moi. La première question que je souhaitais poser portait sur la féminisation, car je croyais que le service de santé était plus féminisé que les autres corps d’armée. La seconde concernait le regroupement de la recherche biomédicale à la base de Brétigny, sachant que je considère, d’une part, que celle-ci est parfaitement adaptée à la recherche biomédicale et, d’autre part, que le regroupement des services sur ce site permettra de réaliser d’importantes économies.

M. Christophe Guilloteau. J’ai pour ma part beaucoup de questions à vous poser, mon général, car il se trouve que j’ai appartenu à la même arme que vous.

Où en est le projet de transfert de l’hôpital Bouffard aux autorités djiboutiennes ?

Le site de Bordeaux a-t-il été totalement transféré à Lyon ?

Par ailleurs, le fait que les chercheurs ne veuillent pas se déplacer me surprend beaucoup. Pouvez-vous nous le confirmer ?

Enfin, si beaucoup de femmes souhaitent des temps partiels et préfèrent travailler dans les hôpitaux, il ne faudrait pas qu’elles occupent tous les postes dans les hôpitaux militaires en France et laissent les hommes seuls intervenir dans les opérations extérieures, car cela poserait des problèmes.

M. Alain Moyne-Bressand. Vous avez en partie répondu à ma question, mon général, mais je voudrais vous faire part de mon regret, en tant qu’élu de l’Isère, de voir le centre de recherche quitter Grenoble, où se trouvent pourtant le CEA, le CNRS et un grand nombre de laboratoires, sans parler du laboratoire P4, unique en France, situé à Lyon. Leur présence aurait sans doute permis de maintenir le centre de recherche, qui emploie près de 300 personnes.

Pour vos équipements en matériels – scanners, IRM, TEPscan – dépendez-vous de la carte sanitaire des ARS ou de l’armée ?

M. le général Gérard Nédellec. S’agissant du devenir du GMC Bouffard, je ne dispose d’aucune information. On entend dire parfois que l’État djiboutien voudrait le reprendre à son compte. Les accords de défense entre nos deux États, je le répète, sont en cours de renégociation. L’hôpital Bouffard rend indiscutablement des services à la population, mais c’est parce qu’il est animé par des équipes françaises. Je ne suis pas certain que ces services seront les mêmes après notre départ.

M. le président Guy Teissier. Je présidais la mission qui s’est rendue récemment à Djibouti : nous avons eu l’impression que l’État français souhaitait abandonner l’hôpital Bouffard pour des raisons de coût, alors que l’État djiboutien tenait à le conserver, naturellement armé par les Français, car tout le monde reconnaît qu’il rend des services inestimables à la population. Qu’en est-il réellement ?

M. le général Gérard Nédellec. Pour le directeur des services de santé des armées que je suis, c’est un établissement important. Les internes et les assistants que nous y envoyons exercent une activité qu’ils ne pourraient exercer en France. Le service rendu aux forces en présence est évident – mais celles-ci peuvent être réduites – et le service rendu à la population est encore plus évident. Les ressortissants des pays présents dans les environs – Américains, Japonais, Somaliens – viennent s’y faire soigner. Certes, cela a un coût, qui nous a été reproché par la Cour des comptes, mais, en tout état de cause, le SSA n’est absolument pas maître des finances de cet hôpital.

En 2009, tous les élèves admis dans le corps du SSA ont été recrutés à Lyon, et tous les redoublants de première année de Bordeaux ont rejoint Lyon. L’école de Bordeaux accueille encore les 145 élèves en cours de formation jusqu’au passage des épreuves de classement nationales. Ils ne seront désormais plus logés à l’école, mais pourront se loger dans le civil, leur solde le leur permettant. Certains seront logés à l’hôpital Robert Picqué, dans des conditions tout à fait satisfaisantes. L’école de Bordeaux fermera officiellement le 1er juillet 2011. À cette même date, l’école de Lyon fermera administrativement. Le lendemain, 2 juillet, verra la création de l’école de santé des armées sur le même site.

Il est vrai que certains chercheurs ne veulent pas se déplacer. On ne peut obliger que ceux qui n’ont pas satisfait à leurs obligations de lien au service. Le choix de Grenoble a longtemps été discuté. Nos équipes de chercheurs ont travaillé avec le laboratoire P4 de Lyon, dans le cadre d’une convention mais cela n’a pas été toujours facile. Ce dernier, unique en France, est un laboratoire de sécurité biologique de très haut niveau qui dépend de l’Institut Mérieux. Il permet la manipulation d’agents infectieux très dangereux ou inconnus, donc potentiellement très dangereux, dans des conditions de sécurité optimales. Quelques chercheurs militaires travaillent déjà sur le site. Le ministre de la défense a estimé que la défense devait disposer d’un laboratoire de ce type, ce qui n’interdira pas les collaborations avec les chercheurs civils. Je confirme que l’ensemble de la recherche se trouvera sur le site de Brétigny.

Maintenir le site de Grenoble aurait nécessité d’importants travaux, dont je ne suis pas du tout certain qu’ils auraient été moins coûteux que ceux de Brétigny. Quoi qu’il en soit, l’espace disponible à Grenoble était insuffisant et nous n’aurions pas pu y installer le laboratoire P4.

Les matériels utilisés dans nos hôpitaux sont de la responsabilité du ministre de la défense, mais s’agissant des équipements très coûteux ou très modernes comme les équipements de médecine nucléaire – le scanner et l’IRM étant désormais considérés comme des équipements banals –, nous discutons avec les agences régionales de santé. La Cour des comptes nous a reproché l’installation d’un TEPscan à l’hôpital Sainte-Anne. Pourtant l’hôpital Sainte-Musse, qui devrait ouvrir en 2012, sera lui aussi équipé de ce matériel.

L’hôpital civil de Toulon ayant décidé de supprimer son caisson hyperbare, l’hôpital Sainte-Anne va récupérer cette activité pour toute la région. À Paris, il n’existe plus qu’un seul caisson mais il n’est pas dédié aux urgences, c’est donc l’hôpital du Val-de-Grâce qui assure la quasi-totalité de l’activité. À Metz, le caisson hyperbare, que nous avons financé en partie, est utilisé en parfaite collaboration entre l’hôpital militaire et les hôpitaux de la région.

M. Francis Hillmeyer. Quelle est la durée minimum d’engagement des personnels médicaux que vous formez ? Combien d’entre eux se retournent vers la médecine civile ?

M. Philippe Folliot. Je souhaitais vous poser une question, mon général, à propos des actions civilo-militaires, mais j’aurai l’occasion de le faire dans le cadre de mon rapport.

Quel est le lien du SSA avec les régiments médicalisés, notamment le transfert du 1er régiment de Metz à La Valbonne ? Comment vous coordonnez-vous ?

Lors du salon Eurosatory, nous avons été impressionnés par la qualité des matériels. Quel rôle joue le SSA en la matière ?

M. Jean-Jacques Candelier. Je vous félicite, mon général, pour votre nomination à la tête du service de santé des armées. Si l’armée est composée de 320 000 hommes et femmes, la parité y est-elle respectée ? Quelle est la part des personnels affectés au service de santé ? Au titre de la RGPP, il est prévu de supprimer 54 000 postes d’ici à 2014. Combien d’entre eux appartiennent à votre service ?

M. le général Gérard Nédellec. Pour les médecins, les nouvelles dispositions du statut particulier des praticiens des armées, publié en 2004, prévoient un lien au service d’une durée égale à celle du premier et du deuxième cycle, à laquelle s’ajoute deux fois la durée du troisième cycle. Ainsi, un spécialiste de médecine générale devra rester douze ans en service au-delà de la durée de ses études, un spécialiste autre que de médecine générale, quatorze ou seize ans. Ce nouveau statut permet de diminuer considérablement le nombre des départs subis et d’éviter l’hémorragie de spécialistes – comme les radiologues, les réanimateurs et les psychiatres – que nous avons connue il y a quelques années. Les effectifs reviennent peu à peu à un niveau satisfaisant. L’effectif normal des radiologues sera ainsi atteint en 2013, avec trois radiologues par hôpital. Les praticiens partent généralement entre 25 et 27 ans de service, parfois pour entamer une deuxième carrière, ou après 40 ans de service, après une carrière complète.

Le regroupement des 1er et 3e régiments médicaux est effectivement prévu. Dans le cadre du départ du 1er régiment médical de Metz vers La Valbonne, certaines compagnies de ces régiments seront réparties entre Orléans, dans le cadre de la concentration du ravitaillement, et les hôpitaux des armées, dans le cadre du soutien à l’activité hospitalière et à la formation des personnels des régiments médicaux. Les personnels seront administrés par leur régiment, mais occuperont leur fonction dans un autre établissement.

M. le président Guy Teissier. Cela signifie-t-il qu’il n’y aura plus qu’une compagnie à La Valbonne ?

M. le général Gérard Nédellec. Non, car ce site regroupera 1 300 hommes. J’ajoute que ces regroupements s’effectuent en parfaite harmonie avec l’armée de terre.

Les effectifs du SSA se montent à 16 000 personnes, dont 10 000 militaires et 6 000 civils. La RGPP devrait entraîner une déflation de 520 postes, mais celle-ci ne touchera pas les hôpitaux.

La séance est levée à onze heures trente-cinq.

Membres présents ou excusés

Présents. – Mme Patricia Adam, M. Patrick Beaudouin, M. Jean-Claude Beaulieu, M. Jean-Louis Bernard, Mme Françoise Briand, M. Dominique Caillaud, M. Patrice Calméjane, M. Jean-Jacques Candelier, M. Laurent Cathala, M. Bernard Cazeneuve, M. François Cornut-Gentille, M. Nicolas Dhuicq, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. Philippe Folliot, M. Yves Fromion, M. Guillaume Garot, M. Franck Gilard, M. Christophe Guilloteau, M. Francis Hillmeyer, Mme Françoise Hostalier, M. Marc Joulaud, M. Jacques Lamblin, Mme Marguerite Lamour, M. Gilbert Le Bris, M. Michel Lezeau, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Étienne Mourrut, M. Alain Moyne-Bressand, M. Philippe Nauche, M. Daniel Poulou, Mme Sophie Primas, M. Michel Sainte-Marie, M. Jean-Pierre Soisson, M. Guy Teissier, M. Marc Vampa, M. Yves Vandewalle, M. Jean-Claude Viollet.

Excusés. – M. Daniel Boisserie, M. Gérard Charasse, M. Bernard Deflesselles, M. Pierre Frogier, M. Jack Lang, Mme Marylise Lebranchu, M. Alain Marty, M. Jean Michel, Mme Françoise Olivier-Coupeau, M. Bruno Sandras, M. André Wojciechowski.

——fpfp——