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Commission de la défense nationale et des forces armées

Mercredi 6 octobre 2010

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 4

Présidence de M. Guy Teissier, Président

— Audition des représentants des syndicats des personnels civils de la défense sur le projet de loi de finances pour 2011 (n° 2824)

Audition des représentants des syndicats des personnels civils de la défense sur le projet de loi de finances pour 2011 (n° 2824)

La séance est ouverte à onze heures quarante.

M. le président Guy Teissier. Je souhaite la bienvenue aux représentants des syndicats des personnels civils de la défense. Je salue donc, pour la Fédération syndicaliste Force Ouvrière de la défense, des industries de l’armement et des secteurs assimilés, M. Gilles Goulm, secrétaire général, et M. Serge Guitard, secrétaire général adjoint ; pour l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA), M. Jean-Yves Placenti, délégué régional, expert budget UNSA-défense, et M. Dominique Duclos, membre fédéral UNSA-défense ; pour la Fédération nationale des travailleurs de l’État CGT, M. Hervé Baylac, membre du bureau fédéral, et M. Jean-Pierre Brat ; pour Défense CGC Fédération de l’encadrement civil de la défense (FECD), M. Roland Denis, secrétaire national filière administrative (défense) ; pour la Fédération CFTC des personnels civils du ministère de la défense, M. Patrick Douspis, président fédéral, et M. Alexandre Diemer, trésorier fédéral adjoint, et enfin pour la Fédération Établissements et arsenaux de l’État – CFDT, M. Luc Scappini, secrétaire général, et Mme Sophie Morin, secrétaire nationale.

Le projet de loi de finances pour 2011 s’avérant contraint, il a fallu opérer des choix que le ministre de la défense a détaillés hier devant notre commission. Nous souhaitons donc recueillir vos réactions.

M. Gilles Goulm, secrétaire général de la Fédération syndicaliste FO de la défense, des industries de l’armement et des secteurs assimilés. Nous vous remercions de nous recevoir et d’entendre nos observations sur le projet de budget du ministère de la défense pour 2011.

Tout d’abord, nous nous devons de dénoncer la minceur des éléments que nous a transmis le ministère de la défense. Alors que des dossiers relativement complets nous étaient auparavant remis par la direction des ressources humaines du ministère de la défense (DRH-MD), nous devons cette année nous contenter de cinq pages de présentation succincte. Plus la situation du ministère s’aggrave, plus nous sommes confrontés à des restrictions budgétaires et moins nous avons le sentiment d’être respectés et écoutés en tant que représentants des personnels civils.

Quoi qu’il en soit, nous pouvons d’ores et déjà mettre en évidence plusieurs éléments qui ne sont pas rassurants quant à la volonté du ministère de rééquilibrer les effectifs des militaires et des civils sur les fonctions de soutien. Bien que le ministre se soit engagé à respecter une répartition des suppressions d’emplois entre les militaires et les civils, à hauteur de 75 % pour les premiers et de 25 % pour les seconds, nous constatons, pour la deuxième année consécutive, que la part des emplois de personnels civils supprimés est de 30 % environ, et ce alors même que les effectifs civils sont passés de 145 000 à 72 000 personnels en douze ans.

Par ailleurs, alors que nous ne connaissons toujours pas les référentiels en organisation des bases de défense et que certaines informations en provenance des établissements ne sont pas de nature à lever nos craintes, nous pouvons estimer les effectifs de personnels civils autour de 70 000 en 2010. Compte tenu des réductions et du financement toujours inférieur au plafond d’emplois autorisé (PMEA), ils devraient se situer autour de 68 000 à la fin de l’année 2011. Il faudra nous expliquer comment, dans ces conditions, le ministère compte renforcer l’emploi de personnels civils dans les fonctions de soutien.

Si nous ne devions aborder que la question des postes à responsabilité au sein des bases de défense, nous dénoncerions le projet du ministère qui n’envisage de ne confier que sept postes à des civils sur les 102 postes de chef ou adjoint de groupement de soutien des 51 bases de défense ; nous devrions remercier le ministère d’une telle générosité ?

Comment, dans ce contexte, ne pas aborder la question cruciale de l’externalisation ? À plusieurs reprises, nous avons marqué fermement notre opposition aux mesures d’externalisation qui ont pour seul but de supprimer de l’emploi public et qui rajouteront des milliers de suppressions d’emplois aux 54 000 déjà prévues par le plan en cours.

Sur le projet RHL-l (restauration, hébergement, loisirs), concernant huit sites, nous avons pu démontrer au ministère de la défense que les économies réalisées ne seront pas au rendez-vous alors même que le ministre ne manque de rappeler qu’elles conditionnent sa décision. En effet, et sans entrer dans les détails du dossier, nous avons apporté la preuve qu’une régie civilianisée et optimisée coûtait environ 5 millions d’euros de moins qu’une prestation externalisée.

Le ministre s’apprête pourtant à valider la mesure d’externalisation, donnant raison à certains membres de son cabinet pour lesquels l’externalisation est un dogme. Contrairement à ce que l’on entend en ce moment, l’irresponsabilité et les positions dogmatiques ne se trouvent pas toujours du même côté !

À ce sujet, nous portons à votre connaissance le point du rapport de la mission partenariat public-privé du ministère, où il est précisé que les personnels militaires sont disponibles sur leur poste de travail 1 000 heures sur 1 600, compte tenu des contraintes de leur statut (sport, tours de services, etc.). Cela n’est pas une critique gratuite, mais seulement la confirmation de ce que dit Force Ouvrière depuis des années. Nous laissons cela à votre sagacité. Puisque le ministère de la défense en fait état, il n’y a pas de raison de ne pas se saisir de tels éléments pour engager une vraie politique de civilianisation, susceptible de réaliser des gains importants pour la nation.

Le projet de budget pour 2011 présente une augmentation relativement importante de la part allouée aux mesures catégorielles, ce dont nous pourrions nous réjouir si nous faisions preuve d’une naïveté déconcertante. Mais comment peut-on décemment nous présenter ces chiffres comme une avancée sans précédent pour les personnels civils alors que, dans le même temps, il est décidé de geler les traitements des fonctionnaires et de suspendre les décrets salariaux des ouvriers de l’État ?

En d’autres termes, ce sont les personnels civils qui financent leurs mesures catégorielles d’autant plus que les efforts du ministère sont inférieurs à l’économie de 30 millions d’euros dégagée par le gel des salaires. Je vous engage à rapprocher ces chiffres de ceux de 2010, lorsque 25 millions d’euros supplémentaires étaient consacrés à la revalorisation de la condition des personnels militaires, ce qui s’est traduit par une augmentation de la solde mensuelle des capitaines de l’ordre de 350 euros.

Nous ne remettons pas en cause les mesures en faveur des militaires, mais nous ne voyons pas pourquoi ce qui est possible pour une composante de ce ministère ne le serait pas pour l’autre.

À ce titre, nous ne pouvons passer sous silence la future suspension des décrets salariaux des ouvriers de l’État, socle de leur statut. Alors que le climat dans les établissements se durcit face aux difficultés croissantes liées aux restructurations, le ministère de la défense prenant à sa seule charge la moitié de l’effort de la révision générale des politiques publiques (RGPP) en la matière ; alors que les inquiétudes sur les retraites sont palpables, ce ministère prend le risque d’en rajouter en touchant à l’un des acquis sociaux auxquels les personnels sont le plus attachés. Force Ouvrière rejette cette décision et mettra tout en œuvre pour faire échec à cette attaque supplémentaire envers les personnels civils, plus particulièrement envers les ouvriers de l’État.

Nous avons brossé en quelques traits les grands sujets que nous souhaitions aborder. Force Ouvrière est une organisation viscéralement attachée aux principes républicains, comme, nous en sommes persuadés, vous toutes et tous qui nous écoutez. Nous ne sommes ni des opposants politiques ni des co-décideurs de la politique de défense de la France. C’est en vertu de ces principes que nous vous demandons de prendre en compte nos observations.

M. Luc Scappini, secrétaire général de la Fédération Établissements et arsenaux de l’État-CFDT. Si la CFDT reconnaît la nécessité d’un redressement des comptes publics de notre pays, elle regrette que cela ne soit pas l’occasion de revoir en profondeur la fiscalité française, pour la rendre plus juste, plus solidaire et plus efficace ; cet exercice devrait permettre un vrai débat de société sur la protection sociale, les missions de l’État et des services publics. La CFDT, favorable à une modernisation des services publics, est en désaccord avec une RGPP à visée comptable.

La réduction des emplois publics continue avec le budget pour 2011. Le gel du traitement des fonctionnaires se poursuit pendant qu’une autre mesure, la suspension du bordereau des ouvriers de l’État, vise particulièrement le ministère de la défense. Cette politique de rigueur budgétaire, qui touche directement le pouvoir d’achat des agents de l’État, s’ajoute aux restructurations et rend plus difficiles encore leurs conditions de vie au travail.

Pour la CFDT, les choix actuels du Gouvernement sont contestables : maintien du bouclier fiscal, désormais indéfendable dans cette période de rigueur, maintien des exonérations sociales sur les heures supplémentaires quand la priorité devrait être donnée à la création de nouveaux emplois. Les crédits d’impôt pour améliorer l’habitat sont réduits alors que des niches contestables sur les plans social, économique et environnemental sont maintenues. La hausse des primes d’assurances et de mutuelles, l’abaissement des remboursements des vignettes bleues et la hausse du ticket modérateur à l’hôpital réduisent encore le caractère universel de l’assurance maladie.

Je voudrais également évoquer la mobilisation des salariés des secteurs privé et public dans le cadre du dossier des retraites : au-delà de la bataille des chiffres, elle va croissant depuis la rentrée et une majorité des Français se prononcent pour une autre réforme. L’attitude du Gouvernement, qui fait la sourde oreille et refuse de rouvrir la négociation, s’apparente à une forme de mépris. Un passage en force sur ce sujet qui engage l’ensemble des acteurs de la société ne pourrait qu’encourager une politisation du dossier et des comportements extrêmes, alors que jusqu’à aujourd’hui le mouvement syndical a revendiqué et manifesté de façon démocratique, digne et responsable.

Au-delà du désaccord de fond sur cette réforme essentiellement paramétrique, la CFDT souligne l’incohérence et la hâte qui caractérisent diverses mesures, notamment le passage de 65 à 67 ans pour le départ à la retraite à taux plein, dont l’entrée en vigueur n’est prévue qu’en 2016, soit six ans après le vote de la loi. Par ailleurs, le Gouvernement semble avoir découvert récemment les problèmes liés aux retraites des femmes, des handicapés, des personnes polypensionnées, des personnes ayant connu des carrières longues ou la pénibilité au travail. À l’évidence, ces nombreux points nécessitent de retravailler la réforme des retraites et invitent à son report.

La nécessité d’une pause se fait également ressentir pour la défense, après les restructurations engagées depuis les conclusions du Livre blanc et la démarche de la RGPP. Les salariés du ministère, de DCNS, de Nexter et de l’IGeSA sont déstabilisés par des réorganisations ou des plans sociaux qui ne disent pas leur nom.

Sans entrer dans le débat de l’approche différente de la CFDT sur la modernisation nécessaire de l’outil de défense, force est de constater que l’exercice est devenu impossible, ne serait-ce que pour des raisons financières. En amont de cette nouvelle vague de restructurations, le ministre avait annoncé que l’accompagnement social serait à la hauteur, que les missions de la défense seraient préservées et que le dialogue social, capital dans cette tourmente, serait de qualité. Or il en va autrement depuis plus de deux ans : nous répétons ici que les conclusions des auditeurs RGPP et celles du Livre blanc sont en contradiction.

La communauté de la défense, civile et militaire, a été mise en concurrence et transforme la conduite du changement en une politique du « sauve-qui-peut ». Les fermetures et les réorganisations conduisant à un engorgement des voies de reclassement, chacun, civil ou militaire, fait de son mieux, sans égard pour la solidarité d’usage.

L’heure n’est plus aux propos raisonnables ; si le ministère s’obstine à appliquer les méthodes actuelles, les résultats seront catastrophiques et les conséquences dramatiques, pour la communauté comme pour l’outil de défense.

Le projet de loi de finances ne peut que confirmer ces craintes : assurément, conduire la loi de programmation militaire 2009-2014 sera mission impossible, aussi bien pour les programmes majeurs, puisque les étalements ont été tirés à leur maximum, que pour les restructurations en cours, avec des recettes exceptionnelles qui ne seront pas, une fois de plus, au rendez-vous.

La CFDT, qui n’est pas coutumière de la politique de la chaise vide, est contrainte de l’observer depuis plusieurs mois. Après les restructurations et les réorganisations, la volonté du ministre d’externaliser s’est traduite, quoi qu’il en dise, par un passage en force. L’expérimentation RHL-1 sera engagée en 2011. Or la concertation s’est apparentée à quelques réunions d’information, sans que le projet bouge d’un iota, histoire de dire que les syndicats étaient associés. Cela s’est fait sans la CFDT.

Les organisations syndicales ont d’autres propositions et contestent l’étude comparative, adoubée par un cabinet d’expertise déclaré indépendant par le seul donneur d’ordre. Il semblerait qu’il y ait quelques changements d’attitude ces derniers jours : à présent, le ministre se déclare sensible aux arguments des organisations syndicales et souhaite engager une nouvelle concertation, avant d’en venir à une externalisation à l’échelle des bases de défense. Toutefois, il a déjà été décidé d’externaliser dans le cadre de RHL-1, sans attendre l’expérimentation en régie rationalisée, qui doit être examinée cette semaine avec les organisations syndicales. Vous comprendrez que la CFDT reste réservée sur la volonté ministérielle d’éviter une démarche dogmatique sur les externalisations.

La CFDT souhaite une pause, pour ne pas dire un moratoire, afin d’engager un débat de fond sur la mission « Défense », confrontée aux effets de la crise et à une Europe de la défense en panne.

Sur cette dernière question, la démarche consistant à créer des champions nationaux avant de passer à l’étape européenne s’est traduite par des replis nationaux ; elle pourrait constituer un piège fatal. La CFDT plaide en faveur de la relance d’une véritable politique industrielle européenne, dans laquelle les groupes nationaux DCNS ou Nexter peuvent encore jouer un rôle.

Face à l’absence de démarche concertée au niveau européen et à l’inexistence de nouveaux programmes structurants, les groupes industriels pourraient se trouver fragilisés et faire les frais d’appétits extra-européens, comme c’est déjà le cas en Espagne pour l’armement terrestre, ou en Allemagne pour l’industrie navale.

Sachez que la CFDT, qui milite habituellement pour le dialogue et l’action constructive, est désormais engagée dans un rapport de force et restera mobilisée tant que la politique de conduite du changement au ministère de la défense et dans les entreprises sous sa tutelle demeurera celle que nous connaissons aujourd’hui.

M. Hervé Baylac, membre du bureau fédéral de la Fédération nationale des travailleurs de l’État-CGT. Dans cette période de grandes tensions sociales et de fortes mobilisations, le Gouvernement a présenté la semaine dernière le projet de budget de la défense.

Le mécontentement qui s’exprime au sein des établissements du ministère et des sociétés nationales est de la même ampleur que les manifestations contre le projet injuste de réforme des retraites. À ce sujet, il semble que certains d’entre vous soient plus à l’aise dans les salons feutrés de l’Assemblée nationale que dans leurs circonscriptions, au contact des salariés et des citoyens.

Mesdames et messieurs les députés de la majorité, nous ne pouvons taire votre comportement lors de l’examen du projet de réforme des retraites. Celui-ci, comme celui du président de l’Assemblée nationale, au-delà de son aspect anti-démocratique, révèle votre fragilité et votre incapacité à vous extraire du carcan imposé par le Président de la République. Ne prenez pas les salariés pour ce qu’ils ne sont pas ! Écoutez ce que la rue exprime aujourd’hui et prenez en compte ce qu’elle sanctionnera demain !

Depuis hier, vos collègues sénateurs examinent à leur tour ce projet de loi. Ce ne sont pas les propos tenus par le ministre du travail au soir de la manifestation de samedi qui calmeront les citoyens. Au-delà de la réforme des retraites, c’est toute la politique destructrice menée par le Président de la République, son gouvernement et la majorité parlementaire qui est rejetée. Jamais un Président de la République n’a fait autant l’unanimité contre lui !

Le projet de budget de la défense pour 2011 présenté, pour sa partie « sociale », aux fédérations syndicales vendredi dernier, est dans la lignée de votre politique anti-sociale, destructrice d’hommes et de femmes. S’appuyant sur des recettes virtuelles, il vise encore la suppression de 8 250 emplois, dont 2 051 emplois de personnels civils.

Derrière ces chiffres, ce sont des questions politiques de fond qui sont posées : quel avenir pour la défense nationale et ses missions régaliennes ? Quelles conséquences économiques sur les bassins d’emploi, où des sites ferment et des centaines, voire des milliers d’emplois, sont supprimés ? Quelles conséquences sur le maintien des savoir-faire et sur le développement technologique ?

Toutes ces mesures dévastatrices ont un impact direct sur ce qui fait la richesse de notre pays.

La réduction du nombre d’emplois au sein du ministère de la défense, comme dans tous les ministères, signifie la suppression d’emplois indirects, conduit à la désertification de nombreuses villes et régions, entraîne la baisse des ressources financières pour les communes, les territoires et les caisses de protection sociale et de retraite. La réduction du nombre d’emplois dans les sociétés nationales affaiblit notre industrie, alors que le Président de la République affirmait il y a encore quelques mois que la France devait garantir son tissu industriel.

Vous allez être amenés à vous prononcer sur un projet de budget porteur, une nouvelle fois, de milliers de suppressions d’emplois et du gel des salaires, tant pour les fonctionnaires que pour les ouvriers de l’État. Dans le même temps, ce projet de budget démontre que la casse de l’outil de défense, les restructurations et la suppression de milliers d’emplois coûtent très cher à la nation.

Les sommes allouées aux restructurations ont doublé entre le budget de 2010 et le projet de budget pour 2011 et les sommes versées à Pôle Emploi ont triplé. Les sommes consacrées à la dissuasion nucléaire représentent en revanche plus de 20 % des crédits d’équipement. Ajoutons à cela les crédits en constante augmentation pour les opérations extérieures (OPEX), sans oublier le coût, pour les citoyens, de la réintégration de la France dans le commandement intégré de l’OTAN. Face à la dégradation de l’outil de défense, le ministère entend militariser les personnels civils et ceux de certaines sociétés nationales pour les envoyer en OPEX, en lieu et place des militaires. La CGT refuse catégoriquement cette orientation.

Comment oseriez-vous voter un tel budget qui condamnera des milliers de familles ? Comment oseriez-vous voter un budget qui devrait, conformément aux dispositions de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), être plus transparent, mais qui est plus que jamais opaque ?

Oui, ce projet de budget est mensonger, car les chiffres ne correspondent pas à la réalité ! Les externalisations, porteuses de suppressions d’emplois stables et statutaires pour faire place à la précarité et aux bas salaires, ont commencé. Il n’en est pas fait état dans la présentation qui nous a été remise. Sur quelles lignes budgétaires seront-elles imputées ?

Le projet de budget pour 2011 prévoit en façade médiatique 70 591 personnels civils. Or les sommes consacrées à la masse salariale des personnels civils que vous allez être appelés à voter ne permettront de financer que 68 000 emplois. Comment comptez-vous expliquer votre vote aux salariés travaillant dans vos circonscriptions ?

Vous allez être également amenés à voter le gel des salaires des fonctionnaires et, pour la première fois depuis des décennies, la suspension du bordereau des ouvriers de l’État, dans un contexte de baisse générale du pouvoir d’achat des salariés.

Et que dire de la part consacrée aux équipements, déjà en baisse entre 2009 et 2010, qui se voit encore réduite de plus d’un milliard en 2011 ? Quelles en seront les incidences sur les plans de charge des sociétés nationales ?

Nexter est en train de consommer dangereusement son carnet de commandes et de nombreuses lignes de produits, comme les AMX10 ou les canons Caesar et 105 LG, arrivent au terme des livraisons sans qu’aucun nouveau programme ne vienne conforter les plans de charge futurs.


Dans le même temps, les manœuvres de recomposition du paysage industriel en France et en Europe semblent se dérouler dans le plus grand secret, sans que les représentants des personnels, pas plus que leurs représentants dans les conseils d’administration, en soient informés, de près ou de loin.

Le seul programme de fabrication structurant qui restera dans les prochaines semaines est celui du véhicule blindé de combat d’infanterie (VBCI), dont les livraisons sont prévues jusqu’en 2014. Les rumeurs portant sur un possible étalement du programme alimentent l’inquiétude chez les salariés, dont les questions sont nombreuses : quid des programmes EBRC et VBMR, présentés comme les seuls programmes de matériels permettant d’assurer l’avenir de Nexter ? Pourra-t-on compter demain sur la deuxième tranche attendue du programme Caesar ? Comment ne pas s’étonner de l’absence de référence au programme Scorpion, pourtant structurant pour l’avenir ? Que cachent tous ces non-dits ? Les économies demandées ne vont-elles pas affecter gravement les programmes de maintien en condition opérationnelle (MCO) ?

L’État entend-il conforter l’industrie d’armement terrestre ou baissera-t-il pavillon devant les intérêts de quelques grands groupes multinationaux, au nom d’une soi-disant libre concurrence qui n’a pas lieu d’être dans le domaine réservé de la défense ?

Quant au secteur munitionnaire, après les pertes de capacités dans le domaine du petit calibre et l’éclatement de la SNPE, dont l’État vient de se désengager totalement, c’est bien la filière complète qui est en danger. Chacun sait d’ailleurs ce que nos renoncements en matière de munitions de petits calibres coûtent aujourd’hui, notamment en termes de sécurité pour nos soldats. La France disposera-t-elle demain d’un potentiel d’approvisionnement en poudres et en explosifs ? Par ailleurs, aucune commande pluriannuelle de munitions de gros calibres n’apparaît dans ce budget, alors qu’elle est vitale pour le devenir de l’outil industriel.

Cette réalité pousse les industriels à orienter exclusivement leur stratégie vers l’export, avec les conséquences que cela comporte en termes de transferts de technologies et d’emplois. Aujourd’hui, la quasi-totalité des prospects à l’export est assortie de délocalisations de fabrications, bien souvent avec l’installation d’usines clés en main à la demande de l’État acheteur. N’est-ce pas le cas pour les programmes VBCI en Espagne ou au Canada ? N’est-ce pas ce qui s’est passé avec le Caesar en Arabie saoudite ?

Certes, Nexter réalise un important chiffre d’affaires, mais quelles seront demain les conséquences de ses transferts de technologies sur l’emploi ? Que fera-t-on dans nos sites de fabrication si les commandes budgétaires demeurent en l’état ? Le projet de budget pour 2011, entaché par les coupes budgétaires, risque de remettre en cause des lignes de commandes attendues et, du même coup, l’emploi au sein de Nexter, de ses filiales, voire de ses sous-traitants.

Quelles seront les conséquences sur les programmes de MCO, que ce soit pour les établissements étatiques ou les sociétés nationales ? Les manques criants de recomplètement capacitaire mettent chaque jour davantage en difficulté ces établissements. En maintenant notamment l’interdiction d’embauche d’ouvriers de l’État, vous faites le jeu de vos proches amis de l’industrie privée. Derrière les affirmations de maintien de l’effort de défense, c’est à une manipulation des budgets que nous assistons : le risque est fort d’affaiblir encore un peu plus les capacités nationales de défense et, partant, notre indépendance et notre souveraineté.

Il s’agit d’un budget virtuel et mensonger : mesdames et messieurs les députés de la majorité présidentielle, vous avez voté une loi de programmation militaire qui, depuis sa promulgation, ne cesse d’être adaptée aux aléas budgétaires et qui, à n’en pas douter, ne sera pas plus respectée que les précédentes.

Elle intégrait en particulier des recettes nouvelles, notamment grâce à la vente du patrimoine national et prenait en compte des économies générées par la vente à l’export de matériel comme le Rafale. L’échec de la commercialisation de cet appareil va entraîner le report de la rénovation des Mirage 2000D et repoussera la mise en œuvre de certaines composantes du programme Scorpion de modernisation des forces terrestres. Ce choix, qui permet certes de garantir l’entretien de la chaîne d’intégration du Rafale, met en difficulté l’intégralité du secteur terrestre.

Mesdames et messieurs les députés de la majorité, la CGT condamne la façon dont vous jouez avec les deniers publics et la vie des salariés. Nous revendiquons d’autres choix, répondant aux besoins du pays et des citoyens. Depuis des années, la CGT propose la constitution d’un pôle public national de défense, contrôlé par la représentation nationale, regroupant l’ensemble des acteurs, quel que soit leur statut, pour préserver les compétences nationales et garantir notre indépendance et notre souveraineté.

La CGT n’entend pas subir : elle a des propositions à faire pour protéger l’emploi et les capacités industrielles. La question de la diversification doit être abordée autrement, par exemple avec l’émergence d’une filière de déconstruction des matériels. Il y a là un gisement important d’emplois qui peut permettre de préserver les compétences, d’utiliser intelligemment la dualité des technologies pour satisfaire des besoins civils et d’agir pour le développement durable. N’est-il pas de la responsabilité de votre commission de prendre en considération cette proposition ?

Mesdames et messieurs les députés de la majorité, si le budget pour 2011 était voté en l’état, il satisferait, comme les précédents, vos amis du CAC 40 et autres industriels privés, avides de plus de profits et pourvoyeurs de précarité ; il participerait aussi à l’affaiblissement de nos capacités de défense et de notre outil industriel.

Le mouvement social grandissant vous rappelle que vous êtes garants du quotidien de vos concitoyens et des deniers publics. Persévérer dans la voie choisie par le Président de la République et par son gouvernement provoquerait des mobilisations dépassant, comme c’est de plus en plus le cas, le seul cadre des retraites.

La CGT fera tout pour que vous, vos amis sénateurs et votre mentor Nicolas Sarkozy adoptiez un autre cap que celui du dédain du monde du travail !

M. le président Guy Teissier. Je tiens à vous faire observer que M. Nicolas Sarkozy est le Président de la République ; en faisant mine de l’oublier vous ne faites pas preuve d’esprit démocratique.

M. Jean-Yves Placenti, délégué régional, expert pour le budget de l’UNSA-Défense. Les années se suivent et, hélas, se ressemblent. Les idées qui sont échangées ici restent dans ce cénacle, sans que le ministère de la défense daigne y donner la moindre suite.

Il est vrai que le budget pour 2011 est élaboré dans un contexte particulier. À lire le propos introductif du ministre, on a plus l’impression de prendre connaissance d’un testament que d’un programme. Que l’accent soit mis sur l’opération Balard plus que sur les évolutions opérationnelles, organisationnelles ou sociales est très significatif

Autre caractéristique de ce contexte lourd : il n’est pas certain que l’exécution de 2010 présente une quelconque adéquation avec le projet annuel de performance. La mise en œuvre chaotique de Chorus, liée aux conséquences désastreuses des réorganisations, fusions, absorptions, éclatements et autres mutualisations, laisse entrevoir un volet d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement sans emploi sans précédent. Quand Bercy et Brienne se liguent, le budget n’est plus qu’un exercice de style !

Nous sommes devant un budget de rigueur, un budget qui renvoie encore une fois à une diminution des effectifs. C’est un choix politique, mais un choix qui devrait être assumé car il n’est pas sans conséquences sur le fonctionnement et sur les relations entre les différentes catégories de personnels.

Le ministère de la défense cultive son atypisme en ce domaine. Il ne viendrait pas à l’idée au ministère de l’éducation nationale de mettre en concurrence sur les mêmes postes des enseignants et des intendants. Notre ministère préfère faire jouer une « saine concurrence » entre les statuts et les fonctions. Si cela peut être éventuellement acceptable en période d’expansion, vous comprendrez aisément qu’avec une réduction de 8 250 postes en 2011 les corporatismes s’exacerbent.

Le mélange des statuts sur une même fonction n’est pas de nature à assurer la sérénité, ne serait-ce que parce que les rémunérations, les obligations et la reconnaissance sont différentes. En outre, chacun sait bien qu’en dépit des déclarations sur les fonctions de soutien, certains personnels sont toujours plus égaux que d’autres, et ce pour des raisons avouables ou inavouables. Il suffit de consulter les projets d’armement des postes de responsable de base de défense ou de groupement de soutien des bases de défense (GSBdD) pour s’en convaincre.

S’il a la volonté de réaliser des économies sans obérer ses capacités, il est grand temps que le ministère se demande quelles catégories de personnels doivent occuper quelles fonctions. Il ne doit plus se cacher derrière les fonctions de soutien projetables, mais engager une discussion franche, argumentée et sincère sur ce sujet. S’agissant de l’encadrement supérieur des bases de défense, par exemple, il est possible d’économiser 1 million d’euros par an en remplaçant des officiers supérieurs par des cadres civils de niveau équivalent. Un tel constat est valable pour toutes les autres fonctions de soutien, comme nous le répétons depuis bientôt quinze ans.

Évidemment, pour régler la question des soutiens, il était tentant de recourir à l’externalisation. L’UNSA considère que la chose est actée ; le dispositif réglementaire est d’ailleurs prêt. Nous aimerions que le ministère assume ses choix, n’arrange pas ses simulations et cesse de nous prendre pour les crédules de service. Entre les différents scénarios, nous n’avons pas les mêmes données initiales. Vous l’avouerez, cela est de nature à donner des résultats légèrement tendancieux.

À titre d’exemple, j’évoquerai la fonction RHL. Entre un scénario de civilianisation de l’ensemble des postes, la présence de militaires sur ces fonctions ne nous paraissant pas indispensable, et un scénario d’externalisation totale, la simulation ministérielle donne une économie en faveur de ce dernier de l’ordre de 20 %. Tout est mis en œuvre pour démontrer que l’externalisation est moins coûteuse.

Analysons en détail les hypothèses de départ. Bizarrement, les approvisionnements sont valorisés à un montant inférieur à 10 % dans le scénario d’externalisation. En ce qui concerne les frais de personnel, la projection d’une solution interne repose sur l’hypothèse de postes tenus par les seuls ouvriers de l’État. Or la réalité est bien différente, le recrutement des ouvriers d’État étant arrêté depuis 2001 ; aujourd’hui, la majorité des personnels civils sont des fonctionnaires de catégorie C. Est-ce à dire que le recrutement des ouvriers de l’État sur ces fonctions va de nouveau être à l’ordre du jour ? Pour l’UNSA, ce serait une bonne nouvelle, si l’époque n’était pas à la baisse des effectifs et à la suspension des décrets salariaux.

Pour étayer notre propos, rappelons que le gain estimé de la civilianisation, c’est-à-dire le surcoût des pensions des postes militaires, est de 1,42 million d’euros dans la seule fonction RHL. Enfin, l’état-major des armées estime que ses besoins en cas de projection s’élèvent à 5 120 militaires, surcoût imputé au scénario de civilianisation, mais pas à celui d’externalisation. Tout cela nous fait penser à une adaptation des résultats, à l’image de celles qui sont organisées par les grands syndics de l’immobilier qui présentent à leurs copropriétaires le coût exorbitant d’un gardien d’immeuble pour mettre en avant une société de maintenance qui remplira des services bien moindres mais dont ils sont actionnaires.

Le ministère s’est assuré, bien sûr, de l’assistance d’un cabinet ayant pignon sur rue, ce qui a représenté une dépense de 8 millions d’euros. Cela n’est pas sans nous rappeler l’épisode de la privatisation de DCN, lorsqu’un célèbre cabinet d’audit avait envoyé dans l’entreprise des hordes de stagiaires tout juste sortis de leur école de commerce pour expliquer comment il fallait travailler. DCNS s’en remet petit à petit ; d’autres ont eu moins de chance et ont disparu dans des faillites retentissantes.

Le ministre, au travers de ces exemples, perd toute crédibilité à l’endroit de la nation, mais aussi de ses agents, civils comme militaires. Personne n’est dupe, ni enclin à partager une vision néolibérale selon laquelle le destin des armes de la France reposerait sur des entreprises à vocation avant tout commerciale. Le ministère doit assumer ses choix politiques et ne pas se retrancher derrière des simulations hasardeuses. À l’UNSA-défense, nous pouvons comprendre que la politique conduite tire sa légitimité des urnes ; répond-elle pour autant, avec les éléments de langage qui l’accompagnent, aux attentes des électeurs ?

S’agissant des approvisionnements d’équipements, les personnels du service de la qualité sont de plus en plus frustrés. Les matériels fournis font l’objet d’une surveillance assez éloignée de ce qu’elle devrait être et qui ne permet pas de garantir efficacement la sécurité de l’utilisateur, la fiabilité et la disponibilité opérationnelle du matériel. Si la sécurité d’un militaire en opération n’est pas chiffrable, la disponibilité opérationnelle a un coût qu’il faudra estimer. Sans doute faudra-t-il se poser la question d’une véritable assurance de la qualité du produit acheté, permettant de réaliser des économies dans son exploitation et sa maintenance.

En ce qui concerne l’industrie de l’armement, nous assistons à des feuilletons à rebondissement : avec la vente des Mistral russes pour STX, des Rafale aux Émirats arabes unis et au Brésil pour Dassault, des frégates bulgares pour DCNS et avec l’A400M pour Airbus. Quand l’un de ces programmes aboutira-t-il ? Les bassins d’emploi sont plongés dans une attente anxieuse, comme à Saint-Nazaire, qui attend la commande des Mistral mais aussi l’A400M, alors que le site est également retenu pour expérimenter les contrats de transition professionnelle propres aux bassins en difficulté.

Soulignons un paradoxe : alors que nos compétiteurs les plus importants, c'est-à-dire l’Allemagne, l’Italie, le Royaume-Uni et surtout les États-Unis, soutiennent leur industrie de défense par des contrats suffisamment margés, l’État français siphonne en tant qu’actionnaire l’essentiel des dividendes de DCNS, soit plus de 600 millions d’euros depuis 2005, tout en imposant des marges quasi-nulles sur des contrats majeurs comme les FREMM et les Barracuda et, demain, sur le programme M51. Comment un industriel peut-il survivre si son principal client, qui est aussi son actionnaire majoritaire et l’employeur de la moitié de ses personnels, continue à le pressurer de la sorte ? L’UNSA s’est déjà exprimée à ce sujet devant le Président de la République le 4 mai dernier à Lorient.

Nous craignons également les effets du rapprochement de la police et de la gendarmerie, qu’émaillent maints soucis de personnels, causés notamment par la mise en place de comités techniques paritaires (CTP) communs entre les préfectures, la police et la gendarmerie. L’UNSA, syndicat républicain, s’inquiète de la modification des missions de la gendarmerie, sujet sur lequel nous sommes déjà intervenus. Nous ne souhaitons pas la mise en place d’une police militaire et pourrions d’ailleurs faire nôtres les propos tenus par le député Jean-Claude Viollet à ce sujet.

J’aimerais conclure en remerciant le président et les membres de cette commission d’avoir relayé l’une de nos revendications concernant les techniciens supérieurs d’études et de fabrication. Il s’agit d’une lutte que nous avons engagée depuis plus de trente ans afin de donner à ces agents la reconnaissance qu’ils méritent.

M. Patrick Douspis, président fédéral de la Fédération CFTC des personnels civils du ministère de la défense. Permettez-nous tout d’abord de saluer la mémoire des soldats morts depuis notre dernière réunion budgétaire le 7 octobre 2009.

Notre fédération était présente aux troisièmes rencontres de la modernisation de la défense, jeudi 30 septembre, organisées par le secrétariat général pour l’administration, l’état-major des armées et la mission pour la coordination de la réforme. Le chef d’état-major des armées a confirmé d’emblée, devant les cadres civils et militaires du ministère, que nous assistons « à la réforme la plus importante depuis la fin de la guerre d’Algérie ».

Un bon nombre des cadres présents avaient été préalablement sondés. Des résultats de l’enquête, il ressort que 54 % d’entre eux adhèrent à la réforme et que, preuve de leur implication personnelle, 77 % sont dans les starting-blocks ; 57 % estiment que le rapport efficacité/efficience est positif et 53 % pensent que la mise en œuvre de la réforme est difficile alors que ce taux n’atteint que 40 % en moyenne au sein de l’État. Enfin, s’agissant de leur perception de l’adhésion des personnels, ils sont 63 % à la considérer comme positive. Toutefois, une proportion non négligeable des cadres signale la dégradation des conditions de travail, la déstabilisation liée au changement et le manque de visibilité. Avec de tels sondages, il n’est pas étonnant que notre ministère soit l’un des meilleurs élèves de la classe « RGPP et réformes de tout acabit » !

Nous allons nous efforcer de croiser l’avis citoyen avec l’avis du syndicaliste sur certains aspects de ces multiples réformes, à la suite de la lecture détaillée des deux dossiers de presse du projet de loi de finances pour 2011, l’un consacré au ministère de la défense, l’autre au secrétariat d’État aux anciens combattants. Il s’agit d’un budget au régime sec, en très faible augmentation après le vent de la crise financière et en légère réduction par rapport à la loi de programmation militaire 2009-2014.

Avec 88 % de bonnes opinions, les armées affichent leur meilleur score chez nos concitoyens depuis 1997, ce dont nous nous félicitons. Mais cette image est ternie par l’existence de très grands risques psychosociaux, et un certain nombre de suicides, que la plaquette n’évoque même pas dans son chapitre III intitulé « Les femmes et les hommes au cœur de la défense » !

Les réformes que vous avez votées sont à l’origine de beaucoup de souffrances au travail et dans les foyers des personnels civils et militaires. Le plan d’accompagnement social des restructurations ne résout pas tout ; le secrétariat d’État à la fonction publique et la DRH-MD l’ont enfin compris : 7 syndicats sur 8 de la fonction publique ont signé le 20 novembre 2009 le protocole d’accord sur la santé et la sécurité au travail qui comporte une action dédiée à l’évaluation et à la prévention de ces trop fameux risques psychosociaux. La DRH-MD, quant à elle, vient d’édicter tardivement une note-cadre sur la prévention des risques psychosociaux, notamment ceux liés aux restructurations.

Jamais dans ces deux fascicules budgétaires le mot « rationalisation » n’a été si souvent écrit ! Le citoyen peut se réjouir qu’un ministère fasse des économies, s’organise mieux et travaille donc mieux. On nous dit même que les crédits consacrés à l’amélioration de la condition du personnel civil sont portés de 15 à 25 millions d’euros. Nous remercions en cela le ministre qui tient un engagement pris lors de l’ouverture en février des négociations sur la valorisation de la mobilité. Mais c’est sans compter ce que M. Éric Woerth a annoncé le 1er juillet devant l’ensemble des organisations syndicales de la fonction publique à savoir un gel des traitements en 2011 et un probable rendez-vous salarial en 2012 et en 2013 !

Comme vous le savez, les organisations ont relayé la colère des agents publics dans un contexte de perte de pouvoir d’achat, d’aggravation des conditions de travail, de suppressions massives d’emplois et de réforme des retraites. Elles ont refusé que les salariés du public, comme du privé, paient le prix fort d’une crise dont ils ne sont pas responsables. Le ministre de la fonction publique s’est contenté de confirmer l’augmentation de 0,5 % au 1er juillet. Dans la foulée, en plein été, le ministre de la défense a annoncé le gel des salaires des ouvriers de l’État au 1er janvier 2011, leur imposant aussi de participer à l’effort global alors même qu’ils bénéficient d’une augmentation trimestrielle du bordereau le 1er octobre à hauteur de 0,51 %.

En bon élève, la défense a même de l’avance dans les déflations, ce qu’ont d’ailleurs confirmé MM. Cazeneuve et Cornut-Gentille dans leur rapport d’information sur la mise en œuvre et le suivi de la réorganisation du ministère de la défense. Le budget 2011 affiche ainsi 33 % d’effectifs civils déflatés au lieu des 25 % annoncés initialement. Et l’on nous dit que la suppression de 10 000 à 16 000 postes civils et militaires liée aux externalisations serait traitée en gestion le moment venu !

À la page 29 du fascicule, une réflexion nous a surpris. Pouvez-vous expliquer comment la RGPP, en plus du Livre blanc, conduit à une évolution significative des dispositifs pré-positionnés en Afrique ?

Le ministère et le secrétariat d’État veulent tous deux atteindre un effectif de 37 270 réservistes opérationnels avec une activité moyenne de vingt-deux jours à la fin de 2011. Nous avons tous dénoncé le fait que la dimension opérationnelle de leur emploi se limite encore trop souvent à occuper des postes d’administration générale et de soutien commun, normalement dédiés aux personnels civils, alors que le Livre blanc le déconseille expressément !

En ce qui concerne la manœuvre « ressources humaines », nous regrettons que vous n’ayez pas entendu notre proposition de défiscaliser aussi les indemnités de départ volontaire des agents fonctionnaires et contractuels, alors que vous aviez voté cette mesure pour nos collègues ouvriers de l’État et pour les personnels militaires. Notons, en matière de restructurations, le manque de solidarité de certains ministères et des fonctions publiques territoriale et hospitalière lorsqu’il s’agit de reclasser une ressource humaine compétente de la défense. Il convient, d’ailleurs, de s’interroger sur le zéro pointé en reclassement de la fonction publique hospitalière.

Dans cette période difficile, les avancées statutaires au bénéfice des personnels civils doivent être mises en œuvre dans les meilleurs délais. Pour exemple, les aides-soignants et les agents hospitaliers de santé publique bénéficient, à juste titre, de la réforme de la filière paramédicale depuis plus d’un an alors que ceux de la défense n’ont encore fait l’objet d’aucune mesure ! Quant à la filière médico-sociale, une réforme s’impose au plus vite pour des métiers qui nécessitent un engagement constant, qui plus est en temps de fortes restructurations impliquant une conséquente surcharge de travail.

Enfin, en cette période économique difficile pour l’ensemble des personnels du ministère de la défense, des réformes statutaires et indemnitaires importantes sont en cours et devraient à terme améliorer la situation des agents. Cependant, dans cette phase transitoire, ces réformes ne doivent en aucun cas conduire à une baisse de la rémunération globale individuelle.

Telles sont les réflexions citoyennes et syndicales de la CFTC. Nous vous remercions de votre attention.

M. Roland Denis, secrétaire national de la filière administrative Défense-CGC à la Fédération de l’encadrement civil de la défense (FECD). À mon tour, je souhaite saluer, au nom de la CGC, la mémoire des soldats morts depuis notre dernière réunion budgétaire.

La lecture du dossier de presse budgétaire montre que les armées restent très populaires dans notre pays : 88 % des Français en ont une bonne opinion, soit le meilleur résultat depuis 1997. Nous constatons par ailleurs que le budget de notre ministère pour 2011 est en augmentation très faible par rapport à celui de 2010. De plus, il est prévu de poursuivre en 2011 la réforme du ministère de la défense et notamment sa manœuvre « RH ». Le ministère participe pleinement à l’effort de maîtrise des effectifs, puisqu’il supprimera l’année prochaine 8 415 emplois, essentiellement sur les fonctions de soutien, portant ainsi à 31 800 le nombre de suppressions depuis 2008. Nous notons également que 95 millions d’euros sont prévus pour l’amélioration de la condition du personnel, dont 72 millions pour le personnel militaire et 25 millions pour le personnel civil. Enfin, il apparaît que le ministre souhaite atteindre en 2011 un effectif de 37 270 réservistes opérationnels avec une activité moyenne de vingt-deux jours.

Ces faits inspirent à notre syndicat quelques réflexions essentielles sur la situation des personnels civils de notre ministère.

Tout d’abord, nous ne pouvons comprendre le recours de plus en plus fréquent aux réservistes dans les fonctions de soutien alors que, dans le même temps, de nombreux postes de personnels civils et militaires sont supprimés. Rappelons que, selon le Livre blanc, « les personnels militaires devront se concentrer sur les missions opérationnelles, les personnels civils sur les tâches administratives et de soutien ». Défense-CGC dénonce une fois encore le détournement des orientations du Livre blanc : de trop nombreux militaires continuent d’occuper des emplois de soutien alors que leur coût salarial est beaucoup plus élevé que celui des civils. Dans ces conditions, quelle est l’économie réalisée ? Quelle peut être la logique de l’application de la RGPP au ministère de la défense ?

La situation des civils s’aggrave. Leurs perspectives de carrières sont encore amoindries par le reclassement de militaires en qualité de civils au sein du ministère de la défense. Quant aux possibilités de reclassement des personnels civils dans les autres ministères et dans la fonction publique territoriale, elles restent très limitées. Dans le contexte actuel de rigueur budgétaire, la solidarité n’est pas forcément de mise.

Nous tenons également à souligner qu’en raison des restructurations les personnels civils de la défense sont très souvent contraints à une mobilité forcée. Le plan d’aide aux restructurations (PAR) étant loin de résoudre toutes les situations, il en résulte une augmentation des risques psychosociaux qui doit être réellement prise en compte par notre ministère.

En conclusion, nous ne pouvons que constater la dégradation de la situation des personnels civils du ministère de la défense. Les réorganisations et restructurations incessantes ne doivent pas conduire à les oublier. Ils doivent conserver la place qu’ils méritent, à la hauteur des services qu’ils rendent et de leur grande loyauté envers la communauté de défense. Nous comptons sur le soutien de la commission de la défense et sur celui de la représentation nationale pour que leur sort s’améliore.

M. le président Guy Teissier. Avant de laisser la parole à mes collègues, je tiens à apporter des éléments de réponse aux nombreux points que vous avez abordés.

Monsieur Goulm, autant la défense a la main sur le statut, et donc la rémunération des militaires, autant le ministère doit s’intégrer à une politique gouvernementale d’ensemble pour ce qui concerne les civils. Cela peut expliquer que les dossiers n’avancent pas au même rythme. Hier, lors de son audition par notre commission, Hervé Morin a pris la défense des personnels civils, citant notamment le cas des techniciens d’études et de fabrication en faveur desquels il a demandé l’arbitrage du Premier ministre.

Nous sommes tous conscients, monsieur Scappini, des contraintes budgétaires actuelles. Il n’aurait pas été sérieux que la défense s’exonère de tout effort, même si, et je veux le souligner, on lui demande beaucoup. Croyez bien que nous examinons avec beaucoup d’attention les choix qui sont faits et que nous veillons à la préservation des outils et, surtout, des compétences humaines.

Je ne méconnais pas l’importance et la complexité de la réforme, mais je pense qu’il serait irresponsable d’y renoncer car cela aggraverait encore les difficultés.

Je regrette que votre syndicat ait engagé un rapport de force et que vous ne participiez plus aux réunions ; je me félicite d’autant plus de votre présence aujourd’hui : elle montre que le dialogue n’est pas totalement rompu.

J’en viens à l’intervention de M. Baylac pour la CGT. Je veux tout d’abord souligner que c’est bien parce que nous portons aux personnels considération et estime que nous recevons chaque année leurs syndicats. Ce n’est pas ici le lieu pour des déclarations de politique générale ou des propos polémiques.

Vous estimez que nous sommes restés silencieux sur les grands changements qui ont affecté la défense ; je ne peux pas adhérer à cette idée. Il y a huit ans, j’ai créé une mission d’information chargée de contrôler l’exécution des crédits de la défense ; avant même la mise en œuvre de la réforme, nous avons également créé une mission d’information afin de suivre cette question et, le cas échéant, d’infléchir les choix effectués.

De même, en ce qui concerne les retraites, je suis personnellement intervenu dans le débat pour souligner la spécificité du monde de la défense que l’on ne saurait assimiler à celui des autres salariés, fonctionnaires ou non. La spécificité des militaires se traduit d’ailleurs par un statut particulier.

S’agissant des commandes d’armement, monsieur Baylac, ce que vous dites n’est pas vrai, du moins pour ce qui concerne Nexter et DCNS. Ces deux entreprises ont vu en 2009 leurs niveaux commandes augmenter respectivement de 130 % et de 72 %, grâce aux contrats de l’État signés pour partie grâce au plan de relance. Leurs perspectives sont donc plutôt bonnes, surtout dans le contexte économique que nous connaissons.

Sur la loi de programmation militaire, la crise étant là, il convient de faire des ajustements et des choix responsables. Nous ne « jouons » pas avec ces modifications qui sont au contraire effectuées sereinement et avec sérieux. Avec le chef d’état-major, nous venons justement d’évoquer les retards que les programmes pourraient subir et qui risquent, en raison des pénalités qui pourraient être versées, de rendre les matériels encore plus coûteux pour l’État.

Enfin, faisant suite au rapport de Marguerite Lamour, notre collègue Michel Grall travaille actuellement sur la question du démantèlement et sur l’opportunité de développer une filière nationale en ce domaine. Nous n’oublions donc pas cette piste.

Je répondrai à la fois à l’UNSA et à la CGC que les états-majors seraient sans doute prêts à nommer beaucoup plus de civils, y compris dans les bases de défense, s’il y avait plus de candidats. Il faudrait pour cela que les personnels civils soient plus enclins à la mobilité et, le cas échéant, acceptent de vivre dans des garnisons parfois éloignées des grandes villes. Je conçois fort bien que le confort de vie n’y est pas le même : il n’y a pas nécessairement un lycée ou une université à proximité, ni de possibilités d’emplois pour le conjoint.

M. Placenti a souligné les difficultés créées par Chorus. Il me faut rappeler que cet outil a été imposé à la défense et qu’il avait été présenté comme une solution miracle. Les dysfonctionnements sont pourtant d’une telle ampleur qu’ils ont conduit les entreprises à nous alerter. Le problème se pose moins pour les grandes entreprises, qui ont les moyens d’attendre, que pour les petites entreprises, confrontées à leurs échéances et pressées par les huissiers. Je suis donc intervenu afin que toutes ces sociétés soient payées par le ministère. Il est vrai qu’en raison des défaillances de ce système supposé révolutionnaire, on en est pratiquement revenu aux méthodes anciennes de comptabilité. Il en résulte un retard dans les paiements et une situation chaotique dont personne ne peut se réjouir.

Monsieur Placenti, il n’existe pas de rapprochement entre la police et la gendarmerie : nous avons veillé au respect de la militarité de la gendarmerie et il ne s’agit donc que d’un changement de tutelle. Cela pose certes des problèmes, mais nous les connaissons bien pour en avoir longuement débattu et avoir entendu le directeur général de la gendarmerie nationale à ce sujet. Je note par ailleurs que les gendarmes seront dorénavant assimilés à des fonctionnaires de catégorie B, créant une distorsion par rapport aux sous-officiers des armées.

M. Douspis pour la CFTC et M. Denis pour la CGC ont évoqué les réserves. Hier, le ministre nous a confirmé vouloir confier aux réservistes de vraies fonctions opérationnelles. Je vous rassure : le chantier est donc en cours.

L’avance de la déflation des effectifs que vous avez évoquée est normale car les services ont anticipé les réductions de postes. Cela ne change pas le volume total des suppressions et relève d’un simple effet calendaire.

Enfin, monsieur Denis, le PAR représentera en 2011 la somme de 238 millions d’euros, dont 58 millions de mesures nouvelles. C’est donc un effort important montrant l’intérêt et l’attachement du ministère à la manœuvre sociale.

M. Jean-Pierre Brat. Je conteste les chiffres dont vous avez fait état pour les commandes passées aux industriels de défense. Vous nous renvoyez aux commandes passées en 2009 alors que nous parlons du budget pour 2011 !

M. Bernard Cazeneuve. En préambule, je me félicite de cette audition qui prouve que nous sommes bien dans une position d’écoute et de dialogue.

Pour ma part, j’aimerais connaître l’origine des données dont le président Teissier a fait état car il me semble qu’il existe, notamment pour DCNS, un décalage entre les 17 frégates commandées et les 11 navires effectivement en construction. En outre, la réalisation du programme Barracuda a été décalée, le porte-avions que nous devions construire avec les Britanniques ne sera pas réalisé et les contrats obtenus à l’export sont beaucoup moins importants que ce que nous escomptions. Je ne dispose peut-être pas de tous les éléments, mais je me demande, dans ces conditions, comment on peut observer une augmentation des commandes.

Nous savons que 54 000 emplois vont être supprimés, mais combien d’emplois supplémentaires pourraient disparaître du fait des externalisations évoquées par toutes les organisations syndicales ? Le chiffre de 16 000 suppressions a parfois circulé. Compte tenu des difficultés budgétaires auxquelles le ministère est confronté, de tels transferts pourraient servir de variable d’ajustement. Sur ce sujet, le ministre a confirmé hier qu’on se dirigeait dans cette voie, insistant sur le fait que cela se faisait dans la plus grande concertation, s’agissant de la restauration ou de l’habillement.

J’aimerais donc savoir de quelles informations les organisations syndicales disposent sur les externalisations. Quelles sont les modalités de la concertation ? Quelle est leur doctrine en ce domaine ?

M. le président Guy Teissier. Les chiffres dont j’ai fait état sont ceux de la DGA ; ils comparent le montant des commandes enregistrées par Nexter et DCNS entre 2008 et 2009.

M. Daniel Boisserie. Je tiens à rassurer les responsables syndicaux : nombre de leurs interrogations seront reprises dans l’hémicycle.

Je m’interroge également au sujet des externalisations. J’ai cru comprendre qu’il existait une marge de manœuvre dans ce domaine et que vous aviez trouvé une solution avec le ministre. Comment le débat a-t-il évolué ?

M. Guy Chambefort. Un intervenant a évoqué un coût de 8 millions d’euros pour l’étude sur les externalisations, montant qui m’a surpris. J’espère que nous obtiendrons plus de précisions à ce sujet.

Sur les externalisations, l’un de vos syndicats a-t-il procédé à une étude comparative contradictoire ? Elle nous permettrait d’opposer des données à celle du ministre car nous ne disposons souvent que d’informations locales.

Par ailleurs, alors que 70 000 emplois civils sont prévus au budget pour 2011, certains parmi vous ont affirmé que seuls 68 000 étaient réellement budgétés. Pourriez-vous être plus précis ?

Enfin, ce n’est pas par manque de solidarité que les communes n’accueillent pas des personnels civils de la défense désireux de se reclasser, mais c’est en raison des contraintes budgétaires qu’on leur impose : elles sont dans l’incapacité financière de le faire.

M. Serge Guitard, secrétaire général adjoint de la Fédération syndicaliste FO de la défense, des industries de l’armement et des secteurs assimilés. La phase expérimentale RHL-1 qui vise à l’externalisation des services de restauration, d’hôtellerie et de loisirs, concerne 350 personnes. Selon la mission partenariat public-privé du ministère, 50 personnes seraient susceptibles de rejoindre les industriels titulaires des marchés, les 300 autres restant en sureffectif au sein du ministère. Or, dans le cadre d’une régie civilianisée optimisée, c’est-à-dire en réalisant les mêmes infrastructures et les mêmes moyens techniques, le coût est estimé par le ministère à 167 millions d’euros hors taxes, tandis qu’une externalisation, avec amortissement sur deux ans des différentes manœuvres de restructuration, représenterait un coût de 160 millions d’euros. La différence en faveur de l’industriel privé n’est donc que de 7 millions d’euros. De plus, si l’on retire les charges correspondant aux pensions des militaires, soit 7 millions d’euros, et les coûts de reconversion, soit 4,5 millions d’euros, le recours à une société privée revient plus cher que la structure étatique avec des personnels de l’État.

Nous prétendons que les militaires ne sont pas des professionnels dans le sens où le sont des personnels civils spécialisés ; ils sont d’abord des soldats. Je pense que le chef d’état-major des armées a dû vous le rappeler. Dès lors, il n’y a pas de raison de faire supporter à une régie civilianisée les charges des militaires pour faire croire qu’elle est plus chère qu’un service externalisé.

Nous pouvons tenir à la disposition des parlementaires le rapport établi par la mission sur ce sujet : tous les chiffres qu’il contient proviennent du ministère, pas des organisations syndicales.

Par ailleurs, le plafond ministériel des emplois autorisés est certes de 70 000 postes, mais les effectifs moyens réalisés ne dépassent pas les 68 000. En effet, le ministère conserve toujours une marge de manœuvre de 3 % pour gérer ses effectifs, lesquels sont donc soumis à une double contrainte.

Enfin, s’agissant du reclassement des personnels civils, ce n’est pas aux élus municipaux que nous réclamons un effort. Nous voulons que le Premier ministre oblige les ministères à accueillir prioritairement les agents du ministère de la défense restructurés. Ainsi, ce matin, est paru au Journal officiel un arrêté de recrutement sans concours du ministère de la justice à hauteur de 65 postes de catégorie C. Nous souhaitons que les personnels de notre ministère soient recrutés en priorité. Sans une directive politique forte, cela ne sera jamais possible.

M. Luc Scappini. M. Bernard Cazeneuve nous a demandé quelles étaient les modalités de la concertation autour des externalisations. Lors de la première réunion sur le sujet, qui a eu lieu avant l’été 2009 en présence de M. Christian Piotre, secrétaire général de l’administration, on nous a présenté la démarche et un débat a commencé, à la suite duquel l’ensemble des organisations syndicales ont demandé au ministre d’organiser une table ronde sur l’avenir de la mission « Défense » et sur la question des externalisations. En effet, après le Livre blanc, la RGPP, les restructurations, la réorganisation en bases de défense, l’externalisation apparaît comme un effort supplémentaire, source de nombreuses inquiétudes. Nous voulions donc un débat de fond en la matière. Or seules des réunions bilatérales ont été proposées, auxquelles nous avons refusé de participer. De même, alors que les organisations syndicales réclamaient l’intervention d’un expert indépendant, le cabinet choisi l’a été par le seul donneur d’ordre.

En ce qui concerne les externalisations, M. Cazeneuve a raison de se poser la question du nombre de postes concernés. On a pu évoquer 16 000, voire 25 000 postes, mais la situation ne semble pas arrêtée. Alors que le ministre était auparavant emballé par la démarche au point de vouloir externaliser tout le secteur de la direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information (DIRISI), il semblerait qu’il ait modéré son enthousiasme en la matière. Quoi qu’il en soit, nous restons extrêmement réservés sur la question.

Son cabinet nous a récemment contactés, faisant valoir que le ministre serait désormais sensible à nos arguments, notamment ceux qui concernent une régie civilianisée, optimisée et rationalisée. Il souhaiterait en parler avec nous. Mais si l’on veut se lancer dans une nouvelle expérimentation, pourquoi poursuivre RHL-1 ? Cela n’a pas de sens. En tout état de cause, il est inutile de prétendre que l’on pourra revenir en arrière une fois l’externalisation accomplie.

M. Jean-Pierre Brat. Il y a déjà eu des externalisations, notamment dans le secteur industriel. Cette expérience doit servir. Il serait donc important que la commission se penche sur leurs conséquences, au-delà du simple constat d’ordre comptable. De même, il conviendrait de mesurer les pertes de compétences du ministère de la défense, notamment dans le soutien, et leurs incidences sur la réactivité du service apporté aux forces armées. L’attribution aux industriels du soutien direct pour un certain nombre de matériels se traduit d’ores et déjà par des situations graves, comme la rupture d’approvisionnement de certaines pièces. Avec la crise économique, on a également vu des sociétés nationales servir de banques pour sauver les sous-traitants qu’elles avaient choisis après avoir abandonné les compétences en interne.

Lorsque la CGT réclame un pôle public national de défense, c’est bien pour maintenir les compétences au sein de notre outil industriel et éviter de telles situations ! Rappelons que la fermeture d’ateliers munitionnaires, notamment de l’ex-GIAT, a entraîné des difficultés pour la fourniture de munitions de petits calibres, ce qui compromet la sécurité de nos soldats. Dans cette filière, nous sommes au bord de la rupture : après l’éclatement de la SNPE, et compte tenu de la situation d’EURENCO, nous risquons demain de dépendre de l’étranger pour l’approvisionnement de nos troupes en explosifs et en charges. La représentation nationale doit s’en inquiéter.

M. Cazeneuve s’est étonné de l’écart entre les chiffres évoqués et la réalité. C’est bien le problème s’agissant de Nexter. Certes, des commandes pluriannuelles ont été passées en 2009 et en 2010 mais, aujourd’hui, la situation est tout autre, et cette société nationale est en train de « manger » son carnet de commandes. La rupture risque de survenir dès 2013 ou 2014, car le projet de loi de finances pour 2011 ne fait aucune mention de certains programmes structurants comme l’EBRC, le VBMR ou Scorpion. Ils intéressent pourtant les industriels mais aussi les salariés de leurs établissements. Comment allez-vous intervenir pour faire en sorte que l’on garantisse l’avenir de l’industrie d’armement en France ?

Pour notre part, nous souhaitons qu’un véritable débat ait lieu sur l’avenir de l’armement terrestre, aujourd’hui le plus affecté, et plus généralement sur les questions de défense. Malheureusement, nous attendons toujours l’organisation d’une grande table ronde.

M. le président Guy Teissier. Avec une délégation parlementaire, nous avons récemment effectué une visite des installations de Nexter et de Renault Trucks Défense. J’ai vu des industriels plutôt confiants, qui se battent au quotidien pour innover. Je note d’ailleurs que vous n’avez pas parlé de l’Aravis qui est pourtant un excellent équipement.

Le vrai problème dont souffre notre industrie, c’est l’absence de débouchés à l’exportation. Le marché national est trop étroit. Tout le monde reconnaît la qualité du canon Caesar, mais qui l’achètera lorsque tous les régiments français d’artillerie en seront dotés ? C’est la même chose pour le Rafale : c’est un avion superbe, mais il y a toujours quelque chose qui empêche sa commercialisation.

En ce qui concerne le programme Scorpion, vous avez raison : il ne figure pas dans le budget tout comme la rénovation des Mirage 2000D, il est reporté. J’insiste sur le fait qu’il n’est pas annulé et qu’il devrait être mis en œuvre avant 2014.

Il est vrai que la crise contraint le Gouvernement à faire des choix. Nous avons deux alternatives : soit nous réduisons nos ambitions nationales et internationales pour n’être dotés que d’une armée de second rang et nous ferons alors partie du concert des petites nations ; soit nous essayons de conserver notre souveraineté et de remplir nos obligations internationales. En tant que membre permanent du Conseil de sécurité et détenteur de l’arme atomique, nous devons disposer d’une armée de premier plan. Je note d’ailleurs que parmi les pays européens, seuls les Britanniques et les Français peuvent y prétendre.

Pour traverser ce moment difficile, seules deux solutions s’offrent à nous : soit nous ralentissons le cadencement de la production industrielle de matériel, soit nous réduisons l’entraînement de nos soldats et leur équipement. Or la dernière hypothèse reviendrait à les fragiliser.

Pour ma part, je ne peux accepter que la France tienne ses engagements en envoyant ses militaires dans des situations de guerre, comme c’est le cas en Afghanistan, sans leur donner les moyens de leur sécurité. Ce dilemme concerne avant tous les états-majors et le ministère, mais aussi le Parlement, qui est comptable des vies autant que des deniers. Et c’est pourquoi la solution, pour l’instant, me semble résider dans l’étalement de la fabrication de certains matériels. Cet effort doit encore être précisé mais il est indispensable pour maintenir l’entraînement. Aujourd’hui, nous sommes juste au niveau requis qu’il s’agisse du nombre d’heures de pilotage ou de jours sur le terrain ou en mer. Nos marins, par exemple, ne peuvent pas descendre au-dessous de cent jours en mer. Et, pour l’armée de l’air, la situation est encore plus critique, même si l’on peut recourir au simulateur.

Quant à l’impact de l’externalisation, il nous préoccupe depuis longtemps : M. Marc Francina a rédigé un rapport sur le sujet en 2007. Je vous invite aussi à consulter le dernier rapport d’étape de François Cornut-Gentille et de Bernard Cazeneuve, dont une partie concerne les effets de l’externalisation.

Il en est de même pour les mesures d’économie : nous devons nous assurer que les initiatives du Gouvernement, qu’elles concernent les personnels civils ou militaires, permettent de réaliser de vraies économies, justifiant des manœuvres aussi complexes et socialement difficiles. Déplacer le 13e régiment de dragons parachutistes de Dieuze à Souge, par exemple, n’est pas simple, ni sur le plan matériel, ni pour les familles, ni pour l’économie de Dieuze. Nous sommes attentifs à ce que de telles mesures soient réellement efficaces.

Je vous remercie pour ces échanges instructifs.

La séance est levée à treize heures quinze.

——fpfp——

Membres présents ou excusés

Présents. – Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Daniel Boisserie, M. Bernard Cazeneuve, M. Guy Chambefort, M. Nicolas Dhuicq, M. Christophe Guilloteau, M. Guy Teissier, M. Jean-Claude Viollet, M. Philippe Vitel, M. Michel Voisin

Excusés. – Mme Patricia Adam, M. Patrice Calméjane, M. André Gerin, M. Jack Lang, Mme Françoise Olivier-Coupeau, M. Bruno Sandras, M. Michel Sordi, M. Yves Vandewalle.