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La séance est ouverte à dix-sept heures.
M. le président Guy Teissier. Monsieur le ministre, nous vous remercions d’avoir répondu à notre invitation.
La Commission de la défense a souhaité vous entendre aujourd’hui pour faire un nouveau point sur les opérations extérieures. Nous n’avons pu, lors de l’audition précédente, évoquer l’Afghanistan. Ce pays, où je viens de me rendre avec une délégation de l’Assemblée, reste pourtant un sujet de préoccupation majeur. La mort d’Oussama Ben Laden peut-elle y avoir des conséquences ?
Je tiens par ailleurs à rendre hommage, au nom de tous les parlementaires, au caporal du 2e régiment d’infanterie de marine, Alexandre Rivière, qui est décédé lors d’une opération en Kapisa le mercredi 20 avril après que son véhicule blindé eut été touché par un engin explosif improvisé. Je souhaite un prompt rétablissement aux neuf autres soldats blessés.
Au-delà des OPEX, je souhaiterais que vous vous exprimiez sur la réorganisation du ministère. Où en est-elle ? Quel sera le nombre exact de bases de défense ? Quel est l’état d’avancement du « Balardgone » ?
Pourriez-vous également faire le point sur le budget du ministère, puisque les crédits ont été présentés en projet de loi de finances avec une perspective renouvelée de recettes exceptionnelles ? L’équation prévue à la fin de 2010 est-elle toujours d’actualité ?
Je me garderai bien d’oublier les perspectives pour les industries d’armement, notamment les exportations du Rafale et la commercialisation de l’A400M.
Je souhaite enfin que soit abordé le sujet, cher à M. Fromion, de la consolidation de nos industries d’armement terrestre. Nous avons débattu avec le président du groupement des industries françaises de défense terrestre, le GICAT, d’un regroupement autour de Thales. Quel est votre sentiment ?
Par ailleurs, compte tenu de l’urgence des besoins de notre armée en drones, ne risquons-nous pas de mettre en péril l’industrie nationale dans ce secteur, bien que celle-ci soit parfaitement capable de produire des engins de grande qualité ?
M. Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants. Cette audition permettra au ministre récent que je suis de vous présenter une vision globale de l’action de mon ministère. En tant qu’ancien parlementaire – lors de ma première élection à l’Assemblée nationale, le président de la Commission de la défense nationale et des forces armées n’était autre que Marcel Bigeard – je sais que cette commission a toujours été un lieu où la politique de défense se construit dans la concertation. Depuis la loi des trois ans de 1913, les parlementaires ont toujours été associés aux grands rendez-vous de la construction de notre système de défense.
Nous avons une mission d’action mais aussi une mission de concertation et de mise en œuvre. Celle-ci est tributaire de la réflexion et des échanges que nous menons avec les commissions parlementaires sur des sujets de long terme qui se transmettent de législature en législature, voire de majorité en majorité.
Depuis deux mois, les très nombreux contacts que j’ai eus avec les personnels civils et militaires de la défense, avec des institutions comme le Conseil supérieur de la fonction militaire, avec l’ensemble des organisations syndicales m’ont permis d’aborder plusieurs des thèmes que vous avez mentionnés. Ceux-ci m’ont été également présentés par les cadres du ministère et par les industriels de la défense.
Mon intervention s’articulera autour de trois observations.
Premièrement, les promesses faites hier sont aujourd’hui des engagements tenus. Les parlementaires y ont été largement associés via la réflexion sur le Livre blanc jusqu’en juin 2008 et la loi de programmation militaire pour 2009-2014. Les grandes fonctions stratégiques – connaissance et anticipation, prévention, dissuasion, protection et intervention – vous sont familières : elles ont été au cœur de vos débats.
La réforme profonde du ministère, fondée sur la diminution des effectifs, le regroupement d’unités et l’organisation en bases de défense, s’est traduite par des mouvements spectaculaires dont nous avons été, en tant qu’élus de terrain, les partenaires et parfois, il faut le reconnaître, les victimes. L’effort demandé a été particulièrement difficile pour les personnels : réduction de 54 000 postes civils et militaires, fermeture de 82 unités, dont 20 régiments sur 110, et de 11 bases aériennes sur 37. Je rends hommage à mes prédécesseurs, Hervé Morin et Alain Juppé, acteurs principaux de cette restructuration dont je suis le continuateur.
Les dividendes de la réforme, je tiens à le souligner, ont été totalement réinvestis au profit, d’une part, de la condition du personnel et, d’autre part, des équipements. Sans doute aurez-vous mesuré au cours de votre mission en Afghanistan, monsieur le Président, combien la préparation des forces et les équipements des combattants s’étaient améliorés.
Néanmoins, cette restructuration est très contraignante sur le plan humain. Les militaires ont la réputation d’être silencieux. Pour autant, cela ne les empêche pas de souffrir, de s’inquiéter, de s’étonner. Ils s’adaptent dans des conditions qui pèsent sur leur vie personnelle et sur la vie de leur famille. Ainsi, certaines unités partant au combat auront changé de garnison à leur retour, ce qui peut être déstabilisant pour eux. Plus que les autres, les personnels engagés dans les OPEX mesurent la qualité de la réforme à l’aune de celle de leur préparation et de leur équipement. Tous souhaitent que cette restructuration soit, sinon « la der des der », du moins une étape stable procédant d’une vision de long terme. Ils ont raison de le demander et nous aurions raison de leur répondre favorablement. C’est une réflexion de long terme qui a présidé à la réforme, et nous serons au rendez-vous de 2012 prévu par le Livre blanc.
Plus de 238 millions d’euros ont été consacrés à l’accompagnement individuel des personnels pour leur départ du ministère, leur mobilité ou leur reclassement. La réforme statutaire et indiciaire s’est traduite, entre 2008 et 2011, par des efforts catégoriels à hauteur de 221 millions. Des efforts significatifs ont notamment été consentis pour « accrocher » les jeunes officiers à leur carrière.
Pour ce qui est des réinvestissements dans des matériels nouveaux, on peut évoquer les VBCI – véhicules blindés de combat d’infanterie –, le canon Caesar, qui apparaît comme une réponse judicieuse aux besoins de soutien de l’infanterie, le VAB – véhicule de l’avant blindé – téléopéré, qui est adapté aux combats dans lesquels nous sommes engagés, ou la mise en place de la tenue FELIN – fantassin à équipements et liaisons intégrés –, dernier maillon de la numérisation du théâtre d’opérations.
J’ajoute que nous avons mis en place pour les besoins spécifiques de l’Afghanistan – bien que cela ne soit pas encore totalement satisfaisant – des véhicules d’ouverture d’itinéraire pour lutter contre les engins explosifs improvisés.
Vous avez évoqué le Rafale, monsieur le Président. Je me contenterai d’indiquer que cet appareil est actuellement employé en Libye et que l’on peut mesurer la différence entre un avion polyvalent, capable de faire de la reconnaissance, du combat aérien et de l’attaque au sol, et les systèmes concurrents qui font appel à plusieurs types d’appareils et ne permettent pas à certaines aviations alliées d’accomplir leur mission.
L’aéromobilité est un devoir absolu. C’est pourquoi l’arrivée de l’A400M est très importante.
En matière de forces maritimes, je ne reviendrai pas sur la mise en œuvre des FREMM – frégates européennes multimissions – et des frégates Horizon.
L’amélioration de la préparation opérationnelle des forces, rendue possible par des effectifs réduits et mieux formés, est la condition de la réussite de nos OPEX.
J’ajoute que la culture du maintien en condition opérationnelle est désormais partagée par les trois armes, ce qui permet une maintenance mutualisée interarmées conformément à la nature même des OPEX : les officiers d’armes et de cultures différentes sont confrontés à des problèmes de même type et les bonnes solutions des uns peuvent se révéler utiles aux autres.
Notre armée est au rendez-vous des missions qui lui ont été récemment confiées. C’est ainsi que le général Petraeus, cet officier américain francophile et francophone – il a du reste été très influencé par les écrits d’un militaire français, le lieutenant-colonel Galula – auquel j’ai récemment remis les insignes de commandeur de la légion d’honneur et qui vient d’être nommé à la tête de la CIA, a émis un commentaire très positif sur la Task Force La Fayette.
J’en viens aux choix opérationnels en matière aérienne. Si nous avons évité le pire à Benghazi, c’est parce que l’aviation française a pu agir avant que ne soient mêlés, dans les faubourgs de la ville, des blindés gouvernementaux et des forces insurgées : les frappes sont intervenues dans les heures qui ont suivi la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies, alors que les blindés étaient encore à l’extérieur de la ville, donc suffisamment isolés et identifiables comme objectifs. Avec l’AWACS, le ravitaillement en vol et les systèmes d’identification, nous avons pu prendre un risque qu’aucune autre armée de l’air n’aurait pris : intervenir au sol avant que n’aient été détruits tous les systèmes sol-air, préalable que certains de nos grands alliés posent à toute intervention. Ainsi, Benghazi se voit épargner la situation de Misrata, où le mélange des combattants rend toute intervention aérienne très difficile.
Deuxième observation : si les engagements ont été tenus, nous ne saurions affirmer pour autant que nous sommes satisfaits et sereins. La mise en œuvre du Livre blanc et de la loi de programmation ainsi que notre participation à différents théâtres d’opérations ont révélé des points sur lesquels nous devons faire porter notre effort.
Les opérations extérieures font apparaître deux faiblesses principales.
D’une part, nous ne disposons pas de drones d’observation MALE – moyenne altitude longue endurance – de qualité suffisante. Or ces drones sont des compléments indispensables à la numérisation du théâtre d’opérations.
D’autre part, en matière d’aéromobilité, la flotte des Transall et des Hercule est vieillissante et leur entretien coûte de plus en plus cher. Les Airbus A400M seront donc vraiment les bienvenus – le premier appareil sera livré en 2013. Sous leur apparence traditionnelle, les A400M sont des avions multirôles dont nous avons grandement besoin.
En ce qui concerne les hélicoptères de manœuvre, l’acquisition des Caracal a apporté un peu d’air. Nous attendons avec impatience les NH90 car les Puma sont très anciens.
Par ailleurs, la mise en œuvre des bases de défense me semble être une excellente réforme qu’il faut laisser mûrir. Comme toutes les réformes, elle est contestée et perfectible. Le schéma retenu aujourd’hui comporte 60 bases – 51 en métropole, 5 outre-mer et 4 à l’étranger. Lors du lancement de l’opération Harmattan en Libye, par exemple, nous avons constaté que le dispositif des bases de défense savait s’adapter aux contraintes opérationnelles les plus exigeantes. On a pu mesurer ses apports, ainsi la base de Marseille, à dominante terrestre, a-t-elle contribué pour la première fois à la mobilisation du groupe aéronaval, orchestrée par la base de défense de Toulon dans un délai record.
Bref, le dispositif est en train de prendre forme. On est en droit de rechercher l’optimisation du nombre de bases, mais on ne le réduira certainement pas à 20 comme certains le disent.
Autre point, le service de santé des armées. C’est un service remarquable par sa qualité et par l’engagement de ses personnels. Cela étant, nous devons rechercher une optimisation de ses moyens. À mes yeux, il faut maintenir les outils irremplaçables que sont les HIA – hôpitaux d’instruction des armées. S’ils ne sauraient ignorer les contraintes qui pèsent sur l’organisation générale de la santé, ils sont avant tout des outils d’une politique de défense. Je m’opposerai à leur banalisation dans le cadre du nouveau système des agences régionales de santé – ARS. Les combattants doivent être équipés et formés, ils doivent également être secourus dans les meilleures conditions en cas de besoin. Les engins explosifs improvisés, notamment, laissent des séquelles graves. La vie des jeunes gens blessés est définitivement déséquilibrée et il faut les aider à se reconstruire. Il me paraît normal de consentir cet effort en faveur des personnes qui ont choisi de servir la France.
Nous devons également prendre en compte des menaces sécuritaires qui ont peut-être été mal évaluées dans le Livre blanc, en particulier le problème nouveau de l’insécurité maritime. L’utilisation généralisée des mers, du fait de la mondialisation, a suscité un renouveau de la piraterie, qui exige une réponse des grandes nations. En France, il faut relancer un élan interministériel. Beaucoup de ministères s’intéressent à la mer mais peu veulent partager l’effort !
En matière d’industrie de défense, enfin, le contexte se caractérise par une baisse des crédits partout en Europe et par l’ouverture prochaine des marchés nationaux à la concurrence. Même si la transposition de la directive en droit français crée des conditions raisonnables et maîtrisées, nous devons être très attentifs.
Nous sommes engagés dans la réalisation du contrat capacitaire des armées. Le risque, avec la montée en puissance des investissements pour ces programmes, est une réduction concomitante des investissements dans l’innovation, qui pourrait faire disparaître notre capacité d’innovation, détenue par un petit nombre de bureaux d’études extrêmement compétents. Il nous faut donc maintenir l’investissement dans cette direction en dégageant trois priorités pour la période 2011-2014 : la dissuasion – du reste, la capacité d’innovation en est une partie intégrante – ; la coopération avec le Royaume-Uni pour les drones ; l’offre technique de la France à l’OTAN dans le cadre de la défense antimissile balistique.
Pour financer les capacités d’innovation, il faut maintenir le volume de production. S’agissant du Rafale, le rythme actuel de livraison – 11 avions par an – correspond au niveau minimum pour maintenir la chaîne de production.
Pour ce qui est de l’émergence de champions nationaux, faire du mécano industriel me paraît incompatible avec la fonction, par nature précaire, de ministre. Pour ma part, je m’y refuse. En revanche, je soutiens toutes les opportunités qui se présentent, par exemple le transfert de l’activité matériaux énergétiques de la SNPE à Safran. Lorsque nous constatons des redondances entre les groupes industriels français, nous les encourageons à se parler. C’est notre intérêt, puisque l’État est actionnaire de la plupart d’entre eux.
Si l’accord franco-britannique a permis de relancer nos partenariats européens, j’éprouve une certaine déception quant à la coopération franco-allemande, pour laquelle des initiatives restent à prendre.
Par ailleurs, je soutiens totalement l’idée, lancée par mes prédécesseurs, de « solidarité de filière » : les champions nationaux, tels Thales, Safran, EADS, Dassault, Nexter, DCNS, ont le devoir d’entretenir avec les entreprises de taille intermédiaire et les PME, qui sont près de 4 000 dans le secteur de l’armement, des relations qui ne reposent pas sur le principe de l’étranglement. Le transfert de la SIMMAD – Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la défense – à Bordeaux traduit notre volonté de soutenir cette orientation en Aquitaine et en Midi-Pyrénées.
Ma troisième observation a trait aux effets de la crise sur les pays d’Europe occidentale. L’impact conjoncturel sur les budgets de défense risque-t-il de remettre en cause les perspectives cohérentes que je vous ai présentées ?
À court terme se pose la question des OPEX. Celles de 2010 ont été financées par le budget prévisionnel correspondant, par une participation des Nations Unies et, en fin d’année, par une dotation budgétaire de fin de parcours qui nous a évité de ponctionner les crédits d’équipement. En 2011, la situation est quelque peu tendue. Le coût des opérations en Afghanistan est élevé mais prévisible. Celui de notre présence en Côte d’Ivoire s’inscrit dans le fonctionnement habituel. Pour ce qui est de la Libye, nous opérons à partir de bases continentales et insulaires, qui sont budgétairement hors OPEX et aussi à partir du porte-avions. Pour autant, si les opérations devaient se prolonger, un problème de financement se poserait inéluctablement en fin d’année, sachant que la loi de finances initiale a prévu une provision de 630 millions d’euros, alors que, notre prévision de dépenses au titre des OPEX s’élève à 900 millions sans prise en compte de l’opération en Libye.
À plus long terme, la révision de la loi de programmation militaire et du Livre blanc devra s’inscrire dans les perspectives économiques et budgétaires des cinq années qui suivront 2012. Il serait irresponsable de ma part d’affirmer que rien ne sera possible ou que tout sera facile à partir de 2014. Mais nous ne pourrons nous exonérer, en 2012, d’une réflexion sur notre capacité à poursuivre le financement dans la période 2014-2020, surtout si l’on tient pour certaines les contraintes liées à notre appartenance à une monnaie commune.
Permettez-moi, à cet égard, de vous livrer un sentiment personnel inspiré par mes contacts avec des responsables européens au sujet de l’affaire Libyenne : alors que la France et le Royaume-Uni font un réel effort de défense au profit de pays dont les économies sont comparables mais qui ne font pas cet effort, l’application à tous de la règle des 3 % de PIB pour le déficit public mérite à tout le moins un débat européen !
M. le président Guy Teissier. Cela fait des années que je le prône !
M. le ministre. Pourquoi la règle serait-elle la même pour tous si certains ne contribuent ni à la coopération, ni à l’aide au tiers-monde, ni à l’effort de défense ? À mon sens, les efforts décidés en commun doivent être partagés. À défaut, si la France et le Royaume-Uni devaient se « spécialiser », les censeurs de la politique budgétaire devraient en tenir compte.
Pour l’heure, il n’est pas question de remettre en cause les orientations de la loi de programmation militaire. Il sera d’autant plus opportun d’y réfléchir au premier semestre 2012 que nous avons, me semble-t-il, un rendez-vous devant le suffrage universel...
M. le président Guy Teissier. L’augmentation des frappes dans le conflit libyen se traduira-t-elle par une commande de recomplètement des munitions ?
M. le ministre. Je ne vois pas comment nous pourrions faire autrement, même si le besoin n’est pas immédiat. De toute façon, il existe aussi des délais de péremption pour les munitions lorsqu’elles ne sont pas utilisées. Ce n’est pas comme le bon vin…
À l’heure actuelle, l’opération Harmattan représente un surcoût de 53 millions d’euros, dont 31,7 millions en munitions.
M. Patrick Beaudouin. L’Agence européenne de défense a ouvert, le 20 avril dernier, un nouveau chantier consacré à la non-dépendance technologique et industrielle de l’Union européenne. C’est un bel objectif. Pourriez-vous en définir les contours ?
M. Étienne Mourrut. L’armée française, comme les armées alliées, est censée former l’armée afghane avant de se retirer. Qu’en est-il ?
En Libye, la France est en première ligne et, par rapport à certains partenaires européens, j’ai l’impression que nous sommes cocus tout en payant la chambre !
M. le ministre. Avec la nouvelle directrice exécutive de l’Agence européenne de défense, une Française, nous avons enfin un interlocuteur qui se mobilise. Cela étant, les moyens de l’Agence ne s’élèvent qu’à une trentaine de millions d’euros. La réflexion sur la non-dépendance est tout à fait souhaitable car elle justifiera des politiques industrielles que la Commission européenne a parfois absurdement condamnées au titre de la lutte contre les cartels, mais nous devons poursuivre notre route sans trop attendre une aide de cette instance.
En Afghanistan, l’armée française a pour tâche de former des officiers et des sous-officiers et de constituer une gendarmerie. Nous nous employons notamment à transformer des combattants en gendarmes, en leur montrant que les relations avec les populations civiles peuvent être fondées sur le droit et non sur le rapport de forces. Ces programmes représentent 106 millions d’euros pour la période 2009-2011. Nous avons également engagé des crédits pour des projets civils de soutien en Kapisa et en Surobi.
Par parenthèse, l’armée afghane nous demande avec insistance de former des tankistes. Cela n’est d’aucune utilité pour les combats qu’elle doit mener, mais cela montre bien que l’objectif du président Karzaï est de constituer un État, lequel ne peut se concevoir sans blindés !
Cela dit, les effectifs de l’armée afghane devraient atteindre172 000 hommes à la fin de l’année alors qu’ils n’étaient que de quelques dizaines de milliers il y a pas si longtemps. Le vrai problème n’est pas tant technique que culturel : il y a un certain mérite à se vouer au métier d’officier ou de sous-officier dans une armée qui n’a aucune histoire et au service d’un État dont la pérennité n’est pas totalement établie. L’Afghan est un très bon combattant mais il n’est pas naturellement un soldat.
S’agissant de la Libye, la réponse est plutôt du ressort du ministre d’État. La France conduit son action extérieure dans le cadre des résolutions des Nations Unies, mais elle n’a pas vocation à être le sauveur ultime dans les cas désespérés. Toutefois, lorsque les résolutions que nous proposons sont adoptées par le Conseil de sécurité, nous avons à cœur d’être la nation cadre, ou à tout le moins de prendre une responsabilité majeure dans les opérations – comme c’est le cas pour la résolution 1973, que les pays de l’OTAN ont accepté de faire appliquer. Cela étant, la cohésion d’une alliance peut trouver ses limites, car il existe des degrés de conviction différents quant à la nécessité d’une intervention : c’est ce que l’on a pu observer au sujet de la Libye, même si, chemin faisant, on assiste à une certaine convergence, avec notamment la décision de l’Italie de rejoindre les pays conduisant des attaques au sol.
La France, dont la force de frappe représente 25 à 30 % de l’ensemble est le pays leader de l’opération libyenne. Elle a su tenir son rang de nation ayant une parole internationale en convaincant les autres pays de la rejoindre.
M. Gilbert Le Bris. Près de 10 000 soldats sont engagés hors du territoire national et la question du coût des OPEX se posera tôt ou tard. Si nous voulons poursuivre notre effort, il faudra faire des choix en tenant compte des données stratégiques et tactiques qui s’imposent. Alors que le conflit en Côte d’Ivoire semble en voie de résolution, quand retirerons-nous nos troupes engagées dans l’opération Licorne ?
M. Christophe Guilloteau. De nombreux parlementaires prodiguent de bons conseils sur l’action de l’armée française. Ce matin encore, on a entendu un éminent membre de la Commission des affaires étrangères réclamer le désengagement de notre armée en Afghanistan. Une stratégie a-t-elle été arrêtée en la matière ? Les affaires étrangères ont-elles pris le pas sur la défense ?
M. le ministre. Les engagements extérieurs doivent faire l’objet d’un réexamen permanent. Nous avons ainsi 1 400 hommes au Liban dans le cadre de la FINUL, au titre d’une résolution des Nations Unies qui remonte à 1978. Par ailleurs, il n’est pas prévu que la Côte d’Ivoire soit un point d’appui de notre présence en Afrique comme c’est le cas de Libreville et de Djibouti. Nous disposerons à Dakar d’un pôle opérationnel de coopération, où des techniciens pourront mettre en œuvre les accords de formation que nous aurons passés avec différents pays africains. En ce qui concerne la Côte d’Ivoire, nous avons l’intention de mettre fin à l’opération Licorne dès que les Nations Unies auront clarifié la suite du mandat de l’ONUCI. La fin de cette mission aura aussi une valeur symbolique : elle montrera que l’opération appartient au passé et qu’il existe aujourd’hui un État de droit. En tout état de cause, nous examinons une réduction rapide et significative – plus de la moitié des troupes – de notre présence.
Je précise que l’équipement de la base d’Abou Dhabi résulte d’un redéploiement des forces présentes à Djibouti, avec le transfert de la 13e demi-brigade de légion étrangère. Je précise également que, dans une Europe qui est heureusement en paix, les opérations extérieures sont très utiles à l’entraînement de nos soldats.
À votre question, monsieur Guilloteau, je réponds que le Président de la République est le chef des armées et qu’il conduit la politique étrangère de la France. Le ministre de la défense met en œuvre cette politique qui s’appuie également sur l’action du ministre des affaires étrangères. Tant mieux si les parlementaires ont des idées sur ces sujets : ils ont la légitimité pour en avoir ! Cela dit, dans le cadre des institutions de la Ve République, le Président de la République est mon seul patron et je dois reconnaître que c’est une chose appréciable !
S’agissant d’un éventuel désengagement en Afghanistan, j’écoute tous les avis mais j’applique les ordres du Président – lequel, à ma connaissance, est solidaire d’une coalition ayant retenu à Lisbonne le principe d’un désengagement en 2014 selon une transition progressive. Il est en revanche de mon devoir de conseiller au Président de ne pas hésiter à demander le transfert de la Surobi aux autorités afghanes : les leçons du terrain montrent que nous avons rétabli une certaine sécurité dans la région.
M. Francis Hillmeyer. Dans le même ordre d’idées, quelle est la durée prévisible de notre engagement au Kosovo ? Est-il encore vraiment utile ? N’avons-nous pas mieux à faire ?
M. le ministre. Nos 310 soldats présents au Kosovo seront progressivement désengagés d’ici à la fin de 2011.
M. Philippe Vitel. J’espère que le rapport que Patricia Adam et moi-même sommes en train d’élaborer vous apportera un éclairage sur les difficultés à construire une action transversale de l’État en mer. Nos travaux nous ont amenés à rencontrer les marins de la zone maritime du Sud de l’océan Indien, qui représente plus de 3 millions de km2 sur les 11 millions de notre zone exclusive économique – la plus grande au monde. Ils sont chargés de surveiller la piraterie, la pêche, l’immigration clandestine, tout en assurant des opérations de sauvetage. Les moyens capacitaires, tout juste suffisants, risquent de devenir rapidement insuffisants. Deux bateaux doivent être désarmés et seront remplacés par un seul bâtiment, Le Malin. Beaucoup d’inconnues demeurent au sujet du programme BSAH (bâtiments de soutien et d’assistance hauturiers), des FSN NG (forces sous-marines de nouvelle génération) et des B3M (bâtiments mutualisés multimissions). Quelles sont vos intentions ?
Par ailleurs, alors qu’il était question de transférer l’école du personnel paramédical des armées – EPPA – de Toulon vers Lyon, ce qui peut se justifier, on parle maintenant d’une disparition de cet établissement au profit d’un système externalisé : nos paramédicaux seraient formés dans le système civil et ne bénéficieraient plus que de quelques modules de formation militaire. Est-ce exact ?
M. Michel Grall. Dans un rapport récent, la Cour des comptes a porté un regard mesuré sur les externalisations auxquelles le ministère de la défense recourt depuis longtemps tant en France que pour certaines OPEX. Pourriez-vous préciser votre politique en la matière ?
De même, des projets majeurs font intervenir le partenariat public-privé – PPP. C’est le cas avec Hélida, pour la formation de pilotes d’hélicoptères. Pour ce qui est de Balard, M. Vieillefosse nous a confirmé que le projet aurait échoué si l’on n’avait pu recourir au PPP. Nous aimerions également des précisions sur votre politique à ce sujet.
M. le ministre. Ce que vous avez constaté dans l’océan Indien, monsieur Vitel, montre en effet que nous sommes en retard. Les FREMM et la frégate Horizon sont des éléments positifs mais la question des patrouilleurs de haute mer pose un vrai problème. Nous devons assurer la présence de l’État souverain dans un espace dont il a tout à la fois les avantages et la charge. À cet effet, j’ai demandé une réunion interministérielle à Matignon car je ne veux pas prendre d’engagements qui ne soient partagés financièrement par des ministères qui ont intérêt à ce que nous assumions ce service. La négociation est en cours, et je ne puis vous répondre précisément. La sécurité des océans ne relève pas d’opérations ponctuelles : c’est une affaire de long terme. Le trafic de drogue dans les Antilles ou les prises d’otages dans l’océan Indien sont des activités lucratives qui ne présentent, dans le deuxième cas, que peu de risques.
Nous n’avons pas l’intention de faire disparaître l’EPPA, bien au contraire. La chaîne de santé passe par les personnels paramédicaux. En revanche, le transfert de l’établissement à Lyon est une chose raisonnable, et je doute que le maire de Toulon en soit malheureux tant sa ville, en plein développement, a besoin d’espace.
Le succès de Balard, monsieur Grall, doit en effet beaucoup aux PPP, dont l’avantage est de rassembler dans une seule main toute une série d’opérations et d’éviter leur dispersion dans le temps. Je ne suis toutefois pas un maniaque de cette formule. Pour ce qui est de la constitution des bases de défense, je suis davantage attentif au partage entre les métiers civils et les métiers militaires, qui nécessite parfois des aménagements.
Pour ce qui est de l’externalisation, il appartiendra aux chefs des bases de défense de déterminer les meilleures solutions pour tel ou tel type de mission. Il n’existe pas de dogme. En revanche, des expériences intéressantes et imaginatives sont menées en matière de logistique.
M. le président Guy Teissier. L’externalisation me paraît moins évidente que par le passé. Dans une armée de métier, tout le monde prend son tour pour partir en opérations. De plus, on ne saurait tracer une frontière entre les personnels assurant un soutien et les soldats qui font la guerre. En Afghanistan, nous avons vu des soldats du matériel aux côtés de leurs camarades combattants. Le Train des équipages assure les convois quotidiens qui vont ravitailler les bases opérationnelles avancées. Dans tout ce qui a trait à la vie et à la subsistance des hommes, les armées doivent garder la main. Nos soldats ont vocation à être projetés et non à vivre dans des casernes. Ces métiers doivent donc être jalousement conservés.
M. Michel Voisin. Alors que le coût de nos OPEX s’est élevé à environ 800 millions d’euros en 2010, les Américains dépensent pour leurs opérations en Afghanistan 100 milliards de dollars par an. Rapportée à la population afghane, cette somme représente 330 dollars par habitant et par mois. Lorsque l’on sait que le salaire moyen d’un chef de famille afghan se situe entre 180 et 200 dollars, ne pourrait-on pas imaginer une autre approche ?
Par ailleurs, deux otages français sont toujours détenus dans ce pays. Avez-vous des informations sur leur situation ?
M. Christian Ménard. Monsieur le ministre, vous êtes un homme comblé. À peine installé dans vos fonctions, vous voyez surgir la crise de la Libye, le dénouement de celle de la Côte d’Ivoire, la mort de Ben Laden, sans parler de l’Afghanistan et de toutes les questions qui existaient auparavant. Vous ne pouviez vous attendre à mieux !
M. le ministre. Il ne vous a pas échappé que j’avais attendu longtemps !
M. Christian Ménard. Dans ce contexte, le dossier de la piraterie maritime passe parfois au second plan. Ni l’Union européenne ni la France ne semblent avancer. L’élan de l’opération Atalante, sous l’égide du Président de la République, semble être retombé. Pendant ce temps, les Anglo-saxons poussent leurs pions, notamment sur le plan économique. Alors que la Lloyd’s investit – on parle du financement de 16 vaisseaux d’escorte –, alors que nous devrions proposer une réponse globale, à la fois policière, économique, halieutique, judiciaire, d’infrastructures, la France semble sans ligne directrice. La direction des affaires stratégiques n’a plus le rôle moteur qu’on lui assignait jusqu’à présent.
Ce propos doit cependant être nuancé sous deux aspects : le soutien que les Nations Unies apportent au plan de Jack Lang relatif au volet judiciaire de la question, et les récentes avancées financières du projet Seaphora, par lequel de grands industriels tentent de mettre en place le code de conduite de Djibouti.
M. le ministre. Les observations de M. Voisin sur la dépense américaine sont très pertinentes. Mais le mode d’action de nos alliés repose sur la puissance : tout doit être prévu et tous les moyens, fussent-ils redondants, sont utilisés pour assurer une sécurité absolue. J’imagine qu’un cadre afghan doit observer ce déploiement avec un mélange de jalousie et d’incompréhension, voire de scepticisme goguenard. Mais ce sont les États-Unis et ils ont l’immense mérite, premièrement de le faire, deuxièmement de pouvoir le faire. Sans leur présence, il est vraisemblable que l’Afghanistan serait plongé dans une guerre civile beaucoup plus meurtrière que la situation actuelle, ou, pis, dans une paix des cimetières établie par la minorité la plus violente. Vous avez néanmoins raison de souligner que l’importance de ces moyens peut créer une forme de choc culturel et d’incompréhension. L’historiographie récente montre que la présence américaine en France entre 1944 et 1947 n’est pas sans ressemblances avec cette situation !
S’agissant des otages, les informations dont nous disposons ne traduisent de dégradation ni quant à leur état ni quant aux intentions de leurs ravisseurs. Il faut prendre en compte la différenciation des fonctions : ceux qui « vendent » sont en concurrence les uns avec les autres et font des offres de services aux ravisseurs. Toute la difficulté est de savoir à qui l’on parle.
Pour ce qui est de la disparition de Ben Laden, j’ai le sentiment qu’elle montre que le Pakistan n’est plus un sanctuaire pour personne. Or aucune insurrection ne peut durer si elle ne bénéficie pas d’un sanctuaire territorial. Les preneurs d’otages préféreront peut-être négocier tout de suite plutôt que d’attendre un lendemain rendu plus incertain.
Monsieur Ménard, vous connaissez parfaitement votre sujet et vous devriez le prendre en main. Comme vous le soulignez, le rapport de Jack Lang doit être défendu. En matière de piraterie, certains pays comme l’Inde ont décidé d’intervenir par la force et cela leur vaut beaucoup moins de soucis. Toutefois, je doute que ce soit la culture des pays associés à l’opération Atalante !
Cela dit, les résultats de cette opération sont moins décourageants que vous ne le dites. Le taux de succès des attaques est passé de 48 % en 2008 à 16 % en 2010. Le nombre de groupes de pirates démantelés a augmenté de 35 % entre 2009 et 2010. Aucun des navires escortés n’a été capturé. Le dispositif est coûteux et c’est le contribuable européen – en particulier français – qui règle la facture.
Le revenu global de la piraterie s’est élevé à 80 millions d’euros en 2010. La rançon la plus importante, de 11 millions d’euros, a été payée en avril 2011. Pour les pirates, l’attrait de la prime l’emporte sur le risque couru, puisque près de 90 % de ceux qui sont capturés sont relâchés en raison de l’insuffisance des capacités pénitentiaires et judiciaires dans la région. Parmi les prisonniers faits par la France, 138 ont été remis à des autorités judiciaires de 2008 à 2010 tandis que, dans le même temps, 284 étaient relâchés faute de preuves ou faute d’État à qui les remettre.
Le phénomène gangrène un espace maritime qui s’étend aujourd’hui jusqu’aux Seychelles. Une action européenne s’impose : tous les pays de l’Union bénéficient des containers arrivant à Rotterdam, mais seuls quelques pays paient la facture pour les bateaux de surveillance qu’ils envoient. Nous retrouvons là la question de la règle des 3 % que certains imposent à d’autres sans prendre leur part du fardeau de la défense.
Mme Patricia Adam. Pour répondre à ce phénomène, des sociétés militaires privées se développent rapidement et utilisent des méthodes peu respectueuses du droit international. Notre mission nous a permis de constater que des bateaux essuient des tirs sans sommations et que des cadavres sont retrouvés à bord ou en mer. Aucune de ces sociétés n’est française mais un colloque s’est tenu récemment dans le sud de la France, qui rassemblait des assureurs, des sociétés militaires privées et des armateurs, et qui visait à mettre en place des dispositifs en dehors du droit, en particulier du droit français.
En attendant les conclusions du rapport de Christian Ménard et de Jean-Claude Viollet, je souhaiterais connaître votre position au sujet de ces sociétés militaires privées, dont certaines exercent déjà sur le territoire français.
Par ailleurs, l’intégration de la France dans le commandement de l’OTAN se traduit-elle par une augmentation des moyens humains et financiers pour participer à l’état-major ?
M. Daniel Boisserie. Quel est l’état de santé des otages français au Maghreb ? Le massacre de Marrakech est-il imputable à AQMI – Al-Qaida au Maghreb islamique ? Ne serait-il pas envisageable de mettre hors d’état de nuire cette organisation dont les effectifs sont encore réduits – pas plus de 300 combattants, dit-on – mais risquent de grossir ?
M. le ministre. Il n’existe pas actuellement de société militaire privée française. Il est vrai cependant que certains armateurs préconisent cette solution contre la piraterie en dehors des eaux territoriales. Le secrétaire général de la mer a été chargé de conduire une réflexion à ce sujet. Je vous invite à vous y associer.
S’agissant de notre participation à l’OTAN, il y a près de 800 officiers et sous-officiers français au sein du système de commandement. Ce chiffre devrait progressivement atteindre 1 100. Le surcoût, en termes de masse salariale, est de 25 millions d’euros.
Monsieur Boisserie, nous nous donnons les moyens de rassembler en permanence le maximum d’informations sur les quatre otages détenus par AQMI. Les contacts possibles ne sont en aucun cas rompus, bien que le terrain soit assez mouvant. Les bandes qui constituent AQMI disposent de moyens et sont extrêmement mobiles. Elles se déplacent par petits groupes dans un espace vaste comme la Méditerranée, si bien que l’on ne peut les surveiller par satellite ou par avion. Notre connaissance du sujet passe par des coopérations actives avec les gouvernements qui nous le demandent, lorsqu’un enjeu touchant aux intérêts français est parfaitement identifié.
Pour ce qui est de l’attentat de Marrakech, les moyens de police de notre pays s’associeront à ceux de la police marocaine. En particulier, nous mettrons à la disposition de nos partenaires marocains les informations qui pourront leur être utiles et correspondre aux signalements qui leur auront été fournis. Je ne peux cependant préjuger, à cet instant, le réseau qui pourrait être impliqué.
M. Jean-Claude Viollet. La loi de programmation militaire est certes tenue budgétairement mais nous constatons certaines déprogrammations, comme celle de la rénovation à mi-vie des Mirage 2000D. Quelle suite le Gouvernement entend-il donner à l’amendement que nous avions adopté lors du débat budgétaire pour 2011 afin d’assurer une révision minimale permettant de rendre cet appareil polyvalent ?
De même, la commande des A330 MRTT – multi-role transport and tanker – ayant été exclue, François Cornut-Gentille et moi-même avons fait adopter un amendement tendant à prendre trois A330 en leasing pour améliorer rapidement notre capacité d’aéromobilité, avant de « rétrofiter » ces appareils en ravitailleurs dès que les premiers A400M seront livrés. Où en est-on ?
La révision de la LPM et l’actualisation du Livre blanc en 2012 s’accompagnent, comme vous l’avez souligné, d’une perspective électorale. Je souhaiterais que l’on puisse procéder avant cette échéance à un diagnostic partagé de l’état de réalisation de la loi de programmation et du respect du Livre blanc. C’est le seul moyen, en cas d’alternance, d’éviter le débat plutôt triste sur l’« héritage », de mesurer le chemin parcouru et celui qui reste à parcourir, et de faire ensemble, comme cela a été le cas jusqu’à présent, les meilleurs choix pour la cohérence globale de notre outil et de notre base industrielle et technologique de défense.
M. Franck Gilard. Ben Laden a été éliminé à quelques dizaines de kilomètres d’Islamabad. Comme il est peu concevable que les services secrets pakistanais – l’ISI – aient ignoré sa présence, doit-on penser que cet événement a partie liée avec le calendrier de retrait de l’Afghanistan que vous évoquiez, moyennant une sorte de deal ?
M. le ministre. Pouvoir poser une telle question – du reste totalement légitime – est le privilège du parlementaire, monsieur Gilard, et c’est le devoir du Parlement d’en débattre. Pour ma part, je crains de ne pouvoir vous répondre.
L’idée d’un diagnostic partagé à partir d’un bilan établi à la fin de 2011 me paraît tout à fait nécessaire, monsieur Viollet. Le diagnostic est le préalable du débat.
La rénovation des Mirage 2000D est reportée à l’année 2013.
Pour ce qui est d’un éventuel achat en leasing d’appareils Airbus A330, les analyses financières du ministère font ressortir qu’il serait trop coûteux. Même décalée, l’acquisition serait moins lourde pour le budget de la défense sur le long terme.
M. Bernard Cazeneuve. La France a rejoint le commandement de l’OTAN et sa relation avec les États-Unis est plus confiante. Le Gouvernement a-t-il été informé en amont de l’opération d’élimination de Ben Laden ? Mène-t-il une réflexion avec les Américains sur l’avenir de l’intervention en Afghanistan compte tenu de ce nouvel élément ?
Par ailleurs, quel est aujourd’hui le niveau de réalisation des recettes exceptionnelles prévues au budget 2011 ?
M. Pascal Brindeau. Notre délégation a constaté en Afghanistan l’intérêt stratégique des hélicoptères sur ce type de terrain. Or nous disposons d’un nombre limité d’hélicoptères de combat et les capacités de transport de nos troupes sur les théâtres opérationnels sont insuffisantes : pour certains déplacements, nous sommes contraints de faire appel aux Américains.
Qu’en est-il, d’autre part, de l’incompatibilité entre différents instruments de traitement des données fournies par les drones ?
M. le ministre. La disparition de Ben Laden est une bonne nouvelle. Elle aura certainement un effet à moyen et long terme, surtout si elle résulte, de près ou de loin, d’une coopération plus active du Pakistan ou de la renonciation de certains services à protéger des combattants qui utilisent ce pays comme base arrière. Pour l’heure, nous considérons que cet événement favorise le schéma prévu pour 2014, sans toutefois le garantir ni l’accélérer.
Nous n’avons pas été informés de l’opération en amont. C’est assez logique. Il n’en reste pas moins que, à l’égard d’un allié loyal, qui a fait passer ses effectifs sur le terrain de 3 000 à 4 000 hommes, dont les soldats opèrent dans des conditions difficiles et qui affronte l’opinion pour le faire comprendre, un geste amical serait bienvenu.
Les recettes exceptionnelles pour 2011 sont prévues à hauteur de 850 millions d’euros, issus principalement de la cession de fréquences et de la cession d’usufruit des satellites de télécommunication. Le calendrier de cession des fréquences est assez serré. L’appel à candidatures lancé par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, devrait intervenir fin mai. Les premières recettes devraient être perçues en octobre.
M. le président Guy Teissier. Qu’en est-il des recettes immobilières ?
M. le ministre. Elles devraient s’élever à 150 millions d’euros en 2011, ce qui correspond à un rythme « tranquille » et même, je l’admets volontiers, un peu lent. Notre ministère n’est pas forcément responsable : certaines administrations s’intéressent à notre patrimoine mais ne veulent pas le payer.
Pour ce qui est des hélicoptères, monsieur Brindeau, les NH90 apportent une réponse partielle mais il est vrai que nous n’avons pas le dispositif d’emport des Américains, qui permet de déplacer une compagnie en très peu de temps dans des appareils de grande capacité. Le NH90 devrait permettre d’acheminer une quinzaine de combattants sur une distance relativement longue.
Les problèmes de compatibilité que vous évoquez sont réels. La numérisation du théâtre d’opérations exige une continuité qui, à l’heure actuelle, n’est pas totalement assurée. On doit procéder manuellement à des reprises d’informations, ce qui est absurde.
La séance est levée à dix-huit heures quarante-cinq.
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Membres présents ou excusés
Présents. – Mme Patricia Adam , M. Patrick Beaudouin, M. Jean-Louis Bernard, M. Daniel Boisserie, Mme Françoise Briand, M. Pascal Brindeau, M. Patrice Calméjane, M. Bernard Cazeneuve, M. Guy Chambefort, M. François Cornut-Gentille, M. Bernard Deflesselles, M. Jean-Pierre Dupont, M. Philippe Folliot, M. Pierre Forgues, M. Franck Gilard, M. Michel Grall, M. Christophe Guilloteau, M. Francis Hillmeyer, Mme Françoise Hostalier, M. Jacques Lamblin, M. Gilbert Le Bris, M. Daniel Mach, M. Alain Marleix, M. Christian Ménard, M. Jean Michel, M. Georges Mothron, M. Étienne Mourrut, M. Alain Rousset, M. Michel Sainte-Marie, M. Guy Teissier, M. Yves Vandewalle, M. Jean-Claude Viollet, M. Philippe Vitel, M. Michel Voisin, M. André Wojciechowski.
Excusés. – Mme Michèle Alliot-Marie, M. Jean-Jacques Candelier, M. Laurent Cathala, M. Laurent Fabius, M. Pierre Frogier, M. Guillaume Garot, M. André Gerin, Mme Marguerite Lamour, M. Franck Marlin, M. Alain Marty, Mme Françoise Olivier-Coupeau, M. Michel Sordi.