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Commission de la défense nationale et des forces armées

Mercredi 13 juillet 2011

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 48

Présidence de M. Guy Teissier, Président

–– Présentation du rapport de la mission d’information sur le contrôle de l’exécution des crédits de la défense pour 2010 (M. Guy Teissier, rapporteur)

–– Présentation du rapport de la mission d’information sur les PME et la défense (MM. Dominique Caillaud et Jean Michel, rapporteurs)

–– Présentation du rapport de la mission d’information sur le contrôle de l’exécution des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » (M. Patrick Beaudouin, rapporteur).

La séance est ouverte à dix heures.

La Commission procède à l’examen du rapport de la mission d’information sur le contrôle de l’exécution des crédits de la défense pour 2010 (M. Guy Teissier, rapporteur).

M. le président Guy Teissier, rapporteur. Je vais vous présenter le rapport de la mission d’information sur le contrôle de l’exécution des crédits de la défense pour l’année 2010.

Depuis 2003, la mission a rendu quelque six rapports, sans compter les années où notre commission s’est saisie pour avis des projets de loi de finances rectificative ou des projets de loi de règlement. Nos collègues de la commission des finances et les sénateurs de la commission des affaires étrangères et de la défense participent désormais à nos travaux, montrant bien que l’initiative que j’avais prise était pertinente et utile. Grâce aux échanges réguliers que nous avons avec le ministère de la défense et la direction du budget, nous pouvons désormais veiller au respect de l’autorisation initiale mais aussi identifier des problèmes et ainsi proposer au plus vite des solutions. Je pense notamment au financement des opérations extérieures dont nous avons obtenu qu’il ne pèse plus sur les dépenses d’équipement de la défense.

J’en viens à la situation de l’année 2010. Comme le prévoyait la loi de programmation militaire, il s’agit d’une année de « production ». Sur le plan budgétaire, cela se traduit par une baisse du montant des autorisations d’engagement, ce qui est normal, l’année 2009 était une exception liée au grand nombre de commandes globales. Les crédits de paiement restent quant à eux relativement stables autour de 37 milliards d’euros.

La dégradation du contexte économique et financier a cependant nécessité des ajustements en cours d’année. Au final, la défense a pu disposer de plus de crédits que prévu initialement soit plus de 43 milliards d’euros en AE et presque 39,5 milliards d’euros en CP.

Le ministère a, une fois de plus, fait la preuve de sa capacité à engager les crédits qui lui sont alloués avec un excellent taux de consommation. En 2010, 105,4 % des CP initiales ont été utilisés, c'est-à-dire 2 milliards d’euros de plus que la LFI. En outre, la masse des services faits non payés a été réduite d’un milliard d’euros. Ce dernier élément est un indicateur précieux, montrant la qualité de la gestion des crédits du ministère.

La situation des AE est également positive malgré un léger ralentissement cette année pour atteindre le taux de 85,7 % des AE disponibles et 94,5 % des AE prévues en LFI. Ces taux restent dans la moyenne des années précédentes, le faible écart s’expliquant essentiellement par des difficultés d’ordre technique.

L’année 2010 s’est caractérisée par la mise en service du progiciel financier CHORUS. Nous avons tous été alertés des dysfonctionnements qu’il a occasionnés et notamment des très importants retards de paiement qui ont fait souffrir beaucoup d’entreprises. Le ministre a réagi en affectant plus de personnels aux fonctions financières et en créant une cellule spécifiquement chargée des PME. Malgré ces efforts, tout n’a pu être réglé en 2010 ; il me semble cependant que la situation est désormais stabilisée et que le système a atteint son rythme de croisière.

Sur le plan financier, ces problèmes se traduisent par une explosion des intérêts moratoires qui dépassent les 45 millions d’euros en 2010 alors qu’ils avaient été ramenés à 18 millions d’euros en 2009. Nous devons rester attentifs à l’évolution de ce point : la santé financière de nos entreprises de défense, et notamment de nos PME, en dépend.

J’en viens maintenant à trois thèmes plus spécifiques. En ce qui concerne les opérations extérieures, le mécanisme engagé en 2009 a été reconduit en 2010 : le surcoût a été intégralement financé par un abondement extérieur à la défense. Le surcoût global s’est par ailleurs stabilisé à 860 millions d’euros, soit 10 millions d’euros de moins qu’en 2009. Nous devrions certainement atteindre un milliard d’euros en 2011. J’ai d’ailleurs, comme notre collègue Bernard Cazeneuve, interrogé le ministre sur ce sujet lors de notre débat d’hier. Il a indiqué que le surcoût serait pris en charge par la réserve interministérielle. L’augmentation constante de la provision initiale participe à cette bonne gestion : je rappelle qu’elle est passée de 510 millions d’euros en 2009 à 630 millions d’euros en 2011.

Il faut néanmoins rester très attentifs à l’évolution de ces dépenses, notamment avec les nouveaux engagements de nos forces. À ce stade, il n’est pas possible d’estimer avec précision le coût de l’opération en Libye, mais en tout état de cause, il serait injuste de demander au seul ministère de la défense de la financer. Le ministère s’est engagé dans une réforme d’ampleur qui ne lui laisse plus aucune marge de manœuvre : lui demander un nouvel effort serait dangereux et peu responsable pour la bonne qualité opérationnelle de nos troupes.

Nous avons également analysé l’impact de la réforme sur les personnels et sur leurs statuts. La défense est en avance sur les objectifs de réduction de poste de l’ordre de 4 000 équivalents temps plein travaillés en 2010. Cet écart s’explique en partie par le sous-dimensionnement du titre 2, c'est-à-dire l’insuffisance des dépenses de personnels. Un dialogue constructif doit s’engager à ce sujet avec le ministère du budget. Il faut toutefois que la spécificité du métier militaire soit bien appréhendée : on ne saurait traiter un militaire qui part en opération comme un agent public ordinaire.

Nous avons enfin souhaité nous intéresser à l’avenir de l’hôtel de la Marine. Ce bâtiment exceptionnel par son architecture et son emplacement est indissociable de l’histoire de la France depuis le XVIIIe siècle. Initialement conçu comme garde-meubles, c'est-à-dire réserve du mobilier royal, et notamment des décors utilisés lors du sacre, il devient à la Révolution française le siège du secrétariat d’État à la marine. La marine n’a jamais quitté ce lieu depuis lors, même lorsqu’il a abrité des ministères comme celui de l’Outre-mer.

L’utilisation future de l’hôtel a suscité beaucoup de réactions et de convoitises et je me félicite de la création de la commission présidée par M. Valéry Giscard d’Estaing ; ses travaux permettront d’apaiser le débat, évitant une décision précipitée. Des auditions que nous avons menées, il ressort que le lien du bâtiment avec la marine doit être préservé, de même que la cohérence d’ensemble du lieu. Les parties nobles pourraient être destinées à un usage muséal ou pour des réceptions, les autres parties pouvant abriter des bureaux, de préférence des organismes publics en lien avec le monde de la mer comme l’académie de marine ou le secrétariat général de la mer.

La commission du président Giscard d’Estaing vient de publier un communiqué indiquant que deux grands principes doivent guider la décision finale : conserver le bâtiment dans le domaine de l’État et l’ouvrir largement au public. Le détail de ces propositions ne devrait être connu qu’en septembre. J’adhère à ces principes mais je veux marquer mon attachement au lien du site avec le monde de la mer et à la cohérence d’ensemble du bâtiment. Le musée du Louvre est à cette occasion proposé comme « partenaire privilégié » mais cette recommandation n’est pas encore définitivement actée.

En conclusion, la situation budgétaire de la défense est donc très positive en 2010 malgré les contraintes extérieures qui pèsent sur le ministère. Il faut saluer l’action des personnels : la gestion des ressources a été exemplaire, permettant de mener de front une réforme sans précédent, de mettre en œuvre de nouvelles procédures et d’assurer l’engagement de nos forces à l’étranger dans les meilleures conditions.

M. Yves Fromion. N’était-il pas prévu que le budget du ministère de la défense soit abondé par le produit de la cession de l’hôtel de la marine ?

M. le président Guy Teissier, rapporteur. C’est ce qui était initialement prévu mais cette option a rapidement été écartée, nombre d’acteurs dont la marine ou notre commission ayant fait valoir l’importance historique et symbolique de ce lieu. J’ajoute par ailleurs que nous n’avons jamais disposé d’une évaluation du produit d’une vente éventuelle ; la spécificité du lieu rendant impossible toute estimation sérieuse.

M. Jean-Jacques Candelier. Le surcoût lié aux opérations extérieures devrait significativement augmenter avec l’opération en Libye. Comment cet écart sera-t-il financé ? S’agira-t-il bien d’un abondement interministériel ? Cette précision est d’autant plus importante que d’aucuns commencent à évoquer le fait que la défense devra participer au financement sur ses propres deniers.

M. le président Guy Teissier, rapporteur. Suite aux questions que M. Bernard Cazeneuve et moi-même lui avons posées hier, le ministre de la défense a indiqué que le surcoût généré par l’opération en Libye sera pris en charge par la réserve interministérielle de précaution.

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La Commission autorise, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport de la mission d’information en vue de sa publication.

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La Commission procède à l’examen du rapport de la mission d’information sur les PME et la défense (MM. Dominique Caillaud et Jean Michel, rapporteurs).

M. le président Guy Teissier. Nous entendons maintenant MM. Dominique Caillaud et Jean Michel qui vont nous présenter leur rapport sur les PME et la défense.

Nous les avons désignés le 1er décembre 2010. Je sais qu’ils ont entendu l’ensemble des acteurs du secteur, qu’il s’agisse des PME proprement dites, des grands groupes ou des organisations professionnelles. Ils pourront ainsi nous présenter les différents points de vue sur ce sujet très sensible.

Nous avons tous en mémoire les courriers que nous avons reçus des PME de défense au moment de la mise en place du progiciel financier CHORUS. Les retards de paiement mettaient ces entreprises dans une situation très difficile, montrant la faiblesse de leur marge de manœuvre et leur exposition à des phénomènes conjoncturels. Pouvez-vous nous dire où nous en sommes aujourd’hui ?

Comment les PME de défense ont-elles surmonté la crise ? Aujourd’hui, sont-elles à même d’enclencher une nouvelle dynamique ou faut-il les y aider ?

Je sais que vous vous êtes également intéressé aux relations entre les PME et les grands groupes. Le déséquilibre est-il si évident ? Peut-on le corriger ? Est-ce un enjeu pour les pouvoirs publics ou relève-t-il de l’application du droit commercial entre deux acteurs privés ?

M. Jean Michel, rapporteur. Notre commission nous a chargés d’une mission sur les PME et la défense le 1er décembre 2010. À cette date, nous avions tous été alertés de la situation critique de la plupart des petites entreprises de défense, le ministère ne payant plus ses créances dans un délai raisonnable. Les difficultés de fonctionnement de CHORUS ont été un révélateur de l’état global des PME de défense.

Dès le début de nos travaux, nous avons souhaité disposer d’un état des lieux et d’un annuaire aussi précis que possible. Nous avons été frappés de constater que ces informations n’existent pas, ni au sein du ministère de la défense, ni au sein des services en charge de l’économie et des PME au sens large. La DGA suit certes l’activité d’environ 400 PME stratégiques mais de façon assez empirique, la mise à jour des données reposant uniquement sur la bonne volonté des différents acteurs. Il était important de faire cette précision au préalable : elle explique que nous ne puissions vous proposer que des angles de vue spécifiques. S’il est relativement facile d’appréhender le contexte et les grandes tendances, il est impossible de constituer un agrégat solide et cohérent dans la durée.

L’absence de données statistiques s’explique en grande partie par la nature même des PME de défense. Dans presque tous les cas, elles ont en effet une activité duale, se limiter au seul secteur de la défense étant trop risqué et ne permettant pas d’assurer la rentabilité de ces petites sociétés.

Notre rapport s’articule autour de trois grands axes : nous avons tout d’abord cherché à mieux identifier la situation des PME avant d’analyser les actions déjà engagées par les pouvoirs publics. Nous vous ferons enfin plusieurs recommandations.

Toutes les auditions que nous avons conduites ont montré que les PME de défense sont en pleine crise. La baisse des commandes publiques les touche très directement, surtout en ce qui concerne les programmes d’études ou de développement. Les PME ont souvent une activité de niche et se concentrent sur l’innovation et les nouvelles technologies : sans le soutien de l’État, elles ne peuvent pas financer seules toutes les opérations qu’elles voudraient. Cette insuffisance est d’autant plus nette que les PME sont sorties de la crise sans aucune trésorerie et ont même dû affecter les quelques ressources qu’elles avaient à leur fonctionnement courant. CHORUS a eu des effets graves sur ces sociétés avec des retards de paiement pouvant atteindre 13 mois et des montants qui représentent parfois 10 % du chiffre d’affaires annuel. Il faut avoir des ressources propres importantes pour faire face à un tel aléa surtout que les banques n’ont pas aidé les PME dans cette crise, bien au contraire. C’est l’action du système bancaire qu’il faut ici mettre en cause : les banques ont reçu plus de huit milliards d’euros de l’État mais elles n’ont pas utilisé ces ressources pour aider nos entreprises. Il faut en effet souligner que les sociétés anglo-saxonnes se financent souvent sur le marché boursier alors qu’en France tout passe par les banques.

La capacité d’investissement des PME française est donc nulle et ne repose plus que sur des apports extérieurs. En d’autres termes, il n’existe plus aucune croissance endogène : les PME ne se développent plus, elles se contentent de survivre. Les chefs d’entreprise que nous avons rencontrés gardent le moral mais ils sont confrontés à des difficultés souvent insurmontables.

L’environnement des PME est en effet tellement difficile qu’il leur est compliqué de déployer une stratégie et d’exister en tant que telles. J’aborderai ici deux points majeurs : l’inadaptation du cadre réglementaire aux PME et l’état de dépendance par rapport aux grands groupes.

Les marchés publics sont inadaptés aux PME que ce soit en matière de délais ou d’allotissement des marchés. La globalisation des contrats d’armement permet peut-être de réaliser des économies mais de ce fait les PME n’ont presque jamais d’accès direct à la commande publique. Comment une PME pourrait-elle répondre à un appel d’offre de plusieurs centaines de millions d’euros ? Il est donc normal que la DGA ne dispose pas d’une base de données actualisée puisqu’elle ne traite presque jamais avec ces entreprises. Les exigences de pérennité handicapent également les PME en raison d’une application rigoriste des textes. Une PME s’est par exemple fait écarter simplement parce que son chiffre d’affaires était insuffisant alors qu’elle intervient dans le secteur de la défense depuis 50 ans, qu’il s’agit d’une entreprise familiale et que sa trésorerie est saine.

Les PME ne peuvent donc intervenir que comme sous-traitant d’un grand groupe. Elles pourraient alors bénéficier d’un paiement direct des prestations ou des réalisations par l’acheteur public sauf qu’il existe une exception pour les marchés de défense. Ordinairement, l’État paie directement dès lors que le contrat est supérieur à 600 euros. Pour les marchés de défense, il faut que le contrat de sous-traitance soit égal ou supérieur à 10 % du montant du contrat total. Les PME se trouvent donc dépendantes du primo-contractant et ne profitent pas nécessairement de la réduction du délai de paiement voulue par l’État.

La relation de dépendance est également économique avec un lien direct entre la taille de l’entreprise et son degré de dépendance : plus elle est petite, plus elle est liée à un donneur d’ordre plus important. Les groupes ont d’ailleurs une politique variée en la matière : certains préfèrent filialiser les PME quand d’autres privilégient une relation commerciale, quitte à ce que leurs fournisseurs soient aussi ceux de leurs concurrents.

Nous nous sommes enfin intéressés à la situation des PME sur le marché de l’export. Faute de disposer d’un réseau suffisant, les PME peinent à s’implanter sur le marché mondial. Je précise toutefois qu’il existe des exceptions : certains de nos partenaires n’hésitent pas en effet à faire appel à de petites sociétés pourvu que leurs produits soient les meilleurs. Hélas, ces exemples sont rares et les PME ne sont pas aidées, ni par les grandes entreprises ni par les services de l’État. Les attachés d’armement ne connaissent souvent pas ces petites sociétés et se concentrent sur les grands contrats. Comme l’a souligné Yves Fromion dans son récent rapport sur le contrôle de l’importation et de l’exportation des matériels de guerre, les procédures actuelles sont également trop longues alors que les PME se positionnent généralement sur des marchés qui appellent une réponse très rapide. Espérons que la loi que nous avons adoptée améliorera ce point.

J’observe enfin que le développement des PME et des ETI est un enjeu économique majeur. Les ETI réalisent en effet un chiffre d’affaires équivalent à celui des grands groupes mais avec un bénéfice net plus important. Elles sont en outre à la pointe du progrès et de l’innovation et donc portent la croissance.

M. Dominique Caillaud, rapporteur. Je partage totalement l’analyse de Jean Michel ; j’ajoute que désormais l’innovation civile tire souvent l’innovation militaire alors que l’inverse était précédemment la règle.

Le constat alarmant que nous venons de vous présenter n’est pourtant pas nouveau et il est partagé par l’ensemble des acteurs du secteur. Pour remédier à cette situation, des actions ont déjà été engagées. On commence à distinguer les prémices des politiques publiques en faveur de PME de défense.

Nous ne pouvons que nous féliciter du fait que les PME sont désormais un enjeu identifié par tous les acteurs et par le ministère de la défense en particulier. Le ministre Hervé Morin a par exemple créé une mission « PME » chargée de faciliter le dialogue entre les services de l’État et ces entreprises. Il a également donné la priorité aux PME lorsqu’il a fallu rattraper les retards liés à CHORUS.

Parallèlement de nouveaux dispositifs financiers ont été mis en place. Le régime d’appui à l’innovation duale, dit RAPID, soutient et subventionne les projets d’innovation stratégiques des PME ayant des applications militaires comme civiles. Salué unanimement, il est financé par la DGA grâce à une dotation annuelle du fonds de compétitivité des entreprises (FCE) qui s’élevait à 10 millions d’euros en 2010. Elle est passée à 40 millions d’euros en 2011 et pourrait augmenter encore dans les années à venir. Tout le monde s’accorde à reconnaître que le système fonctionne bien. L’État s’engage également au travers des pôles de compétitivité ou du programme OSEO qui est un organisme public de financement et qui intervient au travers de prêts.

Les collectivités territoriales s’impliquent elles aussi en faveur des PME : la région Aquitaine a par exemple investi quelque 10 millions d’euros en faveur du laser civil. En la matière il faut veiller à la cohérence territoriale de ces actions, la DGA et les régions soutenant parfois des projets différents et potentiellement concurrents.

Des actions de plus long terme ont été lancées en plus de ces soutiens conjoncturels. Les PME peinent souvent à se développer et à devenir des entreprises de taille intermédiaire en raison de l’insuffisance de capitaux. Les ETI ont d’ailleurs des difficultés à durer : 10 % d’entre elles ont disparu dans les cinq dernières années. Le fonds stratégique d’investissement (FSI) a justement été créé en 2008 pour pallier cette difficulté. La défense a également encouragé le développement de fonds plus spécialisés qui réunissent la caisse des dépôts et les grands acteurs du domaine. Aerofound, spécialisé dans le domaine aéronautique et spatial, a par exemple géré 36,2 millions d’euros en 2010, répartis en interventions dont le montant a varié entre un et quatre millions d’euros.

La crise a conduit les PME à développer elles-mêmes de nouvelles solutions. La base industrielle française apparaissant trop fragmentée, les entreprises ont cherché à se regrouper pour améliorer la circulation de l’information, pour mieux se faire connaître, voire pour procéder à des rapprochements capitalistiques. Vous connaissez le rôle éminent joué par les organisations professionnelles que sont le GICAN, le GICAT et le GIFAS. J’indiquerai simplement qu’elles comprennent toutes un comité ou une commission dédié aux PME. Malheureusement, l’essentiel du financement de ces organisations provient des grands groupes, ce qui entretient encore la dépendance.

À leur côté, des groupements transversaux ont émergé : il s’agit du comité Richelieu et du pacte PME. Créé en 1989 par cinq dirigeants de PME en collaboration avec la DGA, le Comité Richelieu regroupe 300 PME adhérentes et 4 027 PME associées. Il couvre un large spectre d’entreprises comptant parmi ses membres des start-up, des PME et des ETI. Il cherche à aider ces entreprises à s’épanouir financièrement et technologiquement dans le but de conquérir de nouveaux marchés nationaux et internationaux. Créé en 2010, le pacte PME prolonge cette initiative et l’étend à encore plus de partenaires et de secteurs. Contrairement aux groupements sectoriels, le Comité Richelieu et le Pacte PME sont des organismes qui souhaitent améliorer les relations entre toutes les PME innovantes et les grands groupes sans se limiter à un domaine particulier. Ils veillent par exemple à ce que les PME de défense accèdent bien à l’information technologique détenue par l’État : il n’est pas possible de répondre aux appels d’offre sans connaître en amont les besoins des armées.

J’aimerais maintenant insister sur une initiative particulièrement pertinente portée par la chambre de commerce et d’industrie de Rhône-Alpes. Les PME de défense de la région se sont en effet regroupées au sein d’un cluster baptisé EDEN. Il s’agit de partager les données sans être nécessairement en concurrence. Actuellement, le cluster comprend 46 entreprises, la sélection reposant sur des critères objectifs comme la localisation géographique, l’obligation d’être une entreprise française, d’avoir une trésorerie et des comptes sains, mais aussi et surtout sur une approche subjective. EDEN recherche en effet des PME possédant un fort esprit de camaraderie et un sens profond du partage et de l’action commune. Le cluster donne de la visibilité aux PME en participant par exemple à des grands salons internationaux : seules, les PME n’auraient pas les moyens d’y être représentées. Il a également organisé des rencontres avec les armées pour que les PME puissent leur présenter leurs produits et qu’elles nouent ainsi des contacts directs.

Le concept fonctionne très bien et d’autres régions comme la Bretagne et l’Aquitaine envisagent de le reprendre. Le retour d’expérience du cluster montre bien que lorsque des PME travaillent ensemble, avec un principe fort de solidarité, elles peuvent aller plus loin et plus vite.

Vous le voyez, il existe donc une dynamique forte en faveur des PME. Pourtant, les initiatives que nous vous avons présentées souffrent d’une trop grande dispersion. Si nous voulons véritablement améliorer la situation des PME, et partant, soutenir la croissance et l’emploi dans notre pays et dans nos territoires, il nous faut mettre en place une politique coordonnée et structurée en la matière.

Nous vous proposons trois pistes de réflexion. Il faut arrêter de limiter les PME à un rôle de simple sous-traitant. Elles peuvent tout à fait être des partenaires de premier rang, que ce soit en métropole ou à l’étranger. Ainsi une entreprise française qui a remporté un marché de 60 millions d’euros aux Émirats arabes unis ne parvient pas à accéder au marché national. De même à Singapour une société n’a pas bénéficié du soutien de notre attaché de défense quand l’ambassade d’Allemagne mettait tous ses moyens à la disposition du concurrent, y compris en faisant venir un détachement de militaires. Au salon du Bourget, nous avons rencontré une start-up spécialisée dans la réparation rapide des réservoirs aéronautiques. Elle travaille directement pour l’armée de l’air américaine mais ne décroche aucun contrat en France car elle doit passer par tous les échelons intermédiaires.

Les PME sont également contraintes par les délais de traitement des autorisations d’exportation : souvent le délai de réponse est supérieur au délai prévu par l’appel d’offres. Il faut que les PME aient des partenaires particulièrement patients si elles veulent remporter un contrat à l’international.

Il faut revoir la politique d’allotissement des marchés de défense, et notamment des programmes d’études amont (PEA) qui sont trop souvent réservés à de grandes structures. Il faut aussi laisser à la DGA plus de souplesse dans la gestion de ses crédits : avec une enveloppe de 20 millions d’euros, elle pourrait ainsi intervenir rapidement pour soutenir l’innovation ou faciliter le développement d’une PME stratégique.

Nos représentations et nos attachés d’armement doivent aussi connaître et accompagner les PME à l’international : il appartient à la France de s’assurer que les PME sont bien représentées dans les grands salons et pas seulement comme faire-valoir des grands groupes.

Une réforme du code des marchés publics apparaît indispensable, ne serait-ce que pour mettre un terme aux exceptions en matière de défense en ce qui concerne le paiement direct des sous-traitants. Le taux de sous-traitance pourrait également être intégré aux critères retenus lors des appels d’offre. La comparaison est souvent faite avec le Small Business Act américain : sans contrainte réglementaire, je doute en effet que les pratiques évoluent.

Relancer l’innovation suppose également de protéger les découvertes. Le système actuel de brevets est long, coûteux et peu protecteur. Nous appelons de nos vœux un système européen harmonisé au plus vite. Pour ce faire, il faut définir un cadre général de la propriété intellectuelle des systèmes développés en commun. Le système de sous-traitance fait que la propriété de la PME disparaît souvent au profit du grand groupe. Ce pillage doit cesser et nous devons favoriser le développement d’une copropriété intellectuelle.

Tous ces éléments amélioreront indubitablement la situation des PME, mais nous n’y parviendrons pas sans revoir le montant des crédits alloués à la recherche de défense. Si nous voulons que notre pays soit encore un acteur international en matière d’industrie de défense, nous devons aujourd’hui lui donner les moyens de préparer l’avenir en investissant dans les secteurs stratégiques identifiés par le Livre blanc et la LPM.

Nous pouvons nous appuyer sur les PME pour atteindre cet objectif, à condition d’instaurer avec elles un partenariat franc et équilibré. L’agilité, la souplesse, l’imagination et la réactivité caractérisent ces entreprises ; à nous de faire preuve de ces mêmes qualités.

M. le président Guy Teissier. Les pistes que vous avez tracées sont intéressantes. La fidélisation des PME par les grands groupes est une garantie pour les PME mais elle peut aussi être un inconvénient car leur sort est alors lié à celui de l’entreprise mère. Comment définissez-vous le juste équilibre qu’il faut adopter ?

M. Jean Michel, rapporteur. Comme je l’ai indiqué, les grands groupes ont mené des stratégies différentes, certains privilégiant la filialisation. Les PME filialisées bénéficient d’une grande sécurité en matière de trésorerie et n’ont pas de difficultés avec les banques. En revanche, elles n’ont pas d’autonomie stratégique, les PME reprochant souvent aux entreprises mères d’empêcher leur développement et de les cantonner à des missions subsidiaires. En d’autres termes, les PME doivent choisir entre la liberté, avec les risques que cela suppose, et la sécurité.

M. Dominique Caillaud, rapporteur. Il arrive que certaines filiales soient dans une situation de concurrence avec des divisions internes de leur maison-mère, ce qui peut poser problème. Il existe également un risque permanent de transfert de technologies au sein d’une autre entité du groupe, que ce soit dans le même pays ou à l’étranger. La filialisation est donc un facteur de rigidité en raison de la position particulière du maître d’œuvre intégrateur par rapport à sa PME.

M. Patrice Calméjane. Les PME ont-elles parfois recours à la forme des groupements d’intérêt économique (GIE) pour répondre à des appels d’offre ? Airbus a autrefois été un GIE. Par ailleurs, le seuil fixé par le code des marchés publics que vous préconisez d’abaisser est-il le même dans la législation française que dans la législation communautaire ?

M. Jean Michel, rapporteur. Les marchés de défense ont été placés en dehors du droit européen de la concurrence par l’article 296 du Traité de Rome, devenu aujourd’hui l’article 346 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Les PME se regroupement fréquemment mais de façon ponctuelle et pour répondre à un appel d’offre spécifique. Sur le long terme, il existe d’autres exemples de rapprochement comme le cluster EDEN que nous évoquions précédemment. Les entreprises qui rejoignent cette association prennent l’habitude de travailler ensemble et « chassent en meute ». Nos partenaires savent très bien le faire ; nous devons suivre cet exemple et développer cette solidarité au sein du monde de la défense. La force de ces regroupements réside également dans la collecte et le traitement de l’information, ces deux aspects faisaient souvent défaut aux PME.

Les initiatives que nous vous décrivons font école puisque les régions Bretagne et Aquitaine envisagent elles aussi de créer des clusters. Je sais que des projets de ce type existent aussi en Auvergne.

M. Dominique Caillaud, rapporteur. Le recours aux GIE emporte une importante responsabilité en matière juridique et financière et les entreprises n’y ont recours que pour des programmes bien définis. Par ailleurs, la constitution d’un GIE nécessite que les partenaires aient des tailles équivalentes avec un chef de file particulièrement robuste. Si vous combinez ces critères, vous comprendrez qu’il y a peu de PME dans les GIE. Les regroupements de PME souffrent généralement de l’absence d’un chef de file qui pourrait seul assurer la gestion du contrat. Partant de ce constat, nous proposons justement de revoir les modalités de passation et d’exécution des marchés publics : il faut en finir avec une application maximaliste du principe de précaution.

L’application de ce principe par la DGA conduit par exemple à écarter pour un marché de 200 millions d’euros toute entreprise qui a un chiffre d’affaires annuel de moins de 200 millions d’euros. Mais, si cette commande est livrable sur dix ans et que l’on répartit cette somme sur la période, le critère du chiffre d’affaires change complètement. Comme ce n’est pas le cas, les PME sont souvent obligées de passer par un maître d’œuvre plus important en termes de surface financière, quand bien même il ne détiendrait aucune compétence technique dans le domaine concerné. Il est donc essentiel d’arrêter de se focaliser sur le seul chiffre d’affaires ; la capacité de faire est un critère beaucoup plus déterminant.

M. Christian Ménard. Qu’en est-il de l’impact des retards liés à CHORUS sur le montant des intérêts moratoires ?

M. Jean Michel, rapporteur. Comme l’a indiqué le président Teissier dans sa présentation sur l’exécution des crédits, les intérêts moratoires ont atteint 45 millions d’euros en 2010 quand ils étaient à 18 millions d’euros en 2009.

Mme Michèle Alliot-Marie. Je voudrais apporter quelques éclairages complémentaires à cet excellent rapport. Nos PME ont besoins de deux choses : une plus grande visibilité pour mieux préparer leur avenir et un adossement à d’autres entreprises pour avoir un peu plus d’ampleur.

Concernant la visibilité, nous devons nous demander quelle est la vision stratégique que nous pouvons avoir des besoins mondiaux. La DGA fait plutôt bien ce travail sur les équipements sophistiqués mais ne le fait pas sur les produits plus rustiques. Le Rafale est certes un excellent produit, mais peu de pays sont capables de l’acheter et de l’utiliser ! Le marché des équipements plus rustiques concerne en revanche tous les pays ; c’est une grande opportunité pour nos PME à condition qu’elles bénéficient d’une visibilité suffisante.

Dans le même esprit, l’activité de la DGA est très orientée sur la défense alors qu’elle pourrait s’ouvrir à des marchés plus vastes comme ceux de la sécurité civile ou de la sécurité intérieure qui disposent de caractéristiques communes. Ces marchés sont aujourd’hui segmentés et la DGA devrait avoir dans ce domaine une véritable vision stratégique.

J’aimerais également insister sur la question de notre dépendance à l’égard de nos partenaires étrangers pour des équipements spécifiques comme le porte-avions. C’est précisément dans ces activités de niches qu’il faut regarder car ce sont des marchés potentiels pour nos PME.

Vous avez souligné que la taille des PME n’était pas suffisante pour répondre à certains appels d’offres et que leur pérennité même était difficile à assurer. Je relève que lors de la crise les grands groupes ont sacrifié en priorité leurs PME. Il faut revoir la structuration des liens entre PME et grands groupes et raisonner à l’échelle européenne. Comment les PME peuvent-elles avoir accès aux informations stratégiques pour accéder aux marchés de nos partenaires ? Comment peuvent-elles connaître les entreprises avec qui elles pourraient s’allier ? J’espérais que l’agence européenne de défense puisse jouer ce rôle mais j’ai peur que mes espoirs ne soient déçus vu l’état actuel de l’Europe de la défense. Il faudrait donc réfléchir à la mise en place d’un organisme chargé d’aider les PME à avoir cette vision européenne.

M. Dominique Caillaud, rapporteur. Sur cette question de l’adossement à d’autres entreprises européennes, nous avons rencontré des PME qui avaient créé des mini-structures dans différents pays européens mais aussi aux États-Unis. Pour ce qui concerne les marchés publics, nous sommes assez angéliques en France. Cette naïveté est particulièrement visible en matière d’offset dans les contrats d’exportation : nous n’en imposons pas alors que nos partenaires n’ont pas ces états d’âme. Or les PME sont généralement les premières à pâtir de telles pratiques qui portent directement atteinte à leur propriété intellectuelle.

Les PME ont beaucoup perdu dans la crise. De surcroît, les maîtres d’œuvre intégrateurs empilent les marges et multiplient les intermédiaires plutôt que de traiter directement avec les PME. Outre la hausse mécanique des prix de vente qui en découle, cette pratique alourdit la responsabilité des PME, le maître d’œuvre répercutant en cascade l’intégralité des risques même si les sous-traitants ne sont responsables que d’une partie du programme.

M. Jean-Jacques Candelier. Vous nous avez dit que les banques aidaient peu les PME. L’État ne peut-il le faire directement ?

Les États-Unis, la Russie, le Royaume-Uni et la France sont les premiers fournisseurs mondiaux d’armement, la Chine étant cinquième. Avec la levée de l’embargo sur ce pays, n’y a-t-il pas un risque de le voir devenir un sérieux concurrent pour nos entreprises en général et nos PME en particulier ?

M. Jean Michel, rapporteur. Comme nous l’avons expliqué dans notre rapport, l’État intervient par le biais de différentes structures : OSEO, le fonds stratégique d’investissement (FSI), tous deux sous la tutelle de la Caisse des dépôts et consignations, mais aussi par des fonds dédiés, comme la Financière de Brienne. Les PME ne disposent d’un interlocuteur dédié que depuis peu de temps, que ce soit au sein du ministère de la défense ou au sein de celui de l’économie. Ces créations de postes sont très importantes pour faciliter l’accès des PME à l’information.

M. Dominique Caillaud, rapporteur. La concurrence chinoise, comme celle des autres pays émergents, est déjà forte mais nos PME ont les moyens de faire face grâce à leurs qualités. Je pense notamment à leur réactivité, à leur sens de l’innovation et à la qualité de leurs recherches. Il faut en revanche les aider à l’export pour rester compétitifs. Il serait contre-productif de les enfermer dans des procédures rigides alors même qu’elles ont besoin de souplesse.

M. Michel Grall. En Europe, nous avons beaucoup de difficultés à adopter un Small Business Act. Le Conseil européen avait néanmoins voté un dispositif en ce sens en 2008. Il a d’ailleurs été réexaminé en début d’année : en savez-vous plus sur sa mise en œuvre ?

M. Dominique Caillaud, rapporteur. Pour le moment, cela reste un vœu pieu. Au niveau des acheteurs, nous restons sur la vision d’une délégation totale par programme. Dans nos auditions, nous avons constaté que la DGA se contente souvent d’être une centrale d’achats : elle n’a plus de vision industrielle et s’est, de ce fait, coupée du tissu industriel en ne traitant qu’avec quelques grands intégrateurs. Il faudrait qu’elle revienne à des contacts plus proches et cesse de voir l’industrie de la défense au travers des seuls grands groupes.

M. Michel Voisin. Vous avez évoqué les nombreuses difficultés rencontrées par nos PME ; j’aimerais en évoquer une supplémentaire. Une entreprise que je connais n’a pu traiter avec MBDA sur un programme car ces derniers lui ont opposé des normes de respect de confidentialité des données au niveau des ordinateurs. Or cette entreprise traite déjà avec plusieurs entreprises américaines ! Pourquoi lui impose-t-on de telles contraintes en France ?

Je m’inquiète par ailleurs de la prise de contrôle par des capitaux étrangers de certaines de nos PME de défense.

M. Jean Michel, rapporteur. La problématique de la confidentialité des données est très importante. Il y a quelques années, j’avais rédigé avec mon collègue Deflesselles un rapport d’information sur les entreprises de défense et la question de leur indépendance vis-à-vis des entreprises étrangères. La mission d’Alain Juillet sur l’intelligence économique avait également souligné la nécessité de mettre en place, auprès des préfets, une veille pour aider les entreprises à se protéger des prises de contrôle étranger. Cette vigilance s’appliquait en particulier aux start-up : au moment de leur changement de statut, elles sont particulièrement exposées à des prises de contrôle extérieures. C’est pour faire face à ce risque que des fonds comme la Financière de Brienne ont été créés afin d’aider les entreprises à se développer. Au niveau des PME, mais aussi des plus grandes sociétés, la sensibilisation à ces problématiques n’est cependant pas encore suffisante. Rares sont celles qui ont mis en place une veille en matière d’intelligence économique.

M. Dominique Caillaud, rapporteur. Les Américains regardent en priorité la capacité des entreprises à produire. En France, nous nous posons beaucoup trop de questions et imposons trop de critères annexes.

Il n’existe par ailleurs aucun organe pour centraliser les données et en assurer le partage. Le FSI dispose par exemple d’informations précieuses mais personne ne les lui demande ! Nous avons donc réellement besoin d’une structure dédiée à la veille technologique et financière sur les PME, comme nous le recommandons dans le rapport. Cela rejoint la nécessité de se doter d’une vraie politique industrielle en faveur des PME de défense. Nous devons cesser de cloisonner les activités comme nous le faisons aujourd’hui et gagner en cohérence et en efficacité.

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La Commission autorise, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport de la mission d’information en vue de sa publication.

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La Commission procède à l’examen du rapport de la mission d’information sur le contrôle de l’exécution des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » (M. Patrick Beaudouin, rapporteur).

M. le président Guy Teissier. Nous en venons maintenant à la présentation du rapport de la mission d’information sur le contrôle de l’exécution des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » par M. Patrick Beaudouin, nommé rapporteur le 1er décembre 2010.

J’étais tout à fait favorable à la création de cette mission, car maintenant que la Commission de la défense a la pleine compétence sur le secteur des anciens combattants, il est indispensable d’en suivre l’exécution budgétaire comme nous le faisons déjà pour la mission « Défense ».

M. Patrick Beaudouin, rapporteur. Je suis très heureux de vous présenter au nom de l’ensemble des membres de la mission, pour la première fois, le rapport sur l’exécution des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

Il porte sur l’exécution des crédits 2010, année où notre commission était saisie pour la première fois de la totalité des crédits de cette mission, suite à la réforme du règlement qui a sensiblement modifié la répartition des compétences entre les commissions permanentes.

Les deux programmes qui sont entrés dans notre champ de compétence, les programmes 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » et 158 « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde guerre mondiale » présentent la particularité d’avoir pour finalité principale le versement de prestations, indemnisations, pensions ou retraites, à différentes catégories de bénéficiaires. La construction de ces budgets dépend donc essentiellement de deux paramètres : le montant de ces prestations et l’évolution statistique des populations.

Le suivi de leur exécution est donc particulièrement intéressant pour nous, parlementaires, car de celui-ci dépendent les marges de manœuvre disponibles pour augmenter le niveau de certaines de ces prestations ou les étendre à de nouvelles catégories de bénéficiaires.

Pour élaborer ce rapport, les membres de la mission ont rencontré les principaux responsables de l’administration du ministère de la défense et des anciens combattants mais aussi ceux de la direction du budget.

La mission « Anciens combattants » participe à l’effort de réduction des déficits publics initié par le Gouvernement depuis 2007. Conformément à la programmation triennale, ses crédits suivent par conséquent une trajectoire régulière de baisse. Cette baisse ayant suivi de près celle des effectifs des bénéficiaires, cela n’a pas empêché l’augmentation du montant de certaines prestations.

Je vais d’abord dresser un bilan de l’exécution 2010 avant de faire le point sur quelques sujets d’actualité.

Le programme 169 comprend l’essentiel des crédits de la mission (3,175 milliards d’euros sur 3,423), qui eux-mêmes sont consacrés au financement des deux principaux dispositifs : les pensions militaires d’invalidité et la retraite du combattant.

Il s’agit là de deux dépenses de « guichet », c’est-à-dire du versement de prestations dont le montant est fixé à l’avance. La seule source d’écart possible entre la budgétisation et l’exécution est donc une évolution différente du nombre de bénéficiaires par rapport à la prévision.

Dans les faits, on constate un écart très faible entre l’évolution statistique prise en compte dans la budgétisation et la réalisation constatée.

Les effectifs des bénéficiaires de pensions militaires d’invalidité suivent ainsi une trajectoire régulière de baisse, d’un peu plus de 15 000 par an. L’année 2010 n’a pas fait exception puisque 16 000 sorties ont été enregistrées. L’écart entre l’exécution et la programmation est par conséquent très faible, moins de 1,35 % : 1,766 milliard d’euros sur 1,790 a été consommé pour servir des retraites à 320 272 personnes.

L’année 2010 a été marquée par l’augmentation de deux points, de 41 à 43 points, de la retraite du combattant au 1er juillet 2010. Dans le même temps, les effectifs ont baissé de 53 471 par rapport à 2009 : il y a eu 4 966 entrées et 58 437 sorties, ce qui était très proche des hypothèses retenues, 60 000 sorties.

Au final, l’exécution constatée est très proche de la budgétisation, 600 000 euros seulement n’ayant pas été dépensés, soit moins de 0,08 % des crédits inscrits (798,4 millions sur 799 pour 1 338 200 retraites).

Concernant les autres dépenses de ce programme, soins médicaux gratuits, remboursement des prestations de sécurité sociale ou majoration des rentes mutualistes, la consommation a également été très proche des prévisions.

L’indemnisation des victimes des essais nucléaires français n’a en revanche pas débuté en 2010. Le décret d’application de la loi du 5 janvier 2010 n’ayant été publié qu’en milieu d’année, le 11 juin 2010, l’année 2010 a été essentiellement consacrée à la mise en place du dispositif. Le comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) a été installé mais n’a pu se réunir qu’à six reprises. Le comité a instruit 135 dossiers sur les 455 reçus mais aucune indemnisation n’a encore été versée. Aucune dépense n’a donc été mise en œuvre en 2010 et les 10 millions d’euros prévus ont été réinscrits pour 2011.

Comme en 2009, les crédits prévus en loi de finances initiale pour le programme 158 « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde guerre mondiale » ont été insuffisants, la prévisibilité budgétaire des différents dispositifs étant très difficile.

Les montants versés aux victimes dépendent en effet de déterminants très difficilement modélisables : flux de nouveaux bénéficiaires d’une rente ou d’un capital chaque année, nombré de crédirentiers, montant des dossiers d’indemnisation de spoliations, stock des recommandations d’indemnisation… Ce programme a donc nécessité un abondement de 12,26 millions d’euros en loi de finances rectificative, portant le total des crédits à 109 millions.

Enfin, le programme 167 « Mémoire et liens avec la Nation » finance principalement l’organisation de la nouvelle Journée Défense et citoyenneté. La réorganisation en cours de la direction du service national et un nombre de jeunes présents sensiblement inférieur à la prévision (725 347 présents contre 780 000 prévus) ont conduit à une sous-consommation des crédits qui ont pu être mobilisés pour la politique de mémoire dans le cadre du 70anniversaire de l’appel du 18 juin 1940 et pour l’accélération de la rénovation des sépultures de la Grande guerre.

Je vais à présent faire le point sur la montée en charge de quelques dispositifs.

- Pour l’allocation différentielle servie aux conjoints survivants, 5 634 dossiers ont été instruits par l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONAC) en 2010 et 4 537 ont été déclarés éligibles, ce qui représente une somme de 5,065 millions d’euros, soit une hausse de 12 % des dossiers éligibles et de 21 % des crédits consommés.

Comme l’avait envisagé le secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants, et comme nous l’avions demandé lors du débat budgétaire de l’automne dernier, cette allocation a été portée à 834 euros au 1er avril 2011.

Nous attendons à présent, conformément à l’amendement que nous avons voté l’automne dernier, une étude de l’ONAC sur les effectifs des anciens combattants les plus démunis.

- Le nombre de conjoints survivants de très grands invalides concernés par la majoration de leur pension prévue par notre amendement était estimé à 40. Depuis, une dizaine de dossiers supplémentaires ont été répertoriés par le ministère de la défense et des anciens combattants.

Le débat budgétaire de l’automne prochain sera l’occasion de faire un nouveau bilan du dispositif et d’examiner les conditions de son extension à de nouvelles catégories de bénéficiaires.

- La réforme des critères d’attribution de la carte du combattant au titre des opérations extérieures est entrée en vigueur l’automne dernier : l’arrêté du 10 décembre 2010 est venu compléter le décret du 12 novembre. Peuvent désormais être qualifiés d’action de combat, l’intervention sur engin explosif, l’évacuation de personnes, le rétablissement de l’ordre, l’action de renseignement, la protection de l’espace aérien ou encore la lutte contre la piraterie, soit autant de missions plus en conformité avec la réalité de l’engagement de nos forces. L’impact budgétaire de la modification des critères d’octroi de la carte a été estimé à 800 000 euros en hypothèse basse, 1,2 million d’euros en hypothèse haute d’ici quinze ans. L’impact budgétaire de cette mesure est naturellement différé dans le temps puisque le titulaire de la carte doit avoir atteint 65 ans pour percevoir la retraite du combattant.

- Enfin, le ministère de la défense et des anciens combattants n’a pu fournir à la mission d’information le nombre de bénéficiaires potentiels de la campagne double suite à la parution du décret du 29 juillet 2010. Des premières estimations pourront être données à partir du mois de septembre prochain, avant le débat budgétaire.

M. Jean-Claude Viollet. Je souhaite féliciter la Commission pour son excellent travail concernant les budgets qui lui sont soumis. J’ai simplement une remarque de fond concernant la participation des anciens combattants à la réduction du déficit public. Ceux-ci sont des citoyens comme les autres puisqu’ils contribuent, avec la fiscalité, à la réduction du déficit public. Mais ils constituent également des exceptions : ils ont tout sacrifié pour la France, en payant parfois de leur sang. Nous ne pouvons donc leur demander de fournir un effort supplémentaire en participant à la réduction du déficit public. Aussi, j’aimerais que l’on bannisse de notre discours cette vision des choses. Ce sont, au contraire, les citoyens français qui doivent faire un effort de mémoire envers eux.

M. Patrick Beaudouin, rapporteur. J’admets que la formulation de ma phrase était inadéquate. Je voudrais souligner que la baisse des crédits de la mission est le fait de trois actions : la disparition programmée de la direction de statuts, des pensions et de la réinsertion sociale (DSPRS), la réforme en cours de la direction du service national et, surtout, la diminution des effectifs des bénéficiaires de cette mission. Les prestations versées aux anciens combattants n’ont donc pas connu de baisse, plusieurs d’entre elles ayant au contraire été revalorisées.

M. Dominique Caillaud. Le regroupement et la rénovation de nos cimetières en Algérie sont-ils financés par les crédits de cette mission ?

M. le président Guy Teissier. C’était une volonté du Président Chirac de rénover ces cimetières. Des communes participent également à cet effort : Marseille finance ainsi la rénovation du cimetière Saint-Eugène à Alger.

M. Patrick Beaudouin, rapporteur. L’entretien des cimetières est effectivement financé par cette mission. Il est effectué par l’ONAC, qui a repris les attributions de la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA) dans ce domaine. Conformément à la volonté du Président Chirac, un programme d’entretien a été établi sur plusieurs années.

M. Michel Voisin. J’aimerais savoir si l’indemnisation des orphelins prévue par le décret de 2004 se poursuit et si de nouveaux dossiers sont traités chaque année. Il était initialement prévu d’indemniser un peu plus de 27 000 personnes.

M. Patrick Beaudouin, rapporteur. Il existe en fait trois décrets : le décret de 1999 pour les victimes de spoliations du fait des législations antisémites, le décret de 2000 pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites et le décret de 2004 pour les orphelins dont les parents ont été victimes d’actes de barbarie. Les critères définissant les conditions d’accès aux différentes indemnisations sont très stricts mais beaucoup de dossiers continuent à être traités chaque année. Un peu plus de 50 000 personnes ont ainsi été indemnisées depuis le début de la campagne d’indemnisation.

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La Commission autorise, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport de la mission d’information en vue de sa publication.

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La séance est levée à onze heures quarante.

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Membres présents ou excusés

Présents. – Mme Patricia Adam, Mme Michèle Alliot-Marie, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Patrick Beaudouin, M. Jean-Louis Bernard, M. Dominique Caillaud, M. Patrice Calméjane, M. Jean-Jacques Candelier, M. Bernard Cazeneuve, M. Guy Chambefort, M. François Cornut-Gentille, M. Bernard Deflesselles, M. Jacques Desallangre, M. Nicolas Dhuicq, M. Jean-Pierre Dupont, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. Laurent Fabius, M. Yves Fromion, M. Michel Grall, Mme Françoise Hostalier, M. Jacques Lamblin, M. Jack Lang, M. Jean-Marie Le Guen, M. Daniel Mach, M. Alain Marleix, M. Alain Marty, M. Christian Ménard, M. Damien Meslot, M. Jean Michel, M. Gwendal Rouillard, M. Michel Sainte-Marie, M. Guy Teissier, M. Yves Vandewalle, M. Jean-Claude Viollet, M. Michel Voisin

Excusés. – M. Daniel Boisserie, M. Laurent Cathala, M. Lucien Degauchy, M. Guillaume Garot, M. André Gerin, M. Franck Gilard, M. Francis Hillmeyer, Mme Marylise Lebranchu, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Franck Marlin, M. Philippe Nauche