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La séance est ouverte à quinze heures cinq.
La Commission entend la présentation du rapport de la mission d’évaluation et de contrôle de la commission des finances sur les externalisations dans le domaine de la défense (MM. Louis Giscard d’Estaing et Bernard Cazeneuve, rapporteurs).
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M. Michel Voisin, président. En préambule, je voudrais rendre hommage au nom de toute la Commission au capitaine Valéry Tholy, du 17e régiment du génie parachutiste de Mautauban. Né en 1975, il était marié et père de trois enfants. C’est le 22e soldat tombé depuis le début de cette année en Afghanistan.
Nous allons débuter nos travaux de l’automne par l’audition de nos collègues Bernard Cazeneuve et Louis Giscard d’Estaing qui vont nous présenter le rapport réalisé par la mission d’évaluation et de contrôle (MEC) de la commission des finances sur les externalisations dans le domaine de la défense.
C’est un sujet que nous suivons de près depuis plusieurs années. Nous avions dès 2007 chargé Marc Francina de réfléchir à cette question ; nous avons depuis interrogé responsables et acteurs du monde de la défense. La Cour des comptes a rendu, à la demande de la commission des finances, un rapport en février dernier et la MEC a souhaité approfondir le sujet.
M. Louis Giscard d’Estaing, rapporteur. Les missions précédentes, que j’avais conduites avec la regrettée Françoise Olivier-Coupeau, avaient porté, pour le premier opus, sur le coût et le surcoût des opérations militaires extérieures (OPEX) et, l’année suivante, sur les recettes exceptionnelles qui devaient abonder le budget de la défense. Les travaux de la MEC associent toujours un membre de la commission des finances et un membre de l’opposition appartenant à la commission compétente pour le sujet traité. En l’espèce, cette mission m’a associé, en tant que rapporteur spécial du budget « Préparation et emploi de forces », à Bernard Cazeneuve, membre de votre commission. Nous avons travaillé pendant le premier semestre de cette année et rendu notre rapport au début de l’été.
En France, l’achat de prestations autrefois réalisées en régie n’est pas une nouveauté : le phénomène a pris son essor à la fin des années 1990 avec la suspension du service national. Mais cette politique a connu sa véritable expansion au cours des années 2007 et 2008, dépassant désormais largement le milliard d’euros de prestations externalisées. En 2009, les dépenses d’externalisation représentaient 5 % du budget de la défense, soit 1,7 milliard d’euros, et avaient presque triplé par rapport à 2001.
Ce sont les dépenses dans le domaine du maintien en condition opérationnelle (MCO) des aéronefs et des prestations fournies en OPEX qui expliquent la hausse. Le périmètre du recours à l’externalisation s’est nettement accru au cours de ces dernières années : il s’étend désormais à des procédures coordonnées à l’échelle du territoire métropolitain, à la formation, à la projection et au soutien des forces déployées en OPEX.
L’ampleur du mouvement n’est certes pas comparable à ce qui se pratique chez les Anglo-saxons : les Britanniques ont externalisé 25 % de leur budget de la défense, soit environ 10 milliards d’euros. En revanche, les montants externalisés par l’armée allemande sont comparables aux nôtres avec 1,6 milliard d’euros, soit 5 % du budget de la Bundeswehr.
En France, le ministère de la défense a codifié le processus décisionnel pouvant mener à une externalisation, la première tâche consistant à identifier tous les éléments attachés à une activité en régie, c’est-à-dire de production interne. Le ministère examine ensuite s’il est possible de réaliser en interne des économies qui rendraient une externalisation superflue. S’il apparaît malgré tout que le recours à celle-ci peut être envisagé, la démarche est poursuivie. Puis une évaluation préalable est réalisée : le ministère observe la situation dans d’autres entreprises ou entités administratives et recherche les prix du marché.
L’externalisation ne doit pas affecter la conduite des opérations : c’est la « ligne rouge » à ne pas franchir ; elle ne l’a d’ailleurs jamais été. Mais surtout, elle doit permettre des économies solides et durables.
Le ministère veille à ce que le marché ne soit pas aux mains d’oligopoles et que la concurrence soit préservée, de manière à pouvoir transférer le marché à un nouveau partenaire si le titulaire du contrat venait à faillir. C’est le principe de l’éventuelle réversibilité permettant, en cas de changement de titulaire, de revenir à une gestion en régie ou de faire appel à un autre prestataire. En matière de défense, il faut éviter tout blocage.
La situation du personnel est également prise en compte. Ainsi, la réglementation a été modifiée et le décret du 21 septembre 2010 a permis la mise à disposition de personnels de la défense à des entreprises sous-traitantes. Les agents qui n’ont pas recours à ce dispositif peuvent bénéficier du plan d’accompagnement des restructurations (PAR).
Ce décret, surnommé MALD (mise à la disposition), définit les modalités permettant aux personnels civils et militaires du ministère de la défense d’être mis à disposition d’une entreprise attributaire d’un marché concernant une activité externalisée. Il constitue la transposition au secteur public de ce qui existe déjà dans le privé en application de l’article 122-12 du code du travail.
L’agent mis à la disposition continue de percevoir l’ensemble des éléments de la rémunération afférente à l’emploi qu’il occupait précédemment au sein du ministère. De son côté, l’entreprise d’accueil verse un remboursement égal « à la somme du salaire, des majorations de salaire et des cotisations et contributions dus par l’organisme d’accueil pour l’emploi d’un salarié occupant un poste comparable avec une qualification professionnelle et une ancienneté équivalentes ».
Quel est l’intérêt de ce décret ? En l’absence d’outil juridique permettant leur transfert, les armées devaient jusqu’en 2010 procéder au reclassement de leurs personnels, ce qui occasionnait des coûts importants : frais de mutation, indemnités de départ volontaire, etc. Non seulement le décret évite de tels coûts, mais il permet aussi aux personnels de continuer à travailler sur un même lieu géographique, ce qui le rend socialement attractif.
Au premier abord, ce dispositif impose un certain surcoût à l’État, mais il faut tenir compte du fait que les personnels concernés ne se retrouvent pas employés en surnombre ailleurs, et ne bénéficient pas d’indemnités de reclassement complémentaires. Au reste, nombre de personnes mises à disposition des entreprises par le ministère de la défense rejoignent définitivement ces sociétés au moment où elles quittent l’armée.
Le champ d’intervention de l’externalisation s’est considérablement étendu au cours de ces dernières années. Nous nous sommes intéressés prioritairement aux projets non encore aboutis, sur lesquels le pouvoir politique et le pouvoir législatif peuvent donner un avis de nature à influer sur les décisions finales.
Je présenterai deux cas, sur lesquels nous souhaitons attirer votre attention : l’affrètement aérien et les satellites de télécommunications
S’agissant de l’affrètement aérien, certains pays membres de l’OTAN ont mis des ressources en commun pour affréter des aéronefs de transport lourds partout dans le monde. Le consortium ainsi créé affrète actuellement six Antonov 24 capables d’accueillir des cargaisons hors gabarit. Il s’agit du contrat Salis (Strategic Air Lift Interim solution ou solution intérimaire pour le transport aérien stratégique) qui constitue une originalité dans la mesure où il lie l’OTAN par un contrat stratégique à une société russe, Volga-Dniepr.
Ces aéronefs sont utilisés comme solution intérimaire pour pallier les lacunes des moyens de transport aérien stratégique de l’Alliance, en attendant la livraison des premiers Airbus A400M ainsi que des ravitailleurs MRTT qui seront également employés au transport de passagers et de marchandises.
La France représente 25 % des demandes contractuelles adressées à Salis. Notre pays est l’un des plus engagés hors de son territoire national et ne dispose pas d’une flotte de gros-porteurs stratégiques, contrairement aux États-Unis ou au Royaume-Uni.
Parallèlement au contrat Salis, mais séparément de l’OTAN, un groupe de nations européennes a mis au point un mécanisme de coopération original permettant l’échange de prestations de transport de passagers et de marchandises sur la base d’un troc d’heures de vol. Il s’agit de l’accord Atares, conclu par douze pays.
Dans les deux cas, Salis et Atares, il s’agit d’une externalisation subie et non choisie : l’armée de l’air française n’a plus les capacités de transporter avec ses moyens patrimoniaux les matériels nécessaires au soutien de nos OPEX. Ainsi, en 2010, elle n’a transporté avec ses moyens propres que 46 % des acheminements stratégiques de fret. Et pour la première fois, plus de 50 % des acheminements de fret de nos forces ont été réalisés par des appareils russes, principalement les Antonov du contrat Salis, sans lesquels le soutien de nos 4 000 hommes en Afghanistan ne serait pas possible. Autant que la Cour des comptes, la MEC s’alarme de cette très forte dépendance.
Bien que le contrat Salis courre jusqu’en 2012, la société Volga-Dniepr a annoncé son souhait de se désengager. Elle a porté unilatéralement le prix de l’heure de vol à 30 200 euros, soit une majoration d’environ 20 %, et le volume d’heures a été fortement réduit. Pour compenser le désengagement de son partenaire, l’armée française a conclu dans l’urgence un contrat bilatéral avec un autre partenaire, la société ICS.
Cet événement illustre parfaitement les dangers d’une dépendance de nos forces à l’égard d’une société en position oligopolistique.
Mais le protocole Atares passé entre pays européens peut réserver lui aussi quelques désagréments : ainsi, lors des premiers jours de l’intervention en Libye, l’armée française a éprouvé des difficultés à évacuer par voie aérienne les ressortissants étrangers pris au piège des frappes et de la fermeture des frontières. L’Allemagne ayant décidé de ne pas participer à la coalition, l’armée de l’air allemande a refusé de mettre ses appareils de transport à la disposition de nos forces, alors même que les deux pays participent au dispositif d’échange d’heures de vol Atares.
L’une des propositions de la MEC est de veiller à ce que les armées, sans renoncer complètement aux contrats d’externalisation, conservent un socle minimal de capacités patrimoniales qui leur permettent de ne pas devenir dépendantes de partenaires privés. C’est la raison pour laquelle, notamment, nous appelons le ministre de la défense à commander aussitôt que possible l’avion de ravitaillement et de transport MRTT. La commande de 14 appareils est inscrite en loi de programmation pour 2009 à 2014 : il ne faut plus attendre car le délai de livraison est de six ans.
Deuxième exemple concret : l’opération NECTAR et les satellites de communication militaires Syracuse. L’objectif de cette opération consiste à céder à titre onéreux à un opérateur privé l’usufruit de ces satellites, en échange de quoi il s’engagera à gérer, moyennant un loyer qui lui sera versé, les communications satellitaires du ministère de la défense qui sera alors un client privilégié. Les capacités non utilisées par les armées pourront être proposées à d’autres clients, mutualisant ainsi les moyens et augmentant les sources de revenus possibles.
En cas de pertes de capacités des satellites, c’est à l’opérateur qu’incomberait la charge de trouver des solutions de rechange : le ministère de la défense louerait ainsi un service global de télécommunications.
Nous attirons l’attention du Gouvernement sur les dangers induits par une perte de compétence dans un domaine aussi essentiel pour le caractère opérationnel des armées. À la lumière des expériences étrangères, notamment britannique, nous constatons qu’une compétence perdue l’est généralement de manière irréversible.
Ainsi, la compétence « maître de satellite », détenue par des militaires possédant un savoir-faire très spécialisé pour diriger la charge utile, s’éteindra en 2012. La question de la réversibilité se pose car il faudrait de nombreuses années pour retrouver cette compétence.
Mais au-delà de cette affaire, la rentabilité globale du projet est en cause, en raison du retard pris par cette opération pilotée par la direction générale de l’armement (DGA) : elle est évoquée depuis 2008 mais sans cesse retardée.
La durée de fonctionnement résiduelle des deux satellites Syracuse en orbite est limitée à 2017 ou 2018 : tout retard dans la signature du contrat entraîne mécaniquement une réduction du prix d’acquisition qui sera proposé par les opérateurs. La DGA elle-même n’est pas sûre que la somme proposée par les candidats soit supérieure aux loyers à payer et que, par conséquent, l’opération soit rentable.
Par ailleurs, la durée envisagée pour le contrat, soit huit ans, paraît incompatible avec la durée de vie résiduelle des engins qui est de six à sept ans, même si l’on peut discuter de la capacité de ces satellites à durer un peu plus longtemps. La mise en œuvre risque désormais d’intervenir trop tard.
Compte tenu du retard accumulé, on voit mal désormais comment cette opération pourrait être menée à bien : nous avons pris acte de cette difficulté, dont est également conscient l’état-major des armées (EMA).
En conclusion, je ne voudrais pas donner une impression trop négative des partenariats public-privé (PPP). Des opérations telles que l’externalisation des véhicules de la gamme commerciale, la mise en œuvre des avions de l’école de Cognac ou l’achat d’heures de vol d’hélicoptère au profit de la base école de Dax semblent donner de bons résultats pour un moindre coût.
De même, il est probable que l’opération Balard n’aurait pas été possible sans un partenariat de ce type.
Toutefois, nous ne serions pas dans notre rôle si nous n’attirions pas l’attention de la Commission sur les dérives résultant de certains projets.
M. Bernard Cazeneuve, rapporteur. Lorsque nous nous sommes plongés dans le sujet des externalisations, nous avions l’un et l’autre comme préoccupation, comme d’ailleurs les personnes que nous avons auditionnées, de veiller à l’équilibre budgétaire de la réforme du ministère de la défense dans un contexte où l’argent public est plus rare qu’il ne l’a jamais été. Le ministère estimait que les externalisations pouvaient être un moyen d’optimiser l’équation financière ; nous devions nous en assurer. La réforme repose sur 54 000 suppressions d’emploi, qui, dans le modèle initial, devaient permettre de dégager 2,7 milliards d’euros d’économies, intégralement affectées à l’équipement de nos forces. S’ajoutent à ce schéma quelques aléas soulignés par Louis Giscard d’Estaing concernant les recettes exceptionnelles ou les surcoûts liés aux frais d’infrastructures ou d’accompagnement social.
En reprenant quelques-unes des conclusions de la Cour des comptes, il est possible d’établir une typologie des externalisations permettant de faire le point sur les raisons pour lesquelles le ministère y recourt. On peut en distinguer trois types.
Le premier concerne les externalisations destinées à poursuivre la révision générale des politiques publiques (RGPP) et la déflation des effectifs, sans le dire clairement et en renvoyant à l’entreprise privée le soin de procéder à des réorganisations qu’il pourrait être difficile de conduire en régie. Je pense notamment à celles conduites dans le domaine de la restauration, de l’hôtellerie et des loisirs (RHL), qui concernent aujourd’hui environ 350 personnes et qui pourraient porter sur 8 000 postes. De même, en matière de MCO aéronautique, la première salve d’externalisations a permis la suppression de 750 emplois conformément à l’objectif initial ; l’opération devrait finalement concerner 1 900 emplois. Cela conduit certains acteurs du ministère de la défense à considérer que les externalisations pourraient permettre la suppression de 16 000 emplois en plus des 54 000 prévus dans le cadre de la RGPP. Même si tous ne partagent pas ce point de vue, on ne peut nier cette première dimension des externalisations : la poursuite de la RGPP par d’autres moyens.
Les externalisations peuvent aussi servir à réaliser les recettes exceptionnelles permettant d’équilibrer l’équation budgétaire de la réforme. Ces externalisations n’ont pas donné le résultat attendu et accumulent les difficultés. La vente de l’usufruit des satellites de communication a par exemple beaucoup tardé et a conduit à une durée du partenariat d’externalisation plus longue que la durée d’amortissement des appareils. Cela nous a amenés à considérer ce projet difficile à mettre en œuvre.
Le troisième type d’externalisations concerne les opérations destinées, par le biais du partenariat public-privé, à doter le ministère de moyens qu’il ne peut financer immédiatement faute de trésorerie suffisante. Le coût d’acquisition est étalé dans le temps tout en créant les conditions d’une jouissance immédiate.
Tel est le cas du projet Balard, pour lequel sont prévus 700 millions d’euros d’investissement initial et 146 millions de loyers annuels, l’ensemble se soldant par une facture finale de 3,7 milliards d’euros.
Plusieurs aléas pèsent sur ce partenariat. Des aléas juridiques d’abord, puisque le ministère de la défense et la mairie de Paris sont en conflit sur des éléments de droit de l’urbanisme, le partenariat ayant été attribué à un candidat présentant un projet incompatible avec l’actuel plan local d’urbanisme (PLU) de la ville.
Par ailleurs, l’équilibre global de ce partenariat n’est possible que si l’on vend la totalité des actifs de l’îlot Saint-Germain, avec un produit de vente estimé à environ 600 millions d’euros, sachant que cette opération est très compliquée.
Enfin, l’équation consolidée de ce projet n’a de sens que si on a la garantie que ce que l’on fait coûte moins cher que la rénovation et la rationalisation des emprises actuelles des états-majors.
À cet égard, Mme Michèle Alliot-Marie avait conduit, lorsqu’elle était ministre de la défense, un projet intitulé « projet stratégique pour Paris » (PSP) qui tendait à réorganiser les sites parisiens au travers d’une réduction de format. Ce projet représentait un volume budgétaire beaucoup moins important que celui de l’actuel partenariat.
Je crois que toutes ces questions sont importantes et montrent qu’il y a encore beaucoup de points à régler.
Les externalisations sont-elles ou non une bonne chose ? Je n’ai pas de réponse à cette question dans la mesure où nous n’avons pas réussi à consolider les chiffres, pas plus d’ailleurs que la Cour des comptes. Nous avons peiné à obtenir des tableaux comparatifs sur les résultats d’une régie rationalisée et d’une externalisation. En l’absence d’éléments objectifs, nous ne pouvons qu’attirer votre attention sur les aléas de ces projets. En tout état de cause, il nous faut poursuivre la réflexion sur le sujet.
M. Michel Voisin, président. Des décisions ont été prises sur le paquetage de nos militaires à la suite notamment d’expériences menées en Afghanistan ; une dépense de 18 millions d’euros est prévue à cet effet. Où en sommes-nous ? Ce paquetage est-il actualisé au regard des normes de l’OTAN ?
M. Bernard Cazeneuve, rapporteur. Lorsque nous avons interrogé les acteurs du ministère de la défense sur l’externalisation de l’habillement d’une partie de nos troupes, ils nous ont indiqué qu’elle ne remettait pas en cause la qualité des équipements fournis à nos armées au regard des normes de l’OTAN. Elle permet, selon eux, une meilleure gestion des stocks, évitant au ministère de devoir supporter le coût de stocks importants pendant de longues durées, l’entreprise titulaire du marché se chargeant de cette tâche. Nous n’avons de la part des militaires aucun élément attestant une dégradation du service rendu sur les théâtres d’opération les plus sensibles.
M. Louis Giscard d’Estaing, rapporteur. Une partie de la fourniture du paquetage était déjà externalisée : les treillis sont depuis longtemps achetés à des entreprises extérieures.
Le ministère nous a garanti que, dans le cadre de l’externalisation de la fonction habillement, la maîtrise d’ouvrage et la conception des tenues de combat restaient bien de la compétence de nos armées.
La gestion des stocks vestimentaires correspondant à une période où nous avions le service national ou des capacités de mobilisation importantes de nos réservistes n’a plus de sens aujourd’hui : il était donc légitime de rationaliser son organisation. Deux grands centres logistiques seront donc confiés à des entreprises extérieures.
S’agissant plus particulièrement de l’adaptation du paquetage sur le théâtre afghan, il s’agissait moins d’externaliser que de réagir en urgence après les événements de la vallée d’Uzbine, en achetant sur étagère certains éléments de paquetage dont nous ne disposions pas. 9 millions d’euros en 2008 et 11 millions en 2009 ont été consacrés à la réalisation de nouveaux équipements ; je pense notamment aux gilets pare-balles, aux nouveaux treillis aux protections balistiques, ainsi qu’à la protection des oreilles et des yeux.
M. Michel Grall. Il me semble que Bernard Cazeneuve a une lecture très budgétaire ou productiviste des externalisations ! Il ne s’agit pas de savoir si l’externalisation est une bonne chose ou non, mais si elle est utile pour le ministère et notre pays. Son objectif est de faire des économies dans la durée, d’avoir un meilleur accès à un instant donné au plus haut niveau de compétence ou de technologie disponible sur le marché mondial et de permettre aux personnels concernés d’avoir un parcours professionnel plus satisfaisant. Il vaut mieux sans doute être cuisinier chez Elior ou Avenance qu’au sein de l’armée de terre, les progressions de carrière étant peut-être plus faciles dans ces groupes privés.
Je souhaiterais savoir s’il existe aujourd’hui au sein du ministère une cartographie des moyens et des compétences externalisables, en distinguant trois noyaux principaux : un premier correspondant aux compétences clés qu’il convient de maintenir en interne ; un deuxième recouvrant des compétences éventuellement externalisables après une étude économique préalable, qui, je le rappelle, est obligatoire pour un contrat de partenariat ; un troisième regroupant les compétences inutiles pour le ministère, et qui pourraient utilement être externalisées.
M. Yves Vandewalle. Le travail des rapporteurs éclaire utilement certaines décisions à prendre, notamment s’agissant de l’acquisition de MRTT ou de la cession de l’usufruit des satellites de communication.
Lorsque je me suis rendu sur la base de Tora en Afghanistan, j’ai été surpris de constater que la restauration y était assurée par une société privée turque. Il ne faut pas grand-chose pour mettre une armée au tapis par voie alimentaire ! Si l’externalisation en métropole ou en temps de paix ne me choque pas, il en va différemment s’agissant des théâtres d’opération. Avez-vous un retour d’expérience à ce sujet ?
M. Bernard Cazeneuve, rapporteur. Pour répondre à Michel Grall, il est rare que ce qui est bien ne soit pas utile et que ce qui est inutile soit bien ! Mon approche n’est pas strictement budgétaire et économique : j’ai mesuré les externalisations à l’aune des objectifs que le ministère de la défense a lui-même fixé. La position que vous me prêtez n’est rien d’autre que celle du ministre !
Elle tend à faire en sorte que les externalisations soient une source d’économies dans un contexte budgétaire contraint. Nous avons soulevé les mêmes questions que vous, en particulier celle de savoir quel était le cœur de métier non externalisable. Nous avons par exemple évoqué à ce sujet les sociétés militaires privées qui peuvent remplir dans certains pays étrangers des missions qui nous paraissent régaliennes.
Nous avons demandé la nomenclature des métiers et des compétences relevant de ce cœur de métier ou pouvant avoir une dimension stratégique, mais les réponses qui nous ont été apportées par le ministère ont été lacunaires. S’agissant de la cession de l’usufruit des satellites de communication, Louis Giscard d’Estaing a souligné que nous allions perdre des compétences détenues par les armées en les confiant au secteur privé, ce qui pourrait poser problème.
Dans ces conditions, faute d’avoir toujours eu les réponses que nous attendions, nous n’avons pu que formuler des critiques à l’égard de la démarche engagée.
M. Louis Giscard d’Estaing, rapporteur. Lors de notre audition du ministre de la défense, il nous a indiqué que l’externalisation n’était ni un dogme, ni nécessairement recherchée dans le processus de décision. L’économie dans la durée se heurte en effet à quelques obstacles. D’abord, la comparaison avec une régie rationalisée est confrontée à un problème comptable car il est difficile de disposer d’une comptabilité analytique, même si des efforts ont été entrepris dans ce domaine. Deuxièmement, comme l’a montré l’expérience britannique, au bout d’un certain temps, le titulaire du contrat se retrouve en situation captive et, au moment du renouvellement, le risque est grand que le prestataire soit le seul candidat en mesure de répondre aux conditions du marché. Dans ce cas, l’économie dans la durée constatée dans une première phase du contrat peut être perdue dans la phase suivante, le cocontractant étant dans une position de force et pouvant récupérer de la marge. Nous sommes donc attentifs, au même titre que l’EMA et le ministère de la défense dans son ensemble, à avoir une approche très pragmatique, opération par opération.
Lorsque je me suis rendu sur la base avancée de Tora, je me suis fait la même réflexion qu’Yves Vandewalle. Aucun élément ne permet de mettre en doute le fait que la société titulaire du marché de restauration ait assuré cette prestation dans des conditions satisfaisantes, notamment au regard du critère prioritaire de sécurité ; d’autant que la Turquie appartient à l’OTAN !
J’ai évoqué, dans le précédent rapport sur le coût des OPEX, le cas de la construction des bâtiments sur cette base. Au départ, les forces installent un camp de toile, que l’on winterise, pour finalement construire en dur ou faire venir des constructions modulaires. Comme celles-ci engendrent un important coût d’acquisition ou de location, mais aussi de transport, de démontage et de rapatriement, il a été décidé de construire des bâtiments en dur en faisant appel à des entreprises afghanes. Ces locaux ont le mérite de pouvoir être restitués à l’armée locale après notre départ. Certaines externalisations, lorsqu’elles se font sur des théâtres d’opération au profit d’entreprises locales, sont donc positives dans la mesure où elles concourent à faire fonctionner l’économie du pays. Un concept astucieux de bâtiments par section de combat a d’ailleurs été créé.
M. Daniel Boisserie. Je note que les deux rapporteurs ont exprimé un certain scepticisme quant aux externalisations.
La dénonciation de son contrat par la société russe Volga-Dniepr ne constitue-t-elle pas une chance ? Que se serait-il passé en cas de dégradation des relations de la France avec la Russie ?
S’agissant de l’achat d’A400M, de mauvaises langues disent que cet appareil n’est pas conçu pour le type d’opérations que vous évoquez. En outre, il faut six ans pour le construire, et je ne suis pas certain qu’il soit effectivement commandé à ce jour.
Enfin, la société ICS est-elle française, occidentale ? Où est-elle située ?
M. Jean-Claude Viollet. Je salue le travail et l’approche pragmatique des rapporteurs. Je ne perçois pas de scepticisme mais une démarche scientifique qui tend à faire émerger avantages et inconvénients et à avoir une expertise suffisante pour faire les bons choix au bon moment.
Le sujet des externalisations n’est pas derrière, mais devant nous. Nous n’en sommes qu’au début et nous aurons des réponses à apporter dans les mois et les années qui viennent.
Je partage les interrogations des rapporteurs sur le projet Balard et les difficultés qui pourraient en surgir. Il convient de se poser les bonnes questions tant qu’il est temps !
L’externalisation n’est pas une fin en soi, mais un outil. Ce n’est pas parce qu’une procédure n’a pas abouti à un certain moment ou qu’une autre a été confrontée à l’échec qu’il faut en conclure au rejet pur et simple de toute forme d’externalisation ! L’outil n’était sans doute pas approprié et il y avait peut-être un manque de savoir-faire dans la mise en œuvre, notamment au début.
Lorsqu’elle était ministre de la défense, Mme Michèle Alliot-Marie a œuvré à une opération d’externalisation sur la base aérienne de Cognac dont on fête cette semaine le cinquième anniversaire. Après 100 000 heures de vol, les résultats sont au rendez-vous, car le choix était le bon, je l’avais d’ailleurs soutenu, et la méthode appropriée, dans la mesure où l’on a adopté le dialogue compétitif. Celui-ci est trop peu pratiqué dans notre pays, où l’on procède par appel d’offres avec la prévalence du mieux-disant sur toute considération qualitative.
Cette opération a permis de maintenir une flotte vieillissante d’Epsilon, de bénéficier d’avions Grob 120 neufs fournis par l’industriel qu’on n’aurait pas eus autrement ainsi que de simulateurs et d’entraîneurs de vol au dernier cri de la technologie, tout en gardant la compétence en matière de formation. On pourrait s’inspirer à l’avenir de ce type de réussite.
M. Bernard Cazeneuve, rapporteur. Notre démarche n’est en effet pas idéologique. Nous sommes confrontés à un problème financier : quels que soient les gouvernements qui seront amenés à exercer une responsabilité dans les années qui viennent, cette difficulté demeurera. Raconter des choses qui ne correspondent pas à la réalité des équations budgétaires et choisir les mauvais outils pour y faire face serait une faute.
Si nous voulons dégager des moyens significatifs pour faire des arbitrages capacitaires pertinents, il faut réaliser des économies de fonctionnement permettant d’équiper nos armées dans des conditions satisfaisantes.
Nous avons évalué l’efficacité des externalisations, non en fonction de nos opinions politiques ou de notre doctrine en la matière, mais des résultats qu’elles obtiennent au regard des objectifs que le ministre leur a assignés. C’est la meilleure manière de faire.
Nous avons également retenu d’autres critères à cet effet, tels que la remise en cause éventuelle de nos intérêts stratégiques, la vente de l’usufruit des satellites de communication ou la mise en place de sociétés militaires privées pouvant poser problème, ou au regard de la capacité à obtenir in fine un résultat supérieur à celui qu’on aurait eu avec une régie rationalisée.
Nous proposons une méthodologie : pas d’externalisation lorsqu’on touche aux intérêts stratégiques, ni s’il est démontré qu’une régie rationalisée permettrait de faire davantage d’économies. C’est simple et pragmatique. Mais on ne peut prendre la décision d’externaliser que si l’on a fait sur la régie rationalisée une étude suffisamment consolidée et analytique pour être sûr que l’on ne se trompe pas. Or l’exercice analytique et comptable de cette régie, dans ses avantages et inconvénients, n’est pas systématiquement réalisé au préalable.
Il n’y a pas de problème avec l’A400M ; la question se pose pour les MRTT et le ravitaillement en vol. Doit-on le confier à des sociétés privées ou faire une acquisition patrimoniale ? La question est facile à poser, mais dans la situation budgétaire actuelle, on peut être amené à renoncer à cette seconde possibilité parce qu’on n’est pas en mesure de la financer. Faute de crédits, la seule solution est de faire des arbitrages capacitaires.
M. Louis Giscard d’Estaing, rapporteur. Nous apportons dans notre rapport des éléments sur la société ICS, mais je ne peux pas vous renseigner sur sa nationalité. Elle utilise plusieurs types d’avions en fonction de la charge à transporter : des Antonov 124, des Iliouchine 76, des Airbus A300, des Boeing 747 et des Hercule C130. Elle s’est engagée à baser un Antonov 124 sur l’aéroport de Châlons-Vatry, avec pour objectif de réduire les coûts. Les Antonov de la société Salis étaient basés à Leipzig en Allemagne, ce qui imposait des vols de positionnement chaque fois qu’ils devaient venir sur les bases françaises avant de partir sur les théâtres d’opérations, généralement en Afghanistan.
Le général Philippe Carpentier qui est le responsable du centre multimodal de transport l’a reconnu lors de son audition le 6 avril dernier : à terme, même si nous disposons d’une capacité suffisante en A400M et MRTT, nous aurons toujours besoin d’un volume incompressible de 350 heures de vol par an d’Antonov 124 pour le fret hors gabarit. Se pose dès lors la question de savoir s’il vaut mieux affréter 350 heures de vol ou acheter un Antonov 124, sachant que les besoins de nos forces peuvent varier selon les années.
M. Philippe Nauche. Dans mes fonctions de rapporteur budgétaire, j’ai été amené à rencontrer l’expression « d’évaluation en conduite », signifiant que des externalisations ont été engagées sans qu’il y ait eu la moindre évaluation préalable de ce qui se faisait en régie. Le précédent chef d’état-major des armées (CEMA) distinguait l’opérationnel qui n’est pas externalisable, le problème étant de savoir à quel niveau on situe ce qui est opérationnel : comment considérer la restauration sur des théâtres extérieurs ?
Si la comptabilité analytique est en train de se mettre en place dans le ministère, aucune comparaison rétrospective n’est possible.
On parle toujours du même type d’externalisations : n’aurait-on pas intérêt, pour celles qui sont sensibles ou pour lesquelles on a besoin de garder certaines compétences, de s’adresser à des structures du type sociétés publiques locales, c’est-à-dire des sociétés privées à capitaux publics ou des sociétés d’économie mixte (SEM) ? N’apporteraient-elles pas une meilleure garantie et de meilleures conditions de gestion ?
S’agissant du problème capacitaire en matière de transport aérien, peut-être la solution est-elle, non que l’armée de l’air ait ses propres appareils, mais de recourir à une société de ce type, qui mutualiserait les ressources. Une telle solution a-t-elle été envisagée ?
M. Jean-Pierre Soisson. La solution proposée par Philippe Nauche ne me paraît pas la bonne : lorsqu’on mêle le public et le privé ou que l’on recourt à une SEM, on se heurte à de tels problèmes qu’il vaut mieux séparer l’opération publique ou privée.
On voit bien, à la lecture du rapport, les difficultés de l’exercice auquel les rapporteurs se sont livrés, corroborant en cela les conclusions du rapport de la Cour des comptes. L’absence de comptabilité publique ou la mise en œuvre progressive d’une comptabilité analytique sous certaines conditions rendent à peu près impossibles les comparaisons de coût. D’où la nécessité d’une approche pragmatique, consistant à se demander quelle procédure suivre, avant toute décision, pour faire le moins mauvais choix possible.
L’externalisation va devenir un thème de plus en plus important. Le rapport parlementaire est un des moyens de guider les choix du ministère de la défense et je félicite les rapporteurs pour avoir surmonté ces difficultés comptables !
M. Louis Giscard d’Estaing, rapporteur. Je souscris au point de vue de Jean-Pierre Soisson. L’un des éléments déterminants est de pouvoir éclairer des choix à partir de critères économiques comparables. Si l’on peut analyser des surcoûts de personnel, on fait face à une difficulté initiale : pour certaines fonctions, il existe des différences importantes entre les personnels civils et militaires du ministère, rendant tout calcul compliqué car le périmètre de comparaison n’est pas le même.
Le service industriel de l’aéronautique (SIAé) est un exemple intéressant de mutualisation : il prend en charge les hélicoptères au-delà du ministère de la défense, puisqu’il s’occupe des appareils de la sécurité civile ou de la gendarmerie.
Notre approche repose, je le répète, sur un examen au cas par cas, en fonction des critères d’évaluation des coûts internes au ministère. La cellule budgétaire située auprès du CEMA progresse assez largement sur les analyses de coût, mais on revient de loin. Le principe était jusqu’alors qu’on n’analysait pas la dépense dans le détail.
M. Bernard Cazeneuve, rapporteur. On constate que la principale faiblesse du ministère dans la conduite de la réforme qu’il a engagée est le contrôle de la fonction financière. Plus il sera à même de maîtriser cette fonction, plus il pourra éviter que Bercy ne continue à considérer le budget de la défense comme la variable d’ajustement de celui de l’État. Le renforcement de cette fonction est une condition de la réussite de la réforme.
Sur la nature des sociétés auxquelles on a recours, on doit également avoir une approche pragmatique. Quand on engage une externalisation, on est dans une procédure de marché : on regarde les offres et on retient la plus compétitive, qu’elle soit portée par une SEM, une société productive locale ou une société privée. Si l’on considère que la procédure de marché n’a pas à être mise en œuvre, c’est parce qu’il est démontré que la régie rationalisée est la solution la plus efficace. Mais entre cette régie et la procédure de marché, je ne vois pas de solution pour une troisième voie de type public-privé, dont on a d’ailleurs du mal à identifier comment elle pourrait trouver sa place dans le code actuel des marchés publics.
M. Louis Giscard d’Estaing, rapporteur. La TVA constitue aussi un point important. Elle est un élément de surcoût de l’externalisation que le ministère ne peut pas récupérer.
M. Yves Fromion. Le débat lancé par les rapporteurs est très intéressant, mais n’est-il pas philosophique ? Qui ignore ici que nous ne fabriquons plus en France une seule munition de petit calibre depuis des années et que toutes nos munitions de calibre inférieur à 20 millimètres sont achetées sur le marché international ? Or cela fait longtemps que nous avons externalisé ces munitions : nous nous interrogeons sur l’externalisation de la restauration en opération, mais on pourrait aussi bien s’interroger sur la qualité de nos munitions ! Nous savons d’ailleurs que certains problèmes se sont posés dans ce domaine. On pourrait prendre de très nombreux autres exemples.
Aujourd’hui, tout le monde songe à la mutualisation, avec des Européens ou d’autres pays. Or qu’est-ce que la mutualisation, sinon l’abandon de certaines compétences en échange d’autres à partir d’un rapport de confiance, voire de dépendance, avec les fragilités qui s’y attachent ? Les externalisations sont donc devant nous mais aussi très largement derrière nous !
Le rapport a le mérite de souligner des points importants justifiant une attention particulière et montre l’utilité d’une comptabilité publique. Mais la question de l’intérêt d’un transfert au privé de la fourniture de prestations ou de matériels a été tranchée, dans la mesure où nous ne savons pas aujourd’hui comment nous pourrions assurer l’autonomie de nos armées et la juste suffisance avec nos seuls moyens.
Par ailleurs, les incertitudes du projet Balard devraient nous conduire à approfondir la réflexion et à nous interroger sur l’opportunité de le poursuivre. Nous allons être confrontés à des tensions budgétaires considérables et les opérations en Libye ont montré la limite de nos capacités ainsi que les grandes difficultés du MCO. Nous devrons donc nous concentrer sur l’essentiel, c’est-à-dire le maintien en condition opérationnelle de nos matériels, la formation de nos personnels ou le remplacement de nos équipements.
Les rapporteurs ont montré que ce projet soulevait des problèmes, avec beaucoup de zones d’incertitudes, dont certaines grandissent peut-être. On nous a parlé de l’option précédente consistant à rénover les sites actuels des états-majors. Ne pourrait-on mandater certains de nos collègues pour qu’ils nous apportent les éléments nous permettant d’affiner notre réflexion dans le cadre du prochain débat budgétaire ?
M. Michel Voisin, président. Je rappelle que nous avons confié à Bernard Cazeneuve et François Cornut-Gentille une mission sur la réorganisation du ministère ; ils suivent ce projet de très près.
M. Marc Joulaud. La question des externalisations sera déterminante dans les années à venir.
En introduction, Louis Giscard d’Estaing rappelait que 25 % du budget britannique était externalisé, contre 5 % actuellement pour la France : pensez-vous que nous devons externaliser davantage ? Le taux de 25 % constitue-t-il un objectif à vos yeux ? Quelle est la proportion souhaitable ?
Nous sommes tous amenés à nous intéresser aux partenariats public-privé en tant qu’élus locaux. Constituent-ils, s’agissant du ministère de la défense, une dette à la charge du budget de l’État ?
M. Louis Giscard d’Estaing, rapporteur. Si l’on constate un écart important entre la part externalisée au Royaume-Uni et en France, cela ne veut pas dire que les Britanniques soient particulièrement satisfaits de leurs 25 % ! Dans certains cas, ils considèrent qu’ils n’ont pas fait d’économies dans la durée et souhaiteraient au contraire retransférer certaines fonctions au sein du ministère de la défense.
S’il y a encore matière à accroître la part de nos externalisations, je ne me prononcerai pas sur le taux à atteindre.
M. Bernard Cazeneuve, rapporteur. Nous avons en effet déjà réalisé des externalisations et abandonné des pans de compétence à des intérêts privés, parfois étrangers, sans externaliser !
Mais la meilleure façon de décider des externalisations à l’avenir est d’avoir des éléments de comparaison entre les économies obtenues dans le cadre d’une régie rationalisée et dans celui d’une externalisation. Il faut pour cela mettre en place une comptabilité analytique au sein du ministère de la défense. Il faut aussi éviter que les externalisations deviennent un dogme. Cela est d’autant plus vrai dans les secteurs stratégiques et lorsqu’elles risquent de ne pas aboutir aux économies attendues.
Je ne souscris donc pas à un objectif a priori de 25 %. C’est l’analyse qui fait le pourcentage et non l’inverse !
Pour ce qui concerne le projet Balard, le marché a été attribué. Il comporte des clauses de dédit extrêmement lourdes pour le ministère de la défense. Il est donc nécessaire que l’analyse à laquelle nous procéderons avec François Cornut-Gentille intègre ce facteur. Il importe également que nous ayons des éléments de comparaison concrets, à savoir le coût qu’aurait entraîné ou qu’engendrerait l’aménagement des emprises actuelles par rapport à celui du PPP.
Le ministère de la défense dit que nous avons aujourd’hui 226 millions d’euros de loyers et qu’ils seront demain de 146 millions d’euros. Mais sur ces 226 millions, certains sont des loyers budgétaires, que le ministère de la défense paie à l’État. Il convient donc de les défalquer du montant global pour déterminer la facture consolidée pour l’État.
Par ailleurs, ce montant de 226 millions vaut pour des effectifs d’état-major très importants et, demain, celui de 146 millions, pour des effectifs très réduits, en raison de la RGPP. La comparaison n’a de sens que si elle s’applique à des effectifs identiques !
Mais nous avons du mal à obtenir ces données et à établir des comparaisons satisfaisantes.
Au-delà, se pose le problème juridique, qui a conduit l’État à mettre en place une sorte de déclaration d’utilité publique, assortie de prérogatives de puissance publique importantes pour éviter le problème lié au PLU. Reste que le PPP a été attribué à un consortium d’entreprises dont le projet n’est pas conforme à ce dernier.
La séance est levée à seize heures trente.
Information relative à la commission
La commission a nommé M. Patrick Beaudouin, rapporteur pour avis sur la proposition de loi visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants (n° 3707).
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Membres présents ou excusés
Présents. – Mme Michèle Alliot-Marie, M. Patrick Beaudouin, M. Daniel Boisserie, Mme Françoise Briand, M. Pascal Brindeau, M. Dominique Caillaud, M. Patrice Calméjane, M. Bernard Cazeneuve, M. Gérard Charasse, M. Jean-Pierre Dupont, M. Yves Fromion, M. Guillaume Garot, M. Franck Gilard, M. Michel Grall, M. Christophe Guilloteau, M. Francis Hillmeyer, M. Marc Joulaud, M. Gilbert Le Bris, M. Alain Moyne-Bressand, M. Philippe Nauche, M. Jean-Pierre Soisson, M. Yves Vandewalle, M. Jean-Claude Viollet, M. Philippe Vitel, M. Michel Voisin
Excusés. – Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Jean-Jacques Candelier, M. Pierre Frogier, M. André Gerin, Mme Françoise Hostalier, Mme Marylise Lebranchu, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Daniel Mach, M. Franck Marlin, M. Christian Ménard, M. Damien Meslot, M. Jean Michel, M. Bruno Sandras, M. Guy Teissier, M. André Wojciechowski
Assistait également à la réunion. – M. Louis Giscard d’Estaing