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Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques

Mercredi 5 mai 2011

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 5

Présidence de M. Bernard Accoyer, Président de l’Assemblée nationale, Président du Comité

– Évaluation de la révision générale des politiques publiques : point d’étape

– Évaluation de la politique d’aménagement du territoire en milieu rural : point d’étape

– Questions diverses

– Prochaine réunion

Hôtel de Lassay

La séance est ouverte à onze heures quinze.

Évaluation de la révision générale des politiques publiques : point d’étape

M. le Président Bernard Accoyer. Notre ordre du jour appelle en premier lieu la présentation d’un point d’étape sur l’évaluation de la révision générale des politiques publiques, la RGPP. Ce sujet a été proposé par le groupe SRC, au titre de son « droit de tirage » pour la session en cours. C’est un sujet large mais, j’en suis persuadé, à la mesure du talent de nos deux rapporteurs, MM. François Cornut-Gentille pour la majorité et Christian Eckert pour l’opposition. Au reste, ceux-ci sont assistés par douze de nos collègues, désignés par six commissions, soit toutes moins celles des affaires étrangères et des affaires culturelles.

M. Christian Eckert, rapporteur. Le sujet est vaste en effet, comme vous avez pu le constater à la lecture de la note d’étape que nous vous avons fait tenir. Je voudrais avant tout remercier tous ceux qui ont collaboré à nos travaux, en particulier les services du CEC, qui ont toujours fait preuve d’une grande disponibilité.

Nous nous sommes d’abord efforcés de cerner les contours de la RGPP : il s’agit d’un ensemble de mesures visant à rendre plus efficace l’action de l’État, mais, à ce premier objectif, le Gouvernement en a associé un second, consistant à réduire les dépenses de ce même État. D’autre part, la RGPP est aussi une méthode gouvernant l’élaboration et l’application de ces mesures.

Elle en englobe désormais 522 : 361 en cours d’exécution, 124 considérées comme exécutées et 37 mesures nouvelles. Étant donné l’ampleur de la réforme, il serait illusoire de prétendre balayer l’ensemble des thématiques, et c’est pourquoi nous avons fait le choix de concentrer notre étude sur certaines.

Le dispositif de la réforme est complexe, du fait non seulement de l’hétérogénéité de ces mesures, mais également de la difficulté d’évaluer la réalisation des objectifs. Les chiffres dont nous disposons à cet effet proviennent de sources diverses – Cour des comptes, ministère des Finances et autres ministères, dont la direction générale de la modernisation de l’État – et ne se recoupent pas toujours.

En principe, la RGPP est évaluée selon un système simple de feux tricolores : le feu vert signifie que « la réforme progresse au rythme prévu » ; le feu orange qu’elle « satisfait la plupart des exigences mais nécessite des actions correctrices » et le feu rouge qu’elle « connaît un retard important et doit faire l’objet d’actions correctrices à mettre en œuvre rapidement. » On peut s’interroger sur la pertinence de ce système d’évaluation, d’autant que les objectifs ne sont pas toujours précisément définis.

Certaines mesures, telles que la réforme de la carte judiciaire, la fusion des réseaux des directions générales des impôts et de la comptabilité publique ou la création des agences régionales de santé, sont particulièrement emblématiques. D’autres, bien que substantielles, ont moins retenu l’attention : je pense notamment à la réorganisation de notre réseau diplomatique et consulaire, à la réforme du 1 % logement, ou encore à la réorganisation des modalités de délivrance des titres officiels. D’autres enfin, encore moins connues, relèvent de l’organisation ou de la gestion administratives de l’État.

Bien souvent, l’objectif de réduction des crédits ou des effectifs semble avoir pris le pas sur toute autre considération, ce qui a conduit à la réduction, voire à l’abandon plus ou moins assumé de certaines missions de l’État plutôt qu’à un réexamen des politiques publiques. Il eût été préférable de dire d’emblée quelles étaient les missions que l’État n’entendait plus remplir. On mesure seulement maintenant les conséquences sur le terrain de l’abandon, au demeurant assumé, par les directions départementales de l’équipement de la mission d’ingénierie territoriale qu’ils assumaient jusqu’alors.

Quant aux objectifs d’économies budgétaires escomptées de la RGPP, les chiffres que vous trouverez dans la note d’étape sont ceux du Gouvernement, mais en réalité il est extrêmement difficile d’y voir clair. On doit ainsi distinguer entre coûts bruts et coûts nets, notamment s’agissant de l’évaluation de la fameuse règle de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, sur laquelle je voudrais m’arrêter un instant. Si cette règle d’« un sur deux » ne constitue pas à proprement parler une mesure de la RGPP, puisqu’il s’agit d’une décision politique arrêtée antérieurement, elle est un élément substantiel du contexte de mise en œuvre de la réforme. Or son application systématique dans l’éducation nationale, par exemple, a été probablement au moins partiellement compensée par une augmentation du nombre des heures supplémentaires. Dans ces conditions, il est très difficile d’évaluer le montant des économies effectivement réalisées. La Cour des comptes l’a estimé en 2009 à cent millions d’euros, alors que le Gouvernement avance le chiffre de 500 millions d’euros !

L’évaluation doit également porter sur la méthode d’élaboration des mesures, qui a varié au fil du temps. Dans sa première phase, la réforme s’est souvent inspirée d’audits réalisés par des sociétés privées, au détriment peut-être de la prise en compte de considérations qualitatives. Cependant, dès l’origine, la RGPP s’est appuyée aussi sur toute une organisation politique et administrative : le Conseil de modernisation des politiques publiques, le CMPP, qui prend les décisions et s’est réuni cinq fois depuis 2007 ; un comité de suivi, qui s’est réuni, lui, à soixante-quinze reprises pour préparer les décisions du CMPP en amont, et une équipe d’appui entretenant des contacts fréquents et réguliers avec les secrétaires généraux des ministères – que nous avons nous-mêmes commencé d’entendre.

Il semble que, dans une deuxième phase, les administrations centrales de certains ministères se soient approprié la méthode, au point de formuler aujourd’hui des propositions que l’on peut donc qualifier d’« endogènes ». On ne peut que regretter en revanche que le Parlement soit insuffisamment associé à ce dispositif, eu égard aux conséquences de la réforme pour les missions de service public, ainsi qu’à ses incidences financières.

Nous envisageons de recueillir les avis des représentants syndicaux des agents publics concernés par cette deuxième phase de la réforme, dont vous n’ignorez pas qu’elle a suscité chez eux beaucoup d’interrogations, comme le montre le baromètre Acteurs publics du 29 avril 2011. Pour ma part, et à la différence de M. Cornut-Gentille, je doute que l’objectif initial de « faire mieux avec moins » ait été atteint. Je crains même qu’il ne soit remplacé par un mot d’ordre qui consiste à « faire moins », et que l’application de la RGGP n’ait ainsi nui à l’exécution des missions de service public, quand elle n’aura pas mis en péril l’existence même de certaines.

M. François Cornut-Gentille, rapporteur. Je me félicite de l’excellente entente qui a marqué notre collaboration à tous deux, en dépit de nos différences d’appréciation.

On ne peut pas dresser un bilan de la RGPP sans avoir au préalable délimité ses contours, ce qui ne va pas sans difficulté. En effet, la RGPP n’est pas seulement un ensemble de mesures strictement définies : elle est aussi ce que chaque ministère fait d’elles. Or, suivant qu’on considère la RGPP stricto sensu ou qu’on évalue la réforme de l’État au sens le plus large, les résultats ne seront évidemment pas les mêmes. Ces deux approches sont également légitimes pourvu seulement qu’on dise de quoi on parle, mais, alors qu’on ne peut nier la réalité des économies réalisées si on se limite aux mesures RGPP stricto sensu, le compte n’y est plus si on prend en compte d’autres mesures, notamment catégorielles.

On peut aussi avoir une vision rigide de la réforme comme un ensemble de mesures contraignantes, ou la considérer de façon dynamique, ces mesures prenant un sens nouveau à mesure que les ministères se les approprient – ce que certains considèrent comme une malheureuse imprévision devient alors pour d’autres une souplesse féconde. Cette évolution, particulièrement frappante à l’éducation nationale, est perceptible aussi au ministère de l’Intérieur.

Il faut également souligner que le contrôle, qu’il s’agisse de celui de la Cour des comptes ou de celui du Parlement, peut aboutir à des résultats très variables selon le moment auquel il s’exerce. Il est normal que des administrations qui n’ont pas bougé pendant des années tâtonnent au moment où les règles changent : c’est ce qui explique la sévérité du premier bilan, dressé par la Cour des comptes, de la création des bases de défense. La nécessité du contrôle n’est cependant pas contestable, d’autant qu’il permet parfois aux services d’élaborer, sous la pression de la RGPP, des solutions tout à fait neuves.

Au bénéfice de ces quelques remarques, nous vous proposons deux axes de travail.

Nous souhaitons d’abord établir un bilan global de la réforme afin de jeter les bases d’un débat politique sain, où chacun sait de quoi on parle, ce qui n’est pas encore le cas aujourd’hui. Nous avons dans ce but adressé un questionnaire très complet à Bercy, qui, il est vrai, tarde un peu à nous répondre. Nous confronterons ces réponses avec les chiffres recueillis auprès des autres ministères.

Deuxièmement, nous compléterons cette approche globale et quantitative par l’étude de thèmes spécifiques, nous limitant à deux, afin de ne pas « doublonner » avec d’autres travaux parlementaires. Le premier sera la mise en œuvre de la RGPP dans l’Éducation nationale. La réussite de la réforme dans ce ministère est en effet un enjeu majeur, tant sur le plan quantitatif puisqu’il s’agit du premier employeur public, que qualitatif, étant donné son importance pour l’avenir de notre pays. Nous sommes donc décidés à mener une enquête approfondie auprès des rectorats et sur le terrain, le CEC ayant en principe les moyens de conduire une telle investigation sans recourir à des prestataires externes.

Notre seconde étude thématique portera sur la réforme des modalités de demande, de retrait et de production de certains titres officiels. Cette étude, beaucoup plus « basique », nous permettra d’analyser les modalités les plus concrètes des relations entre l’État et les citoyens. Les rapporteurs demandent au CEC l’autorisation de la mener avec l’aide de prestataires externes, en s’appuyant sur l’accord-cadre mis en place à cet effet.

M. René Dosière. Les rapporteurs ont raison de distinguer nettement les économies affichées et celles qui ont été effectivement réalisées : comme dans la défunte URSS, les prévisions valent trop souvent réalisations pour le Gouvernement !

J’approuve également votre projet, mes chers collègues, de consacrer une étude thématique à l’Éducation nationale. J’ai en effet le sentiment que le dogme de la diminution des effectifs s’y concilie fort mal avec la mise en place du système Chorus, et je vous recommande donc de vous rendre sur le terrain, et notamment dans les inspections d’académie, pour mesurer les difficultés provoquées par cet entrechoquement. J’ai moi-même, dans l’Aisne, pu m’en faire une idée qui suscite l’interrogation.

Je terminerai par une question qui est de l’ordre du détail : est-il exact que les ambassades se font rembourser par l’Assemblée nationale les frais qu’elles ont engagés pour traiter les parlementaires en mission à l’étranger ?

M. le Président Bernard Accoyer. Je peux vous rassurer sur ce point, monsieur Dosière : à ma connaissance, ce n’est pas le cas !

M. Jean Mallot. Ces deux études thématiques nous permettront de mesurer la distance entre les objectifs affichés de la RGPP et la situation sur le terrain. En effet, si on ne peut qu’être favorable à une amélioration du service public, je crains que cet objectif n’ait cédé la priorité à celui qui consiste à réduire les dépenses : il suffit pour s’en convaincre de voir l’état de désorganisation des services de l’État dans les départements et les régions. Je constate par ailleurs, monsieur le Président, que pour ce sujet comme pour d’autres, une fois encore, des rapporteurs parlementaires ont des difficultés à obtenir des réponses de Bercy.

M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des Affaires sociales. Ce premier bilan mitigé m’inspire trois questions.

Aux yeux des administrations locales, la RGPP reste trop centralisée, au détriment des structures de terrain. Ainsi, si la création d’agences régionales de santé est une excellente initiative, beaucoup d’entre elles se plaignent d’être totalement sous l’emprise de l’administration centrale et de ne jouir d’aucune autonomie. Qu’en est-il ?

Deuxièmement, je déplore comme M. Eckert l’abandon par les services de la DDE de leur mission d’ingénierie publique, qui était particulièrement utile aux communes dépourvues de personnels qualifiés dans les domaines de l’urbanisme ou de l’environnement. Ces services n’ont-ils pas aujourd’hui tendance à se transformer en contrôleurs excessivement tatillons du respect de la réglementation, au point d’empêcher de faire au lieu de faire ?

Ma troisième question concerne l’Éducation nationale. Ne doit-on pas exclure la maternelle et le premier degré de l’effort, légitime, de réduction des effectifs de ce ministère pour le concentrer sur le secondaire ? En effet, le coût de la scolarisation d’un enfant dans le premier degré français est dans la moyenne européenne, alors que celui d’un élève de notre secondaire est 15 à 20 % plus élevé du fait du grand nombre d’heures d’enseignement ! On connaît en outre le rôle crucial de la maternelle et du premier degré dans la réduction des inégalités.

M. Jean-Jacques Urvoas. Même si, au ministère de l’intérieur, la RGPP a permis une réduction des effectifs, il n’en résulte aucune économie, la masse salariale ayant augmenté du fait de mesures catégorielles. Il semblerait d’autre part que la réorganisation de l’administration territoriale de l’État, la REATE, a surtout concerné les sous-préfectures, peut-être aussi les préfectures, mais beaucoup moins les services centraux, dont les effectifs n’ont pas décru. Quant à la préfecture de police de Paris, elle semble avoir été totalement épargnée par les réductions d’effectifs. Nous vous saurions donc gré si vous pouviez faire la lumière sur tous ces points à l’issue de vos travaux.

M. Christian Eckert, rapporteur. En raison de leur hétérogénéité, les mesures de la RGPP se laissent malaisément évaluer par le système des feux tricolores : s’il peut convenir à celle qui consiste à « installer un directeur chargé de coordonner les projets informatiques de l’État », sur quels critères attribuer un feu vert, orange ou rouge à celle qui est libellée « améliorer la disponibilité de la ressource enseignante » ?

Du point de vue budgétaire, les économies obtenues de la réduction du nombre d’équivalents temps plein seront appréciées de façon très variable selon que l’on tient ou non compte de l’incidence des mesures catégorielles – qui ne sont pas toujours elles-mêmes clairement identifiables – et des heures supplémentaires, ou selon que l’on considère les coûts bruts ou les coûts nets : certains évaluent l’économie tirée de la suppression d’un poste de fonctionnaire en y intégrant le montant de la pension de retraite qui ne sera pas versée de ce fait.

S’il est très difficile de savoir comment la règle du « un sur deux » a été appliquée en fonction des catégories de fonctionnaires, il semble qu’elle ait surtout affecté le recrutement des agents de catégorie C, donc surtout les services déconcentrés.

En ce qui concerne l’Éducation nationale, le Gouvernement semble avoir envisagé des mesures assez radicales, telles que la fin de la scolarisation des enfants de deux ans, avant de reculer par crainte des conséquences politiques.

Il est vrai que certains services d’ingénierie de l’État dans les régions n’exercent plus qu’une fonction de contrôle et ont perdu leur fonction de soutien aux collectivités locales, dont les plus fragiles se retrouvent complètement démunies.

M. François Cornut-Gentille, rapporteur. Je connais bien le logiciel Chorus pour avoir, avec Bernard Cazeneuve, suivi sa mise en place au ministère de la Défense : j’ai pu constater qu’après six ou huit mois d’affolement général, les personnels parvenaient à s’adapter et à le faire fonctionner. Il semble que ce soit le prix du changement, quand des administrations sont confrontées à des réformes aussi radicales, et cela confirme que le choix du moment auquel effectuer le contrôle est crucial. J’ai été choqué en revanche de l’absence d’accompagnement de personnels confrontés à des mutations aussi traumatisantes.

L’absence de réduction des effectifs des « états-majors » des ministères est un vrai problème, d’autant que l’objectif de la réforme était à l’inverse de limiter les effectifs des administrations centrales et d’accroître le nombre d’agents sur le terrain. C’est que la réforme est gérée par les structures centrales, qui se protègent et résistent au changement. Dans de tels cas, les contrôles sont particulièrement utiles.

M. Serge Poignant, président de la commission des Affaires économiques. Vous avez donné, monsieur Eckert, une première évaluation de la réduction des effectifs selon les différentes catégories de fonctionnaires, s’agissant de la RÉATE. Pouvez-vous fournir des chiffres selon les fonctions précédemment exercées ?

M. Christian Eckert, rapporteur. Nous nous sommes posé la question mais comme elle fait déjà l’objet de travaux de nos collègues du Sénat, nous avons voulu éviter de « doublonner » ces études.

M. François Cornut-Gentille, rapporteur. Je demande, monsieur le Président, que, compte tenu de l’ampleur de la tâche, le Comité nous autorise à repousser le terme de notre mission.

Le Comité valide la démarche présentée par ses rapporteurs ainsi que leur demande d’étude sur l’évaluation des mesures de transfert de l’émission de certains titres d’identité, issue de la RGPP. Cette demande sera transmise aux questeurs pour engager une consultation des entreprises retenues pour l’accord-cadre mis en place pour le CEC.

Le Comité prend également acte que l’ampleur de la mission confiée aux rapporteurs justifie que son terme soit repoussé en tant que de besoin.

Évaluation de la politique d’aménagement du territoire en milieu rural : point d’étape.

M. le Président Bernard Accoyer. Nous en venons à un second point d’étape, sur l’aménagement du territoire en milieu rural. Là encore, il s’agit d’un sujet large, pour lequel ont été désignés douze de nos collègues, issus de six commissions. Je laisse tout de suite la parole aux deux rapporteurs, MM. Jérôme Bignon pour la majorité et Germinal Peiro pour l’opposition

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Nous avons été désignés rapporteurs en janvier, mais la période des cantonales a quelque peu retardé la mise en route du groupe de travail. Cela étant, nous sommes douze députés, douze ruraux qui ont tous, cela va sans dire, beaucoup d’idées sur la question, et l’entente entre les deux rapporteurs est excellente – notre attachement au milieu rural n’y est sans doute pas pour rien.

Nous avons décidé de faire porter notre évaluation sur les années 2005 à 2010, un travail similaire ayant été effectué en 2003 dans le cadre du Commissariat général au plan pour préparer la loi relative au développement des territoires ruraux de février 2005.

Nous avons commencé par essayer de recenser les dispositifs mis en place par l’État, en adressant un questionnaire au Premier ministre et à dix ministères. En l’occurrence, Bercy ne se distingue pas, puisque nous n’avons eu aucune réponse. Mais le retard n’est pas encore grand, puisque l’échéance était fixée au 29 avril dernier… Nous nous sommes également mis d’accord sur une typologie des domaines d’action de l’État qui nous semble assez exhaustive. Ils ne sont d’ailleurs pas bien différents, hormis quelques points très spécifiques, de ce qu’ils sont pour le reste du territoire : le milieu rural est aussi concerné que les villes, quoique sous des formes différentes, par les nouvelles technologies de l’information et de la communication, par les problèmes immobiliers ou par l’organisation des services de santé et des services sociaux, par exemple.

La gouvernance de la politique d’aménagement du territoire en milieu rural doit être étudiée, et ce à deux niveaux. Au niveau de la conception et du financement d’abord, il faut s’intéresser à la cohérence des actions menées respectivement par l’État, par l’Union européenne et par les collectivités locales, ainsi qu’à la coordination interministérielle. Dans la gestion des crédits européens, interviennent en effet, à la fois, le ministère de l’Agriculture – maintenant en charge de l’aménagement du territoire – qui est le gestionnaire du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), et la Datar, Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale, qui joue un rôle central pour l’attribution des crédits du Fonds social européen et du Fonds européen de développement régional. Quant aux collectivités locales, la synergie avec l’État passe en particulier par les contrats de projets État-régions (CPER).

Au niveau de la mise en œuvre ensuite, l’aménagement du territoire étant fondé sur l’urbanisme, il faut mener une réflexion approfondie, allant du schéma de cohérence territoriale (SCOT) au plan local d’urbanisme (PLU). Dans ce domaine, les outils ont évolué, d’abord avec la loi Grenelle 1, qui a complété les objectifs des SCOT, puis avec la loi Grenelle 2 et avec l’Agenda 21 de Rio. Un seul exemple concret : doit-on construire des lotissements n’importe où, ou près des infrastructures de transports collectifs ? Cette deuxième option est certainement préférable, mais encore faut-il que ce soit prévu dans les SCOT… C’est ce que nous allons essayer de vérifier.

Toute évaluation doit conduire, nous semble-t-il, à hiérarchiser, des finalités aux dispositifs, en passant par les objectifs stratégiques puis opérationnels. Nous avons reconstitué a posteriori trois graphes d’objectifs, en nous fondant sur l’audition du ministre de l’Agriculture du 8 mars 2011 par la commission du Développement durable, sur le Plan d’action pour les territoires ruraux du Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) du 11 mai 2010 et sur la loi de développement des territoires ruraux de février 2005. Nous avons constaté une grande similitude des finalités et des objectifs stratégiques, malgré quelques différences sémantiques qui peuvent avoir du sens. En revanche, il existe des variations substantielles dans leur mise en œuvre, c’est-à-dire dans la définition des différents objectifs opérationnels et des dispositifs. Une remise en cohérence est donc indispensable. Tout cela soulève de nombreuses questions. J’en citerai trois classiques : faut-il mener une politique d’attraction de populations en pensant que les emplois suivront, ou commencer par essayer de réunir d’abord les conditions de l’attractivité économique là où elles n’existent pas encore ? Faut-il inclure le développement durable dans la finalité-même de la politique d’aménagement du territoire en milieu rural, ou le considérer comme un élément exogène ? Une politique rurale indépendante des villes a-t-elle du sens, ou risque-t-elle d’isoler les zones les plus fragiles ? Une solution en la matière consisterait probablement à définir un minimum requis, un « standard » du territoire attractif, fondé sur des indicateurs en lien avec la typologie des différentes zones rurales.

Nous avons par ailleurs dressé une liste d’une quinzaine de questions, des questions certes « basiques » mais qui démontrent en effet l’ampleur du sujet. Nous aurons sans doute à faire un tri au fur et à mesure de nos travaux pour nous concentrer sur l’essentiel. Car ces questions sont larges : les leviers du développement, les problématiques foncières, les effets des grandes politiques de transfert, la péréquation entre les riches et les pauvres… Après y avoir répondu, nous pourrons formuler des propositions visant soit à ajuster, à la hausse ou à la baisse, les financements publics, voire à supprimer certains dispositifs, soit à améliorer leur mise en œuvre.

Pour nous aider dans ce travail, nous souhaitons nous faire assister d’un comité d’experts constitué de membres des corps de contrôle compétents et d’autres spécialistes qui ont participé aux très nombreuses études menées sur ce sujet ces dernières années. Nous aurons besoin bien sûr des services de la Datar, qui se montrent d’ailleurs extrêmement coopératifs, du ministère de l’agriculture et de l’Insee, mais aussi du Cemagref ou d’universitaires. En faisant travailler ensemble tous ces experts qui explorent ces questions depuis des années, nous ne pouvons que gagner en temps et en efficacité.

Le groupe de travail devra aussi s’interroger sur la dichotomie entre les dispositifs de l’État, qui sont pour l’essentiel fondés sur un zonage avec une « politique de guichet », et les dispositifs européens, qui sont fondés, surtout depuis 2000, sur des appels à projets. Chacune de ces deux formules présente d’ailleurs des avantages. Supprimer les zones de revitalisation rurale (ZRR), par exemple, reviendrait à abandonner les plus fragiles à leur sort, cependant que l’appel à projets permet de sélectionner les candidats les plus aptes à mener les actions à bien. Il convient donc, probablement, de combiner les deux, mais en les articulant de manière plus pertinente. En effet, si l’appel à projets est un bon marqueur de la volonté locale, ce sont au final les collectivités qui ont le plus d’argent et d’ingénierie, bref de matière grise, qui y répondent. Pendant longtemps, l’ingénierie publique a joué un rôle primordial en milieu rural : ce sont les services du génie rural qui ont aidé les collectivités à constituer leurs réseaux d’assainissement, d’eau potable et d’électricité. Mais aujourd’hui, les maires sont livrés à eux-mêmes – surtout les trente mille maires de communes de moins de 500 habitants.

Enfin, nous élaborerons une revue critique des très nombreuses recherches qui ont déjà été effectuées sur notre sujet. La méthodologie et les principales conclusions des plus récentes, énumérées en annexe, ont fait l’objet de notes séparées.

M. Germinal Peiro, rapporteur. Je confirme que l’entente est cordiale entre les deux rapporteurs !

Pour l’instant, nous avons effectué tout notre travail grâce aux ressources internes du secrétariat du CEC, mais deux études complémentaires seraient utiles. La première, de type vertical, porterait sur les besoins et les réalisations en matière d’aménagement du territoire dans quatre territoires bien identifiés, correspondant à la typologie retenue dans l’évaluation par le Commissariat général au plan de 2003. Nous recenserions d’abord les équipements de ces quatre bassins de vie : les équipements concurrentiels, tels que les commerces ou les banques, et les « non concurrentiels », à savoir les services publics, les équipements de santé et les équipements d’éducation. Puis nous essaierions d’apprécier les effets des différents dispositifs de l’État – sans refaire le travail de nos collègues sur la RGPP ! – concernant par exemple la santé et le social, le transport, l’attractivité économique, l’agriculture ou les nouvelles technologies. Il s’agit en fait de se faire une idée de l’impact global des différentes actions d’aménagement du territoire de l’État.

La seconde étude, plus horizontale, porterait sur la gouvernance locale des politiques de développement ou d’aménagement, en incluant notamment la question des pays. L’impact des actions d’aménagement du territoire menées par l’État dépend du niveau des collectivités visées. Souvent, le niveau communal offre un territoire trop réduit – je rappelle que trente mille de nos communes sont toutes petites. Mais faut-il s’adresser aux intercommunalités existantes, à celles qui vont naître de la réforme territoriale – les préfets de chaque département ayant proposé en avril de nouveaux schémas de coopération intercommunale –, à des bassins regroupant plusieurs intercommunalités, à des pays ? Il existe de tout petits pays, comme dans le département du Lot, et de beaucoup plus grands – il n’y en a que quatre en Dordogne, pourtant troisième département français pour la superficie. Il est donc très important d’apprécier, selon le type de projet, la taille de collectivité la plus pertinente. Ce qui nous ramène à la question de l’ingénierie, autrement dit de la matière grise, dont nous voyons déjà bien, à ce stade de notre travail, qu’elle est cruciale pour le développement des territoires ruraux. L’État a beaucoup fait par le passé à cet égard, notamment à travers les DDE et les DDA, les directions départementales de l’équipement et de l’agriculture. Ce n’est plus le cas. Il en résulte que ce sont souvent les territoires les plus pauvres qui forment le moins de projets. Parallèlement, nous devrons aussi nous intéresser à la gouvernance mise en œuvre aux niveaux européen, départemental et régional, puisque tout cela se croise sur le même territoire, afin de dégager des pistes pour une meilleure efficacité. Pour ces deux points, nous souhaitons faire intervenir des cabinets d’études. Nous demanderons aussi l’expertise de la Cour des comptes sur les sujets sur lesquels elle a mené des travaux récents.

Pour ce qui est des auditions, six tables rondes sont prévues, portant respectivement sur l’attractivité économique et le soutien des entreprises en milieu rural, sur les services publics, sur les services sociaux et de santé, sur les services au public, sur les infrastructures de transports et sur l’agriculture. Quant aux auditions individuelles, nous avons déjà entendu le directeur de la DATAR, M. Emmanuel Berthier. D’autres sont prévues sur les nouvelles technologies, sur La Poste, sur le logement et sur le tourisme rural. Nous allons également nous rendre dans les quatre cantons représentatifs au regard de la typologie précitée, actuellement révisée par la DATAR. Pour être plus précis, il s’agira d’un canton rural à population renouvelée et à forte composante touristique en Dordogne, d’un canton agricole vieilli et peu dense dans l’Allier, d’un canton rural ouvrier dans le Jura et d’un canton périurbain résidentiel de la Somme.

Nous devrions être en état de présenter au Comité notre projet de rapport en décembre 2011 ou janvier 2012.

M. Serge Poignant. Vaste travail ! Mais essentiel pour l’efficacité des politiques publiques.

Quelques remarques à chaud. D’abord, la France est très différente d’une région ou d’un département à l’autre. Qu’est-ce donc exactement que le milieu rural ? Proche d’une ville ou non ? Avec une ville moyenne comme chef-lieu ou pas ? Les problématiques ne sont évidemment pas les mêmes en Creuse, en Loire-Atlantique ou en Ille-et-Vilaine…

La notion de pays, fondée sur les bassins de vie, est très intéressante, à condition qu’elle s’incarne dans des projets et non dans un nouvel échelon d’administration, qui n’est au reste nullement indispensable pour faire de très bonnes choses dans ce cadre.

Qu’en est-il de la relation avec la ville ? On a trop tendance à distinguer, voire à opposer « milieu rural » et « milieu urbain ».

Enfin, vous avez dressé une typologie des domaines d’action de l’État : services publics de l’État, santé et social, transports, économie… Dans ce cadre, le bilan des pôles d’excellence rurale sera sans doute intéressant. Mais, pour ce qui est de l’éducation, vous ne mentionnez que l’école maternelle, l’école primaire et le collège. Or il me semble que les lycées professionnels et la formation professionnelle, voire les BTS et la recherche, doivent contribuer aussi à la vitalité du milieu rural. Ils ne doivent pas tous être dans les villes.

M. Pierre Méhaignerie. Mes années d’ingénieur du génie rural et des eaux et forêts, en Tunisie puis en Gironde, m’ont laissé la passion de l’équilibre du territoire.

Si vous pouviez analyser l’utilisation des fonds européens et des contrats de plan, vous seriez sans doute surpris de leur concentration sur quelques territoires et grandes villes. Une des raisons, nous disent les préfets, en est le manque d’ingénierie dans les territoires ruraux. En Bretagne, j’ai constaté que 90 % des enveloppes sont allés à trois villes…

Par ailleurs, qu’est-il prévu de faire pour la couverture du territoire en très haut débit ? C’est le moment d’aborder l’aspect politique du problème, au lieu de commencer par les grandes villes qui peuvent s’autofinancer !

Enfin, nous avions été plusieurs, toutes sensibilités confondues, à défendre un prêt à taux zéro (PTZ) unique. Sans succès : il est en définitive modulé en trois niveaux, voire quatre, en fonction des catégories de territoires. Or, l’ouvrier d’un territoire rural qui a douze kilomètres à faire matin et soir a des dépenses au moins aussi élevées que les habitants des zones proches de Paris en Île de France! Nous avons commis une injustice. Il est encore temps d’y réfléchir, et nous pourrons y revenir en séance publique au moment de la discussion du projet de loi de finances.

M. René Dosière. Vos documents ne font nulle part état du rôle des conseils généraux dans l’aménagement du territoire rural. Pourtant, c’est vers le milieu rural que vont par définition la plupart de leurs crédits, et le transfert de compétences en la matière a commencé dès 1982. Le rôle qu’ils jouent devrait apparaître à un moment ou un autre.

M. Jérôme Bignon, rapporteur. Merci de toutes ces suggestions qui nous aideront à avancer et à répondre aux questions qui vous intéressent.

Ce n’est pas la moindre des difficultés de ce dossier que de mettre au point une méthodologie d’évaluation, mais nous nous efforçons d’y parvenir afin que ce travail ne reste pas ponctuel, mais puisse être poursuivi, grâce à des indicateurs sur lesquels revenir à intervalles réguliers.

Pour ce qui est des pays, on leur a fait un mauvais procès en les voyant comme une nouvelle couche de collectivité. Pourtant, les intercommunalités n’ont pas toujours la taille pertinente et l’idée de les faire travailler ensemble dans des structures de type associatif semble plutôt utile. Si l’on veut augmenter la capacité d’ingénierie des territoires ruraux, le pays est la bonne dimension.

Quant à la relation du milieu rural avec la ville, c’est en effet un point essentiel. Il apparaît, c’est assez paradoxal, que le milieu rural souffre du manque de politiques de l’État en faveur des villes moyennes. La petite ville est le moteur du développement de la zone rurale – en fait, elles ont besoin l’une de l’autre.

Pour ce qui est de l’équilibre du territoire, la décentralisation, en dépit de tous ses aspects positifs, devient inquiétante lorsque l’État ne joue pas son rôle régalien au service de la péréquation, et de l’égalité entre les territoires. Cette péréquation s’exerce encore plus mal qu’autrefois : il n’est qu’à voir comment sont distribués les crédits État-régions ou la prime d’aménagement du territoire. C’est une difficulté majeure.

Nous prendrons également en compte vos autres suggestions, monsieur le président Méhaignerie, concernant les fonds européens, les nouvelles technologies et le PTZ.

Germinal Peiro étant conseiller général depuis vingt-deux ans et moi depuis trente et un ans, vous pouvez croire, monsieur Dosière, que nous n’avons aucune animosité à l’égard des conseils généraux, et que nous ne saurions les oublier. Ils sont évidemment une part essentielle de ces collectivités locales dont nous allons étudier les actions, au même titre que celles de l’État et de l’Union européenne, et nous examinerons ainsi de très près la politique d’aménagement du territoire de chacun des quatre départements où nous devons nous rendre.

M. Germinal Peiro, rapporteur. Il est clair qu’il ne peut y avoir d’aménagement du territoire sans l’État. Il existe, de la part de beaucoup, une pression pour que les régions se chargent de tout, mais le travail que nous avons déjà effectué tout comme notre expérience d’élus locaux montrent bien que le rôle régalien de l’État, en matière d’infrastructures mais aussi de politiques publiques, est majeur. Sans lui, la notion d’égalité des territoires ne peut que perdre en substance. Il y a cent cinquante ans, c’est avec la volonté que la population soit servie de la même façon partout qu’on a construit des voies ferrées, des routes, des écoles et des postes dans tous les villages de France !

Avec les lois de décentralisation, il est évident que le rôle des collectivités locales s’est accru. En Dordogne, c’est le conseil général qui joue un rôle majeur dans l’aménagement du territoire, avant la région, qui a pourtant la compétence de l’économie. Comme cela a été dit, les politiques européennes bénéficient aux grands centres. Nous devrons voir quelles synergies mettre en œuvre pour qu’elles servent à irriguer le monde rural, combinées aux actions de l’État et des collectivités locales. Beaucoup de départements ont choisi de répartir une partie des aides aux communes selon des contrats d’objectifs par canton. C’est un formidable outil de redistribution. S’en priver, c’est s’exposer à faire perdurer le traitement privilégié accordé aux chefs-lieux ou aux sous-préfectures. Notre mission est aussi de démontrer que les territoires ruraux sont une vraie richesse, que ce sont des territoires d’avenir, à condition que les politiques publiques combinées leur permettent de se développer.

Le Comité valide la démarche présentée par les deux rapporteurs ainsi que leurs demandes d’études concernant l’évaluation de l’ensemble des politiques publiques en matière d’aménagement du territoire mises en œuvre dans un nombre limité de cantons correspondant à une typologie différenciée, et l’évaluation de l’organisation de la gouvernance locale en matière de politiques d’aménagement du territoire en milieu rural. Ces demandes seront transmises aux questeurs pour engager une consultation des entreprises retenues pour l’accord-cadre mis en place pour le CEC.

M. le Président Bernard Accoyer. Une petite remarque personnelle : comme Germinal Peiro, je considère que le rôle de l’État doit être prééminent dans l’aménagement du territoire en zone rurale. Il doit en particulier l’emporter sur celui des régions, pour la simple raison que le nombre d’habitants d’une région pèse, notamment par l’intermédiaire du nombre d’élus, dans l’affectation des moyens. De la même façon, les départements étant plus proches de la population, les déséquilibres démographiques se retrouvent traduits en nombre d’élus. Cela rejoint la question de l’exode rural et de la mutation extraordinairement profonde de notre agriculture. En cent cinquante ans, nos campagnes se sont vidées : si l’on grossit le trait, existent maintenant surtout de vastes exploitations industrialisées, automatisées, exigeant peu d’hommes…

Je m’étonne aussi de l’idée fixe qui imprègne les SCOT, consistant à tout et toujours plus concentrer. On nous enjoint d’agréger, de superposer les territoires – je viens d’élaborer un nouveau PLU qui prévoit cinq niveaux dans des espaces où il n’y avait rien auparavant, et la chambre d’agriculture estime néanmoins que cela reste insuffisant ! Il y a là des excès préoccupants. Non seulement cette concentration ne correspond pas vraiment à l’aspiration des populations, mais elle s’accompagne d’une désertification inquiétante à d’autres endroits. Le balancier est allé trop loin, il faut essayer de revenir à un juste milieu.

Permettez-moi enfin une considération plus générale sur l’organisation de nos travaux. J’estime que le Comité choisit des sujets d’étude trop lourds. C’est sans doute une maladie de jeunesse, mais, à l’avenir, il conviendrait de s’orienter vers des sujets plus circonscrits. Ceux qui craindraient que nous y perdions en intérêt politique auraient tort et, au surplus, nous y gagnerions en efficacité : songez qu’on demande à nos services et à nos rapporteurs un travail auquel, avant la loi de développement des territoires ruraux de 2005, l’exécutif avait consacré les efforts de plusieurs organismes et services pendant plusieurs années !

questions diverses

M. le Président Bernard Accoyer. Je vous informe que la proposition de loi que j’avais déposée pour encadrer l’assistance de la Cour des comptes a été publiée au Journal officiel, le 4 février 2011, et qu’elle est donc entrée en vigueur.

Viennent également de paraître les deux recueils annuels qui recensent les publications non législatives de l’Assemblée. Ils mentionnent 135 rapports d’information, d’évaluation ou d’application des lois publiés ou engagés entre novembre 2009 et octobre 2010 par les commissions permanentes, par le CEC, par la délégation aux droits des femmes, par la MEC (Mission d’évaluation et de contrôle), la MECSS (Mission d’évaluation et de contrôle sur la sécurité sociale) ou l’OPECST (Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques). Ramené au nombre de jours où nous siégeons, cela peut paraître élevé… D’autre part, outre le rapporteur général, les 49 rapporteurs spéciaux de la Commission des finances et les 63 rapporteurs pour avis des sept autres commissions ont publié 11 500 pages de rapports ou avis sur le projet de loi de finances pour 2011. Un nombre non négligeable de ces documents comporte également des travaux thématiques.

À titre personnel, je trouve que c’est trop : comment discerner ce qui est important dans une telle masse ? Cela demande réflexion.

M. René Dosière. À cette occasion, il faudrait aussi revoir la répartition de notre travail, en production législative comme en temps de séance, entre la loi de finances initiale et la loi de règlement. Toute la réforme de la LOLF visait à nous permettre d’évaluer les résultats obtenus. Or, nous consacrons beaucoup plus de temps au vote des crédits – bien que, lorsque nous proposons un transfert, on nous réponde que de toute façon, compte tenu du principe de fongibilité, cela ne sert à rien ! – qu’à la loi de règlement, qui nous permet pourtant de vérifier si les objectifs ont été atteints et donc d’exercer notre mission de contrôle. Il faut renverser les proportions. En 2005 déjà, la commission Pébereau réclamait qu’on consacre deux fois plus de temps au contrôle de la loi de règlement qu’au vote du budget !

M. Daniel Goldberg. En outre, lors de la discussion en séance, le temps consacré à chacun des bleus budgétaires est largement obéré par la succession des rapports au fond et pour avis. Le budget lui-même finit par être très imparfaitement examiné. Une solution pourrait être – puisque le CEC parvient à faire travailler ensemble sur un même sujet des parlementaires de bancs opposés ! – que les rapporteurs de la Commission des finances et les rapporteurs pour avis travaillent à un rapport unique.

M. le Président Bernard Accoyer. Nous déplorons bien souvent l’excès de production législative que nous demande le Gouvernement, et nous commençons nous-mêmes à y contribuer à la faveur de la réforme constitutionnelle. N’aurions-nous pas intérêt, au cours de cette dernière année de la législature, à nous pencher sur nos méthodes et sur ce gigantesque travail de nos commissions, travail dont le rendement est dilué au milieu d’un tel volume ?

M. Pierre Méhaignerie. Les présidents des groupes pourraient peser en ce sens. J’avais espéré qu’il y aurait beaucoup plus de contrôle et d’évaluation en séance publique, au lieu de quoi on examine des multitudes de propositions de loi. Certes, les présidents de groupe souhaitent en limiter le nombre mais, médiatiquement, il est plus payant pour un parlementaire de déposer un texte qui n’aboutira pas que de travailler à l’évaluation de nos politiques !

M. le Président Bernard Accoyer. Des propositions de loi faites au demeurant sans étude d’impact, sans attendre les résultats de travaux en cours, y compris ceux des commissions elles-mêmes….Une réflexion sérieuse me semble en tout état de cause indispensable. Elle pourrait être conduite dans le cadre du Comité. Nous aurions en effet intérêt à mieux cibler nos priorités afin de donner à nos travaux la plus grande publicité possible.

M. Jean-Jacques Urvoas. « Qui garde les gardiens ? », demandait Juvénal. La question ici serait plutôt : qui contrôle le contrôleur ? Ce serait un bel exercice pour ce Comité d’évaluation et de contrôle encore balbutiant que de réfléchir à nos propres activités avant d’évaluer les politiques des autres. Il n’est pas certain que nous ayons le temps avant la fin de la législature, mais il faut le faire : le volume des documents que vous avez mentionnés est très étonnant !

M. Pierre Méhaignerie. Nous avons des exemples démontrant que des parlementaires peuvent satisfaire leurs ambitions légitimes tout en oeuvrant au profit des missions du Parlement, en travaillant sur l’évaluation plutôt qu’en déposant des propositions de loi sans avenir. Les travaux de la MEC sur l’immobilier ont ainsi eu une réelle portée, grâce à la constance du rapporteur.

M. le Président Bernard Accoyer. Nous rendrions service à notre institution si nous accomplissions ce travail de fond.

Le comité prend acte de la désignation, par la commission des Affaires sociales, de deux membres qui participeront aux travaux du groupe de travail sur l’aménagement du territoire en milieu rural, Mmes Marie-Christine Dalloz (UMP) et Martine Carrillon-Couvreur (SRC).

prochaine réunion

Notre réunion suivante est prévue le 9 juin prochain à 11 heures, avec l’ordre du jour suivant :

– présentation du rapport sur l’aide médicale d’État et la CMU – rapporteurs Claude Goasguen (UMP) et Christophe Sirugue (SRC;

– nomination de rapporteurs sur l’évaluation des incidences sur l’économie française de la stratégie de Lisbonne.

Pour ce sujet, demandé par le groupe GDR au titre de son « droit de tirage », les commissions concernées par ce sujet seront prochainement saisies pour leur demander de bien vouloir désigner les membres qui participeront aux travaux.

La séance est levée à midi quarante-cinq.