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Commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mardi 6 avril 2010

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 37

Présidence de M. Christian Kert, vice-président

– Table ronde, ouverte à la presse, sur les télévisions locales

– Présences en réunion 17

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mardi 6 avril 2010

La séance est ouverte à dix-sept heures cinq

(Présidence de M. Christian Kert, vice-président de la Commission)

——fpfp——

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation entend M. Albert Azibert, directeur général délégué de TDF, M. Ludovic Berthelot, directeur-adjoint de l’audiovisuel au Centre national du cinéma et de l’image animée, Mme Sylvie Genevoix, membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel, et M. Roland Husson, sous-directeur de l’audiovisuel à la Direction générale des médias et des industries culturelles du ministère de la culture et de la communication, au sujet des télévisions locales.

M. Christian Kert, président. Merci à tous pour votre présence.

Organisées le 3 février dernier, nos deux premières tables rondes sur l’avenir des télévisions locales n’ont fait que renforcer nos inquiétudes et notre volonté d’aller au bout de notre démarche. En effet, si ces chaînes se sont développées au cours des dernières années parce qu’elles répondaient à un besoin d’information de proximité, de pluralisme et valorisation des régions, leur santé financière demeure préoccupante.

Comme d’autres médias, elles sont confrontées à une concurrence croissante, notamment à celle de la TNT gratuite. Si certaines sont à l’équilibre, la plupart souffrent de la faiblesse de leurs ressources publicitaires et de charges de fonctionnement excessives, surtout quand elles se sont dotées de modèles de fonctionnement disproportionnés par rapport à leur mission.

Du côté des ressources, l’absence d’offre commerciale cohérente et la faiblesse des audiences n’ont, semble-t-il, pas permis l’émergence d’un marché publicitaire suffisant. À cela se sont ajoutés les effets de la crise et une contraction de la demande publicitaire, perceptible déjà au moment où nous examinions la loi sur l’audiovisuel public. Nous avons ainsi assisté à des dépôts de bilan et au désengagement de certains investisseurs.

Du côté des charges, les représentants des chaînes locales ont souligné le problème majeur que représente l’envolée des coûts de diffusion sur le multiplex R1, sujet que nous aurons l’occasion d’approfondir aujourd’hui.

Cette situation semble favoriser le développement d’un nouveau modèle économique que nous appelons de nos vœux, fondé sur des budgets moins élevés et des financements publics accrus. D’où la place de plus en plus grande des collectivités locales dans l’ensemble des projets, dans le cadre d’un modèle de financement mixte. Plusieurs des intervenants que nous avons déjà entendus nous ont d’ailleurs dit qu’aucune télévision locale n’était en mesure de résister sans cette implication des collectivités.

Au cours de nos précédentes tables rondes, nous avons également abordé la question de la syndication, de la publicité comme des programmes, qui serait nécessaire pour assurer la viabilité économique des chaînes locales. Toutefois, la question se pose de savoir si cette syndication ne risque pas de compromettre leur identité.

Le CSA poursuit une politique de développement des chaînes locales et a ouvert plusieurs pistes de réflexion pour améliorer leur situation. Le ministère de la culture et de la communication a lancé pour sa part un appel à propositions pour une étude portant sur les conditions de réussite de la télévision locale en France – mais notre Commission avait pris les devants ! L’un des arguments majeurs en faveur de ce développement étant le succès de cette télévision dans d’autres pays, il est devenu impératif de s’interroger sur les conditions qu’il suppose en France, compte tenu des spécificités nationales – je pense en particulier au rôle joué par France 3 Régions et par la presse locale et régionale.

Je demande à nos invités leur sentiment sur la question.

Mme Sylvie Genevoix, membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), présidente du groupe de travail sur les télévisions locales. Monsieur le président, je ne peux que me réjouir d’être auditionnée par votre Commission. Nous avons la conviction, au CSA, que les télévisions locales ont un avenir et qu’elles intéressent tous nos concitoyens sur tout le territoire français, mais nous avons besoin, pour garantir leur développement, de la mobilisation de tous les acteurs publics, au premier rang desquels la représentation nationale.

Ce qu’a rappelé le président Kert est tout à fait conforme aux conclusions du CSA. Je souhaite néanmoins rappeler ce que nous avons fait, dire ce que nous faisons et indiquer les mesures que nous pourrions envisager.

Les chaînes locales sont un formidable outil de développement social et culturel à la disposition des territoires et, même si elles ne recueillent pas encore une audience très importante, elles sont appréciées par le public partout où elles existent. D’où notre conviction que la France doit se couvrir de télévisions locales, à l’instar de ses voisins européens. Le Conseil a donc saisi l’opportunité offerte par le passage au numérique pour lancer un plan de développement important. Il n’en est pas moins conscient des difficultés rencontrées par ces télévisions, même si elles affichent actuellement un léger mieux incontestable, et la nécessité de repenser leur équilibre économique lui apparaît flagrante.

La situation est au demeurant très contrastée parmi ces 45 télévisions – qui devraient d’ailleurs être 50 ou 55 d’ici à la fin de l’année. Et, contrairement à ce que la presse a affirmé ces derniers temps, il n’y a pas eu de dépôt de bilan. Trois d’entre elles seulement ont été soumises à une procédure de redressement – à Nantes, Orléans et Toulouse –, mais elles ont rapidement amélioré leur position. D’autre part, d’importants groupes, comme Bolloré, manifestent aujourd’hui leur intérêt pour ce monde des télévisions locales.

L’équilibre peut donc être trouvé. Plusieurs pistes ont été envisagées par le CSA. Certaines requièrent l’intervention du législateur mais, avec l’engagement de tous – pouvoirs publics, collectivités locales, presse quotidienne régionale –, nous pouvons offrir demain à tous nos concitoyens un paysage stabilisé de télévisions locales qui réponde à leur appétence pour l’information locale comme pour de nouvelles possibilités de loisirs et de découvertes.

Le développement des télévisions locales a été un axe majeur de la politique audiovisuelle numérique du CSA. Depuis 2007, ce dernier a mené une politique très volontariste, pour rattraper notre retard par rapport aux pays voisins – Espagne, Royaume-Uni, Italie ou Belgique. Dès le mois de septembre, 18 télévisions locales diffusées en analogique sont passées en numérique sur le GR1. Parallèlement, le CSA a lancé des appels à candidatures pour des zones jusqu’alors dépourvues de télévisions locales hertziennes. Aujourd’hui, 45 émettent sur la TNT, soit plus du double du nombre de celles qui fonctionnaient en analogique en 2007. Nous pouvons penser que d’ici à 2011, il y aura en métropole environ 70 télévisions locales diffusées par voie hertzienne numérique. Ce développement est voulu et réfléchi : il s’appuie sur des études économiques solides, sur l’extension de la TNT et sur la demande des départements et des régions. C’est pourquoi, après une période de fléchissement due à la crise, le CSA a repris sa politique d’appels à candidatures et de présélection de nouvelles télévisions – je citerai par exemple Direct Azur sur la Côte d’Azur ou Mirabelle TV en Lorraine.

Ce développement obéit à une logique économique. Il est en effet nécessaire d’atteindre une masse critique de chaînes locales pour envisager une syndication publicitaire, nationale et surtout régionale, indispensable à leur viabilité, mais aussi pour réduire les coûts de diffusion.

Le CSA n’oublie pas pour autant les télévisions locales diffusées sur le câble ou l’ADSL, au nombre de 116. Il veille à ce que les distributeurs respectent les engagements pris à leur égard, où à ce qu’elles trouvent leur place dans les nouveaux appels à candidatures sur la TNT, en association avec d’autres chaînes.

Partout où elle existe, la télévision locale est parvenue à fidéliser un public, preuve que cette « télévision miroir », authentique et familière, répond à une véritable attente. Il faut maintenant que cela se traduise en parts d’audience et en durée d’écoute. Le défi est d’autant plus compliqué que les histoires comme les situations sont contrastées, certaines présentant d’importants déficits structurels. C’est cette situation délicate qu’il faut analyser pour trouver des remèdes également structurels.

Une étude de Didier Bailleux, datant de 2008 mais réactualisée en 2009, montre que, sur les trente chaînes locales examinées, huit sont à l’équilibre, les autres affichant un déséquilibre beaucoup moins important en 2009 qu’en 2008, et a fortiori qu’en 2007. Pour autant, elles traversent une période délicate en raison de la crise et du retrait, parfois brutal, de certains groupes comme les Caisses d’épargne et le Groupe Hersant Média, ou de journaux importants comme Ouest-France ou Le Progrès de Lyon.

Il est très difficile d’établir une corrélation directe entre la taille du bassin desservi et la situation économique des chaînes ; en revanche, celle-ci dépend beaucoup de la programmation, qui n’est pas sans effet sur les recettes publicitaires, du modèle plus ou moins récent de la chaîne, qui influe sur les coûts de structure, ainsi que de la participation ou non de la presse quotidienne régionale et des collectivités locales.

S’agissant de la programmation, c’est l’information locale qui est la plus fédératrice. La durée d’écoute des télévisions locales est souvent trop faible, ce qui rend leur audience difficilement « monétisable » pour la publicité nationale. De toute façon et quelle que soit la régie, les dirigeants de ces télévisions ne s’attendent pas à des ressources publicitaires nationales excédant 5 ou 10 % de leurs ressources totales. En revanche, la publicité locale ou régionale, qui est déjà très importante, peut être très largement développée.

Le Conseil n’est pas opposé, bien au contraire, à une syndication horizontale, sur un vaste espace régional, qui permet de proposer des programmes communs. En revanche, nous sommes extrêmement réservés, et moi la première, quant à l’idée d’une syndication verticale, nationale, qui consisterait à reprendre les mêmes programmes sur toutes les chaînes métropolitaines pour augmenter leur durée d’écoute, aux mêmes horaires, dans l’espoir d’attirer une publicité nationale. Au fil des études effectuées tant par nos services que par les intéressés eux-mêmes, il est apparu que ces syndications nationales étaient très difficiles à mettre en place, si ce n’est impossibles, et surtout qu’elles aboutiraient à priver les chaînes locales de leur spécificité, de leur âme même. Le public désire le plus possible de programmes locaux et de proximité et le risque de désaffection serait donc grand, comme le confirme l’exemple des télévisions d’agglomération allemandes qui ont suivi cette voie. Nous sommes donc favorables à un assouplissement, mais sans remettre en cause l’esprit de la programmation de proximité.

S’agissant des partenariats que peuvent nouer les chaînes locales, on songe d’abord, bien sûr, à la presse quotidienne régionale : si, comme je l’ai rappelé, le Groupe Hersant Média, Ouest-France ou Le Progrès se sont retirés des télévisions locales, d’autres groupes y sont très présents.

L’autre partenaire sur lequel nous comptons beaucoup, ce sont les collectivités territoriales. Depuis 2004, la loi permet en effet à des sociétés d’économie mixte de répondre à des appels à candidatures dans ce secteur. La participation moyenne des collectivités, faible dans les chaînes analogiques – autour de 15 % –, est ainsi passée à environ 40 % dans les chaînes locales de la TNT, et la proportion ne cesse d’augmenter.

Il faut donc essayer de développer des partenariats avec les collectivités locales et, le cas échéant, avec la PQR.

Le CSA avait mis à l’étude et même en application différentes mesures pour alléger les charges des télévisions locales : assouplissement temporaire des règles relatives aux émissions en première diffusion, renforcement des synergies entre les chaînes, mise en place de syndications de programmes à l’échelle régionale, reprise sur le câble ou l’ADSL, établissement de liens avec les clubs sportifs, arrêt anticipé de la diffusion en analogique.

La réglementation publicitaire pourrait également être revue : nous souhaitons que la publicité pour les promotions exceptionnelles des grandes surfaces, actuellement interdite, devienne possible sur les télévisions locales, en partenariat avec la PQR, dans une optique de complémentarité plus que de substitution.

Le Conseil propose également de permettre les rapprochements capitalistiques entre certaines chaînes issues du même bassin régional, en vue de former des ensembles ayant la taille critique, et d’encourager la mutualisation des moyens techniques. Déjà, la loi du 5 mars 2009 a assoupli les règles relatives au chevauchement géographique pour les télévisions locales détenues par le même opérateur.

Nous pourrions enfin faire d’autres propositions. Pourquoi ne pas réfléchir à des partenariats avec France 3 ? Pourquoi ne pas demander aux chaînes locales de participer à l’information des Français sur le passage au tout numérique, au travers d’émissions pédagogiques ? Mais je laisse à d’autres d’aborder l’épineux problème des coûts de diffusion…

M. Albert Azibert, directeur général délégué de TDF. Je tiens à préciser d’emblée que TDF n’est qu’un des diffuseurs techniques de la télévision locale en France. En effet, si, en ce qui concerne l’analogique, nous détenons pour des raisons historiques une position forte, nous sommes en situation de concurrence pour ce qui est du numérique, concurrence soumise au contrôle de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP.

Notre relation avec les chaînes locales est à la fois directe et indirecte. Elle est surtout indirecte puisque la majorité d’entre elles sont actuellement diffusées sur le multiplex GR1 qui, outre les programmes de France 2, France 3, France 5, Arte et LCP-Public Sénat, « porte » tantôt – mais pas toujours, d’où l’existence de « trous » – ceux d’une chaîne locale, tantôt la deuxième « régionale » de France 3, pour les zones qui sont desservies par deux stations régionales. À ce titre, nous fournissons, comme nos concurrents, une prestation à GR1 qui la refacture, via Télévisions locales associées (TLA), aux chaînes locales.

En France, le coût de diffusion d’un multiplex national est de l’ordre de dix-huit millions d’euros pour le réseau principal et d’une douzaine pour le réseau complémentaire, soit trente millions, mais qu’il faut diviser par six pour avoir le coût par chaîne, puisqu’un multiplex en regroupe six. J’ajoute que ce coût diminue régulièrement.

Le choix d’installer sur le GR1 les chaînes locales – aujourd’hui une trentaine, demain une quarantaine – procède de la volonté de leur assurer rapidement une bonne zone de diffusion. Mais il existe des zones où aucune chaîne locale n’est diffusée. Par ailleurs, les chaînes sont parfois diffusées sur toute une « plaque », alors qu’elles préféreraient l’être de manière plus sélective, sur des territoires plus restreints. Pour le GR1, porter les chaînes locales induit également un surcoût.

Dans leur majorité, les télévisions locales sont favorables, en tout cas pour le moment, à rester sur le GR1. Pour notre part, en tant que prestataire technique, nous sommes cocontractant du GR1.

Nous avons aussi, comme je l’ai dit, une relation directe avec les télévisions locales : avec toutes uniquement pour des prestations annexes – de transport ou d’insertion, y compris sur le GR1 –, mais plus particulièrement avec la vingtaine d’entre elles qui continuent d’être diffusées en analogique et avec celles qui sont diffusées en numérique non pas sur le multiplex GR1, mais sur un multiplex dédié ou sur un simplex – ce sont celles d’Île-de-France, de Vendée, de Troyes et d’Issoudun.

Comment réaliser des économies ? On peut, à court terme, en attendre de l’extinction progressive de la télévision analogique. Déjà enclenchée en Alsace et Basse-Normandie, elle concernera bientôt l’Ouest : les Pays de la Loire, dans un mois, et la Bretagne. Les chaînes de ces régions verront leur facture de diffusion divisée à peu près par deux. Pour vous donner une idée de ce que cette facture représente, j’indique que celle d’une grande télévision locale supportant environ deux millions d’euros de charges est d’à peu près 400 000 à 500 000 euros, ou que la proportion oscille pour l’ensemble entre 10 et 30 % des frais.

Une autre voie à emprunter serait celle d’une optimisation des prestations annexes. S’agissant des transports notamment, nous sommes en train de mettre au point une formule « quasiment nationale » qui pourrait permettre aux chaînes de faire des économies.

À moyen terme, il conviendrait par ailleurs d’examiner si la solution garantissant le meilleur service pour un coût donné est celle du GR1 ou celle du multiplex dédié, qui est déjà le lot des chaînes d’Île-de-France et de Vendée, mais uniquement faute d’autre possibilité. Dans le sud de la France, à Toulouse, à Lyon, à Nîmes, on pourrait envisager de recourir à cette formule, pour tout ou partie des chaînes.

À plus long terme et à condition que ces télévisions soient assurées de conserver une couverture à peu près identique, une solution encore plus économique pourrait être une diffusion en « multilocal », le multiplex national pouvant avoir un surcoût, partiellement à la charge des chaînes locales, qu’exclurait cette formule sur mesure. Cependant, il faut aussi considérer que, sur le multiplex GR1, le coût de la diffusion est à diviser par le nombre de « cohabitants », soit six, alors qu’il n’y en aura que deux ou trois, du moins au début, sur un multiplex dédié.

Enfin, ne serait-il pas possible de faire cohabiter les télévisions locale, sur un nouveau multiplex, avec d’autres chaînes qui obéiraient à des logiques similaires et ne seraient pas susceptibles de les cannibaliser ? Je pense à des chaînes sportives locales ou à des chaînes communautaires.

M. Christian Kert, président. Votre propos était très complémentaire de celui de Mme Genevoix.

M. Ludovic Berthelot, directeur adjoint de l’audiovisuel, Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Le CNC a une place un peu particulière dans le paysage des télévisions locales et nous ne sommes pas forcément les mieux placés pour juger directement de leur santé économique, ne les ayant pas pour interlocutrices directes dans l’exercice de notre mission d’aide à la production.

Elles sont cependant bien présentes dans les secteurs de programmes éligibles au soutien du CNC, principalement dans ceux du documentaire et du spectacle vivant – les programmes de fiction et d’animation, trop coûteux, ne tenant qu’une place marginale dans leurs investissements. En 2009, près de 10 % des heures de documentaires aidées par le CNC, soit 253, étaient coproduites ou préachetées par des chaînes locales : c’était 6 % de plus qu’en 2008, où la progression avait déjà été de 20 % par rapport à l’année précédente. Cet intérêt, motivé notamment par un souci de valorisation du patrimoine ou des productions locales, a conduit ces télévisions à y consacrer, toujours en 2009, 8,8 millions d’euros.

Pour chacun de ces projets de documentaire, le CNC est particulièrement attentif à l’équilibre, à l’intérieur des investissements venant de la chaîne locale, entre les investissements en numéraire, apportés dans la coproduction, et les investissements en industrie – matériel de prestation, de tournage ou de postproduction. Depuis 2005 en effet, le Centre exige qu’au moins 6 000 euros de l’heure, soit 5 200 euros pour un documentaire de 52 minutes, soient apportés par le diffuseur pour que le producteur délégué puisse bénéficier du soutien automatique – qu’il a sur le compte de soutien au CNC. La plupart du temps, ces 5 200 euros sont apportés, et même au-delà. Mais, alors que certaines chaînes disposent d’un budget leur permettant d’apporter, sur une moyenne d’une dizaine ou d’une vingtaine de documentaires par an, les sommes que je viens d’indiquer, d’autres ne sont en mesure d’investir que des apports en industrie. Cela a une forte incidence sur les niveaux de financement des programmes soutenus par le Centre.

Le documentaire est le genre pour lequel la part de financement apportée par le diffuseur est la plus faible lorsqu’il est destiné à une chaîne locale. Les investissements en industrie et en numéraire représentent au maximum 25 % du financement du programme dans ce cas, contre quelque 50 % pour un documentaire destiné à une chaîne nationale. La contrepartie est que ce sont des programmes pour lesquels l’apport du compte de soutien géré au Centre est proportionnellement la plus élevée : 40 ou 45 % en moyenne. S’agissant d’un investissement en aide publique, notifié à la Commission européenne, il reste en principe plafonné à 50 % avec, dans certains cas, des dérogations possibles jusqu’à 60 % pour des films difficiles à petit budget. Les documentaires dont nous parlons font partie des films difficiles à petit budget. Dans la réalité, les financements publics – compte de soutien à l’industrie des programmes audiovisuels du CNC (COSIP), plus financement des collectivités locales – excèdent régulièrement ces pourcentages.

C’est pourquoi le Centre est très attentif aux évolutions qui se dessinent dans certaines régions, en vue de dégager des apports en numéraire destinés aux programmes, de documentaires comme de spectacles vivants, éligibles au compte de soutien : ainsi font le GIE Grand Ouest, en Bretagne et Pays de Loire, ou, en liaison avec les collectivités locales, les télévisions locales constituées récemment dans le Nord-Pas de Calais – mais on pourrait citer également l’exemple de Toulouse, après la « renaissance » de sa chaîne TLT, ou celui d’une unité locale de production mise en place, à la fin de l’année dernière, en Bretagne. Toutes ces initiatives permettent de soutenir la production des programmes destinés aux télévisions locales en s’appuyant sur des moyens financiers « réels ».

M. Christian Kert. Des parlementaires envisagent de déposer une proposition de loi sur les langues régionales. Je me demande si l’on pourra exiger des télévisions locales, en matière de quotas de langues régionales, autant que l’on a demandé à une époque à certaines radios.

M. Roland Husson, sous-directeur de l’audiovisuel à la Direction générale des médias et des industries culturelles du ministère de la culture et de la communication. Nous venons de lancer, conjointement avec le CSA, un appel à projets pour une étude sur ce sujet des télévisions locales. Et, au nom du ministère de la communication, je vous remercie d’avoir pris l’initiative de ces tables rondes, qui nourriront sans aucun doute notre réflexion.

Je ne reviendrai pas sur la contribution des télévisions locales à la richesse de notre paysage audiovisuel et au pluralisme, ni sur l’importance des programmes de proximité. L’essentiel du débat porte sur les difficultés auxquelles se heurtent ces télévisions et sur leur modèle économique. L’étude que nous avons lancée vise précisément à étudier les réussites des autres pays pour tenter de les reproduire en France, en tenant compte des spécificités constitutionnelles et culturelles de notre pays. Cela dit, avant même que nous ne disposions des résultats de cette étude, nous sommes convaincus que la participation des collectivités locales se révélera capitale.

Le Gouvernement et la représentation nationale ont bien anticipé le lancement de la télévision numérique terrestre, qui permettait le développement des télévisions locales. Dès 2004, le cadre législatif et réglementaire a été mis à jour. C’est ainsi qu’on a autorisé les collectivités locales à investir dans les télévisions locales. De même, par une modification des règles anti-concentration, pour les grands investisseurs du secteur des médias : tous les groupes de médias, y compris audiovisuels, le peuvent désormais, à la seule exception de TF1 et M6 – et Bolloré vient de passer aux actes.

Il est bon de disposer d’un cadre législatif et réglementaire stable, mais des difficultés demeurent. Quels nouveaux ajustements seraient encore nécessaires ? Mme Genevoix a soulevé la question de la réglementation de la publicité au niveau local. De notre point de vue, la question essentielle reste cependant celle du modèle économique : comment trouver des modèles de télévision locale garantissant la viabilité de ces services ?

En ce qui concerne les recettes, notre étude devrait permettre d’évaluer le potentiel que recèle la publicité, tant nationale que locale, et de préciser le type de commercialisation des espaces publicitaires le plus souhaitable.

Les coûts de diffusion sont importants. La question du GR1 est épineuse à plusieurs titres, pour nous comme pour l’Assemblée nationale et le Sénat, en tant que colocataires au titre des chaînes parlementaires.

Mais nous devons surtout réfléchir à l’alimentation en programmes des chaînes et donc à des modèles de syndication, ceux qui ont été proposés n’ayant jusqu’à présent débouché sur rien de concret. Le ministère de la culture et de la communication partage à cet égard le point de vue du CSA : les chaînes locales doivent rester locales, ce qui implique une prédominance des programmes locaux. Les modèles de syndication impliquant l’achat de programmes nationaux ne doivent pas affecter l’ancrage des chaînes dans leur territoire. Ludovic Berthelot a, à cet égard, rappelé l’importance du partenariat avec les collectivités territoriales, mentionnant l’exemple de « TLT » à Toulouse. J’observe de mon côté que le Toulouse Football Club et que le Stade Toulousain figurent maintenant au tour de table. Des partenariats avec les clubs sportifs peuvent également, en effet, apporter des contenus et fédérer un public enthousiaste et je vois donc là une autre piste intéressante.

Pour nous, toutes ces questions restent ouvertes. Nous espérons que l’étude dont nous devrions disposer cet été contribuera à alimenter la réflexion.

Mme Sylvie Genevoix. Monsieur Azibert, j’ai dit que toutes les télévisions locales étaient maintenant devenues adultes et responsables, qu’elles avaient revu leurs frais de fonctionnement à la baisse, qu’elles s’étaient redimensionnées comme il le fallait et que, pour la plupart, elles allaient beaucoup mieux. Mais elles n’arrivent pas à couvrir leurs frais de diffusion.

Le CSA avait souhaité qu’elles puissent arrêter la diffusion analogique de manière anticipée. Une loi de 2009 l’a autorisé et nombre d’entre elles l’ont demandé, mais elles ont fini par renoncer car elles sont liées à TDF par des contrats qu’elles ne peuvent dénoncer – ce n’est pas un cas de force majeure – sans payer des dédits équivalant au coût de diffusion.

Par ailleurs, l’existence de fréquences dédiées n’est pas tout à fait d’actualité. Toutes les télévisions locales sont satisfaites d’être sur le R1 et ne souhaitent pas en partir. La gestion des fréquences est une lourde charge pour le Conseil et, pour le moment, le coût du L8 est largement équivalent, voire supérieur, à celui du R1, même si celui-ci est élevé. Nous ne faisons appel à ce multiplex que dans des cas d’extrême nécessité, quand il n’y a pas d’autres ressources disponibles.

M. Jean-Jacques Gaultier. Les coûts de diffusion sont en effet ce qui doit nous occuper en premier. Sur la situation financière de ces télévisions, Mme Genevoix semble faire preuve d’optimisme mais je pense, quant à moi, que la situation demeure difficile. Le directeur de la télévision locale dont je suis administrateur est incapable de me dire, pour l’année qui vient, quel sera précisément le coût réel de diffusion. Nous sommes donc obligés de constituer des provisions.

Mme Sylvie Genevoix. Ce sont des provisions imposées !

M. Jean-Jacques Gaultier. D’où des incertitudes et des inquiétudes.

Le passage au numérique divisera par cinq les coûts de diffusion pour les télévisions nationales, nous dit-on. Mais, pour les télévisions locales, ils ont doublé ! Avec la SAS TLA, l’interlocuteur unique qui leur est imposé, ils se montent à quelque 3 millions et ceux des fréquences non utilisées, des canaux non couverts, sont devenus supérieurs à ceux des canaux couverts.

Se pose dès lors la question de la prise en charge de ces coûts de diffusion, notamment de ceux des canaux non couverts. Doit-elle être assurée par un fonds, par l’État, par France Télévisions, par Arte ? Les dotations annuelles de l’État sont d’à peu près un milliard pour France Télévisions et de 240 millions pour Arte. Ainsi, ce que l’État verse à Arte représente quatre-vingts fois le coût de diffusion de toutes les chaînes locales de ce pays !

Mme Sylvie Genevoix. Je ne suis pas optimiste, je me fonde sur les chiffres. En 2008, le coût exact de diffusion TLA a été de 2,2 millions, ce qui est déjà beaucoup…

M. Jean-Jacques Gaultier. En 2009, 3 millions !

Mme Sylvie Genevoix. Sur ces 2,2 millions, 817 000 euros correspondaient à la part de canal non couvert. Je reconnais que c’est considérable pour l’économie des chaînes locales, et tout à fait injuste.

M. Marcel Rogemont. Dans le budget prévisionnel pour 2009 : 2 839 043 euros pour les coûts de diffusion, dont 1 451 972 euros pour les canaux non utilisés, soit à peu près la moitié.

Je partage l’inquiétude de mon collègue. La réponse apportée par TDF, et qui consisterait à faire quitter le GR1 aux télévisions locales, ne satisfait pas ces dernières : l’initialisation se faisant sur les chaînes publiques, elles perdraient ainsi un avantage considérable et beaucoup de leur substance. Rajoutez-y les quelques propositions faites par des députés qui président la séance, et elles ne seraient plus très nombreuses !

Je reviens sur cette question des coûts de diffusion, qui est pour l’instant la plus importante. Ne pourrait-on pas, sur la redevance, ouvrir une ligne dédiée pour aider les télévisions locales, la répartition se faisant ultérieurement ? Ou bien faut-il demander à France Télévisions une prise en charge, au moins partielle ?

D’autre part – mais cette question intéresse avant tout le CSA –, dans les zones pour lesquelles France Télévisions dispose de deux canaux pour permettre aux téléspectateurs de recevoir, pendant une heure seulement, les émissions de France 3 de deux régions, la télévision locale ne pourrait-elle disposer de l’un d’eux, quitte à composer avec ce décrochage ?

M. Michel Françaix. Depuis dix ans, chaque fois qu’il est question des télévisions locales, que de grands mots : « diversité », « pluralisme », « nouveaux espaces de liberté »… ! Si l’on est un petit peu plus hardi, on dit que cela amènera un peu d’insolence. On termine la main sur le coeur : « Enfin des télévisions enracinées dans la vie locale ! » Et puis, au bout de tant d’années, on se rend compte que l’on n’a rien fait pour que cela réussisse – et le constat vaut pour nous comme pour vous, monsieur Kert.

D’autre part, il en est de la télévision locale comme de la presse : elle n’est pas une et en parler au singulier, c’est ne pas traiter la question.

Les télévisions locales « tissu associatif » ont à peu près disparu ; on a considéré que ce n’était pas faisable. On nous propose maintenant différents modèles, sans rapport cependant avec le prétendu souci de diversité, de pluralisme et de liberté, puisque ce qu’on veut faire, ce sont des télévisions des collectivités locales ou de la presse régionale. On passe sur les décrochages et on sent bien qu’à la fin des fins, la syndication va l’emporter. Ce n’est pas sans m’évoquer ce qui s’est passé avec les radios locales. Or NRJ, par exemple, ne peut plus tout à fait être considérée comme une radio locale, même si c’est une radio de qualité.

Cela ne me gênerait pas qu’il y ait trente télévisions supplémentaires en syndication, mais, dans ce cas, qu’on se résolve à reconnaître qu’elles sont nationales et qu’elles suivent des règles nationales ! Une télévision locale est définie par un certain nombre de normes, qui ont encore cours. Encore que… Je vois bien que, tout en continuant de défendre les principes, le ministère de la culture a déjà accepté l’idée de la syndication de programmes. D’ailleurs, si l’on n’était pas prêt à lâcher du lest, le groupe Bolloré ne se serait pas intéressé à ce secteur.

On va bientôt nous dire qu’il faut de la publicité nationale pour ces télévisions locales. Mais elles n’en obtiendront pas et il vaudrait donc mieux définitivement réserver la publicité locale aux télévisions locales et la publicité nationale à la télévision nationale.

Si l’on veut améliorer un peu la situation financière des télévisions locales, il faut décider qu’elles auront droit à la publicité locale des grandes surfaces. Inutile de nous compliquer la vie à imaginer une syndication nationale qui se traduira par des programmes composés à 80 % de « sous-films » américains et des publicités ! Si on doit aboutir à cela, je ne souhaite qu’une chose : c’est que les télévisions locales ne se développent pas.

Il faut que le ministère affirme fortement qu’il n’est pas question de syndication, et que le nombre d’heures de programmes locaux sera plus important que celui des heures de programmes nationaux. Il faut que le CSA qui, jusqu’à présent, a eu assez de courage pour dire qu’il ne fallait pas n’importe quoi, l’affirme avec encore plus de force. Si cela est acquis, si nous arrivons à baisser les coûts de diffusion, à aider un peu mieux ceux qui ont envie de faire de la création, il y aura en France des télévisions locales comme dans tous les autres pays européens.

Mme Colette Langlade. Depuis le mois de janvier 2010, France 2, France 3, France 4, France 5 et RFO se sont regroupées dans une entreprise commune, rassemblant la quarantaine de filiales qui composaient la holding. Cette réorganisation doit s’achever en juin. Sur quels éléments portent les principales négociations ?

France 3, organisée en vingt-quatre régions, le sera désormais en quatre pôles de gouvernance, avec 24 webs télévision. Les responsables des unités de chaîne – divertissement, fiction, documentaires, etc. – disparaîtraient pour laisser place à des coordinateurs. Y aura-t-il de tels coordinateurs dans chaque région, ou seulement dans chaque pôle de compétence ?

Auparavant, lorsqu’un projet était refusé sur France 2, il pouvait être vu sur France 3, France 4 ou France 5. Est-ce que ce sera toujours possible ?

Mme Genevoix évoquait une syndication de programmes horizontale, liée aux spécificités locales. Il a également été question de quota pour les langues régionales – et quelques régions de France demeurent en effet très attachées à ces langues. Pourrions-nous en savoir plus ?

M. Jacques Grosperrin. Même s’il n’y en a pas dans ma région, j’ai bien compris l’intérêt des télévisions locales. Mais ne pourrait-on pas parler plutôt de « média global », dans la mesure où des journaux, des radios veulent se regrouper pour faire de la télévision ? J’ai bien compris aussi que le nerf de la guerre était l’argent. Mais la publicité n’est peut-être pas le seul moyen de financer les télévisions locales. De toute façon, ce financement n’est pas extensible.

Des collectivités locales envisagent d’entrer dans le capital des télévisions locales. N’auraient-elles pas d’autres moyens d’aider celles-ci ?

Enfin, l’installation d’émetteurs est pour TDF un moyen de gagner de l’argent : c’est compréhensible mais, de ce fait, l’entreprise n’a-t-elle pas tendance à favoriser les télévisions locales en négligeant les chaînes publiques ? Nous recevons, dans nos départements et dans nos régions, des lettres et des motions de conseils municipaux qui nous demandent d’agir auprès d’elle pour qu’elle réenclenche un émetteur permettant de recevoir France 5 ou Arte...

M. Frédéric Reiss. J’ai bien compris qu’il existait des télévisions locales de différents modèles. J’en connais une, mise en place à l’origine par une régie d’électricité locale et dont le personnel est maintenant financé par la communauté de communes. Or j’ai le sentiment que les JRI, les journalistes reporters d’images, « foncent » sans se poser trop de questions. Comment fonctionnent les commissions de déontologie ou d’éthique, s’agissant du traitement des sujets abordés par ces télévisions ?

Je déplore par ailleurs la paupérisation des programmes régionaux de France Télévisions, notamment de France 3. Je crains que la création de quatre grandes régions n’arrange pas les choses. On parle beaucoup de programmes régionaux mais, dans les faits, le public local est très déçu par leur contenu. J’en déduis qu’il y a un bel avenir pour les télévisions locales, qui pourraient prendre le relais, et pas seulement pour les émissions en langue régionale…

M. Daniel Spagnou. Nous avons, dans mon département, la chance d’avoir une télévision locale et celle, aussi, de pouvoir compter sur Gérard Baumel, président de la mission « télévisions locales » de l’Association des maires de France. Or, il est très inquiet et me disait il y a 48 heures encore que, si rien n’était fait, et très vite, cette télévision fermerait ses portes. France 3 fonctionnant de curieuse manière, puisque tout dépend de quel côté on penche – et dans mon département en tout cas, nous n’avons droit à rien –, il est heureux que les Alpes-de-Haute-Provence disposent d’une télévision locale. Mais, comme les autres, elle a besoin de moyens.

À cette fin, la meilleure solution est d’autoriser la diffusion de campagnes de promotion de la grande distribution. Si nous obtenons cela, nous préserverons un service de proximité indispensable dans les zones rurales et de montagne où les autres services de télévision n’existent pratiquement plus ; si nous ne l’obtenons pas, nous ne pourrons sauver ces télévisions car les collectivités locales sont empêchées d’agir. À ce jour, notre association de maires, certaines collectivités et certaines municipalités, dont la mienne, subventionnent la télévision locale ; mais, de plus en plus souvent, le préfet refuse ces initiatives au motif que la loi ne les autorise pas.

M. Marcel Rogemont. Ce qui fait la singularité d’une « télévision locale », c’est bien d’être « locale » ; comment pourrait-elle rayonner au-delà d’une région ? Je m’étonne donc, et m’inquiète, d’entendre le terme « syndication » répété ad nauseam. Imagine-t-on vraiment diffuser dans le Finistère une émission en occitan ? Que l’on envisage des conventions techniques, la mutualisation d’unités de production ou des fonctions support, très bien. Mais l’on peut craindre que la référence réitérée à la syndication ne prélude à la modification du paysage des télévisions locales. Que M. Bolloré s’intéresse à ce secteur, soit, mais je ne vois pas quelle place peut avoir la syndication en cette matière.

En revanche, on pourrait beaucoup renforcer les programmes sportifs. J’ai ainsi assisté à la diffusion d’un match de volley-ball entre Rennes et Tourcoing par une télévision locale. Le CSA ne pourrait-il prendre des dispositions pour faciliter ce genre d’initiatives ?

M. Christian Kert, président. Avant de donner la parole à nos invités pour qu’ils répondent aux questions qui leur ont été posées, je rappelle que l’une des deux tables rondes que la commission organise demain matin portera sur La publicité sur les antennes de la télévision publique. Nous traiterons mieux des programmes de France Télévisions dans ce cadre et je suggère donc à Mme Langlade d’y revenir à cette occasion. Mais je tiens déjà à souligner qu’en réformant l’organisation de France Télévisions, le législateur a tenu à ce que les chaînes conservent leur identité et à ce que la diversité soit respectée dans la commande de programmes.

M. Michel Françaix. Qui vivra verra…

Mme Sylvie Genevoix. Ce que j’ai entendu correspond très largement aux positions du CSA. Le Conseil, et moi-même singulièrement, sommes contre une syndication nationale. Elle dénaturerait l’esprit des télévisions locales, on ignore comment elle serait financée et, du reste, elle ne fonctionnerait pas. En ayant délibéré, le Conseil a rendu un avis selon lequel, si une syndication devait malgré tout voir le jour, elle ne devrait pas porter sur plus de 30 % des programmes de ces chaînes.

Nous avons récemment lancé une étude approfondie sur les moyens de développer les programmes sportifs sur les télévisions locales. On peut, pour commencer, renforcer le droit de citation. De plus, un très grand nombre de disciplines sportives n’apparaissent pas encore sur les écrans, quels qu’ils soient ; beaucoup peut donc être fait à ce sujet. On peut enfin envisager que les télévisions locales rachètent à très bas prix les droits que des chaînes nationales n’utilisent pas.

Le coût de diffusion, sujet épineux s’il en est, a été évoqué plusieurs fois. Les télévisions locales ne payent pas ce qui est injustement mis à leur charge – le coût des emplacements non utilisés – car elles ne le peuvent pas ; le feraient-elles que leurs finances seraient véritablement en péril. Mais elles se trouvent ainsi dans une situation juridique inconfortable et plane sur elles la menace, au moins théorique, d’un arrêt du signal. Le CSA a suggéré, sans être entendu à ce jour, que le fonds de soutien à l’expression radiophonique locale (FSER) soit abondé pour venir en aide aux télévisions locales et devienne pour partie un fonds d’aide provisoire aux télévisions locales. Par ailleurs, France Télévisions devrait être appelée à participer au règlement de cette charge, dont elle est pour beaucoup responsable. Enfin, dans certaines régions, de nombreuses télévisions locales se féliciteraient de pouvoir utiliser les fréquences réservées à France Télévisions pour ses décrochages locaux – sauf, bien sûr, pendant l’heure de France Télévisions – et elles sont prêtes à payer pour cela. Cela contribuerait à réduire le nombre d’emplacements non utilisés.

En résumé, des solutions existent mais pour les mettre au point, il faut réunir toutes les parties autour d’une table et éclaircir la nébuleuse des chiffres. Si, outre cela, un petit fonds était constitué, destiné à aider les chaînes locales à hauteur de 500 000 euros par an au minimum, elles parviendraient à s’extraire de la situation très inconfortable dans laquelle elles se débattent actuellement.

S’agissant des langues régionales, les télévisions locales remplissent leur mission dans les territoires où ces langues sont répandues – au Pays basque ou en Bretagne par exemple. Chacune signe avec le CSA une convention qui énonce ses obligations en matière de pluralisme et de déontologie, chacune a un comité d’éthique et un comité de programme et pour chacune, un bilan annuel est fait du respect des engagements souscrits.

Le Conseil ne juge pas vraisemblable que les ressources provenant de la publicité nationale excèdent 5 %, 10 % au mieux, de l’ensemble de ressources publicitaires des télévisions locales. Aussi souhaite-t-il que celles-ci soient autorisées à diffuser les campagnes de promotion de la grande distribution, dans des conditions fixées en accord avec la presse quotidienne régionale. Plus largement, le Conseil est favorable à ce que certains verrous sautent pour permettre l’accès de ces chaînes à la publicité en faveur de la grande distribution, ou à la publicité institutionnelle.

M. Roland Husson. Parler de syndication ne signifie en aucune manière vouloir dénaturer les télévisions locales. Dans ma bouche, le terme ne faisait pas référence à la publicité mais aux programmes, car ces télévisions doivent pouvoir offrir une grille complète sans être obligées pour cela de recourir à la multi-diffusion. Il ne me semble pas que l’on puisse écarter cette idée a priori.

S’agissant d’autoriser la promotion des produits de la grande distribution, on peut certes en débattre, mais cette discussion, suppose une réflexion approfondie sur la préservation des équilibres, aussi bien avec la presse quotidienne régionale qu’avec les commerces de proximité.

M. Michel Françaix. Cessons en tout cas de dire, à tort, comme on le fait depuis vingt-cinq ans, que la presse régionale refuse que les télévisions locales aient accès à la publicité locale. Président du groupe d’études sur la presse de notre Assemblée, je puis vous dire que la PQR ne s’y opposera pas si toutes les conditions d’un équilibre sont réunies. Le risque existe d’atteintes à la diversité et au pluralisme, mais pas à ce sujet. Si c’est le seul problème qui arrête le ministre, faites-lui savoir, monsieur Husson, qu’il peut convoquer une réunion dès demain pour traiter de ce point : il constatera lui-même l’absence d’opposition systématique de la PQR.

M. Roland Husson. Je transmettrai cette information au ministre. Je précise ne pas avoir parlé d’« opposition » de la PQR, mais avoir dit qu’il s’agit d’un sujet sensible.

Celui du coût de diffusion ne l’est pas moins. On peut certes imaginer de créer un fonds similaire au fonds de soutien à l’expression radiophonique locale, mais à un moment où nous devons nous battre avec la direction du budget pour chaque centaine de milliers d’euros, un fonds doté d’un ou de deux millions est loin d’être un « petit » fonds. Cette voie est donc difficile.

Comment répartir le coût de diffusion entre les « colocataires » du GR1 que sont certaines chaînes locales, certaines chaînes de France Télévisions, les chaînes parlementaires et Arte ? Quelles règles fixer, et doivent-elles valoir uniformément ? On peut tenir compte de ce que, par ses décrochages, France 3 profite davantage du GR1 ; en revanche, il est très difficile d’envisager que France Télévisions subventionne les télévisions locales car cela ne figure pas dans son objet social et je doute que le ministère du budget considère la chose avec faveur.

M. Jean-Jacques Gaultier. Le problème est donc sans solution ?

Mme Sylvie Genevoix. N’est-il pas injuste que les emplacements non utilisés soient uniquement financés par les télévisions locales et aucunement par France Télévisions ?

M. Marcel Rogemont. Si les émetteurs ne sont, pour partie, pas utilisés, il est normal que France Télévisions participe à cette charge. Il me paraît curieux de dire que cela n’entre pas dans l’objet social du groupe, tout en assimilant les télévisions locales à un élément de service public. Il faut trouver une solution assurant un modus vivendi. À défaut, il faut en revenir à l’hypothèse d’une petite dotation tirée des quelque 2,8 milliards du produit de la redevance. Si le Gouvernement considère réellement que les télévisions locales participent du service public, qu’il agisse en conséquence et débloque les ressources qui leur sont nécessaires au lieu de s’en laver les mains et de laisser faire le marché.

M. Roland Husson. Je ne pense pas avoir dit que les télévisions locales sont un service public…

M. Marcel Rogemont. Effectivement, vous ne l’avez pas dit, mais on aurait pu le penser…

M. Roland Husson. Pour répondre brièvement à Mme Langlade, je précise que l’organisation régionale de France 3 en quatre pôles concerne les fonctions « support ». Les 24 régions et les bureaux locaux des rédactions demeurent.

M. Christian Kert, président. Je ne suis pas certain que cette réponse suffise à rassurer pleinement notre collègue Frédéric Reiss.

M. Frédéric Reiss. De fait…

M. Roland Husson. Ce qui touche aux langues régionales est de la compétence du CSA et trouve sa traduction dans les conventions passées entre le Conseil et chaque télévision locale, en fonction des spécificités régionales et de la capacité qu’ont ces programmes à attirer un public.

M. Albert Azibert. Mme Genevoix a retenu de mes propos que TDF se faisait l’avocat de l’attribution de fréquences spécifiques aux télévisions locales. C’est seulement une hypothèse de moyen terme, car pour l’instant les télévisions locales sont en majorité satisfaites d’être sur le GR1. N’étant pas à la manœuvre pour ce qui est du financement des emplacements non utilisés, nous ne pouvons pas faire grand-chose à ce sujet, mais j’ai pris note du message qui m’a été adressé à propos des analogiques et des prestations complémentaires et nous allons y réfléchir.

M. Christian Kert, président. En conclusion, nous croyons que les télévisions locales ont un avenir. Nous considérons que, pour éviter une syndication excessive, il faut leur donner accès à la publicité locale, et pour cela nous avons besoin du CSA. Enfin, nous nous sommes donné pour objectif de définir un modèle économique viable pour ces télévisions. Les deux tables rondes prévues demain matin contribueront, elles aussi, à nous éclairer.

Madame, messieurs, je vous remercie.

——fpfp——

La séance est levée à dix-huit heures quarante-cinq.

Présences en réunion

Réunion du mardi 6 avril 2010 à 17 heures

Présents. – M. Pierre-Christophe Baguet, M. Marc Bernier, Mme Monique Boulestin, M. Pascal Deguilhem, Mme Sophie Delong, Mme Marianne Dubois, M. Michel Françaix, M. Jean-Jacques Gaultier, M. Jacques Grosperrin, M. Christian Kert, Mme Colette Langlade, M. Dominique Le Mèner, M. Alain Marc, Mme Jeanny Marc, M. Michel Ménard, M. Frédéric Reiss, Mme Marie-Josée Roig, M. Daniel Spagnou

Excusés. – Mme Marie-Hélène Amiable, Mme Sylvia Bassot, M. Édouard Courtial, M. David Douillet, M. Gilles d'Ettore, M. Pierre Lequiller, Mme Martine Martinel, M. Franck Riester, Mme Michèle Tabarot