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Commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mardi 4 mai 2010

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 41

Coprésidence de Mme Michèle Tabarot, présidente et de M. Axel Poniatowski, président de la Commission des affaires étrangères puis de M. André Schneider, secrétaire

– Audition de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, commune avec la commission des affaires étrangères, sur le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’action extérieure de l’État (n° 2339) 2

– Présences en réunion 22

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mardi 4 mai 2010

La séance est ouverte à neuf heures trente

(Coprésidence de Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission, et de
M. Axel Poniatowski, président de la Commission des affaires étrangères
– puis de M. André Schneider)

——fpfp——

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation entend M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, sur le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’action extérieure de l’État (n° 2339).

M. Axel Poniatowski, président de la Commission des affaires étrangères. Nous procédons ce matin à l’audition, commune aux Commissions des affaires étrangères et des affaires culturelles, de M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, sur le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'action extérieure de l'État.

Nous sommes heureux de vous accueillir, monsieur le ministre, pour cette discussion générale. La Commission des affaires culturelles et de l’éducation, qui s’est saisie pour avis, l’examinera demain, tandis que la Commission des affaires étrangères se réunira le 12 mai prochain pour établir son texte en vue de l’examen du projet en séance publique. C’est l’occasion pour moi, monsieur le ministre, de vous demander à quelle date le Gouvernement envisage de fixer ce passage en séance publique.

Permettez-moi également de formuler un regret : l’engagement de la procédure accélérée privera, selon toute probabilité, le Sénat et l’Assemblée nationale d’une deuxième lecture. Compte tenu des modifications apportées au Sénat et des amendements que l’Assemblée nationale ne manquera pas d’adopter, nous risquons de manquer de recul. C’est d’autant plus regrettable qu’il n’est pas si fréquent que nous ayons à examiner un projet de loi réformant l’action du Quai d’Orsay.

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Le projet de loi qui vous est présenté a déjà fait l'objet d'un travail patient et minutieux : au sein du Gouvernement tout d'abord, et ensuite au Sénat. Je suis heureux de pouvoir maintenant en débattre avec vous.

L'objet de ce texte est de rénover en profondeur, et pour longtemps, les instruments de notre action extérieure ; de rassembler des forces jusqu'ici dispersées ; de réunir des hommes et des femmes qui ne travaillaient pas – ou pas assez – ensemble.

Cette réforme était nécessaire. Elle était attendue. Je sais que vous en étiez vous-mêmes convaincus. Vous voyez, comme moi que de nouvelles puissances émergent ; que la mondialisation progresse ; que l'avenir de notre pays dépend, plus que jamais, de sa capacité à se trouver en bonne place dans la bataille mondiale des savoirs, des idées, des contenus culturels. Dans ce contexte, nous ne pouvions pas prendre le risque de l'immobilisme. Nous devions adapter notre outil diplomatique. Nous l'avons fait avec ordre et méthode, c'est-à-dire en trois temps.

Le premier temps consistait à réorganiser l'administration centrale du ministère des affaires étrangères et européennes. Nous disposons maintenant d'une direction générale de la mondialisation capable de traiter, avec l'ensemble des acteurs gouvernementaux et de la société civile, les enjeux globaux qu'on a trop longtemps négligés, tels que la démographie, l'énergie, le climat, les affaires financières internationales, les religions...

Dans un deuxième temps, nous avons lancé la modernisation de notre réseau diplomatique, afin de le rendre plus modulable et mieux adapté à la réalité du monde.

Avec ce projet, nous franchissons la troisième étape de la réforme, destinée à doter notre administration d'opérateurs modernes et efficaces. Au cœur du projet, il y a la création de deux agences, chargées l’une de promouvoir notre culture, nos idées, notre langue, en s'appuyant sur les 143 centres culturels qui seront ses relais dans le monde ; l’autre de favoriser la mobilité internationale des étudiants, des chercheurs et des experts, au service de l'attractivité de nos universités et de nos centres de recherche et d'expertise.

Plus d'efficacité ; plus de légitimité ; plus de cohérence et de visibilité ; une capacité plus grande à lever des fonds, à nouer des partenariats ; une administration enfin dégagée des tâches opérationnelles et mieux à même d'exercer son pilotage stratégique. Voilà ce que nous apporteront ces agences, si le texte est adopté.

Le titre Ier du projet porte sur les nouveaux opérateurs que je viens d'évoquer. Les articles 1er à 4 créent une nouvelle catégorie d'établissements publics, les établissements « contribuant à l'action extérieure de la France », et définissent les règles constitutives qui leur sont applicables.

Le statut d'établissement public a déjà fait ses preuves pour les opérateurs actifs dans le domaine de la coopération internationale. Mais nous avons besoin que ces opérateurs, qui ont chacun leur champ de spécialité, agissent de façon mieux coordonnée. C'est essentiel pour assurer la cohérence de notre action extérieure. Nous avons également besoin qu'ils travaillent de manière étroite avec les missions diplomatiques à l'étranger. C'est pourquoi nous proposons de créer une nouvelle catégorie d'établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC). Le texte précise leur mode de gouvernance. Il prévoit que leurs ressources pourront provenir pour une large part du produit de leur activité. Il prévoit enfin que ces établissements pourront accueillir des fonctionnaires détachés ou mis à disposition, et faire appel à des volontaires privés.

Les deux agences appartiennent à cette nouvelle catégorie d'opérateurs.

Le projet prévoit, en premier lieu, la création à Paris d'une agence culturelle extérieure, à partir de la transformation de l'association CulturesFrance en établissement public. CulturesFrance est une association loi de 1901. Le statut d'établissement public permettra d'ancrer l'agence dans la sphère publique. Il ne s'agit donc pas, comme certains détracteurs le disent, d'une privatisation ou d'une marchandisation de la culture. Qui plus est, le statut d’EPIC conférera à l’agence la souplesse dont elle a besoin pour évoluer dans un secteur concurrentiel.

Cet opérateur reprendra les missions de CulturesFrance : il devra promouvoir à l'étranger la création artistique et les industries culturelles françaises, soutenir le développement culturel des pays du sud, favoriser le dialogue culturel international, défendre l'avant-garde, sans pour autant négliger la tradition.

Mais il aura surtout trois nouvelles missions : soutenir la diffusion de la langue française ; renforcer la place de la France dans le débat d'idées ; former les personnels qui concourent à la diplomatie culturelle française.

La nouveauté, par rapport à CulturesFrance, ce sera aussi un rapport beaucoup plus étroit avec le réseau des 143 établissements culturels français à l'étranger. L'agence sera la tête de pont de ce réseau, mêlant les deux cultures, diplomatique et culturelle, parfois antagonistes. Des liens fonctionnels étroits seront créés dans deux domaines : la gestion des ressources humaines et la programmation des activités.

Par ailleurs, un même nom sera donné à l'agence et aux établissements du réseau, ce qui permettra à notre diplomatie d'influence d'avancer sous une même enseigne dans le monde entier, comme les Allemands avec le Goethe Institut, les Britanniques avec le British Council ou les Espagnols avec l’Instituto Cervantes – mais aussi, désormais, les Chinois. Cet élément symbolique est très important.

Comme vous le savez, les sénateurs ont souhaité inscrire ce nom dans la loi. Après avoir choisi, en commission, le nom d'Institut Victor Hugo, ils se sont finalement ralliés, en séance publique, au nom d'Institut français. Je ne souhaite pas rouvrir le débat sur la dénomination, qui relève d'ailleurs à mon sens plus du pouvoir réglementaire que du législateur. Et je laisse à la sagesse de l'Assemblée le soin de choisir le nom définitif de notre institut ou de confier au Gouvernement cette tâche.

Concernant la gestion du réseau des centres et instituts français à l'étranger, qui restent pour le moment rattachés administrativement au ministère des affaires étrangères et européennes, j'ai souhaité une clause de rendez-vous qui sera mise en œuvre avant trois ans. On examinera alors l'opportunité de rattacher administrativement le réseau à l'agence, solution qui a ma préférence, comme je l'ai dit à plusieurs reprises, mais qui serait impraticable ex abrupto.

Il était nécessaire de ne pas précipiter la décision sur ce point : dans un premier temps, il faut consolider la nouvelle agence et évaluer dans le détail toutes les conséquences financières, juridiques et techniques d'un rattachement qui concerne 6 800 à 8 000 agents.

La loi prévoit la clause de rendez-vous, mais aussi le lancement, au préalable et au plus vite, d'expérimentations dans le cadre desquelles nous procéderons au rattachement d'un certain nombre de centres. Ces expérimentations porteront notamment sur la programmation de l'activité, sur la dévolution des moyens budgétaires et sur la gestion des personnels.

J'envisage l'élaboration d'un véritable cahier des charges pour préciser leurs modalités ainsi que les conditions de réversibilité. J'envisage aussi une clause de rendez-vous à mi-parcours pour dresser un premier bilan, avant celui des trois ans.

En matière de gouvernance, l'agence sera placée sous la tutelle du ministère des affaires étrangères et européennes, mais celui-ci associera de façon étroite, en particulier à travers le conseil d'administration, les autres ministères concernés, au premier chef le ministère de la culture, avec lequel nous travaillons très étroitement.

La création de cette agence culturelle n'est pas un petit sujet. C'est un enjeu capital pour tous les Français et pour notre influence dans le monde. Ouvrons les yeux ! Le monde dans lequel nous sommes entrés n'est pas seulement un monde plus global, mais aussi, notamment avec l'Internet, de plus en plus dématérialisé, dans lequel les productions de l'esprit jouent un rôle décisif. Les mots, les idées, les savoirs, les symboles, les images, les sons, circulent à une vitesse accélérée, dans un espace désormais unique. L'influence, la prospérité, la liberté, appartiennent à ceux qui savent en maîtriser à la fois la production et la diffusion. Il est capital pour nous d'être présents dans ce champ immense de la culture, de la communication et de la connaissance, qui est aussi, par voie de conséquence, celui du développement.

Notre pays n'est pas en mauvaise position. La France compte parmi les quatre ou cinq plus grandes puissances culturelles de la planète. Mais la compétition, dans ce domaine du savoir et de la culture, est de plus en plus forte et aucune position n'est jamais définitivement acquise. Les grands pays l'ont compris. À Londres, Berlin, Washington, Madrid, l'heure est désormais à la relance de la diplomatie culturelle. Surtout, de nouvelles puissances émergent qui, de la Chine aux pays du Golfe, à l’Inde, en passant par le monde hispanique, veulent faire entendre leur voix.

La France ne doit pas être en reste. C'est pour cela qu'il est important de créer cette agence culturelle extérieure. Ce qui est en jeu, ce ne sont pas seulement nos intérêts, notre influence, ce sont aussi nos valeurs.

Il pèse une menace sur la diversité culturelle. Nous devons défendre le pluralisme culturel qui est la condition de notre liberté. Mais il existe une autre menace, plus grave, symétrique de la première : dans le monde globalisé qui est le nôtre, la tentation est grande d'opposer les civilisations, d'enfermer les individus dans une culture prétendument plus « pure » que les autres.

Dans ce contexte, la tâche de la future agence culturelle extérieure sera aussi de réaffirmer l'idée d’une culture universelle faite d'œuvres à admirer, de savoirs à partager, de principes à respecter. Je défends l'idée obstinée que chaque homme, chaque nation, se définit par sa contribution à cette œuvre commune, en perpétuelle évolution.

Entendons-nous bien : réformer notre action culturelle extérieure, ce n'est pas seulement créer une nouvelle agence. La réforme culturelle extérieure que je propose, et que je mène en parfait accord avec mon collègue Frédéric Mitterrand, comporte quatre autres volets qui ne sont pas moins importants.

D'abord la définition, par le Quai d'Orsay, d'une stratégie d'influence, avec des priorités géographiques clairement affirmées ; dans quelques jours, je validerai avec le ministre de la culture les documents de stratégie qui guideront le travail de l'agence.

Un effort budgétaire également : j'ai stoppé la baisse historique des crédits de l'action culturelle extérieure, qui durait depuis 10 ans, grâce à la rallonge budgétaire de 40 millions d'euros obtenue pour 2009 et 2010. Et j'ai l'accord du Premier ministre pour poursuivre, et même pour augmenter ce soutien financier.

Ensuite un effort de professionnalisation des agents du réseau culturel : un plan de formation de grande ampleur, sans précédent, a été lancé. Doté de 6 millions d'euros, il permet à 4 000 agents de se former au management d'établissement, à la levée de fonds, à la gestion, aux industries culturelles, au français langue étrangère, aux nouvelles tendances de la scène artistique...

Enfin, un travail d'harmonisation entre notre réseau culturel public et celui, associatif, des Alliances françaises. Le réseau des Alliances françaises – dont les statuts sont généralement de droit local – relaie et prolonge l'action des pouvoirs publics. Nous travaillons en parfaite complémentarité avec lui. Je veux aller plus loin. Dans un article que nous avons publié ensemble il y a quelques jours, le président de l'Alliance française Jean-Pierre de Launoit et moi-même avons affirmé notre volonté de rapprocher les identités visuelles – avec un même logo bleu et rouge –, d’harmoniser encore les cartes de nos réseaux, de multiplier les actions communes dans le cadre d'une convention tripartite entre le ministère des affaires étrangères, l’Agence culturelle et l’Alliance française.

Mais la diplomatie d'influence ne se limite pas à l'action culturelle extérieure. C'est pourquoi le projet de loi propose de créer un second établissement : l'Agence française pour l'expertise et la mobilité internationales – AFEMI. Cet opérateur se substituera à trois organismes : l'association EGIDE et les groupements d'intérêt public CampusFrance et France Coopération internationale.

Le nouvel opérateur reprendra naturellement les missions de ses trois composantes. Il sera chargé d'aider à la mobilité des étudiants et des chercheurs étrangers, notamment par la gestion administrative des bourses du gouvernement français. Il sera ensuite chargé de faire, auprès des publics étrangers, la promotion des formations supérieures françaises et de veiller à la qualité de l'accueil des étudiants étrangers en France. Pour mener à bien ses missions, l'opérateur s'appuiera sur le réseau des ambassades et des espaces CampusFrance gérés par le réseau culturel à l'étranger.

Par ailleurs, l'Agence sera chargée de concourir au développement et au rayonnement de l'expertise française, y compris de l'expertise privée de courte et moyenne durée.

Le défi est de taille. Il s'agit, d'abord, d'attirer davantage d'étudiants dans nos universités et nos laboratoires de recherche. Aujourd'hui nous nous classons au troisième rang mondial, avec 266 000 étudiants accueillis sur notre territoire. La marque CampusFrance, que les étudiants étrangers connaissent bien, sera conservée, et les espaces CampusFrance demeureront dans nos ambassades.

Le second défi est celui que représente le gigantesque marché international de l'expertise. D'après le récent rapport Tenzer, ce marché s’élèvera à plusieurs centaines de milliards d'euros pour les années à venir. La France doit y prendre toute sa place, ce qui n’est pas le cas aujourd'hui : nos experts sont compétents mais ils ne sont ni assez disponibles ni assez mobiles. Il y va de l’intérêt économique de notre pays mais aussi de son intérêt en termes d'influence et de rayonnement. Ce nouvel opérateur l'y aidera.

Aujourd'hui, nos forces sont dispersées alors qu’il existe une véritable cohérence entre les métiers de la future agence. Le Président de la République, dans le cadre du Conseil de modernisation des politiques publiques, a demandé leur regroupement afin de favoriser le rayonnement de nos savoirs, qu'il s'agisse de nos savoirs académiques, scientifiques, ou techniques.

Ce qui est en jeu, c'est aussi la rationalisation des moyens de nos opérateurs : en fusionnant trois organismes en un seul, on pourra mutualiser les coûts de fonctionnement, l'implantation immobilière, avoir des règles communes de gestion des personnels.

Jusqu'à présent, nous étions dans une logique de subvention. Il faut passer à une logique de prestation de services, en usage dans tous les autres grands pays. Nous souhaitons que la nouvelle agence soit autofinancée et n'ait pas besoin de reposer sur des subventions publiques. C'est d'ailleurs le cas pour France Coopération internationale, qui ne touche aucune subvention du ministère des affaires étrangères. De cette manière, il n'y aura dans tous les cas pas de distorsion de concurrence avec les opérateurs privés.

Le Sénat a souhaité placer l'AFEMI sous la tutelle du ministère des affaires étrangères et européennes, au même titre que l'agence culturelle extérieure. Comme pour l'agence culturelle, la contrepartie est une association étroite des autres ministères au pilotage stratégique. Dans le cas de l'AFEMI, les ministères concernés sont nombreux, car ils sont nombreux à fournir de l'expertise technique.

Le conseil d'administration associera, en plus des représentants des ministères concernés, des représentants du Parlement, des collectivités territoriales et d'autres organismes, tels que les établissements d'enseignement supérieur, ainsi que des personnalités qualifiées et des représentants du personnel.

Le Sénat a aussi introduit dans la loi la création de deux conseils d'orientation consultatifs. Ils permettront d'associer les partenaires de l'opérateur dans la définition et l'orientation de ses deux principaux champs d'activité : l'accueil des étudiants et chercheurs étrangers en France et la projection de notre expertise à l'étranger – selon un principe de va-et-vient profitable à tous. Le Gouvernement souhaitait créer ces conseils par voie réglementaire. Cette mesure ne peut donc que recueillir son aval.

Quant à la gestion des bourses destinées aux élèves étrangers, je souhaite qu’elle puisse être unifiée au sein du nouvel opérateur. Le Sénat, à cette fin, a opportunément introduit un article 5 ter prévoyant la remise d’un rapport, dans les trois années suivant l'entrée en vigueur de la loi, pour faire le point sur cette question.

Le titre II du projet de loi complète utilement la création de l'AFEMI. Il vise à rénover le cadre juridique de l'assistance technique internationale tel qu'il était issu de la loi du 13 juillet 1972.

Depuis cette date, en effet, le contexte a changé. La demande d'expertise internationale n'est plus la même. Elle ne s'exprime plus de la même manière. L'objectif est de remettre la France au cœur de cette compétition mondiale.

Il faut d'abord diversifier les équipes d'experts et leurs profils. Il y a quarante ans, on pratiquait une expertise résidentielle de long terme. Aujourd'hui, cette pratique se réduit au profit d'une demande de court et moyen terme, portant sur des champs très spécialisés, pour venir compléter le travail des experts locaux. C'est un marché qui représente un enjeu financier important.

Le texte présente trois avancées majeures.

Premièrement, il permet d'élargir l'affectation d'experts techniques internationaux aux organisations internationales intergouvernementales et aux instituts indépendants de recherche sur les politiques publiques, les think tanks,...

M. Jacques Myard. Les « remue-méninges » !

M. le ministre. Soit, les remue-méninges... afin de mieux répondre aux appels d'offres des organisations internationales et développer ainsi notre influence auprès de ces organismes de recherche.

Deuxièmement, il permet de recruter nos experts non seulement parmi les fonctionnaires et les agents des trois fonctions publiques, mais aussi parmi les fonctionnaires des pays membres de l'Union européenne, et les agents du secteur privé, lorsque les compétences recherchées ne se retrouvent pas au sein du secteur public. L'objectif est de gagner en réactivité. Lorsque j'étais au Kosovo, ce qui faisait la supériorité de l'offre britannique ou allemande en matière d'expertise, c’est que les experts, venus du privé ou du public, étaient sur le terrain au bout de quinze jours, restaient quelques semaines ou quelques mois et n’étaient pas pénalisés à leur retour, bien au contraire. La diversification des modes de recrutement nous permettra, à notre tour, d'être plus réactifs.

Troisièmement, le texte permet de redéfinir le principe et les conditions de durée des missions. Elles seront limitées à trois ans renouvelables une fois, afin que les experts se retrouvent régulièrement à exercer dans leur cœur de métier. Il clarifie également le statut des experts à l'issue de leur mission de coopération. Les périodes d'exercice seront assimilées à des périodes de service public, et seront comptabilisées dans les années d'ancienneté indispensables pour se présenter aux concours internes de recrutement dans les trois fonctions publiques. Dans le domaine de l’expertise médicale, par exemple, ne pas trouver sa place prise lorsque l’on revient constituerait une révolution !

Ce statut rénové de notre expertise internationale offrira un cadre d'action efficace pour notre nouvel opérateur de l'expertise et de la mobilité qui sera chargé d'animer cette politique stratégique et d’entretenir un vivier d'experts réactifs et compétents.

Le titre III du projet de loi crée l'allocation au conjoint. C'est une revendication très ancienne des conjoints de nos personnels. L'allocation sera désormais versée directement aux conjoints des agents expatriés, c'est une avancée sociale importante. Le « supplément familial » prévu par le décret du 28 mars 1967, était versé à l'agent. Son périmètre reste inchangé : l'allocation s'appliquera aux conjoints n'exerçant pas d'activité professionnelle ou ayant des revenus professionnels limités. Elle sera attribuée aussi bien aux conjoints qui restent en France qu'à ceux qui s'expatrient.

Cette mesure, qui pourrait sembler symbolique dans la mesure où elle remplace un élément de rémunération de l'agent par une allocation au conjoint – en toute neutralité budgétaire – n'en est pas moins d'une grande portée pour les familles d'agents expatriés. Elle doit apparaître comme le premier pas vers la création d'un « statut du conjoint » que le Président de la République a appelé de ses vœux dans son discours devant la communauté française de Hongrie le 14 septembre 2007 et que j'entends mettre en œuvre.

Pour finir, je voudrais dire un mot du titre IV, qui concerne le remboursement des frais engagés par l'État à l'occasion des opérations de secours à l'étranger.

La question est délicate : nos compatriotes sont attachés au secours apporté par l'État, fût-ce à l'autre bout de la planète. Mais cette mesure est nécessaire et elle sera très certainement bien comprise. Je rappelle qu'il n'existe, en droit international comme en droit français, aucune obligation de secours de l'État envers ses ressortissants à l'étranger, en dehors de l'assistance consulaire prévue par la Convention de Vienne, qui est d'une portée très limitée. Il y va du respect de la souveraineté des États où ces opérations de secours peuvent être nécessaires.

Nous faisons bien sûr le maximum pour aider nos compatriotes en difficulté. L’efficacité du centre de crise que nous avons créé est reconnue par tous.

Nos compatriotes sont de plus en plus nombreux à s'exposer à un danger immédiat, dans des pays notoirement dangereux et déconseillés – en particulier dans la rubrique « Conseils aux voyageurs » du site Internet du ministère, très largement consultée – où ils séjournent pour leur loisir ou dans le cadre de leur activité professionnelle. Ces personnes secourues ne se voient pas réclamer le remboursement des frais qui sont engagés en raison d'une conception exorbitante de la gratuité des secours qui n'a pas d'équivalent à l'étranger !

Les professionnels du tourisme, des transports et de l'assurance sont eux aussi tentés de s'en remettre à l'État pour le rapatriement de leurs clients, même lorsque la situation de force majeure n'est pas véritablement constituée. Ce fut le cas lors du blocage de l'aéroport de Bangkok en novembre 2008. Cette question fut encore évoquée tout récemment lors de la fermeture des aéroports européens due à l'éruption du volcan islandais : lorsque les vols ont été réservés auprès de petites compagnies, c’est vers l’État que l’on se tourne pour être rapatrié.

Que se passe-t-il alors ? Les services de l'État doivent supporter des dépenses qui peuvent s'élever à plusieurs dizaines, voire centaines de millions d'euros. Lors de la crise de Bangkok, le rapatriement des cinq cents touristes français a coûté 720 000 euros pour le seul affrètement des avions.

Il vaut mieux sensibiliser nos concitoyens aux conséquences des risques qu'ils prennent et qu'ils font prendre aux équipes de secours. Avec ce projet, l'État aura les moyens d'une part, d'exiger des personnes qui se sont mises en danger délibérément – sauf motif légitime –, le remboursement de tout ou partie des frais directs ou indirects induits par des opérations de secours à l'étranger ; d'autre part, d'exercer une action récursoire à l'égard des opérateurs défaillants, qu'ils soient transporteurs, voyagistes ou compagnies d'assurance, qui n'ont pu fournir la prestation de voyage ou de rapatriement à laquelle ils étaient tenus, sans être en mesure de mettre en évidence un cas de force majeure.

Entendons-nous bien : l'objet de cette mesure n'est pas de limiter la liberté de voyager ou bien d'exercer une profession, mais d'inciter les voyageurs à mieux mesurer les risques de ce monde difficile.

S'agissant des professionnels, la demande de remboursement ne pourra s'appliquer qu'en l'absence d'un motif légitime. Cette réserve est susceptible de préserver, par exemple, le cas des journalistes intervenant en zone de crise au nom de la liberté d'information, et bien sûr celui des volontaires humanitaires.

Mme la présidente Michèle Tabarot. La Commission des affaires culturelles et de l’éducation, qui s’intéresse plus spécifiquement à la création des opérateurs compétents en matière de culture et de mobilité des étudiants, a réalisé il y a quelque mois différentes auditions et tables rondes pour mieux appréhender les évolutions que vous souhaitez. Après avoir évoqué avec les différents intervenants la création de l’agence culturelle extérieure, nous avons deux inquiétudes.

Premièrement, nous souhaiterions obtenir des précisions au sujet de la stratégie culturelle de la France, qui nous semble encore insuffisamment définie.

Deuxièmement, quelles sont les perspectives financières ? Vous avez souligné à juste titre, monsieur le ministre, les efforts importants que vous avez déployés pour arrêter l’hémorragie, mais nous avons besoin d’un peu plus de visibilité.

M. Hervé Gaymard, rapporteur de la Commission des affaires étrangères. Ce projet de loi est important par son contenu, que vous avez, monsieur le ministre, exposé avec détail et conviction, mais surtout pour ce qu’il recèle : les rendez-vous fixés dans les prochaines années en font une loi « évolutionniste », en devenir, pour différents aspects dont celui de l’agence culturelle extérieure. En outre, l’application du texte dépendra fortement, comme toujours, du facteur humain : le président de la nouvelle agence aura un rôle très important pour imposer l’établissement dans un paysage administratif et politique par nature mouvant.

Deuxième remarque, ce texte est très réglementaire. Même dans sa version primitive, beaucoup de dispositions ne sont pas forcément d’ordre législatif. Cela dit, chacun doit balayer devant sa porte : nous sommes toujours tentés d’introduire des dispositions réglementaires dans un texte législatif.

Enfin, comme le président Axel Poniatowski, je regrette l’engagement de la procédure accélérée. Qu’un texte aussi important ne fasse l’objet que d’une lecture et d’un examen en commission mixte paritaire, cela me semble un peu hâtif. Il nous faudra accomplir en commission et en séance publique un travail extrêmement minutieux et rigoureux : le diable se cache dans les détails !

Le projet concerne trois politiques publiques. La première est la politique culturelle extérieure de la France, qui existe, dans sa forme moderne, au moins depuis la fin du XIXe siècle. La deuxième est la politique de l’expertise publique et de la coopération internationale. La troisième est celle de l’attractivité de notre enseignement supérieur sur le marché international de la formation : la nécessité d’attirer dans nos universités, nos écoles et nos instituts de formation des étudiants boursiers et solvables.

S’agissant de la création de l’agence culturelle extérieure, vous avez exposé les différentes configurations possibles. Je salue, à cet égard, le pragmatisme du projet. C'eût été en effet une erreur de vouloir fusionner les services de l’État et les Alliances françaises, dont le statut est le plus souvent de droit local, alors qu’il faut développer les synergies existantes.

Pour ce qui est de l’intégration totale du réseau des centres et instituts culturels dans l’Agence, certains souhaitent que les choses aillent plus vite, d’autres, plus conservateurs, souhaitent qu’elles restent en l’état. La démarche du Gouvernement – construction de l’agence au niveau national, labellisation homogène partout dans le monde, absence de fusion dans un premier temps mais clause de rendez-vous – me semble tout à fait pragmatique et intéressante, à condition que nous sachions où nous allons. En ce sens, je proposerai par amendement que l’on procède à des expérimentations réversibles dans des pays cibles afin d’évaluer les effets avant le délai de trois ans prévu dans le texte.

Par ailleurs, je salue l’effort consenti en matière de formation des personnels et de sélection des candidatures, qui permettra une plus grande professionnalisation des agents.

Il convient ensuite de souligner l’importance des politiques d’expertise publique et de renforcement de l’attractivité de la France auprès des étudiants étrangers.

La politique d’expertise publique se situe dans un « angle mort » de notre stratégie d’influence, non qu’il ne se fasse rien – nombre d’organismes publics et de sociétés privées accomplissent un travail remarquable – mais le rapport de M. Nicolas Tenzer a bien montré que nous perdons des parts de marché, qu’il s’agisse de celui des appels d’offres des organisations internationales – en particulier de la Banque mondiale et des banques régionales de développement – ou du marché privé. Cela rend d’autant plus nécessaire une vraie politique publique dans ce domaine.

Même nécessité en ce qui concerne l’attractivité de la France auprès des étudiants étrangers. La création de CampusFrance en 2007 a constitué un réel progrès. Je rappelle que plusieurs ministères et institutions sont concernés : outre le ministère des affaires étrangères et européennes et le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, celui de l’intérieur – pour la question de visas –, mais aussi les universités, devenues entre-temps autonomes, et les collectivités territoriales, qui ont un rôle considérable pour l’hébergement des étudiants français et étrangers et qui attribuent également des bourses.

Cela dit, la création de cette nouvelle agence soulève une véritable interrogation. Rassembler dans un même établissement le volet de l’expertise internationale et celui de l’attractivité en matière d’enseignement et de recherche ne me semble pas une bonne solution car ce n’est pas le même sujet. Je comprends bien que Bercy est à vos trousses, que la RGPP impose des économies d’échelle, des fonctions communes, etc., mais je pense néanmoins que c’est une erreur en termes d’efficacité.

Nous aurons l’occasion d’en reparler lors de l’examen des amendements. Sans doute peut-on imaginer un établissement public « chapeau » assurant les fonctions horizontales de gestion du personnel, des locaux, de l’hébergement, etc., mais il faut très clairement distinguer les deux politiques publiques. Deux marques existent déjà : France Coopération internationale et CampusFrance, elles ont maintenant une certaine notoriété et ce serait une erreur de les abandonner au profit d’un acronyme qui restera ignoré de tous.

Dernière remarque d’ordre général : dans tous ces domaines, le ministère des affaires étrangères ne peut que travailler avec les partenaires concernés : le ministère de la culture et celui de l’éducation nationale – dont est issue une part non négligeable des agents des instituts culturels français – pour l’agence culturelle extérieure ; l’ensemble des ministères intervenant sur le marché de l’expertise et de la coopération internationales, mais aussi le secteur privé, pour ce qui est de l’expertise. Il faut affirmer clairement qu’il n’y aura pas de distorsion de concurrence aboutissant à évincer des sociétés d’ingénierie privées. En effet, certaines d’entre elles s’inquiètent des « dérives » que le texte pourrait permettre. Pour ce qui concerne les étudiants, il conviendra de travailler en confiance et en coresponsabilité avec le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, avec les trois conférences (celle des présidents d’universités, celle des grandes écoles, celle des directeurs d’écoles d’ingénieurs), et avec les collectivités territoriales.

Enfin, si nous comprenons bien l’inspiration des dispositions du titre IV, relatives aux opérations de secours à l’étranger, nous souhaiterions obtenir une précision : le 22 juillet 2009, c'est-à-dire le jour de l’adoption du présent projet de loi en Conseil des ministres, une loi « de développement et de modernisation des services touristiques » était promulguée. Les dispositions que le Gouvernement nous propose aujourd'hui semblent présenter certaines redondances avec ces dispositions législatives déjà applicables. Un peu de toilettage ne serait peut-être pas superflu afin que nous légiférions à bon escient.

M. Gilles d’Ettore, rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles. La Commission des affaires culturelles et de l’éducation a souhaité se saisir pour avis de ce texte en raison des dispositions relatives à l’agence culturelle extérieure et de celles qui concernent l’agence pour l’expertise et la mobilité internationales.

Ce texte important permet de sortir de la balkanisation de la représentation française à l’étranger. Cela étant, ne « resserre »-t-on pas les choses au point d’associer la mobilité des étudiants et l’expertise, qui sont deux sujets différents ?

Au-delà de la diffusion de la culture, de l’image et des valeurs de notre pays, la projection de la France à l’étranger est un moyen de faire face à la mondialisation. Du reste, c’est la direction générale de la mondialisation qui exercera, au ministère des affaires étrangères, la tutelle des deux agences.

L’attractivité exercée vis-à-vis des étudiants étrangers a une incidence sur notre économie : diffuser notre culture, c’est, demain, renforcer l’attractivité de nos entreprises à l’étranger.

Concernant l’expertise, l’accueil des étudiants étrangers et la promotion de notre langue, de notre culture et de nos savoirs, ce texte est à la fois ambitieux et nécessaire. Il était d’autant plus attendu que le contexte budgétaire ne cesse de se restreindre – nous saluons, à cet égard, les efforts que vous avez réalisés, monsieur le ministre.

Comme l’a souligné la présidente Michèle Tabarot, nous attendons de la création de ces deux agences qu’elle permette de préciser la stratégie culturelle française à l’étranger. Face au Goethe-Institut, au British Council ou à l’Instituto Cervantes, comment la France se positionnera-t-elle ? Par ailleurs, alors que nous avons voté l’autonomie des universités, celles-ci semblent quelque peu absentes – de même que les collectivités territoriales – de l’Agence française pour l’expertise et la mobilité internationales. Au-delà du conseil d’orientation que vous avez évoqué, comment comptez-vous associer les grandes écoles et les universités de manière à ce que leur attractivité s’exerce pleinement ? De même, comment le Centre national des œuvres universitaire et scolaire – le CNOUS – travaillera-t-il avec la nouvelle agence ?

M. le ministre. La stratégie culturelle de la France, madame la présidente Tabarot, était jusqu’à présent très imprécise : elle dépendait des postes, des possibilités financières, de la personnalité des directeurs des centres culturels, etc.

La mise en place de CulturesFrance a représenté un progrès, mais les pouvoirs et le budget de cette association loi de 1901 restent insuffisants. Certains esprits conservateurs lui reprochent, non sans raison, son « parisianisme ». En effet, on ne peut présenter en Amérique du Nord les mêmes choses qu’en Afrique ou en Asie.

Avec le ministère de la culture, nous travaillons à des propositions précises. Aucun domaine culturel ne sera oublié. Mais ces propositions doivent d’abord rencontrer la culture locale. Sans compréhension, je dirais même sans appropriation, de la culture locale, on ne peut faire de bonnes propositions. Une bonne connaissance de la demande est indispensable. Le succès découlera du mariage de ces deux aspects.

De surcroît, la sélection des personnels de la nouvelle agence se fera entre le ministère de la culture et celui des affaires étrangères : si l’on ne rassemble pas dès le départ ces deux cultures dont l’antagonisme est parfois caricatural, ce sera l’échec.

On retrouvera, je le répète, tous les domaines : arts plastiques, cinéma, audiovisuel extérieur, etc.

Permettez-moi également d’insister sur le caractère sans précédent des cycles de formation. La mise en place d’un plan de formation culturelle destiné aux responsables eux-mêmes est loin d’être facile ! À terme, 4 000 agents seront formés, y compris les ambassadeurs.

Bien entendu, ce dispositif ne saurait remplacer le savoir personnel, l’empathie, la façon de parler aux personnes et de les écouter. Mais nous espérons le mener à bien malgré les tâtonnements initiaux. Le projet d’enseignement n’est pas encore arrêté entre le ministère de la culture et le nôtre, mais il le sera.

Avant la fin de mois de mai, nous vous présenterons ces stratégies culturelles de la France, sachant que les réponses varieront selon les postes. Il existe, vis-à-vis de la France, une demande universelle et généraliste reposant sur les Lumières et la Révolution – ce qui n’est pas forcément le cas pour les instituts Cervantès ou Goethe. Nous devons en tenir compte, tout en accentuant la possibilité d’offrir l’avant-garde de nos artistes.

Certaines opérations de coût réduit rencontrent des succès populaires formidables mais sont très peu proposées. En revanche, les tournées de grandes institutions culturelles comme l’Opéra de Paris ou la Comédie française, qui coûtent cher, ne sont pas forcément accueillies de la même façon selon les pays. La prise en compte de l’élément local est ici très importante.

Je souhaite comme vous, monsieur le rapporteur, que l’on procède immédiatement à des expérimentations en prenant soin de choisir des pays très différents.

Pour ce qui est des perspectives financières, madame la présidente, je me réjouis du progrès obtenu. Les crédits sont pérennisés pour le démarrage de l’agence. Une somme dont j’ignore encore le montant pourra être allouée en supplément.

Oui, monsieur Gaymard, c’est une loi « évolutionniste ». Le président de la nouvelle agence aura en effet un rôle très important.

Par ailleurs, j’estime que ces trois politiques publiques constituent un tout et, je crois bienvenu que le deuxième EPIC regroupe France Coopération internationale et CampusFrance, qui ont une notoriété.

Pour ce qui est des Alliances françaises, il est impossible de les marier avec un EPIC – pas plus qu’avec une association loi de 1901 – puisqu’elles sont de droit local. Cela étant, elles travaillent déjà largement avec nous, bien au-delà de leur mission originelle qui est l’enseignement du français. Du reste, rares sont les pays où l’Alliance française et le centre culturel s’ignorent. Même s’il peut y avoir des concurrences, les responsables seront obligés de travailler ensemble. Les tournées seront communes entre Alliances françaises et centres culturels, ce qui permettra de les rentabiliser. Nous travaillons à ce renforcement avec Jean-Pierre de Launoit. Je crois beaucoup à cette idée de logo commun – même si j’estime que le projet présenté peut être amélioré.

La formation, qui mobilise une part importante des crédits supplémentaires, est indispensable à la création de l’agence. De même, si un conflit se déclare entre l’agence et l’ambassadeur pour la nomination d’un directeur de centre culturel, c’est le ministre des affaires étrangères qui tranchera.

Nous travaillons, bien entendu, avec le ministère de la culture et avec celui de l’éducation nationale. Il faut mélanger ces traditions qui se sont longtemps affrontées et qui ont provoqué des querelles de personnes rendant illisibles, et même impraticables, les offres culturelles de la France.

La conférence des présidents d’universités et les collectivités locales seront représentées au conseil d’orientation ainsi qu’au conseil d’administration.

Vous évoquez enfin la loi de développement et de modernisation des services touristiques, monsieur le rapporteur. Si ce texte comportait toutes les possibilités d’assurance que nous souhaitons, cela se saurait ! Pour l’instant, nous ne bénéficions d’aucun remboursement. Mais je vais prendre connaissance de cette loi dès à présent puisqu’elle a été votée après l’élaboration du projet de loi

Le rapporteur pour avis semble regretter, après une profusion excessive d’initiatives, un regroupement trop important. Nous verrons bien. Les formations permettront de marier les idées et les projets. Nous souhaitons un recoupement avec les activités de l’AEFE – l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger –, afin que les lycées ne soient pas exclus du dispositif.

M. Michel Vauzelle. Il est très discutable de recourir à l’urgence pour un tel texte, qui met tout simplement en jeu la place de notre nation dans le monde, que nous sommes aujourd’hui, compte tenu des problèmes sociaux qui accablent notre peuple, les seuls à pouvoir défendre.

Nous ressentons comme une humiliation de ne pouvoir, hors de nos frontières, regarder que des chaînes de télévision espagnoles anglaises, italiennes ou allemandes, ou de constater l’action vigoureuse des instituts Cervantes ou Goethe, à laquelle nos propres institutions, faute de moyens, ne peuvent manifestement pas se mesurer. Mais l’humiliation n’est rien au regard de l’enjeu éthique que représente la liberté de choix entre des modèles culturels différents. La mondialisation ne doit pas se traduire par une seule langue et une seule culture. On peut à ce propos s’interroger sur l’idée que se font de l’Europe dans le monde de demain le président Obama et les dirigeants des «  BRIC » (Brésil - Russie - Inde - Chine). Nous avons le devoir impérieux de défendre notre patrimoine non seulement esthétique mais éthique.

Vous parlez, monsieur le ministre, de rassembler nos forces dispersées. Mais sont-elles seulement suffisantes ? Peut-on accepter que les affaires étrangères, autrement dit les affaires de la France, soient traitées comme le reste par la RGPP ? Évidemment non. J’ai pu mesurer au cours d’un voyage en Amérique latine l’attente de nos amis francophones et francophiles, comme la déception, le découragement, voire parfois l’humiliation de nos agents chargés de la politique culturelle. Le problème est grave. Il faut absolument que le Gouvernement comprenne que la France ne peut pas s’en remettre à l’Europe, trop diverse culturellement, pour défendre une éthique et une culture particulières. La France doit traiter différemment, et avec des moyens bien supérieurs, sa politique extérieure.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. Michel Vauzelle. La France peut rester demain l’une des plus grandes puissances mondiales, en matière culturelle et éthique, si elle n’abandonne pas le terrain pour des raisons économiques.

M. Bruno Bourg-Broc. Je vais me risquer à vous poser une question hors sujet, encore que je puisse me prévaloir du titre IV du projet : pourriez-vous faire brièvement le point sur le sort des deux journalistes otages en Afghanistan ?

Je vous rappelle par ailleurs la question du président Poniatowski sur la date d’examen de ce texte. Pouvez-vous, à défaut d’un jour précis, nous fournir au moins une période ?

Au-delà de la complémentarité entre le réseau des instituts et celui des Alliances françaises, il importe aussi de fédérer les actions de différents ministères qui, quoi qu’on en dise, se crêpent souvent le chignon. Et comment inscrire les initiatives foisonnantes des collectivités locales dans notre politique extérieure tout en respectant le principe de libre administration ? Pour en revenir aux instituts, leur création n’entraîne-t-elle pas la suppression à terme des aides de l’État au réseau des Alliances françaises qui réussissent à « s’approprier » la culture locale, souvent mieux que les instituts culturels ?

Vous avez souligné la remontée récente du nombre d’étudiants étrangers en France – 266 000, un chiffre qui n’était plus atteint depuis longtemps. Mais ce phénomène se heurte à la politique de visas et l’ouverture se concilie difficilement avec l’exigence de solvabilité. Comment peut-on faire en sorte que les étudiants, africains en particulier, trouvent chez nous le même accueil qu’il y a trente ans ?

M. Michel Terrot. Les pays francophones, notamment africains, sont dans l’attente de plus de France, en particulier pour soutenir leurs artistes locaux qui apprécient cette sorte de « label France » donné par les Alliances françaises et les centres culturels. La possibilité d’être écouté, exposé, programmé est une forme de reconnaissance très prisée, j’ai pu le constater lors de mes déplacements en Afrique. Au-delà de l’exportation de la culture française, il y a aussi l’action consistant à faire émerger des talents nouveaux au sein de cultures étrangères. Et il faudrait que la future agence en tienne compte.

M. Didier Mathus. Le débat s’inscrit dans une tendance caractérisée par l’effondrement général, depuis sept ou huit ans, des crédits de la présence culturelle française à l’étranger.

Je regrette que ce texte n’ait pas été l’occasion de structurer les carrières de nos agents à l’étranger. Aujourd'hui, on ne gère pas les compétences, et la mobilité fréquente qui est la règle empêche leur utilisation rationnelle. Le petit effort en matière de formation – bien nécessaire pour les ambassadeurs pour qui le cinéma s’arrête souvent à Godard – reste très en deçà des besoins de professionnalisation. Mon plus grand regret tient à la vision définitivement archaïque de la présence culturelle que donne ce texte, qui ne comporte pas une seule ligne sur l’audiovisuel qui est aujourd'hui le vecteur essentiel de la culture. Pourtant la puissance culturelle des États-Unis est due à leur présence audiovisuelle.

Envers la seconde agence qui regroupera EGIDE, CampusFrance et France Coopération Internationale, je partage les réticences de notre rapporteur qui a relevé le caractère hétéroclite de l’attelage. Pourquoi pas une vraie structure pour gérer l’enseignement supérieur, les étudiants étrangers en France et instaurer un véritable suivi ? Nous sommes parmi les rares pays développés à ne pas nous préoccuper du sort de ceux que nous avons formés. En général destinés à exercer des postes de responsabilité ou de direction, ils pourraient être les meilleurs porte-drapeaux de la culture française. Nous avons raté l’occasion de nous doter d’un outil destiné à donner de la cohérence à l’ensemble du dispositif universitaire français. L’assemblage hétéroclite ne profitera finalement ni à l’expertise, ni au développement de l’enseignement supérieur français à l’étranger.

M. le ministre. Noirâtre était le tableau, monsieur Vauzelle ! Toutes les demandes ne peuvent être satisfaites, mais nous faisons des efforts. Avec le Brésil, ça marche vraiment bien, insuffisamment avec d’autres pays latino-américains. À l’heure actuelle, rien ne nous porte vers ce continent où la culture révolutionnaire française a beaucoup compté. Même si nous ne faisons pas assez, nous restons le troisième ou quatrième pays – et souvent le deuxième – pour notre présence culturelle.

L’agence pour l’audiovisuel extérieur vient d’être créée et nous en tenons compte bien évidemment. Ce texte n’a rien d’archaïque ! Nous allons monter avec Frédéric Mitterrand des projets très précis dans le domaine audiovisuel, c’est indispensable. Entre TV5, RFI et France 24, des efforts considérables ont été faits depuis cinq ans, même s’ils sont insuffisants. RFI est surtout tournée vers le continent africain et il faudrait lui donner plus de force. Mais, pour la télévision, c’est beaucoup mieux. Et si nous n’avons pas, il est vrai, les moyens des télévisions américaines et même espagnoles et italiennes, cela ne relève certes pas de la responsabilité directe et exclusive du ministère des affaires étrangères.

Monsieur Bourg-Broc, ce n’est pas l’urgence qui est en cause : la révision constitutionnelle impose un délai obligatoire de plusieurs semaines entre le dépôt d’un texte et sa discussion en séance publique même pour une procédure accélérée. J’ai demandé au Premier ministre qu’elle ait lieu fin juin. On m’a répondu début juillet. La précipitation, tous les députés la dénoncent, pour tous les textes. Sachez que je travaille à ce projet de loi depuis trois ans, que la tâche n’a pas été facile. Il serait temps de mettre en avant les rares avantages qu’il recèle ! Pour le reste, il y a des clauses de revoyure et des possibilités d’expérimentation. Rien n’est jamais parfait, mais je suis plutôt content de vous présenter un texte que l’on attendait depuis trente ans.

Les Alliances françaises et les instituts n’ont pas les mêmes statuts, ni les mêmes activités. Les premières doivent enseigner le français et leurs activités culturelles sont moindres que celles des seconds. Il faut marier les deux. Les centres culturels aussi enseignent le français et leurs résultats sont loin d’être mauvais. On me reproche de ne pas avoir beaucoup d’argent mais il ne suffit pas de se plaindre pour en avoir plus. Les instituts français auront encore plus la possibilité de trouver de l’argent localement, ce qui n’était pas l’apanage des Alliances françaises, et l’on ne songeait pas à le leur reprocher. Nous allons désormais marier les compétences, d’autant que, souvent, les implantations ne se recoupent pas. Le circuit des centres culturels draine 350 millions d’euros, dont 30 millions de financements privés à Cultures France. Il s’agit des activités culturelles du ministère des affaires étrangères, et pas des Alliances à qui nous versons des subventions et auprès desquelles nous avons détaché plus de 150 agents. L’autofinancement, par les cours de français, atteint 100 millions auxquels s’ajoutent les 220 millions de crédits publics. Ce n’est pas si mal, d’autant que j’ai obtenu pour 2010 une rallonge sans précédent depuis l’an 2000. Il faut inclure aussi les 500 millions destinés à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger. La coopération culturelle et l’enseignement du français, c’est ainsi 850 millions. Quant aux comparaisons internationales, le Goethe Institut, c’est 250 millions d’euros et le British Council 627 millions, dont 404 millions autofinancés et 223 millions de dotations budgétaires. Nous ne sommes pas les plus mal lotis. Jamais nous ne supprimerons l’aide aux Alliances, nous allons même la renforcer.

Quant à la concurrence public-privé, il faut regarder les chiffres : France Coopération Internationale « pèse » 10 millions d’euros et les opérateurs privés 10 milliards. Même si l’État voulait les gêner, il ne le pourrait pas. Il faut marier les expertises pour répondre aux appels d’offres.

Le label France pour les artistes locaux, merci de l’avoir signalé, c’est bien ce qu’il faut faire et cela ne coûte pas très cher. Si nous ne baignons pas dans la culture du pays, notre tâche sera beaucoup plus difficile.

Structurer, c’est ce que nous faisons. Nous n’avions pas assez d’argent pour basculer tout le réseau et nous aurions provoqué la révolution. Nous pourrons sauter le pas dans trois ans, après un audit. Pour le moment, après deux contrats de trois ans, c’est terminé. Les agents locaux ne se plaignent pas du tout de la perspective du rattachement, au contraire. On pourra parler de structuration de carrière complète grâce aux CDI. Et la formation de quatre mois, pour tout le monde, c’est énorme. Donner des CDI et consacrer 6 millions à une formation à Paris, c’est un gros changement.

Le cinéma rencontre un grand succès et fera bien sûr l’objet de projets, comme l’audiovisuel. L’agence pour le cinéma existe déjà.

L’alliance entre l’expertise et CampusFrance est cohérente car il s’agit d’échanges de matière grise. Mais j’ai bien aimé la proposition de votre rapporteur d’un EPIC qui chapeauterait deux structures distinctes.

M. Hervé Féron. Vous dites, monsieur le ministre, que la stratégie culturelle de la France était très imprécise mais le texte ne dissipe pas le flou artistique, au risque de décevoir. On a l’impression que vous n’avez pas osé. Il aurait fallu donner non seulement de la cohérence à l’ensemble en jouant sur la complémentarité, mais aussi une réelle indépendance aux 154 services de coopération et d’action culturelle des ambassades et aux 144 centres culturels français à l’étranger. Or le sentiment prévaut que vous êtes pressé par Bercy qui fait de l’action extérieure de la France, comme de la culture en général, une variable d’ajustement budgétaire. Le corps diplomatique ne veut pas non plus perdre son pouvoir, si bien que le texte rend encore plus illisible l’action du réseau culturel français.

Quelles sont les dispositions du texte qui précisent qui doit faire quoi, avec qui et comment ? Comment se coordonnera l’action des instituts français, des services culturels, des ambassades, des centres culturels ? Quelles seront les relations avec les Alliances françaises qui, j’en suis bien d’accord, ne doivent pas être intégrées à l’ensemble ? Les déclarations d’intention ne suffisent pas, il faut des outils. L’article 6 du projet assigne notamment comme mission à l’Institut français « la promotion, la diffusion et l’enseignement à l’étranger de la langue française ». Et l’AEFE dans tout ça ?

Pourquoi attendre trois ans, et un énième rapport sur la diplomatie d’influence pour envisager de rattacher le réseau culturel de la France à un établissement public contribuant à l’action extérieure ? Vous invoquez la difficulté technique, mais elle subsistera dans trois ans. Le rapporteur a lui-même proposé d’ouvrir le chantier en procédant à des expérimentations. L’opération permet de mieux masquer le désengagement considérable de l’État et la baisse de 20 % ces trois dernières années des financements du réseau culturel est indéniable. Des programmes ont été arrêtés et les 750 000 euros prévus pour la modernisation des médiathèques ont été supprimés. L’action culturelle extérieure croule sous le poids de la diplomatie tout en perdant ses moyens. Les augmentations dont vous vous prévalez sont insuffisantes, vous le reconnaissez vous-même.

La création d’un EPIC est un signe avant-coureur du désengagement financier de l’État, mais aussi de son désengagement politique – un EPA permettrait aussi bien de faire fonctionner des billetteries –, et de la marchandisation de la culture. L’État est en permanence en retrait. En outre, le statut d’EPIC ne permettra pas d’intégrer dans des conditions satisfaisantes les nombreux fonctionnaires du ministère des affaires étrangères. Le texte permet en fait de retarder les échéances.

Je conclus sur la dénomination. Victor Hugo continue de nous intéresser, ne serait-ce que parce que nombreux sont les pays à avoir choisi de donner un visage à leur culture : Goethe, Cervantès, Camões, Confucius, Adam Mickiewicz,… Les valeurs d’humanisme portées par Victor Hugo serviraient la France. André Schneider peut témoigner que je défends la belle idée de la francophonie mais je trouve qu’« Institut français » fait un peu franchouillard et je préfère Victor Hugo.

M. Robert Lecou. J’ai la certitude que ce texte est essentiel. La France a toujours rayonné, elle s’en faisait même un devoir à cause de l’universalité des droits de l’homme. Mais c’est aussi son intérêt. Il suffit de se déplacer pour s’apercevoir que, dans un monde globalisé, notre économie peut profiter de notre culture et de notre présence à l’étranger. Hervé Gaymard a parlé d’un texte évolutif et très réglementaire. Cela signifie que nous devrons parler fort pour convaincre. Le projet cadre mais ne définit pas précisément la stratégie. Je comprends les collègues qui s’émeuvent qu’il ne soit pas question d’audiovisuel. Il est frustrant, quand on est à l’étranger, de devoir appuyer sur la télécommande une bonne vingtaine de fois avant de capter une chaîne française, là où les étrangers en ont plusieurs. J’espère que les débats dans l’hémicycle permettront d’enrichir ce texte essentiel.

Je souhaite insister aussi sur les Alliances françaises. Établir avec elles des partenariats est une bonne chose car il faut surtout leur conserver leur empreinte locale et leur statut de droit local.

Il faut vivre avec la RGPP ; les moyens se font rares même si l’enjeu est essentiel. Mais les collectivités territoriales s’inscrivent-elles dans une stratégie d’ensemble ? Elles peuvent aussi être des relais du rayonnement de la France.

Enfin, une question sur le titre IV concernant les opérations de secours à l’étranger. Mon collègue Bourg-Broc a évoqué les journalistes français pris en otages. La liberté est un bien précieux, vital même. Or elle n’est jamais acquise. Elle passe par la liberté de circulation, de réunion et d’expression. Et je m’inquiète de la volonté de responsabiliser pécuniairement les personnes qui se déplacent à l’étranger en prenant des risques. Vous l’avez dit, mais je souhaiterais que vous répétiez que les journalistes ne sont en aucun cas concernés.

Mme Colette Langlade. La communauté française est un atout de notre pays puisqu’elle participe au rayonnement de notre culture, à l’épanouissement de nos valeurs et à la vigueur de notre coopération. La France est longtemps restée en retrait du mouvement d’expatriation, par rapport à d’autres pays qui ont une tradition d’émigration. Vous avez insisté, monsieur le ministre, sur la mobilisation autour des étudiants étrangers qui viennent en France. Comment développer l’accueil et attirer de nouveaux étudiants dans nos laboratoires de recherche ? Avez-vous réfléchi à un suivi de ces étudiants une fois qu’ils ont quitté la France ? Un outil peut-il être mis en place ?

M. Jacques Myard. Le texte empiète en effet sur le pouvoir réglementaire. Le sort réservé aux locaux des Instituts relève de votre pouvoir exclusif, monsieur le ministre.

La stratégie d’influence est un enjeu politique. Vous présentez un projet qui vise à renforcer la cohérence et l’efficacité de notre action culturelle. Mais la culture est partout, y compris dans l’économie et la politique. À quoi bon nous présenter un consulat franco-allemand ? Les intérêts ne sont pas les mêmes.

M. le ministre. Il s’agit de visas !

M. Jacques Myard. Dans les consulats, on fait de la politique, de la recherche économique et de la culture, on ne se contente pas de délivrer des visas. Il ne faut pas non plus nous présenter un service diplomatique de l’Union européenne où nous irions bêler en anglais avec les autres. Il faut exister par nous-mêmes ! Regardez ce que font les Anglais : ils utilisent leur langue systématiquement tandis que nos représentants utilisent directement l’anglais dans les réunions internationales. Il faut rappeler les principes fondamentaux.

Enfin, je m’interroge sur le pouvoir du ministre. Jusqu'à nouvel ordre, la voix de la France, c’est lui et l’ambassadeur est le représentant du chef de l’État. Ce texte, va-t-il selon vous renforcer les pouvoirs de l’ambassadeur, conformément à une stratégie d’influence ? Ou bien va-t-on aller plus loin dans la balkanisation de l’État ?

M. le ministre. Monsieur Féron, vous m’avez accablé ! Depuis trente ans, personne n’avait osé regrouper. D’un côté, on me reproche d’en faire trop en empiétant sur le pouvoir réglementaire ; de l’autre pas assez et de rester flou. Je n’arriverai jamais à vous convaincre, mais la réalité s’en chargera…

Je suis pressé par Bercy… comme tout le monde. J’ai fait que le budget culturel du ministère des affaires étrangères cesse de baisser, alors qu’il diminuait depuis 2000. J’en voudrais plus, mais regardons les chiffres. Les fonds étaient d’une certaine façon mal utilisés parce que l’action culturelle était insuffisamment encadrée.

Les ambassadeurs qui sont les représentant de la France à l’étranger disposeront de trois ans pour s’adapter. Si cela ne marche pas, on changera. Pourquoi pas tout de suite ? Parce que c’est impossible pour des raisons sociales : je ne veux ni bouleverser l’ensemble d’un ministère ni désespérer les 15 000 personnes qu’il emploie. La diplomatie à l’âge d’Internet est déjà une chose difficile. De toute façon, je n’avais pas l’argent. Ne me dites pas que se voir offrir un CDI, ce n’est pas mieux que d’être baladé tous les trois ans, au rythme des CDD.

Considérer la culture comme une variable d’ajustement, je m’y refuse complètement, même si, avec la crise économique, le budget n’est pas extensible.

L’Agence pour l’enseignement français à l’étranger marche très bien, avec un autofinancement relatif. Je visite les lycées qui ont été reconstruits. Si ce n’est pas suffisant, eh bien, trouvez l’argent ! Votez des crédits. Nous avons fait des efforts et je les vois se concrétiser parce que l’enseignement est très bon.

Le poids de la diplomatie ? On me reproche assez de ne pas défendre suffisamment les diplomates. À Washington, notre plus gros poste, il y a 380 personnes. Combien de diplomates ? Devinez : douze ! Il faut vous adresser aux autres ministères et leur demander autant d’efforts qu’aux affaires étrangères qui ont suivi toutes les consignes, peut-être même trop. C’est partout pareil : au Togo, quatre diplomates sur quatre-vingts personnes ! Il faut faire de l’action culturelle en coopération car la concurrence permanente ne fait qu’attiser la haine entre services culturels et chancellerie diplomatique.

La marchandisation ? Où la voyez-vous dans la transformation d’une association loi de 1901 en établissement public ? Je ne vends pas la culture, j’essaie de la faire vivre.

Pour Victor Hugo, à vous de juger ! Je vous livre mon sentiment. D’abord, ce n’est pas aux députés de trouver le nom car cela ne relève pas de la loi. Ensuite, il y a déjà l’Alliance française. L’Institut français ferait le pendant, sous un sigle commun. Mais je ne peux pas ne pas défendre Victor Hugo puisque c’est moi qui ai proposé son nom. Nous en reparlerons en séance publique.

Monsieur Lecou, merci. Je pense aussi, sans prétention, que c’est un texte essentiel. Tout le monde s’était dégonflé depuis trente ans.

Vous me reprochez qu’il n’y ait rien sur le cinéma. Proposez donc un rapprochement avec Unifrance ! On ne peut pas tout faire en même temps. En outre, ce serait inutile. Une stratégie consistant à monter de vraies tournées de démonstration de l’offre française, c’est exactement ce que je veux faire. Il y a des ambassadeurs compétents pour la culture, mais la caractéristique de la diplomatie n’est pas l’avant-garde. C’est ce que j’ai appris. Il va falloir les marier. C’est en tout cas mon intention.

Les collectivités territoriales seront représentées au conseil d’administration des établissements publics. Nous avons déjà des offres et nous allons nous réunir ensemble pour savoir comment intégrer les collectivités dans la réforme culturelle.

J’en viens aux secours. Nous demandons aux touristes de ne pas commettre trop d’imprudences, même si, de toute façon, nous faisons tout notre possible pour les sortir d’affaire, quel qu’en soit le coût. Il faut prendre conscience que nous allons vers un monde où les corps blancs ne pourront plus s’aligner au soleil comme ils le faisaient avant. En revanche, les journalistes et les humanitaires seront exemptés. C’est normal. Mais ce n’est pas au ministère des affaires étrangères de payer le rapatriement de touristes dont l’avion est en panne ! Pourtant c’est ce que nous faisons. La manifestation la plus violente à cause du volcan a eu lieu dans les rues de New York. Il a fallu envoyer la police. Ce n’est pas sérieux. Le ministre n’y était pour rien.

M. Jacques Myard. Vous avez tout à fait raison.

M. le ministre. Je ne peux pas dire aux journalistes de ne pas suivre les consignes. Mais chaque fois qu’ils prennent des risques, ils font leur métier.

Nous n’avons plus de nouvelles depuis quelques jours de nos deux journalistes enlevés en Afghanistan. Nous savons dans quelle vallée ils se trouvent. Tous les services de tous les pays présents, en particulier les Américains qui sont installés au nord, sont en alerte et nous travaillons ensemble. Tous les moyens ont été mobilisés par le Président de la République, et des renforts spécialisés envoyés. La cassette est un signe de vie probant.

L’accueil des étrangers nous préoccupe, madame Langlade. Les visas méritaient d’être un peu mieux contrôlés. Il faudrait plus de bourses pour compenser. Les lycées français sont excellents, et je salue le dévouement de leur personnel, mais la gratuité pour les uns doit être rapportée aux prix élevés demandés aux parents étrangers. Il faut faire le bilan avec l’AEFE et les associations. Ce qui me gêne, c’est l’absence de continuum qui nous empêche de suivre les élèves depuis l’école – où se transmettent non seulement la langue, mais aussi les valeurs – jusqu’à l’université parce que l’offre y est insuffisante. Cela étant, vous savez qu’il y a eu de sérieux excès, les inscriptions étant pléthoriques dans certaines matières… Avec nos amis de l’éducation nationale, nous essayons d’aller plus loin, malgré les budgets.

Monsieur Myard, le vrai problème, ce ne sont pas les locaux. Basculer l’ensemble du réseau était inimaginable à cause notamment des implications fiscales. Les impôts n’auraient pas été les mêmes puisque la protection diplomatique n’aurait pas joué. Il faut faire très attention.

M. Jacques Myard. Ces sujets relèvent de la convention de Vienne.

M. le ministre. Certes, mais, quand un établissement public à caractère industriel et commercial fait des bénéfices,…

M. Jacques Myard. Dans ce cas, la loi n’apporte aucune protection. Il faut négocier d’État à État.

M. le ministre. Il faut y aller en douceur et maintenir le statut actuel sauf dans certains États, qui demandent à ce que les activités commerciales soient assujetties à l’impôt. C’était une raison supplémentaire pour ne pas basculer les 8 000 personnes vers un autre statut.

Le pouvoir de l’ambassadeur sera inscrit dans la loi, ce qui ne veut pas dire que, dans le domaine culturel, il sera pérennisé. Mais l’ambassadeur sera formé pour pouvoir faire preuve de suffisamment d’imagination et de modernité pour être à la tête de nos services culturels. Si ce n’est pas le cas, l’agence culturelle viendra remplir cet office.

M. André Schneider, président. Nous vous remercions, monsieur le ministre. Vous avez pu constater l’intérêt que nos deux Commissions portent à l’action culturelle extérieure.

La séance est levée à onze heures quarante.

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Présences en réunion

Réunion du mardi 4 mai 2010 à 9 heures 30

Présents. - Mme Marie-Odile Bouillé, M. Bruno Bourg-Broc, M. Hervé Féron, M. Michel Herbillon, Mme Françoise Imbert, Mme Colette Langlade, M. Apeleto Albert Likuvalu, Mme Martine Martinel, Mme Françoise de Panafieu, M. Marcel Rogemont, Mme Michèle Tabarot

Excusés. - Mme Sylvia Bassot, Mme Danielle Bousquet, M. Édouard Courtial, M. David Douillet, M. Sauveur Gandolfi-Scheit, Mme Muriel Marland-Militello, M. Jean-Philippe Maurer, M. Franck Riester, M. Didier Robert