Accueil > Travaux en commission > Commission des affaires culturelles et de l'éducation > Les comptes rendus

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

Commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mercredi 30 juin 2010

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 55

Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente

– Audition de M. Jean-Pierre Escalettes, président de la Fédération française de football, et de M. Raymond Domenech, sélectionneur de l’équipe de France de football, sur les résultats de l’équipe de France de football lors de la Coupe du monde de la FIFA 2010

– Présences en réunion

COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION

Mercredi 30 juin 2010

La séance, à huis clos, est ouverte à dix heures.

(Présidence de Mme Michèle Tabarot, présidente de la Commission)

——fpfp——

La Commission des affaires culturelles et de l’éducation entend M. Jean-Pierre Escalettes, président de la Fédération française de football, et M. Raymond Domenech, sélectionneur de l’équipe de France de football, sur les résultats de l’équipe de France de football lors de la coupe du monde de la FIFA 2010.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Je vous remercie, messieurs, d’avoir accepté notre invitation dans une période que j’imagine délicate pour l’un comme pour l’autre. Cette audition aura lieu à huis clos comme vous l’avez demandé.

Comme je l’ai précisé hier, lors de l’audition de la ministre de la santé et des sports, notre Commission qui a déjà souvent traité du sport, notamment du football, a jugé utile, face au débat ouvert dans le pays, de vous rencontrer pour comprendre les causes de la déroute de l’équipe de France. Et nous continuerons ces auditions.

Ce ne sont pas les résultats qui nous inquiètent. Nous savons tous que la défaite fait partie intégrante du sport. Il est des défaites honorables, voire glorieuses. Mais l’échec de l’équipe de France dans cette Coupe du monde laisse un goût amer.

Nous ne reviendrons pas sur l’histoire de cette Coupe du monde. Il ne nous appartient pas d’apprécier la pertinence des décisions prises ni des choix tactiques, non plus que de chercher un bouc émissaire. Il serait d’ailleurs bien réducteur de croire qu’un seul homme puisse être responsable de cet échec. Ce dont nous voulons parler, c’est de l’avenir du sport numéro un – qui compte plus de deux millions de licenciés dans notre pays –, avec les implications que l’on sait pour notre jeunesse.

L’image de la France a été ternie par le comportement, parfois indigne, de certains joueurs et de certains membres de l’encadrement. Nous sommes passés d’un formidable espoir avec l’annonce de l’Euro 2016 en France, dont la Fédération peut être fière, à la plus vive inquiétude sur l’avenir de l’équipe de France. J’espère que la France se qualifiera pour l’Euro 2012 et pour la Coupe du monde 2014. Mais le seul rendez-vous dont nous sommes aujourd’hui certains est celui de l’Euro 2016. Avec les investissements importants qui vont être réalisés, la France du football ne peut pas le manquer.

Mes premières questions s’adressent à vous, monsieur Escalettes. Vous avez assumé vos responsabilités en annonçant votre démission « pour faciliter l’évolution » de la Fédération française de football (FFF). C’est un choix digne, dont j’espère qu’il vous permettra de recouvrer une certaine liberté de parole sur les changements nécessaires dans la gouvernance du football aujourd’hui. Quelle part de responsabilité endossez-vous dans les résultats de l’équipe de France ces dernières années ? Nous n’ignorons pas que les décisions de la Fédération sont collégiales. Mais quelle doit être, selon vous, l’attitude du Conseil fédéral lors de sa prochaine réunion ? Comment doit, selon vous, évoluer la FFF pour redonner au football français de nouvelles perspectives ?

Je souhaite également poser quelques questions à M. Domenech, en répétant que nous ne cherchons pas à percer l’intimité de l’équipe de France mais à comprendre les raisons pour lesquelles elle s’est montrée sous un jour aussi négatif en Afrique du Sud. Votre décision, monsieur, de lire le communiqué des joueurs suite à leur grève a été très commentée et beaucoup y ont vu le signe que la fonction de sélectionneur avait perdu de son aura auprès des joueurs. Quelle est votre analyse de la situation ? Comment un sélectionneur peut-il affirmer son autorité face à ses joueurs ? Certaines décisions vous ont-elles été imposées avant ou pendant cette Coupe du monde ? Quels changements vous paraissent-ils nécessaires pour retrouver une équipe de France performante ?

M. Jean-Pierre Escalettes, président de la Fédération française de football. Ceux qui me connaissent savent que j’ai vécu en Afrique du Sud les plus mauvais moments de mon parcours de président de la FFF. Je vais ici tenter d’expliquer l’inexplicable et pourquoi ont été bafouées certaines des valeurs que je me suis attaché à défendre pendant cinquante années de bénévolat militant au service de football – bénévolat que je revendique, même si le terme a aujourd’hui une connotation péjorative. Je ne renie rien de cette vie, pas plus que de mon passé d’enseignant. Mais j’ai eu honte de certains comportements dans ce qu’il faut bien appeler le bus de la honte et je me suis immédiatement rendu compte du mal fait au pays tout entier, et pas seulement au football. Notre magnifique pays a pris ce jour-là une gifle qu’il ne méritait pas. Il n’est pas facile, à 75 ans, de voir s’écrouler en un après-midi, par le comportement irresponsable d’enfants gâtés, pourris, tout ce en quoi vous avez cru et croyez encore.

Pour ce qui est des structures du football français, il faut faire preuve d’objectivité. C’est avec la même gouvernance que nous avons gagné la Coupe du monde 1998, l’Euro 2000 et participé à la finale de la Coupe du monde 2006. Comme en attestent tous mes discours devant le Conseil fédéral depuis 2005, je n’ai cessé néanmoins de répéter que des évolutions étaient nécessaires. Nous sommes contraints de toujours réagir face aux événements, du fait de la médiatisation du football, et dans ce contexte, le cadre associatif est aujourd’hui quelque peu dépassé. Je ferai mon possible pour que cette gouvernance soit modifiée car il y va de l’avenir du football, peut-être aussi d’autres sports. Mais ce n’est pas là tâche aisée. La représentation nationale sait bien la difficulté de faire changer la loi par les personnes que celle-ci a mises en place. Dans notre État de droit, nous ne pouvons faire fi des règles ni des statuts. Voilà la quadrature du cercle qu’il nous faut résoudre car c’est l’avenir du football qui est en jeu.

Je répondrai avec franchise à toutes vos questions. Je ne peux prédire comment se passera le Conseil fédéral de vendredi prochain, mais j’esquisserai des pistes, dans le droit fil de ce qui m’a guidé dans mes fonctions de premier responsable. La responsabilité est certes collégiale, chacun porte sa part. Celle du président est en tout cas pleine et entière, et il est normal qu’il cède la place, pour qu’une page puisse être tournée, en veillant à tirer les leçons du passé. Voilà ce que je souhaitais vous dire en toute amitié à cet instant.

M. Raymond Domenech, sélectionneur de l’équipe de France de football. Je ne sais par quoi commencer. Il n’est pas évident d’expliquer pourquoi quelque chose marche ou ne marche pas quand il s’agit d’humain, a fortiori d’individus à la personnalité aussi complexe que peuvent l’être des sportifs de haut niveau. En tant que sélectionneur et autorité sportive de cette équipe, j’assume en tout cas ma part de responsabilité. Je n’ai pas su faire le lien entre des individus qui avaient chacun leurs qualités et leurs défauts, en un mot « faire prendre la sauce », je l’assume totalement.

Quant au fait que j’ai lu la déclaration des joueurs, je m’en suis déjà expliqué en conférence de presse. Cela faisait 45 minutes que le président Escalettes, René Charrier, le représentant des joueurs, et moi-même parlementions avec les joueurs, tentant de leur faire comprendre la portée de leur geste. Nous avons utilisé tous les arguments possibles – sauf un, la force. Peut-être aurions-nous dû y recourir. Nous ne l’avons pas fait car nous sommes en démocratie. J’ai jugé à un moment qu’il était temps d’en finir avec cette mascarade. Après leur avoir redit qu’ils ne se rendaient pas compte de ce qu’ils étaient en train de faire, je leur ai pris le communiqué des mains et l’ai lu à leur place.

À cet instant, j’ai eu le sentiment que si on en était arrivé là, c’est que j’avais failli quelque part dans ma gestion. La situation n’était pas facile : en fin de mandat, alors que votre successeur est déjà connu, les joueurs n’ont sans doute pas la même attitude. Cette fragilisation s’inscrivait dans la logique d’une politique que je n’ai pas à commenter. J’ai lu la déclaration pour mettre un terme à cette imbécillité. Ma seule erreur est de n’avoir pas précisé que je ne cautionnais pas ce qui venait de se passer.

Pour le reste, durant mes six années comme sélectionneur de l’équipe de France, jamais je n’ai mis un joueur en difficulté, contrairement à ce qui m’a parfois été reproché. J’ai protégé, surprotégé les joueurs, et je continuerai de le faire. Je n’ai pas l’intention aujourd’hui de dénoncer les faits ou les dires de tel ou tel. Tout cela, c’est la vie du vestiaire, et cela aurait dû rester la vie du vestiaire. Si les joueurs n’avaient pas commis cet acte irréparable le dimanche, on ferait aujourd’hui le procès de la presse. Sans les insultes rapportées en « une » de L’Équipe le samedi, fausses, soit dit au passage, il ne se serait pas passé tout ce qui s’est passé. C’est cette « une » qui a mis le feu aux poudres. Révélé dans la presse, ce qui aurait dû rester un problème interne à l’équipe a acquis une dimension nationale, appelant une sanction de la part de la Fédération. Un quotidien sportif a outrepassé sa mission d’information, se livrant même à de la désinformation. Là-dessus, j’étais solidaire des joueurs. Ils en voulaient d’abord à celui qui avait ébruité l’information à l’extérieur et dont ils savaient qu’il ne serait pas, lui, puni. C’est en lui plus qu’en l’auteur des insultes qu’ils voyaient le coupable. Pour eux, les injures font partie de leur quotidien – c’est là un problème d’éducation. Ils n’ont pas compris que leur auteur devait être sanctionné, mais c’est là un autre sujet. Le plus coupable était pour eux le délateur : tel est leur mode de fonctionnement. Je ne peux que confirmer ici que le détonateur a été la presse.

M. Jean-François Copé. Nous vous sommes reconnaissants, messieurs, d’être présents aujourd’hui car nous avons conscience de la difficulté de l’exercice pour vous. Nous ne nous érigerons pas en procureurs. L’intérêt du huis clos est d’ailleurs d’éviter la théâtralisation et de nous permettre de comprendre ce qui s’est vraiment passé et en effet « d’expliquer l’inexplicable ».

Tous ici, de la majorité comme de l’opposition, sommes très attachés à ce que les politiques ne s’immiscent pas dans la vie des fédérations sportives, même si nous vivons mal d’être ainsi « renvoyés dans nos buts » quand chacun est fort aise de se retourner vers les politiques, au niveau local ou national, pour obtenir le financement d’infrastructures sportives, aider au développement des clubs et à la formation des jeunes. L’idée d’une étanchéité parfaite entre les domaines sportif et politique est une vue de l’esprit, tout aussi abstraite et stupide que celle selon laquelle les politiques devraient entrer dans le détail de la vie des fédérations. Nous sommes nombreux, de toutes tendances politiques, à considérer qu’en cas de problème grave, notamment lorsqu’il est devenu celui de la nation tout entière, il est de notre rôle d’alerter et de mettre les choses à plat, surtout lorsque cela concerne le football, discipline sportive à laquelle les Français sont profondément attachés. Je peux comprendre que depuis l’Afrique du Sud vous n’ayez pas mesuré l’impact très fort de ces événements mais depuis votre retour, cela n’a pas pu vous échapper.

Un autre intérêt du huis clos est d’éviter les caricatures. Un journaliste prédisait ce matin à la radio que lors de cette audition, les députés de droite allaient regretter que les joueurs de l’équipe de France n’aient pas chanté La Marseillaise la main sur le cœur, et leurs homologues de gauche dénoncer le « foot business ». Je ne sais pas ce que diront nos collègues de gauche…

Notre but n’est donc pas de tomber dans la caricature, mais de comprendre ce qui s’est passé. Ma première question s’adresse au président Escalettes. Quelles sont vos propositions exactes de réformes de fond en matière de gouvernance du football ? Quel peut être le rôle des responsables politiques en ce domaine ?

Ma seconde question, plus symbolique, s’adresse à M. Domenech. Vous avez raison, monsieur, s’agissant des dérives de la presse, dont les hommes politiques font eux aussi parfois les frais. Mais cela semble avoir été la goutte d’eau ayant fait déborder un vase déjà bien plein. Pourquoi, enfin, avez-vous refusé de serrer la main de l’entraîneur de l’équipe d’Afrique du Sud ? J’avoue n’avoir pas compris votre geste.

M. Pascal Deguilhem. Nous sommes consternés que notre Commission des affaires culturelles et de l’éducation soit en train d’auditionner le président de la FFF et le sélectionneur de l’équipe de France. A-t-on perdu le sens de la mesure ? Vous nous avez dit, monsieur Escalettes, vous sentir mal à l’aise. Nous aussi. Est-il vraiment du rôle des politiques de vous entendre à cet instant, au retour d’une Coupe du monde peu glorieuse pour l’équipe de France ? Après les Jeux olympiques de Rome, où la France n’avait pas brillé, les responsables de l’époque n’avaient pas été auditionnés mais le général de Gaulle avait décidé d’impulser un renouveau sportif en France, en renforçant tous les niveaux de préparation. Notre pays peut s’honorer d’avoir jeté depuis lors les bases d’une politique sportive, largement développée par les fédérations. Nous avons certes souvent regretté le manque de moyens, notamment du ministère de la jeunesse et des sports, car l’enjeu dépasse les seuls résultats d’une équipe nationale : la vitalité sportive d’une nation ne se mesure pas à la seule aune du nombre de médailles ou de titres remportés, ce n’est là qu’un indicateur parmi d’autres.

Sans sous-estimer l’émotion suscitée par le récent échec de l’équipe de France, vu la place qu’occupe le football dans notre pays, nous pensons qu’il ne doit pas conduire les politiques à jouer un rôle qui n’est pas le leur. Nous ne sommes pas un tribunal, comme l’a dit Jean-François Copé. Mais en ce cas, il faut bien séparer les genres : une ministre n’a pas à aller dans les vestiaires faire la morale aux joueurs et leur « parler dur ».

Comme vos amis périgourdins, monsieur Escalettes, notre groupe souhaite saluer le président de fédération, honnête et responsable, et le dirigeant infatigable que vous avez été, à tous les échelons de responsabilité qui ont été les vôtres. Vous avez décidé de jeter l’éponge : pour beaucoup, cette décision est logique, pour d’autres, elle était « inéluctable ». Elle ne sera pas sans conséquence sur l’évolution de la FFF que vous avez longtemps servie. Soyez en tout cas assuré que pour notre part, jamais nous ne vous soupçonnerons « d’amateurisme ». Tous ceux qui s’intéressent au football savent que votre parcours ne se résume pas à l’éviction de Nicolas Anelka de l’équipe de France non plus qu’au maintien d’un sélectionneur dans ses fonctions.

L’émotion collective qu’ont suscitée jusqu’à la déraison les péripéties de l’équipe de France en Afrique du Sud laisse, hélas, peu de place pour une analyse objective de votre action à la présidence de la FFF. Tout le monde a oublié dans quelles conditions vous êtes arrivé à sa tête, comment vous en avez assaini les comptes, réussi à maintenir le lien entre football amateur et football professionnel… Vous voici aujourd’hui pris pour seule cible, quand d’autres, beaucoup moins courageux, et surtout irresponsables – je veux parler des joueurs – sont partis en vacances.

Je veux aussi évoquer ceux qui voient dans cet événement malheureux une opportunité pour mener une OPA bien peu amicale sur le football français, ses instances et son mode de fonctionnement, selon eux « désuet ». En quoi ce modèle est-il, comme vous l’avez reconnu tout à l’heure, « dépassé » ? Par quoi le remplacer et pour quels objectifs ?

Mme la présidente Michèle Tabarot. À ceux qui ne cessent d’expliquer que ces auditions n’auraient pas dû avoir lieu, je ferai seulement observer que vous étiez très nombreux hier et que vous êtes tous présents ce matin. Dois-je rappeler que le football compte dans notre pays 18 000 clubs et deux millions de licenciés, parmi lesquels de très nombreux jeunes, que les équipements sportifs sont très largement financés par les collectivités et que la FFF gère ce sport pour le compte de l’État dans le cadre d’une délégation de service public ? Le Parlement est donc parfaitement dans son rôle lorsqu’il s’intéresse à ce sujet. Lorsque nous avons reçu le président Escalettes il y a quelques mois, vous vous en félicitiez tous. Il s’est passé quelque chose de très important pour le football français : il est du devoir de notre Commission de l’évoquer.

M. Marc Bernier. Je vous remercie, madame la présidente, d’avoir organisé cette audition après celle de Mme Bachelot hier. Je regrette toutefois qu’elle ait lieu à huis clos, d’autant que certains députés ici présents sont certainement déjà en ligne sur Twitter…

Je ne reviens pas sur l’image désastreuse de ces événements pour tous nos clubs amateurs. Comment les entraîneurs pourront-ils inculquer à nos jeunes certaines valeurs du sport, comme le respect dû à l’adversaire en toutes circonstances, même quand on a perdu ? Votre refus, monsieur Domenech, de serrer la main de l’entraîneur de l’équipe d’Afrique du Sud nous a tous choqués. Je comprends que vous ayez pu être fâché mais nous attendons vos explications sur ce point.

Beaucoup ne comprennent pas que des joueurs comme Ben Arfa ou Benzema n’aient pas été sélectionnés et le regrettent. D’autres se demandent pourquoi Mathieu Valbuena n’a pas joué davantage.

Mme Valérie Fourneyron. Et le 4-4-3 ?

M. Marc Bernier. Je ne fais que répéter ce que j’entends, dans ma circonscription notamment.

J’ai aussi été très choqué, comme beaucoup de Français, que de nombreux joueurs ne chantent pas La Marseillaise. L’ex-entraîneur de rugby, Bernard Laporte, a indiqué qu’avec lui ceux qui n’acceptaient pas de chanter l’hymne national n’avaient pas leur place dans la sélection nationale, et je pense qu’il avait raison. J’ignore quelle peut être l’autorité d’un sélectionneur sur ce point. Mais comment expliquez-vous cette attitude, quand toutes les autres équipes chantent leur hymne la main sur le cœur, témoignant ainsi de leur fierté de porter le maillot national ?

M. Patrick Bloche. Je ne reviens pas sur les conditions dans lesquelles nous avons été amenés à auditionner Mme Bachelot hier et MM. Escalettes et Domenech aujourd’hui. Nous en parlerons le moment venu.

Pour l’heure, allons à l’essentiel. Nous sommes là pour comprendre, en espérant que la crise actuelle permettra que de l’ancien naisse du nouveau et que ne soient pas reproduites les mêmes erreurs.

Monsieur Domenech, vous avez centré vos explications sur la grève des joueurs, le communiqué que vous avez été amené à lire et le rôle joué, selon vous, par le journal L’Équipe. Or, nous avons le sentiment que la crise vient de plus loin et que dès les qualifications et le premier match, bien avant ce moment de tension extrême, quelque chose n’allait pas. Vous avez dénoncé l’ingérence médiatique. J’aimerais aborder la question de l’ingérence politique, notamment parce que notre Président de la République s’occupe de tout – médias, Parlement, justice mais aussi football. L’ingérence politique, je pense à Mme Bachelot et encore plus à Mme Yade, a-t-elle été un problème pour vous ?

Si nouvelle gouvernance il doit y avoir, comme M. Escalettes et nous tous l’appelons de nos vœux, celle-ci doit s’exercer en toute indépendance, sans aucune ingérence politique. Cette indépendance vous semble-t-elle assurée, monsieur Escalettes ? Vous avez rappelé que vous étiez depuis près de cinquante ans un « bénévole militant », tout en soulignant que le bénévolat avait aujourd’hui une connotation péjorative. Nos collectivités ne connaissent pourtant que ces bénévoles et sans eux, le mouvement sportif n’existerait pas. Ne pensez-vous pas qu’il faudrait restaurer un peu d’éthique ? La cotation des clubs en Bourse, la concession de stades au privé, l’autorisation des paris en ligne, la fiscalité avantageuse du droit à l’image collectif des sportifs, la rémunération des agents sportifs, tout cela n’a-t-il pas signé un triomphe du « sport fric », susceptible d’avoir rejailli sur les joueurs et conduit aux dérives constatées ?

Mme Bachelot nous a dit hier que si l’équipe nationale se portait mal, le football français, lui se portait bien. Qu’en est-il de la Fédération ? N’est-elle pas en ce moment même un enjeu de pouvoir, et la ligue professionnelle ne tente-t-elle pas de mettre la main sur elle ? Ce serait à nos yeux la fin de tout.

M. Renaud Muselier. Je tiens, messieurs, à vous féliciter car l’exercice auquel vous devez vous livrer aujourd’hui est particulièrement délicat. Votre situation était déjà difficile avant la Coupe du monde, vu les commentaires dont vous pouviez faire l’objet ça et là ; elle l’a été pendant, puisque vous avez dû faire face à une crise grave exigeant beaucoup de sang-froid dans un climat d’extrême tension ; et elle l’est encore aujourd’hui, devant nous ici, devant les journalistes à l’extérieur, sans compter que l’opinion française ne vous est pas favorable. Je vous remercie donc d’assumer tout cela avec courage, même si cela fait partie de votre travail, bénévole ou professionnel.

Chacun le sait, en sport, on perd souvent, on gagne parfois. Ce n’est donc pas de résultats sportifs que je parlerai ici mais de l’image ternie de la France. C’est d’ailleurs pourquoi il est bien de notre rôle de traiter du sujet.

Monsieur Domenech, que s’est-il passé exactement dans le vestiaire à la mi-temps du match contre le Mexique ? On se moque de savoir si l’équipe compte ou non un traître ou si elle a subi une pression extérieure. Le problème n’est pas de savoir si le Président de la République intervient et où car, quel que soit le gouvernement en place, il est normal que les politiques aillent soutenir leur équipe, au niveau national comme au niveau local, et la soutiennent quoi qu’il arrive. Mais y avait-il des meneurs ? Quel était l’état d’esprit ? Existait-il dans cette équipe des problèmes de religion ou de race ? Le mix « black-blanc-beur », qui nous a fait réussir en 1998, est-il mort ?

Oui, monsieur Escalettes, la France a remporté l’organisation de l’Euro 2016, mais heureusement que le choix est intervenu avant la Coupe du monde car je ne suis pas certain qu’il aurait été le même après ! Oui, les comptes de la Fédération ont été assainis, mais l’équipe nationale a connu la débâcle. Vous avez eu le courage de démissionner, assumant votre part de responsabilité, ce qui n’est finalement pas si courant dans ce pays. Vous n’étiez pas obligé de le faire, et je vous dis donc tout mon respect.

Maintenant que vous avez retrouvé votre liberté de parole, pouvez-vous nous dire quel avenir vous voyez pour la FFF, de loin l’une de celles les plus confrontées aux questions d’argent ? Et comment faire pour que le maillot bleu, emblème de la France dont nous sommes si fiers, soit de nouveau porté avec honneur ?

M. Marcel Rogemont. Je vous remercie, monsieur Escalettes, de vous être autant mobilisé avec toute la Fédération pour que l’Euro 2016 se déroule en France. Ne jetons quand même pas le bébé avec l’eau du bain et n’oublions pas votre parcours au service du football. J’aimerais que vous nous en disiez un peu plus sur l’antagonisme entre football amateur et professionnel, que semblent exacerber les propos de certaines personnes. L’univers amateur ne manque pourtant pas de professionnalisme, vous en êtes l’exemple même. Je m’interroge sur ce qui se passerait si le football professionnel l’emportait au sein de la Fédération.

Ma première question s’adresse au président de la FFF. Si vous n’aviez qu’une seule proposition à faire au bénéfice de l’instance que vous avez servie avec diligence et compétence, quelle serait-elle ?

Ma deuxième question s’adresse à l’homme. Entendant Mme Bachelot qualifier l’équipe de France de « bande de caïds immatures », j’ai pensé tout naturellement que ces « caïds » seraient sanctionnés, d’autant que le Gouvernement auquel elle appartient et ceux qui le soutiennent n’hésitent pas à sanctionner par exemple l’absentéisme scolaire, en supprimant les allocations familiales. Comment avez-vous réagi, en tant qu’homme, au fait que le Président de la République ait tendu la main à Thierry Henry et l’ait invité à l’Élysée, alors que s’il y avait bien quelqu’un qui aurait dû être invité, c’était vous en tant que président de la FFF ? Par ailleurs, pourquoi n’y a-t-il pas eu de sanctions à l’encontre des joueurs ? Ce sont des adultes qui se sont permis des comportements inadmissibles, au regard notamment de l’argent qu’ils gagnent et de ce qu’ils représentent. Or, les seules victimes désignées sont le président de la FFF et le sélectionneur – encore que celui-ci n’ait pas eu à assumer l’avenir, son successeur ayant été désigné par avance.

Quel est, monsieur Domenech, votre sentiment sur cette absence de sanctions à l’encontre des joueurs ? Enfin, comment avez-vous vécu la fragilisation qui a résulté de la désignation de votre successeur et même simplement de l’ouverture du débat sur votre succession, bien avant la Coupe du monde ? Quand avez-vous commencé de la ressentir ?

M. Jean-Pierre Escalettes. Monsieur Copé, je pense que le modèle associatif pur est dépassé pour une fédération de la taille de la FFF. C’est une question d’organisation et de gestion, non d’esprit. Je demeurerai toute ma vie fidèle aux valeurs associatives mais à partir d’un certain budget, d’un certain nombre de licenciés, des réformes s’imposent. Il faudra les mener à bien, mais dans le strict respect des textes : lorsqu’on lit dans la presse que Guy Roux pourrait devenir président de la FFF, je n’ai rien contre lui, mais je ne vois pas comment ce serait possible ! Il reste que, pour avoir une Fédération à la fois plus réactive et plus efficace, il faut modifier le système. J’ai toujours dit qu’il faudrait un Conseil fédéral au sein duquel seraient représentées les différentes familles du football avec un directoire beaucoup plus proche du quotidien, composé de professionnels rémunérés – je ne veux pas dire de représentants du football professionnel mais de gestionnaires qualifiés. Les textes n’interdisent pas la mise en place d’un tel directoire, mais ils imposent que les instances dirigeantes soient élues. Quel serait dès lors le rôle de ce directoire ? Nous interrogeons les juristes sans parvenir à obtenir de réponse. Ce point devra être éclairci, et s’il faut changer la loi ou les décrets afin de gagner en efficacité, le Parlement et le Gouvernement doivent nous y aider.

Sachons garder le sens de la mesure comme des réalités, de façon à garantir une répartition à la fois efficace et équilibrée, tenant compte de nos deux millions de licenciés, de nos 18 000 clubs, c’est-à-dire de tout ce qui fait les racines et le tissu de notre football, partie immergée de l’iceberg dont nous sommes tout aussi fiers que de la partie émergée que représente l’équipe nationale. Il serait catastrophique de s’orienter vers une partition à l’anglo-saxonne entre un football-spectacle avec ses propres règles et un football de masse. Michel Platini, qui sent lui aussi poindre ce danger, partage cet avis.

Il se peut que la crise actuelle nous permette d’avancer vers une nouvelle gouvernance tout en préservant ce qui fait l’originalité de notre football national, dans lequel n’importe quel club peut rêver de jouer un jour la finale de la Coupe de France ou de monter en Ligue 1, comme vient de le faire Arles-Avignon. Certains dénoncent le système actuel. Pour ma part, je le trouve bon. Sans doute faut-il le rendre plus efficace, mais de grâce, ne le cassons pas, car certains, aujourd’hui en embuscade, attendent de s’emparer du pouvoir. Ce modèle n’est dépassé que parce qu’il manque d’efficacité, pas parce qu’il serait contraire à notre éthique et à notre culture, bien au contraire. Nous devons au contraire en être fiers. Simplement, comme dans bien d’autres domaines, les choses ont évolué plus vite que les institutions.

S’agissant de l’autorité du sélectionneur, sachez que l’équipe de France est organisée de manière plus professionnelle qu’aucun club français de Ligue 1. Peut-être nos joueurs sont-ils trop protégés, maternés, « coucounés », mais c’est ainsi. On ne peut attaquer ni le staff technique ni le staff médical ni le staff en charge de la logistique, dont le professionnalisme est irréprochable. Au-delà, j’avais moi-même créé un Club France 2010, destiné à préparer notre équipe à cette Coupe du monde. Cela n’a pas été un succès, loin de là. Ce Club ne comptait que deux personnes issues du monde amateur, Bernard Desumer et moi-même, tous ses autres membres étant issus du monde professionnel. Et il se trouve que seuls Bernard Desumer et moi étions présents en Afrique du Sud, les autres n’ayant pu se libérer, qui pour des raisons de mercato, qui pour cause d’agenda surchargé… Que nous n’ayons pas été préparés à gérer une crise de l’ampleur de celle qui s’est produite, soit, mais je le dis bien humblement, j’aurais aimé être aidé. Je comprends parfaitement qu’un président de club ait du mal à se libérer à cette période de l’année, où il doit négocier les transferts et préparer la saison suivante. Mais tout de même, une certaine disponibilité pourrait être exigée.

On m’a accusé de n’avoir pas été assez présent. Mais en tant que président de la Fédération, l’équipe nationale n’est pas la seule chose dont j’ai à m’occuper. Je devais participer au congrès de la FIFA à Johannesburg ; je dois préparer l’Euro ; je dois organiser des assemblées fédérales, comme il vient de s’en tenir une à Lille. Alors, c’est vrai, je ne suis arrivé que la veille du match contre l’Uruguay, mais je ne pouvais pas faire autrement. C’est d’ailleurs pour cela que j’avais mis en place ce Club France 2010 qui avait pour chef de délégation Bernard Desumer.

Ma philosophie n’est peut-être pas la bonne, je suis prêt à en convenir car je ne suis pas homme de certitude, mais je n’ai jamais voulu être interventionniste. J’ai toujours laissé au staff technique toute autorité sur l’équipe, s’agissant bien entendu des choix techniques mais aussi de tout le reste. Je n’ai jamais voulu être le « copain » des joueurs, convaincu qu’une direction bicéphale aurait été une catastrophe, les joueurs étant alors incités à exploiter « les intervalles » comme on dirait dans le langage technique, entre l’entraîneur et moi-même. C’est donc volontairement que je me suis tenu à l’écart. Je ne voyais les joueurs que le matin au petit-déjeuner pour ceux qui venaient le prendre, car ce n’était pas obligatoire, puis au déjeuner et au dîner. Mais le staff et les joueurs mangent dans deux salles distinctes, notamment pour ne pas gêner les joueurs, et cela ne date pas d’hier. Que savais-je donc de ce qui se passe dans l’équipe ? Ce que le staff voulait bien m’en dire. Certains de mes prédécesseurs jouaient les « papas gâteau », s’informant auprès de chaque joueur de ce qui allait ou n’allait pas. Pour ma part, j’étais là par exemple pour célébrer l’anniversaire de Florent Malouda, je lui ai fait un cadeau pour son quatrième enfant, comme à Alou Diarra pour son premier – cela se fait dans tout groupe professionnel. Mais je n’étais pas au centre du cercle des joueurs.

Pour ce qui est de La Marseillaise, je comprends que vous ayez pu être choqués. Mais de quel droit, et comment, pourrais-je obliger un joueur à la chanter ? Il est de toute façon deux façons de la chanter. Pour ma part, je la vivais et la chantais si fort intérieurement avant tous les matchs que je ne ressentais pas le besoin de faire semblant de la chanter à tue-tête. Désormais, je la chante ouvertement de peur qu’on m’accuse de ne pas la chanter. Voilà où on en est arrivé, alors que tous ceux qui me connaissent savent que je la respecte infiniment et que c’est elle qui me soutient durant l’heure et demie de chaque match, car j’ai une conscience aiguë que l’équipe joue pour la France. Mais je me vois mal contraindre un joueur à la chanter.

Que s’est-il passé dans les vestiaires ? Raymond Domenech vous le dira. Pour ma part, je ne l’ai su que dans la nuit du vendredi au samedi, lorsque cela a transpiré dans L’Équipe. Pourquoi si tard seulement ? Secret des vestiaires ? En tout cas, dès que je l’ai su, et après avoir effectué un minimum de vérifications, un joueur m’ayant même dit que les propos tenus étaient pires que ceux rapportés, j’ai immédiatement sanctionné l’auteur de cette insulte. Comment devant la nation, devant l’ensemble des dirigeants bénévoles et des éducateurs, aurais-je pu faire autrement ? Il y allait aussi de l’autorité du futur sélectionneur sur l’équipe. Nul ne doit pouvoir penser qu’il peut impunément s’adresser de la sorte à son entraîneur – cela étant, je déplore que ces propos aient été publiés en « une » de L’Équipe. Je ne comprends pas ce voyeurisme malsain.

Il reste qu’à aucun moment, les propos sanctionnés n’ont été contestés ni par l’intéressé ni par le capitaine. Tout au long de la conférence de presse quelque peu surréaliste que nous avons donnée, Raymond Domenech, Patrice Evra et moi-même, après que Jean-Louis Valentin, directeur du Club France 2010, bras armé de la FFF, fut, lui, parti, écœuré par ce qui s’était passé, Patrice Evra s’en est pris au « traître ». Il n’a jamais nié ce qui s’était passé. Mais la seule chose qui l’intéressait était de savoir qui avait parlé, et c’est cela qui est grave.

Dès les faits avérés, j’ai pris la sanction que j’estimais nécessaire. Une grève s’en est suivie. Et dans cet autobus de la honte où j’ai dû monter, je me suis heurté à un mur. Pourquoi ? Je n’en sais rien. Mon expérience d’enseignant date certes d’un autre siècle mais je dois avouer que jamais, tout au long de ma carrière, où il m’est pourtant arrivé d’avoir à convaincre des élèves, jamais je n’ai été confronté à pareil comportement. Malgré mes 75 ans, mes cinquante années d’expérience de dirigeant dans le football, malgré tout ce que j’ai pu dire, rien n’y a fait. J’avais en face de moi des enfants gâtés et irresponsables. On a évoqué des « caïds » et des « meneurs ». Je suis en effet persuadé qu’en dépit de la solidarité de façade affichée alors, tous les joueurs n’étaient pas d’accord sur cette grève, et des voix divergentes commencent d’ailleurs de se faire entendre. Si quelqu’un comme Thierry Henry qui, de par son passé et son charisme, disposait d’une certaine autorité, s’était alors levé et m’avait demandé de sortir, pour parler à ma place, peut-être auraient-ils compris la portée de leur geste. En revanche, prétendre qu’un responsable de football professionnel, mieux préparé que moi à régler ce type de conflit, y serait parvenu n’est qu’une hypothèse aventureuse. J’ai depuis lors reçu de nombreux appels d’enseignants inconnus qui m’ont dit vivre souvent dans leurs classes ce que j’ai vécu dans cet autobus. C’est aussi cela qui est inquiétant.

Si je suis obligé aujourd’hui de démissionner, c’est parce que j’ai maintenu Raymond Domenech à la tête de l’équipe de France en 2008. Tout le reste n’est que mauvaise littérature. Si j’avais cédé alors à l’opinion publique et aux médias, il n’y aurait pas eu la longue campagne de déstabilisation qui a abouti à tout cela – car c’est vrai que sous l’apparence d’un groupe uni, un feu couvait. Le maintien de Raymond Domenech a été un choix, et ce choix, je l’assume car je m’étais entouré auparavant des avis de toutes les sommités du football et des joueurs. Puis sans doute ai-je une idée désuète de la loyauté : dès lors que j’avais dit à Raymond Domenech qu’il était maintenu, je n’allais pas revenir là-dessus. Nous avons tout encaissé. Les choses se sont mal passées et tout est aussi venu de là, j’en suis intimement persuadé.

L’éducation de ces enfants, sortis trop tôt de leur milieu familial, habitués trop tôt à l’argent facile sans avoir le sens des responsabilités, est un autre problème qu’il faudra aborder. Dès le lendemain, téléphonant qui à leurs compagnes, qui à leurs parents, qui à leurs clubs, ces enfants, car ce sont des enfants, ont mesuré la portée de leur geste et se sont mis à raser les murs. Ils se sont entraînés comme jamais ils ne l’avaient fait. Mais c’est dès le dimanche qu’ils auraient dû comprendre tout cela et mettre fin à cette pantalonnade, qui nous a ridiculisés dans le monde entier, et dont l’image me poursuivra jusqu’à la fin de mes jours.

Il serait catastrophique que la réforme à venir aboutisse à ce que l’équipe de France échappe à la FFF. D’une part, la FIFA et l’UEFA, qui ne connaissent que les fédérations, ne l’accepteraient jamais. Par ailleurs, les ligues et districts amateurs dont j’ai réussi à décupler les revenus depuis mon arrivée à la tête de la Fédération, n’auraient plus d’argent : 90 % des recettes fédérales, issues des subventions des sponsors et des équipementiers, ainsi que des droits de diffusion télévisée, vont au football amateur, sous une forme ou une autre.

Certains d’entre vous ont évoqué le spectre d’une OPA du football professionnel sur la FFF. Certains prétendent aujourd’hui que ce n’est pas grâce à moi que la France a obtenu l’Euro 2016 mais grâce à Jacques Lambert ou bien encore que ce n’est pas moi qui ai redressé les comptes mais Noël Le Graët. Ils ont raison, ce sont bien ces hommes qui ont travaillé là-dessus mais parce que je les avais choisis et leur avais délégué ces tâches, en toute confiance – et à juste titre. Je ne pouvais pas faire tout tout seul et il ne me gêne pas de dire que je ne serais pas parvenu à obtenir l’Euro 2016 sans Jacques Lambert ni à assainir la situation financière sans Noël Le Graët. Peut-être un jour reconnaîtra-t-on que j’ai professionnalisé la FFF, où travaillent désormais deux cents personnes dans les domaines juridique, financier, sportif… Celles-ci ne sont pas élues, mais exercent leur métier avec une grande compétence et un grand professionnalisme. Nous sommes d’ailleurs assez enviés sur le plan international.

Si je n’avais qu’une seule proposition à faire, je dirais qu’il faut modifier la gouvernance afin de la rendre plus efficace, sans casser la FFF ni mettre à bas certains principes qui ont tout de même permis que la France soit championne du monde en 1998, championne d’Europe en 2000 et vice-championne du monde en 2006. Ce palmarès n’est pas nul et beaucoup de pays n’en ont pas de tel.

S’agissant de la réception de Thierry Henry à l’Élysée, je ne ferai aucun commentaire comme je n’en ai jamais fait ni sur Mme Bachelot, ni sur Mme Yade. Il ne faut pas mêler les genres et chacun doit rester à sa place. Citoyen français, je reconnais les autorités de ce pays. J’ai partagé plusieurs moments avec Mme Bachelot, notamment deux dîners avec le staff au cours desquels elle a pu voir à qui elle avait affaire. Nous avons évoqué ces questions de gouvernance. Je la respecte et j’ai avec elle de bonnes relations. Elle a assisté à mes côtés aux deux derniers matchs. Je puis dire combien tous deux étions malheureux.

Avant de laisser la parole à Raymond Domenech, je voudrais dire quelques mots de sa fragilisation, que certains d’entre vous ont évoquée. Son contrat prenait fin en 2010, comme nous en étions convenus. La qualification de notre équipe pour la Coupe du monde avait été peu glorieuse – il faudra d’ailleurs se demander si nous avons une grande équipe de football avec de grands joueurs. Ce n’est pas moi qui me le demande, mais Michel Platini. N’a-t-on pas surfé trop longtemps sur la vague de 1998 pour croire au Père Noël ? Beaucoup de nos joueurs se relevaient tout juste de blessure, d’autres n’étaient pas titulaires dans leur club étranger. Un peu de modestie serait sans doute nécessaire.

Après cette qualification par la petite porte en novembre dernier, il me fallait prévoir l’avenir, ce que j’ai fait. Trois options m’avaient été suggérées. La première était d’attendre la fin de la Coupe du monde pour choisir le nouveau sélectionneur. Imaginez que nous en soyons aujourd’hui à ce stade : le psychodrame actuel en serait renforcé et qui trouverions-nous pour prendre le relais ? Une autre option, m’avait-on dit alors, aurait été de faire le choix sans le révéler. Peut-on croire sérieusement que cela aurait été possible ? Dans le monde où nous vivons, je ne peux pas dire un mot dans mon bureau sans que tout se retrouve dans la presse dès le lendemain. Si on avait vu les Girondins de Bordeaux, puisqu’il s’agissait de Laurent Blanc, prendre contact avec Jean Tigana en avril ou mai, chacun aurait su de quoi il retournait.

La troisième option, celle que j’ai retenue, était qu’il fallait choisir le nouveau sélectionneur avant la Coupe du monde. J’aurais aimé que cela se passe mieux et ne suscite pas tout ce tohu-bohu. Mais je puis vous assurer qu’à aucun moment, les joueurs, et je le sais pour les avoir côtoyés, n’ont été déstabilisés de ce fait. Aucun d’entre eux ne sait qui l’entraînera l’an prochain dans son club, ni même s’il restera dans ce club. Ils sont habitués à ce genre d’incertitude : ce n’est pas cela qui peut les désarçonner. Et ce n’est certainement pas ce qui peut expliquer qu’ils ne fassent pas tout pour le maillot bleu, l’équipe de France et celui qui les a sélectionnés. Ceux qui ont été retenus devraient être reconnaissants au sélectionneur. Raymond Domenech vous dira peut-être ce qu’il est allé dire à Nicolas Anelka à Londres et à Thierry Henry à Barcelone. Il avait pris ses précautions et s’il se sent aujourd’hui quelque peu trahi, il n’a pas tout à fait tort.

M. Raymond Domenech. Si j’ai bien compris le pourquoi de cette audition, c’est que l’image et l’honneur de la France, auxquels nous sommes tous très attachés, ont été bafoués. Je partage totalement cet avis : la mascarade à laquelle nous avons dû assister n’est pas acceptable.

Monsieur Copé, nous nous sommes qualifiés en novembre, de façon certes peu glorieuse avec cette main de Thierry Henry. À cette occasion, M. Parreira a été le premier à agresser la France dans la presse, n’hésitant pas à qualifier de « honteuse » sa qualification, et à traiter Thierry Henry, qui détient le record du nombre de buts marqués en équipe de France, de « tricheur ». Imaginez ce qui se serait passé si j’avais tenu des propos semblables sur un autre pays !

Or, toute la France bien-pensante, si prompte à faire la morale, n’a rien trouvé à redire aux accusations de M. Parreira. J’aurais sans doute dû être hypocrite, comme tous ceux qui s’insultent tout en continuant à s’asseoir à la même table pour dîner. Mais ce ne sont pas là mes valeurs.

Il est important pour moi de défendre l’image de l’équipe de France. Je n’ai sans doute pas mesuré l’impact médiatique négatif de mon geste. Mais M. Parreira, tout champion du monde qu’il a été avec l’équipe du Brésil, n’avait pas le droit d’insulter l’équipe de France ni ses joueurs. J’aurais sans doute dû le lui dire directement et plus discrètement.

Mais dans notre « bulle » à dix mille kilomètres de la France, avec l’énorme pression que nous avions sur les épaules, j’avoue n’avoir pas eu la présence d’esprit de penser que l’hypocrisie était préférable.

Mieux aurait peut-être valu serrer la main de Parreira puis lui tourner le dos. Mais, je ne pouvais pas. Telle n’est pas ma nature. Je ne pouvais pas oublier ce qu’il avait dit pour nous déstabiliser – car c’était bien l’objectif, son équipe se trouvant dans notre poule de qualification.

Et hélas, comme nous nous en sommes vite aperçus, tous les arbitres, toutes les instances avaient bien entendu ces propos. Jamais, pour ma part, je n’ai critiqué un seul entraîneur adverse, notamment parce que je sais la difficulté de ce métier. Chaque fois qu’on m’interroge sur une équipe adverse, je renvoie vers son entraîneur, estimant que je n’ai pas de jugement à porter.

J’estime aussi, faisant cela, défendre la corporation des entraîneurs et des sélectionneurs, qui font vraiment un métier de fou car c’est un métier de fou que d’accepter de prendre des coups à longueur de journée, d’assumer tout à la place des autres sans jamais broncher, d’essayer de bâtir une équipe sans ouvrir de brèches par lesquelles pourraient s’engouffrer des courants d’air préjudiciables à tous.

Ma réaction n’était peut-être pas glorieuse, mais j’ai défendu des valeurs, les miennes et celles de l’équipe de France. On n’a pas le droit d’insulter l’équipe de France, surtout quand on est soi-même entraîneur. On m’a conseillé, si c’était à refaire de jouer l’hypocrite. Honnêtement, je ne sais pas… C’est plus fort que moi. Je me dis qu’il faudrait faire preuve de plus intelligence et réussir à passer par-dessus tout cela. Mais je ne dois pas être très intelligent car il est des moments où je n’y arrive pas. C’est ainsi.

Que s’est-il passé dans le vestiaire ? m’a demandé M. Muselier. Quelqu’un a ébruité à l’extérieur des propos qui n’auraient pas dû franchir la porte de ce vestiaire et tout est, hélas, parti de là. À la mi-temps, j’ai fait une remarque technique à un joueur, lui expliquant que j’attendais autre chose de lui sur le terrain, comme il me paraît logique que le fasse un entraîneur. Pourquoi s’est-il senti visé personnellement à ce point ? La pression n’y est sans doute pas étrangère. Il n’avait pas marqué depuis quatre matches qu’il occupait le poste d’avant-centre, poste particulièrement difficile et exposé. Il a réagi à ma remarque par des mots malheureux.

La première sanction, sportive, c’est moi qui l’ai prise en le faisant sortir, alors que je n’avais pas prévu initialement de procéder à un changement aussi tôt. Mais on ne peut pas accepter qu’un joueur se comporte de la sorte dans un vestiaire, à l’égard de qui que ce soit. Cela aurait toutefois dû rester entre nous et se régler le lendemain entre lui et moi. Si cela n’avait pas été ébruité, on aurait évité l’hystérie collective qui s’en est suivie.

Mais dès lors que les faits avaient été racontés à l’extérieur, j’ai été totalement solidaire de la Fédération. Celle-ci ne pouvait accepter, notamment vis-à-vis des milliers de jeunes qui pratiquent le football et de leurs entraîneurs, que l’on puisse ainsi insulter l’autorité. Il ne s’était pas passé grand-chose : une réaction épidermique d’un joueur, qui jette ses chaussures et use de son vocabulaire à lui, ma décision de le faire sortir, rien de plus. Or, cela a pris des proportions incroyables, uniquement parce qu’il y a eu une « taupe » qui, elle, demeurerait impunie. Voilà ce que les joueurs ont trouvé le plus insupportable. C’est ainsi pour cette génération-là et il nous faut admettre que nous ne sommes pas de la même génération. Pour eux, la loyauté au groupe est une valeur fondamentale.

Vous m’avez demandé s’il y avait des problèmes de religion ou de race dans cette équipe. Jamais je n’entrerai dans ces considérations. Jamais je n’ai sélectionné un joueur en fonction de sa couleur de peau ou de sa religion. Une fois le maillot bleu enfilé, il l’emporte sur tout le reste. L’équipe de France, c’est un creuset.

M. Jean-Pierre Escalettes. Pourquoi aucune sanction n’a-t-elle été prise à l’encontre des joueurs, monsieur Rogemont ? Le futur sélectionneur va analyser la situation et si sanction il doit y avoir, vous savez quelle elle sera. Anelka a de lui-même décidé qu’il ne porterait plus jamais le maillot bleu…

M. Alain Néri. Ce n’est pas à lui de décider !

M. Jean-Pierre Escalettes. Bien entendu. En tout cas, ni moi-même ni mon successeur, ni le futur sélectionneur n’oublieront ce qui s’est passé et tout le monde veillera à ce qu’il ne puisse plus jouer en équipe de France.

Nous n’en sommes pas à l’heure des sanctions. Je n’ai pas encore, pour ma part, d’analyse précise des responsabilités de chacun. Ce temps viendra, et déjà des lignes bougent. Raymond Domenech sait mieux que moi ce qui s’est passé dans le vestiaire. Moi, je sais seulement ce qui s’est passé dans l’autobus.

M. Marc Bernier. Vous n’avez pas répondu sur la Marseillaise !

M. Patrice Debray. Le lendemain du match France-Afrique du Sud, un quotidien sportif belge a titré « Le jour de honte est arrivé », sur fond d’une photo de l’arbitre brandissant un carton rouge face à un Yoann Gourcuff au regard désespéré. Les larmes aux yeux, je me suis dit que je partageais cette honte avec des millions de Français. Nous touchions le fond. Depuis ma plus tendre enfance, je n’ai manqué aucun match de l’équipe de France. La voir dans cet état est très douloureux. Je souhaite de tout cœur que, pendant l’Euro 2016, nous puissions chanter « le jour de gloire est arrivé ».

Au cours des états généraux du football, voulus par le Président de la République, nous déclinerons cet automne les enseignements de la crise. Chacun, Fédération française de football, sélectionneur, entraîneurs, staff de l’équipe, mais aussi joueurs, porte sa part de responsabilité et doit en tirer les conséquences. Je souhaite aussi que l’Assemblé nationale puisse auditionner certains joueurs. Être sélectionneur n’est pas facile. Laurent Blanc, qui va succéder à Raymond Domenech, le sait mieux que quiconque : le début de saison exemplaire de Bordeaux n’a pas tenu ses promesses. Loin de jeter la pierre à la Fédération, nous devons au contraire l’apporter à l’édifice pour la réussite des états généraux.

M. Patrick Roy. Je suis moi aussi assez mécontent du huis clos d’aujourd’hui.

À mon sens, l’image donnée par notre équipe, tout à fait déplorable pour la France, a pour cause le comportement de stars capricieuses – se limitent-elles vraiment aux joueurs ? – qui vivent dans leur bulle et ne touchent plus terre. Comment faire revenir sur celle-ci les futurs joueurs de l’équipe de France de football ? Est-ce même possible ?

Les volumes financiers colossaux que brasse le football provoquent l’oubli total des valeurs sportives, nationales et républicaines. Je ne serais pas choqué que les joueurs de l’équipe de France ne soient pas rémunérés pour leurs matches sous le maillot bleu. Il les valorise dans leurs clubs !

Par ailleurs, le sélectionneur nous dit exercer un métier de fou. Mais il existe d’autres métiers de fous. Ne pourrait-il se contenter d’un traitement de député ou de ministre ?

M. Bernard Debré. Alors que la Coupe du monde de football aurait dû être une fête pour la France, elle s’est transformée en mascarade honteuse.

Monsieur Escalettes, je ne vous critiquerai pas : avoir réussi à équilibrer les comptes, à réunir des sponsors, et à faire organiser en France l’Euro 2016 n’était pas facile.

Monsieur Domenech, pourquoi, alors que depuis des années, nous constatons un malaise dans l’équipe de France, dont certains joueurs ne serrent plus les mains des supporteurs, attribuer cette responsabilité à la presse ? Ne construisez-vous pas un psychodrame artificiel ?

Beaucoup d’entre nous, qui aimons le football et lisons la presse, avons déjà alerté sur le caractère autiste, renfermé et méprisant de l’équipe de France, par ailleurs richissime. Pourquoi avoir conservé une telle équipe ? Personne n’avait le cœur d’en être supporteur.

Pour vous, les politiques ont-ils un rôle à jouer dans la réforme des fédérations ? Pensez-vous, comme Jean-Michel Aulas, qu’il faut mieux regrouper et associer les professionnels et les amateurs de façon à éviter que ceux-ci ne soient oubliés ?

La presse, monsieur Domenech, ne fait que refléter la réalité. L’ambiance dans l’équipe était délétère, désastreuse. Comment avez-vous pu accepter la grève des joueurs ? Pourquoi avez-vous perdu l’autorité ? Nombreux sont ceux, qui, avec moi, se posent cette question.

Mme Monique Boulestin. Monsieur le président Escalettes, le 31 mars dernier, vous nous aviez déjà indiqué que la maison football reposait sur deux piliers, le football amateur et le football professionnel et que le travail de fond était effectué par les quelque 18 000 clubs et 2 200 000 licenciés. Vous avez exposé que le football amateur dépendait des résultats de l’équipe de France. Vous nous avez assuré que le maintien de M. Domenech était une décision mûrement réfléchie, procédant de principes parmi lesquels figurait le respect des contrats signés. Aujourd’hui, monsieur le président, toujours fidèle à vos principes, vous démissionnez pour – je vous cite – faciliter l’évolution de l’institution.

Ne pensez-vous pas, au regard des évolutions du football, que l’élection de votre successeur au suffrage direct par les clubs, sur la base d’une péréquation en fonction de leur nombre de licenciés et leur classement pourrait remédier aux inconvénients du système actuel ? La mise en place d’un conseil fédéral, sorte d’organe de contrôle de la politique fédérale, déjà possible en théorie, ne serait-elle pas une issue judicieuse ?

M. Jean-Pierre Escalettes. J’ai créé la ligue du football amateur pour qu’elle soit le contrepoids de la ligue professionnelle. Je l’ai présidée plusieurs années. En ma qualité de président de cette ligue, j’avais proposé à la ministre de l’époque, Mme Buffet, d’aller, à titre expérimental, dans le sens que vous indiquez. Cependant, les événements actuels prouvent que suivre cette voie comporte un risque terrible, celui d’une OPA sur le football de la part de personnes qui n’ont rien à y faire mais qui, grâce à leur aura, leur charisme, leur notoriété – l’appui de la presse aussi – pourront s’emparer d’une Fédération qui doit rester celle des licenciés. Mes successeurs ne seront fermés à aucune idée. Cependant, certaines possibilités d’évolution dépendent de la loi. La FFF n’est pas la seule fédération sportive de France !

M. Jean-Jacques Gaultier. Monsieur Domenech, vous représentez, nous dites-vous, l’autorité sportive. Or, je n’ai vu ni autorité ni sport. Vous auriez aussi toujours protégé les joueurs. David Trezeguet et quelques autres auraient-ils la même appréciation ? Nous ne sommes pas là pour parler de l’échec pitoyable de la tactique et du choix des joueurs. C’est votre domaine de compétence. De plus, l’acceptation de la défaite est inhérente à l’esprit du sport. En revanche, celui-ci comprend aussi le respect de l’adversaire, du public et de la nation. Est-ce trop demander que l’hymne national soit écouté sans ricanements bêtes ou sans chewing-gum ostensiblement mâchés ? Comment pouvez-vous refuser, sous les yeux de la planète entière, de serrer la main du sélectionneur adverse, celui du pays hôte qui plus est ? Comment pouvez-vous vous faire le porte-voix de millionnaires grévistes ?

Dans l’histoire les vaincus sont parfois plus grands que les vainqueurs : au concours des grands hommes, Napoléon l’emporte toujours sur Wellington. Le sport nous offre d’autres exemples, l’équipe de Saint-Étienne à Glasgow, l’équipe de France à Séville, ou le jeune Nicolas Mahut à Wimbledon, battu mais grandi. J’espère que son exemple pourra vous inspirer à l’avenir.

M. Michel Françaix. Madame la présidente, je voudrais encore regretter ce huis clos. La sincérité du président de la Fédération m’a touché. Même si je ne reprends pas à mon compte les arguments du sélectionneur, ils méritaient d’être entendus. C’est la première fois que les échanges sur ce thème évitent la langue de bois, et je regrette que la presse n’ait pu assister à ces moments de sincérité et de réalisme.

Quel est le reproche fait à l’équipe de France ? D’avoir perdu au premier tour ? Hors quelques épisodes, dominés par Kopa, Platini, Zidane, l’équipe de France a souvent connu des périodes creuses. C’est une belle, mais non pas une grande équipe de football : contrairement à l’escrime ou au judo, notre pays n’est pas l’un des cinq ou six acteurs majeurs de ce sport. Par ailleurs, les résultats de l’équipe d’Italie sont aussi piètres que les nôtres, sans que cela ait donné lieu aux mêmes errements.

Peut-être est-ce l’envie qui faisait tout simplement défaut.

Un orateur polémique pourrait aussi faire part de son incompréhension devant la focalisation des préoccupations de la secrétaire d’État sur la qualité des chambres ou le discours moralisateur de la ministre et ses interventions dans des domaines qui n’étaient peut-être pas tout à fait les siens. L’apothéose, ce fut l’idée que la réception de Thierry Henry par le Président de la République aurait réglé la crise.

Repères, valeurs, éducation, éthique sont mis désormais en avant. Je suis heureux de voir s’éloigner un peu les termes comme « fric », « business », « agents » et « paris ». Monsieur le président, la Fédération française de football ne court-elle pas le risque d’être cassée par une OPA des professionnels ou encore par l’ingérence de l’État ? Cela ne ferait qu’empirer la situation.

M. Jean Roatta. Messieurs Escalettes et Domenech, merci d’être ici tous les deux, merci pour votre courage. Les députés ici présents aiment le football. Je suis moi-même un supporteur enthousiaste de l’équipe de France.

Selon M. Alain Porcu, le président de la Ligue de la Méditerranée de football, tout se ramène à 23 inconscients. Le mode de sélection est-il adapté ? Si ce sont bien les meilleurs qui sont choisis, ils peuvent, au moment où ils jouent, ne pas être au mieux de leur forme, être fatigués. Ne faudrait-il pas aussi privilégier des joueurs qui jouent dans des équipes françaises ?

De plus, monsieur le président, à part vous, peu de membres du Conseil fédéral s’expriment, sauf peut-être pour émettre des critiques. Ne privilégient-ils pas le sport professionnel au détriment du sport amateur ?

Monsieur Domenech, pourquoi avoir changé de capitaine ? Thierry Henry aurait pu être le grand frère de cette équipe de jeunes, très bien rémunérés, mais un peu inconscients.

Mme Martine Martinel. Monsieur le président Escalettes, monsieur Domenech, vous avez parlé de comportements d’enfants gâtés et pourris, d’éducation. Quelles seraient vos suggestions pour que le mode d’éducation et de formation des joueurs en fasse des adultes responsables ?

M. Jean-Pierre Escalettes. L’éducation et la formation sont des points essentiels. Si nous n’avions pas prévu les événements, nous sentions fortement un besoin dans ce domaine. Gérard Houiller, le directeur technique national, a commencé avec ses adjoints à modifier le mode d’encadrement des sélections. Entrant en sélection entre 15 et 17 ans, les jeunes doivent prendre des habitudes, apprendre la fierté de porter le maillot de l’équipe de France. Voilà bien longtemps que les dérives ont commencé. Il faut que d’anciens joueurs, comme Lilian Thuram, qui effectue le tour des sélections, leur expliquent leur amour du maillot. Le travail de formation à accomplir pour modifier l’attitude des nouvelles générations est considérable. Aujourd’hui, ces « enfants » quittent notre pays pour l’étranger entre 17 et 20 ans, munis de confortables chèques. Si, auparavant, le sens de l’amour du maillot ne leur a pas été inculqué, ce n’est pas dans leur exil doré qu’ils l’apprendront.

Cela dit, l’approche du sélectionneur, c’est de choisir non seulement le meilleur techniquement mais celui qui réussira le mieux dans le groupe. Parfois, il se trompe. Qui ne fait pas d’erreur ?

M. Alain Néri. L’erreur est humaine. Mais persévérer dans l’erreur, c’est diabolique !

M. Philippe Meunier. La situation dépasse largement la Coupe du monde. Nous payons des années de mauvais fonctionnement. Dans nos circonscriptions, le dimanche, sur nos terrains de football, nous voyons des parents insulter le sélectionneur du club amateur parce que leur enfant n’est pas sélectionné en équipe première : leur rêve, c’est que grâce au football, il puisse gagner beaucoup d’argent ! Telle est aujourd’hui la réalité du football ; j’en suis écœuré.

Je suis aussi inquiet. Je vous ai questionné, il y a plusieurs mois, sur le respect des symboles républicains. Les mots que nous avons pu lire traduisent de la violence. Même s’il n’est pas sûr qu’ils soient précisément ceux qui ont été prononcés, il y a eu insulte. Des présidents viennent aussi me faire part de leur inquiétude devant le développement d’un communautarisme effréné dans leurs clubs.

Enfin, la modestie est de mise. Si la Fédération internationale de football association (FIFA) a raison de refuser l’ingérence des politiques dans l’organisation du football, elle ne doit pas oublier l’origine des milliards d'euros qu’elle brasse. Le football, ce sont aussi des investissements publics massifs et l’effort des contribuables de chaque collectivité territoriale de France pour créer et entretenir des terrains.

Enfin, est-il exact que des agents « tournent » autour de l’équipe de France ? Si oui, quel est leur rôle exact ? Ont-ils un impact sur la sélection des joueurs ?

M. Jean-Pierre Escalettes. Il n’existe pas d’agents qui « tourneraient » autour de l’équipe de France. Il nous est au contraire beaucoup reproché d’avoir isolé et enfermé ses joueurs. Nous avons voulu les préserver.

En revanche, qu’autour de nos petits stades de banlieue ou de campagne, des recruteurs fassent miroiter à des parents parfois en difficulté financière des projets d’avenir radieux pour leurs enfants dans le football est exact. Vous devriez sur ce point entendre M. Fernand Duchaussoy, président de la Ligue fédérale du football amateur. Je pense que ses propos recouperaient largement les miens.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Nous l’entendrons avec plaisir.

M. Hervé Féron. Messieurs, peut-être à contre-courant, je vous félicite de votre courage et de votre dignité. Les difficultés évoquées aujourd’hui sont anciennes et structurelles. Je parlerai, pour rejoindre vos expressions, du syndrome de l’enfant gâté. Bien avant l’arrivée de Raymond Domenech, un blocage avait été créé par une affaire de marque sur les chaussures.

Par ailleurs, il ne faut pas sous-estimer la fragilisation du sélectionneur. Il est aujourd’hui possible d’écrire dans la presse française à peu près tout sur lui. L’indignité de certains articles ne l’a pas aidé à exercer l’autorité nécessaire !

Monsieur le président, je vous ai rencontré, en compagnie du maire de Nancy, pour la préparation de la candidature de la France à l’Euro 2016. Puisque vous quittez vos fonctions sur un événement négatif, permettez-moi de vous féliciter de votre travail et de vos résultats : j’ai trouvé en vous un bénévole particulièrement professionnel.

Comment mettre fin au comportement d’enfants gâtés des joueurs ? D’abord, il faut bien constater que la moyenne d’âge des équipes qui parviennent aux quarts de finales est beaucoup moins élevée que celle de l’équipe de France ; peut-être que, plus le footballeur professionnel prend de l’âge et affirme sa réussite, plus ses exigences sont élevées et son fonctionnement proche de celui d’un enfant gâté. Ensuite, pour apporter rigueur et exigence, ne faudrait-il pas proposer aux joueurs qui postulent à l’équipe de France des quasi-contrats ? La participation à l’équipe de France ne devrait-elle pas être moins rémunérée ?

Enfin, les élus locaux doivent souvent affronter, de la part des districts ou de la Fédération, des exigences incroyables pour faire jouer leurs petits clubs. Les aides de la Fédération ne sont pas au niveau de ses exigences. Or, nous en avons besoin pour investir, faire fonctionner les clubs et former les cadres.

M. Jean-Pierre Escalettes. Selon Arsène Wenger, l’entraîneur d’Arsenal, la majorité des trente-deux équipes présentes au Mondial étaient au bord de l’explosion. Si l’équipe de France a explosé, elle n’était donc pas la seule menacée.

Il existe une charte destinée aux joueurs. Je peux vous la communiquer. Avant le match contre l’Argentine, nous la leur avons fait signer. Nous avons commis l’erreur de ne pas procéder ainsi avant la Coupe du monde.

Monsieur Féron, vous avez raison sur la capacité de la presse à blesser de façon indigne l’encadrement de l’équipe. Un journal a fait de moi « un lutin au visage de ramoneur halluciné ». Les limites sont franchies.

M. Alain Marc. J’ai été atterré par l’indigence de la capacité d’analyse, de la compréhension du monde et de l’esprit critique de certains joueurs de l’équipe de France. Cette affaire nous renvoie à la fois à leur formation générale et à la formation dans les clubs. Avoir un tel comportement infantile, ne pas chanter la Marseillaise est le signe d’un manque de valeurs.

Comment la Fédération française de football peut-elle obtenir des clubs qu’ils assurent à leurs jeunes une formation générale qui leur permette d’appréhender le monde autrement qu’à travers le seul prisme du football, et qui en fasse des individus et des citoyens responsables ? J’espère que le ministère de l’éducation nationale s’intéresse à la formation dans les clubs. La formation générale des joueurs est insuffisante. L’excès de protection dont ils bénéficient les gêne pour leur appréhension du monde.

M. Yvan Lachaud. Monsieur Escalettes, si vous avez le droit de ne pas chanter la Marseillaise, ceux qui sont sur le terrain en ont, me semble-t-il, le devoir. Comment des joueurs qui ont la chance de faire partie de l’équipe de France peuvent-ils en venir à donner une telle image de notre pays ?

Monsieur Domenech, le joueur dont les propos injurieux ont été rapportés dans la presse méritait d’être sanctionné. L’équipe de France doit donner l’exemple aux jeunes de notre pays. Comment les joueurs ont-ils pu donner, aux jeunes mais aussi aux adultes, un tel exemple de désobéissance ? Vous avez forcément perçu les prémices d’une telle attitude. À un tel niveau de professionnalisme, elle n’est pas acceptable. Dans l’avenir la charte doit être assez précise pour permettre des sanctions beaucoup plus larges que celles qui ont été prises. Ne laissons pas impunis les joueurs responsables. La sanction ne doit pas en concerner qu’un seul. Ils ont une obligation d’exemplarité envers tous les pratiquants du sport sur notre territoire.

M. Philippe Vuilque. Nous devons rendre dommage à Jean-Pierre Escalettes pour son action au profit du football français. Quel dommage de terminer sur une note aussi déplorable ! Pour autant, la réaction médiatique et politique est absolument disproportionnée. La société française a d’autres soucis. Mais, c’est vrai, c’est l’un de ses traits que de faire prendre une telle dimension à un événement qui n’aurait jamais dû dépasser le monde du football. En Italie, l’élimination de l’équipe nationale n’a pas pris la même dimension.

L’équipe de France me semble souffrir non seulement de difficultés dans l’exercice de l’autorité – excusez-moi, monsieur Domenech – mais aussi en matière d’éducation : manifestement, les joueurs ne se sont pas montrés capables de comprendre ce qui leur était dit.

Les sanctions n’auraient-elles pas dû être plus fortes ? Dès lors que – soyons clairs – la France n’avait plus aucune chance de qualification face à l’Afrique du Sud, ne fallait-il pas aligner une équipe bis, composée de jeunes ? Sepp Blatter l’a dit, contrairement aux autres équipes, aucun joueur de l’équipe de France n’a moins de 23 ans. La situation n’offrait-elle pas l’occasion de faire entrer sur le terrain les jeunes qui n’avaient pas joué, et de faire savoir ainsi aux joueurs rebelles que l’autorité, c’était celle du sélectionneur et de la FFF ?

M. Jean-Pierre Escalettes. La non-sélection pour le match contre l’Afrique du Sud de certains joueurs, qui pourtant n’étaient pas blessés, ne doit absolument rien au hasard.

M. Philippe Vuilque. C’est une minorité qui n’a pas été sélectionnée.

M. Jean Grenet. J’ai présidé quinze ans l’Aviron Bayonnais Football Club, club amateur dont sont issus, entre autres, les joueurs Didier Deschamps et Christian Sarramagna. Mon fils a effectué une carrière professionnelle pendant quinze ans.

La qualité des générations de footballeurs varie. L’actuelle n’est pas exceptionnelle. Je me sens néanmoins interpellé par les critères de sélection. On a l’impression que si les critères techniques et physiques sont là, on oublie, à tort, l’intelligence – tous les grands champions sont intelligents – l’éducation, la moralité, la motivation, l’amour du maillot. Pour éviter la reproduction des événements que nous venons de connaître, ces éléments doivent de nouveau faire partie des motifs de choix du sélectionneur.

En 1998, avec Deschamps, Zidane, Thuram, Petit, Lizarazu, Blanc, Viera, Pires, Henry, l’équipe sélectionnée par Aimé Jacquet était presque capable de se gérer seule. Aujourd’hui, Ribéry, Anelka, Gallas, Abidal, Evra sont des individualités très particulières. Le reproche qui pourrait être fait au sélectionneur serait finalement d’avoir sélectionné une équipe ingérable ! Que l’équipe de France soit battue, soit, mais qu’elle soit composée de joueurs fidèles aux vertus du sport plutôt que d’individualités qui les méprisent et, finalement, ridiculisent la France ! Aujourd’hui, c’est le comportement des joueurs qui nous fait toucher le fond.

Monsieur le président Escalettes, vous qui avez consacré votre vie au football, vous ne méritiez pas de le quitter ainsi. C’est très largement grâce à votre action que l’Euro 2016 se déroulera en France.

Monsieur Raymond Domenech, je ne participerai pas au lynchage. Tout homme est fragile, et encore plus lorsqu’il occupe un poste exposé. Sachons raison garder.

Enfin, le président Escalettes a raison, il faut maintenir les fédérations. J’ai participé plusieurs années au comité directeur de la Fédération française de rugby, et je sais que les fédérations offrent une garantie contre les dérives.

Cela dit, nous devons tirer les leçons du comportement inadmissible de ces jeunes.

Mme la présidente Michèle Tabarot. Je suis au regret de signaler que l’horaire m’empêche d’accepter la dizaine de demandes d’interventions supplémentaires dont je suis saisie.

M. Raymond Domenech. Je m’élève en faux contre l’idée que je n’aurais pas assumé l’autorité qui me revenait. Je l’ai assumée jusqu’au bout. Ce qui s’est passé ce jour-là est inexplicable. Pour autant, ce type d’attitude n’est pas absolument étranger au fonctionnement des générations qui arrivent maintenant dans le football de haut niveau. C’est une question d’éducation.

Voici dix ans que, à la Fédération ou ailleurs, je tire la sonnette d’alarme sur nos méthodes de sélection. Qu’un joueur de cet âge et de ce niveau professionnel en arrive à insulter montre les défaillances d’éducation en amont. Dans les structures du football, un travail doit être conduit sur le recrutement et l’éducation.

Lors de chaque match, j’explique aux joueurs que chanter la Marseillaise fait partie des exigences auxquelles ils doivent répondre, et que leur image en dépend. Mais comment contraindre ceux qui s’y refusent ? Leur appliquer un pistolet sur la tempe ? Leur envoyer la police ? Les mettre en prison ?

Mme Claude Greff. Les virer !

M. Michel Herbillon. C’est là toute la question de l’autorité.

M. Alain Néri. Vous êtes payé pour diriger !

M. Raymond Domenech. Au passage, je n’accepte pas d’être traîné dans la boue du fait de mes revenus. Mon salaire correspond au SMIC des sélectionneurs dans le monde ! Une liste a été établie. Personne n’a le droit de m’agresser sur ce point.

Lors de la finale de la Coupe du monde de 2006, certains joueurs ne voulaient pas chanter la Marseillaise, au motif qu’ils ne la connaissaient pas. Le matin de la finale, au petit-déjeuner, Lilian Thuram en a distribué des photocopies. Pourtant, les jeunes sont en sélection à partir de 16 ans. J’ai moi-même appris la Marseillaise à l’école. Les élèves l’y apprennent-ils aujourd’hui ?

Mme la présidente Michèle Tabarot. Oui, de nouveau, progressivement.

M. Raymond Domenech. Si l’on veut que la Marseillaise soit chantée, il faut que les jeunes la connaissent et en aient l’habitude. Comment pourrais-je justifier de refuser de sélectionner un joueur parce qu’il ne chante pas la Marseillaise ? Pendant six ans, mes sélections ont déjà suffisamment été contestées. Pour moi, les critères de sélection ce sont d’abord la qualité des joueurs et leur potentiel. L’exigence du sélectionneur, c’est d’abord le résultat ! L’éducation se situe quand même en amont de la sélection ! Ce n’est pas à l’âge de trente ans que l’on comble la lacune que je constate moi aussi, comme vous, mais à 16 ou 17 ans. Nous avons du travail en ce sens. Toutes les structures d’éducation et de sport doivent intervenir pour que la question ne se pose plus. Un joueur qui porte le maillot de l’équipe de France devrait chanter de lui-même la Marseillaise. Signer avant une compétition un papier d’adhésion aux valeurs de l’équipe de France ne devrait pas être nécessaire.

Si j’avais exclu de l’équipe les joueurs qui ne chantaient pas la Marseillaise, elle n’aurait plus compté que quatre joueurs ! D’ailleurs, Michel Platini ne la chantait pas. Cela ne l’a pas empêché de gagner. Ce qui fera gagner une équipe qui perd, ce n’est pas de chanter la Marseillaise ! Si l’image donnée par une équipe qui ne chante pas l’hymne national est dévalorisante, y remédier relève de l’éducation. Mon travail à moi, c’est d’obtenir les meilleurs résultats possibles. Je sais, lorsque je sélectionne certains joueurs, qu’ils ne chantent pas la Marseillaise.

M. Henri Nayrou. Ne regrettez-vous pas de ne pas les avoir exclus ?

M. Raymond Domenech. Si je regrette certains de mes choix je ne suis pas sûr que d’autres ne m’auraient pas conduit vers les mêmes difficultés. Quels que soient les joueurs retenus, c’est une expérience qui est engagée. Elle est vécue ensemble. Bonne ou mauvaise, c’est à son issue qu’on en tire le bilan. Qui peut savoir si d’autres choix de joueurs auraient pu modifier les résultats ?

M. Jean-Pierre Escalettes. Merci de nous avoir écoutés. J’espère que le football comptera toujours, comme aujourd’hui, de fidèles soutiens. Je vous remercie de vos paroles envers mon action à la présidence du Conseil fédéral. Il reste que tout cela est mort pour moi un dimanche après-midi, sur un terrain de football.

Les dirigeants du football français, notamment Gérard Houiller, vont devoir réformer la formation non pas des joueurs de sélection mais de leurs éducateurs. Un éducateur ne doit plus se contenter d’apprendre à tirer les corners, à gérer les amortis. Au-delà des gestes techniques du football, il doit être aussi un enseignant d’éléments de base. Je suis conscient de ce qui se passe dans les villages et les petits clubs.

Cet après-midi-là, je me suis rendu compte que j’étais devant un mur. Toute mon action de professeur, de dirigeant, s’effondrait, et avec elle toutes les valeurs que j’avais défendues, et que j’espère défendre jusqu’au bout. Face à 22 personnes, j’ai tenté de développer tous les arguments du cœur et de l’intelligence, manié un peu la menace, averti ces professionnels qu’ils étaient la risée du monde et que des cameramen les filmaient : une retransmission télévisée, je l’ai appris plus tard, a été interrompue au profit de la diffusion de quelques images de l’équipe de France. Que le message n’ait pas pu passer est terrible. En suis-je la cause ? Je ne suis pas sûr que d’autres auraient pu mieux gérer la situation.

Il faudra savoir pourquoi ce triple message, du cœur, de l’intelligence et du bon sens, ne passe pas auprès de ces jeunes-là. Ne les mettez pas tous dans le même sac : ce groupe de vingt-trois n’est pas composé que d’ivraie ; il comporte aussi beaucoup de bon grain, les grands champions de demain. J’ai bien connu François Grenet, non pas aux Girondins de Bordeaux mais en équipe de France des moins de 15 ans. C’était un bon joueur, un garçon intelligent, avec du cœur. Il a dû interrompre sa carrière sur blessure. Certains joueurs de l’équipe de France me font eux aussi regarder vers l’avenir avec espoir. Les instances du football français vont maintenant devoir trouver des dirigeants capables de leur parler (Applaudissements).

Mme la présidente Michèle Tabarot. Messieurs Escalettes et Domenech, merci d’avoir accepté notre invitation, fait le point sur ces jours difficiles et de nous avoir donné des éléments pour l’avenir.

La séance est levée à douze heures vingt.

——fpfp——

Présences en réunion

Réunion du mercredi 30 juin à 10 heures

Présents. - M. Pierre-Christophe Baguet, M. Marc Bernier, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Odile Bouillé, Mme Monique Boulestin, M. Bruno Bourg-Broc, M. Jean-François Copé, Mme Pascale Crozon, M. Patrice Debray, M. Bernard Debré, M. Pascal Deguilhem, Mme Sophie Delong, M. Bernard Depierre, Mme Marianne Dubois, Mme Odette Duriez, M. Gilles d'Ettore, Mme Martine Faure, M. Hervé Féron, Mme Valérie Fourneyron, M. Michel Françaix, M. Sauveur Gandolfi-Scheit, M. Gérard Gaudron, M. Jean-Jacques Gaultier, Mme Claude Greff, M. Jacques Grosperrin, Mme Françoise Guégot, M. Michel Herbillon, Mme Sandrine Hurel, Mme Jacqueline Irles, M. Olivier Jardé, M. Régis Juanico, M. Christian Kert, M. Yvan Lachaud, Mme Colette Langlade, M. Dominique Le Mèner, Mme Colette Le Moal, M. Pierre Lequiller, Mme Geneviève Levy, M. Apeleto Albert Likuvalu, M. Alain Marc, Mme Muriel Marland-Militello, Mme Martine Martinel, M. Gilbert Mathon, M. Jean-Philippe Maurer, M. Michel Pajon, M. Frédéric Reiss, M. Franck Riester, M. Jean Roatta, M. Marcel Rogemont, M. Patrick Roy, M. Daniel Spagnou, Mme Michèle Tabarot

Excusés. - Mme Marie-Hélène Amiable, Mme Sylvia Bassot, Mme Danielle Bousquet, Mme Marie-George Buffet, Mme Joëlle Ceccaldi-Raynaud, M. David Douillet, M. Yves Durand, Mme Françoise Imbert, Mme Françoise de Panafieu, M. Didier Robert, M. Jean-Louis Touraine

Assistaient également à la réunion. - M. Yves Albarello, M. Jean-Paul Anciaux, Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Jean-Claude Beaulieu, M. François Brottes, M. Éric Ciotti, M. Philippe Cochet, M. Louis Cosyns, M. Vincent Descoeur, M. Albert Facon, M. Daniel Fasquelle, M. Jean-Michel Ferrand, M. Charles-Ange Ginesy, M. Jean Grellier, M. Jean Grenet, M. Jean-Claude Guibal, M. Philippe Houillon, M. Henri Jibrayel, M. Marc Joulaud, M. Jérôme Lambert, M. Pierre Lang, M. Robert Lecou, M. Marc Le Fur, M. Jean-Louis Léonard, M. Céleste Lett, M. François Loncle, M. Daniel Mach, Mme Jacqueline Maquet, Mme Frédérique Massat, M. Philippe Meunier, M. Philippe Morenvillier, M. Renaud Muselier, M. Henri Nayrou, M. Alain Néri, M. Jean-Pierre Nicolas, M. Jean-Luc Pérat, M. Philippe Plisson, M. Jacques Remiller, M. Jean-Marc Roubaud, M. Éric Straumann, M. Lionel Tardy, M. Alfred Trassy-Paillogues, M. Jacques Valax, M. Michel Vaxès, M. Philippe Vitel, M. Philippe Vuilque