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Commission d’enquête sur les produits financiers à risque souscrits par les acteurs publics locaux

Mercredi 2 novembre 2011

Séance de 17 heures

Compte rendu n° 13

Présidence M. Claude Bartolone, Président

Table ronde, ouverte à la presse, sur le thème : « Les produits structurés commercialisés par les banques »

– M. Pierre MARIANI, président du comité de direction de Dexia SA ;

– M. Olivier KLEIN, directeur général en charge de la banque commerciale et assurance du groupe BPCE, et M. Jean-Sylvain RUGGIU, directeur du secteur public de BPCE ;

– M. Francis CANTERINI, directeur général délégué du Crédit agricole Corporate & Investment Bank (CA CIB), filiale de la banque de financement et d’investissement du groupe Crédit agricole, et M. Philippe DEBIN, directeur adjoint de la direction des régions de France.

M. le président Claude Bartolone. Avec les deux tables rondes organisées aujourd’hui, les travaux de notre commission d’enquête entrent dans une troisième séquence. Après avoir entendu les représentants des collectivités et les acteurs publics qui ont souscrit des produits structurés, puis les spécialistes publics et privés de ces produits financiers, nous allons désormais interroger les établissements de crédit qui les ont proposés. Deux tables rondes successives nous permettront d’interroger les dirigeants des banques françaises, puis les responsables des filiales des banques étrangères qui ont été actives pendant la dernière décennie sur le marché des prêts aux collectivités territoriales.

Messieurs, je vous souhaite la bienvenue. Notre commission d’enquête a été créée pour analyser les conditions dans lesquelles des emprunts et produits structurés ont pu être proposés aux collectivités, non pour juger. Je ne dirai donc pas : « Place à la défense » !

En 2005, la Cour de cassation a rappelé aux banquiers que, bien plus qu’une obligation générale de conseil, ils ont, vis-à-vis de leurs clients particuliers comme institutionnels, un devoir de mise en garde, au regard « des capacités financières de l’emprunteur et des risques de l’endettement né de l’octroi des prêts ». Nous verrons comment cette obligation a été respectée par chacun des établissements.

MM. Pierre Mariani, Olivier Klein, Jean-Sylvain Ruggiu, Francis Canterini et Philippe Debin prêtent successivement serment.

M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur. Je vous remercie de m’avoir transmis les informations détaillées que je vous avais demandées sur les produits structurés commercialisés par vos établissements auprès des collectivités territoriales et des acteurs publics locaux, en invoquant l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958, relatif au fonctionnement des commissions d’enquête parlementaire, pour demander la levée du secret bancaire. Conformément à l’esprit du texte, je me suis engagé, en contrepartie, à ne faire figurer dans le futur rapport public que des données agrégées. Elles me permettront de proposer une évaluation de l’encours global et une analyse du risque que représentent les emprunts structurés pour les finances locales.

En attendant, je souhaite vous interroger sur la politique commerciale conduite par vos établissements à l’égard des collectivités territoriales et sur les caractéristiques des produits structurés.

Pouvez-vous nous expliquer comment et par qui sont élaborées les formules à la base des produits structurés que vous proposez ? Quel est le rôle des salles de marchés ?

Comment sont choisis les indices de référence ? Qu’est-ce qui justifie, par exemple, cet incroyable engouement pour le franc suisse ?

Pouvez-vous décomposer le produit net bancaire (PNB) dégagé sur un prêt structuré ? Les marges bancaires sont-elles les mêmes pour un prêt structuré et un prêt à taux fixe ? Le coût en fonds propres est-il identique ?

M. Pierre Mariani, président du comité de direction de Dexia SA. La couverture des opérations est principalement assurée par les salles de marchés. Très souvent, les index de ces opérations figurent explicitement dans les appels d’offres lancés par les collectivités locales, comme ce fut le cas de celui d’une grande collectivité du Nord de la France. Chez Dexia, les salles de marchés sont, en premier lieu, chargées de définir les caractéristiques du prêt conformément aux demandes des collectivités ; et, en second lieu, des opérations de couverture puisque nous n’avons jamais vendu de swaps isolés d’une opération de crédit ni conservé les positions dans le bilan de la banque.

Le franc suisse est loin d’être majoritaire dans l’ensemble des prêts structurés ; mais il l’est dans les récriminations de nos clients, parce qu’il est l’index qui a le plus décalé avec la crise : il a franchi les barrières au-delà desquelles se déclenchent des taux d’intérêt plus élevés. C’est pour cette raison que l’on a surtout parlé des prêts structurés en francs suisses. On entend moins les 10 % de nos clients, qui ne paient que 0,5 % environ de taux d’intérêt sur leurs prêts structurés.

Enfin, il n’y a pas de différence de coût significative entre les prêts à taux fixe et les prêts à taux variable.

M. le rapporteur. Qu’en est-il des marges ?

M. Pierre Mariani. Elles sont un peu plus élevées pour les produits structurés ; mais, pour l’essentiel, elles sont redistribuées sur les marchés afin d’assurer notre couverture.

M. le président. Quelle est, en termes de marge, la différence par rapport aux prêts à taux fixe sur vingt ans, par exemple ?

M. Pierre Mariani. Il est difficile de vous donner une réponse globale. Notre taux d’intérêt moyen est de 3,91 % ; il est de 6,20 % pour les 10 % de nos clients qui paient les taux les plus élevés, et de 0,57 % pour les 10 % qui paient les taux les moins élevés. Les marges entre les prêts à taux fixe et les prêts structurés sont de l’ordre de quelques points de base seulement.

M. le président. Y a-t-il une comptabilité analytique par client et par opération ?

M. Pierre Mariani. Nous devons mesurer la marge réalisée pour chaque prêt et analyser l’ensemble du portefeuille.

M. Olivier Klein, directeur général en charge de la banque commerciale et assurance du groupe BPCE. Dans le cas de l’ex-groupe Caisses d’épargne, devenu BPCE, l’ingénierie financière était assurée par Ixis puis Natixis, en fonction de la demande et des produits existants. Les instruments proposés étaient sélectionnés par un comité interne au groupe Caisses d’épargne, puis agréé par ces dernières, de façon individuelle. Les indices sous-jacents dépendaient de la période, de ce qui était demandé, et de l’état du marché. Nous répondions, nous aussi, à des appels d’offres souvent précis ou aux sollicitations directes des collectivités. Les Caisses d’épargne s’adressaient alors à Ixis ou Natixis, même si, en général, les offres étaient présentées sur catalogue.

Les produits indexés sur le franc suisse ont été proposés par Ixis/Natixis à partir de décembre 2006 pour répondre à la demande ; nous y avons mis un terme à la fin de 2008, la crise ayant considérablement accru la volatilité des changes. Avant la crise, l’indexation sur le franc suisse paraissait sûre, compte tenu de la stabilité historique de cette devise. Elle offrait en outre un taux d’intérêt bien inférieur au taux en euro, ce qui correspondait à la demande. Nous avons beaucoup accompagné nos clients par la suite, conformément à notre tradition de proximité et de conseil.

Je ne sais quel est le PNB d’Ixis ou Natixis. L’un comme l’autre retournent leurs positions sur le marché pour couvrir les options souscrites par le client, le crédit étant naturellement refinancé par les Caisses d’épargne. Les marges que celles-ci réalisent sur les prêts structurés, qui répondaient à une vraie demande, sont très proches de celles réalisées pour les prêts à taux fixe, à savoir de 20 à 30 centimes de taux.

Par ailleurs, seuls 3 % de nos crédits structurés consentis aux collectivités – une centaine, au total – ont été indexés sur le franc suisse.

Les prêts structurés sont soumis aux mêmes exigences que les autres crédits en matière de fonds propres. S’agissant d’Ixis ou Natixis, les règles de Bâle II imposaient d’inclure les produits dérivés dans le ratio de fonds propres.

M. Francis Canterini, directeur général délégué du Crédit agricole Corporate & Investment Bank (CA CIB), filiale de banque de financement et d’investissement du groupe Crédit agricole. La distribution de nos produits est assurée par les caisses régionales. Les produits vendus aux collectivités locales peuvent être traditionnels ou structurés, les seconds relevant de CA CIB et de la Banque de financement et de trésorerie, bientôt appelée à fusionner avec le CA CIB.

CA CIB montait donc le produit en fonction d’un appel d’offres ou de la demande d’une collectivité. Dans ce cadre, la salle des marchés assure l’ingénierie – en copiant généralement les produits existants, puisqu’il n’existe pas de brevets en la matière –, définit un prix – lequel dépend du prix fourni par le marché, la banque n’ayant pas vocation à rester en position – et assure la couverture, afin d’exclure le risque du bilan de la banque. Lorsque l’opération est complexe, ce risque est redistribué à de nombreuses contreparties.

Les collectivités souhaitaient réduire la charge de leur endettement, ce qui suppose bien entendu des compensations : les barrières et les indexations sur les devises étaient conçues pour répondre à cette demande. Toutefois, pour CA CIB, l’indexation sur le franc suisse n’a concerné que dix opérations.

Par définition, les produits structurés sont plus sophistiqués : ils requièrent donc davantage d’ingénierie et de services. La marge, ou plutôt la commission, est donc fonction de la sophistication du produit et de sa charge en fonds propres. Si, au niveau des caisses régionales, cette charge dépend de la qualité de la contrepartie – et, par définition, les collectivités locales sont des contreparties de qualité –, au niveau de la banque d’investissement, elle dépend du nombre des opérations et des risques liés aux différentes contreparties.

M. le rapporteur. Quels sont les mécanismes de couverture utilisés par vos établissements lorsqu’ils concluent un prêt structuré ? Quel en est le coût ? Comment sont calculées les indemnités de remboursement anticipé ? Quelle est leur justification économique ?

À part les collectivités territoriales, quelle est la clientèle pour des prêts structurés ?

Outre les prêts structurés, proposez-vous une offre de produits dérivés – swaps et contre-swaps – aux collectivités territoriales ?

M. Pierre Mariani. La commercialisation de ces produits a beaucoup évolué au cours du temps. Le Crédit local de France, ancêtre de Dexia, commercialisait trois types de prêts en 1995 ; Dexia en commercialisait quarante-trois en 2000, cent soixante-sept en 2006, deux cent vingt-trois en 2008, et n’en commercialise désormais plus que quinze.

La sophistication des produits ne s’est donc pas faite de manière subreptice ; en juin 2006, le groupe Dexia, dans ses présentations officielles, se targuait de l’accompagner en indiquant qu’elle était liée aux lois de décentralisation et à la plus grande autonomie des collectivités locales. En d’autres termes, les produits dont nous parlons répondaient à une demande globale : mon prédécesseur, que vous recevrez prochainement, pourra vous expliquer ces évolutions mieux que moi.

Mes convictions sont claires puisque, depuis mon arrivée à la tête de Dexia en octobre 2008, le groupe n’a pas commercialisé un seul produit structuré hors charte Gissler, à l’exception de ceux qui sont nécessaires aux collectivités pour sortir de leur situation.

Dexia a toujours refusé de commercialiser certains produits, en particulier les snowballs, dont les taux d’intérêt appliqués une fois les barrières franchies le restent jusqu’au terme du prêt. Elle n’a jamais commercialisé non plus de swaps ou d’autres produits de couverture indépendamment d’opérations de prêt. Ceux-ci ont été consentis dans une perspective de gestion de l’encours, d’une réduction du coût de la dette ou de son étalement dans la durée. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles il est si difficile de se défaire de ces emprunts : certains d’entre eux ont pu faire l’objet de quatre ou cinq restructurations successives via des swaps conclus avec des établissements que nous ne connaissons pas.

Le montant des indemnités de remboursement anticipé reflète l’évolution des taux d’intérêt et des swaps ; en d’autres termes, la valeur sous-jacente de la structure. L’indemnité de remboursement anticipé est le reflet du mark-to-market des positions qu’il faut racheter pour annuler l’opération.

L’encours global des prêts structurés par le groupe Dexia, toutes entités confondues, est passé de 30,5 milliards d’euros à la fin décembre 2008 à 22,9 milliards au 31 août 2011. Il s’élevait à environ 25 milliards au 31 décembre 2009, dont 18,4 milliards en charte Gissler et 6,8 milliards hors charte, tous clients confondus.

Au 31 août 2008, les encours de crédits hors charte Gissler atteignaient 4,8 milliards d’euros pour les collectivités locales, 0,8 milliard pour les établissements de santé et 0,47 milliard pour les organismes de logement social. Des produits structurés ont donc été vendus à toutes les catégories de clients, y compris institutionnels, mais l’ordre de grandeur de leurs encours est évidemment très différent de celui des seules collectivités locales. Sur un ensemble de 3 000 clients, seules quelque 300 collectivités locales ont souscrit des emprunts structurés hors charte Gissler.

M. le rapporteur. Les collectivités locales avaient une gestion de « bon père de famille », avec des prêts à taux fixe d’environ 4 %. Confirmez-vous que Dexia les a massivement démarchées, après avoir analysé leurs dettes, pour les encourager à souscrire des prêts structurés, avec l’avantage immédiat d’une baisse des taux en contrepartie de risques à plus long terme ?

M. Pierre Mariani. Je ne puis vous répondre, car je n’étais pas en fonction à l’époque. Cependant je n’ai pas l’impression qu’il s’agisse du point essentiel.

Beaucoup de collectivités locales s’étaient endettées à des taux fixes très élevés, si bien que les indemnités de remboursement anticipé étaient elles-mêmes très élevées ; or, entre 2004 et 2008, la tendance était à la baisse des taux : l’un des moyens d’en profiter sans payer d’indemnités de remboursement anticipé était de souscrire des prêts structurés, lesquels réintégraient une partie de ces indemnités dans la base de financement.

M. le rapporteur. Mais, aujourd’hui, les collectivités ne comprennent pas pourquoi elles doivent payer autant pour se défaire de ces prêts.

M. Pierre Mariani. Une collectivité, dont je ne peux citer le nom, nous poursuit actuellement au civil et au pénal pour défaut de conseil car, son prêt étant repassé à taux fixe en 2007, elle n’a pu bénéficier de la baisse des taux.

De fait, entre 2006 et 2008, les taux d’intérêt étaient très bas si bien que, à la veille d’échéances électorales, certaines collectivités locales ont voulu alléger encore la charge de leur dette. Il a donc fallu leur proposer des structures aux performances plus agressives, incluant des effets de levier ou des indexations plus exotiques. Reste que l’allègement de la charge de la dette est réel.

M. le président. Vous avez estimé à 300 le nombre de vos clients ayant souscrit des emprunts toxiques. Quel est le mark-to-market de l’ensemble de vos transactions hors charte Gissler ?

M. Pierre Mariani. Par définition, ce chiffre change tous les jours. Pour les collectivités locales, le mark-to-market global avoisine les 7 milliards d’euros.

M. le président. Puisqu’ils varient tous les jours, quels sont les chiffres que vous donnez aux collectivités ?

M. Pierre Mariani. En premier lieu, notre groupe est à ma connaissance le seul à envoyer aux collectivités, depuis 2009, une information complète sur leur situation, y compris sur le montant du mark-to-market à la fin de l’année. Si un client a souscrit un emprunt à taux fixe, le mark-to-market peut être négatif compte tenu du faible niveau actuel des taux d’intérêt ; mais il ne sera jamais payé si le prêt n’est pas remboursé de façon anticipée.

Sur les autres indices, la volatilité est aujourd’hui considérable : nous sommes pour ainsi dire en dehors de toutes les hypothèses de valorisation initiales.

Pour être précis, 346 collectivités locales, 68 établissements de santé et 31 organismes de logement social ont souscrit des emprunts à taux structurés hors charte Gissler.

M. Olivier Klein. L’encours total des prêts consentis aux collectivités locales et aux établissements publics concernés, soit 27 000 clients, s’élève à 62 milliards d’euros, dont 4,6 milliards de prêts structurés, lesquels représentent donc 7,4 % de l’encours et concernent seulement 5,2 % de nos clients. Nous n’avons donc manifestement pas démarché massivement dans ce domaine. L’encours des emprunts hors charte Gissler est de 1,1 milliard d’euros et concerne 0,6 % de nos clients.

M. le président. Selon les représentants des chambres régionales des comptes, les produits qui posent problème sont ceux situés à partir du seuil C3. J’aimerais donc que vous limitiez vos analyses à ces produits, ou aux produits hors charte Gissler.

M. Olivier Klein. Je peux bien entendu communiquer ces données à la commission d’enquête.

M. le rapporteur. Il doit être possible de les calculer à partir des éléments que vous avez donnés.

M. Olivier Klein. Quoi qu’il en soit, les clients concernés par les prêts hors charte Gissler sont très peu nombreux ; nous les rencontrons au moins une fois par an, comme l’ensemble de nos clients ayant souscrit des emprunts structurés. Nous les alertons dès qu’un prêt commence à poser des problèmes, tout en leur faisant des propositions.

Nous ne percevons aucune marge additionnelle sur les indemnités de remboursement anticipé, lesquelles correspondent strictement au coût de retournement des positions aux taux en vigueur. Lorsque le prêt comporte des options, Natixis nous en communique la valorisation au jour dit sur le marché.

Bien entendu, nous proposons beaucoup d’autres solutions, telles que l’allongement des échéances ou le refinancement de l’indemnité et du prêt. D’ailleurs, 20 % de nos clients se sont défaits de leur emprunt : 10 % de façon définitive depuis 2008, et 10 % de façon transitoire.

Le groupe Caisses d’épargne s’était par ailleurs interdit de vendre ces prêts structurés hors charte aux collectivités locales de moins de 10 000 habitants, sauf demande expresse de leur part.

Quant aux produits dérivés, les Caisses d’Épargne n’en ont jamais proposé directement ; Ixis ou Natixis, en revanche, continuent de le faire auprès des collectivités importantes, généralement dans le cadre des critères de gestion actuels afin d’éviter de futures difficultés. Aujourd’hui, les Caisses d’Épargne ne proposent plus que des produits structurés allant jusqu’à 2B.

M. le rapporteur. Les collectivités s’apparentent-elles plutôt, dans votre esprit, à des entreprises ou à des particuliers ? Pourquoi ce seuil de 10 000 habitants ?

M. Olivier Klein. Nous agissons toujours en fonction du niveau de professionnalisme de nos interlocuteurs. Dans chaque caisse, le comité d’agrément sélectionne ainsi les produits en fonction de la taille des collectivités. Depuis 2009, des stress scenarii sont obligatoirement annexés à nos contrats ; c’est d’ailleurs ce que faisaient la plupart des Caisses d’épargne, et notamment celle que je dirigeais, bien avant 2009.

M. Francis Canterini. L’exposition du groupe Crédit agricole en financements au secteur local atteint 39 milliards d’euros. Sur ces 39 milliards, 3 milliards correspondent à des prêts structurés. En outre, CA CIB gère 3 milliards de swaps structurés non attachés à des prêts Crédit agricole, mais vendus à des collectivités de taille importante, qui en ont besoin pour gérer leur dette.

Notre établissement se couvre auprès d’autres établissements de crédit en prenant des positions symétriques aux produits vendus à nos clients. Le remboursement anticipé revient à inverser ce schéma en faisant de nous des clients : l’indemnité correspond donc à ce que nous devons payer à la contrepartie si nous rompons avant terme le contrat que nous avons signé avec elle. Pour l’ensemble des contreparties, le mark-to-market hors charte Gissler atteint quelque 300 millions d’euros.

Il faut souligner par ailleurs la dissymétrie entre, d’une part, les entreprises ou les collectivités – même si je n’assimile pas les secondes aux premières – et, de l’autre, les banques d’investissement. Ces dernières valorisent leurs positions au mark-to-market si bien que toute dégradation de la situation se traduit aussitôt dans la comptabilité et par des appels de marge supplémentaires, si bien qu’elles savent toujours ce qu’elles doivent à leurs contreparties. Ce n’est pas le cas des collectivités, qui ont parfois la mauvaise surprise de découvrir qu’elles doivent verser des montants qu’elles n’ont pas provisionnés.

Les banques ont payé le prix de la sophistication des prêts structurés mais cette époque est derrière nous. Le profil de risque de CA CIB, comme de beaucoup d’autres banques d’investissement, a fortement diminué avec la crise ; celle que nous traversons a d’ailleurs confirmé cette tendance.

Mme Valérie Fourneyron. Les prêts structurés qui ont été proposés aux collectivités locales étaient interdits au Royaume-Uni et en Amérique du Nord. Faisaient-ils l’objet de débats au sein de vos établissements respectifs ?

Aviez-vous vous-mêmes recours à ces emprunts indexés ? Il me semble que non.

Pour certaines collectivités, aux dires de leurs représentants, Dexia jouait à la fois le rôle de prêteur et de conseil. Comment conceviez-vous ce rôle ? Pouvez-vous par ailleurs nous confirmer qu’aucune commission n’a été versée aux intermédiaires financiers entre Dexia et les collectivités, intermédiaires qui ont pu jouer le rôle de conseil auprès de ces dernières ?

Même si vous n’étiez pas en responsabilité à l’époque, votre réponse sur un éventuel démarchage commercial des collectivités ne m’a pas semblé très ferme. Qu’en est-il exactement ?

M. Daniel Boisserie. Si vous étiez juge ou expert, comment départageriez-vous les responsabilités respectives de l’État, des collectivités, des services de conseil et des banques ?

M. Patrice Calméjane. Vous nous avez essentiellement parlé du détail de vos produits. Or j’aimerais surtout savoir pourquoi les produits structurés ont, à un moment donné, remplacé les emprunts à taux fixe. M. Mariani nous a par exemple indiqué que Dexia avait fortement réduit le nombre de produits proposés.

Ma deuxième question porte sur le niveau de vos interlocuteurs. Afin de vérifier que vous comprenez vous-mêmes ce que vous avez vendu, je me permets de citer quelques extraits de l’un de vos contrats de prêt, qui comporte trois phases. « Pendant la première phase » – soit deux ans – « le taux d’intérêt appliqué au décompte des intérêts est de 2,68 % par an » – jusqu’ici, chacun comprend. Pendant la deuxième phase, de dix-sept ans, « si le Libor USD 12 mois est inférieur ou égal aux 6,75 % des taux d’intérêt appliqués au décompte des intérêts égal au taux minimum constaté entre l’Euribor 12 mois et le taux fixe de 6 % – taux minimum minoré d’une charge de 0,50 % –, ce taux d’intérêt s’applique à la période d’intérêts écoulée », etc. Le paradoxe est que le même document comporte un tableau d’amortissement établi sur la base d’un taux d’intérêt, et qui précise le coût total de l’emprunt.

Mais le pire concerne le remboursement anticipé, qui « s’effectue contre le règlement d’une indemnité, à payer ou à recevoir par l’emprunteur, qui a pour objet d’assurer l’équilibre financier du contrat entre les deux parties. L’indemnité de remboursement anticipé est établie par [la banque] en tenant compte des conditions prévalant sur les marchés financiers, 10 jours ouvrés avant la date du remboursement anticipé. Par jour ouvré, il faut entendre un jour où le système transeuropéen [de règlement] TARGET est ouvert. Si la date ainsi déterminée ne correspond pas à un jour où les banques sont ouvertes à Paris, la date retenue sera le jour précédent où celles-ci sont ouvertes à Paris […]. Le Jour de Fixation, [la banque] demande préalablement à deux établissements de référence sur ces marchés de calculer le montant de l’indemnité à régler ». En d’autres termes, la fixation du montant de l’indemnité est déléguée à un tiers ! « L’indemnité de remboursement retenue est la moyenne arithmétique de ces deux indemnités. » Admettez qu’il est difficile d’y voir clair !

Je reviens donc à ma question : quel était le niveau de vos interlocuteurs, qui avaient à déchiffrer une telle bouillie ? Comment peut-on annexer un tableau d’amortissement à un contrat qui, par ailleurs, comporte des formules de calcul de taux d’intérêt associées à des cours de devises ? Depuis au moins trente ans, on le sait, les taux de change sont soumis à de réelles fluctuations !

Vous dites avoir souvent répondu à des appels d’offres. Mais les représentants des collectivités nous ont plutôt fait part de démarchages commerciaux agressifs. Le maire que je suis sait bien que, tous les ans, les établissements bancaires sollicitent les communes afin d’analyser leurs comptes administratifs et leurs budgets primitifs, pour leur faire des propositions sur la gestion de leur dette. Ce sont en quelque sorte des appels d’offre à l’envers.

M. Pierre Mariani. Si l’on décortiquait les appels d’offres pour la construction d’un collège ou d’un lycée, on s’apercevrait que les spécifications techniques sont tout aussi complexes.

M. Patrice Calméjane. Je ne suis pas d’accord – et j’ai travaillé pendant quinze ans dans le BTP.

M. Pierre Mariani. Et moi, pendant quinze ans dans la finance : je comprends donc mieux les index financiers.

Je vais vous donner un exemple d’indexation fréquent : le maximum entre, d’une part, la moyenne mensuelle de l’Euribor trois mois et de la moyenne mensuelle de l’EONIA divisée par quatre, plus l’inflation divisée par deux, et, d’autre part, le taux d’inflation augmenté de 0,25 %. Ce mécanisme, analogue à celui que vous avez cité, est tout simplement celui de l’indexation du Livret A. Nous parlons d’un domaine où la formalisation est nécessaire.

M. le rapporteur. Mais, puisque l’indexation est aléatoire, pourquoi associer un tableau d’amortissement précis ?

M. Pierre Mariani. Je ne connais pas précisément le contrat cité par M. Calméjane. Reste qu’un tableau d’amortissement est nécessaire pour décrire le montant prévisionnel des échéances en partant d’une hypothèse d’indexation au moment de la signature du contrat.

Si les prêts structurés ont remplacé les prêts de long terme à taux fixe, c’est que les collectivités, je le répète, ont elles-mêmes souhaité renégocier ces derniers. Je ne pense pas que Dexia se soit livré à un démarchage commercial agressif.

M. le président. Il y aurait donc eu des manifestations d’élus locaux pour vous réclamer de nouveaux produits ?

M. Pierre Mariani. Pas des manifestations, non ; mais beaucoup d’élus locaux ont émis le souhait de diminuer la charge de la dette de leur collectivité. Peut-être y a-t-il eu démarchage au départ ; mais que dire d’une collectivité qui, dans le cadre d’un prêt consenti par Dexia, a sollicité six fois de suite six établissements financiers pour renégocier à la baisse la charge annuelle de taux d’intérêts ? Reconnaissons que persévérer dans une telle démarche revient un peu à tenter le diable. Par ailleurs, le phénomène a trouvé ses limites lorsqu’il s’est agi de faire baisser des taux d’intérêt déjà historiquement bas. Il a fallu chercher des structures encore plus agressives pour faire baisser la charge des taux.

Madame Fourneyron, Dexia n’a jamais conseillé les collectivités pour lancer leurs appels d’offre. Peut-être faudra-t-il, d’ailleurs, que votre commission d’enquête se penche sur le rôle des conseils financiers, qui sont aujourd’hui les plus agressifs contre les banques, alors qu’ils étaient souvent à l’origine des initiatives des collectivités locales en matière de prêts structurés. Ce sont d’ailleurs les collectivités qui les rémunéraient, non les banques.

Mme Valérie Fourneyron. Des élus de petites communes nous ont dit que Dexia avait joué un rôle de conseil.

M. Pierre Mariani. Non, un prêteur n’a pas le droit de le faire. Peut-être faudrait-il s’interroger sur les conditions exigées pour s’installer comme conseil financier des collectivités locales. Et certains se vantaient d’avoir proposé le « deal de l’année » à telle ou telle collectivité, avec une couverture indexée, par exemple, sur le cours de matières premières.

Les problèmes de définition sont en effets importants, monsieur le président ; aussi les chiffres que j’ai cités concernent-ils l’ensemble des emprunts à taux variable.

Quant au niveau des interlocuteurs, la gestion des dossiers dépend forcément de la taille des collectivités, les plus grandes disposant de services financiers étoffés. De ce point de vue, le seuil de 10 000 habitants nous a semblé significatif eu égard au degré de complexité des dossiers : aujourd’hui, notre gestion est individualisée ; elle s’effectue au cas par cas, de façon proactive avec les grandes collectivités, et ce sans coût additionnel. Nous nous efforçons aussi de suivre de près les petites collectivités – notamment celles qui ont souscrit des emprunts indexés sur le franc suisse –, en procédant, au besoin, à des gels temporaires d’annuités ou de versements d’intérêts. Si nous pouvons le faire, d’ailleurs, c’est que nous savons qu’aucun de ces prêts ne franchit de manière définitive les barrières et que donc, si les paramètres de marché évoluent, nous pourrons proposer des solutions de sortie.

Je rappelle aussi qu’au cours des trois dernières années, certaines collectivités ayant souscrit des emprunts très structurés ont refusé nos propositions de sortie à taux fixe parce qu’elles jugeaient les taux trop élevés, or la dégradation des paramètres de marché a abouti à des situations pires que ce qu’elles étaient ces douze, dix-huit derniers mois. Ces dossiers exigent donc une gestion dans le temps.

Enfin, vous avez posé la question de savoir si nous avons recours à des structurations pour nous-mêmes, nous nous protégeons effectivement d’un certain nombre de risques ; et dans le cadre de la gestion du bilan de la banque, nous avons recours à des swaps mais qui ne sont pas sur des structures comme celles-là.

M. Olivier Klein. En matière de taux, qu’ils soient fixes ou variables, la gestion du risque est indispensable. Il va de soi qu’emprunter à taux fixe revient à anticiper une augmentation des taux, et emprunter à taux variable, à anticiper une baisse. Dans les deux cas, il y a un risque. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il convient de mixer les deux types de taux au passif d’un bilan.

Les Caisses d’épargne structurent elles aussi les produits qu’elles souscrivent, même si elles le font différemment. L’épargne des clients sert à financer les crédits, mais elle n’est pas tout à fait suffisante : nous empruntons donc à taux fixe comme à taux variable, en passant éventuellement de l’un à l’autre, selon les anticipations, via des swaps et/ou limitant les risques avec des options telles que les caps et les floors. Nous procédons de la même façon pour nos placements. Certaines entités sont plus ou moins aptes à traiter de tels dossiers, selon leur degré de complexité et la compétence des équipes. Naturellement, il faut suivre ces produits.

On nous a parfois présenté des produits dont le niveau de complexité nous semblait trop élevé ; à cet égard, j’ai toujours recommandé à mes équipes de ne pas acheter des produits qu’elles ne comprennent pas.

À la fin des années soixante-dix et au début des années quatre-vingt, les taux, qui pouvaient atteindre 17 %, sont devenus plus volatils ; c’est alors que l’on a commencé à gérer ce risque.

Si l’on peut toujours se tromper dans les anticipations, chacun souhaitait, avant la crise, bénéficier de la baisse des taux. Les produits les plus sophistiqués, induisant le plus de risques, ont été conçus à la fin des années quatre-vingt-dix, pour répondre à la demande des emprunteurs de renégocier à la baisse des taux déjà très bas.

Comme je l’ai dit, seulement 0,6 % de nos clients, soit environ 150 sur 27 000, sont concernés par les produits hors charte Gissler. Nous ne les avons d’ailleurs commercialisés qu’en 2007 et 2008, avant d’arrêter dès que les conditions d’indexation sur le franc suisse sont apparues défavorables. Nous avons alors proposé des solutions de sortie aux clients concernés ; mais, dans un contexte de bonification des taux comprise dans ces produits, l’écoute a peut-être été moindre.

Certains produits structurés n’en demeurent pas moins de qualité ; il est normal, je le répète, de gérer les risques liés aux taux : c’est d’ailleurs ce qui a été enseigné au Centre national de la fonction publique territoriale. Des conseillers financiers ont sans doute, pour justifier leur emploi, cherché des produits sophistiqués, et peut-être les banques ont-elles proposé des produits qui l’étaient trop. En tout état de cause, il existait une émulation entre les collectivités locales pour emprunter moins cher, et ce via des emprunts qui pouvaient être tantôt fiables tantôt plus risqués.

M. le rapporteur. Avez-vous eu recours à ce type de produits pour résoudre des problèmes de liquidité ?

M. Olivier Klein. Non. Les Caisses d’Épargne ont commercialisé des produits structurés, mais en allant chercher la ressource, soit dans l’épargne de leurs clients, soit sur les marchés financiers. La structuration des crédits n’a pas d’impact sur nos ressources financières.

M. le président. Vos considérations étant restées un peu techniques, permettez-moi de me faire l’avocat du diable. M. Mariani affirme que Dexia a cessé de commercialiser des produits structurés hors charte Gissler dès qu’il a pris la direction du groupe, et, aux dires des autres intervenants, ces produits répondaient à une demande des collectivités à une époque où les marchés financiers étaient plus stables. Ce qui me gêne, c’est qu’à aucun moment vous n’évoquiez votre rôle de banquier. Avez-vous mis en garde vos clients contre ces produits, comme vous l’impose la jurisprudence de la Cour de cassation ?

M. Francis Canterini. Si les taux variables ont remplacé les taux fixes, c’est parce que ces derniers étaient considérés comme trop élevés par les collectivités. Par la suite, les charges afférentes aux taux variables étant jugées encore trop élevées, les produits se sont sophistiqués et les collectivités ont, peut-être sans le savoir, vendu des options, de sorte que, dans certains cas, elles n’ont plus payé d’intérêts pendant un certain temps. Quoi qu’il en soit, on a eu tendance à oublier que la rentabilité était aussi liée au risque. On peut toujours se plaindre de l’insuffisance des conseils ; il n’en demeure pas moins que l’argent facile n’existe pas : cette règle s’impose à tous, y compris aux collectivités locales.

Les mises en garde ont peut-être été insuffisantes à l’origine mais, dès 2007 ou 2008, soit bien avant la charte Gissler, tous les établissements bancaires ont alerté leurs clients sur les produits qu’ils leur avaient vendus. Certains clients ont saisi l’opportunité ; d’autres ont jugé qu’acquitter un surcroît de charges, même faible, au titre du mark-to-market n’était pas de bonne stratégie et ont refusé des propositions. On est passé des taux fixes aux produits structurés parce que les collectivités voulaient payer moins de frais financiers en début de période.

En bonne gestion, il ne faudrait pas souscrire un produit qu’on ne sait pas comptabiliser convenablement. À cet égard, la comptabilité des collectivités a encore des progrès à faire. Il est normal que les banques envoient, une fois par an, voire plus, le mark-to-market ; mais il faudrait qu’elles soient informées plus régulièrement. Sinon, cela n’a pas grand intérêt.

S’agissant de la liquidité, la loi française interdit que les collectivités publiques déposent auprès des banques privées ou souscrivent à leurs émissions. En conséquence, CA-CIB, comme l’ensemble du groupe Crédit Agricole, ne reçoit aucune liquidité des collectivités publiques françaises. Le groupe Crédit Agricole dispose de divers mécanismes pour alléger le poids en liquidité sur son bilan de ses octrois de crédits aux collectivités publiques : mobilisation auprès de la banque centrale, refinancements par des tiers partis… Avec les nouvelles règles imposées par le comité de Bâle, cette situation deviendra beaucoup plus pénalisante. Les banques de financements devront adosser beaucoup plus les prêts qu’elles consentiront à des refinancements longs et stables, dans lesquels les dépôts des clients auront à jouer un rôle important. Les collectivités locales, empêchées de déposer aux banques privées, pèseront significativement sur la gestion du bilan de ces dernières.

La question du niveau des interlocuteurs a déjà été évoquée. Pour reprendre la comparaison avec le secteur du BTP, c’est en général un tiers qui évalue le prix d’un appartement mis en vente. Si les banques n’évaluent pas elles-mêmes le montant des remboursements anticipés, ce n’est pas parce qu’elles ne peuvent pas le faire, mais parce que la véracité de ce calcul pourrait être sujette à caution : le respect de la relation contractuelle nous impose de le confier à des tiers.

M. Daniel Boisserie. Je me doutais bien que ma question sur les responsabilités de chacun resterait sans réponse.

Je veux revenir sur la question du conseil. Dans les petites et moyennes collectivités, l’analyse financière est confiée au percepteur. Or certaines banques, à commencer par Dexia, effectuaient cette analyse de leur côté, et ce de façon très détaillée. Dexia se définissant comme la banque des collectivités locales, ne pensez-vous pas, monsieur Mariani, que ces pratiques étaient perçues comme des activités de conseil ?

M. Jean-Louis Gagnaire. Les élus qui ont témoigné sous serment devant nous considéraient Dexia comme l’héritière directe du Crédit local de France ; ses commerciaux leur apparaissaient donc non seulement comme des banquiers mais aussi comme des conseillers.

Les banques ont manifestement eu des démarches proactives pour convertir les emprunts à taux fixe en emprunts à taux variable. Peu d’élus nous ont dit avoir sollicité les banques pour renégocier des prêts ; certains d’entre eux ont d’ailleurs, en cas d’alternance politique, découvert des situations dont ils n’étaient pas responsables.

Vos commerciaux étaient-ils rémunérés sur chaque contrat renégocié ?

Par ailleurs, M. Klein nous a indiqué que les Caisses d’épargne s’étaient interdit de proposer des prêts très structurés aux collectivités de moins de 10 000 habitants ; M. Mariani, de son côté, nous a dit que Dexia n’en proposait plus, ce qui sous-entend qu’il le faisait auparavant. Qu’en est-il pour les autres banques ?

Quelle était l’attitude des actionnaires de Dexia que sont, entre autres, l’État français, l’État belge, les régions belges, CNP Assurances et la Caisse des dépôts ? Quelle information leur remontiez-vous sur les prêts que vous consentiez aux collectivités territoriales ? Les actionnaires, d’ailleurs, ont le devoir de s’informer.

Les banques provisionnent-elles les risques liés aux contentieux relatifs aux prêts, et, si oui, à quel niveau ?

L’État, via la Caisse des dépôts, s’est porté garant du stock de prêts toxiques détenu par Dexia. Ne pensez-vous pas qu’il pourrait, de la même façon, garantir les prêts toxiques des petites collectivités, qui n’ont pas les moyens de renégocier avec les banques ? Cela permettrait de diminuer le coût global de cette renégociation.

M. Marc Francina. La valeur du franc suisse n’a cessé de monter depuis la Seconde Guerre mondiale. En 1970, un franc suisse valait 13 centimes d’euro, aujourd'hui, 1,20 euro, seulement, car la Suisse achète tous les jours des euros. Je ne comprends donc pas la logique de ces opérations en francs suisses. Aucun employé de banque, en Haute-Savoie, n’aurait conseillé de s’endetter dans cette devise.

M. Mariani a évoqué les propositions de sortie faites par Dexia à certaines collectivités, qui ont pourtant souhaité continuer à profiter du système. Les autres banques ont-elles rencontré les mêmes difficultés avec les collectivités ?

Le problème ne vient-il pas de ce que les banquiers ont confié les formules de ces produits à des mathématiciens ?

Dans les années soixante-dix, je le rappelle, les taux des prêts consentis par le Crédit hôtelier atteignaient 17 %, pour une inflation à 15 ou 16 %. Or les collectivités n’ont jamais eu la possibilité de renégocier ces taux : elles ont dû rembourser leurs emprunts aux conditions initiales jusqu’au terme de l’échéance.

M. Michel Diefenbacher. Ma question concerne, non le passage des taux fixes aux taux variables, mais l’inverse. Quand les banquiers ont mesuré les conséquences désastreuses que pouvaient avoir les taux variables sur la situation financière des collectivités, je suppose qu’ils en ont informé ces dernières. Cette obligation d’information s’impose plus encore en cas d’alternance, puisque la nouvelle équipe n’est pas au courant du détail des emprunts souscrits par la précédente. Ces démarches d’information ont-elles été assurées ? Si oui, certaines collectivités ayant connu l’alternance politique ont-elles opté pour un taux fixe, même un peu plus élevé ? À l’inverse, d’autres ont-elles refusé ? De la réponse des banquiers dépendront aussi les solutions que nous pourrions proposer.

M. le président. Quelle est la taille de la plus petite collectivité ayant souscrit, dans chacune de vos banques, un prêt structuré ?

Par ailleurs, quel est le profil, en termes de qualifications, de vos personnels spécialisés dans les produits structurés ? Quel doit être, selon vous, le niveau de compétences en ce domaine des agents territoriaux ?

M. Pierre Mariani. Dexia est en effet l’héritière du Crédit local de France, lui-même issu de la Caisse d’aide à l’équipement des collectivités locales (CAECL). Cela dit, notre travail d’analyse de données financières se poursuit ; notre groupe possède sans doute, en ce domaine, la meilleure base de données sur les collectivités, en France comme en Belgique.

Les commerciaux de Dexia n’étaient pas rémunérés sur les ventes dans le cadre des opérations de renégociation, et encore moins lorsqu’il s’agissait de crédits structurés. Pour ces catégories de personnels, les rémunérations variables s’élèvent tout au plus à 10 ou 15 % de la rémunération globale : elles n’ont donc rien à voir avec celles des banquiers d’investissement ; d’ailleurs, même pour les équipes des salles de marchés, les rémunérations sont loin d’atteindre celles des traders de banques d’investissement, par exemple.

S’agissant de l’information des actionnaires, elle s’effectuait d’abord dans le cadre du conseil d’administration de Dexia Crédit Local, où, je le rappelle, siégeaient des représentants des collectivités. Les sophistications dont nous parlons figurent dans tous les documents publics du groupe, puisqu’elles constituaient l’un de ses axes de développement.

La liste des responsables de la situation actuelle serait si longue, monsieur Boisserie, que la réponse ne peut être simple. Je rappelle cependant que les associations de régions et de départements ont fait valoir le principe de libre administration des collectivités locales pour refuser de signer la charte Gissler, estimant que celle-ci bridait leurs capacités d’ingénierie financière.

M. le président. Nous reviendrons sur ce point.

M. Pierre Mariani. En novembre 2009, j’ai saisi le ministre de l’Économie et des finances pour lui soumettre trois propositions tendant à renforcer la réglementation des prêts aux collectivités locales. La première avait pour objet de soumettre ces emprunts au code des marchés publics ; elle déclencha un tollé, notamment chez les représentants des collectivités, qui y voyaient une source de contraintes et de complications inutiles. Pour ma part, je pense qu’une telle mesure serait très utile au contrôle des finances locales.

La deuxième proposition était de soumettre les activités de crédit aux règles de MIFID – Markets in financial instruments directive –, laquelle répond assez bien à la question de l’autoévaluation du niveau de compétence requis face aux établissements financiers. Cette proposition est restée lettre morte, de même que la troisième, qui visait à interdire purement et simplement un certain nombre de produits financiers.

Des régions frontalières ont une tradition, non seulement d’intégration du franc suisse dans les formules d’indexation, mais aussi d’emprunts libellés en francs suisses. Il n’est pas nécessaire d’avoir fait de longues études pour comprendre que ces emprunts sont soumis au risque de change.

M. le rapporteur. Les collectivités locales s’apparentent-elles, pour vous, à des entreprises ou à des particuliers ? Vous savez ce que dit la MIFID en la matière…

M. Pierre Mariani. Les collectivités font partie de notre clientèle institutionnelle.

M. le rapporteur. Qu’entendez-vous par ce terme ?

M. Pierre Mariani. Un client institutionnel est, par définition, un client non particulier.

M. le rapporteur. Comme on le voit actuellement avec la Grèce, le particulier est, in fine, la variable d’ajustement, via la fiscalité. Par conséquent, les collectivités emprunteuses s’apparentent plutôt à des particuliers : une entreprise, elle, peut déposer le bilan.

M. Pierre Mariani. Quoi qu’il en soit, la directive MIFID ne s’applique pas au crédit. En ce sens il ne me paraîtrait pas anormal d’établir une différence entre les investisseurs qualifiés, qui se disent prêts à assumer des risques – et à qui l’on pourrait donc vendre ce type de produits –, et les autres ; c’est d’ailleurs ce qui existe pour les placements.

M. le rapporteur. De telles mesures concernent l’avenir.

M. Pierre Mariani. Certes, mais demain, c’était hier, il y a deux ans, en novembre 2009.

M. le président. Quel niveau doit avoir un interlocuteur pour être crédible à vos yeux ?

M. Pierre Mariani. Le problème n’est pas individuel : les collectivités disposent de conseils, d’instances de décision, de commissions permanentes et d’organes délibérants.

M. le président. Prenons un exemple précis. Si une collectivité se voit proposer un contrat appelé « Tofix », est-ce aux agents territoriaux de démontrer l’ambiguïté de cette appellation ou à la banque, qui a un devoir de conseil ?

M. Pierre Mariani. Pour des raisons que vous comprendrez, monsieur le président, je souhaite que vous m’autorisiez à ne pas répondre à cette question.

M. le président. Quelle doit être selon vous la règle du jeu entre les banquiers et leurs clients ?

M. Pierre Mariani. La règle de base, pour paraphraser M. Klein, est de vendre des produits que l’on comprend. Par ailleurs, on ne vend pas de produits dérivés à un client qui ne peut assumer les risques sous-jacents. Si une collectivité frontalière avait des revenus en francs suisses, il serait de bonne gestion pour elle de s’endetter en partie dans cette devise ; mais, sauf exception, ce n’est pas le cas.

M. le rapporteur. Quand on passe de 146 produits vendus à 15, c’est qu’on ne les comprenait pas tous…

M. Pierre Mariani. Non, cela signifie seulement qu’un certain nombre de ces produits n’étaient pas utiles. Si l’on analysait les activités des banques d’investissement, on découvrirait qu’il y a lieu de s’interroger sur certaines d’entre elles.

La sophistication à tout prix a trouvé ses limites. Il faut revenir à quelques principes simples : le rôle des banques est de financer l’économie, non de trouver des formules pour des clients qui veulent payer moins d’intérêts sur leurs emprunts. Il est arrivé en matière de crédits ce qui s’était passé pour les placements : aux États-Unis, certains avaient promis une rémunération à 12 % jusqu’à la fin de la vie ; on a vu le résultat fin 2008.

M. Marc Francina. La Haute-Savoie a effectivement emprunté pendant longtemps en francs suisses, car elle avait des rentrées d’argent dans cette devise. Il n’en reste pas moins aberrant d’adosser des prêts sur le franc suisse.

Mme Valérie Fourneyron. S’agissant des risques, quelle information avez-vous passée aux collectivités, notamment après certaines échéances électorales ?

M. Pierre Mariani. La garantie de l’État en faveur de Dexia ne porte pas seulement sur les prêts structurés ; la négociation entre la France et la Belgique avait pour objet la répartition des garanties respectives apportées par ces deux pays sur l’encours global des prêts.

De son côté, Dexia s’est portée garante auprès de la Caisse des dépôts dans l’hypothèse où celle-ci reprendrait Dexia Municipal Agency, et a consenti une autre garantie sur les encours de prêts structurés. Notre groupe souhaite en effet garder la main sur la renégociation de ces emprunts : il n’est pas question de faire jouer une garantie du contribuable. En ce sens, la création d’une structure de défaisance ne me semble pas le meilleur moyen de responsabiliser les élus locaux dans la gestion de leur collectivité. Nous continuerons donc de gérer la situation au cas par cas, dans le cadre de nos relations commerciales.

M. le président. L’État s’est tout de même engagé.

M. Pierre Mariani. Non, nous ne sommes pas dans le cadre d’une structure de défaisance ; des seuils très élevés ont été fixés pour les garanties.

Mme Valérie Fourneyron. Pour les prêts structurés, l’État s’est engagé à hauteur de 7 milliards d’euros, tout de même.

M. Pierre Mariani. Non, ce chiffre est celui du mark-to-market instantané ; mais les garanties n’ont absolument pas vocation à être appelées à ce niveau.

M. le président. L’État s’est porté garant à hauteur de 10 milliards d’euros, avec un ticket modérateur de 500 millions à la charge de Dexia. La clé de répartition est de 60 % pour l’État et 40 % pour Dexia – ou ce qui en resterait.

M. Pierre Mariani. Je le répète, la garantie de l’État n’a pas vocation à jouer. Elle se substituerait à celle que Dexia a apportée à la Caisse des dépôts et qui porte sur la performance des prêts structurés, autrement dit qui garantit les revenus attendus de ces prêts.

M. le président. Pouvez-vous être plus précis sur le niveau de qualification que vous attendez des élus ou des fonctionnaires territoriaux ?

M. Pierre Mariani. Nous n’avons pas d’exigences particulières en ce domaine.

M. le président. Quel est donc le niveau de qualification des salariés de Dexia spécialisés dans les produits structurés ? Vous savez que la confiance entre une banque et son client repose sur l’égalité et la symétrie de l’information.

M. Pierre Mariani. Je pense que, statistiquement, le niveau de formation de ces personnels n’est pas très différent de celui des élus locaux.

M. le président. Quel est ce niveau ?

M. Pierre Mariani. Je n’ai pas ici toutes les données relatives à la formation de nos commerciaux !

M. le rapporteur. J’ai travaillé vingt-cinq ans dans la banque ; je sais donc que les recrutements se font sur des critères précis. Dans une collectivité, les élus peuvent être très éloignés des réalités du monde bancaire ! Une commune de 1 000 habitants, par exemple, n’a pas de directeur financier ; c’est d’ailleurs pour cette raison que le seuil de 10 000 habitants me paraît intéressant. N’importe qui, par exemple, peut être adjoint aux finances : il n’existe pas de critères de recrutement en la matière. Les collectivités ne s’apparentent donc pas à des entreprises : elles sont composées d’élus qui représentent la population, laquelle, in fine, paie la facture ; c’est pourquoi elles sont plutôt assimilables à des particuliers. Cela vous impose des obligations.

M. le président. Au nom de la commission d’enquête, je vous demande donc, monsieur Mariani, de fournir au rapporteur, dans les plus brefs délais, le nombre de personnes qui suivent les dossiers de prêts structurés chez Dexia, et leur niveau de qualification.

M. Pierre Mariani. Très bien, nous vous transmettrons ces informations.

M. Olivier Klein. Il nous est souvent arrivé de mettre en garde certaines collectivités sur des produits qu’elles nous demandaient. Reste que notre activité est soumise à la concurrence. Si celle-ci peut avoir ses vertus, elle a peut-être été aussi à l’origine de la sophistication croissante des produits.

Comme je l’ai dit, nous nous interdisions de vendre des produits structurés aux collectivités de moins de 10 000 habitants, sauf demande expresse de leur part. Nous ne leur avons pas vendu de snowballs non plus, sauf une fois, après qu’une collectivité nous en ait fait la demande par écrit. Bref, nous nous sommes efforcés de nous adapter aux besoins, quitte à émettre un avis négatif dans certains cas.

Nous n’avons à ce jour aucun contentieux avec les collectivités sur les prêts structurés – ni aucune condamnation, cela va de soi.

Quant aux profils de formation, nos personnels sont en général diplômés d’école de commerce ou titulaires de diplômes universitaires de niveau bac+3 ou bac+5, certains d’entre eux atteignant les mêmes niveaux par la formation continue que nous développons beaucoup aux Caisses d’Épargne. Notre exigence est que nos commerciaux comprennent les produits afin d’être en mesure de les expliquer. Par ailleurs, il n’existe pas de rémunération variable en fonction des produits vendus.

Ce ne sont pas les taux variables en eux-mêmes qui posent problème – puisque les taux, qu’ils soient courts ou longs, sont très bas –, mais les taux indexés sur certains indices complexes.

M. le président. Quelle est, dans votre clientèle, la taille de la plus petite collectivité ?

M. Olivier Klein. Je ne le sais pas, mais je chercherai cette information pour vous la transmettre.

M. le président. Merci.

M. Francis Canterini. Nous avons actuellement, 129 opérations hors charte Gissler, pour 99 contreparties ; parmi elles, 60 concernent les collectivités locales, dont 19 petites – soit moins de 20 000 habitants selon nos critères. La plus petite collectivité concernée compte, de mémoire, de 3 000 à 4 000 habitants. Deux dossiers sont en contentieux ; dès lors que le risque ne nous semble pas avéré sur ces dossiers, nous n’avons pas constitué de provisions.

Quels que soient leurs outils et le niveau de formation de leur personnel, les banques n’étaient pas en mesure de prévoir ce qui s’est passé depuis 2007 : les milliards qu’elles ont perdus le montrent assez. Il ne faut donc pas opposer ceux qui sauraient à ceux qui ne sauraient pas.

Dès que les premiers dérapages se sont manifestés, nous sommes entrés en contact avec toutes nos contreparties. À l’origine, 180 dossiers étaient concernés ; en d’autres termes, une cinquantaine d’entre eux ont été réglés par des restructurations, qui, malgré leur coût, ont permis de diminuer les risques. Un comité des dossiers complexes a été créé dès le début de 2008, regroupant tous les acteurs de la banque – front office, marchés, conformité, service juridique, risque – qui vérifie la conformité des restructurations et des désensibilisations proposées.

Nous informons bien entendu nos clients sur la valorisation de leurs positions, et avons refusé des restructurations qui nous semblaient être des fuites en avant. Certains clients, disons-le, ont refusé les désensibilisations que nous leur proposions, en raison de leur coût ; or, s’ils devaient se défaire de leur emprunt aujourd’hui, ce coût serait encore plus élevé.

S’agissant des prêts structurés, deux contacts existent : le contact de proximité dans les Caisses régionales et les spécialistes de l’ingénierie.

Le niveau de qualification des agents territoriaux ne doit pas être posé, selon moi, en termes techniques. Il faut surtout s’assurer que le processus de décision est collectif et que les agents, aidés le cas échéant par des conseils, posent les bonnes questions. Enfin, la meilleure façon de vérifier la qualité ou la transparence des offres est de faire jouer, sur la base d’un objectif financier précis, la concurrence entre les banques.

M. Charles de La Verpillière. Si j’ai bien compris, le groupe BPCE n’a aucun contentieux avec les collectivités locales sur les prêts structurés hors charte Gissler. Combien le CA CIB en a-t-il ?

M. Francis Canterini. Nous avons deux contentieux, dont un concerne un prêt hors charte Gissler.

M. Charles de La Verpillière. Et Dexia ?

M. Pierre Mariani. Dix.

M. Charles de La Verpillière. Devant quelles juridictions sont-ils portés ?

M. Pierre Mariani. Des juridictions civiles.

M. Charles de La Verpillière. Des décisions de justice ont-elles déjà été rendues ?

M. Francis Canterini. Oui, deux, dont une concernait le CA CIB. Ces deux décisions ont été en faveur des banques.

M. le président. S’agit-il du jugement rendu à Toulouse ?

M. Francis Canterini. Je veux parler de la décision du tribunal de commerce de Paris du 8 décembre 2009.

M. le rapporteur. La charte Gissler, dont vos établissements sont signataires, vous paraît-elle un bon outil ? Quelles sont à vos yeux ses limites ? Que pensez-vous de la typologie qu’elle propose ?

Si cette commission d’enquête a été créée à l’unanimité, ce n’est pas par hasard. Quelles solutions globales ou plus spécifiques pouvez-vous proposer pour résoudre le problème ?

M. Francis Canterini. Nous avons anticipé la charte Gissler, puisque nous en avions appliqué certains principes dès 2008. Ces principes sont élémentaires ; il convient également de laisser toute sa place à la discussion au cas par cas : c’est précisément ce à quoi nous nous engageons pour aider les collectivités. Le dispositif actuel me semble donc suffisant.

M. le président. Si l’on se réfère à la grille de la charte, à partir de quel seuil les produits doivent-ils selon vous être interdits ?

M. Francis Canterini. Nous avons identifié quatre niveaux de produits, selon leurs profils de risque ; une vigilance particulière, assortie d’éventuels refus, s’impose à partir du niveau 2.

M. Olivier Klein. Pour traiter les stocks, la procédure de médiation est une bonne façon de travailler, même si elle n’est pas toujours nécessaire. En tout état de cause, nous accompagnons nos clients.

Pour le futur, le groupe BPCE a décidé de se limiter aux produits situés en deçà de la norme 2B, c’est-à-dire aux produits ne comportant pas de risques ouverts. Nous ne vendons plus de produits incluant des ventes d’option. En revanche, il reste bien entendu possible d’acheter des options en toute connaissance de cause, afin de « caper » les taux variables, ce qui revient à payer une prime d’assurance en même temps que le crédit. Dès lors, le risque est fini, au sens mathématique.

M. Pierre Mariani. La charte Gissler a eu le mérite de formaliser un certain nombre de pratiques, notamment celles qu’il convenait d’exclure. Quelques points devraient néanmoins être clarifiés et certains principes appliqués. Une partie des difficultés tient aux fortes incitations à la renégociation. Les périodes de bonification, notamment à l’approche d’échéances électorales, devraient être selon moi limitées, voire interdites, car elles n’incitent pas à une gestion rationnelle des risques et de la charge financière.

S’agissant du stock existant, je ne vois pas d’autre solution qu’une gestion dans la durée et au cas par cas, car nous ne sommes pas en mesure, aujourd’hui, de proposer des solutions globales satisfaisantes, notamment pour les produits indexés sur le franc suisse. Environ 6 milliards d’euros d’encours de prêts structurés ont été renégociés depuis 2010 ; nous accompagnons les petites collectivités de façon très proactive, en gelant au besoin certaines échéances ou remboursements d’intérêts ; mais nous ne pouvons le faire pour les grandes collectivités, même si, depuis trois ans, nous sommes parvenus à désensibiliser les encours en gérant les situations au cas par cas.

M. le président. Quels produits faut-il selon vous interdire, si l’on se réfère à la typologie de la charte Gissler ?

M. Pierre Mariani. Tous les produits à fort effet de levier. De fait, le niveau des nouveaux crédits que nous commercialisons est aujourd’hui beaucoup moins élevé ; la plupart d’entre eux se situent au maximum à 2C.

M. le président. Messieurs, je vous remercie.