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Commission d’enquête sur les produits financiers à risque souscrits par les acteurs publics locaux

Mercredi 16 novembre 2011

Séance de 16 heures

Compte rendu n° 18

Présidence M. Claude Bartolone, Président

– Audition, ouverte à la presse, de M. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales

M. le président Claude Bartolone. Nous accueillons M. le ministre chargé des collectivités territoriales, à qui je souhaite la bienvenue.

Monsieur le ministre, votre audition marque l’ouverture de la dernière phase des travaux de notre commission d’enquête, celle des propositions. Elles sont attendues, tant le constat que nous dressons est accablant : des responsables locaux dépassés par la complexité de certains produits, des banquiers ayant fait prévaloir les objectifs de marge sur le respect de leurs clients, des contrôles de l’État largement défaillants.

Vous l’avez rappelé à plusieurs reprises, vous ne voyez aucun problème systémique dans ce que j’appellerais une véritable « crise » de l’emprunt des collectivités territoriales.

Avant de donner la parole à notre rapporteur, je vous poserai donc une question générale. Dans le cadre du démantèlement de Dexia, les encours des prêts aux collectivités territoriales françaises situés dans les catégories les plus risquées ou en dehors de celles établies par la charte Gissler ont fait l’objet d’une garantie de l’État plafonnée à 10 milliards d’euros. C’est donc que les acteurs concernés – l’État, Dexia, la Caisse des dépôts – ont reconnu que ces emprunts, sans être particulièrement rentables, présentaient des risques légaux non négligeables. Peut-on continuer à parler de cas isolés, quand la loi de finances rectificative les mentionne précisément ?

M. Philippe Richert prête serment.

M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur. La commission d’enquête s’interroge notamment sur d’éventuels manquements dans les contrôles de l’État. Les auditions ont en effet montré que les autorités en charge du contrôle de légalité et du contrôle budgétaire au niveau des préfectures ne disposaient pas des moyens légaux pour détecter les risques éventuels liés à des emprunts structurés et mettre en garde les collectivités territoriales, d’autant plus qu’il y a eu là un phénomène massif : un effet de mode ou une démarche commerciale. Une circulaire a été prise récemment pour remédier à ces manques, mais il demeure qu’en tant que contrats de droit privé, les contrats d’emprunt échappent à tout contrôle de légalité. Si la règle d’or s’impose aux collectivités locales, il existe des failles dans la réglementation. Que proposez-vous pour améliorer la situation ?

Les préfectures ne manquent pas tant de moyens juridiques que de moyens humains pour effectuer ce contrôle. Le profil classique et le nombre des fonctionnaires sont-ils suffisants pour faire face aux problèmes complexes que pose une gestion dynamique de la dette ? Ce contrôle ne requiert-il pas des compétences différentes ?

Enfin, les collectivités territoriales sont-elles des clients comme les autres pour les banques ? Doivent-elles être regardées comme une personne physique, une entreprise, ou autre chose ? Je n’ai pas encore la réponse à cette question, mais nous devrons nous prononcer. Pour certains, une collectivité s’apparente à une entreprise, dont les agents sont formés et habilités à signer ce type de contrat. Pour leur part, les collectivités estiment que la technicité et la complexité de ces contrats les rendaient trompeurs : les élus ne sont pas tous des financiers patentés. Bref, ne faut-il pas inventer une nouvelle catégorie de clients des banques ?

M. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales. Les emprunts dont nous parlons impactent fortement les collectivités, en tout cas bon nombre d’entre elles. C’est donc un sujet que nous ne pouvons éluder.

Je commencerai par les limites du contrôle de légalité. Vous l’avez dit vous-même, monsieur le rapporteur, celui-ci est difficile à effectuer puisque les contrats passés entre une collectivité locale et une personne de droit privé, exception faite des contrats administratifs par détermination de la loi, sont présumés être de droit privé. Ils n’ont donc pas à être transmis aux services chargés du contrôle de légalité pour être exécutoires, ce qu’a confirmé le Conseil d’État. Les délibérations qui les concernent sont néanmoins obligatoirement transmises aux services préfectoraux dans le cadre du contrôle de légalité. Les services préfectoraux ne peuvent ainsi saisir le juge administratif que de la légalité de la délibération, et non du contrat de droit privé.

En matière budgétaire, le contrôle de l’emprunt des collectivités s’exerce à travers le principe d’équilibre, qui se traduit par l’interdiction de financer des dépenses de la section de fonctionnement par l’emprunt et l’obligation de rembourser les annuités d’emprunt par des ressources propres. Les services préfectoraux doivent s’assurer que les écritures sont sincères et que les documents budgétaires – notamment les différentes annexes – ont été correctement remplis. La notion de dette exigible recouvre non seulement le capital et les intérêts de la dette, mais également les frais financiers indiqués dans les contrats d’emprunt, qui peuvent faire l’objet d’une mise en demeure par le préfet et d’une procédure d’inscription d’office, en l’absence d’inscription ou en cas de sous-estimation. Ces différents points ont été rappelés dans une circulaire du 25 juin 2010 relative à l’action des services préfectoraux en matière de contrôle de légalité et de contrôle budgétaire. Dès lors, nous n’avions ni le pouvoir ni le moyen de contrôler les caractéristiques des contrats.

Les uns et les autres ont d’ailleurs insisté sur le fait que l’État n’avait pas à s’immiscer dans ce qui relève des collectivités. C’est un débat qui resurgit fréquemment à l’occasion de la discussion comme de l’application des textes législatifs. Je m’entends souvent rappeler que l’État doit rester à sa place, qu’il n’a pas à empiéter sur les prérogatives des collectivités, qu’il se doit de respecter les principes de la décentralisation, à commencer par celui de la libre administration des collectivités territoriales inscrit dans la Constitution. Dans le cas présent, l’État n’avait pas à se prononcer. Le secrétaire général de l’Association des maires de France (AMF) l’avait d’ailleurs dit clairement en 2008. Je cite ses propos : « Le congrès de l’AMF prend acte des mesures prises par le Gouvernement pour faciliter l’accès des communes à l’emprunt. Il considère que les difficultés que peuvent rencontrer quelques collectivités en matière de produits financiers, dits à risque de taux, doivent être appréciées à leur juste mesure. En aucun cas, cette situation ne saurait être un prétexte pour mettre en place des règles plus contraignantes. »

M. le rapporteur. Il y a pourtant la circulaire de 1992. Comment est-elle appliquée ?

M. le président. J’entends bien les propos du secrétaire général de l’AMF, et je comprends les raisons qui vous conduisent à les citer…

M. le ministre chargé des collectivités locales. Mais non. Ne me prêtez pas d’intention particulière.

M. le président. Permettez-moi cependant de rappeler que les élus doivent voter des budgets sincères. Or en l’état actuel, ils ne peuvent pas l’être. Pour prendre l’exemple d’une collectivité que je connais bien, il manque 30 millions d’euros – qui n’apparaissent nulle part – dans mon budget.

M. le ministre chargé des collectivités locales. Permettez-moi de prendre moi aussi l’exemple d’une collectivité que je connais bien. L’emprunt total de cette collectivité s’élève aujourd’hui à environ 750 millions d’euros, dont les deux tiers ont été souscrits à taux fixe et un tiers à taux variable. À la demande expresse du président de la collectivité, un emprunt structuré, de 20 à 30 millions d’euros, a été souscrit. L’administration était plutôt réticente, mais le président, qui est très informé et très impliqué dans la gestion de sa collectivité, a expliqué qu’ainsi, il gagnerait un point environ sur les taux d’intérêt – en empruntant à 2 % au lieu de 3 %. Il avait calculé que si ce gain se maintenait pendant cinq ou six ans, la collectivité serait toujours gagnante, même si un effet de cliquet venait à jouer. Le taux d’intérêt moyen de l’ensemble de la dette s’établit aujourd’hui à 3,09 %. Nous voyons donc qu’un élu, il est vrai très au fait des questions financières, a fait un choix politique qui permettrait, selon lui, d’obtenir globalement un meilleur taux. Celle-ci aurait certes pu y gagner plus si les taux n’étaient pas remontés, mais le taux d’intérêt moyen – emprunt structuré compris – reste tout à fait acceptable. Bref, les banques n’ont pas systématiquement eu la démarche commerciale offensive qu’on leur prête : nous avons ici le choix politique d’un élu informé, qui a décidé, malgré les alertes qui pouvaient être données ici ou là. J’assume ce choix politique ; en l’occurrence, l’État n’avait pas à se prononcer.

Je vous rejoins en partie sur le deuxième point. À titre personnel, je serais particulièrement choqué si l’État venait aujourd’hui donner des leçons à ceux qui n’ont pas eu la capacité – ou les moyens – de se montrer vigilants, ou n’ont pas été alertés de cette nécessité. J’étais président de conseil général pendant cette période. Nous avons été démarchés comme d’autres, mais le conseil général du Bas-Rhin n’a souscrit aucun emprunt structuré : la responsable des finances préférait s’en tenir à des produits plus sûrs, et je me suis rangé à son avis. Il ne faudrait pas donner le sentiment que les responsables politiques n’avaient d’autre solution que de se laisser faire. Mais comme je vous l’ai dit, une autre collectivité que je connais a fait, elle, le choix politique de souscrire un emprunt structuré. Je conçois que des élus mal informés aient pu prendre des décisions sans avoir les compétences nécessaires pour agir en pleine connaissance de cause, ou que les responsables financiers de certaines collectivités – je parle ici des services – n’aient pas eu les capacités d’apprécier ce qui leur était proposé, ou n’aient pas transmis aux élus toutes les informations nécessaires. Pour autant, il ne me semble pas qu’il faille crier haro sur l’État.

Cela étant, je serais particulièrement peiné que les grandes institutions de contrôle de l’État viennent aujourd’hui donner des leçons car elles n’ont pas averti les élus qu’il fallait être plus vigilant. En tout cas, elles auraient pu le faire plus et mieux, surtout au regard de la conjoncture. À l’époque, chacun s’efforçait de diminuer au maximum l’impact de sa dette, et personne ne parlait d’emprunts toxiques ! Il ne s’agissait que d’une façon d’emprunter parmi d’autres, dont on pouvait penser qu’elle serait plus avantageuse. Certains élus disposaient des capacités d’analyse nécessaires pour se déterminer en toute connaissance de cause, d’autres non – et c’est dommage. Mais n’accréditons pas l’idée que, d’une manière générale, l’État n’aurait pas été à la hauteur. Les propos du secrétaire général de l’AMF – que j’estime personnellement beaucoup et qui sait ce qui se passe dans les collectivités – suffisent en effet à montrer que celles-ci ne veulent pas d’un renforcement des contrôles de l’État.

M. le président. Entendons-nous bien, monsieur le ministre : je ne demande pas de contrôles supplémentaires, je dis simplement qu’il y a une responsabilité de l’État à laisser les élus gérer sans leur donner les moyens de constater les pertes aussitôt qu’elles apparaissent. Pour un certain nombre des emprunts que nous avons eu l’occasion d’examiner, c’est dès le lendemain de la signature qu’ils étaient négatifs au fixing. Mais comme il y avait une période de bonification au début, les pertes latentes n’apparaissaient nulle part ! Il s’agit non pas de contrôle des élus, mais de vérité démocratique. Si l’on avait exigé dès le départ qu’elles figurent dans une ligne de réserve ou une ligne à définir, ces emprunts seraient immédiatement apparus beaucoup moins intéressants à bon nombre d’élus.

M. le rapporteur. Il ne s’agit pas de faire le procès de l’État. L’autonomie financière des collectivités est une revendication unanime, et tout gain sur les frais financiers est un produit comme un autre, qui évite de recourir à l’impôt. En ce sens, il relève bien de l’autonomie. Le lien se situe plutôt entre l’autonomie financière et le fait d’avoir des comptes sincères. Je suis assez favorable à ce que cette autonomie financière perdure – elle permet de donner libre cours à une certaine créativité, et pour ma part, j’ai gagné beaucoup d’argent avec des emprunts structurés. Mais il faut avoir les outils qui permettent de présenter des budgets sincères. Dans une entreprise privée, ces outils sont les provisions. Il n’en va pas de même en comptabilité publique. Sans doute manque-t-il à l’État certains instruments pour faire son travail. Il y a certes une différence entre une délibération et le contenu de ce qu’elle autorise – il en va d’ailleurs de même pour les délégations de service public – mais il faut voir comment on peut aller plus loin.

Raisonnons en scientifiques. Passe encore s’il n’y avait que trois cas, mais il y en a 5 000 ! La loi du nombre doit nous interpeller.

Nous avons plusieurs pistes pour éviter que le scénario se reproduise. C’est pourquoi je vous ai demandé ce qu’était pour vous une collectivité. Certaines banques ont tout de même fait signer à des collectivités une clause selon laquelle elles étaient considérées comme des entreprises. Pourquoi, sinon pour juguler un malaise ? Car si vous n’êtes pas une entreprise, vous êtes une personne physique, et la loi pose un certain nombre de règles s’agissant de la relation d’une banque avec une personne physique.

Il faut trouver une solution. Quand 5 000 collectivités se trompent en même temps, on peut parler de phénomène ; et à mesure que nos travaux avancent, nous constatons qu’à un moment donné, tout le monde s’est trompé. Le ministre doit donc nous dire ce qu’est une collectivité – autrement dit, comment un banquier devra-t-il regarder une collectivité demain ? Nous avons reçu hier l’équipe de direction de Dexia. Son président a fait un plaidoyer pour son action. Dexia était la banque des collectivités, mais elle entretenait avec elles une relation très particulière, voire fusionnelle ! Plus étonnant, il a admis qu’ils avaient été surpris : pour eux, la dette des collectivités était une dette souveraine – autrement dit, il était garanti que quelqu’un payerait. Mais ce ne peut être que le contribuable !

On parle souvent du statut de l’élu, mais quel est le statut de la collectivité face à l’activité bancaire ? Pour l’avenir, il faut donc définir le statut des collectivités : doivent-elles être considérées comme des personnes physiques, auquel cas c’est le contribuable qui supportera l’ajustement, ou comme des entreprises, ce qui suppose une comptabilité d’un type différent, avec la possibilité de passer des provisions, de déposer le bilan… Nous sommes au milieu du gué. Sachant que les élus réclament l’autonomie financière, il faut lever l’ambiguïté.

M. Éric Raoult. La commission d’enquête a plutôt l’habitude d’auditionner des personnes qui regardent par terre, monsieur le ministre. Vous, vous nous regardez droit dans les yeux. Il ne s’agit pas d’une dissonance par rapport au discours ambiant ; simplement, c’est l’État qui s’exprime par votre voix. N’y voyez aucune critique à l’égard du président ou du rapporteur, mais j’étais resté un peu sur ma faim depuis le début de nos travaux, auxquels j’avais accepté de participer en raison de la personnalité du président et du rapporteur, fins connaisseurs du dossier des collectivités locales. Je me félicite donc d’entendre le ministre rappeler un certain nombre de réalités. Il y a en effet un peu d’hypocrisie dans la petite musique du « tous responsables » que nous entendons depuis le début. Je vous remercie de nous avoir fait entendre une mélodie différente, monsieur le ministre. J’aimerais en effet pouvoir voter les propositions que nous feront Claude Bartolone et Jean-Pierre Gorges, et votre contribution nous apporte un éclairage bienvenu.

M. le ministre chargé des collectivités locales. Vous m’aviez interrogé sur les limites du contrôle de légalité. J’ai commencé à expliquer le cadre dans lequel l’État agit, mais j’ai été interrompu presque aussitôt. Je pensais être auditionné en tant que ministre pour donner la position de l’État : je ne savais pas que le président et le rapporteur feraient à la fois les questions et les réponses… J’ai expliqué pourquoi il ne fallait pas généraliser l’analyse. Il est vrai que dans certaines collectivités, les élus se sont succédé, et que certains découvrent des situations qu’ils ignoraient. Pour ma part, je n’ai laissé aucun emprunt toxique derrière moi.

M. Bernard Derosier. Vous n’êtes pas le seul.

M. le ministre chargé des collectivités locales. Je le dois d’abord à ma directrice des finances. Je comprends que d’autres n’aient pas vu – ou pas pu voir – l’ensemble des risques. Mais je veux le redire, l’État se voit en permanence opposer la décentralisation. Durant des mois, on m’a harcelé pour m’expliquer que la réforme des collectivités était une nouvelle façon pour l’État de mettre la main sur les collectivités territoriales. Je l’ai entendu des dizaines et des dizaines de fois ! On ne peut à la fois dire en permanence que l’État doit laisser faire les collectivités, et lui demander d’intervenir lorsqu’un problème survient. Pour autant, vous avez tout à fait raison : nous avons beaucoup à apprendre de cette crise, qui est une crise majeure pour les collectivités. Nous devons donc en tirer les conclusions et nous prémunir pour l’avenir. Nous l’avons déjà fait en partie.

J’en viens à l’approche de ce qu’est une collectivité. Nous allons d’abord refaire une banque des collectivités – une banque publique qui sera formée à partir de la Banque postale et de la Caisse des dépôts. Des garanties et des engagements ont été pris – pour aujourd’hui et pour l’avenir – au niveau de l’État. Les garanties, c’est la charte Gissler, que je n’ai pas besoin de détailler devant vous, qui répond pour partie à la question de M. le rapporteur sur la nature des collectivités, qu’elle reconnaît comme des acteurs non professionnels. Sachant qu’elles seraient toujours financées, certains ont considéré un peu vite qu’elles étaient informées parce qu’elles disposaient de personnels spécialisés. On sait bien que ce n’était pas le cas : non seulement les collectivités ne disposaient pas toutes de personnels spécialisés, mais sur ce sujet, les personnels spécialisés eux-mêmes n’étaient pas si avisés qu’on l’a cru…

La Cour des comptes explique qu’il ne fallait pas entrer dans cette logique. Aujourd’hui, alors qu’inspections, contrôles et vérifications se multiplient, elle précise avoir « passé des messages ». Personnellement, je ne les ai pas entendus. J’ai trente ans d’expérience publique. En tant que patron de collectivité, je n’ai pas cédé au mouvement général – non parce que j’étais plus averti que d’autres, mais parce que ma directrice des finances n’a pas voulu s’engager dans cette voie qui ne lui paraissait pas suffisamment sûre.

En ce qui concerne les précautions à prendre pour le futur, les annexes budgétaires des collectivités seront complétées. Il faut bien sûr travailler sur la notion de provision, afin que les nouveaux venus puissent savoir où ils en sont et ne se retrouvent pas contraints de faire face à des risques qui ne sont pas couverts. Bien des progrès doivent encore être faits.

Le rapporteur me demande si les services au niveau des préfectures sont assez « calibrés » pour effectuer le contrôle de légalité. Il ne s’agit pas tant du nombre que de la spécialisation des agents chargés de ce contrôle, qui doivent être avertis des points qui appellent une vérification. Pour ce qui est du contrôle budgétaire, les préfets ont été informés, notamment de la façon de remplir les annexes relatives à la dette, afin que l’on puisse disposer rapidement, à partir de documents correctement remplis, de la notion de dette exigible. Ces différents points ont été rappelés dans la circulaire du 25 juin 2010. Nous demandons donc à la fois aux collectivités de procéder à ce travail, et aux préfectures de contrôler les documents remplis pour nous assurer que nous sommes entrés dans la phase d’application de la charte Gissler, ceci afin de ne pas nous retrouver, dans six mois ou un an, dans une situation qui rappellerait ce que nous avons connu.

Nous serons aussi à l’écoute de ce que proposera la commission d’enquête. À titre personnel, je ne suis pas favorable à la création d’une structure de défaisance et je partage pleinement l’approche de la Cour des comptes. Pour m’en tenir au cas d’une collectivité que je connais bien, il me semble légitime qu’elle gère le dossier de ses emprunts structurés car elle est en mesure de le faire.

Il faut bien entendu se prémunir pour l’avenir, en appliquant la charte Gissler et en mettant en place les mesures que nous avons évoquées. Mais il faudra aussi traiter le stock, en faisant en sorte que toutes les collectivités qui le peuvent utilisent les moyens de médiation mis à leur disposition. Personnellement, je ne l’ai pas fait pour le cas que je connais : j’estime avoir la capacité de choisir le moment où j’engagerai cette discussion. Compte tenu du taux de change actuel du franc suisse, ce n’est pas le moment de sortir d’un emprunt qui ne représente que 20 millions d’euros sur un stock total de 750 millions. Mais dès que j’en aurai l’occasion, je le ferai.

J’ai rencontré toutes les banques françaises concernées. Elles font parfois aux collectivités des propositions de rachat, mais qui sont souvent refusées tant que la période de bonification court encore. C’est aussitôt qu’elle est terminée qu’elles viennent demander à l’État la mise en place d’une structure de défaisance ! Ce n’est guère raisonnable. Les banques ne peuvent le dire publiquement, car elles sont tenues par le secret bancaire.

M. le rapporteur. Mais, comme le rapporteur peut le demander, j’ai écrit à toutes les banques afin de savoir si elles avaient engagé cette démarche et quel était l’état des négociations.

M. le ministre chargé des collectivités locales. Je serais heureux d’en connaître le résultat.

L’idée est de sortir des emprunts structurés chaque fois que cela est possible. Pour ce faire, j’invite toutes les collectivités – en particulier les plus petites – à se mettre en rapport avec la mission Gissler. Les petites collectivités n’ont jamais eu à payer les taux exorbitants dont nous entendons parler : dans la quasi-totalité des cas qui m’ont été rapportés, on a trouvé des solutions de remplacement par des emprunts à taux fixe ou variable. L’État devra peut-être s’impliquer davantage là où subsistent des situations de blocage. En revanche, je ne conçois pas de mettre en place une structure de défaisance à compétence générale – pour toutes les raisons que la Cour des comptes a exposées, et aussi parce que certaines collectivités ont fait le choix volontaire et mesuré de recourir à ces emprunts structurés, et sont capables d’en sortir. À elles donc de négocier, le cas échéant avec le soutien de la mission Gissler, pour retrouver des perspectives acceptables. Telle est aujourd’hui la position que j’exprime au nom du Gouvernement. C’est donc avec intérêt que j’attends les propositions de la commission d’enquête.

M. le président. Voyez la nomenclature M14 : ce n’était pas une atteinte aux collectivités locales que de les obliger pour la première fois à constituer des provisions et des amortissements ! Il est important de garantir l’autonomie des collectivités locales, mais la nomenclature budgétaire et comptable ne constitue en rien une menace pour elle ! Ce qu’il faut, et j’insiste sur ce point, c’est assurer une transparence budgétaire. L’ancienne équipe de direction de Dexia, que nous avons rencontrée hier, nous a dit qu’elle ne voyait jamais les élus, mais seulement l’administration. Il faut seulement que, parfois, la règle du jeu soit plus claire pour que le contrôle démocratique puisse s’exercer.

Mme Valérie Fourneyron. Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir reconnu franchement que l’État devrait sans doute s’impliquer davantage pour un certain nombre de collectivités. J’entends bien ce que vous dites au sujet du contrôle de légalité – notamment que les contrats d’emprunt sont des contrats de droit privé – et de l’autonomie des collectivités locales. Mais dans le cas de ma collectivité, la nouvelle équipe municipale a hérité d’un endettement constitué à 85 % de produits structurés. À aucun moment les services de l’État n’avaient donné l’alerte, y compris à l’approche des périodes électorales. Le premier courrier que la préfecture nous ait adressé sur le sujet est daté de février 2011, et il nous alertait sur la toxicité d’un produit que nous étions en train de renégocier, pour ramener le multiplicateur de 5 à 4 ! Il y a de quoi sourire !

Nous renégocions les produits au fur et à mesure, mais quand l’on n’est plus dans la période des taux bonifiés. Nous saisissons alors l’ensemble des outils mis à notre disposition, à commencer par la charte Gissler et le médiateur Gissler. Mais dans certains cas, les propositions de sortie des banques – en particulier celles qui n’ont aujourd’hui qu’une très faible partie de leur activité en France, et que nous avons auditionnées, comme la Royal Bank of Scotland ou la Deutsche Bank – ne sont tout bonnement pas acceptables. Nous avons donc besoin d’une réponse sur le stock de ces produits et sur la possibilité d’un investissement de l’État. Certes, nous sommes en mesure de négocier avec les banques dans un certain nombre de cas. Mais il y a des situations de blocage qui peuvent être dramatiques pour des petites communes, que la commission d’enquête a entendues, mais aussi pour de grandes collectivités très endettées – avec des taux d’intérêt qui dépassent l’entendement.

M. Patrice Calméjane. Notre Constitution pose en effet le principe de la libre administration des collectivités locales, monsieur le ministre, mais « sous l’autorité du contrôle de l’État ». Cela peut faire l’objet de vastes débats, mais l’important est de trouver la juste mesure.

Nous sommes là pour trouver des solutions qui permettent de ne pas retomber dans les mêmes erreurs. Les anciens préfets et les trésoriers-payeurs généraux nous ont dit qu’ils n’avaient pas à se prononcer sur le contenu des contrats. La semaine dernière, l’Autorité de contrôle prudentiel nous a déclaré que cela relevait du législateur, ce à quoi nous avons répondu que, si elle avait eu la courtoisie de nous avertir, nous aurions pu faire évoluer la législation ! Ma première question est donc la suivante : le ministère de l’intérieur a-t-il été averti par l’Autorité de contrôle prudentiel que certains produits pouvaient devenir dangereux pour les collectivités ?

Vous l’avez dit, les seize ratios de la loi du 6 février ne sont pas suffisants pour vérifier qu’une collectivité agit correctement, notamment en ce qui concerne ces produits particuliers. Je rappelle tout de même qu’une collectivité territoriale est tenue de faire figurer dans l’état annexe de la dette les emprunts non amortis, et d’intégrer l’amortissement et les frais financiers y afférant et les prévisions de dépenses, sous peine d’affecter l’équilibre réel du budget en cause. Or pour ces produits, on ne connaît le taux d’intérêt que pour les deux, trois ou cinq premières années, selon les cas. Ensuite, on passe à un taux variable. Comment garantir la sincérité d’un budget dans ces conditions ? Même si – vous l’avez dit – le responsable est celui qui a signé le contrat, les services de l’État – préfectures, trésoriers-payeurs généraux – auraient pu, dans le cadre de leur mission de conseil et de surveillance, s’en inquiéter. Nous leur avons d’ailleurs demandé s’il existait des réseaux d’alerte et si le sujet avait donné lieu à des discussions entre eux. Je conçois difficilement que l’on puisse accepter des budgets dans lesquels figurent des valeurs de remboursement d’emprunt pourtant impossibles à connaître au moment du vote… Ces produits auraient donc dû être interdits dès l’origine. Certes, le principe d’annualité budgétaire s’impose à la plus petite collectivité comme à l’État, mais cette difficulté aurait dû éveiller l’attention, d’autant qu’il existe une jurisprudence du Conseil d’État sur ce type de déséquilibre budgétaire – je pense par exemple à l’absence de provisionnement.

Le débat ne se limite d’ailleurs pas au problème de l’emprunt : nous avons la même difficulté avec un certain nombre de contrats pluriannuels signés par les collectivités, dans lesquels les frais susceptibles de venir en supplément ne sont pas toujours lisibles à l’origine. Les recommandations que vous pourriez faire au sujet des emprunts pourraient donc être étendues à ces contrats pluriannuels.

M. Henri Plagnol. Mes observations rejoignent celles qui viennent d’être présentées. Votre tâche n’est pas facile dans la situation qui est aujourd’hui celle de la zone euro. Nous l’avons constaté dans le débat sur la recapitalisation de Dexia et les conditions dans lesquelles la contre-garantie de l’État pour les créances toxiques serait ou non engagée, l’État ne souhaitant en aucun cas que l’on puisse accréditer l’idée que cette contre-garantie serait amenée à jouer.

Nous sommes tout aussi conscients que les collectivités locales sont autonomes : par conséquent, lorsque les élus ont fait des choix erronés engageant gravement les finances de leur collectivité, celle-ci doit faire un effort. Mais là où nous ne pouvons plus suivre, c’est lorsqu’on soutient que l’État n’a pas de responsabilité, car c’est faux – et la Cour des comptes elle-même le dit. L’État a une mission d’alerte et de contrôle général. Or aucun des dispositifs n’a fonctionné. J’insiste notamment sur la responsabilité de la direction générale des collectivités locales (DGCL). La responsabilité de l’État est donc engagée.

L’État a un intérêt majeur à ce que l’on trouve des solutions reposant sur la médiation et la négociation car plus le temps passe, plus l’addition peut se révéler gigantesque. Je rappelle qu’à l’appui de son refus de reprendre les créances les plus toxiques dans son bilan, la Caisse des dépôts a estimé que les pertes potentielles n’étaient même pas chiffrables. La thèse selon laquelle il pourrait y avoir un retour à la normale est beaucoup trop dangereuse. Les collectivités locales qui n’ont pas d’autre issue, qu’elles soient petites ou plus grandes, – je rejoins ici le témoignage de Mme Fourneyron, députée-maire de Rouen : nous sommes peu ou prou dans la même situation, déjà surendettées, avec des dettes composées à plus de 90 % de prêts toxiques – choisiront en effet d’aller en justice. Or la multiplication des contentieux serait une catastrophe. C’est un jeu « perdant-perdant » : pour les banques, car rien n’est pire que l’incertitude pour les marchés ; pour les collectivités locales puisque les contentieux ne sont pas suspensifs et que l’on ignore ce que sera la jurisprudence – dans l’intervalle, l’emprunt est gelé, et c’est la mécanique folle de ce système qui s’applique – ; enfin, pour l’État, dont la contre-garantie, notamment dans le cas de Dexia, devra jouer. Tout le monde a donc intérêt à une solution intelligente. Celle-ci consiste probablement – c’est l’une des pistes qu’explore la commission d’enquête – à cantonner le stock des prêts pour lesquels il n’y a pas de solution facile, non pour que l’État règle la totalité de l’addition, mais pour permettre une gestion dans la durée qui minimise les conséquences financières. Le terme de structure de défaisance n’est d’ailleurs sans doute pas le bon. Nous avons donc besoin du concours du Gouvernement. Les collectivités locales sont désireuses de jouer le jeu de la médiation – c’est en tout cas ce que fait la mienne – mais celle-ci touche à ses limites.

Ne partons donc pas sur un malentendu : collectivités locales, banques et État ont un intérêt commun à trouver des solutions rapides et non contentieuses.

M. Jean-Louis Gagnaire. Lorsque plus de 5 000 collectivités sont contaminées, le sujet dépasse les clivages politiques, certaines étant tenues par la majorité parlementaire, d’autres par l’opposition. La médiation atteindra vite ses limites. Le médiateur nous l’a d’ailleurs dit, il n’a pas les équipes nécessaires pour faire face à toutes les demandes de médiation. Il subsistera donc un stock que la médiation et la négociation ne permettront pas de résorber. Par conséquent, il faudra bien que l’État s’en mêle, ne serait-ce que parce que nombre de maires que nous avons entendus – notamment de petites communes – sont tentés de remettre les clés de leur mairie au préfet, car ils sont dans l’incapacité d’augmenter les impôts dans des proportions insupportables. C’est pourquoi nous cherchons une sortie acceptable pour tous. Je n’ai entendu aucun élu refuser de rembourser les prêts, notamment le nominal. La question est de savoir comment ils peuvent renégocier ces prêts avec une soulte supportable, ou les rembourser sans intérêts ni pénalités excessifs. Nous avons bien compris le rôle particulier qu’avait joué Dexia dans cette affaire, mais compte tenu de sa situation actuelle, la charge retombe sur la Caisse des dépôts et sur la Banque postale, et in fine sur l’État.

Le temps est désormais compté, monsieur le ministre : nous devons impérativement mettre en place une solution d’ici les élections : au moment où le taux du crédit augmente fortement, il faut sauver ces 5 000 collectivités – encore ne sommes-nous pas sûrs qu’elles aient été correctement recensées. Bref, nous cherchons un chemin, et nous demandons au Gouvernement de nous y aider.

M. le président. Je demande aux derniers intervenants d’être très brefs. Le ministre doit en effet se rendre au Sénat, et je voudrais qu’il puisse nous apporter quelques réponses, même s’il aura sans doute à rencontrer le rapporteur pour entrer dans le détail des propositions sur le stock.

M. Jean-François Mancel. Cette commission d’enquête commençait à ressembler au choeur des pleureuses. Nous avons reçu beaucoup d’élus qui, chez eux, brandissent l’autonomie comme un étendard, mais qui, dès qu’ils sont à Paris, viennent demander le parapluie de l’État pour les protéger des erreurs qu’ils ont commises dans leurs départements, leurs communes ou leurs régions…

J’ai vécu l’époque – c’était il y a trente ans – où le délégué régional de la Caisse des dépôts imposait aux élus locaux un quota d’emprunts. Ceux-ci, de gauche comme de droite, ont donc applaudi à l’arrivée de la Caisse d’aide à l’équipement des collectivités locales (CAECL), du Crédit local de France et de Dexia ! Aujourd’hui, la conjoncture s’est retournée et on tape donc sur celui que l’on tient pour l’un des principaux responsables. Il y a là une vraie injustice. Rappelons-nous donc ce que nous disions il y a quelques années sur le sujet…

Enfin, s’il faut trouver une solution pour en sortir, il serait injuste et anormal que l’État assume seul aujourd’hui des responsabilités qui sont largement celles des élus locaux. On ne peut tout de même pas dire qu’en souscrivant un emprunt « pourri », on n’exerce pas au moins une part de responsabilité. Il est trop facile de refuser l’État quand tout va bien et d’ouvrir le parapluie quand cela va mal !

M. le ministre chargé des collectivités locales. Je suis en effet attendu au Sénat, et ne pourrai donc être aussi complet que je l’aurais souhaité dans mes réponses. Je vous prie de m’en excuser.

J’ai indiqué au début de mon propos – que certains n’ont pu entendre puisqu’ils participaient au vote dans l’Hémicycle – quelle était la position de l’État. J’ai illustré ce propos par des exemples que je connais bien, pour montrer que l’on ne pouvait généraliser l’analyse. Il y a en effet des cas, madame Fourneyron, pour lesquels nous ne pourrons faire autrement que de trouver une solution ciblée. Je pense aux petites collectivités qui ne disposaient pas de moyens d’expertise et n’ont pas été suffisamment alertées des risques qu’elles couraient, mais aussi à des collectivités plus grandes, qui ont une proportion importante d’emprunts structurés dans leurs emprunts. Lorsque les emprunts structurés, même importants, sont en quelque sorte noyés dans la masse, on peut s’en sortir. J’avais donné l’exemple d’une collectivité que je connais bien, qui a 750 millions d’euros de dette, dont 20 millions en emprunts structurés, et dont le taux moyen de remboursement – emprunts structurés compris – s’élève aujourd’hui à 3,09 %. Il y a donc des cas dans lesquels il n’y a pas de raison que l’État s’implique : la collectivité peut gérer seule. Dans d’autres cas, nous ne pourrons en revanche faire autrement.

Grâce à la charte Gissler et aux mesures que nous avons mises en place, nous avons fait en sorte que de telles situations ne se reproduisent pas, et ceci dans le respect de la liberté des collectivités locales – que nous encadrons davantage. Je pense notamment à la nouvelle annexe budgétaire, qui sera améliorée et complétée pour éviter tout nouveau dérapage. Il faut en particulier régler la question des provisions, pour que les générations d’élus successives ne soient pas confrontées brutalement aux conséquences des choix – parfois très anciens – de leurs prédécesseurs. Nous assurerons ainsi une meilleure traçabilité, tout en sachant – comme l’a observé M. Calméjane – qu’avec les taux variables, il est parfois délicat d’apprécier le niveau des provisions à constituer. Grâce à la charte Gissler, nous avons exclu un certain nombre de prêts, qui ne peuvent plus être souscrits.

Je remercie M. Plagnol de sa modération.

Il nous faut d’abord recenser le plus complètement possible l’ensemble des situations. Nous avons entrepris cette démarche avec la DGCL. Pour répondre à la question de M. Calméjane, le ministère n’avait reçu aucune information particulière, notamment de l’Autorité de contrôle prudentiel, ni été alerté sur ces produits. Nous essayons actuellement, avec les préfets et les directions régionales des finances publiques, de procéder à un recensement le plus complet possible, afin de déceler les cas qui exigent une approche particulière. Car je le redis, nous ne pouvons adopter une approche généraliste et mettre en place la structure de défaisance que certains appelaient de leurs vœux. Les réponses aux différentes situations recensées ne pourront se construire que de façon partenariale, d’abord entre les collectivités et les banques. Sachez à cet égard que nous discutons actuellement avec les banques étrangères pour essayer de les faire entrer dans la démarche de la charte Gissler.

Pour les cas où il apparaîtra délicat de trouver des solutions sans l’intervention de l’État, nous réfléchirons à la place qu’il peut occuper dans le dispositif. Dans la conjoncture actuelle, l’État ne peut en effet éteindre l’incendie à lui seul, ni apporter la solution d’un coup de baguette magique.

M. le rapporteur. Il y a quelque chose de malsain dans les propos qui sont tenus depuis tout à l’heure. Il semblerait à les entendre que nous ayons déjà proposé des solutions. Or nous n’avons fait qu’écouter. Sans doute y a-t-il beaucoup de pleureuses, monsieur Mancel, mais il nous fallait écouter tout le monde. Nous avons commencé par entendre ceux qui avaient fait part de problèmes, puis tous les acteurs du dossier. Mais partir du principe que nous avons déjà proposé une structure de défaisance, et que l’État va payer, est un procès d’intention : la commission d’enquête n’a pas fini ses travaux.

M. le ministre chargé des collectivités locales. Il n’est nullement dans mes intentions de laisser entendre que des solutions auraient déjà été proposées par la commission d’enquête, monsieur le rapporteur. Je souhaite simplement vous dire la chose suivante. Nous dressons aujourd’hui un inventaire précis des différentes situations – que nous vous communiquerons – pour pouvoir avoir l’approche la plus fine possible. Nous encourageons les partenaires que sont les banques et les collectivités locales à sortir des emprunts toxiques dans tous les cas où cela paraît possible. Mais il y a des collectivités pour lesquelles ce n’est pas possible. Cela pourrait s’avérer plus facile à d’autres moments : les parités entre les monnaies peuvent évoluer ; rien ne dit qu’elles ne s’amélioreront pas en notre faveur. Si des retournements se produisent, il faudra en profiter. Il n’est donc pas certain qu’il faille systématiquement agir aujourd’hui. Nous devons envisager les différentes situations de la manière la plus sereine possible. C’est ce que vous êtes en train de faire, et je vous redis la disponibilité de l’État.

M. le rapporteur. Nous savons bien qu’il peut y avoir des changements, monsieur le ministre. La difficulté va tenir – même si nous n’avons pas pris de décisions – à la gestion de la période de retournement de cycle. Nous faisons bien la différence entre un intérêt normal, et une partie des intérêts, qui sont toxiques. La question est de savoir comment gérer cette dernière en attendant une amélioration. À ce jour, personne n’a proposé de solution – nous n’avons fait qu’écouter. Nous avons bien sûr confiance en l’État, mais nous ignorons quel acteur sera en première ligne. En tout état de cause, et comme l’a dit M. Gagnaire, aucune collectivité ne refuse de payer. Mais dans la mesure où le phénomène touche 5 000 collectivités, nous devrons bien proposer une solution cohérente.

M. le président. Le retournement de cycle est très compliqué à prévoir. En 2008, lorsque j’ai découvert, en même temps qu’un certain nombre d’élus, les premiers effets négatifs des produits structurés, les banques m’ont dissuadé d’en sortir et assuré que – compte tenu de la parité entre l’euro et le franc suisse à l’époque – la situation ne pourrait que s’améliorer. Nous avons vu…

M. le ministre chargé des collectivités locales. Je me tiens à la disposition du rapporteur pour compléter mes réponses si vous le souhaitez.

M. le président. Je vous remercie, monsieur le ministre.