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Commission des Finances, de l’économie générale et du Plan

Jeudi 25 octobre 2007

Séance de 9 heures

Compte rendu n° 16

Présidence de M. Didier Migaud, Président

Suite de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2008 (n° 189) :

Examen des crédits de la mission Écologie, développement et aménagement durables :

– Protection de l’environnement et prévention des risques ; conduite et pilotage de l’écologie, du développement et de l’aménagement (M. Jacques Pélissard, Rapporteur spécial)

Vote sur les crédits des missions :

– Justice (M. René Couanau, Rapporteur spécial)

– Pouvoirs publics (M. Jean Launay, Rapporteur spécial)

Examen des crédits de la mission Écologie, développement et aménagement durables :

– Politique du travail et de l’emploi et vote sur les articles 52, 57 et 59 rattachés (MM. Alain Joyandet et Frédéric Lefebvre, Rapporteurs spéciaux)

La Commission a poursuivi l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2008 et procédé, sur le rapport de M. Jacques Pélissard, Rapporteur spécial, à l’examen des crédits des programmes Protection de l’environnement et prévention des risques ; conduite et pilotage de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables de la mission Écologie, développement et aménagement durables.

M. Jacques Pélissard, Rapporteur spécial des crédits des programmes Protection de l’environnement et prévention des risques et Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables de la mission Écologie, développement et aménagement durables, a expliqué que son rapport s’articulait en deux parties, l’une portant sur l’exécution du budget de 2006 et l’autre sur le projet de loi de finances pour 2008.

Sur le premier point, les travaux de la Cour des comptes mettent en évidence l’inadaptation du périmètre et des modalités d’organisation de la mission au regard des objectifs d’amélioration du pilotage des politiques publiques et de mesure de leurs performances.

En 2006, les ressources propres des opérateurs ont augmenté comme les dépenses fiscales. Le rapport annuel de performances donne des indications précieuses même si les opérateurs publics du secteur de l’écologie sont inégalement suivis. Par ailleurs, le recours aux moyens du « Fonds Barnier » perturbe l’analyse des moyens dévolus à la politique de l’environnement.

Le budget de l’environnement pour 2008 s’inscrit dans le contexte de la concertation réalisée par le « Grenelle de l’environnement » et Mme Michèle Rousseau, secrétaire générale du ministère de l’Écologie, du développement et de l’aménagement durables, ainsi que M. Laurent Michel, directeur de la prévention des pollutions et des risques, ont été entendus.

Les moyens sont en forte augmentation et l’environnement constitue effectivement une priorité gouvernementale dans le cadre du budget de 2008. Cependant, les défauts évoqués pour le budget de 2006 perdurent. Les crédits du programme Protection de l’environnement et prévention des risques ne représentent que 447 millions d’euros sur les 2 768 millions d’euros consacrés à l’environnement par l’ensemble des départements ministériels. Sur ces 447 millions d’euros, les deux tiers sont constitués par des subventions pour charges de service public ou des dépenses d’intervention. Le programme de soutien Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables concourt à ce programme à hauteur de 530 millions d’euros. Les moyens extra-budgétaires sont considérables, qu’il s’agisse des taxes affectées aux opérateurs, à leurs interventions sur ressources propres ou des dépenses fiscales. Il s’y ajoute les dépenses d’environnement des collectivités territoriales à hauteur de 30 milliards d’euros.

Le Rapporteur spécial a ensuite évoqué les principales priorités du budget, soit la lutte contre le bruit, la réalisation des plans de prévention des risques technologiques, la surveillance des risques naturels, la gestion des déchets, la mise aux normes des stations d’épuration, la mise en œuvre de la directive cadre sur l’eau du 23 octobre 2000, le développement du réseau « Natura 2000 ». Des moyens sont également prévus pour la réalisation de deux parcs nationaux nouveaux et pour l’Autorité de sûreté nucléaire.

Parmi les opérateurs, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) dont la Présidente, Mme Michèle Pappalardo, a été auditionnée, va bénéficier en 2008 d’une simplification de son financement qui va reposer exclusivement sur une fraction de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) en substitution des quatre taxes qui l’alimentaient en 2007.

Le Rapporteur spécial a conclu ses propos par la présentation du programme de soutien Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables en expliquant qu’il ne comportait pas moins de vingt-cinq actions pour 4 300 millions d’euros et qu’il ne participait que pour une faible part à la politique de l’environnement.

M. Jean-Pierre Gorges a souligné que le projet annuel de performances de la mission Écologie, développement et aménagement durables était le plus épais de tous, ce qui n’augurait rien de bon en matière de préservation des forêts. Il s’est interrogé sur la compatibilité entre le principe de précaution, les possibilités de développement économique et les nouvelles exigences en matière de développement durable. Il a souhaité savoir si un bilan de l’utilisation des éoliennes était disponible et a déploré le désengagement manifeste des pouvoirs publics sur le ferroutage, alors même que de nombreuses collectivités seraient volontaires pour accueillir des zones d’activité liées à ce mode de transport.

M. Jean Launay a demandé s’il existait un bilan de la mise en œuvre des plans de prévention des inondations ainsi que de la directive cadre sur l’eau. Le budget est-il suffisant pour que la politique de gestion de l’eau soit mise en œuvre de manière satisfaisante ?

Notant que les moyens des six agences de l’eau devraient être très fortement augmentés dans les cinq prochaines années, il a regretté l’absence d’une mission budgétaire spécifiquement dédiée à la politique de l’eau.

Le Président Didier Migaud a fait remarquer que le volumineux document auquel fait allusion M. Jean-Pierre Gorges est le projet annuel de performances (PAP), d’origine gouvernementale, réunissant les dotations de quatre anciens ministères au sein du ministère de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables (MEDAD). Le rapport spécial de la Commission alliera la qualité à la concision puisqu’il ne devrait pas dépasser 45 pages.

M. Patrice Martin-Lalande a rappelé que le rapport prévu par l’article 68 de la loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale devait être déposé par le Gouvernement le 1er décembre 2007. Ce rapport doit faire le point sur les demandes d’indemnisation et sur les paiements consécutifs à la sécheresse de 2003, évaluer l’adéquation des moyens aux besoins et formuler des propositions pour améliorer les conditions d’indemnisation des catastrophes naturelles. En effet, le système d’indemnisation mis en place dans les mois qui suivirent la sécheresse ne s’est pas révélé satisfaisant. Des enseignements ont-ils été tirés de cet événement, notamment en matière de règles d’urbanisme ? Va-t-on rendre obligatoire l’étude des sols avant construction ?

M. Jacques Pélissard, Rapporteur spécial, a rappelé que le principe de précaution, désormais inscrit dans la Constitution, n’est pas un principe d’immobilisme. Il doit être appliqué lorsqu’un danger est avéré mais n’implique pas l’obligation de ne rien faire.

L’analyse des éoliennes et du ferroutage n’entre pas dans le champ du rapport qui porte sur la politique de l’environnement et non sur celle de l’énergie ou des transports.

Il n’existe pas de mission consacrée à l’eau, car la LOLF impose la logique d’une approche globale, dans le cadre d’un même programme, des questions environnementales. Il s’agit du programme Protection de l’environnement et prévention des risques. La création d’une mission ministérielle sur l’eau constituerait une régression. Les risques d’inondation ont conduit à la mise en place, sur l’ensemble du territoire, de 22 services de prévision des crues et de 47 plans de prévention des risques liés aux inondations (PAPI). D’autres plans sont en cours d’élaboration.

Les crédits consacrés à la prévention des inondations s’élèvent à 43,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et 30 millions d’euros en crédits de paiement, globalement stables de 2007 à 2008.

L’indemnisation des dégâts causés par la sécheresse de 2003 doit donner lieu à un rapport gouvernemental que l’on analysera avec la plus grande vigilance.

M. Jean-Pierre Gorges a regretté que la commission des finances n’ait pas un droit de regard sur certains projets coûteux et qui engagent le pays sur de longues périodes, au motif que d’autres commissions sont compétentes. Les éoliennes se multiplient de manière désordonnée sans que soit élaboré de plan d’ensemble. Le kilowatt heure est acheté plus cher qu’il n’est revendu : cela relève bien de la compétence de la commission des finances.

M. Jacques Pélissard, Rapporteur spécial, a souligné que le financement des éoliennes ne donne pas lieu à des dotations budgétaires inscrites sur le programme Protection de l’environnement et prévention des risques. M. Alain Cacheux, Rapporteur spécial des crédits du programme Énergie et matières premières a déjà consacré une partie de son rapport à la question des éoliennes, on peut cependant envisager des études supplémentaires sur ce sujet.

Le Président Didier Migaud a confirmé que rien n’interdisait à la commission de s’intéresser à ce sujet et de demander, par exemple, un rapport d’évaluation.

M. Jean-Pierre Gorges a insisté sur la nécessité d’intervenir rapidement car des tensions sont apparues entre partisans et détracteurs des éoliennes.

Le Président Didier Migaud a considéré que la mise en œuvre des éoliennes n’entraîne pas de risque comparable à celui qui résulte de l’utilisation de l’amiante. Sur ces sujets, il convient de rappeler que la commission compétente au fond est la commission des Affaires économiques.

M. Jacques Pélissard, Rapporteur spécial, a conclu en donnant un avis favorable à l’adoption des crédits des programmes Protection de l’environnement et prévention des risques et Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables de la mission Écologie, développement et aménagement durables, qui feront l’objet d’un vote ultérieurement, après l’examen de l’ensemble des crédits de la mission.

Puis, la Commission a procédé, sur le rapport de M. René Couanau, Rapporteur spécial, à l’examen des crédits de la mission Justice.

M. René Couanau, Rapporteur spécial, a salué la progression dynamique des crédits de la mission Justice pour 2008, s’inscrivant dans un processus de rattrapage entrepris depuis 2002. Cette progression de 4,5 % confirme la priorité donnée à ce domaine de l’action de l’État. Elle devra se poursuivre à l’avenir.

La dotation de la mission s’élève à 6,519 milliards d’euros en crédits de paiement. La part du budget de la Justice au sein du budget de l’État est de 2,40 %, en progression régulière depuis 2002.

L’établissement du plafond d’emplois pour 2008 a donné lieu cette année à des calculs complexes, desquels ressort une progression de 71 emplois temps plein travaillé (ETPT). Le Rapporteur spécial a souhaité que la gestion des emplois au niveau du ministère de la Justice et du ministère de l’Économie et des finances soit à l’avenir plus transparente et compréhensible, et que le délai d’affectation aux postes de fonctionnaires soit abrégé, afin que le ministère des Finances ne procède plus à des corrections techniques ayant pour conséquence de supprimer des postes vacants. Il a salué la réforme de la gestion des ressources humaines entreprise par la Garde des Sceaux, ainsi que la création d’une sous-direction chargée de ces questions.

M. René Couanau, Rapporteur spécial, souhaite attirer l’attention du Gouvernement sur le coût en personnel des réformes et nouvelles mesures législatives et règlementaires ; le rapport spécial donne ainsi un exemple des conséquences, pour une juridiction, de l’adoption depuis 2000 de nombreuses réformes, avec un effectif resté à peu près constant.

Il a salué les bons résultats de la mise en œuvre de la loi d’orientation et de programmation de 2002, notamment en ce qui concerne les objectifs d’amélioration du fonctionnement de la justice et, en particulier, des délais de traitement des affaires. Il a relevé cependant que le ratio magistrat/fonctionnaires doit impérativement être amélioré dans les prochaines années. Pour clarifier les notions, il serait souhaitable de ne pas inclure les élèves de l’École des greffes dans le décompte des emplois, car il ne s’agit pas de personnel disponible pour l’affectation dans les juridictions.

Le programme Justice judiciaire bénéficiera du renforcement des moyens en personnel avec 400 créations de postes : 187 magistrats, 187 greffiers, 26 secrétaires administratifs. La sécurité des personnes et des usagers des tribunaux devrait être assurée grâce à l’extension des équipements de surveillance et des portiques : le Rapporteur spécial a salué la décision et les mesures prises dès juillet 2007 par la Garde des Sceaux, qui ont permis d’équiper la grande majorité des juridictions, geste qui a été très apprécié de tous les professionnels de la Justice.

La réforme de la carte judiciaire va être mise en œuvre progressivement, à partir de 2008 jusqu’en 2010. La réussite de cette réforme exige que les collectivités territoriales concernées comme les professions soient informées et consultées. Des solutions pragmatiques doivent être trouvées, l’objectif de modernisation ne se réduisant pas à un simple redéploiement financier, sans que des économies ne soient assurément réalisées, mais consistant bien en l’amélioration du service de la justice en prenant en compte les réalités locales, notamment les bassins de vie, sans a priori.

Les crédits de l’Administration pénitentiaire s’élèvent à 3,1 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 2,38 milliards d’euros en crédits de paiement. La progression des crédits de paiement représente 6,33 %. La population détenue s’élève à 61 810 personnes, dont  18 223 prévenus, soit 29,5 % des personnes détenues. Le Rapporteur spécial a souligné que cette administration a accompli de grands efforts de réformes ces dernières années et l’avancement de son programme immobilier pénitentiaire doit être salué, les retards étant compréhensibles vu les difficultés rencontrées en matière foncière.

Enfin, les crédits de la Protection judiciaire de la jeunesse s’élèveront à 809 millions d’euros, en progression de 1,6 %. Cette administration doit poursuivre les réformes qu’elle a engagées en restructurant les 21 corps de fonctionnaires qu’elle compte aux fins d’assouplir une gestion du personnel inadaptée aux évolutions actuelles de structures et de missions.

Enfin, le Rapporteur spécial a émis un certain nombre d’observations.

Il a souhaité la poursuite de l’effort en faveur de la Justice, afin d’abord de continuer à renforcer les effectifs de personnels des greffes, administratifs et techniques au-delà des ratios actuels, car les besoins dans ce domaine restent importants ; le Rapporteur spécial a en effet regretté les conditions artisanales dans lesquelles travaillent souvent les magistrats, avec des postes de greffiers vacants et des catégories C technique en voie de disparition.

Il convient ensuite de clarifier et dynamiser les missions et les moyens des Services pénitentiaires d’insertion et de probation. Les efforts de formation professionnelle et d’insertion des personnes détenues doivent être accrus, en élaborant une politique plus engagée et plus résolue.

La préparation, dès maintenant, d’un nouveau programme immobilier pénitentiaire doit s’amorcer pour faire face aux prévisions quant à la population pénale et résorber les situations inadmissibles de surpopulation de certains établissements, en particulier certaines maisons d’arrêt.

Le Rapporteur spécial a souhaité que soit mise en place une gestion plus transparente de l’allocation des ressources humaines entre les juridictions, afin que chaque juridiction soit dotée de personnel en fonction de besoins statistiquement constatés, et que le lien entre niveau d’activité et moyens puisse être constaté de manière transparente.

Il a également considéré indispensable que l’affectation des fonctionnaires aux postes vacants soit beaucoup plus rapide, en particulier pour les fonctionnaires de greffe et de catégorie C, afin d’éviter la désorganisation des tribunaux. Les indicateurs de performance relatifs à la gestion du personnel doivent être rétablis.

Le Rapporteur spécial a par ailleurs souhaité que soit élaborée et justifiée économiquement la politique immobilière du ministère pour ce qui concerne ses implantations centrales. Les services centraux du ministère sont éparpillés entre neuf implantations louées à Paris, dont la grande majorité est louée à un coût de marché très élevé. Une analyse doit être entreprise afin de prévoir à moyen terme un hébergement des services plus « soutenable » à long terme pour les finances publiques. Une telle réflexion pourrait conduire à des économies à moyen terme.

La gestion en mode de la LOLF s’inspirant de la gestion privée, le Rapporteur spécial a suggéré de reporter la date de fin de gestion pour les BOP au 10 janvier au lieu du 10 décembre, à l’instar des pratiques de la gestion des entreprises. En effet, l’arrêt des comptes anticipé ne permet pas aux gestionnaires de régler les factures afférentes au mois de décembre, règlement qui ne peut être anticipé à cause de la règle du paiement sur service fait. Cette situation conduit à commencer l’année avec des crédits déjà amputés des paiements du mois de décembre de l’année précédente.

M. Jérôme Chartier a félicité le Rapporteur spécial pour la qualité de son travail et pour les différentes observations et propositions qui en découlent.

M. Jean-Pierre Gorges a demandé au Rapporteur spécial s’il était possible d’envisager une délégation de service public des fonctions de greffe et des fonctions administratives des tribunaux, afin d’accélérer le traitement des dossiers et revenir à des délais de traitement corrects. Par ailleurs, existe-t-il un lien entre la réorganisation de la carte judiciaire et la suspension des programmes de construction de certaines cités judiciaires, pourtant planifiés depuis longtemps ? Enfin, est-il pertinent de maintenir des structures de détention de petite taille, comme les maisons d’arrêt, qui ont un coût de gestion important et sont en général implantées dans le centre-ville ?

M. Jérôme Chartier a souhaité attirer l’attention de la Commission sur deux sujets. Tout d’abord, les changements de périmètre budgétaire entre missions et au sein des missions peuvent rendre difficile la comparaison des budgets d’une année sur l’autre pour les Rapporteurs spéciaux et le Parlement en général. Serait-il possible de mettre en place, en lien avec le Gouvernement, une méthode permettant de comparer les missions à structure constante ?

À l’encontre de la position du Rapporteur spécial peu favorable à la prise en charge par l’administration pénitentiaire du transfèrement et de la garde des détenus de leur établissement vers les unités hospitalières sécurisées, il a estimé que cette prise en charge peut certes générer un surcoût, mais permet aux forces de police et de gendarmerie d’être affectées à des tâches de maintien de l’ordre et d’investigation, pour lesquelles les besoins sont importants.

M. Patrice Martin-Lalande a souligné le caractère très positif du projet de budget pour la justice. Il conviendrait d’inciter le Gouvernement à développer l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication afin de faciliter l’accès du citoyen à la justice : informations générales, introduction d’une instance, suivi d’un dossier. Tout le territoire est aujourd’hui connecté à Internet, y compris les petites communes rurales, dans lesquelles un point d’accès est installé dans les services publics ou les commerces de proximité. Ce serait un réel progrès en faveur de la proximité de la Justice de développer de telles possibilités de saisine informatique.

M. Patrice Martin-Lalande a précisé qu’il entendait déposer un amendement en ce sens, tendant à augmenter les crédits destinés à favoriser l’accès au droit.

M. René Couanau, Rapporteur spécial, a souligné qu’un important programme de numérisation et de recours aux technologies de l’information était en cours, parmi lesquelles la numérisation pénale, la dématérialisation des échanges avec les cabinets d’avocats en matière civile, la visioconférence dans les tribunaux de grande instance. Ce programme est effectivement limité aux professionnels de la justice, et donc peut-être insuffisant quant à l’usage par les citoyens.

M. Patrice Martin-Lalande a précisé qu’il est tout aussi important de développer ces technologies au profit des citoyens. Il n’y a aucune raison pour que le recours aux technologies de l’information ne soit pas encouragé en parallèle dans les services et auprès des justiciables.

Le Président Didier Migaud a souhaité rappeler que tous les Français n’ont pas le même accès à Internet.

M. René Couanau, Rapporteur spécial, a souligné l’importance du contact humain dans le travail de la justice.

Le transfèrement des détenus pose le problème des coûts : si l’administration pénitentiaire assure le transfèrement, il faut que les moyens financiers correspondants lui soient donnés afin qu’elle procède aux achats nécessaires, de fourgons cellulaires par exemple, ainsi qu’aux formations nécessaires pour ses personnels.

La comparaison des crédits et des emplois prévus et disponibles d’une année sur l’autre est en effet difficile dans certains cas, mais la présentation actuelle des crédits permet cependant une information assez complète. Il faut souligner par ailleurs que le service public de la justice a su mettre en œuvre la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 sans moyens spécifiques en personnel. Les préoccupations de gestion et d’utilisation la plus rationnelle possible des crédits ont pénétré les juridictions, ce qui a été nouveau, les magistrats et fonctionnaires étant peu familiers de la gestion financière auparavant.

M. Jérôme Chartier a indiqué que le problème principal, concernant la comparaison des emplois et des crédits d’une année à l’autre, réside dans le fait que le Gouvernement détermine unilatéralement le champ des missions.

Le Président Didier Migaud a souligné que la mise en œuvre de la loi organique a beaucoup amélioré l’information du Parlement. Les difficultés de comparaison résultent le plus souvent des transferts intervenus en cours d’année. Cependant les mouvements de personnel sont mieux connus aujourd’hui. Quant à la définition du périmètre des missions, elle appartient au Gouvernement.

M. René Couanau a confirmé que pour la mission Justice, les difficultés de lecture et de comparaison ne résultent pas tant du périmètre de la mission que des ajustements d’emplois et de crédits en cours d’exercice. Le manque de transparence qu’il a souligné est constaté par les chefs de cour et les fonctionnaires eux-mêmes : il leur est difficile de savoir comment se situe leur dotation par rapport à celle d’autres juridictions dont la charge de travail est égale, et de savoir sur quelle base est fondée leur dotation en personnel, puisqu’il ne s’agit pas d’une stricte application d’un ratio par rapport au volume des affaires et des dossiers. Un sentiment d’injustice naît parfois de cette absence de transparence.

Si certains petits établissements pénitentiaires demeurent indispensables, la tendance est cependant à l’ouverture de nouvelles structures plus importantes, plus économes en personnel et en moyens de fonctionnement par rapport aux petites structures. Beaucoup d’établissements anciens ont vocation à être fermés dès que les nouvelles capacités seront disponibles.

Aucun lien ne peut être établi entre la réforme de la carte judiciaire et la suspension des programmes de construction des cités judiciaires. En revanche, les programmes de construction votés en 2002 se sont cumulés avec la programmation antérieure. L’affectation d’autorisations d’engagement en montant important ont accru les besoins de crédits de paiement pour les années 2006 et 2007. Plusieurs opérations d’investissement ont été ralenties par le manque de crédits de paiement, ce qui peut expliquer ces interruptions.

Les greffes des tribunaux, se rattachant à la mission régalienne de l’État, ne sauraient faire l’objet de délégations de service public. Cependant, le recours aux postes contractuels se développe dans les juridictions pour accélérer le traitement des dossiers et résorber les retards de la production des jugements par exemple.

M. Jean Launay a demandé au Rapporteur spécial d’indiquer à la Commission le nombre de personnes incarcérées en France. Les maisons d’arrêt sont-elles incluses dans le chiffre global ? Quel est le niveau d’exécution du plan actuel de construction de prisons ? La population carcérale devrait être de 72 000 personnes en 2012 : faudra-t-il engager un nouveau plan de construction de prisons ?

M. René Couanau, Rapporteur spécial, a indiqué que 61 810 personnes sont actuellement incarcérées, dont environ 30 % de prévenus. Ce chiffre marque une décrue, puisque la population carcérale s’élevait à 64 000 en 2004. Le programme immobilier en cours permettra de faire face à la croissance de la population carcérale si des mesures alternatives à l’incarcération sont parallèlement mises en oeuvre. Celles-ci ont récemment beaucoup progressé pour atteindre 10 % des personnes sous écrou, et la Garde des Sceaux en a d’ailleurs fait une priorité. Néanmoins, pour ce faire, il faut que les services pénitentiaires d’insertion et de probation disposent de moyens suffisants.

Le programme actuel doit permettre la création de 13 200 places ; quelques retards sont constatés dans l’exécution de la livraison des établissements pour majeurs, en revanche, l’ensemble des établissements pour mineurs sera achevé en 2008, ce qui doit être salué. Si la prévision de la Direction de l’administration pénitentiaire portant sur un nombre de 70 000 à 72 000 personnes détenues en 2012 se confirme, il manquera à nouveau environ 10 000 places. En matière d’immobilier pénitentiaire, chaque programme achevé est suivi d’une période de latence trop longue ; il faut donc inciter le Gouvernement à préparer dès à présent la programmation suivante, qui ne sera pas aussi importante que l’actuelle.

Suivant l’avis favorable du Rapporteur spécial, la Commission a adopté les crédits de la mission Justice.

La Commission a ensuite procédé, sur le rapport de M. Jean Launay, Rapporteur spécial, à l’examen des crédits de la mission Pouvoirs publics.

Après avoir indiqué les différentes dotations qui composent la mission Pouvoirs publics, M. Jean Launay a rappelé la spécificité de cette mission : en effet, les dépenses qu’elle englobe ne peuvent pas faire l’objet d’une évaluation de la performance. Il s’agit, comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel dans une décision du 25 juillet 2001, d’« assurer la sauvegarde du principe d'autonomie financière des pouvoirs publics concernés, lequel relève du respect de la séparation des pouvoirs ».

Respectueux du cadre de cette autonomie financière, M. Jean Launay s’est fixé pour objectif d’apporter à l’Assemblée nationale l’information la plus complète possible.

Il a tenu à souligner une avancée importante du point de vue de la transparence : il a en effet souhaité rencontrer les principaux acteurs de chacun des Pouvoirs publics de la mission et a ainsi pu s’entretenir librement avec Mme Emmanuelle Mignon, directrice de cabinet du Président de la République, avec M. Richard Mallié, premier Questeur de l’Assemblée nationale, avec M. Jean Faure, alors Questeur délégué du Sénat, avec M. Richard Michel, président-directeur général de LCP-AN, avec M. Jean-Pierre Elkabbach, président-directeur général de Public Sénat, avec M. Jean-Louis Debré, Président du Conseil constitutionnel, et avec M. Henri Le Gall, Président de la Cour de justice de la République.

Pour la quasi-totalité d’entre eux, cet entretien constitue une première, et pour tous un gage de bonne volonté. Cela correspond à un souhait partagé de répondre au besoin d’information et de transparence des parlementaires, mais aussi de nos concitoyens. M. Launay les en a remerciés, indiquant que cela constitue sans aucun doute un progrès.

En 2008, les crédits de la mission Pouvoirs publics s’élèveront à 939,15 millions d’euros, en progression de 2,23 % par rapport à l’année précédente.

La dotation de la Présidence de la République ne représente actuellement qu’un peu moins de 3,5 % de l’ensemble des crédits de la mission. Beaucoup de dépenses n’y sont pas retracées, notamment celles concernant l’ensemble du personnel travaillant à l’Élysée, essentiellement constitué de fonctionnaires mis à disposition et payés par les administrations centrales de l’État. La prise en compte de la réalité du périmètre de la dotation de la Présidence conduirait au minimum à la tripler, et pourrait atteindre 100 millions d’euros.

C’est en ce sens que M. le Président de la République a indiqué avoir sollicité le comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Vème République, qui doit rendre ses conclusions le 1er novembre prochain.

Une modification de la dotation allouée à la Présidence devrait être demandée, vraisemblablement devant le Sénat. Les questions relatives à l’information qui doit être fournie au parlement, à la rémunération du Président de la République, et au statut des anciens Présidents de la République, devraient être également traitées.

Dans l’attente de cette nécessaire – et semble-t-il imminente – clarification, M. Jean Launay a précisé que la dotation de la Présidence de la République ne progresse en 2008 que du montant de l’inflation estimée, soit une stabilisation en volume.

Enfin, M. Jean Launay a indiqué que, si la procédure de certification des comptes de la Présidence de la République lui paraît légitimement relever de la Cour des comptes, il n’en est pas de même s’agissant des questions de transparence et d’information, directement liées à l’exercice de la démocratie représentative. C’est bien à son sens le cadre de la mission Pouvoirs publics qui s’y prête pleinement.

La dotation de l’Assemblée nationale pour 2008, faisant suite à la hausse des dépenses qui a caractérisé le renouvellement de 2007, est celle du retour à la rigueur. Elle ne progresse que très faiblement et diminue même en volume.

La dotation du Sénat connaît une légère progression, liée au renouvellement partiel et à l’accroissement du nombre de sénateurs.

M. Jean Launay a ensuite évoqué la dotation de La Chaîne Parlementaire, qui recouvre les budgets de LCP-AN et de Public Sénat. Il a tenu à ne pas dissocier l’aspect strictement budgétaire et financier de cette chaîne, trop souvent décriée à son sens, de son fonctionnement, de la manière dont elle s’impose dans le paysage audiovisuel français, et surtout du rôle qu’elle joue au service de la démocratie parlementaire.

L’augmentation de la dotation est totalement contrainte par les charges liées à la télévision numérique terrestre. Cependant, son coût ne semble en définitive pas excessif au regard, non seulement des objectifs fixés, mais aussi comparativement à d’autres chaînes. L’existence d’un canal unique partagé n’est pas sans poser de difficultés, et la question se pose, pour l’avenir, de la création d’un canal distinct pour chacune des deux chaînes.

La dotation des indemnités des représentants français au Parlement européen est rattachée à la mission pour la seconde année, en raison de la gestion de ses crédits par les assemblées parlementaires. Elle ne connaît pas d’évolution marquante en 2008.

La dotation du Conseil constitutionnel progresse essentiellement en raison de l’augmentation de son périmètre, c’est-à-dire de la facturation par le ministère de la Défense des services de garde statique jusque là assurés par la gendarmerie au profit du Conseil constitutionnel. Si les crédits demandés dépendent fortement de son activité, qui est cyclique, le Conseil veille par ailleurs à la modération de ses dépenses.

Enfin, la dotation de la Cour de justice de la République, la plus petite de la mission, se veut exemplaire. Non seulement elle diminuera en 2008, mais la Cour pratique également une gestion rigoureuse qui la conduit à restituer les excédents qu’elle n’a pas utilisés en fin d’année, une initiative que M. Launay a saluée.

En conséquence, M. Jean Launay a proposé d’adopter les crédits de la mission Pouvoirs publics.

Le Président Didier Migaud a précisé que seul le budget d’investissement de l’Assemblée nationale est en grande partie « autofinancé ».

M. Frédéric Lefebvre a estimé que la rigueur de gestion souhaitée par le nouveau Président de l’Assemblée nationale est une bonne nouvelle.

Le Président Didier Migaud a fait remarquer que le budget de l’Assemblée nationale pour 2008 a été en grande partie préparé sous la précédente législature.

M. Frédéric Lefebvre a souligné que les engagements pris par le Président de la République pendant la campagne électorale sur le budget de l’Élysée sont largement tenus. Un certain nombre de dispositions sont déjà prises par anticipation sur des recommandations de la « commission Balladur ».

Le Président Didier Migaud a fait remarquer que cet effort de transparence et de rigueur quant à la réalité des dépenses aura nécessairement une incidence sur le périmètre retenu, ce qui fera mécaniquement apparaître une augmentation du volume du budget de l’Élysée.

M. Jérôme Chartier a noté que le Rapporteur spécial propose l’adoption des crédits de la mission en raison de la relation qu’il a su établir avec les personnes auditionnées et de leur effort de transparence. C’est une condition nécessaire du passage à une ère de démocratie irréprochable et de pouvoirs publics tout aussi irréprochables. L’extension du périmètre du budget de l’Élysée concernera notamment la réintégration des 4/5èmes des fonctionnaires qui sont actuellement pris en charge par d’autres administrations. Il en appelle à une « expression adulte » pour y voir non une explosion du budget mais une réorganisation comptable et financière. Après des années de pesanteur, l’Élysée entame une modernisation de sa gestion, notamment par l’instauration d’une comptabilité analytique.

M. Jérôme Chartier a salué le travail du rapporteur spécial, qui participe, en bonne intelligence, à l’effort de transparence de la vie politique qui est attendu par nos concitoyens.

Après avoir constaté que la comptabilité analytique n’est pas encore la règle partout, le Président Didier Migaud a rappelé que la LOLF est aussi une réforme comptable et qu’il est très important que l’on puisse veiller à sa bonne application.

M. René Couanau a reconnu la montée d’audience des deux chaînes parlementaires, mais estimé qu’il faudrait prendre toutes les précautions nécessaires pour évaluer les conséquences financières de la création de deux canaux distincts. La montée en puissance de ces chaînes a paradoxalement pour effet de pousser les autres chaînes à s’exonérer d’une couverture des débats parlementaires porteurs d’enjeux politiques importants, tendance qu’elles ont déjà spontanément.

M. Patrice Martin-Lalande a salué la qualité des deux chaînes parlementaires mais a aussi rappelé la nécessité de la recherche de synergies, comme on le demande ailleurs, par exemple dans l’audiovisuel public. Si les critiques qui ont pu être faites au Sénat n’ont pu que l’inciter à s’affirmer par une chaîne distincte, leur disparition devrait faciliter un rapprochement.

M. Jean Launay, Rapporteur spécial, a observé que le mot-clé, repris par tous, est celui de transparence. L’esprit de la LOLF doit souffler partout, la comptabilité analytique n’étant que l’un des outils. La dotation de l’Élysée, actuellement de 32 millions d'euros, pourrait tripler si son contour était ajusté à la réalité. Le calendrier voulu par la Présidence de la République est rapide, puisque ce réajustement pourrait intervenir dès le projet de loi de finances pour 2008.

Il a considéré qu’il reste à débattre des places respectives du contrôle parlementaire et du rôle de la Cour des comptes vis-à-vis des Pouvoirs publics. Du point de vue de l’information et de la transparence, le Parlement est légitime à jouer un rôle de dialogue et d’aller-retour avec les Pouvoirs publics dans l’examen des comptes.

Le Président Didier Migaud a précisé qu’en ce qui concerne les assemblées parlementaires, leurs comptes font l’objet d’une procédure spécifique de certification.

M. Jean Launay, Rapporteur spécial, a entendu les préoccupations relatives au coût de la création de deux canaux distincts pour les chaînes parlementaires et de la nécessaire synergie entre elles. Il a néanmoins estimé que la question reste posée, qu’elle est liée au bicamérisme de nos institutions et qu’il faut aussi prendre en compte le contexte d’une arrivée de la TNT et de la télévision sur internet.

Sur proposition du Rapporteur spécial, le Commission a adopté les crédits de la mission Pouvoirs publics.

La Commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. Frédéric Lefebvre, Rapporteur spécial, les crédits du programme Politiques du travail et de l’emploi de la mission Travail et emploi.

M. Frédéric Lefebvre, Rapporteur spécial, a rappelé que le Président de la République, M. Nicolas Sarkozy, a fixé un objectif particulièrement ambitieux à Mme Christine Lagarde, ministre de l’Économie, des finances et de l’emploi : atteindre le plein emploi – c’est-à-dire un taux de chômage de 5 % – et un taux d’activité de 70 % en cinq ans, grâce à une politique de revalorisation du travail.

Pour la première fois, le ministre de l’Économie et des finances est également responsable de la politique de l’emploi. C’était une réforme nécessaire, car ces deux questions sont en réalité intimement liées. Ce changement a pour conséquence de conférer un caractère interministériel à la mission Travail et emploi, dont les deux programmes les plus importants : Accès et retour à l’emploi et Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi ont été confiés à Mme Christine Lagarde. Le ministre du Travail, des relations sociales et de la solidarité, M. Xavier Bertrand, conserve la gestion des programmes Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail et Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail, dont les montants budgétaires sont plus modestes.

Deux réformes importantes ont été engagées par le Gouvernement dans le domaine de la politique de l’emploi, qui concernent directement le programme Accès et retour à l’emploi : la fusion entre l’ANPE et l’UNEDIC et la simplification des contrats aidés. Elles devront s’accompagner d’un renforcement de l’évaluation des politiques de l’emploi.

La fusion entre l’ANPE et l’Unédic fait partie des engagements présidentiels. Évoquée depuis au moins vingt ans, cette réforme sera soumise au Parlement avant la fin de l’année, lorsque les consultations avec les partenaires sociaux seront terminées. Son but est d’améliorer le service rendu aux demandeurs d’emploi comme aux employeurs. La convention tripartite conclue le 5 mai 2006 entre l’État, l’ANPE et l’Unédic a certes permis des améliorations : environ 90 % des demandeurs ont aujourd’hui un entretien individuel dans les huit jours qui suivent leur inscription aux Assédic. Le rapprochement géographique a cependant progressé nettement moins vite : fin août 2007, seules 299 agences locales pour l’emploi et 248 antennes Assédic étaient sous la configuration d’un guichet unique, en retenant une définition très large (les locaux devant se situer à moins de 200 mètres les uns des autres). Il faut passer à la vitesse supérieure. Avec la fusion, chaque demandeur disposera d’un interlocuteur unique, qui assurera à la fois son accueil, son inscription, son indemnisation et son accompagnement dans la recherche d’un nouvel emploi. La fusion permettra de parvenir à un renforcement du suivi et de la personnalisation, notamment grâce à une baisse significative du nombre de demandeurs d’emploi suivis par agent référent.

Les orientations retenues par le Gouvernement permettront non seulement de préserver, mais d’augmenter les responsabilités des partenaires sociaux. L’Unédic, gérée par les partenaires sociaux, continuera en effet à administrer, en totale indépendance, le régime d’assurance-chômage et à fixer les modalités d’indemnisation. Le nouvel organisme (parfois appelé « France Emploi ») rassemblera les réseaux des Assédic et celui de l’ANPE. Doté d’un statut sui generis, il sera chargé de l’accueil, de l’inscription, de l’accompagnement et de l’indemnisation des chômeurs, ainsi que de la tenue des listes. Les partenaires sociaux seront majoritaires au sein du conseil d’administration et auront ainsi le pouvoir d’en nommer le président. Ils feront également partie du « conseil d’orientation » des politiques de l’emploi, qui chapeautera le nouvel organisme.

M. Frédéric Lefebvre, Rapporteur spécial, a indiqué avoir constaté l’efficacité d’une telle réforme lors de la visite d’un Jobcentre Plus à Londres, en septembre dernier. La fusion des anciennes Benefit Agencies (agences des prestations sociales) et des anciens Job Centres, lancée en 2002, a été centrée sur la qualité du service rendu aux « clients » (les demandeurs d’emploi). Leur premier contact avec le système se fait par un entretien téléphonique détaillé, à la suite duquel ils reçoivent un dossier de demande de la prestation financière à laquelle ils ont a priori droit et sont convoqués au centre dans les quatre jours. Ils sont suivis par un référent individuel, qui ne suit en principe qu’une trentaine de personnes. S’y ajoutent les programmes New Deal, qui permettent un accompagnement renforcé (deux entretiens approfondis par mois) pour des publics cibles : jeunes de 18 à 24 ans dépassant les six mois de chômage, demandeurs de plus de 24 ans dépassant 18 mois de chômage, par exemple. En contrepartie de ce service de qualité, le système est exigeant à l’égard des demandeurs d’emploi :

– ils signent un contrat lors de leur premier entretien approfondi au centre ;

- ils doivent se présenter physiquement tous les quinze jours, pour un court entretien permettant de vérifier leur disponibilité et la recherche active d’emploi ;

– le versement des allocations peut être suspendu en cas de non respect de leurs obligations, pour une durée plus ou moins longue.

La réforme britannique a ainsi accompagné l’amélioration de la qualité du service rendu aux demandeurs d’emploi par des obligations, assorties de sanctions. Il est essentiel de lier ces deux aspects. En France, le suivi des demandeurs d’emploi et le régime des sanctions a été réformé par le décret du 2 août 2005, mais le nombre de contrôles et de sanctions reste particulièrement faible, par rapport à nos partenaires. La fusion devra s’accompagner d’une réflexion, avec les partenaires sociaux, sur les sanctions à appliquer lorsqu’un demandeur refuse deux « offres valables d’emploi ». Ce devrait être au nouvel organisme de prononcer ces sanctions.

La simplification des contrats aidés constitue un autre axe de réforme concernant directement le programme Accès et retour à l’emploi. Le Président de la République a annoncé, le 2 octobre dernier, un « Grenelle de l’insertion », à l’issue duquel il souhaite que soit créé un contrat unique d’insertion. Ce contrat fusionnerait la dizaine de contrats aidés existants et serait applicable dans les secteurs public et privé. Les contrats aidés mis en place par le plan de cohésion sociale feront l’objet d’une évaluation en 2008, à partir de laquelle seront décidés les aménagements devant leur être apportés. La loi de finances pour 2007 autorise déjà les départements qui le souhaitent à expérimenter, pendant une durée de trois ans, des aménagements aux lois existantes en matière de retour à l’emploi des bénéficiaires du RMI. Ils peuvent, en particulier, rapprocher les règles applicables aux différents contrats aidés, au point d’expérimenter, le cas échéant, un contrat unique d’insertion. L’article 52 de la loi du 5 mars 2007 sur le droit au logement opposable a donné le même pouvoir aux préfets de département. Le projet de loi de finances pour 2008 opère également une simplification, en supprimant le contrat jeune en entreprise (SEJE), auquel se substituera le contrat initiative emploi. C’est l’objet de l’article 52 rattaché.

L’évaluation des politiques de l’emploi, même si elle a connu des progrès récents grâce à l’activité de la direction de l’animation, de la recherche, des études et de la statistique (DARES) du ministère du Travail, des relations sociales et de la solidarité, est encore insuffisamment développée en France. Elle est pourtant essentielle, compte tenu de l’ampleur des sommes en jeu : les crédits de la mission Travail et emploi, les dépenses fiscales en relevant et la compensation des exonérations de charge sociales représentent un effort financier pour l’État de 48,8 milliards d’euros en 2008, équivalant à 2,5 % du PIB. Avec les dépenses d’indemnisation du chômage (29 milliards d’euros en 2006), ce sont plus de 78 milliards d’euros – soit plus de 4 % du PIB – qui sont consacrés à la politique de l’emploi. Au regard de ces sommes, le montant des crédits consacrés à l’évaluation de l’efficacité des politiques de l’emploi apparaît dérisoire : 37 millions d’euros, soit 0,3 % des crédits de la mission et 0,07 % des sommes consacrées par l’État à ces politiques.

La Cour des comptes et le Conseil d’orientation pour l’emploi ont souligné cette insuffisance de l’évaluation. La Cour a estimé qu’il est « impossible de se satisfaire des résultats observés » et a déploré le retard français dans ce domaine, lié à la faiblesse de la « culture de l’évaluation » dans notre pays. Elle constate, à juste titre, qu’en l’état actuel des choses, les pouvoirs publics ne disposent pas d’une appréciation exhaustive et fiable de l’impact des dépenses considérables engagées dans les différents dispositifs d’aide à l’emploi. Le Conseil d’orientation pour l’emploi a confirmé le constat dressé par la Cour, dans son rapport sur les aides publiques. Notre pays est pourtant doté de multiples acteurs chargés de mener de telles évaluation : la DARES, le centre d’études de l’emploi, l’INSEE, le centre de recherche en économie et statistique, le centre d’études prospectives d’économie mathématique appliquées à la planification, peuvent notamment être cités. L’évaluation reste cependant laissée pour une trop grande part à la charge des ministères responsables de l’exécution des politiques, sans qu’une confrontation suffisante avec des travaux d’origine diversifiée ne soit assurée. La création, par un décret du 7 avril 2005, du Conseil d’orientation pour l’emploi, qui pourrait jouer un rôle d’impulsion extérieur à l’administration, n’a que partiellement remédié à ces défauts. La logique de performance et de résultat qui inspire la loi organique relative aux lois de finances doit pourtant concourir à favoriser le développement d’une culture de l’évaluation.

M. Frédéric Lefebvre, Rapporteur spécial, a indiqué avoir déposé, pour ces motifs, avec MM. Gaëtan Gorce et Alain Joyandet, un amendement ayant pour objet d’augmenter de 200 000 euros le montant de la subvention versée par l’État au centre d’étude de l’emploi, afin qu’il puisse développer ses travaux d’évaluation des politiques de l’emploi. Cet amendement vise également à réduire de 200 000 euros le montant des crédits prévus au titre du contrat initiative emploi, dont le montant total est de 202 millions d’euros : un millième des dépenses relatives au CIE pourrait ainsi être consacré à l’évaluation de l’efficacité de ce dispositif. Cette augmentation du budget du centre d’étude de l’emploi, solution de court terme, n’est que le préalable d’une réflexion visant à mettre en place un dispositif performant d’évaluation, qui pourrait notamment être saisi par le Parlement.

M. René Couanau a estimé que l’évaluation prônée par le Rapporteur spécial devait aussi porter sur les allègements généraux de charges sociales pour les employeurs et sur la compensation de ces allègements. La fusion des différents contrats aidés est très attendue, en particulier par les gestionnaires de terrain. En ce qui concerne les contrats d’accès à l’emploi (CAE) se terminant en 2008, il faut regretter l’insuffisante montée en charge, en substitution, de l’activation du RMI. Ce décalage risque de provoquer beaucoup de souffrance pour les personnes concernées. Les collectivités territoriales devront vraisemblablement intervenir, ce qui n’est pas toujours approprié.

M. Patrice Martin-Lalande a lui aussi salué le souci du Rapporteur spécial de développer l’évaluation. Il s’est interrogé sur le devenir des maisons de l’emploi, déjà labellisées, mais dont le plan de financement n’a pas été approuvé par convention. Par ailleurs, concernant la fusion entre l’ANPE et l’UNEDIC, s’il est pertinent de mieux organiser les synergies entre services producteurs de prestations, s’agissant de l’accès aux prestations en revanche, il faut éviter de compliquer à l’excès la vie de nos concitoyens, particulièrement en zone rurale. Le recours à l’Internet ou à la visioconférence remplacerait avantageusement l’obligation de déplacement des demandeurs d’emploi.

M. Jean Launay a reconnu que la réforme et la simplification des contrats aidés pouvait être de bonne politique. Mais il ne faut surtout pas oublier les bénéficiaires de ces contrats, qui grimpent des marches, dispositif après dispositif, cet escalier ne pouvant pas décemment déboucher sur le vide. Les besoins sont très importants en matière de contrats aidés, dans les collectivités territoriales ou les associations, en particulier dans le domaine médico-social.

Le Rapporteur général a insisté sur l’indispensable évaluation des exonérations de charges patronales et de leur compensation. Cette compensation a pris la forme de crédits budgétaires, puis a transité par le FOREC, puis a été de nouveau budgétisée. Aujourd’hui, elle passe par un transfert de recettes fiscales, ce qui est le pire des systèmes en termes de transparence et de suivi. La stabilité de ces dispositifs est un autre sujet d’inquiétude. En effet, lors de la discussion du projet de loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat au mois de juillet dernier, le Gouvernement a déposé un amendement destiné à empêcher la comptabilisation des temps de trajet et de pause dans le calcul des allègements généraux ; aujourd’hui, à l’occasion de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Gouvernement s’apprête à accepter un amendement ayant l’effet exactement inverse, pour un coût estimé à 300 millions d’euros.

La commission des Finances et la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales doivent travailler conjointement à l’évaluation de cette politique.

Le Président Didier Migaud a approuvé cette orientation et a jugé que l’exemple choisi par le Rapporteur général démontrait, s’il en était encore besoin, la nécessité d’examiner conjointement au Parlement la première partie du projet de loi de finances et la troisième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Frédéric Lefebvre, Rapporteur spécial, a souscrit à cette observation en ajoutant que l’existence d’un ministre des Comptes publics plaidait en ce sens.

M. Jérôme Chartier, saluant la qualité du travail du Rapporteur spécial, a fait valoir que la réduction proposée de 200 000 euros sur le programme Accès et retour à l’emploi devait s’apprécier au regard des 167 millions d’euros d’engagements nouveaux portés par ce budget. L’étendue du dispositif des allègements généraux de charges mérite en effet examen : quels sont les effets d’une politique dont le coût dépasse les 20 milliards d’euros.

M. Jean-Patrick Gille, usant de la faculté que l’article 38 du Règlement de l’Assemblée nationale confère aux députés d’assister aux réunions des commissions dont ils ne sont pas membres, a souligné que beaucoup de réductions de crédits étaient prévues dans ce budget. Dans le cadre de la fusion entre l’ANPE et l’UNEDIC, la subvention à l’ANPE sera réduite de 50 millions d’euros. Il est donc probable que le coût de la fusion, évalué dans la presse à 3 ou 400 millions d’euros, pèsera sur l’UNEDIC, sous prétexte que celle-ci reviendrait à meilleure fortune. Les moyens des maisons de l’emploi seront eux aussi diminués de 50 millions d’euros. Quant aux priorités affichées par le Gouvernement, elles sont critiquables. Pour l’emploi des jeunes, on n’enregistre pas vraiment d’effort financier, puisque le Fonds pour l’insertion professionnelle des jeunes (FIPJ) recevra 15 millions d’euros de moins, puisque le SEJE sera supprimé, puisque les exonérations de cotisations pour les contrats de professionnalisation dans les entreprises de plus de 20 salariés prendront fin, et puisque le programme « Défense deuxième chance » fonctionne mal. À cet égard, qu’en est-il de l’école de la deuxième chance évoquée dans le programme électoral du printemps dernier ? Concernant l’emploi des seniors, la suppression de l’allocation équivalent retraite par l’article 57 du projet de loi de finances créera de la précarité. Il est faux de prétendre que cette allocation est assimilable à une préretraite car ses bénéficiaires sont vraiment des demandeurs d’emploi et non des préretraités. Quand un bilan du plan de cohésion sociale sera-t-il dressé ? Ce type de mesures crée des à-coups sur le terrain, alors qu’en matière de contrats aidés, il faut privilégier la persévérance. L’évaluation de la politique de l’emploi existe d’ores et déjà, mais elle est morcelée. De ce point de vue, l’amendement du Rapporteur spécial est appréciable ; qu’entend-il faire pour évaluer la politique de formation professionnelle, qui représente 1,5 % du PIB ? L’article 59 compense le transfert du financement de l’allocation de fin de formation au Fonds de solidarité par un prélèvement de 200 millions d’euros sur le Fonds unique de péréquation. L’opération est habile mais la ponction curieuse. Il s’agit d’une importante mise à contribution des partenaires sociaux, alors même que les syndicats patronaux bénéficient, semble-t-il, de ressources insoupçonnées. Il faut enfin souligner qu’une pérennisation de ce mécanisme le rendrait inconstitutionnel.

M. Frédéric Lefebvre, Rapporteur spécial, a apporté aux différents intervenants les réponses suivantes :

– l’importance du coût de la compensation des exonérations de cotisations générales et ciblées, soit près de 30 milliards d’euros, justifie pleinement que le Gouvernement envisage de conditionner le bénéfice des exonérations à l’ouverture de négociations salariales par les employeurs ;

– le coût précis des allègements généraux figurera dans le rapport spécial ;

– la question des maisons de l’emploi labellisées mais non conventionnées est posée, mais ce budget permet déjà de financer, en 2008, 181 maisons conventionnées. En outre, notre collègue Jean-Paul Anciaux a été chargé par le Gouvernement d’examiner au cas par cas les quelque trente à quarante maisons de l’emploi en attente de conventionnement et ne manquera pas d’associer à sa réflexion les collectivités territoriales concernées ;

– l’articulation entre RMI et emploi aidé n’est certes pas optimale, mais le Gouvernement a justement l’intention d’empêcher que l’escalier évoqué par M. Jean Launay ne débouche sur le vide et il devrait faire des propositions en ce sens ;

– le prélèvement sur le Fonds unique de péréquation destiné à financer l’allocation de fin de formation répond à une vraie logique puisque ces deux dispositifs participent d’une même politique. Sur les montants en cause, il était nécessaire de porter le financement à 200 millions d’euros car, au 30 juin 2007, plus de 95 millions d’euros, sur une dotation initiale de 115 millions d’euros, étaient dépensés.

– l’allocation équivalent retraite est bien assimilable, dans les faits, à une forme de préretraite.

La Commission a examiné l’amendement présenté par le Rapporteur spécial au cours de son intervention liminaire. Son auteur a indiqué qu’il s’agissait d’un amendement à forte portée symbolique déposé conjointement par les trois Rapporteurs spéciaux compétents pour la mission Travail et emploi. Il propose de consacrer un millième des dépenses relatives aux contrats aidés à l’évaluation de leur impact. Un tel amendement s’intègre parfaitement dans le contexte actuel de la révision générale des politiques publiques. À terme, il faudrait aboutir à un véritable organe d’évaluation capable de proposer une simplification et une réorganisation des aides existantes.

Le Président Didier Migaud a insisté sur l’extrême importance du travail d’évaluation à mener en matière de politique de l’emploi. Il faudra que les Rapporteurs spéciaux s’y investissent tout au long de l’année.

De ce point de vue, la majoration de crédits proposée par l’amendement est bienvenue. En revanche, la réduction de crédits portant sur le programme Accès et retour à l’emploi semble entrer en contradiction avec les difficultés d’exécution budgétaire que connaît ce programme en 2007, la meilleure preuve en étant le décret d’avance en cours de publication.

La Commission a adopté cet amendement à l’unanimité, le vote sur les crédits de la mission, pour lequel le Rapporteur spécial a émis un avis favorable, devant intervenir après l’examen des crédits du programme Accompagnement des mutations économiques, sociales et démographiques.

Article 52 : Fusion du dispositif de soutien à l’emploi des jeunes en entreprise (SEJE) avec le contrat initiative emploi

Suite aux échanges intervenus au cours de la discussion générale sur les crédits et suivant l’avis favorable du Rapporteur spécial, la Commission a adopté cet article sans modification.

Article 57 : Suppression de l’allocation équivalent retraite (AER)

Suite aux échanges intervenus au cours de la discussion générale sur les crédits et suivant l’avis favorable du Rapporteur spécial, la Commission a adopté cet article sans modification.

Article 59 : Contribution du Fonds unique de péréquation (FUP) au financement de l’allocation de fin de formation

Suite aux échanges intervenus au cours de la discussion générale sur les crédits, et suivant l’avis favorable du Rapporteur spécial, la Commission a adopté cet article sans modification.

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