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Commission des Finances, de l’économie générale et du Plan

Mardi 15 janvier 2008

Séance de 16 heures 15

Compte rendu n° 46

Présidence de M. Didier Migaud, Président

– Audition de M. Éric Woerth, ministre du Budget, des comptes publics et de la fonction publique, sur l’immobilier de l’État

Le Président Didier Migaud a accueilli M. Éric Woerth, ministre du Budget, des comptes publics et de la fonction publique, pour faire le point sur la politique immobilière de l'État, sujet emblématique de la commission des Finances. Cette politique a été profondément réformée après le rapport de M. Georges Tron au nom de la mission d'évaluation et de contrôle en juillet 2005.

L'année suivante, dans un rapport sur les suites données à ses préconisations, M. Georges Tron, devenu entre-temps président du conseil de l'immobilier de l'État, dressait un bilan en demi-teinte. Puis le rapport spécial de M. Yves Deniaud sur le projet de loi de finances pour 2008 a montré que la réforme de la gestion immobilière restait inachevée.

Certes, de nouveaux instruments ont été mis en place, à commencer par le service France Domaine, mais les ministres tendent encore à se comporter en quasi-propriétaires d'un patrimoine que pourtant ils connaissent mal. De surcroît, les indicateurs de coûts sont insuffisants et de qualité très inégale d'un ministère à l'autre, les orientations stratégiques n'apparaissent pas clairement, des décisions surprenantes sont prises, qui donnent au grand public une image fâcheuse. Enfin, si jusqu'ici, les efforts ont surtout porté sur les cessions, c'est la gestion qu'il faut aujourd’hui rénover. Il faut une volonté politique renouvelée.

Il faut saluer la volonté de dialogue du ministre qui, au cours de son audition en commission élargie, le 8 novembre dernier, avait souhaité prolonger les échanges sur ce sujet, et avait lui-même proposé le principe de cette audition.

La MEC consacrera trois matinées d'auditions à la gestion de l'immobilier de l'État. Le jeudi 24 janvier, deux tables rondes permettront, l'une à des représentants de l'État, l'autre à des représentants du secteur privé, de confronter leurs expériences. Les jeudis 31 janvier et 7 février, la MEC procédera à des auditions concernant plusieurs ministères emblématiques.

Outre les membres de la MEC, tous les députés intéressés sont invités à participer à ces travaux, les travaux de la MEC, toniques et approfondis, étant animés avec autant de dynamisme par les présidents Georges Tron et David Habib que par leurs prédécesseurs MM. Yves Deniaud et Augustin Bonrepaux.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, s’est réjoui de pouvoir débattre avec les membres de la commission des Finances des évolutions de la politique immobilière.

Après avoir salué le rôle moteur de la Commission dans la modernisation de cette politique, il a fait le vœu que cette collaboration étroite se poursuive, en cette période charnière de la politique immobilière.

Après avoir appris à connaître son patrimoine et à le céder, l’État doit dorénavant être capable de le gérer, dans l'optique d'un État propriétaire unique.

Il y a seulement trois ans, comme l’avait constaté M. Georges Tron, l'État était incapable d'atteindre les objectifs de cessions immobilières de 100 millions d’euros par an fixé par le Parlement, alors que de très nombreux immeubles étaient mal utilisés, mal entretenus, inutiles au service public. Or le résultat provisoire des cessions de l’année 2007 dépasse très largement l'objectif de 500 millions. Au 3 janvier 2008, le produit des cessions s'établissait à 808 millions, ce qui excède encore le produit de 2007 – 799 millions –, certes avec une opération exceptionnelle plus importante, avenue Kléber. Le résultat de la cession de la rue Monsieur – 142 millions – a dépassé toutes les estimations et toutes les espérances. Pour 2007, comme pour 2006, les résultats de cession sont excellents et la contribution au désendettement s'est établie autour de 15 %, en conformité avec le taux estimé dans la loi de finances initiale. L'intérêt financier de ces opérations pour l'État est donc établi.

Par ailleurs, il est maintenant possible de gérer ce patrimoine immobilier avec des outils adaptés : un tableau général des propriétés de l'État mis à jour et un droit domanial plus souple qui permet de vendre des immeubles occupés et donc de réaliser les opérations de relogement en trésorerie positive, comme le font tous les opérateurs immobiliers privés. Les procédures de cession sont efficaces, publiques et transparentes.

De même, les administrations planifient leurs besoins, à travers des schémas pluriannuels de stratégie immobilière – SPSI –, dans le respect des normes immobilières - notamment le ratio de 12 m2 par agent. Les premiers SPSI étant imparfaits, le ministre a demandé aux ministères de présenter une nouvelle version, plus ambitieuse et plus adaptée aux réformes de leur organisation et de leurs missions, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, la RGPP. Si une administration ne remplace pas un départ à la retraite sur deux, mutualise ses fonctions support et divise par deux le nombre de ses directions, elle a besoin de surfaces plus réduites. Il faut le quantifier, le planifier et accompagner le ministère dans cette réduction. Ce travail sera réalisé avec les ministères dans les semaines à venir, avec l'aide des équipes d'expertise de la RGPP et sous le contrôle du Conseil immobilier de l’État, le CIE.

L’on dispose d’une évaluation des biens, d’outils, de procédures, d’une planification. Le marché répond présent lorsque l’on fait appel à lui. Il faut poursuivre la professionnalisation de la fonction immobilière.

Pour ce qui est des nouveautés, il faut rappeler que, s’agissant des cessions, l'année 2008 allait être l'occasion de faire évoluer les procédures.

Tout d’abord, une clause d'intéressement aux plus-values ultérieures, rédigée par des spécialistes du secteur, notamment notariaux, permettra de garantir que l'État réalise bien la cession à la valeur de marché, puisqu'une telle clause dissuade le spéculateur, mais pas l'acquéreur prêt à payer le vrai prix. Ainsi, la mise en vente de l'immeuble de la rue Amelot, dont la première publicité a été publiée dans Le Figaro voici quelques jours, comporte une telle clause.

Par ailleurs, la location longue durée sera expérimentée en lieu et place de la cession définitive avec la cession de l'hôtel de Seignelay, un bâtiment historique affecté à Bercy et qui abritait le ministère des PME, rue de Lille. Il est en effet intéressant que des biens de ce type puissent revenir dans le patrimoine de l'État, à terme et après un bon entretien. Ce sera la meilleure réponse aux critiques de ceux qui pensent que la bonne gestion du patrimoine immobilier de l'État revient à dilapider les « bijoux de famille ». Il sera fait appel à une banque conseil afin d'étudier le bénéfice comparé d'une telle opération avec la cession définitive.

Autre nouveauté, l'utilisation du portage pour un bien ayant vocation à être utilisé durablement par l'État, comme y incitait l'amendement Marini adopté au Sénat en décembre dernier lors du débat sur la loi de finances pour 2008. La SOVAFIM, foncière publique, étudie la possibilité de réaliser un tel portage pour l'immeuble de l'avenue Bosquet, qui devrait être mis à disposition de l'Organisation internationale pour la francophonie, comme vient de le confirmer le Premier ministre par lettre, en lieu et place de la solution envisagée auparavant avenue de Ségur, critiquée à juste titre.

Il ne faut pas non plus son inscription dans les textes pour mettre en œuvre la procédure d'avis préalable du CIE, annoncée le 25 septembre dernier, afin de pouvoir prendre des décisions éclairées sur les opérations immobilières les plus importantes proposées par les administrations. En outre, cela amène France Domaine et les ministères concernés à venir expliquer leurs opérations devant les professionnels du CIE, ce qui a un grand intérêt pédagogique.

Cependant, les principales évolutions restent à venir et modifieront le rôle même des domaines. Comme il l’avait annoncé lors de son audition par le CIE, le ministre a proposé le passage définitif à l'État propriétaire, ce qui a été accepté par le conseil de modernisation des politiques publiques le 12 décembre dernier.

S'agissant du compte d’affectation spéciale – CAS – et du retour sur cessions, souvent mis en exergue comme le symptôme de l'éclatement entre des quasi-propriétaires, le ministre a rappelé qu’il avait déclaré lors de la réunion du CIE du 25 septembre dernier que cette règle de 85 % n'était pas inscrite dans le marbre.

Elle est tout d’abord moins favorable aux quasi-propriétaires qu'on ne le dit. S'agissant des produits de cession de plus de 2 millions, il n'existe aujourd'hui aucun « droit » des administrations à bénéficier d'un retour. Chaque dossier de remploi est étudié avec un œil critique, en vue de promouvoir un meilleur respect des orientations : le ratio de 12 m2 par agent, la réduction des surfaces. Il y a d'ailleurs un solde important sur le CAS, dû pour partie au décalage résultant des opérations de relogement, mais aussi au fait que des opérations de remploi ne consomment pas la totalité des produits de cession.

Ainsi, le relogement des douanes a coûté 45 % du produit de cession, ce qui est tout à fait dans la norme de la réalisation de ce type d'opérations pour des bureaux privés. Le gain pour les finances publiques est donc très supérieur à la contribution au désendettement
– environ 15 % – qui est affectée automatiquement. Tout produit non réemployé, provisoirement ou définitivement, est un apport en trésorerie, qui contribue de fait à réduire le besoin de financement de l'État. Le contribuable est donc gagnant dans ce dispositif, dans une proportion bien supérieure à 15 % des cessions.

Il convient cependant de tirer les conséquences du passage à l'État propriétaire et de conjuguer trois objectifs dans l'utilisation des produits de cession : inciter les administrations à réduire les surfaces et les coûts, en finançant le relogement quand elles permettent à l'État de réaliser une bonne opération, mieux mutualiser les produits immobiliers afin que des administrations ne soient plus logées dans des bâtiments trop grands quand d'autres restent locataires, contribuer à l'effort de désendettement.

Pour toutes ces raisons, le ministre a demandé à la Direction du budget et à France Domaine de modifier les règles d'intéressement. La contribution de 15 % doit être maintenue. Le montant du retour doit être abaissé, dans une proportion à définir. La marge nouvelle ainsi dégagée devra permettre de financer la mutualisation de ces produits.

S'agissant des prises à bail, les opérateurs immobiliers importants ont professionnalisé la négociation et la gestion des baux, comme c'est le cas de Poste Immo, qui gère ainsi 10 000 baux communaux de bureaux de poste. Il faudra suivre le même chemin, en commençant par les baux les plus importants en valeur.

A donc été proposée une procédure de négociation par France Domaine, après détermination d'un cahier des charges avec le futur occupant, ce qui présentera le double avantage d’améliorer le professionnalisme de la négociation, assis sur la connaissance du marché, et d’éviter la situation actuelle où les administrations négocient et ne font appel au Domaine que pour l'avis domanial, dont elles ne comprennent pas qu'il puisse être négatif, ce qui les pousse à demander des arbitrages dans l’urgence.

S'agissant de la meilleure gestion des immeubles occupés, un pas très important a été franchi avec la généralisation progressive des loyers budgétaires. Le ministre a d'ailleurs demandé au CIE, le 25 septembre dernier, de lui fournir une expertise sur plusieurs points pour affiner encore le dispositif, alors qu'il est en cours d'extension géographique. L'immobilier domanial a un coût : c'est du capital immobilisé et cela doit être bien entretenu, ce dont les administrations ont commencé à prendre conscience.

Le Conseil de modernisation des politiques publiques a annoncé la fin du régime juridique de l'affectation des immeubles domaniaux. Un décret en Conseil d'État est en préparation. Cependant, il ne suffit pas de modifier le support juridique pour dynamiser vraiment la gestion vis-à-vis des occupants. Il faut surtout adapter les outils pour qu'ils contribuent à une gestion plus dynamique. Les conventions d'occupation, conclues entre l'État propriétaire et les administrations occupantes, seront de véritables baux, qui préciseront les obligations des deux parties (en matière de loyer ou d'entretien). Trois modalités de gestion des relations avec les occupants sont étudiées, pour les inciter à une meilleure utilisation des bâtiments domaniaux.

Une administration qui accepte de réduire les surfaces occupées pourrait tout d’abord se voir garantir, pour une période déterminée, le maintien de sa dotation de fonctionnement antérieure. La différence entre l'ancien loyer budgétaire et le nouveau, plus faible, constitue une incitation. Les clauses du bail pourraient être adaptées en fonction des conditions d'occupation, notamment par le loyer ou par des clauses de pénalité, pour inciter à un départ à l'issue du bail. Les dotations budgétaires pourraient être ajustées, non plus en fonction des surfaces occupées, mais des surfaces nécessaires. La différence entre la ressource, en baisse, et le coût, inchangé, du loyer budgétaire lui fera assumer le coût de son choix d'inefficience immobilière.

S'agissant de l'entretien, les carences des quasi-propriétaires sont connues. Une bonne organisation de l'entretien lourd est indispensable, car elle est le corollaire des plus fortes contraintes que le propriétaire fera peser sur le locataire. Sur le plan technique, le ministre a déclaré attendre les conclusions du CIE sur deux sujets essentiels. Tout d’abord, quelle contribution de l'occupant est-elle nécessaire pour financer cette fonction d'entretien du propriétaire – cette question devient particulièrement importante dans le contexte du Grenelle de l'environnement, qui veut promouvoir un « État exemplaire » sur les bâtiments domaniaux. Ensuite, comment faut-il organiser les services techniques en charge de l'entretien, en lien avec le propriétaire. L'expérimentation en cours en Rhône-Alpes, que le ministre a souhaité relancer, devrait être éclairante.

Sur le plan budgétaire, comme le ministre l’a déclaré au Sénat en réponse à l’amendement Girod, il souhaite être éclairé sur ces éléments de contexte avant de décider la création d'un programme entretien, vraisemblablement sur le budget général.

Les cessions ont été une composante essentielle de la politique de dynamisation immobilière, mais elles n'en sont pas la seule. L'étape suivante, lancée aujourd'hui, et qui résulte très largement des observations de la commission des Finances, est une amélioration de la gestion du patrimoine utilisé et détenu par l'État, qui doit agir comme un propriétaire unique. Qu'il s'agisse des opérations en capital, de la gestion du parc domanial et des baux, de l'entretien, il convient de quitter le milieu du gué pour rejoindre le camp d’une gestion professionnelle, aussi semblable que possible à celle d'un propriétaire privé.

Ainsi seront atteints les objectifs, cohérents avec le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux : moins de surfaces, plus fonctionnelles, moins chères, mieux entretenues.

M. Yves Deniaud, après avoir approuvé le bilan dressé par le ministre, a rappelé qu’il restait beaucoup à faire, car les ministères continuent à se comporter en véritables propriétaires. Il a notamment regretté que France Domaine ait été, dans des exemples récents, sinon complètement oubliée, du moins uniquement consultée pour mémoire, et n’ait pu jouer le rôle actif qui aurait dû être le sien. Il est aujourd’hui impératif que France Domaine prenne toute sa place et que soit mise en œuvre une véritable gestion interministérielle de l’immobilier de l’État. Il a ainsi déploré que le ministère des Affaires étrangères vende le bâtiment de la rue Monsieur, notamment pour financer la rénovation du Quai-d’Orsay, alors que ces locaux auraient très bien pu abriter d’autres services de l’État.

Il a par ailleurs dénoncé l’absence d’échéancier précis des baux en cours ou à venir, ce qui empêche toute discussion sérieuse avec les bailleurs sur le renouvellement, la dénonciation ou la conclusion d’un bail.

Quant à l’entretien et la rénovation des locaux, les outils sont parcellaires et donnent des résultants décevants. Un rapport du Sénat soulignait ainsi, s’agissant de l’entretien et de la rénovation du ministère de la Culture, le non-respect des délais et des devis, toutes les opérations s’étant avérées au mois 25 % plus chères que prévu. Il en va de même pour le ministère de la Justice.

Si l’on peut saluer l’appel à la SOVAFIM, il convient de rappeler qu’existent, au sein même de la sphère publique, des outils intéressants, comme la Caisse des dépôts, dont les filiales seraient parfaitement capables de fournir à l’État toutes les compétences nécessaires pour mener à bien les opérations de rénovation ou d’entretien.

Il en a conclu que France Domaine devait acquérir une dimension interministérielle et une autorité sur l’ensemble des services immobiliers des ministères.

M. Georges Tron, trois ans après avoir dénoncé les carences de l’État en matière de gestion immobilière dans un rapport établi au nom de la MEC, a souhaité donner son avis sur la manière dont les choses avaient évolué.

Il a tout d’abord remercié à titre personnel le ministre qui, animé d’une véritable volonté de réforme, s’est régulièrement tenu à la disposition de la commission des Finances ou du CIE.

Pour autant, la tâche est immense. Les ministères considèrent en effet leur immobilier comme emblématique de leur pouvoir, au même titre que le nombre de leurs fonctionnaires, d’où des réactions parfois virulentes, voire des attaques à titre personnel, mais il est déterminé à ne pas fléchir.

Après avoir salué les propositions du ministre, il a tenu à attirer son attention sur certains points.

M. le ministre peut-il confirmer l’avancée en 2008 de la date du recensement du patrimoine des opérateurs publics, légèrement supérieur à celui de l’État, la date initialement prévue de 2009 paraissant trop lointaine ? Où en est ce recensement ?

On peut aussi émettre des doutes sur la réforme de France Domaine. Alors que France Domaine aurait dû disposer d’une certaine autonomie et être érigée en service à compétence nationale, elle a été transférée de la Direction générale des impôts, DGI, vers la Direction générale de la comptabilité publique, DGCP. Or cette opération de mécanique interne ne s’est pas déroulée dans les meilleures conditions pour les agents. Combien d’entre eux ont-ils souhaité rester affectés à la DGI ? Quels sont ceux aujourd’hui affectés à la DGCP ? Quels sont les taux de retour ? Enfin qu’en est-il de l’état d’esprit des fonctionnaires ? Les retours venant de la Province n’incitent en effet pas à l’optimisme.

Le rapport de la MEC, concernant France Domaine, préconisait une ouverture vers des contractuels. Alors que le prédécesseur du ministre avait indiqué qu’une quarantaine de contrats pourraient être réservés à des compétences issues du secteur privé, rien n’a été fait, le principe de l’externalisation de certaines tâches ayant été avancé en guise de justification. Qu’en est-il aujourd’hui?

Par ailleurs, alors que le ministre semble reconnaître à France Domaine une fonction de pilotage, on a, au contraire, le sentiment que l’on reste dans la logique d’un bureau des domaines, c'est-à-dire d’un service qui se contente d’une activité notariale ou quasi notariale. Il reste convaincu que l’idée d’un France Domaine rénové, sorte de bras séculier de la politique générale, telle qu’évoquée dans le rapport de la MEC, devrait être reprise.

S’agissant des indicateurs de coût, il est évident qu’ils sont insuffisants aujourd’hui. Un des membres du CIE ne manque d’ailleurs jamais une occasion de rappeler qu’aucune réforme de cette ampleur ne peut être mise en place sans critères sur lesquels se caler pour pouvoir avancer.

Notamment au regard du critère des 12 m2 par agent, et des dossiers actuellement en cours, il est nécessaire de faire une révolution culturelle dans certains services. Ainsi, le ministère de la Culture, qui a mis douze ans pour s’installer rue des Bons-Enfants sans réaliser les huit opérations de cession nécessaires – le portage pendant ces douze années s’est élevé à 70 millions d’euros pour l’État –, désire aujourd’hui acquérir des locaux au-dessus du Louvre des antiquaires au prétexte que les ratios d’installation sur l’immeuble de la rue des Bons-Enfants ne correspondent pas à ce qui était souhaité ! Idem pour le ministère de l’Immigration, dont l’installation en plein cœur du VIIème arrondissement de Paris mérite toute l’attention du CIE. Quelle est la position du ministre sur ces dossiers emblématiques ?

Il faut féliciter le ministère du Budget d’avoir repris l’idée de remettre en cause la règle du retour de 85 % des produits des cessions, qui avait pourtant fait l’objet de nombreuses critiques lorsqu’elle avait été émise. La mutualisation de ces 85 % va dans le bon sens. On ne peut affirmer d’un côté l’État propriétaire unique et maintenir la règle des 85 % de l’autre.

Quant aux schémas pluriannuels de stratégie immobilière – SPSI – ils doivent également être soumis à une révolution culturelle. Jusqu’à présent, ils ont été purement diagnostiques, jamais prospectifs. Aucun de ceux qui ont été remis en mai 2005 n’a permis de dégager une ligne directrice en matière de conduite immobilière. Il avait été prévu d’en faire une synthèse : si ce document a été réalisé, est-il possible d’en avoir communication ?

Enfin le recours au portage, notamment par la SOVAFIM – qui est aujourd'hui sous-utilisée –, est tout à fait opportun.

Lors de son audition par le CIE le 25 septembre 2007, le ministre a souhaité que cette instance rende un avis avant le lancement de toute opération immobilière importante. Le CIE en est d’accord et a fait parvenir à son cabinet un projet de texte réglementaire. Il n’a pas encore reçu de réponse et souhaiterait savoir ce qu’il en est. S’il est prêt à s’acquitter de cette mission, il faut aussi qu’il en ait les moyens. L’exemple du bâtiment de l’Imprimerie nationale démontre que l’on peut se trouver court-circuité.

Si l’on était animé d’intentions plus belliqueuses qu’il ne convient, on pourrait rendre public un échange de lettres avec le ministre des Affaires étrangères au sujet de cette opération. Le comportement des hauts fonctionnaires de ce ministère devant le CIE a été proprement stupéfiant. C’est ainsi qu’au cours d’une audition d’une heure et quart, il n’a été fait aucune allusion à l’opération d’acquisition du bâtiment de l’Imprimerie nationale alors même que celle-ci était en train d’être conclue ! Pour comble, le ministre des Affaires étrangères assume et défend cette position dans une lettre.

Le CIE est assurément disposé à prendre toutes ses responsabilités. Cependant, pour pouvoir rendre un avis, il faut qu’il ait accès aux informations. Il n’est pas acceptable que tout lui soit dissimulé par tel ou tel haut fonctionnaire sur une opération de cession.

Il est heureux que, sous l’impulsion du ministre, la situation évolue de façon positive. Les blocages auxquels le Gouvernement et le Parlement se heurtent sont d’ordre culturel. Sur un sujet aussi emblématique, l’important est d’obtenir que l’État soit soumis à une gestion patrimoniale digne de ce nom. Malgré les progrès accomplis, on en est encore loin.

Le Président Didier Migaud a remarqué lui aussi que le souci de bonne gestion ne peut trouver sa traduction que si les hauts fonctionnaires respectent un devoir de transparence à l’égard du Parlement. Les comportements évoqués par M. Georges Tron doivent être dénoncés.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, après avoir souscrit aux propos de M. Georges Tron, s’est demandé si, pour éviter de tels problèmes, il ne faudrait pas à l’avenir renforcer France Domaine et en faire, comme l’a suggéré M. Yves Deniaud un véritable service interministériel, sachant toutefois qu’une telle transformation présenterait un risque de dilution des responsabilités. Est-ce une voie possible, ou est-il préférable de laisser à Bercy la responsabilité de cette politique ?

Par ailleurs, si l’élaboration du tableau général des propriétés de l’État a progressé depuis trois ans, il n’en va pas de même, semble-t-il, pour les propriétés des opérateurs de l’État, notamment dans le domaine de la culture. Où en est-on dans ce domaine ? Quels pouvoirs pourrait-on conférer aux ministères de tutelle, voire à une instance interministérielle, pour faire avancer les choses ?

Qu’en est-il de l’immobilier de l’État en province ? Quels sont les relais dont dispose le ministère du Budget pour y traduire la volonté affirmée par le pouvoir central ? Ce sujet ne peut être dissocié de la réflexion engagée dans le cadre de la révision générale des politiques publiques et des regroupements des directions des services extérieurs de l’État au niveau de la région ou du département.

Pour le Président Didier Migaud, le patrimoine du ministère de la Défense constitue également un sujet considérable.

M. Dominique Baert a relevé que, lorsque l’État vend des éléments patrimoniaux dont certains ont une importance historique et géographique certaine, la liberté du commerce s’applique : de ce point de vue, l’argent n’a pas d’odeur. Quelles garanties l’État peut-il avoir sur l’origine de fonds lorsqu’il accepte de vendre un actif patrimonial à des acheteurs dont l’origine n’est pas toujours bien connue ? Comment s’assurer de la moralité de ceux qui, demain, détiendront une partie du patrimoine national ?

Par ailleurs, quelle est la devise dans laquelle le patrimoine national est mis à prix ?

Enfin, quelles sont les dispositions que l’État a prises en matière de méthodes de mise à prix et de cession des bâtiments que la révision de la carte judiciaire rendra soudainement vacants ?

M. Éric Woerth a apporté les réponses suivantes :

– Si tous s’accordent sur la nécessité de disposer d’un opérateur puissant, sans doute n’est-il pas utile de s’interroger dès aujourd'hui sur l’évolution de France Domaine. Il est préférable de concentrer l’action sur les procédures. Après que le décret établissant l’État propriétaire unique aura été signé, il conviendra de le faire vivre et d’aller contre la culture ancienne des ministères, qui considèrent ce patrimoine comme le leur. Il faudra donc s’attacher aux procédures : ratios, retours, prises à bail, locations de longue durée, etc. France Domaine a déjà évolué sensiblement et remplit plutôt bien le rôle qui lui est dévolu, à savoir les cessions. Cette structure n’est sans doute pas encore taillée pour mener une politique d’ensemble et elle sera amenée à évoluer encore.

– Dès lors que l’État est propriétaire unique et que des baux sont signés avec chaque ministère et chaque utilisateur public, France Domaine doit rester placé auprès du ministère en charge du budget, qui a compétence pour ce qui a trait aux moyens et aux ressources ; la question de l’évolution de sa forme juridique ne se posera qu’après.

– Les chiffres précis des personnels de France Domaine qui sont restés à la DGI et de ceux qui sont partis à la compatibilité publique seront communiqués à la commission des Finances. Il est vrai que peu de recrutements ont été opérés dans le privé – en tout cas pas les quarante annoncés –, mais chaque opération de France Domaine s’est accompagnée d’un recours à une expertise privée. Sans doute convient-il de recruter quelques personnes à France Domaine pour piloter cette externalisation, sachant qu’il est difficile de rivaliser avec les salaires du privé pour s’attirer les meilleurs éléments. La liste de tous les opérateurs auxquels France Domaine a eu recours a été communiquée à la commission des Finances. Il est entendu que cet organisme deviendra le bras séculier de l’État en matière de politique immobilière, mais les procédures doivent être définies au préalable.

– La question des opérateurs n’est pas propre à l’immobilier : elle se pose aussi pour les embauches, les budgets, etc. Il a été demandé d’accélérer, dans ce domaine, l’élaboration du tableau des propriétés de l’État, dans le but de gagner un an et demi sur la date prévue initialement. Le Gouvernement propose à la Commission de faire le point sur l’état d’avancement de ces travaux à mi-parcours, en juin 2008.

– Parmi les opérations qui présentent le plus de difficultés actuellement, on compte un bon nombre de prises à bail. Dans la sphère de la culture, la direction de la musique et de la danse du ministère souhaiterait s’installer au Louvre ; d’autres bâtiments, plus adaptés au contexte, lui ont été proposés ; après des moments de tension, un accord semble pouvoir être obtenu. L’établissement public du Louvre souhaiterait pour sa part supprimer les Algeco qui abritent des services administratifs pour créer le musée des arts islamiques ; il a demandé lui aussi à disposer de bureaux très coûteux au Louvre des antiquaires pour reloger ses services ; le ministère du Budget a refusé et l’a invité à plaider sa cause devant le Conseil de l’immobilier de l’État, ce qui n’a pas manqué de le refroidir… Toujours est-il que des pressions risquent de s’exercer, eu égard au projet d’accueillir de nouvelles collections, que personne ne saurait contester. Il est à noter que d’autres locaux ont été proposés mais que les services du Louvre ne sont pas allés les visiter.

– Le ministère de l’Immigration est, lui aussi, à la recherche de mètres carrés et aimerait s’étendre dans des bureaux en construction juste à côté de son bâtiment principal, dans le VIIè arrondissement, ce qui serait contraire aux principes que le Gouvernement s’emploie à faire respecter. Au demeurant, la mission d’évaluation et de contrôle auditionnera prochainement M. Patrick Stéfanini, secrétaire général du ministère de l’Immigration. Le ministère du Budget a, pour sa part, trouvé trois ou quatre lieux possibles d’implantation.

– Il a été demandé au ministère de l’Intérieur d’autofinancer l’opération d’extension de ses services en diminuant les surfaces occupées sur le site de la place Beauvau. La discussion est en cours.

– En ce qui concerne le site de l’avenue de Ségur, dont une partie est vide, il convient tout d’abord que le ministère de l’Écologie, du développement et de l’aménagement durables clarifie le projet de concentration de son immobilier à La Défense. De son côté, l’Organisation internationale de la francophonie avait adapté son cahier des charges à la superficie disponible – onze mille mètres carrés – avenue de Ségur. Après que l’on a réussi à la faire renoncer à ce projet, un accord se dessine pour qu’elle reprenne l’immeuble de l’Office des grandes cultures, propriété de l’office aux deux tiers et de l’État à un tiers, pour une surface de huit mille mètres carrés et moyennant des travaux beaucoup moins coûteux.

M. Georges Tron a souligné que pratiquement aucune de ces opérations n’a été évoquée lorsque le CIE a entendu, en novembre et décembre 2006, les hauts fonctionnaires responsables des SPSI, et que beaucoup d’entre elles sont même en contradiction avec ce qui avait été indiqué. Au cours de l’audition de la secrétaire générale du ministère de l’Intérieur, par exemple, le projet de restructuration qui a été présenté n’a aucun rapport avec les nouvelles prétentions mentionnées par le ministre. Il en est de même pour le ministère de l’Immigration. Quant au ministère de la Culture, il s’est contenté d’exposer la vente des six ou sept immeubles qui devait justifier l’opération de la rue des Bons-Enfants. C’est toujours le même réflexe d’occultation.

En outre, selon le rapport de l’inspection des finances remis par M. Philippe Dumas sur l’opération du bâtiment de l’Imprimerie nationale, le ministère des Affaires étrangères envisagerait aujourd'hui l’acquisition ou la construction de locaux complémentaires, ceux de la rue de la Convention étant insuffisants et ne permettant pas, en particulier, d’abriter une salle de conférences internationales. Si cette information est vérifiée, c’est un second chapitre du scandale qui s’ouvrirait.

M. le ministre a répondu qu’il n’a pas connaissance d’opérations du ministère des affaires étrangères pour trouver une salle de conférences ailleurs que rue de la Convention, où les locaux ont été pensés pour remplir cette fonction. Il s’agit donc d’une rumeur infondée.

M. Yves Deniaud s’est dit convaincu que le ministère des Affaires étrangères a eu cette intention, malgré ses démentis.

M. le ministre a précisé qu’aucun projet n’a été présenté officiellement. Cependant il faut reconnaître que les ministères ont certainement une propension à la dissimulation dans ces domaines. D’où l’importance des auditions menées par le CIE, dont l’autorité devra être renforcée, et de l’action de France Domaine.

Reprenant ses réponses aux questions, le ministre a apporté les éléments suivants :

– La règle des 85 % sera en effet amenée à évoluer.

– Les SPSI ne sont pas satisfaisants et il a été demandé qu’ils soient réactualisés en mai prochain sur la base de critères fixés conjointement et en intégrant l’immobilier de province.

– S’agissant des textes régissant le CIE, il appartiendra au Premier ministre de trancher. Une circulaire ou un décret définira le cadre de son travail.

– En province, la fusion de la direction générale des impôts – DGI – et de la comptabilité publique – CP –, tout comme la réforme de la carte judiciaire, aboutira à des restructurations immobilières qu’il appartiendra aux responsables concernés de mener. En matière judiciaire, on n’en est pas encore à ce stade. Dans le cadre de la fusion DGI-CP, certains hôtels des impôts regroupent déjà les différents services, mais le processus prendra plusieurs années.

– La question des garanties que l’État peut avoir sur la qualité de l’acheteur de l’immobilier public et sur l’origine des fonds est sans doute suscitée par l’opération de la rue Monsieur. En l’occurrence, le Gouvernement a pris toutes les informations possibles. L’opérateur est une société russe – ce qui ne doit pas systématiquement attirer les soupçons ! – adossée au grand groupe américain Hines. Si le Gouvernement n’avait pas vendu à cette société au terme de l’appel d’offres, il aurait fallu qu’il justifie pourquoi il refusait une offre de 40 millions supérieure à l’offre suivante. Or ni TRACFIN ni aucun autre service ministériel de renseignement n’a pu affirmer que l’origine de ces fonds était suspecte.

– La devise dans laquelle les ventes sont effectuées est l’euro.

Le Président Didier Migaud a remercié le ministre pour ses réponses. La commission des Finances poursuivra le travail dans le cadre de la MEC et il y aura un nouveau rendez-vous avant l’été au sujet des propriétés des opérateurs de l’État.

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