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Commission des Finances, de l’économie générale et du Plan

Mercredi 6 février 2008

Séance de 11 heures

Compte rendu n° 58

Présidence de M. Didier Migaud, Président

– Audition, ouverte à la presse, de représentants de l’Union sociale pour l’Habitat, sur la distribution du Livret A et le financement du logement social

Le Président Didier Migaud a accueilli les représentants de l’Union sociale pour l’habitat, que la Commission a souhaité entendre à propos de la réforme du Livret A. L’Union sociale pour l’habitat est évidemment au cœur de la problématique du logement social. Elle est intéressée au plus haut point à ce que le circuit du financement du logement social ne soit pas déstabilisé par la réforme qui pourrait intervenir.

Mme Dominique Dujols a rappelé que la Commission européenne avait décidé de remettre en cause le monopole de la distribution du Livret A et que le Gouvernement français avait déposé un recours. L’USH appuie cette démarche et a été admise à intervenir en qualité de tiers intéressé auprès de la Cour de justice des communautés européennes.

Quel que soit le sort de ce recours, il faut savoir que la Commission n’exige pas, dans sa décision, la banalisation pure et simple ; elle affirme au contraire que la mise en cause du monopole actuel n’était pas incompatible avec le maintien d’un système lié à des missions d’intérêt général, que ce soit l’accessibilité bancaire ou le financement du logement social.

Le Président de la République, de son côté, dans son discours de Vandoeuvre-les-Nancy, a déclaré qu’il ne voyait pas d’inconvénient à l’élargissement de la distribution à d’autres réseaux, mais sous trois conditions relatives à la sécurité de la collecte, au coût de la ressource pour le financement du logement et à la non déstabilisation des acteurs actuels de cette collecte.

Au début de la mission de M. Camdessus, l’USH a fait connaître qu’elle n’était pas fermée à toute réforme permettant d’améliorer le financement du logement social pour le rendre encore moins coûteux et plus souple, à condition qu’il conserve ses garanties de pérennité et de non discrimination. Elle avait fait savoir à M. Camdessus ce qu’était pour elle un système « moderne » qui concilie, en toute sécurité pour les locataires, une ressource abondante et stable, des prêts à très long terme et à taux avantageux dans la durée, une non discrimination selon les opérations et les territoires, et des garanties peu coûteuses et accessibles à tous les organismes. C’est sur cette base qu’elle a analysé le rapport de M. Camdessus.

Plusieurs points sont jugés positifs : la volonté affichée de maintenir le lien entre le Livret A et le financement du logement social à travers des prêts non discriminatoires entre les territoires ; le souci de diminuer le coût de la ressource pour faciliter l’équilibre des opérations et permettre des loyers les plus bas possible ; l’affectation prioritaire des économies, qui pourraient être réalisées, au financement des opérations.

En revanche l’USH est en désaccord avec plusieurs points essentiels.

Le premier est le fait que le rapport n’a examiné qu’une solution possible à la situation actuelle : la généralisation immédiate et sans condition garantissant la collecte et la centralisation. Le rapport repose sur une analyse contestable de la situation – qu’il dramatise un peu – selon laquelle le système actuel de financement est archaïque, à bout de souffle ; les fonds d’épargne seraient au bord de l’asphyxie et les opérations HLM gravement déséquilibrées. Tout cela sans procéder à une analyse et à une description complète et claire de l’ensemble du système de financement du logement social. Or ce système mérite d’être décrit, dans la mesure où il a traversé de nombreuses crises sans jamais connaître de sinistres.

La situation actuelle des marchés financiers devrait mettre en valeur la modernité d’un système qui, certes, peut être adapté, mais mérite un examen un peu plus approfondi.

L’USH considère que ce système est l’un des meilleurs d’Europe, du point de vue de l’efficacité et de la contribution minimale des fonds publics. Certes, il repose sur des subventions qui pèsent sur la collectivité, mais il y a aussi trois quarts de prêts, ce qui n’existe pas dans les exemples mis en avant par le rapport Camdessus : le Royaume Uni recourt à pratiquement 50 % de subventions ; le système allemand est assez largement banalisé, mais les Landesbanken, qui doivent tout de même prendre le relais du financement, sont en difficulté, ce dispositif ne permettant de toutes façons du logement social que sur moins de dix ans en moyenne, puisqu’il n’y a plus d’acteurs spécialisés.

Les fonds d’épargne sont confrontés à une difficulté temporaire, à venir, mais l’UHS considère que l’on dramatise un peu en ce domaine. Il en est de même des opérations HLM. On ne voit pas de faillite à prévoir, mais un pic à passer pour la durée du plan de cohésion. Certes, il existe une petite tension, mais des remèdes sont proposés par le rapport et il en existe d’autres comme l’allongement de l’exonération compensée de la TFPB, la hausse de la subvention de l’État, qui pourrait être symétrique de la baisse opérée en 2004 pour cause de diminution de rémunération du Livret A, etc. Ces mesures ne porteraient pas forcément sur une durée très longue.

Le rapport repose à l’inverse sur une vision exagérément optimiste de l’efficacité de la réforme proposée, ce qui fait qu’il ne prévoit pas de garanties pour sa pérennité. Il considère qu’on peut, sans aucun dommage pour la collecte, diminuer fortement la rémunération non seulement des distributeurs, mais aussi celle du Livret A sans référence aux produits concurrents.

Il propose de supprimer tout rôle d’accessibilité bancaire au Livret A dans des conditions qui paraissent dangereuses pour les ménages concernés, lesquels risquent de ne plus pouvoir épargner du tout. L’UHS considère qu’une période transitoire de cinq ans ou de deux ans ne peut être fixée d’emblée pour ce secteur.

Ce rapport ne prévoit pas de garantie de collecte, malgré un risque de perte d’attractivité du produit pour les épargnants et les banques, ne prenant en compte que le risque de « sur-collecte ». Il concentre l’intéressement des réseaux sur une décentralisation partielle. En faisant cela, il ouvre une brèche qui ne pourra que s’élargir ; il suffit de se reporter à l’exemple de l’ex Codevi.

Les équilibres du nouveau système ne sont pas sécurisés. On sort d’un système cohérent pour entrer dans un nouveau système dont on voit que les lignes de fuite ne sont pas fermées. Il modifie en outre la gestion des fonds d’épargne en portant atteinte au statut protecteur de la Caisse des dépôts, et en supprimant le lien habituel, ce qu’on appelle la liaison, entre les prêts aidés de la Caisse des dépôts et les aides fiscales, sans en mesurer les conséquences sur l’activité de la Caisse.

Ces éléments positifs et négatifs ont inspiré à l’USH des propositions, une sorte de « quatrième voie ».

Il s’agit de reprendre et de compléter les points positifs du rapport. Un vrai cahier des charges conditionnerait l’ouverture éventuelle de la distribution. Il porterait non seulement sur l’accessibilité, mais aussi sur les garanties de la collecte. La collecte du Livret A resterait centralisée à 100 %, sans fusion avec le Livret du développement durable. Toutefois il ne faut pas écarter le risque de cannibalisation avancé par M. Camdessus, qui est d’ailleurs un bon argument pour le recours du Gouvernement. Il serait préférable de ne pas toucher au principe de la centralisation à 100 %, tout en installant un filet de sécurité : le total centralisé par chaque distributeur, Livret A plus LDD, ne pourrait descendre en dessous de 70 % du total des collectes des deux livrets ; ce qui permettrait d’éviter la tentation d’orienter prioritairement l’épargne sur le LDD. Cela constituerait un tronc commun minimal du cahier des charges, qui pourrait être fixé dans la loi et complété ensuite en fonction des caractéristiques des réseaux candidats.

Le taux de commissionnement de 0,4 % est peut-être très élevé pour certains réseaux totalement dématérialisés, sans guichets, mais il n’est pas réaliste pour les réseaux qui conserveront les petits livrets. Il est donc proposé que ce taux soit fixé par contrat avec chaque réseau, peut-être dans une fourchette établie au niveau national, et prenne en compte des engagements réalistes ainsi que les particularités des différents réseaux et des clientèles.

Cette ouverture pourrait également être opérée de façon progressive, avec un plafond pour les nouveaux livrets ouverts par les nouveaux réseaux, qui pourrait croître sur plusieurs années, afin d’éviter un transfert massif initial des « gros livrets » et accoutumer les nouveaux réseaux à s’intéresser aux plus petits.

Le passage du Livret A comme support d’accessibilité bancaire vers le droit au compte pourrait se faire également progressivement, en veillant à ce que le droit à l’épargne des personnes les plus fragiles soit préservé, en examinant les conséquences d’un maintien de coûts à la charge de certains réseaux, et en faisant en sorte qu’ils ne soient pas entièrement répercutés sur le coût de la ressource. Cependant un petit peu de transparence sur ces coûts réels est indispensable.

S’agissant de la gestion des fonds d’épargne et des prêts au logement social, l’USH pense que les fonds d’épargne peuvent faire l’objet d’un mandat de gestion, à la définition et à la mise en œuvre duquel elle souhaiterait être associée. En revanche elle ne voit pas la nécessité d’un établissement public, dont la création poserait d’ailleurs sans doute des problèmes d’eurocompatibilité.

M. Camdessus a eu une bonne idée d’habiliter la Caisse des dépôts, lorsque les taux sont bas, à emprunter sur les marchés obligataires, mais en complément et pas en substitution des autres ressources. Des marges de manœuvre peuvent être données aux Fonds d’épargne pour développer les innovations financières dans les modalités de prêt aux organismes de logement social, par exemple en prêtant pour un volume d’activité et non par opération. Il suffit d’aller un peu plus loin dans cette direction, ce qui est en cours de discussion.

L’USH ne souhaite pas la déliaison. Actuellement, la liaison laisse 49 % aux autres banques, qui n’ont jamais utilisé à plein cette possibilité parce que l’offre n’est pas sur les mêmes durées, dans les mêmes conditions, ni aux mêmes organismes, ni sur les mêmes opérations. Elle souhaite que la Caisse des dépôts ait une visibilité dans son activité et ne devienne pas la banque des pauvres HLM. En échange, elle voudrait que ce lien avec la Caisse des dépôts reste symétrique, la Caisse des dépôts consacrant les fonds de l’épargne, en tout cas ceux placés sur le Livret A, au financement du logement social et des opérateurs spécialisés. Elle ne veut pas mettre la Caisse en concurrence, au-delà de la possibilité actuelle de recours au marché, ni être mise en concurrence avec d’autres acteurs sur ces financements.

Le LDD et le LEP peuvent éventuellement être appelés en renfort pour le financement du logement social.

La rémunération du Livret A ferait l’objet de garanties de transparence et de juste rémunération. On voit bien qu’une formule mathématique n’épuise pas la réalité de la vie courante et que l’intervention du politique n’est pas choquante à condition qu’elle soit faite ouvertement.

L’USH propose sur ce point, et sur l’ensemble, une conférence annuelle qui réunirait les pouvoirs publics et toutes les parties prenantes du logement social, de son financement et de l’épargne populaire, sans oublier, bien sûr, la Banque de France et le Trésor. Elle pourrait donner des indications en fonction des besoins du logement social sur ces différents paramètres.

Mme Dominique Dujols a conclu en rappelant que l’USH avait signé avec l’ensemble des associations d’élus et de nombreux autres partenaires une déclaration commune selon laquelle il ne convient pas de réformer le Livret A dans la précipitation, alors même que la comptabilité analytique n’est pas en place et ne permet pas de juger de l’exactitude des coûts.

Du côté de la Commission européenne, il est possible de négocier, à partir du moment où l’on dit qu’on est ouvert à une évolution, une mise en conformité passant par la recherche sereine du meilleur système. Cela permet de mener les études d’impact qui sont absolument nécessaires.

En cas de précipitation, on risque d’ouvrir la distribution sans prévoir de garanties, de s’apercevoir qu’on ne peut pas abaisser le coût de la collecte parce qu’il y a des adhérences importantes du côté de l’accessibilité bancaire, ou en raison de la nécessité de maintenir le réseau de guichets des distributeurs actuels, etc. On risque donc d’avoir une mise en œuvre dégradée, dans laquelle le coût final ne serait pas réduit, une mise en péril de la ressource par une moindre centralisation et, surtout, une centralisation soumise à des discussions permanentes puisque les éléments objectifs pour sa fixation manqueraient.

L’USH souhaite donc que ce travail puisse avoir lieu de manière approfondie et dans le cadre d’un débat public que la commission a entamé, mais qui ne saurait s’achever trop vite.

M. Michel Bouvard, après avoir remercié Mme Dujols pour sa contribution, a posé une question préalable. Dans le problème actuel de la construction et de l’insuffisance de construction de logements pour tous, quelle est la part du financement ? Le problème du financement est-il le principal handicap ? Y a-t-il d’abord d’autres problèmes ?

M. Jean-Marie Binétruy s’est interrogé sur l’incidence de l’augmentation de la rémunération du Livret A sur les prêts contractés par les offices pour le logement HLM. À la suite des contacts qu’il a eus avec certains offices d’HLM, on lui a indiqué que 0,5 point d’augmentation aboutirait à 10 000 euros de coût supplémentaire par logement, compte tenu des frais financiers. Peut-on confirmer ce chiffre ?

Compte tenu de cette augmentation, les collectivités locales sont de plus en plus sollicitées pour intervenir dans le logement social. Quelle peut-être la part de fonds propres qui peut être raisonnablement financée par les offices pour arriver à une production de logements intéressante ?

M. François Scellier s’est dit tout à fait d’accord avec l’affirmation selon laquelle il ne fallait pas réformer les fondements du financement du logement social dans la précipitation. Il a déjà soulevé le problème voici deux ans devant la commission des Finances, en remarquant qu’il convenait d’anticiper des évolutions qui apparaissaient inéluctables. Il avait alors fait l’unanimité contre lui.

Il adhère à la méthode proposée, mais il a remarqué que l’on reste bloqué sur un financement du logement social assuré quasi exclusivement par le Livret A. Ne pourrait-on pas adopter d’autres modalités et ouvrir le financement en utilisant d’autres moyens ? Ne pourrait-on pas utiliser, à titre subsidiaire, les fonds des assurances vie ?

M. Jean-Pierre Balligand a remarqué que l’intérêt de l’argumentaire de l’USH est qu’elle entre dans le rapport Camdessus sans le rejeter entièrement.

Il est bon de faire des comparaisons avec les dispositifs existants. Comment cela fonctionne-t-il en Angleterre ? Le système bancaire fonctionne sur le court terme. Quelle est la part de subvention de l’État ? Si on fonctionne selon un autre système, il faudra bien, à un moment donné, le compenser.

Mme Dominique Dujols a apporté les réponses suivantes :

– De toute évidence, le Livret A n’est pas la première cause des difficultés rencontrées en matière de construction. Si, sur le plan politique, la volonté de construire s’est affermie ces dernières années, elle était en retrait précédemment en raison d’une analyse erronée des besoins démographiques. Par ailleurs, annoncer la construction de 500 000 logements est une chose : encore faut-il dire où et lesquels !

Les problèmes rencontrés tiennent à la fois à la disponibilité des terrains et aux entreprises, soit que leurs coûts sont trop élevés, soit que des appels d’offres restent sans réponse. On peut aussi mentionner, comme M. Michel Bouvard, des blocages de la part de certains organismes, mais le fait d’avoir doublé la production en deux ou trois ans démontre que le processus est enclenché. Lorsqu’ils n’étaient pas sollicités pour construire, les organismes d’HLM ont reconstitué des fonds propres qui se révèlent aujourd'hui très utiles et qui sont effectivement dépensés, même s’il reste quelques organismes à convaincre. Les résultats sont là, notamment en Île-de-France où les inquiétudes étaient les plus grandes.

– Un problème se posera si les financements issus du Livret A diminuent en même temps que la subvention de l’État. Celle-ci n’a pas varié en valeur – non plus que la ressource du 1 % – depuis la mise en place du plan de cohésion sociale, alors que l’indice du coût de la construction a augmenté de 19 % dans le même temps. Les tensions que cela provoque sont compensées par les fonds propres et par les collectivités locales. La situation ne devrait toutefois pas perdurer trop longtemps.

– S’agissant de la contribution de l’assurance vie, il faut relever que les sociétés immobilières d’investissement – SII – ont longtemps fonctionné avec l’obligation d’asseoir l’assurance vie sur l’immobilier, sans qu’il s’agisse pour autant de logement HLM. Si l’idée soulevée par M. François Scellier est excellente, les règles prudentielles des assurances ne les orientent plus guère vers l’immobilier. En tout état de cause, l’USH reste très attachée à la centralisation par la Caisse des dépôts.

– L’USH prépare une étude chiffrée comparant les dispositifs de logement social en France et dans deux ou trois autres pays. L’Observatoire européen du logement social a pour sa part analysé les systèmes des vingt-sept pays de l’Union. Il résulte de son étude qu’il n’existe pas de modèle européen du logement social et que le système français, critiqué dans le rapport Camdessus, est dans une position médiane entre les systèmes « universels » offrant beaucoup de logement social locatif et les systèmes qui en offrent très peu. On observe également que plus le logement social est confié au marché, plus la part de la subvention augmente. Le système britannique se révèle ainsi extrêmement coûteux : la subvention s’y élève à près de 50 % et les loyers des plus démunis sont payés à 100 % par l’aide sociale ; en raison de la pénurie, la ville de Londres a été obligée d’adopter une règle de 50 % d’opérations en logement social. En termes de contraintes et de coûts, les Britanniques seraient très étonnés d’être cités en exemple !

– On reproche souvent aux organismes d’HLM leur immobilisme, mais il faut avoir conscience que l’on est dans un secteur où les emprunts sont souvent remboursés sur soixante ans et où accorder une garantie pour une durée de deux ans ne présente aucun intérêt. Le système, plus « pétrolier géant » que « goélette », est calé sur des fondamentaux. Cette lourdeur immobilière peut se traduire par une moindre réactivité, mais elle présente aussi des avantages : aujourd'hui, des personnes faisant valoir le droit opposable au logement à Paris sont logées dans des immeubles construits en 1912.

M. François Scellier s’est étonné que la généralisation de la distribution du Livret A n’ait été envisagée jusqu’à présent que sous l’angle du financement du logement social. Aujourd'hui, une personne qui souhaite ouvrir un Livret A doit le faire auprès d’un établissement – la Banque postale ou la Caisse d’épargne – qui n’est pas forcément celui où elle a son compte. C’est une contrainte forte.

Rien ne justifie que l’on ne bénéficie pas de ce dispositif d’épargne avantageux si l’on choisit un autre réseau bancaire. Cet aspect de la question intéresse aussi la commission des Finances.

M. Jean-Pierre Balligand a convenu que cet argument plaide en faveur de la banalisation de la distribution. Il n’en reste pas moins que 45 millions de personnes détiennent déjà un Livret A. Le véritable risque est celui du siphonage des sommes versées. Il n’y a pas lieu de s’indigner que des personnes fortunées disposent, avec le Livret A, d’une épargne liquide : si tel n’était pas le cas, l’investissement de long terme dans le logement social serait impossible. Le danger de la banalisation est, d’une part, que le financement des HLM « pauvres » revienne à la Caisse des dépôts et celui des HLM prospères au circuit bancaire
– ce qui ferait imploser le système très mutualisé qui résulte de la centralisation par la Caisse des dépôts –, d’autre part, que les banques orientent l’argent collecté sur les livrets A vers des produits de substitution. Du reste, la Banque postale et les Caisses d’épargne le font déjà.

M. Michel Bouvard a remarqué que, s’agissant des immeubles où la rotation des locataires est très faible, la mobilisation pour dégager des ressources en fonds propres n’est pas perceptible. En outre, certains organismes privilégient la construction à fin de vente et non à fin de location. Dans les zones rurales, on marque peu d’enthousiasme pour les petites opérations en secteur diffus, alors que les besoins existent.

Mme Dominique Dujols a reconnu qu’il y a un pic à passer, mais elle a récusé l’idée, soutenue dans le rapport de M. Camdessus, d’un déficit structurel – le terme de « faillite » a même été employé – justifiant un bouleversement du système.

M. Claude Taffin, directeur des études économiques et financières de l’Union sociale pour l’habitat, a tout d’abord estimé que l’impact de la hausse de la rémunération du Livret A de 0,5 % se traduirait par un coût supplémentaire d’un peu plus de 6 000 euros par logement moyen, soit 5 % du coût de chaque opération.

L’USH ne partage pas la vision pessimiste de M. Camdessus, tant du point de vue microéconomique que du point de vue macroéconomique.

Sur le plan microéconomique, toute opération, par principe, doit être équilibrée pour recevoir l’agrément des services de l’État. Toutefois, le recours à la péréquation, c'est-à-dire à des capacités financières dégagées par des opérations amorties, permet de compenser le déficit de telle ou telle opération. Les apports de fonds propres peuvent aussi jouer ce rôle.

Il est difficile d’établir la part des collectivités locales et des fonds propres dans le financement car il n’existe pas d’opération moyenne.

À titre d’exemple, dans une opération PLUS – prêt locatif à usage social –, avec un prix de revient de l’ordre de 110 000 euros pour un logement moyen, la part des fonds propres des organismes est de l’ordre de 10 %, tout comme la participation des collectivités locales. Les disparités peuvent cependant être considérables d’une collectivité à l’autre. Pour certaines d’entre elles, la participation a pu être multipliée par quatre ou cinq en quelques années. L’USH a d’ailleurs été amenée à s’intéresser d’un peu plus près à la façon dont les opérations sont financées localement et elle a mis en lumière de grandes différences tant dans les coûts du foncier et les coûts de construction que dans les conditions de financement.

M. Jean-Marie Binetruy a demandé si, dans l’exemple pris par M. Taffin, le chiffre de 10 % est calculé sur le coût total de l’opération, y compris les coûts fonciers qui ont été effectivement à la charge de l’organisme. Il existe en effet des subventions implicites, comme la mise à disposition du foncier à un prix inférieur à celui du marché.

M. Claude Taffin a estimé qu’une telle démarche pourrait être comptabilisée dans une évaluation des aides, mais pas dans le chiffrage qu’il a proposé en exemple.

L’USH est en désaccord avec M. Camdessus lorsque celui-ci affirme brutalement que les opérations sont systématiquement déséquilibrées et lorsqu’il se réfère à une opération où n’entrerait en jeu que la subvention de l’État, sans intervention ni du 1 %, ni des collectivités locales, ni des organismes : voilà plusieurs années que cela ne se pratique plus.

M. Michel Bouvard a alors demandé si une telle opération ne pouvait pas être envisagée après l’adoption de la réforme préconisée par M. Camdessus.

M. Claude Taffin a calculé que l’abaissement de la marge d’intermédiation de 0,80 à 0,40 % et le gain de 0,25 % issu du changement de la formule d’indice permettraient de gagner 0,65 %, soit environ 8 000 euros, ce qui représente aussi 40 % de la part des collectivités locales et 40 % de celle des organismes d’HLM.

Le Président Didier Migaud a objecté que la logique de M. Camdessus est d’accroître le financement, et non de réduire forcément la part des différents intervenants.

M. Michel Bouvard a affirmé qu’il ne s’agissait là que de tirer les conclusions du modèle construit par M. Camdessus. Or l’on voit bien que l’on ne peut se passer du financement des collectivités, ce qui révèle la fragilité du raisonnement.

M. Claude Taffin a poursuivi son intervention en évoquant les aspects macroéconomiques de la question. Les collectivités locales et les organismes d’HLM peuvent-ils répondre aux exigences de construction résultant du plan de cohésion sociale et de la loi DALO ? En 2008 et 2009, les besoins seront considérables et continueront de mobiliser des fonds propres, d’autant que les préconisations de M. Camdessus ne fourniraient leur plein effet qu’à l’issue d’une période transitoire de deux ans pour l’un des réseaux et de cinq ans pour l’autre. D’après les simulations qui ont été effectuées pour déterminer si le mouvement HLM avait les moyens de financer les constructions prévues, il apparaît qu’il y aura en effet un cap difficile à franchir en 2009-2010, mais que si la production s’étale sur six ans plutôt que cinq, les difficultés devraient être surmontées.

Mme Dominique Dujols a indiqué que certains organismes d’HLM sont spécialisés dans l’accession sociale à la propriété et que la volonté politique actuelle pousse à produire davantage dans ce secteur. Un bon équilibre doit néanmoins être maintenu avec la production locative.

Les remarques de M. Michel Bouvard sur le monde rural sont justes.

M. Michel Bouvard a précisé que les petites opérations ont mauvaise réputation, au motif qu’elles mobilisent beaucoup de moyens humains pour peu de chose. Il en va de même pour les opérations de réhabilitation de l’ancien.

Mme Dominique Dujols a reconnu que ces tâches ne font pas partie des métiers de base des organismes d’HLM. Lorsque ceux-ci ont construit en milieu rural à la demande des maires, comme c’était la mode à une époque, il y a eu des expériences malheureuses et ils se sont alors trop retirés de ce secteur. Or certaines zones rurales ont aujourd'hui une démographie dynamique et connaissent des conflits d’usage – dus par exemple à l’activité touristique – qui entraînent un manque de logements locatifs accessibles et de qualité pour les jeunes. La déclaration signée par l’ensemble des associations d’élus ruraux s’apparente aussi à une demande à l’égard des organismes d’HLM.

Plus globalement, c’est un problème de perspective d’aménagement du territoire qui se pose. Où construire les 500 000 ou 600 000 nouveaux logements ? L’USH a commencé à discuter avec l’Association des régions de France et avec les autres associations d’élus. Il n’en reste pas moins que les cartes qui ont été dressées pour déterminer l’évolution des besoins démographiques font apparaître des données désagréables pour les organismes d’HLM et pour les élus de certaines régions. L’USH est tout à fait disposée à travailler avec la représentation nationale et les associations d’élus sur ces sujets, mais il faut aussi que l’État, via le ministère du logement, continue de prendre en compte cette dimension.

M. Scellier a raison de vouloir que les épargnants aient la possibilité d’ouvrir un Livret A dans tous les établissements. En revanche, le rapport de M. Camdessus préconise un durcissement de l’emploi de ce livret, notamment en ce qui concerne les dépôts en numéraire et les opérations de guichet, qui risque de défavoriser les personnes les plus fragiles et de ne plus leur permettre d’épargner.

Le Président Didier Migaud a remercié Mme Dujols et M. Taffin pour leurs réponses.

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